UNfUERSITE DE LH SORBONNE NOUUELLE PRRIS III JERNEJ KOPITAR ET LES DEBUTS DE LA SLAVISTIQUE EUROPEENNE THESE pour le doctorat (Arrêté du 23 Novembre 1988) Présentée par : Mme GROBELNIK, ép. BERNARD Antonia sous la direction de : Monsieur le Professeur Michel CADOT 1992 VOL, * UNIUERSITE DE LR SORBONNE NOUUELLE PARIS III JERNEJ KOPITAR ET LES DEBUTS DE LA SLAVISTIQUE EUROPEENNE THESE pour le doctorat (Arrêté du 23 Novembre 1988) Présentée par : Mme GROBELNIK, ép. BERNARD Antonia sous la direction de : Monsieur le Professeur Michel CADOT A la mémoire de mes parents Je tiens à exprimer ma gratitude à Monsieur le Processeur Michel CADOT qui a accepté de prendre cette thèse sous sa direction. Ses conseils,ses remarques, ses orientations m' ont été très précieux. Par ailleurs je remercie Monsieur Miroslav BPEUER, bibliothécaire à l'Institut des Etudes Slaves, ainsi que Monsieur Dejan BOGDANOVIČ, de la biblothèque de l'INALCO, pour leur disponibilité et leur genti1lesse.L'érudition linguistique de mes amis Giselle LEVEQUE, Nicole T0URE1LLE, Jean AMSLER, Louis de BALMANN et des collègues du Lycée Henri IV m'ont permis de triompher de bien des difficultés. Enfin je n'oublie pas Madame Dubois qui a assuré la dactylographie de ce texte compliqué et mon mari et mes filles Qui ont supporté avec patience mes longues absences. 4 INTRODUCTION Il est, dans l'histoire des civilisations, des époques-clé, des moments où, après avoir traversé des étendues tranquilles, des certitudes établies, les hommes se retrouvent comme à un carrefour où il leur est indispensable de mesurer le chemin parcouru, de chercher de nouvelles valeurs, de découvrir des directives de pensée qui leur permettent de poursuivre leur chemin avec un nouvel élan. Des bouleversements, préparés sans doute depuis longtemps mais cachés sous une apparente stabilité, se font jour et transforment des données qui semblaient pourtant immuables. Ce sont des époques de vie intense, d'activité fébrile, de recherches enthousiastes. La Renaissance, le Protestantisme, l'avènement des sciences furent de telles époques pour les civilisations occidentales. Pour les peuples slaves, un de ces moments d'une 5 richesse immense se situe sans aucun doute à la fin du 18ème et au début du 19ème siècle. Ces peuples découvrent alors leur unité et leur diversité, retrouvent leurs identités nationales et la beauté de leurs langues. Ils commencent à s'intéresser à leur passé et s’efforcent d'élaborer des directives pour leur avenir. Il n'est pas étonnant que la slavistique soit née .justement au milieu de ces boulevers/ements politiques, économiques, littéraires et spirituels. En fait, elle est l'écho des aspirations nouvelles et le reflet des courants qui traversent l’Europe toute entière. Les premiers slavistes rencontrèrent les difficultés auxquelles sont toujours confrontés des pionniers: guidés par leur enthousiasme, ils avancent en se fiant à de rares données déjà étudiées, mais surtout à leur intuition, à leur imagination, mus par le désir de connaître et de faire connaître. Ils agissent malgré les moyens dérisoires dont ils disposent, essayant de remplacer le manque de structures par l’entr'aide et des efforts constants de coordination. Le recours au mécennat, avec ses avantages et ses inconvénients, est une pratique courante de cette époque de despotisme éclairé. D’autres slavistes s'adonnent à leur science en plus de leur métier qu’ils pratiquent pour gagner leur pain. Šafarik résume, en une phrase, ces problèmes, en disant: "La slavistique, c’est la misère. " 6 On considère en général JOSEF DOBRDVSKY comme fondateur de la slavistique, car il fut le premier à entreprendre l'étude du passé des Slaves, de l'évolution de leurs langues. Se servant des méthodes de recherche élaborées surtout par les orientalistes allemands, aidé par un intérêt nouveau porté aux "peuples jeunes" de l'Est Européen, il réussit, par son activité aux aspects multiples, à poser des fondements solides à la nouvelle science. Il serait pourtant inexact de dire que Dobrc-vsky fut seul: au contraire , il fut précédé, aidé, entouré, encouragé et suivi par toute une pleiade d'hommes dont le mérite n'a rien à envier au sien. Parmi les contemporains et disciples de Dobrovsky, on cite en général JERNEJ KOPITAR. Des slavistes russes, allemands, polonais, serbes, italiens évoquent souvent son nom, sans d'ailleurs le situer toujours de façon certaine. -Car ce conservateur de la Bibliothèque Impériale de Vienne connaissait, de près ou de loin, tous ceux qui, de son temps, s'occupaient tant soit peu des problèmes slaves. Il initia Jacob Brimm aux langues slaves, conseilla Linde au moment de l'élaboration de son dictionnaire polonais, introduisit Kuharski dans les milieux des Slaves du Sud, présenta les peuples slaves de l'Autriche à Marcel de Serres. Le Russe Vostokov s'en inspira pour ses Feuilies Bibliographiques. l'Anglais Bowring et l'Italien Appendini trouvèrent en lui un intermédiaire et un connaisseur hors 7 pair. Pourtant, dès le début, c’est un personnage controversé, qualifié tantôt de généreux, tantôt d'avare, d’esprit ouvert ou de nationaliste au sens le plus étroit du terme. -Il est tantôt accusé de cléricalisme catholique, tantôt loué pour son esprit oecuménique. Silvestre de Sacy voit en lui un "grand savant slavoniste" et "ami des Slaves", tandis que Hanka, son ancien disciple, le qualifie haineusement de "Mé-phisto slave". En un mot, peu de philologues eurent droit à des appréciations aussi contradictoires. Mais on commettrait une grave erreur en attribuant ces contradictions au seul caractère de Kopitar. Il faut invoquer les raisons bien plus sérieuses et plus profondes, déterminées par le lieu d’activité de ce savant et par l’époque. Issu d'une famille de paysans Slovènes, influencé d’abord par le cercle cosmopolite de ZOIS, il vécut et travailla à Vienne. Ce n’est pas seulement la capitale de 0^ -bu, l’Empire hétéroclite des Habsbourg, endwM^B—puissants à l’époque, mais c’est le lieu de rencontre entre l’Est et l’Ouest, entre la culture de l’Europe et ces pays encore si peu connus, si exotiques, de l’Est et des Balkans. L’Université de Vienne, les cafés de la capitale, sont le point de rencontre de tout ce que les diverses branches slaves de l’Empire possèdent comme forces intellectuelles. Slaves et Germains s’y côtoient, rusant 8 contre la mime police secrète, élaborant des plans pleins de fougue où perce déjà le souffle du romantisme et de révolte contre les tyrans. Politiquement, Vienne apparaît à son apogée au moment du Congrès: c'est là que se réunissent les grands pour décider (pour combien de temps encore?) du sort des peuples. De grands bouleversements furent provoqués à cette époque par les guerres contre Napoléon dont la chute s'accompagne de la montée dans le ciel européen d'une nouvelle étoile _ Alexandre I-eret de la puissance russe, insoupçonnée jusque là. liais si la Russie retrouve son image glorieuse face à 1'Europe; nombre de peuples slaves retrouvent tout simplement leur propre image, leur identité. Il n'est pas étonnant que, dans la plupart de ces pays, cette époque soit connue sous le nom de "renaissance slave". En effet, elle porte toutes les caractéristiques d'une véritable renaissance, d'un intérêt qui favorise le renouveau, lpi foi en 1 ' , ta, dtA. fUA- l "homo slavi eus" encouragée par—l-ee--oeu-v-res - des- pense+t-rs -ro-m^ntiguBs (al lemands comme Herder^. On redécouvre l'unité perdue, mythique, on recherche fébrilement des textes anciens, ces monuments qui permettent de redécouvrir l'ancêtre commun des langues slaves. Devant ces savants slavistes qui possèdent en même temps l'avidité de tout çpnnaître, propre aux hommes des Lumières et déjà vre un immense champ d’investigation. té de tout connaître, ^propre V/AA. 64 l’ardeur Ipeîa . Etant donné que l'intérêt pour l'histoire de la slavistique ne cesse de croître et du fait que cette discipline nécessite une collaboration étroite entre tous les chercheurs, non seulement de l'Europe mais de notre planète entière, une définition claire et acceptée par tous devient une nécessité. Aussi les membres de la "Commission pour l'histoire de la slavistique" auprès du Comité international des slavistes s'efforcent-il s de répondre à ce voeu unanime. Parmi les essais plus ou moins réussis, plus ou moins restrictifs que chacun entend donner au terme de slavistique, c'est- la définition de Mylnikov qui nous paraît le mieux répondre à cette recherche d'une définition globale, capable de satisfaire des cher cheurs t qu' i ls soient russes*-ou américains, bulgares ou .japonais, qu’ils aient comme spécialité la littérature, la mythologie, l'histoire, etc... "Nous considérons la slavistique comme un complexe de disciplines scientifiques qui s'occupent de la vie publique des peuples slaves et étudient leur langue, leur culture et leur histoire et également tout l'ensemble de leurs relations réciproques avec d’autres peuples, considérées dans leur développement historique" (14). Et Mylnikov précise sa pen- sée: "au fond de la notion de slavistique existe l'idée de l'unité historique, culturelle et linguistique des Slaves, comprise dans son déve1oppement historique". (15). Ainsi cette définition prend en compte l'unité aussi bien historique, culturelle et linguistique qui donne naissance à la slavistique en tant que science entre la fin du IBème et le début du 19ème siècle. Si le slaviste soviétique fixe les frontières de cette science de façon assez large, suivant en cela Jagic, il n'oublie pas d'ajouter qu'elle comprend également l'étude des relations avec d'autres peuples non-slaves, vus sous un angle non pas statique, mais dynamique,, Car il est nécessaire par exemple de prendre en compte le fait que la notion de l'unité slave a subi des modifications considérables depuis l'époque des premiers slavistes. Or, cette unité se trouve à la base de leurs efforts conjugués, elle représente le rêve qui renv'plit d'enthousiasme maint slaviste du 19ème siècle. Mais combien de fois ne s'est-elle pas, depuis cette époque, transformée en cauchemar? Combien de fois le frère, surtout s'il est grand, ne s'est-il pas mué en ennemi? Notes :Définition 1 ) "Kein Slavist unter deij\ Beamten" .F.Kidrič :Zoispva korespondenca ( désormais : Ki dr i c : Z o i s > I, Ljubljana 193e? , p. 129, Kop.^ Zois ,29/1809 2) "Und dem Slavismus... Ehre zu machen".ibid.II,p.151,Zois à Erberg,19/9/1910. 3) "oorec s 1 av i st " . V . 3 aa i c : Neue B r i e f e v on Dobrovsky-.kocita r und anderen Süd - und Nes t s I aven,Ber 1in-Saint Petersbourg 1897(désormais :J a gic :Neue B. ),p.2 71,Primic à Kop.,13/11/1810. 9 ) i bid . ,p.753. 5 ) B. SiriiH : McTom-ia cnaBUHCKoft ftnno.normi . Cbhkt- HeTepSypr 1 91 o ( désor ma i s Strun : Hctodhs ? . 6 ) B. A. Opanuee : FtoJiLCKoe cjiasaHOBe jeune. llpara 1 906 „ 7) En allemand ou en russe le terme "phi1 o 1ogie"garde son sens étymologique,c'est à dire beacoup plus large qu'en français. 8) "C;iaEflHCKa3 omio.iornu b o6iunpHOM 2HaieKnn atoro cjiosa oC'HiiMaeT ayxoBHyio îkiuhl c.naeanaaix HapoaoB, ksk ohb orpasaeTca b hx autiKe i! nHCbMCHKiix naMSTHHKax.E npoH3BeaeHusrx .aiiTeparypHiix to ûTaejitHUx jiHHHOCTefl, to obiuefï cmioiï npuciCHapoanoro TfcopHecTea, HaKOHeu b BepoEaniiax, npeaaHHax n nfiiinaas. B stom oCtëMe CJiaBaHuKaa njio/iùrn'î npeJciaBJiaei CJio&HUfl opranusM pasjiHHHHX npe/îMeroB, cnJiOMeHHiix b opno ne.ioe. " Sh'iiM: McTopvis, p . 1 9 > 1 (J tcx nop HHC.no npepneroB. ssoassuHX b coctse c.naBSHCKOfi «frmicuiormi nocToaHHO pacTüT, " i b i d . p . S . 10)"Slavistics: slavonic research; slav linguistic studies." 1 1 ) "SI awi st i k : Wi ssenschaf t von der/ slawischen Sprachen, Literaturen und Kulturen". 12) " C/iaBSHOB©aeHwe, c-naBiiCTiiKa: Hayxa o C.iaEHH3>:, oGtePï!H?îyiuaq pap HayHHiix zmomin/niH, iiayHatoubi-ix sshk, o.atnJiop, 3THorpawo, SKOHOMHky, HCKyCCTBO 11 pë-HIirilKl B npOlUJIOM II HaCTOHUieM, naMSTHHKÜ MaTepuaatHoU u ayxoBHon KyjibTypu ÜJiaB9H" . 2? 13>"S1awistik,s1awische Philologie: die phi1 o logische Porschung im Bereich der slaw.Sprachen und Literaturen.A1 s ihre wissenschaf t.Begründer gelten J.Dobrovski, J.Kopitar und A . Vostokov." 14) "Mn paccMaTptiBaeM cjiaTHCTHKy( c.iaESHOEeaeKiie) ksk komiijiskc HayHHtix flHeunnjiHH, oamiMatoiiuixcs oôutecTBeHHOft kushlio c.i3b.<îhckhx Hapo-aoB h HccjienyKjiuHX nx S3UK, KyjiiTypy h ncropmo.a Tasse HCTOpIIHeCKH paOBHBafOtii.VIOCS CMCTÔMy HS BaailMOOTHOUieHHfi c •apyniMH HapoüâMM" .A .G . Mmihhkob CranoB^eHne cJiasHCTHKii sas npea.Mera HecziezioBâHiia" . Zei tschr i f t fur Slawistik, 1988,E7 , p.El. 15) "B ocHoee noHSTiis cjisbhcthku ziexciiT ucTopunecKas, K Vjil t ypnas h ssHKûBas oCusHOCTt CjiaBan, noH3Taa b ee hctûphhôckûm P82BHTHH" . Mes;jVHapojHiifl CBe3zi cziaTMCTOB, L jub 1 jana 1 978 , p . 37, Essai de périodisation La slavistique, qui fait partie de l’histoire culturelle non seulement de l’Europe mais de l’humanité dans son ensemble, est une discipline d’une extrême complexité. Aussi, afin de pouvoir aborder son étude dans de meilleures conditions, de nombreuses tentatives de classement, de division et de périodisation furent-elles faites. On peut s'attacher par exemple à une étude thématique, séparer les problèmes de mythologie, de religion, de langue, de philologie, etc... Cela revient à peu près au même résultat que lorsqu'on étudie le corps humain en séparant les os des muscles, le sang du système nerveux,etc..., c'est-à-dire que la méthode n'est praticable q u e s u r u n c o r p s m o r t. D'autres spécialistes proposent de diviser l'ensemble en slavistique dans les pays slaves et non-slaves Cl). Cette division peut à première vue paraître .justifiée, car dans le premier cas on étudie sa propre langue et culture, et dans le deuxième on a une vue extérieure des choses. Seulement, clans la réalité, les choses sont bien moins simples. Lorsque, par exemple, Schlozer publie les Chroniques de Nestor, il apporte à l'Europe Occidentale la connaissance d'un passé slave que celle-ci ignorait en grande partie. Mais en même temps, il révèle aux Russes eux-mêmes l'importance historique et culturelle de ces textes. Dobrovsky et Kopitar écrivent toutes leurs oeuvres en latin ou en allemand: doivent-ils pour autant 'être considérés comme non-Slaves? Et de nos jours, lorsqu'une monumenta1 e littérature russe et soviétique paraît à Paris [-2.) , écrite en partie par les spécialistes venus de Russie où ils n'avaient pas pu s'exprimer et que l'on s'apprête à traduire ce même ouvrage en russe pour un public soviétique qui l'attendait depuis 50 ans, peut-on qualifier cette oeuvre de non -s 1 ave'? N.I. Tolstoï voit une autre possibilité d'approche dans la dualité "Slavia latina - Slavia orthodoxa" (3!). Nous verrons que pour l'époque qui nous intéresse, cette division n'est pas sans intérêt, qu'elle? correspond parfaitement à deux forces antagonistes et trace une invisible frontière entre les Peuples slaves. Mais il serait évidemment dangereux d'en exa-gérer la portée. Quant à voir une slavistique socialiste et une sla-vistique capitaliste (4), même si l'on peut affirmer que la première correspond à une approche marxiste et la seconde à une vision bourgeoise, cette séparation nous paraît aujourd'hui quelque peu périmée <5). Jagi/, en historien, adopte l'ordre chronologique et suit cet ordre depuis les premiers renseignements sur les Slaves chez les historiens grecs et latins et poursuit le récit de façon linéaire jusqu'à son époque, tout en précisant qu'un changement se produit vers la fin du ISème siècleife) Il nous paraît important d'insister sur le développement continu de cette science, ce qui ne signifie nullement qu'il soit impossible d'en fixer les étapes significatives. -Mais il convient surtout de ne pas oublier que cette division correspond non pas à la réalité du phénomène lui-même, mais plutôt aux besoins d'étude. Les géologues ou les historiens °nt depuis longtemps pris l'habitude des époques qui s'opposent ou se suivent. Ainsi, la fin du cambrien se situe à 570 raillions d'années. Plus près de nous, le Moyen-Age est généralement limité par la chute de l’Empire romain et la prise de Constantinople, c'est-à-dire deux dates très précises. Et que dire de la littérature française, débitée en siècles et vue sinsi par tous les écoliers?" Une fois admise cette idée cl'un certain arbitraire, Dn peut proposer la séparation de l'histoire de la slavistique en trois grandes étapes: 1) étape des oeuvres sporadiques ou préhistoire 1Myl- n i 1: o v ), 2) étape de l’élaboration de la slavistique en tant Ç'-'e science) 3) étape contemporaine qui consacre la pleine autono-raie de cette science. La première étape se situe grosso modo entre la première mission de Cyrille et Méthode en Moravie et les oeuvres de Dobrovsky au début du 19ème siècle et plus particulièrement la parution du Slavin (1806), première publication slaviste, et Institutiones (1822). Le rôle des deux apôtres est d’une importance culturelle considérable car, en apportant aux populations slaves une nouvelle religion monothéiste qui va les arracher peu à peu aux croyances mythologiques, ils leur donnent une langue écrite qui restera pendant des siècles la base? de leur culture spirituelle. La Bible et les écrits bibliques seront le noyau autour duquel se développera la civisilation de tous les peuples slaves. Il faut évidemment préciser que cette date a en même temps un côté arbitraire, car certains Slaves furent christianisés avant la venue des deux apôtres ‘par exemple les Slovènes) et d'autres reçurent la religion chrétienne par des voies différentes et plus tard (Pologne, Russie). Cette première étape, extrêmement vaste, englobe des faits historiques très importants pour les peuples slaves: le schisme entre Rome et Byzance, le joug tartare, l'arrivée des Turcs et- des Magyars, Kossovo et Montagne Blanche, les parta-Çies de la Pologne, etc... Des personnalités extraordinaires ont joué un rôle de première importance pendant ce laps de temps: Nestor, Charles IV, 3, Hus, Stefan Dušan, Luther, Ni-^on, Križanič, Orbini, Pierre le Grand, etc... Leur activité en faveur des peuples slaves, voulue ou due au hasard, faitd'édX des figures-clé qui jalonnent le passé de ces peuples. Mais leurs efforts restent isolés, sans liens et sans bases véritables, ils restent des ilôts dans le vaste océan. Ils viennent S’appeler, à des époques différentes, l'idée de la culture et de l'unité des Slaves, ils permettent à ces idées de traverser les siècles tumultueux d'invasions, de luttes fratricides, de séparations et de déclin spirituel. Mais c'est seulement pendant la seconde étape que, grâce aux courants nouveaux et multiples, le monde slave devient un objet d'étude sous tous ses aspects, dans son unité Gt sa diversité. Il n'est pas étonnant que Dobrovsky et ses contemporains s'attachent avec tant d'ardeur à l'étude de Cyrille et Méthode qui sont pour eux les témoins privilégiés de cette unité slave originelle et les initiateurs de leur cultu-re* De là découle l'adoration de Kopitar pour le vieux slave, la langue des deux apôtres. Cette deuxième étape, qui recouvre en gros le 19ème siècle, est d'une importance capitale, aussi bien par la multiplicité des liens avec les courants de pensée qui traversent l'Europe, par l'influence qu'elle exerce sur les destinées P'-'litiques de plusieurs nations slaves, par les progrès considérables accomplis dans tous les domaines. L'étude de la slavité, de tout ce qui, dans le passé et dans le présent, au niveau régional, national ou beaucoup plus général, peut être considéré comme caractéristique particulière, deviendra l'objet d'attention des grands slavistes de cette époque, pu'il s'ag^SS^de Dobrovsky, de Safarik, de Vostokov, de ^odjanski ou de Miklošič. Au cours de cette période, partout; Pans tous les pays slaves, si petits soient-i15^urgissent des hommes qui prennent part, chacun selon ses moyens, ses convictions et ses connaissances, à l'effort commun de se connaître et de se faire connaître. C'est pendant cette époque P'-te, peu à peu et grâce aux efforts multiples, la slavistique deviendra une discipline indépendante et reconnue comme telle, n°n seulement dans les pays slaves, mais dans les autres pays du monde. Comme Herder qui se propose d'étudier "la physionomie et l'histoire naturelle de l'humanité", de même ces premiers savants slavistes étudient la physionomie et l’histoire naturelle des peuples slaves, découvrent des écrits du passé comme les naturalistes découvrent les fossiles, les comparent, les classent, forment des systèmes et établissent des hypothèses. Un peu partout, on inaugure des chaires consacrées aux études slaves, on publie des ouvrages savants et de vulgarisation, on fouille dans les bibliothèques et les monastères, on réforme les langues et les alphabets, et on P'-tblie des dictionnaires, des grammaires, des mythologies et des livres d'histoire qui resteront pendant longtemps la base même de la slavistique. C'est pendant cette étape que sont élaborées les méthodes et établis les projets d'investigation. C'est un moment d'une intense collaboration «aussi bien entre les nations qu'entre les individus. Car l'institutionalisation de cette science se fait lentement, difficilement, par à coup. Ces premiers slavistes sont des savants qui n'ont pas de statut de savant. La pauvreté, le dénuement même, aussi bien quant à l'argent qu'aux ouvrages nécessaires à leurs recherches, sont leur lot commun. Ils dépendent de mécènes comme Dobrovsky, ils sont obligés d'avoir un métier comme Safarik, de mendier des subventions auprès des divers organismes comme Karadzic. Malgré toutes ces difficultés, les résultats s'accumulent, les portes s'ouvrent et l’étude ainsi commencée peut se poursuivre sous des auspices plus favorables. Après ces débuts pénibles et enthousiastes à la fois, la troisième et dernière étape peut suivre le chemin tracé, apporter des améliorations et des diversifications. Il nous paraît délicat de fixer une date précise qui met fin à l'étape précédente et inaugure la période contemporaine de la slavistique. Mais force est de reconnaître qu'un changement se produit à la fin du siècle dernier qui donne une orientation nou- \ I I I 1 Slanisrh/r Ktc/ilu/iy.s-r'turm ' I I Ostfnink Jtiičh uJiflr.lt/ilim urn MIO. I l TjyrnntrrnxrheM Karti um 000 j IM ! 1Buigarinrach um 800 j 1 >—Buiflaj-errrarfi unlrr ZarSim/tm 8i):i-.u?7- »- Mlihrtv Slawmunter frank.Struilsu Jitri'hmhohfit Irmikisiiir | stissums - PnflSthrhc \untn-Jtrzantrmsch/ | n chut m Islam. Kroberunyrn n J 'K, Tii.S'jW^] a c? Fayard, Pari s 1983-1991 3 ) H. H. YoJîCToft : Hctqphs h ctpvktvpb c.^ibeshckhx ^HTeparypHiix S3hko , Moctea 1 986 ( désor ma i s : Tojicroft : Hctüpiih ) , p . 138 A ) Merojti. c . 58 5)11 serait intéressant d'étudier l'utilisation de l'idéologie et des textes de Lenine et de Staline dans cette slavistique marxiste". 6 ) SrnH : Hctoph« . c . 10 7)11 est toujours difficile d'être trop affirmatif dans ce domaine.Ainsi L.Léger ou E.Denis "uti1isaient“leur slavistique contre l'Allemagne. CHAP.III Les origines de la science slave C'est Kopitar qui, le premier, qualifia Dobrovsky de patriarche des slavistes Cl). Depuis, personne n'a jamais essayé de lui contester cette place, car d'une part elle est due au rayonnement extraordinaire que l'abbé tchèque exerça sur ses contemporains et d’autre part cette réputation est •justifiée par l'approche nouvelle et approfondie de la problématique. Et pourtant, il serait difficile de croire que l’oeuvre du savant vénéré apparaît brusquement et comme ex nihilo. Les raisons de ce surgissement sont multiples et complexes; il faut les chercher non seulement parmi les prédécesseurs directs et en Bohême, mais bien dans les courants de pensée qui traversent l’Europe entière. Pour employer une image, on pourrait dire que Dobrovsky ressemble à une source qui. jaillit en pays bohème mais dont l'origine cachée et souterraine est diffuse, parfois lointaine et toujours variée. La qualité des roches, la configuration du terrain, la perméabilité des couches terrestres, la quantité des précipitations et les conditions climatiques générales sont les facteurs déterminants de ce jaillissement. ün a tendance à lier l'activité du savant abbé à la seule renaissance tchèque, sans être d’ailleurs toujours d’accord sur l’origine de celle-ci: certains historiens (comme par exemple Masaryk) voyant dans ce renouveau observé dans tous les domaines un prolongement des efforts efficaces et durables des frères Moraves qui se serait réactivé grâce à la promulgation de l’Edit de Tolérance (2). Cette idée n'est sans doute pas dénuée de fondement; pourtant, il faut reconnaître que ce renouveau existe simultanément dans d'autres pays slaves qui n'avaient aucun lien avec le hussisme ni avec les frères Moraves. D'autres voient dans la renaissance slave une conséquence du romantisme qui aurait, tel un prince charmant appelé tantôt Ossian, tantôt Herder, réveillé à la vie des nations endormies depuis des siècles, comme il le fait pour la belle du conte. D'autres encore imputent- ce nouveau souffle aux sonnets d'un Kollâr et au panslavisme qui fait peur ou qui console, suivant le pays où l'on se trouve et les alliances politiques que l'on préfère, mais qui fait suite aux travaux des premiers slavistes plutôt qu'il ne les précède. Maxis cette renaissance slave dont la slavistique à ses débuts est l'une des composantes, et non la moindre, ne peut être séparée de l'éveil de la conscience nationale «allemande ni du développement de la langue allemande elle-même. "L'influence spirituelle du peuple allemand sur son voisin slave n'a jamais été aussi générale, aussi profonde, aussi salutaire et couronnée de résultats aussi durables qu'au début de notre siècle C19ème)".(3). Elle ne peut être 4C coupée des idéaux de la Révolution française ni des guerres napoléoniennes qui la suivirent, ni même , au Nord, de la douloureuse réalité polonaise après les partages, ou du déclin de l'Empire ottoman au Sud. Le renouveau perçu cher, les peuples slaves ne peut être séparé de la résurgence de 1® science historique qui devient la magistra vitae et apporte non seulement les précisions sur le passé proche ou lointain, mais aussi une nouvelle manière d'appréhender l’avenir. Ce mouvement, qui paraît limité géographiquement, ne? contient pas moins les traces des découvertes des nouvelles peuplades et des langues inconnues; il a un lien avec l'intérêt que l'on porte aux textes anciens. L'exégèse biblique et les progrès de l'instruction en général ne sont pas étrangers au progrès de la conscience nationale slave et & la slavistique. Malgré les frontières e?t les distances qui Paraissent encore importantes comparées à celles de nos jours, la libre circulation du savoir est bien établie et ne permet par conséquent pas d’isoler un phénomène comme la renaissance slave. Par contre, il n'est pas superflu de souligner que le processus de la formation initiale de la slavistique moderne doit être autant que possible étudié en tenant compte de tous ces facteurs d'une extrême complexité, qu'ils fussent du domaine linguistique, historique, littéraire, politique, ou tout simplement humain. Car c'est la confluence de ces divers courants qui donne l'élan à l'épa- nouissement de cette science en Europe. C'est un moment d'une foisonnante richesse et il serait dommage de ne pas le voir dans son ensemble au lieu de se cantonner dans quelque ethnocentrisme culturel. Séparons tout de suite la .Renaissance slave du panslavisme qui en est l'une des conséquences: il est basé sur les travaux des premiers slavistes qui établissent clairement que les Slaves possèdent un passé commun et des langues étroitement apparentées. De là, les tenants de l'idée panslave s'aventurent dans des régions inconnues et en tirent des conséquences parfois fort hasardeuses. Du point de vue politique, le panslavisme inspirera l'enthousiasme ou l'épouvante, il sera argument de lutte et argument de réaction, chaque gouvernement tentera de l'utiliser en vue de ses propres intérêts. Malgré les apparences, il est national, alors que la renaissance slave porte un caractère supranational. L'une des idées fort répandues veut que la renaissance slave, et avec elle la slavistique, aient pour origine le romantisme. Ainsi, M. Murko écrit à propos de Kopitar: "Malgré sa sobriété et son esprit critique aigu, il était un véritable enfant du romantisme. C'est surtout ainsi que s'expliquent ses qualités à cause desquelles on le haïssait tant et on le hait encore, sa prédilection pour les dialectes aux dépens des langues écrites, sa dépendance du catho- licisme et son patriotisme de Slave occidental" C4>. Plus près de nous, Valjavec le qualifie lui aussi de romantique: "Kopitar était un véritable esprit romantique" (5). Et il sst parfaitement vrai que notre slaviste fréquentait les cercles romantiques viennois, qu'un F. Schlegel ou J. Grimm l'ont influencé sans aucun doute dans une certaine mesure. -Mais Kopitar, comme nous le verrons, arrive à Vienne en 1908, à peu près en meme temps que F. Schlegel. C'est déjà un intellectuel, sinon un slaviste formé, en relations épis-toi aires avec Dobrovsky, et ses convictions philosophiques et son goût littéraire avaient déjà été constitués à Ljubljana, dans le cercle de Zois. ür, c'est un milieu fortement influencé par les Lumières, par le jansénisme qui, en Autriche, peut 'être considéré comme une variante de la philosophie des Lumières CG). Son ami et rival Vodnik est prêtre et franc-maçon. Et quels étaient ses modèles? Outre les grands classiques grecs et latins, i.1 lit Gibbon pour apprendre l'anglais. Il a sans doute lu les oeuvres de Voltaire et des Encyclopédistes que contient la bibliothèque de Zois. Il cite Adelung et Schlozer dans sa Grarrimaire. Et quelles sont ses ambitions lorsqu'il arrive à Vienne? Etre pour les Slaves ce que Muratori fut pour les Italiens... "Mon désir le plus cher serait, Maître, de me préparer pendant quelques années avec votre aide, d'entrer dans une grande bibliothèque... et de devenir pour l'histoire des Slaves ce que Mura- tori est pour l'histoire italienne" (7). Cette idée lui restera chère toute sa vie, elle sera mime à la base de ses combats. Or, L.A. MURATORI (1672-1750) est considéré à juste titre comme le "père de 1'historiographie italienne". Ce savant, qui joua un rôle décisif dans le mouvement du catholicisme réformateur apparenté au jansénisme en Italie, fur très connu dans l'Europe des Habsbourg, plusieurs de ses oeuvres furent traduites en allemand et mime en tchèque. Il fut bibliothécaire du duc de Modène et s'occupa de l'étude des archives anciennes que contenait cette bibliothèque. Ses Rerum italicarum scripto-ILÊS. (1723-1738) en 28 volumes contiennent la somme de l'histoire médiévale italienne. Ils furent suivis d ' Annal i d ' I ta •-iiâ (1744-1749) en 12 volumes et de bien d 'autres ouvrages d'histoire et de philologie ancienne. Il est également le découvreur du Canon Muratori. l'un des fragments les plus anciens de la littérature chrétienne (autour de l’année 190) . Sch1ozer lui-même, que nous pouvons considérer corn-me le prédécesseur le plus éminent des premiers slavistes, est un représentant typique de l’Aufklàrung. Il est possédé de ce désir de tout voir, de tout connaître, de tout étudier qui caractérise les hommes de son époque: "Car je voulais voyager... A l'âge qui convient le mieux aux voyages, j'aurais étudié 8 -- 10 pays et peuples importants, j’aurais pas- 1 an ou 2 dans tous ces pays... en Perse, en Chine, aux Indes, en Egypte, au Maroc, en Amérique... (9). Gn imagine la déception qu'il ressent lorsqu'il se retrouve à Saint-Pétersbourg où l'on lui interdit tout mouvement. C'est en tant que partisan des droits de l'homme qu'il voit da.ns le jeune serf mis à sa disposition "l'ami malheureux" et remar-que que, dans cette société de castes... "le maître et le serviteur se rabaissent mutuellement" (10). V ( Avant de connaître VUK Karadzic, quel est le Serbe que Kopitar vénère avant tout? C'est Dositej Obradovic '• 1744-1819) , grand voyageur et principal Aufklarer en Serbie. Il était plus difficile de prêter à Dobrovsky une Sme romantique, lui qui n'était que raison froide et savant a la limite du pédantisme. Mais on a tout de même souvent tendance à le classer parmi les hommes du mouvement romantiki que tchèque, à même enseigne qu'un Kollar ou un Palacky 'Murko, L. Léger). Mais on oublie que ses compatriotes dont il poursuit et perfectionne l'oeuvre dans le domaine de la philologie ne sont autres que, par exemple, Durych et Pelz, savants orientalistes et surtout que l'un de ses maîtres à penser fut B. Bolzano. Les idées; de Bolzano étaient sans doute parmi celles qui ont influencé le plus profondément Dobrovsky et Kopitar. D'autre part, le philosophe tchèque portait un grand v; ■r ... J' ' t - »! t a-v v — 2 n — hjAž?::'. ; . humanista et grammaticus: salve Erasme! Obscuros ride modeste! : šibi constet iterum iterumque mone:' de Ravnikar etiam < gaudeo,-. sed Vaterum des illis legere! nudius tertius binae a il ' Dobrovio- vénéré. exspectat Catalogùm vestrum, qui mittetur cras . ; ^ per ' illiuš-; amicum ' proficiscentem _ Pragam, cum Slobizkiano (ut ;_c >5 s hunc aestimet):, literas habebitis cum occasione secura. Spomlad veniet buc et faciemus Alpbabetum, cum Gramm. altslavica! Ut vos aeque judicet, monebo'quae sunt monenda. Tu secundam edi- . ; '13 A-tionem para diligenter (i. e.: catalogi tui). Seidensticker velja f. 1.. ,:Æ p. dobriga dnarja. I koko je stistim f. 100 Wexelnam; ki si mr. 'T|§ i^Šf|%.;.'ga.bil napovédal, pa ni persbel. sdej spet sméte poshiljat. •*.1 ’ ' ---.v v Lih. kar mi pride od zensure horvaczka grammatika Agram 1810: je en drek. vredna pa bi vinder rad.vedal, kdo jo je vendal 'p l .iQ0 kdo pomagal?.. Baron sc bodo smejâli, de so v’Gôttinger An- ^ zeigen 184 0,- ubi recensentur Mémoires de l’Académie Celtique, V.jjs als-.Verfasser der Slav. Gramm. (der.Verf. de Zois heisst’s dort) ••M und Extraitmachér daraus, zîtlrani! In Jean Paul’s Morgenblatt >l' 14;* Uebersicht der. neuestén Literatur) me hvalijo sa pos- . J «Ü^l^ kèzhit: fester Blickj Bewunderung, kein Deutscher geleistet; was V»îor* fili» ninnn ninlrflrf /lût* Qlouron rte\enVinVinn f nnr7i* ûf nnr?! ! V-'iceiai tuai jesiKarji morejo Diti ut auaiant aures aurae. o DUKvami-^.0I? P° tvoji voli kturij.—Franûîu se' sméjam. Equidem vix novam.. Gramm;. admbvebo manum : oportet i'n patria esse: tu, facj’tu; nam«s'|| Primiz qui^molitufj'màrcizaCet Saperaient! non.didičit Gramma- •;.$ i^.^^.tičam' (si scirés quam Hermann ilïe.Gràécista et Metricus laudet^'A ■^rijl^^nostrùm Handwerk) iterumque marcisàt; sed nil opus est.Vodniko sjjj& v^^^Â^boc dicerV 'ne 'terrefaciatj: .bonaei joluntatis juveneni: qui šperat tirnfpRQnrîim ;-;c1nvonipQm »'Rrnppii^-L^ K.^.- Sigismund> je rekal '<5j[ TEXTE D’UNE LETTRE DE KOPITAR A PR Iivi I C ( 1 6/2/1 & 1 1 ) intérêt aux travaux de ces hommes qui partageaient son honnêteté intellectuelle et son esprit ouvert. Né à Prague en 1781 d'un père d'origine italienne, Bernard Bolzano étudie les mathématiques à l’université de Prague, mciis en 1805 il est consacré prêtre et devient professeur de théologie à cette même université. Comme jadis Hus, il fait aux étudiants chaque dimanche un sermon souvent en tchèque, sur un sujet de leur choix (égalité, progrès, travail utile aux hommes, résistance aux autorités injustes, etc...). Celakovskÿ, qui fut parmi ces heureux étudiants, le qualifie de "divin professeur". Mais ces idées, si elles étaient de mise à l'époque de Joseph II, ne sont plus prisées par le pouvoir et, en 1819, Bolzano est jugé et condamné pour hérésie. Seule l'intervention de Dobrovsky le sauve de la prison. Plus tard, il se retire dans la famille d'Anne Hoffmann et se consacre aux mathématiques et à la réflexion Politique dont le résultat le plus marquant est un ouvrage pue l'on pourrait ranger parmi ces projets de paix éternelle entre les états souverains et de bonheur sans fin parmi les citoyens libres et responsables (Vom besten Staate - Wien 1831). Son credo personnel est: "Etre heureux et faire le bonheur d'autrui - voilà le devoir de l'homme". Il connaît bien Montaigne, Rousseau, les encyclopédistes et Montalem-bert qui lui est présenté à Prague (11). r Cet appétit du savoir, propre à un Dobrovsky, à un Kopitar, à un Vostokov et qui est le moteur principal de leur action en faveur des Slaves, vient donc du milieu où ils avaient été formés, où ils évoluaient. Il ne peut 'être défini autrement que comme faisant partie de ce vaste et profond mouvement que l'on nomme Lumières. Kopitar, en tant que responsable de la collection minéralogique de Zois, possède des connaissances approfondies dans mainte domaines< PIu-sieurs de ses lettres, écrites de Vienne, sont consacrées à la botanique (121. Dobrovsky avait lui-même, écrit un Traité £lg botanique. Küppen, s'il est connu comme auteur des ouvra-9BS de slavistique, est célèbre en tant que découvreur de la Crimée, de sa géologie, de son climat (131. Il est donc indéniable que les premiers slavistes, qui sont en même temps les premiers "éveil leurs" (buditel en tchèque!, doivent bien plus aux Lumières qu'au Romantisme, que les débuts de la renaissance slave sont la conséquence directe, bien que sous une forme modifiée et adaptée aux nouvelles circonstacnes, du Siècle des philosophes. Cet aspect des choses se manifeste parfois dans la dénomination même d'un phénomène. Ainsi, chez les Slovènes, les historiens hésitent entre plusieurs termes. F. Kidrič utilisait, pour désigner la période entre 1768 et 1330, le terme "preporod", c'est-à-dire renaissance, alors qu'A. Gspan lui préférait le terme "razsvetljenestvo", c'est-à-dire Aufklàrung, et J. Pogačnik opte pour "classicisme et préromantisme" ou "l'éveil national" (14). Pour Peter Vodopivec "avant 1830, la vie culturelle Slovène ne connaît pas de bouleversement important, ce qui fait que les éléments des Lumières continuent à garder une place importante de la vie intellectuelle et artistique; de mime, d’autres mouvements intellectuels du 18ème siècle persistent encore à côté d'eux, issus de l'époque de l'absolutisme éclairé autrichien" (15). Il est indéniable que l'as-Psct pratique des Lumières connaît des prolongements lointains dans toute l'Europe Centrale. Un peu partout, souvent sous l'impulsion d'hommes qui se réclamaient des idéaux du ISème siècle, des réformes aux conséquences qui se feront sentir .jusqu'à la fin du Vormarz et au-delà seront entreprises. On peut citer comme exemple l'action de l'archiduc Jean en Styrie qui permit un développement rapide de cette région, tant au point de vue culturel qu'économique. Pendant très longtemps, alors que le Romantisme connaîtra déjà une expansion générale, du moins parmi les jeunes générations ^'intellectuels, l’esprit pratique des Lumières continuera à se manifester surtout en ce qui concerne l’instruction des couches les plus larges de la population. En Russie même, et le fait est très significatif, l’expression qui désigne les Lumières désigne également l'instruction ( pros veš ceni je ) . Le? ministère de l’Education y porte le nom de ministère des L umièr es. Il est vrai que les premiers slavistes connaissent fort bien et apprécient les oeuvres des premiers romantiques, qu'ils sont, comme c'est le cas de Kopitar, en contact Personnel avec eux. Mais cela ne signifie pas qu'ils souscrivent aveuglement à leurs opinions. Dobrovsky parle de Herder dans son S1ava.n, mais jamais il ne manifeste devant 1e grand Allemand l'enthousiasme dont feront preuve plus tard Kollar ou Gaj. Rappelons d'autre part que les Romantiques allemands comme J. Grimm ou les frères Schlegel étaient d'abord des hommes savants et n'avaient pas grand-chose en commun avec un Byron ou un Musset. Récemment, un colloque de Matrafüred en Hongrie fut consacré au problème des débuts et de la fin des Lumières, montrant toute la complexité de la question (16). Tout ceci montre on ne peut plus clairement combien il est difficile de définir ces notions. Si l'on étudie à fond la pensée qui régit le siècle des Lumières, on ne peut qu'être frappé par l'universalisme de celle-ci, malgré les manifestations locales. Illustra-cion, Enleightenment, Lumières, Aufklarung ne recouvrent Pas, du moins en apparence, tout à fait le même genre de manifestation et prennent des aspects particuliers et régionaux. Mais l'esprit fondamental en est le même et c'est cet esprit qui imprégna les premiers slavistes qui sont, ne l'oublions pas, en liaison étroite avec l'Europe Occidentale où surgissent ces idées. En parlant de cette époque, on en souligne souvent la portée politique et philosophique et l'on oublie la portée pratique et surtout culturelle. Tous ces mécènes que nous rencontrons en étudiant les débuts de la slavistique, que sont-ils d'autre que de petits despotes éclairés cherchant à appliquer dans leurs cercles et autour d’eux les préceptes des philosophes. En prônant l’égalité entre les êtres humains, en faisant de l’instruction de tous les hommes non seulement un devoir mais un pas vers l’harmo- ni.e universelle, ces hommes apportent des transformations importantes dans la façon dont on appréhende désormais la •( • ’ culture. Pour son voisin, le Slave ne signifie plus Esclave, comme le suggère l’une des explications étymologiques, mais un homme simplement. Puisque la distinction de rang entre l©s humains est abolie, du même coup disparaît la distinction entre nations. Ces nations sont peut-être vues comme vieilles ou jeunes (Vico, Herder), mais elles ne sont plus inférieures ou supérieures, de la même manière qu'il est impossible de parler d’infériorité ou de supériorité entre? un jeune homme et un vieillard. Les hommes des Lumières commencent à comprendre l'unité qui existe dans la destinée humaine et l’humanité devient une entité indissociable sous tous ses aspects historiques, culturels, politiques ou linguistiques. Le Weltgeist de Hegel ou la Weltliteratur de Goethe ne sont qu'une manifestation logique découlant de cet esprit. Et tout naturellement les peuples slaves prennent part à cette "internationale des Lumières". Sous des aspects quelque peu divers, une mime idéologie, les mimes idéaux régnent de Madrid à Moscou. Mime si l'on considère généralement que l'idée nationale est née du Romantisme, on ne peut tout à fait rejeter l'idée qu'un peuple qui se bat pour sa liberté, se bat en fait pour la liberté de l'humanité entière, ce qui est bien proche de l'idéal des Lumières. La devise des insurgés polonais "Pour notre liberté et la vôtre" revit ainsi un sens bien plus profond et général qu'un simple slogan révolutionnaire. Le messianisme polonais, mime s’il nous paraît aujourd'hui quelque peu romantique, n'a de Eens que si l'on se rapporte à cet humanisme universel des Lumières: le peuple polonais souffre pour l'humanité entiè- re. Tout homme, tout peuple qui n'a pas accédé aux Lumières reste sous le-? pouvoir des ténèbres et c'est le culte de la v^rité à tous les niveaux qui unit principalement les hommes, quels qu'ils soient. "Le libre commerce des idées et des manières de sentir accroît, tout autant que l'échange des produits et denrées, la richesse et le bien-être général de l'humanité" dit encore Goethe. Un Durych ou un Zois, un -Kopitar ou un von Jakob ont conscience de faire partie de cette "République Universelle de la Culture" dont parle Gichte (17), d'être citoyens de cette "République des Sa- vants" si chère à Herder. "Le ISème siècle est un foisonnement convergent qui rompt les frontières des langues, de classes et de disciplines, lieu d'un prodigieux appel vers une activité pensante d'une vitalité inouïe" (18). L'étude des peuples slaves, si elle est due à l'enthousiasme des premiers slavistes, n'est ainsi pas seulement le fait des savants autochtones, mais s'inscrit dans le cadre de ce climat général, propice à l'étude: "cette fermentation agissant ®n tous sens par sa nature, s'est portée, avec une espèce de violence, sur tout ce qui s'est offert à elle comme un fleuve qui a brisé ses digues" (19). C'est sous l'influence de ce puissant courant que se forment des académies et des sociétés savantes un peu partout chez les peuples slaves, ces académies et ces socié-tés qui joueront un rôle capital dans le renouveau, souvent bien avant les universités, surtout allemandes, d'où soufflera l'esprit romantique qui animera la seconde génération des "évei1 leurs", comme Kollar, Hanka, Gaj, etc... La Société des Amis des Sciences à Varsovie, la Société Bohème des Sciences à Prague en sont les exemples les plus marquants. En insistant sur le rayonnement de 1'Aufklarung chez les Slaves, nous ne voulons nullement minimiser 1'apport du Romantisme européen dans l'histoire de leurs cultures, mais le Romantisme influença surtout la deuxième génération des "éveil leurs", celle qui prend la relève des pre- miers savants. C'est la génération des poètes, des orateurs, de?s historiens, des tribuns, des slavistes qui cherchent à démontrer une idée et non seulement étudier des faits dans leur nudité. On pourrait compter parmi eux Kopitar lorsqu'il défend avec tant d'âpreté sa théorie panonnienne. Mais il l'este à voir s'il la défend par nationalisme ou par simple conviction de savant, basée sur l'étude des textes. Car on lui reprochait un autre nationalisme, pro-autrichien cette fois-ci, lorsqu'il refusait de s'extasier devant les manus-Crits tchèques dont il contestait l'authenticité pour des m°tifs purement philologiques. Un fossé certain existe entre ces deux générations, du justement à ces deux courants de pensée que sont les Lumières et le Romantisme. Dobrovsky n'est guère prisé par la Jeune génération, alors que c'est un homme plutôt doux, com-paré à Kopitar, véhément et maniant avec adresse le sarcas-me■ Il écrit en latin ou en allemand, considérant que ces langues ont une portée plus universelle, alors que les jeunes romantiques sont fiers d'utiliser le tchèque, dont il a Pourtant écrit la grammaire. Le noeud de la querelle entre kopitar et Prešeren se situe justement là: le grand poète et le grand philologue, originaires de la même région, ne peu-vent pas se rencontrer, car ils ont été formés selon deux conceptions très différentes de l'humanité. En Russie, Kop-pe?n et Vostokov seront vite reniés par la nouvelle généra- tion des slavistes aux idées slavophi1es. Car pour les Lumières c'est l'humain en général qui prime et pour le Romantisme c'est le particulier et le national. Il nous semble l'amorce du renouveau slave, et par là les travaux initiaux de la slavistique, sont le fait du premier courant, celui qui unit tous les hommes, et non du second, celui qui sépare et privilégie les différences. No tes : Originés 1>" Unser Pa t riarch".Kidrič : Zois I, p, 146,Kop à Zois, 1-3/E/1309 3 ) T . G . lia sa r y k : J an Hus , Pr ah a 1 896i s]^ 3>"De>- geistige Einfluss as>s deutschen Volkes ai.f seine avischen Nachbarn war nie so allgemein.so tief,so heilsam und ï°n so dauerndem Erfolge gekront wie zu Anfang unseres ôh» hunderts" < 19-ème) ■ M. Mur ko : Deutsche E i nf ] üsse auf d i e Ar.* a »g e -êil bohrni sci.e Roman.tj.L, St v r i a , Gr a z 1 Sc*7 , p. 1 Â51 Trotz seiner Nüchternhei t und kritischen Scharfe, Kar er ein ec-htes Kind der Romantik .Daraus sind vor al lem jene Eigenschaften er k 1 a r e n, deren wegen er soviel angefeindet wurde und noch ^ ’ seine Vorliebe für Dialekte als Schriftsprecben, se-iue Anhang I i chke i t an tierj Kathol icismus und sein •^''ts ] aw i sche^ Patr t o t i smus " . i b i d . s . 1 2 5)"kopitar war ein richtiger romant i'ëc:her Ge j st "M , Va 1 ja vec : -Usaewah 1 te Aufsatze . Mii m. lien i 963 p . 30 . „ _ & > L ’ I mpér a t r i ce Mar i e-Thér èse Philosophe chrétien.1' qualifia bien Van Swieten de Sdl tt ? i Der Wünsch meinés Lebens wàre, ein Paar Jahre an . ,Meister,mich vor zuberei ten und dann an e i ne uijQthek zu kommen und der slavischen Geschichte d uen,was Murafori der Italianischen ist". ^^tilgcbsel . s . 3 . K on è Pobrovsi y .8/ 1306 I hrer r aicht a S r- o J a g i c : 8)La Ho f b i b 1 i o t hek possède toutes les oeuvres de liu r a t o > i . ? > Q6^scTseHH3 . C ' es l la traduction de —‘--zsSçh le sers Df feni 1 i ^ches- und Privali i.-den . Go t. t i ngen 18'>6, très difficilement accessible. 10>ibid.p.ll6 11>Cf.W.Zei1 :Zur Dedeutung des Bo 1zano-Kreises fDr die ° 1 « k i s t i l. ■' , Ze i t schr i f t fur 5J.aw j _s i. ijk 1868,1 A, p. ] 09 1 E ) K i d r i c : Zu i s II p>. 1 1 1 , Kop.â Zo i s , 26/10/1809. Kopitar nv/isage meme de consacrer 1 semestre à l'étude des sciences dature1 les. 1 3 ) P . I . Kopppn; Uleqe und P fade des T aur i schen Geb irues P.Petersbourg.1836.J.H.Srhnitz1er adapta l'ouvrage en 5£ T r anç ais ( Peser iot i on de la Crimée., surtojt du point de_vue de ses U. g ries de commun i ca t i on, Str esbourq 1855.K6ppen en fut courroucé,non tant à cause du plagiat,mais pareeque 1 ouvrage servit aux troupes françaises pendant la guerre de Crimée. 1 9)Cf.Zborni k g r a z svet 1 jenstvu , L j ub 1 j ana 1979« 15)P.Vodopivec:"Le probIfeme de__la fin des Lumières dans____1es Régions Slovènes et en Autriche Intérieure^. Actes cri 6-ème £o.l logi ic ^ Matraf ü.~ed , Budapes t 1 987 , r . 233* 16) Début et fin des Lumières en Hongrie,en Europe Centrale et ^n~Europe OrTëntaie , CNRS , 1987, 17) F.Fich te : Oeuvres III,Paris 1990 p.S 18) P.QuiiI et : Prêt ace è La Philosophie des Lumières de R^âssirer(Pans 1966, P.-8 19 ) D ’ Al amber t : Essai sur les Eléments de Pt. i 1 osoph i e , IV Amsterdam 1759,p.3 ---------------------------------- CHAP.iv La renaissance slave et la slavistique Une foie ces faits établis, nous pouvons nous arrêter un moment sur cette notion de "Renaissance slave", en général peu connue en France. Dans les livres d'histoire, eHe se retrouve en général sous la dénomination de 1' "éveil national", "éveil des nationalités" et y est traitée surtout sous son aspect politique, lié généralement à 1'Autriche. Béranger utilise pourtant l'expression "renaissance nationale" (1). L. Léger intitule son livre "Renaissance tchèque du 19ème siècle". Luciani "Les étapes de la Renaissance slave" (2). Les Allemands parlent de Wiedergeburt ou Erneuerung (Hafner, Valjavec, Winter), les Russes utilisent*: le mot vozroïdenije (3), mais en l'appliquant généralement seulement aux Slaves occidentaux. Mais pour tous, sans exception, ce sont les oeuvres des premiers slavistes, donc des travaux linguistiques ou historiques, qui se trouvent à la base de ce? phénomène. Pourtant, ce terme de "renaissance slave" nous paraît non seulement commode, mais le mieux adapté, le plus juste pour définir cette réalité historique et culturelle. -La renaissance linguistique qui se reflète dans les travaux d'un Dobrovsky, d'un Linde, d'un Vuk ou même d'un Lomonosov Gst l'un des aspects, aux conséquences lointaines, d'une transformation générale. Comme la Renaissance européenne des •thème et ISème siècles, elle porte ce caractère supranatio- 5a nal et profondément humaniste, mime si en fin de compte et sous la pression du Romantisme elle débouche sur le morcellement et la balkanisation dans son dernier stade. Nous retrouvons dans cette "renaissance slave" d'autres critères x û* qui l'apparentent la Renaissance européenne, à laquelle d'ailleurs de nombreux pays slaves (Pologne, Bohème, Slovénie, Croatie, Serbie, Dubrovnik) prirent part: l'idée du progrès, la foi en l'homme et en son intelligence, l'optimisme et meme une part d'utopie qui représente d'ailleurs une des composantes les plus puissantes du développement culturel des nations slaves. Cette découverte de "l'homo slavicus" génère un désir irrépressible de l'étudier, de le connaître et de le faire connaître. Tout comme l'homme de la Renaissance redécouvre le grec et l'hébreu, tout comme il recherche les monuments anciens de ces cultures disparues, les premiers slavistes amorcent ce même retour aux sources de leur culture, manifestent ce même souci d'authenticité et de vérité. Alors que les orientalistes européens, poussés Par la curiosité générale du siècle des Lumières, cherchent ■fébrilement l'ancêtre indo-européen qu'ils croient reconnaître parfois dans leur propre langue ("indo-germanisch" des Schlegel), les savants slaves veulent retrouver avec autant d'énergie la langue commune de leurs propres ancêtres. Pour des raisons pratiques, les historiens divisent souvent les peuples slaves au début du ISème siècle en nations historiques et non historiques. Mais une nation existe, même si elle n'est pas consignée dans les livres d'his- toire et indiquée sur les cartes. Au moment du renouveau national, la Pologne par exemple n'existe pas comme état et pourtant la renaissance y est singulièrement marquée. Car cette renaissance est générale, même si elle revêt des aspects politiques, historiques, culturels ou même religieux différents; elle est due aux mêmes sources, aux mêmes idéaux. Il faut pourtant se garder de la voir comme un phénomène statique, mais voir en elle plutôt une transition, un passage d'un état vers un autre, un changement qualitatif et quantitatif aux conséquences qui se prolongent pratiquement Jusqu'à nos jours. Dans le domaine linguistique par exemple, d’état actuel des langues slaves est le résultat d'un long Mûrissement conscient commencé à cette époque. Les frontiè-res; actuelles des états d'Europe Centrale et des E-ialkans peuvent être considérées comme un aboutissement lointain des idéaux de la renaissance slave. Elle pourrait même être en-visagée comme l'une des idées européennes qui déplaceraient i’axe de l'Europe vers l'est. Elle marque, dans tous les cas, l'entrée ou le retour des civilisations et des cultures slaves dans la civilisation commune de l'Europe dont ces peuples avaient été coupés à cause des problèmes religieux, des conquêtes turques, des mariages royaux, ou des difficultés de politique intérieure. Un Slave entre au Collège de France pour des raisons apparemment politiques, mais les Slaves en général deviennent dignes des salons et des livres, que cela soit en France, en Allemagne, en Autriche ou Même en Russie (rappelons-nous les paysannes de Zukovski ou les notes populaires qui parsèment les opéras de Glinka). Ces transformations, ce renouveau, s'ils ont un caractère général, n'en possèdent pas moins des aspects particuliers, surtout à cause des différences historiques, politiques et linguistiques qui séparent les différents peuples slaves. Si l'on ne parle pas en général de "renaissance sla-Ve" à propos de la Russie, c'est que la coupure fut là bien moins nette et que, bien évidemment, ce renouveau ne mena Pas à l'indépendance nationale acquise depuis longtemps. Rappelons qu'avec le Monténégro, c'est le seul pays slave c-|ui à cette époque existe comme état. C'est pourtant vers la tin du ISème siècle que s'y produit ce changement qui mènera l’éclosion de la littérature russe au siècle suivant. Car, malgré les réformes de Pierre le Grand et Catherine II, la "starina" a bien souvent tendance à l'emporter, et la prédominance du slavon, même quelque peu aménagé, comme langue écrite par excellence, est encore loin d’être vaincue, et Ceci malgré Lomonossov et sa théorie des 3 styles. Nous verrons que Šiškov, et même encore Pogodin, cherchent à identifier le slavon et le russe. Cette rigidité sera d'ailleurs l'une des causes du développement relativement tardif de la slavistique russe. Shlozer fut ahuri par le peu d'intérêt que les Russes accordaient à leur langue. Le slavon, pratiquement immuable depuis Smotricki, semblait convenir aux besoins de la vie spirituelle; quant aux activités plus "modernes", le français et l'allemand Paraissaient seuls adaptés. En fait, le simple peuple russe utilisait une langue qui n'était pas beaucoup plus reconnue que le sorabe ou le croate. Le renouveau slave touche donc d’une certaine manière aussi la Russie, et non seulement les peuples qui y découvrent l'aspiration à la liberté Politique. En Bohème, le tchèque est complètement étouffé par l'allemand. Il renaît littéralement de ses cendres et renoue avec la tradition de Hus et de Comenius. En Serbie, en Bul~ Qarie, le joug turc qui, du moins en théorie, permet la liberté religieuse, coupe en fait le peuple et sa langue de la tradition slavonne qui se perpétue comme en vase clos, derrière les murailles des monastères. Un Dositej Obradovic ou un Venelin vont chercher à l'extérieur l'influence qui permettra de former peu à peu une langue nationale pour tous. -La Pologne, divisée, retrouve dans sa grandeur passée, dans ses liens étroits avec l'Occident et la religion catholique une raison d'espérer, tout comme les Croates redécouvrent l'histoire de leurs grands rois et renouent en même temps les liens avec Raguse, gardienne des traditions de la Renaissance italienne. Tous ces phénomènes commencent avant le triomphe du Romantisme en Europe, avant l'engouement pour l'exotisme slave et la mode du folklore. Le Romantisme leur apportera une énergie nouvelle, un souffle puissant et irrésistible qui mènera aux bouleversements de l'Europe entière. La sla-uistique est née à l'aube de ce mouvement, sous l'influence bes Lumières et ne peut en aucun cas en être séparée. Notes : Renaissance slave 1) J.Bér^naer:Histoire de j 'Empire des Habsbourg,Paris 2) G. Luciani: Les Etapes de 1a Renaissance S1 ave. ÜOrdeaux,1956. 3 5 " C.ri3E5!HCK3 ^HJlOJlOniS -Tlîlüfc HSCTfc TOTO PüUecca, Kùiopufî HajiibaeTcs EoapoxiieHiie«" M. Maptot, Meioati, c. ! r ■' . o 6 lue r o CHAP.V —e slave et le germanique Michaelis, Schlozer, Herder, trois Allemands dont *es noms ne peuvent être séparés de la renaissance slave et de la slavistique. Il en est bien d'autres et l'on peut affirmer d'ores et déjà que la slavistique est née sur cette frontière incertaine qui relie et sépare les Germains et les Slaves. Peuples voisins, partagés entre l'attirance et la haine mutuelles, ils se voient chacun dans le miroir de l'autre, ils sont aussi proches que l'ombre et la lumière. -Malgré tous les avatars de l'histoire, des liens d’ordre géographique, politique, économique et culturel existaient toujours entre eux. Aussi, le renouveau slave et la slavis-tique, qui font en quelque sorte partie à leurs débuts de la Philosophie générale des Lumières et plus tard du Romantis-sont-ils étroitement associés au renouveau allemand et ai-1 développement de la germanistique, tout comme le panslavisme est indissociable du pangermanisme. Les Slaves et les Germains se côtoient sur une ligne qui part du golfe de Finlande pour atteindre les bords de l'Adriatique. Ils sont imbriqués les uns dans les autres, des îlots slaves subsistent dans les pays allemands jusqu'à nos jours (les Sorabes près de Leipzig, Slovènes en Autriche, etc...), tout comme persistent des groupes de popula- tion allemande en pays slaves (en Voivodine, en Russie, en Pologne). Aux ISème et 19ème siècles, cette proximité est bien plus forte, d'une part à cause des liens dynastiques (Catherine II est Allemande), mais aussi du fait de l'existence de la Monarchie habsbourgeoise qui regroupe les Slaves les Germains dans le même Etat. Déjà au moment de la Contre-Réforme, la Bohème était le refuge des populations allemandes devant le zèle papal. Dans beaucoup de régions, il m'existe pas de frontière nette entre les deux groupes ethniques. Les Slaves des pays allemands sont en général bilin-Q'-ies, du moins lorsqu'il s’agit des intellectuels. Ils s'intéressent à leurs frères de race, les étudient déjà très tôt et les font connaître à leurs compatriotes germains. Tel fut cas d'un Hus, d'un Trubar ou d'un Sigismund Herberstein, Sl->teur de l'ouvrage célèbre, maint fois réédité, fierum Mos-Dîvitaru.m Commenterii (1). Schlôzer, en abordant la Russie, Se base sur ses travaux en plus de ceux d'un autre sujet autrichien d’origine slave, Popovič (2). Les deux frères sorabes, M. et A.Frencel, font paraître La Pissertatione Üistorica Très de Idolum Slavorum, étude importante sur la mythologie slave. On peut considérer comme le premier histo-rien allemand des Slaves J.P. Kohl qui, après un long séjour à Saint-Pétersbourg, écrivit en 1729 une Introductio in His-i-£üL.àa.rji___et Rem Literariam Slavorum (3). Il est le premier à donner une idée préliminaire de la richesse du passé russe st des écrits ecclésiastiques slavons. Avec le piétisme allemand, cet intérêt pour l'étude du voisin slave et de sa culture s'intensifie encore. H. Rosel considère Leonard Frisch, qui fit paraître en 1736 une H istoria Lin g u e.e S 3. a v o -Di cae (4), comme le premier slaviste allemand. Pour Kopitar st Dobrovsky, ce sera l'ouvrage de référence en ce qui concerne la philologie. L'intérêt pour les Slaves dont font preuve les Mandes universités allemandes n'a rien d'étonnant, car très souvent leurs étudiants sont d'origine slave et parfois mette, elles se trouvent sur les terres qui à. l'origine étaient slaves. Tel est le cas par exemple de Graz (gradée = château-fort) ou de Leipzig (Lipsk - de lipa = tilleul) dont l'université fut fondée sur l’emplacement d'un ancien village? slave. Nous possédons aujourd'hui des études très détaillées sur certaines de ces universités allemandes, dues aux grands slavistes contemporains tel Vasmer ou Rosel. Il est intéressant de comparer le nombre d'étudiants venus des pays slaves, les cours qu'ils suivaient, les travaux qu’ils préparaient. Leipzig était, dès ses débuts, le centre de culture sorabe, les premiers grammairiens et lexicographes de ce groupe sont pour la plupart d'anciens étudiants de cette université. Ils viennent, non pour étudier la slavistique, puisqu’elle n'existe pas, mais la théologie, pour porter à leurs futurs paroissiens la bonne parole, mais aussi le sa- voir général. Ils y rencontrent aussi des Polonais et fondent, en 1716, le Wendis che-Prediger Col legium, sorte d'association d'entr'aide pour les étudiants slaves. Au 18ème siècle, l'enseignement de ces langues slaves se développe peu à peu, sur une petite échelle. Il est en général assuré par un "lecteur", la plupart du temps un étudiant originaire de ces pays slaves. Ainsi, le premier lecteur de polonais à l'université de Halle n'est autre que le futur grand lexicographe S.B. Linde Cen 1793). Le même poste sera occupé plus tard par son compatriote 6•S. Bandke, à l'époque étudiant en droit C5>. Il en va de même de Vienne, qui draine beaucoup d’étudiants tchèques, slovaques, ukrainiens, et surtout croates, serbes et Slovènes qui viennent des pays qui ne possèdent pas d'université propre. Les étudiants russes, depuis Lomonossov qui s'était initié à la métallurgie et à la philosophie à Mar bourg, en passant par les frères Turge-niev à Gottingen, .jusqu’à Pasternak étudiant la philosophie à Marburg, ont depuis toujours été très nombreux en Allemagne. Mais les étudiants russes ou polonais n’avaient pas toujours besoin d'aller en Allemagne pour bénéficier de l'enseignement de professeurs allemands. Depuis la création de l’Académie des Sciences en 1725 à Saint-Petersbourg et de l'université, les savants allemands occupaient de nombreux Postes en Russie. Voici comment Schlozer décrit l'atmosphère de l'Académie des Sciences russe pendant le règne de Catherine II: "Au cours de ces 35 années, l'Académie n'était remplie pratiquement que d'étrangers, parmi lesquels, à part Muller, personne ne connaissait le russe. J'ai retrouvé à Saint-Petersbourg un grand nombre d’amis de nationalités diverses, qui avaient passé 20 ans ou plus et ne connaissaient mime pas 50 mots de russe. Seule la peur devant la difficulté de la langue les arrêtait. De plus, l'Académie dtait inexcusable de ne pas s'être occupée jusque-là de Qrammaires, de dictionnaires" (S). Muller 1ui-mime reconnaît P'-C après 7 ans de professorat "il n'était pas capable de lire des oeuvres russes et devait avoir recours à la traduction" ( 7 ) . Ces vastes courants d'échanges intellectuels, qui font d’ailleurs partie de relations beaucoup plus larges dans le domaine économique, commercial, etc..., favorisent le développement de cette connaissance des Slaves en Allema-9ne. C'est sans doute dans les pays de langue allemande que ^on possède le plus de renseignements sur les peuples sla-yes. Car ces savants rendent compte de leurs travaux, reviennent bien souvent, comme ce fut le cas d'un Schlozer qui continua d’enseigner à Gottingen après son séjour en Russie, ou plus tard de von Jakob qui revint à Weimar après des années passées à l'université de Kharkov et transmit à sa fil-le Thérèse, plus connue sous le pseudonyme de Talvj, l'amour L'e la "res Slavica". Si l'on pense à ces liens multiples et réciproques, il n'est pas étonnant de voir que les deux premiers slavistes russes, Koppen et Vostokov, furent tous les deux en quelque sorte à cheval sur les deux nations. Quant à a Plupart des autres Slaves (sauf les Bulgares), ils faisaient plus ou moins tous partie du Saint Empire germanique. Comment 'être surpris alors de constater que lai lan-gue des premiers travaux de slavistique soit le latin ou •'■'allemand. Le latin parce que c'est la langue des savants à cette époque (8) et l'allemand parce que c'était la langue c'e communication la plus courante en Europe Centrale. Le lançais, "langue universelle" des Lumières, même si elle était connue et appréciée des savants et intellectuels, était plutôt la langue de l'aristocratie. Les intellectuels slaves, qui étaient le plus souvent bilingues, n'étaient Paradoxalement pas les derniers à aider à l'éviction du ■français et du latin et à l'installation de l'allemand comme langue littéraire. Ainsi, Popovič favorisa de toutes ses forces l'utilisation de l'allemand à l'Université de Vienne. Dobrovsky, à l'exception des Institutiones et de quelques autres ouvrages de moindre importance, écrivit en a-llemand. Il fut souvent critiqué par ses disciples qui allèrent jusqu'à l'appeler "Allemand slavisant" (9). Toute sa c,arrespndance est en allemand ou en latin. Slavin et Slovan- JiÜ sont écrits en allemand. Il avoue lui-même: "J'avoue que 6 9 je n’ose pas écrire de livres en langue tchèque, car je me Sl-'i5 habitué à l’allemand et bien que le tchèque soit ma langue maternelle" (10). Ce qui paraît pour le moins curieux pour l’homme qui fut parmi les premiers à aider à la résur -section de la langue tchèque. Palacky, Hanka, Safarik écriront encore l'une ou l’autre des deux langues. Les Croates préfèrent l’allemand au hongrois, langue de leurs maîtres. -•'■•Opitar écrit ses articles en allemand, car ils sont destins au large public de l’Empire, alors que? ses publications savantes jusqu’aux Pro 1 egomenQ- <21 1 ’ Evanqé 1 iaire de Reims 'J s/ ■»ont en latin. Koppen et Vostokov, tout comme l’amiral Sis-k®v, connaissent parfaitement l’allemand. Miklošič écrit en allemand, son disciple Jagic en allemand et en russe en plus du serbo-croate. La plus importante revue de slavistique de la seconde moitié du ISème siècle sera son Zeitschrift- für §l_avische Philoloaie. fondé en 1S7£ à Berlin. On peut dire ^,ei jusqu’à la fin du siècle dernier, la connaissance de l'allemand était indispensable à tout slaviste. Les successeurs de Mickiewics au Collège de France (Chodkû, C. Ro-bert, L. Léger) puiseront une grande part de leur savoir dans les ouvrages en langue allemande. De plus, c'était la langue de communication normale entre les Slaves de la Monarchie habsbourgeoise. On peut se demander si ce n’est Pas justement ce bilinguisme, davantage meme, cette double appartenance culturelle, qui a joué un rôle non négligeable 7C Uans ce renouveau slave dont feront partie les plus importants travaux des premiers slavistes. La tendance à une double culture fut souvent combattue au nom des idéaux nationaux, politiques ou même religieux. N’est-elle pas une source de richesse, un cadeau que la bonne fée met dans notre berceau, comme à d'autres elle donne de l'or ou un nom célèbre? Malheureusement, on ne sait guère apprécier ce don offert par deux nations à un seul être. Ceci dit, il n'est Pas besoin de souligner que les relations entre Slaves et Allemands étaient loin de l'idylle, que les tensions étaient yives, même sous le calme apparent du début du 19ème siècle. Si tant d'ouvrages étaient écrits en latin et non en allemand, c'est aussi parce que celui-ci a eu du mal à s imposer, non seulement à cause de la domination du ■français, mais parce qu'il manquait d'unité. Pendant de longs siècles, les pays allemands sont à la recherche d'une Unité linguistique (11) . Malgré la traduction de la Bible en haut allemand (Hochdeutsch) en 1522, cette variante de la langue a du mal à s’imposer pratiquement jusqu'au ISème siè- c C- ■ La diglossie est courante jusqu'à nos jours. Or, pour certains Slaves de l’Ouest et du Sud, le problème se posait presque de la même manière. Une langue commune paraît encore envisageable, sinon pour tous les Slaves, du moins pour deset b branches proches les unes des autres comme le tchèque^jle r,-isse et l’ukrainien, le Slovène et le croate. La "vzaïm- nost" linguistique préconise des emprunts faits dans les autres langues slaves et non à l’extérieur et bannit le recours au calque fait sur l’allemand et le français. Kopitar pense qu’un alphabet unique permettrait aux langues slaves do se rapprocher plus facilement les unes des autres. A cause de; cette proximité géographique, politique, historique, économique et, dans une certaine mesure, lin-Q'-iistique, la germanistique et la slavistique connaissent des débuts et un développement, du moins en ce qui concerne les premières étapes, apparentés. Les grands philologues allemands sont contemporains des premiers philologues sla-ves. Les frères Schlegel, Jakob Grimm, Wilhelm Humboldt sont en contact permanent avec Dobrovsky, Linde, Koppen, Kopitar, xls connaissent leurs travaux, apprécient leur sérieux et leur valeur scientifique. De leur côté, les Slaves suivent clVec intérêt les travaux de leurs collègues allemands. Souvent, c’est l’orientalisme qui fait le trait d’union. Lors-cjue Franz Bopp fait paraître son oeuvre Ùber das Con.juga--i-icjis^y s t e rn d e r S a n s k rit s p r a c h e (1816), Kopit a r e n d o n n e u n compte-rendu (12). C’est Jakob Grimm qui traduit la grammai-re serbe de Vuk en allemand (13). Plus tard, les travaux de Miklošič seront une aide précieuse pour Fran: Bopp dans la Pr é pa r a 11o n de son oeuvre maîtresse La Grammaire comparé e (14.). Les grammaires des diverses langues slaves qui paraissent dans le seconde moitié du 18ème et le début du 19ème siècles vont de pair avec les grammaires allemandes, dont la Plus importante est la grammaire de Jakob Grimm C15). 73 Notes:Le slave et le germanique 1 > S ■ Her ber ste i n : Rer um tioscov i tar um Commentai- i i . Wi en 1599. De Rombreuses rééditions de cet ouvraqe furent taites jusqu'au 19-ème siècle. 5)Sch]p;er; Vie p.lOB 3)Schl5zer connaît cette oeuvre, 9)L.Frisch: De Historia Linquae Slavonicae.1786 5) H.Possel : Be i tràqe :ur Gesch i ch te der S1 aw i s t i k an der\ —i taten Ha 1 1 e und Leipzig, He i de 1 ber g 1 968 , 6) Schl6zer: Vie p . 9 7) ibid.p.5 _ 8)11 suffit de lire les protestations que souleva en Russie idée de la traduction des I ns 11 tu t i unes . Cf . Unis : Hctopii.^ . c . 66 9) '^ze jesjt ne Cech ale ein slavisierender Deutscher " * Brand 1 :Živo t Safari La p.17 ( ^ ! / \r / i* 10) "Apriznavam se,ze si netraufam knihu v jezice ceskem SePsati,je 1ik ož jsem již nemc i né vice pi-i vyk 1 , ac ko 1 i šestina mym materskÿm jezylem i est”.Brandi ;Dobrovsk y.p.17. 1 1 ) E . Tonne 1 a t : H i s to i r e de J_a langue ail emande . Par i s 196c 1S)HALZ 1816,n.8,p. 1278 1Q 13)y.uk's Stephanowitsçh Heine serbische Gr a nma t i k , Ber 1 i n „ 19)F.Bopp:Verqleichende Gr amma t11 des ~^n§iîILLts, Zend , Gr i ec h i schen_, La t e i n i schen . L i tua i sc hen , Alt slawi schen ’ —c-CL!lLLS_c hen und Peu t su hen ( 1833- 1 855 ) ^ 1 J . Gr i mm : Deutsche Gr amma t i k ( 1819-1 885 ) CHAF.VI L’ orientalisme La science, telle qu'elle est conçue par les Lumières, se refuse à reconnaître des réalités surnaturelles. Si elle ne renie pas Dieu dans la plupart des cas, elle en donne une idée nouvelle. Et cette nouvelle idée de Dieu exige une nouvelle approche des textes sacrés. Comme tous les autres phénomènes du présent ou du passé, la Bible devient un objet d'étude. Parallèlement, grâce aux grandes découvertes et grâce aux missionnaires qui pénètrent de plus en plus profondément dans les régions inconnues, on voit surgir une infinité de langues les plus diverses. Cette variété surprend et ravit à la fois, elle apparaît comme un vaste pré couvert de végétaux les plus variés et que l'on va étudier et classer avec un esprit de botaniste. Il n’est pas toujours besoin d’aller loin et les orientalistes éminents vont s’apercevoir que l’étude des langues slaves, parlées pratiquement à leur porte, présente un grand intérêt dans leurs recherches. Ainsi, l’orientalisme jouera un rôle non négligeable dans l’apparition de la slavistique en tant que science. L’intérêt pour les langues, qu’elles soient anciennes ou modernes, ne date évidemment pas du 18ème siècle Rappelons seulement les études d’un Gesner ou d’un Duret; de pl us ? des langues comme l'hébreu, l'arabe ou le chaldéen furent enseignées à Paris, à Oxford, à Bologne, à Rome déjà au 14ème siècle. D'autre part, la Réforme, qui répand le Livre parmi les populations, ne peut plus, dans son désir du retour aux sources, se contenter des traductions faites d'après l'hybride Vu 1 gâte latine, et recourt le plus souvent aux textes originaux. Déjà Erasme fait preuve de cet esprit critique, suivi de J. Reuchlin, de Lefèvre d'Etaples, de Luther et de bien d'autres. Spinoza fonde l'exégèse en Hollande. Sous l’impulsion des Lumières, les études orientales se développent rapidement. William Jones (1746-1794) est considéré comme le premier orientaliste anglais. En 17S4 est créée la Société asiatique à Calcutta, la première d'une série de sociétés semblables qui fonctionneront à Paris, à Londres, en Italie, en Allemagne. En France, l’Ecole des Langues orientales est créée par le décret du 10 Germinal de l'An III et les cours commencent en automne 1796, dispensés par trois professeurs: -Langlois (persan et malais), Silvestre de Sacy Carabe) et Venture de Paradis (turc) (1). Si ces cours répondent à un besoin réel, car relations diplomatiques et économiques exigent des "drogmans" toujours plus nombreux, ils favorisent en même temps l’étude des langues orientales en tant que telles. Les débuts de cette vénérable institution sont marqués par la personnalité de Silvestre de Sacy qui, pendant près de 40 ans (de 1796 à 1834), y occupe la place de professeur et d'administrateur général. C’est sans doute dans les locaux cédés par la Bibliothèque Nationale et qui ressemblaient davantage a^oWs hangars qu’à un prestigieux établissement qu'il rencontra Kopitar lors du séjour de celui-ci à Paris en 1814. C’est aussi le premier lien vivant de cet établissement avec la slavistique, qui ne cessera de se développer jusqu'à nos jours. Ajoutons encore que l'école orientale française connut un grand rayonnement, surtout à partir de la découverte de Champollion en 1822. Les premiers orientalistes français travaillaient en relation étroite avec ceux d'Angleterre et avec ceux des pays de langue allemande qui avaient également une riche expérience dans ce domaine. Outre les traductions de la E, du Tchèque Durych, etc..., avaient été initiés aux langues orientales et aux méthodes qui leur étaient propres. Kopitar comprit l'importance de l'orientalisme seulement à Vienne et c'est son compatriote / «/ j Zupan qui l'initia au sanskrit (9). Miklošič et Jagic auront tous les deux une formation d'orientalistes. La signification de l’orientalisme pour la slavistique est donc plus importante qu'il n’y paraît d'emblée, surtout si l'on ne perd pias de vue l’importance que l'on sc accorde à cette époque aux langues dans les pays slaves: la langue est souvent le seul signe extérieur qui prouve l'existence d'un peuple. Et c'est à l'étude de ce bien précieux que l'on va appliquer la précision scientifique, la "rigueur allemande". Et peu à peu, grâce .justement à ce lien avec les études orientales, les langues slaves s'inséreront dans l'arbre généalogique des langues indo-européennes. Ce lien avec l'orientalisme qui caractérise les premières décennies des études slaves transparaît même plus tard, chez la génération romantique, qui exalte cette parenté lointaine et exotique. Ainsi, A.S. Majewski écrira un texte sur la parenté entre Slaves et Hindous CIO). Kollar appellera 1'Inde "staru Slavu matkou"(11) et Jungmam considérera le mot "slava" comme sanskrit. Mais ce ne sont là que des vestiges et des miettes d'une science qui fera défaut aux grands romantiques slaves. 6 1 Notes : Orienta 11 sme 1 )Cr.Né 1 anges Orientau> ,Paris l883 2)Br and 1 :Dobrovsky p.5 3 ) P r a p i s c h e Fragmente Hebraj ach°r Handsrhr jften.Prao i 77 a 4 > Ja g i é : N eu g E p. 618,7/12/1 794, 5>"Ich kam sus Gesners k 1assisch-phi1 o Ioqischen und Michael is bih 1isch-exegetischen Schulen”Nestor p.7 6) Sch 1 orer : Vie,p.275» 7) ibid.p.5 8 > OpanaeB : ilojfbCKoe c.'iaBSHOEe jem s* p . 247 9 ) K i dr i C : 7.o i s 1 1 , p . 3 31.26 i Ev«? 1 0 ) A . S . Ma j ewsk i : 0 S1 aw i a na c h i_ ich p o b r a t v m a c. ti, l-J a r s z a w a 18 16 1 1 > S1 a v '/ Deere i 7,3 o r one +• 1 1 7, C HAP.Ul I Herder Parmi les nombreux Allemands qui influencèrent, d'une manière? ou d'une autre, le développement des cultures slaves, c’est sans doute J.G. Herder qui occupe la première place. Ce théoricien du Sturm und Drang est en général considéré comme l'inspirateur direct des formes nationales du mouvement romantique (1). C'est tout juste si l'on n'imagine pas que la renaissance slave, le panslavisme, l'illyrisme et le mouvement slavophile ne surgirent pas tout droit du fameux "Chapitre slave". Il est vrai que Herder prédit un grand avenir, sinon un "avenir radieux" aux peuples slaves qui avaient perdu leur liberté à cause de leur caractère trop doux face aux autres peuples plus belliqueux. Un autre mérite de Herder est la publication, parmi celles d'autres nationalités, des chants populaires des peuples slaves; comme cette publication a lieu au moment d'un grand engouement pour la poésie populaire, il a sans doute contribué à faire connaître cette poésie originale et p e u c o n n u e en E u r o p e. JOHANN Gjitfried HERDER naquit en 1744 à Mohrungen, en Prusse Orientale, cette région si proche des Slaves et qui vit naître des hommes qui jouèrent un rôle important dans leur histoire culturelle, tels Leibniz, Vostokov, Grot, etc... Déjà^ enfant, il fut en contact avec les habitants slaves de la région. Plus tard, alors qu'il était étudiant en théologie, il rencontra un médecin russe qui voulut l'emmener à Saint-Pétersbourg, afin c^u‘il {î t des études de médecine. L'une de ses premières oeuvres poétiques est une ode, dédiée au tsar Paul I. Mais il reste à Kônigsberg, où il devient disciple et admirateur de Kant. Il eut d'autres occasions d'aller en Russie, mais préféra voyager en Europe Occidentale. Son oeuvre est immense et son influence, dès son vivant, considérable. Les premiers théoriciens de la littérature et de la langue allemandes, comme les Schlegel et les Grimm, lui doivent beaucoup. Il influença W. Humboldt dans ses études sur le langage. Son rayonnement est sans doute dQ au fait qu'il exprime et développe les idées dont est baignée toute son époque. Ces idées représentent en quelque sorte le patrimoine commun des hommes. Il est un authentique représentant de 1'Aufklarung, mais doué d'une profondeur et d'une sensibilité qui corrigent un peu la froide sécheresse de la raison et son apparent optimisme. Il prolonge l'idée du progrès, si chère aux Lumières, mais en se basant plutôt sur l'observation de la nature, du monde vivant en constante évolution. Pour lui, nature et histoire obéissent aux mêmes lois. La Terre apparaît, selon la vision de Herder, comme un immense laboratoire où minéraux, plantes, animaux, hommes et peuples vivent et se développent, B 4 allant de la forme la plus simple à la plus complexe, s'élevant t o u .jours vers Die u. Ses Idées sur la Philosophie de l'Histoire de l'Humanité (2) parurent entre 1784 et 1791, précédées par d'autres oeuvres importantes et variées. Il se plaint lui-mime dans son Introduction (3) qu'on lui emprunte trop souvent ses conclusions. Il n'est pas étonnant que les intellectuels des pays slaves, très imprégnés de la culture allemande, trouvent également chez Herder de quoi satisfaire leur esprit. Avant de penser à la richesse des idées qui caractérise l'oeuvre de Herder, ils peuvent trouver dans ses Idées / £. cette sorte de vue génrale, ce désir de tout englober, de donner des bases à la connaissance de l'humanité qui paraît insaisissable et chaotique. Avec son prédécesseur Vico, Herder veut donner des fondements à la science historique, dégager des lois valables toujours et pour tous. Tout comme plus tard la vision de l'histoire marxiste, celle de Herder se veut scientifique. Ce désir de tout comprendre, de tout englober dans un système, d'étudier à la fois le détail et l'ensemble, nous le retrouvons chez les premiers slavistes. D'un autre côté, le philosophe allemand affirme que "quelle que soit la variété des formes humaines, il n'y a sur toute la surface de la Terre qu'une seule et même espèce d'hommes" C4>. "Une seule et même humanité se montre sous des apparences diverses dans toutes ces choses que quelques nations sur terre ont perfectionnées et que cent autres ont défigurées par des arts faux et grossiers" <5). Il établit ainsi l’égalité, non seulement entre les 'êtres vivants et les hommes, mais aussi entre les nations. C’est d’autant plus important qu’il affirme, en digne précurseur de notre XXème siècle, qu’ "il n’est pas de peuple sur Terre sans aucune culture" (6 :>. Les peuples slaves, pour la plupart soumis à la domination politique et culturelle étrangère et souffrant souvent de complexes par rapport à l’Occident, ne pouvaient que trouver dans ces théories des forces qui allaient stimuler leur énergie et les inciter à l’action. D’autant plus que?, selon Herder, "l’humanité est le but de la nature humaine, et Dieu, en donnant ce but aux hommes, a placé leurs destinées entre leurs mains" <7). Comment ne pas trouver dans ces pages le courage nécessaire à la lutte, l’enthousiasme qui doit permettre aux peuples slaves d’occuper la place qui leur revient parmi d’autres peuples? On & parfois l’impression que Herder s’adresse directement aux premiers slavistes lorsqu’il dit, résumé par E. Quinet: "Sans nous plaindre du poids du jour et sans nous inquiéter de notre salaire, travaillons donc selon nos forces à vivre et à mourir dans la place que le genre humain nous a confiée" CO). Ils ne pouvaient pas rester insensibles, proches qu’ils étaient du piétisme ou du jansénisme, à l’idée de la Provi- dence qui les a désignés pour étudier les nations et les langues dans toute leur variété. Nous voyons ainsi que l'oeuvre de Herder et plus particulièrement les Idées possèdent des caractères qui leur permettront de trouver un accueil favorable parmi les peuples slaves, d'autant plus qu'elles correspondent à l'esprit général de l'époque. Et l'on va puiser dans ce trésor, chacun y trouvant les richesses qui lui conviennent le mieux. Ainsi, en Russie c'est Radiscev qui est le premier à s'en inspirer, suivi de Deržavin dont l'ode Dieu apparaît comme une transcription poétique des Idées du philosophe allemand <93. Dans l'entourage de Puškin, on peut remarquer une interprétation très particulière de ces idées chez Kü-helbecker <103. Mais les Idées ne seront traduites en russe qu'en 1829 et vont trouver un écho favorable chez les slavo-phi les. D'après Herder, 1'Eternel choisit parfois, dans sa grande sagesse incompréhensible aux humains, un peuple qui doit servir de modèle aux autres. Existe-t-il parole qui puisse mieux consoler le peuple polonais et l'aider à supporter partages et soulèvements, écrasés dans le sang? Herder peut être considéré comme l'une des sources du messianisme polonais. Rien de semblable chez les Tchèques et les Slaves du Sud qui, petits et morcelés, essayent de survivre entre l'Autriche et la Turquie. L'idée de martyre ou de sauveur ne les effleure meme pas. Mais c'est l'unité qui leur fait défaut pour combattre efficacement l'oppresseur et gagner la place qui leur est due par nature. Et l'égalité de tous les humains et donc de toutes les nations devant Dieu et l'histoire. Or, cette unité est justement prouvée par les premiers clavistes. Les idées de Herder, grâce à l'amplitude des conceptions, à cause de l'humanisme profond qui les éclaire, ne peuvent que les conforter dans leurs convictions, les encourager dans leurs travaux entrepris dans le but d’ajouter leur pierre à l’édifice général de la connaissance humaine. Son influence sur l'éveil de la conscience 17 nationale est sans aucun doute très importante, s*€.r la génération romantique, Gaj ou Kollâr par exemple, se réclamera ouvertement de Herder. Mais il se peut bien qu'on exagère l’importace de ce Chapitre slave que l’on aime à citer, séparé du contexte général. Ainsi, H. Lemberg écrit: "Le Chapitre slave de Herder a apportéÇaux Slaves] p 1 us de sympathie et de conscience de soi que la victoire des hussistes sur la moitié de l'Europe Centrale et des Polono-Lituaniens sur les Ordres germaniques" (11). Ce Chapitre a tout de même le mérite d'être une sorte de résumé des idées de Herder quant aux Slaves, d’exprimer clairement des conceptions encore vagues, mais grosses de conséquences. Il prendra tout son poids lorsque, après les années 30, il favorisera la lutte, qui débordera peu à peu le terrain linguistique et culturel et se trans™ formera en combat politique (12). Il répond au goût de l'époque et le doux laboureur slave est un parent proche du bon sauvage tant prisé en Occident. On peut distinguer dans ce Chapitre slave (13!) quatre séries d'idées qui ont pu avoir une influence favorable sur divers mouvements qu'englobe la renaissance slave. 1) Les Slaves forment un tout, même s'ils sont séparés. Herder les caractérise comme un ensemble homogène. Le panslavisme, quel qu'il fût, se nourrit de cette idée. Mais / la "réciprocité" (vzaimnost) si chère à Kollar en découle également, sous une forme beaucoup plus idéaliste et plus culturelle et linguistique que le premier. 2) Les Slaves sont un peuple pacifique, ce qui est la cause de tous leurs malheurs, puisqu’ils furent soumis à d'autres peuples, beaucoup plus belliqueux. L'idée n'est étayée par aucun exemple et son auteur semble oublier totalement les guerres incessantes contre les envahisseurs et les guerres fratricides et sans pitié que se livraient par exemple les princes russes. Mais l’image du doux laboureur slave avait tout pour plaire,' pour les adeptes du romantisme il serro, un peu ce bon sauvage qu’on n’aura pas à aller chercher en Amérique ou en Afrique. Elle fera fortune chez les slavophiles. 3) Peuple jeune, les Slaves sont prédestinés à un grand avenir, alors que les peuples occidentaux avaient déjà atteint leur point culminant et s'acheminent doucement, mais sûrement, vers leur déclin inévitable. Existe-t-il une idée plus apte à remplir d'enthousiasme des peuples asservis ou qui ont conscience de leur retard dans maint domaine? C'est un peu comme l'enseignement du Christ qui arrive chez les esclaves romains, les rendant soudain égaux à leurs maîtres et leur promettant le royaume des Cieux. Comment ne pas comprendre l'extase des jeunes, comme par exemple ce1]£ de Kollar, mêlée au bouillonnement général des cercles-étudiants d’lena? L'idée est si attrayante quand on se sent un tant soit peu slave, qu'il n'est guère étonnant qu'elle eût fait fortune et qu'elle ait subjugué non seulement un Samarin ou un Dostoevski ou Danilevski, mais aussi maint slavophile d'aujourd'hui. Si Soizenicyn reste une énigme pour les Occidentaux, c'est pour une grande part à cause de sa foi en la force et jeunesse intérieures du peuple russe, raffermies par la foi orthodoxe. Cette croyance est d'autant plus tentante que le déclin de l’Occident- nous est régulièrement promis depuis Gibbon jusqu'à Cioran. 4) Cette nation fut dans le passé persécutée par les Allemands, or ceux-ci sont, avec le reste de l’Occident, sur le déclin. "La roue de l’histoire a tourné" (14) en fa- veur des Slaves. Or, ce lent déclin d'un côté et cette mon- so tée progressive, où peut-on mieux les observer que dans l’Empire des Habsbourg? On a tendance à croire que l'aus-troslavisme, extrêmement répandu pendant tout le début du 19ème siècle, est le résultat d’une fidélité bornée è la monarchie habsbourgeoise bien qu’il existe déjà avant, mais on pourrait tout aussi bien chercher des facteurs favorisants chez Herder. Quand Kopitar explique à M. de Serres que les Slaves sont les plus nombreux dans l’Empire (15), ce n’est pas innocent. D’ailleurs, en parlant de Napoléon qui «s’intéresse aux habitants de ses Provinces illyniennes, il ne manque pas de remarquer, d’un ton presque menaçant: "cette nation immense (les Slaves} pourrait bien avaler un jour la sienne (les Français}" (16). La force montante des Slaves en général et des Slaves d’Autriche en particulier devait mener à une transformation du pays et en faire, à terme et dans la version poussée à l’extrême, un pays slave. Le "Chapitre slave" fut publié dans le premier numéro de Slavin. Kopitar le connaissait sans doute déjà bien plus tôt, puisque les Idées se trouvaient dans la bibliothèque de Zois (17); d’autre part, il en donne un résumé succinct dans l’Introduction de sa Grammaire (18). Kopitar ne qualifie jamais Herder autrement que par des adjectifs "grand" ou "génial" (19). Sundhaussen pense même que Herder devint le principal inspirateur de Kopitar, que c’est ce dernier qui répandit les idées du philosophe allemand dans les pays Slovènes (20). Nous verrons oe qu'il en est lorsque nous aborderons l'analyse des Faprtgi-güest 11 est indéniable que cette admiration constante pour l'auteur des Idées répond à une profonde conviction de Kopitar, conviction qui avait déjà cours dans le cercle de Zois. Herder vient en * quelque sorte confirmer le bien-fondé de^cüKO r iTiyarirtys d éj-à—» tw. deh-tld, ' cf^r anciennes. anFarn Hwn-—1-r a n r rm s n e.y t ç omm u n des divers^npu-.,.* c.l aype;. Elles étaient particulièrement vivaces chez les Tchèques et si Dobrovsky, tout en publiant le Chapitre slave, ne manifeste pas le même enthousiasme que ses successeurs, c'est qu’il est un homme d'étude qui a besoin de faits et de preuves et non de déclarations enflammées. Il est un troisième aspect de l’oeuvre de Herder qui joue un rôle important dans la prise de conscience nationale slave: ce sont les éditions des chants populaires. t Dans les Vol ksiieder de 1778, nous trouvons déjà la Hasana^f ci ica traduite par Goethe. Vol ksi ieder de 1779 contient 7 chants slaves sous le titre général "Lieder aus den hohen Norden”. Dans ces chants "naturels" est censé s'exprimer l’esprit des peuples (Volksgeist). Ces recueils, qui s'inscrivent dans le courant lancé par Macpherson et Percy, sont en quelque sorte la matérialisation de l'égalité de tous les peuples, puisque, par exemple, ces Morlaques que l'on croyait des sauvages, possèdent des chants dignes des Français ou des Anglais dont la civilisation et la tradition poétique remontent à des temps si anciens. Comme toutes les modes, cette vogue déferle sur l'Europe entière et donne lieu à toutes sortes d’excès et à une quantité de faux dont les plus fameux sont La Guzvža et les Manuscrits tchèques. Mais elle conforte les Slaves dans l'idée que ces trésors populo ivent e-th-e laires ne doivent en aucun cas être négligés maisj/recuei 11 is et portés à la connaissance de tous. Elle stimule sans aucun doute l'ardeur de ceux qui, avec amour et abnégation, vont glaner dans les campagnes ces trésors si méprisés auparavant. Pourtant, il existait déjà, surtout chez les Slaves du Sud, de nombreuses tentatives de publication de cette J V \J v poésie populaire. A Raquse l'aristocratique Kacic-Miosic <1704 -r- 17601 avait déjà rassemblé une quantité appréciable de poèmes chantés par la population autochtone. En Slovénie, ce sont les Pisani ce <211 qui doivent montrer non seulement la beauté de la poésie nationale, mais la richesse d’une langue dont l'existence elle-même est contestée et menacée. Les oeuvres de Macpherson et de Percy sont très populaires dans ces régions, grâce aux traductions de Michael Denis <1729-18001. Ce jésuite, qui était aussi à l’aise dans les langues orientales que dans la littérature européenne moderne, fut professeur au Theresianum et custos à la Bibliothèque Impériale. Sa traduction d'Ossian <17681 fut extrêmement populaire. Il s’intéressait particulièrement aux Slaves de S 3 l'Empire et Dobrovsky et Kopitar le connaissaient fort bien. Linhart s’en inspira pour ses Fleurs de la Carniole ( B1 umen aus Krain)(1781). Pour toutes ces raisons, il nous paraît difficile de considérer Herder comme l’unique initiateur allemand du renouveau culturel et politique slave. Mais son prestige et surtout la portée universelle de son oeuvre qui exprime, en quelque sorte, l'esprit du temps, vient apporter la confirmation de ce qui était en train de se développer déjà depuis quelque temps dans le silence des cabinets des philologues, des historiens, des poètes et des savants de toutes sortes.-Il apporte un nouvel espoir aux hommes obscurs et pauvres qui ne recevaient aucun salaire pour leurs efforts. Et il insuffle un extraordinaire enthousiasme à la génération romantique qui affirmera de plus en plus fort l'indépendance nationale, y compris l’indépendance spirituelle par rapport à l’Europe, ce qui fut le cas des slavophiles. Notes :Herder î)P.Van Tieghem; Le Romantisme dans la 1ittérature européenne 1 ,Par is 1948,p.195 S) Cette oeuvre fut traduite en français par E.Quinet : !dées sur 1 a Phi1osophj e de 1'Histoii e de 1 'Humani té.Paris 1827.Elle est précédée d'une très belle introduction du grand historien.Les citations sont empruntées a cette édition.Nous donnons le"chapitre slave” en annexe(I). 3) Idées,Intr oduc tio n,p.2 4) ibid.Livre 7 chap 1 p.1E 5) ibid.livre 4 chap.6 p.38 6) ibid.Introduction p. XIV 7) ibid.livre 15.c h a p.1 8) ibid.Introductio n,p.71 9) R.J.Dani 1ewski:"Die erste Aufnahme der Ideen rur Pni Iosophia der Geschichte der Menschheit in Russland".dans Zui Her ders Rezeption,Fer lin 197Q. 10) ibid.p.11S 1 1 ) "DQify S1awenkapite 1 hat ...mehr Sympathie und Se 1 bsbewusstsein verschafft als die Siégé der Hussiten uber halb Mitteleuropa und die Po 1en-Lituaner ubei den Deutschen Orden".H.Lemberg :"Der Pansiawismus dans Die Peut schen und ih r e os 11 i c(^'i Mac: hbirn, Ber 1 i n 186'". 12) L.a plupart des historiens marxistes rejettent bien évidemment cette influence de Herder-phi1osophe chrétien et cherchent les forces motrices du renouveau slave dans la lutte des c 1 asses .Cf.J.Hroch: Pas Erwacman k 1 e i ner Nat ionen.München 1971, 13) voir annexe 1. 1 4 ) i b i d . 15) cf.Kidrič:Zois 11 p.101 16) "Cet t e nation immense bi snala njegovo enkrat poshret i " , ibid.p. 104.18/9/180e5 / 17 ) K i d r i c : Do b r o v s k y , p . 4 7 i Q ) G:~ a mm a t i ) p . X 1 >' 19)"géniale","grosse" SO ) H . Sundliaussen : Per E i nf lues der Herder ischen I de-:.- n ;.u f d_ie? Na t i onsb J lduriq be i dtp Vb iiKi: de j' Haüsbur g«?r Ma na r r. I ■ ■ e , Mb nr a • 1973,p.156 S1 ) Kačič-Miosič: 1759, : Razgovor ugodni naroda s 1ovinekoga.Vene-ia £6 CHAP.tflII La slavistique russe La Russie est le pays slave non seulement le plus important numériquement, mais aussi historiquement. C'est à l'époque de Dcbrovskÿ le seul pays slave qui ait une existence politique propre, si l'on excepte le minuscule Monténégro. D’autre part, la Russie possède des institutions scientifiques, des organismes qui font tant défaut aux premiers slavistes en Autriche, obligés de chercher à tout prix des moyens de subsister en dehors de leurs études menées souvent de façon presque clandestine. Une Académie existe à Saint-Pétersbourg depuis 1725, l'année 1755 voit la création de l’Université de Moscou, l’Académie russe est inaugurée sous le règne de Catherine II. Le journalisme se développe très tôt. Les bibliothèques des grands monastères possèdent des trésors innombrables et merveilleux, des moines savants y copient et étudient. C'est donc tout naturellement à la Russie que devrait revenir la primauté des études slaves. Bien que nous manquions d'études exhaustives récentes sur cette époque ( 1 ') , les deux hommes qui l'avaient connue ou étudiée, c'est-à-dire Schlozer et Kočubinski (2), nous dressent un tableau bien sombre de la situation de la slavistique en Russie à la fin du 18ème et au début du ISème siècle. Schlozer est un étranger et on pourrait l'accuser, malgré le service immense qu’il rendit à la Russie et à la slavistique en général en publiant son Nestor, d'un certain parti pris. Mais il insiste tant sur l’état lamentable des travaux des institutions et des savants qui y travaillent, qu’il est impossible de n'y voir que le reflet des idées préconçues. S’il publie ses textes en Allemagne, c'est parce que l’Académie ne veut pas les publier en Russie (3). A ses yeux, cette Académie est "impardonnablement insouciante" <4). Elle se trouve d'ailleurs dans un état lamentable <5>. "L'étranger ne pouvait rien y faire et l'autochtone ne fit rien" se plaint-il (S). Lorsqu’il visite les monastères afin de rassembler les manuscrits, il s’aperçoit que, malgré l’imprimerie qui existe depuis 15G2 en Russie, on continue à recopier, mais sans se soucier le moins du monde de l’exactitude. Toutes ces richesses semblent laissées dans le plus complet abandon. Koüubinski n’est guère plus tendre envers ses compatriotes, mais il met la faute surtout sur * j l’amiral Siskov et son cercle. En fait, plusieurs facteurs retardent et freinent le développement de la slavistique en Russie, facteurs inhérents à la langue russe et à la situation politico-religieuse de ce pays. Et ainsi, ce qui aurait du favoriser les études slaves,devient dans la réalité une gène et même un obstacle. Comme en Bulgarie ou en Serbie, la langue écrite, du moins celle de la population érudite, vit en vase clos, séparée de la majorité, même instruite. Or, qu'est-ce que le russe? Est-ce la langue parlée, et alors dans quelle région (Ukraine, Biélorussie, Grande Russie), ou est-ce la langue des chroniques anciennes, celle des prières, celle des discours et des écrits plus récents? Cette question divise les savants russes. Pour Schlôzer, aucun doute ne subsiste: il distingue deux langues: le russe (Russisch) et V V le "vieux slavon" (Altslavonisch). Mais l'amiral Siskov, président de l'Académie, donc la plus haute autorité, affirme haut et fort jusqu'à sa mort: "Je ne distingue pas le slavon du russe comme d'autres le font" (7). (Il pense à Dobrovsky). Il s'insurge contre l'activité de Karamzin qui veut séparer la langue écrite de la langue parlée. Qui plus i , est, Siskov considère que cette langue russe employée par l'Eglise et par tout ce qui nécessite un "style élevé" est le fondement de la religion orthodoxe. Toute étude sérieuse et moderne devient dès lors superflue et même dangereuse. Pourtant, cette langue sacrée était depuis des siècles l'objet de soins, d'études et de réformes) les tsars eux-mêmes s'en occupaient. Ainsi les descriptions, les lexiques et les grammaires ne manquent pas, qui seront des textes de référence pour les premiers grands slavistes. On peut citer la grammaire de Pseudodamaskine, celle de Fjodorov < Lwov, 1574). On trouve un exemplaire de la grammaire russe, écrite en alphabet latin en 1643 par un certain f. Uzevic à la Bibliothèque Nationale de Paris (9). Mais la plus importante, aussi bien par son contenu que par l'impact, est de loin la Grammaire Slovène de M. -Smotricki, parue d'abord en 1619 et de nouveau en 1648 à Moscou CIO). De nombreuses rééditions vont suivre. Elle fait autorité pratiquement jusqu'au 19ème siècle. L'auteur prend comme modèle le grec ancien et divise son ouvrage en plusieurs parties (orthographe, étymologie, syntaxe, prosodie), ce qui lui donne un aspect très moderne. D'autre part, Smotricki prend soin de traduire certaines tournures en russe parlé à son époque, ce qui représente un intérêt particulier pour les philologues à venir. Cependant le russe, qui coexiste depuis une époque très ancienne en tant que langue de correspondance privée et des écrits juridiques et commerciaux, se démarque de plus en plus du slavon. Mais il devra attendre J. Križanič et Lomonosov pour être sérieusement pris en compte. Juraj J V Kriaanic (1618-1686), d'origine croate, est parfois considéré comme le premier apôtre du panslavisme (11). Il fit ses études à Rome et à Bologne et voyagea ensuite parmi les différents peuples slaves pour mieux connaître leurs langues et leurs moeurs. Après avoir séjourné à Moscou, où il rencontra Avi/a^um, lui aussi intéressé par la langue russe (12), il passa vingt ans en exil à Tobolsk, en grande partie consacrée aux problèmes des langues slaves. Il y écrivit un IGO Traité sur l'orthographe slave (13), dont s'inspirera plus tard Pierre le Grand pour sa réforme, et une grammaire (14). Cette grammaire ne sera publiée qu'au début de notre siècle, mais Dobrovsky aura l'occasion de la consulter lors de son voyage en Russie. Il s’en inspirera, la trouvant très er. avance sur son temps. Križanič considère que le russe peut être séparé en trois différents groupes: la langue ordinaire, parlée par le peuple, le biélorusse (russe mêlé de polonais), et la langue littéraire (russe mélangé au grec). Le tsar Pierre le Grand ouvre la Russie à l'Europe et pose les fondements de la culture russe laïque. Il favorise l’instruction et l'imprimerie qui utilise pour la première fois en 1708 la nouvelle orthographe dite "orthographe civile" (grazdanka), proposée par le tsar lui-même et destinée aux ouvrages à contenu non religueux. La séparation entre ce qui est religieux et ce qui sert à la vie ordinaire apparaît donc officiellement. C'est encore le tsar qui prépare le projet de la création de l'Académie des Sciences, qui ne sera inaugurée qu'après sa mort (1725). V. Lomonosov , ce Pierre le Grand de la culture russe, prend la relève. Il est lui-même, comme le dit Puškin, la première université russe. Ce fils de paysan, qui avait appris à lire avec la grammaire de Smotricki, peut être considéré comme le fondateur de la langue littéraire russe. Sa Grammaire, écrite en 1755 et publiée vers 1757, tient compte aussi bien de son ancien maître Smotricki que des travaux de Gottsched, Anton ou Muller. C'est la première véritable codification de la langue russe. C'est encore à LomonosûV que nous devons la théorie des trois styles qui trace les frontières entre la langue de l'tglise et le russe (15). Mais nous avons vu qu'il ne sera pas toujours suivi et V un Siskov n'en tiendra aucun compte. Il est intéressant de noter qu'outre les nombreux travaux scientifiques, LomonosoV . qui est également poète, écrivit une Petite Chro nique Russe (1766) et publia un recueil de textes anciens c 16). Sous Catherine II, les travaux de philologie deviennent très à la mode et c'est Felica elle-même qui prend l’affaire en main, aidée par la princesse Daškova. Dn a tout de même l'impression aujourd’hui que ces travaux philologiques pourraient être comparés aux travaux agricoles de Marie-Antoinette. Pourtant, la Semiramis du Nord ne manque pas d’ambitions dans ce domaine, comme d’ailleurs dans d'autres. Avec l’aide de l'académicien Pallas, on prépare le grand Glossarium comparativum linquam totius orbis (Saint -Petersbourg, 1787-1792). C’est pour ce dictionnaire que le Slovène Kurverdej avait envoyé des matériaux, sans succès d’ailleurs, puisque l'on n'y trouve aucune trace de cette contribution (17). C’est l'étymologie qui fait les délices 1G2 de ces réunions de pseudo-savants et grandes mondaines qui trouvent des explications étymologiques de la plus haute fantaisie (ex. Neptune: de "ne protoni", c’est-à-dire " ne sombre pas"; "vorobej": de "vora be.j", c’est-à-dire "frappe le voleur"). Lorsqu’on veut savoir comment on appelle tel ou tel objet à Pskov ou à Tula, on envoie un coursier spécial. Ces travaux se prolongent après la mort de la tsarine et trouvent en l’amiral Sirkov un autre grand personnage qui leur imprimera son sceau. Nommé président de l'Académie russe en 1813, il restera à ce poste jusqu’en 18^1, date de sa mort. Kočubinski caractérise son activité de la façon suivante: "avec son activité étymologique, il avala l’Académie toute entière et l’emporta dans sa tombe" (18). Il limite quelque peu les travaux, puisque les académiciens ne préparent plus que le "dictionnaire comparé de 200 langues". Il n’est guère facile à Saint-Pétersbourg de contredire cet homme qui a ses entrées à la Cour et dont le protecteur est, entre autres, le ministre Arahcejev. Pour l’Amiral, la seule langue russe reste le slavon, qu'il considère d’ailleurs comme 1’ancêtre de toutes les autres langues. Il en avertit la Royal Society anglaise. D’ailleurs, / Adam était Russe (19). Il n’est pas étonnant que Dobrovsky, rencontrant ces savants, s’écrie, désespéré: "Qui nous aidera, nous autres Slaves, dans les sciencesv" (20). L'Amiral et l’Abbé partagent tout de même l'amour de la langue d'£- 1G3 glise. Toutes les autres langues slaves restent parfaitement étrangères au président de l'Académie russe et, lorsqu'il I rencontre Dobrovsky à Prague, il le traite avec beaucoup de condescendance (211. En un mot, l'Amiral persévère dans la direction esquissée par Catherine II, sourd et aveugle aux progrès accomplis par la science des langues, notamment en Ailemagne. Mais heureusement, il existait en Russie une sla- vistique non officielle. Déjà Schlôzer en a bénéficié en la * personne du professeur H.A. Cebotarev (1746-1815) qui l'avait beaucoup aidé et à qui le savant allemand porte une grande estime (22). D'autres Russes voyagent dans les pays slaves, tel A.N. Turgeniev (1784-1845) qui, avec son ami Kajsarov, visite divers pays slaves, rencontre St ratimirovič à Karlovci, suit des cours de Schlôzer à Gôttingen. A Moscou, naît un autre centre d'activité, beaucoup plus jeune, plus ouvert, plus informel. Il est présidé par N.P. Rumjancev (1754-1826), fils du célèbre maréchal de Catherine II. C'est un grand diplomate, sa culture ne manque ni de profondeur, ni d'étendue. Dès ses débuts, le cercle est très lié aux Allemands qui s'intéressent à la Russie, tel Schlôzer. Sur la proposition de Rumjancev, Alexandre 1er crée en 1804 la Société Moscovite de l'Histoire et des Antiquités \i (23). Le premier président en est le professeur Cebotarev, professeur de belles lettres à l'Université de Moscou. Il explique entre autres dans ses cours que les Slaves appartiennent à ce grand arbre des nations dont sortirent, comme des branches, les Germains, les Romains, les Grecs,... "ce qui peut être prouvé par la comparaison de leurs langues" (24). C’est déjà l’ébauche de la théorie indo-européenne, élaborée en Allemagne, et qui lie les langues et l'histoire. Le deuxième président de la Société est le professeur M.T. Kacenovski (1775-1842;), qui enseigne la philosophie et l’histoire et qui décide le ministre Razumovski à créer en 1811 à Moscou une chaire de slavon qui peut être considérée comme l’embryon de la slavistique russe. Ce qui intéresse les membres du Cercle, ce n’est plus l’étymologie universelle ni l’histoire fantaisiste, mais bien les oeuvres du passé russe et slave. On décide d’éditer les textes anciens et l’on crée à cette fin une collection spéciale appelée Dostopamjatnosti . La découverte du Dit de la troupe d’Igor à la fin du siècle ne fait que renforcer leur enthousiasme. C’est de ce cercle que sortiront les deux premiers grands slavistes russes que sont Vostokov et Koppen, encore que l’on ne puisse les séparer complètement de la slavistique V . officielle de Siskov (25). Remarquons tout de même qu’ils sont tous les deux d’origine allemande, qu’ils connaissent bien les travaux des philologues allemands, qu’ils sont en relation avec Dobrovsky et Kopitar. C’est surtout Képpen qui joue le rôle de l’intermédiaire, qui voyage et discute et observe le travail à Vienne, à Prague, à Munich, etc... et tente d’implanter les nouvelles idées en Russie. Son journal, de courte durée il est vrai, Feuilles bibliographiques . se veut le pendant russe des Jahrbucher fur Literatur viennois. Il cherche des collaborateurs dans toute l’Europe (Adelung, Vostokov, Strojev, Linde, Evgenij, Band-ke, Dobrovsky, Kopitar, etc... sont appelés à y participer). Il est le "père de la réciprocité scientifique entre nous et eux" (26). Comme les autres slavistes de l’époque, ils n’ont pas de statut officiel. Vostokov est bibliothécaire comme Grimm ou Kopitar, ce qui lui donne accès à tous les manuscrits anciens qui seront à la base de ses études. On commence tout de même à songer à une chaire où la science slave commune trouverait sa place, où elle pourrait se développer. Il est vrai qu’en 1811 le ministre Ra-zumovski avait créé une chaire de littérature slave à Moscou, mais on se contentait d’y lire et étudier le Psautier et la chaire disparut après une année de fonctionnement (27). Vers 1825, l’idée d’une chaire d’études slaves est remise à l’ordre du jour, par Koppen principalement. Remarquons que cette chaire est réclamée avant tout dans deux "centres": à Moscou et à Vienne où Kopitar la réclame à cor et à cri depuis 1810. Kc-ppen avait eu de longues discussions à ce propos avec Kopitar lors de son voyage à Vienne (en 1821-1824). On peut se demander si ce n’est pas justement celui-ci qui lui avait donné cette idée. Toujours est-il qu'après toute une série de péripéties, l’année 1835 voit naître les quatre premières chaires d’études slaves en Russie: à Moscou, Saint-Petersbourg, Kazan et Kharkov. On considère parfois cette année 1835 comme la date marquant les débuts de la slavistique russe. Mais, comme nous avons pu le voir, un travail considérable avait déjà été accompli avant, et cette date nous paraît plutôt comme un aboutissement d'efforts conjugués plutôt que comme un véritable commencement. Il est vrai par contre que si nous retenons cette date, la Russie est la première à s'être dotée d'institutions semblables. La France suivra avec la chaire au Collège de France en 1840 et l'Autriche ne viendra qu'en troisième lieu avec les créations de chaires à Prague et à Vienne en 1849. Il est évident que ces inaugurations avaient un retard de plusieurs décennies sur les véritables débuts de la slavistique. Sans entrer dans les querelles stériles sur la primauté de telle ou telle nation dans ce domaine, force est de reconnaître que, tout comme pour le panslavisme, la slavistique à ses débuts passe plutôt d'Ouest en Est que le contraire. Deux faits prouvent en effet que les slavistes "occidentaux" avaient une certaine avance sur ceux de la Russie: nombre important d’ouvrages traduits en russe et 1C 7 recherche des professeurs devant occuper les chaires nouvellement créées parmi les slavistes de l'école de Do-brovsky. C'est Jazykov qui traduit le Nestor de Schlozer en 1809 (28). Le traducLeur souligne que Schlozer avait rendu des services inoubliables à l'histoire russe. Toutes les oeuvres majeures des slavistes tchèques seront ainsi traduites en russe. C'est le jeune Pogodin qui traduit les Institutiones en 1832 (29). Cette traduction soulève d'ailleurs une certaine polémique car l'oeuvre de l'abbé tchèque est écrite en latin, donc accessible aux savants et, d'autre part, Vostokov remarque, à juste titre, qu'une adaptation qui tiendrait compte des dernières découvertes (il s'agissait surtout de l'Evangile d'Qstromir) et corrigerait les erreurs que l'auteur lui-mime reconnaissait volontiers, serait bien plus souhaitable qu'une simple traduction. Les oeuvres maîtresses de Safarik furent traduites en russe par le slaviste Bodjanski et leur vaste savoir qui concernait tous les Slaves très apprécié (30). Si l'on ajoute à cela les oeuvres de Kollar qui répandent l'idée de la grandeur slave et celle de la réciprocité, on voit que l'école de la slavistique tchèque connaît un réel succès en Russie. Pour occuper les quatre chaires de l'histoire de la littérature slave commune1 (Koppen) (3^), on pense d'abord à faire venir les professeurs allemands, mais très vite Koppen I' 0 suggère à Siskov, alors ministre de l'Education, l'idée de 1GB faire venir des slavistes autrichiens. "Dans les années 20 surgit en Russie la question de l’invitation dans les universités russes de quelques savants slaves occidentaux, qui avaient formulé de grands espoirs pour la science slave dans le sens de Dobrovsky, afin d’instaurer en Russie de la manière directe et la plus rationnelle, semblait-il, l’étude des Slaves par 1"intermédiaire des Slaves en Russie" (32). C’est Küppen qui joue le rôle de l’intermédiaire, mandaté * . Murko fut traité ouvertement par Lamanski d' "Avstrijak". Il écrit: "L'intelligentsia russe savait, après la dernière guerre russo-turque, qu'il existait quelque part des Slaves, mais où ils étaient, comment ils vivaient, quelles étaient les tendances qui avaient cours chez eux, de tout cela elle n'avait pas la moindre idée" <421. L’ignorance mutuelle, un certain mépris qu'exprime également Dostoevski en parlant dans son Journal d'un écrivain des "peuplets" slaves, mépris qui existe pourtant également chez les Slaves occidentaux, font que les travaux des slavistes ne trouvent pas toujours l'élan commun qui eut été souhaitable à l’époque où la slavistique cherche encore ses repères <43>. Notes : S1 avistique russe 1 ) A. G. Mlitiehmkob: " K sonpocy o nyras h ocoôshhoctsx 6 op m ti poE an üs e-iassHOBe^eHHs b Pocchh" , S tud i e « d . £89-310 . E>A,A. KoMyCwHCKHft : A jMîipaji HIpuikob i± Kanuyiep rpaž PvMflHti.eB -IiasaJibUHe roau pyccKoro cjaBanoBeaeHiig, Qaecca 1877-1878. 3)Schlozer : Vie.g.56. 6) ibid. ,p.78. 5)ibid.,p.65. 6>"Der Auslander konnte nichts tun und der Inlander tat nichts".Nestor,p.78. 7) "Si cjioBeHCKiifi h pyccKHft S3uk ne paocieasio, t:aK aro Miiorne iie.aaiùT" , Kohyt*hhckun : op . c i t . , p . £8 . Ri " PyccKHfi ne üMeei c hîîm Ma.nefituero paa-iiiHUJi '. i b i d . . p . £5 . 9 ' Grammat ica sl ovene, ka , 1683. 10 ) M ■ CMQTPtiuKHfi : rpaMM3?;-îKW cJioBeHcr.ag npaBinbuoe cnHTarrîa. MocKBa 1619. 1 1 ) P . G . Sc o 1 ai d i ; Kr i j an i c , Me usager de 1 ' Uni té des Ch i é t~ i ens et F-en e du Pans lavi; -me . F’ai is 1 98 9 . 1E) P. Pascal ; Av rakuni et lec Début s du Raskol . l'ar i e <863. 1 3 11 i ženic avait dé ; è émis l'idée d'une orthographe commune pour t o u •:, 1 e s 91 vos. 19 ) l’ pawKaTi mhü i ct-.aoai-i j e u6 dvu.om j gai i:y .écrite autour de 1666. 15)0 nontae KHiir uerrori-un;. Mockbh 1756 . 1 6 ) Kpartcaq poccmlcKag ;;eroni;ri., Mockf.3 1 75e?. 17)Kidrič:Dobrovski,p.19 18 ) IUiiwkob norjioTîî.a ctoeio besbpeirHOio BTHMO.nornMscKio zjeflTejîLHûCTfciû boü Ai.ajfMHKi. . , n yBJiÊK eë e Monuiy' KoHyCMHCKiiiï : op . c i t. , p . 16 . 19)ibid.,p.32. 80)ibid.,p.60 Sl ) ibid . ,p.17 SSISchlozer: Vie,p.36 23 ) " MocKCECKoe OfiuiecTBO Hcropmi n UpeBHocTefi. " 24 ) KoHyôi-ïHCKïiil: op . c i t . , p . 3? 25)Studi e.p.289 26 ) ' Oh ycTaHQBïiTejib nayHHoft b33hmhocth Mex^v h3M» hmh" K o h y 6 h h c k u n : op . c i t . , p . £08 27)SrnM: Hctophs,p.187 £8 > HecTopb : Pvccksp. neronnct h a nneB.ne - c.'iapancKow aJUKe. nepeB&ji c HeMemcoro H.. S3UKùe , CaiiKt -IléTepCypr 1809 29 ) rP3MM3THK3 S3i:Ka C JiaB5iHCK OrO no JPeBH&MV HapeHHio, üflHKT-IleT^pfiypr 1 833 . 301 C.i3B3ncKoe HapozjoimcaHiie , Mockes 1843; CaaeaHa-Hfr ■flpOBHOCTTI, HoCk b a 1847. 31 ) "Hctophs oGm&cjiat-^HCKOft .nnreparvpi!" . 32) "B 3B2ÜU3Ti:X rOL'3X . ■ . BÛ3HHK B PoCCilll BOnpOC O npMrjiamemni HeKaTopux aanaaHù-cjiüBaHCKtix ynemix, noaaBUHX fio.ntme HaaeKAii c^aagncicofl HayKii b cmucji* üotipuBCKoro b pvcc-Kiie VHMBepaueHi, htoGli st mm nyT?M. Kas . Ka.sa.noct, csmum npamiM n ue.nacooCpasHUM, BoJBopiiTK nayiemie 0.naBSH nepes C.naBan ;t:e b Poccmij" SlrHM : l-lcTuiniT. p . 281 r 33) Un débutant à 1'époque. 34 ) l- o r r e g p onde ne e P.J.Safa rik a. Prag 1 927, 35 ) KenneH : Eiiorpaifrna. p . 107 36 ) " sto y nap .a.nn pyccKoro ciasgHOEejeHi«, " i b i d . 146 . 37 ) 541' 11 m : HcTOpnn. p . 290 . 38 ) " 6J He ayMatû, htûCiî hto-jtm6o hobob, Herc 6ii b nefs ne 6u.no, Počena Morjia nonyMHTt or ct3emkcm!>; n.isM3H. HanporvsB loro.nnn hhx ocBo6o»:aeHne ot hx n.neMt-HHiix anHOCTopùhyocreft m ocyiueciBaemie e-ce(5e o6iue-cnat: . 9i l'on voulait comparer l’état de la slavistique à ses débuts à ce qu'est cette science aujourd'hui, on pourrait se servir d'une image qui nous aiderait à comprendre les difficultés auxquelles ces pionniers étaient confrontés: représentons-nous l'Amérique d'aujourd'hui, dont le moindre coin a été étudié, le plus petit fleuve exploré, les habitants répertoriés et étudiés, le tout porté sur des cartes et graphiques détaillés; et puis, imaginons-nous 1 $ Cipango de C.Colomb et de ses successeurs, dont on connaît l'existence grâce aux textes, aux cartes, aux légendes. On parle de trésors et de merveilles, mais on n'a aucune vue d'ensemble valable. Tout reste à explorer, à découvrir, à étudier. Souvent, on ne peut se fier qu'à l'intuition. Les premiers slavistes sont donc de véritables défricheurs des terres vierges. Qu'ils abordent l'étude du passé ou du présent, les écueils y sont nombreux et les dangers multiples. En ce qui concerne le passé, ils disposent de quelques classiques très répandus, comme les récits d'Herberstein ou la grammaire de Smotricki. Les travaux de Schlôzer, malgré leurs insuffisances, leur servent de référence. Quelques textes anciens ont bien été publiés, notamment le Slovo o Polku Igoreve <31. Mais la grande majorité des textes restent enfouis dans les bibliothèques, dans les monastères où personne ne connaît leur valeur historique. Schlôzer et plus tard Dobrovskÿ seront scandalisés par le peu de soin accordé à ces monuments du passé slave en Russie <41. Tous ces textes sont, en général, difficilement accessibles. L'histoire des peuples slaves reste la plupart du temps peu connue, exception faite de l'ouvrage monumental de Karamzin <5) qui est pourtant loin d'apporter tous les renseignements nécessaires. En ce qui concerne les frères Cyrille et Méthode, il est difficile, parmi les lambeaux de connaissances, de séparer la vérité historique de la légende, la réalité vécue de l'hagiographie. Le vieux slave apparaît très vite comme un fait extrêmement important, mais qu'est-il en réalité? La langue originelle des deux apôtres slaves? Est-ce tout simplement le russe comme l'affirment Po- V vest vremenih let et l'amiral Siskov? Ou est-ce la langue-mère <61, c’est-à-dire l'ancêtre commun à partir duquel s’étaient développées toutes les autres langues slaves? La grammaire de Smotrocki, la seule accessible, date de 1619. On a peu d'idées sur les lois qui régissent l'évolution des langues slaves. Pour ce qui est de l'état réel des peuples à la fin du ISème et au début du 19ème siècles, la situation n’est guère meilleure. Napoléon et après lui les Grands réunis au Congrès de Vienne déplacent et fixent les frontières, mais sans tenir compte des peuples, des cultures, des langues. Politiquement, il existe deux états slaves, le Monténégro et la Russie qui comprend un nombre inconnu à l'époque de peuples non slaves. Existe-téL 1 plusieurs langues slaves en Russie même? L'ukrainien doit-il être considéré comme une langue distincte du russe <75? Il en va de même pour les Tchèques et les Slovaques. Quant aux Slaves du Sud, à l’époque qui nous occupe, personne n'est capable de tracer des frontières linguistiques précises. Etudier qui est qui, écouter les différents parlers, observer les us et coutumes des populations, essayer de connaître leur passé, voilà aussi le travail des slavistes du ISème siècle. Le chaos le plus extraordinaire règne dains le choix des mots et des dénominations, certaines ambiguités à ce niveau-là mènent droit aux erreurs de jugement. Prenons par exemple le vieux slave: on l'appelle "slovenski" ou "slavenski" en Russie CS) . liais le slovaque est aussi "slovenski" O). Kopitar parle de "Slovenci" CIO) en sous-entendant bien sCir ses compatriotes dont il avait écrit la grammaire, liais le vieux slave, nous le trouvons sous la dénomination "Alt-Russisch" chez Dobrovski Cil), alors que Schlozer emploie le terme "a1ts1avonisch" et Mickiewicz le terme de "slave antique - langue morte et sacrée" Cl2). En ce qui concerne le vieux slave, une certaine confusion subsiste Jusqu'à nos jours un peu partout et N.T. -Tolstoï se sent obligé de consacrer tout un chapitre de son ouvrage à la définition des termes C13). Autre exemple de confusion: les II lyres. Voltiggi appelle ainsi tous les Slaves dans leur ensemble. Le maréchal Marmont eut voulu que les habitants de ses provinces illyriennes parlassent tous l’illyrien 04). Il est impossible de mener une étude sérieuse au milieu de cette confusion et Kopitar essaiera mainte fois, dans ses articles, de clarifier la situation et de donner des définitions précises aux mots employés. Dans sa correspondance avec Dobrovsky, des chapitres entiers sont consacrés à ces problèmes de définition des termes. Un autre problème qui agite beaucoup les intellectuels slaves de toutes les contrées et donne du fil à retordre aux slavistes, c'est celui de l’alphabet. Entre le cyrillique ancien, la grazdanka, le latin, le glagolitique et jusqu'au gothique, tous les mélanges et combinaisons sont possibles. Presque chaque nation slave connaît sa guerre de l'alphabet au 19ème siècle. A mesure que l'idée de l'unité slave historique et linguistique prend de l'ampleur, la question de la langue slave commune se pose aves plus ou moins d'acuité. Puisque ces langues slaves sont si proches, et personne ne s'en rendra mieux compte que ces soldats de la Grande Armée qui parcourent l’Europe, ne pourrait-on pas envisager une seule langue pour tous les Slaves? Là aussi, l'exemple allemand peut inciter à la réflexion, car si le haut-allemand s’est imposé en tant que langue littéraire, il subsiste entre la Prusse et la Suisse de nombreux dialectes fort différents de la langue écrite que les grands génies comme Goethe, Schiller, HercJer ont réussi à imposer. Cette époque voit d'une part des séparations linguistiques (ex: tchèque - slovaque) et, à l’opposé, des rapprochements (ex: 1'il lyrisme avec Stanko Vraz). Dans quel sens les premiers slavistes vont-ils oeuvrer? De sucroît, les slavistes du début du ISème siècle se heurtent aux problèmes d'ordre politique et religieux. La Turquie reste fermée, la Russie soupçonneuse à l’égard des Polonais et des Slaves d’Autriche,' le slavon serbe et russe est considéré comme appartenant au domaine de l’Eglise orthodoxe. Rien d'étonnant alors que, dans ce climat, le "j" introduit par Vuk dans l'alphabet serbe apparaisse comme une arme secrète du Pape pour saper les fondements de la religion orthodoxe. D'un autre côté, l'Edit de Tolérance permet aux Tchèques, aux Slovènes et aux Croates de renouer avec la riche tradition protestante. A toutes ces embûches dont est semé le chemin des pre- miers slavistes, il faut ajouter un nombre infini de problèmes matériels» Si les manuscrits sont enfouis sous d'épaisses couches de poussière dans des bibliothèques et des monastères dispersés de par l’Europe, les livres publiés par leurs contemporains ont beaucoup de mal à circuler. Ainsi Kopitar déplore que Vater ne trouve nulle part la grammaire de Lomonos-ov (15). Le Slavin connaît des problèmes de diffusion. Vater et Schléser ne semblent pas le connaître (16). On est obligé d'avoir recours à l’échange, au troc, car si le commerce des denrées rares ou exotiques bénéficie, déjà depuis longtemps, d’un réseau de structures, celui du livre n'en est qu’aux balbutiements. C’est pour cette raison que Kopitar nous apparaît parfois comme un 1ibraire-intermédiaire ou une sorte de boîte aux lettres qui sert un peu à tout le monde (17). La censure qui sévit avec plus ou moins d’intensité dans tous les pays d’Europe ne facilite certainement pasles choses. Aujourd'hui, des centres universitaires, des instituts, des académies, qui ont pour objet l'étude des pays slaves; clans leur ensemble ou séparément, existent dans tous les pays. Des colloques sont organisés, des journaux et des revues publient une grande quantité d'articles consacrés aux questions et études les plus diverses. Au moment où la slavistique émerge en tant que science, aucune institution capable de favoriser son développement n’a encore vu le jour. Voilà pourquoi Markov considère les premiers slavistes comme des "slavistes sans slavisti que" (18). Ils sont isolés et aucune structure ne vient appuyer leurs recherches et encourager leurs efforts. Cela signifie que la formation des futurs chercheurs n'est pas assurée, que tout le poids de la transmission des savoirs si durement acquis repose sur le hasard et l'initiative privée. On a bien inauguré une chaire de slavistique à Warsovie en 1817 et c’est Linde lui-même qui en est le titulaire (19), mais elle disparaît après la tourmente de 1831, alors que Kuharski devait y apporter toutes les connaissances acquises lors de; son grand périple slave (20). Dobrovskÿ tente bien d'organiser une école: on se réunit dans sa chambre et on étudie ensemble (21). Kopitar lui-même pense un moment rejoindre cette école. "Et si j’y passais (à Prague) une année pour étudier? Le Droit s'y trouve comme ici (à Vienne). La source des Slaves est là-bas. Je sortirais de l'école de Dobrovskÿ assurément comme un slaviste accompli. ( 22 ). De fait, ces hommes étudient les uns chez les autres. Une sorte de compagnonnage s’instaure peu à peu, qui va durer jusqu'à la création des premiers centres universitaires. Prague et Vienne deviennent rapidement ces foyers du savoir, par où il est indispensable de passer, où l'on peut profiter des connaissances des grands maîtres. Ranke, Vuk et Kopitar forment une confrérie (23) qui se réunit régulièrement, soit dans l'appartement de l'un des membres, soit au "Loup Blanc". C'est le contact direct, ce sont des rencontres et des lettres qui remplacent colloques et travaux universitaires. En Russie, les trois chaires de slavistique ne seront inaugurées qu’en 1835 (24), à Prague et à Vienne en 1848- 1849. Le cours de liickiewi.cz, d'une importance capitale en ce qui concerne l'introduction des cultures slaves en Occident, doit être considéré comme une chose à part, aussi bien à cause de son contenu, que de la personnalité du poète polonais et des causes qui avaient provoqué cette création. Autant dire que les premiers slavistes n'ont pas de statut officiel. Ils ont besoin d'un métier, d'un gagne-pain, à moins de dépendre d'un mécène comme Bobrovsky, d'accepter une vie quasiment monastique, ce qui fut le cas du grand érudit tchèque. Il serait .juste de rendre un jour hommage aux mécènes des premiers slavistes. Des hommes comme Zois, Ossolinski, Stratimirovi c, Nostiz., Rumjancev, etc... avaient mis à la disposition des premiers slavistes, non seulement des moyens matériels, mais également leur notoriété, ce qui n'était pas-aussi. évident qu'il y paraît aujourd'hui, car aux yeux du monde dit "civilisé" ces premiers érudits slaves étudiaient des peuples obscurs et barbares. Le métier qui s'accommode le mieux avec les recherches slaves est bien sûr le métier de bibliothécaire. C'est celui de Kopitar, celui de Vostokov qui travaillait durant 28 ans à la Bibliothèque publique de Moscou. Chez les Allemands, Jakob Grimm lui aussi bibliothécaire, et tout comme Kopitar, est envoyé en tant que tel à Paris en 1814 pour récupérer les manuscrits allemands emportés par les armées napoléoniennes. Mais les deux hommes ne feront connaissance qu'un peu plus tard. Vuk est le seul à vivre et à faire vivre sa famille avec Iss revenus que lui rapportent ses écrits. Sa correspondance 1 3 G avec Kopitar est remplie de demandes de crédit} il lui arrive, lorsqu'il est à Moscou, de confier entièrement la vie matérielle de sa famille aux bons soins et à las générosité de son ami viennois. "Vivre de la littérature serbe, c'est comme aller lécher la soupe chez les capucins" <251. (Les capucins jouaient à Vienne un rôle semblable à celui de l'Armée du Salut). C'est encore Kopitar qui cherche des subsides auprès des Sociétés E-iib 1 iques pour la publication de la traduction serbe V' j de la Bible. Safarik est directeur de lycée à Nlovi Sad, d'où il écrit, désabusé: "Ca va misérablement, mon cher ami, pour notre affaire slave. Les gens ne nous connaissent pas, ne s'intéressent pas à nous. PlCit à Dieu que cela change, que cela s'améliore; mais je n'ai aucun espoir" <261. Mais, malgré des difficultés innombrables, ces hommes courageux poursuivent leur travail. Ce sont des amateurs au sens premier du terme, guidés par le culte de la vérité, mêlé d’un amour profond pour leurs peuples, leur passé et leur présent. Cette fin du 18ème et le début du 19ème siècles apparaissent comme des périodes pleines de contradictions et de paradoxes. L'universalisme des Lumières mène à l'éveil des nations, la rivalité entre Slaves et Germains se mue, chez les érudits, en collaboration étroite, l’enthousiasme le plus pur subsiste au milieu du dénuement matériel, la redécouverte de l'unité slave va de pair avec l'affirmation des traits régionaux . La slavistique européenne, produit du hasard et de la nécessité historiques, symbolise et reflète la renaissance linguistique de l'ensemble des langues slaves, comme du sentiment de leur étroite parenté. Elle dépend de la réciprocité, de l’entr’aide, elle tisse des liens étroits, non seulement entre les nations slaves, mais entre toutes les nations d'Europe. Voici un exemple qui a une valeur anecdotique et nous fera mieux comprendre cette situation complexe et simple à la fois. Le père du slaviste russe P.I. Koppen fait partie des 25 médecins envoyés par Frédéric II, despote éclairé, à Catherine II. Le futur slaviste fait ses études à l'université de Khar-kov, sous la direction des professeurs allemands dont von .Jakob. Il voyage en Europe, rencontre l'orientaliste autrichien Hammer, l'historien Hormayr, Hanka, F. Schlegel, Kopitar, etc.. A Kassel, il s'arrête chez le bibliothécaire qui n'est autre que Jakob Grimm. Pendant ce temps, son ancien professeur von Jakob est revenu enseigner à Gottingen. Sa fille, Thérèse Albertine, avait commencé à se passionner pour les Slaves à Kharkov. Bientôt, elle fait partie de la cour de Weimar et s'intéresse particulièrement a tout ce qui touche au folklore. Elle traduit entre autres des chants serbes, aidée par Kopitar. Plus tard, elle épouse le professeur anglais Edward Robinson qui publiera la première Histoire des littératures slaves aux Etats-Unis (27). Cet exemple illustre un peu la nature des liens qui rattachent les premiers slavistes et donne une idée de la propagation géographique et historique des études slaves: l’aspect régional voisine avec l’aspect supra-national, les relations personnelles renforcent l’ardeur studieuse, une découverte en entraîne une autre et , peu à peu, un dense réseau de slavis-tes recouvre l'Europe tout entière. ti ; Le.- rxincipaux Problèmes I ) SïrnH : HcTopua c . E 1 9 _ v * £)Safarik:Geschichte der s 1avisc hen Sprache t1 nd U-teratur ,ûFFer) lQ2b 3>0n connaît les péripéties de cette édition.O u ant à Sžjjr om j r . ji ne sera édité qu’en 1893 ^)Schlo;er:Vie p . 59 5 ) H. M . Kap3M3HH : McToptig rscyjapcTEa poccnflcKoro « Mockb3 1SI9 6) "Mut tersprache" 7) La question reste posée jusqu'à nos jours.Ainsi Solzenicyn Cor>sidere comme une erreur historique la séparation entre le russe 1'ukrainien.Cf.Comment aménager notre Russie Paris 19^0. R ) T <~i noT/'iM • 1 A ht t~\ »•> t « c? r~ R '—' f a v-» • * u. a w a » ■ m a m |.^ »«. i I— ■ U > a* 9) Jan Tibersky :"S1 avistique baroque",Studie.p.93-l16 10) Kidric :Zois II,p.104,19/10/1809 II )Jaqic :Neue E .719 1 E)Mic kiewic z: Cour s 1840- 1891,p.6 1 3 ) To.icTofi : HcTomift. c . 39 14 ) Kidric ;Zois 11 p.153,no te 7 15) ibid.I p.lh9 H 16) Br a nd1 : Život Dobrovskeno p. 135 1 7 ) fluet.Ma jç 1 aiiKe c . 450 1 8 ) Mero au c . E5 1 9 ) OpaiiueB : floahCKoe c.iaB3HOBejeHne, c . 3 15 20)ibid.p.478 E1 ) SlniM : Hctoph*» c . 339 2E)"kJie wenn ich selbst auf ein halbes Jahr hier studieren ^1ngevjus dort.wie hier; 51avicorum autem fons est ibi.Aus °br0vsky1 s Schule trate ich darin gewiss als vollendeter Slavist âhf u , J Kidrič: Zois I p . 1 96 , Kop. à Zo i s , 1 /2 / 1 809 53)"Bruderbund" PU ) K o m y 6 ! ; h c m i ! fi : Aümkpb.i lUMiüKoe c . 231 25>"0t srpske literature živiti znaci koliko ot kapucina corbu srkat 1"Vukova prenizka.I,p.337 26>Dopada tc mu j drahy prite 1i , nu zernè ba,zaufale ? naši slavanskou véci...Narod nežna nas a nevyhlediva nas.Dejz Buh,aby se to zmeni 1 o,z lepši 1 c ; j a vsak nem s m žad né nadé je" . E ~ and 1 : Z i v o t Šaf a ' i k a p . Er c? 7) E.Robi son : Hi sto y cf Slgvon i c l_ i t ^ e' a r u ■- s . ‘'len Vork 1850. CHAP.XI Les grands précurseurs et contemporains de Kopitar. Dès les débuts de la renaissance slave paraissent, chez divers peuples slaves, des ouvrages (grammaires, dictionnaires, histoires, etc...) qui contribuent, chacun à sa manière, à faire avancer la connaissance de ces peuples. -Parmi les auteurs de ces ouvrages, il est des savants capables de s’élever au-dessus du niveau régional ou national, en mesure d'aborder des questions qui concernent l'ensemble des peuples slaves, d'étudier leur histoire ancienne, de comparer, dans une certaine mesure, les diverses langues, cl’étudier les textes anciens, d’établir la nature exacte des liens qui unissent ces peuples. Nous avons pu nous rendre compte des difficultés que rencontraient ces premiers slavistes, des liens étroits qui les unissaient. Des rivalités naîtront également entre les contemporains qui se connaissent presque toujours personnellement. Comme ils font partie de l’univers quasi quotidien de Kopitar, nous allons évoquer brièvement les plus grands, ceux que M. Vasmer appelle des 1é1éments fondamentaux (1) de la slavistique. Il conviendrait de citer, parmi eux, les "Allemands russes", comme les appelle Kocubinski, qui, travaillant à Saint-Petersbour g au sein de l'Académie des Sciences russe, permirent malgré les insuffisances, aux érudits européens d'avoir au moins une idée de l'histoire russe ancienne. Citons parmi eux Gottlieb Bayer (1674-1738) et Gerhard Friedrich Muller (1703-1^83). Ce dernier publie à partir de 1782 Sammlunq russlsche Geschichte et participe à la publication de la première histoire russe,en russe,de Tatiscev (2). Mais l'activité de ces érudits se poursuit comme en serre, ils sont un élément étranger qui, bientôt, sera surpassé par des forces vives poussées sur le sol national (Karamzin LomonoscV ), Mais c'est l'Allemand AUGU5T SCHLOZER (1735-1809) qui est incontestablement le premier et le plus important précurseur des grands clavistes du 19ème siècle. Originaire de Hohen1ohe-Kirchberg, il fait des études de médecine à Wittenberg et de langues orientales à Gbttingen; il fit un premier voyage à Stockholm et à Uppsala. J.J), Michael is le recommande à l'historien Muller qui cherche un secrétaire capable de l'aider à classer les documents relatifs à l'histoire? russe qu'il avait rassemblés. C’est plutôt par hasard que l'historien allemand aborde l'étude des textes slaves, car son but réel est de partir vers l'Orient pour étudier les langues encore inconnues (3). En attendant les papiers nécessaires, il essaye d'apprendre un peu de russe dans la maison de Millier où l'on parle toutes sortes de langues, sauf celle du pays. Bien que Schlôzer ait déjà appris plusieurs autres langues, il trouve la tâche difficile, car il n'existe aucune grammaire; celle de Lomenosov ne sera traduite en allemand qu'en 1764. Il décide de préparer lui-même une grammaire russe, mais Lomonosov en arrête la publication en traitant l'auteur de "brute" (4). Cette grammaire, selon Jagic d'une grande valeur scientifique, ne sera traduite en russe et publiée qu'en 1875 (5). Jagic regrette cette publication tardive, car 1 a grammaire de Schlozer aurait évité mainte erreur et aurait donné une impulsion aux recherches ultérieures, comme celles de Dobrovsky A défaut de textes arabes ou hindous, Schlozer s'attelle à l'étude des manuscrits russes anciens. En effet, la publication des manuscrits anciens apparaît à l'époque d'une importance bien plus considérable que l'étude de l’histoire C7). Lorsqu’il voit pour la première fois ces manuscrits des chroniques de Nestor, il est saisi d'un sentiment religieux, il éprouve la même vénération que son maître Michaelis devant la Bible <81. Il ne peut qu'admirer la richesse de la langue et éprouver une grande satisfaction d'érudit devant le nombre de variantes qui permettent une étude philologique approfondie. Il s’éprend littéralement de ce travail, qu'il accomplit d'abord en plus de ses obligations professionnelles. "Nestor restait pour moi un vieil amour" <9). Il publie à Saint-Petersbourg en 1767 Probe russischen Annalen", la première édition d'un texte slave de cette importance. Une édition beaucoup plus complète sera faite lorsque l’auteur sera de retour en Allemagne, car en Russie il finit par être découragé par les problèmes; qu’il rencontre pour mener à bien cette publication. Son Nestor (ICO sera connu et apprécié par l’ensemble des érudits européens et une véritable manne pour les slavis-tes. L’ouvrage sera traduit en russe par D. Iazykov (11). En 1772, S c; h 1 o z e r p; u b 1 i e son Allqemeine Nordische Geschichte, unique ouvrage d'histoire de la Russie ancienne où l’on accorde une pilace importante à l’ensemble des Slaves, leurs langues, leurs coutumes. A partir de 1769, Schlozer exerce comme professeur d'histoire à l'université de Gottingen. Schlozer était le premier à aborder l'étude de la langue russe, d’un point de vue linguistique, selon les méthodes de Michaelis. Mais étant donné que sa grammaire ne fut pas publiée, c'est exilleurs que se situe tout le poids de son influence. De par ses origines, du fait qu’il "exerce" à Saint-Petersbourg et à Gottingen, il est le lien entre l’Europe Orientale et Occidentale. Il apporte clans les pays de langue allemande, donc plus accessibles à l'Europe Occidentale, une profonde connaissance de la réalité russe et du lointain passé historique. Il révèle à l’Europe l'existence et l'ancienneté du vieux slave. Mais son intérêt ne s’arrête pas à la Russie car, en suivant les écrits du moine Nestor, il fut confronté aux autres branches des Slaves. Il est le premier grand historien "moderne" (par rapport à Dobrovskÿ, Kopitar, etc...) à avoir une vue d’ensemble, le premier à prouver et expliquer cette unité supposée. Il ne se contente pas de décrire? des faits de langue, mais il compare divers dialectes, divers manuscrits, cherche à établir une véritable étymologie à partir des textes. Il connaît et cite d’autres autaurs (Herberstein, Popovič, Bohorič) (12) qui avaient essayé, bien avant lui, d’étudier les peuples slaves. De plus, il peut comparer les textes russes avec les oeuvres des auteurs de la Réforme, comme Trubar et Dalmatin. C’est encore lui qui attire l’attention sur 1’Evangé1iaire de Reims, perdu pendant la Révolution (13). Pour les premiers philologues slaves, son édition de Nestor est un exemple à suivre, car tout y est groupé: l’histoire des manuscrits, les variantes, les explications historiques et étymologiques, la traduction allemande et latine. Il est conscient qu’il ne fait qu’entamer un champ en friche, que tout reste à faire, fixe même une sorte de programme aux futurs savants, parlant de grammaire comparée, d'alphabet unifié, de paléographie slave à fonder. Son édition est même suivie d’une annexe: Studium Anna 1 i um Plis t or i c um. sorte de guide méthodologique pour l’étude des textes anciens. En tenant compte de tous ces faits, on comprend mieux la vénération que vouent les premiers slavistes à Schlozer. Dobrovsky et surtout Kopitar; qui n'a .jamais été en Russie, voient ce pays un peu à travers lui. Et c'est une vision très critique. Comme nous l'avons vu, Schlozer est un homme de 1'Aufklârung, profondément choqué par l'écart entre les idées que semble affectionner 1'aristocratie jusqu'à la tsarine elle-même et le manque de liberté élémentaire qui règne en Russie. "Que soit maudit le servage (glebae adscriptumX", s'écrie-t-il avec indignation (14). Il dresse un tableau des moeurs de l'époque qui n'épargne rien ni personne. Voyant la misère et l'ignorance du peuple, il propose un programme culturel pour le sortir de cette situation. On reprochera à Kopitar son inimitié ou sa haine pour la Russie: nous pensons que c'est chez Schlozer et pas ailleurs qu'il faut en chercher 1'origine. A.H. VOSTOKOV (1781-1864), le Jakob Grimm russe, est considéré, à juste titre, comme le fondateur de la sla-vistique russe (15). Né à Arensbourg en n ji ï? mtir il est le fils du baron H.I. Osten-Saken. Elevé à Revel, dans une famille allemande, il a déjà des contacts avec des enfants russes dont il apprend la langue. A l'âge de 8 ans, il arrive à Baint-Petersbourg sous le nom de famille de Ostenek qu'il russifie en Vostokov. Il habite chez les barons Osten-Saken et fait des études au corps des cadets, lit des auteurs français (Voltaire, Rousseau, 8,de Saint-Pierre) et écrit des poèmes. Il traduit également des auteurs classiques et, plus tard, les poèmes serbes rassemblés par Vuk Karadzic. Ces traductions serviront à Puškin en même temps que Le Guzla pour son cycle de poèmes "Chants des Slaves occidentaux"^En 1812, il publie un "Essai de versification russe" (17), premier texte qui traite de ce problème en Russie. Il apprend d'autres langues slaves, s'intéresse aux manuscrits et devient, à partir de 1815, conservateur des manuscrits à la Bibliothèque Publique de Saint-Petersbourg. Là, il peut se consacrer à sa passion slave, à l'étude des textes anciens. Le fruit de ces travaux est son ouvrage le plus célèbre Dissertation sur la langue slave (19). Vostokov y établit les fondements du vieux slave qu'i.1 considère comme vieux bulgare. Il étudie notamment les nasales et ses théories sont étayées par de nombreux exemples, tirés des textes les plus authentiques et les plus divers. Il a l’avantage de connaître les travaux des autres clavistes en Europe et, de plus, i .1 dispose de textes (par ©xemeple Ostromir) que ceux-là ne connaissent pas de près. Cette oeuvre lui apporte la renommée auprès de tous les slavistes, surtout après le voyage de Koppen à Prague et à Vienne, qui fait connaître les idées de son compatriote. Dobrovsky le considère comme un "profond connaisseur du vieux slave" (19). Avec la Dissertation commence l’histoire "de la slavistique russe moderne et c'est en même temps le commencement de la méthode historique et comparée des recherches linguistiques russes", conclut P.M. Cejtlin <20 > . Plus tard, Vostokov collabore aux "Feuilles bi~ b 1 iographiques" de son ami P.I. Kôppen. C'est également avec-son aide qu’il se procure une copie des Manuscrits de Freisin□. qu'il publie en 1827 (21). Kopitar, qui prépare l'édition de ces textes depuis de longues années, ne peut qu'admirer, malgré sa déception, son collègue russe. C’est là qu’il lui adresse sa fameuse phrase: "Très honoré Ami et Collègue: Vous devez, nolens volens remplacer pour moi Do~ brovsky" (22). Vostokov continue à étudier des textes de tous les Slaves -- bulgares, serbes, tchèques, polonais. Entre 1824 et 1834, Vostokov prépare le catalogue et la description des livres et manuscrits <28 000) que contient la bibliothèque Rumj.ancev à Moscou <23) : "Description des manuscrits russes et vieux russes du Musée Rumj.ancev" (24) . Dès 1806, Vostokov commença à s'intéresser à l'un des monuments les plus précieux en vieux slave, L'Evangile d'Ost ro (Tl i r (1057) . Il le publiera en 1843 sous une forme si soigneusement étudiée et préparée qu’il fait encore aujourd'hui l'admiration des linguistes. Vostokov prépare également un Dictionnaire du vieux slave. Il ne pourra terminer son travail et c'est F. Miklošič qui utilisera une Partie de ses notes. 1 A3 P.I. KOPPEN (1793-1864), ami de Vostokov, grand voyageur, intéressé par les domaines scientifiques les plus divers, joua un rôle très important dans la première phase du développement de la slavistique. Né à Kharkov dans la famille d'un médecin allemand, il fit des études de sciences dans cette mime ville (l'université de Kharkov fut inaugurée en 1805, les professeurs y étaient en majorité français ou allemands, parmi eux, von Jakob, père de Talvj). Après ses études, il va à Saint-Petersbourg où il se lie d'amitié avec l’historien F.P. Adelung et devient membre des la "Société des amis des lettres russes” dont fait partie également Vostokov. Dans ce milieu, il s’initie à l'histoire russe et allemande, s'intéresse de plus en plus aux divers peuples slaves, surtout après avoir fait connaissance du cercle de Rumjancev à Moscou, beaucoup moins académique et résolument tourné vers l’Occident. Dans le but de mieux connaître l’Europe et surtout les "Slavo-Germains'1 (les Slaves occidentaux), il entreprend, en 1821-1822, un grand voyage d'étude en compagnie de son jeune ami et mécène A.S. Berezin. Ils visitent Lvov, Cracovie, Prague, Vienne, Karlovci, Fruška Gora, etc... Durant ce voyage, le jeune savant fait connaissance de ce que tous ces pays visités possèdent comme hommes savants et renommés. A Vienne, il fait connaissance de F. Schlegel, fréquente le salon de Caroline Pichler, travaille pendant de longues semaines à la Hofbibliothek avec l’aide de Kopitar, déjeune avec lui au "Loup Blanc". A Prague, il rend de nombreuses visites à Dobrovsky, à Kassel il rencontre Jakob Grimm et à Weimar, Vuk. Il rend visite au vieux comte Ossolinski, discute avec l’orientaliste Hammer et l'historien Hormayr, dans la revue duquel il publiera un long texte sur l’histoire de la Russie (25). "Ce voyage représentait une époque dans le développement de notre slavistique", conclut le père Evgeni <2G). Pendant son séjour à Vienne, il avait appris à apprécier les Jahr b üc h er et, en revenant en Russie, il commence à publier ses F e u .11 1 e s b i b 1 i o g r a p h i g u e s (27) qui d o i ~ vent être en quelque sorte le pendant russe des J ah r b ü c her. un organe aussi sérieux et aussi répandu dans les cercles intellectuels les plus larges, bénéficiant des articles d'hommes venant des horizons et des pays les plus divers. Il réussit à avoir comme collaborateurs entre autres Adelung, Vostokov, Kalajdovic, Dobrovski, Linde, Dobrovsky, Hanka, Kopitar, Safarik, Grimm, Kollar, etc... Le Journal représente une extraordinaire ouverture sur le monde et contribue à élargir l'horizon de tous ceux qui, en Russie, s’intéressent aux problèmes de la philologie, de l'histoire, de la slavistique, etc... Dans le numéro 3 ), il publie ses "Récits du voyagedans les pays slav t fait ainsi connaître aux intellectuels russes les autres pays slaves qu’ils ignoraient presque totalement. Il est, selon Kocubinski, le"fondateur de la réciprocité scientifique entre nous et eux"<295. Plus tard, dans son désir de rétablir des relations entre les érudits russes et ceux d’autres pays slaves, il réussit à persuader Rumjancev, devenu ministre de l'Instruction publique, de faire venir dans les universités russes des savants comme Safarik, Hanka, Celakovsky, Kopitaç pour y enseigner "l'histoire commune des littératures slaves " et la "science commune des Slaves" <30. La tentative échoue après les refus des érudits concernés par cette invitation, malgré de longues tractations. Là aussi, Koppen essaye de jouer les intermédiaires entre les Slaves d'Autriche et les Russes, s’efforçant de jeter un pont entre "nous et eux" <31). Après la publication du. Recueil des monuments slaves de l'étranger avec Vostokov en 1927, Koppen consacre de plus en plus de temps aux études de statistiques, de botanique, de météorologie <32). Avec l'arrivée au pouvoir de Nicolas I et après le soulèvement des Décem-bristes, le climat politique se détériore encore et 1a "narodnost" officielle est de moins en moins favorable à ces contacts avec les "Slaves allemands", qui de plus sont catholiques ou protestants. Kvarov entend créer des "barrages intellectuels" <33) face à l’Europe et les échanges v-b' u. d deviennent difficiles. Koppen part vivre en Crimée étudier la géographie, le climat et la flore de cette contrée. 1 45 Kôppen était un homme doué d’un esprit éclectique et d’une grande culture, dénué des préjugés communs à son temps, ouvert à toutes les idées nouvelles. Il fit souffler un esprit nouveau parmi ses contemporains. "Il est devenu un intermédiaire énergique entre la jeune science? russe et les forces slaves d’Autriche par la parole comme par l’acte" (34 ) . Mais la première place parmi les slavistes revient incontestableme n t à 1'a b b é JOSEF DOBROVS KŸ <1753-1329>. "C’est l’un des grands hommes de sa nation et de l’Europe contemporaine, esprit lumineux, critique épris de vérité, savant de premier ordre, fondateur de la linguistique slave" (35) . Josef Dobrovsky naquit en Hongrie où son père était adjudant des dragons. Il fit des études au Lycée de Prague, subit l’influence du professeur voltairien Seibt. Il voulut d'abord être jésuite et partir en mission aux Indes, mais l’ordre de St Ignace étant supprimé, il continuée à étudier les langues orientales, la botanique, tout en gagnant sa vie comme précepteur chez le comte Wostiz.. Il ne sera ordonné prêtre qu'en 1790 et restera l'hôte de la famille Nosti-x^ Bien qu’il vécut clans ce milieu aristocratique, sa vie ne fut qu’une longue renonciation aux biens terrestres. Il vivait l’habitude de porter toujours des vêtements bleus, sa E’ible était reliée en bleu et l’on finit par l’appeler '47 familièrement "der blaue Abbé " (36). C'était un savant infatigable et scrupuleux, un fanatique de la vérité (37). Ses maîtres étaient Adelung, Vater, Michaelis; son esprit était épris de logique quasi mathématique. Toutes ses oeuvres sont empreintes d'un rigoureux esprit scientifique; c'est un homme des Lumières, un homme qui, sur la fin de sa vie, regrettait les temps de Joseph II (38). Toute son oeuvre prouve l'amour qu'il portait à son peuple, à sa langue, pourtant l'idée nationale en tant que notion politique, prônée par ses disciples, lui resta toujours étrangère, du moins dans sa signification étroite. Dobrovsky est d'abord le père de la bohémistique. Avec son Dictionnaire. sa Grammaire. son Histoir e d e 1a 1i11érature t chègue. il est le premier promoteur de la langue tchèque, celui qui lui a redonné ses lettres de noblesse, le continuateur de Hus et de Comenius. Pour nous, i.1 est surtout le; meilleur ami de Kopitar, le patriarche de la slavistique» C'est Durych qui attira d'abord son attention sur l’importance du vieux slave e?n tant que l’une des langues dans laquelle était traduite la Bib1e. Il entreprit l'étude du passé slave, particulièrement de l'époque de Cyrille et Méthode <39). Conscient du niveau lamentable dans lequel se trouvaient les études slaves, il essaya d'y remédier. Il entreprit un grand voyage à travers les terres slaves qui le mena .jusqu’à Saint-Petersbourg. Plus tard, il visita les Slaves du Sud. Afin de faire connaître les peuples slaves les uns aux autres, afin de les faire connaître aux autres peuples de l’Europe, il publia son Slavin (1806) (40) et, plus tard, malgré les difficultés, sa S1 o v a n k a (1815) (41). Malgré le faible tirage, malgré les difficultés de diffusion, ces deux publications ont une énorme importance pour la science slave, car elles incitent à l’étude, à la connaissance mutuelle, au respect du passé commun, à l'amour de la langue nationale. Voilà comment Kopitar décrit l’enthousiasme qu’il ressentit en découvrant le Slavin à Ljubljana: "J’ CSlavinJ arrivai à Laihach seulement lorsque cinq cahiers avaient déjà été publiés. Le secrétaire du b. Zois me trouva chez Korn et me porta en triomphe dans la maison de ce célèbre ami des sciences et des arts" (42). / Dès sa jeunesse, Dobrovsky montre un grand enthousiasme pour le journalisme, publiant lui-même toutes sortes de magazines et écrivant des articles pour les journaux qui Paraissaient à Prague, à Vienne et dans d’autres centres universitaires. Il était parmi ceux qui, les premiers, avaient compris le parti qu’il était possible de tirer des journaux, qui avaient pressenti l’avenir fabuleux de la presse. Connaissant plus ou moins bien toutes les langues slaves, il était en contact avec tous ceux de ses contempo- ti I/-A rains qui s'intéressaient à leurs langues, histoire, ^ 1 it té - u s rature, etc... Les Polonais Linde et Bandke comptent parmi ses amis, comme le sorabe Karel Anton, le Croate Vrhovac ou u j le Russe Siskov. Sa maisonnette dans le parc des Nostic devint un lieu de pèlerinage; tout ce que l'Europe possédait de savants et philologues que les peuples slaves ne laissaient pas indifférents rendait visite à celui que Kopitar appelle la plupart du temps Maître (43). Déjà, dans sa première lettre, il l'appelle "le centre de la slavité"(44). Grâce à son voyage en Russie, Bobrovsky est parmi les rares Slaves d'Autriche de sa génération à connaître ce pays personnellement. Il a pu se rendre compte des richesses en textes anciens enfouis dans les bibliothèques et lti> monastères. Il écrit un manuel d'enseignement de russe (45) et enseigne lui-même cette langue après la victoire des Russes sur Napoléon en 1312, ce qui ne 1 ' empë'che pas de garder son esprit critique, de voir l'énorme retard politique et culturel du plus grand pays slave, de critiquer S'prement ses disciples russophiles. / Dobrovsky est de ces érudits qui, tout en possédant un savoir immense, gardent toujours la conscience de la relativité des choses. Toute sa vie, il conserve sa modestie, il se rend compte que la slavistique qu'il cherche à promouvoir n'en est qu'aux balbutiements, que tout reste à découvrir. Lorsque, après la publication des I neti tutiones •Unau a e slavi, cae dial ecti_veter is en 1822, il reçoit par l'intermédiaire de Kopitar la Dissertation du .jeune Vostokov, il se met fébrilement à corriger et annoter son exemplaire au vu des nouvelles données qui lui avaient été inconnues. Sa correspondance avec Kopitar, Durych, Zlobicky, Bandke, Ribay et d'autres doit être considérée en même temps que ses oeuvres comme la base pour l'étude de cette époque. Parmi les savants qui eurent une influence directe sur les travaux de Dobrovsky, Kopitar, Vostokov ou Koppen, il nous faut citer toute une pléiade d'hommes qui avaient défriché déjà quelque peu le champ d’investigation des grands slavistes. VACLAV FORTUNA! DIJRYCH <1735-18021, pau-linien, professeur de théologie et d’hébreu à Prague et à Vienne, gagna en fait Dobrovsky aux études slaves. Jelinek considère son ouvrage De S1 avobohemica__sacri codicis___ver- sio ne CWien 1777), comme le point de départ de la slavistique (46). Il considérait que la langue vieux slave était "la mère ou la soeur aînée du tchèque" (47). Au cours de sa vie, il rassembla une grande quantité de documents qu'il publia en partie dans sa Et i b 1 i o t h e c a Sla v i. c a (Wien 1795). Dobrovsky et Kopitar le considèrent comme leur maître. GELASIUS DOBNER <1719-1790), un autre bohémiste, qui édita les Monumenta historica Bohemiae <1764-1785) et s’intéressa de près au glagolitique qu’il considérait comme antérieur au cyrillique, en quoi il fut très en avance sur son époque, F. MARTIN PELZL (1734-1801) fut le premier professeur de tchèque à\l * université de Prague, ün lui doit des ouvrages d'histoire (Samo, Charles IV). Il fit beaucoup pour promouvoir le tchèque auprès des couches intellectuelles. Parmi les érudits allemands, outre Schlozer, trois noms doivent attirer notre attention, car ils contribuèrent, chacun à sa manière, à promouvoir les études slaves. F.K. ALTER (1749-1804) fut custos à la Hofbiblio-thek, où il fut amené à s'intéresser aux textes en vieux slave. Il fut l'un des premiers à demander une chaire de slave à Vienne: "Il serait très souhaitable qu'une chaire slave fût fondée dans une école supérieure de Vienne pour la littérature et la langue slave savante" (48). CHRISTIAN FRIEDRICH SCHNURRER (1742-1822) fut professeur à Tübingen. Il est connu surtout pour ses recherches sur les publications slaves de la Réforme: Slawischer Bücherdruck in Wurtemberg in sechzehnten Jahrhundert (Tü-bingen 1799). JOHANN CHRISTIAN ENGEL (1770-1814) est un Allemand d'origine hongroise. Il s'intéresse, en plus de la Hongrie, à l'Ukraine, à la Bulgarie, la Serbie, la Bosnie. En 1807 paraît sa Geschichte des Freistaates Raqusa. Il est consi- déré comme l'un des meilleurs connaisseurs de l'histoire des Slaves du Sud (mais il a plutôt tendance à les considérer comme faisant partie des Hongrois!). Cette génération des slavisants allemands précède immédiatement Dobrovskÿ et Kopitar. Ils ont l’occasion de les connaître, d'apprécier leurs travaux _ facilement accessibles, ce qui n’est pas le cas pour beaucoup d’autres. Kopitar trouva, sans aucun doute, soutien et encouragement dans l'oeuvre de l’un de ses compatriotes, souvent cité par Schlozer, J. SIGISMUND POPOWITSCH C1705-1774) C4<^). Originaire de Styrie, mais sans doute descendant d’un "uskok", il fit ses études à Gras, voyagea en Italie et en Allemagne et devint en 1753 professeur d’allemand et de rhétorique à l’université de Vienne. Il cherche à promouvoir la langue allemande contre le latin, ce qui ne 1’empêche pas d’étudier les diverses langues slaves parlées de par la Monarchie. Il s’efforce même d’apprendre le russe, ce qui semble pratiquement impossible à Vienne à cette époque. Il est l'un des premiers à souligner l’importance, tant numérique que culturelle, des peuples slaves. Il a l’intuition d’une parenté lointaine des langues slaves et germaniques. Le problème de l’alphabet le préoccupe déjà et il propose, pour écrire les langues slaves, un alphabet unique, composé de lettres latines et cyrilliques. Ses Un -tersuchuncien__vom Meere CWien 1750), oeuvre typique d’un homme des Lumières qui touche un peu à toutes les sciences, sont une mine de renseignements et d'idées les plus origi-na1es. Contrairement è la grande majorité des slavistes pionniers, obligés de mener une vie des plus sobres, nous rencontrons quelques aristocrates parmi les Polonais. Tel le prince I.A. JABLONSKI (1711-1777!), fondateur en 1768 d'une nouvelle Société Savante Polonaise à Leipzig ou le comte JAN POTOCKI C1761-1815), auteur des Chroniques, mémoires et recherches pour servir à l'histoire de tous les peuples s laves < V a r s o vie 1793!) et d u Voyage dans quelques parties de la Basse-Saxe à la recherche des antiquités slaves oùT Vendes, fait en 1794 (Hambourg 1795). Ces ouvrages sont écrits en français. Le comte J.M. OSSÜLINSKI (1750-1826), qui vit presque exclusivement à Vienne, joue pour les slavistes polonais, un rôle comparable à celui du baron Zois chez les Slovènes: il possède une magnifique bibliothèque où entrent des livres et manuscrits rares; il la met à la disposition de jeunes érudits, qu’il encourage moralement et matériellement. Ainsi, S.E-i. LINDE (1771-1847), quoique d'origine suédoise, après les études et le lectorat de polonais à Leipziq, paissera 10 ans à Vienne chez le comte Ossolinski pour y préparer son Dictionnaire. Il préconise un «alphabet unique pour tous les Slaves. G. S. BANDKE (1768-1835), auteur entre autres ouvrages d'une Polnische Grammntiu (Varsovie 1808), est un ami très proche de Do- b r o v s k y et il rencontre mainte fois Kopitar lors de ses séjours à Vienne. Il est évident que notre liste n’est pas exhaustive, car il est clair que pratiquement chaque région, chaque groupe national possède ses "éveil leurs" qui, grâce à ce flot d’énergie issue des Lumières et liée aux forces locales, apportent chacun sa contribution à l'oeuvre générale, qui permettent à ceux dont la vue est plus étendue, de sonder des profondeurs encore inconnues, de faire lai synthèse et de tirer des conclusions générales. Chacun apporte sa pièce et peu à peu le puzzle slave peut se constituer. Ces grammairiens, ces lexicographes, ces érudits qui tâtonnent encore, préparent le terrain pour l’éclosion ou le renouveau des cultures nat iona1es et favorisent à 1 a fois 1 e d é v e1 op peme n t des études slaves. L’étude de 1 a 1angue, 1 a défense et l’amour de la langue populaire, nationale, malgré leur aspect plutôt sec et théorique, vont donner des ailes à la génération suivante qui, elle, pourra, grâce à ces travaux préliminaires, se consacrer à la littérature. Il est difficile d’imaginer Jungmann traduisant le Paradis perdu sans Dobrovsky, difficile de voir la grandeur de Mickiewicz sans Linde; Lomonosov et Karamzin préparent Puškin, et Kopitar, bien que l’idée semble inouie à première vue, n’est Pas étranger aux poésies de Prešeren. Ces pères savants, rudes et sévères, avec leur érudition philologique, enfermés dans leurs cabinets poussiéreux, seront critiqués Siprement et même rejetés par leurs fils spirituels. Le souffle rornantique aura du mal à supporter une science qui ne fût pas au service d'une idée, de 1 ' idée nationale en l'occurrence. Il n’empêche que ce f u rent justement ces philologues, ces grammairiens, ces hommes studieux qui o n t préparé le terrain, à la fois pour les cultures nationales et pour 1 a slavistique européenne. En étudiant cette première période de la slavisti-que, on ne peut pas ne pas remarquer l’importance capitale de l’axe Prague-Vienne. Qu'il s'agisse des publications, des bibliothèques ou tout simplement des hommes, ces centres deviennent en quelque sorte incontournables. Dobrovsky est à Prague, Kopitar à Vienne. Les deux villes rivalisent, mais l'amitié des deux hommes établit un lien solide entre elles. Vers les années 20, Prague regarde de plus en plus vers Moscou. Prague est slave et Vienne allemande, dira-t-on. Est-ce vraiment si évident? En tout cas, la slavistique est née sur cette ligne de partage et de communication, elle s'est développée à la fois avec et contre les Allemands. 156 Notes:Brands précurseurs ■Vasmer:Bausteine zur Geschichte der deutsch-slavischen Beziehur.qen.Berl in 1938 5 ) H. H. TarmueR : Hctop;i3 pocciifiCKas GaKKT-rieTep6vpr 1768-1778 3)5chl6zer: V j e,p.5 ^ ) îlnm : McTopiia. c . 88 5 ) A. lUnepep : f pawarnKa pyccKoro aatiKaf CSophmk orae^eHHS ^■CKoro asuKOEea&Hiia n caoeecHocTii) , CaKicr-IJeTepSypr 1875, l ) li ^Utioen ) 5-ïrnH: HcTOPHg p. 83-89 7 > Sch1□zer:Vie p.45 8 >ibid.p.60 8)"Nestor b 1ieb mir eine alte Liebschaft",ibid.p.87 -â£h e , v&j- m 1 o wH-rr-n , ubersa t z t und eri lart , G6 t t i ng en 1 808- 18 09 ma. ^809-^8.9o() » m***«*, 1 3 ) Sc 1 6 z er : HeCTOj&f, p.XXXVIII *3)ibid.p.43 ^>Schlëzer: Vie p.117 * 5 ) n. M. UeftTJiMH: 3Han&H)ie , ë t ud i e , p . 3 1 7-330 BoCTOKOE-a C.naEüHCK'ûf! * ^ ) ) flecmi aanajuLix c-TaesH . ^ 7 ) OntiT o pycczKOM CTUXocJio.v.eHmi ,1818 Eè6 1 8 ) a . X. Boctokoe : Paccyy.jeKne o c.13eshgk o m m3ž..'k& . cayrramee k r,paMH3Ti!Ke cero aoiîKa, C11B 1888 SPr ^8)"cjer grdndliche Kenner der alten slavonischen c e ■3.Dobrovsky:Cyri11 a Metod,Praha 1998,p.94 Cji^b 30) 'c PaccyxaenneM HaHnnaeTc"Verehrter Freund und College'.Sie müssen nolens volens mir den Dobrowsky erset z en" flpenucKa Boctokobs c.348 23)C'est le fonds de la future Bibliothèque Lenine, 24 ) Omtcanne pyccriix h c^oBencKiix pvKonncefi PyMsnueBCKoro 25 ) über Al ter thum und Kunst i n Ruse 1 enq 36)ibid.p.81 27 > BnSnnorqaitHHecîCîie jimgtiî ( 1 864- 1826 ) 28 ) 3anuckn o nyTeuiecTBiwx no cnaesHCKHM aeH.tsM 29)” Oh vcTaHOBHTe.it KavHHOfi e33iimhocth Mexjv h arm ii HMm" p • KûHyDHHCKllft : AjMHPB.1 llllllUKOB C • 208 30 ) " HcTcpiiKi oCiuecjraESHCKOf! JiiiTepaTypu" , i b i d . p . 285 31)ibid.p.284 c 32)Son fils F . P . K.ôppen, au t eur de la biographie citée,est ci^5lder^ comrne 1 ’un des plus grands météorologistes du 19-ème 33) "'/KCTEeKHlie nJlOTHHU" 34) KenneH:Enorpa$MS p.82 35) Jelinek,p.834 36) Brand1 :Dobrovsky , p . 14 37) Jelinek,p.237 3B)"0 tempora Josephii"s’ecrje-t-i1.Briefwechse1.p.13 hi 39)Çyri11 und Met hod,der 51awen Apos te 1 .Ein Drisch-kritischer Versuch,Prag 1823 lij. ^ * * S lo vank a : Zur Kenntnis der a 1 t en und neuen s 1 awi s c lien der Spr achkunde naçh allen Mundarten , der Gesch i chte und "" ^ihufBer , P r a g 1814-1815 156 Laibach kam ich erst nachdem ich bereits 5 Hefte hatte.Der Sekretar des Barons Zois traf mich bei Korn und , ^2)"Nach Jeisamen uhrte mich wie in Triumphe in das Haus dieses bekannten Freundes n_[" Wi ssenschaf ten und Künste'L^Br i ef wechsel , p . 8-9 , Kop . à obrovskÿ , 30/3/1 808, 'Juvc-ï ^3) "Meister" ^)"Mitte 1 punkt der Slavitat",ibid.p.2 ^5)Neues Hilfsmittei die Russische Spracl >e 1eich ter zu ^ tehgn ^6)Jelinek,p.S33 ^7) "mater vel potius antiquor spror " . SîrMM: Mctodii^. c . 97 f- ^8)"Es ware sehr zu g ' Ge 1 ehr t-S 1 avi sche Q: ü*e ïu Ulien err ichtet --15.I0 ma_t j_k , Ul i en 1801,s.7 wünschen.das eine slavische Sprache und Literatur euf werden mochte"Beit r a g zur Lehr kanze1 der hohen gnr_ak t i .s ch en ^8)SBL 2ème PARTIE LA FORMATION DE KOPITAR SLAVISTE 16C CHAP.I Enfance, école, milieu Dans sa brève autographie, écrite en 1839 à la troisième personne, mais publiée seulement après la mort de l'auteur, Kopitar commence par donner une indication très brève sur sa naissance: "Le Custos de la Bibliothèque Impé- riale naquit en Carniole le 23 avril 1780" (11. Mais au lieu de quelques souvenirs d'enfance ou de jeunesse auxquels le lecteur aurait le droit de s'attendre, le slaviste, alors au sommet de sa gloire, aborde aussitôt l'analyse philologique. Comme un noble de haut lignage, ce fils de paysan décrit et explique le nom de ses aïeux, les Slovènes. C'est-à-dire que le Custos de la Bibliothèque Impériale de Vienne se sent, non pas le descendant d'une famille, mais de tout un peuple. "Kopitar naquit parmi les gens du peuple" écrit-il. Il est important de souligner ce trait, car ôux yeux de certains de ses contemporains - et ceci jusqu'à nos jours - Kopitar apparaît surtout comme un germanophile, un austroslaviste, fidèle serviteur des Habsbourg et même ennemi des Slaves. Le curieux début de son autobiographie prend pourtant tout son sens si l'on songe à la situation et à l'histoire de sa patrie, car Kopitar apparaît comme le représentant-type de l'intellectuel Slovène de son temps, portant en lui les traits caractéristiques du passé obscur et pourtant vivace de son peuple. Il aurait eu peu de chances de connaître la langue Slovène s'il n'eut été d’origine paysanne, car cette langue ne s'est conservée durant des siècles de domination étrangère que parmi le peuple. Car, contrairement aux autres pays slaves, il n'existe pas de noblesse Slovène, ses rares représentants ayant disparu dès le 15ème siècle (comtes de Celje). En Pologne par exenvple, la noblesse, même si elle subit des influences étrangères, même si elle utilise plutôt le latin ou le français que le polonais, reste tout de même la gardienne de l'idée nationale malgré tous les avatars de l'histoire. Les nobles tchèques ou polonais jouent un rôle important tout au long des siècles et surtout au moment du renouveau culturel de leurs pays, à l’époque qui nous occupe. En Serbie, les grandes familles, même rivales ou réduites matériellement au niveau des paysans, gardent intact l’idéal de l’indépendance nationale, conservent le souvenir des hauts faits guerriers dans la lutte contre l’envahisseur turc, transmettent la foi et la culture slaves de génération en génération. Et ne parlons pas de la Russsie 'Où la noblesse, sûre de son poids, menace mainte fois le pouvoir central et ne cesse de jouer son rôle de moteur civilisateur, malgré une certaine distance qui le sépare parfois du peuple. Les Kir iéiévski, les Aksakov, les Hoir jakov s^ont, qu’on le veuille ou non, des représentants authenti- ques d'une certaine culture russe. Rien de semblable n'existe chez ces Slaves, établis depuis le Sème siècle au nord de 1'Adriatique, aux sources de la Save et de la Drave et .jusqu'à la Kolpa. A l'époque qui nous intéresse, ils occupent partiellement les trois régions au nord de l'Adriatique: la Carinthie, la Carniole, la Styrie et une partie du Frioul. Autant dire que, politiquement, ils n'existent pas. L'idée mime d'une Slovénie ne commencera à prendre forme au'au début du ISème siècle. "La plus grande partie du peuple était composée alors, comme d'ailleurs maintenant, de paysans" (3), écrit Prijatelj en 1908. La noblesse, qui occupe certains châteaux et les villes (Leibach, Klagenfurt, Graz), est de souche et de culture allemandes. Une autre couche de population, concentrée également dans les villes, est allemande elle aussi: ce sont des fonctionnaires gouvernementaux, dont le nombre ne cesse de croître. Au point que Dobrovsky, dans une lettre à Kopitar, met en doute l'existence mime du Slovène. (4) Quelles sont donc les forces qui permirent au peuple Slovène de sauvegarder sa langue, de développer sa culture, de ne pas disparaître dans le flot germain? Il faut remarquer d'abord qu'une barrière quasi infranchissable sépare le Peuple de la noblesse ("kmetje in gospoda", comme l'explique Kopitar lui-mime). En fait, ces paysans vivent dans les vallées et dans les montagnes, séparés des gens des villes, séparés souvent les uns des autres, ce qui explique le nombre incroyable de dialectes qui subsistent jusqu'à nos jours. Mais il n'en restent pas pour autant incultes, éloignés des courants spirituels de l'Europe. Christianisés dès le 8ème siècle, ils participent à tous les changements que subit l'Eglise catholique. Mais c'est la Réforme qui pose les bases de la culture Slovène et qui lui permet de subsister. Comme le dit Prijatelj: "Nous, les petits peuples, avons commencé à vivre avec la Réforme" (5). Son rôle est semblable à celui que joua le hussisme dans les pays tchèques. Car c'est la Réforme qui a le souci d'apporter la parole de Dieu au peuple (et qu'elle est bienvenue chez les peuples opprimés!) dans une langue claire et compréhensible, car il ne faut pas perdre de vue que si, par exemple, pour les Français ou les Espagnols, le latin, langue de l'Eglise catholique, a tout de même quelque chose de voisin, il est aussi éloigné des langues slaves que l'hébreu ou le suédois, D'autre part, la Réforme préconise la lecture des textes sacrés, ce qui n'est pas le cas de l'Eglise catholique romaine. Aussi, l'on peut dire que le sentiment religieux, lié ^ la parole écrite, resta pendant très longtemps la force motrice du développement culturel. On considère en général comme premiers textes en slovè-nG *es Fragments de Freisinq (écrits entre 972 et 1039), mais c'est au protestantisme que sont liés les véritables débuts du Slovène écrit. Le protestantisme se répand dans les régions Slovènes Cet croates), apporté par les nobles Allemands qui y possèdent des fiefs. Il rencontre un écho favorable chez le peuple qui souffre, en plus de l'exploitation du seigneur, du fléau périodique des incursions turques et ressent un grand besoin de renouveau spirituel. En <û(OM. ÔL 1555 fut fondé ^ Würtemberg, par Trubar et d'autres protestants aidés par le gouverneur de la Styrie Ungnad, un centre de propagation des écrits à l'intention des Slaves du Sud. -D'autres livres furent imprimés à Tübingen. Primož Trubar C1508-1586), fils d'un paysan de Rascica, fait ses études à l'Université de Vienne et devient secrétaire de l'archevêque de Trieste Pietro Bonomo, humaniste et partisan des idées de Calvin. Trubar y étudie les oeuvres de Virgile, d'Erasme, subit plus tard l'influence de Melanch-ton. En fait, il fait une synthèse entre les idées des penseurs protestants et celles de la Renaissance sur l'homme en Çlénéral. Il consacre toute sa vie à la propagation de la foi et c'est "ad ma jorem {) ei gloriam" qu'il écrit des livres en langue Slovène. Ainsi son peuple, qui ne connaît guère le latin, peut vénérer Dieu dans sa propre langue. En 1550, Trubar publie à Tübingen son Katechismus. En 1555-56 paraît 1'Abé cédairn qui doit permettre à tout un chacun de lire La Enemière Partie du Nouveau Testament qui paraît en 1557. -L'oeuvre de Trubar est poursuivie par Jurij Dalmatin qui donne la première traduction de la E-iible C1584). C’est, en meme temps qu'un livre religieux, la preuve tangible de l’existence de la langue Slovène, de sa capacité d'exprimer les idées les plus abstraites comme les plus simples. Les protestants cultivent également le chant religieux dans la langue nationale. Il est d'ailleurs souvent adapté à la mélodie du chant populaire. Trubar et ses disciples composent et adaptent ces chants qui, dans leur simplicité familière, ont pour but de rapprocher Dieu de l'homme. Ce chant prend souvent une coloration didactique qui s'inscrit dans les efforts des protestants d’honorer Dieu et d'améliorer l’homme. Déjà Trubar fait paraître une Pesnarica qui sera suivie de nombreux recueils semblables. Avec Trubar, la culture commence déjà à passer les barrières de l'Eglise et se développe de façon autonome. Plus tard, au moment de la Contre - réforme, menée par l'évêque Hren, on hésitera à jeter aux flammes la Bible protestante, Pour la simple raison qu’il n’en existe pas d'autre. Nous verrons plus tard que Kopitar, dans son souci du renouveau des langues slaves, qu'il s'agisse du Slovène, du serbe, du ruthène, s’appuiera sur ces précurseurs et préconisera la traduction de la Bible et l'élaboration d'un dictionnaire. Il voue une véritable vénération au chant popu- tiens, le porteur de la culture parmi le peuple Slovène est le clergé. Son rôle jusqu’au début du 19ème siècle, jusqu’à l’éclosion d’une intelligentsia laïque, fut immense et même les historiens communistes, qui essayèrent tout naturelle-ment d’en diminuer la portée, ne purent le nier. Car, en dehors de la foi, il n’existait pas de culture. Comme dans maintes sociétés de l'époque, la seule promotion possible pour un enfant de paysan consistait à devenir prêtre. N’ayant guère la possibilité de s’élever dans la hiérarchie ecclésiastique, une fois les études accompliesjil retournait au peuple dont il était issu. Le fossé qui séparait le haut-clergé et le clergé ordinaire n’était pas aussi profond en Autriche que, par exemple, en France avant la Révolution, mais le haut-clergé était tout de même d’origine allemande. Tant bien que mal, ce clergé issu du peuple Slovène en porte la responsabilité civi1isatrice. Ces prêtres, fleur de la nation, reçoivent plutôt une bonne instruction dans les Stands séminaires et, même si leur latin est loin d’atteindre en qualité celui d’Horace ou de Cicéron, ils sont préparés à guider leurs fidèles, à les instruire au besoin, à les éclairer non seulement dans les choses e(t^lr^-&i-as4-i-qj-ie?s, mais a,-tssi dans la vie de tous les jours. Bien sCir, aux grandes Occasions la messe est dite en latin, mais toute la partie Morale et didactique de leur devoir pastoral se déroule dans la langue compréhensible de tous. Ils savent bien, depuis le protestantisme, qu'à la langue morte correspond une foi morte. Mais très vite, parallèlement à l'utilisation des ouvrages à contenu religieux, apparaît le besoin d’ouvrages pratiques. Le curé étant lui aussi un peu paysan, il doit s'occuper souvent des champs et du bétail; il essaye d'introduire des nouvelles méthodes et ne répugne nullement à écrire des ouvrages pratiques à l'intention de ses ouailles. Il existe ainsi un grand nombre de textes traitant des sujets aussi variés que l'agriculture, l'artisanat, les maladies des animaux, la tenue d'une maison,etc... Bientôt l'école prendra le relais de ces actions plus ou moins spontanées et périodiques, fruit de l'initiative personnelle. La Réforme et ses prolongements n'étaient pas les seuls à influer d'une manière heureuse sur le développement de la culture Slovène. C'est en fait l'Aufklàrung qui continue l'oeuvre commencée par la Réforme. Mais cette fois-ci» l'impulsion vient d'en haut, des souverains eux-mimes, C|ui adhèrent à ce qu'il est convenu d'appeler le despotisme éclairé. Il est indéniable que 1'impératrice Marie-Thérèse ©t son fils Joseph II imprimèrent leur marque d'une façon Profonde à tous les peuples d'Europe Centrale. La première, dont le rèqne est caractérisé par un grand nombre de conflits armés, "a fait de l'Autriche un état allemand, obéissant à une direction unique" CDroz). L'idée politique n'est pourtant pas le seul moteur de l'action de Marie-Thérèse: elle est toute pénétrée de l'idée du progrès intellectuel et de ses responsabilités devant le peuple, propres au Siècle des Lumières. Elle entreprend des réformes considérables dans le domaine de la .justice, de 1 ' administration, de la fiscalité et de l’éducation, tentant de faire régner dans son empire disparate partout les mêmes lois. Dans le domaine de l’instruction, les réformes de Marie-Thérèse et de Joseph II ont des conséquences profondes et lointaines. L'éducation du peuple est à la base même du progrès de l'humanité, préconisé par les Lumières. D'autre part, le développement de l'artisanat, des manufactures, les débuts de l'industrialisation, exigent de nouvelles connaissances, non seulement professionnelles, mais générales. D'un point de vue pratique, les souverains réformateurs ne manquent pas d'exemples des bienfaits qu’apporte l’instruction et ils n'ont pas â commencer à bâtir un système éducatif à partir de zéro. Il suffit de rappeler la remarquable activité didactique des jésuites, des piaristes et des frères moraves. Les "écoles pies", fondées d'abord à Rome par l'Espagnol Jose de Cala-sanc (1556-1648) qui avait compris que seul le manque d'instruction était la cause de la misère du peuple, se répandirent très rapidement en Italie, en Autriche et jusqu’en Pologne et en Prusse. Les communautés des frères moraves, issues des réformes de Jan Hus, accomplirent une oeuvre remar- quable chez les Tchèques. Les Jésuites, qui deviennent un obstacle à la souvera: mpératrice et qui, d'autre part, freinent . . e la langue alle- mande, seront expulsés en 1773, non sans avoir donné au pays un nombre impressionnant d’hommes instruits. Par toute une série de lois et de décrets dont le plus important est 1’A11qemeine Schulordnunq de 1774, Marie-Thérèse fonde l’enseignement obligatoire et général dans tout l'Empire. Dans le pays des Slovènes, qui présentent tout de mime un certain retard du point de vue historique et social, cet acte prend une importance considérable, mime si sa durée paraît de prime abord limitée, car la plupart de ces lois seront abolies après la mort de Joseph II et le début de lai réaction consécutive à la Révolution française. Les réformes ouvrent en fait aux enfants du peuple l'accès à l’instruction. Il est évident que ces réformes ne poursuivent pas un b, but philantropique, mais plutôt politique. Le Slovène, qui est admis comme langue d’enseignement à l’école primaire, n’a qu’un seul but: permettre l'apprentissage de l'allemand. Au lycée, l’allemand est de rigueur, ce qui provoque la réaction hostile chez les Tchèques où la langue nationale était utilisée depuis longtemps. Cette mesure de germanisation forcée permet un rapprochement entre le peuple et l’a-ristocratie, qui parlait volontiers allemand. 17C Les Slovènes, au contraire, acceptent le programme des souverains et n'hésitent pas à collaborer avec les empereurs. Ainsi, Blaž Kumerdej prépare un programme spécial pour l’école Slovène, où il évoque les malheurs du peuple qui ne sait ni lire, ni écrire, et explique qu'il est dans l'intérêt du gouvernement de lui apprendre à mieux cultiver la terre, pour payer les impôts, faire de meilleurs soldats, connaître les devoirs civiques et mieux apprendre l'allemand (6) . Ainsi, il n’est pas étonnant que Kopitar arrive au Lycée de Ljubljana avec le seul Slovène paysan comme bagage. -"Il ne comprenait pas une syllabe d’allemand quand il arriva de Renje à Laibach (Ljubljana)" (7). Ljubljana était à cette époque une petite ville de province fortement germanisée. Mais il y subsistait tout de même des foyers de culture Slovène, des foyers où, depuis la Réforme, le feu couvaisous la cendre. Il existe parmi les familles nobles d'origine étrangère, mais souvent mâtinées de sang slave, des hommes qui s'intéressent, qui se passionnent même pour la langue et l'histoire du peuple au milieu duquel ils vivent. Citons parmi eux J.L. Schünleben (1618-1681), auteur d'une Carniolia Antigua € Nuova et fondateur de la première imprimerie Slovène. Tel est aussi son compatriote J.V. Valvasor (1641-1693), collectionneur précoce des antiquités slaves, amateur de botanique et d'histoire. On lui doit notamment la célèbre Die Ehre des Herzoqthums Kra_in. Tel est le grand prédicateur J. Svetokriski ( 1647-1714). Ces hommes cherchent à promouvoir, en latin ou en allemand le plus souvent, le pays qu'ils habitent, parlent en termes élogieux de sa langue et de son histoire. Notes:Enfance p- l>"Custos an der Hofbib 1iothek ward im Lande Krain 1780 am August geboren".KS.p.1 2>"Kopitar ward unter dem Landvolke geboren".ibid.p.^ ^ 3)"Večina naroda je obstajala takrat kakor sedaj iz 'et°v" .1.Prijatelj:0 kul turnem pomenu slovenske- Ref ormaci je,p.88 A > J a gic :Briefwechse1 , p , j\^ 5)"Maii narodi smo zaèeli z Reformacijo I.Prijatelj:op.cit.p.^3 ^>)Poqačnik;Zaodovina II p . 86 nâ "Dazu verstand er keine Sylbe Deutsch,als er von Repnje ' L<3ibach kam" .KS,p .3 Les Jansénistes Parmi les grands aristocrates qui ont joué un rôle important dans le développement de la culture Slovène et qui ont exercé une influence directe sur le milieu que fréquente le jeune Kopitar à Ljubljana, le plus important est sans aucun doute K.J. Herberstein (1719-1787), car c'est avec lui que pénètre en pays Slovène le jansénisme. Né à Graz, le comte Herberstein fit ses études à Rome, au Collegium Germa- il est appelé à Vienne pour devenir ' lecret de contact avec la doctrine janséniste. A Vienne, il est influencé par d'autres jansénistes, proches de la Cour, comme par exemple Gerhard van Swieten, médecin particulier de Marie-Thérèse, fondateur de l'Ecole de Médecine, du Jardin botanique de Vienne. D'autres jansénistes fréquentent la Cour. Ils entretiennent des liens très étroits avec l'Eglise janséniste d'Utrecht et les fébronistes. I8ème siècle, la religion officielle en Autriche prend une coloration nettement janséniste, fait dont les raisons sont loin d'être fortuites ou liées uniquement au rayonnement e>! ceptionnel de l'Eglise d'Utrecht. En effet, le jansénisme sfoppose aux jésuites, non seulement pour des raisons pure- nicum-Hungaricum, devint à F r eisin g, d'où l'impératrice. C'est probablement entre en On peut dire que, au cours de la seconde moitié du m ment doctrinaires, mais aussi pour des raisons pratiques, tant politiques que culturelles. Les jésuites, véritable soutien de la théocratie pontificale, limitent en fait le pouvoir des souverains et, d'autre part, empêchent le développement de la langue allemande. Le jansénisme arrive en Autriche en même temps que les idées du Siècle des Lumières, auquel il ne s'oppose nullement, au contraire. Il est chargé d'aspirations temporelles. En France, il est assimilé à la lutte contre la monarchie, ce qui explique 1'acharnement de Louis XIV contre Port-Royal; en Autriche, par contre, cette doctrine est perçue surtout comme une aspiration à une certaine rigueur morale, à la recherche de la vérité. Elle répond à un besoin de renouveau national et semble former tout d'abord des sujets loyaux, obéissant à l'ordre établi. Plus tard on s'apercevra qu'il sape en fait les bases de la monarchie et le jansénisme n'aura plus droit de cité à l'é-Poque de Met terni ch. Comme nous le voyons avec l'évêque Herberstein, le jansénisme permet d'introduire les idées de progrès et, dans une certaine mesure, les idéaux des Lumières par le truchement du clergé. Voilà pourquoi les réformes de Marie-Thérèse ®t de Joseph II atteignent les peuples dans leur profondeur. Elles ne vont pas contre la religion, mais avec elle, ce qui Parait contraire à ce qui se passe en France où il est traditionnel lement admis que le Siècle des Lumières avait adop- té une attitude critique et sceptique à l'égard de la religion. "Ecrasez l'infâme", dit Voltaire, et les Encyclopédistes mènent une guerre sans merci contre la religion et ses prétendues vérités. Mais, comme le dit Ernest Cassirer, "L.-e sentiment qui partout domine est le sentiment créateur, une confiance absolue dans l’édification et rénovation d'un monde . C’est cette rénovation qui est maintenant attendue et exigée de la religion même'<1). Et c’est cette attitude qui fut adoptée par les deux souverains réformateurs d’Autriche, persuadés d’agir pour la plus grande gloire de Dieu. L’Edit de Tolérance CToleranzpatent) promulgué par Joseph II en 1781 revêt une grande importance pour les Slaves d’Autriche, car il permet non seulement la liberté du culte, mais également l’étude des oeuvres de la Réforme, permet par exemple aux Tchèques de renouer avec l’époque hussiste et aux Slovènes de revenir aux oeuvres éditées par les protestants. Et l’on peut dire que le jansénisme prolonge l’action des protestants. Il apporte avec lui les querelles de pure doctrine, bien souvent, mais sous une forme atténuée; mais il préconise surtout le retour à une foi personnelle, à la lecture des textes sacrés dans la langue nationale. Pour l’évêque Herberstein, resté durant 20 années dans cette charge à Laibach, tout acte est un acte de foi, et l’oeuvre de sa vie en faveur de ses croyants s'insère dans cette logique. Il cherche à élever le niveau moral et intellectuel du peuple, à l'arracher à la superstition. A-gissant en accord avec 1’Impératrice, il essaye d'élever le niveau du clergé, de donner de nouveaux textes Slovènes à la population. Il demande à son secrétaire Japçlj de traduire en langue Slovène le Catéchisme <1778), approuvé par la souveraine et dédié à elle (2). Peu à peu se forme à Laibach, autour de l'évêque, un cercle de .jeunes ecclésiastiques qui influence considérablement le développement de la langue Slovène. Ils publient des oeuvres au contenu d'abord purement religieux, comme des livres de prières, des manuels de prêche, des chants d'église. L'un d'eux (Debevec) aborde même l'interprétation janséniste de la Bible (Discours sur la lecture de la Bible) (3). Le Nouveau Testament paraît en 1784-86, traduit par Jurij Japelj qui s'inspir^ de la traduction de Dalmatin, P* yCui't mais aussi dJ-ATTraHüt-èd, comme la traduction allemande. "Avec la Eiible, la langue Slovène reçut ses fondements dans la tradition et élargit considérablement son vocabulaire" (4). A la mort de Herberstein en 1787, la majorité du clergé est acquise à ses idées. Mais il n'eut pas toujours que des partisans, surtout à cause de sa lutte acharnée contre toute superstition, contre les fêtes et coutumes plus ou moins païennes alors en usage parmi le peuple. On l'appelle "luteran", "franc-maçon" (5) et il est jusqu’aux chants populaires qui évoquent le jansénisme (6). Herberstein joua longtemps le rôle d’intermédiaire entre le Pape et l’Eglise d’Utrecht qu’il s’efforça, avec l’aide de Marie-Thérèse d'ailleurs, de ramener à Rome. Malgré les interventions des souverains, il ne fut jamais archevêque, car considéré presque comme un hérétique par le Pape. Le cercle intellectuel, soucieux de promouvoir le Slovène, qui s’est formé autour de l'évêque, trouvera son prolongement dans le cercle du baron Zois. Certains de ses membres, comme Linhart et Japelj, prennent une part active aux deux groupes et, ce qui est important pour notre sujet, élargissent leur intérêt aux autres Slaves. Ainsi, Kumerdej qui connaissait le russe, envoya en 1790 une petite étude concernant la langue Slovène à l’Académie russe pour son dic tionnaire. NotesrLes Jansénistes l)Ernest Cassirer:La Philosophie des Lomières.Paris 1986 —--------------------------- , j 5)Poqacnik:Zqodovina II p.56 3 > i b i d s- ^)"Z Biblijo je slovenski jezik dobil temelj v tradiciji in Pomembno rarbiril besedni zal- lad " . i b i d . p 57 5) SEL ^Pogačnik :op.cit.p.EO LKnP.III Les “universités" chez Z. Zois Kopitar, brillant élève au Lycée de Ljubljana, recevait une bourse du gouvernement ,c£qui lui permettait non seulement de subvenir à ses besoins, mais d'aider encore ses parents. Ayant terminé ses études au Lycée, il "entre en comme précepteur d'un de ses neveux dans la famille du noble baron Zois, qui eut sur la suite de sa destinée la plus grande influence" Cl). Après le départ de son élève pour Vienne, "Kopitar demeura dans la maison aimée et estimée de Zois comme son secrétaire, bibliothécaire et conservateur de sa collection minéralogique pendant huit années, qu'il considère comme les plus agréables de sa vie" C2) . Ces phrases, écrites par un homme qui ne fut jamais enclin aux épanchements sentimentaux, expriment on ne peut Plus clairement la profonde influence qu'eut ce séjour sur sa vie et sur son activité de slaviste. On peut d'ores et déjà affirmer que, sans ce personnage central et les hommes qui l'entouraient, il n'y aurait jamais eu de slaviste Kopitar. Il dit d'ailleurs lui-même que, sans Zois, il serait devenu, dans le meilleur des cas, un évêque et, dans le pi-re» un curé. Kopitar entre dans le cercle de vie intellectuelle le plus important et le plus ouvert sur le monde qui e*iste dans le sud de l'Empire autrichien. "Il avait besoin 1 eo de combler les lacunes de l’école" (3). Qui est donc ce SIGISMUND (ŽIGA) ZOIS? C’est un grand aristocrate qui possède tous les traits caractéristiques de l’homme des Lumières en Europe Centrale. Né en Italie en 1747 de père italien et de mère Slovène, il fit ses études à Reggio et s’installa, après avoir voyagé en Allemagne, en France,en Belgique,en Italie, à Ljubljana, dans une grande maison qui devint non seulement un salon littéraire, mais le lieu de rencontre de tout ce qui passait de célèbre et de savant danSla région. Très riche, car il possède des hauts-fourneaux, des mines, des commerces et des châteaux, il reçoit chez lui ou correspond avec les grands de cette époque, comme Metternich, Gentz, Erberg, comte de Bellegarde, des savants comme le baron Lapeyrouse, minéralogiste de Toulouse, Balthazar de Hacquet, professeur d’histoire naturelle à Lvov <4>. Fidèle à l’universalisme auquel aspire tout homme des Lumières, il s'intéresse à la botanique (une fleur des Alpes porte son nom), à la minéralogie, à la chimie, à la physique, à l’histoire, à l’orientalisme, etc... Il est membre de diverses sociétés savantes, dont la Royal Society ar>glaise et de l’Académie Celtique française. Il parle non seulement les langues "indispensables" à un honnête homme de l'Europe Centrale que sont le latin, l’italien, le français, l’allemand et l’anglais, mais également le russe, le sué-dois, le letton et s’intéresse au lapon et au vieux slave. i Grand amateur de théâtre et d'opéras italiens, il reçoit chez lui des chanteurs pour lesquels il adapte parfois certains airs en Slovène. Son activité de traducteur n'a été étudiée qu'il y a peu (5). Il fit la première traduction Slovène de la Lénore de Bürger, des fables de l'Italien II Casti et dune partie du Satvricon. Il possède la bibliothèque la plus riche et la plus variée de tout le pays. S'y côtoient les oeuvres de Pope et de Gibbon, de Voltaire et de Boileau, de Swift et de Marmon-tel, Goethe, Fielding, Lessing, Wieland, Ossian (dans la traduction allemande de Denis) et l’Esprit de l'Encyclo--fiédie (édition de Genève 1769 (6). Bien qu'italien de lignée et d'éducation, il manifeste un intérêt profond envers le peuple Slovène, dont il parle la langue, ce qui est fort rare pour un aristocrate de son envergure. Il collectionne des ouvrages qui concernent les Slaves (Schlozer, Anton, Adelung, Perxl, Durych), les éditions Slovènes, des manuscrits glagolitiques, etc... ■ Mais Zois n’est pas seulement un érudit, c'est surtout Un organisateur et un mécène. C'est un homme portant la per-ri->que, au regard gai, aux traits doux, cloué par la goutte Sur un fauteuil roulant de sa propre invention. Toute sa vie? ®st désormais vouée à faire promouvoir et étudier, non seulement le Slovène, mais toutes les langues slaves, leur présent et leur passé. Avec ses "Hausslavist", il élabore un L 'V V % M -s ' ) SaŠŠBSr-N*. :v5f^£ ■~'.~ .T'. 1! 1« lili 19 9 i i n m i^i m i im c ’ ^.' < . ------—m —----a-------A. ~ La ^Al 50,M DE ZOIS A LJUBLJANA programme pratique qui doit permettre au Slovène de devenir '-me langue littéraire au même titre que les autres langues européennes. Lorsque Kopitar entre dans ce cercle, le programme, qui prolonge celui des jansénistes, est déjà fixé, certains aspects déjà bien avancés. Le premier noyau du groupe formé par Kumerdej et Japelj, dont nous avons déjà évoqué l'activité dans le domaine de l'instruction et de la traduction, est étoffé dans les années 80 par l'arrivée de A-T. Linhart (1756-1795), auteur d'une adaptation du Mariage Çle Figaro (8), représenté en 1790 avec l'aide de Zois. Le poète V. Vodnik (1758-1819) y occupe une place importante, aussi bien à cause de ses vers inspirés des chansons populaires au rythme joyeux, qu'à cause de son activité pratique destinée à apporter la culture dans chaque foyer, si modeste soit-il. C'est en effet Vodnik qui commence à publier "les almanachs" (Velik pratika 1795-97, Mala pratika 1797-1^06). lias almanachs contiennent un calendrier ("pratika"), des conseils pratiques pour l'élevage et l'agriculture, des récits de voyages, un écho des découvertes récentes, un peu de poésie (de Vodnik), des textes de narration, etc... Ces ouvrages, édités sur l'initiative de Zois, incitent le peuple à la lecture et subsistent sous des formes plus ou moins transformées, presque jusqu'à nos jours où la télévision les a remplacés. Le premier journal Slovène ("L jubi lanske !;teviçe^ 1797-1800) est également dû au baron Dans cette maison cosmopolite, ouverte à tous les courants nouveaux, débordante d'activité pratique et qui ressemble à une sorte d’université, Kopitar va parfaire ses connaissances, aussi bien en ce qui concerne les auteurs classiques que la botanique ou la grande littérature européenne. Il y apprend l’anglais, perfectionne son italien et son français. Il y découvre la slavistique, se familiarise avec les autres slavistes, apprend à aimer l’opéra et le théâtre, pour lequel il adapte mime une pièce de Kotzbue (Per Hahnenschlacp . On peut considérer Zois comme le père spirituel de Kopitar, lien qui est visible dans toute la correspondance entre les deux hommes lorsque Kopitar sera =* Vienne. La gratitude, la reconnaissance filiale transparaissent dans toutes ces lettres. Mais Kopitar n’est pas redevable envers son protecteur seulement de son savoir et de ses relations, il lui doit aussi une certaine tournure d’esprit, une certaine manière de voir et d'agir. On a l’impression qu'il a du mal à Se séparer de ce père qu’il essaye en quelque sorte d’imiter dans son activité de slaviste; il s'efforce de réunir les hommes, de leur fixer un programme, de les diriger, d’organiser et coordonner leurs recherches. Les idées préconisées Par Kopitar se trouvent déjà en germe dans le cercle de Zois: ainsi 1’antic 1érica 1isme, issu des idées de l'Aufklà-run9, le souci du développement de la langue et du niveau culturel du peuple à la fois. Le .jansénisme de Kopitar prend sa source dans le cercle de Zois. En ce qui concerne la sla-vistique, le besoin d'un alphabet slave, l'importance accordée à la poésie populaire, le didactisme, les idées sur la grandeur et l'importance des Slaves et un certain austrosla-visme, ou en tout cas l'idée que ces peuples sont étroite-ment liés à la civilisation occidentale, toutes ces notions préexistent déjà à l'état latent dans ce milieu intellectuel. No tes : Univers a tés chez zois 1)"1799 ais Hauslehrer eines Neffen in die Famille des Baron Sigismund Zois kam,der auf sein weiteres Schicksal ^Bssten Einfluss batte" . KS . p . F E>"blieb Kopitar beim ebenso geliebten als liébenswur Bigismund Zois in Hause als dessen Secretar,Bibiiothekar Minera1ischen-Cabinets-Aufseher üurch acht Janre.die er unter ahgenehrr!S t en seines Lebens zàh 11 " . ib i d . p . 5 3) "Benützte die Lücjtfén der Schule ausiufiil len" . îbid.p .7 F)Kid ric:Dobrovsky,p.50 5)cf.A.Gspan:S I av 1 stična revi ja,1969,p.315 6 > k idric : op.cit.p.27 7 ) i b i a . p . h 0 ed 1 en den i gen und d i e 187 3ème PARTIE LA GRAMMAIRE SLOVENE 1B 8 Avant son départ pour Vienne afin d'entreprendre des études qui doivent le mener à l’indépendance financière, Kopitar avait déjà écrit son premier ouvrage, le seul qui trouvât quelque grâce aux yeux de ses détracteurs- La Grammatik der si avise hen Sprache in Krain, Karnts n ■ uncj Steyermark. publiée en 1808 à Ljubljana, est en quelque sorte le cadeau d'adieu que le jeune homme avide de savoir offre à sa petite patrie avant de la quitter pratiquement pour toujours. Il est évident que ce départ n'est pas une rupture avec ses compatriotes, car la capitale des Habsbourg est le lieu normal des études universitaires de ces Provinces. Parallèlement aux études de droit, il poursuit, avec beaucoup plus de sérieux, les études slaves commencées chez Zois. D'autre part, une fois installé à Vienne comme bibliothécaire et censeur, il garde des liens très étroits avec Ljubljana où il exerce une influence bien plus profonde qu’on ne l’admet habituellement. La preuve en est son abondante correspondance avec les Slovènes, qui permet l'étude détaillée du développement culturel de la Slovénie au début du 19ème siècle-Cta base même de cette influence est" Sa grammaire. Mais son rayonnement dépasse largement les ■frontières étroites de sa patrie et s’inscrit déjà dans l’oeuvre générale de Kopitar-slaviste. c V êu/ jtVAA 6^ J ^ ^/€0i/j[ fv P>°men Kopitarjeve Slovnice ni samo v njeni Sv°jifn enDs^ i > ampak tudi v njeni praktični uporabnost i , kot je s jezikom najbolje potrdil Prešeren".ibid p.911 e 2 i ^ ^°Pi tar je v veliki •ibid.p.9i2 meri odkril strukturo slovenskega CHAP.HI Idées exprimées L'analyse de la grammaire proprement dite n'entre Pas dans le cadre de notre étude, encore qu'il serait intéressant de souligner certaines nouveautés introduites Par Kopitar et qui furent généralisées par la suite. Ainsi, Par exemple, le grammairien Slovène emploie les termes "imperfectivum" et "perfectivum" pour désigner les deux sspects du verbe. Dobrovskÿ, avec lequel il en parle dans Sa correspondance, préfère "singularia" et "iterativa" Cl). Mais nous ne pouvons passer sous silence 1' Introduction (Einleitunq) et la Conclusion (Nachschrift). cette dernière écrite déjà à Vienne. En effet, ces deux textes, importants déjà quant au volume qu'ils occupent ‘■Introduction pages III à XLVIII, Conclusion pages 385 à ^kO), contiennent déjà, à l'état d'ébauche, les principales idées de Kopitar sur la grammaire en général, sur la langue Slovène et ses dialectes, mais aussi et surtout ils Présentent au lecteur une des branches des peuples slaves,des liens qui unissent les diverses branches, leur histoire, leurs similitudes et leur diversité. La théorie /v\ Panoniiienne et 1 ' austroslavisme, présents déjà au cercle de L ij v A£\M£ | • 11 '■:& miittf c bet ©f«»if(f)eti ©prac&e i n Srûtn, ^cfrnten unb^tepermarJP. tfp SHI^In $ciafi# *Ptn. i 8 o 8. pVrv« x. f ^''W'AIHE DE KO PIT AR ( exemplaire de l’INALCO—le nom de l*auteur a3outé à l'encre). Zois, se trouvent dans ces pages, exprimées déjà avec conviction et clarté. •I •» Le titre lui-m'ê'me (slavische Sprache) indique ce lien entre les peuples slaves. Dn peut y voir également une opposition au "deutsche Sprache" dans laquelle l'oeuvre est rédigée, mais qui est aussi la langue officielle et, pour certains, considérée comme supérieure. Des trois dialectes Qu'indique le titre, soulignant ainsi les différences régionales qui caractérisent le Slovène, seul le dialecte de la Carniole est vraiment étudié à fond. Rappelons que c'est en quelque sorte le "dialecte maternel" de Kopitar. Est-ce un hasard si c'est justement ce dialecte, parlé notamment par Kopitar et Prešern pendant leur enfance, qui deviendra plus tard la base de la langue littéraire s1ov ène? Sans rejeter complètement la tradition écrite qui date de la Réforme <2), Kopitar préconise l'emploi de la langue telle qu'elle est parlée. Il se déclare partisan d'une lutte sans merci contre la langue germanisée des villes (d'où le ton acerbe qu'il utilise quand il parle de ^ohlin). Et comment lutter contre le fléau de la 9ermanisation qui menace l'existence de l'a langue et par là d'-i peuple lui-m'ê'me? Il convient de renouer les liens avec langue des paysans, préservée de cette suprématie de ’ al lemand ; il convient de traduire des livres non à partir de l'allemand dont la structure trop familière dépare la 2Q2 syntaxe Slovène, sinon le vocabulaire, mais du latin, du français, de l’anglais ; il faut préparer un dictionnaire complet, critique et fidèle; une chaire de Slovène au séminaire de Laibach s’impose,car Kopitar, digne disciple des .jansénistes, voit toujours dans le prêtre le principial porteur de la culture chez le peuple, le gardien et le garant de la pureté de la langue à la campagne. Pour des raisons très complexes, ce programme, largement discuté et critiqué, ne sera pas appliqué immédiatement en Slovénie. Mais l’auteur n’en abandonnera jamais l'idée, d'autant plus qu’il lui trouvera une application pratique rapide en Serbie, par l’intermédiaire de Vuk Karadzic. Une autre idée, qui accompagne Kopitar tout au long de sa vie sous des formes diverses, se trouve également exprimée dans l'Introduction: c’est l’idée de l'importance de l’élément slave en Autriche et de ses liens avec les autres Slaves, séparés mais néanmoins proches, justement par la langue et par le passé commun. Elle est à 1® base de son austroslavisme. Cette idée de parenté entre Slaves n’est pas neuve, Kopitar lui-même la fait remonter ®ux Chroniques de Nestor. Ce sont justement ces Chroniques, P'-tbIiées récemment, qui ont remis à l’ordre du jour l’étude de cette unité perdue <31. Les prédecesseurs-grammairiens, G'-itsman et Kumerdej, insistaient ^é.jà sur cette Unité. L’idée venait d’en être pop» il .XiWp par Herder. Et kopitar cite dans son Introduction de larges extraits de la 4ème partie du ISème livre des Idées sur 1’Histoire de la Philosophie de l’Humanité (4). Comme bon nombre d'hommes de cette époque, Kopitar accepte avec gratitude et sans chercher trop à les approfondir, ces idées sur le caractère pacifique des peuples slaves et leur futur prometteur. Il voit une preuve de leur douceur dans la façon dont ils avaient accepté le christianisme, apporté par le truchement de leur propre langue par les "doux apôtres Cyrille et Méthode". Cette remarque est intéressante, car elle nous emmène au coeur même des préoccupations de Kopitar-slaviste, nous explique, du moins en partie, la vénération qu'il éprouvait pour le vieux slave. Tout le malheur des Slaves vient de leurs divisions politiques qui permirent aux autres peuples (Mongols, Hongrois, peuples germaniques, turcs) de les réduire en esclavage. Et i1 se met à rêver d'une langue slave, d'une même religion, d'un même chef Vladimir (5). Panslavisme et austroslavisme semblent se Côtoyer parfois dans ces pages pleines de fougue et d'enthousiasme de jeunesse. Une autre préoccupation de Kopitar trouve un écho dans ces textes : l’alphabet (6)/ qui est commun à bon nombre de ceux qui se soucient des langues slaves et de leur avenir. Car si ces langues appartiennent à la même ^ami1ipourquoi possèdent-elles trois sortes de graphies (latin,cyrillique, glagolitique), avec en plus des Variantes? Et Kopitar de rêver d'un nouveau Cyrille (7) qui serait à même d'apporter une nouvelle unité dane ce désordre incompréhensible. Il permettrait aux différents peuples slaves de se rapprocher considérablement. Cette idée d'un alphabet commun sinon à tous les Slaves, du moins à tous ceux qui font partie de l'Empire des Habsbourg, accompagnera Kopitar pendant un long moment, deviendra presque une sorte d'idée fixe et provoquera quantité de conflits avec ses contemporains. En ce qui concerne la connaissance du passé propre à la Slovénie, il' donne la liste despublications en Slovène. Kopitar connaissait déjà particulièrement bien l'époque de la Réforme. Comme le dit Petrovski: "Cette Grammaire fut pendant longtemps la source principale de renseignements sur lïs pub 1ications de l'époque de Trubar" Safarik s'en inspire beaucoup lorsqu'il prépare son ÜAULt o i r e des L i 11 é r a t u r es slaves d u Sud . Notes:Idées exprimées 1 ) J a gic: Brief wechse1,p.317 pQl£ 2>|_e sujet a donné l9G~>fT11 C|Lle ‘Cf >J.Toporisic:Porteti , B7’P.50 ' récemment matière à razaIedi,preso j e,L jub 1 j ana ^fi.L.Schlozer:Probe Ruesischp Anna I en ^ 5 Cf.Annexe 1 5 1 Gr_amma t i k p.XVII 6)ibid.p.xx-XXII 7>ibid.p.193 Cj,OB„t®> ^ paMMaTHKa Hajojiro ocTanach nepEoiicTOMHiiKOM CBejemift no TpyôepeECKOfi ■ lleTD HCKofi nenaTHOii jmTepaType OEjckiju: l'IepEne roju, 197 ^n/'ivn _> i » \_> /i • t pays peuplé de Slaves était tout de même un territoire français à l'époque.* Voici ce qu'écrit, entre autres, Lan-.jüanais: "La nouvelle grammaire que nous annonçons est de roime écrite en allemand. On la doit au zèle et aux lumières de M. de Zoïs, membre de l'Académie celtique, à laquelle il ®n a offert un exemplaire" (5). Suit la description de l'ouvrage et un résumé succinct des deux textes qui l'accompagnent. Et l'auteur continue: "Ces deux Traités nous ont Paru écrits avec clarté, méthode et critique" (SI. Il ne peut- passer sous silence le problème des alphabets et les efforts pour les unifier: "Il faut savoir gré à M. de Zoïs d'avoir consacré plus de 200 pages de la Grammaire à développer les causes d'un tel désordre et à présenter des recèdes. On ne peut s'empêcher de faire des voeux pour que -■es louables efforts et ceux de ses imitateurs, particulièrement ceux de M. Dobrovsky, soient récompensés par un heureux succès" (7). Kopitar, qui ne connut le contenu de ce compte-rendu que lors de son voyage à Paris en 1814, en rapporta une copie à Zoïs "afin que Votre Honneur puisse en rire" (8). Le même compte-rendu, avec la même erreur quant à l’auteur, fut publiée par le-Gotting^ggelehrte Anzeigen O). Plus tard, le Russe Petrovski, qui consacre une Partie très importante de son étude à l'analyse de la Gram-ÏLiÜii, la qualifie de "livre remarquable". Et voici le ju- CHAP.IV Echos A en juger par les comptes-rendus, la Grammatik de kopitar trouve un écho favorable chez les contemporains. Efins 1'All^gemeine Literaturzeitung <11, l'auteur (probablement Engell la considère comme une oeuvre des plus uti-ies. Dans le liorgenblatt für Gebildete Stànde» l'auteur anonyme la considère comme étant d'une qualité bien supérieure à ce qui existe en Allemagne <21. Dans les Annalen Literatur und Kunst, c'est Dobrovsky lui-même qui en donne une idée très flatteuse (3). Tous ces échos font connaître Kopitar dans les milieux "slavisants". Ainsi, Jacob Grimm connaît la Grammatik bien avant de se lier d’amitié ave?c son auteur. Il en parle dans ses lettres à Dobrovsky, «msi que dans la préface? de sa propre grammaire où il la met avec celle de? l'abbé tchèque "bien au-dessus de nos 9 t'a mm ai res allemandes". On trouve un article assez détaillé &Ur *a Grammatik dans le journal français Mémoires de lfA-Ç^déntie Qeltigue (41 écrit par Jean-Denis Lanjuinais (1753-ce qUj_ paraît à première vue plutôt étonnant, car les >->laves n'entraient pas particulièrement dans le répertoire c*e ses études. Mais Zoîs fut membre de cette société -'kvante, c’est lui qui envoya un exemplaire, ce qui fit Cr°ire qu’il en était l’auteur. D’un autre côté, cet obscur 2C8 gement de F. Kidrič, qui n'est habituellement guère tendre avec notre slaviste: "La grammaire de Kopitar, qui s’élève au-dessus des partis-pris régionaux, est une oeuvre qui fait époque dans le processus du renouveau national. Elle fit connaître des horizons nouveaux au mouvement national parce que l'auteur avait regardé bien au-delà des frontières de la Carniole et donné une base scientifique au développement ultérieur de la langue" (10). Pour Safarik, ''sa Grammatik fait partie des oeuvres philologiques les plus influentes ii qui furent publiées dans le domaine des Lettres slaves (11). Tout en l'acceptant comme une oeuvre sérieuse et Scientifique, nombre de ses compatriotes ne rendirent pas, Pendant longtemps, à cette Grammaire l'hommage qui logiquement lui était dû. Les raisons en sont multiples et complets, les principales étant la querelle de l'alphabet, le c°nflit avec la .jeune génération et, plus tard, surtout 1 'austroslavisme de Kopitar. Ce sont donc des raisons qui n ’ ° n t pratiquement aucun lien avec les problèmes de la lan-9ue e?t de la grammaire. Pendant longtemps, on admettait difficilement et comme du bout des lèvres que l’auteur de la Première grammaire Slovène fut cet "horrible Kopitar", Présenté souvent dans les manuels scolaires comme l'ennemi des Slovènes. Heureusement, ces dernières années, d'autres v°ix s’élèvent et on commence enfin à comprendre quelle oeuvre avait accomplie Kopitar en écrivant sa (Brammai rp. Slodnjak parle de sa grammaire 'géniale' (12) et Kos (13) la considère comme la première oeuvre de cette qualité chez les Slovènes. Mais ce sont surtout J. Pogačnik *•14) et J. Toporišič (15) qui tentent de réhabiliter l’influence de Kopitar et de voir vraiment l'impact qu’avait e,~> cette Brammaire sur le développement culturel de ce peuple. En tant qu'auteur d’une histoire de la langue Slovène (16), ce dernier était certainement amené à reconna'ïtre enfin la place et l’importance de Kopitar-9 f animai rien. '' L’oeuvre de Kopitar... représente l’un des piliers Indispensables de? la conscience nationale Slovène quant à s°n individualité linguistique aussi bien que politique. Tant que l’une et l’autre - et les deux sont inséparables-r*°us tiendront à coeur, nous pouvons nous réjouir d’avoir kopitar parmi nous. En renonçant à Kopitar, nous rejetons dans une grande mesure notre originalité linguistique, culturelle et également politique. En faisant celà, nous renonçons de la même manière à l'idée que Cankar et Prešeren Se "faisaient de la langue Slovène, du peuple Slovène et de Sa culture*(17). On ne peut comparer que ce qui peut l’être. S'il es"t impossible de comparer le Slovène et le russe du point ^ vue de leur poids dans la culture générale, on peut sans hésiter admettre que Kopitar joua dans le développement du 210 Slovène le même rôle clé que Lomunosov dans le développement du russe. Les deux tentèrent de cerner au mieux les nécessités de leurs peuples à un moment important de leur développement historique et littéraire. Notes : Echos 1 * AJ..I qeme i ns L i teratur-Zei tuna , 1 8 1 0 , I , p . 85 B > neTpoBCKMft : nejDBiie roju, p503 3 '> Anna 1 en der Literatur und Kunst , 1 810 , I I , p . 86A ^ * tU’mo ires de 1 'Académie Ce 11 i que , MDCCC X , t ■ 5, p . 1 1 A 5>ibid. 6) ibid.p . i 15 7) ibid.p . i 16 B)Ibrovaç:Kopitar .p . 65 7 ) So_t_t i no j eche qe ] ehr te Anze i oen ,1810,III,p. 5039 nà(j 1(-’> DroccQkrajinsl e -sto je Kopitarjeva Slovnica iz ïa nsdal jni leta 1809,ki se dviga predsodke,epcha1 no delo za narodno-budite 1 jsti je 4irla obzorja v slovensko narodno gibanje,ker pogledal preko kranjskih meja in dal znanstveno podlago razvoj slovenskega j e z i i a " . K i dr i č: : Dobr o vsk i/. p . 1 63 H ) Phi i _ , 1 1 1 ” Seine Ute'!^^chen Ute,-” u' eroh ] enen " ^-Uir , p % 36 Brammatik Arbeiten.die gehbrt zu den auf dem Gebiete s i nd " . Sa Par i k : Gesch i c ti te einflussreichsten der slawischen der SÜ d e I j_ s c h en lt?7s>p1^)A-SlDdnjak : Obraz i in dela slovenskega s 1 o v s t va,L j ub1 j a na 1 3 '> J os : Pr_eci_l_ed s 1 o vene t epa slovstva.Ljubi j a n a 1989 *^)J,Pogačnik :Zoodovina II 10 ^ J.Toporišič : Por teti.razgledi,prešo je.Ljubi j ara,1987,pp.33 ^^■Topoi- i s i c iSlovenski knjižni j e z i k Maribor 1966 SUVensk Kopitarjevo delo pomeni enega nepogrešljivih stebrov Sâfnob i -j- 6 narodne zavesti o jezikovni in tudi politični set)005^ - Dokler nam bo Slovencem za eno in drugo,oboje pa je nerazdruino povezano,moramo biti Kopitarju med nami udi Oclpov0dovanjem Kopitarju se v veliki meri odpovedujemo tpr* ‘Ol/Pncu „„ ^^enski jezikovni,ku1 turni in tudi politični samobitnosti.S i e v bistvu odpovedujemo tudi Prešernovi 51ovenskem . La Société ^Itique en reçoit un exemplaire également. Stratimirovič d© même (2>. Il est évident qu'un Schlozer ou un Dobrovsky ne chechent pas à apprendre le Slovène. Elle les intéresse dans la mesure où elle décrit fidèlement une langue slave. Elle s'inscrit ainsi dans ce travail général qu’avaient entrepris les philologues européens pour essayer de cerner '-*n peu mieux les diverses langues, leurs parentés, leur développement, leur histoire et leurs origines. C'est avec Grammatik que le Slovène devient un objet d’étude linguistique. Il suffit de voir, par exemple, l'intérêt que suscite le duel Slovène, forme que Dobrovsky lui-même hésitait à considérer comme vivante et productive (3). Elle aide ces philologues à essayer de maîtriser la Babel slave, à remonter vers l'ancêtre commun qu’ils recherchent "fébrilement, à mieux comprendre les textes qu’ils commencent à découvrir et à étudier. Elle est ainsi une pierre dans l’édifice de la science des langues slaves qui e=t en train de se développer. La Grammatik der___slavischen Sprache in Krain, ijgrnten und Steyermak s'inscrit donc dans la série des ouvrages comparables qui paraissent à peu près à la même époque ou un peu plus tôt. L’ouvrage le plus proche est sans doute la grammaire de Dobrovsky <4>, qui ne fut P'-tbIiée que quelques mois après celle de Kopitar. Les deux 9rammaires, inspirées par Adelung, furent écrites en quelque sorte en parallèle, car les relations entre les deux slavistes viennent seulement d’être établies (5). La grammaire de Dobrovsky, qui pose les bases scientifiques de langue tchèque (S), est en même temps le résultat des efforts séculaires des défenseurs du tchèque et le résumé d’un très riche passé de la nation tchèque. Quant aux Polonais, c'est le Dictionnaire de S.B. Linde (7), publié entre 1807 et 1814, qui fixe d'une manière magistrale, et bien avant Dalj ou Littré, l'usage du polonais. Pour les Slaves orthodoxes, le problème de grammaire se pose d'une Manière différente car, bien souvent, le vieux slave est considéré comme la langue écrite par excellence et la Srammaire de Smotricki comme oeuvre de référence. Lomonoscw , pour qui elle représente l'un des rares livres accessibles dans son petit village, en est le premier^ car, l'-'i aussi, fils du peuple, a essayé de s'en détacher, à élaborer une grammaire qui tient compte également de la langue parlée par le peuple. Sa grammaire (8), écrite un demi-siècle plus tôt <175Lp, publiée en 1757f permet à la langue russe, grâce notamment à la théorie des 3 styles '■Publiée d'ailleurs à parti, de se développer et d'intégrer toutes les richesses de la langue populaire. Comme tous les écrits de Kopitar, comnie tous ses dtforts dans de multiples directions, sa grammaire tente '-Salement d'atteindre un but culturel plus général et tout a,-'ssi actuel à l'époque. En effet, selon les nouveaux critères, les peuples se définissent désormais et de plus n Plus par un nouveau critère qui est la langue. Et ^J'est-ce qu'une grammaire, sinon la preuve que cette langue existe bel et bien? Ceci est particulièrement vital Pour les peuples qui n'existent pas politiquement. Ce qui le cas des Slovènes, comme de bon nombre des peuples -'laves en ce début du 19ème siècle. Pour toutes ces diverses raisons, il est possible d’affirmer que la Grammatik de Kopitar, tout en étant le ■fruit d'une préoccupation étroitement interne, liée à l’élaboration et la codification du Slovène, représente aussi le premier pas de Kopitar slaviste. Les contemporains ne s’y trompèrent pas en lui donnant un écho favorable, comme nous le verrons plus loin, et les savants intéressés Par les langues acceptèrent son auteur comme l’un des leurs. Elle lui servit en quelque sorte de carte de visite pour entrer en contact avec les cercles savants. Et, plus Prosaïquement, elle lui permit aussi d’obtenir une petite Place de bibliothécaire et de censeur pour les livres en langues slaves et en grec moderne à Vienne. Notes:Rayonnement 1 >Kidrié:Zois II,p.85,Zois à Kop.10/9/1809 5)Jaqjç;Neue B,p.77? 3)-Jagjç ;Br iefiMechsel P. 18 * ûusführ_y_çhes Lehrqebàude der Bohmischen Spr ache.Praq 1809 ^arc première lettre de Kopitar à Dobrovsky est datée du 30 1808 6) inek,p.840 B.Linde:Slownik jezyka po 1skiego,w Warszawe,1807-1814, 8 ) p -PgMMaTHKa pyccKoro s3tiKa MocKBa 175'/ CHAP.VI Influences Il était donc parfaitement naturel qu'une oeuvre de cette qualité apparût aux yeux des contemporains comme un Modèle digne d’être suivi,, imité ou adapté. Et, en effet, Plusieurs grammaires de l'époque s'en inspirent, tentent don? l'imiter de près ou de loin, aussi bien dans sa propre patrie qu'à l'extérieur, là où les conditions culturelles et historiques exigeaient une approche semblable de la langue. Nous avons vu que Kopitar travaille en parallèle avec son "commensal" de chez Zois, le poète VALENTIN VODNIK ‘1753-1819). Ce franciscain, qui fut proviseur au Lycée de h.jubljana (à l’époque la plus importante pour le développement des institutions d’enseignement chez les Slovènes), au moment où une partie de la Slovénie formait avec la Dalmatie les Provinces Illyriennes, doit être considéré comme l'un des grands hommes du renouveau Slovène. Historien, poète, auteur de nombreux ouvrages didactiques, il publia, en 1811 ‘~ia grammaire pratique Pismenost qui contenait, en guise de Préambule, son célèbre p o è m e 1'111y rie_ressuscitée <1), écrite à la gloire de Napoléon. Plus que d’une influence -Car Vodnik commença sa grammaire bien avant Kopitar - on Peut parler plutôt d'une similitude de vues entre les deux nommes. Si leurs tempéraments les séparent, si les circons- 21b 250 o SRonofçftabi* S(a(f. golgenbe ÜJÎufler erf<$5pfea «4 b i t fe Sfclinotioii. Sin g. (beltbf SSefen) (35anf) (® orf> N. sbivdl klop vdf G. shivdl-i klop-i vaf-î D. shivdl-i kl6p-i vaf-i A. shivdl kldp vaf L. shivdl-i klép-i vaf-i I. shivdl-jo klop-jô ▼af-j6 D n a 1. N. shivdl-i klop-i vaf-i G. shivdl klop-i vaf-i D. shivdl-ima klop-éma vaf-éma A. shivdl-i klop-i vaf-i L. shivdl-ih klop-éh vaf-éb }• shivdl-ima klop-éma vaf-éma P111 r. N. shivdl-i klop i vaf-i G. shivdl klop-i vaf-i D. shivdl-im (-att) klop-ém vaf-éin A. shivdl-i klop-i vaf-i L. sbivàl-ih klop-éh vaf-éh I. shivdl-imi (-mi-i) klop-raî vaf-mi 9 n ai. Sinfgr fdueiben itn Senifioo br» ÎJlf&rjabl shivili; na Napoléon que manifeste son bienfaiteur Zoïs dont il ne s'est pas vraiment détaché, s’efforce d'entrer en contact cWe?c la nouvelle administration, car il voit qu'elle est favorable au Slovène et se préoccupe de l'amélioration de l’enseignement <7>. Il est heureux quand il apprend que le Çinand Empereur lui-même essaye de se renseigner sur son Pei.U'pie (Q-)t 5^ Kopitar voit avec grand plaisir le renouveau de l'école prôné par les Français, s'il envisage même de retourner à Ljubljana pour enseigner, surtout lorsque l'on commence à parler d'une université dans cette ville (9) , il se montre en revanche beaucoup plus critique envers la façon dont le Maréchal Marmont envisage de résoudre le problème linguistique complexe, certes, de ce nouvel état illyrien. 11 apparaît que le duc de Raguse connaissait assez bien les milieux intellectuels de Dubrovnik et qu'il n'était pas loin de prendre comme modèle de la "langue illyrienne" le dialecte da Imate,, C'était d'autant plus logique que l'ancienne république possédait une tradition littéraire et même gram-roaticale non négligeable CIO). Kopitar exprime à plusieurs l'éprises 1 a crainte de voir sa langue maternelle disparaître «U profit de celle de Dalmatie. Cette crainte était particulièrement justifiée après 1'arrivée à Ljubljana de l'abbé Civ e ric en qualité de "professeur de la langue illyrienne" '• 11 ) . Kopitar essaye maintes fois de convaincre Zois d'intervenir auprès du Maréchal, d'autant plus que celui-ci, lors de ses séjours à Ljubljana, fréquente de manière régulière la maison du riche mécène. Soucieux de préserver sa langue maternelle, Kopitar se demande pourquoi les Français Préfèrent la langue dalmate. Et il répond: "Ils aimeraient Peut-être apprendre le Slovène, mais ils ne trouvent aucune c|ide: les DalmatwOE possèdent des grammaires et des dictionnaires, mais nous, encore rien de comparable" (12). Ain- z/z si Kopitar conçoit-il l’idée d'adapter sa grammaire pour les Français et même de lui adjoindre un dictionnaire. Il en parle pour la première fois dans une lettre à Zoïs: "Si à Présent j’étais à Laibach, nous ferions avec Korn une grammaire française ou italienne du carniolien" (13). Marcel de Serres était au courant du projet, peut-être l’a-t-il même encouragé (14). Il demande à Zoïs de négocier en son nom avec l'éditeur Korn. Il semble même qu'il avait envisagé d’élargir quelque peu les régions englobées, car il parle h I “L Qes »langues "cisletaniennes" (15). Entre-temps, l'éditeur viennois Heubner lui demande un petit vocabulaire français-carniolien. La chute de Napoléon met fin à tous ces projets. il faudra attendre plus d'un siècle et demi pour que Paraisse la première et unique grammaire Slovène destinée aux Français (16). Etant donné que Kopitar préconisait l'utilisation d® la langue parlée populaire, sa grammaire semblait particulièrement adaptée aux langues qui n'avaient pas encore d’existence officielle, tout en étant utilisées par une population nombreuse. Il existait de tels peuples à l'inté-r1eur même des frontières de l’Empire, comme au voisinage de ~es confins. Ainsi, entre le russe et le polonais qui possédaient tous les deux une très ancienne et très forte tradi-lion littéraire, apparaît, au début du 19ème siècle, 1 ’ uk - rainien. Kopitar découvre cette langue à Vienne où il a des contacts avec des étudiants et des ecclésiastiques venus étudier dans la capitale autrichienne. Il apparaît que les deux premières grammaires de cette langue doivent beaucoup à kopitar. JOSEF LOZINSKI termine en 1333 sa Grammatika iezyka £-ÜHk lego-mal o roskieqo. Elle ne sera publiée qu’en 1046 à Prsemysl, mais le slaviste viennois en a eu connaissance en '-ant que censeur (17). D’après Hana Orzechovska (13), elle ne contient pas moins de 20 références à Kopitar. La struc-'t'-ire de cette grammaire est identique à celle de Kopitar et l'auteur ne manque pas de poser le problème de l'alphabet. l-n ce qui concerne la grammaire de JOSEF LEVICKI (19) Gram - Qaijre de la langue__r u t h è ne o u p e t i t - r u s s e_en Galicle son au - Leur adopte une attitude contraire aux idées de Kopitar, en co sens qu’il ne s'appuie pas sur la langue populaire, mais tente de faire adopter un mélange entre le slavon et la lan-Çiue populaire. Mais la position de Levicki évolue et, è la 1 in de sa vie, il est tout acquis à la langue parlée, comme kopitar le lui avait suggéré dès le début (20). L. e r a y o n n e m e n t de 1 a Brammat i k_d e r s 1 a v i s c h e n S p r a - __i n K rain, K a r r\ je n u n i St e y e r m a r k n'est donc pas dû au ’Ssard, mais à ses qualités propres et aux circonstances historiques et culturelles qui caractérisent l'époque. Au Moment où la culture allemande commence è jouer un rôle important en Europe, elle ranime chez ces mêmes Allemands l'intérêt pour leurs voisins slaves. A ceux-ci, elle fait découvrir l'une de leurs langues de façon magistrale. Avec si le Kopitar entre de plain pied dans le mouvement du renouveau Slovène qui est indissociable du renouveau slave en général, et ce renouveau général est lui-même étroitement Hé à la naissance et au développement de la slavistique Moderne. Cette Grammaire contient déjà, dans un état parcellaire certes, les préoccupations et les questions que Se Posent les premiers slavistes. En un mot, il existe deux fsits qui permettent à Kopitar de quitter l'étroit domaine Slovène pour entrer dans le domaine immense de la slavistique: ce sont, d'une part sa Grammaire et, d'autre Part(les contacts qu'il noue au même moment avec Dobrovsky. No tes : Influences * ' ililiii o zlv 1 jena 225 8)"k:ako nas jezik čeden narediti" ^ ^ÜÜ h a r s k e bukve,Laibach 1799,Babis t vo^Laibach 1818 ** * fjbeceda ali Azbuka,das ABC-Buch ,L 1 Abécé, Laibach 1818 ita1. 5)vincenc Franul '^âilann- von Ule i ssenthur n : Saag i o orammat i c a I e agniol i no ,Tries te 1811 ^cf.Pogačnik:Zqodovina II,p.183 7 ^ I . Pr i j a t e 1 j : " S1 o veneč i na pod Napoleonom" Veda 1911 p . E'7 8)Xidric:Zois I I ,p. 104,16/10/1809 ^^8rijatelj:op.cit.p.333 Ibrovac : Koci i tar . p . 35 11'bidričiop.cit.p.151 l5)Jagjç;Meue B.p.380 1 3 > K i d r i c : Zois 18 /10/1809 ‘^^brovac: Kopi tar , p . 36 ^5)Prijatelj:op.cit.p.334 *8)Claude Oincenot:Essai de grammaire Slovène,Ljub1 jana 1975 17)Naht1gal:5pisi II p.397 t3râiï'rnarS)H‘0rcec:howska : "J •(, les "pre-miers éveil leurs" Slovènes ne gont pas influencés par leurs contemporains tchèques, mais les deux groupes poursui-Vent en et en parallèle le même but et leurs maîtres scrme, avec l'affaire de Kra.inska Cbelica. le fond même de inimitié qui fut portée à Kopitar par ses compatriotes •jusqu'à nos jours. Sa réputation de méchant homme y trouve à ■*a fois sa source et sa confirmation (3). Quoi qu'il en Kopitar est le premier, justement parce qu'il connaît *'amPleur du champ en friche qu'est la culture slave, parce qu’il est soucieux de l'avenir de cette culture, à compren-C*re intuitivement la grandeur du savant tchèque, à apprécier Sa méthode rigoureuse, à attacher une valeur supérieure aux Publications de Dobrovskÿ, peu connues par ailleurs. Le ton 2z9 de cette première lettre ne trompe pas et la façon dont l’auteur de la Grammatik signe sa missive non plus: "Le pe- tit disciple du grand Maître" C4>. Leur correspondance, savante et amicale à la fois, va se poursuivre jusqu’à la mort d'J Maître tchèque. Les deux hommes échangent doutes et con- * seils, partagent succès et échecs, se soutiennent et s’encouragent mutuellement. Ce n’est pas par hasard si Jagii: P'-iblie ces lettres sous le titre russe de "Sources de la slavistique" (5!> . Plus que leurs publications, ces lettres nous renseignent sur l’état de cette science au début du l^ème siècle, sur l’esprit général dans lequel commençaient \ \r se développer les vraies recheches dans le domaine slave. On s’accorde en général pour admettre que Dobrovsky ne serait pas le Dobrovsky que nous connaissons sans cette initié avec Kopitar. Le changement que représente l’installation de Ko-Pitar à Vienne est bien évidemment loin d’être un changement P'-irement géographique. Il faut pourtant remarquer qu’il n’e-xiste aucune coupure nette entre Ljubljana et la capitale de l’Empire; le nouveau milieu intellectuel dans lequel Kopitar est plongé constitue en quelque sorte le prolongement, élar-91 bien évidemment, de celui qu’il connaît chez lui. Il est Vrai qu'à l’époque Laibach n’est qu'une petite ville de pro-vlnce qUi compte à peine 10 000 habitants. Mais, comme nous âv°ns pu le constater, elle se trouve à la croisée des cul- tures et des influences et la vie intellectuelle y est bien Plus développée qu'on pourrait le supposer à première vue,si nne prenait en considération que le facteur politique et socio-économique. Grâce à l'esprit des Lumières, qui caracté-rise aussi bien un certain clergé que 1 ' intel ligenîçia, peu nombreuse, certes, mais fort active, et quelques riches mécènes, l'intérêt et la conscience slaves y sont déjà fort développés. Ainsi, Linhart correspond avec K.G. Anton <1751-1818), l’un des premiers slavistes sorabes. Kumerdej avait aPpris le russe et envoyé un petit lexique Slovène à l’Académie russe à Saint-Petersbourg pour son Dictionnaire L'intérêt qu'il porte aux diverses langues slaves l'a-nène à envisager la composition d’une sorte de grammaire comparée des langues slaves - grammaire qui aurait comme base la "langue littéraire slave", c'est-à-dire le vieux slave (7). Etant donné que l'auteur faisait partie du cercle c*e Zois, Kopitar connaissait en détail toutes ces recherches ces ("idées. Il convient également de ne pas perdre de vue que *a baron Zois possédait une importante collection de manus-r*ts cyrilliques et surtout glaglolitiques, qu’il avait ''assemblés avec une patience et un amour de Cljnnaisseur. D’autre part, il fit faire pour son cercle une S°rte de bibliographie slave qui comprenait un très grand. nc pour lui, il n'existe qu'une culture - celle qui est ,Jtile au peuple - qu'un style de langue - celui qui permet-^ra à un peuple de s'exprimer et de s’élever. 234 t 0S:Dobrovsky et Vienne 1 ) K' i d ric :Dobrov st y p.51-54 5'lbid.p.]P7 1 Sil objet. ence î 1 p5t qui concerne cette rivalité entre ces deu* hommes,il 5 de mettre fin à 1'ostracisme dont Kopitar est a commis des er reur s , cer t es , ma i s pourquoi passer sous toutes les occasions où ses vues se sont avérées justes?Il tOini^ris seul à se moquer de Vodnik que Pi eseren qualifie de c&mâriM °n''aimant un peu la bouteille et pour lequel Zois se 5 1 1 avait bien compris Herder(ibid.II,p,30>.Dire que i • i t la Gi amma t i 1 uniquement pour devancer Vodnik nous tout ^ fait absourde 4* ) n . à9ic*R ,es grossen 4 Me i s ter s 1 leiner Schuler". ‘ -^Ltfwgçh sel , p . 5 Hciohhukh cjiabnucKofi ijiino.Toruii CHB-Ber 1 i n , 1 897 6)J 9 ac n i k : Zgodo v i na I I , p . 1 22 '-U9sn,e | ld ■ P • 6 3 , Kjia.ii?Vt_j>ch e Sprach l ehr e al s ein Auszuq aus ~ slî sj av j schen Gr amma t i k , oeuvre non pub 1iée,écrite en der 1 795 S ; k ldr 1 c : o p.cit.p.1 .76 Nss ' ) " |V1 _ , . ari uberhaupt ,kldric:oD.r,t.I 10) s o P . c i t diesen meinen Elever von den Originibus Slav ici s p 183,Zois à Vuk asavic,14/3/1809 wen i g i bid.p•184 y n, 'ot Dfbib 1 1 j n r • 9 C ^ wurde e i ne belohnende Freude meir. 32- jahr i ges. Sammel n fi_! cler dadut ch angeleitete Zogling kopitai nde Di H * sonder 01 h e k enste 15 ) n a u c h durch dam gelange.dem 2u leisten.und dem !Jnser Dialekt ^ ^indheit 1<+>KS ’ , i b i d . p ùjïs' nic h t nur a 11 ein die fernere Ausbildung in der ku11ivier testen S lavischen Staate Slavismus Ehre ru machen."ibid. 1 4 6 unser Literatur"ibid.I1,p.106 P . 1 E 15 ) Sri : M.ÇTOPH3 . p . 1 90 J D CHAP.II Dgbut des relations entre Kopitar et Dobrovsky L'attraction qu'exercent les Lumières dans la seconde moitié du ISème siècle est telle que les yeux de ce d'-ie l'Europe compte d'hommes cultivés sont pratiquement tournés vers l'Occident. Ce fait explique en grande partie prolifération et le développement des cercles et sociétés Savantes, qui semblent souvent s'ignorer Mutuellement. A Prague ou à Zagreb, on connaît infiniment Mieux ce qui se passe en France, en Angleterre ou en Allemagne que ce qui advient en Pologne ou en Russie. Le retentissement que connaît l'oeuvre de Schlozer s'explique .justement par le fait qu'elle fut publiée en Occident, d'où ® 11 e p u t ray o n n e r r ai p î cl e m ent. En ce qui concerne les Tchèques et les Slovènes, il ev,istait peu de relations entre eux. C’est en fait la ''snaissance slave qui établit et favorise ces liens, surtout ’ordre culturel. Etant citoyens du même Etat, ils bénéficient ou souffrent ensemble et à d e s degrés divers des Réformes entreprises par l'impératrice Marie-Thérèse et son Joseph II. Si la germanisation se poursuit et çq J m «ccentue, le niveau général de l'instruction s'élève rapidement. L..a langue des élites cultivées, du moins en ce qui c,jnc©rne la langue écrite, reste l'allemand. Mais à cet lu U // /V }/«*' o~<- ■**■ • r ^ si •» Jlr'V zi - JL-v 'Ç-~nsu+^' //) /; \/\r (X^Sv •-* ^ Wy* z^/ f c^~ V^At^v^l A/vvv^ ^ 6^/T ! XU* /o") -/^A i C*+^t/Î >?X & • ^ f--------------- X~ASlsé — ————■——-- ■ ■ £4-y>vV/ L£:ttre û£: KGPITAR a DCBR0V5KY égard, le tchèque fait, par rapport au Slovène, figure de Privilégié, car il est enseigné au plus haut niveau depuis *752, date de 1 ’ inauguration d’une chaire de tchèque à l’Académie Militaire de Wiener Neystadt. En 1774, une chaire de tchèque fut créée à l’Université de Vienne, suivie de celle de Prague en 1791. Les actes officiels sont depuis toujours traduits en tchèque. Cette langue a donc une existence •'•égale, mime si elle n’est pas toujours utilisée, mime si elle est souvent maltraitée et considérée par certains ennemis des Slaves comme la langue des rebelles' il). Rien de .U. ., : dans les pays Slovènes, où le premier texte officiel ne t'-'t- traduit, et avec grande réticence, qu’en 1758 (2). Quant une quelconque chaire de Slovène, il n’en est pas question âvant Kopitar. Les Tchèques bénéf i cient- d’autre part d’une v 1 che tradition littéraire qui va de Charles IV et de Hus et St? Prolonge jusqu’à Dobrovsky, grâce notamment à l’activité des frères moraves. Le renouveau tchèque redonne vie à cette tradition et la relie à l’époque moderne, et fonde, sur ces ^ses anciennes et riches, tout l’édifice futur. Chez les Slovènes, ce lien avec l’époque qui a vu Paître la langue écrite, c'est-à-dire l’époque protestante, pratiquement rompu à cause de la Contre-réforme. Le )erceau même de cette culture écrite se trouve très loin, dans les pays allemands, et d’autre part^ elle consiste Presque exclusivement en écrits d'ordre ecclésiastique. 2 38 Hais ce sont .justement ces monuments du passé qui éveillent l’attention de Dobrovsky et l’obligent à s’inté-resser à cette langue slave. Déjà, en 1778, il découvre le £šjLt c h i s me glagol i tique qui contient une I ntrod u c t ion de Trubar (3). Il connaît les manuscrits de Freising par Sch-l'-'Ser. C’est dire que l’intérêt du savant tchèque pour le Slovène date des premières années de ses recherches, années '-"-S bous l’influence de Michaelis, il s’adonne à l’exégèse biblique. Les traductions Slovènes lui paraissent particulièrement précieuses, car il s'aperçoit rapidement qu’elles he sont pas faites d’après le même texte "original" que b'autres traductions en langues slaves; d'autre part, elles présentent des variantes rares qui permettent au philologue b1-'’i], es^. c:j£ jà d’entreprendre une étude comparée. Peu à peu, i 1 en arrive à s’intéresser à la langue Slovène contemporaine, qu'il confond avec le croate, ce; qui est assez naturel, car les traducteurs protestants destinaient leurs ouvrages aux Slovènes et à une partie des Croates actuels. premiers intermédiaires sont Durych et Pelci, ainsi que ^ b-1 b i c k y qui possède une riche bibliothèque sur ce su-■Jet„ C’est en fait Vienne qui sert de point de rencontre, dobrovsky y fait la connaissance de B. Kumerdej et de ■ Pohlin qui vit à Maria-Brunn. F. Kidrič pense que ces Premières relations personnelles datent de 1779 <4>. Par 1 intermédiaire de Alter,.il entre en contact avec le cercle Zois qui, très vite, le considère comme un érudit digne de confiance et d'admiration <5). C'est surtout son voyage à Vienne en 1791 - où il a la possibilité de voir le Dic-^SilOaire et la Grammaire de Pohlin, le Nouveau Testament traduit par Japelj et Kumerdej, les oeuvres de Küzmic - qui excite sa curiosité. A cette époque, son intérêt pour la Philologie slave est déjà étayé par de solides connaissances et il sent le besoin, bien compréhensible pour un homme de 1 ' Au.f klàrung, de voyager et d'étudier ainsi les textes ori- Si'iaux. Son voyage en Russie en 1792-1793 lui permet de connaître la richesse insoupçonnée des oeuvres et manuscrits qui s'y trouvent. En 1794, il se dirige vers le Sud et ' Italie: au retour, il désire rencontrer Zois et Kumerdej qui sont absents, mais peut tout de même voir les manuscrits ~h-> baron et remarquer que la langue que parlent les ^a bit a n t s de Laibach lui est pratiquement incompréhensible ^1 " Lorsqu'il commence la publication de son Slavin,, dont 1 * v,audrait faire un organe de tous les Slaves, il cherche ■ln correspondant ad hoc chez les Slaves du Sud. Il ne trouve tout d'abord qu'un ... Breton, Balthasar Hacquet (7), à époque professeur de sciences naturelles à Lvov et qui, tout en étant fort instruit, n'est, pas toujours en mesure de ~'atisfaire le savant slaviste tchèque. Aussi, il s'adresse ~n à V. Vodnik, déjà connu comme poète et auteur de ers ouvrages et recommandé par Zois. Leur correspondance 24G e^'t lue et commentée dans la maison du mécène Slovène où Kopitar est rentré en 1303, d'abord comme responsable de la collection minéralogique du baron et ensuite comme son Secrétaire. De leur côté, les intellectuels Slovènes cherchent également à établir des contacts avec d'autres centres sa-v a n t s. A i n si, à p a r t i r d e 1787, Z o i s r e ç: o i t le s Comptes-•Ce.iTdj.i_s (Abhand 1 ungen) de la Société Savante tchèque qui, Parmi les ouvrages concernant les sciences naturelles ou la m 1 n&r a1ogie, p u b1ie égaleme n t 1'Histoire de la langue tchè---■CiiL de Dobroysky <8) . D'autre part, l'Union agricole de Car ni,-, i e (9) possède dans sa bibliothèque trois ouvrages du •-•avant tchèque (10). Linhart est le premier Slovène à citer Dubrovsky dans son Histoire de la Carniole (11). Mais ces •liens restent encore bien fragiles et l'information réci--P'oque a toujours du mal à circuler. Ainsi, lorsque l'érudit ^chèque commença la publication de son Slavin, il en envoya cp-telques exemplaires à l'éditeur Korn à Laibach, afin qu’il 6>n a->sur§t la distribution. Et c'est là que Kopitar trouva, a •'■a fin de l’année 1006, les cinq premiers cahiers de cette P'-ibl i cation et les porta "en triomphe dans la maison de ce clèbre ami des sciences et des arts" (12). Très vite, t'-'Pitar réussit à faire partager son enthousiasme par tous les amis de la maison, y compris par Vodnik. C'est-à-dire C,Ue c'était en fait Kopitar qui avait attiré l'attention sur Dobrovsky et son oeuvre, mérite que meme Kidrič doit lui !;; o ncéder (13). L e L. a i b a c h e r_Woc henblat t salue l'arrivée de cette publication dans les pays Slovènes. Il est fort Probable, comme le pensait déjà Petrovski, que l'auteur de cet article ne fût autre que Kopitar (14). Ce compte-rendu ferait donc le premier texte de celui-ci publié et le Premier d'une longue série de comptes-rendus, disséminés dans divers journaux autrichiens. Il porte le titre Qom m u nir a t i on a u x_amis. de_la_littérature slave" (15). L’auteur y présente Dobrovsky comme "celui qui a embrassé l’ensemble de la littérautre slave, avec goût et en Profondeur" (16), celui qui a visité lui-même les pays slaves les plus singuliers et entretient des liens épisto-laires avec eux. Son Slavin est un "point d'union pour toute lâ nation slave" (17). La cause de cet enthousiasme est assez facile à Comprendre: le cercle de Zois avait depuis longtemps essayé cle dépasser les étroites; frontières dujdomaine linguistique Slovène, et ce désir de l'éditeur de Slavin d’englober tous les Slaves répond en quelque sorte à l'espoir du jeune Kopitar d'entreprendre une étude globale et satisfait sa curiosité d'esprit. Les; idées“> de Dobrovsky ne sont pas le résültat de quelques conjectures, mais elles s'appuient sur c|es recherches méthodiques et approfondies. Il eût été donnant que Kopitar pût se contenter de lire passivement la correspondance échangée entre Vodnik et 1' abbé tchèque. Le 3(-’ mars 1808, il lui envoya donc une longue lettre. Cette première lettre (18), qui inaugure une cor-'"espondance savante, laquelle se prolongera pendant plus de yingt ans, jusqu'à la mort de Dobrovsky, est intéressante à Plus d'un titre. Elle est très longue (19 pages imprimées in c'■' et ne ressemble guère à une simple demande adressée à un bavant connu. Elle correspond déjà au ton qui paraît être en usage parmi les slavistes: "et les slavistes s'écrivent les Ur>s aux autres, tout de suite sans courbettes mondaines ni cérémonies" (19). Elle présente trois parties bien listine tes : la lettre proprement dite avec son post-scriptum (p. 1 à 8 ) -"i un rapport sur le Slavxn et des remarques critiques cncernant son contenu (p. 8 à 15) 3) un extrait de; la Grammai r e de Kopitar suivi de quel- c*Ues questions (p. 16 à 19). Dans la lettre, Kopitar exprime d'abord la ferveur "lUe lui inspire le grand savant, en qui il "admire, vénère ai.me" (20) le seul slaviste qui peut se mesurer aux "Ultimes comme Adelung et Schlôzer. Son Slavin est une "en-brePrise magnifique" (21). Il essaye d’expliquer son désir rernplacer Vodnik en reprochant à celui-ci sa lenteur et '-'n envie de tout changer dans la grammaire, alors qu'un grammairien est naturellement le rapporteur et non celui cl'-'i invente et crée" (22). Après s”'être demandé s’il existe des classiques slaves comparables aux; classiques grecs et latins, il résume en une phrase son souhait le plus cher et l’ambition de sa vie: 'être pour les Slaves ce que Muratori ■ ut pour les Italiens (23). Il a déjà réussi à glisser entre Les idées l’étymologie du nom de Lessing (Lesnik). La suite de cette lettre n’est plus que 1 ’ ex; pression des recherches interrogations de son auteur. C’est avec la conviction ri J " un homme qui connaît la situation qu’il affirme qu’il serait- nécessaire d’étudier "nos langues de la bouche même tiu peuple" (24). Il répond à Dobrovsky, qui se demandait dans ^e 5-1 a v j ri si le duel était encore une forme vivante: "chez ‘"-•us, le Dualis Verborum n’est pas quelque chose de vieilli, mais tout enfant l’utilise couramment" (25). Il évoque 1rubar et Nestor et donne comme "curiosité" une partie de ^ a1Phabet de Popovič. La question le préoccupe déjà. Dans la partie qui concerne le Slavin, il reprend l-"-'int par point, page par page, les problèmes qui y avaient ^té abordés, depuis la question des origines des Croates, en Passant par la langue de Trubar, l’emploi du perfectif et de imperfectif, jusqu’à la constatation que "les états qui pour base les Slaves ne sont pas des états slaves" (26) . En ce qui concerne la grammaire, Kopitar se con-^f~nte d’indiquer les titres des principaux; chapitres qui la composent et de donner un paradigme des déclinaisons et de conjugaison Slovène. / Jagic considère que c’est dans cette lettre que Il __ p - est dessiné aussitôt et de façon sûre le caractère du Jeune homme: son érudition et sa finesse d’esprit, ses remarquables capacités critiques, mais aussi sa nature pas-étonnée, impétueuse, qui atteignait facilement l’intoléran-CB" (27). Quoi qu’il en soit et malgré les vues parfois opposées en ce qui concerne telle ou telle question, c:e qui ail leurs donne pour nous tout intérêt à. ces lettres, cette correspondance se poursuit jusqu'à la mort du Maître. A son époque, e+_; surtout pour les slavistes Slovènes, elle pallie Partiellement le manque de publications et les difficultés t*e communication: les lettres de Kopitar et les réponses de Jobrovskÿ sont copiées, envoyées à Laibach, étudiées et Commentées. Ainsi, grSice à l’initiative de Kopitar, ■'•'influence du savant tchèque se propage rapidement et en P' '-'fondeur. "Kopitar a rendu un service exceptionnel à la Naissance Slovène quand il avait attiré l’attention, en sur l’oeuvre du plus grand slaviste étranger" (29). ^idsi, se sont tissés des liens solides et profonds entre eiJy: peuples slaves. Ils permirent d’apporter une nouvelle ' ,ie'r pie à l’étude du passé, confirmèrent les "éveil leurs" s*ovènes dans leur désir de réhabiliter la langue nationale '■ i donnèrent un nouvel espoir pour l’avenir. > S ous 1’im pu1 sion d e c e s idées, se f or me n t des Srou.pes et'‘«centres dont le but est l’étude et la promotion Slovène parmi l'intelligentsia et les classes bourgeoises; te] est par exemple le but de 1 ai "Societas slovenica", fondée en 1811 à Graz par Primic. On se réunit entre intel-1 e c t ueis pour lire e t é t udier 1 a Grammatik des slavischen 3£iache et le Slavin. C'est grâce aux efforts des membres de cette société que fut créée la première chaire de Slovène au Lycée de Graz en 1812 (29). Les Slaves d'Autriche commencent V u s e re nd r e c ompt e que p1us ils seron t nombre u x et unis, Meilleure sera leur position face à la population allemande. Ce rapprochement culturel trouverai ses prolongements I'l""-'t au long du ISème siècle, mais ils n’auront probablement Jamais atteint l’intensité qui les caractérise au début du -iècle. Hegnka, Palacky et bien sCir Safarik, s’intéresseront Particulièrement aux Slaves du Sud. Pour les Polonais et les Russes, cet axe central Vienne-Prague, représenté par L’obr C' v s k y et Kopitar, constituera le point de contact entre peuples longtemps si éloignés géographiquement, P ° liti q u e m e n t e t m 'e m e c u 11 u r e 11 e m e n t. Si l’influence de Dobrovsky sur Kopitar et sa?, pe-Lite patrie est certainement importante, on peut en dire Presque autant de l’influence de l’élève sur le maître. Il «git en réalité d’une étroite collaboration scientifique, renforcée par une estime réciproque et une amitié profonde k que l'on pourrait rapprocher de celle qui lie, plus d'un siècle plus tard, N.S. Trubeckoj et R. Jakobson (30). Les deux slavistes travaillent sur les mêmes sujets, se posent les mêmes questions, cherchent ensemble à percer les secrets c u passé des langues slaves. Kopitar essaye, de toutes ses f'-'^ces, à faire connaître l'oeuvre de l'abbé tchèque, non seulement en Slovénie, mais dans toute l'Autriche. Il veut "faire sortir les études slaves des cercles des spécialistes les faire partager à un public cultivé beaucoup plus Isi'ge. Ainsi, il consacre un grand article au Slavin dans le ^Üener Allqemeine Literaturzeitunq de 1814 (31). Mais c’est bans doute dans les Institut iones. une oeuvre de première 1(T'Portance pour le développement de la sla v i s 11 que ~Ur"opéenne, que leur collaboration est la plus étroite et la P J- us f r u c t ue use. On pourrait se demander quelles sont les motivations Cjt les fondements de cette longue amitié savante. Tout ceux 'i’-'i ont un tant soit peu étudié cette époque s'accordent à d i /• ir® que la cause ne réside pas dans le caractère des deux I" - "-■mmes: autant l’abbé bleu est calme et mesuré, autant ''•'-'Pitar est fougueux et saracstique. Mais c'est justement à *-ùu.se de cette opposition qu'ils se complètent mutuellement: k-'-’Pitar encourage et aiguillonne sans cesse son maître, lui Puse de nouvelles questions et soulève de nouveaux défis, CeP©ndant que celui-ci tâche de modérer son enthousiasme, 1 ’ o b 1 i ge> à r e n t r e r ses g r i f f es e t 1 u i. enseigne à se méfier d e ss i n t u i t i o n s t r o p h ai t i v e s » D o b r o v s k y' reste, malgré se sa voyages, un homme qui se; complaît dans le silence de son cabinet, ne cherchant ni gloire ni argent, une sorte de f'imen ignoré des foules; Kopitar, au contraire, bien qu’ai-mant l'étude approfondie, sent le besoin de faire connaître u plus grand nombre les travaux et découvertes de la toute jeune slavistique. Il fait de la publicité partout où il Passe. Mais, malgré la différence d’fige et de caractère, ils °nt tous 1 es deux été élevés dans l’esprit de l’Aufklàrung aiment par-dessus tout l’érudition et la vérité. Leur curiosité va dans tous les sens, elle ne connaît pas de ■•■-mites. Ils écrivent en latin ou en allemand, ce qui leur 5G-ra reproché par la génération suivante, mais au fond et ,r'd 1 g''é les services qu’ils auront rendus à leurs langues dationales, le savoir et la vérité leur paraissent plus importants que la langue dans laquelle ils sont exprimés. Not es : p remières relations entre Kopitar et Dobrov/aky 1 ) Rebe 1 1 en-Spr ache " .7 a g i c : Br ief wechsel . p . 1 07 , Dobro vs K y Ditàr,6/3/isio 5)Kidr iè :Dobrovsk v,p. î 6 i'obrD, 7 ' ^ • Paterna : 5b i r U a '/S,k V , £3/5/ 1 778 +)kidric:op.cit.p.i80 5 } lbid.p.133 6) lfaid.p.iei II,Prag 189b,p.?,Durych ®rË>tâgne Phaser Hacquet ( 1739-181 5 ) naqu i t au Conquet aàns j f ’ Pendant la guerre de 7 ans il servit comme chirurgien Cbir, Q i en v bâch °v aimmées françaises;i1 resta en Autriche et exerça comme Idrija.Il devin t prof esseur d’anatomie agea’*eCrétaire de la Société Agricole de Carruole.Plus tard il , 0^sSeu3r'S 1 es Balkans et dans les t arpathes, de v i nt enfin ‘ à Lvov et à Cracovie.il fut membre de diverses DluPart ^ de l'Europe et écrivit un grand nombre d'ouvrages, la i n Hac ^ei1 âl lemand ou en latin.Cf.SBL et L'article de Lidric"Zois Jet "Ujuh.l jansk- j Zvqr, 1 938 , IV I II . p . 1 O ®)Gp*cli-k*l ^ t - t e de» bojrn i ho Sp r a c: he J.Dobrovsky ,Praq 1791 ^tn.!:Krânjsl a °st 1 ( ] 7-7 d r u ? b a po 1 j ede1 s t vo i n koristne 1‘Linhart: Gesçhj çhte Kr ai ns .lai bac h 1 783 , ty. . A 1 7 - Supra p.I1^ 13) K 1 4 ) n ldric:op.cit.p.83 ei Pobckhü : lleptiue roju c . 36 l5) Nachricht an die Freunde der slavischen Literatur”ibid. 16)" ichi-^aS ^an::e der slavischen Literatur mit Geschmack ei t und umf asst".ibid. 17 ) " . 1 nen Vereiningungspunk t. . .slavischen Nat ion".ibid 18). < g i c ; Br j ef wec h se 1 . p . 1 • 1 R en 24S 2erg ^ \ *no Slavisti si tkoj bres vsih posvejtnih perkionov in eden drugimu p i sh e jo " . Jaq 1 L : Neue B. c . 871 .Pr imir h ^an>13/ii/j810 ' p.l 'bewunder e , verehre 1 /lBoa und 1iebe".Jagic : Brief wechse 1 ■* eine herrliche Unternehmung"ibid. Schor-fC^i *-'er Sr ammat i ker aber ist Referent .nicht Erf inder .nicht 'OPf er " ■ i b i d . p . ? e3)Cf.SUpra p \ 11 studje_ . de^, Volkes Munde mbsste man unsere Dialekte ' er'" ib i d . p . h ür*s,SOn^ ^er bualis Ver bo run: ist nicht e t wa vera 1 tet bei ern iMird von .jeder Kinde allzeit beobachtet " . i b i d . p . 5 56) »n", 57) B ^1 e St aa ten , der en Basis Slaven sind.smd nicht Slavi sche en -ib id. CliQc eka nncLMe cpaay Bepiio oGpMCOBauics xapaKTep Mo.iojorc 1 ^T!! ' Mo b m en Te ' er° nasHTanHoctf. n ocTpoyMHe, oaMeHaTe.ntiuse KpuTiiMecKHe CTpacTHaa. nopuB nemi HeTepniîMoeTïi" Jaq ié. : iefnechsel . c . V [ î 1 H.arypa, aoxo53iu,as 5 Q j • JDc2or1j °Pi tar je napravil preporodu uslugo.ko je 1806 javno n“ delo na jvečjega tujega slavista".Kidrič :Dobr ovsk: p.83 5° iii.-, 1 b i d . p . i, n r;, O f) ) • • K J . a ] - , '°‘J- ne savions pas toujours ce qui appartenait à 1 'un ^vUio re- 'disait récemment R. Jakobson lorç d'une 4"'- i es ion à la 3c>l-f ,hS,p .?7E CHAP.III Premières années à Vienne En octobre 1808, après avoir pratiquement terminé Sa Gjjammatik der slavischen Sprache qui est sous presse chez l’éditeur Korn, Kopitar part pour Vienne afin d’y entrepren-dfe des études de droit, qui doivent lui assurer l'indépendance financière. Il a 28 ans et, après de nombreuses années Passées à l'abri des soucis, il n'a pas d’autre choix. Car &un bienfaiteur Zois devient vieux: sa maladie va en s'ag-9r a v a n t, ses affaires marchent mal, le déclin se fait de Plus en plus apparent. La podagre, qui l'oblige à vivre dans Un ‘fauteuil roulant, l’empêche de prendre en main la direction des hauts-fourneaux et usines; le temps consacré aux études slaves l'est au détriment de ses dossiers de riche Industriel. De plus, les guerres napoléoniennes, avec toute lâ désorganisation qu'elles apportent, et surtout les contributions demandées par les nouveaux gouvernants, finissent P«r porter un coup sérieux à la santé déjà chancelante de ->es entreprises. Néanmoins, Zoïs alloue une petite bourse à Kopitar; 6lle doit lui permettre de subsister modestement dans la 9rande ville où les prix ne cessent d’augmenter. L.e moral du •jeune homme n'est pas toujours soutenu par la vie brillante de i -, capitale. "C’est triste d’être étudiant à 30 ans" Cl), constate-t-i1 avec amertume. Maintes lignes dans sa correspondance reflètent les difficultés auxquelles il est confronté et certains chiffres, dans leur nudité, dignes d’un Comptable, en disent long sur les problèmes journaliers qui Se posent à cet étudiant attardé. Il s'est- trouvé des leçons Particulières, comme il est normal pour un étudiant, mais celles_Ci lui prennent trop de tempsj car, en plus des études Juridiques, il veut consacrer au moins 4 heures par jour à Scl passion slave (21. Il n’hésite pas à appeler ces leçons tlaka" (la corvée). Mais, sans ce travail, la survie devient problématique. "Je ne dîne pas, je ne prends que quel-ciue5 petits pains au petit déjeuner" (3), se plaint-il. Sui-yent les prix du pain, du blanchissage, du raccommodage, de bougie et du bois pour ce "fatal hiver". Mais "ça ira, si bieu le veut. Qu'adviendra-t-il lorsque le pantalon et la ''este seront troués? Depuis que je suis ici, je n'ai acheté ^ ’ un nouveau pantalon et un habit" (4). Le baron prodigue encouragements, se plaint des contributions, bien au-dessus de ses forces, qu’exigent les "petelinci" (coqs gau-■l'-'is.! et conjure Kopitar de ne pas délaisser ses études sla-®s- Mais celui-ci en vient à douter pourtant de l’utilité ,Tlë(Tie> de son séjour à Vienne et exprime sa nostalgie du mi-' intellectuel où il avait vécu. "Surtout, je vis ici ^'-'ssi solitaire qu’à Laibach et, de plus, la Bibliothèque *mPériale est un bien faible ersatz de celle de Votre Hon- 25 2 neur dans mon domaine," (la slavistique) (5). Il faut dire que le visage qu'offre la capitale des Habsbourg au jeune provincial ne ressemble pas tout à fait à ce1ui que l'on a trop l'habitude de lui donner. Le milieu ci’-t' il fréquente et l'époque elle-même ont peu de traits com-muns avec l'image célèbre et par trop stéréotypée de la vienne du Congrès. Après des décennies de calme dont la vil-bénéficie sous le règne de Marie-Thérèse (qui n'a pour -t-ant cessé de guerroyer) et de son fils Joseph II, elle est .V <:î Présent le théâtre des bouleversements rapides et des changements brusques entraînés par les guerres avec Napoléon P'-U troublent la capitale autrichienne et changent la face de^i ’ Europe. La ville est occupée deux fois par les armées impériales françaises et, au printemps 1803, Napoléon s’ins- ialljr. ^ Schonbr'Çnn. L'empereur François II, il y a peu de ^emps encore à la tète du Saint Empire, doit se contenter être désormais François I-eP; empereur d'Autriche; cette ‘■'friche qui vient de perdre, entre autres, une partie de la &aliC;ie avec la création du Grand Duché de Varsovie et sur- ^''i> l'accès à l'Adriatique avec la constitution des Pro- vi'|tes Illyriennes. Les échos de tous ces bouleversements se t r r v e n t dans la correspondance de Kopitar de cette 1 P'-'que. il rend compte de la fortune des troupes, des br ê Pci rat: i f s de défense et enfin des bruits qui courent sur le Prochain mariage de Marie-Louise avec le Corse et constate qu'.ici tout est sens dessus-dessous (b) . Si le pauvre étudiant n’est pas tout à fait seul dans la grande capitale des Habsbourg, c’est d’une part grâ-t::e aux lettres de recommandation que son bienfaiteur lui avait données pour ses amis et connaissances et qui lui permettent d’entrer en contact sinon avec l’aristocratie, du moins avec des hommes savants qu'intéressent la minéralogie, *a botanique, les livres des protestants, les langues, ®tc..„ et, d’autre part avec les étudiants originaires des diverses provinces autrichiennes, y compris de Carmole. Vienne est une ville cosmopolite où se rencontrent toutes les races et populations bigarrées que contient le vaste empire. De par sa situation géographique et politique, cette ville est en quelque sorte une miniature de cet agré-Qat qe nations d’origines historiques et linguistiques fort diverses. "Il n'y a .jamais eu de métèques à Vienne - les étrangers qui s’y installaient étaient immédiatement assimi-^£"» affirme non sans raison M. Brion (7). Cette diversité rencontre même au sommet du corps social, c’est-à-dire cl,e2 l’aristocratie où les Kolowrat voisinent avec les Sch-arzenberg, les Nostiz avec les Lichtenstein, les Esterhazy avec les Lobkowicz. Et que dire du petit peuple, composé réléments les plus disparates qu'unit le même goût pour le c-afti e.fc le croissant, souvenirs 8 combien doux de la grande Peur devant les Turcs. Il n’y a pas de doute, en cette pé- ''iode d'avant le Congrès, le problème national , s’il existe ^jà à l'état latent, est encore loin de s'exprimer au grand jour. Vienne est la plus orientale des capitales européennes, c'est Ja tête de pont de la culture allemande aux Cc,r»fins de l'Europe orientale, penchée vers les Balkans. Si un ^aborde par l'est, c’est le premier bastion de la cul tu-e °cci.dentale. Met ter ni ch, qui considérait la Hongrie comme Un pays asiatique, disait que "l'Asie commence dans la tandstrasse". Comme le dit encore M. Brion avec une ombre de Romantisme: "D'être ainsi une plaque tournante, largement ~'ensi.ble aux mouvements venus du nord et du sud, de l’est et C*e l’ouest, Vienne est devenue un creuset où les races les Plus diverses se rencontrent et s'associent. Elles auraient P1-1 Rester distinctes, isolées, mais l'esprit- du paysage viennois, 1^ douceur et la finesse de l’air, l’agrément du c 1 imat et peut-être aussi la magie secrète propre à cette V;llle, ont réalisé merveilleusement cette fusion" (8). Kopi-habite justement la Landstrasse où il a l'occasion de e,|f-ontrer des marchands serbes, des négociants en chevaux 1'9ris, des Bulgares et des Grecs fuyant le joug turc, des "lr istcicrates démunis de Ragu se, des Moldaves, des Croates, Monténégrins. Il suffit de faire quelques pas à Vienne r-"-'R en retirer des dictionnaires vivants de toutes les lan-de l’Europe de l’Est et du Sud, tout ce que l’on ignore 25d ®t que l'on n'a pas trouvé dans les livres (9), Les étudiants sont nombreux à Vienne, car la capi-taie possède langues est des dialectes les plus é-tranges et les moins connus, se réunissent, rivent d’avenir, ~e disant la nostalgie de leurs campagnes, chantant les chants de leurs aïeux. Quel bonheur pour un linguiste en herbe de pouvoir parler avec tant de gens différents, de Pouvoir interroger un .jeune homme de Cetinje ou de Varad zin »ur l'emploi et le sens précis de telle ou telle forme cu-r!euse, de confronter le savoir théorique puisé dans les vteuv livres avec la riche réalité des sons et des expressions! L'expérience sera d'autant plus enrichissante que, he,-t à peu, Kopitar nouera des contacts non seulement avec, les représentants de toutes ces nationalités, mais aussi âv®c tous les milieux, en particulier avec les milieux in-tellectuels. Car, para11è1ement aux événements politiques et historiques, Vienne est également le théâtre d'une vie in-^eHectuelle intense.. Depuis le 18ème siècle, et surtout à ■‘Approche du fameux Congrès qui en fera la capitale politi-clue qe, l * Europe, Vienne est aussi une des grandes capitales (Je 1 ' esprit. Kopitar, ce fils de paysan, ce provincial, n'a certes aucune possibilité à son arrivée de se comparer à Aristocratie viennoise, mais il peut, grâce à son savoir, fet Surtout grâce à sa curiosité naturelle, entrer en contact avec la société intellectuelle. Et c’est justement ce milieu, représenté par une certaine avant-garde littéraire européenne, qui exercera sur l’essor de la slavistique en général et sur l’activité de Kopitar en particulier une influence importante, parfois sujette à controverse. Eveillée par les idées des Lumières et poussée par 1® romantisme naissant qui la remplit- d’un enthousiasme juvénile, opposée d’autre part à. la longue domination du clas-Eic.isme français, la fine fleur de 1 ’ inte 1 1 igentSia trouve c*ans la capitale des Habsbourg un climat favorable à son épanouissement. On s’y rencontre, on y discute, on échange des idées. Au salon conservateur d’une Caroline Fichier qui dans l’Autriche la garantie de la sauvegarde de la ci-'ilisa.tion, fait pendant le salon de Dorothée Schlegel, beaucoup plus ouvert aux idées nouvelles. Il est fréquenté ^itre autres par Théodor Korner, von Gent s, Betina et Cle-tT'ens Brentano, le baron de la Motte Fouqué. Politiquement "‘'"-'vent adeptes des idées de Burke, donc hostiles à la Révo-*u'-ion française dont l’aspect régicide est généralement mal perçu en Autriche, ces intellectuels ne représen- fent pas moins 1’avant-garde littéraire de l’époque. Pour un F" riedrieh Schlegel, l’Autriche et surtout sa capitale ap-P^aissent comme le Mittelpunkt Europas (le coeur de 1 E'-trope). "De là, espérait-il, sortira l’unification des ^fats européens" (10). Ce centre intellectuel draine vers ui des hommes qui proviennent des horizons fort divers cp-i’unit pourtant 1'idées d’un renouveau dans tous les domaines de la vie spirituelle. La. physique ou les sciences Naturelles, la poésie anglaise ou les langues orientales, la yrammaire ou la poésie populaire justement mise au goût du Jour, tout trouve un intérêt immense aux yeux d’un Wilhelm Humboldt, d’un Ossolinski, d’un von Gentz, d’un Hormayer. L'aspect tout nouveau et quelque peu exotique du monde slave c!u’ i. 1 s peuvent côtoyer dans les caf és et au Prater ne manque Pas de ies attirer. Wilhelm Humboldt s'intéresse de très Pi'ès aux langues slaves. Clemens von Brentano connaît au 'Tiuins assez bien une nation slave, les Tchèques, puisqu’il t de longs séjours en Bohème entre 1810 et 1814. Il leur même consacré une de ses oeuvres, le drame romantique Die ^dLléjjçtuncj Pracjs. Outre les grands voyageurs et cosmopolites comme F'ur exemple N.I. et A.I. Tourgueniev ou le baron W. von la>thausen qui y font des séjours fréquents, Vienne est Salement le lieu de séjour choisi par beaucoup 1 intellectuels slaves. Les Polonais sont représentés par colonie très importante, dont le comte Ossolinski, grand ’^Qriat et propriétaire d’une magnifique bibliothèque. Les "Lchèques, y sont fort nombreux, parmi eux Durych et Zlobicky, "’^efesseurs de littérature tchèque à l’université de g j __ enne. Dobrovsky lui-même y fait quelques séjours. Les Slaves du Sud y affluent. Pour eux, Vienne est la grande v11 e qui les rattache à l'Occident., Un peu plus tard, les Premiers slavistes russes ne vont pas manquer de rendre yisite à la capitale des Habsbourg. V.A. Francev résume en une phrase l'importance intellectuelle de cette ville pour lf-s Slaves, en disant que Vienne était le centre où l'on Pouvait à tout moment rencontrer des représentants de différentes nationalités slaves. Deux témoins français décrivent, chacun à sa manié -r® et partant de points de vue très différents, la vie intellectuelle viennoise de cette époque. Ce sont, d'une part Madame de Staël et, d'autre part Marcel de Serres. La première, adversaire farouche de Napoléon, y trouve un accueil er‘thousiaste. Elle s'attache surtout à donner au lecteur une image subtile du climat littéraire, à souligner le rôle prépondérant et 1'influence novatrice de ses amis, les frères JChlegel. Pourtant, Vienne n'éveille pas chez cette grande Aristocrate la même admiration que chez d'autres et son es-critique reste en éveil. "L'on peut se plaire dans la Sl-‘Ciété de Vienne par la sûreté, l'élégance et la noblesse Cles manières que les femmes y font régner, mais il y manque ‘■I b 1 q u e c h o s e à f a i r e, u n b u t, u n i n t é r ë' t ’ ' < 11 ) . Eli e t rouv e cl'-l’en général ce pays est si calme, que "1 ' aisance y est si ranqui1lement assurée ë toutes les classes des citoyens, '■1 u 'on n e pense pas b e a u c o u p a u x .j o u i s s a n c e s intellectuelles" Ce pays a un gouvernement "paternel, sage et reli-9ieux". Elle voit dans l'Autriche "une maison calme, patriarcale, où régnent l'ordre et la douceur". Et de conclure d'une phrase qui ne sonne guère comme un compliment è l'é-9srd du milieu qu'elle fréquente: "La monotonie dans le Qrand monde fatigue l'esprit" <13). Cette douceur, ce calme, cette absence de conflit ont fait appeler Vienne "la CapouS de l'esprit". Il se pourrait bien que cette paix ne fût qu'-“Pparente. En tout cas, en ce qui concerne les Slaves qui y vivent, y étudient et s'y rassemblent, rien n'est plus contraire à la situation véritable que cette léthargie intellectuelle. Tout à l'opposé, une activité fiévreuse et profonde s'y déroule et ce n'est pas le Congrès, avec ses mar-ct'ândages de salons, qui l’arrêtera. Mais Madame de Staël n a Pas eu l'occasion de s'intéresser aux Slaves d'Autriche. Bien différente est l'étude de Marcel de Serres, remPlie de chiffres, de statistiques, de descriptions dé- aillées et précises, ce qui est, somme toute normal pour le r'« t ura liste qu'il était. Son Voyage dans. l'Empire d'Autri- ^~£l.ndant les années 1909-10 (14), écrit sur ordre du gou- ;&lnement français et destiné à donner un tableau complet de la monarchie autrichienne, présente sans doute un grand ir'tértt pour l'historien, parti cul i èrement pour celui qui intéresse aux Slaves. L’auteur brosse un tableau fort 26C c‘-'mPlet de l'immense Empire, de l'ensemble comme des régions clUl le composent. La diversité de cet état en patchwork “Pparaît sous l'aspect froid des chiffres. Aux statistiques --ur ie,B diverses religions pratiquées, aux descriptions des c,-'St urnes des femmes et des habitudes culinaires des divers peuples, se mêlent les impressions toutes personnelles que SlJscite, aux yeux d’un Français habitué à une certaine unité, cette diversité incroyable. Ainsi, nous apprenons que Vienne compte 224 092 habitants, quelles sont sa latitude et ~’a longitude. Et Marcel de Serres conclut: "sa situation est ^licieuse" (15). Pour lui, la société de Vienne a toute T intimité de celle des petites villes et quelquefois ®:9rément des réunions des capitales. "La ville de Vienne r ^unit une foule de seigneurs, de riches particuliers, de n Qociants aisés et une population heureuse, qui toute se c,-'nnaît et se rencontre souvent dans la rue" (16). L’aspect "''-'tique et oriental de certains habitants n’échappe Pourtant pas au fin observateur français. "C’est; un effet a~ï'eï singulier de voir, au milieu d’une capitale de J f p CJrope, un grand nombre de Turcs, d’Arabes, de Grecs, de e'sans" (17). Parmi cette foule bigarrée, les Slaves ne se ■'•“tinguent probablement pas d’une manière aussi nette, mais ce]- de Serres connaît fort bien leur importance Umérique: "Nous avons déterminé le rapport qui existe entre It?' Esc 1 avons, les Hongrois et les Allemands et nous avons '-'bservé que les premiers étaient les plus nombreux" (13.>. L* auteur consacre un très grand nombre de pages à la description des différents peuples slaves d’Autriche et donne des indications extrêmement détaillées pour tout ce t-M-U concerne leurs langues et leurs cultures. C’est sans doute la première fois que le lecteur français pouvait se 1endre compte de la diversité qui régnait en Europe Centrale et entendait parler d’un Durych ou d’un Dobrovskÿ <191. Rien d étonnant; à cela, puisque le principal informateur de bo.rcel de Serres en ce qui concerne les Slaves n’est- autre c*Ue Kopitar en personne. Il fut contacté par l’envoyé ar>çais qui le connut par1 ’ intermédiaire du bibliothécaire (|Jti i , -I- université de Vienne. Les deux hommes se sont re,icontrés souvent et nous connaissons le contenu de leurs dise ussions, car Kopitar e n donne un résumé dans ses •^ettr- es, notamment celle du 26 octobre 1809, adressée à y _ d ' s <201. L’enthousiasme et le désir de faire connaître les g •- Aa-ves en Occident sont déjà les traits marquants du .jeune slaviste. C’est donc à Vienne, ce centre où se rencontrent et H mêlent les idées les plus conservatrices à 1’avant-garde *ittéraire, où se rejoignent l’Occident et l’Orient, où se c°tuient ies Slaves et les Germains, liés, comme tout au -in9 de l’histoire, par la nécessité d’une cohabitation sou-£l,t bénéfique et séparés en même temps par des rivalités Perpétuelles, que Kopitar cherche à trouver une place. Pourtant, une certaine hésitation est perceptible dans ses idées quant au choix de sa résidence et de sa car - 'rière à la fois, ceci entre son arrivée à Vienne et sa nomination à la Hofbibliothek. Ces indécisions sont aisément c°mPré hensib1 es, si 1' o n tien t c o mpte d es bouleversements Politiques et des incertitudes qui caractérisent ces années-et si l'on considère l'écart qui existe entre les aspirations du jeune Slovène et .les études qu'il avait entreprises. Pourquoi a-t-il choisi le droit? Il est clair que ce n'était nullement par vocation. Il le dit très clairement dans son A u t ogr a nhie : "Si en 1800 les parents de kopitar avaient été encore en vie et, surtout sans wi9* Zoîs, il serait probablement passé à la théologie et ~>erait maintenant, dans le meilleur des cas, évêque et, dans *e Pire, au moins un bon prêtre" (21). Ceci correspondait à •*a carrière normale d'un fils de paysan qui, de plus, comme c <-'ta.it le cas de Kopitar, voyait dans le curé du village le P°rteury non seulement de la foi, mais aussi de la culture slave dans ces régions. Mais au début du ISème siècle, le C,r°it remplace de plus en plus souvent les études •Cclésiastiques, devient en quelque sorte la variante laïque ...i u Parcours qui doit permettre l'ascension sociale. Il n'est t'Ue 'Je penser à la célèbre et touchante lettre que Preserpn é cru- el ses parents quelques années plus tard pour leur 2o3 annoncer qu'il avait choisi le droit à la place de la théologie qui leur eût tant plu. Et ce n'est pas la seule fois que l'on peut remarquer un parallèlisme entre les destins de ces deux hommes que l'on n'a cessé, depuis deux siècles, de présenter comme des ennemis absolus. Sans doute, droit permettait-i 1 une liberté individuelle infiniment Plus grande. Ceci explique en grande partie l'augmentation effectifs des étudiants en droit dans les universités autri chiennes (les effectifs quintuplèrent entre 1810 et t^48.) (221. Mais, dès le début, le droit n'est considéré par k-'-'Pitar que comme un pis-aller, qu'un vulgaire gagne-pain, ('• £ y. sa vocation est ailleurs: "Supposons que .j'étudie 2 à 3 ans le droit, que je trouve tout de suite un emploi (- l-'Sin.), ce gagne-pain ne prendra-t-il pas tout mon temps,' Pourrai-je faire encore quelque chose pour la slavi-"I’ ^ ' " ' ° i 1 y a ta n t à f a i r e e t p o ur la q u e lie j ' a i p lus d e rf-paration et peut-être plus de disposition que maint sa-Vant allemand?"(23). Malgré le contenu très éclectique des lettres de ..-•G époque, qui témoignent d'une étendue des connaissances ^ des intérêts très divers concernant tous les domaines de science et qui vont de la botanique à la météorologie, en Passant par la minéralogie et la zoologie, la dévorante pas-Si'"‘n Pour les langues, le passé et le présent slaves ne ■P' i 11 e n t plus Kopitar. Il n'a peut-être pas de "projet Z D -l existentiel" bien défini, mais la slavistique est chez lui comme une marque du destin. Ainsi, il commence à penser de plus en plus sérieusement à un travail plus compatible avec sa passion que ne 1 est le droit. Chez Zois, il était déjà bibliothécaire, Pourquoi n'essaierait-i1 pas de trouver une place semblable “ tienne où, en plus de la prestigieuse Hofbibliothek, des bibliothèques publiques et privées prolifèrent. Pour quelqu'un qui s'intéresse aux Slaves, celle du riche comte 0-Wolinski paraît tout indiquée. Ce magnat polonais possède de véritables trésors et un grand nombre d'auteurs grecs et Ac'ins. Linde y avait travaillé pendant près de dix «ns. Kopitar fait plusieurs visites au comte ainsi qu'aux Personnalités haut placées susceptibles d'intervenir en sa f - <"v®uY {24?. Cette idée de bibliothèque ne le quitte plus et ^ eri fait mime part à Marcel de Serres qui lui avait ero«*ndé de qui il dépendait. Réponse: "d'un bienfaiteur" et, était prêt à voyager: "le désir de ma vie serait ou *tre attaché à une bibliothèque ou à une académie" (25?. n>hésiterait pas à aller en Russie (26?. Cependant, il apprend que son compatriote Schober, °c cupait une place de custos à la Bibliothèque Impériale ' Vt-nait de mourir et espère pouvoir occuper la place de-e,r'Ue vacante. Les problèmes liés à la guerre compliquent la •‘■tuation. "Si on était en temps de paix, je serais déjà à 2c5 £a '-celle de Schober) place et j'aurais enfin commencé une Carrière" (27). Il songe même à retourner à Ljubljana (28) '-"J le bibliothécaire du Lycée avait démissionné de sa place e n si. g n e d e p r ■ o t esta t i o n c o n t re 1' o ccupation f ranç a i s e. A u cas ciù il n'aurait pas de succès à Vienne "où il a un concurrent", il serait disposé à s'installer à Trieste (29). t A la mort de Zlobicky (le 25 mars 19.10), on propose ^ Place du professeur de tchèque d'abord à Dobrovskÿ, qui la refuse, car il se sent trop 'âgé et préfère rester à Pra-U'-te où la vie est moins chère. Le slaviste tchèque propose '•°pitar pour ce poste, mais celui-ci refuse, ne s'estimant fDcl- compétent. En même temps, i.1 obtient enfin la place de custos à la Hofbibliothek (30). Son rêve est enfin réalisé il peut abandonner ses études de droit et se consacrer er,tièrement à la slavistique. Si donc ces premières années de Kopitar à Vienne marquées par des incertitudes quant à la manière de ~a9ner sa vie et au lieu de résidence, jamais, au contraire, e m°indre doute ne l’effleure quant à sa véritable voca-t i - °n* Le rôle de son mécène et mentor à la fois reste d'une e''tr^me importance. L'attachement profond et une Connaissance infinie sont perceptibles dans chaque page, à C” iaciue ligne que le jeune Slovène envoie à son père sPirituel. Il suffit pour s'en convaincre de voir quelques e "Pressions par lesquelles il termine ses lettres: "avec ma reconnaissance filiale", "votre Kopitar reconnaissant", «vec le respect filial - éternellement reconnaissant, kopitarI1 l'appelle "Velki Dca" (31), expression difficilement traduisible, tant ce *' Velki" contient de Ü; andeur d ' âme et Dca “d'amour fi1ial. Zoîs n'a cessé, de son côté, de 1'encourager, d'intervenir en sa faveur, de le pousser sur la voie des études slaves. Il lui déconseille de quitter Vienne. "Puisque le destin vous a désigné comme un slaviste classique, vous de-V(5:- l'ttre à Vienne, à cet endroit central. Qui peut vous le disputer? Dury ch et Al ter ne sont plus et leurs disciples, ^u i s o n t - i 1 s ? D o b r o v s k y 1 u i - m t m e s e plaint de devenir vieux" (32). Line fois entré à la Bibliothèque Impériale, Kopitar r‘ aura pas d'autre métier et ne quittera plus Vienne que Pour de courts séjours à l'étranger, toujours liés soit à b'-'n métier de bibliothécaire, soit à ses activités de sla-viste. A partir de cette époque, sa biographie passe en Ç'-islque sorte au second plan, elle est submergée par l'acti-'itg en faveur des Slaves. De la même manière, sa petite |j«trie, r,il se fût sans doute vite senti à l'étroit, est ' 6lT,placée par cette grande capitale, ouverte à tous les cou-r 51 n t s j. n tell e c t u e 1 s de 1 ' E u r o p e. Not es: Premiëres années à Vienne Študent ^âhren! * Tr*ur ig ist Študent zu ^ id>'ic :ZoisI I,p.143,13/3/1810 5) Ibid.p.es,10/9/1808 3)"Ich s e y t ^ rn i t soupire nicht,fruhstuete nur ein Paar Semme1n".ibid Pcter ^J ^e,bo ze, de Boq da.Kaj pa bo.Fo se 1.1 ace, suk n je ^el:auf e h° ! Se* ich da bin,hab’ ich nur ein Paar Hosen und 1 Frack *ibid.p.i07,18/10/i809 ^bitn- ^berhaupt lebe i c: h hier so einsam,wie in Laibach,dazu die *~t" ibl0thek e 1 n echwacher Er zatz fur die von E.G.in me i nem Sache ltj-P. 1E9,P3/i /1809 6>lbid.p.177,18/3/1809 7 > jvj _ t et°rcel Br ion: La vie gug_t i.d it-nne à Vienne à 1’ Epoque, de âe 5 c h ut :er t APar i s 1 9ao , p . 11 8>ibid.p. ) ! 9>^§.P.151 .380 7)h euPf, JO)» Sl,°5ischen Von hier, hofte er,werde die Vereiniqung der ausgehen" ,1- ,Peter;Friedrich Sçh legel uttgâr""en Staaten rt i978,p.in de Staël: De 1 1 A1 1 emaqne Par i s , P 1 ammar i on ]9A8,p.91 13 ' i b i d . p % 77 l3)ibid.p.86 I4« >M In. °r ce 1 de Serres i Voya_ge dans l_'..Emp i re ç)_' Au triche pendant èDgéee l783 1809-1810. Par i s 1814.P.M.Toussaint Fr^Scîu ' er) '^~1863)était originaire de Montpellier.il y était juge ?s 7 i i UJVri ennes . I L ^j°viriCe^ l®d9 on lui confia 1 'organisation des tribunaux dans les iâ w,5o , =. •• . 11_ y resta 8 ans, demeur ant surtout à $^.nufaci;r'n bitre officiel fut "Inspecteur des Arts et Co^es".Outre ses ouvrages sur 1’Autriche 6m 0f. *"làtten Kopi tars oltern Ende 1800 noch ge'iebt uberr,-_.ne ^KQ-Zois.so wàre Kopitar wahrscheinlich und vor -rtre ° * y • <_o î s , so ware Kopitar wahrscheinlich sur Théologie ?C,11 i(nmstn Und 1 n bestem f73!163 jetzt vielleicht. ein Bischof und in * 0.1 jb 6,1 wenJgstens ein woh lbeprufendeter Pfarrer" . Kidric:ZpJs 51 )KS -2*P . 150 1990 'P-561 anqer îHistoire de LLemP i_re des Habsbour q Par i s F,'"’qeset-?esetzt ' lch stud i er e Brotc^ ich ■ in 8 bis 3 Jahren das Jus ^ 0terwe!'^ f 'ch betomme dann gleich Ar be i t ( =Bro t > , w i r d dieser ^Was f- '_nicht aile meine Zeit fur sich fordsrn?K.ann ich noch g®lbst. i tàt thun,wof ür ich mehr Vorber ei tunq und vielleicht. Vor an 1 âge, a 1 s mancher deutsche '=*be. "K i d r i £ ; Zo i s . ï , p . 180, 16/ 18/ 1608 ^ ) , lbld-P.139,89/1/18C9 a K t 55 ) 11 r\. j 'aohg. iit-1 Wunsch meines Lebenç eey.ou d ' être ' ' ‘ " 1 b i d . p . i i i , ?a / ] f i j a, .9 56)'bld. n.jr 57>>.|. _ ©in(tjai. ''3 C; F>"iede,so sasse ich woh 1 schon au T sein«?r Btelle um 1 cl i ç carrière an:uf angei. i h i d . I 1 p.66,9•R/1 PO? 58) 8o ' b 1 b.p. 136,3/]/i809 ) i b i q . 3° ) Ï1 P • 1 30,no t e 16 3l )K '-"'PûHCKHfl: Heuf-iie rozin c . 6 1 odr 1Z.O i s I I p k&Sl.. 35 ) "i_i,, àLlt ir"dit a bas Schiclsal Sie L ! So einem K lassischen Slavi sten n'ussen Sie es in Wi en, oder aus diesem Zentral PunKte und Al ter ;.u v mehr,und îhre Z6glinge,wer 5 i nd s i e’Dobrowsky klagt Si,, ’^rÜ6n ssit n'cht ’we’1 kann Ihnen es streitig machen’Dur i ch übermehr,unb îhre Zogl inge.wer 5 i nd sie7"-1-- b^s Zua11werden".ib 1 d.p.135,2ois â Kop 25£ 5ème PARTIE LE PLAN KOPITAR Dans les années 1810-11, la situation personnelle de k'-'pitar se stabilise. Il a réussi à atteindre le but qu'il s ^tait fixé ; semblable d'abord à un rêve et qui peu à peu e-t devenu réalité: il entre à la Hofbibliothek en tant que 4ême scriptor", ce qui lui assure d'une part un revenu si-c'n élevé, du moins régulier et, fait plus important encore, •'■‘-'i donne libre accès à tous les livres et manuscrits con-Servés par cette vénérable institution; il devient la même année (31 mai 1810) censeur pour les livres en langues sla-'’e- et en grec moderne <1). Ainsi il peut enfin se sentir indépendant, être à cavalo (2) comme il le dit lui-même. |û|Vec sa Grammatik. il avait déjà apporté une contribution importante aux études linguistiques slaves, i.1 y avait mon- y. 4 e son savoir et son savoir-faire. De surcroît, il était c|svenu ami du plus grand slaviste de son temps. A 30 ans, iibéré des soucis matériels, commençant une carrière qui pr'-'met d'ftre ascendante, en pleine possession de ses moyens i^ellectuels, rempli d'un enthousiasme débordant, il peut consacrer pendant ses loisirs et même pendant ses heures ^ travail, è son unique passion: la res slavica. Il est étonnant de voir à quel point le jeune Kopi-tar s'identifie aux études slaves. Il écrit ainsi à Do-brovsky que cette nomination l'aiderait, lui et le "slavo-nisme" C3) . En attendant le résultat définitif de ses ef -^ürts pour la place convoitée, il écrit à Erberg: "O K! j’ai des perspectives magnifiques pour mes Slaves, ainsi que pour me* Grecs dès que je serai établi à Vienne" <4>. Ecrivant à Dobrovsky, il 1 ’ avertit que depuis sa première lettre "des changements s'étaient faits qui ont leur fondement dans mon am°ur pour les belles langues slaves" (5). Si nous savons si Peu de choses sur la vie de Kopitar pendant ces 34 ans qui lui restent à vivre, c'est que cette vie ne semble pas exis-^er en dehors de la slavistique. Or, que veut-il au juste? Quel est le but final de cet enthousiasme sans bornes? A-t-il des projets précis, des Pians préparés? Nous avons vu que l'Introduction de sa Grammatik ^‘-".irmi lie d'idées plus ou moins nouvelles, qu'elle contient Lj°s affirmations d'une grande sûreté et reprend des idées e/'Primées par ses prédécesseurs, tels Schlozer et Popovič. ar,s la première lettre à Dobrovsky nous voyons apparaître "’n homme qui se pose des questions, certes, mais qui fait Preuve aussi d'une large érudition et d'un sens de synthèse re^arquable. De plus, il a déjà commencé à écrire des arti-Cles dans les journaux dont le plus remarquable est sans doute un long article intitulé Fantaisies patriotiques d1 un §-IüYiL ('6> , publié dans les Vaterlandische Blàtter fur den Ci?^e^rei chischen Kaiserstadt. Petrovski considère cet arti-c^e comme un "monument historique et littéraire d'une valeur Primordiale" (7). Hafner pense que le titre avait peut-être été influencé par l'ouvrage de Justus Moser "Patriotische ^ÜlQtasien" qui avait servi comme point de départ à l'histo-''iographie moderne de l'Autriche C8). Ce texte surprend Do-brovskÿ qui s'écrie "Eh bien! cher ami. Cela m'étonne que l’on puisse s'abandonner à de telles rêveries à Vienne; ce-Per>dant votre ardeur est digne de louange. Je vous en em-l)rasse" (9). Mais le maître de Prague se montre également Critique, ce qui ne peut surprendre lorsque l'on pense au c°ntenu de l'article. Car c'est déjà tout un programme, ex-Posé en 14 points et qui d'une part apporte un certain nom-'3re de renseignements au public qui ignore tout de la cultu-re slave; d'autre part, l'auteur n'hésite pas à demander aux Qouvernants de tenir compte de ce fait slave dans les pro-jsts généraux. Imaginons donc un lecteur de classe moyenne, n'«is cultivé, qu'il soit Allemand ou Slave d'Autriche et qui comprenne1'allemand, ce qui est naturel. Il découvre que les 3ves sont très nombreux et que leur nombre pourrait qua-druPler dans un proche avenir. On lui cite les différentes ranches de "la langue slave" dont on vante les beautés, â ors qu'il était tout à fait courant de ne pas faire grand cas de ces langues dans le meilleur des cas et de les trai-ter avec mépris dans le pire des cas. Il découvre le vieux felave, les deux frères Cyrille et Méthode et leur alphabet clon't la perfection est unique en Europe, car à chaque signe correspond un son. On lui parle de l'alphabet glagolitique des diverses littératures qui, il est vrai, "sont proportionnelles à l'insignifiance politique" des Slaves. Et pour conclure, l'auteur expose ses réflexions sur le futur de la langue slave et exprime ses souhaits de voir inaugurer à tienne, cette ville qui semble si allemande, une chaire de Ünguae slavicae antiquissimae communis et ecclesiasticae c,ui doit précéder une Académie slave centrale. Ceci à une époque ou l'Autriche ne possède pas encore d'Académie.1 D'après Legis-G.l uckselitj cet article avait produit une grande sensation auprès du public allemand et surtout P^^mi ies slaves de la Monarchie (10). Il est extrêmement intéressant de suivre la propaga- tion de cet article. Après la critique de Dobrovsky, Kopitar «nsforme quelque peu l’article en tenant compte des remar- P'-ies du maître tchèque et le publie de nouveau dans Wiener ^-£5.emeinp Literaturzeitunq sous le titre: "Coup d'oeil sur ^Ldialert-.Ps slaves, leur littérature et les moyens pour —è t ud ipr" (11). Cet article paraît ensuite sans nom de 1 a‘-iteur ni du traducteur (d’après Petrovski, il s'agirait tr A E probablement de Jungmann)dans le journal tchèque dirigé Par J.N. Hromadko (1783-1850), professeur de tchèque à l’Université de Vienne Cysarské kralowské Wjdenske Nowiny (12). *1 est sûr que J. Kollar, qui pairie souvent de Kopitar, con-nait ce; texte (13). Le meme texte paraît traduit en serbe dans Novine Srbske. Il est fort probable en tout cas que cet article exerça une certaine influence d’une part sur Kollar, '-t'-'i pouvait y trouver une amorce pour sa "réciprocité" et d’autre part sur Safafik pour son ouvrage monumental: L ’ h i s -^Ljjjje de la langue et littérature slaves d’après tous les —=UlbLectes (14). Déjà Dobrovsky pense que, élargi et enri-c^'iy cet article pourrait servir d’ Introduction à la littérature slave (15). "Kopitar avait le droit d’appeler 4 Safafik son élève" (16). Les " frantarerfes" représentent en tout cas le premier es?-:>ai d’une vue d’ensemble actualisée, qui ne néglige pour-l'ant pas jes perspectives futures. Il faut noter que Kopitar âr1e des littératures slaves, essayant de distinguer de J; Çaon très partielle, certes, mais à l'instar des opinions l'époque, I*3?: littératures des différents peuples. Do- '-■vsky s’étonne d’ailleurs des lacunes: "Comment avez-vous ^lj c"-'bl ier le Dictionnaire de l’Académie russe?" (17). La différence d’appréciation quant à la Russie appa-''«it déjà dans cette critique. Kopitar suit le conseil du ,,iaitre et retire de la seconde version la phrase qui parle (j çq 11 / ° mains dépravées des Russes" car Dobrovsky craint que zèle" de Kopitar ne l’entraîne trop loin (.'181. "Personne ne sous-estime vos intentions moins que moi. Cependant, .je dois vous conseiller de ne pas exciter les Allemands dans la mesure où ils ont eux-mêmes tant à faire pour s’occuper de leur Palladium" (19). L’opposition Vienne-Prague apparaît déjà dans ces pages de correspondance qui contiennent plutôt des conseils bienveillants d’un père à un fils qu’une réelle Critique. Dès les premières années viennoises, il est donc Possible d’analyser les idées de Kopitar, surtout en se ba-Sant sur l’Introduction à la Gr ammat i k . sur les F amtS»jts^es^ s°Us les deux formes et, depuis la publication de sa correspondance par Jagiif’, sur les premières lettres échangées avec Hobrovskÿ. Ces trois séries de textes comportent des varian-^es surtout parce qu’ils s'adressent à un public diffé-rent. n’était évidemment pas question de comparer la lan-®Ue slave "à une étrangère" (20) dans un texte publié dans I \ p\ / journal de Vienne, alors que dans la lettre à Dobrovsky, C£?la devient possible. Il est aisé de remarquer qu’un bon nombre d’idées se Coupent dans ces textes, qu’il s’en dégage une certaine doctrine assez cohérente, à condition de ne pas oublier l’é-x d’esprit de l’époque et de ne pas les voir à la lumière C*es faits et des idées qui ont cours plus tard. Tout porte à Ct'°ire qu’un plan d’action existe déjà, de façon plus ou moins nette, dans l’esprit du .jeune slaviste. Il ne l’a ja-mais exposé clairement et Jagič lui reproche même une cer-^sine inconséquence dans son action, considérant qu’il se Perdait dans de petits détails au lieu de s’attaquer aux 9rands. "Il a échangé tout son temps en petite monnaie (22). ^ais ailleurs, il admet que Kopitar avait toujours des plans . Mais déjà le premier biographe du slaviste viennois, Thormund Legis-Glücksel ic| (1806-1867) évoque le "système ••opitar" (24). Hafner emploie à plusieurs reprises 1’exprès-si°n "plan" ou "plans" de Kopitar et aborde le "plan cultu-re^ et politique de Kopitar" (25). J. Pogačnik intitule son intervention au 7ème Congrès des slavistes à Varsovie Le ---LÜlçej;.t de Kopitar quant au développement culturel et poli- x. • --i-SLigL des Slaves du sud (26). Il est vrai que tous ces sla- '’istes modernes s’attachent surtout à l’aspect politico- ,Jlturel, à l’aspect autrichien et yougo-slave du problè- IT'e" 9’est un peu l’arbre qui cache la forêt. Car le program- 1,1(2 de Kopitar, tel qu'il apparaît au travers de ses premiers ^Crits, englobe un domaine beaucoup plus vaste et plus va-r i d T. • J-i se veut slaviste et, pour employer le terme qu'uti-i Eera plus tard P. Boyer en parlant de L. Léger, "c’est un -luviste intégral", c’est-à-dire qu’il cherche autant que ^'-'Ssi.ble à étudier et faire connaître le monde slave dans r*\ Bnsemble, mais aussi dans ses particularités régionales, J ^ n9uistiques, historiques, etc... De plus, n’oublions pas que ce terme slaviste ne désigne pour lui et ses contemporains pas uniquement un érudit, mais également un "Aufklà-rer". Dès ses débuts à Vienne, sa vision des problèmes n'est Pas étroitement limitée ou liée exclusivement à une seule 'nation" slave, même s'il a parfois quelque difficulté à se hisser au-dessus des préjugés locaux. C'est un Européen con-vaincu et il ne peut s'empêcher de voir ses chers Slaves autrement que faisant partie, sur un pied d'égalité, de la grande culture occidentale. Quant aux langues slaves, elles entrent peu à peu dans le vaste système que sont en train d> élaborer les grands philologues de son temps. La slavisti-C|Ue doit, aux yeux de Kopitar, apporter sa contribution à Cet immense travail entrepris par l’humanité toute entière. Le plan Kopitar’ est donc le résultat d'une réflexion approfondie et, comme nous allons le voir, d'un travail Préalable accompli par ses prédécesseurs disséminés dans tu,Jte l'Europe. Mais essayons d’abord d’analyser ce plan non ^’-’r mu 1 é, mais facilement repérable dans tous les textes de •°Pitar. On pourrait le diviser en trois grands groupes: 1) le passé slave qu'il convient d'étudier, d'éclaircir et de faire connaître. 2:> le présent qu’il est nécessaire de préserver et développer en tant que patrimoine menacé par l’incurie, la germanisation, le morcellement, le danger turc, etc... 3) le futur pour lequel on doit unir toutes les forces afin de donner enfin aux peuples slaves le rôle et le rang qui leur sont dus dans la communauté occidentale. * 1 est évident que ces trois groupes d'idées sont étroite-ment liés, l'un prolongeant l'autre. En ce qui concerne le passé slave, il s'en préoccupe dans son Introduction à la Grammatik et exprime sa gratitude à Schlozer qui s'est le premier attaché à une étude sérieuse des textes anciens (281. Il considère l'époque de Cyrille et Méthode comme l'aube de la culture slave. C'était P'-"-ir lui la meilleure époque (291. Dans les lettres à Do~ r°vsky, il s'attarde longuement sur l'action des deux ap8-ti'es. Les textes de cette époque bénie le fascinent jusqu'au F3i-1it qu'il se met à rêver des textes primitifs de Cyrille ( \ w"') * L’origine du vieux slave est l'une des préoccupations n'ajei.tres de notre slaviste, et les deux écritures utilisées C'ans les fragments qu'il connaît et é t ud ie, une énigme qui le ^aBnt en haleine pendant le reste de ses jours. L'idée d'une Mammaire du vieux slave, suivie d'un dictionnaire et d'une ^a;*"re à l'université de Vienne devient pour ainsi dire une j pj u 'e fixe. Cette partie du programme de Kopitar est étroite-er’^' liée à la philologie slave, aux recherches historiques ^ linguistiques qui débutent au commencement du siècle et Poursuivent jusqu'à nos jours. La fameuse théorie panno- nienne en fait partie. Avec le second groupe des problèmes qui constituent ^e Plan Kopitar, nous nous trouvons confrontés aux questions C!IJ1 Préoccupent, et de plus en plus en profondeur, ses contemporains et touchent un public beaucoup plus vaste. En etfet, la question des langues nationales devient une question cruciale. Les langues parlées par une grande quantité H -e Populations sont menacées par les autres peuples ou désignées par les élites intellectuelles. Selon Kopitar, el-^es doivent devenir objet d'étude et de promotion, aussi bien à l'intérieur des régions peuplées de Slaves qu'à 1 ' ex -trieur. Déjà dans sa Grammatik. il manifeste un amour de la *angue, un désir de la recueillir et de la garder pure, qui ne se démentiront jamais. Cet amour s'exerce évidemment ariS cet ouvrage envers sa langue maternelle et J. Topori-®i r » qui a récemment étudié la portée de cette grammaire, a firme avec courage - et il a sans aucun doute raison - que ''-'Pitar était amoureux du Slovène (31). Mais cet amour pour langues s'exerce également envers d'autres langues, par temple le serbe qu'il essaye de mieux connaître bien avant Sa Encontre avec Vuk. Il connaît d'abord le serbe écrit, ^'■'’il peut trouver dans les textes, mais c'est la belle lan-®Ue du peuple qui l'intéresse. Il aura la même attitude en-Vers l'ukrainien qu’il encouragera par tous ses moyens et C)u,il voudrait préserver de l'influence polonaise et russe. La pureté de la langue devient presque une obsession: il recommande dans sa Grammatik à ses compatriotes de traduire des textes à partir de langues autres que l’allemand, pour ne pas favoriser l’introduction des structures allemandes, 5i OanS ,ve„„ .« splen- dide structure de la langue slave. Il essaye dans le même article de donner un classement de ces langues, classement d *"*" u Bn grande partie à Schlaser. Cette question restait ou-Verte à l'époque et on était loin de savoir avec précision C*Ul Parlait quoi et quelle était la filiation exacte de ces langues. Il s'agissait d’y mettre de l’ordre, ce qui n’était guère facile, même pour des connaisseurs comme Dobrovsky. ^insi celui-ci ne voit dans les Slovènes qu’une variété de Croates (33). Kopitar interroge le patriarche: "Quelles sont les ^runtières du dialecte croate?" (34). Parmi les questions Posées par Marcel de Serres se trouve aussi celle des fron-t i A • 'res des dialectes, "question à laquelle .j’attache le plus importance" (35). Si Kopitar n'a pas encore de réponse à Ce-~ questions, il sait néanmoins comment procéder pour les dtenir: "Il faudrait, comme vous le dites dans votre Gram- publier une grammaire critique, alors la comparaison Si© y" a possible. De même, chaque dialecte devrait simplement Assembler et faire connaître les mots spécifiques" (36). Malgré les efforts des slavistes, les peuples slaves i sont toujours à plaindre à cause de leur position inférieu-re> à cause de leur morcellement et de l'absence de structu-res politiques propres (sauf en Russie). La troisième partie du plan Kopitar est donc tournée vers l'avenir qu'il s’agit préparer énergiquement. C’est sans doute la partie qui soulèvera le plus de polémiques, celle qui passionnera au P*us haut point et l'auteur lui-même et ses contemporains, C£?lle qui lui causera les plus amères désillusions. Car le Problème strictement politique deviendra peu à peu incon-toi.tr na b 1 e et le slaviste viennois se trouvera confronté à Ses propres contradictions et à la nouvelle génération ro-m«ntiqye dont les idées ne cesseront de prendre de 1’ampleur. Car, que possèdent-i1 s, ces Slaves, qui leur permet-d’espérer plus de l’avenir que ce que le présent leur offre? Leur belle langue ne suffit sans doute pas. Ils sont Un Qrand nombre à la parler, Nestor le remarquait déjà. Ils ~>unt un peuple jeune, donc plein d'avenir, et c’est un Alle-mar,d qui l’affirme. Dobrovsky dit et répète: "Nous, les Sla-'es» devons être solidaires" (37). L’idée revient sous des formes diverses comme un leitmotiv. Or, tout les sépare: non "'eulement les frontières politiques, la religion, la cultu-re’ roais même les alphabets. Pour Kopitar, l’une des premiè-étapes du rapprochement serait l’unification de la gra-P^ie. Eiie permettrait sinon un rapprochement progressif des langues, du moins Omettre en évidence leur parenté étroite. Si seulement le destin voulait que maintenant les six dialectes et mime un certain nombre de sous-dialectes soient écrits comme l'étaient- autrefois les dialectes grecs, cela ferait parfait. Alors, les dialectes slaves seraient écrits comme les grecs, avec un seul alphabet et selon le mime sys-ième d'écriture et non selon une douzaine de systèmes oppo-“C155" Là, un sage? despotisme qui obligerait les fous à être rai.sonnables serait à désirer" (38). De toutes les façons, Pour préparer cet avenir, il convient de travailler en com-IT"'tn, de s’entr’ aider. Un tel programme nécessite des organes d pi presse (Slavin en est déjà un), un centre qui coordonne-ces efforts, une institution qui permettrait un travail s^lcace et en profondeur. C’est ainsi que Kopitar en arrive ** clemander la création d’une Académie slave qui aurait son si£ge ^ Vienne. Ce projet, l’un des plus critiqués, même par ^obrovsky, Kopitar s’y tiendra jusqu’à la fin de ses jours, Coritre vents et marées, au prix d’une solitude tragique et -'ne haine féroce de la part de ceux qu’il appelle les "hy-^r P«t riotes t c hèques". L’un des éléments de cette troisième partie du p>lan -'Pitarien représente son activité journalistique. Elle com- ,r|Pnce déjà à Ljubljana et se poursuit sans rupture tout au 1 o tg nQ de sa vie. Le fait d’être censeur la facilite sans dou-dans une certaine mesure, mais cette fonction officielle ^oblige également à une certaine retenue, sinon à une autocensure. Kopitar a. une préoccupation: le monde nous ignore, nous-mêmes nous nous ignorons entre nous, nous devons donc tout faire pour nous faire connaître et par là nous faire reconnaïtre. Il mettra au service de ce but tout son savoir, tout son temps et tout son coeur. Articles de .journaux, cor-respondance avec tout ce que l’Europe compte de savants en matière slave, aide aux visiteurs de la Hofbihliothek, tout £Ërvira ce but qui devient sa raison de vivre. Cependant, Kopitar n'oublie pas que la slavistique n e£t pas l'affaire de quelques hommes seulement. Ainsi, dès ~'e~ débuts, il tâchera d'attirer vers ces études un maximum H e jeunes gens talentueux, de leur inculquer l'amour pour la i* r®s slavical Et son mérite comme maître des futurs grands clavistes n'a pas encore été sérieusement étudié. Et ce mé-rite est grand. Le plan de Kopitar, qui veut englober tous les Sla-Ve~> ro'ë'me si la part des Slaves du Sud y est prépondérante des raisons facilement compréhensibles, constituera 1 ’ r c- '-'Ssature de son action tout au long de sa vie. On peut le ~>l-'ivre à travers tous ses écrits, qu'il s'agisse des publierions, des lettres à ses supérieurs ou de sa correspondan-Ce privée. Il transparaît dans les actes et choix de sa vie ' v°yages, achats, rencontres) . Certains éléments de ce plan renforcent avec le temp>s, reviennent de façon lancinan- 2c ^ > se transformant parfois en idée fixe qui finit par exaspérer ses contemporains et le lecteur actuel. D'autres élé-ments subissent une évolution due aux nouvelles découvertes dans le domaine des études slaves ou de"\'l inguistique généra-D'autres problèmes s'estompent peu à peu en accord avec l’évolution générale de l'époque. Ainsi, l'idée de la chaire slave à l'Université de Vienne ne le quittera jamais, mais Ses efforts ne seront couronnés de succès que quelques an-n^es après sa mort, après les grands bouleversements de 1843. L'idée de l'alphabet slave, si présente au début, s'estompera peu à peu à mesure que la réalité vivante vien- (H y -, ” contrecarrer ses plans. Certains aspects de ce plan s'apparentent à l'uto-Pie et ils sont véritablement utopiques. Mais l'utopie est Un des moteurs des actions humaines. En parlant de l'influence de Kopitar sur Vuk, Murko 1' dit : "La véritable histoire littéraire qui indique qui Créait des idées littéraires, qui introduisait, répandait et Adaptait celles des autres et guidait ainsi son époque, doit Cljnsacrer à Kopitar un chapitre entier, non seulement chez 1 es <3S> Slovènes, mais aussi chez les Croates et les Serbes" P1 us'près de nous, Rado Lenček, en parlant des deux ''^rsions de isiesl' ^é c r i t : "Les deux essais furent pri- (T'°rdiaux dans l'évolution des peuples slaves en ce sens que ■'•surs idées, inspirations et initiatives... apportèrent des $6risncc • -u cba p r. o u v e r- u ’js '.jocs sl ves et posèrent un 'ruait t. venir ^ / - N ïi U >. iCJ l,0tes:Le plan Kopitar 1 >Cf. Lettre d'Erberg à Zois.Kidr i c : Zo 1 s I I , p . 1 62,29/5/1 81 0, 5>lt’id.p. i 17, Ko p. à Zois, 8/1 1 /1809 ^ ^lr und deff/\S 1 avon i smus geholfen werde" , ibid, fur ^ ^ 1 i c h habe herrliche Aussichten f ur me i ne Slawen,5ogar l'l&rde" .e Eriechen.wenn ich nur in Uien etabliert 'lblc).p. 139,2/2/1810 p ^ ) M L Jrkincj aben sich Veranderungen mit mir zugetr agen, d i e ihren laben"jan. , veiner Liebe rur schënen a9 io : Br j efwechse1 p.89,6/2/ 1S0P ','Patr iot ische Phantasien eines Slaven",Va terlandische ,5/6 / 1910,p.87 ; KS p.61-70 ; cf.Annexe E. 7) 3t* slatfischen Sprachen 0. &HCt CTaTbs imeeT 3HaseHiie iicTopiiko-.nnTepaTypHoro naM^THHKa BeHHoft Ba.KHOCTii" fleTpoBCKiifi : riepBue roju . c . 265. B ) st&n HCf•"Das austro-s1avische kulturpo1itische Konrept in der ^36, dlfte des 1 9 . Jahr h und er t s " . &s t er r e i c h i sc h o Os t hef te , 1 963,6 kft S* ) *■ -r woll^'Leber Freund 'Dass man in Wien so phantàsieren ur" , e'"t mich.doch Ihr Eifer ist lobenswerth; ich umarme Sie Ziefwechsel p . 156,7/0/1810 und • Leg i ç-g 1 ijc kse 1 J g : Var 1 a v Hank a , L i busa Jahr bûcherai & L ^ 1 j "Di - Hu]^- 31 *ck auf die slavischen Mundarten, ihre Literatur Srnittel sie ru studieren" ,U)ALZ. 1813.34.35 p.535,558 r-\ Slovanskych na/ec ich a prostrdc ich jim se naučiti." Jan» Kol 1 a r a I I , Prag , 1 868 , p . E 1 1 t ' • Saf at- i K : Gflsch i ch te der slavi soben Literatur nacl - ten , Of f en- , 1836 1? ) " J3>§ % 1 L ) p Üyrid 15 ) " ~1 âtur " 2 U e i ner Ein 1 eitung über Ja d i c : Br i ef wechse 1. p . 158,7 /8/ 1 810. d i e s 1 a v i s c h e N», 16 > 4 o ) " u 1,C°M" n °ni,TaP >iH6Ji npaiiû ^tpOBCKiiii : op . c i t . p . E69 HaaiiBaTb UlaitapiiKa CBOIIN ž L S 1 7 ) ’• Wie? forint en Sie das Wor terbuci- der -ussischen Al-ademie y&ssen?"Jàgic:op:ci t . p . 1 5o 18 ) " I h r Fi fer wi r d S i e ::u wei t ti eiben"«ibid,p.1 57 a 15 ic ‘ i .Und doch eizen,wiewoh] sie Pa] 1 adium zu Ê, -dl'Die sc hb ne Slavensp- sche dient unwGr d i n der garstioen JSIfln(Jfer in».i h! fl. 5 J :t Srnis MçîOfiua, • . J 9D c? •' " ük pa3MeKS.iT bcê ceo# i-peMS Kü Me.rn.hyic sioneTy" . i b i d . î 98 Mbiü.p. 1 89 ) "k.op îtari schen System . ' Sp i ?. j_ ! 1 , p. i.' i b i d . p . 37 , Dübi civsk y a hop . , 6 •' P •• 1 809 )c f.supra ,n,8 r*ïvD B6 > J 3 U p r PoQàcml ; "hop i t ar leva zamisel Juinih S1 o j a nih.Pe^epaTH■Nov± o ku11 urnozgcdovinskem Sad . 1 973 , p . 1 El. Sch i • ^ *"Die moderne l rit il. Vu. °cer in Gottinqen îot . 19/3/ 1809. de-rer Fai el der Hofrath und Professor h. i cl i E : Zo i s l , p . 1 93, Zo i s à * ^ 1 l’reinima t 1i , p . X ! . 89»KS,p.20 30 ’ "U- ttxt H v' i 1 )n" J.Tnr. °J ' ^ opi toi je b i 1 v Cm 1 *=> j č ; p p p t r -1 i «Ljubi j a n a = lo •.-enl-c.i no ! 987.p.3?. z ci 1 j u b 1 jeu". 3c ' Q1 .âmn a t i l .. . >' ■ x I ~ ° T -1 a l! i >: ; o p . c i t, , p . 30 , i 'o t'i o 1 à I ou . 6 ' 9 > 1 809 3"'ibid.p.33 3d •' 1' i d r i ; Zo j_s I I , p . 109, Z O 1 '■ ’ / 1 3' '9 Sàgp,_ so 1 1 jede> Di a 1 eh t , wie Sie m 1 tirer Grammatik dçt- ',eirie i i ii isch qelautt.^e Spi' achlehr e herausgeben-dann wi r d rit?er 91 e i cfi migi ich sein.Ebenso soli jeder Dialekt b lose. ft'âC'h ,, ko gr •• d'hunil i che> Wortei sammeln und bekannt • ^aç. i t : pp .ci f . , p . E O , & ‘S / 1009 . Z. C ( krir , * "Wir Slawen mussert c P•13/3 / ! 809 _ 2usammenha1 ten" it'id.p.4é,Dotn o v s k y à 38'Cf.Anne«e E kr,ji!e-9,."PraVÔ k?ii5evna 2 y o d n ■/ i, s , k i I are kdo je ustvarjal te,T> vod0? JOejL' pa pr i nala 1 , è i r i ] ali pa prikrajal tuje ter s Sâ*o n-, -?VOJ° dobo',nora hopitar jü posvetiti celo poglavje ne M>h1urkoJL.■:'i0vencih » ampak l udi pri Gibih ir, Hrvatih". ' ° : r-SP.it ar in Vuk., 1 906 . p . J 4 \ Slavi "Both es53vs were séminal in the cultural évolution of initiàtPe°pleS ln thP -en"e thât their ideas,inspirations and stlJdiBc 1 VeE ‘ * •contr itiuted the see-ds for the new field of Slavic fo)loWprand 3 chane‘r,de to the génération-; of vunq schotars who l895, p ' hlff"-R-Lencek î "Kepi tar ",Paaerd. of Slavic. PhHol o ene, ETUDE du passe slave "Son talent était uniquement philologique" dit Ki- d k î ^ lc pour présenter Kopitar, le plus assidu et le plus inté- ressant des correspondants de Zois (1). "Il était le meil- *eur philologue, aux connaissances les plus vastes et les Plus précises que l'Empire d'Autriche possédât" explique ^ historien L. von Ranke, d'habitude plutôt sévère avec les s®vants qu'il rencontrait (2). Silvestre de Sacy pense que Se‘-il "le docte Kopitar" est capable de préparer une édition s^rieuse de 1'Evanqé1iaire de Reims (3). Il est certain que, P^mi ieS occupations et préoccupations du slaviste vien- n,~'is, l'étude de la langue tient la place la plus importan- ^e* Kopitar est philologue dans le sens étymologique du terme ~+. son amour des langues, vivantes ou mortes, et son pen- c^'ant pour l'érudition linguistique s'expriment pratiquement Sns tous ses écrits, parfois même mal à propos. Ainsi, dans Première lettre à Dobrovski, en parlant de Lessing, il ne pe'-lt s'empêcher de succomber au désir d'étudier l'étymologie de r& e nom (4). hais il est également philologue dans le sens fT'°derne du terme, dans la mesure où il est "spécialiste de ^tucje (-jes textes et de leur transmission" (Robert). Les ^ T r ‘ 'ls Publications séparées de Kopitar (Hesvchii. Glagolita 6i-£!S_ianus et 1 ' Evanqé 1 iaire de Reims) qui ne représentent Qu'une partie de son oeuvre, sont des ouvrages de philolo-Qie. C'est certainement le domaine où son activité sera le Plus unanimement appréciée, reconnue et prolongée par ses Piscipies. il donne parfois l'impression de ne voir la civiüsation qu'à travers la langue. Ainsi, si l'on analyse Ses Fantaisies. on remarque que le mot "Li11érature" y est emP1oyé dans un sens "philologique", mime si l'on tient c,-'mpte du fait que, pour Kopitar qui est un homme de ^ufklarung, la littérature c'est d'abord ce qui est utile â 11 Peuple. Dans cette perspective philologique, il semble Gelure les oeuvres purement littéraires, les belles lettres, pour s'attacher uniquement à l'étude des dictionnaires, grammaires, traductions des textes sacrés et Profpéenne atteignent ainsi cette ville de province qu'est ■•î^bljana. Si l'année de la parution de l'oeuvre de F. Sch- Uber die Sprache und Weisheit der Indier (1808) est ^ n général considérée comme marquant le début de la linguis-C*Ue comparée, cette science fut pressentie, préparée, et dePuis longtemps, y compris en Carniole. La curiosité du Jeune Kopitar trouve sans doute à se satisfaire dans cet Universalisme ambiant, mais très vite elle se porte sur les langues slaves, leur histoire, leur diversité bigarrée, leur Parenté qui apparaît lorsqu’on les étudie de plus près, tout c'-'mme apparaît la parenté des plantes ou des animaux. Peu à deu> il sera possible de suivre l’évolution des langues grâ-Ce aux études des dialectes vivants et aux textes anciens, t'-'ut comme on pourra suivre l’évolution des espèces grâce à 1 observation et aux fossiles. Les méthodes d’étude restent c°ffiparables, ce qui n’empêchera pas Kopitar de garder un Cetain désir d’universaiisme qu’il admirera chez Goethe, par e/emPle. Son collègue bibliothécaire au Theresianum Herbiz devient plus sympathique lorsqu’il apprend qu’il connaît ctnglais et la botanique. Pendant qu’il étudie le droit, il Se demande s’il ne serait pas possible de consacrer une dartie de son temps aux sciences naturelles (6). De cette ^riode de .jeunesse Kopitar garde sans doute cette ^r°pension à classer, à ordonner, à grouper, à établir des s^stèmes et faire des synthèses. C’est .justement pour cette a^s°n que Pogačnik le qualifie "d’esprit géométrique" <7>. Tout comme les botanistes partent dans la nature à la recherche de nouvelles ou de curieuses espèces qu’ils V £| p% 4. ^ er>suite étudier, caractériser, comparer avec d’autres et r i lasser, de même les philologues s’attachent à l’étude kih es langues et J'tlialectes parlés par les divers peuples et 9'-ii fleurissent un peu à l'image des fleurs sur les coteaux. En ce qui concerne le passé, on va s'attacher à l'étude des langues mortes et des ancêtres des langues vivantes, telles 9U elles apparaissent dans des écrits plus ou moins anciens. L étude des textes joue un rôle primordial dans la découver-du passé relativement récent de l'humanité. Des pans en-tiers de l'histoire sortent de l'ombre grâce aux écrits, non Se,-'lement grâce au contenu de ces textes mais aussi grâce à *BlJr langue seule. Le texte est de plus considéré comme Quelque chose de concret; un manuscrit ancien est un témoin fTlstériel d'un passé plus ou moins récent, des faits qui s'épient déroulés avant même que l'homme ne se souciât d'écri- Y g» ^.. 5°n histoire. Le texte est pour le philologue ce que le f'-'Ssiip est pour Darwin. Finies les conjectures qui ne repo-Sent sur rien, de vagues hypothèses, des récits plus ou ^-'ins légendaires des hagiographies. Ce sont les mots, les y^labes, les lettres qui doivent permettre de remonter le ■^Ps, de trouver des explications aux énigmes non résolues. D» où ce respect quasi religieux que l'on éprouve devant un exte sorti des greniers poussiéreux d'un château ou d'un -,r>astère. 11 est certain qu'il s'agit souvent de textes d» Ordre religieux puisque de nombreux écrits furent faits •iLst diti e,T1ent pour transmettre la foi. Et, dans les pays de tra-°n chrétienne, l'exégèse biblique prendra soin de ces études, hais cette vénération, ce respect ne s'appliquent Pa£ uniquement aux textes sacrés et aux textes de la reli-9ion dominante. Tous ces monuments vont permettre de mieux aPpréhender le développement de l'humanité et l'évolution de la culture. Cet intérêt pour les textes anciens, les fragments dSs prières, lettres personnelles ou restes des ^changes commerciaux ne se cantonnera pas toujours dans le dljmaine purement philologique. On peut étudier de façon dé-^achée une rama hindoue ou un psautier trouvé près d'Ohrid, ~n Peut les comparer aux textes d'autres provenances, et ^ autres époques, mais on peut également prendre ces textes comme démonstration ou illustration de tel ou tel fait his-°rique. On peut y trouver des preuves d'une culture ancien-ne des arguments en faveur d'une thèse qui correspond au 9°ut de l'époque. Entre l'étude froide et impartiale qui ne Perche pas à tirer des conclusions d'un autre ordre que cientifiqUe et l'utilisation de ces mêmes textes à des fins ■'■tf érentes, la séparation est souvent difficile à établir. a tin du 18ème et surtout au début du 19ème siècle, cette ti Ç -l>:ième "utilisation" des textes vient de plus en plus sou- VÇpjcL ^ se greffer sur la premiere. Le romantisme aime les tex- anciens comme il aime les ruines. Non seulement ils sont Jré,-'lés des mystères du passé et des brumes d'exotisme, fnais • 11s parlent du passé, non plus de l'humanité, mais des Peupies> Schlozer, à défaut de textes arabes ou hindous qu'- ** escomptait étudier pendant son voyage .jamais fait dans l'Orient asiatique, se contente d'étudier les chroniques ^’Un moine russe et il s'en console, car l'étude simple lui importe plus que les conclusions qu'il est possible d'en tirer. Mais les fragments attribués à Ossian doivent exal- ter, montrer une civilisation opposée à une autre. Les outre leur exotisme, sont les témoins de l'esprit ^ Un peuple qui possède une culture profonde et ancienne *ace à la culture française, omniprésente. Les manuscrits ^kriqués et ensuite "trouvés" par Hanka ont pour but de Placer la nation tchèque au niveau des autres nations e'->ropéennes à la culture millénaire. D'où l'acharnement des Patriotes tchèques lorsqu'il s'agit de défendre leur a'-'thenti cité. Les arguments linguistiques, la philologie en ^ant qUe telle, n'ont plus de prise sur ces interprétations °mantiques et passionnées. L'étude, la recherche des textes Se trouvent ainsi, dans bien des cas, dévoyées, détournées 1:16 leurs buts premiers. Entre ces deux extrémités que sont d»,. ne part l'impartiale étude à des fins strictements Philologiques et d'autre part l'exaltation romantique qui n'^ne jusqu'aux revendications politiques, toutes les étapes ntermédiaires, toutes les nuances sont possibles. Kopitar se trouve au coeur même de cette mutation £ t * 11 ne lui est pas toujours facile de ne pas succomber à * esprit nouveau, d'autant plus que les hommes qu'il fréquente à Vienne, tels F. Schlegel ou J. Grimm, prennent part âU/' deu* étapes de cette utilisation des textes. Philologues grammairiens d'une grande érudition, ils ne participent moins à l'exaltation du passé germanique fondé sur les écrits épiques et les poésies populaires. Kopitar s'efforce d © rester sur le plan philologique, mais ses travaux Réchapper^ paB toujours aux interprétations. Dobrovsky résiste JUsqu'à sa mort au tourbillon patriotique qui s'est levé sur pr =ue. Il n'est pas facile d ' être Je Murator i slave au début ^IJ l'^ème siècle! Quoi qu'il en soit, l'écrit ancien prend une grande mP'-'rtance. Déjà, Schloser constate avec quelque regret qu’-* était beaucoup plus à la mode d’étudier et d’éditer de leiJx manuscrits que de s'adonner à l'étude de l'histoire *3ruPrement dite (8). Ce qui était autrefois la préoccupation q'->elques savants obscurs et inconnusdu public ou mime des -Uverains s°ucieux du patrimoine (ainsi Pierre le Grand, qui Pensait décidément à tout, publia en 1722 un décret de-andant le regroupement de tous les manuscrits disséminés aris son vaste empire à la Bibliothèque synodale) devient ne a^faire non du grand public, certes, mais éveille tout même l'intérêt des couches cultivées. Les hommes riches, s intellectuels prennent conscience qu’il convient de pré-^Srvpr r ces antiquités, ces preuves de la culture passée. Chez les Slaves, l'intérêt pour les écrits anciens s éveille relativement tôt. La découverte et la publication C*u de la troupe d'Igor par Musyn-Puskin à la fin du *8ème siècle, est un événement. Elle est pratiquement contemporaine de la publication de Nestor. préparée déjà quel-P'-'es décennies avant. Les autres régions slaves ne restent *')as inactives non plus. Ainsi, le Polonais Jean Potocki, qui v‘-'Vagea à travers la Turquie et l'Egypte, mais également dans les pays slaves, publie à Varsovie en 1793 ses Chroni- ___mémoires et recherches pour servir à l'histoire de ^QlS—les peuples slaves (en français). Un peu plus tard, cet -"-‘vrage fut suivi d'un second du même genre*. Voyage dans ^^-Iciues parties de Basse-Saxe pour la recherche des anti- slaves ou vendes. fait en 1794 (Hamburg, 1795). Le Cl~'mte Ossolinski rassemble au cours de ses voyages et grâce Ux Recherches de ses amis une collection très importante de ^ i Vres et manuscrits concernant les Slaves. Installé à Vien- J n ' met à la disposition des premiers slavistes des tex- w 0 c Précieux. Le lexicographe Linde peut puiser dans ce tré- SJ|-| y. en préparant son dictionnaire. Kopitar qui, avant de rouver une place à la Hofbibliotek, pense pouvoir entrer c~'mme bibliothécaire chez le riche magnat polonais, aura niainte fois l'occasion d'apprécier les trésors de cette ®mière bibliothèque slave de Vienne. A l'université de Tübingen, c'est le professeur SCHNURRER < 1742-1822) qui prend soin des écrits slaves, f or t nombreux à cause de l'existence de l'imprimerie protes- tante destinée aux peuples slaves du Sud. Son oeuvre, L'im-^•iülgrie slave à Würtemberq au ISème siècle (9) rendra l'au-^eur ^ jamais "l'ami des Slaves". Elle sera une aide prêteuse pour les travaux de Dobrovskÿ et de Kopitar, tous les passionnés par les premières traductions des textes ^iturgiqueB dans les langues slaves. Les textes anciens dorment dans les monastères où, ^ePuis des siècles, les moines les copiaient avec plus ou m'-'ins d’exactitude. Pour les voir et en connaître la valeur, ** 'faut se déplacer, car bien souvent ceux qui sont chargés dt=? ] Aes conserver sont loin de pouvoir distinguer l'écrit ^cent ou sans valeur de l’inappréciable monument histori- Ql(c p. f ■ o est pour cette raison que Dobrovskÿ entreprend son °Vage en Rassie. Mais sa déception est grande, car ceux des ants qu’il rencontre (Stritter, Pal las) ne semblent nul 6ment connaître ou s'intéresser à ces précieux textes qui ^arlent seulement aux philologues (10). Un peu plus tard Dobrovskÿ entreprend le voyage vers le Sud dans le fllt,ne but tchè de II fu s trouver et étudier les écrits, et pour l'abbé Çue cette raison est bien plus importante que le désir cOnnaître les langues parlées dans les régions visitées. ssit qu’à Venise de nombreux livres destinés aux Slaves ^ent publiés depuis plusieurs siècles. Tout comme Schlüzer il aimerait aller jusqu'à Rome où les bibliothèques, Urtout celle du Vatican, renferment des textes de première ■‘•'"portance. D'après les Kalendaria ecclesiae universae (Ro- me' 1755) d'Assemani, il connaît l'existence d'importants manuscrits slaves très anciens (12). Il veut s'arrêter chez ^■is pour visiter la propre collection de celui-ci (13). Le baron aussi avait beaucoup voyagé dans sa jeunesse et, de- P'-'is que ia maiacjie l'empêche de se déplacer, ses nombreux afnis et savants continuent à lui envoyer ou à lui signaler des textes intéressants. La bibliothèque du Lycée de Ljubi- ^ana Possède un grand nombre d'oeuvres de Trubar et d'autres ^'-■testants. Les sociétés savantes s'intéressent également a,JX écrits anciens. Dobrovsky stimule encore cet intérêt en © n P'-'bliant quelques-uns dans son Slavin. \/rhovac à Zagreb ^tratimirovic à Karlovci, et Voltiggi à Dubrovnik pren-n© n +• ^ eux aussi soin de ne pas laisser se perdre les écrits cle leurs prédécesseurs. Une grande partie de la correspon- C*ar'Ce échangée entre les premiers slavistes traite de ces ^-'estions primordiales pour leurs travaux, car les textes "'"'tiennent les sources, les fondements de la philologie. -Peu i a peu, une émulation s'instaure et les rivalités nais- S&nt de-ci de-là. La jalousie n'est pas toujours absente de Burs relations et la lutte pour la primauté d'une publication ■'n amène mainte réflexion acerbe ou hypocrite. A la con--"'rence personnelle s'ajoute l'antagonisme des nations et des états. Nous verrons ainsi que les manuscrits du Mont th°s deviendront l’objet d’une lutte sans merci entre l’Est l'Ouest. De mime, les manuscrits de Freising constitue-r'-'nt un épisode peu agréable dans les relations entre Vosto-'°v Kopitar. Quant aux fameux textes de Reims, ils seront '-'bjet de jalousie entre les différents slavistes et déhancheront des intrigues politico-culturelles. D’un autre Coté> on s’efforce assez rapidement d’établir la liste de Ces textes, de les cataloguer de la façon la plus complète P°ssible. Ce que fit Vostokov en publiant sa Description des ^£Ljls_ç_r i t s russes et slaves du Musée de Rum jancev (14). Les ~~^Ùi-les bibliographiques de Koppen informent le public averti des nouvelles découvertes et des publications proje-tées (15). En 1841, S. Strojev publie la Description des ^■^Jlgnts de la philologie slavo-russe conservés dans les ^•^LLiothèaues publiques de l’Allemagne et de la France ( JC \ ■* Le Jésuite Martynov entreprendra le classement des Crits slaves à Paris (17). Nous voyons ainsi que l’activité de Kopitar se si-tue ^ une époque où la "CHASSE AUX OEUVRES D’ART,'' aux ma- r*iilS r y ■ a. Lrits et incunables bat son plein. L’époque napoléonienne Bst en elle-même caractéristique de cet engouement et il lus- re bien l’état d’esprit du moment, digne de louanges et de b 1 Sm à la fois. Les armées impériales sont partout suivies de Savants, d’archéologues, de paléographes et de spécialis- 3QQ ^es de toutes sortes, appelés à étudier, rassembler et clas- Ser tout ce qui peut présenter une valeur historique. On . - tes -■nnaît fort bien les calculs et^préparatifs savants et coû- ^e'JX que nécessitèrent le transport et l'installation de l'obélisque place de la Concorde, mais on ignore en général que les agents français parcouraient les régions nouvelle-ment conquises à la recherche des raretés bibliographiques. Les écrits conservés à Split, à Zadar, à Dubrovnik, souvent incompréhensibles à ceux qui les emportent, Prennent le chemin de la France. Des amateurs anglais, comme l'-'t'd Gilford, cherchent en Dalmatie, en Grèce. Il est vrai que Ces précieux écrits pouvaient bien disparaître à jamais, Car les autochtones n'en connaissaient pas eux non plus t r -"-'jours la valeur et ne prenaient pas les précautions Pécessaires à leur conservation. L'argument qui permettait ^ ^amener tout ce butin culturel en France ou en Angleterre n ^tait donc pas sans fondement. Mais nous verrons que des "t Y *4 c- es°rs, conservés précieusement dans de grandes k*bliothèques comme celle de Vienne ou de Munich, ne furent ^as épargnés non plus et le traité de Telentino contraignait le Pape à céder 500 manuscrits de la Bibliothèque ^"icane. La future Bibliothèque universelle, qui doit être dépôt de toutes les connaissances humaines selon l'idéal e£ Lumières, ne représente pas le même profil vu£ ailleurs: ainsi apparaissent les deux facettes Cc,ntradi ctoires, propres à toute entreprise humaine. No t es;L'étude du passé sl ave 1)" njegova nadarjenost lo^kâ" .«idr ic :2oj_s 1,p.37 2)"Er je bila eSâS5M war der beste Phi1 o 1oge,von den den das ganze Kaiserthum •vasmer: Kop jtar s.Briefwechse 1, p.XXXVI I I enostransko Uipfassendsten 6sterreich 3) Ib rovac: Kop j tar ,p.1 PO ^ ’ Jà9 i c : Br iefwec.-hsel .n .5,30/3/1 808 5)kldric:op.cit.,p.75 6>ibid.p.lU 7 ) p °9aènik:"k0pjtar jeva ramisel kulturnega razvoja",p.123 8)Schi( i n t-lur tember g i m 1 oser ; v i_e p . 5~ *9)0-1 îj-iâhr heJld r uck. '—Sût, Tub i ngen 1799. 81 and 1 ; Dobrovsi v , p . 1 05 | J ) ç cnlüzer:op.cit.p.319 '*r,iM : Mctopma . p . 79 ^randl:op.cit. .,p.l 06 ^»j, l 9 ) • pootokob : Oniicamie pvcckhx n c^aB5iHCKH'z naMSTHHKOE yi -OlMjahu^eizckoro Myaea Mockes 1895 15)k °Hy6nHCKHfi : AjMnpaji UIhuikoe» , c . 1 73 kf^3oru,]~'8TP°eB: OniicaHne ÜlJaH^ln uvi-o c n.iA naMüTHtlKOB 1B9i' l7> I /-* TT onaui'i — nxp'T'V t~%f> _________ ________________________________ v— v a t-**—» » * *—’ \s y «m. t—• K t-/ » a ^Xljanguj'Hxcs b nv6jiHMHHX 6n6.inoTeKax repMamm H OpaHunn oth)d. Xâ" Martynov,1’un des "jésuites r usses " f onda teur s de 1, u e slave de Paris. chaf.I Illgvail à la Bibliothèque Impériale et mission à Paris Une grande partie de la vie de Kopitar est consa-Crée à la recherche, au classement et à l'étude des textes slaves anciens. Cette activité présente un aspect non négligeable de son plan qui doit favoriser le développement de *a culture slave. En arrivant à Vienne, il est loin d'être n°vice en ce domaine. "Depuis longtemps, je rassemble des m®tériaux pour la langue et l'histoire slaves" <1>, écrit ^c‘is à Vukasovic. Kopitar l'aide. Les ouvrages de l'époque Protestante sont particulièrement nombreux à Ljubljana et l’intérêt qu'ils suscitent notable, car les éveil leurs Slovènes ont conscience de prolonger l'activité culturelle c*es premiers traducteurs de la Bible. D'autre part, les r^9ions où la glagolitique avait connu une expansion Sl-'sbtantiel le ne sont guère éloignées, puisqu'elles ^teignent l'Istrie. A une époque récente, l'écriture gla-5°litiqije y était encore employée et les textes restent n°mbreux et variés. On imagine bien le jeune Kopitar se précitiper, dès Sc'n arrivée à Vienne, dans les bibliothèques, à la recherche C*e textes slaves. Il se réjouit lorsqu'il trouve du nouveau X. c» même avant d'être officiellement employé par la ^'fbibliothek, il propose à Zois de s'occuper de l'échange a un exemplaire de la Bible de Trubar (2). Le baron Steffa-ne°> alors directeur de cette institution vénérable, ne trouve pas grâce aux yeux de l'étudiant en droit amateur de -=>1 avistique. Il "est blâmé partout: personne ne peut le S.,D -'Pporter, ce E u r_La-rrai s : on dit qu'il ne restera pas long-temps à ce poste; il parait qu'il achète de vieilles chartes darts les ventes aux enchères, .juste pour pouvoir dire qu'il aide la bibliothèque; il en a égaré un qui lui paraissait tr,-‘p savant" (3). Dans la même lettre, il assure son ami et Mécène qu'il poursuivrait toute sa vie la restitution des textes authentiques de Cyrille (4:>. C'est sans doute dans sa passion pour les ouvrages et textes slaves qu'il faut Percher la cause de son envie de trouver une place dans une bibliothèque. Une fois ce désir satisfait, il pourra se Cljnsacrer corps et âme à ses chères études. Comme Jacob G i*1 j ou Vostokov, il vit au contact constant et physique des livres. Lorsqu'il écrit à ce dernier, il l'appelle ^'-'l lègue de spécialité et de fonction, c'est-à-dire Philologue et bibliothécaire" <5> . A partir de 1819, il occupera la fonction de DIRECTEUR DES MANUSCRITS ET IN- *“ÜNABLES, non sans avoir auparavant démontré ses capaci-"b d s- Un texte consacré à Korai t pu certainement être le sien: le Patriarcat grec doit interdire l'exportation de tout manuscrit; les particuliers doivent être invités à vendre tout texte de valeur au Patriarcat ou à le prêter afin qu'une copie exacte en soit faite et l'original répertorié et localisé; le Synode doit demander aux érudits de rassembler ces textes, d'en dresser ün catalogue exhaustif; le tout doit être gardé dans un ^usée spécialement affecté à cette fin et muni d'un système an^i~incendie, etc... A la fin de son article, Kopitar rend f’C'mmage aux bénédictins dont le zèle bibliophile permit de Sauvegarder maint monument de la culture occidentale. Il ne fait aucun doute que le slaviste viennois emPl°ya beaucoup d'énergie et de temps afin de sauver, pro-f'^ger et rassembler les trésors de la culture slave des S:i-^cles passés. Personne ne peut sérieusement songer à lui c°r'tester ce mérite. Mais la controverse se fait jour dès C'Ue l'on aborde l'inévitable problème du lieu où ces tré-S°rs devraient être rassemblés. Dans le paradis slave de Kollar, Kopitar occupe la Place de bibliothécaire (B). En réalité, la bibliothèque 3C6 rePrésente pour lui infiniment plus qu'un simple métier, intimement liée à sa passion pour les études slaves, elle devient très vite le centre d'une activité intense et un P°int de rayonnement et de rencontre de plus en plus influents parmi les érudits slaves et allemands. Mais la première mission de Kopitar concerne les ouvrages et documents Conservés à la bibliothèque de Vienne et emportés par les t r®nçais pendant l'époque du 1er Empire. Ce qui ne signifie p°int que la slavistique en fut absente. La HOFBIBLIOTHEK (mot à mot "bibliothèque de la Cour";j date de la Renaissance. Elle fut fondée en 1493, S®l°n un projet conçu au 13ème siècle par Rodolphe de Habs- ^'-"-irg O). ses débuts, elle fut l'objet de fierté et de s°llicitude des monarques qui l'enrichissaient chacun à son t‘-'Ur selon leurs goûts et celui de leurs contemporains. Ils Comment les conservateurs et supervisent personnellement son fonctionnement. Le conservateur en chef en est toujours un ^'"sonnage important, proche de la Cour. LAMBRECIUS et VAN SWiETEN furent parmi les grands responsables de cette ■*nstitution dans le passé: ils surent la réformer, la mo- ^''niser et l'adapter, tout en mettant en valeur les trésors entreposés dans ses réserves et sur ses immenses *Vons. Des manuscrits célèbres pour leur ancienneté ou ceux cles hommes illustres plus récents y côtoient les anciennes Ca*'tes géographiques et des éditions rares. On peut y voir 3D7 les textes écrits de la main d'un Luther, d'un Leibnitz, ■j | un Tycho Brahe ou d'un Mozart. C'est une bibliothèque Polyglotte qui possède un grand nombre de textes orientaux-arabes, turcs, persans, des ouvrages grecs, latins, hébreux '' * -1 ■ Le nombre considérable des ouvrages espagnols, parmi *esquels une Bible offerte par le cardinal Cisneros en 1514, reflète l'étroite parenté qui lie la famille impériale à * Espagne. Toutes les traductions de la Bible en langues natic. Inutile de préciser que ces derniers constituent l'une de ses préoccupations Principales, comme il en informe Zois en lui disant qu'il se considère comme "Scriptor pro Rebus Slavicis" (17). On s'accorde à dire qu'il s’acquitte de ses tâches de bibliothécaire avec beaucoup de sérieux, de pédantisme mime. Le travail est prenant et les conditions matérielles pas tou-■Jours agréables: ainsi il est intedit de faire du feu pour Se chauffer et, mime si l’hiver la salle de lecture n'ouvre que de neuf heures à midi, la lecture devait être quelque Peu difficile si l'on pense aux rigueurs du climat. Au moment des guerres avec Napoléon, on craint pour les trésors entreposés à la bibliothèque. Devant le danger, '-'n a prévu de transférer les ouvrages les plus précieux en Hongrie. Mais il était déjà trop tard et, entre 1809 et l^ll, un très grand nombre d'ouvrages prennent le chemin de la france; parmi ceux-ci, 60 codex grecs et latins, 141 manuscrits orientaux ou slaves, des éditions rares du ISème siècle, des cartes anciennes, des plaques de cuivre, etc... L'e directeur des musées nationaux français Denon avait demandé à ses agents de faire un choix judicieux. Le comte Dssolinski a beau supplier, demander grâce, le comte £e.ulemznt dhampigny lui promet^d'épargner certaines oeuvres (18). Cependant, les changements de fortune militaires étaient si Rapides que tout ce qui avait été expédié ne put gagner la p rar»ce à temps. Des fragments de bibliothèques se trouvaient a^nsi à Milan, à Ulm, à Munich au moment de la chute de Hapoléon. "Bien que dernier employé de la Hof bibl iothek C^C’-PitarJ eut justement la charge honorable et agréable de ^amener les livres et manuscrits emportés à Paris en 1809" (13.>, écrit le slaviste viennois en 1836, visiblement fier de cette mission. Il fut choisi sans doute à cause de ses c'-ir>naissance de chartiste, comme on le dirait aujourd'hui. est heureux de cette aubaine, car il avait toujours manifesté le désir de voyager partout en Europe, quoique dans les pays slaves de préférence. Il avait déjà accompli un Qi'and tour en tant qu’accompagnateur d'un riche compatriote Slovène. Ils visitèrent Prague, Berlin, Leipzig, Munich. A Berlin, il rencontra F.A. Wolf et à Munich, il alla voir les Manuscrits de Freising (20). Le voyage à Paris a pour Kopitar un double but: LA FISSION OFFICIELLE et secrète qui consiste à vérifier les documents emportés et à en négocier la restitution rapide et complète; mais la MOTIVATION PERSONNELLE revit pour lui sans doute la mime importance: il va pouvoir examiner les documents slaves des bibliothèques parisiennes, notamment 1 ' Abecenar ium bulqaricum. la Bible d'Qstrotj, etc..., acheter des nouveautés, rencontrer des érudits, tisser des liens nouveaux et faire connaître ses Slaves dont personne ne semble se soucier beaucoup. Ce double aspect représente l'une des caractéristiques majeures de la vie et de l'activité de notre slaviste: en tant que personnage officiel il est Allemand, mais le linguiste slave, l'éveil leur slave transparaît toujours à travers le personnage officiel. Ce Voyaqe à Paris aura pour lui des conséquences importantes, car il lui permettra de faire preuve de ses capacités professionnelles, ce qui aura un effet favorable sur la suite de sa carrière, et d'autre part lui permettra d'élargir ses connaissances de philologue. C'est également grâce aux liens et amitiés ébauchés durant ce séjour à Paris qu'il finira Par prendre en charge l’édition de l’Evangile de Reims. Comme tout homme cultivé de l’époque des Lumières, k-C'pitar connaît évidemment bien la langue et la culture 'françaises. Sa préférence va aux auteurs des 17ème et 18ème siècles et, bien qu’il cite souvent Rousseau et Voltaire ^'J’il avait pu étudier chez Zois qui possédait les oeuvres complètes de ces auteurs, il ne partage pas toujours l’ensemble de leurs idées, s’efforçant de garder toujours son esprit critique. Mais sa bibliothèque personnelle, qui se trouve aujourd’hui à Ljubljana, contient, outre ces grands Massiques de l’époque, surtout des oeuvres qui concernent les problèmes de grammaire et de langue en général. Il est Vrai aussi que les auteurs classiques français, ainsi que les contemporains tels Chateaubriand ou Hugo lui étaient facilement accessibles à la Hofbibliothek. Dans ses lettres, beus trouvons des allusions à La Fontaine, Corneille Médée: "Après tant de revers, que vous reste-t-il? Moi'j/ (2l), Fénelon, Molière, Racine, Boileau. On trouve parmi les livres de Kopitar des dictionnaires de Lacombe (22), le Roux (23)f Ménage (24), d’Hautel Avec J. Grimm, il P^tagera plus tard l’intérêt pour la poésie provençale avec W. Humboldt celui de la langue basque. On peut ''^marquer, rien qu'en voyant ces volumes, l'intérêt de kopitar pour l’aspect dialectal, non académique du français, plus de "ces messieurs du Port-Royal" qu’il connaît bien 3 13 è cause de sa formation fondée sur le jansénisme, il peut consulter à la Hofbibliothek un grand nombre de journaux et c*e revues français comme les Mémoires de 1’ Académie 11ig11<=»r la Revue encyclopédique, le Journal des débats de ’ Empire, le Journal des savants. le Moniteur universel, la B&Vue britannique, etc... (26). Tout ceci prouve que le slaviste viennois connaît bien le pays qu'il va visiter et essaye d’approfondir cette connaissance tout au long de sa vie (27). C’est le 10 mai 1814 que l’empereur François I si9ne le décret qui fixe les tâches des commissaires chargés c*e ramener le butin emporté par les Français. Kopitar, en tant que spécialiste, est chargé principalement de l’aspect technique. Il est accompagné d’un jeune diplomate, F.K. Ot-tenfels-Gschwind (1778-18511, plus tard ambassadeur d’Autriche auprès de la Porte. La liste des ouvrages avait été Soigneusement préparée. Elle contient également les titres c*e ceux qui se trouvaient à Venise, à Parme, etc... (28). - deux hommes se mettent en route le 14 j U1814, passent Par Munich où ils s’entretiennent avec Metternich, alors ^robassadeur d'Autriche en France, et arrivent à Paris le 14 Juillet. Le 25 septembre, Kopitar envoie le communiqué s,-'ivant: "Les livres et manuscrits de la bibliothèque imPériale sont déjà sous ma garde" (29). C’est le succès d’une mission qui demandait du sens diplomatique, de l’é- nergie et de l'érudition, car il semble que les conservateurs français n’étaient pas prompts à se séparer des trésors et essayaient de remplacer certaines pièces rares par d’autres de moindre valeur (30). On demanda à Kopitar d'ac-Cotnpagner le transport des caisses jusqu'à la frontière. Au cours de ses démarches, Kopitar trouva un intermédiaire et un allié en la personne de SILVESTRE DE SACY. Bien que toutes les lettres échangées entre ces deux ssvants ne nous soient pas parvenues (31), celles publiées Par les soins de M. Ibrovac prouvent que le directeur de ■'■'Ecole des langues orientales avait fait plusieurs interprétions auprès du Ministre français de l'Intérieur (32). Mais la Hofbibliothek et ses trésors sont sans doute loin d’occuper seuls les conversations des deux hom-ITles> passionnés par les langues et les parentés qu’ils com-mencent à définir entre elles. Le savant orientaliste lançais préside également l'Académie celtique qui prête un Certain intérêt aux Slaves, comme nous l'avons vu avec la Sxammatik et que le comte Sorgo continuera d’informer sur Ces régions (33). Il est probable que Kopitar rencontra aussi à Paris ^RCEL DE SERRES et CHARLES-BENOIT HASE (1780-1864), grand Aliéniste et bibliothécaire à la Bibliothèque Impériale. Originaire de Weimar, celui-ci fit une carrière rapide en France, passant du poste de bibliothécaire à celui c'e conservateur en chef. En 1852, il deviendra le premier professeur de grammaire comparée à la Sorbonne. Kopitar le c*nnaît de réputation déjà bien avant son séjour à Paris et essaie de le faire participer aux Wiener Jahrbùcher der Likona tur (341. Hase s’intéresse aux Grecs et aux Albanais, ce est également le cas de Kopitar qui rencontre à Paris k-orai . En attendant les résultats de ses démarches 0fficielles, Kopitar visite Paris et ses bibliothèques. Il ^Crit à Ossolinski: "En attendant, je profite de mon loisir P^'Ur aller voir les merveilles de Paris. Les bouquinistes ’-'nt de belles choses et à des prix raisonnables" (35). Il âchète des ouvrages pour la Hofbibliothek, pour ses amis et Psur lui-mime. Il pense rentrer par Rome et Venise où il 6)sPère acheter beaucoup de slavica (36). Il écrit à Vuk et à ^C'brovsky. Dans ces lettres, il n’est question que de ■'■■‘•nguistique, étymologie et slavistique dans toute sa va-ri^té. veut profiter au maximum de son séjour pour s’en- richir dans ce domaine. Ni l’Académie slave, ni la grammaire C*|J vieux slave, ni la Bible de Kralice à paraître, ni les chants serbes ne sont oubliés. Il discute avec le professeur c*e sanscrit A.L. Chézy (1773-1832) et il s’empresse de ^etnarquer que "cist" vient bien de "castus", soulignant âinsi l’appartenance des langues slaves aux langues indoeu- *’0Pèennes. "En ce qui concerne l’alphabet, dont je ne peux départir, j’en parle à présent avec Volnay qui en avait "fait un" (37). "J'ai discuté avec un membre de la Société biblique qui est en Angleterre de toutes les bibles éditées" ‘38:). C'est sans doute ce membre de la Société biblique qui Permit à Kopitar de se rendre à LONDRES et à OXFORD. Kopitar restera désormais en contact avec les diverses Sociétés bibliques, surtout avec celle d'Angleterre auprès de laquelle il cherchera des subsides pour faire éditer la traduction de la Bible en serbe par Vuk. D'autre part, les bibliothèques d’Oxford possèdent de nombreux textes slaves, Ce qui est du plus haut intérêt pour notre slaviste. Il n'y a d'autre part trouvé aucune trace du passage de Obradovié, et il s’cn plaint amèrement à Vuk: "Mais tous S°nt morts. A Oxford .j’ai de nouveau pensé à lui et à vos mc,riastères et aux nôtres. De tout cela plus de vive voix" <39:,. Ainsi, cette mission à Paris s’avère être un succès Cl-'mplet, même si elle lui rapporte peu d’argent et s’il ne Peut y retourner une deuxième fois à cause des 100 Jours. Prévue comme un simple voyage consacré aux livres et 3UX. m®nuscrits appartenant à l’Autriche, elle permet à Kopitar ^ élargir ses connaissances dans tous les domaines, d'ache-^er des ouvrages, de tisser des liens, de faire de la pro-b^Qande pour les langues slaves. En fin de compte, son vo- ^a9e sert autant la slavistique que la Bibliothèque impé-riale. eschi 1(t/3 Motes:T rava11 à *l"Ich schon langejr cbte Materialen sammle' la Hofbib 1iothek ' 180e? Zeit für slavische Sprache und . K i r d i č : Zoj_s : I ,p. 182,Zois à Vukasovit ‘-libid.II p.67,Kop.à Zois,27/10/1808 3) ist alIgemein getade11; nobeden ga ne more terperti,tiga ne bode dolgo per ti službi ; neki po vseh au 1 °nah stare šarvarje kupuje,da bo mogel reci quantam > 1 ^b i b 1 i o t hec am : enga .ki mu je bil premoder , je proč «V 1 ]V t-Ul-] -------: 1 ic - »Plavijo da a2ionah stare ib id. I p. 152,1/2/1809 Do^r ^l"Die Restitution be^r°Vsk'y' sich traut eiben".ibid;p.196 des ocht-Kyri11ischen zu bewirken,wurde ich Tex tes,die 1ebhaf t Ptii] ^1 "Herr Fach- und Amts-Ko 1 1 ege ( i e Bibliothekar ' 01 oge > ■■ . npenncKa BocTOKOEa. p . 262 und 6) "Kor a i " .WALZ. 1813, Intel lgenzbl a 11.0.288 KS p . 1 6e? Dar 7 1 Adamanth i os Korai (ou Cor a i s , Kor ai s ) ( 1798- 1833 ) est défini i t ar comme le "Héros des aus seine Barberei wieder 1 o j ^ ebenden Griechenlands".Passant une grande partie de sa vie la Grèce,il joua un rôle extrêmement important dans le r. et dans le renouveau culturel son pays.Pour Kopitar il est doublement .... __ le symbole de la Grèce antique et le symbole de pour la libération et pour la langue grecque moderne.Le contact permanent avec les partisans de Korais à *>Uv6m - --------- ---- - • ---- St "'Pot ph i 1 he 1 1 én i que europée . piu inc lnQuistique de ressant:i1 est nt* U ! s^e est. pi 'e*Anthimos Gazi oui édite la revue Merkur est parmi ses amis 6 ) g j a y y Dcer a , chant IV Sonnet "77 9 1 Mose 1 ,p.1-65 10)ibid.p.175 11>ibid.p.298 &i|Dj 12)B.Hartman: "Die Wiener Hof b ib 1 iothek und ihre slowenischen °^hekare, Interntinales K u 1 turhistor i sches 5 i mpos i um J) " ^ i sens t ad t 1 973 , p . 99- 1 08 Û$$01 . *3> J.Stummvol 1 : "J.Maximi 1 ien f Graf lenzyn i " .Geschichte der osterr e ic hjpçjjen Nat ionalb ibl iothek, Wien P .363 ^SBL 1 i. I OKlo-f fa,"l\lach tode des Scriptors Schober ,erhi el t die in a&r 1 ° ^ ° eines ihrer jet z i gen , ausgeze l chne t s t en Mitglieder 'JPcj n- ^erson des B. Kop i tar , ei nés Mannes von v i e 1 se i 11 gery Erudition ljri(j nur der,einem detschen Gelehrten qew6nl ich eigenen,alten *b en Sprachen kundig,sondern auch in der neugr i ech i schen und slavisthen Dialekten grund1ich bewandert".H6se1 : p.237 17>K idric:op.cit. p.130 1SiMoše 1 :P.303 6hrc,. ^7>"0bwohl der letzte Beamte der Hofbib1iothek den ebenso D . eWo ] 1 0ukh&r en»als willkommenen Auftrag erhielt die 1809 ent f Ohr teOV bnrj Hand schr i f t en in Paris zar jek zu ubVnehmen " . KS , p . 1 3 ^ ' Jagic :Briefwechse1 ,p.330 ) Hper!i;cK3 Bcctokses . p . 39 8 ^67 ^c)fr.LacoiDbe:Dicti onna i r e du vieux 1 ang nage franc; aie, Par i s Hjip.53)P.-J. Le bur i e s □ u e . Roux : Daš ti or. T. a_i_re epa, i que L iibre et pr overi ia i ,L v o n 1753 Uiw ^ ) *3 . Menaoe : D i c t i onna i r e étymologique ou Origines de 1 a ÎX-ângaise Paris 1650 ^ ) D ' Hp t e 1 : D i r t i onna i ne du bas 1 anquacie . Par i s 18*78 56) Ib novae : Kopitar.p. 13 , 57>L excellent livre de M.IbrovactKopitar i mine de r ense i qneoien t s sur les relations France et les Slaves du Sud . F rancuzj_) culturelles 59>Mosel,p.336 "Die Bûcher und Handschr i f ten de4~ Hof b i b 1 i othek oieiner Ver wahr ung " . i b i d . p . 103 Ibrpvac:Kopitar p.71 ^1 > Fi. Dehë-r ain:5i lvestre de 5 a c y et_ er.ts.Extrait du journal des savants 1919. s i nd ses 33 ^ Ibrovac : Kopitar p 75 33>ibid.p.87 Jagič;Neue B..p.793 35>Ibrovac: Kopi tar , p . 71 3^)"viel Slavica zu kaufen"h- idric :Zois,p.818,6/15/1814 ^Un 33)"Klegen des A1 phabe t s , was ich nicht lassen kann,rede ich ^at" 7 auch mit Volnay ,der eins gemacht a9ic:Brief^echsel , p395.Kop à Dobrovsky.54/15/1814 ^91' ) "D i spu tav l con membro societas biblica quae est in lâ’de t o tis Bibliis edi11s".ibid.p.393 nan .33>"Ali svi su izumrli .U Oxfordu sam opet mislio na njega i P>ltnSe i vase monastire.O tom više usmeno/Vuk j Pr ep i ska I ,5l/3/18l5. 32D CHAP.II kes manuscrits du Mont Athos Fort de son expérience acquise au cours de sa mis-sion parisienne et ayant perfectionné ses connaissances dans le domaine de la linguistique en général et de la sla-vistique en particulier, Kopitar va pouvoir se lancer dans Une autre affaire de manuscrits, slaves cette fois-ci. Elle sera bien plus difficile et surtout plus contestée par la Postérité. Il s’agissait d’acquérir les manuscrits slaves du ^cint Athos et de les faire transférer à la Hofbibliothek. Nous avons vu que les premiers slavistes dispo-s®ient de relativement peu de textes rédigés en vieux sla-Ve- Or, Dobrovsky , aidé et encouragé par Kopitar, prépare Sa grammaire de cette langue morte, les Institutiones. Les deux slavistes se rendent bien compte que cette oeuvre P’atteint pas la profondeur et la précision qui seraient s°uhaitables, faute de documents nombreux et les plus anciens possible. L’Evangile d’Ostromir ne sera publié qu’un P®'-1 plus tard et le problème de l’origine de la langue utilisée par les deux premiers apôtres slaves reste mystérieu-Se* Il doit exister dans les MONASTERES éparpillés de par le Vaste territoire slave d’autres textes, peut-être même des *extes écrits par les deux saints eux-mêmes. Or, il est un iieu qui, à lui seul, doit en posséder autant que toutes les autres bibliothèques réunies, c'est le Mont Athos, ce centre spirituel de l'Eglise orthodoxe. Les premiers moines vinrent s'y établir dès 850,la première laure fut fondée au milieu du lOème siècle. Depuis cette époque, l'ensemble ne cesse de se développer pour atteindre son apogée avant l'arrivée des Turcs. Dès sa fondation, la communauté forme une entité indépendante et sert de point de rencontre entre l'Eglise bysantine, russe, serbe et grecque. Les moines y prient, Privent, copient. Chaque monastère possède une BIBLIOTHEQUE. Après la chute de Constantinople, la commu-dauté est écrasée par de lourds tributs, s'appauvrit et décline, isolée au milieu d'un empire hostile. Déjà en 1811 Kopitar présente au lecteur autrichien l'importance et la beauté de la Sainte Montagne en Termes plutôt vagues, mais pleins d'émerveillement. Il dé-Crit la vie des moines, parle avec admiration de leur érudition et conclut: "La Montagne Sainte passe pour §tre la Principale université de théologie des chrétiens grecs" (1). ^ers les années 20, plusieurs faits incitent Kopitar à ep|treprendre enfin des démarches concrètes pour l'acquisi-Tion des manuscrits slaves qui s'y trouvent. En 1817, un |6,nglais, Robert Walpole, publie une oeuvre qui ne pouvait hisser les érudits slaves indifférents: Mémoires concernant •iUc Turquie européenne et asiatique (.2) . D'autres °rientalistes avant Walpole avaient déjà parlé des richesses de ces monastères réunis, mais le récit de Walpole montre qu’éJies-sont en danger. Le voyageur anglais réussit non sans Peine à pénétrer dans les lieux où s'entassent de précieux papiers: "On nous introduisit dans la pièce où ces vieux Vc,lumes en lambeaux avaient été jetés dans le plus grand désordre, la plupart sans début ni fin, endommagés par des souris, moisis à cause de l'humidité" (3!> . En effet, ces textes ne servaient évidemment plus depuis longtemps et Personne ne semblait se préoccuper ni de leur contenu, ni de leur valeur. On peut imaginer le bouillant Kopitar lisant ce 9enre de récit, lui qui manifestait une attitude quasi religieuse devant tout vieux bout de papier couvert d'écriture cyrillique ou glagolitique. Il pouvait fort bien Craindre que, faute de soins, ne disparaissent à jamais les ^aductions de la Bible les plus anciennes en langue slave, Cette langue qu’il vénérait! En plus de l'incurie qui n’était probablement pas âl-tSsi généralisée que semblait l’indiquer le voyageur an-9^ais, un autre danger bien plus grave et plus imminent n'enaçait les bibliothèques du Mont Athos: en effet, la 9ùerrtd’indépendance qui sévit en Grèce et que Kopitar soutient de tout son coeur, risque d'itre fatale à ces fra-9iles monuments du passé. En 1821 déjà, les combats fai-Sâient rage dans la région et quelques monastères avaient ^ endommagés. En 1822, deux faits qui peuvent avoir favorisé les desseins du slaviste se produisirent: le succès du mouvement national grec et la nomination le 30 juillet 1822 de R* K. Ottenfels-Gschwind comme "unternonce" à Constantinople *■4). Ayant fait le voyage de Paris avec lui, Kopitar connaît ses capacités de négociateur et espère obtenir les documents désirés par voie diplomatique. Mais pour qui cette acquisition doit-elle être faite? Car Kopitar n'est qu'un efitpioyé de la Hofbibliothek, rien de plus. Là aussi, il Mettra en oeuvre ses relations et n'hésitera pas à chercher l’appui au plus haut niveau. Il s'adresse au directeur de la bibliothèque privée de l’Empereur, Thomas Peter Jung, qui cherche à enrichir l'institution dont il a la charge. -François I est lui-même quelque peu bibliophile. Dans sa lettre à l'Empereur, Jung explique que Kopitar lui avait Parlé de ces richesses et présente leur acquisition comme avantageuse pour l’Autriche qui devancerait ainsi la Russie qui croit tenir la haute main sur tout ce qui est Orthodoxe. "Les efforts des slavistes autrichiens ne peuvent Ras être précisément agréables aux Russes", écrit-il <5). Jun9 propose l'achat des manuscrits non pour la bibliothèque Privée, mais pour la Hofbibliothek. On devine facilement le discours persuasif de Kopitar derrière le langage poli du bibliothécaire de l’Empereur. Metternich, mis au courant par François I, écrit à Ottenfels à Constantinople: "L’ac- l. Ruisition des Codex illyriens semble en effet, d'après mon humble opinion, très souhaitable" <6>. Plusieurs lettres s°nt échangées entre Kopitar, Jung, Ottenfels, Metternich à Ce sujet. Kopitar ne cesse de souligner LES INTERETS AUTRICHIENS dans l'affaire: la Hofbibliothek pourra ainsi Rivaliser avec les bibliothèques de Paris, de Rome, de Lon-c*res, particulièrement riches en manuscrits orientaux. Jung s°uligne à plusieurs reprises que seul Kopitar est capable c*e mener l'entreprise à bien. Von Gentz et Pilat, alors r^dacteur en chef du Qsterreichischer Beobachter. sont mis aiJ courant et apportent leur appui. En décembre 1826, douze Manuscrits que le nonce autrichien avait réussi à se procu-rer arrivent à Vienne <7). C'est un premier résultat encou-'’Ageant et Kopitar est appelé à en donner une première appréciation à Metternich. Il écrit alors son Mémoire de bi-fe-LLpthécaire à propos des 12 manuscrits vieux slaves du Mont ^feJjC'S (8>. Kopitar s'y montre clairement comme un patriote Autrichien. Pour Hafner ( 9 '), ce texte exprime, avec les -lântaisies. les principales idées politiques du slavis-Te* Pour E. Winter, c'est un document fondamental de l'aus-T^Pslavisme (10). Selon Kopitar, cette acquisition est pour D’Autriche d'une valeur "patriotique, car Cyrill et Méthode commencèrent d'abord sur le sol autrichien, en Pannonie, et D’Autriche, avec la seule exception des Sorabes, compte en s°n sein, encore aujourd'hui, plus de 12 millions de Slaves c*e toutes les branches, cependant que la Russie, bien qu'en comptant un plus grand nombre, ne possède que deux Pranches"(^j.On peut dire que Kopitar utilise dans ce mémoire tous les arguments possibles pour persuader le destinataire cle donner une suite favorable à cette affaire. Il rappelle C|ue les textes ne servent plus depuis longtemps aux moines définit les modalités pratiques et le coût de opération. C'est lui-même qui doit aller les chercher, non comme bibliothécaire, mais en tant que slaviste rassemblant des matériaux pour un DICTIONNAIRE SLAVE. Il voyagerait par ^Italie pour faire des recherches dans les bibliothèques de Bologne et de Rome, particulièrement riches en textes --laves. Mime si on peut y voir la preuve d'une certaine Propension pour l'intrigue qu'on attribue à Kopitar, il faut Salement noter que c'est la première fois qu'il essaye de Se donner officiellement la profession qui est véritablement sienne. Le plan est présenté à l’Empereuri qui ne donne Aucune suite. Kopitar s'inquiète, mais ne perd pas espoir: *1 note dans son Brief.journal le 13 décembre 1827: "la représenter à un meilleur moment" <12>. Von Gentz le c°nsole. Kopitar a beau presser son cher Moritz von Die-trichstein, lui disant que les Russes avaient envoyé Venelin Pans les parages du Mont Athos. Il est bien renseigné. Les a9ents russes reçoivent de l'argent pour acheter les manus- Crits mais, corrompus comme ils sont, ils le gardent pour eux. "C’est tant mieux pour nous" (13). Mais en février 1829 Jung meurt et Kopitar perd le plus précieux des intermédiaires. Aucune suite ne sera donnée à cette affaire ^es manuscrits du Mont Athos, officiellement parce que trop coûteuse, mais on peut supposer que l’Autriche ne voulait tout simplement pas empiéter sur un domaine qui mettait en Question les intérêts des Russes orthodoxes. Malgré l’intervention de hautes personnalités de l’Empire comme Met-ternich, Gent?, Pilat, etc..., le plan de Kopitar échoue. On Peut pourtant remarquer que le slaviste viennois avait tntuitivement prévu la richesse des monuments écrits de ce centre religieux: en 1844, le russe Victor Grigorovic y trouvera le Codex Marianus et en 1860 les moines offriront tsar le Codex Zoaraphensis. deux des textes les plus âr|ciens écrits en vieux slave (14). Not es:Les Hs.du Mont Athos 9rier. . * Der Monte Santo BP- ChM °e^r ;schen ab i C h r i 51 e n gilt für die Hauptuniversitat für Théologie"."Geogr aphie der von P en"» publié dans Ar chiv de Hormeyr,1811 ,KS,p.76 R • 1 po l e : Mémoirs r e latim to Européen and Asi ati ç •'London 1817 were shown 1L h o i, +. We' e thrown together in the greatest c onf us i on , most 1 y «âr ' -Leginning or bid-p.202 i nto e t h e end,damaged a room where these old tattered fusion,mostly by mi ce,and mouldy with • Naf ner : " B . Kop i tar und die slawischen Handschr i f ten der , Südost Forscliungen . 1 957,18,1 , p . 89- i 22 °Skl°ster S] 5 ) " T5 ♦ uer^ Rus se n k an n d i e Berridhungen der osterrei chischen n sl end nicht angenehm seyn".ibid.p.92 6)lbid.p,95 ^bid.p.iOh.Hafner donne la liste des textes. ^ * b 1 i o thek ar i sc her Bericht bei Gelegenheit. der f, °Uve schen Mss vom Berge Athos". Le manuscrit de Kopitar Nat i na 1 b i b 1 i o theK de Vienne. Il fut publié (§ELUi II .p. 171 )et repris par Hafner dans son article. 12 se par 9) 3•Hafner rop.cit. ,n.1 17 Ustr0s ^ J L'. D j n ter a uj j 'E i ne gr und1egende Dr Kunde smus " , Ze itschrift f u>~ Slawj s t ih, 1 958,111 , p . 1 07- l 2h Sf I Î ) M jr ‘'l . 'ur Qsterreich ein vater 1 and i sches ist,da es ruer st Ç ‘h 1»! I auf hi , En 1803,le comte Aretino trouva au monastère de ^reising, près de Munich, une pile de très anciens manus-Crits latins dont une partie, bien qu'écrite avec le mime Pphabet, n’était pas en latin. On découvrit après quelque temps qu’il s’agissait d'une langue slave et on en avertit Dobrovsky. Celui-ci en parla à Kopitar. "Près de Freisingen, '-'n trouva un manuscrit dans lequel il y avait quelques frag-ments liturgiques en dialecte i 11yro-carantanien . L’expéditeur de la notice place le manuscrit au lOème siècle. Si n°us le plaçons, au lieu du lOème siècle,seulement au 14ème, *es Vindes possèdent donc des manuscrits écrits en leur lan-9Ue déjà avant Trubar. Comment Trubar aurait-il pu savoir ^'-''avant lui personne n’avait écrit de prière en cette lan-Quey (2). Dobrovsky explique que les évêques se faisaient écrire des sermons entiers en lettres latines pour les réci- aux Slaves quand eux-mêmes ne les comprenaient pas (3). *,',-'Pitar en avertit Vodnik et Zois, en précisant que la lan-9'->e des textes découverts est probablement le Carnolien <^)* Dans sa lettre du 25 septembre 1812, Dobrovsky copie en er>tier le texte le plus important pour son ami viennois, désormais, et pendant plus de quinze ans, ces fragments dépendront l’un des sujets habituels des échanges épistolai-res entre Kopitar et Dobrovsky. Presque chaque mot, chaque Phrase sont étudiés, discutés, comparés. Là, comme dans d'autres domaines de la philologie slave, les deux hommes travaillent en commun. Kopitar, que Son ami pragois presse d'éditer ces textes, lui demande mime "Pourquoi pas votre propre édition?" <4). De nombreuses questions restent en suspens. En 1814, Kopitar annonce tout be même la publication des textes dans WALZ <6>. "A la Bibliothèque Centrale de Munich se trouve un manuscrit du cou-vent de Freisingen datant du lOème siècle, qui comprend un modèle de confession en langue slave de 34 lignes, une pro-*ession de foi de 74 demi-lignes et une homélie de 113 demi-•'■içines. Sans doute, ce sont des missionnaires de Freisingen qui s'étaient servi de ces modèles en Carniole et en Carin-thie. Kopitar, le scriptor de la Bibliohtèque Impériale de tienne, lui-même un Carantanien, a pu, par l'intermédiaire bu baron Humboldt en obtenir un fac-similé et publiera ce H'ûnument, le plus ancien en langue slave, avec un commentai-re linguistique et historique" <7) Il a d'abord l'intention de publier le texte dans Ce même journal avec une traduction latine et préparer à Part un commentaire linguistique exhaustif, accompagné d'un 9l°ssaire. Il attend et hésite. Dobrovsky l'encourage autant qu'il peut: "Vous devriez travailler sur votre carantanien âvec plus d'application" (8>. Les atermoiements et les dou-tes de Kopitar profitent aux slavistes russes Koppen et Vos-tokov, qui avaient eu connaissance du précieux document par slaviste viennois 1ui-même. En effet, Koppen, lors de son s^jour à Vienne entre 1B21 et 1824, avait beaucoup entendu parler de ces textes. En quittant Vienne, il se rend à Mu-dich où il passe deux semaines à la Bibliothèque et fait une copie des textes (9). Jagic explique toute l'affaire de son ^c,n habituellement hostile à son compatriote Slovène: "Kopi- a manqué le coche, et pris du retard. Vostokov l'a de-vûncé de manière si heureuse qu'il était lui-mime obligé de donner un écho plein de louanges de l'édition" (ICO. En ef-Koppen, sentant ses connaissances philologiques insuffisantes s' adressa à son ami Vostokov qui publia les textes ^ans son Recueil des monuments slaves se trouvant en dehors —la Russie (11). La transcription en cyrillique et la tra-^'-»ction en latin y sont accompagnées d'un commentaire ex-^austif: L'explication grammaticale des trois articles du !üânuscrit de FreisinaartS (12). Le biographe de Koppen pense clUe ce travail, l'ornement du recueil, représente un "apport des plus précieux à la littérature slave commune" (13). Kôp-Pen écrit à ce propos à Vostokov: "Il faut que les savants contempora ins, avec tous ceux qui aimeront la littérature slave dans le futur vénèrent vos connaissances linguistiques. Les savants de l'étranger n'ont pas encore lu de tra-Va,ax des Russes de cet ordre: écoutons ce qu'ils vont en dire" (14). En homme loyal, Kopitar s'incline et loue le travail de son collègue russe. Il finira par publier les textes de Freising dans s°n Glaaolite Clozianus, mais seulement avec quelques notes et sans commentaire exhaustif. Il se contentera d'y rendre Un hommage sans équivoque aux slavistes russes: "Les Russes, autrefois les derniers arrivés, sont maintenant en ttte" <15). □n peut à juste titre se demander pourquoi Kopitar tarde tant. Il nous semble que les raisons de ce retard, de Ces hésitations sont multiples. Elles proviennent d'une part des problèmes purement linguistiques: notre slaviste est Plutôt maniaque en ce qui concerne l’exactitude des faits avancésj et comme il reste un grand nombre de phénomènes ^n9uistiques non expliqués, il préfère attendre. Dn fait P année en année de nouvelle découvertes. Cet aspect appa-rait clairement dans sa correspondance avec Dobrovskÿ. Ceci ne signifie pas que Kopitar ne cherchait pas à avoir la pri-fTlauté de cette publication. Pour s’en convaincre, il suffit 6 lire quelques phrases de sa lettre adressée à J.G. Kra-binger < 1784 --1860) , conservateur de la bibliothèque de Mu-nich et slaviste à ses heures. "Je publierai et commenterai '*'es slavicis de Freisingen (cf nos Jahrbücher XXII, p. 102) devancerai certainement les Russes Koppen et Vostokov à bon droit" (16). Encore en 1826, alors qu’il connaît déjà d’état très avancé de l’édition russe, il écrit à Dobrovskÿ: 'Je dois et je veux enfin éditer les fragments de Munich » Ce'-ix que les Russes avaient assez mal lithographiés mais non ®*Pliqués" (17). Cette remarque tempère un peu l'enthousiasme public de Kopitar en ce qui concerne cette publication d'un docu-ment Slovène faite par les Russes. Faut-il y voir une preuve de la duplicité du slaviste viennois? Il nous semble que ce n'est que le reflet d'un comportement humain bien compréhen-sible: Kopitar ressent du dépit d'avoir été ainsi dépossédé Par celui même qu'il avait aidé à connaître l'importance de ces textes (Koppen) et d'autre part il reconnaît le savoir les capacités de ses collègues russes. Il nous faut souligner que le rôle que Kopitar .joua dans le recueil de Koppen et Vostokov est peut-être fort important, bien que complètement passé sous silence. En ef-Koppen écrivit à Pertz en 1815: "Le premier cahier des Ü£l£Lüments slaves de l'étranger ne devrait pas paraître avant nouvel an. Il me manque encore un bon nombre de notes que J’attends de Viennevpî(.l a part de Kopitar qui a aussi pris en charge le fac-similé encore nécessaire. Kopitar est un archi ^ainéant quand il s'agit d'écrire à ses amis" (18). Il est certain que ce n'est guère la paresse qui est ici en cause, car Kopitar fut tout au long de sa vie un bourreau de travail. Mais, lorsqu'on sait qu'en plus de son ^ravail officiel il aidait pendant cette même époque Do-b r o v s k y à composer sa Institutiones. qu’il écrivait régulièrement des articles très documentés dans divers journaux vi©nnois, qu'il aidait Vuk à préparer ses oeuvres maîtres-Ses> on peut difficilement l'accuser de paresse ou même de ï ccf bt Scrd n*f nrZe profil -crvucki^rmutr fm fbvroRi nepnym \xo\& nild/Zlo -vue£W fWn lpetÆalito. do neimot^i J.b^r du(Zc77UT*r IpA^ltpt tp la, yomcncm /Ze ebu 'Zrno uuebbfi ru TcÇcmflc bervomu tfl flanan 'Zicb mij^cth det Ç/efumr deLt {crcty ntnA' Efecrebu Tnoyxm bpm^L Ocirvticcim ffr txtua £{cn*Æbat ffepuki ugongemyr ffbprm Cf>oi fc* IV> nrp^Zem ffener ruuiut2tr rvSlcc Ttf» del mxT/Z^r\^ -ppcd Vofirn^- oZunx mo ferc P^°mu ^inA w den i^tni efcbcfc pfiuü*" /^ou uCD ’o •st i K§ 8)' en erha1ten Nundart mit Schen Commentât* 'P >190 Auf hat.wird die àltesten Denk ma 1er dieser einem historischen und her ausgeben" . UIALZ 1 81 n , Intel l_i genzb 1 a t_t den Carantanicus werden 5ie fleissig ^ a y i c : Br i ef wechse 1 , p . 3 1 û . Do b r o vs k v à k o p.. 13/'1/1812 vtr !!'>h : LtiorpaOirt. Il*' 10) 11 ) Sr “M; WÇiTOpilU r , 1 F'Z? ÇjU, ' BC>m bJIlB 1?) okor; : Cohpanno 1827, cnoitencKHX naM)"Ich wi 1 1 die Freisinqer Slavica herausgeben und y, 'mer»t ieren ( cf . Unser e Jahrbûcher xVII,s.1 Oc)und zwar dem Russen *')Den mit Recht zuvorkommen" . Va smer ;Bausteine,p .77 ^ussen hàben 13>"ich iduss und will endlich die Münchne* Fragmente die schlecht genug lithograph ier t ,aber nicht erKlàrt . ed i r en 1' Jagic: 5r i efwechse 1 . p . 563 , 1 R / 1 1 / 1 836 d i e burft 18' "Das Notjî' ?lch* Bqc, *" ’ d le Ich e^0l'9ung üer âni-,-, Jf3ulenzer ü®legt".Vasrner ers te Heft der Slawischen Denkmalar des Auslandes vor Neujahr erscheinea.Noch fehlt mir sa manche von Wien aus durch Kopitar erwarte,der auch die noch nbthigen Fac-Similé übernommen hat.Kopitar ist was das Schreiben an seine Freunde op.cit..p.146.kbppen a Pe- tz,6/8/1825 11 18 > A.Vai1iant "u'i scandale" a u r 3it bien dit q u e e>; i st ence s 1 ovène ^si, cO)Qn trouvai a une étude très r'9 dans 1 'ouvrage commun bu.« Mu ne hen 1768. complète sur les Monuments de Fr ei singe-' DenF ma i e> -Br ; z insl i CHap.iu ^•9olita Clozianus (4) Plus Vers les années 30, Kopitar, qui a derrière lui de 25 ans d’études slaves, est devenu ce monstrum Scientiarium dont parle Jakob Grimm. Pour beaucoup, il oc-Cl-'Pe la place laissée vide par Dobrovsky, mort au début de 1» V dans année 1829, place que la jeune génération tchèque, avec arik et Hanka, va lui disputer iiprement. Les relations er|tre Vienne et Prague deviennent de plus en plus tendues, ^is ie slaviste viennois est tout de même respecté et ad-fîiir k par de grands savants qui apprécient son érudition le domaine linguistique et qui connaissent également contribution à la gloire des chants nationaux serbes. C’est pendant ces années-là qu’il va préparer l’é-°n de son oeuvre maîtresse en ce qui concerne la ^ILOLOGIE. Cette oeuvre sera saluée avec unanimité, à l’F<=+. '"'T' comme à l’Ouest, comme le modèle de l’édition criti- C*"'e d’un monument linguistique slave. Cette édition ouvrira de _ nouvelles perspectives aux études slaves. Le premier GLAGOL. ITIQUE est ainsi présenté de façon magistrale 1^ y Savants et tfshilologues. Pour la première fois, l’atten- ti C'n des chercheurs est attirée sur l’importance des mon u • 'Hent 5 glagolitiques et sur cet alphabet que l’on avait ten- r'Ce à ne quère prendre au sérieux, le considérant, dans Meilleur des cas, comme une déformation du cyrillique. Pourtant, la découverte de ce texte est due au 'ssard. Le slaviste explique lui-meme les diverses péripé-*';Les de cette découverte: son collègue (donc bibliothécai-61 ^ r e x 1 e r avait apporté à la Hofbibliothek une série de e'Ji 11 es de cadastre du Tyrol et propose de les ^ b p, are> L. "affaire concernait en premier lieu Kopitar, puis-était directeur du département des manuscrits. Avant e Procéder à 1"achat, il en avertit le président du tribu-du Tyrol, le comte Di Pauli. Celui-ci fut heureux de ^-"-'voir acheter les précieuses feuilles de parchemin pour a bibliothèque de Droit du Tyrol. Pour exprimer sa recon-a^ssance au bibliothécaire viennois, Di Pauli lui révèle e/istence de quelques feuillets couverts d'écriture slave qui 5e trouvent chez le comte Paris Cloz et que des "sa- s italiens" qui les avaient vus. .jugeaient fort anciens, hiy, ! ar,t même du Gème siècle. Kopitar réussit à persuader le '‘P^iétaire de ces feuilles de les lui envoyer pour quel- C*Je temps à Vienne, afin qu'il put les examiner et en faire IJPe r - ■ l-'-'pie le cas échéant. Connaissant un grand nombre de r"-'Scrits glagol itiques depuis l’époque où il travaillait che> 7 *" ^-ois, il comprit rapidement qu'il avait en sa posses-'*i°n MONUMENT 6LAG0LITIQUE LE PLUS ANCIEN découvert jus-C,J «lors, il ne peut cacher sa joie (2). I 1 en avertit Vos-C^''-'v en lui disant que l’on vient de trouver "un texte 91a 9c'l i tiqUe qui a tout l’air d’être notre Ostromir" 3 ) T . ’ 11 lui demande son aide, car il voudrait éclaircir les Sl-"-"'ces du glagolitisme. Dans sa lettre, il copie en alpha-b©4- cyrillique un fragment du texte en question et demande 5l-'n ami russe de lui envoyer la traduction du mime texte qu'il pourrait avoir en sa possession. Vostokov ne peut lui endre ce service, car il ne possède pas de textes semblables » mais demande à Dobrovski à Vil nus de faire copier une Parti in pll-ts e du S u p r a s1ie nsis et d'envoyer ces copies à Vienne, P'-ie Kopitar puisse comparer les deux textes. "Il est qu’important pour notre disciple vieux-slave de compa- Ae Code x G?j. pral iensis avec mon glagol i tique, qui lui essemble beaucoup (4). Vostokov se réjouit avec Kopitar: "Je , vous félicite, mon honorable collaborateur dans les F £ £ L 'erches des antiquités Slovènes, pour votre précieuse ^Couverte. J'attends avec la plus vive curiosité la paru- ^ i o p\ _j De votre Ostromir glagolitique qui, comme je l’espère, n o u c~ Expliquera bien des choses en ce qui concerne les an-Puités Slovènes et q,Jant Cy*'il lique v(5) _ Un échange savant s'instaure à propos de ce texte Kopitar, Vostokov, Dobrovski et Hanka. En 1834, le ^Vaii es^. pr§t à être imprimé CG). Nous voyons ainsi que doutes, les retards et les atermoiements dont le sla- sur tout complétera nos connaissances aux écrits glagolitiques et leur relation avec le les vist e ^it preuve dans l’édition des feuilles de Freising ne Peu v&nt lui être imputés dans cas G1a golita Si l'on considère cette édition de près, on remar- C'"te Pu* elle est loin d'être une simple édition d'un texte âricien. Jagic critique d'ailleurs l'auteur pour son plan Dim m manque d'unité <71. Il est vrai que le texte est accom-^a9né de? toute une série d'autres textes et de notes qui ne E c°ncernent pas directement. Pourtant, l'oeuvre est soi-9r'euSement divisée en trois parties: * ’ Pfolegomena (p. I à LXXII) 't-> Opus ipsum (c'est-à-dire le texte proprement dit <1-24) 3> Epimetron 1te pas à polémiquer avec Dobrovsky et son oeuvre sur '^ille et Méthode. Il fait le tour des textes ~*a9olitiqyes anciens connus et cite les manuscrits qu'il Vait vus à Paris naire polonais. Glagoli ta Clozianus trouva un écho favorable parmi contemporains. Jagi^f, toujours sarcastique quand il de Kopitar l'explique: "Kopitar sut veiller, les PaUe Sr§ CK? =» son expérience du journalisme, à ce que son édition p^tici;§it d'une publicité très large et méritée, bien sûr" s le Theoloqische Zeitschrift (13), dans le Be1 ehrter ^■Hgeiaer der_Bayr. Academie (14). Ce dernier article, très élogieux, fut écrit par Jakob Grimm qui admettait, en Sl-'ivant les arguments de Kopi tar , J1 a»nt er ior i tp ou au moins ■'■a simultanéité du glagol itique. Chez les Tchèques, c’est y Safarik qui fit connaître l’oeuvre et il y eut jusqu’aux Journaux russes qui la louèrent. Le slaviste tchèque Hanuš Ca'factérise à sa manière la parution du Glagoli ta Clozianus le bruit fait autour de ce livre.'Le plus grand critique de notre siècle, B. Kopitar, réveilla dans les années 1830-183G les autres dormeurs slaves (ainsi que lui-meme) d’un Sommeil trompeur, long d’un demi-siècle car il claironna devant leurs oreilles étonnées à propos de la découverte de?s vieux manuscrits glagolitiques du comte Cloz et à pro-p°s des vérités qui en découlaient. 'La glagolica est an-cienne et noble’, claironnait la trompette de Kopitar dans s°n oeuvre monumentale Glaqolita Clozianus... elle est mime â I ^ Ussi ancienne sinon plus ancienne que la cyrillica.... (,15). L’Académie impériale de Saint-Petersbourg jugea lg ^Ulqo 1 i ta digne d’être récompensée par une médaille d’or (1G) et l’Académie de Prusse accorda à l’auteur l’Ordre P'-'Ur le Mérite. Plus près de nous, alors que Kopitar reste un 9rand slaviste pratiquement inconnu, il arrive tout de même c!u’on lui rende encore hommage. Ainsi, V.I. Freidzon parle de Kopitar comme fondateur de la slavistique moderne griice ** son Glagolita Clozianus: "la première publication scien- tifique d’un grand monument glagolitique" (17). S. Hafner C'°nsidère que "cette édition marquera le début d’une dis-c,->ssion en partie violente déjà par le caractère des textes c|"'Oisis, discussion à propos des questions fondamentales de a naissance de la culture vieux-slave (18). Le texte fut ''éédi.té depuis (19) et l'on peut dire qu’il fait partie, aVec Ostromir. C ode x Marianus et le Zoqraphensis des clas-£iques de la philologie slave. Il aurait été peut-être rai-s°nnable de suivre l’idée de Grivec qui proposa de changer l'appellation de ce monument et de le nommer désormais non hj p «près son propriétaire mais O ^'celui qui le fit connaître C*e façon si éclatante: Glagol ita Kopi tar ianus (20). No t esrGlagolita Clozianus * glagol j ta C 1 o z i anus j esjt cod i c i jntiauissiffii .111 .comiti P a i __ i d i domino dedicavit ,Bar tho1omaeus K o p jtar,Vindobonae glagolitici inter suos Cio,- T r i dont i no , f e lici 1836 lâci ^} "Quibus tum ego laetitius i nc edabam, c um videnem *ticum". a rHH:Hctoph3,p.21 O HayHHas } "nePEa51 Ka"MeTojLi. n .75 ny6jiHnauns r.iaro.uHTHHecKoro ^ ^ * Diese Edition war der Begino einer «schon durch die Art ei 1 h t e 1 1 ung des dargebotenen Tex trna ter i a 1 s ausge1osten,zu t i 9 gefuhrten slawischen Diskussion über die Grundfragen turEntstehung der kirchens1awischen ‘^■Hafner :Geschich teper osterreichischen SIawistik Vondrak :GIaqol i ta CI o z i anus , Pr aha 1893 ’2v,g. Gr ivec : "Clozov-Kopi tar jev G I a g o 1 i t Ra z p r a ve ’Liub1 Jana 1943 3 4B CHAP.V bësychii et d*autres textes Environ quatre ans après le grand texte glagoliti-CIUB* le slaviste viennois fait paraître une autre publication consacrée elle aussi principalement au vieux slave etô Ses monuments écrits. Le titre lui-même en est significatif, Car il semble relier le présent, c'est-à-dire la Renaissance s^ve( à la Renaissance européenne tout court: Hesychii alos-§£ü3raDhi dis ci pu lus Cl). La partie centrale est consacrée au>; manuscrits slaves qui avaient été apportés du Mont Athos ®t qui datent pour la plupart du 13ème siècle. Mais, comme Pour le Glagolita Clozianus. l'auteur ne s'arrête pas là. On Pourrait appeler tous les additifs successifs qui complètent d'une manière curieuse l'ouvrage: "Les dernières nou- illes du domaine de la slavistique". Il est vrai que les temples et les variantes permettent d'expliquer le texte •3rincipal. Mais l'ensemble donne tout de même l'impression ^Ue l’auteur éprouve le besoin de partager au plus vite ses c*e>'nières découvertes, de rendre compte de ses travaux et ^cherches qu'il mène d’ailleurs avec d'autres slavistes, comme on peut le remarquer en parcourant la correspondance cie ces hommes. Ainsi Kopitar consacre un texte assez important au Codex Assemani C2) et un autre au Psautier de Bolo-(3) qu’il avait eu l'occasion d'étudier lors de son v°yage en Italie en 1837. Il est le premier à signaler un MELANGE D’ECRITURE CYRILLIQUE et GLAGOL I TIQUE qui caractérise ce texte et qui est pour lui du plus haut intérêt, car il Penche de plus en plus pour l’hypothèse d^l,antériorité du glagolitique, hypothèse que rejette Safarik. Avec les sla-vistes polonais et russes, il avait étudié le Psautier de Saint-Florian et il rend compte de ces études (4). La redécouverte du Texte du Sacre et les préparatifs de l’édition du fameux monument sont évoqués également <5). Cette partie centrale de son ouvrage, même si elle banque d’unité, est malgré tout consacrée à la philologie et donc justifiable d’une certaine manière. Mais plus loin, kopitar fait le compte-rendu très critique de 1’Histoire sjlave publiée par le Polonais W.A. Macejowski (6). L’ historien avait essayé de démontrer que tous les Slaves furent ckristianisés à partir de l’Orient et que le rite grec fut Pour eux par conséquent naturel et historiquement justifié. On imagine mal le bouillant Kopitar rester insensible devant de telles affirmations. Mais, comme le dit très justement Jagic <7), la violente critique de Kopitar servit Plutôt à faire connaître l’ouvrage de l’historien polonais, ^ le faire apprécier par les partisans de l’orthodoxie sla-Ve, surtout chez les Russes et les Tchèques russophiles comme Hanka. La partie de l’histoire consacrée à ce problème t,Jt rapidement traduite en russe <8.> . A la fin du même ouvrage, Kopitar aborde des questions d’actualité qui le touchent de très près, puisqu’il s’agit d'une part de L. Gaj et de l'illyrjsme et de V. Hanka d' autre part et de son adoration pour tout ce qui est i"usse. Défenseur farouche des langues parlées par les Peuples, si petits soient -i 1$ le slaviste s'insurge de toute *a force de ses sarcasmes contre une langue commune artificielle, que certains voudraient préparer pour les Slaves du Sud (9). Les deux post-scriptum qui terminent le Üë-Ly c h i i permettent à Kopitar de régler ses comptes avec les hyperpatriotes" de Prague, surtout avec V. Hanka, appelé dans ce texte Pantilius cimex. Ainsi, une publication d’ordre philologique fait ressortir les problèmes fondamen-taux et les antagonismes profonds qui divisent aussi bien *es Slaves que les slavistes au 19ème siècle. Dans le domaine de la philologie slave, Kopitar n'est l’auteur officiel que de trois publications: Glagolita Sj-SJg ianus. Hecvchii dis ci pu lus et de l'Evanaéliaire de Bgims, si nous excluons les petits textes publiés dans les itutionés sous la dénomination Codex Coislianus. Mais joua un rôle considérable dans la recherche, l’étude et ^a PUBLICATION D’AUTRES TEXTES de première importance, ^digés en vieux slave ou en divers slavons. Là comme leurs, le slaviste viennois aide, encourage, dresse les P^ôns pour les autres plus qu'il n’agit lui-mime. Il est de,-'X manuscrits surtout qui passionnent notre slaviste tout ai-1 long de sa carrière, qu’il copie et étudie, dont il discute les détails avec ses amis, dont il prépare l’édition avec acharnement et hésitation à la fois et qui ne verront le jour qu’après sa mort, publiés par ses disciples: ce sont le Codex Assemani et le Suprasl iensis. Tous les slavistes de sa génération connaissaient ■fort bien le Codex Assemani. Dans la première moitié du 18ème siècle, le Vatican cherche à rassembler les textes bibliques dans ses bibliothèques. Il envoie des émissaires en Grèce et au Moyen-Orient. Parmi eux, se trouvait le Maro-nite syrien I . S. Assemani ( 1687-1768) . Il parcourut le Proche-Orient chrétien et trouva en 1738, à Jérusalem, une traduction de l’Evangile traduite en langue slave. I1 en donne une description assez détaillée dans l’un de ses principaux ouvrages (10), dont le quatrième tome est entièrement consa-Cré aux textes slaves. Durÿch, Schlôzer et Dobrovsky con-n=*issaient donc bien l’existence de ce texte et envisageaient même de se rendre à Rome pour en entreprendre l’étude parmi d’autres richesses dont s’enorgueillissait la Bibliothèque vati cane. Dans la correspondance entre Kopitar et uobrovskÿ, il en est souvent question. C’est encore Kopitar ctui attire l’attention de Vostokov sur ce texte en lui écri-uant: "Savez-vous que la Bibliothèque vaticane possède également une sorte d’üstromir glagolitique?" (11). Plus tard, lorsque M. Bobrovski entreprend son tour slave, Kopitar lui conseille d’aller également à Rome, où il doit impérative-ment étudier ce texte (12). Dans ce but, il lui donne des Indications philologiques précises. Au moment où il envisage d'aller s'enquérir des manuscrits du Mont Athos, il prévoit de passer par Rome pour voir lui-mime le précieux document. Il ne pourra satisfaire sa curiosité qu'en 1837, lc,rs de son premier séjour romain. Mais après la publication de son Glagolita Clozianus.il est sans doute plus à même d'aborder cet autre grand texte glagolitique, trouvé si loin du premier. Il copie soigneusement le texte entier et demande même à son nouvel ami, le paléographe français J*B. Silvestre, au Vatican lui aussi, de copier une page sPéciale, faite selon les règles de l'art paléographique (13.>. Maintes fois, il évoque ce manuscrit et envisage de le Publier dans son intégralité. 40 Le Manuscrit Supras 1 iensis. l’uqjfplus anciens textes cyri11iques( est lui aussi l'objet de discussion, de traduction et d'étude de nombreux slavistes. Il fut trouvé au mo-dastère de Suprasl, près de Bialystok. Il fut d'abord étudié d*r M. Dobrovski (1785-1848). Ce slaviste polonais (14), Prêtre uniate et professeur à l'Université de Vilnius, con-daissait bien Kopitar pour avoir travaillé avec lui à Vienne (entre 1817 et 1819), dans le but d'étudier aussi bien les langues orientales que slaves. Dobrovski prévient Vostokov de cette nouvelle découverte et celui-ci en parle dans les Llëuilles bibliographiques (15). Parallèlement, Vostokov en Avertit Kopitar, qui lui demande denfaire faire une fidèle Copie (16). Lorsque le slaviste viennois reçoit la copie, il remercie son ami russe qui répète le remerciement textuelle- ffient dans sa lettre à Dobrovski: "Il est très important pour notre spécialité vieux-slave de comparer le Codex êiLPrasl iensis avec mon Glagol ita, car il lui ressemble Vraiment beaucoup" (17). La publication du texte est d’abord envisagée par Rumjancev, qui meurt avant de pouvoir mener ''entreprise à terme. Après les troubles estudiantins en 1824, Dobrovski paraît d’ailleurs suspect, suspicion qui ne fera qu’augmenter à partir de 1831. L’un des slavistes les Plus érudits, l’un de ceux qui connaissent le mieux l’ensemble du monde slave, éprouve de plus en plus de difficultés à poursuivre son oeuvre. Les études orientales clies Silvestre de Sacy ne sont pas faites pour inspirer c°nfiance à ses supérieurs et les encouragements de Lelevel encore moins. Peu à peu, Dobrovski se détourne de la slavistique. Le Manuscrit Supraslien5isj qu’il avait projeté de publier lui-même.est enfin envoyé chez Kopitar à Vienne, en deux parties. Celui-ci copie la deuxième partie et ^envoie l’original qui se trouve aujourd’hui à Saint-Pétersbourg. Mais la première partie du manuscrit (120 failles) reste à Vienne pour des raisons inconnues. Un moment après la mort de Kopitar, on le croira perdu et Miklošič fera la première édition de ce texte d’après les nC‘tes de Kopitar (18). En fait, le texte original se Pouvait parmi les papiers de Kopitar qui furent transportés ^ la bibliothèque du Lycée de Ljubljana après la mort du slaviste. Il s’y trouve toujours. D’autres éditions de ce Manuscrit suivirent celle de Miklošič <14 I. Sreznevski, S- Severjanov) et pratiquement tous les grands philologues slaves l'ont étudié par la suite (Jagic, Leskiep, Vondràk, ^ortunatov, Vasmer, Trubeckoj). F. Miklošič rend hommage à s°n maître dans la préface et dédie l'oeuvre à "Manibus kopitar.14 discipuli animus". Nombreux sont encore les textes slaves que Kopitar ®vait acquis et étudié^ durant sa vie. Ses connaissances, d°nt la profondeur et l'étendue en faisaient le meilleur Philologue slave après Dobrovsky, lui permettaient de se Prononcer rapidement sur la valeur de tel ou tel texte qu'on ^IJi apportait à la Hof bibl iothek ou dont on lui révélait existence. Durant toute sa vie, il encouragea ses amis et collègues à collectionner les textes. Ainsi, il demande à k'uk de se rendre à Krk spécialement dans ce but (19). acquit beaucoup de manuscrits pour la Hofbibliothek, mais IJn très grand nombre d'entre eux restèrent également dans sa collection privée. Elle fut achetée après la mort du slavis-^e» aux frais de l'Empereur, pour la Bibliothèque du Lycée de Ljubljana qui constitue actuellement le fond de la Bibliothèque Universitaire de la capitale Slovène (20). Lors-P’-ie Sreznevski, et plus tard Lamanski visitent cette collec-ti.cn, ils sont extrêmement étonnés par sa richesse. Parmi Plusieurs manuscrits bulgares, Lamanski trouva le ■5âîÜf*skin. Un grand nombre de manuscrits provenant du monas-de Sisatovac lui furent procurés par Vuk et Musicki. D'autre part, le matériel considérable rassemblé Par Kopitar fut utilisé par Miklošič dans ses principales oeuvres consacrées à la philologie slave. Not es :Hesych i i )bgsych j j glossographi _____ -_____________ diseîpulos russus et çoclice graecorussica omnia çum agQ_endjce eüj.lglogi ç i x max i me ar gumen t j_,Vind o b o na e 1839 5) ibid .,p.39 3) ifaid.p.3B ^ibid.p.eg o) ibid.p.30 et 65 ^ ' ibid.p.56. ii s'agit •7)5» de 1 'oeuvre Pamietki -j-Sm lennictvi i. pi awodawstwie 51 owar.. Petr opo 1 i 1839 ri»M : Hctoph3 : c . 839 8>B.| i.cni 9>H£ w ü ■ MaueëBCKHH : HcTopnq ii&peo6mthoi~i xpHCTHaHCKoft uëpkeh ^ ,(:rlN 1890 ggychji,p.59,60 ^ ' * ■ S . Assemani : h a 1 er.d -ir i a ecc 1 es i ae un i ve ~sae , Roma 1 755 * 1 * 8 » g wissen.dasz auch die Vaticana eine Art °*to£!tisches K 0 V Ostromir hatV. ilpemicKa Boctokobb, p . 889 , Kop . à PâHuet; : rio.TbCKoe c.iaEiHOEejeHiie. c . 879 ’7/5/1831 ) O *3) J l9)c dgiç:Neue B , p . 319 , k'op . à Fes 1,11/66/1837 0neidérp parfois comme russe .Cf . M. F. Eyxa.qoB; MeToju. p . 67 15 ) bâr deux fois,en 1885 et en 1886 s H s, ’- Remick3 BocTQKQEa,p.889,Knp.û Vostokov,9/5/ig3i ist für unser altslavischej Fach^ gar wichtig,den r s fns 1 s Codex mit meinen Glagol i ten zu ver g 1 e i r hen , der ihm e" sbnlicb ist".ibid.p.193,Vostokov à Kop.,10'10/1831 'J|7\âc j ^ ' ^O-Pomerita ^^ClS-Ls, Vindobonae 1851 li-DRitJe pa 1 eosI ovenicae et cgd_i_çe ^giiggjva pi- ep i sk a l,p 9 93 %r. 5o ) i i ■ m inventaire critique en fut fait par V.MosimKopitar jeva ^ » L j u, ^l.g.Vjansk j h rokopisov j_n Z’gisuv cirilski fragment j 2 » Jana 1971 k. ch AP.v i k!_Evangéliaire de Reims La dernière publication d'un texte slave signé par Kopitar est L ' Evanaé 1 iaire de Reims. Ce texte lui avait demandé beaucoup de travail et causé bien des tracas, mais il n’eut pas le plaisir de voir et de toucher le livre, enfin s°rti des ateliers de la maison Didot: il mourut avant que les premiers exemplaires ne parvinssent à Vienne. Il est peu de textes slaves qui firent couler autant d'encre, qui soulevèrent autant de passions, qui mirent ^ jour avec autant de force toutes les divergences, tous les Antagonismes qui divisaient et continuent à diviser les peuples slaves. Il faut dire que tout ce qui entoure ce texte contribue à le rendre 1égendaire, mystérieux, auréolé de 9randeur royale. Déjà le lieu où il fut trouvé, perdu et retrouvé, ne peut laisser indifférent: la cathédrale de ^eims, la place même où se déroulait périodiquement le sacre c*es rois de France. Qui plus est, ce texte entre en quelque s°rte dans ce rite, participe à la cérémonie. C'est bien loin des pays slaves et l'on ne manque pas de poser la question: pourquoi, comment est-il arrivé dans de centre de la royauté française'!' Il est d'autres textes slaves disséminés de Par le monde, à Jérusalem, à Rome, à Oxford, à Paris et •J'-isqu'en Espagne. Mais ils sont dans des bibliothèques et 35e l'on sait en général comment ou pourquoi ils furent apportés. Mais la légende lie le texte de Reims aux Croisades, aux aux mariages princiers, aux cardinaux et papes. On le disait ^Crit de la main même de Saint-Jérôme. La couverture c°ntient des reliques et des pierres précieuses. C'éta'tla curiosité de la ville de Reims et c'est ainsi que le Présenta le géographe allemand Büsching dans sa Géographie QjSMyel le/4).I1 est fort probable que F. K. Al ter, qui est le Premier slaviste à en parler, connaît l'existence de ce mVstérieux texte grâce à cet ouvrage <21. Schlôzer en parle Pans son Nestor. en se référant à Alter: "L'Evangé1iaire slavon sur lequel les rois français prêtaient serment à ^eims au moment de leur couronnement, devait être extrêmement ancien; malheureusement, le cannibalisme l'avait Pétruit au début de la Révolution" <3>. Mais, avant de disparaître sur l'autel de la déesse ^aison, comme le croyait Dobrovsky, il avait déjà été l'ob-Oet d'un certain nombre de tentâtivespûu r percer son mystère. ** fut mentionné pour la première fois en 1669 <4). On l'audit montré au tsar Pierre le Grand, qui aurait reconnu la Partie cyrillique. Toujours est-il que le texte fut examiné Par 1'ambassadeur de Russie le 18 juin 1726. Plus tard, Catherine II en demanda une description détaillée. Après Sch-lazer, les slavistes ne pouvaient que pleurer la perte d'un P°cument aussi célèbre que mystérieux. Ce qui ajoutait au mYthe qui entourait ce texte, c'était le fait qu'il était ^Crit avec deux alphabets différents: le premier, cyrilli- que> fut reconnu rapidement, mais la seconde partie fut tour tour considérée comme écrite avec les lettres iraniennes, indiennes, arméniennes, etc... Pourtant, il existait en France des livres qui auraient pu permettre de l'identifier "facilement. Déjà Guillaume Postel avait donné les deux alphabets slaves (5). L. ' Abecenarium bulgaricum. étudié en 1814 par Kopi-à la Bibliothèque royale, donne un très bon exemple de 1'alphabet glagolitique. D'autre part, l'abbé Pluche, qui avait vu le manuscrit de Reims (6), connaissait cet alphabet PUe nous trouvons également dans l'Encyclopédie française s°us la dénomination d'"alphabet hyéroni inique", comme on * Appelait souvent à cause de la légende qui l'attribuait à Saint-Jérôme. Toujours est-il qu'à part l'abbé Pluche, per-Bonne ne semble avoir reconnu cet alphabet. Mais la Révolution, dans sa fureur, mit fin, du m'-'ins pour un temps, à toutes les interrogations. Les premiers slavistes ne peuvent que déplorer cette perte qui leur Paraît d'autant plus grande que le manuscrit leur paraissait ®tre, selon toute vraisemblance, très ancien. Dobrovsky l'é-v°que par deux fois dans son Slavin (.7) et Kopitar le pleure ^ans son Glagolita. Tout espoir de le retrouver n'est pour-i®nt pas perdu, à preuve cette lettre où Dobrovsky prie l'historien Pertz, qui doit se rendre à Paris, de demander à Sylvestre de Sacy d’en parler dans le Magasin Encyclopédique^ Et l'abbé tchèque ajoute à ce propos que Grimm prend ce manuscrit pour une fable (9). En réalité, le texte fut retrouvé assez rapidement aPrès la Révolution, dépouillé de sa couverture précieuse. Ce que ies slavistes attribuaient à la fureur révolutionnai-re n’était en fait que le vulgaire appât du gain. Mais après Sa découverte, "ce livre d'évangiles pesant 3 marcs 7 onces 4 grains", comme il fut décrit dans l’inventaire (10), resta tranquillement à Reims, cependant que la Slavie entiè-re pleurait sa disparition. Qui l’a retrouvé? Léger pense Pue c’est Louis Paris. Ibrovac est persuadé que c’était Kopitar, alors que Francev suppose que l’heureux découvreur Pouvait être A.I. Turgenev. Contrairement aux apparences, Cette dernière hypothèse paraît vraisemblable, surtout au vu des documents que Léger ne possédait pas et qu’Ibrovac semble ignorer. En effet, le 22 mars 1836, Koppen écrit à Han-^a: "Avec ce courrier, j’envoie à M. von Kopitar la joyeuse nouvelie que l’Evangile de Reims, écrit en cyrillique et 9lagolitique, existe toujours. On s’est engagé à nous en t il est possible de comprendre Kopitar qui revendique la Primauté de cette découverte dans une lettre à Hanka <13>. printemps 1837, Kopitar se rend à Rome et discute déjà de ■*-a publication du texte avec J. B. Silvestre qui y séjournait paiement (14). Il est donc exclu que Kopitar eût eu con-naissance du Texte du Sacre par la Chronique de Champagne P'-'i ne commence à paraître qu’en été 1837. Si Kopitar attribue la découverte à L. Paris, c’est qu’il possède des rai-sons valables pour ce quj pourrait être appelé "un pieux ^nsonge". En effet, la lettre que L. Paris envoie à Kopitar 20 avril 1843 explique assez bien cet imbroglio politico-slavistique et éclaire un peu l’atmosphère qui accompagne la Publication du texte. "Monsieur et très illustre confrèref Notre ami commun, M. Sylvestre., veut bien se charger de vous faire parvenir lf infiniment maigre hommage de ma traduction de Nestor. Ce travail sera une bien faible recommandation près de l'auteur du Glagolita Clozianusi personne n'en connaît mieux que moi l'insuffisance et le peu de valeur. Aussi crois-Je faire acte de profonde modestie et de parfaite abnégation en l'offrant- au. si docte bibliothécaire de Vienne. J'ai été si malheureux avec le sublime empire de S.M. Très Moscovite, que Je vous aurai, Monsieur, une éternelle reconnaissance si dans la préface que vous vous proposez de mettre en tWte du. texte de Reims, vous vouliez bien glisser un mot qui rappelle que c'est à mes heureuses recherches qu'est- due la retrouve du. fameux manuscrit-que M.M. Millan, de Sacy e tutti quanti avaient cru. devoir faire incinérer par les Omars de 93. Je ne veux point vous laisser ignorer. Monsieur, que J'ai été victime en Russie d'une insigne vio-1ence. Il y avait un an que J'y séjournais (de 1828 à 1829), quand un ordre brutal, quoique souverain, m'en fit sortir par les voies les plus promptes et les plus sauvages. Je commençais à peine à épeler le russe que J'étais venu, étudier. (C'est vous dire, ce que d'ailleurs vous ne verrez que de reste, que ma traduction de Nestor est bien plutôt- faite sur le texte allemand que sur l'original dont Je comprenais à peine 1 ' al phabet) Mes réclamationsf les prières de mes amis, les plaintes de notre ambassadeur, tout s'est brisé devant le sic volo du Prince Tatare. J'ai donc renoncé à tout espoir de Justification. Et cependant J'ai la faiblesse de mendier près de vous une réclame en faveur de ma découverte du texte slavon. Je me persuade qu'un mot du savant Kopitar en mémoire du. pauvre proscrit lui pourra servir de premier moyen pour se faire un Jour réhabi1iter.- Il y a d'étranges infirmités dans le coeur humain/ Je profite de cette circonstance pour vous remercier, Monsieur et cher collègue, du Glagolita Gilzianus (sic), et de l'Hesychii Glossographi dont il vous a plu enrichir notre bibliothèque. Ce sont deux fort précieux monumens et qui tout en popularisant votre nom parmi nous ajoutent un grand lustre à notre manuscrit, aujourd'hui si célèbre, grâce à vous, Monsieur. Agréez, Monsieur et très illustre maître, mes sentiments de haute considération avec lesquels Je suis votre très humble et très obé issant- servi teur. Louis Paris" La redécouverte du manuscrit (15) est, pour tous Ceu* qui touchent de près ou de loin à la slavistique, la grande nouvelle de la décennie. A Paris, à Vienne, à Prague, ^ Moscou et ailleurs, les .journaux annoncent la nouvelle. Entre 1840 et 1850, la publication de ce texte tient une Place considérable, tout à fait injustifiée par rapport à sa Valeur philologique ou paléographique, dans la correspondance des slavistes. On est en plein "tournoi slave". Le Premier qui commence à étudier le texte est le latiniste Polonais I.L. Korvin-Jastrembrski, qui est à ce moment en Erance. Mais il déchiffre à peine le texte cyrillique, quant glagolitique, il l'ignore (16). Mais il s'aperçoit qu'il â IJn concurrent. C'est Strcjev, qui vient de Russie et qui, l‘-'i non plus, n'est pas capable de déchiffrer le glagoliti-P'-ie qu’il n'apprend que sur le chemin du retour (17). On Contre ceslettresà Lelevel qui se dit incompétent en la ma-tière; on pense 1rs envoyer à Šafarik ou à Palackÿ. Et pendant Ce temps, "Kopitar ne cesse d'écrire à son ami Silvestre, ^IJ1 rappelant le Texte du Sacré ... Il dit qu'on le demande ^ Prague pour en faire une caricature:'on s'en occupe par- tout; et vous permettez que la Bohème et autres se mêlent à Ce qui vous appartient de droit" (18). Cependant, Silvestre a^ait reçu la permission de prendre le manuscrit et de le copier. C'est une sorte d'exclusivité, ce qui déplaît évidemment aux autres concurrents, c'est-à-dire Jastrembrski, Hanka etc..., et à un moment donné, même à Musicki et au Prince CzartorySki (191. Silvestre fait une copie qui est Envoyée à Nicolas I. Hanka ne reçoit que quelques feuilles ^ Prague, cependant que Jastrembrski cherche en vain un ty-P°graphe adéquat à Paris, "cette Sibérie du monde littéraire slave" (20). Le 21 août 1840, Silvestre demande à Kopitar Llne introduction en ces termes: "Il faudrait que le Docte kopitar, que le Prince des savants slavonistes ajoutât un nouveau fleuron à sa belle couronne qu'il s'est déjà faite, fleuron qui ne sera pas le moins beau, en faisant une dis-Se*"tation sur ce précieux texte" (21). Le 28 septembre, il l'avertit que tous les calques sont finis et lui demande c*’ écrire un Prospectus et de venir à Paris au plus vite... Partez donc aussitôt que vous le pourrez, mon cher Colonel, arrivez chez moi, où ma table et un bon lit vous atten-Pent et 14 bras, grands ou petits, sont ouverts pour vous Recevoir" (22). Kopitar ne viendra pas à Paris, d'abord à Cai-ise de l'hiver rigoureux, des problèmes de santé et sans Ûoute également à cause du voyage à Rome qu'il commence à Préparer. Il envoie sans doute les Prolegomena et la traduc- 3C5 evangelia SLAVICE QUI BUS OLIM CTI SOLEBAT ECCLESIA REME.NSIS VULGO TEXTE DU SACRE AD EXEMPLARIS SIMILITUDE EM DESCRIPSIT ET EDIDIT J. B. SILVESTRE ORDIMS S. GREGORJI MAGM USES E PR.EFECTIS AUORCMQCE ORDI.NCM EQCES. UHJg V B B T1T «0011818 IJI1BPRSI1I10KI UTIV11 « BEtlOU ADJKUT B. KOPITAR ACGCSTISSIMO ACSTRLE IMPERATOR! A BrBUOTHEC.E PALATUli CCSTODIA ORDIMS PRCS6IC1 PROHERITO ET ROMAM S. GREGOR II MA GM EQCES ET COMPTER ICM ACADEMURCM SOCICS. LUTETIÆ PARISIORUM 1843. tion latine le 3 mai 1842 (23). Le texte paraît enfin en 1844 (avec la date de 1843) et est mis en vente seulement à la fin de l’année. L’édition est faite aux frais de NICOLAS I, auquel le livre est d’ailleurs dédié. Mais les trois cents exemplaires prévus pour la Russie ne comportent pas les Proleao-ÜÜLGa., ce qui était souvent considéré comme une censure en-vers Kopitar et ses idées sur l’origine panonnienne du vieux slave. Mais rappelons que 1* Ostromir de Vostokov paraît également sans l'Introduction que le slaviste avait pourtant s°igneusement préparée. On se méfiait en Russie déjà des textes ecclésiastiques qui pouvaient s’écarter de l’ensei-Qnement tel qu’il était prôné par le Saint Synode, et la ‘slavjanšcina" était toujours suspecte. D'ailleurs l’Introduction que Hanka, plus russophile que les Russes eux-mêmes, écrira pour son édition, ne sera pas traduite non plus. Toute l’affaire prend des allures de guerre et de secret (24). T°ut laisse pourtant à penser que les Russes étaient favorables à ce que ce fût Kopitar qui s’occupât de cette édition. On avait conseillé à Silvestre de trouver un "slaviste Professionnel". Dès que Hanka peut avoir accès au texte en entier, c'est-à-dire avec la parution du livre de Kopitar, il en fait une nouvelle édition, transcrite entièrement en cyrillique et accompagnée d'une Introduction qui devait combattre 3 66 l’effet des Prolegomena de Kopitar (25). En France, L. Paris fait une autre édition sans Proleaomena. mais avec son introduction qui accompagnait déjà l'édition de Kopitar. Il y écrit que le texte date du llème siècle, alors que le slaviste précise bien qu'il ne peut 'être plus ancien que le l4ème siècle. En 1899, L. Léger fait une nouvelle édition Précédée d'un historique intéressant et suivie d'une impres-Bionnante bibliographie consacrée à ce texte. Pourquoi toute cette agitation, tout ce bruit autour d'un texte qui ne présente pour les philologues qu'une O valeur secondaire. Nous avons vu que les raisons liées à l’histoire de ce manuscrit, à son aura royale ne manquaient Pas. Pour les philologues qui ne le connaissent que par ouï-^ire, le manuscrit est très ancien, beaucoup plus ancien que ■*-a plupart des textes déjà découverts. Vostokov lui-même Pensait que le texte de Reims était le plus ancien monument c*u cyrillique (26). On envisagea fort sérieusement une comparaison entre ce texte et l'Evangile d'Ostromir (Hanka, Pogodin , Sreznevski). Mais toutes ces raisons ne sont pas suffisantes Pour expliquer l'atmosphère de passion qui accompagne cette put>lication. Quant aux deux alphabets utilisés dans le même livre, il n'y avait à l'époque que Kopitar qui y voyait de l’intérêt. La publication de ce texte sert en fait également Pe révélateur des antagonismes qui séparent non seulement 365 beaucoup de slavistes, mais les Slaves eux-mêmes. Lorsque Kopitar écrit que le Texte du Sacre "appartient complètement à l’Autriche" <271, Hanka lui répond indirectement: "Nous ne lâcherons pas aussi facilement que Kopitar l’avait pensé, Sans aucune preuve, le dernier reste de l’orthodoxie chez les Tchèques" <281. Plus que de deux hommes, il s’agit de l’opposition entre Vienne et Prague, entre les Slaves de l’Ouest et ceux de l’Est, entre les catholiques et les orthodoxes. En effet, Hanka attribuait le texte à Saint-Procope, fondateur du monastère de Sazawa près de Prague. Il Présumait, à tort d’ailleurs, que le rite qui y était en '-'Sage, s’il était en langue slave, était donc orthodoxe. Et Pour lui l’orthodoxie était la véritable religion slave, l’était difficile à admettre pour les Slaves catholiques dont Kopitar était. Il ne manquait pas de souligner, dès que l’occasion s’en présentait, que Méthode avait été fait évë-P'-'e par le pape de Rome. Dans les Pro 1 eqomena. Kopitar défend pour la dernière fois sa théorie pannonienne que l’on avait tendance à attribuer à son catholicisme plutôt qu’à ses recherches philologiques. Il est intéressant et B;lgnif i catif de comparer les Proleaomena avec les Eânta_isies: aux tâtonnements et rêveries du jeune homme à Peine installé à Vienne s’opposent les affirmations du Philologue confirmé, sûr de son savoir. A l’union idyllique d®s Slaves font ici place les dissensions qui marquent l'opposition entre deux courants de civilisation et s’inscrivent en faux contre l’unité slave,fondée aussi bien sur la notion de la race que de la langue. Après les années 50, le tumulte fait autour de ce texte s’apaise peu à peu. Kopitar est mort et les événements de 1848 apportent aux intellectuels slaves d'autres soucis et préoccupations. Il est pourtant intéressant de noter que *es Prolegomena seront publiés en Russie .justement cette année-là (29). En France, c'est Martynov qui manifeste de Va9ues intentions de rééditer l’ensemble. Parmi les slavis-tes, J. LosjT, P. A. Lavrovski et Budilovic (30) l’évoquent encore, ce dernier confondant S/lvestre de Sacy, déjà mort au moment de l’édition, et J.B. Silvestre. Les Prolegomena durent réédités dans le 1er numéro de la Slavische Biblio-Ütejk par Miklošič (31) avec quelques rares modifications de détail. Miklošič justifie sa réédition par le fait que ^'Evanoé1iaire de Reims était introuvable en Autriche. On K. Il nous a semblé intéressant de donner en annexe le texte complet des Proleqomena dans la traduction française. Dans la bande annonce de l'édition de Kopitar, J-B. Silvestre affirme: "pour le rendre intelligible à toute Personne éclairée d'Europe, le célèbre slavoniste M.Kopitar a bien voulu se charger de le traduire en latin et de ^accompagner d'une dissertation en forme de préface qui ne Peut manquer d'exciter 1'intérêt général" (33). Notes : L ’ Evang^l iairf? de Reims’ i ) A . P . Büs.c h l nq : Neue Er dbetchr e i bunq , Srha f ffidüTen 1769.n.p.i22 ç, 2)Al ter en parle dans Be.tr at f u •. pr at. t. ischey Diplom ati k fQr ■'-J.|ven , U)i en 1-791 »p. IV». .... ' ^ 3>"Das slavische Fvnnge l i um, auf welches die .. 8njosisehen Kbnige bei ihrer Kronung schwàr en, mus s ausserst - Qt'wese,-' seio;!eider hat e« der Ca on i bal is mu s bei m Anfang der &v°lut i o n ver r. i c h tet" . Nes tor_ 18 OP , I I T , p . 9 8 I , H)La partie historique du problème est traitée en détail par -^q&r : L ’ F va nqé I jarre si .a v;.- r. de Reim* < Pr éf ace > , Re i ms-Pr aque 1899 -, -'/Guillaume Po s t e 1 u s : L i nq norum n i j g der. 1 m_ c ha r ac t er i bus •'Lft£?Lentium AJp.bebctum, Par i s 1 03b, 6 ) L . L.ége- : op . c i t . p . 80 7 > S 1 a v x r', X V I 1 , p . 7o-72 , X V, P . 53 I BiC'est un Anglais,Sir Thomas Ford-Hj J 1 ,qui avait vu le 7-& juste avant sa disparition et reconnu les deux alphabets. 9 ) Va s mer : Eau s to i ne , p . 1 85 .Dobrovst^ à Per t z , 9 '9/1829 10)L.Léger:op.cit .p.9 6 Ig 11 i 'Mit dieser Prst senrle i ch Hr .von kopitar -die frche ç c hlt i ch t , das7 das t y i 1 1 i sch und Glagolitisch geschriebene p e ’'9©1 ium ru Reims no ch ebenda selbst ex i s t i e> t . Es s i nd uns v^îfti lç davon versprochen worden durih Hr.Al./on Turgenev.dcn Sie eHeicht kennen" . n»c>Ma k !'am,&, p . 97u f 1 ?)Cf.M.Cado t: La Russie dans le vie intel 1ectuelle se ( 1 839- 1 853 i .Paris- 1967 , p . 25-27 ) 3 ) J a g i c : Neue B . L. X V i 1 9 ) i tj r o v ac : I dpi ta r , p . 1 1 1 15)ibid.p.134-135 £ 16 ) B. A. OpaHUSE: " K MCTopn ucuianuf! peiiMCKoro atlrejnl5l ■ ( >f;MHI1, 1 900,7 , p . 1 27 17) ibid.p.l29 18) ibid.p.131 19>ibid.p;13 3'3 20 > " b 3toA Gn6npn c^aBaHCKoro JiHTepaTypHorc» Mitpa" , i b i d . p ; 1 36 > Ibrovac:op.cit .p. 1 15 22 >ib id.p. 1 16 23>ib id.p . 1 a 1 29 >0n emploie un vocabulaire guerrier QpyjZ^^tLs k i écrit à HanLa : KomiTap cHa6>;eH pa3HC>o6pa3HiiM • M'C°6paHHi.iM cjiobho b apceHa.ne,B seHCKofl 6n6jinoTeKe" % P-«« ïte - 2° 1 CaaaBo-EMMaHvii-ibCKOf ÊïiKoe^paxa 184 6 26 ) [hicbMa kTanKe « p . 856 und gar nac h CBSTOe 6mroBecTBQBanne mine ^IUchi"9anz 1 844 , 9 , p . 13 ûsterreich" , UAL Z , U) issenschaftl iche ' " Mu TaK ,ierKo ne ynycTHM « ksk Komuap ayMa,i 6ea Bcaiaix TejI*»CTB, nocjiejnero ocTaTKa lipaBac^aBH^ b Hexax" ilpemicKa P, '^^’P-375,Hanl"Die L0rSch"C; "Dle Resultate seiner 1 ebens 1 ang 1 i chen abgesch 1 ossenen ,&ise_Ur,9 in bel- annter ,gedràngter ,derbe>- ,polemischer Jede Zeile der ganze Mann."Jagic:Neue B.p■350 ^itj 33)0ue sont devenus les 600 exemplaires de cette ' H i k i os i c n'en trouva que 8 en Au t r i che . Pr a t i quement toutes 00 6,^'icles bibliothèques de Paris en possèdent un ou deux.Et les mP lai res riépouvus des Prolegomena? n Couver?. 1rs Prolegomena en ennexe(III), Pour Kooitar Trvte rtu Sacre est surtout l'occasion d'écrire la rfe histoire de la christianisation desIS laves/ ILi LE VIEUX SLAVE Les voyages à Rome, la visite des bibliothèques Parisiennes, la visite projetée du Mont Athos, les copies du êiLRra^l iensis. de 1 ’ Assemani. etc..., l’édition du Glagoli ta ELLsigianus. de 1 ’Evangéliaire de Reims correspondent tous à Un but bien précis de notre slaviste: l’étude du vieux sla-Ve- Une langue morte ne peut être étudiée que grâce aux documents authentiques les plus nombreux, les plus variés et les plus anciens possible. L. Léger estime que les Russes clevraient avoir une haute estime pour Kopitar en tant P11’initiateur de la recherche dans ce domaine précis. Et, si J- Toporišič affirme que Kopitar était amoureux du Slovène, n°us pouvons ajouter qu’il était au moins autant amoureux du vieux slave. A première vue, il peut paraître paradoxal qu’un Philologue, originaire d’une région où cette langue était évincée depuis bien des siècles, se fût tant intéressé à elle. Or, en effet, le latin avait remplacé très tôt la lan-9'-ie de Cyrille à l’église partout dans la "Slavia latina" et *es dialectes s’étaient développés tout à fait en dehors de 5°n influence. Il serait simpliste de dire que l’intérêt de hopitar se confondait avec le besoin d’affirmer l’existence de sa propre langue Slovène, de la mettre en valeur par le biais du vieux slave. S'il est vrai que la théorie panno-nienne et les problèmes qu'elle soulève accompagnent les travaux du slaviste pratiquement tout au long de sa vie, ses recherche dans ce domaine peuvent difficilement s'expliquer par une sorte de nationalisme ou même d'esprit de clocher, comme a tendance à le considérer Jagič. Kopitar connaît déjà fort bien le vieux slave avant son arrivée à Vien-ne, puisqu'il le cite parmi d'autres langues qu'il connaît lorsqu'il sollicite une place d'employé à la Hofbibliothek. Cet intérêt nous paraît d'abord résulter des considérations d'ordre linguistique général. Aussi bien Dobrovskÿ que Kopitar sont au courant des recherches contemporaines et comprennent la nécessité de remonter aussi loin en arrière que possible. Ils sont mieux à même de distinguer cette langue ancienne de leurs propres langues qu'un Serbe ou un Russe, qui utilise cette langue sous une forme plus ou moins âltérée, non seulement au cours des offices religieux dans les prières, mais aussi en tant que langue écrite. Nous avons vu que cette langue était encore mainte fois considérée comme la seule langue nationale digne de ce nom (par V Siskov, par exemple), alors que la langue parlée par le peuple était présentée comme une déformation grossière de la langue des élites cultivées. Jusqu'au moment de la laïcisation de la culture, qui commence en Russie avec Pierre le 375 Grand, mais connaît des époques de recul, le problème de la langue écrite ne se pose pratiquement pas dans la zone de Slavia Orthodoxa. Les étrangers, tel par exemple Schlozer, Peuvent mieux établir une frontière entre les deux variantes utilisées dans ces pays. Aujourd'hui, tout ce qui touche le vieux slave, qu'il s'agisse des définitions, des classifications, des Périodisations, des filiations et des influences particulièrement complexes, a été établi avec plus ou moins de certitude et admis pratiquement è l'unanimité. Tout étudiant en slavistique connaît la différence entre le slave commun 'langue primitive des peuples slaves qui n'est attestée par a,Jcun texte, mais dont on peut reconstituer les racines et les formes grSce aux études philologiques), le vieux slave et les slavons (langues issues de la tradition du vieux sla-Ve et qui ont subi des modifications régionales et des influences réciproques et qui sont aujourd'hui employées comme langues des diverses églises orthodoxes). Le vieux slave est défini par la Grande Encyclopédies Soviétique comme "la langue des plus anciens monuments des lOème et llème siècles parvenus jusqu'à nous et qui continuent la tradition des livres ecclésiastiques et canoniques traduits au Sème siècle par Cyrille et Méthode Cl). -,v,ais la définition qu'en donne N.S. Trubeckoj est pour nous beaucoup plus explicite et intéressante: "C'était la langue artificiellement dérivée du dialecte slave de la cité de Salonique, en Macédoine. Ce dialecte faisait partie du groupe proto-bulgare des dialectes slaves du Sud" (2). Mais ^oublions pas que ces définitions sont le résultat d'un siècle et demi de recherches approfondies, minutieuses, interdisciplinaires. Les textes découverts depuis les premiers Pionniers permirent de lever mainte incertitude, de confirmer mainte hypothèse, de donner une base scientifique à ^sinte intuition. Des dictionnaires, des manuels, des grammaires, des cartes, voilà tout un arsenal d'outils qui n’e-xistait pas au début du 19ème siècle. Pratiquement tout restait à faire et un homme comme Kopitar pouvait mieux s'en rendre compte que quiconque à cause de ses vastes connais-sances. Et le plan qu'il élabore, les tâches qu'il fixe ne Peuvent être réalisés que par plusieurs générations d'érudits. Si nous prenons les différentes dénominations utilisées à l'époque qui nous intéresse, nous pouvons déjà nous rendre compte du "désordre", de la diversité des points de Vl-*e, mais des connaissances précises également. Pour la langue que Nestor appel le £i\0î>£fc^K^ious trouvons entre autres les dénominations suivantes: "slavonische", "altslavo-Pische Sprache" (Schlozer, Dobrovsky, Kopitar); "lingua sla-v°nica", "lingua slavo-latina" (Durych); "gelehrte slavisme Sprache" CAlter, Pelzl, Kopitar); "1itera1-siavisch" (Kumerdej); "hoch oder 1iterar-slavische Kirchensprache" ‘Zois); "altslavische Kirchendia1ekt" (Kopitar); "slovenski jazyk" (Šiškov, Vostokov); "slawenisch", slovenisch", "krai-berisch" (Dobrovsk'y'); "kyrjllische Sprache" (Dobrovsky, Kopitar); "slave antique" (Mickiewicz); "cerkovno-slavisch" (Bodjanski); "panonnisch-slavisch" (Kopitar); "altslove-bisch" (Miklošič), etc... Et la liste pourrait s'allonger Presque à l'infini, car chaque slaviste a pour cette langue Ur> ou plusieurs noms qu’il affectionne et qui donnent sou -Vent quelques indications sur ses recherches et convictions. Parfois, ces dénominations font référence à d’emploi du vieux slave: langue d'église, langue littéraire; olles en limitent bien l’emploi, la soustrayant d’emblée à IJn usage général et polyvalent qui caractérise la plupart des langues. Le terme "latin slave", "langue savante", ey;prime l’idée d’une langue supranationale, mais utilisée Par une élite restreinte. L’expression "langue de Cyrille" utilisée souvent par Kopitar et Dobrovsky dans leur correspondance indique bien que, pour eux, c’est d’abord la langue des premières traductions faites par les apôtres slaves. D’où le désir de trouver des textes originaux de ces ^raductions qui lèveraient bien des incertitudes. D’un autre côté, en l’absence d’une périodisation bette, il est difficile de savoir à quel moment précis le vieux slave perd sa véritable identité pour devenir autre chose. Kopitar sait bien que la langue serbe savante qu’il a l'occasion d’entendre est fort éloignée de la langue des vieux textes. Mais elle diffère aussi de celle employée par les Russes. Il sait que la grammaire de Smotricki introduit des modifications russes. Le premier qui essaye d’établir un classement est Vostokov, qui divise l'histoire de cette langue en trois périodes distinctes: 1 :> l’ancienne, originelle; 2>lamoyenne, à demi corrompue, 3)1«,nouvel le, après corrections (3) . Cette division suscite l’admiration et l’estime du slaviste viennois. Schlozer avait déjà bien établi la différence entre la langue de l’église, qui est aussi celle des livres, et le russe parlé et écrit par la société civile. Rappelons C|ue cette distinction existe déjà dans la grammaire de Lu-dolf- "loguedum est Russicae, et scribendum est Slavonicae". Pour Schlozer, les Chroniques de Nestor sont certes en vieux slave (altslavonisch) et la langue utilisée par l’église est la même, malheureusement fort déformée. L’historien allemand Connaît d’autre part fort bien l’existence des autres lan-Sues slaves comme le polonais, le russe, le bosnien, le so-rabe, etc... Il essaye d’établir le lien qui existe entre cette vieille langue et ces autres dialectes. Pour lui, ce lien se définit ainsi: "Il résulte de tout cela que la lan- gue dite slavonne est la mère à laquelle de nombreuses fil- 36D les sont encore aujourd'hui étroitement reliées'' (4). C'est dire que Schlozer établit une parenté directe entre la langue des premières traductions bibliques slaves et les diverses langues slaves parlées ou écrites à son époque. Le prestige et l'autorité dont ses travaux jouissent auprès des Premiers slavistes font que cette constatation sera souvent '-'tilisée à tort et à travers, chacun essayant de trouver le lien le plus étroit entre la langue sacrée et la langue nationale, oubliant dans son zèle d'étudier l'original lui-rtitme et ses sources véritables. Même si l'on ne peut pas toujours incriminer l'influence de Schlozer, la tentation est trop grande et l'on trouvera, tout au long du 19ème siècle, des hypothèses plus ou moins fantaisistes au sujet de cette parenté supposée. Le croate, le serbe, le sorabe, Ie polonais, le slovaque (5) seront fille, soeur, cousine, etc... du vieux slave. Durych considère que la "lingua slavonica" est la "mère, ou plutôt la soeur aînée du tchèque" (6). C'est en fait à Dobrovsky et à Kopitar, suivis bientôt par Vostokov, que nous devons les premières études historiques et philologiques du vieux slave en tant que tel. En dehors de Schlozer, qui avait abordé le problème de cette langue également par le biais de l'histoire, notamment dans ses Probe russische Annalen <1767), d'autres pré-c^desseurs de Kopitar et Dobrovsky s'y étaient déjà intéressés. Pelzl aussi bien que Durych et Alter connaissent bon nombre de textes anciens qu'i ls appréhendent à la manière des C'i'iental istes. Durÿch écrit en 1777 un texte intitulé De §i_avo-bohemi ca sacro codicis dissertât ione C7). Michaelis, le maître de Dobrovski, connaît la traduction de la Bible faite par F. Skorina entre 1517 et 1519 (B). Kopitar connaît l'existence de cette langue, non seulement par ses précédesseurs, mais par les sources slovè-nes. Adam Bohorič parle dans sa Grammaire de 1584 de la lan-9'-'e slave qu'utilisent la majorité des peuples slaves pour l’office divin (9). Blaž Kumerdej, l'un des Slovènes les Plus érudits de son temps, décide, vers la fin du 18ème siè-cle, de revoir sa grammaire (Versu ch) et d'écrire une nouille grammaire Slovène qui donnerait en même temps un Aperçu important de la "langue slave littéraire" et des au-tres dialectes (10). L'ouvrage, resté sous la forme manus-Crite, était sans doute connu de Kopitar, puisque son auteur ^tait parmi les premiers slavistes de la maison de Zois. Les Incunables et manuscrits que possédait le baron étaient sans doute une autre source importante pour le futur philologue, d’autres auteurs Slovènes évoquent l'existence de cette lan-Il n'est pas difficile de comprendre l’attrait que le vieux slave exerce sur les Slovènes: leur propre langue est celée en un grand nombre de dialectes, l’usage n’en est Pas encore fixé définitivement et, de toute façon, ils ont besoin, vu leur petit nombre, d’une langue "internationale" 3B2 qui puisse leur ouvrir les portes du monde savant. Or, le vieux slave possède toutes ces caractéristiques: il est structuré, écrit selon les règles, il possède des traductions de la Bible, il est ancien et peut servir de modèle. Tout ceci explique le fait que, dès les premières lettres échangées entre Dobrovsky et Kopitar, il est déjà question du vieux slave. On peut dire que le sujet tient la Première place dans leurs échanges, ce qui est facilement compréhensible, car toute l’histoire des Slaves en tant que 9roupe linguistique est liée à cette langue, à l’activité des deux apôtres, à la christianisation. Il n’est donc pas étonnant que, dans ses Bât_riotigués d’un Slave. Kopitar réserve un chapitre spécial au vieux slave Cil). C’est sans doute la première histoire cette langue destinée au grand public. Il insiste bien Sl-'r la grande ancienneté de cette langue écrite, en évoque d’origine, sans oublier le fait qu’elle fut confirmée par le Pape comme langue du service divin, ce qui a son importance, car seuls l’hébreu, le grec et le latin avaient été élevés à cette dignité. Aux regrets que suscitent chez lui l’altération et la modernisation de cette langue, se mile le désir c*’en connaître et étudier les exemples les plus anciens, donc les plus authentiques. Et, pour renforcer ses arguments, i.1 cite Schlozer, savant allemand reconnu de tous et q«i en a vu et apprécié la beauté et 1’intérêt. N’oublions Ftm4rerâgles Pas que Kopitar s’adresse également à un public allemand: seul un Allemand pouvait, de façon crédible, vanter les aspects magnifiques de la langue slave littéraire! Et, comme si tout cela ne suffisait pas, Kopitar revient au vieux slave dans le dernier chapitre. En proposant la création d'une chaire du vieux slave à Vienne en 1811, il fait oeuvre de novateur. On a tendance à voir dans cette proposition seulement une preuve de son austroslavis-mef alors qu’elle va bien au-delà de cette simple conception Politico-historique. Le slaviste précise bien que c’est la langue slave dont "les dialectes actuels se rapprochent le Plus, ce qui permet de les suivre jusqu’à la source". Il met en avant l’intérêt national, mais aussi l’intérêt purement linguistique. Tout l’édifice de la slavistique en tant que sci.ence et qui exige la création d'une Académie, repose donc Pour Kopitar sur le vieux slave. C’est dans cette proposition, prématurée certes, qu’il faut chercher les origines de l’école viennoise de la slavistique, illustrée par de grands n°ms comme Miklošič, Jagič, Murko, N.S. Trubeckoj. Ce der-nier y assurait justement, entre autres, un cours de vieux slave dont il n’a cessé, avec tout le Cercle de Prague, de souligner l’importance. Pour les slavistes eux-mêmes, le vieux slave est aussi la preuve d’une unité linguistique ancienne et solide et la conscience de cette unité était testée vivace à travers les siècles (Nestor, Križanič, Orbi- 3B4 ni, etc...), malgré le Schisme, les conquêtes turques et la domination allemande. Dans sa recension des Institutiones. kopitar regrette que cette langue ne fût pas devenue la lan-9'-ie commune de tous les Slaves (12). Cela ne signifie nullement que Kopitar cherche à la faire revivre, car il sait mieux que quiconque que c'est une langue morte, objet d'étude et non de communication, comme le prétendent certains Russes et le clergé serbe. Mais il n'en est pas moins vrai que le vieux slave est, pour notre slaviste, d’outil d'une culture slave commune, et ce que Kollar aPpellera plus tard la réciprocité repose d'abord sur cette Ancienne communauté linguistique attestée par des documents écrits. Mais, d'un point de vue strictement pratique '•■tirages, dialectes), une langue littéraire commune pourrait Présenter un certain intérêt. Elle pourrait être utilisée comme langue littéraire de tous les Slaves, un peu comme on '-'tilise de nos jours l'arabe littéral; les langues et dialectes pourraient subsister parallèlement à elle. Il est évident que cette sorte de "panslavisme linguistique" n'a ■jamais existé chez des nations slaves qui possèdent une langue formée depuis longtemps, tels le polonais, le russe ou même le tchèque. Pour les petites nations, à la culture m°ins solidement assise, il pouvait, à un moment ou à un ^'-itre de leur histoire, paraître comme une solution Plausible: elle aurait pu permettre d'évincer partiellement 3 E 5 l’allemand des échanges inter-slaves et elle aurait pu servir également comme critère en cas d'hésitation entre deux formes (c'est l'idée défendue par Dobrovsky). Primic, un contemporain de Kopitar, le premier professeur de Slovène (en 1812 fut inaugurée à Graz la première chaire de Slovène au lycée), prêtre catholique, se dit prêt à accepter la foi orthodoxe pour .justement utiliser le vieux slave (13). D'autres tentatives furent faites dans ce sens vers le milieu du siècle, principalement chez les Slaves du Sud (Matija Majar, Oroslav Caf, B. Raie) (14). F. Levstik lui-wë'me pense que la connaissance généralisée du vieux slave devrait permettre une communication aisée entre tous les Peuples slaves (15). Mais l'intérêt de Kopitar pour le vieux slave ne dépasse jamais une vénération purement philologique. Et le Premier devoir du philologue consiste à préserver autant P1-'’il le peut ce monument ancien, en étudier et comparer les variantes, le respecter comme les archéologues respectent les objets qu'ils trouvent enfouis sous des amas de terre, détériorés, dispersés. C'est là que sa critique des Russes est la plus vigoureuse: ils n'ont cessé de détériorer cette langue, ne montrant aucun respect envers l'aspect sacré et °riginel de ses formes. Des copistes barbares ne se préoccupent guère d'exactitude, introduisent des formes nouvelles, corrigent selon leur bon vouloir. Cette idée est confirmée par Schlôzer, qui dénonce avec vigueur ce laisser-aller criminel. Une typographie existe en Russie depuis 1564, mais les livres ecclésiastiques, les chroniques continuent d’être c,-'pié5 (16). Parmi les contemporains, Kopitar ne voit guère pue le père Evgenij et Vostokov capables du respect dont doit bénéficier ce monument de la culture slave. Lorsqu’il demande la copie du Suprasliensis. il précise bien qu’elle doit être faite par Vostokov lui-même, tout autre copiste étant capable de la pire "barbarie". Car, pour Kopitar, le vieux slave doit rester pur, tout comme le latin pour les français doit demeurer tel qu’il était à son apogée. En parlant du rôle de Korai pour les Grecs, il dit: "Les Serbes attendent encore leur Hercule-Korai qui nettoierait ces écuries d’Augias et assurerait leurs droits respectifs à l’ancienne langue morte d’église comme à la nouvelle langue vivante du peuple1'(17). Ce souci d’exactitude, du respect de l’original s’explique également par l’intérêt philologique plus général P'-ti est une constante de l’activité de Kopitar slaviste. Il ne perd jamais de vue la recherche fondamentale et universelle dans le domaine linguistique. Et le vieux slave fait Partie de ces langues mortes qui doivent permettre de descendre jusqu’aux racines communes, jusqu’aux ancêtres primitifs à partir desquels les langues s’étaient développées en se diversifiant. Cet objectif qui consiste à faire entrer 2B7 les langues slaves dans le domaine de la recherche indo-européenne, Kopitar ne le perd jamais de vue et ses relations avec un F. Schlegel, J. Grimm, W. von Humboldt reposent principalement sur ces principes tout linguistiques plutôt que sur un quelconque romantisme littéraire. Lorsqu'-en 1816 Kopitar écrit le compte-rendu de l'ouvrage célèbre de F. Bopp: Uber das Conjuqationssvstem des Sanskrits Spra-ühe, il regrette beaucoup que l'auteur n'ait tenu aucun compte des langues slaves, particulièrement du vieux slave (18). Dans la seconde partie de sa Grammaire comparée (1835), Bopp tient compte du vieux slave; quant à l'édition de 1868-71, les langues slaves y occupent la place qui leur est due, notamment grâce aux travaux du plus célèbre des disciples de Kopitar, F. Mikloàic. La grammaire et le dictionnaire du vieux slave que le slaviste viennois réclame et Prépare en partie jouent un rôle primordial dans cette recherche linguistique générale. ^otes:Le vieux slave 3BB CjIa^ 1) " GTapOCJiaBSHCKHft 5I3LIK-SI311K jpeEKefilUÎÎX AOUiejJtmiX tl6peS,HcKHX naMSHHHKOE 10 — 1 1 bckoe npojOJixaBimix 60r Be3ëHiix c rpenecxoro sanka Knpii.naoM h Me^oaiieM b °Cjiyaie6Hwx kh MC « ao nac TpaanuHH Q Bexe <‘*,ect>'"rhis was a language artificially derived from the slave of the city of Salonit- a in Macedonia.This dialect belonged Proto-Bu1garian group of the South Slavic Common Slavic Eiement____i nRussian ür g1 to N^cts" tüi t Bu 1garian N.Trubetzkoy: The »Slavic Stud i es , New-Yor U 1 95C>p . 5 C) ^Ov 3) âm "a) veterem qenu i nae M 1 - 1 3 > b ) med i am semi -corruptam ( 19-16 )j Post correctionem(à partir du 17-ème > .Paccvxaemie p.B dje 4,1 "Von allen diesen ist die hurrgeweise Slawonische .üt- ter , zu der die vielen TSchter noch jetzt ein verhal tnis haben" .Nestor 1802, p. 196 5 1 J.Tiber si y : "La Slavistique Baroque".Studie.n.93 "Mater vel potius antiquor soror". Spr ache nàheres ^ ) § j b 1ip thec a s 1 a v i c a 1 1851,p.XI1I ® ^ riejpoECKHft : " Konurap h Institut iones " . IKMHfl « l 91 l , l 0 9>Sl Pvensk a misel.Ljubijana 19Q7. ■'Ugerri0} ^ajjner i s.çhe LQeri s lavis h en Sprach1ehre al s ein Auszug au s Grarnma t M 1 775 )Cf .Pogačnik: Zgodo v i na 1 I der p . 63 ) 11)Cf.Annexe 2 * ® * QsterreichischerBeo b a c h t e r 1822,KS,p.16 * J 1 Jag i č : Neue B_1_,p.296 lt+ > Cf . j . g 1 onar : Nas jezik,L jub1 j ana 1919 1 ^)§ 1ovenska misel.Ljubi j ana 1987,p.53-59 *S)Schlozer:Nestor ,p.80 ’Sie'; ’ ”Die . Mais la pression externe, dont le slaviste viennois se fait l'écho amplifié, est tout aussi forte. Cette grammaire devient une nécessité absolue dans la recherche linguistique générale entreprise un peu partout en Europe. Dans sa recension de Slavin, en 1810, Kopitar exprime le souhait Pue cette grammaire soit écrite en latin ou en allemand, âfin que des savants occidentaux puissent prendre part aux fecherches philologiques slaves (6). Quand Dobrovsky tombe malade, son disciple se plaint que ni savants slaves ni allemands ne peuvent, sans cette oeuvre fondamentale," recte incipere studia slavi ca" C7). C'est surtout pendant son séjour à Paris et à Oxford, où il rencontre des orientalistes, qu'il se rend compte de l'urgence d'un tel ouvrage. Il ne Peut que constater, avec joie et tristesse à la fois, que la quantité de grammaires des dialectes hindous publiées par les Anglais est "innombrable". Et nombreux sont des professeurs qui voudraient prendre connaissance du slave "mais, dis-je avec douleur, ils ne le pourraient pas, car la grammaire de vieux slave qui doit permettre de tout commencer à ^ond est encore dans le bureau du Maître; et ils le déplorèrent avec moi" (8). Revenu de son voyage en Angleterre, il s'écrie de nouveau "Rogant te Galli et Angli, ut gramm, pro-xime des" (9). La douzaine d'années qui sépare les premières lignes et le livre lui-même est remplie de ces phrases persuasives, des arguments les plus divers en faveur de l'ouvrage tant attendu. Parmi ces arguments, quel était celui qui avait le plus de poids dans la décision de l'abbé bleu de s’atteler à ce travail gigantesque? Nous ne le savons pas avec exactitude, mais objectivement, on peut dire avec Kopitar que Dobrovskÿ, le Maître, le Patriarche, était le seul capable de composer une telle oeuvre. Lorsque le slaviste Pragois, prenant le vieux slave pour le carniolien, demande dans sa première lettre à Kopitar de trouver quelqu’un pour comparer les deux langues (10), celui-ci lui répond: "Comparer le carniolien avec le vieux slave - personne ici ne connaît assez de vieux slave pour cela. Vous devriez, Votre Honneur, entreprendre une grammaire de vieux-slave" (11). S'il est possible de considérer cette date (février 1809) comme la première initiative de Kopitar auprès de son maître, initiative bientôt suivie d’effet, nous pouvons trouver des signes précurseurs des ébauches déjà bien plus tôt. En examinant tout ce "travail préparatoire", nous pouvons nous rendre compte que Dobrovsky était vraiment le seul slaviste capable d’écrire un tel ouvrage. Il a à son actif, non seulement la grammaire tchèque dans laquelle il fait souvent appel à l’arbitrage du vieux slave, mais aussi un grand nombre de travaux publiés par la Société Savante■Slovo Slavenicum. des déclinaisons d’après Smotricki, etc... (12). Pour cette mime Société Savante, il avait effectué en 1792-93 un voyage en Pologne,««Suède et enfin en Russie où il avait pu étudier un grand nombre de textes, de grammaires. Il a une vision globale de la slavité que personne à son époque ne possède. Comme le dira plus tard Kopitar dans sa recension des Institutiones: "Là, il était de loin le seul maître et fit époque" (13). Mais il fallait d’une manière ou d’une autre obliger le grand patriarche slave à se mettre au travail. "Je ne laisse pas le Maître tranquille .jusqu’à ce qu’il ne soit raffermi selon mon appel dans l’idée d’une grammaire du vieux slave; si seulement elle paraissait bientôt!", avait-il écrit à Zois (14). Qn peut supposer que Dobrovskÿ commença son oeuvre maîtresse vers la fin de l'année 1810 car, dans la recension de sa grammaire tchèque, Kopitar exprime déjà sa joie à ce propos (15). Dès cette année, tous les amis et connaissances sont prévenus de la bonne nouvelle: Stratimirovic, Vrhovac, Appendini, Musicki, Primic. Zois attend cette oeuvre avec impatience. Dobrovskÿ avertit son ami viennois que la grammaire sera écrite en latin, "comme vous le souhaitez" (16). En novembre 1811, Dobrovskÿ parle déjà du titre qui s’inspirera de Durych (17). Dès cette date Kopitar, homme pratique et introduit dans les milieux des éditeurs, commence à chercher un typographe capable de faire un travail aussi nouveau et délicat. A Dobrovsky, qui hésite entre la publication à Vienne 6^ â Pest, il conseille absolument la capitale autrichienne, car les Hongrois ne méritent pas qu’on leur jette une telle perle. D’ailleurs, le Maître aurait tout intérêt à venir lui-même à la Hofbibliothek, où il aurait directement accès aux sources supplémentaires (181. Le problème de l’alphabet préoccupe également les deux hommes. Le patriarche slave hésite dans ce domaine entre conservatisme et innovation, il avoue même avoir peur des moqueries que pourrait susciter la nouvelle orthographe (19). En 1814, quelques fragments arrivent déjà chez Kopitar (20), mais à ses yeux les choses n’avancent pas assez rapidement. Il s’adresse à Hanka, qui vit à ce moment-là à Prague, et lui demande d’user de ses capacités de persuasion. Il ne doit pas laisser le Maître en paix avant que le travail ne soit achevé. Au Serbe Frusic, qui doit se rendre en Bohème, l’impatient slaviste demande d’arracher la grammaire des mains du Patriarche (21). Il annonce l’arrivée du Maître à Vienne et la parution de la grammaire dans Srbske novi ne (22). L’abbé bleu arrive en 1820 et loge chez la comtesse Kinsky. Son séjour sera entrecoupé de plusieurs retours à Prague, d’où Kopitar essaye de le faire revenir, en lui promettant qu'il n’a qu’à diriger, et lui exécuterait le travail (23). A Vienne, Kopitar se conduit avec l'abbé comme un fils, lui présente ses amis. Ils travaillent à la Hofbibliothek tous les soirs entre 6 heures et 9 heures, après quoi ils se retrouvent au "Loup blanc " (24). "Nous nous rencontrions à l'auberge du Loup blanc, où d'autres érudits nous rejoignaient souvent et où j'ai rencontré l'abbé Dobrovsky, le vénérable et aimable patriarche de la littérature slave, qui était venu à Vienne pour terminer, de conserve avec Kopitar, ses Institutiones Linquae Slavicae" écrit l'historien Pertz (25). Enfin les choses avancent, Kopitar insiste pour que le portrait de Dobrovsky figure dans le livre. Toute la mise au clair, travail que l'abbé déteste, est faite par Kopitar qui ajoute, à la fin de l'ouvrage, une partie personnelle, intitulée Epimetra Kopitarji (p. 705-720), qui contient une traduction de l'Evangile de Luc appelée Codex Cois liani nus que Dobrovski lui avait envoyée de Paris, un commentaire de l'édition de la grammaire de Smotricki de 1648 où Kopitar critique la "russification" du vieux slave, et une note sur la grammaire de Stepan Vujanovski (26). Dès fin 1820, on commence des travaux de publication. Fin 1821, alors que Dobrovsky avait déjà regagné Prague, Kopitar corrige les épreuves. Il retient chez l'éditeur 150 exemplaires, afin de les envoyer aux amis et sympathi-sants, aussi bien slaves (Siskov, Rumjancec) qu'allemands. -Le succès en librairie est inespéré pour un ouvrage de cette sorte, car le grand slaviste avait trouvé en Kopitar, non seulement un collaborateur enthousiaste, mais aussi un agent de publicité de premier ordre. On peut se demander quelle est réellement la part de Kopitar dans les Institutiones. L'auteur lui-même remercie dans la préface ceux qui l'ont aidé, "parmi lesquels je dois citer en premier le custos de la Bibliothèque impériale Kopitar, mon ami très intime" (27). Dobrovski pense que la participation de Kopitar est extrêmement importante et Petrovski écrit: "On peut penser que, sans les efforts de Ko- / pitar, Dobrovsky n'aurait jamais publié ses Institutiones" (28). Il ne fait pas de doute que la dernière phase des travaux est due à un travail commun. Ce travail suppose une certaine communauté de vues élaborée depuis le début de leurs relations épistolaires, compréhension et confiance nmtuelle^, Car, comme le dit Kopitar, la grammaire n'est pas une affaire de goût, mais "d'esprit d'observation, de méthode et de fidélité" (29). L'orthographe, dont il sera question plus tard, porte également l'empreinte des idées de Kopitar. D'après Koppen, il semblerait pourtant que l'harmonie n'était pas toujours sans nuages, ce qui peut s'expliquer facilement par le caractère à bien des égards opposé des deux hommes (30). Cette différence de vues apparaît également dans les recensions, mais IA elle est due principalement aux travaux de Vostokov qui venaient de par- h 3S7 venir aux deux slavistes. Deux recensions de Kopitar, assez longues, paraissent dans les journaux viennois <31 ) et une troisième, non signée, mais due à J. Grimm, à Gottingen (32). Elles attirent l’attention de tous ceux qui s’intéressent de près ou de loin au monde slave. Kopitar y affirme, entre autres, sa théorie pannonienne et Grimm préconise l’utilisation de l’alphabet latin chez tous les Slaves. Comme dans tous les articles de Kopitar, nous trouvons là aussi deux aspects qu’il n’est pas toujours facile de concilier: une critique savante qui s’adresse aux seuls spécialistes, et une partie destinée au public cultivé afin de le mettre au courant des progrès de la science slave. Institutiones est incontestablement la première grammaire critique du vieux slave. A la mort du Maître, Kopitar reviendra sur le rôle primordial de cette oeuvre, aussi bien pour les slavistes que pour les linguistes en général, car elle fait qu’ "une fois une telle base posée, l’étude comparée de nouveaux dialectes slaves entre eux et avec leurs autres parents européens et asiatique est rendue possible" < 33 > . A la suite de ces publications, Rumjancev demande la traduction de la nouvelle grammaire à Niebuhr. Elle sera finalement traduite, contre l’avis de Vostokov, par Pogodin Il est tout à fait juste de considérer Institutio- nes comme le véritable début de la slavistique moderne et Kopitar était le premier à en être conscient. C'est pour lui le premier pas vers la connaissance de l'ensemble linguistique slave. Il est évident que les contemporains et les successeurs s'en inspirent. Ainsi, Safarik, lui-même historien, n'hésite pas à mettre la grammaire du vieux slave avec les Institutiones en première place dans le plan d'enseignement qu'il prépare pour la chaire ries études slaves à Berlin (35) ( chaire proposée par W. von Humboldt, lui-même ancien élève de Kopitar). La Grammaire comparée de Miklošič est basée sur l'oeuvre de Dobrovsky et de Vostokov, ainsi quenelle de Schleicher (36). Bien que le philologue russe Vostokov n'eCit pas pris part directement à l'élaboration de cette oeuvre capitale, nous devons tout de même l'y associer a posteriori. Il connaissait bien les travaux de certains slavistes, surtout ceux de Linde, Dobrovsky et Kopitar, mais il travaillait séparé des centres de la slavistique "occidentale", en parallèle bien souvent. Les relations sont encore difficiles, elles dépendent surtout des personnalités. Ainsi, c'est Kôppen qui apporte à Vienne, entre autres, ce que Kopitar appellera aussitôt la "Grammaire d'Qstromir". C'est-à-dire la Dissertation. L'auteur possède et le savoir et la méthode et, surtout, il a à sa disposi- tien des textes, dont Qstromir, inaccessibles aux Viennois et Pragois (36). Kopitar en tient compte dans ses recensions. Dobrovsky lui-même prévoit de faire une seconde édition et annote, dans ce but, son exemplaire. Ce Handexemplar, qui avait été prêté ou donné à Kopitar, resta dans son héritage et aboutit, après la mort du slaviste viennois, à la Bibliothèque du Lycée de Ljubljana. Aujourd’hui cette grammaire du vieux slave, composée au fond par les trois grands slavistes, se trouve à la Bibliothèque Nationale et Universitaire de Ljubljana. CQg 1>"oh ynacTBobaji Cojituie b wvxhx Tpyjax ne>:e jtm b CTBeHHux" .Jagic : Br îefwechsel ,p . XXXVI I I 5> ibid.p.7 3 •' I b i d . p . 1 40 , Ko p . à Dobrovski,6/4/1810 p(^- 9 > "Dobr owsky .°s°Phisch5ten s boemische Grammatik al s die am 6^'“uMniscnsten bearbeitete ,von allen Dialekten hp,. ^°h * en . F r ey 1 i ch , wàr e Dobrowsky's oder Muschitzky's altslavische ____ er diesen Umweg nicht gebraucht;den mit den r. âvischen muss jeder solide Forscher Aij.^s’s° hatte *n-fa °Qen".ibid.,p.783,Kop.à Stratimirovic,17/9/1811 5 ) rieTpoBCKuFi : " Konmap h Instituti ones " , WMHIl. 1 0f p . 236-31 4 C.ùa, ^ ^ 51 a v i n . Anna 1 en ber Ljteiajtij; und Kunst 1810,1 5^ÜS,p. 16 7 ) flerpoBCKHfi : op . c i t . , p . 11 2 âl^ "Aber ,sagte ich mit Schmerz, ihr konnt das(p nicht,den die i rn âyische Brammat ik ,um dass elles grbndlich anzuf angen, i st noch Hiir„ ^ulte des Meisters:und sie bedauerten ^es mit 1 Jâ9ic: Briefwechsel,p.391,24/15/1814,Kop.à. Dabrovsky 9) ibid.p.412,19/2/1815 *®>ibid.p.22,Dobrovsky à Kop.,4/1/1809 vQn 1 i > "Das \KS.hier 1 âvische Krainische mit dem A11—S1avischen verg 1eichenîKeiner kann genug Altslavisch dazu.Ew.Hoch.sol 1ten uber eine Grammatik si ch hermachen". Ibid . ,p.34,6/2/1809 12 5 îleTpoBCKMîî : op . c i t . , p . 277-879 ^ > "H i er war •üa,p.16 bei weit em der Me iste und macht f9)"Ich lasse den Meister nicht aus,so nie er auf meinen *n die Idee einer Al tslaw.Gramm.bestarkt worden;wenn sie nur er Sc h i ene 'Kidrič: Zo i s , p . 133 , t- op . à Zois, 3/1/181 p) tiJTig. ) "s 1 av i sche Sprac hk unde , Anna I en der Lj ter a tjj_i_ und leH ,II p. 52-68,KS,p.39 *6 ) Jag j é : Br iefwechse 1 . p ■ 73, Dobro vsky à Kop. 1/1'1810 17 > ib id . , plgi,20/ 11/1811 40 1 1B > i b i cl . p . 168, 1 8/m /181 O 19>ibid.,p.311,E5/lEM81£ 20 ) IleTpoEJCKiifi: op . c i t . p . 106 21>ibid.p . 1 1 6 22)89,7 Nov.1819 p.649 23 ) J a g i c : Br i ef wechse 1 , p . 9 17 , Kop . à Dobr o vsl-: y , ?7/S/ 1 81 6 24)ibid. ,p.£69,Kop.à Zupan,6/1 £/18E0 S:h: 25 ) met a t ven^ars "frequent 1 y joined i c° Vienna to finish togethe SlrHH : McTopiifl , p . 304 Ij^l.. ) A . Sch 1 e i cher : For men 1 etn e der k i r c tiens 1 a w i sr he Spi'acl.e ''"'Së.nd und ver g I e i ch end çla yeete' 1 ! .Bonn 1858 27 ) Ja g i c. : Br ief wechsel , p . 4 66 4C2 CHAP.II Le dictionnaire du vieux slave Second volet de la recherche systématique entreprise au début du 19ème siècle, le dictionnaire du vieux slave sera lui aussi le résultat des travaux de plusieurs philologues. Mais le chemin sera long entre le moment où la nécessité d'un tel ouvrage apparaît nettement, surtout sous la plume de Schlôzer, et le jour où il sera enfin publié. Dans ce domaine aussi, l'oeuvre finale sera le résultat des efforts conjugués, de la ténacité sans faille, de la volonté farouche de léguer aux générations à venir le maximum de résultats afin qu'elles puissent accomplir enfin l'oeuvre dans son ensemble. Il serait presque possible de parler d'un travail d'équipe, tant la collaboration entre les slavistes est étroite, meme si des distances, considérables à l'époque, séparent Kopitar de Vostokov et mime si Dobrovsky est déjà mort au moment ou Miklošič commence à s'intéresser aux études slaves. La part de Kopitar dans cette oeuvre commune est loin d'itre négligeable. En effet, l'appel lancé par Schlôzer trouva un écho favorable chez le slaviste viennois, et d'autant plus favorable que celui-ci éprouvait une grande vénération pour le vieux slave et qu'il avait d'autre part déjà une certaine expérience des questions de lexicologie. Il est évident que ». 4G3 l'étude approfondie d'une langue morte comme le vieux slave et d'une langue vivante comme le Slovène ne requièrent pas tout à fait les mêmes méthodes et ne poursuivent pas des buts comparables. Pourtant, les noyaux de cette étude présentent une certaine similitude. Comme nous l'avons vu, pour le cercle de Zois la grammaire, le dictionnaire et la traduction de la Bible représentent une sorte de trilogie, indispensable au démarrage du Slovène en tant que langue littéraire. Cette "sainte trinité" est le point de départ de tout l'édifice, la base du développement ultérieur. C'est une base à la fois pratique, logique et solide. La philologie slave repose, elle, sur une langue morte, attestée par un certain nombre de textes qui ne sont rien d’autre, dans la très grande majorité des cas, que des traductions des Ecritures. C'est dire que les deux autres éléments de la trilogie - la grammaire et le dictionnaire vont pouvoir être élaborés à partir de ces fragments et permettront ainsi d'avoir une vue d'ensemble de cette langue sacrée des Slaves. Et sur cette connaissance approfondie et méthodique du vieux slave pourra reposer, selon Kopitar, tout l'édifice de la philologie slave avec ses dictionnaires et grammaires comparés des langues slaves vivantes. Ainsi donc, l'expérience linguistique de Kopitar, acquise à Ljubljana, apparaît comme fondamentale pour ses travaux dans le domaine du vieux slave et tout particulière- ment en ce qui concerne le dictionnaire. Non seulement les Aufklàrers Slovènes pensent que l'inventaire de leur langue est absolument indispensable; ils ressentent de plus le besoin d'un dictionnaire dans les travaux de traduction auxquels nombre d’entre eux s'adonnent. Ainsi., Primic traduit Klopstock, Zois la Lenore de Burger, et Kopitar une pièce de Kotzebue. C’est Kumerdej qui fait des projets assez précis pour un dictionnaire Slovène, mais c’est enfin à Vodnik qu^ échoit cette tâche difficile et ingrate. Cependant, celui-ci tarde et Kopitar pense à s’atteler au travail lui-même. Au moment où les Français régnent à Ljubljana (il est déjà à Vienne), il suggère l’idée d'un dictionnaire français-car niol i en < 1 ). En l’occurrence, il s’agit bien sûr du dictionnaire d’une langue vivante et la préparation d’un tel ouvrage diffère de celle d’une langue morte, surtout si l’on tient compte du fait que les lexicographes Slovènes doivent, selon l’idée de Kopitar, aller chercher les mots dans les campagnes plutôt que de s’appuyer sur la littérature qui n’en est qu’à ses balbutiements. Néanmoins, le slaviste possède déjà sa méthode, qu’il expose dans les Vaterlàndische Blatter et qui sera, avec quelques modifications, applicable au vieux slave. Ce sont des conseils, adressés à son ami Primic, professeur de Slovène au Lycée de Graz. "Il vaudrait mieux conseiller à Monsieur Primic de faire découper environ 5 feuil- 4CS les de papier cristal en morceaux de la taille d'une carte de visite, de faire appel à une demi-douzaine de ses meilleurs élèves parmi les théologiens Slovènes, de prendre des dictionnaires de P. Marcus, Gutsmann, Habdelic, Beloste-nec... et rapporter sur ces cartes de visite chaque mot et chaque phrase (séparés dans le but du futur classement alphabétique). Grâce à cette opération,pratiquement la moitié du vocabulaire de Styrie devrait être inventorié (2). Kopitar cherche l'efficacité que seul peut apporter « un travail d'équipe, idée tout à fait nouvel le^'à une époque encore prépondérante. Plus tard, le slaviste viennois enseignera cette méthode à Vuk. Mais à mesure qu'il s'adonne à l'étude des textes en vieux slave, le besoin d'un dictionnaire de cette langue évoque ainsi les dictionnaires existants, comme le Dictionnaire trilingue (si avon-russe-grec>, publié à Moscou en 1701 (3), celui de Pamva Berinda et de Piotr Alexeiev, des dictionnaires serbes, etc.... Mais ce sont là des ouvrages anciens, partiels, le plus souvent composés d'un mélange de mots slavons,^vieux slave et ceux de la langue parlée et ne peuvent donc présenter qu'une valeur historique ou locale. Ce que voudrait Kopitar, c'est un dictionnaire fait selon les méthodes scientifiques modernes dues aux études des Mi~ de l'érudit solitaire, enfermé dans son cabinet reste se fait de plus en plus pressant. Dans ses 4D5 chaelis, Gesenius, etc... et qui allient "la précision allemande" à l'amour de la langue qui caractérise le slaviste. Il est évident que le Dictionnaire universel de Catherine II, reflet des fantaisies d'une société aristocratique et oisive plutôt que d'un travail scientifique approfondi, ne peut guère être pris au sérieux par un homme aux pareilles exigences. Parmi les dictionnaires contemporains, c'est certainement celui de Linde qui, à ses yeux, mérite le plus de considération. Pourtant, malgré les qualités que Kopitar trouve à cette oeuvre monumentale du philologue polonais, elle n'échappe pas à sa critique. Il envoie cette "oeuvre capitale" à Zois <4!>, mais non sans remarquer que c'est un "oceano immenso" où l'on se perd rapidement. Le mécène lui-m'ême le qualifie de "pot-pourri". Et le slaviste viennois se permet de suggérer la façon dont le lexicographe polonais aurait dû procéder: donner d'abord la forme polonaise actuelle, ensuite la forme originelle, attestée par les textes les plus anciens et, en troisième lieu, dégager la racine slave commune. Un tel "programme" relie de fait le vieux slave et l’étymologie (5). DobrovsLy, lui aussi, aborde le problème sous cet angle dans son traité intitulé "Esquisse d'une étv^.molooie générale des langues slaves" (6). Il avait d'ailleurs évoqué le besoin d'un dictionnaire déjà dans son Slavin. A mesure que Kopitar élargit le cercle de ses amis slavistes, à mesure que de nouveaux textes renforcent ses connaissances du vieux slave, la préparation du dictionnaire de cette langue devient matériellement possible. Il est conscient pourtant que cela représente un travail énorme, mais il rassemble le matériel, inlassablement, jusqu'à la fin de sa vie, tiraillé entre les éditions des textes, l'aide à Vuk, son activité journalistique et ses "largesses" de bibliothécaire. La période la plus fructueuse à cet égard est sans aucun doute celle des séjours intermittents de Do-brovskÿ à Vienne: les deux hommes terminent la grammaire du vieux slave, c'est-à-dire le premier volet du "programme" et veulent immédiatement le compléter par le deuxième volet, le dictionnaire. Ils peuvent d’ailleurs utiliser nombre de notes recueillies pour les Institutiones (7). Le peu de lettres que nous possédons de cette période où le travail commun à Vienne cède le pas à la correspondance, attestent que les travaux avancent rapidement. Ils en viennent mime à parler du nom de l’auteur de l'ouvrage préparé. Kopitar propose à son ami pragois de signer l'oeuvre; celui-ci répond que c'est sans importance (8). Tout ceci apporte la preuve que les travaux du dictionnaire tenaient une grande place dans les recherches de ces deux slavistes, que leurs travaux étaient très avancés et que la part de Kopitar y était prépondérante. Mais une fois les Institutiones publiés, l'atten- 4C6 tion des deux slavistes semble dévier du dictionnaire pour diverses raisons. Dobrovski tombe malade et Kopitar est très occupé par les travaux de Vuk. Mais on peut supposer que le matériel qu'ils avaient reçu de Russie par l'intermédiaire de Koppen les occupe également, car les deux slavistes remarquent aussitôt, au vu de ce nouveau matériel, qui comprend des oeuvres capitales comme Ostromir et Dissertation, que leur grammaire apparaît déjà comme incomplète et même dépassée. On voit mal Kopitar, le perfectionniste, hâter dans ces conditions l'édition d'un dictionnaire qui serait tout aussi incomplet. Il ne cesse pourtant pas d'assembler le matériel en vue d'une telle publication. Cependant, une toute petite partie des recherches entreprises par notre slaviste dans le domaine lexicographi-que du vieux slave verra le jour de son vivant: c'est le lexique qui se trouve dans Glagolita Clozianus <9>. Il ne concerne bien évidemment que les mots contenus dans le texte du document glagolitique, mais c'est tout de même la première ébauche d'un dictionnaire du vieux slave. Il pourra servir d'échantillon. Grâce à Vostokov, Vienne et Prague trouvent un rival à Moscou. En effet, Rumjancev suggère au slaviste russe de s'atteler à la composition d'un "Dictionnaire comparé de tous les dialectes slaves", qui comprendrait bien évidemment aussi le vieux slave <10). Il est plus que probable que Rum- 4C 9 jancev avait apporté cette idée de ses visites à Prague et à Vienne, d'où il avait rapporté le dictionnaire de Linde. -Mais Vostokov hésite beaucoup devant l'immensité de la tâche et se plaint de la pauvreté de l'Académie russe en ce qui concerne les ouvrages nécessaires en vue d'aussi vastes travaux (11). Il se mettra pourtant au travail et, en 1861, paraîtra son Dictionnaire du vieux slave (12). Mais le slaviste russe n'utilisera qu'une partie de ses notes, car son dictionnaire est destiné d'abord aux étudiants et non aux chercheurs. Nous voyons ainsi que, de même que dans le cas de la grammaire du vieux slave, le dictionnaire fut préparé par les trois grands slavistes de la première période, Do-brovsky, Kopitar et Vostokov. Et, bien que leurs travaux se complètent, l'oeuvre reste inachevée. Et c'est encore à Miklošič qu'incombera la tâche de réunir les matériaux, de relier en un seul ouvrage les recherches poursuivies pendant si longtemps par ses trois prédécesseurs qui habitaient Prague, Vienne et Moscou. Pour ses Racines de la langue slave (13), il utilise les notes de Kopitar, et son Dictionnaire vieux slave-arec-latin (1171 pages) (14) représente la somme de ses recherches et de celles de ses trois prédécesseurs. -Lamanski n'hésite d'ailleurs pas à le considérer comme le "legs de Kopitar". Hanka, qui après la mort du "Mephisto slave" ne put s'empêcher de retourner sa haine contre le 4 1 C plus brillant des disciples de Kopitar, fait courir le bruit que Les Racines et autres oeuvres de Mf'kloéic n' étaient en fait que des oeuvres de son maître. Le grand philologue répond: "Alors, ce Kopitar, qui d’après l’opinion de ces gens-là, ne possédait rien de personnel, je l’ai volé, de l’avis de ces mêmes gens? '15). Notes : Le Diet ionnai' e du v i eu >--s lave 1 ) K i dr i c : Zois, 1 , p . 1 Ah , 85 * i 1 8 ! c) "Es würde dem Heri n Primic ! if>be' rathen,sich ein fünf ss Pao i er in Format >/on Visi thirt,eo Des chneiden su 1 assert, dann ei'‘! halbes Duzende seiner besten Schûler unter den Wi ndischen "iheologen zu Hilfe zu nehmen,mi t i h neti die Lex ica von P.Nareus,Gutsmann,Habdelic,Belostenec.,..und jedes Wort und jede Rirsse. .. a uf eine dieser Visitkartenfwegpn der nachherigen a i phabeth i srhen F i nor c! nuno ei rizel n ) zu über tragen. Durch d iese Oper at ion dür f te so z i eml i c t s die Ha 1 f te des steie>' ischen ^Prachschatzes ioventiert werden se in".Va ter]andische & Lat ter ,181 ?,<•>,p .40] , KS p . 1c- • 3 > Elementa 1 i nciuae ac.l a vet *o •_ uscicae. C!1L, 1 704 , Probablement de — Par vpn f p! t 4)Kidr i c : Z ois,p. 143,3/8/ i 00f ■ 5)ib id. . p.145 6 ) Entwijrf zu. e i nem a 1 ) ueme i n en 1 t yin .■ 1 ntj i | on der Sl awi.se h e §finaç h e, P r a g 1813 7 i neTpoBCKiift: "Komnap n Inr t i tutiones" , p . 147-1.50 8)Jag îc: Briefwechsel.p.494 9 i Glagol itd GJ c. .i «anus, p . 4 5 J 0 > " Cpaeim re.TPHtiii c.nozapt eces c si sp shckh >. HapegHfi" . flpenncKa -iirl I oko e a, p , Z 6 , V o s t o k o v è 3 u m • a n cev , ] 1 / 5 / 1 8 E E*, 1 1 1 " pvcocas AicajsMüs Dezin.a m .-i t ; - p 11 ü a m i : no tskomv oÔainpHOMy TPyay"- ibid.p , 88 1 ? ■■ A ■ X ■ Boctokoe : Cnoiaps uepKOBHoro cjaegHCKoro 33» k a, CHS i 86 1 13 ) ! . M i k 1 os j eh : Rad i res lj n. :ua& s_l a - i < •, V i ndot o < tae- 1 843 1 4 :• F . M i k 1 O s i c h : ■ jevjeor. Etal eos 1 o veni co-or aero-i a 1 i nu r-, Vi ndobona 1 8»tP- ! 865 lfj ) "Diesen Kopitar nun,der nach der Meinung dieser L.eute Pel b s t nichts eigenee hatte.habe i eh nach aer An-, i eh t derselben L o u t e bpiaubt . " Slaviš r De B i b 1 i o * 11 vi. « I < 1 8‘>1 , p . 8 1 S CHAP.III Le glagoliticiue Parmi les nombreux problèmes que pose au philologue le vieux slave, la double graphie cyrillique et glagolitique apparaît comme une véritable énigme. Au mime titre que l'origine de cette langue, elle divise les spécialistes jusqu'à nos jours. Pour les slavistes occidentaux,la primauté du glagolitique paraît aujourd'hui admise. Ainsi, A. Vaillant écrit: "Cyrilk?crée une langue d’église slave et invente une nouvelle écriture sacrée à l'usage des Slaves, l'écriture glagolitique" (5). Mais l'hypothèse inverse garde ses partisans, surtout chez les spécialistes de "tradition cyrillique", c’est-à-dire ceux qui écrivent leur langue en cyrillique. Ainsi, E-f.A. Istrin écrit: "Tout cela conforte la conclusion selon laquelle l’alphabet glagolitique est le produit de la création individuelle, artificielle, utilisant comme base l'alphabet cyrillique existant" (2). L’auteur se base sur des considérations d'ordre historique, affirmant qu'étant donné que l’enseignement religieux était le plus important facteur d’influence, Byzance envoya les deux apStres qui adoptèrent l’écriture employée par ce centre religieux, formèrent l’alphabet cyrillique qui se répandit en mime temps que la religion, tout comme l'alphabet latin se répandit avec la religion catholique et l'arabe avec la religion musulmane. Istrin ne tient guère compte du facteur philologique et, dans l'histoire des recherches sur ce problème qu'il rappelle à .juste titre, il omet de mentionner bien des travaux occidentaux: s'il mentionne Linhart (Slovène) et Anton (Sorabe), en les prenant pour des Tchèques, nous ne trouvons pas trace de Kopitar dans sa volumineuse étude. Or, c'est l'auteur de la première grande publication d'un monument glagolitique et le véritable initiateur des recherches dans ce domaine. Qui plus est, le spécialiste russe considère que les disciples des deux apôtres inventèrent cet alphabet compliqué pour échapper aux persécutions du clergé dépendant de Rome et préconisant de ce fait l'alphabet latin (3). Ce qui ressemble fortement aux hypothèses défendues au ISème siècle, entre autres par Dobrovsky qui situait cette invention à des fins de "déguisement", mais en Croatie et non en Moravie. Tout ceci prouve seulement que le pays de départ de ces recherches continue à avoir son importance, comme il l'avait déjà aux débuts de la slavistique. Car cette question de la double graphie intéresse et préoccupe la plupart des grands y slavistes depuis Dobrovsky jusqu'à Cernyh, en passant par v w . / „ Safarik, Jagic, Sobolevski, Durnovo, Leskien, Lihacov, etc... Il est vrai qu'en l'absence des textes datant de la mission des deux frères de Salonique ou des textes écrits par eux-mimes, les spécialistes en sont toujours réduits aux hypothèses et interrogations. Une écriture existait-elle chez les Slaves avant cette mission? Pourquoi deux alphabets?' D'où viennent-ils? Lequel précède l'autre? Ces questions et bien d'autres, les premiers slavistes commencent à se les poser, mais le nombre plutôt restreint de textes dont ils disposent et surtout leur origine moins diversifiée et plus récente, ne leur permettent pas d'aborder le problème de façon réellement satisfaisante. Les textes écrits avec l'alphabet glagolitique sont pourtant relativement nombreux et disséminés sur un territoire très étendu allant de Moscou à Paris, de Prague à Jérusalem. D'autre part, l'alphabet glagolitique continue de vivre encore à leur époque dans certaines régions de la Croatie. Guillaume Postel en avait parlé dès 1538 en France <4) où il est connu sous le nom d'alphabet hyéronimique. Car une légende veut qu'il fût inventé par Saint Jérôme lui-même, spécialement pour les Slaves du Sud, afin de cacher ainsi habilement l'emploi de la liturgie slave. En tout cas, le pape Innocent IV est au courant, puisqu'il permet en 1248 l'utilisation de ces "litte-rae specialis" (5). Etant donné l'origine sacrée de ces graphèmes, on ne s'en préoccupe guère .jusqu'au 18ème siècle. -Mais en 1766, paraît à Venise l'ouvrage de Siemens Grubišič In oriqinem et historiam alphabeti slavonici glaaolitici. Le lieu de la parution n'est pas sans importance puisque l'on sait qu'il existait à la ville des doges une importante imprimerie destinée à fournir des livres aux populations de la i j côte dalmate. Grubišič conclut que cet alphabet provient des runes. Schlozer, qui embrasse décidément l'ensemble de la civilisation slave, n'ignore évidemment pas l'existence de ces deux alphabets, mais considère tout de même le glagoli-tique comme une création secondaire C6). Il est évident que les philologues qui sont au contact direct avec les textes glagolitiques sont les premiers à se poser des questions à leur sujet. Ainsi Assemani qui apporte de Jérusalem des évangiles qui ne semblent pas provenir de Dalmatie. Frisch et Durych essayent de ne voir dans cet alphabet qu'une déformation du cyrillique, faite par des copistes peu scrupuleux. Car on sait bien à l'époque combien les diverses graphies sont liées les unes aux autres, qu'elles passent d'une langue à l'autre en s'adaptant, comme par exemple le latin qui est tiré du grec, l'arabe qui provient de l'araméen, etc... Les savants tchèques, et surtout croates et Slovènes sont particulièrement bien placés pour étudier le glago-litique, car les textes écrits avec ces lettres sont pour eux monnaie courante; entre autres, un certain nombre de traductions liturgiques datant de la Réforme. Et ils commencent très tôt à penser que le glagolitique est antérieur au cyrillique. Ainsi, Linhart (7) rejette la légende de Saint Jérôme et soutient déjà que cette écriture est plus ancienne que le cyrillique. De même, Dobner et Anton qui pensent que le cyrillique fut finalement adopté parce que plus commode, «noa DhîiniæBLfibiKDE amifcmo ID’îflfiï’JCK 8ft3DhraS?3 flfil (ÏÏ2Bu>\ïIæ}( -^BfliKr jü&nhawz UtmBuhVf HD/L^Efflin-AI CSDoBÜà pæüWDifrnjËüîjTfeiîlib gB'ijijffaïïBbPHjfing. v *» • * t ; •••■ v '■ V-. £ *" amn nirhtn>y[ibli nudimr ftiiffla p nfibrnbliftuire frîmt-fl'fii&ajinffigtma a finira «rânîsrtiaj-ga^a BorniDo^rtiBa- «g» anbOifi oiiftconnafrforaunna jf3tanh2innWÉFHpn,M3 __ . . 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La position du patriarche de la sla-vistique évolue pourtant fort peu: il considérait le glago- litique comme une "fraude pieuse", commise quelque part en Dalmatie pour cacher l'utilisation de la liturgie slave. Il voulait effacer d'un trait de plume sa noblesse ancrée dans 11 la plus profonde antiquité. Pendant presque un demi siècle, le monde savant et non savant vénérait cette sentence hSti- n ve, non fondée et futile en elle-même (10). Pourtant, le grand slaviste connaît aussi bien 1'Abecenarium bulgaricum que Kopitar lui avait copié en partie à Paris (11), de même qu'il connaît un certain nombre de textes et l'oeuvre d'As-semani. Mais il est vrai que l'utilisation de cet alphabet lui reste pratiquement inconnue en ce qui concerne les Slaves de l'Est. Dans ce domaine précis comme dans bien d'autres, Kopitar bénéficie déjà à Ljubljana des idées de ses prédécesseurs Slovènes. Etant donné l'abondance des textes, Kumerdej et Zois avaient déjà dressé un tableau comparatif des deux alphabets et remarqué des formes diverses que peuvent prendre ces lettres (12). S. Popovič connaissait lui aussi fort bien cette écriture. Mais le slaviste viennois ne semble pas se poser dès l'abord la question de son ancienneté, le considérant simplement comme une création secondaire. naires employaient l’alphabet cyrillique qui se distingue du "glagolitique lourdaud". Bien que posant la question à plusieurs reprises dans sa correspondance, il affirme encore, en 1827, que Méthode inventa avec son frère Cyrille l'alphabet cyrillique afin d’écrire la langue slave (13). Mais, peu à peu, il acquiert la conviction que le glapolitique est au moins aussi ancien que le cyrillique, contre l'avis de son maître qui ne pouvait admettre l’idée qu'au llème siècle on pouvait déjà écrire en glagolitique (14). sera déterminante dans l’évolution des convictions du slaviste. I1 se rend compte qu'il détient l’un des plus anciens textes en vieux slave connu à l’époque. "Je me suis réjoui quand j’ai vu le codex qu’ils nomment glagolitique sinon plus ancien, du moins contemporain du très ancien codex cy-ril lien des Evangiles d’Ostromir de l’an 1057" (15). Il en montre des échantillons aux Croates de Vienne qui utilisent encore le glagolitique et il s'aperçoit qu’ils ne peuvent le lire, pour la bonne raison que le texte est écrit en glagolitique rond (que l’on identifiera plus tard comme bulgare) Ainsi, dans écrit que les deux mission- Mais c’est la découverte du texte du comte Clos qui et non carré de Dalmatie. Il est le premier à distinguer ces deux formes assez différentes du même alphabet et il en donne un tableau comparé dans Glaqolita Clozianus (16). Et il n’hésite pas à affirmer: "Donc, la proposition demeure ferme, à savoir que les caractères glagolitiques des Slaves, pour ce qui est de l'époque, sont au moins contemporains des cyrilliques" (17). Mais, scrupuleux et hésitant comme d’habitude, Kopitar s'adresse à l’homme qu’il considérait comme le plus diqne de confiance, à l’érudit qui, après la mort de Do-brovsky, connaissait le mieux les problèmes des textes en vieux slave, Vostokov. Il lui demande de l’aider à éclaircir les sources du glagolitique (18). Le philologue russe lui répond par une longue lettre où il dit entre autres: "Je vous félicite, mon très honoré collaborateur dans les recherches des antiquités vieux- slave^,pour votre précieuse trouvaille... J’attends avec une très vive curiosité la publication de votre Qstromir glagolitique qui, comme je l’espère, nous éclaircira bien des choses en ce qui concerne les antiquités vieux-slaves et surtout complétera nos renseignements au sujet des lettres glagolitiques et de leur lien avec les cyrilliques... Avec cette découverte, la supposition de feu Dobrovsky est réfutée? Il copie quelques lignes d’un manuscrit cyrillique où toutes les majuscules sont glagolitiques. Et il ajoute: "Quand, en 1821, j’eus en main un extrait du Psautier appartenant au père Evgenij... j’ai pris pour moi le fac-similé des trois lettres initiales, simplement à cause de leur étrangeté, ne soupçonnant aucunement que cela pouvait être des lettres g1ago1itiques, car à cette époque .je ne m'intéressais pas à l'écriture glagol itique" (19). Et il explique que c'est le professeur Kuharski, qui avait rendu visite à Kopitar, qui avait attiré son attention sur cette graphie. Ceci prouve bien que la connaissance du glagolitique provient de Prague,<)»Vienne et surtout de Kopitar. Etant donné la rareté des textes g 1ago1itiques en Russie, le problème paraît secondaire aux premiers slavistes russes. De plus, d'autres considérations entrent en ligne de compte. "Longtemps, la chance n'était pas du côté de ces restes des antiquités slaves. Ils étaient considérés comme quelque chose d'étranger, entré de force dans la vie ancienne des Slaves. Seuls l'écriture cyrillique et les monuments cyrilliques étaient véritablement slaves, car ils appartenaient exclusivement, vraiment et solidement à la liturgie orthodoxe" (20). On continuera à se méfier, en Russie, de cet alphabet qui représente quelque chose de presque hérétique. Ainsi, Sreznevski finit par le lier aux bogomiles, c'est-à-dire les cathares de Bosnie (21) et Preis pense qu'il apparaît en Dalmatie après l'interdiction du cyrillique par Rome (22). Mais l'impulsion donnée par Kopitar avec son Glagoli ta Clozianus trouve sa prolongation dans les travaux de V.I. Griqorovic, surtout après sa découverte des deux monu- ments capitaux au Mont Athos: le Zographensis et le Marian- nus. Ces découvertes apportèrent une confirmation des hypothèses émises par Kopitar et frayèrent le chemin aux nouvelles recherches dans ce domaine en Russie. Kalajdovic et Grigorovic adoptèrent très vite l'idée de la primauté du glagoli tique. Cependant, la connaissance de cet alphabet se répand lentement chez les spécialistes occidentaux. Nous avons vu les tâtonnements dont fut l'objet 1'Evanqé1iaire de Reims. L'idée de l'importance et de l'ancienneté de ces lettres fut répandue dans le monde savant, surtout grâce â Kopitar et aux échos qu'éveilla son Glagolita Clozianus. Les deux importants comptes rendus, celui de Haupt dans WALZ (23) et surtout celui de J. Grimm à Gottingen (24) familiarisèrent le public cultivé avec cette particularité du vieux slave et affirmèrent l'antériorité du glagolitique sur le cyrillique. Quant à Kopitar, il continue d'étudier cette graphie et les textes qui lui appartiennent, attirant notamment l'attention sur le mélange du cyrillique et du glagolitique dans le Psautier de Bologne (25) et écrit que Cyrille lui-même pourrait bien être l'auteur de cet alphabet (26). Pour Hanus, c'est bien Kopitar qui fit prendre conscience aux érudits que le glagolitique était ancien et de noble origine (27). Car i.1 faut souligner que les adversaires de cette g y théorie étaient nombreux. Il faut compter parmi eux Safarik qui, étant en contact avec les Slaves du Sud, connaissait particulièrement bien les textes et qui, par la suite, consacra une grande partie de ses travaux à cette question. Au moment de la parution du Glagolita Clozianus. il ne peut admettre l'hypothèse du slaviste viennois: à savoir que l'alphabet glagolitique est plus ancien ou aussi ancien que le cyrillique: "Je ne les approuverai jamais tant que j'aurai toute ma raison et que je comprendrai ce qu'est l'histoire" écrit-il à Vostokov (28). Jagic, qui a tendance à pardonner facilement les erreurs de tous ses prédécesseurs, sauf celles de Kopitar, explique l'attitude de l'auteur des Antiquités slaves de la façon suivante: "Les efforts de Kopitar pour mettre en avant l'importance du pannonisme dans la question de l'origine et de la patrie du vieux slave, provoquèrent l'étonnement de bien des gens: ils fournissaient des armes à un grand nombre de ses adversaires... Les penchants de Kopitar pour Rome la catholique et pour l'Eglise occidentale, son inimitié ouverte envers les Russes et tout ce qui était russe, jetèrent l'ombre du doute non seulement sur son pannonisme, mais aussi sur l'écriture et les monuments glagolitiques" <29>. Mais tout cela n'empêchera nullement Safarik de poursuivre ses recherches dans ce domaine précis, de lui consacrer plusieurs traités, Coup d'oeil sur l'écriture glagoli tique (30), Les monuments de l'écriture glanolitique (31) et surtout ses Fragments qlaqo- 1itiques (32) écrits après la découverte des textes de Pra- gue. Il rejette l'hypothèse de Sreznevski. sur l'origine bo-gomile de cette graphie et donne une première explication quant à la double forme de ces lettres: les carrées servaient à écrire sur des tables de pierre, alors que les rondes, plus tardives et plus ornées, étaient utilisées sur du papier. Il voit l'origine première de cette écriture chez les Varègues qui l'auraient apportée chez les Khazars, chez lesquels 1'apôtre séjourna avant sa mission slave. Il ne peut d'autre part admettre l'hypothèse de Grigorovič, selon laquelle Méthode aurait "amélioré" le glagolitique à l'aide de l’alphabet grec et créé ainsi le cyrillique. Et le slaviste n’hésite pas à invoquer une raison d'ordre psychologique: Méthode ne pouvait déformer l’alphabet créé par son frère qu'il vénérait. Savant honnête, Safarik ne peut passer sous silence la dette qu’il a envers Kopitar dans l'introduction de l'une de ses oeuvres les plus importantes et les plus complètes sur ce sujet, à savoir Sur ———£-t..3i-i.1,6—et -^a patrie du glagolitisme . "Les spécialistes prendront conscience, dès la lecture de mon premier article, que mon opinion et ma doctrine quant à l'origine de l'écriture glagolitique sont pour l'essentiel en accord avec celle que Kopitar avait déjà présentée en 1833 et trouveront peut-être surprenant que je me fusse montré en apparence imperméable à celle-ci. Il me faut à ce sujet donner une explication. Kopitar avait dans ce domaine davantage deviné la vérité grâce à son extraordinaire intuition que fondé sur des prémices exactes et appuyé sur la force de la conviction, ce qui, étant donné notre ignorance d'alors de nombreux monuments essentiels et des faits hitoriques, nous eût été tout à fait impossible" <331. En même temps que Safarik, les slavistes russes poursuivent des recherches dans ce domaine et adoptent l'idée de l'antériorité et de l’importance de la graphie glago-litique. V. Grigorovic écrit son traité sur l'ancienne écriture des Slaves <341, sans toutefois rencontrer de grand succès auprès de ses compatriotes. Il est indéniable que Kopitar fut le premier slaviste qui aborda sérieusement la question de la double graphie slave et tenta, grâce à la somme de ses connaissances et malgré le manque de textes, d'y apporter une réponse satisfaisante. C'est encore lui qui familiarisa un tant soit peu les philologues russes avec l’alphabet g1ago1itique, que Strojev n’hésita pas à appeler des "pattes de mouche". Il incita d’autre part les slavistes de la génération suivante à continuer les recherches dans ce domaine fondamental de la civilisation slave. Ayant fait largement connaître le glago-litique, il favorisa indirectement l’éveil de la conscience nationale en Croatie où cette écriture présentait l’une des spécificités nationales et une composante importante de la M „ culture croate. Safarik, en suivant la voie dont les débuts V furent tracés par Kopitar, en arrive mime avec Kukaljevic-Saksinski à tenter de faire revivre cette écriture <35>. NotesrLe Glagolitique 1 ) A . Va i 1 I ant : tianue 1 du v i eux slave I, Pari s }948,p.l2 P ) " P< ’o 3Tr\ nn n t p o n v naûT nouuoû nti tt duuit »w» duda n r> tom trm w 1- P »—. —r A VU A A O A-a A lu v_ |_U Sl U I_A _ t tUUl « « J v_. 1— Vm M U U ( LUI 11 I AJ A A A 1U AA A A-A VU ^ U VU « VU l'i y AA lu îfc rOJlHU,a «BJiaeTcsi npoayKTQM iickvi PSecTBa c ncnojik30BaHneM .a.n5i neë b KanecTBe ochobii ^UiecTBoBap.tuefi MocKBa 1 986 , p . 38 KHpn.njmiui" . B. A. HcxpiïM: 1 100 HHUHBH^ya^tHOrO paHne Jîer CJI3BSHCKOft 3)ibid.,p.76 4 ) C f^vangél laire de Reims «note 5 5 ) SiriiH: PpaftHKa y Cji3bhk , COE, 1 91 1 , 6)Sc h 1 o z er : A1iegemeine P . 333 Mordisc he 7)Poqacnil: ;Zgodovina II,p.121 Gesel-) ichte. Go 1t i ngen B ) K . An t o n : Er s t e Lini en e i ne s» Ver suchs liber der Aljten Sl_awen, Leipzig 1789 9 ) J . Dobrovsk y : G1 ago 1 i t i c_a , Pr a g 1807 g 10)"Fastein haldes Jahrhundert verehrte die gelehrte und . Çelehrte Lie 1 t diesen libéré i 1 ten , unbegrLndeten , i n sich nicht.igen SsPr uch " . Hanul : S I a v i sche B i b 1 tut, hgi I , p . 501 11 )Jagic: Brlefwechssl : , p .395,19 p/ lg15 t 12) Kidrič: Dobro vst« y , p . 187 13)"Literaturgeschichte Russlands".Jahrbucher 1887.95,5pisi ’P .206 14)Jagic: Briefwechsel ,p.395,24/2/1815 91 Ey 15)"Quibus tum a<9o 1 i t i cum , quem votant àn<3el j pruffi codici ani ego laetitiis incedebam,cum codicem si no antiquorem,sa 1tim î 057".G1agolita C 1 ozianus,p.111 viderem aequa1em 16 > i b i d . , der n i èr e planche* çj 17)"ergo firma sententia : 1iteras Cy^01 i t i c as , quoadja 11. a tem, esse s alti m 1 1 I i a num".ibid.p.IV Slavorum a e q u a 1 e s 425 18 > fl pen h CK a BocTOKOE-a. p . 283,26 9 / i 830 19 ) Cf . ch , Gl ego 1 i ta L’ 1 oz i anus, no te 5 . . " . Chm OTKpaTneM onpotnepraeica n p e- ji n c» a o al e h h t- noKofiHoio üofipoBCKoro, , , Kor\aa n b 1821 rojiy HMe.n b pyï-.ax oTpiiBKU Ileajrs upu, npMHajüJiexauien EBrem-no s CHa.a a ji a ceCa f ec—5 i mi le c rpëx $iirypHux 6yKB eaunciBeHKO juin CîpaHHûciH iix» o th to c «e nûüù3p?Ba9, HTuDti sto 6u.an r.iaro.aiiTiiHecKiie 6 V K £31! , HÜO B 310 BpC-tMM r JiaroJli« H'ieCKOÜJ niICH&HHÛCb TK> n ne -■rtHUMaaca" , i b id , , p , 886 . 50) "Aojiroe ep ena h? e«?:žjiq stiim octsthsm c.iaE3HCKOfi CTapjsHti; Oh h cnmaanct hbm- ra hvuchm, BToprMVBuiHMca HaciiJifcCTBeHHo b apeBHtoie» C.iaB.aH, MeTUHo-caaBsacKHM 6hjio To.ai.Ko Kiipiui.aoBCKoe HHttMO - KlIplI.a.aOBCKIie naMSTHHKH . UCKJIIOHHTeJlbHO HCTHHHüfl JI Hâ4ëXHûfl n p h h a ji jt e h o c: t k so npaBoc.riaBHoro 6oroc.iiy;t:eHus" : SrMH: Hciom-ia navneHHa r.aarojiHOMa Cii E I e51 1 , p - 59 0 1 ) )KMHŽ1. 1 648 II p . 1 6-66 2? ) HLMHn 1 834 I1I,p.184 83)HALJ.7fo.p.103 133 24 > Gut tinciische Gel eh» An? e j qer , 183/. , I ,p .395- 326 c)5 * Hej t ç ! LLjlP- 38 26 ' I b > d . , p . 39 , << o 27>Cf .ÇiAws_cht- Bih.1 i.athe.: I .r,.901 58 ) "werde ic!i r. i e beipf1ichten,so lange ich Meoschverstand Habe o- n d was G e s c h i c H t e s e i .'er s teh e" • 0 pernici, a BocTOKOBa. P.325,21/2/1836. £9 ) "CTpeM.aemie KoiiHTaps noaHiTt 3HaMeHwe nanoHMicMa zuis bonpoca o ripOHCXOxaeHiii! n poaiiHe pepKobhocjiaiTHCKoro «piiKa BLiaea.ao t. pa -HLix >h Hft.iovMftHin-! ; oho poopv^ajio npoTiie Hero mhùi’jix. , .Haisxfai KomiTapa b e ropu«v k a r o» .a u h ee»;or o f'HMa ss aanaaHûîl UepKBii, ero HecKpnaaeMan Bpeoi:jebiiooTt no oTHouieHiik> k Pocciih h bcomv PVCckomv CpocHJiu TeHt no403penns He ro.UKo na ero iishouhium , ho h Ha rjiaro.nn*jecKoe nnctMO n na r Jiarc» jih weekne naMiTHiiKif " . SriiH ; op . c i t . , p . 5rv - 30)"Pohleri na prvovèk hlatv'lskeho f. i semn i sivi " , CCHI 1852 11,0.81-104 31 ) Pamet k v h 1 aho 1 skeno p_ir emn i •-1. v v P-a?e 1853, 4 27 3 2 ) o G 1 a g o J itische Fr aci me nte, Prag 1 Hh'7 33)"Kenner werden nun gleich nach dem Durchlesen des ersten Aufsatzes inne werden,dass meine Ansicht und Lehre uber den Ursprung der q 1 ago 1 i t i schen Schrift im Ulesent 1 i chen mit der von Kopitar schon 1B33 vorgetragenen uber e i ris t i mmt und es vielleicht befremdlich finden.dass ich mich demnach fur diese Lehre so lange unempfang]ich gereiqt habe.Hierüber bin ich einige AufFlarung schu1 dig.Kopitar hat auf diesem Gebiete des Wissens die Wahrheit mehr durch sejnem ausgezeichneten Sel aifsinn erraten als aus richtigen Pràmissen bundig erschossen oder mit übei zeugender Kraft bew i esen, was br-i unserer damai iqer Uni en >tnis vieler der wichstigsten Denkmàler und geschicht1ichen Daten aurh schlechthin unmüglich war "."Liber den Ursprung und Heimat der Glagol i t ismus" .Slavische Jahi bûcher i 85-8, p .5-6 . 34 ) ‘ O jpesHefi HHCiMeHHocTH G.TaBSH" HîMHIl 1852,3 p . 158 56,85 , p . 31 3 » CHAP. IV La théorie pannonienne L'une des questions les plus controversées parmi le nombre impressionnant de celles abordées par notre slaviste est sans doute ce qu'il est convenu d'appeler la "théorie pannonienne". Tout comme les manuscrits tchèques, elle divisa les savants durant presque un siècle et fit naître des passions qui n'avaient rien de commun ni avec la philologie ni avec l’histoire. Entre les problèmes d'ordre strictement linguistique et qui trouveront, au gré des nouvelles découvertes et des études approfondies, des solutions plus ou moins justes, se glissent des divergences d’ordre idéologique, politique et religieux. Les études mêmes de Kopitar furent interprétées mainte fois à tort et à travers, souvent détournées de leur but, utilisées à des fins que leur auteur aurait réprouvées. La question que se posent les premiers slavistes est pourtant claire et simple en elle-même: quelle est l’origine du vieux slave, cette langue inter-slave écrite, utilisée par Cyrille et Méthode et leurs disciples durant leur mission slave? Est-ce la langue de l'une des branches slaves qui s'étaient déjà différenciées de leur ancêtre commun et laquelle? Si c'était l’une des langues parlées par un groupe slave non encore évangélisé, comment les notions chrétiennes furent-el les introduites dans cette langue? Comment a-t-elle évolué au cours des premiers siècles d’existence, quelles influences a-t-elle subies? Ainsi, dès le début, les problèmes historique et linguistique se trouvent étroitement mêlés. D'autre part, pour bien comprendre l’importance de cette question aux yeux des slavistes du ISème siècle, il ne faut surtout pas perdre de vue le fait que ces premières traductions du Livre représentent la clé même de la philologie slave, la pierre angulaire de tout l'édifice. Pour l’historien, l'époque des deux apôtres est le moment capital d'où découle tout le passé commun de ces peuples. Avoir une langue écrite, c’est entrer dans la civilisation. Au désir légitime de connaître ce moment crucial commence à se mêler très vite le besoin mis au goût du .jour par le romantisme allemand d’asseoir la communauté culturelle sur des bases anciennes et solidement ancrées dans l'histoire. Il n’est donc pas étonnant que tous les slavistes, depuis Schlôzer jusqu'à Jagic, en passant par Dobrovsky, Safarik, Miklošič, etc... aient essayé de répondre à la question de l’origine du vieux slave. Et, bien plus près de nous, les membres du Cercle? de Prague n’ont pas hésité à souligner l'importance et le côté actuel de l’étude du vieux slave et de ses origines pour des raisons d’ordre surtout linguistique. Car le problème d’une langue littéraire standardisée, commune, ar- tificielle peut-être, présente déjà en lui-même un grand intérêt pour tout linguiste. Il peut être posé de façon tout à fait actuelle, en comparaison avec l'arabe littéral, ou même l'emploi de l'anglais en tant que langue internationale. C’est dire que le problème déborde largement le domaine de la seule linguistique historique, qu'il touche à la fois de larges zones de politique, d'histoire, de religion, etc... Et les philologues slaves, malgré leur sérieux, leur érudition, leur désir d’impartialité ne peuvent laisser de côté ces autres aspects, étroitement liés à leurs travaux. Nous avons vu que le fait même d'être philologue slave constitue, au ISème siècle, un acte d’une valeur plus que scientifique puisqu’il consiste à affirmer l’existence d’une culture slave face à la culture occidentale établie et reconnue depuis longtemps. Il faudra attendre la fin du siècle, le temps où une certaine égalité entre les diverses cultures apparaîtra comme un fait établi, pour que la philologie slave puisse se débarrasser quelque peu de cet habit passionnel Cl). Dans le? cas de Kopitar et de sa théorie pannonien-ne, il s’agit de distinguer l'aspect strictement philologique de son environnement politico-historique. Notre prétention n'est pas ici de rétablir la vérité entière, ce qui paraît une entreprise impossible, mais d’essayer de voir le problème tel que le voyait Kopitar et non tel qu’il fut perçu et interprété par ses détracteurs. Force est cependant d'admettre que l'aspect extra-philologique joue un certain rôle dans la formation de cette théorie chez le slaviste viennois. S'il reste sous-jacent tout au long de son activité, on peut tout de même se demander quelle était exactement son influence. Nous avons vu que Schlozer apparaît souvent comme le maître des premiers slavistes. Historien et philologue à la fois, i.1 soulève maint problème du passé slave. En étudiant les anciennes chroniques, il était inévitablement amené à se poser la question de l'origine de la langue slave écrite, de l’impact de l'activité des apôtres slaves sur toute l’histoire culturelle de la partie orientale de l'Europe. Il connaît les travaux des historiens russes et en particulier, surtout à la fin de sa vie, ceux de Tatisèev. Tout en étant sûr de la mission des deux frères, il n'en émet pas moins l’hypothèse selon laquelle leur langue tirait son origine de l’une des langues slaves du Sud. Mais il ne se prononce pas avec précision, considérant que des études plus approfondies seraient nécessaires. Cette hypothèse, plutôt vague, apparaît d'ailleurs comme quelque chose de courant. Ainsi, Karamzin est persuadé que le vieux slave est d’origine illyrienne (2). Pour Appendini, la langue illyrienne est l'un des "dialectes primaires", etc... Il paraît donc presque acquis qu’il convient de chercher cette origine chez les Slaves du Sud. 4 32 Il n'est donc pas étonnant que le cercle de Zois s’intéresse à l'origine de cette langue sacrée. Nous avons vu que les grammairiens l’incluaient dans leurs recherches. Tout semble indiquer que, connaissant le point de vue de Schlozer, les savants slavistes de Ljubljana essayaient d'approfondir leur connaissances dans la direction suggérée par l'historien allemand. Aussi, nous trouvons des prémices de cette théorie pannonienne dans la correspondance de Zois et d'autres membres de son cercle. Ainsi, le mécène Slovène explique qu'il avait envoyé son Hausslavist le plus talentueux è. Vienne afin qu'i.1 puisse éclaircir toutes ces choses. Il parle des Slaves carantaniens (3). C'est- en effet dans le carantônisme, élaboré dajà très tSt, qu’il faut chercher la première ébauche du pannonisme de Kopitar, comme l’a bien montré J. Pogačnik (4). S’appuyant sur des arguments d'ordre surtout linguistique, Kopitar divise les Slaves du Sud en deux groupes distincts, dont le premier (habitants de Carinthie, Carniole, Styrie, Jes Croates kajkaviens et les habitants de Prekmurjfi.) représente un vaste ensemble, uni autrefois dans le royaume de Carantanie. Comme la mission des deux frères slaves s’était déroulée principalement chez ce groupe historico-1inguistique, le vieux slave aurait donc pu être créé dans ce vaste et imprécis bassin panno-n i e n. Il est évident que notre slaviste n’avance pas cet- te hypothèse dès le début sous cette forme claire et simplifiée, mais il continue les recherches durant toute sa vie. C'est l'un des problèmes les plus fréquemment abordés dans sa correspondance avec Dobrovsky. Dans sa Grammatik. nous trouvons tout simplement l'hypothèse du maître tchèque selon laquelle le vieux slave serait un vieux dialecte serbe (5). Dans sa première lettre à Kopitar, le maître de Prague écrit cependant: "Je tiens la langue de Cyri1 le souvent pour car-niolienne, mais il convient de tenir également compte de la destinée serbe" CG). Cette phrase, ou plus exactement sa première partie, Kopitar la répète presque textuellement dans sa lettre à Zois: "Même Dobrcvsky tient la Bible d'église pour carniolienne" C7>. On pourrait penser que le slaviste tchèque est d'accord dès le début avec Kopitar. Mais, étant donné qu'il connaît beaucoup moins bien les diverses langues des Slaves du Sud, cette affirmation ne doit pas être prise au pied de la lettre. D'ailleurs, Kopitar ajoute aussitôt sa propre idée, suivie de l'aveu de son incompétence. "Et si Cyril le avait traduit dans la langue des Slaves pannoniens?... Mais qu'est-ce que je raconte là-dessus, alors que je ne connais ni les dialectes du Sud ni la langue de Cyrille de manière suffisante. Puissions-nous fournir seulement des grammaires fidèles et des dictionnaires et oh!, là où c'est possible, également une édition critique des textes de Cyril le,Le reste se trouvera tout seul... Ne serait-ce pas une entreprise capitale, d'une utilité évidente, une nécessité pour la fondation de véritables études linguistiques du vieux slave?11 (S). La lettre est caractéristique de Kopitar, qui oscille souvent entre l'intuition et le besoin d’approfondir ses connaissances pour mieux cerner le problème. Comme d’habitude, le maître de Prague tente de freiner l’enthousiasme de son disciple en précisant que la langue de Méthode n’est ni sud-styrienne ni Slovène, mais bien originaire de Bulgarie, Macédoine, Serbie ou même de Constantinople. Elle s'était répandue paisiblement dans ces régions, alors qu'en arrivant en Moravie et en Pannonie, elle avait fait du bruit, car elle contrariait les prêtres allemands (9). Cette opinion, malgré quelques légères modifications, ne variera plus guère jusqu'à la mort de Dobrovsky. Dans ses Institutionés, il évite la question, au grand dam de Kopitar qui l’évoque dans le compte-rendu de l’ouvrage. Mais le maître consacre deux études séparées aux apôtres slaves (10), où il désigne le vieux slave comme serbo-bulgaro-macédonien (11). Ce qui provoque une réaction des plus sarcastiques chez son disciple qui 3u9e cette hypothèse bien pire que la serbe qui précédait. "Qui appellerait, par exemple, la langue d’Ufilas anglo-franco-saxonne?" (12). Cependant, Kopitar poursuit avec opiniâtreté ses recherches et affirme avec une certaine conviction que Cy- ri1 le "appartient soit aux Bulgares, soit à nous, Carnoliens" (13). Pourtant, les arguments des deux slaviste» présentent une certaine ressemblance, car ils se basent surtout sur le vocabulaire: pour Dobrovskÿ, les grécismes que contient le vieux slave sont la preuve de son origine proche de la Grèce, alors que Kopitar voit surtout les formes germaniques et latines qui parsèment ces textes et prouvent, selon lui, que ces traductions avaient été faites dans le bassin panno-nien où ces mots avaient dé.jà été utilisés par les christia-nisateurs francs des Slaves: "Cyri1 lé trouva des Slaves déjà christianisés par les Francs: de là des francismes (krst, post, pop)" (14). Entre Kopitar et Dobrovskÿ s'installe une polémique qui faillit provoquer la brouille et le vieux patriarche affirme qu'il veut désormais travailler seul et ne pas se laisser diriger. Le slaviste viennois expose sa théorie dans plu- sieurs textes publiés. Dans les Fahtia.tsies,' il évoque la légende selon laquelle la traduction du Nouveau Testament aurait été apportée en Pannonie et affirme plus loin que 1'ancêtre-du vieux slave pourrait être le slovèno-serbe ou le Slovène. Un système carantanien est exposé dans l'article La linguistique slave (15) et des arguments beaucoup plus linguistiques dans l'article L'ethnographie slave (16) où il affirme que la langue Slovène ressemble beaucoup au vieux slave dans les mots et les formes. Dans son compte-rendu des Institutiones. la théorie pannonienne semble avoir acquis sa forme définitive; il la reconduira en augmentant le nombre d'exemples dans son Glagol ita Clozianus et safHesy c h i i . Ses "arguments lexicaux '(oltar, krst, cerky, pop, mnih, post, rim, pekel, cesar) seront mainte fois rejetés, repris et enrichis. Or ces mots ne peuvent ‘être d'origine bulgare, serbe ou macédonienne. Nous savons aujourd'hui que Kopitar avait raison sur ce point précis, mais connaissant mal le bulgare et encore moins bien le vieux bulgare et, d'autre part n'ayant pas en sa possession des textes découverts ultérieurement, il ne se doutait pas que le vieux slave n'était qu'une langue artificielle, formée sur une base bulgare, mais transformée et enrichie au gré des parlera des régions que visitèrent Cyrille.et Méthode. Il est hors de doute que Kopitar tient beaucoup à sa théorie pannonienne, qu'il l'expose à partir des I ns tit u-tiones comme un système cohérent et philologiquement établi. Il est peiné lorsque Grimm, qui avait d'abord pris fait et cause pour sa théorie, changera d'avis: "Cher Ennemi. -Vous êtes mon ennemi à cause de votre rejet capricieux de notre pannonisme auparavant partagé" <17>. Il convient cependant de remarquer que sa certitude paraît beaucoup moins solide dans ses lettres et surtout dans ses recherches personnelles, visibles par exemple dans les papiers laissés après sa mort. Tout semble indiquer que le slaviste exposait sa théorie avec tant de sûreté surtout dans les .journaux et dans les lettres aux autorités qu'il était urgent de persuader de donner aux Slaves la place qui devait être la leur, mais que, dans son for intérieur, il continuait à hésiter. Parmi les philologues, c'est sans aucun doute Vos-tokov qui est le mieux à même de répondre aux interrogations de Kopitar, surtout après la mort de Dobrovskÿ. L’avantage du savant russe, c'est sa connaissance des textes de son pays, dont les plus anciens sont liés aux régions bulgares d’où les textes liturgiques russes sont originaires. Aussi, Vostokov penche dès le début pour l’origine bulgare du vieux slave, sans toutefois exclure d’autres hypothèses. Il souligne l’importance des nasales, mais il n’est pas le seul à en connaître l'existence comme on a souvent tendance à le croire. En effet, dans sa recension de Slovanka en 1814, Kopitar remarque l'existence des nasales dans la langue sorabe et écrit que la disparition de cette langue serait une grande perte, y compris pour les philologues. De même, il attire à plusieurs reprises l'attention de ses compatriotes sur les traces du nasalisme en Carinthie. Si Kopitar n'accorde pas autant d'importance à ce phénomène que les chercheurs qui le suivront, il est pourtant bien loin de l’ignorer. Au contraire, il est le premier à inclure les nasales dans son tableau des alphabets comparés qui paraît dans Glagolita 43b Closianus C19). Après la publication des Institutiones et de la Dissertation de Vostokov, il est souvent question des nasales dans la correspondance des trois slavistes et leurs vues ne sont pas aussi opposées que l’on a tendance à le dire. Ainsi, Vostokov écrit à Dobrovskÿ à ce propos: "Les nasales appartenaient à la langue des Slaves pour lesquels fut inventé l’alphabet et traduits les livres d'église. Ces Slaves étaient bien sur les Bulgares dans la langue desquels de nombreuses traces de nasalisme se sont conservées, comme le remarque M. Kopitar... M. Kopitar trouve dans les fragments. . . carantôniens des Sème et lOème siècles également des traces de nasalisme... Si les Slaves de Pannonie avaient une prononciation voisine de celle des Bulgares, alors il était d'autant plus aisé pour Constantin et Méthode de composer pour les deux tribus slaves le même alphabet" (20). C'est dire que le philologue russe travaille de concert avec ses deux homologues d’Autriche et, tout en profitant de leurs travaux, ne se prononce jamais définitivement. C'est d’ailleurs la raison pour laquelle Kopitar avait même tendance à croire que l’opinion du slaviste russe ne s’opposait pas tout à fait à la sienne: "La vieille distinction de Vostokov entre 11 p ^ K A ^contre . Il est d’autre part fort difficile de déterminer, même aujourd’hui, quelle fut la prononciation exacte de ces nasales. Il est significatif que, malgré l'apparente conviction de Kopitar quant àjl ’ origine pannonienne du vieux slave, il nrabandonne jamais tout à fait l'hypothèse bulgare. Il possède et connaît, à la fin de sa vie, un grand nombre de manuscrits bulgares dont il souligne l'importance dans ses Proieqomena (22). On trouva dans ses papiers un petit lexique bulgare (23). N'oublions pas que Kopitar avait déjà aidé Vuk à préparer un petit dictionnaire bulgare. Ce même Vuk cherche des vieux livres bulgares pour son ami viennois encore en 1840 (24). L'hypothèse Slovène, avancée d'abord par Dobrovsky, est également mise en doute. Le nom de "Slovène", la survivance du duel dans cette langue, etc..., apparaissent vite comme un argument trop facile. Il sera d'ailleurs utilisé par les Slovaques également. Nais cette hypothèse Slovène, entre le moment où dans le cercle de Zois elle apparaît déjà comme une possibilité et les derniers écrits de Kopitar, s'affirme grandement. Les études approfondies et des textes nouvellement trouvés lui ont permis de ne plus considérer de la même manière les divers parlers des pays Slovènes. Nous le voyons s'attacher plus particulièrement aux études des sources de Styrie et de Prekmurje (La Bible de Kuzmič), c'est-à-dire des régions qu’aurait pu englober la Pannonie. Déjà en 1811, au moment où le Slovène obtient sa première chaire au Lycée de Graz, il pense que le dialecte par- lé entre Gras et Maribor pourrait être "le petit-fils du slave d'église" (25). Il demande aux intellectuels de la région d'en recueillir les formes encore vivantes parmi le peuple. Nous trouvons d'autre part, dans son héritage, l'ébauche d’un article sur le vieux slave et la Styrie (26). Un petit lexique comparé, trouvé également dans les memes papiers du slaviste et datant de 1836, prouve encore son besoin d'approfondir la question (27). Il n'est pas étonnant que Miklošič, originaire de cette région et connaissant très bien le dialecte qui y est parlé, adopte sans hésiter, comme le faisait son maître, l’idée du Slovène en tant qu'ancêtre d u vie u x slave. Parmi les contemporains de Kopitar, nombreux sont ceux qui prennent son parti. Mais, il faut bien le souligner, peu nombreux étaient ceux dont les connaissances étaient suffisamment approfondies pour leur permettre de juger véritablement de la question. A part Vostokov, seul Safarik peut émettre une opinion fondée sur des recherches personnelles. Ayant beaucoup de contacts avec les langues des Balkans, il penche d'abord pour l’hypothèse bulgare et rejette la théorie pannonienne, en même temps que l’idée de l'antériorité du glagolitique. Mais, peu à peu, à mesure que de nouveaux textes permettent de mieux cerner la question, il se range du côté des partisans de la théorie pannonienne. D’autres contemporains adoptent l'idée de Kopitar quant à l’origine du vieux slave. Ainsi Mickiewicz dans son cours (28). Stratimirovic est du même avis, ainsi que Dobrovski et J. Grimm (dans un premier temps), alors que les Tchèques avec Hanka la rejettent avec violence, de même que le Slovène Cop, très lié à Celakovsky, autre adversaire farouche de la théorie pannonienne. Mais peut-on parler dans le cas de ces derniers d’un jugement impartial? Ils ne possèdent pas les connaissances nécessaires pour se prononcer vraiment et surtout ils appartiennent déjà à la génération romantique qui cherche ses arguments ailleurs que dans la philologie. Ils ne voient plus qu'un seul aspect de la question, simplifié jusqu'à la caricature: les Bulgares sont orthodoxes, donc le bulgare peut être considéré comme l'ancêtre de la langue sacrée slave, alors que les Slovènes (ou les habitants de la Pannonie) sont catholiques et leur langue ne peut rien avoir de commun avec le vieux slave. Et il faut dire que les nombreux textes de Kopitar donnaient prise aux critiques, surtout parce qu'en parlant de la traduction de la Bible en langue slave, Kopitar était également amené à parler de la christianisation des Slaves. Contrairement à Dobrovsky qui pensait que cette christianisation s'était faite d'abord en Bulgarie et en Serbie et qu’elle y avait ainsi apporté le rite byzantin, Kopitar, au contraire, insistait lourdement sur la nomination de Méthode en tant qu’évêque de Pannonie par le pape de Rome. Il ne manquait pas de souligner que cette christianisation s’était opérée avant le Schisme, mais son insistance quant au rôle de Rome dans ce moment important de l’histoire des Slaves, ainsi que ses séjours au Vatican, ses liens personnels avec les intellectuels de? cette ville, provoquaient la méfiance et même le rejet pur et simple de sa théorie. Il était suspect de toute façon. C’est dire que les affirmations de Kopitar devinrent, pour un certain nombre de ses contemporains, une affaire de conviction plutôt que de recherche impartiale. Les patriotes tchèques, surtout ceux qui, comme Hanka, ne juraient plus que par la Russie, pour laquelle slave et orthodoxe signifiaient à peu près la meme chose, déclarèrent le slaviste l’ennemi, le Mephisto des Slaves. L’opprobre tomba même sur son disciple Miklo4ic qui n’en adopta pas moins la théorie pannonienne et s’y tint toute sa vie. Aux arguments lexicaux, il ajouta des arguments d’ordre syntaxique et n'appela jamais le vieux slave autrement que "vieux-Slovène". "Le point de départ est cette langue vénérable qui n’est plus parlée depuis longtemps, mais qui continue à vivre en tant que langue liturgique des souches slaves appartenant à l’Eglise grecque... je la nomme (cette langue) vieux Slovène d’après le peuple qui l'avait parlée jadis, en accord avec l’ancienne du terroir, et la différencie ainsi de celle qui continue à y être parlée - le Slovène" Schleicher, Oblak, Leskien et surtout Jagié apportèrent des arguments nouveaux contre la théorie pannonien-ne. Tout en admettant le bien-fondé de certaines affirmations de Kopitar, Jagic consacra un ouvrage spécial à la question, ouvrage qui, grice à une étude approfondie de la question à l’aide des textes que Kopitar ne pouvait évidemment pas connaître, rejette définitivement la théorie de l’origine pannonienne de la langue sacrée des Slaves. Il s'appuie principalement sur le traitement des jers, mais connaît aussi beaucoup mieux le séjour en Moravie des deux apôtres, séjour que Dobrovskÿ a quelque mal à admettre. "Je peux à la rigueur concevoir l’idée que Cyrille et Méthode avaient vécu seulement en Moravie et Pannonie ’en tant que prédicateurs de la liturgie slave, mais non qu’ils ont apporté une chose qui venait d'ailleurs, c’est-à-dire la langue et l’écriture" (31). Ce qui peut surprendre pourtant, c'est le ton sarcastique qu’emploie généralement Jagic en parlant de la théorie pannonienne de Kopitar, alors qu’il accepte cette même théorie chez son maître Miklošič comme une hypothèse divergente, somme toute normale entre savants. Il voue une grande admiration à M jfk losi c, son père spirituel, alors qu’il critique Sprement son "grand-père" Kopitar, ce qui ne l’empêche pas de publier une grande p£tr tie de sa correspondance dans deux volumes qui portent le titre significatif de "Sources de la philologie slave". Le slaviste croate ne peut pourtant s’empêcher de voir dans les idées de son prédécesseur autre chose que des arguments dus, "en partie aux sentiments patriotiques et en partie aux arguments lexicaux" <321. Pire encore, il l'accuse de publier ses textes comme par exemple 6la golita Cl ozian us uniquement dans le but de mettre en avant son "carantanisme" ou son "pannonisme catholique". Il tente d’expliquer ces erreurs par les origines Slovènes du slaviste: "Kopitar, originaire d’une petite ethnie slave, apporta avec tout son zèle pour la cause commune de l’avènement des études slaves quelque chose de mesquin dont il eut en quelque façon du mal à se défaire" <331. Accusation pour le moins étrange à l’égard d’un homme aux connaissances aussi universelles. Et contredite par les Slovènes qui accusaient le slaviste viennois du pé- <* « ché opposé: trônant en Hofslavist à la capitale, il ne 5’in- téressait nullement à sa propre langue. "La slavistique scientifique est restée son unique besoin culturel" écrit par exemple J. Kos encore en 1979 <341. L’idée de mentir par patriotisme, comme le faisaient les hyperpatriotes tchèques, paraît pourtant étrangère à notre slaviste. "Il est triste que l’on use même de l’imposture par patriotisme - une fraude pieuse. Pas moi!" écrit-il à Vostokov <351. Il nous semble, en fin de compte, que cette affaire pannonienne, qui a finalement trouvé sa solution dans un compromis dont les prémices existent déjà dans les recherches de Dobrovsky et de Kopitar, n’est qu’une illustration des forces profondes qui s’opposent dans cette Europe du milieu, des rivalités qui divisent l’Est et l’Ouest depuis des siècles. Kopitar ne connaît pas bien la langue bulgare moderne et même Safarik interroge encore à Novi Sad des marchands de la région de Salonique afin de se rendre compte s'ils parlent en vieux-slave; il connaît encore moins le vieux bulgare dont on soupçonne seulement aujourd’hui l'existence; il ignore l’histoire du royaume bulgare. Mais il connaît les tribulations des apôtres slaves en Pannonie, les rivalités entre Rome et Constantinople, bien antérieures au Schisme. Touchant ce point sensible, ce carrefour des influences, il ne pouvait pas ne pas provoquer une levée de boucliers, surtout à une époque où l'opposition entre Est et Ouest, entre Russie et Autriche est exacerbée. Et il s’est retrouvé seul, assis entre deux chaises, et sa théorie, fondée sur les recherches philologiques, servit de champ de bataille entre les adeptes intransigeants du catholicisme et de l’orthodoxie. La philologie passa au second plan. Adopter l'hypothèse bulgare ne signifiait rien d’autre que se ranger du côté russe et surtout orthodoxe et, à l’inverse, l’hypothèse pannonienne ne pouvait provenir que d'un partisan du catholicisme romain. Miklošič, en linguiste 445 pur, qui n'a .jamais mis en doute la théorie pannonienne, essaye de se soustraire tant bien que mal à ces courants contraires, mais finit par avouer en 1874: "En ce qui concerne la patrie pannonienne de notre langue ancienne, je pense que ceux qui vivent en ce moment auront du mal à accepter la théorie que j'ai exposée dans l'introduction de mon dernier livre. Mais j'espère que le temps viendra où il n'y aura pas d'autre théorie. Ce qui s'oppose le plus, à partie intégrante de l'éducation d'aujourd'hui. Erqo l’idée juste dans cette affaire, c'est- la anathema (36) 447 Notes:La Théorie Pannonienne l)En France c'est 1'antigermanisme qui viendra se greffer sur la slavistîque et bien des travaux de L.Léger.E.Denis et D.Haumant en seront faussés. 8 ) H. M. KapaMSHH : Hctodhs FocvüapcTEa Poccuttcnoro CÎIE 1816 I.p 850 3) Kidrič : Zo i s . p . 188-183.Zois è Vu k aso v i č , 14/3 / 1 80e? 4) J.Pogačnik:Kopitarjeva 2ami sel ku1 turno-politi enega r a z v o j a pri Južnih Slovani h.Novi Sad 1973,p. 188 5 ) "der altservische Dia 1 e k t"Gramma til ,p.X V1 6) "Die c y r i 1 1 .Sp. hie11 ich o f t f dr Kr ainerisc h,aber man beden!e doch der Servier Schicksale" . lagic : Brief wechsel ,p.80 ,Dobrovsky à Kop.,1/8/1809 7) "hielt doch auch Dohrovsl-y die t i r c hensp « ac he f Gr Krainisch" . K i d r j d : Z c i s I , p . 1 4 6,3 8 ! 8' 9 8 ) " W i e wenn K’yr i 1 1 in der Sp: ac. he der Pannoni srhen Slaven Lbersetzt hattelAber was schwatze ich daher,da ich weder die Sudlichen Dialekte noch den Kyrillischen hinlanglich kenne.Lasst uns nur treue Grammatiken und Lerica 1iefern-und o 1wo migiich,auch ei ne kritische Rev i s i on-Rest i tut i on des kyrillischen l'extes-das ubrige wird sich schon finden...Wàre das nicht eine Haupt-Unternehmung von augenschein1ichem Nutzen.ja Notwendigkeit sur Begründung des achten a 11s 1 avischen Spr achstud i ums? " Jag i c : Br i e f wee lise 1 . p . 33.6 '2 / 1 B09 9 ) ibid. ,p.189,30/1/181 1 10) C y r i 1 1 u ud Ne t L u d — d e ' S1 a v- e n h i s t o r j s c h - k r i t i s c h Ver suc*"». Prag 1883. cet ouvrage fut russe par Pogodin.Mah risc he Legende von Cvi ill und 1 B86. Apcstel,ein traduit en Method,Prag 1 1 )"serbi5ch-bulgarisch-macedonisch" 18)"Wer wird Ulfilas Sprache Z.B. eng1isch~frankisch-mosisch nennen7"Jagic : Br i ef wechse 1. , p . 503,13/4/1889 44E 13) "Au t Bulgaris aut nobis Čarni o lani 5 geh 6 r t " .ibid.p.467,13/3/1822 14) "Kyrill fand schon von Franken gechristete Slaven vor :daher die Franci sroen11 . Va smer ;Kopitars Br iefwechsel ,p. 101 , Kop . à Grimm,2'l7/8/1832 15 ) "Slavische Sprachkunde , 11 Anna 1 en der Li teratur und Kunst 1811, KS.J.P . 40 16) ibid.,p.128 17) "Lieber Feind'.Feind s i nd Sie durch den capr ic iostn Abfall von unserer vorigen beidersei t iqen Panno nit a t"Vasmer :Kopitars Br i ef bsiec h se 1 , p . 1 57,6/10/1 836 18) "Slavische Philologie", L'ALZ 1814, 4 '7, ks p . 878 19) G1aao1it a C1ozianus,dernièv e planche 20 ) " HocoEiie 3EVKU npnnaj.iexa.iii 33UKy Te?; C.iaBin, j.nsi KûTopux iiaoGpeîeHa aatiyta h nepe.ioxeHii uepkOBmie khiith, Giih C.naBSHe 6 liji H KOHeHHO BoJirape,B nauke Koropux coxpaHH.niicb u jHecb MHorne c.ieju pnHB3Mâ, KâK oaMBTHji 1 , KoniiTap. . . T. KoriJITap HaXOJHT B KapüHTaHCKHX OTpiIBKaX H3 IX H X BeKa TaKXe CJTejll PllHeSMa. . .Ecjih (laHoncKiie CjTOBHHe. . . HMejîïi b btom cxojHoe c SozirapaM« npoHSHouieHHe, to tgm jene 6w.io KciHCTai-miHy h MgOo/îïüo cm oêoïix cîîx c.ioB. n.ieMeH cocTaBiin ozihv a36yKy'' . flpemiCKa BoctoKona, p . 107 , Vos tokov à Dobrovsk'/ ,8/5/1824 21 ) "Wostokows al ter Unterschied von p^xa contre puvra ist gan? f Gr Pannonjen".Vasmer : Kopitar s B- iefwechse1 p.95,Kop.à Grimm,22/6/1632 22) Cf.Evangéllaire de Reims.p.26 23) NUK,Ljubijana.cod.Kop.31 24) Vuk ova preuiska.p.276.Gavri lovio a Vuk,3/4/1840 25) "vie 11eicht der Enkel des Kirchens1 avischen ist",KS.p.195 26) NUI .L jub1 jana,cod.kop.27 27 ) V . Mo s i n ; k op i t a i~ j e va zbirka slovansk ih rokopisov i_n Zoisov çiri1 s ki f r agment.Ljubljana 1941,p.31 28)Mirkiewicz; Cour s 1640/4i p.124 ?9)J. 1 os : Ma11j a Čop,Ljubijana 1979,p.122 30>"Den Ausgangpunkt der Untersuchung bildet jene ehrw4rdige Sprache die im liunde des Volkes làngst ausges tor ben, j et z t bel den zur griechischen Kirche sich bekennenden Slavenstàmmen als Sprache der Liturgie fort1ebt....ich nenne sie nach dem Volke,das sie eins gesprochen,in überstimmung ..mit dem a 1 testen,einheimischen,sowoh1 als Unterschiede von noch gegenwàrtig im Munde des Volkes fortlebenden Slovenisch-Al tsloveni sch " • • M i k 1 os i ch : Laut 1 ehr e , p . 1 0 C f . Ja g i č : Entstehunosgeschichte der Jfeu-r che ns 1 a v i sche Spr a c he , Ber ] in 1913 ~ 'n/\ 31)"Ich kann mir wenigstens recht wohl vorste 11 en,dass Cyri11 und Method zwar nur in Màhren und Pannonien als Prediger,Bekehrer und Begründer der slavischen Liturgie gewirkt,aber dass sie das eine dorthin schon von anderswoher gebracht haben,nam1ich die Schrift und die Sprache“.Jagic : op.cit.,p.225 32>"Teils patriotische Gefühle, tei ls 1 e x i c a 1 i sche Argumente”,ibid.,p.150 33) "Kopitar ,au5 kleinern slavischen Volkstamme hervorgegangen brachte bei ai lem Eifer für die gemeinsame Sache der Hebung des slavischen Studiums etwas k leinliches mit nach Wien,was er auch nicht leicht ja in gewisser Beziehung nie abstreif te" .Japit :Geschichte der K i rr liens I avi sc h er. Spr açhe , W i en 1902,p.76 34)"Edina kulturna potreba mu je ostala znanstvena s 1avistika".J.Kos : op.cit.,p.34 35)"Es ist traurig,dass man aus Vaterliebe auch umgeht—une fraude pi e use. Non ego ! " flpermcKa BocTQKQBa.p.280,30/4/1830 e i n Betrug 36)"Sto se tiče panonske domovine staroga našega jezik a,mis 1im da oni,koji sada žive,težko če primiti teoriju,koju sam izložio u uvudu moje poslednje knjige.Ali nadam se,da če doti vrijeme,kada druge teorije neče biti.Pravo j misli o ovoj stvari je najviše protivna mrznja u ko jo j je sada rimska crkva-ein integr ireoder Bestandteil der heutigef) B i 1 dung " . Let t r e inédite de Miklošič à F.Rački,24/10/1874 -