Les couvercles des encriers en bronze de type Biebrich D. Božič Dans la fosse n° 163 A du site de Zurzach (sur le Rhin, en Suisse), situee ä I'interieur des camps de I'epoque romaine precoce, on a trouve deux objets exceptionnels (Hänggi, Doswald, Roth-Rubi 1994,570, Taf. 40: 163 A.3 et A.S), interpretes comme un rivet ornemental sur tole de bronze (fig. I : I) et comme une grande epingle ou un stylet en os (fig. I : 2). Le second objet represente sürement un stylet, et non pas une epingle ou un fuseau (Beal 1983, 151 ss, pi. 26 ; 28-30). Aux arguments mentionnes dejä par Kordula Gostenčnik (1996, 109 ss,Taf I ;2) et Sabine Deschler-Erb (1998, 143 s, Taf. 22) nous pouvons ajouter que dans quelques tombes, ce type d'objet se trouvait associe ä d'autres objets lies ä I'ecriture : une spatule en fer (Mercando 1974,287, fig. 193 : I22a),un encrier double en bronze (Vermeule 1966, 109, fig. 2! ; 22) et le fond d'une bolte ä sceau en os (Frontini 1985, 101, tav.42 :4 ; Božič 1999, 144,Abb. 5:11). Le premier objet (fig. I : I) se compose d'une plaque en tole de bronze circulaire, d'un diametre d'environ 1,7 cm. Elle comporte un rivet excentre en forme d'oiseau, maintenant sans doute sous la plaque une languette pointue. A gauche du rivet, on note I'existence d'un petit trou et, vers le bord, d'une ligne circulaire incisee. Par ses caracteristiques, la plaque de Zurzach correspond parfaitement ä un objet identique du camp de Rißtissen en Allemagne (Ulbert 1970, 30, Taf. 10 : 149), ayant cependant perdu la languette inferieure (fig. 2 : I), et ä trois exemplaires de I'habitat du Magdalensberg en Autriche (Deimel 1987, 54 s,Taf 33 : 6, 7, 10 ; Ollerer 1998, 141, Abb. 6 -fig. 2:2). Les quatre paralleles ont ete interpretes ä juste titre comme des couvercles d'encriers. II s'agit en fait d'elements d'un groupe d'encriers qui est typique de la premiere moitie du ler siecle de notre ere, et denomme par nous-meme type Biebrich (Božič 2001a ; 2001b). On connatt plusieurs encriers de ce type portant le couvercle encore en place (Lindenschmit Fig. I — I Couvercle d'un encrier en bronze ; 2 stylet en OS de la fosse 163 A des camps ä Zurzach (Ech. 1 = 1/1; 2= l/2.D'apres Hänggi, Doswald, Roth-Rubi 1994). Fig. 2 — Couvercles des encriers en bronze du camp de Rißtissen (I) et de I'habitat de Magdalensberg (2) (Ech. I /1. D'apres Ulbert 1970; Deimel 1987). Fig. 3 — Partie superieure et couvercle d'un encrier trouve dans le camp d'Asdburgium (Ech. I/I. D'apres Bechert 1974). 1911,308 s,Taf.53 :996 ;Vermeule 1966, 109, fig. 22 ; Depeyrot, Feugere, Gauthier 1986, 159, fig. 57 : 1-3 ; Bechert 1974, 109, Abb. 84 : 13 - fig. 3). La plaque de Zurzach appartenait done ä un encrier, utilise pour ecrire ä I'encre, contrairement au stylet de la meme fosse, ayant servi ä ecrire sur des tablettes ä cire. Les couvercles, articules sur une charniere fixee ä la partie superieure de I'encrier en forme d'entonnoir, ont toujours un rivet excentre, maintenant sous la plaque une languette pointue. En tournant le rivet, on pouvait verrouiller ou liberer le couvercle. Les rivets peuvent avoir la forme d'une tete de pavot (fig. 2 : I et Lindenschmit 1911,Taf. 53 :996 ; Comstock,Vermeule 1971, 324, fig. 454 ; Depeyrot, Feugere, Gauthier 1986, fig. 57 : I), une forme spherique (Deimel 1987,Taf 33 : 6), bipyramidale (fig. 2 :2), biconlque avec des rainures radiales sur le cone superieur (ibid., Taf. 33 : 10) ou encore la forme d'un simple bouton ovale, ou rond aplati (fig. 3 - Holliger 1986, 25, Taf. 14 : 131). Le petit trou servait pour la fixation de I'attache, inseree dans la charniere, sur le couvercle. Le couvercle de I'encrier double de I'epave Dramont D, appartenant lui aussi au type Biebrich, est neanmoins different (joncheray 1975,6, fig. sur la p. 8). Le rivet est ici place presque au centre de la plaquette ronde. La fermeture est assuree par un petit ergot Interieur, fendu en son milieu, qui se logeait dans un orifice aujourd'hui disparu. Dragan Božič, Inštitut za arheologijo ZRC SAZU Gosposka 13, SI-1000 Ljubljana, Slovenija Dragan.Bozic@zrc-sazu.si Bibliographie : Beal 1983 :J. C. Beal, Catalogue des objets de tabletterie du /Vlusee de la Civilisation Gallo-Romaine de Lyon (Centre d'et. rom. et gallo-rom. de l'Univers. Jean Moulin Lyon III, n. s. I), Lyon, 1983. Bechert 1974 : T. Bechert, Asdburgium - Ausgrabungen in einem römischen Kastell am Niederrhein (Duisburger Forsch. 20), Duisburg, 1974. Božič 1999 : D. Božič, Neues über die Kontakte längs der Bernsteinstraße während der Spätlatenezeit. Arheološki vestnik, 49, I998,p. 141-156. Božič 2001a : D. Božič, Sur la fonction d'une plaque en bronze de Ljubljana. Instrumentum, 14,2001, p. 19. Božič 2001b : D. Božič, Zum Schreibgerät aus dem Grab einer Ärztin aus Vindonissa. Instrumentum, 14,2001, p. 30-32. Comstock, Vermeule 1971 : M. Comstock, C. Vermeule, Greek, Etruscan & Roman Bronzes in the Museum of Fine Arts Boston. Boston, 1971. Deimel 1987 : M. 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Q (5 Fig. 2 — Epingles du parking Vaulabelle (Auxerre, F) ; I, 2 et 3 : epingles reutilisees apres cassure de la pointe ; 4 et 5 : epingles de taille normale (Dessins I. Bertrand). L'utilisation des epingles a cheveux en os sur le site de la rue des Ecossais a Poitiers (F.) I. Bertrand Le site de la rue des Ecossais, fouille de 1984 ä 1986, est localise dans la partie occidentale de la ville antique Lemonum, capitale de la cite de Pictons (Aquitaine romaine). II a livre les vestiges d'habitations abandonnees ä la fin du He s. (Ollivier 1987) C). Le mobilier en os, relativement abondant, comprend notamment une sehe de vingt-sept epingles ä cheveux venant ä 88 % du remplissage d'une cave survenu entre le debut du ler s. et la fin du lie s.; pres des deux tiers (64 %) de ces objets sent issues de la derniere phase de ce comblement, datee de la seconde moitie du lie s. (tableau I). Types 100-150 150-200 Beal AXX.2 1 Beal AXX.5 1 4 Beal AXX.7 1 8 Beal AXX.8 6 Total/epoque 3 18 Tableau I — Repartition des types d'epingles dans le remplissage de la cave 2, au lie s. Les quatre formes d'epingles mises au jour rue des Ecossais sont des plus courantes. Le modele Beal AXX.7 ä tete spheroidale et corps renfle, se trouvait au Calvaire (Poitiers) dans des contextes allant du lie s. au IVe s. (Bertrand 1998b) ; la variante Beal AXX.8, ä tete ovalaire, a ete identifiee dans la necropole des Dunes (Poitiers) parmi les offrandes d'une inhumation datee du lile s. (Eygun, 1933, p. 110-112 ; Bertrand 1996) P). Des epingles ä tete discoidale, conique ou biconique prolongeant un corps renfle (type Beal AXX.5), sont attestees ä Poitiers, sur les sites du Calvaire et de la penetrante Est, vole Andre-Malraux ; le theatre du Vieux-Poitiers (Naintre, Vienne) a livre quatre epingles de ce genre (Bertrand, 1998a, n° 89 ä 92) dont une viendrait d'un contexte de la fin lie s. Ä Äugst (Suisse), les articles de ce genre predominent entre le ler et le Nie s. ap. J.-C. (Riha l990,Typ 12.16, p. 104-106). Quant ä la forme Beal AXX.2 au sommet legerement conique et au corps droit, eile est attestee ä Augst du ler au IVe s. (Riha 1990,Typ 12.27). Letude du corps et de la taille des epingles, selen les modeles, conduit ä plusieurs observations.Ainsi, au sein d'un meme type, se cotoient des articles bien lisses et ä la finition soignee et des objets conservant encore des plans de fa?onnage ayant pourtant ete utilises, comme en temoigne leur patine. II est done vraisem-blable que les accessoires les mieux finis etaient visibles dans la chevelure, tandis que les autres, de finition plus grossiere, restaient enfouis dans ou ä la base des cheveux pour les maintenir P). D'autre part, un tiers des epingles de types AXX.7 et 60 % des epingles de type AXX.8 ont ete "reamenagees" W et reutilisees apres que leur pointe ait ete brisee (fig. I ; I et 2), ce phenomene se traduisant par une extremite finale en biais et un corps devenu proportionnellement court. La longueur moyenne des epingles entieres de la premiere variante est de 86 mm environ contre 61 mm pour celles qui sont reutilisees apres cassure (fig. I : 3 et 4) ; pour le second type, ies mesures sont moins signifiantes car les epingles moins nombreuses, cependant on notera qu'elles mesurent en moyenne 65 mm quand elles sont entieres et 60 mm quand elles sont "retouchees" (^). Sur les objets de forme Beal AXX.5, la pratique d'un usage prolonge apres cassure n'est pas observee, pourtant deux d'entre eux ont leur pointe brisee. Ces epingles ont une longueur moyenne de 80,5 mm, elles sont parfols fines et de faibles diametres ce qui leur confere une esthetique certaine (fig. I : 5). Non seulement la cassure d'une I'epingle modifiait de fafon non negligeable sa longueur, mais, pour certains types comme le Beal AXX.S, eile alterait egalement de fafon importante son aspect premier. AussI, vraisemblablement, preferait-on prolonger seulement l'utilisation des epingles dont Ies lignes et la forme etaient plus ordinaires, voire grossieres, comme nos types Beal AXX.7 et AXX.S. Ä Augst, parmi Ies epingles ä tete spherique ou ovalaire dont la longueur moyenne est proche de 80 mm, quelques-unes sont dotees d'une pointe oblique et d'un corps court (Deshler-Erb 1998 : p. 161, Abb. 237 ;Taf. 33, n° 2157 ä 2160). En revanche, au sein des epingles fines ä tete discoidale ou conique tres peu semblent conserver Ies traces d'un usage apres cassure (Riha 1990, p. 108, Abb. 55-56). S. Deshler-Erb, dans son etude recente, ne presente meme qu'un seul exemplaire de ce genre (Ibid., Taf. 34, n° 3122). De meme, ä Auxerre (Yonne, P.), une seule epingle de type Beal AXX.S est munie d'un corps raccourci (Bertrand 1999-fig.2: 3). Le reamenagement des extremites se decidait done probablement en fonction du degre de finition originel de la piece ; certainement modifiait-il la place de I'epingle, devenue plus courte, dans la chevelure. Ainsi, adapter la forme des epingles aux differentes parties de la coiffure, requerrait d'en posseder une quantite süffisante, ceci expliquerait en partie le nombre relativement eleve de ces accessoires dans Ies maisons de la rue des Ecossais. La reutilisation des epingles cassees est peu observee parmi le mobilier archeologique et n'est jamais commentee (^). Cette pratique, revelatrice d'un comportement economique et social, devait pourtant etre courante. En effet, il s'agissait de prolonger Tutilisation d'objets quotidiens dont le coüt, bien qu'ils soient fa?onnes dans un materiau non luxueux, devait, pour certaines personnes,etre trop eleve pour qu'elles puissent Ies racheter systematiquement. D'autant que la "reparation" assez simple, qui consistait a polir I'extremite saillante brisee, pouvait etre falte par les particuliers eux-memes. Sur le site du Calvaire (Poitiers), oCi I'amenagement des maisons ä partir du lie s. laissait supposer un bon niveau de vie des habitants, seulement deux epingles brisees ont ete reutilisees (soit 10 % de toutes Ies epingles), en revanche 47 % des epingles decouvertes sur le site sont brisees ou ebrechees W. Dans le quartier aise d'Autessiodurum (Auxerre), parmi le mobilier issu des structures de la fin lie s. et du lile s., seulement 3,2 % de toutes les epingles et 4 % des epingles des types Beal AXX. 5, 7 et 8 ont ete reutilisees ; toutes formes confondues, la proportion d'epingles brisees est de 30 % (Bertrand 1999) W, Que doit-on en conclure ? Les habitantes de la rue des Ecossais, contrairement ä Celles du site du Calvaire, etaient moins riches et done plus economes, elles veillaient ä prolonger l'usage de leurs accessoires de coiffure. Ou bien apres le second siede, la reutilisation des epingles brisees courtes n'etait plus possible du fait de revolution des coiffures, d'autant que les formes hautes et compliquees seront remises ä la mode aux llle et IVe s. par les grandes dames de l'Empire. Enfin, si l'on en juge par la reutilisation moins frequente de certains types, la variete des formes des epingles correspondait-elle ä un usage differeneie de celles-ci Selon la coiffure ! J.-Cl. Beal expliquait le reeours ä ce proeede de reutilisation par la rarete des objets sur le marche ('), pourtant ä Lemonum, capitale de cite, 11 serait etonnant que les boutiques n'eussent pas satisfait la demande des dames. Cependant, 11 ne fait guere de doute que si Ies femmes aisees ont suivi scrupuleusement Ies evolutions de la mode, Ies moins riches ont du, quant ä elles, composer egalement avee leurs moyens economiques. Une analyse plus detaillee des epingles en os decouvertes en contexte domestique nous permettrait