LA GROTTE VALLIER (VERCORS, ISERE). PREMIERS RESULTATS STRATIGRAPIUQUES JAMA VALLIER (VERCORS, !SERE). PRVI STRATIGRAFSKI REZULTATI PHILIPPE AUDRA Acta carsologica, XX (1991).35-50, Ljubljana 1991 Resume UDC 551.444 (44) Audra, Phlllppe: La grotte Valller (Vercors, Is~re). Premiera reaultata atratlgra, phiques. La grotte Vallier est un des grands reseaux du Vercors (- 400, 8 km de developpement). La plupart des condults ont ete creuses par une puissante riviere souterraine, aujourd·hui disparue, puisque la cavlte est quasiment seche. L'etude de la speleomorphologie et des remplissages souterrains montre des apports d'eaux allochtones, par le glacier de risere, lors d' une glaciatlon anterieure au Wiirm. Cette phase a succede a un episode plus ancien de creusement et de sedimentation, dont le contexte n·est pas encore entierement elucide, remontant au moins au guaternaire moyen. Mots cles: karst, remplissages endokarstiques, glaciation, grotte Vallier, Vercors, France Izvleček UDK 551.444 (44) Audra, Phlllppe: Jama Valller (Vercors, ls~re). Prvi stratigrafski rezultati. Jama Vallier je eden od velikih jamskih spletov v Vercorju (globina 400 m, dolžina 8 km). Večino rovov je izdelala velika podzemna reka, ki je danes ni več, saj je jama takorekoč suha. študij jamskih oblik in sedimentov kaže dotok alohtonih voda z ledenika Isere v predwiirmski dobi. Ta faza je sledila še starejšemu obdobju izvot· ljevanja in sedimentacije, ki pa še ni docela preučeno, sega pa najmanj do srednjega kvartarja. Ključne besede: kras, endokraški sedimenti, poledenitev, jama Vallier, Vercors, Fran· cija Address-Naslov Philippe AUDRA Institut de Geographie Alpine Grenoble La grotte Vallier est un des grands reseaux du Vercors. Elle developpe tout un complexe de vastes galeries, evoquant le passage ancien d'une puissante riviere souterraine. Or, cette cavite est aujourd'hui seche, et son environnement topographique ne peut expliquer l'existence d"un tel ecoulement. L'etude de la morphologie des conduits, et surtout des depots endokarstiques montre que la grotte Vallier s·est elaboree dans un contexte paleogeographique bien different de l'actuel. I. UNE CAVITE DECONNECTEE DES ECOULEMENTS ACTUELS Une presentation du relief et de la structure geologique permet de dresser le cadre de la grotte Vallier. L" etude de la morphologie des galeries pose le probleme de r origine de la riviere souterraine. A - Situation de la cavit6 La grotte Vallier se situe au pied du Moucherotte, celebre sommet du Vercors dominant Grenoble (fig. 1). Le Moucherotte est le premier bastion annonc;ant le grand escarpement oriental du Vercors, qui se developpe vers le sud, telle une muraille, Jusqu·au dela du Grand Veymont, point culminant du massif (2.341 m). La partie septentrionale de ces grands escarpements, a deja fait l"objet de recherches de notre part; il s·agit du massif du Moucherotte-Pic Saint-Michel (AUDRA, 1991). Ce secteur, allonge le long des escarpements sur 8 km et culminant au Pic Saint-Michel a 1966 m, est entierement draine par la source du Bruyant (978 m). c·est done sous le Moucherotte (1875 m), au pied d'un escarpement de 350 m, que s·ouvre la grotte Vallier, a 1520 m d'altitude. Elle domine de 1300 m l"agglomeration grenobloise, qui s'est etablie dans le sillon alpin, la ou apres un coude, l'Isere le quitte par la cluse de Voreppe. B - Le pli couch6 du Moucherotte facies L'assise karstifiable du secteur est, bien entendu, le calcaire a urgonien, calcaire qui constitue l'essentiel de l'ossature des 37 Fig. 1: Situation de la grotte Vallier Sl. 1: Položaj jame Vallier 10 km Acta carsologica, XX (1991) SIN-~ Grenoble • 1z1er a~en-• f Grotte V• lller Vercors '' - --, ~ ' ' lsere plateaux du Vercors. Ce calcaire recifal tres pur atteint presque 300 m d'epaisseur est c'est lui qui est a l'origine des puissants escarpements orientaux du Vercors. L'originalite locale provient d'une disposition des couches selon un pli couche, dont le flanc inverse lamine vient chevaucher le synclinal de Lans-en-Vercors (DEBELMAS, 1983). A l'ouest, la charniere du pli plonge a la verticale sur la source du Bruyant, qui s·ouvre, elle, dans le calcaire senonien a silex du synclinal de Lans-en-Vercors (fig. 2). La grotte Vallier s·ouvre au pied du grand escarpement urgonien, au contact des marnes hauteriviennes. Ces marnes impermeables delimitent vers le bas l'aquifere urgonien. Le reseau souterrain s'organise au niveau de ce contact, ou a quelques dizaines de metres au dessus, dans la masse du calcaire urgonien. Lorsque les 38 P. Audra: La grotte Vallier (Vercors,Isere). Premiers resultats stratigraphiques galeries atteignent la charniere du pli, oil l'ecran de marnes hauteriviennes disparait, le reseau se divise en deux: des galeries se prolongent dans le calcaire, oil le pendage devient progressivement vertical; une autre partie du reseau s'enfonce par des puits dans la charniere du pli, et passe sans doute dans le flanc inverse, a 400 m de profondeur. L'ensemble des galeries explorees pour l'heure atteint 8 km. C - Un ancien drain majeur, aujourd'hui inactif Le reseau souterrain s·agence selon des galeries presentant de vastes sections en conduites forcees, parfois surcreusees par des ecoulements vadoses et perforees de marmites de plusieurs metres de diametre. La grotte Vallier, reseau aujourd'hui presque entierement sec, fut parcourue par une puissante riviere souterraine. Les formes de creusement (vagues d'erosion, marmites ... ) indiquent sans equivoque que cette riviere provenait de l'entree, et se dirtgeait vers le fond du reseau. Aujourd'hui les petits ruissellements reconnus peuvent etre facilement attribues a l'infiltration provenant du plateau du Moucherotte. Ils traversent verticalement la couche de calcaire, par des reseaux de puits et fissures, pour gagner la source du Bruyant, sur le pied occidental du Moucherotte (non encore prouve par trac;age, fig. 2). Quant a l'ancienne riviere souterraine, elle s·est mise en place dans un contexte topographique bien different de l' actuel. Les traces d'ecoulements noyes omnipresentes impliquent la presence d'un niveau de base bien plus eleve que maintenant. De plus, comment imaginer l'alimentation d'une telle nv1ere, alors que le porche est aujourd'hui perche plus de 1.000 m au-dessus d'une des grandes vallees alpines ? C'est grace a l'etude des remplissages, notamment ceux qui ont ete deposes par cette riviere souterraine que nous tenterons d'apporter un element de reponse. II. DEUX SEQUENCES SEDIMENTAIRES SUCCESSIVES La cavite recele une grande variete de remplissages, repartis dans l'ensemble du reseau. Nous avons choisi d'etudier preferentiellement deux sites (fig. 2). En effet, les informations fournies par ces remplissages sont complementaires; elles permettent de reconstituer l'ensemble de la serie stratigraphique connue dans la grotte. On a pu mettre en evidence deux sequences successives de sedimentation, dont les caracteristiques sont bien distinctes. A - Description des sites etudies Au dela du puits de 100 m, les galeries se developpent dans la masse urgonienne. Ces conduites forcees, oil les eaux circulaient assez 39 ... Q) i,. 1 o ' iE .. 1 c:0 \ _:::,~ "O,a, 1 ::iE ..,.., 1 Q) > Iz UJ \ e "' ,._ 00 ::::. ~ e Q) .C o :::, o :E Q) ..J 3: e ______ e-====== g ~ N "' ... -lo -lo -.g- /"i .5 u C >, CI) Acta carsologlca, XX (1991) C CD :C ai 1/) ~ C, .!:!? "5 o .D w C -~ C o e ::::, CD ... "ai ~ t1S C.) CD 1/) 1/) t1S o :E 1/) CD C C CD "> ·;:: ~ ::::, t1S .r:. 1/) CD C ... t1S :E Fig. 2: Le pli couche du Moucherotte. Situation des remplissages etudies dans la grotte Vallier, et niveaux atteints par les differents glaciers lors du guaternaire Sl. 2: Polegla guba na Moucherotte. Lega preučenih sedimentov v jami Vallier in višina nekaterih ledenikov v kvartarju 40 P. Audra: La grotte Vallier (Vercors,Isere). Premiers resultats stratigraphiques lentement, se revelent comme d'excellents pieges a sediments. Elles ont garde leur aspect "d'origine", sans eboulements ou modifications de l'etat des parois. Les sediments sont en place, tels qu'ils ont ete abandones par l' ancienne riviere. La zone d'entree a ete beaucoup plus perturbee, ne serait-ce que par la proximite des influences exterieures. Cependant, elle recele d'interessants depots. l. Les coupes des r~seauz profonds Coupe VA 7: Cette coupe se situe au-dela du P 100, dans la galerie de la Raie (fig. 2). Cette galerie est une ancienne conduite forcee, creusee aux depens d'une fracture inclinee (sans rejeu posterieur). Ce site a l'avantage de presenter de maniere quasi-synthetique l'ensemble des depots connus dans les reseaux profonds (fig. 3). Sequence inferieure: - dans quelques creux, des sables fins (O VA 7) a nombreux grains de fer. - dans les niches du plafond, des argiles sombres (1 VA 7), tres fins et tres plastique. Elles recouvrent parfois les sables ferreux. - des concretions, stalagmites essentiellement (3 VA 7), reposant sur les 1 VA 7 1 VA ~_;.c--r.:::;--~/ 1 VA 7- 0VA 7 -·-:. , Sequence superleu-,e / 3 VA 7 - ; ., Fig. 3: Coupe VA 7, galerie de la Rale Sl. 3: Prerez VA 7, rov Rale 41 1 m Acta carsologica, XX (1991) sables ferreux. Le coeur est monocristallin et il constitue l'essentiel d.u volume de la concretion. La surface est recouverte d'une succession de! fines couches alterees, tres blanches. Toutes presentent des traces de corrosion importante. Certaines ont meme des sections profilees, orientees selon l'axe des anciens ecoulements. Sequence superieure: - des argiles carbonatees (2 VA 7), tres compactes, indurees en surface et finement laminees, se sont deposees sur les parois et au sol. En paroi, elles recouvrent parfois les argilles sombres (1 VA 7). Au sol, elles enfouissent partiellement les stalagmites (3 VA 7). Par endroit, ces argilles carbonatees ont ete recreusees par un petit chenal. - dans ce chenal, sur les replats et les contrepentes, se sont deposes des sables moyens, contenant de nombreux cristaux de mica (VA 8). - enfin, localement, un plancher recent fin (VA 20) vient couvrir les sediments au sol. Des cristaux d'aragonite se developpent sur le sol et les parois, en particulier dans les secteurs retrecis oiJ. le courant d'air est plus sensible. D'autres coupes moins completes se rattachent a la stratigraphie de la coupe VA 7. Coupe VA 9: elle est situee au pied du puits du Memoire (puits en conduite forcee, creuse de bas en haut), 100 m en amont de la coupe VA 7 (fig. 2). Son interet est de presenter une grande epaisseur des niveaux detritiques inferieurs (jusqu·a 1 m). Ceux-ci sont sans doute a rattacher aux argiles sombres (1 VA 7). II s'agit d' argiles sans carbonates, disposees en lits entrecroises. Des bandes sombre ou orangees. contenant probablement du manganese et du fer, indiquent des niveaux de battance de nappes d"eau. Ces argiles passent a un niveau plus carbonate. Au dessus, on retrouve les argiles carbonatees de la sequence superieure (type 2 VA 7), puis les sables micaces (type VA 8). Coupe VA 10: c'est un ressaut calcite, dans une galerie au dessus du PlOO (fig. 2). On y retrouve la sequence superieure, moulant des creux du plancher de la sequence inferieure. Ce dernier recouvre la roche-mere de la galerie. Dans le ressaut, le plancher passe a une coulee, sa surface est tres corrodee. Les creux entre les voiles de calcite sont combles d'argiles carbonatees (type 2 VA 7), elles-memes recouvertes de sables micaces (type VA 8). Coupe VA 15: elle a ete relevee dans le reseau Superieur, beaucoup plus proche de l'entree (fig. 2). Dans tout ce reseau, les argiles carbonatees {type 2 VA 7) sont omnipresentes. Au niveau de la coupe, elles sont recouvertes par un beau plancher de calcite, de plusieurs centimetres d'epaisseur, sans trace apparente de corrosion. 42 P. Audra: La grotte Vallier (Vercors,Isere). Premiers resultats stratigraphiques Si l'on represente ensemble de ces depots sur une echelle strati- graphique synthetique, on obtient la totalite des deux sequences observees (fig. 6): - la sequence inferieure, constituee de sables ferreux (type O VA 7) et d'argiles sombres (type 1 VA 7), recouverts par des concretionnements tres corrodes (type 3 VA 7). - la sequence superieure, surmontant la precedente, comprend des argiles carbonatees (type 2 VA 7), puis des sables micaces (type VA 8). Les depots detritiques sont parfois scelles par des planchers de calcite (type VA 15), ou par des efflorescences d'aragonite (type VA 20). 2. Le• coupe• proche• de l'entree A 20 m du porche d'entree, une galerie double mene a une entree superieure, a + 12. Cette double galerie, surcreusee de nombreuses marmites, recele notamment d'epaisses coulees stalagmitiques, dont la surface a ete corrodee, cupulee, sculptee par de puissants ecoulements, posterieurs a la phase de concretionnement. Coupe VA 21: elle se trouve a l'endroit ou la galerie superieure surplombe en balcon la galerie d'entree (fig. 2). La sequence inferieure est ici representee par de fins gravillons notamment quartzeux et ferreux (1 VA 21). Elle passe au sommet a une fine couche de sables bruns fins (2 VA 21). La sequence s'acheve par un fin plancher, correspondant au prolongement d'une stalagmite erodee (3 VA 21). Le tout est recouvert par du sable clair carbonate (4 VA 21). appartenant a la sequence superieure (fig. 4). Sequence superleure Sequence lnferleure Fig. 4: Coupe VA 21, galerie du Balcon Sl. 4: Prerez VA 21, rov Balcon 43 1 m Acta carsologica, XX ( 1991) Sequence auperleure 1 m Ossements recents de chamois Sables clairs _ ___,_ ____ -~. . . . , (type 4 VA 21) Lentilles de graviers remanies de la sequence -+-,-....:.,.--'_'-,i-_-:::.?,...--'"!' inferieure Sables bruns fins--::l:i:;:;.:..:.:.:..":...:,.:::...::,.~;. :.:..-:--'-:~~ ...,;_;_'":J5-; (type 2 VA 21) Sequence lnferleure Galets peu roules Graviers quartzeux et ferreux a passees sombres, brunes ou rouille. Hausse de la taille vers le fond de la marmite. (type 1 VA 21) ',1::,,,$. " o o • o "~';'-'":-:-:-::=-::-:'=-:-::-::--:_::·::--=_,:.--=,....,=-=;·,...-=~-.:,,,....-==---=;o~=--=-;:--=I Argile brune o Argile brune --- -: ;;;;. "-=:""'~'?:j__ ;-: : : f.Y o o o o " o o o o o o o o ,-----!• C: --"'!...::.~ o o o o o o o " o o o o .. o o o <> -Entree a 20 m J; Ancien fond de la marmite 44 o o o o o o (J o o o o o " 1 m P. Audra: La grotte Vallier (Vercors,Isere). Premiers resultats stratigraphiques Coupe VA 23: une grosse marmite se presente a proximite de l'entree superieure (fig. 2). D'un diametre de 1 m. elle accusait une profondeur de 1 m 50. Nous avons entame le decolmatage du remplissage situe au fond de cette marmite. Celui-ci se developpait sur plus de 1 m 50, et a apporte de nombreux enseignements (fig. 5). A la suite a ces travaux, la profondeur reelle de la marmite est de plus de 3 m I Au sommet, on trouve les sables clairs de la sequence superieure (type 4 VA 21). sur une epaisseur d'environ 10 cm. En surface. se melent divers depots lies a la proximite de I' exterieur (charbons. ossements de chamois ... ). Le reste du remplissage, soit une epaisseur de plus de 1 m 50, correspond aux gravillons ferreux et quartzeux (type 1 VA 21). La taille des elements croit en fonction de la profondeur. Ceux-ci sont disposes selon une geometrie particuliere aux ecoulements tourbillonant qui ont affecte la marmite (lits inclines, en biseaux. nombreuses lentilles ... ). Coupe VA 18: a 100 m de l'entree, un P 10 aveugle est partiellement recouvert d"enormes concretions (plancher et stalagmites), aux formes sculptees ou arrondies, evoquant le passage d'un cours d'eau puissant et rapide (fig. 2). Ces concretions sont de la meme generation que la stalagmite 3 VA 21. L"echelle stratigraphique synthetisant les depots de la zone d" entree est aussi composee des deux sequences identifiees dans le reseau profond. Cependant, les sediments different notablement (fig. 6): - la sequence inferieure est representee par d'epais depots de sables ou graviers ferreux et quartzeux (type 1 VA 21), surmontes par une couche plus discrete de sable brun fin (type 2 VA 21). Cette sequence est scellee par de puissants edifices de calcite, puissamment corrodes, qui font toute l'originalite de la zone d 0entree (type 3 VA 21). - la sequence superieure n'est representee ici que par une couche unique de sables clairs (type 4 VA 21). Malgre ces quelques dissemblances, les sequences sedimentaires conservent une structure comparable, aussi bien a l'entree que dans les parties profondes (fig. 6). On note une diminution de la taille des elements constitutifs, en direction du fond. Les graviers et sables grossiers de la sequence inferieure de l' entree de sont plus que des sables fins 1 km plus loin. De meme, les sables clairs carbonates de la sequence superieure passent a des argiles , carhonatees, finement litees. Dans tout le reseau, ces deux sequences sont separees par d'importants depots de calcite, presentant des traces de corrosion generalement nettes. Fig. 5: Coupe VA 23, marmite de la galerie du Balcon Sl. 5: Prerez VA 23, drasla (erozijski lonec) v rovu Balcon 45 VA20- VA8- 2VA7_ 3VA7- 1 VA7- OVA7- Baisse de la taille des sediments detritiques Fond Entree • • • o •• • o • • ' . • • • II • • • o Acta carsologlca, XX ( 1991) Sequence superleure - 4 VA 21 - 3 VA 21 - 2VA21 Sequence lnferleure - 1 VA 21 Fig. 6: Stratigraphie synthetlque des remplissage de la grotte Vallier. On n·a pas tenu compte de l'epaisseur des differents remplissages, pour la commodite du dessin Sl. 6: Pregledna stratigrafija sedimentov v jami Vallier. Zaradi preglednejše slike ni upoštevana debelina različnih nanosov B - S6dimentologie et signification des diff6rentes d6pots Pour l'heure, seules quelques observations rapides ont ete effectuees sur les sediments juges les plus interessants. Le travail prioritaire concernait avant tout la stratigraphie, prealable necessaire a toute etude. De ce fait, ces remarques restent lacunaires et ne sont a considerer qu·a Utre indicatif. l. La s6quence inf6rieure Les sables et graviers de l'ensemble inferieur (type 1 VA 21) presentent les caracteristiques petrographiques et morphoscopiques suivantes: 46 P. Audra: La grotte Vallier (Vercors,Isere). Premiers resultats stratigraphiques - parmi les grains de quartz, un grand nombre s'apparentent au type ronds-mats (CAILLEUX & TRICART, 1959). De tels emousses ne proviennent pas d'un quelconque transport fluviatile. En fait, il s'agit vraisemblablement de grains de quartz contenus dans les calcaires senoniens ou les gres albiens, uses par le ressac lors de la sedimentation cretace. Ils ont ete ulterieurement transportes sous terre, en ayant conserve leur forme originale. - il semble qu'il y ait des silex, sous forme de galets tres plats. Ils se signalent par une couleur blanche, signe d'une profonde alteration. - les grains de fer, tres nombreux, se reconnaissent aisement a leur teinte sombre. Ils sont assez emousses. - les elements issus du calcaire urgonien sont egalement emousses. Cependant, leur forme en fuseau, ou en tetraedre, suggere, plutot qu'une usure fluviatile, une corrosion chimique, dans un sol. Tout ceci apporte un certain nombre d'informations. L' alteration poussee de la plupart des constituants ainsi que les elements ferreux font penser a des formations pedologiques typiques des climats chauds. La petrographie (silex ?, grains de quartz) indique que ces graviers proviennent de couches surmontant le calcaire urgonien, ayant depuis disparu des sommets environnants (fig. 2). Il s·agit sans doute d' alterites, formees lors du Tertiaire, selon des processus pedogenetiques typiques des climats chauds, a partir des roches sedimentaires locales. De telles conditions ayant perdure durant tout le Tertiaire, les couches superficielles ont ainsi ete "digerees". Le remplissage de l'entree de la grotte provient de remaniements ulterieurs de ces paleosols, lors d'un changement des conditions climatiques. Les elements detritiques ont ete soutires vers le karst et pieges (CHARDON & MARNEZY, 1978). Les types d'ecoulement fluviatiles qui ont mis en place ces sediments detritiques, ont ete progressivement remplaces par de nouvelles donnees hydrodynamiques. L'assechement graduel, avec un maintien des conditions climatiques chaudes, est a l'origine des puissants edifices stalagmitiques rencontres notamment a l'entree. Ces formations en bancs tres epais correspondent a un environnement relativement stable, induisant un concretionnement fort et continu. L'assechement du reseau peut avoir deux origines: evolution climatique, ou arret des circulations karstiques a la suite d'une modification des dispositions du relief. Tous ces speleothemes sont corrodes en surface, ce qui prouve le retour d'un ecoulement important dans la cavite, a r origine des depots de la sequence superieure. 2. La sequen.ce superieure Elle est representee par des sables carbonates vers I' entree (type 4 VA 21), correspondant vraisemblablement aux argiles carbonatees des zones profondes (type 3 VA 7). La, ces argiles sont recouvertes de sables micaces (type VA 8). 47 Acta carsologica, XX ( 1991} Les argiles carbonatee se presentent comme une succession de multiples lamines, de couleurs claire et sombre en alternance. Ces depots fins, rhytmes, sont sans doute des argiles varvees. Elles auratent ete mises en place par les debacles glaciaires saisonnieres (MAIRE, 1990). Ces apports d' eau brutaux auraient provoque des mises en charge successives du reseau. Les elements fins se seraient alors deposes par decantation. Les sables micaces (type VA 8) terminent la sequence detritique. Ils ont aussi ete transportes par d"importants courants. Cependant, l"observation des formes de creusement les plus recentes (etroits surcreusements actuels exclus), comme les marmites, ou les meandres, prouve qu'une partie des ecoulements n'etait pas toujours noye. Un examen rapide au binoculaire a permis d"identifier deux types d"elements: des quartz ronds-mats et des grains de fer provenant du remaniement des remplissages de la sequence inferieure, auxquels se melent majoritairement, des quartz anguleux, ainsi que quelques mineraux tels des micas, des feldspaths, des zircons et des epidotes. Tous ces mineraux sont exempts de traces d" alteration, excluant ainsi un age tres ancien. Un tel cortege mineral suggere immediatement un apport de la part des grands glaciers alpins, qui circulaient dans les vallees de l"Isere et du Drac, vallees longeant le Vercors septentrional. Cette sequence s·acheve finalement par un niveau de concretionnement, confirmant l'ultime assechement de la cavite. Si nombre de ces speleothemes ne sont plus en activite, les concretionnements blancs du reseau du Grand Retour, ainsi que les afflorescences d"aragonite d"autres secteurs semblent encore actifs. Quelques ruissellements indigents poursuivent encore le surcreusement en d'etroits conduits, dont le gabarit n'a rien de comparable avec l'ensemble des anciennes galeries. Enfin, il convient de signaler que tous les remplissages portent frequemment les stigmates d"une activite sismique recente: concretions deplacees, brisees, sediments crevases, etc .... Ces mouvements s·expliquent par la proximite d'une faille majeure, que la cavite a d"ailleurs frequemment utilisee lors de l"elaboration des conduits. L'etude n·en est pas suffisamment avancee, cependant, il semblerait que l'on puisse identifier des mouvements historiques. L'observation globale de tous ces remplissages permet de deduire une premiere serie d"interpretations, qui seront precisees par les etudes en cours. lll. INTERPRETATIONS Cette premiere approche stratigraphique montre clairement que la grotte Vallier a suhi une succession chronologique d"evenements aux caracteristiques fort differentes, tant du point de vue climatique, qu'hydrologique ou topographique. La presence des derniers depots detritiques de la sequence 48 P. Audra: La grotte Valller (Vercors,Isere). Premiers resultats stratigraphiques superieure que sont les argiles varvčes surmontčes de sables micacčs, suggere un contexte climatique glaciaire, avec de puissants apports d'eau. Ces volumes d'eau ont contribue a une reprise d'črosion dans l'ensemble de la cavitč, affectant notamment les anciens spčlčothemes. Mais ils ont aussi dčposč ces sčdiments fins, qui ont fossilise les vieilles concrčtions de la sčquence infčrieure. La contamination par des minčraux de type alpin (čpidotes, zircons, feldspaths) implique un apport latčral de la part du glacier de l'lsere. Ceci sous-entend čvidemment que ce glacier a atteint au moins l'altitude du porche de la grotte, a 1530 m. Les travaux sur le Quaternaire rčgional ont montrč que la langue wilrmienne n'a guere dčpassč les 1.100 m d'altitude (MONJUVENT, 1978, figure 2). On est done oblige de rattacher cette phase d'activite de la grotte Vallter a une glaciation antčrieure (Riss ou plus ancienne ?). Les epais concrčtionnements de la fin de la sčquence infčrieure ont ete mis en place lors de periodes climatiques chaudes et relativement prolongčes. Ils dateraient done d'un Interglaciaire antčrieur au Riss rčcent, et auraient done plus de 150.000 a 180.000 ans (Interglaciaires du stade isotopique 7). Quant aux sables ferreux et quartzeux de la sčquence infčrieure, antčrieurs a ces concrčtionnements, il est prčmaturč de leur attribuer un repere chronologique prčcis. Admettons pour l'instant que leur age le plus rčcent remonterait au moins a Quaternaire moyen. En revanche, leur composition particuliere (fer, quartz arrondis) les rattacherait a des remaniements d'ancienne altčrites. Ces člčments de palčosols auraient čtč entrainčs dans le karst profond, lors d'une mutation des conditions environnementales (čvolution climatique, modifications topographiques ?). CONCLUSION Cette premiere approche de l'čvolution de la grotte Vallier, basče presque exclusivement sur l'čtude stratigraphique des dčpots souterrains, a permis de poser les premiers jalons. On a ainsi mis en evidence une alternance de phases glaciaires et interglaciaires, caractčrisčes par des sčdiments specifiques. Du point de vue chronologique, cette cavitč n'a plus connu d'ennoiements au moins depuis la fin du Riss. Depuis, son aspect s'est globalement fige, a l'exception des concrčtionnements et des čcoulements actuels qui poursuivent au ralenti leur travail de dčpot et d'črosion. Les čtudes en cours (sčdimentologie, datations ... ), viendront complčter ces premieres donnčes. BIBLIOGRAPHIE AUDRA, P., 1991: Le karst du massif Moucherotte-Pic Saint Michel. - Mčmoire de D.E.A. I.G.A, 109 p., Grenoble 49 Acta carsologica, XX ( 1991} CAILLEUX, A. & J. TRICART, 1959: Initiation a l'etude des sables et des galets. - C.D.U., 1, 1-376, Paris CHARDON, M. & A. MARNEZY, 1978: Les poches de wterra rossaw de la Chapelle-en-Vercors, leur signification dans la connaissance de r evolution geomorphologique du karst du Vercors. - Colloque Karst de Montagnes, karst et structure, 1977, R.G.A. I.G.A., 2-3, 271-280, Grenoble DEBELMAS, J., 1983: Alpes du Dauphine. - Guides geologiques regionaux, Masson, (50-55), Paris MAIRE, R., 1990: La haute montagne calcaire. - Karstologia Memoires, 3, 731 p. These d'etat, Nice, F.F.S., Paris & A.F.K., Grenoble MONJUVENT, G., 1978: Le Drac. 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