Meta Lah Université de Ljubljana* UDK 811.133.1'243(075):81'42 LES TRAITS D'ORALITÉ DANS DEUX MANUELS DE FRANÇAIS LANGUE ÉTRANGÈRE 1 INTRODUCTION Le but de l'enseignement d'une langue étrangère est sans doute la formation d'un locuteur compétent, celui qui « pourra maintenir des relations avec des locuteurs natifs sans les amuser, les irriter involontairement ou les obliger à se comporter autrement qu'ils ne le feraient avec un interlocuteur natif » (Cadre européen commun de référence pour les langues, dans la continuation CECRL : 62). Quelle est, dans ces relations, la place de l'oral en classe de langue maternelle ou étrangère et dans les manuels de Français langue étrangère ? Les didacticiens conviennent qu'en classe de langue la compétence orale est importante : « ... la priorité des priorités, c'est l'oral ; aussi le travail sur le code écrit ne peut qu'être décalé, par rapport à l'acquisition de l'oral » (Boyer/Butzbach 1990 : 53) ; ils ne sont pourtant pas tous d'accord sur la place qu'occupe l'oral dans ces classes. J. Delahaie (2008 : 1) dit par exemple que « le français parlé est depuis longtemps un axe majeur de l'enseignement du FLE », les auteurs du Dictionnaire de didactique du français (Cuq et al. 2003 : 182) pensent que « la composante orale a longtemps été minorée dans l'enseignement des langues étrangères, notamment du FLE » et Janine Courtillon est convaincue que « la production, surtout orale, est le point faible de l'enseignement d'une langue vivante » (2003 : 63). Nous allons commencer le présent article par un bref parcours de l'enseignement de l'oral, pour nous concentrer après sur les enregistrements des textes oraux dans deux manuels de Français langue étrangère. Nous allons essayer de nous focaliser surtout sur le type et le registre de l'oral, proposé aux apprenants, et d'analyser les marques d'oralité dans les textes proposés, en partant de l'hypothèse que le manuel plus récent contient des textes avec un plus grand nombre de marques d'oralité. 2 Petit parcours historique des méthodologies et des référentiels : place de l'oral La méthodologie traditionnelle (jusqu'à la fin du XIXe siècle) est calquée sur l'enseignement des langues anciennes et essentiellement centrée sur l'écrit (Cuq/Gruca 2002 : 234-235). Dans la méthodologie directe (après 1902), « une langue est essentiellement un phénomène oral (surtout) et écrit, de communication. C'est pourquoi la langue orale étudiée est la langue de tous les jours, parlée par les locuteurs natifs » * Adresse de l'auteur : Filozofska fakulteta, Oddelek za romanske jezike in književnosti, Aškerčeva 2, 1000 Ljubljana, Slovénie. Mel : meta.lah@ff.um-lj.si (Germain 2001 : 128). Dans les méthodologies audio-orales1 (pendant et après la 2ème Guerre mondiale), la priorité est toutefois « accordée à l'oral, et en particuler aux structures orales. L'écrit ne vient qu'en second lieu, et cet écrit est au fond de l'oral 'scrip-turé' ». Dans la méthodologie SGAV (structuro-globale-audio-visuelle), surtout connue en France et apparue après la parution du Français fondamental, « une langue est vue avant tout comme un moyen d'expression et de communication orale : l'écrit est considéré comme un dérivé de l'oral ; priorité est accordée au français quotidien parlé » (Besse, cité dans Germain 2001 : 154). L'approche communicative qui suit la parution de Un niveau seuil, introduit la notion de la compétence de communication qui recouvre, à part plus ou moins égale, l'écrit et l'oral. Ses composantes sont aussi « la compétence sociolinguistique, comprenant la compétence socioculturelle et une composante discursive, et la compétence stratégique. (Germain 2001 : 203). À cette époque, nous retrouvons aussi la notion de registres de langue : « Pour communiquer efficacement il faut, en plus, connaître les règles d'emploi de cette langue. Cela signifie savoir quelles formes linguistiques employer dans telle ou telle situation, avec telle et telle personne. (...) En d'autres termes, on ne transmet pas un message de la même manière selon que l'on s'adresse à un subalterne, à un ami, à un collègue ou à un supérieur.» (ibid.). Les trois référentiels importants qui ont influencé les méthodologies, les manuels de Français langue étrangère et qui ont, par conséquent, aussi déterminé la place de l'oral en classe sont le Français fondamental (paru entre 1952 et 1954)2 ; Un niveau Seuil (1976), projet européen introduisant la notion des actes de parole, à l'origine de l'approche communicative, et le dernier, le Cadre européen commun de référence pour les langues (2001), qui introduit l'approche actionnelle. 2.1 Exemples de textes dans des manuels appartenant à différentes méthodologies Comme point de départ, comparons cinq extraits, parus dans des manuels appartenant à différentes méthodologies : (1) Cours de langue et de civilisation françaises, « Mauger bleu » ; méthode directe, 1953 (p. 154) - Je dois aller à la poste : je désire acheter des timbres pour l'Etranger. - N'allez pas si loin. Entrez donc dans ce bureau de tabac, là, devant vous. - Comment ? On vend des timbres chez le marchand de tabac ? - Mais oui, venez avec moi. (dans le café-tabac) - Voilà, Monsieur. 1 Blanche-Benveniste rappelle que l'invention du magnétophone portatif devrait être considérée « comme une date détérminante pour le développement de la linguistique. » (2000 : 1). 2 Le Français fondamental est à la base de la méthodologie SGAV. En parlant de cette époque, il faut aussi mentionner l'invention du magnétophone : aujourd'hui ,cela semble être un instrument banal, mais il a joué un grand rôle dans l'introduction de l'oral en classes de langue. - Merci, madame. Donnez-moi aussi un paquet de cigarettes. - Des gauloises ? Jaunes, bleues ou vertes ? - Des gauloises bleues et une boîte des allumettes. (...) (2) Voix et images de France ; méthode S.G.A.V, 1960-68 (livre du maître 1971 : 75) Catherine. - Paul, viens voir à la fenêtre ! Paul. - Qu'est-ce qu'il y a ? Catherine. - Il y a beaucoup de monde, au coin de la rue. Paul. - C'est peut-être un accident... Mais non, il n'y a rien. Les gens attendent l'autobus. Tu es bête, ma pauvre Catherine ! Catherine. - Je suis peut-être bête, mais toi, tu n'es pas gentil. Paul. - Tiens, voilà l'autobus. C'est le 27 ; tu vois, les gens montent. Catherine. - Où est-ce qu'il va ? Paul. - Il va à l'Opéra. Oh ! Regarde la grosse dame, là à gauche, avec le chapeau à la plume. (...) (3) Bonjour Line ; méthode audio-orale, 1970 (cité dans Boyer et al. 1990 : 27-28) SPEAKER : C'est l'hiver. Il fait froid. Il y a de la neige. Les petites filles sont assises devant le feu. Alice lit. Josette regarde le feu. Alice : Ecoute, j'entends du bruit. Josette: On frappe à la fenêtre. Alice : Viens voir ! Josette : Qu'est-ce que c'est ? Alice : C'est un oiseau. Il est noir. Il a un bec jaune. Josette : Il ouvre le bec. Il a faim. Alice : J'ai du pain dans ma poche. Josette : Ouvre la fenêtre. Alice : Oui, voilà. (4) C'est le printemps ; méthode audio-visuelle, 1975 (cité dans Boyer et al. 1990 : 29) Situation : Devant une agence, une étudiante est en train de regarder un panneau de petites annonces. Yves : Qu'est-ce que tu fais là ? Evelyne : Ben, tu vois, je cherche une chambre. Yves : Tiens, regarde cette annonce. Ça t'intéresse pas ? (...) Yves : C'est pas près de la fac ? Evelyne : Si, j'y vais tout de suite. Tu viens avec moi ? Yves : Si tu veux. (5) Archipel, approche communicative, 1983 (Archipel 1983 : 48) Le neveu: Dis donc, tante Hélène, j'suis vachement embêté. J'ai eu un accident avec la bagnole d'un copain. La tante : Tu as besoin d'argent ? Le neveu : Ben... C'est que... oui, il me faudrait un peu de fric. La tante : Tu veux cent francs ? Le neveu : Ça t'ennuierait pas de me prêter cinq cents balles ? La tante : Dis donc, 500francs, tu ne pourrais jamais me rembourser. Le neveu : Comment veux-tu que je fasse, je peux pas le dire aux parents. La tante : Bon d'accord, mais c'est la dernière fois. (...) Nous pouvons constater qu'il s'agit dans les cinq cas de textes dialogals,3 élaborés explicitement pour le manuel en question. A première vue, il y a une grande différence entre le premier et le dernier exemple, surtout du point de vue des structures et du lexique employé. Y a-t-il pour autant une vraie différence concernant le contenu et les marques d'oralité employées dans ces textes ? Nous allons essayer de définir les critères d'analyse dans la suite de l'article. 3 L'ORAL EN CLASSE DE LANGUE Qu'est-ce que l'oral en classe de langue maternelle et étrangère ? Est-il enseigné de façon appropriée ? Quel oral enseigne-t-on ou devrait-on enseigner ? Nous ne savons malheureusement pas trop ce qui se passe en classes de Français langue maternelle ni en classes de Français langue étrangère. Comme l'indique Le Cunff (2005 : 1), la didactique du Français langue maternelle « s'intéresse davantage à l'écrit qu'à l'oral. Elle utilise des corpus constitués par les productions écrites des élèves ou des écrits sociaux pour en analyser des spécificités (genre, grammaire textuelle). La langue - lexique, orthographe, etc. - est moins souvent objet de recherche que la production d'écrit ou le texte donné à lire dans le cadre de la classe de français. » Gadet (2000 : 6) souligne la variabilité de langue orale avec laquelle les enfants arrivent à l'école et dit que « peu d'enseignants sont correctement armés pour intervenir sur les rapports entre français standard écrit, français standard oral et le tout venant du français oral ». Selon elle, il est dommage que les enseignants n'aient pas une meilleure connaissance de la variabilité du français, pour pouvoir distinguer le français oral des formes du français standard. Il y a, en Français langue maternelle - tout comme dans d'autres langues, par exemple le Slovène langue maternele - un autre problème à évoquer, notamment celui du niveau de langue (et de registres) que les jeunes ont souvent du mal à distinguer et à utiliser de façon appropriée (ibid. : 7). Nous pouvons supposer que dans les classes de langue étrangère, la situation est même plus complexe, voire compliquée. On sait que dans ces classes4 - Tagliante cite l'exemple du lycée français de Madrid - les élèves s'expriment peu à l'oral ; elle rappelle que « des études ont montré qu'en milieu scolaire, un apprenant, de la Sixième à la Terminale, ne dispose, en moyenne, que de 45 minutes de parole sur une année » (Tagliante 2006 : 97). La situation n'est sans doute pas meilleure dans d'autres pays, l'oral n'étant donc pas beaucoup enseigné et pratiqué. 3 Expression empruntée à J.-M. Adam. 4 Dans l'enseignement public, les classes sont souvent trop nombreuses pour pouvoir faire parler les élèves. Si le temps consacré à l'expression en classe de langue est tellement limité, la question qui se pose est de savoir quel est l'oral qu'on enseigne. J. Delahaie5 (2008 : 1) se demande si l'évolution des méthodologies et le fait d'enseigner les langues étrangères de manière plus authentique s'est aussi accompagnée d'une transformation du contenu grammatical et si la langue, appliquée en classe utilise une « grammaire d'usage, qui prendrait en compte les particularités lexicales et syntaxiques, informationnelles et interactionnelles du français parlé, ou s'agit-il encore d'une grammaire du bon usage, plutôt normative et écrite ». Elle présente l'analyse de la langue orale, utilisée par les enseignants.6 Les quatre enseignants « tentent d'enseigner quelques caractéristiques du français parlé dans leurs reprises de performances orales, mais avec plus ou moins de justesse » (ibid. : 2). Selon l'une des enseignantes, c'est tout de même la « langue de Molière » qu'il faut enseigner. Certains professeurs se sentent aussi déstabilisés devant le fait de se voir obligés d'enseigner la langue parlée, car « il serait impossible d'enseigner le français parlé sans l'intuition du natif » (ibid. : 9). 3.1 L'opposition oral/écrit Il est clair qu' « on ne parle pas tout à fait comme on écrit, pas plus qu'on ne peut écrire tout à fait comme on parle » (Martinon, repris par Béguelin 1998 : 3). On perçoit d'habitude l'écrit comme un discours organisé, stable et l'oral comme un discours spontané, contenant des phénomènes spécifiques et ayant sa propre grammaire, perception avec laquelle C. Blanche-Benveniste n'est pas d'accord : « Une tenace idée reçue laisse croire que l'oral aurait des structures grammaticales déficientes ; seul l'écrit aurait une grammaire organisée. L'expérience des linguistes qui ont analysé de longs corpus oraux est toute autre » (1991 : 54). Elle ajoute que « des phénomènes qu'on a cru spécifiques (...) concernent tout aussi bien la langue écrite, même si c'est de façon moins évidente. Ainsi, les mécanismes qui règlent la « mise en discours » de la langue s'imposent de façon plus spéctaculaire à l'oral, et sont parfois plus faciles à observer ; mais ils sont indéniablement présents dans les productions écrites » (ibid.). Béguelin (1998 : 1) souligne que l'opposition langue orale/langue écrite n'est pas vraiment stabilisable. Selon Blanche-Benveniste, ce qui serait à analyser pour avoir deux corpus comparables seraient les brouillons d'écriture et l'oral improvisé ; dans les deux cas on aurait affaire à des « avant - textes » (Bellemin-Noël, cité par Blanche-Benveniste 1991 : 56). Mais même dans les brouillons, « le scripteur revient souvent en arrière sur l'axe des syntagmes. » (Blanche-Benveniste 2000 : 17). On pourrait considérer l'écrit comme un texte élaboré, un produit final qui ne présente pas (ou au moins ne devrait présenter) d'erreurs. L'oral « laisse voir les traces de son élaboration dans l'énonciation. (... ) Il est jalonné de pauses, hésitations, reprises, incomplétudes, redites, anticipations, (auto-)interruptions, bafouillages » (Gadet 2000 : 3). Selon Blanche-Benveniste, « dans une grande partie des productions orales, les locuteurs improvisent leurs discours, et les marques de cette improvisation 5 Des questions semblables sont évoquées dans Benamar (2009). 6 Elle a analysé les reprises, effectuées par quatre enseignants de FLE après les jeux de rôles. (qu'ils enlèveraient généralement pour donner une version écrite ordinaire) sont nombreuses : répétitions, ratures, recherches de mots, hésitations, « euh », inachèvements, etc. » (1991 : 56). Dans un contexte pédagogique, on voit, selon Cuq (2003 : 182) « les manuels mettre l'accent sur les différences en termes de contraintes de communication : aux caractères communicativement économiques d'immédiateté, à l'irréversibilité du processus, à la possibilité de réglages et d'ajustements, à la présence de référents si-tuationnels communs et à la possibilité de recours à des procédés non verbaux ». La chose la plus difficile est, bien sûr, de dresser une liste des différences entre l'écrit et l'oral. Dans le chapitre « Différentes façons de classer le parlé », Blanche-Ben-veniste énumère les catégories suivantes : les fautes (les fautes qui n'en sont plus : p. ex. certaines prononciations, le ne de la négation, l'interrogation par est-ce que, l'emploi du on pour nous, le participe passé non accordé ; les fautes « typantes » : p. ex.: absence du subjonctif, auxiliaire avoir pour être, relatifs renforcés par c'est que, la locution tout le monde, il..., équivalents de relatives, avec que + il pour qui et que + le N pour dont, l'emploi de ils pour la reprise d'un groupe nominal féminin), les régionalismes, les comportements des locuteurs (les inachèvements, les auto-corrections, les effets des interlocuteurs), les niveaux et les registres et genres (2000 : 35-63). Detey, Durand et Lyche (Detey et al. 2010 : 52) soulignent que « Lorsque les linguistes décrivent une langue ou une variété particulière d'une langue donnée, ils le font par référence à divers niveaux d'analyse » et proposent comme niveaux de description lexique et morphologie et phonétique et phonologie (ibid.: 53-64). Dans le même ouvrage, N. Rossi-Gensane organise sa reflexion autour des niveaux suivants : oralité (ponctuation et prosodie, modes de production de l'oral), syntaxe ou autour de la phrase (entre autres : temps, modes et voix, l'expression de la négation, la modalité interrogative, autour de la fonction sujet, autour de la subordination), discours (la différence entre le discours oral et écrit, la communication spontanée), le rôle de la macro-syntaxe (ibid. : 83-103). En synthétisant les niveaux, mentionnés par différents auteurs, nous pouvons grosso modo discerner plusieurs chapitres ou catégories sur lesquels nous allons baser notre analyse : - faits liés à la prononciation et à la prosodie : les facteurs prosodiques (intonation, rythme, débit, accentuation) n'ont pas pour seule fonction de contribuer au confort de l'auditeur (Gadet 2000 : 3) comme ils l'auraient dans un oral préparé, par exemple une émission à la radio. La prononciation peut être relâchée avec disparition de nombreux e muet, les liaisons impossibles ou fausses, des oui prononcés ouai (Favart 2006 : 1), etc. - faits liés à l'emploi d'un registre spécifique7 : les termes familiers, « sur le plan lexical, l'emploi de termes argotiques ou donnant l'impression de l'être » (Favart, 7 Gadet (1996 : 11) dit : « On est ainsi habitué à voir des mots qualifiés de : vulgaire, argotique, populaire, familier, courant, soutenu, littéraire, archaïque...» et continue un peu plus loin : « Les désignations des registres ne sont aucunement satisfaisantes, car elles ne distinguent pas entre classification diastratique (ex. 'populaire') et classification diaphasique (ex. 'soutenu'). Or, étant donné qu'il n'y a pas de locuteur à style unique, il serait nécessaire de croiser les catégories. » 2006 : 1), les interjections (Delahaie 2008 : 7), les bouche-trous. Un bon exemple d'emploi de termes familiers dans un manuel de langue est le dialogue dans Archipel, cité ci-dessus. - faits liés à la « langue », à la morphologie et à la syntaxe, par exemple : l'omission du ne de négation,8 l'abondance des nominalisations, l'emploi d'une forme pronominale pour une autre (p. ex.: y pour lui, Favart 2006 : 1), - faits liés au texte comme ensemble : cohésion et cohérence différente de celles de l'écrit - manque apparent de cohésion de ce type d'échanges (Kucharczyk 2009: 82), différents types de liens grammaticaux (deux types de liens grammaticaux, là où l'écrit ne dispose que d'un seul : liens segmentaux explicites, comparables à ceux de l'écrit, et liens intonativo-syntaxiques, dans ce qui est un peu désigné comme « parataxe » ou absence de lien, Gadet, 2000 : 4), des constructions qui ne sont pas ou sont peu présentes à l'écrit (par exemple : « le non- respect de l'ordre des mots », Favart 2006: 1) ; « dislocations, topicalisations, anacoluthes, extractions en « c'est ... que/qui »... (c'est avec papa que je discutais, traité comme une mise en relief de je discutais avec papa, etc. » (Blanche-Benveniste 1991 : 55) - faits liés aux « tâtonnements9 » et au fait que la production orale n'est pas un produit fini, mais un texte en cours d'élaboration. Blanche-Benveniste (1991 : 58) dit : « Pour rendre compte des hésitations, répétitions, des recherches de bonne dénomination, nous avons fait l'hypothèse suivante : lorsqu'il déroule linéairement l'énoncé qu'il est en train de construire (qu'on situera sur l'axe syntagmatique), le locuteur peut interrompre ce déroulement linéaire pour chercher, sur l'axe des paradigmes, parmi un stock d'éléments potentiellement disponibles, la meilleure dénomination. C'est ainsi que j'intepréterais l'exemple où le locuteur cherche la désignation de parenté ou le pronom : l'opération est représentée sur l'axe paradigmatique, à la verticale ; il ne s'agit pas d'une opération 'mentale', mais de données factuelles fournies par des mots réellement prononcés à la suite les uns des autres dans le discours. » Exemple : - il y avait un cousin -un frère un fils de mon oncle ils vont vous ils vont te dire 8 Gadet (2000 : 1) dit qu'il s'agit d'un phénomène assez ancien et conclut qu'il faudrait le mettre en rapport avec d'autres phénomènes: « nous partirons de l'exemple de ne de négation, dont on comprend mieux le fonctionnement actuel en le mettant en rapport avec plusieurs autres phénomènes. Or la rareté orale de ne est à mettre en rapport avec un autre phénomène lui aussi dénoncé par les puristes, la « redondance » du sujet, illustrée par l'exemple Mon frère il a dit ». Elle conclut que « les éléments susceptibles de prendre place entre le pronom marque de la personne et le verbe tendent à être éliminés, et parmi eux le ne ». 9 Parfois aussi aux faux départs (Kucharzyk 2009 : 82). Blanche-Benveniste ajoute que le locuteur peut interrompre le déroulement de l'axe syntagmatique, non seulement pour faire une liste, mais aussi pour faire des allers et retours sur le déroulement linéaire, pour compléter un syntagme déjà énoncé, ou pour intercaler un élément. Il peut s'agir, par exemple, d'un retour en arrière, d'une progression dans la dénomination (elle est jeune / elle est jeune / elle est toute jeune), des parenthèses, d'une réfutation (il y aura 12 danseurs / euh 8 garçons / non, je dis des bêtises / il y aura 13 danseurs), d'un commentaire (il a indiqué spontanément / et je précise bien spontanément / que vous êtes rentré vers 21 h 30) (ibid. : 61-62). Regardons, à titre d'exemple, encore un exemple pratique de catégorisation des marques d'oralité. Sur un des sites « pédagogiques10 » ; qui sont à la disposition des enseignants de langues, les marques d'oralité, repérées dans un extrait du livre Marie de F. Cavanna sont énumérées dans les catégories suivantes : expression qui marque la présence de l'émetteur et du récepteur (« Tel que tu me vois »), mots familiers ou argotiques, inversion de l'ordre normal de la phrase pour renforcer un mot, syntaxe de l'oralité (phrases mal construites), omission/ellipse d'un élément de la phrase, expressions idiomatiques, répétitions, abréviations, interjections. 3.2 ANALYSE DES TEXTES ORAUX DANS DEUX MANUELS DE FRANÇAIS LANGUE ÉTRANGÈRE Pour l'analyse, nous avons choisi deux manuels de Français langue étrangère: Le nouveau sans frontières (selon Cuq/Gruca : 269, paru pour la première fois en 1988 ; dans la continuation « NSF ») et Version originale, paru en 2009 (dans la continuation « VO »). Le nouveau sans frontières est élaboré selon les principes de l'approche communicative, tandis que Version originale est un manuel appartenant à l'approche actionnelle. Dans les deux manuels, les textes enregistrés peuvent être classés en deux catégories : - textes destinés à l'entraînement de la prononciation (p. ex. la prononciation des sons jugés problématiques, intonation) ; dans NSF, ces textes sont clairement intitulés « Phonétique et mécanismes ». Dans VO, il s'agit souvent de mots isolés, contenant des sons difficiles à prononcer (p. ex.: paix - peine - pain, beau - bonne - bon, taux -tonne - thon, VO : 148) et - textes oraux destinés surtout à la pratique de la compréhension orale. Notre corpus est constitué des transcriptions de 18 textes du NSF et de 26 textes du manuel VO. Tous les textes analysés sont des textes fabriqués et faits pour les manuels ; il n'y a pas de textes authentiques. Étant donné qu'il y a dans les manuels plus de contenus grammaticaux que ceux portant sur la compréhension orale et que ces textes sont fabriqués,, nous ne nous attendons pas à un manque de cohésion/cohérence. 10 http://www.prof2000.pt/users/deogil/fran/sequences/dialogale_oralite.htm ; les enseignants de langue vont plus souvent consulter ce type de documents que des ouvrages théoriques Nous aimerions aussi souligner le fait que les auteurs des manuels (et les enseignants de langue) se trouvent dans une situation assez ambiguë et difficile ; ils sont, d'un côté, censés proposer la « norme » et de l'autre préparer les apprenants à « l'authentique » avec ses caractéristiques et toutes les « fautes » que cet authentique sous-entend par rapport à la norme. Dans les transcriptions, nous allons essayer de relever les faits appartenant à la langue orale et de les répertorier. Nous proposons les catégories suivantes : - faits liés à la prononciation (p. ex. prononcitation ouais au lieu de oui), - lexique : emploi d'un lexique familier ou argotique, interjections, bouche-trous, - tournures grammaticales propres à la langue orale, - marques de répétition, d'hésitation ; tâtonnements. Après avoir passé en revue les textes dans les deux manuels, nous avons décidé d'ajouter encore une catégorie : - tournures d'appel, utilisées pour entrer en contact/prendre congé avec l'interlocuteur. Nous avons entâmé cette analyse dans l'hypothèse de trouver plus de marques d'oralité dans le manuel plus récent. 3.2.1 Textes dans le manuel Le nouveau sans frontières Dans les 18 textes de ce manuel, les marques d'oralité sont très peu présentes. Les textes proposés sont de genres différents : dialogues, discours prononcé par un guide de musée (p. 142), informations radiophoniques (p. 145), discours prononcé par le maire d'une ville (p. 156). Les marques d'oralité peuvent être classées dans les catégories suivantes : - tournures, utilisées pour entrer en contact/prendre congé : Ah ! J'ai des problèmes avec mon personnel ! Tenez : Marie Delfort, elle est chef de publicité (...) (P. 91) J'habite dans le quartier sud de la ville, place du 14 juillet... De ma fenêtre, on voit toute la ville. Tenez, regardez ! (P. 128) Vous arrivez de Valence par l'autoroute ? Bon, alors, écoutez moi ! (...) Ça va ? Vous avez compris ? (P. 133) - lexique, mots familiers/argotiques, interjections, bouche-trous M. Durand : Bon... Pour le dessert un gâteau au chocolat pour lui, une tarte au citron pour moi. (P. 59) FI : Il fait 20 F le mètre. F2 : Bon, je vais en prendre 20 mètres. (P. 75) Béatrice, assieds-toi à la droite d'André. Bon, maintenant. Claude, reste debout et mets-toi entre l'arbre et le banc. (P. 79) Ah ! J'ai des problèmes avec mon personnel ! (...) Jacques Arnaud, mon chef de ventes, c'est vrai, c'est vrai, il n'est pas très souriant et pas très amusant, mais il est travailleur, sérieux et compétent, eh bien, il est malade. (P. 91) - « tâtonnements », le même exemple : Ah ! J'ai des problèmes avec mon personnel ! (...) Jacques Arnaud, mon chef de ventes, c'est vrai, c'est vrai, il n'est pas très souriant et pas très amusant, mais il est travailleur, sérieux et compétent, eh bien, il est malade. (P. 91) 3.2.2 Textes dans le manuel Version originale On trouve pratiquement dans tous les enregistrements des marques d'oralité qu'on pourrait mettre dans une des catégories définies ci-dessus. L'emploi de certaines structures n'est pourtant pas toujours cohérent. - faits liés à la prononciation11 Alors, Séverine, ce cours de marketing ? Comment ça se passe ? Vraiment très bien. J'suis très contente. Oui, et le groupe est sympa ? Ouais, sympa ! En fait, on est un petit groupe, on est onze et puis euh... Il y a plusieurs nationalités. Alors il y a David qui est anglais (...) (...)et il y a aussi Antonio, alors lui il est un p'tipeu plus âgé. (P. 143) Oui, je sais. T'habites près du port ? (P. 144) Je n'me rase pas. Souvent, j'me couche avant dix heures du soir. Ce soir on s'couche tôt parc'que demain on s'lève a six heures. Tu m'dis toujours toutc'que tu penses ? (P. 146) - tournures utilisées pour entrer en contact/prendre congé Ah, bonjour! Bonjour. 11 La dénomination n'est pas la meilleure ; il s'agit des rapports entre le graphique et le phonique ; les différences sont parfois peu sensibles à l'oral. Blanche-Benveniste: « Ainsi, entre le graphique et le phonique, les marques morphologiques diffèrent considérablement : marques du nombre, au point qu'on ne sait comment transcrire « quelle(s) femme(s) venai(en)t » Vous êtes, vous êtes Philippe, non ? (P. 142) - tournures «grammaticales », propres à la langue parlée Bon, ben, ça ira comme ça. Merci madame. Au revoir. (P. 143) Alors toi, Stéphane, tu habites à Paris ? Il paraît que c'est super Paris ? J'connais pas, moi ! (... ) Non, non. Des pistes de ski, ça non, pas encore. (P. 144) Mais, tu vois, y'a pas tout à Paris (P. 144) Bon ben... Comme on sort pas ce soir, on pourrait peut-être faire quelque chose quand même. (P. 144) Non, il est pas suisse, il est espagnol. (P. 145) Euh... je m'en souviens plus. (P. 146) Ah bon ! Ah, c'est marrant, tiens ! Mais c'est qui alors ton acteur préféré ? (P. 146) Ben, je lis le plus possible en français. Tu lis quoi ? (P. 147) Regarde Séverine, toutes les fringues que je trouve sur le net. Ah, pas mal ! Et qu'est-ce que tu vas acheter ? Ben... je crois que j'ai plus de pantalon, plus de pantalon d'été. Regarde ce pantalon à fleurs. Il est génial et pas cher en plus. Attends Stéphane... mais tu vas pas porter un pantalon à fleurs quand même ! Ben pourquoi ? Regarde le gris et le noir, c'est pas possible pour l'été, c'est trop sombre. (... ) Oh écoute, zut à la fin... Tu m'demandes mon avis et tu m'écoutes pas. Vas-y achète c'que tu veux... (P. 147) Uff... Eh ben, c'est lourd hein... toutes ces courses. Allons, on va ranger ça. Voyons si j'ai tout pour mon entrée. Oui, ok ! Tout est sous contrôle pour l'entrée, tout va bien. Alors, mon plat principal... Ah non, non, non, non, c'est pas vrai, faire un poulet maringo sans poulet. J'ai oublié le poulet ! Mais tu es vraiment stupide, hein, ma fille. Alors, voyons, tant qu'on y est, tant qu'on y est, voyons si j'ai tout pour le dessert. Eh ben non ! Et ben, y'a pas de crème fraîche et y'a pas de sucre. (...) (P. 148) - lexique : mots familiers/argotiques, interjections, bouche-trous Lenoir en un mot, hein, LENOIR. (P. 142) Bon... alors... le livre de Jérôme, il coûte combien ? Euh... 45... 50 euros... ? Non ! 64 euros ! Eh, ben, dis donc !!!12 (pp. 142-143) Bonjour, euh..., c'est pour le cours de dix-huit heures. (...) Euh, 39 ans. (...) Euh, oui. Alors c'est le 06 12 53 24 22. (...) Bon, ben, ça ira comme ça. Merci madame. Au revoir. (P. 143) Oui, et le groupe est sympa ? Ouais, sympa ! En fait, on est un petit groupe, on est onze et puis euh... Il y a plusieurs nationalités. Alors il y a David qui est anglais (...) (P. 143) Bon ben... Comme on sort pas ce soir, on pourrait peut-êtra faire quelque chose quand même. Ben... on pourrait peut-être jouer à un jeu ? Moi, j'en connais un super amusant. (...) Humm... (...) Euh, j'commence si vous voulez. (...) (P. 144) Oh ! Phil, t'es trop fort ! Bon, allez, vas-y, c'est à toi. (P. 145) Ouais, pas mal, mais je n'aime pas Daniel Auteuil. Ah bon ! Ah, c'est marrant, tiens ! Mais c'est qui alors ton acteur préféré ? Ben, Johnny Depp. Ah, bon. Bof ! (P. 146) Regarde Séverine, toutes les fringues que je trouve sur le net. Ah, pas mal ! Et qu'est-ce que tu vas acheter ? Ben... je crois que j'ai plus de pantalon, plus de pantalon d'été. Regarde ce pantalon à fleurs. Il est génial et pas cher an plus. Attends Stéphane.... mais tu vas pas porter un pantalon à fleurs quand même ! Ben pourquoi ? Regarde le gris et le noir, c'est pas possible pour l'été, c'est trop sombre. (...) Oh écoute, zut à la fin... Tu m'demandes mon avis et tu m'écoutes pas. Vas-y achète c'que tu veux... (P. 147) Uff... Eh ben, c'est lourd hein... toutes ces courses. Allons, on va ranger ça. Voyons si j'ai tout pour mon entrée. Oui, ok ! Tout est sous contrôle pour l'entrée, tout va bien. Alors, mon plat principal... Ah non, non, non, non, c'est pas vrai, faire un poulet maringo sans poulet. J'ai oublié le poulet ! Mais tu es vraiment stupide, hein, ma fille. Alors, voyons, tant qu 'on y est, tant qu'on y est, voyons si j'ai tout pour le dessert. Eh ben non ! Et ben, y'a pas de crème fraîche et y'a pas de sucre. (...) (P. 148) 12 Nous aimerions aussi signaler l'importance de la ponctuation. - hésitations, reprises, « tâtonnements » Ah, Monique Santier ? Santier avec un A, c'est ça ? Non, non, non, non, non, avec un E : SENTIER. (P. 142) (...) C'est une ville moderne avec des, des... gratte-ciel dans le quartier des...des affaires à la Défense. (... ) Ah ! Oui. Evidemment, ça d'accord. Mais, mais attends... à Paris vous n'avez sûrement pas de... de... de Manneken Pis, tiens, comme chez moi. (P. 144) Excusez-moi, Madame... je cherche l'école des trois tilleuls. L'école des trois tilleuls ? Ah oui ! C'est tout pres... là-bas... vous voyez, au bout de la rue, sur la place de la Mairie. Ah oui, oui, oui, oui, je la vois. Merci beaucoup ! (P. 145) Uff... Eh ben, c'est lourd hein... toutes ces courses. Allons, on va ranger ça. Voyons si j'ai tout pour mon entrée. Oui, ok ! Tout est sous contrôle pour l'entrée, tout va bien. Alors, mon plat principal... Ah non, non, non, non, c'est pas vrai, faire un poulet maringo sans poulet. J'ai oublié le poulet ! Mais tu es vraiment stupide, hein, ma fille. Alors, voyons, tant qu'on y est, tant qu'on y est, voyons si j'ai tout pour le dessert. Eh ben non ! Et ben, y'a pas de crème fraîche et y'a pas de sucre. (...) (P. 148) 3.2.3 Synthèse Nous pouvons constater, comme nous l'avons supposé, que les auteurs du manuel plus récent, Version originale, ont inclus plus de marques d'oralité dans les enregistrements des textes oraux. Les enregistrements de ce manuel paraissent plus authentiques que les enregistrements du Nouveau sans frontières. C'est sans doute dû aux vingt ans de différence entre la parution des deux manuels ; l'approche actionnelle souligne encore davantage l'utilisation des documents authentiques en classe vu que, selon les auteurs, les apprenants doivent être préparés aux tâches réelles de la vie courante. Dans les transcriptions du NSF, il y a peu de traces de l'oral. Les auteurs y ont introduit quelques tournures pour entrer en contact ou prendre congé, quelques bouche-trous (qui ne relèvent pas trop du langage parlé, par exemple bon ou eh bien) et un seul exemple de ce qu'on a appelé tâtonnement (une répétition pour marquer l'hésitation). Dans les transcriptions du manuel VO, les marques d'oralité sont présentes dans tous les textes. On y trouve des marques d'oralité liées à la différence entre l'orthographe et la prononciation (exemple : j'suis très contente), certaines structures qu'on ne trouverait pas à l'écrit (exemples : c'est qui alors ton acteur préféré, comme on sort pas ce soir), omission du ne de la négation, omission de certains pronoms, exemple: y'a pas tout à Paris ; des bouche-trous (euh, eh bien, bon ben ; aussi des exemples de bouche-trous à première vue très peu français, exemple : ufff), des mots du registre parlé (fringues, super amusant, sympa, zut) et de très nombreux exemples de « tâtonnements » pour marquer des pauses et des hésitations (exemples: ah oui, oui, oui, oui ; tant qu'on y est, tant qu'on y est et beaucoup d'autres). La langue des transcriptions du manuel VO est plus « parlée » et paraît plus authentique. C'est sans doute dû à l'influence du CECRL et à l'importance qu'on accorde aujourd'hui à la communication dans des situations réelles de la vie courante. On pourrait pourtant difficilement qualifier ces textes d'authentiques. Les textes enregistrés dans les manuels de langue ne sont qu' une illusion de langue authentique plus ou moins réussie. Il ne s'agit pas d'un échantillon du français parlé, parce que les textes ne sont pas spontanés. Suite à cette analyse, qui devrait être approfondie en analysant un corpus plus vaste, nous voyons deux possibilités d'amélioration de l'enseignement de FLE au niveau de la langue orale. La première concerne les manuels ; les auteurs devraient davantage insister sur les différences entre la langue écrite et orale. Comme nous l'avons déjà dit, ils se trouvent dans une situation assez difficile, puisqu'ils sont censés proposer à la fois la norme et l'authentique. Ils pourraient peut-être plus insister sur la formation et la sensibilisation des enseignants, en proposant, par exemple, dans les livres du maître certains chapitres, consacrés aux différences entre l'écrit et l'oral et une biographie concernant ces différences. La deuxième possibilité concerne les enseignants : l'idéal pour un enseignement de langues authentique serait de trouver des corpus de textes parlés authentiques et de les utiliser en complément des textes fabriqués ce qui, avec les ressources électroniques actuelles, ne devrait pas être trop difficile. 4 EN GUISE DE CONCLUSION Terminons avec une anecdote : il y a quelques années un de nos meilleurs étudiants est parti, vers la fin de ses études, en échange en France. À son retour, notre collègue lui a demandé comment les Français avaient trouvé son français. Sa réponse - « Ils m'ont dit que je parlais comme Balzac » nous a d'abord amusés mais, après y avoir réfléchi, nous nous sommes dit que ce n'était pas vraiment un compliment. Nous connaissons aussi des cas inverses qui sont peut-être même plus courants : des étudiants, revenant de France ou d'un autre pays francophone, qui utilisent des mots familiers dans un contexte formel. Le penchant pour l'authentique, très marqué dans l'enseignement des langues à partir de l'approche communicative, nous semble positif et nous sommes convaincus qu'il faut, comme le font les auteurs des manuels récents, insister davantage sur la langue orale. Il est pourtant très difficile d'introduire cette langue « vraiment » orale sans avoir recours à des corpus de textes authentiques, pris dans la vie réelle et pas conçus pour les manuels de langue. La question qui se pose aussi - et à laquelle nous ne sommes pas en mesure de répondre pour l'instant - est la suivante : à partir de quel niveau faut-il introduire des textes authentiques en classe de langue, faut-il les réserver pour les niveaux plus avancés13 ? Certains débats restent donc ouverts et il faut continuer la recherche dans ce domaine. 13 CECRL introduit la notion de registre de langue à partir du niveau B2, donc pour les niveaux avancés. Nous aimerions aussi ajouter que pour les enseignants de langue14 il est parfois difficile de dépasser l'opinion courante que « la langue parlée s'oppose à la langue écrite comme le mauvais français s'oppose au bon » (Blanche-Benveniste 2000 : 35). Nous avons souvent tendance à juger, or ce qui serait à faire, c'est exposer les apprenants aux différentes productions écrites et orales en les sensibilisant aux différences qui existent entre elles, sans émettre de jugements de valeur. Sources primaires Dominique, Philippe/Jacky GiRERDET/Michèle VERDELHAN/Michel Verdelhan (1988) Le nouveau sans frontières 1. Paris : CLE International. Girardet, Jacky (1988) Le nouveau sans frontières, le livre du maître. Paris : CLE International. Denyer, Monique/Augustin GARMENDIA/Marie-Laure Lions Olivieri (2009) Version originale. Paris, Barcelone : Éditions Maison de langues/Difusion. Références Adam, Jean-Michel (2001) Les textes : types et prototypes. Paris : Nathan Université. Béguelin, Marie-José (1998) « Le rapport écrit-oral, tendances dissimilatrices, tendances assimilatrices. » Cahiers de linguistique française 20, 229-235. Benamar, Rabea (2009) « Stratégies d'aide à la production orale en classe de FLE. » Synergies Algérie 8, 63-75. Blanche-Benveniste, Claire (1991) « Les études sur l'oral et le travail d'écriture de certains poètes contemporains. » Langue française 89, 52-71. Blanche-Benveniste, Claire (2000) Approches de la langue parlée en français. Paris : Ophrys. Boyer, Henri/Michèle BuTZBACH-RiVERA/Michèle Pendanx (1990) Nouvelle introduction à la didactique du français langue étrangère. Paris : CLE International. Cadre Européen Commun De Référence Pour Les Langues (2001) Paris : Didier. Courtillon, Janine (2003) Élaborer un cours de FLE. Paris : Hachette. Cuq, Jean-Pierre (éd) (2003) Dictionnaire de didactique du français, langue étrangère et seconde. Paris : CLE International. Cuq , Jean-Pierre/Isabelle Gruca (2002) Cours de didactique du français langue étrangère et seconde. Grenoble : PuG. Delahaie, Juliette (2008) « La grammaire du français parlé en classe de FLE, un problème d'enseignement ou un problème de contenu ? » Enseigner les structures langagières en FLE. Mai-juin 2012. http://hal.archives-ouvertes.fr/. Detey, Sylvain/Jacques DuRAND/Bernard Laks, Chantal Lyche (2010) Les variétés du français parlé dans l'espace francophone. Ressources pour l'enseignement. Paris : Ophrys. Favart, Françoise (2006) « L'oralité dans la littérature romanesque : une linguistique de la distinction sociale. » Grenoble : Colloque international des étudiants chercheurs en didac- 14 Peut-être encore plus pour les enseignants non natifs qui ne possèdent pas « l'intuition du natif », cf. Delahaie (2008 : 9, cité préalablement). tique des langues et linguistique. Mai-juin 2012. http://cedill.free.fr/upload_files/187%20-%20cam.pdf. Gadet, Françoise (1996) Le français ordinaire. Paris : Armand Colin. Gadet, Françoise (2000) L'oral : quelles modalités de production pour quelles significations. Paris : Extrait des actes du séminaire national Perspectives actuelles de l'enseignement du Français. Mai-juin 2012. http://dialogue.education.fr/D0033/act-fran_gadet.pdf. Germain, Claude (2001) Évolution de l'enseignement des langues : 5000 ans d'histoire. Paris : CLE Internatonal. Kucharczyk, Radoslav (2009) « Vers la compétence discursive en classe de FLE. » Synergies Pologne 6, 77-89. Tagliante, Christine (2006) La classe de langue, nouvelle édition. Paris : CLE International. Un Niveau Seuil (1981) Paris: Hatier. Résumé LES TRAITS D'ORALITÉ DANS DEUX MANUELS DE FRANÇAIS LANGUE ÉTRANGÈRE Dans l'enseignement des langues étangères, la composante orale a longtemps été peu représentée; elle n'est devenue un objectif à part entière qu'avec l'avènement de l'approche communicative dans les années 70 du 20ème siècle. Selon l'approche actionnelle, telle qu'elle est définie dans le Cadre européen commun de référence pour les langues, un des objectifs principaux est de préparer l'apprenant le plus possible aux situations réelles de la vie courante. L'interaction orale joue sans doute un rôle très important dans ces situations ; que peut-on donc faire pour que nos apprenants ne soient pas traités en France comme « parlant comme Balzac ?» L'article se propose de passer en revue deux manuels de FLE récents, édités par différentes maisons d'édition. Le manuel est l'outil de base de chaque enseignant et pour certains le seul outil qu'ils utilisent en classe. Pour cette raison, la langue représentée dans les manuels est d'une grande importance. Nous avons analysé les documents audiovisuels proposés aux apprenants du point de vue linguistique et culturel et essayé d'évaluer la pertinence de la langue telle qu'elle est representée dans ces documents. Mots-clés : oral en classe de langue, oral/écrit, traits d'oralité, manuels de FLE. Povzetek SLEDI GOVORJENEGA DISKURZA V DVEH UČBENIKIH FRANCOŠČINE KOT TUJEGA JEZIKA Avtorica prispevek začne s kratkim pregledom mesta ustnega sporočanja v metodologijah poučevanja francoščine kot tujega jezika skozi različna zgodovinska obdobja. Ustno sporočanje je imelo v posameznih metodologijah - in posledično učbenikih - različno pomembno vlogo; v zadnjem obdobju je v akcijsko usmerjenem pristopu posebej poudarjeno sporazumevanje v avtentičnih življenjskih situacijah in s tem tudi vloga ustnega sporočanja. Po pregledu literature različnih avtorjev, ki so se ukvarjali z razlikami med pisnim in ustnim diskurzom, skuša na podlagi njihovih ugotovitev postaviti kriterije za analizo govorjenih besedil v učbenikih. Za analizo izbere besedila v dveh učbenikih, Le nouveau sans frontières (izšel leta 1988) in Version originale (2009). Namen analize je v besedilih opazovati oblike, tipične za govorjeni diskurz (oblike, povezane z izgovorom, besediščem, slovničnimi strukturami, izraze za navezovanje stikov in pozdrave ob odhodu ter t. i. oklevanjem). Izhodiščna hipoteza, da bo več za govorjeni diskurz tipičnih oblik prisotnih v novejšem učbeniku, je po pričakovanju potrjena. V zaključku avtorica problematizira še rabo različnih jezikovnih registrov in odpira nekatera vprašanja, na katera v prispevku ni uspela najti odgovorov. Ključne besede: govorjeni diskurz pri pouku tujega jezika, govor/pisanje, sledi govorjenega di-skurza, učbeniki francoščine kot tujega jezika.