171 Meta Lah*1 UDK 811.133.1'355:37.091.3 Université de Ljubljana DOI: 10.4312/linguistica.57.1.171-183 « VOUS AVEZ UN PETIT ACCENT »: ENSEIGNEMENT DE LA PRONONCIATION AUX APPRENANTS SLOVÈNES DE FRANÇAIS LANGUE ÉTRANGÈRE 1 INTRODUCTION Avec l’approche communicative et depuis la parution du Cadre européen commun de référence pour les langues (dans la suite : CECRL) en 2001, ce qui est valorisé dans l’enseignement/apprentissage des langues étrangères, c’est surtout le contenu ; la com- posante linguistique – la prononciation y compris – est souvent reléguée au deuxième plan. Or, tout dépend des objectifs d’apprentissage ; si pour un touriste il suffit de se faire comprendre, en est-il de même pour un public spécialisé qui va utiliser la langue dans des buts professionnels ? Dans le domaine de la prononciation en langue étrangère, comme le souligne Ta- gliante (2006 : 121), « les apprenants ne sont pas sur un plan d’égalité. Ils ressentent cela comme une grande injustice, mais en réalité, ce n’est pas très important : à condi- tion d’être parfaitement compréhensible, un accent étranger peut avoir beaucoup de charme ». « Vous avez un petit accent, » ou « Vous n’avez presque pas d’accent, » sont deux phrases qui font sourire – parfois amèrement – les étrangers venant en France. Il nous est arrivé à tous de les entendre et l’effet de ces remarques est souvent négatif ; en les entendant, le locuteur étranger se sent exposé ou même en position d’infériorité. Parfois un accent étranger peut aussi, comme le montre Telep dans son article (2016), stigmatiser le locuteur. Selon Wachs (2011 : 184), la perception et le jugement d’un accent étranger est un phénomène culturel. C’est peut-être justement dans le domaine de la prononciation que les différences entre les apprenants se font le plus ressentir. Lauret (2011 : 31) dit que l’entraînement phonétique « met en jeu des capacités très personnelles : facilité à prendre la parole, conscience de soi, contrôle de son image, capacité d’imitation, capacités d’écoute (oreille musicale), ouverture à la différence, plaisir du jeu, en particulier vocal, perméa- bilité de l’ego. » Vitez (2012 : 144) souligne aussi l’importance de la langue maternelle : le procédé de la reconnaissance et de l’acquisition des sons d’une langue étrangère dépend des compétences du locuteur d’une langue et de son oreille musicale, mais aussi de sa compétence linguistique en langue maternelle. Dans l’entraînement phonétique, l’enseignant d’une langue étrangère joue un role primordial. Il doit corriger – ce qui n’est pas en soi une tâche facile – mais sert aussi de modèle. Selon Lauret (2011 : 31), les enseignants qui ont une parfaite maîtrise de * meta.lah@ff.uni-lj.si Linguistica_2017_FINAL.indd 171 12.3.2018 13:08:25 172 la prononciation (est-ce possible ?) « seront plus enclins à travailler la phonétique en classe que les enseignants ne se sentant pas aussi à l’aise dans leur prononciation que dans leur grammaire. » Il est, bien sûr, aussi (ou surtout) important, de savoir comment ces enseignants sont formés et comment eux-mêmes traitent la prononciation en classe. L’objectif de cet article est de passer en revue les concepts concernant l’enseigne- ment de la prononciation en classe de FLE ainsi que quelques recherches qui pourraient se montrer utiles pour le contexte slovène. Dans la dernière partie, nous proposons l’analyse des contenus phonétiques de certains manuels généralistes, utilisés en Slové- nie. Nous partons de l’hypothèse que les contenus proposés ne vont pas toujours suffire pour remédier aux difficultés de prononciation des locuteurs slovènes. 2 LA « PHONÉTIQUE » DANS LA LITTÉRATURE DIDACTIQUE La phonétique est, en classe de langue, d’habitude considérée comme une des com- posantes “linguistiques” de la production orale. Avec l’approche communicative et le CECRL, elle apparaît moins souvent dans les grilles d’évaluation de la compétence linguistique, ce qui montre qu’elle n’est pas toujours considérée comme une partie importante de l’enseignement. Guimbretière (2000 : 154) constate : « Jusqu’à présent, qui disait phonétique sous-entendait oral mais qui disait oral n’entendait pas nécessai- rement phonétique. » Elle ajoute dans le même article (p. 155) : « La phonétique est l’ossature de la communication mais en constitue également le fondement. » Dans la littérature « didactique » à disposition des formateurs et des enseignants du FLE, il est possible de constater des différences dans l’approche ; certains auteurs se concentrent uniquement sur le communicationnel et parmi les objectifs ne men- tionnent pas la prononciation. Dans le chapitre Le développement de l’aptitude d’ex- pression orale, Shiels (1996 : 146–147) parle longuement de la tolérance et de la cor- rection des erreurs mais ne mentionne pas explicitement les erreurs de prononciation. Courtillon (2003 : 49) propose une grille que l’on pourrait utiliser « si l’on veut mettre en avant l’excellence linguistique », donc, une évaluation focalisée plutôt sur la forme qui se décompose en trois parties : aspects linguistiques (phonétique, lexique, gram- maire), aspects pragmatiques (fluidité, registres, enchaînements) et aspects expressifs (intonation, figure de style, gestuelle). Nous pouvons constater que les éléments de la compétence phonologique apparaissent dans les trois groupes de critères. Dans leur ouvrage Manuel de formation pratique pour le professeur de FLE, plus récent, Bertoc- chini et Constanzo (2008 : 101–115) élaborent une partie consacrée à la production orale mais ne mentionnent pas la prononciation. Tagliante pourtant, dans ses deux ouvrages (2005 et 2006), accorde beaucoup plus d’importance à la correction pho- nétique. Dans La classe de langue (2006 : 122–126), elle propose des exercices de discrimination auditive pour faire le diagnostic concernant les points problématiques et propose des pistes pour le traitement d’une mauvaise prononciation des consonnes et des voyelles (pour relacher et tendre une consonne ou une voyelle, pour obtenir un contexte grave ou aigu, pour fermer, tendre ou ouvrir une voyelle). Elle s’inspire de la méthodologie verbo-tonale et ajoute qu’”il serait vivement souhaitable que l’ensei- gnant qui n’a pas eu de formation initiale à la correction phonétique puisse observer Linguistica_2017_FINAL.indd 172 12.3.2018 13:08:25 173 un collègue qui pratique la méthodologie verbo-tonale.” Dans L’évaluation et le Cadre européen commun (2005), elle propose des fiches pédagogiques pour la discrimination de certains phonèmes français : entre [y] et [u], entre [b] et [v], [ɑ̃] et [ɛ̃], [z] et [s], [ø] et [e] et [õ], [ɑ̃]. Finalement, Cuq et Gruca (2002 : 175) constatent que « les tendances actuelles pour la correction phonétique relèvent, comme pour les autres domaines, de l’éclectisme et le matériel pédagogique croise les points forts des divers courants qui ont marqué les différents dispositifs méthodologiques. Dans tous les cas, la phonétique ne constitue plus un moment de la classe ; elle est intégrée à chaque phase et est contextualisée. » 3 QUEL FRANÇAIS ENSEIGNE-T-ON EN CLASSE ? Pour revenir à notre titre, quel est l’accent français que l’on vise en classe de FLE, qu’est-ce que la norme en classe de langue ? Detey et Racine (2012) citent Lyche qui affirme qu’il n’existe pas un français mais des français, chaque système possédant sa propre dynamique. Ils ajoutent que « les réponses aux questions « Quel français – natif – enseigner ? » et « Quel français – non natif – accepter ? » semblent aujourd’hui davantage plurielles qu’elles ne l’étaient auparavant ». Ils citent aussi Borrell et Bil- lières (1989) qui ont passé en revue différentes méthodes de FLE et ont catégorisé les contenus, selon l’accent utilisé, en trois catégories– le « français parisien cultivé », le « français standard » et le « français standardisé », notions peut-être dépassées au- jourd’hui, même si ce genre de catégorie rassure les enseignants qui sont, comme le constate Weber (2010 : 171), « imprégnés de l’effet normatif du langage (on ne va tout de même pas enseigner un mauvais français ?) », tout en plaidant pour l’élargissement de la vision normative: « L’élargissement de la normativité discursive en didactique du français langue étrangère nous semble donc indispensable. Notre proposition est de tendre vers une plus grande proximité réflexive entre fonctionnement du langage et de la langue, entre grammaticalité de l’oral et grammaticalité de l’écrit, entre prononcia- tion fantasmée et parole sociale » (ibid.: 176). Selon elle, « il ne peut y avoir qu’une norme mais des normes qui sont à voir en tant que processus » (ibid.: 177). Le CECRL reste assez vague sur ce sujet puisqu’il propose une (seule) grille pour la description et l’évaluation de la compétence phonologique en langue étrangère (2001 : 92) : C2 Comme C1 C1 Peut varier l’intonation et placer l’accent phrastique correctement afin d’expri- mer de fines nuances de sens. B2 A acquis une prononciation et une intonation claires et naturelles. B1 La prononciation est clairement intelligible même si un accent étranger est quelquefois perceptible et si des erreurs de prononciation proviennent occasion- nellement. A2 La prononciation est en général suffisamment claire pour être comprise malgré un net accent étranger mais l’interlocuteur devra parfois faire répéter. Linguistica_2017_FINAL.indd 173 12.3.2018 13:08:25 174 A1 La prononciation d’un répertoire très limité d’expressions et de mots mémorisés est compréhensible avec quelque effort pour un locuteur natif habitué aux locu- teurs du groupe linguistique de l’apprenant/utilisateur. Les descriptions de la compétence sont assez générales et l’accent est mis sur le sens. Les auteurs mettent pourtant en garde et avertissent : De nombreux phonèmes sont transférables sans problème de L1 en L2. Dans d’autres cas, il se peut que les allophones en question soient différents de façon notable. D’autres phonèmes de L2 peuvent ne pas exister en L1. S’ils ne sont pas acquis ou appris, cela entraînera un déficit d’information et des malentendus peuvent surgir. Quels sont les risques de fréquence de ces malentendus et leur gravité ? Quelle priorité doit-on leur donner ? Ici, la question de l’âge ou de la période d’apprentissage pendant laquelle il est préférable d’apprendre ces diffé- rences se complique du fait que la fossilisation des erreurs est très importante au niveau phonétique. Rendre conscient des erreurs phonétiques et désapprendre des comportements devenus automatiques peut être beaucoup plus coûteux (en temps et en efforts) lorsque l’apprenant s’est approprié une forme approximative par rapport à la norme que cela l’aurait été au début de l’apprentissage, notamment précoce. (CECRL 2001 : 104–105) 4 LES DIFFICULTÉS DES APPRENANTS SLAVES DE FRANÇAIS LANGUE ÉTRANGÈRE Il n’y a, à notre connaissance, pas de recherches faites sur les problèmes phoné- tiques des locuteurs slovènes apprenant le français comme langue étrangère. Nous pouvons cependant citer deux recherches, faites sur des publics parlant une langue slave : la recherche de Desnica Žerjavić (2006), menée sur un public croate et la recherche de Kamber et Skupien-Dekens (2010), menée, entre autres, sur un public russophone. La recherche de Desnica Žerjavić a été faite sur 16 locuteurs1, divisés en quatre groupes : deux groupes d’enseignants de français à la faculté (groupes 1 et 2), un groupe d’étudiants de troisième année de la même faculté (groupe 3) et un groupe, constitué de Croates vivant à l’étranger (sans formation linguistique) (groupe 4) (Desnica Žerjavić 2006 : 96). Les erreurs les plus persistantes sont les suivantes : 1 Concernant les recherches dans le domaine de la phonétique et de la phonologie en langue étrangère, Detey et al. (2010 : 1289) citent Gut (2009) qui résume les limitations des études en 6 points : 1) limitation des aspects étudiés, focus sur une ou deux structures seulement, 2) peu d’études sur les interrelations entre les différentes structures du système, 3) peu d’études sur l’impact des facteurs non linguistiques, 4) faible nombre de sujets participants, 5) focus sur la parole de laboratoire, 6) focus sur l’anglais L2. Petit nombre de sujets participants est aussi le point faible des deux études citées dans l’article. Linguistica_2017_FINAL.indd 174 12.3.2018 13:08:26 175 % du groupe 1 No d’erreurs par groupe voyelles 1. 2. 3. 4. œ̃ 8,33 6 7 43 53 õ 3,17 8 16 30 49 ɑ̃ 1,78 6 7 171 227 ɛ 0,88 7 8 70 62 ɔ 0,83 3 6 17 32 y 0,41 1 5 95 137 i 0,17 1 3 49 90 consonnes -D 4,17 3 1 6 6 semi-voyelle ɥ 3,57 3 7 24 55 -Z 1,19 1 17 43 60 semi-voyelle w 1,19 1 1 8 28 -T 0,64 1 - 9 15 semi-voyelle j 0,55 1 - 11 25 (Desnica Žerjavić 2006 : 113–114) Nous pouvons constater que les erreurs où il y a le plus de différences entre le public linguistiquement formé (enseignants et étudiants en langue) et le public de non linguistes concernent la prononciation des voyelles [ɑ̃] et [y]. La différence est moins visible ailleurs. Desnica Žerjavić ajoute que parmi 3221 erreurs détectées, seulement 179 (5,56 %) sont distinctives et pourraient donc induire une différence de sens. La deuxième étude est faite par Kamber et Skupien-Dekens (2010) et porte plus sur la remédiation que sur le diagnostic. Les chercheurs ont travaillé pendant deux semestres avec 50 étudiants de nationalités différentes – dont 7 russes – auxquels ils ont proposé des « parcours fléchés de phonétique », exercices ciblés pour améliorer la prononciation. Le parcours fléché pour les russophones, basé sur le diagnostic fait au préalable, comportait les sons suivants : y/u, e/ɛ, e/ə, e/ɛ/ə, ə caduc, ɔ/œ, ø/œ, o/ɔ, ɑ̃/ɔ̃/ɛ̃, j/w/ɥ, R en finale, R intervocalique, consonne + R, s/z. Les résultats du groupe des russophones sont surprenants ; tandis que les autres groupes progressent de façon relativement linéaire (sauf les Espagnols qui font plus de fautes dans le test 2 que dans le test 1 mais le nombre de fautes diminue nettement dans le test final), les étudiants russophones « sont les seuls à augmenter globalement leur nombre de fautes au cours de leur année d’exercice de la phonétique du français » (Kamber/ Skupien-Dekens 2010). Les deux études se focalisent sur un nombre considérable de sons ; la recherche de Desnica Žerjavić porte sur la reconnaissance des sons, tandis que Kamber et Skupien-Dekens travaillent plutôt sur la discrimination des paires de sons. Les Linguistica_2017_FINAL.indd 175 12.3.2018 13:08:26 176 recherches ne sont pas vraiment comparables ; dans la première, il s’agit d’un dia- gnostic (qu’on pourrait utiliser pour proposer des pistes d’amélioration) tandis que dans la deuxième il s’agit d’un suivi de progression, fait avec des exercices élaborés sur la base d'un diagnostic. Le point faible des deux études est le nombre réduit de participants. Pour le contexte slovène, les seules données à notre disposition sont celles de Stare (2010) qui a réalisé, pour son mémoire de maîtrise, une enquête parmi 32 enseignants slovènes de français. Une des questions posées portait sur l’évaluation des difficultés des élèves slovènes concernant la prononciation en français. Les points critiques, sou- levés par les enseignants, sont les suivants (dans l’ordre décroissant): prononciation des voyelles nasales [ɔ̃] / [ɑ̃] / [ɛ̃], distinction entre [y] et [u], distinction entre [ø] et [œ], liaison, intonation et rythme, prononciation de [ɥ], prononciation de [R], distinction entre [e] et [ɛ], prononciation de [ʒ] final. Nous pouvons constater que dans les trois recherches, menées sur des publics slaves, certaines catégories se recoupent, surtout la prononciation des nasales, la dis- tinction entre [y] et [u], la distinction entre [ø] et [œ], la distinction entre [e] et [ɛ], la prononciation de [R]. L’erreur qui n’apparaît que dans l’enquête menée auprès des enseignants slovènes est la prononciation de [ʒ] final que les locuteurs slovènes ont souvent tendance à prononcer comme [ʃ]. Notre expérience enseignante et les observations dans les collèges et lycées slo- vènes confirment plus ou moins les observations des enseignants de l’enquête mention- née ci-dessus. Les erreurs les plus persistantes dans le contexte slovène sont probable- ment la prononciation de [y] et [u] (le [y] étant souvent prononcé à l’anglaise [ju]), la prononciation des nasales (surtout la discrimination entre [ɑ̃]/[ɛ̃]), la prononciation de [ø] et de [œ] (trop peu labialisés) et, parmi les consonnes, le [ʒ] final. La prononciation de [R] pose moins de problèmes ainsi que d’ailleurs la discrimination entre [e] et [ɛ], mentionnée dans l’enquête, la mauvaise prononciation dans ce cas est peut-être influen- cée par les dialectes slovènes. Tout reste, bien sûr, au niveau subjectif d’observation et devrait être confirmé par des recherches ciblées. 5 LES CONTENUS PHONÉTIQUES DANS LES MANUELS DE FLE Nous avons choisi d’analyser 6 manuels plus récents, deux par tranche d’âge des destinataires : enfants, adolescents et grands adolescents/adultes. Nous allons essayer d’évaluer les contenus proposés et voir s’ils correspondent aux besoins des appre- nants slovènes. Les manuels analysés sont Zig zag (paru en 2010, destiné aux enfants à partir de 7 ans), Tip top (2010, pour les enfants de 9 à 11 ans), Adosphère (2011, pour les adoles- cents), Décibel (2015, pour les adolescents), Version originale (2009, pour les grands adolescents/adultes) et Saison (2014, pour les grands adolescents/adultes). Trois des manuels sont publiés chez Didier et un respectivement chez Hachette, CLE Internatio- nal et Difusión/Maison des langues. Les contenus « phonétiques » trouvés dans les manuels sont les suivants : Linguistica_2017_FINAL.indd 176 12.3.2018 13:08:26 177 Zi g za g (2 01 0) -id en tifi er u ne str uc tu re ry th m iq ue -fr ap pe r l e r yt hm e da ns le s m ai ns id en tifi er [a ] id en tifi er [o ] id en tifi er [ɔ̃ ] id en tifi er [ɑ̃ ] di sc rim in er [y ] [ u] Ti p to p (2 01 0) in to na tio n( 1) [y ] [ u] lia iso ns [e ] [ ə] él isi on [ɔ̃ ] [ ɑ̃] in to na tio n( 2) co ns on ne s fin al es [ʃ] [ʒ ] sy lla be s A do sp hè - re (2 01 1) -c on so nn es m ue tte s en fi n de v er be -li ai so ns av ec le s ar tic le s i nd éfi ni s -li ai so ns su je t-v er be -li ai so n av ec le s a rti cl es -q ue sti on in to na tiv e di sc rim in at io n fé m in in /m as cu lin de s a dj ec tif s [ɔ̃ ] id en tifi er [ɑ̃ ] [y ] [ u] [ɑ̃ ] [ œ̃ ] [ɛ ] [ œ ] [v ] [ b] [s ] [ z] D éc ib el (2 01 5) -le ry th m e d e l a ph ra se -s en sib ili sa tio n au x in to na tio ns in te rro ga tiv e e t ex cl am at iv e [ɔ̃ ] je d is, je li s: ai [ɛ ] [y ] [ʀ ] je d is, je li s: ou [u ] e m ue t [ʒ ] [ɑ̃ ] je d is, je li s: au , e au [o ] [ø ] [z ] s fi na l la li ai so n [v ] [œ ] je d is, je li s: oi [w a] [ɛ̃ ] [ʃ] je d is, je lis : in , e in , ai n, ai m [ɛ̃ ] V er sio n or ig in al e (2 00 9) -a lp ha be t p ho né tiq ue -p ro no nc ia tio n de qu el qu es v oy el le s op po sit io n m as cu lin / fé -m in in d es ad je ct ifs in to na tio n [ə ] [ e] pr on on ci at io n de s v er be s à un e b as e a u pr és en t [ə ] fé m in in d es ad je ct ifs d e co ul eu r vo ye lle s na sa le s lia iso ns Sa iso n (2 01 4) -a lp ha be t sy lla ba tio n et ac ce nt ua tio n -g ro up es ry th m iq ue s et ac ce nt ua tio n -c on so nn es fin al es m ue tte s -e m ue t -u n/ un e le /le s lia iso ns au pl ur ie l [y ] [ eu ] [ e] en ch aî ne m en t co ns on an tiq ue [o ] [ ɔ̃] en ch aî ne m en t vo ca liq ue in to na tio n in te rro ga tiv e [a ] [ ɑ̃] [i] [y ] [s ] [ z] [y ] [ u] [r] [l ] e m ue t [ɛ ] [ ɛ̃] Linguistica_2017_FINAL.indd 177 12.3.2018 13:08:26 178 La partie, destinée à la prononciation, est intitulée « Phonétique » dans tous les manuels, sauf dans Décibel où elle porte le titre « Sons et graphies ». Les différences sont plus visibles dans les approches choisies et les contenus proposés : • dans Zig zag, les auteures se concentrent surtout sur l’identification des sons (parmi ces sons, il y a aussi les nasales [ɔ̃] et [ɑ̃]). Dans la dernière unité, le thème proposé est la discrimination entre [y] et [u]. L’accent est aussi mis sur la structure rythmique du français (dans la première unité, les enfants frappent le rythme de leurs mains) ; • dans Tip top, l’auteure accorde beaucoup d’importance à l’intonation (le thème apparaît dans 2 unités), à la discrimination [y]/[u], [e]/[ə], aux nasales [ɔ̃] [ɑ̃] et aux consonnes [ʃ] [ʒ]. Ce qui nous paraît intéressant, c’est la mention de l’élision ; un thème qui selon notre recherche (2016) pose beaucoup de problèmes aux collégiens slovènes ; • les auteures d’Adosphère travaillent beaucoup sur la relation graphie/phonie, surtout dans les premières unités (p. ex.: consonnes muettes à la fin des verbes). Elles proposent aussi des exercices pour l’identification et la prononciation des voyelles nasales (c’est parmi les manuels étudiés le seul manuel où apparaît encore la voyelle [œ̃] et non pas [ɛ̃]). Dans les deux dernières unités, les thèmes proposés portent sur la discrimination des [v]/[b] et [s]/[z], des sons plus problé- matiques pour les hispanophones ; • dans Décibel, nous pouvons constater un penchant assez marqué pour les thèmes portant sur l’opposition graphie/phonie ; les auteures proposent, à partir de la 2e unité, la rubrique « je dis, je lis » où elles présentent les différentes graphies possibles pour les sons [ɛ], [u], [o], [wa] et [ɛ̃]. Elles proposent aussi de travailler sur le rythme et l’intonation (interrogative et exclamative), sur les trois nasales (séparément), [y], [ø], [œ] et les consonnes [ʒ], [ʃ] et [ʀ] ; • dans Version originale, nous pouvons observer une approche assez éclectique, plutôt grammaticalisée (p. ex. prononciation des verbes à une base au présent, féminin des adjectifs de couleur). Le manuel contient relativement peu d’exer- cices consacrés à la prononciation ; • parmi les manuels analysés, Saison est celui où le plus de place est accordée à la phonétique ; une des auteures s’est spécialement consacrée à cette partie. Parmi les thèmes proposés, nous pouvons aussi trouver la syllabation, l’accentuation, l’intonation, un travail sur les groupes rythmiques, sur les liaisons et l’enchaîne- ment vocalique et consonantique. Les sons sont travaillés par opposition : [y]/ [eu]/[e], [o]/[ɔ̃], [a]/[ɑ̃], [i]/[y], [s]/[z], [y]/[u], [r]/[l], [ɛ]/[ɛ̃]. C’est aussi le seul manuel qui contienne un Précis phonétique. Nous pouvons constater que, dans la plupart des manuels, la phonétique occupe une place à part, mais que le nombre d’exercices proposés n’est probablement pas suffisant. Il s’agit de manuels généralistes, couvrant les problématiques des locuteurs de langues différentes. On pourrait être d’accord avec Lauret (2011: 31) qui dit que « l’enseignant ne peut attendre de maîtrise de la prononciation que s’il met en place Linguistica_2017_FINAL.indd 178 12.3.2018 13:08:26 179 un réel entraînement phonétique. Les quelques exercices, proposés souvent à la fin des unités des manuels généralistes, ne suffisent pas. » Lauret (ibid.: 33) attire l’attention sur le fait que « l’écrit orthographique en français nuit considérablement à la performance en prononciation ; il semble toujours préférable de commencer par entendre et répéter, avant d’être exposé au code orthographique (les correspondances graphie-phonie étant d’une grande complexité en français) ». La question qui se pose à ce sujet est la suivante : comment le faire en utilisant les manuels comme ceux que nous avons analysés ? Selon Detey et Racine (2012), les manuels imposent souvent leur norme comme modèle à suivre. Les exercices proposés pour un entraînement phonétique dans les manuels analysés ne vont sûrement pas suffire et certains ne seront pas pertinents pour le public slovène. Les enseignants devront donc les compléter par des exercices plus ciblés qu’ils trouve- ront dans des manuels spécialisés. L’idéal serait de « travailler sur l’individu, sur ses propres difficultés, en un mot de faire un travail à la fois plus précis, plus ciblé et sans nul doute alors plus efficace ». (Guimbretière 2000 :160). Une autre possibilité, plus utile et plus pertinente car plus focalisée sur la communi- cation, est l’utilisation renforcée des documents authentiques. Detey (2010 : 162) se de- mande : « La présentation de documents authentiques, qui sert d’ancrage aux approches actuelles de l’enseignement du FLE ne requiert-elle pas que l’on fasse écouter les voix réelles de la francophonie aux apprenants sans toutefois – et j’insiste là-dessus – leur demander de les imiter ? » Weber (2010 : 181) conclut : « Enfin, accorder une plus grande place à l’oralité avec des arrêts pédagogiques sur la base de séquences de films, ou d’extraits où est materialisée la parole est aussi un support à la compréhension, source intéressante d’observation ou d’analyse comme représentation la plus authentique pos- sible de l’échange. » Detey (2010 : 162) propose l’utilisation des corpus oraux, par exemple le PFC2, qui, selon lui, « pourraient offrir aux apprenants un input phonétique dont les caractéristiques pourraient assurer un apprentissage phonologique plus résistant à la variation d’une part et à l’influence des représentations orthographiques d’autre part, sous réserve, naturellement, d’être employé de manière adéquate. » L’utilisation de documents authentiques rendrait l’enseignement aussi plus motivant pour les élèves. 6 CONCLUSION Durant les dernières décennies, l’enseignement des langues a beaucoup changé, surtout grâce au développement technique et à tous les supports que nous avons à notre portée. Pourtant, l’enseignement de la phonétique n’a pas beaucoup évolué, comme le constate Wachs (2011 : 195) : « il semble pourtant que ni l’approche communicative, ni les pro- grès en informatique n’aient changé le statut de l’enseignement de la prononciation : il reste le parent pauvre de la didactique des langues. » La question principale reste, à notre avis, comment faire croître l’intérêt pour amé- liorer sa prononciation et surtout comment responsabiliser l’apprenant et lui faire com- prendre que passer le message n’est souvent pas suffisant ; il faut aussi que ce message 2 Le projet PFC (Phonologie du Français Contemporain) : http://projet-pfc.net/ Linguistica_2017_FINAL.indd 179 12.3.2018 13:08:26 180 soit (plus ou moins) correct et bien prononcé. Nous sommes convaincus que, dans le contexte slovène, il faudrait plus insister sur une bonne prononciation, puisque le sys- tème de la langue maternelle n’induit pas de blocages significatifs. Parmi les pistes possibles, Wachs (2011 : 193–195) propose de s’inspirer des ap- proches pédagogiques « originales », comme le silent way ou la suggéstopédie, faire engager le corps et la voix (utiliser par exemple les techniques vocales théâtrales) ou travailler avec la chanson. Selon elle, la chanson est moins une approche qu’un support qui a de nombreux avantages. Nous ne pouvons qu’être d’accord avec cette recomman- dation car, ayant beaucoup utilisé la chanson dans les classes, nous avons constaté que c’est un bon moyen de reconnaissance et de mémorisation des sons et du rythme ainsi qu’un excellent moyen de motivation. Lauret (2011 : 32) propose, entre autres, d’initier/entretenir la motivation, le plai- sir de la prononciation, définir et faire comprendre les objectifs phonétiques, susciter les questions, informer, organiser le travail phonétique et responsabiliser l’apprenant3. Travailler sur la perception en même temps que sur la production, en utilisant des docu- ments authentiques, serait tout aussi recommandable. Bibliographie BERTOCCHINI, Paola/Edvige CONSTANZO (2008) Manuel de formation pratique pour le professeur de FLE. Paris : CLE International. Cadre européen commun de référence pour les langues (2001) Paris : Didier. COURTILLON, Janine (2003) Élaborer un cours de FLE. Paris : Hachette. CUQ, Jean-Pierre/Isabelle GRUCA (2002) Cours de didactique du français langue étrangère et seconde. Grenoble : PUG. DEGARDIN, Céline (2014) « L’auto-évaluation en tant que pratique réflexive et autorégu- latrice pour l’apprentissage de la phonétique en FLE. » Chemins actuels 75, 1–9. DESNICA-ŽERJAVIĆ, Nataša (2006) Strani akcent. Zagreb: FF Press. 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Paris: Institut de Linguistique Française, 1289–1301. 3 Pour l’exemple de responsabilisation de l’apprenant, voir Degardin (2014). Linguistica_2017_FINAL.indd 180 12.3.2018 13:08:26 181 GUIMBRETIERE, Elisabeth (2000) « L’enseignement de la phonétique : état des lieux entre tradition et modernité. » Mélanges CRAPEL 25, 153–168. KAMBER, Alain/Carine SKUPIEN-DEKENS (2010) « La correction phonétique en Français langue étrangère : enseignement et évaluation en laboratoire multi-média. » Cahiers de l’APLIUT XXIX/2, 89–102. http://dx.doi.org/ 10.4000/apliut.744 LAH, Meta (2016) Learners between childhood and adulthood : assessing writing com- petences of teens learning French as a foreign language. CEPS Journal 6/1, 49–70. LAURET, Bertrand (2011) « La phonétique : en classe et hors la classe. » Rencontres pédagogiques du Kansaï 2011, 31–34. SHIELS, Joe (1996) La communication dans la classe de langue. Strasbourg : Éditions du Conseil de l’Europe. 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Linguistica_2017_FINAL.indd 181 12.3.2018 13:08:26 182 Résumé « VOUS AVEZ UN PETIT ACCENT »: ENSEIGNEMENT DE LA PRONONCIATION AUX APPRENANTS SLOVÈNES DE FRANÇAIS LANGUE ÉTRANGÈRE Dans le présent article, l’auteure se propose de passer en revue les concepts concer- nant l’enseignement de la prononciation en classe de Français langue étrangère ainsi que quelques recherches – faites sur des publics slaves – qui pourraient se montrer utiles pour le contexte slovène. Dans la dernière partie, elle analyse les contenus phoné- tiques de six manuels généralistes, utilisés en Slovénie : deux pour enfants, deux pour adolescents et deux pour grands adolescents/adultes. Elle part de l’hypothèse que les contenus proposés ne suffisent pas toujours pour remédier aux difficultés de prononcia- tion des locuteurs slovènes, hypothèse qui est finalement confirmée. Elle conclut en donnant quelques pistes pour un enseignement plus authentique. Mots-clés : la prononciation, la classe de FLE, les manuels de FLE, public slovène Abstract “YOU HAVE A BIT OF AN ACCENT” – TEACHING PRONUNCIATION TO SLOVENIAN LEARNERS OF FRENCH AS A FOREIGN LANGUAGE The objective of the article is to explain some of the concepts used in teaching pronunciation in French classes, French being a foreign language. Some studies are presented which could be potentially important for the Slovenian context since they have been carried out with speakers of Slavic languages. The paper also focuses on the analysis of chapters in textbooks that deal with phonetics. Six textbooks are analysed: two for children, two for adolescents, and two for adult students. The hypothesis under consideration is that the contents do not always prove to be appropriate for the elimina- tion of mistakes made by Slovenian speakers of French, which is proved to be correct. Finally, some suggestions for more effective teaching of pronunciation are made. Keywords: pronunciation, French classes, textbooks of French as a foreign language, Slovenian speakers of French Povzetek »IMATE MALO NAGLASA« – KAKO SE FRANCOSKA IZGOVARJAVA POUČUJE V SLOVENSKEM KONTEKSTU? V članku avtorica najprej razjasni nekaj konceptov s področja poučevanja izgo- varjave pri pouku francoščine kot tujega jezika. Nadaljuje s predstavitvijo določenih raziskav, narejenih z govorci slovanskih jezikov, ki bi lahko bile pomembne Linguistica_2017_FINAL.indd 182 12.3.2018 13:08:26 183 za slovenski kontekst. V zadnjem delu članka se posveti analizi tistih vsebin v učbenikih, ki se nanašajo na fonetiko. Analizira šest splošnih učbenikov, po dva za otroke, adolescente in odrasle. Izhaja iz hipoteze, da vsebine niso vedno ustrezne za odpravljanje napak, ki jih imajo pri izgovarjavi slovenski govorci francoščine, kar se izkaže kot resnično. V zaključku predlaga nekaj rešitev za bolj osmišljeno poučevanje izgovarjave. Ključne besede: izgovarjava, pouk francoščine, učbeniki francoščine kot tujega jezika, slovenski govorci francoščine Linguistica_2017_FINAL.indd 183 12.3.2018 13:08:26