53778 DEVELOPPEMENT H1STORIQUE DE LA FRONTIERE SLOVENE OCCIDENTALE par MILKO KOS docteur-es-lettres, professeur a l’Universite de Ljubljana, membre de l’Academie Slovene des arts et des sciences LJUBLJANA 1946 Publie par l’lnstitut scientifique, section pour les questions de frontieres DEYELOPPEMENT H1STORIQUE DE LA FRONTIERE SLOVENE OCCIDENTALE par MILKO KOS docteur-es-lettres, professeur a l’Universite de Ljubljana, membre de l’Academie Slovene des arts et des sciences LJUBLJANA 1946 Publie par l’lnstitut scientifique, section pour les questions de frontieres 53778 o o o 215 "M a/F, /T lf~/ Imp. Tiskarna J. Blasnika d, d., Ljubljana SECTEUR: ISTRIE SEPTENTRIONALE C’est vers l’an 600 que les Slaves apparaissent pour la premiere fois en Istrie lors de l’attaque des Slovenes, des Avars et des Lombards reunis contre ce territoire alors sous la do¬ mination de Byzance. En 788 1’Istrie passa de la domination byzantine a la do¬ mination franque. Nous avons de cette epoque une relation d’une Assemblee de justice tenue vers 804 aux environs de la ville de Koper (Capodistria), a Rizan (Risano): les Romans d’Istrie s’y plaignent des Slaves que les autorites politiques franques etablissaient sur le sol de l’listrie; ces plaintes se rapportent aussi, semble-t-il, aux Slovenes qui, venant de 1’ Est et du Nord-Est, is’etaient etablis sur le Karst des le debut du VII eme siecle et vers Fan 800 s’etaient approches de l’arriere- pays de Koper (Capodistria) et du golfe de Milje (Muggia). La date extreme d’une forte poussee Slovene vers la mer dans l’Istrie septentrionale est isans nul doute 788, moment ou, de byzantine, l’lstrie devint franque. On voit que, lorsqu’ils commencerent a s’etablir dans l’arriere-pays de l’lstrie du Nord, les Slovenes ne s’approcherent generalement pas directement des villes littorales; ils se fixerent au contraire a quelque di¬ stance de ces dernieres, sur des terres qui, dans les siecles ulterieurs sur lesquels nous avons des donnees plus nombreuses, relevaient directement de l’autorite du souverain ou, comme nous le disons, de la couronne. C’est sur cet ancien territoire de la couronne et non sur le territoire communal de l’arribre- pays de Koper (Capodistria) qu’il faut chercher les plus anciens villages Slovenes de cette region de colonisation. Ils sont surtout dissembles sur une large bande de chaque cote de la route qui va de Trieste a Buzet (Pinguente). Cependant il faut aussi compter, dans la periode du haut moyen-age (jusqu’au Xllleme siecle), avec une legere infiltration de l’element Slovene dans les regions avoisinant la mer et dans les villes cotiferes memes Koper (Capodistria), Isola et Piran (Pirano). 3 Grace aux donnees que nous fournissent l’histoire poiitique et ecclesiastique, la toponomastique et la linguistique, nous pouvons reconstituer I’etendue de la plus ancienne colonisation Slovene (jusqu’au Xllleme siecle) et de celle plus faible qui suivit dans l’arriere-pays de Koper (Capodistria), Isola et Piran (Pirano). La limite entre les deux colonisations est la frontiere entre le territoire communal de la ville de Koper (Capodistria) d’une part et les terres de la couronne, plus eloignees de la mer, Histoire du developpement de la frontiere Slovene occidental Secteur: Istrie septentrionaie 1. Territoire de la plus ancienne colonisation slove.ne (jusqu’au 13eme siecle). —■ 2. Territoire de la colonisation Slovene plus recente (a partir du 13eme siecle). ~ 3. — Territoire linguistique mixte italo-slovene. — 4. Ligne de demarcation entre la liturgie slave et la liturgie latine.' — 5. Frontiere de la partie venitienne de l’lstrie (jusqu’ a 1797). — 6. Paroisses et cures employant la langue vieux slave comme la langue liturgique. — 7. Route Trieste-Buzet (Pinguente). de l’autre. Les limites des paroisses de rarribre-pays et de celles de la cote concordent a peu pres avec la ligne qui deli'mite les deux colonisations. Sur le territoire de la premiere coloni¬ sation, la toponomastique differe dans ses traits essentiels de ce qu’elle est sur le territoire de colonisation plus recente. La linguistique confdrme les decouvertes des historiens. Le dialecte Slovene de la partie orientale sur les anciennes terres de la couronne differe du type dialectique de l’arriere-pays immediat 4 de Koper (Capodistria) sur le territoire de colonisation slov6ne plus recente. La majeure partie de la population slave ne is’est fixee sur le territoire de colonisation plus recente, arriere-pays de Koper (Capodistria), Isola et Piran (Pirano), qu’a partir du XIII^me siecle, lorsque la Republique de Venise sous la domination de laquelle se trouvait Koper (Capodistria) depuis 1279 commenca a l’y etablir. A partir du XlVeme siecle, les archives nous ont conserve des donnees relatives a cette colonisation des Slaves sur ce territoire venitien de Koper (Capodistria). II y avait h Koper (Capodistria) un chef pour les affaires slaves (capitaneus Sclavorum) choisi parmi les bourgeois de la ville; il devait s’occuper des questions relatives aux Slaves, des territoires peuples par eux; il devait connaitre leurs coutumes et leur langue, car presque tous, declare le document, parlent slave et beaucoup d’entre eux ne comprennent pas d’autre langue. Dans 1’arriere-pays de l’Istrie septentrionale, la situation nationale dont les bases avaient ete posees dans le haut moyen- age, regut au moyen-age avance, a l’epoque de la recente colonisation Slovene, une forme qui, jusqu’a nos jours, ne s’est pas essentiellement modifiee. Les regions rurales sont Slovenes, la bande littorale mixte, les villes cotieres, Koper (Capodistria), Isola, Piran (Pirano), en majorite litaliennes, bien qu’il y ait toujours eu un courant de population Slovene, moindre a une epoque plus reculee, plus fort depuis la fin du moyen-age et surtout au cours du dernier siecle. Des memoires que les fonctionnaires venitiens de Koper (Capodistria) adressaient a Venise aux XVI erne, XVII eme et XVIIIeme siecles et des lettres adressees aux memes epoques a Rome par les eveques de Koper (Capodistria) confirment la situation nationale decrite, situation qui, dans son essence, existe encore aujourd’hui. Je veux mentionner ici quelques don¬ nees documentaires des plus importantes. Le 13 octobre 1560, Mauroceno, gouverneur de Koper (Capodistria) ecrit: „afin d’organiser le bon ordre et l’admini- stration ... si potrebbe dare .. . al capitanio de Schiavi la cura di quelli del territorio, perche a lui spetta tal carico, et lui come prattico delli costumi et della lingua, che quasi tutti par- lano schiavo, et non intendono gran fatto altra lingua, li ri- 5 durrebbe meglio al esercitio et disciplina predetta“ (Atti e memorie della Societa istriana, VI, 1B90, 73). Le 14 fevrier 1598, le gouverneur de Koper (Capodistria), Giovanni Francesco Sagredo ecrit que le district de Koper (Capodistria) compte 43 villages et „anime 4873; di questi huomeni dagli anni 18 sin Li 50 numero 1235; sonno tutti questi chiamati sotto nome de Schiavi, et hanno un capitano gen- tiluomo della citta per privilegio de’cittadini. II qualle in occa- sione di vacantia viene elletto da rapresentanti suoi, che a quel tempo si ritrovano a quel governo, et da lei confermato. Ha questo carico di protegerli, diffenderli et procurar che non li venghi fatto qualche estorsione; et ha di provvisone dalla ca¬ mera fiscal ducati 156 all’anno“ (Atti e memorie della Societa istriana, VII, 1851, 107). La partie rurale du diocese de Koper (Capodistria) se divise en 15 parois'ses dont tous les habitants sont de langue slave, langue dans laquelle les offices religieux sont celebres (,,Dioecesis tota ruralis dividitur in quindecim parochiis ... Incolae omnes sunt linguae Illyricae, in eoque idiomate celebratur“). — Lettre de I’eveque de Koper (Capodistria) a Rome, decembre 1633 (L. lelic, Fontes historici liturgiae glagolito-romanae, XVII, 28). Tous les paysans de la province de Koper (Capodistria) sont de langue slave („villici totius provinciae sunt linguae Illiricae"). — Lettre de l’eveque de Koper (Capodistria) a Rome du 14 mai 1637 (Jelic, Fontes, XVII, 31). Les pretres de la province de Koper (Capodistria) ne savent que la langue slave. Si l’eveque prechait en italien ou inter- pretait le latin en italien ils ne le comprenaient pas, car „ils ne savent qu’imparfaitement r,italien“. — Communication de l’eveque de Koper (Capodistria) a Rome du 23 avril 1658 (Jelic Fontes, XVIII, 47). Dans toutes les paroisses rurales on ne parle que la langue slave; ce n’est que dans les villes de Koper (Capodistria), Piran (Pirano) et Isola qu’on la neglige ou qu’on ne la sait pas („Cum enim omnes parochiae rurales tali dumtaxat idiomate utantur, quod hie in urbe et in oppidis Pyrrhani et Insularum negligitur, imo nescitur") — Communication de 1’eveque de Koper (Ca¬ podistria) a Rome, 18 juin 1693 (Jelic, Fontes, XVII, 65). Les habitants des paroisses rurales sont tous slaves, ils ne savent et ne parlent que l’idiome slave. Les cures de ces pa- 6 roisses doivsnt savoir cette langue qui est la langue familifere ct naturelle, cells du peuple tout entier („Plebium vero foren- sium incolae, utpote omnes genere Slav!, seu Sclauonici, non aliam linguam, quam Sclauonicam aut Illiricam callent ac loquuntur . . . parochi ruralium plebium tenentur callere linguam Sclauonicam, quam universe populo forensi familiarem et con- genitam innui“) — Communication de l’eveque de Koper (Ca¬ podistria) a Rome, 23 octobre 1699 (Jelic, Fontes, XVII, 66). Nous connaissons de semblables communications des eve- ques de Koper (Capodistria), datees de 1691, 1693, 1696, 1699, 1705, 1709, 1711 (Jelic, Fontes, XVII, 64, 65, 66; XVIII, 4, 6, 8). Dans les paroisses Slovenes et les cures du district de Koper (Capodistria) la liiturgie en langue slave etait en usage depuis le moyen-age. II n’y avait de cures italiennes qu’a Koper (Capodistria), Isola et Piran (Pirano); partout ailleurs, les offices religieux etaient celebres en langue slave, egalement langue des missels et de radministration ecclesiastique. Les communications faites au St. Siege par les eveques de Koper (Capodistria) en temoignent (Exemples de 1623 et 1633, Jelic, Fontes, XVII, 13, 28). En 1461 un monastere du tiers ordre de St. Francois fut fonde a Koper (Capodistria) expressement pour qu’on y celebrat les offices religieux en langue slave, a l’in- tention des bourgeois de langue slave, des paysans, des soldats cantonnes dans la ville et des habitants des environs. Ireneo della Croce, historiographe de Trieste, ecrit dans son Historia di Trieste, (1698 p. 613) qu’on y cdlebre la Ste Messe k Koper (Capodistria) en langue slave.. . „ove li RR. PP. del Terzo Ordine di S. Francesco, ogni mattina a buon’hora, per la comodita degli operarii della Campagna nella chiesa di San Tomaso, celebrano la Santa Messa in quell’idioma, como io stesso testi- monio occulato posso attestare e d’haver anco visto de’ Breviarii stampati in tal idioma e carattere in tutto differente de gl’altri“. Comme on manquait de pretres connaissant la langue litur- gique slave — les pretres ne connaissant que la liturgie latine etant impossibles dans les paroisses slaves — les eveques de Koper (Capodistria) firent tous leurs efforts pour fonder a Koper (Capoditria) un seminaire destine a former des pretres pouvant celdbrer les offices religieux en langue liturgique slave, ce qui fut fait en 1710 (Jelic, Fontes, XVII, 28, 31, 64, 65, 66; XVIII, 4, 6, 7, 8). 7 SECTEUR: TRIESTE ET SES ENVIRONS Dans la region de Trieste et de ses environs, nous devons distinguer entre deux zones Slovenes de peuplement: l’an- cienne et la recent e. La premiere entre dans l’etendue des courants Slovenes qui, a la fin du VIeme siecle, ont peuple le haut Karst et le grand arriere-pays triestin. Le territoire de peuplement Slovene le plus ancien atteignait les anciennes fron- tieres politiques du territoire urbain triestin qui suivait la ligne Sesljan (Sistiana)—Nabrefina (Aurisina)—Sv. Kriz (Santa Croce) —Prosek (Prosecco)—Opcina (Villa Opicina)—Trebic (Trebi- ciano)—Katinara (Cattinara)—Zavlje (Zaule). L’ancienne colo¬ nisation Slovene avait deja atteint ces lieux situes sur le haut plateau du Karst. Dans la grande banlieue de Trieste les noms de localites sont en majeure partie Slovenes. Les courants de peuplement Slovenes ont penetre par dela le rebord du Karst et la vieille frontiere politique de la commune medievale de Trieste dans la basse banlieue trie¬ stin e, c’est-a-dire dans le territoire restreint de la commune de Trieste a une epoque ulterieure et aussi, semble-t-il, a un rythme quelque peu ralenti. Cependant, meme dans ce secteur, c’est-a-dire le strict territoire communal triestin, les Slovenes ont commence a s’etablir des le haut moyen-age. A partir du XII eme siecle apparaissent, dans les villages de la basse banlieue de Trieste, des noms propres qui sans nul doute sont slaves; ceux qui les portent doivent etre ranges parmi les Slovenes et les Slovenes sont naturellement indiques comme habitants de ces lieux. Au XIITeme et au XlVenie siecles, les exemples de ce genre se multiplient. Aujourd’hui, pour la plupart, ces villages font partie de la ville meme de Trieste ou deja a partir du Xlleme siecle apparaissent aussi des individus portant des noms Slovenes. Un document de 1202 mentionnant 361 habitants de Trieste qui ont prete serment au Doge de Venise est la premiere preuve ecrite de la presence de l’element Slovene a Trieste meme; 32 des personnes mentionnees ont des noms ou des prenoms slaves. Et 8 meme en admettant que quelques uns d’entre eux aient pu etre deformds, il reste toujours une vingtaine de noms ou prenoms qui sont certainement slaves et portes par des Slaves. Et il y avait aussi sans nul doute des individus d’origine slave meme parmi ceux qui portaient des noms ou des prenoms romans ou Histoire du developpement de la fro-ntifere Slovene occidentale Secteur: Trieste et ses environs 1. Territoire de la colonisation Slovene dans la haute banlieue de Trieste. — 2. Territoire de la colonisation Slovene dans la basse banlieue de Trieste. — 3. Territoire actuel de la ville de Trieste. — 4. Limite du territoire de la grande banlieue de Trieste (avec variantes). — 5. Limite de la ville de Trieste. — 6. Agglomerations urbaines en majorite romanes (Trieste dans ses limites jusqu’au 18eme siecle). — 7. Villages Slovenes autour de Trieste (la date qui accompagne quelques noms indique premiere apparition des Slo¬ venes dans ce lieu). — 8. Paroisses auxquelles appartenaient jadis certaines localites, germains. Le nom „Sclauo“ que nous rencontrons dans cette lisle nous prouve que des individus avec un nom de bapteme germain pouvaient etre de race slave (Joannes Sclauo, Walter Sclauo); les prenoms ne sont pas slaves mais le nom indique nettement une personne de race slave. Il est encore moins pro- 9 bable que des indi vidus portant des no ms ou des prenoms slaves ne soient pas de race slave. En tenant compte de tout cela, nous pouvons calculer qu’il y avait au moins 30 Slaves parmi les 361 habitants de Trieste mentionnes en 1202, c’est-a-dire les 8,31% de la population. P. Montanelli (II movimento storico della popolazione di Trieste, 1905) evalue it 4.800 environ le nombre des habitants de Trieste au Xllleme sifecle; d’apres le calcul ci-dessus il y en aurait eu 400 que nous pouvons compter comme Slovenes. A cette meme dpoque (1202), les habitants de Milje (Mug- gia) pres Trieste, preterent eux aussi, comme les Triestins, serment de fidelite a Venise. Sur 211 habitants mentionnes, 6, c’est-a-dire 2,84% portent des noms ou prenoms Slovenes. Apres 1382, date a laquelle Trieste passa sous la domination des Habsbourg d’Autriche, l’element Slovene afflua fortement a Trieste et dans ses environs immediats. L’unite de dynastie et de frontieres politiques que partagferent a partir de cette date la ville de Trieste, le territoire du Karst et une grande partie de 1’Istrie et de la Carniole resserra les liens et les points de contact avec les territoires de l’interieur; de la, pour des raisons economiques ou autres, de nombreux individus en majorite d’origine slovdne partirent s’etablir a Trieste. Le trafic econo- mique qui, a partir de 1382, inclinait de plus en plus de l’inte- rieur vers Trieste et son port et que les Triestins eux-memes dirigeaient vers leur ville donna a la composition de la popu¬ lation de Trieste une note nouvelle marquee par le renforcement de Felement Slovene. Mais il faut dire aussi que, d’un autre cote, cet element se noyait dans l’dlement roman. Une liste seimblable a celle de 1202 et datant de 1468 nous a ete conservee. Parmi les 257 membres du Conseil de la ville de Trieste, il y en a au moins 30, c’est-a-dire 11,67% dont les noms et les prenoms Slovenes ne laissent aucun doute sur leur origine. D’aprds ce calcul, il y aurait eu 817 Slovenes sur les 7000 habitants environ que comptait la ville. Une autre liste des membres du Conseil de la Ville, datant de 1502, envisagee de la meme maniere, donne les chiffres suivants: 220 personnes, parmi lesquelles 28, ou 12,62% ont des noms ou prenoms Slovenes; sur la totality de la population d’alors, 7000, 887 Slovenes (Kandler, Storia de! Oonsiglio dci patrizi di Trieste, 64, 81). 10 II est interessant de comparer ces chiffres a ceux de l’epo- que contemporaine. En 1910, la ville de Trieste, sans les faubourgs, comptait 160.993 habitants dont 12,6% de Slovenes. Ce pourcentage correspond presque a celui des calculs que nous avons fails pour le Trieste restreint du XVeme et au XVI eme sidcles. Jusqu’a l’epoque contemporaine, la situation nationale a Trieste nous donne le tableau suivant: jusqu’au XVIIIeme siecle, la ville se limite a peu pres au territoire de la vieille ville actuelle; elle atteint son maximum au moyen-age avec 9000 habitants environ. Deja, a partir du moyen-age, l’afflux vers la ville diminue en meme temps qu’augmente la romanisation de l’element slovdne qui s’est accru depuis que, en 1382, Trieste est passe sous la domination des Habsbourg d’Autriche, alors maitres d’un vaste arriere-pays. Au cours des siecles, les envi¬ rons de la ville commenyant au pied des murs de cette derniere sont constamment et finalement devenus absolument Slovenes. Jusqu’au XVIIIeme siecle, c’est-a-dire jusqu’au moment du developpement economique ou le Trieste nouveau deborde de tons cotes hors des limites de la ville medievale, la situation etait telle que nous la decrit Ireneo della Croce, hi- storien triestin du XVII eme siecle dans son Histoire de Trieste (1698 pp. 552, 565): „Aujourd’hui, Trieste est entoure de tous cotes par les Slovenes et, hors des murs de la ville, tous les habitants des villages et des domaines du territoire triestin ne parlent d’autre langue que !e Slovene" (Hocgidi la citta di Trieste attorniata da ogni canto dai Sclavi, ovvero Schiavi, mentre subito fuori delle sue mura tutti grhabitatori de’villagi, e pos- sessioni de territorio di Trieste, non parlano altro idiomo che Schiavo) Et ailleurs: „Jusqu’a nos jours, tous les paysans de son territoire en dehors de la ville ne parlent d’autre langue que le Slovene (sin’a giorni nostri, tutti i contadini del suo territorio fuori della citta, non parlano altro idioma che l’sclavo). 11 SECTEUR: REGION DE GORICA (GORIZIA) Au debut du VII eme si6cle les Slovenes commenc6rent a penetrer aussi entre 1’extreme golfe septentrional de l’Adriatique et les sommets des Alpes Juliennes vers la partie Nord-Est de 1’ Italie et a franchir les frontieres du duche lombard-frioulien qui s’etendait alors dans cette region. Nous ne savons pas exactement a quelle epoque les Slovenes apparurent sur la Soca (Isonzo) et la bordure entre le Karst et les Alpes d’une part et la plaine du Frioul de l’autre. De toutes fafons ils furent arretes par les „limes“ de defense militaire que les Lombards avaient aussi edifies dans ce secteur de leur territoire politique en prevision des incursions ennemies. Krmin (Cormons), Farra pres Gradiska (Gradisca), Aris pres de Trzic (Monfalcone) et le castel Potium sur l’extreme golfe septentrional de l’Adriatique sont sur le territoire de Gorica (Gorizia) les positions lombardes que nous connaissons. Nous manquons de donnees relatives aux modifications subies dans ce secteur par la frontiere nationale Slovene au cours des siecles qui suivirent la chute de l’Etat lombard (774) ou au IXeme siecle a l’epoque franque, comme de la fin du IX eme siecle jusqu’au dela de la moitie du Xeme siecle, au temps des incursions magyares. Mats nous sommes en droit de conclure que l’afflux Slovene et relement Slovene se sont ren- forces apres la fin des incursions magyares, c’est-a-dire a partir de la seconde moitie du Xeme siecle. Depuis le Xeme siecle, la colonisation systematique des patriarchies d’Aquilee envoyait des colons Slovenes meme loin a l’interieur de la plaine du Frioul. C’est l’epoque ou en 1001 Gorica (Gorizia) est pour la premiere fois mentionnee dans l’histoire comme „village qui. dans la langue des Slovenes, s’appelle Gorica“. Depuis que, au XI eme siecle, la region passa sous la domination d’une famille noble allemande qui prit le nom de „Comtes de Gorica“ il y eut un grand afflux de population non Slovene. Cependant, si nous en jugeons d’apres les noms, les prenoms et le domicile 12 indique, les Slovenes represented constamment un grand poureentage de la population et des nouveaux venus pour la plupart oriiginaires des environs Slovenes ou meme de Carniole et des autres provinces Slovenes. L’element roman devient plus Histoire du developpement de la frontiere Slovene occidentale Secteur: Province de Gorica 1. Territoire linguistique Slovene compact. — 2. Colonisation Slovene plus re- cente. — 3. Villages jadis Slovenes aujourd’hui frioulien ou italien. — 4. Po¬ sitions de l’aincien „limes“ lombard. — 5. Frontiere linguistique sloveno- romane (italienne - frioulienne). — 6. Anciene frontiere austro - venitienne (1420—1797). fort a Gorica (Gorizia) a partir du Xllleme siecle alors que des nobles, des banquiers, des commercants, artisans et des Juifs du Frioul, de la region carnique, de Toscane et d’autres parties de l’ltalie s’y installent. Au moyen-age, les Allemands etaient tres forts a Gorica (Gorizia). Ils venaient surtout de Carinthie, avec la noblesse allemande, employes, scribes, chevaliers, domestiques des comtes de Gorica (Gorizia); cependant les elements na- tionaux Slovene et frioulien ou italien furent et resterent pre- dominants. 13 La situation nationale a Gorica (Gorizia), telle que revo¬ lution mddievale l’a creee est restee la meme aux temps mo- demes jusqu’H la chute de la monarchic austro-hongroise; alors, les Allemands disparurent presque partout et il ne resta dans la ville que les Slovenes et les Friouliens ou les Italiens. Dans un memoire date de 1567, le comte Jerome P o r c i a , plus tard nonce apostolique a Graz ecrivait que, a Gorica (Gorizia), on se sert dans l’usage courant de trois lan- gues, l’allemand, le Slovene et l’italien (per il piu usano fa- migliarmente ed ordinariamente tre lingue: Tedesca, Schiava ed Italiana). Descrizione della P. del Friuli fatta nel sec. XVI, Udine 1897, p. 87. Le Hollandais Hugues B loti us, plus tard bibliothecaire, decrit Gorica (Gorizia) en 1571 et declare qu’on y parle Slovene, italien et allemand mais qu’on y preche seulement en italien et en Slovene („Loquitur hie illyrice, italice et germanice. Sed conciones tantum italice et illyrice habentur"). Glasnik Muzej- skega drustva^a Slovenijo (Bulletin de 1’Association du musee de Slovenie) XX, 1939, ip. 308. Un certain memoire de 1590 environ declare que, a Gorica (Gorizia), tous les habitants parlent Slovene et italien et les plus eminents meme l’allemand. (Carniola, 1913, 2). Dans son histoire du Frioul parue en 1659, un historien frioulien, P a 11 a d i u s , ecrit que les habitants de Gorica (Gorizia) emploient a cote du frioulien et de l’italien 1’allemand et le Slovene (Rerum Foroiuliiensium libri XI, 1659, p. 14). En dehors de la ville, dans la province de Gorica (Gorizia), la frontiere nationale entre Slovenes d’une part et Friouliens- Italiens de l’autre est restee constante et presque immuable au cours des siecles. Quelques villages Slovenes dissembles dans la plaine et sur son pourtour parmi les villages romans sont bien devenus romans au cours des siecles, mais leur nombre est peu considerable. Dans l’ensemble, la repartition des deux nationa- lites est tres nettement marquee: les Slovenes sont limites au Karst et Brda (Coteaux) et, au-dessous de Gorica (Gorizia), ils atteignent la Soca (Isonzo). Dans la partie meridionale de la frontiere linguistique sloveno-romane de la province de Gorica (Gorizia), entre la So5a (Isonzo) et la mer, l’ancienne frontiere austro-venitienne qui pendant 400 ans environ (de 1420 k 1797) se confondait pres- 14 que avec ia ligne qui est aujourd’hui la frontiere entre les deux nationality, exer?a sans nul doute une influence sur leur de¬ limitation. Au Nord de Krmin (Cormons) egalement, il semble que l’ancienne frontiere austro-venutienne a pour sa part con- tribue a la „frioulisation“ du territoire venitien de quelques villages a l’Ouest de cette ligne, tandis qu’a I’Est de cette fron¬ tiere politique sur le territoire autrichien, les villages sont restes et sont encore aujourd’hui Slovenes. Entre le Karst et Gorica (Gorizia), la Soea (Isonzo) a ete et est encore une bonne et constante frontiere naturelle entre les deux peuples. Au Sud, les environs de la riviere Timavo constituent le territoire frontiere politique et ethnique. Deja le geographe grec Pseudo-Skylax qui vivait vers 350 avant J. Ch. mentionne la Timavo comme la riviere frontiere entre les Istriens et les Venitiens. A l’epoque lombarde, le territoire du duche du Frioul s’dtend jusqu’ici; au XIIeme siiecle, la frontiere entre le terri¬ toire d’Aquilee et le Frioul passe par Devin (Duino) jusqu’a Sesljan (Sistiana) ou commenqait le territoire de la commune de Trieste. Le territoire des seigneurs de Devin (Duino) con- sidere comme appartenant encore au Karst, touche au Frioul sur la Timavo. II etait Slovene par sa population et a partir de la seconde moitie du XVI eme siecle il releva politiquement de la Carniole, tandis que de l’autre cote de la Timavo com- menjait (comme encore aujourd’hui) 1’element roman qui, au point de vue politique, fut d’abord soumis au patriarche d’Aquilde et de 1420 a 1797 au Doge de Venise. 15 SECTEUR: SLOVENIE VENITIENNE Le peuplement par les Slovenes du territoire que nous appelons generalement aujourd’hui la Slovenie Venitienne com- men^a aux VII eme et VIII &me siecles a l’epoque des incursions des Avars et des Slovenes dans le Frioul alors lombard et a l’epoque des luttes entre Slovenes et Lombards. Ces incursions ou ces luttes commencent vers 611, lorsque les Avars — et avec eux il y avait sans nul doute des Slovenes — vainquirent les Lom¬ bards, assiegerent et prirent Cedad (Cividale), capitate du duche lombard du Frioul. En meme temps que les incursions des Avars se dirigeaient aussi vers le Frioul des poussees Slo¬ venes d’un caractere mi-conquerant et colonisateur et mi-pillard. C’est vraisemblablement en 664 que les Slovenes voulurent meme s’emparer de Cedad (Cividale), ville principale du Frioul, mais ils furent battus par les Lombards pres de Brisce (Brischis) au pont sur la Nadiza (Natisone) au Nord de Cedad (Cividale). Cette defaite retint, semble-t-il, pendant quelques temps les poussees Slovenes de la montagne vers la plaine du Frioul, mais ne les arreta point. Au debut du VIII eme siecle commence une nouvelle offensive Slovene contre la plaine du Frioul et contre les Lombards. Les Slovenes commencerent a se deplacer avec leurs troupeaux toujours plus en avant vers la plaine; dans leurs tentatives de s’installer definitivement ils se heurterent ^ des agglomerations friouliennes compactes et se prirent de querelle avec les bergers friouliens. Les incursions pillardes frontalibres et les querelles se transformerent vers 705 en etat de guerre entre les Slovenes et les Lombards du Frioul; la guerre se ter- mina par une grande defaite de l’armee frioulo-lombarde. Ce succes permit aux Slovenes de se rapprocher de plus en plus de la plaine du Frioul. Vers 720, ce fut au centre meme de cette plaine, pres de Lavariano que se livrerent des combats entre Slovenes et Lombards; ces combats resterent indecis et, ainsi, les Slovenes ne reussirent point a occuper la plaine du Frioul. Leurs autres succes leur permirent cependant de se fixer sur les monts et les hauteurs de la Slovenie Venitienne actuelle, 16 dans les Brda (Coteaux) de Gorica (Gorizia), la long de la Sofia (Iisonzo) et de la Nadiza (Natisone) ou ils vivent encore aujourd’hui. Si la frontiere linguistique slavo-romane s’est justement fixee a la ligne de demarcation entre la plaine et les collines, c’est en grande partie grace a l’influence de ce que Ton appelle Histoire du developpement de la frontiere Slovene occidental Secteur: Slovenie Venitienne 1. Territoire des Slovenes de Venitie. — 2. Territoire de la Slovenie Veni¬ tienne (Schiavonia) ayant eu une autonomie juridique et administrative a l’epoque venitienne (Banka Landra et Mjersa). — 3. Villages jadis Slovenes, aujourd’hui friouliens. — 4. Positions des „limes“ lombards (du 6eme au Seme siecle). — 5. Chateaux forts des feodaux allemands au moyen-age. — 6. Frontiere linguistique sloveno-romane. — 7. Frontiere politique austro- venitienne (1866—1918). 8. Frontiere austro-venitienne (1420—1797). le „limes“ lombard, systeme de defenses militaires avec des castels fortifies, des fosses et, etablis la d’apres un plan preconcu, des hommes libres appeles arimans en langue lom- barde. Ces bastions de defense militaire lombards fermerent aux Slovenes le chemin de la plaine du Frioul. Us etaient repartis le long de la frontiere sloveno-venitienne d'aujourd’hui, a Cedad 17 (Cividale), Ipplis, Neme (Nimis), Rtin (Artegna), Humin (Ge- mona) et en quelques autres lieux marques sur la carte ci-jointe. Au cours des siecles, les Slovenes perdirent bien les villages de la plaine du Frioul ou ils avaient ete etablis a partir du Xeme siecle d’apres un plan precongu, par les seigneurs fonciers etrangers; ils perdirent aussi quelques villages dans la bande frontiere entre la plaine du Frioul et les collines, mais d’une iafon generale les Slovenes se sont fermement maintenus jusqu’a ce jour sur les hauteurs et les coteaux au-dessus de Humin (Ge- mona), Tarcent (Tarcento), Fojda (Faedis), Neme (Nimis) et Cedad (Cividale). De bonne heure, au moyen-age, les voisins eurent connais- sance du fait que sur les collines et les montagnes dominant la plaine vivait un peuple qui differait d’eux par la langue, la fa con de vivre, les moeurs. Depuis le moyen-age, les voisins designaient ces lieux par leur situation „Chez les Slovenes" (in Sclabonis) ou bien on ajoutait a leur nom la designation „de Sclabons" ou „Sclabonorum“. Dans le recit de son voyage en terre ferine venitienne en 1483, Marin Sanuto, historien, voyageur et homme d’Etat venitien ecrit: „Hors des portes de Cedad (Cividale) il y a un cours d’eau qu’on appelle Rosimian, affluent de la Nadiza (Natisone) qui, dit-on, separe l’ltalie de la Slovenie; je suis done parvenu a la pointe extreme de l’ltalie" („et fuora di la porta di Cividal e una aqua chiamata el Ro¬ simian, va nel Nadixon, la qual, ut dicitur, parte la Italia de la Schiavania; ergo in fino a la fin de l’ltalia son stado". (Itine- rario de Marin Sanuto per la terraferma veneziana, Padoue, 1847, 139). Le Rosimian separe le faubourg de Brossano de T interieur de la ville. Une mention des Slovenes a Cedad (Cividale) concorderait quant a 1’epoque (p. ex. 1327 Mattia Sclavo de Porta Brossana, Bianchi, Documenti per la storia del Friuli II, 95) et une note de 1510 declarant que dans un certain faubourg de Cedad (Cividale) on parle, dans l’en- semble, la langue Slovene. La Slovenie Venitienne n’etait pas representee aux Etats medievaux du Frioul appeles parlement frioulien. Elie n’etait pas davantage comprise dans la ,,patrie frioulienne" (Patria del Friuli), mais on la considerait comme une unite a part; on lui attribuait un role de defense militaire et, tenant compte de sa population d’une autre race, on lui accordait meme une si- 18 tuation autonome particuliere dans rad-ministration et la ju¬ risprudence. Une partie de la Slovenie Venitienne d’aujourd’hui, les vallees qui au-dessus de Cedad (Cividale) rejoignent celle de la Nadiza (Natisone) jouirent jusqu’a la fin de l’ere venitienne et meme au dela d’une autonomie administrative et juridique. Au cours de reunions populaires, les habitants reglaient d’une maniere democratique leurs affaires interieures dans le cadre d’unites administratives locales appelees „sosednja“ (voisinages) et dans des reunions plus considerables de deux doyennes de la vallee ou „banques“ celui de Landar (Antro) et celui de Mjersa (Merso). Tous les documents appellent constamment Slovenie (Schiavonia) ce petit pays autonome et ils le separent et le distinguent du Frioul en tant que „una nazione diversa e se¬ parata". 19 UNIUERZITETNR