August Kovačec Zagreb CDU 805.90-3 (ISTRA) ELEMENTS ITALIENS DU LEXIQUE ISTROROUMAIN La péninsule d'Istrie est une aire de contacts linguistiques millénaires entre les idiomes romans et les idiomes slaves. Dès leur arivée en Istrie au VIIe s., les Croates et les Slovènes sont entrés en contact avec les populations romanes autochtones (les ancêtres des Istroromans dans le sud, les ancêtres des Frioulans dans l'arrière-pays de la ville de Trieste). C'est à partir du Xe s. que commence, en Istrie, une expansion politique et linguistique vénitienne et un contact permanent entre les langues slaves et différentes formes de la langue italienne, en premier lieu avec le dialecte vénitien. Parmi les populations qui, à la fin du XVe s., affluaient en Istrie du nord de Dalmatie, il y avait, entre autres, un certain nombre de sujets parlant une variété de la langue roumaine qui, plus tard, sera désignée par les romanistes comme istroroumain. C'est sur la base de ces faits que le professeur Pavao Tekavčič proposait - dans un article publié en 1976 (SRAZ, N° 41-42, pp. 227-240) - l'élaboration d'un Atlas linguistique d'Istrie qui permettrait une étude systématique des emprunts et calques linguistiques et des stratifications lexicales dans différents idiomes d'Istrie (Tekavčic, 1976, 227). La nature et l'intensité des contacts entre les cinq idiomes en cause (les idiomes slaves: le croate et le slovène; les idiomes romans: l'italien, l'is-troroman et l'istroroumain) dépendent des conditions d'ordre social, économique, politique, culturel etc. Langues d'enclave et langues d'un prestige réduit, l'is-troroman et l'istroroumain ont exercé une influence presque insignifiante sur les autres idiomes. En tant que langue d'une grande puissance coloniale pendant presque un millénaire, en tant que langue de première importance internationale et qui disposait d'un grand nombre d'institutions, la langue italienne (au début, avant tout sous forme de dialecte vénitien) a laissé de nombreuses traces dans tous les idiomes d'Istrie. Le croate sur le territoire de la presqu'île proprement dite et le slovène dans sa périphérie du nord s'imposaient surtout par une masse importante de sujets parlants; ce n'est qu'à partir du XIXe siècle que ces deux langues commencent à agir par l'intermédiare de toute une série d'institutions culturelles et administratives et en tant que véritables 'langues nationales'. Les villages istroroumains représentent une sorte d'enclave à l'intérieur du territoire compact de langue croate. A part quelques exceptions parmi les enfants d'âge préscolaire, toute la population istroroumaine est bilingue; à côté de l'istroroumain, elle se sert activement aussi du croate (Petroviči et Neiescou, 1965, 352-3; Kovačec, 1968, 80). Ce n'est qu'au village de Éeiân (dans le nord) qu'on peut rencontrer des personnes possédant des connaissances du slovène. Un certain nombre de personnes adultes (avant tout les hommes, plus particulièrement dans les villages du sud) ma- 159 nient aussi la langue italienne, qu'il s'agisse de la koiné vénitienne d'Istrie ou de l'italien standard. Par conséquent, le croate est une composante obligatoire du bilinguisme (/plurilinguisme) des Istroroumains (Kovaëec, 1984, 551). Les contacts entre l'istroroumain et l'italien sont très anciens, mais dans la région de Cicarija (dans le village isolé de Zeiân) ils ont depuis toujours été sporadi-ques et superficiels. Les villages istroroumains du sud (SusriéviÇç, Nôselo, Bârdo, Letâi etc.) faisaient partie du comté de Pazin qui, pratiquement de tous les côtés, était entouré des domaines de l"Istrie Vénitienne' où la langue italienne bénéficiait d'un statut de langue officielle, langue des relations publiques, langue de culture (Kovadec, 1984, 552) et où une partie de la population au moins ne parlait d'autre langue que l'italien (surtout sous sa forme vénitienne). C'est grâce aux contacts assez fréquents et relativement réguliers avec la population italophone que les Istroroumains du sud ont adopté, dans leur langue, un bon nombre de mots italiens. Au cours du XIXes., et surtout pendant l'occupation italienne de FIstrie (1918-1943), l'importance de l'influence linguistique italienne sur l'istroroumain n'a fait qu'augmenter. L'istroroumain et le croate d'Istrie étaient exposés au même type d'influence italienne pendant plusieurs siècles et dans des conditions plus ou moins identiques. La conséquence en est que l'istroroumain et le croate ont emprunté à l'italien presque les mêmes unités lexicales. Cependant, si l'on tient compte du fait que tous les Istroroumains parlent croate et qu'il n'y a qu'un petit nombre de Croates capables de se servir de l'istroroumain, si l'on prend en considération aussi le fait qu'une partie seulement des Croates et des Istroroumains arrivent à manier l'italien d'une manière active, on pourra conclure qu'une partie des emprunts à l'italien sont entrés en istro-roumain par l'intermédiaire de la langue croate (Pu§cariu, 1926,223; Kovacec, 1971, 197; 1984,552; Flora, 1975,56). On peut supposer qu'un emprunt à la langue italienne se maintiendra en istroroumain plus facilement s'il existe en croate. La preuve en est aussi le fait que - en ce qui concerne les emprunts à l'italien - entre le croate de Cicarija et le croate au sud de la montagne Ucka on pourrait établir le même type de rapports qu'entre l'istroroumain du nord et l'istroroumain du sud. Il faut souligner qu'entre les Istroroumains du sud et les Istroroumains du village de Zeiân il n'y a pratiquement pas de contacts. Le résultat de cette évolution indépendante et divergente des deux variétés de l'istroroumain est un certain nombre de différences, entre les deux types linguistiques, dans tous les compartiments de la langue. Ces différences sont particulièrement importantes justement par rapport au nombre et au rôle des éléments d'origine italienne: dans les parlers du sud, le nombre des emprunts à l'italien dépasse plusieurs fois leur nombre dans le parler de Zeiân. Dans les lignes qui suivent, nous allons présenter les emprunts istroroumains à l'italien, classés par groupes sémantiques (pour les substantifs) ou suivant les parties du discours auxquelles ils appartiennent. Les emprunts à l'italien désignant des phénomènes atmosphériques sont peu nombreux en istroroumain. Le mot ârij.e 'air' est caractéristique pour les parlers du 160 sud; dans le parler de Zeiân on emploie, avec la même signification, le mot d'origine croate zràc, le terme proprement roumain ajer étant réservé pour la signification 'tourbillon del l'air'. On peut mentionner aussi deux noms de vents: bôrç 'bora' (Zeiân: bóra) et tramuntânç 'tramontane'. Termes désignant des unités de temps. Le mot ûrç (Z.: lira) 'heure' est emprunté par l'intermédiaire du croate (cf. Skok, 1972,562). Les termes setimanç 'semaine' (à Zeiân presque exclusivement le mot d'origine croate t"édân),primavérç (à côté de prolít"e, mládo léto, < cr.) et a^tûno 'automne' (à côté de¡ésen, pozimâc, < cr.) sont typiques pour les villages du sud; le mot setimana est courant dans les parlers croates de la région tandis que les deux autres n'y apparaissent pas. A côté des noms de mois empruntés à l'italien, par la langue croate, à une époque plus ancienne (|enâr 'janvier', Skok, 1971,15A\febrâr 'février', Skok, 1971, 508; setémbâr 'septembre' etc.), on trouve dans les parlers du sud aussi quelques emprunts directs comme aprile 'avril' et otóbre 'octobre'. Noms d'animaux. En istroroumain, les noms d'animaux empruntés à l'italien sont peu nombreux. Il s'agit de deux noms d'oiseaux - rondón '(une espèce d') hirondelle, Hirundo Apus' (it. rondone, Zingarelli, p. 1658; vén. rondón, Boerio, p. 583) et catômç 'Tetrao rufus' (cf. vén. cotómo, Boerio, 205) et du substantif scróva (Z.) désignant la 'femelle du porc, truie' (ce mot s'explique par un emprunt au vénitien scrova, Boerio, 636, ou éventuellement au frioulan scróve, Pirona, 990). Le nom d'un poisson, bacalâi 'morue séchée, stockfish', répandu aussi dans les parlers croates d'Istrie, appartient en réalité aux emprunts désignant des aliments. Noms de plantes. Les noms des plantes sauvages empruntés à l'italien sont peu nombreux en istroroumain. Nous signalons les noms pin 'pin', brûla '(une espèce de) jonc' (cf. brûla, Boerio, 102) etpalúd '(l'ensemble des) végétaux d'un marécage'. Il semble que les mots brûla et palúd ont été apportés par les ouvriers italiens qui, entre les deux guerres, ont pris part à l'assainement du lac (/marécage) de Cepic. En Istrie, la plupart des innovations dans le domaine de l'agriculture se propageaient du nord d'Italie. C'est pourquoi, en istroroumain et dans les parlers croates d'Istrie, on trouve un grand nombre de noms de plantes cultivées qui sont empruntés à l'italien. Le mot pour 'maïs' est, dans les parlers istroroumains du sud, une traduction croate approximative de l'expression italienne grano turco, granturco ('grano esotico, forestiero', cf. Zingarelli, 843, 2070), trukine (en croate trukinja '(la) turque'), et dans le parler de Zeiân un emprunt à l'italien fârmentin (avec changement de suffixe; cf. formentón, Boerio, 282; frumentone, formentone, Zingarelli, 753, 772). Deux plantes fourragères répandues en Istrie sont désignées par des noms d'origine italienne: ¿ârba spàtia 'luzerne' (à côté du nom croate ditelinç; mais le croate d'Istrie se sert aussi du nom emprunté à l'italien erbaspanja) et trefojón 'trèfle'. Pour 'plante ornementale' l'istroroumain du sud emploie tout simplement le mot italien Plântç (it. piañta). Les '(petits) pois' (Pisum sativum) sont désignés par le mot bizi (sud), bizi (Zeiân), emprunté au vénitien biso, bisi (Boerio, 83; it. pisello), et le 'haricot' par le mot fazo (sud), fazó (Z.) (forme déterminée: fazólu, fazólu, cf. vén. 161 fasôlo, Boerio, 262; it.fagiolo). Comme terme d'ensemble pour les 'légumes', l'is-troroumain emploie le mot emprunté à l'italien verdurç et, de la même façon, pour exprimer la notion générique des 'fruits' il se sert du mot d'origine italienne/rairi (pl.; sing. frut, parfois avec une prononciation altérée hruti, yrûtï). Le mot petârsin (Z.: petârsiri) 'persil' remonte, par de nombreuses formes intermédiaires croates, au vénitien petersemolo (Skok, 1972, 643), le mot mériin 'cairote' a été emprunté au triest. mérlino (d'origine allemande; Skok, 1972,409), carvtç 'radis noir' à l'italien (carv-ta),pésç 'betterave (rouge)' (mot courant en croate d'Istrie et en Slovène) remonte au lat. beta à travers le vieux-haut-allemand pieyx (Skok, 1971, 164). Le mot capûz 'chou' est un élément vénitien très répandu en croate (cf. capuzzo, Boerio, 135), le terme pomidôr (pl. pomidôri) 'tomate' remonte à une forme italienne populaire po-midoro (pl. pomidôri, Zingarelli, 1431; vén. pomi d'oro, Boerio, 519). Les termes ¡ûkç 'courge' et /ukétç 'courgette' ont probablement été empruntés au vénitien (cf. Boerio, zuca, 822, zuchèta, 823). Les mots pour désigner les 'concombres' cucu-mat(i) (Z.) remontent, par l'intermédiaire du croate, au vénitien cucùmaro (it. cocô-mero). Enfin, sont d'origine italienne les noms de deux plantes à fruits très appréciés, melon 'melon' et ar\gûrij,e 'pastèque. Parmi les arbres fruitiers, le nom du 'marronnier', marûn (comme en croate, le nom désigne aussi le fruit), est emprunté à l'italien. Un type spécial de cultiver la vigne 'treille, pergola', qui, en Istrie, s'est propagé de l'Italie du nord, porte un nom emprunté à l'italien du nord brandi (pl.; sg. brcfcdç). Enfin, la 'récolte', les 'produits agricoles ou les fruits d'une année', que les Istroroumains et les Croates vendaient très souvent à la population de langue italienne des villes d'Istrie, est désignée par un emprunt au vénitien intrâda (cf. intràda, Boerio, 350; Skok, 1971,727). Noms des aliments, plats et repas, boissons etc. Pays avec une tradition culinaire millénaire et avec une culture de la nourriture et des boissons ancienne, Italie fornissait des produits de son art alimentaire et culinaire toute l'Istrie, et un nombre important de termes italiens relatifs à ce domaine a pénétré en croate et en istrorou-main. C'est à cause du plus grand prestige de l'italien, ou parfois tout simplement à cause de la mode, que les termes italiens ont éliminé les termes croates, istroroumains ou slovènes plus anciens. A côté du terme croate mâslo 'beurre', l'istroroumain du sud a emprunté aussi les mots italiens butiro et buro (à Zeiân: unt, roum.). Les produits d'épicerie, qui ont pénétré en Istrie par l'intermédiaire des villes de l'Italie du nord, portent en istroroumain (comme en croate et en Slovène) les noms empruntés par l'intermédiaire de la langue italienne, p. ex. café 'café' (forme déterminée: ccfélu, sud, caféîu, Z.; cf. aussi: colôr café) et oriz 'riz'. La 'fleur de farine' est désignée en istroroumain par un mot emprunté au vénitien fjprét (vén.fioréto, Boerio, 274). D'une manière semblable, le 'petit pain', en tant que produit 'de luxe' qui provenait des villes, porte un nom emprunté à l'italien litt .panin (it .panino). Les 'pâtes' sont un des produits alimentaires d'Italie les plus connus et l'istroroumain (aussi bien que le croate d'Istrie) désigne les 'pâtes' par un mot emprunté à l'italien pâstç (sud; posta, Z.). Le mot it. polénta est répandu en istroroumain (paléntç, sud, palénta, Z.) comme 162 dans un grand nombre de parlers croates occidentaux (cf. Skok, 1972, 592). Le 'levain' est désigné en istroroumain par la forme crimç (Z.: crima) qui, à ce qu'il semble, aurait pu être empruntée à un parler de l'Italie du nord. Sont d'origine italienne aussi les mots sùgo 'sauce', martadélç 'mortadelle', pârsut, pârsut 'jambon (cru)' (it. pro-sciutto), ¡ucor 'sucre' (vén. zùcarv, avec changement de suffixe en croate). La 'soupe aux légumes et au riz' est désignée en istroroumain (comme en croate d'Istrie) par le mot manésîrç, manéstra (Z.) emprunté au vénitien (cf. manestra, Boerio, 393; it. mi-nestm). Le mot pour 'casse-croûte, collation', maréndç, marénda, emprunté au vénitien (cf. marenda, Boerio, 393; it. merendà), est un doublet étymologique du mot roumain merinde qui se conserve dans le parler de Zeiân avec la signification 'déjeuner, repas du midi'. Parmi les noms de boissons, sont d'origine italienne birç, bira 'bière' et malvasiie 'malvoisie, espèce de vin doux et aromatique'. C'est par l'intermédiaire des villes de l'Italie du nord que s'est propagée en Istrie l'habitude de jouir du tabac. En istroroumain (de la même manière qu'en croate d'Istrie) sont d'origine italienne les termes comme tabac 'tabac', spanuléti 'cigarettes' (cf. Skok, 1973, 409) et prézç 'tabac à priser'. Il n'y a en istroroumain que quelques termes désignant des parties du corps (ou formes des parties du corps) qui sont empruntés à l'italien. Un terme fréquent de ce type est stûmig (sud), stûmiy (Z.) 'poitrine' mais aussi 'estomac' (comme stô-mego en vénitien; cf. Boerio, 706). Est généralement employé aussi le terme gôbç (sud), yoba (Z.) 'bosse' ainsi que son dérivé gôbast (Z.: yôbast) 'bossu' et le substantif correspondant gobo, yôbo avec la signification '(le) bossu'. Sont très peu nombreux aussi les termes d'origine italienne qui désignent des maladies ou des états du corps. Parmi les mots les plus fréquents appartenant à cette catégorie on peut citer p. ex. oret"ôni 'oreillons', malâriie 'paludisme, malaria' (un mot qui pourrait être, aussi, un emprunt au croate malàrija), broful' 'bulle, vésicule' etfébre 'fièvre'. Parmi les emprunts istroroumains à l'italien on trouve quelques termes désignant des matières et matériaux etc. (ainsi que différentes formes des matières). Nous citons dans cette catégorie les mots comme cârbun 'charbon', salbûn 'sable' (cf. Skok, 1973, 181), batudç 'pierres concassées, cailloutis', tavalôn 'madrier', râm 'cuivre; airain', rûzinç 'rouille' (vén. rùzene, Boerio, 586), petrôl'a, pitrôl'a, petrô-vel' (sudXpetrôliio (Z.) 'petrole (à lampe)' etc. Il n'y a que quelques mots désignant des mesures, comme cvartin 'quart', tonolâtç 'tonne', duzinç 'douzaine' (vén. dozè-na, Boerio, 246); est apparenté à cette catégorie aussi le mot fasinç, fasina 'fagot'. Dans le mot navil'âdç (sud) 'fourchée', ce n'est que le suffixe qui est d'origine vénitienne (-ada), tandis que la partie lexicale du mot est un élément croate (na vile 'sur la fourche, avec la fourche'; à Zeiân, on trouve la forme navil'âi avec un suffixe croate -aj). Pour Istrie, l'Italie du nord a depuis toujours été l'un des centres les plus importants d'où se propageaient différentes innovations techniques. C'est pourquoi un certain nombre de mots désignant des dispositifs techniques ou différentes machines 163 est d'origine italienne, aussi bien en istroroumain que dans les parlers croates d'Is-trie. Appartiennent à cette catégorie les mots comme mâkinç 'machine; dispositif; voiture' (Z.: màkina), vetùrç 'voiture', carôfç 'voiture, fiacre', bificlétç 'bicyclette' (peut-être, le résultat d'un croisement entre l'it. bicicletta, avec [ts], et le croate bicikl, avec [ts]; mais il faut retenir qu'on trouve, dans les parlers croates, biciklèta et biciklèta), coriiérç 'autocar', trebijfltrice 'batteuse', ferovijfi 'chemin de fer', acvedó-to 'aqueduc', calún 'canon', brostulino 'brûloir', etc. Appartiennent au même domaine sémantique les noms de différents outils, instruments et accessoires, comme p. ex. según 'scie' (it. segone), tamizç 'tamis', timún 'timon (de voiture)', pézç 'balance, bascule', mânig '(le) manche', mani{§ '(le) manche, poignée', cavalét 'chevalet', lâma (defl'er) 'jante', sésula 'écope; petite pelle' (vén. sèssola, Boerio, 649), puntél 'étal, étançon', mᡧ 'masse', ârmç 'armes' etc. Sont apparentés à cette catégorie les mots désignant différents produits techniques ou matériel technique, comme p. ex. balín, balôtç 'grain de plomb; boule', bâlç 'balle; ballot', bréntç 'comporte' (cf. Skok, 1971, 207), câjjbç 'cage', càreg 'cartouche', casétç 'caisse, boîte', côrdç 'corde', ferâl 'lanterne' {vén. ferai, Boerio, 265), fârminânti, furminânti 'allumettes' (it.fulminanti; pour fiammiferi), hartç 'papier', lapez, lápiz, 'crayon', libâr 'livre', masté 'baquet, cuve', medizije 'médicament' (dérivé à partir du vén. medesï-na), sédiie 'selle', scâtulç 'boîte', spàg 'ficelle', pasarélç 'passerelle' etc. Termes désignant des pièces de la vaisselle et du couvert. Les pièces de la vaisselle et du service de table représentent les objets dont l'usage en Istrie a depuis toujours été influencé par les usages et les produits de l'Italie du nord. Appartiennent à ce groupe les mots comme vâz 'vase', bofê 'carafe' (cf. vén. bozza, Boerio, 96), kikerç 'tasse' (it. chicchem), pij.ât 'assiette', scodélç 'bol; écuelle', padélç 'poêle', pinâtç 'marmite, pot', fugérç 'brasero' (vén. foghera, Boerio, 277). Pour dire 'couvert', l'istroroumain emploie le mot italien de forme vénitienneposcidç ou pasâdg (cf. possada, Boerio, 528; it. posata), mais qui signifie en même temps 'couteau (du service de table)' ; 'fourchette' se dit pirún. Mots désignant les parties de la maison et les meubles. Avec la signification 'chambre', on emploie la forme càmarç au sud (vén. cámara, Skok, 1972, 24) et la forme cambra à Zeiân (ibid.); on peut citer encore les mots comme scàle, scâle 'escalier'; stufç 'poêle', fogolér 'foyer' (vén. fogoler, Boerio, 277), cantún 'coin' (Skok, 1972,31-32), cundót 'lieux d'aisance' (Skok, 1972,138) etc. Dans le parler de Zeiân on trouve le mot miza 'table', comme en slovène et dans certains parlers croates d'Istrie; il s'agit probablement d'un emprunt à l'italien du nord (Skok, 1972,435). Le mot casetin 'tiroir' est emprunté à l'italien standard, aussi bien que le mot casún. L'élément îrefpiœr 'trépied' représente un calque d'après l'italien treppiede et s'emploie à côté de la forme empruntée tripiié. Se rapprochent de cette catégorie quelques termes désignant les constructions ou les espaces autour de la maison: portún 'grande porte', stérnç 'citerne', stâlç 'étable', corta 'cour'jardin 'jardin'. Termes désignant des pièces de vêtements, chaussures, literie etc. Le mode de s'habiller a depuis toujours été influencé, en Istrie, par les usages de la Péninsule et 164 différentes pièces de vêtement portent, en istroroumain, un nom d'origine italienne: vestid 'vêtement' (forme vénetienne), capelin 'chapeau', barétç 'bonnet' (vén. baréta, Boerio, 64), capot 'manteau',lakéte 'veste, veston' (vén.), bragési 'pantalon' (vén.), bâthân 'jupe', côtulç 'robe' (vén.), travérs 'tablier',¡inturin 'ceinture, courroie', bârsç (sud), bôrsa (Z.) 'sac', tacuiin (sud), tacvin (Z.) 'portefeuille', scarpine (pl.) 'bas de laine', scafunitç (pl.) 'chaussettes' (cf. Skok, 1973, 397) etc. Chaussures: puntâl 'semelle', scapin 'empeigne (de chaussure)' (vén.), spigéte 'lacets'. On peut ajouter aussi les noms de quelques pièces de literie ou de linge qui sont empruntés à l'italien: sugamân 'essuie-main', stramâ[ 'matelas', lan^un 'drap', cusin 'oreiller'. On peut mentionner ici aussi le mot strafç 'chiffon' (vén.). Appartiennent au même type d'influence italienne quelques termes pour les parures et les bijoux: cadinç 'chaîne, chaînette' (Z.: cadéniÇa, dimin.)(vén.), colâr 'collier', urekin (Z.: rir\kin) 'pendant, boucle d'oreille', bmpléto (Z.) 'bracelet' (vén. brazzalèto, Boerio, 98). Noms des personnes qui exercent une profession ou une activité. Il y a en istroroumain une liste assez longue de termes de provenance italienne qui désignent une personne exerçant une profession ou une activité quelconque. Même le mot signifiant 'métier', ârât, est d'origine italienne. Cela s'explique par le fait que la plupart des métiers et professions modernes, aussi bien que différentes innovations techniques, se sont propagées en Istrie de l'Italie du nord. Nous présentons une liste d'exemples: ccdigér 'cordonnier' (vén. caleghèr, Boerio, 118), butigér 'boutiquier, marchand' (vén. boteghier, Boerio, 95), camal'ér 'garçon' (it. cameriere), bil'etâj.o. 'contrôleur' (it. bigliettaio), bicâr 'boucher', cantuniér 'cantonnier', sârto 'tailleur', sârtç 'couturière' (à côté des termes croates silifê et znidarifê; it. sarto, sarta), marar\-gûn 'menuisier' (it. marangoné). Le terme d'origine italienne administrative fâbro (it. fabbm) est employé, dans le parler de SusriéviÇç, comme surnom, tandis que l'emprunt au croate covàt,, covâc fonctionne comme appellatif ( 'forgeron' ). Pour la notion 'instituteur, institutrice' les parlers istroroumains du sud ont recours aux emprunts à l'italien mc^éstro, majéstrç, tandis que le parler de Zeiân se sert de l'emprunt à l'allemand Schulmeister (sûmaj.ster, sumajsteri/a). Pour la notion 'médecin' l'istroroumain emploie le mot d'origine vénitienne médigo (sud; médiy, Z.; mèdego, Boerio, 408). Le terme bôscar 'garde-forestier' est un dérivé croate à partir du substantif emprunté à l'italien boska 'forêt' (istror. bôskç, boskg, sud). Les mots strigç, strigôn (aussi: strigûn) 'sorcière, sorcier' sont des emprunts au vénitien (striga, strigôn, Boerio, 715). L'élément g#ardijân, gvardijân 'gardien' (aussi bien que g#ârdije 'garde (champêtre), veilleur (de nuit)') est emprunté à l'italien. Le terme qui jouit d'une fréquence relativement élevée dans les textes, manavâl '(un) manouevre' (d'habitude sans labialisation de 1' léJ accentué), remonte à l'italien populaire manovale (cf. Zingarelli, 1102, 1104). Les termes soldât 'soldat', zandârmi 'gendarmes', secretâr 'secrétaire' font penser plutôt aux sources croates dialectales (soldât, zandârmi, sekretâr). Bien que, au point de vue sémantique, ce substantif ne désigne pas une personne active, le mot pârzunér 'prisonnier' (vén. presonier, Boerio, 533) pourrait être classé parmi les mots du présent type à cause de son suffixe. Le terme impj,egâto, impiegâtç (sud) 165 'employé, employée' (avec un [à]) est un italianisme encore vivant mais, pas trop fréquent, tandis que l'expression capurûl (magor) (ou capurai, avec un [á]) 'caporal (-chef)' appartient à la langue des hommes qui ont fait leur service militaire à l'époque de l'Italie fasciste. Noms des exploitations, ateliers, activités professionnelles etc. Les italianismes miniérç 'mine (souterraine)' et càvç 'carrière, mine' datent de la fin du XIXe s., époque où étaient organisées les premières mines modernes en Istrie. Le terme fâ-brikç 'usine' pourrait être aussi bien un emprunt à l'italien (fabbrica) qu'au croate familier (fàbrika). Quant au mot fabrerí¿e 'forge', il s'agit d'un dérivé istroroumain à partir du lexème fabbro 'forgeron', mais sur le modèle du mot d'origine croate co-va¡íie (Z.: covocfte) 'forge'. L'italianisme gvérç 'guerre' coexiste, dans le sud, avec son synonyme d'origine croate vó{skç. Sont d'origine italienne aussi les mots butigç 'boutique, magasin' (cf. it. bottèga) et óstaríj.e 'bistrot' (cf. it. osteña). Termes relatifs au domaine administratif, juridique etc. Dans les villages du sud, les sujets possédant des connaissances actives de l'Italien emploient le terme abstrait aytorità 'autorité', qui reste invariable comme en italien et qui n'est pas adapté au point de vue phonétique (on s'attendrait à /au/>/av/, /à/>/â/). Ce terme n'est pas admis dans les parlers croates d'Istrie. Les mots común 'commune' et cunfin 'limite (d'une propriété)', empruntés probablement au vénitien, s'emploient couramment aussi dans les parlers croates. C'est de cunfin que dérive le mot cunfinânti 'voisins'. A côté de l'italianisme compone 'terrain cultivé, champs' (sud), il faut mentionner le mot paiz 'pays, village' emprunté probablement au frioulan (bien que l'évolution it. paese >paiz ne soit pas à rejeter). Le termepotestarije 'palais du podestat' s'applique parfois encore pour désigner le siège de l'administration communale. Le mot pârzùn 'prison', employé dans toute l'Istrie et en Dalmatie, est emprunté au vénitien. Bien que le terme généralement admis pour 'argent' soit, dans le sud, le mot pinezi (cr.), on se sert parfois aussi de l'italianisme sóldi, qui fonctionne comme le seul terme dans le parler de Zeiân {sóldi). Le mot pré¡ije 'prix (convenu)' représente probablement un dérivé istrien sur la base du verbe italien preziare (vén. preziàr). L'it. fitto (yén.fito) a donné en istror./ïi 'location, bail'. La forme bandjérç 'drapeau' se rattache directement à l'italien bandiera, tandis que la forme bondira, de Zeiân, s'explique comme pseudo-ikavisme croate. On peut ajouter à ces termes les noms de quelques documents, comme p. ex. matrícula (za nevigçi) 'matricule (de marin)' et pôrtç de ârmi 'port d'armes' (it. porto d'armi). Un groupe spécial d'italianismes est représenté par les termes relatifs aux relations sociales, conditions sociales, coutumes etc. Le terme cârstiiân 'homme' est emprunté au vénitien (cf. cristiàn, crestiàn, Boerio, 209), mais il est courant aussi dans les parlers croates (krstjan, krscan; Skok, 1972,197-8) et en frioulan (cf. Pirona, 197). Pour désigner un 'étranger', l'istroroumain se sert - comme la plupart des parlers croates d'Istrie et de Dalmatie — de l'emprunt à l'italien furést (it.; vén .foresto). Pour les notions 'camarade' et 'compagnie', on a recours aux emprunts à l'italien cumpárí. (rarement cumpân) et cumpaníj¡e, à Zeiân cumpáríe (it. compagna). Les ter- 166 mes uzânfê (sud), uzânfa (Z.) 'coutume', vizita (Z.) 'visite', bal (sud) 'fêtedansante' sont employés aussi dans les parlers croates et remontent à l'it. usanza, visita, ballo (vén. balo). Termes relatifs à la vie religieuse. Pour exprimer le sens 'messe', l'istrorou-main utilise le latinisme croate misç (sud), misa (Z.) (cf. Skok, 1972,430-431), mais les mots mirâcul 'miracle', destin 'destin, destinée' et les termes techniques comme lemôzinç 'aumône', funerâl 'funérailles', cas 'cercueil, bière (it. cassa da morto)', nônjulo (pl. nônfuli) 'croque-mort, fossoyeur' sont des italianismes (it. miracolo, destino, lemosina, funerale, nonzolo). A ces termes, on pourrait ajouter aussi les mots candélç 'chandelle' et candelir 'chandelier' ; ce dernier mot représente un pseudo-ika-visme du même type que bondira (Skok, 1972, 283). La forme âriel 'ange' est une adaptation cakavienne de l'it. àngelo (cf. Skok, 1971, 43; cf. aussi le frioul. àgnul), tandis que vili\e 'jeûne, jour maigre' est un emprunt au frioulan (cf. Skok, 1971, 147-8, s. v. bigla-, Pirona, 1277, s. v. vilie). Le terme ¡imiter 'cimetière' est probablement un latinisme croate, bien que, dans le parler de Susriévijç, il pourrait représenter aussi l'aboutissement phonétique de l'it. cimitero (à Susriévijç, on ne distingue pas entre les sifflantes et les chuintantes). De la même façon que les Croates d'Istrie, les Istroroumains utilisent assez souvent les formes italiennes des noms de baptême (bérto, romàno/mmâno, gulio, mari\a etc.) et des noms de fêtes (Svéti Silvéstro 'la Saint-Sylvestre'). Les formes altérées des expressions italiennes sont parfois à la base des sobriquets de certains Istroroumains (p. ex. banaséra à la base de l'it. b(u)ona sera). Termes de parenté et termes relatifs aux relations familiales. Pour dire 'parent, -e, cousin, -e', l'istroroumain du sud utilise l'italianisme cuiin, cuiine (it.: eugi-no, eugina); le parler de Zeiân a recours au vénitianisme répandu en Istrie zàtmân (vén. zerman, Boerio, 811; Skok, 1973, 651). Dans les parlers du sud, l'emprunt au vénitien curiâdo, curiâdç 'beau-frère (mari de la soeur); belle-soeur (femme du frère, soeur du mari)'; dans le parler de Zeiân, curiâdo et curiâda veulent dire avant toute autre chose 'cousin, -e' ('fils, fille de l'oncle ou de la tante'; signification admise: curiâdo 'beau-frère'; cf. Skok, 1972, 144). Le terme nôno 'grand-père', nônç (Z.: nôna) 'grand-mère' est un emprunt à l'italien qui a gagné une bonne partie des parlers croates d'Istrie et de Dalmatie. A Zeiân, on emploie à côté de nôno, nôna aussi les expressions cela betâru câj.e, câ betâra mâle qui traduisent mot à mot la formule croate cakavienne stari caca, stara mama (région de Kastav) qui, à son tour, ne représente qu'un calque approximatif d'après l'allemand Grossvater, Grossmutter. Il sera utile de signaler que c'est à partir du pluriel nôni, et sur le modèle du croate prudje-dovi 'ancêtres, aïeux', que certains sujets parlants de l'istroroumain du sud utilisent le calqueprénoni ('ancêtres'). Le mot nipôt 'petit-fils' représente peut-être un croisement entre le roum. nepôt et l'it. nipote (à Zeiân: unuc). Le terme spôzo, spôzç (sud) 'jeune marié, fiancé; jeune mariée, fiancée' (spôzi 'nouveaux mariés') est un italianisme de mode et probablement récent. L'istroroumain utilise le mot bârba (parfois aussi bârba) non seulement en tant que terme de 167 parenté ('oncle maternel ou paternel') mais bien aussi comme terme de respect pour s'adresser aux hommes adultes. Ce vénitianisme est répandu un peu partout en Istrie et en Dalmatie. Le parler de Zejân emploie, comme terme de politesse villageoise, le mot cumpâr(vén. compàre 'parrain') qui est employé en Istrie et dans certaines partie de Dalmatie (kumpâr)\ à Zeiân, ce mot a en même temps la signification de 'un tel, (un) type, individu'. Pour exprimer la condition d'un enfant naturel, on se sert de l'italianisme mulo (fém. mûlifê) ou bastârdo (fém. bàstârdç, bastârdcr, avec un [â]). Il faut retenir qu'un certain nombre de termes échappe à toute classification précise, qu'il s'agisse des termes à un sens très général (qui pourraient figurer dans plusieurs catégories) ou bien des éléments qui, à eux seuls, constituent un groupe sémantique à part. Nous signalons quelques substantifs qui n'ont été mentionnés dans aucune des catégories présentées: bândç 'partie', criiânfye 'pollitesse', féstç 'fête', fintç 'feinte', liberapône 'libération', parfiôn 'portion', pézç 'poids', punti 'coutures', pôrât 'port', spéze 'frais', stôrije 'conte, histoire', st"ôrifê 'fable', vàlç 'vallée', vôtç (sud), vota (Z.) 'fois' etc. Adjectifs. C'est avant tout dans les parlers istroroumains du sud qu'on trouve un nombre relativement élevé d'adjectifs empruntés à l'italien: fin, finç (Z.: fina) 'beau, joli' (courant en croate), cunténât, -ntç 'content' (usuel dans les parlers croates d'Is-trie), débol, -ç 'faible, fragile' (exclusivement dans les parlers istror. du sud; rare dans les parlers croates), disperçj.t, -ç 'désespéré', spore, spôrkç (Z.: spôrâc, spôrca) 'sale', scûro '(l')obscur' (subst.), libero, -ç (sud) 'libre', mercantile (sud; plutôt individuel), (énere 'couleur de cendre, gris', drit, -ç 'droit', feléste (sud) 'couleur du ciel', tond, 'rond', lis, -ç (sud) 'lisse', criianfiiôz, -ç 'poli' (cf. criicinpie 'politesse'), scâriât '(l')écarlat' etc. L'adjectif brûnast, -ç 'brunâtre, brun' représente une forme dérivée à l'aide d'un suffixe croate. Pour exprimer la notion de 'couleur', l'istroroumain utilise un emprunt à l'italien colôr (sud), colur(Z.). Verbes. A côté d'un certain nombre de substantifs désignant des actions ou leurs résultats (tir 'tir', castig 'châtiement', spi\e 'action d'épier, mouchardage' etc.), on trouve en istroroumain aussi plusieurs dizaines de verbes qui remontent à l'italien. Tandis que parmi les substantifs et les adjectifs d'origine italienne on peut trouver des éléments qui ne s'emploient pas en croate, tous les verbes istroroumains dont l'origine italienne est transparente apparaissent normalement aussi dans les parlers croates d'Istrie. Les plus nombreux sont les verbes en çj (cr. en -at, it. en -are), mais il y a aussi quelques verbes en -i (cr. en -it; it. en -ire ou en -ere). A Zei.ân, on trouve aussi quelques verbes en -uj. (sur le modèle des verbes croates cakaviens en -ovat). Sauf quelques emprunts très anciens (comme p. ex. spam (Z.) 'tirer (un coup de)' < it. sparare), qui proviennent directement de l'italien, tous ces éléments pourraient être traités comme des emprunts à la langue croate. Voici la liste des principaux verbes de ce type: âmbarkçj. 'embarquer', coculçj. 'dorloter', cumpariçj. 'accompagner', castigçj, 'punir', durçj. 'durer', fermçi 'préparer', gambij.çj. 'changer', gustçj. 'jouir de', ma-kinçj 'moudre', mantrçj. 'torturer', meritçj. 'mériter', molçi 'arrêter', necârgçi 'charger', nevigçi 'naviguer', pasçi 'convenir', pârzentçi 'présenter', p(i)iazçi 'plaire', 168 prontçi 'préparer', piturçj. 'teindre, badigeonner', pestçi 'fendre; torturer' (aussi spestçi, popestçi), regulçj. 'résoudre, mettre en ordre', rovinçi 'ruiner', ricamçj 'broder', scârççj. 'plaisanter', spiiçi 'épier', stufçi 'ennuyer', scalçi 'diminuer', scapulçi 'esquiver, éviter', tamizçi 'tamiser, sasser', timbrçj. 'marquer', urdinçi 'commander', uz§i 'avoir l'habitude (de)', t"apçi 'saisir', zecântçj. '(commencer à) chanter' etc. Les verbes en -t divertí (se) '(se) divertir', parti 'partir', posurbi 'siroter', spari (t"â) 'disparaître', cresi 'grandir'. Les verbes en -ííj (Z.): respetúj. 'respecter', splodirú¡ 'exploder'. Quoi qu'il en soit, un nombre assez élevé de verbes empruntés suppose un bilinguisme actif, et de longue date, italo-croate d'un côté et croate-istroroumain de l'autre. La présence de quelques adjectifs numéraux empruntés à l'italien parle en faveur des contacts linguistiques intenses en Istrie. Dans le parler du sud, on trouve le mot mil'âr 'mille' qui provient de l'italien migliaw, il faut signaler que l'istrorou-main de Zeiân emploie, avec la même signification, le mot croate tisút" ou un emprunt à l'allemand (par l'intermédiaire du slovène) tâvzânt. Le mot cvomâr, cvamàr '(une) quarantaine, quarante' représente un emprunt à l'istroroman, probablement par l'intermédiaire du croate (cf. Skok, 1972,251). L'expression dópijo déro (type de farine) ne fonctionne en réalité pas comme un numéral. Les conjonctions ma 'mais' et macar (Z.: mayar) 'bien que' sont courantes dans les parlers croates d'Istrie. La préposition secóndo 'selon, d'après' semble être un emprunt individuel. Les exclamations d'origine italienne bràvol (et brúvil), àlal conservent la réalisation [à] sous l'accent ce qui prouve qu'elles ne sont pas complètement intégrées dans le système. Il semble que les adverbes italiens sont entrés en istroroumain en tant qu'unités inanalysables. En même temps, il faut retenir qu'un bon nombre des adverbes istro-roumains d'origine italienne est employé aussi dans les parlers croates d'Istrie. Voici une liste des adverbes les plus fréquents et généralement admis: alora 'alors' (à côté de (a)tún¡e, sud), ár\ke 'aussi, de même', nchr\ke, nár\ca (< vén. nanea) 'non plus, pas même', alméno 'au moins', bén (ben) 'bien', dór\ke 'donc', drito '(tout) droit', fórsi 'peut-être',¿ústo '(tout) juste, justement', lârgo 'loins' (à Zeiân: departe, roum,),péna 'à peine', próprio 'proprement, justement', tánto 'cependant' (it. intanto), t"âro 'très, beaucoup' (< vén. chiarv) Le nombre des éléments que l'istroroumain a emprunté à la langue italienne (directement ou par l'intermédiaire de la langue croate) est assez élevé et notre liste des italianismes istroroumains pourrait facilement être augmentée. Néanmoins, il faut tenir compte du fait que beaucoup de ces éléments n'apparaissent que rarement dans la langue de tous les jours (surtout à cause de leur caractère plutôt technique) et que leur fréquence dans les textes est réduite. Sextil Puçcariu a démontré qu'un nombre relativement limité des éléments lexicaux hérités du roumain commun représente, dans les textes de Susnévijç, 82 % des occurences lexicales, tandis que les nombreuses unités lexicales empruntées au croate, à l'italien etc. ne correspondent 169 qu'à 18 % des occurences dans les textes (Pugcariu, 1926, 220-221). D'après nos analyses statistiques, le rapport entre les éléments lexicaux hérités et les emprunts serait comme il suit: a) Textes de Susriévijç: éléments hérités du roumain commun -77,4 % des occurences dans le texte, éléments slaves (plus particulièrement croates) - 15,7 %, éléments italiens - 6,9 %; b) Textes de Zejân: éléments hérités du roumain commun - 81,6 %, éléments slaves (plus particulièrement croates) - 16,4 %, autres éléments (y compris l'élément italien) - 2,0 % (Kovacec, 1984, 581). Pu§cariu affirme que l'élément lexical italien en istroroumain est représenté avant tout par des emprunts au vénitien (Puçcariu, 1926, 223). Une étude minuteuse du problème pourrait, peut-être, prouver que les emprunts au dialecte vénitien constituent la majeure partie des italianismes anciens. Il faut cependant mettre en valeur le fait que le dialecte vénitien et l'italien standard du type toscan, en tant que deux variétés de la même langue, ont en commun une quantité considérable du matériel linguistique et il n'est pas toujours possible de faire une distinction systématique entre leurs éléments. Dans les cas où il est possible de faire une distinction formelle claire entre les formes lexicales vénitiennes et celles qui proviennent de l'italien standard du type toscan (cf. Tekavcic, I, 1972, 180-191, 193, 275, 281, 285 et passim), on constate que le nombre des éléments du lexique istroroumain qui remontent à l'italien standard dépasse de beaucoup le nombre des éléments du type vénitien. Les éléments de provenance frioulane et istroromane ne constituent que des cas isolés. Quoi qu'il en soit, il n'y a pas de doute que l'istroroumain a emprunté au vénitien les termes suivants: catôrnç, brûla, bizi, fazô, petârsin, métiin, capuz, jûkç, ¡ukétç, cucûmari, intrâdç, fjorét, {ucor, manéstrç, maréndç, stumig, batûdç, râzinç, duzinç, sésula, ferai, mediziie, bôfê, fugérç, posâdç, câmarç/câmbra, fogulér, vestid, barétç, cadinç/cadéniça, caligér, butigér, médigo/médiy, strigç, pârzunér, pârzûn, cârstij.ân, zârmân, curiâdo, curiâdç, nôno, nônç, cumpâr, nàr\ca. Il est cependant difficile de faire une distinction entre les éléments qui représentent des emprunts directs au vénitien et ceux qui sont entrés en istroroumain par l'intermédiaire du croate. Isolé dans la montagne, le village de Zeiân avait peu de contacts avec le reste du pays. Les rapports que ses habitants entretenaient avec les populations de langue italienne n'étaient que sporadiques et superficiels. Dans les villages istroroumains du sud, au contraire, les contacts avec les groupes italophones ont depuis toujours été plus réguliers et plus intenses. Depuis le milieu du XIXe s., les hommes des villages istroroumains du sud, très souvent, s'embarquaient à bord des bateaux de commerce où l'italien était utilisé normalement comme langue de métier et langue 'interethnique'. C'est pourquoi dans les villages du sud il y a toujours eu un certain nombre de personnes capables de se servir activement de la langue italienne. Etant donné les circostances que nous venons d'esquisser, l'istroroumain du sud a emprunté à l'italien un nombre de mots presque trois fois plus élevé de ce qu'a fait l'istroroumain du nord. Une partie au moins des éléments d'origine italienne dans le vocabulaire istroroumain accuse un caractère éphémère et assez instable, et il est parfois difficile de 170 porter un jugement sur la question s'il s'agit d'un italianisme généralement accepté ou bien d'un emprunt individuel ou occasionnel. Il faut tenir compte aussi du fait que le nombre et la nature des emprunts à l'italien dépendent du caractère du texte où ils apparaissent ou bien du sujet dont on parle. Néanmoins, il arrive souvent que l'istro-roumain du sud se serve d'un emprunt à l'italien là où l'istroroumain de Zeiân utilise un élément d'une autre provenance. Nous avons analysé ailleurs les différences lexicales entre les deux variétés de l'istroroumain (Kovacec, 1981, 57-83; 1984,584-6), et nous allons présenter ici quelques différences qui reposent sur la présence d'un emprunt à l'italien dans les parlers du sud et son absence dans le parler de Zeiân. Pour quelques notions de temps, les parlers du sud utilisent des emprunts à l'italien, comme p. ex. otôbre (à côté du croate mihôsnacu) 'octobre', setimànç 'semaine', primavérç (à côté des mots croates prvlit"e, mlâdo léto) 'printemps', aytuno (à côté du cr.j.ésen) 'automne', tandis que le parler de Zeiân se sert des mots hérités du roumain commun (tômna 'automne', primavçm 'printemps') ou bien des emprunts au croate (t"édân 'semaine', otôbâr 'octobre', qui est un emprunt à l'italien adapté au point de vue phonétique et morphologique). On retrouve le même rapport entre les deux variétés de l'istroroumain pour toute une série de notions: stéyrç/stévrç 'impôt', libri 'livres', clâsç 'classe', maestro (-ç) 'instituteur (-trice)', mânig, (le) 'manche', sapun 'houe, hoyau', butiro, bûro (à côté du cr. mâslo) 'beurre', mil'âr 'mille,millier' etc. dans le parler de Susnéviîç, alors que le parler de Zeiân utilise des emprunts au croate ou bien des éléments hérités du roumain commun: pôrez 'impôt' (cr.), criiye 'livres' (cr.), râzred 'classe' (cr.), sûmaj.ster (-i{a) 'instituteur (-trice)' (cr./sl. < ail.), dâtzâc '(le) manche' (cr., bien que mâniy ne soit pas inconnu), motica 'houe, hoyau' (cr.), unt 'beuire' (roum.), tisut" (cr.) ou tâvzânt 'mille' (ail., par l'intérmédiaire du Slovène) etc. De même que dans le cas de mâniy, les parlers du sud utilisent le mot italien campâne 'champs (campagne)' là où le parler de Zeiân se sert du mot croate pôl'e, mais le terme campâne n'est pas tout à fait inconnu au nord. On trouve aussi les cas où, pour la même notion, le sud et le nord emploient un élément d'origine italienne, mais qui était introduit en istroroumain par voies différentes: câmarç 'chambre' (sud), cambra (Zeiân). Dans les deux variétés de l'istroroumain, se constituent parfois des paires de synonymes sur la base d'un emprunt au croate (commun aux deux variétés) et un emprunt à l'italien dans le sud, à l'allemand à Zeiân. On trouve p. ex. dans le parler de Susnéviîç les synonymes dcir (cr.) et pârzént (it.) et à Zeiân dâr et sex\c 'cadeau' (ail.; le mot senk est courant dans les parlers croates de la Cicarija et dans les parlers slovènes limitrophes). Dans d'autres cas, au lieu d'un emprunt à l'italien dans le sud (surtout pour les adjectifs, les adverbes et les verbes) le parler de Zeiân utilise un mot emprunté au croate, à l'allemand etc. Par exemple, aux éléments d'origine italienne cunténât 'content, satisfait', débol 'faible, fragile', ¡eléste/celéste 'bleu clair, couleur du ciel' etc.,péna 'àpeine', alméno 'au moins',fôrsi 'peut-être' etc., caractéristiques pour les parlers du sud, l'istroroumain de Zeiân utilise de préférence les éléments d'une origine différente: zadovôl'ân 'content', svéhân 'faible' (ail.), viret 'bleu' 171 (roum.) etc., cômat" 'à peine', bârem 'au moins', môrke 'peut-être etc. On peut ajouter à cette liste plusieurs verbes, comme p. ex. spari t"â 'disparaître', durçj, 'durer', capi 'comprendre', scometçj. (it. scommettere), 'parier', pant"§j (vén. parechiàr), prontçi 'préparer' etc. dans les villages du sud, auxquels correspondent dans le parler de Zeiân les verbes nestani 'disparaître', traiçi 'durer', anfelçze (roum.), razumi(cr.) 'comprendre' (dans le sud, aussi le mot rezumt), vadl'çi (se) 'parier', pripravi/pri-pravl'ui 'préparer' etc. Dans le parler de Zeiân, les emprunts à l'italien s'adaptent normalement aux normes morphologiques de l'istroroumain (p. ex. médiy 'médecin', pl. médiz), et les cas où cette adaptation n'est que partielle sont plutôt rares (p. ex. nôno 'grand-père'). Dans les parlers du sud, au contraire, un nombre important d'emprunts semble avoir influencé la structure morphologique de l'istroroumain (médigo, nôno, ajftûno, sârto; libero, etc.; v. infra). Sont tout à fait exceptionnels les cas où le parler de Zeiân se sert d'un emprunt à l'italien (p. ex. sôldi 'argent', par l'intermédiaire du croate), et que l'istroroumain du sud utilise un élément d'origine croate (pinez 'argent'; le mot sôldi est admis aussi dans le sud). A un examen plus attentif de la forme des emprunts à l'italien, on peut se rendre compte que les unités de ce type se comportent de différentes manières. Il y a des emprunts qui se soumettent systématiquement aux normes phonétiques et morphologiques de l'istroroumain. Par exemple, dans les villages du sud, quelques individus qui ont terminé une école italienne, ou qui entretiennent des contacts réguliers avec les italophones, se servent parfois, en parlant istroroumain, des mots cita 'ville' (au lieu de grâd, cr.), autorité 'autorité' (cr. vlast). On peut constater que dans des cas semblables Ici de cita ne se réalise jamais comme [/] ([ts]), un phénomène auquel il faudrait s'attendre dans un parler, comme celui de Susrîévi|ç, qui ne connaît pas d'opposition entre les sifflantes et les chuintantes (Kovacec, 1971, 72). D'une manière semblable, les deux mots ont systématiquement la réalisation [â] (cita, autorité, de même que impiegâto, -ç, âr\ke, bârem, mâcar, bravo, nàr\ca, tânto etc.) et le mot autorité n'admet pas le passage /au/ > /av/ (il n'y a pas de réalisations *fitâ, *avtori-tâ). Ces deux mots ne changent pas au pluriel. Les éléments cita et autorité, qui n'appartiennent pas à la langue générale, fonctionnent selon des règles particulières. Bien que la majeure partie des emprunts istroroumains à l'italien se soient adaptés à la morphologie istroroumaine, il y a des emprunts qui ont apporté des modifications au système morphologique istroroumain. Dans le parler de Zeiân, le substantif avec le sens 'médecin' est complètement intégré dans le système morphologique (médiy-médiz, comme ântréy-ântréz, luny-lunz; cf. Kovacec, 1984, 560-1), alors qu'à SusriéviÇç on trouve les formes médigo (rarement médig) pour le singulier et médiz/médiz pour le pluriel. D'une manière semblable, le mot emprunté au vénitien, curiâdo, a au pluriel curiâz (comme suséd-suséz; ibid.). Malgré le fait que les substantifs dont il est question ici se sont intégrés dans les schèmes morphologiques existants, il est nécessaire de relever plusieurs faits importants. Premièrement, c'est grâce aux emprunts à l'italien que l'istroroumain a introduit une nouvelle variante du monème 'masculin singulier' l-ol (aux variantes déjà existantes 1-0, -e, -ul: lup-0, 172 frût-e, socr-u on a ajouté la variante l-ol: curiâd-o, non-o, nônful-o, impiegât-o, gob-o, mul-o, spoz-o etc.). Deuxièmement, c'est grâce à l'introduction des pluriels italiens en l-il (non-i, nônpil-i, impiegât-i, gob-i, mul-i, spoz-i etc.) que le monème /-i/ 'masc. pl.' - qui, jusque là, n'était possible qu'après un groupe consonantique (socr-i, hlâp{-i) -cesse d'être conditionné par le contexte phonétique. Enfin, la troisième conséquence importante est que le système des alternances consonantiques, qui servent pour l'expression du nombre, ne s'applique pas systématiquement à ce type de substantifs et cesse, par conséquent, de fonctionner comme un automatisme: nônfuli, impiegâti, mûli, sârti et non pas nônjul', impjegâ^ mul', sâtj. En même temps, un nombre plus élevé des cas où le signifiant pour 'masc. pl.' est l-il contribue à l'effacement de la distinction 'indéterminé'-'déterminé' (lup~lûpi: nôni-nonï) à la fin des substantifs. Selon le même modèle, les adjectifs empruntés à l'italien (comme libero, -§) accusent les mêmes caractéristiques morphologiques (liber-o, -ç, -i, -e en face du type bur-0, -ç, -0, -e). Quoi qu'il en soit, les emprunts à l'italien ont modifié les modèles de l'expression du genre et du nombre des substantifs et des adjectifs. Il est nécessaire pourtant de souligner que les substantifs de ce type sont peu nombreux dans le parler de Zeiân et que les adjectifs du type libero, -ç n'y existent pas. On sait bien que la variété septentrionale de l'istroroumain conserve assez bien la déclinaison synthétique des substantifs et des adjectifs, alors que dans les parlers du sud les fonctions du substantif dans la phrase s'expriment presque exclusivement à l'aide des prépositions ou autres éléments préposés (Kovacec, 1984, 567-9). Bien qu'il soit difficile d'affirmer que cette l'évolution, dans le sud, est la conséquence d'une influence italienne, et non pas le résultat d'une évolution interne, l'influence italienne n'est pas à rejeter. Enfin, une importante innovation dans le système verbal des parlers istrorou-mains du sud ne peut être expliquée que par l'influence de la langue italienne. Le verbe istroroumain veri 'venir' a développé, sous l'influence italienne, deux significations nouvelles caractéristiques pour les dialectes italiens du nord. D'un côté, le verbe istroroumain veri a développé le sens 'devenir' (it. venire - 'diventare'): veri bogât 'devenir riche' ('s'enrichir'), veribetâr 'devenir vieux ('vieillir'). Ce calque est courant aussi dans le parler de Zeiân. De l'autre côté, si l'italien exprime normalement le passif à l'aide de l'auxiliaire essere et du participe (Tekavcic, 1972 (II), 318-320), c'est sur le modèle de l'italien du nord, où le passif est exprimé aussi à l'aide du verbe venire en tant que verbe auxiliare (Rohlfs, 1970, 129; Zingarelli, 2125), que l'istroroumain du sud a développé un moyen nouveau pour exprimer le passif à l'aide de l'auxiliaire veri: vaca virit-a ufisç 'la vache a été tuée', a côté du type vâcafôst-a ujisç (it. la vacca è stata uccisa). Il est cependant indispensable de mettre en évidence au moins deux restrictions à cette possibilité. En italien, ce type de passif est restreint aux 'temps simples' (Zingarelli, 2125), alors qu'en istroroumain la construction dont il est question ici peut être employée dans n'importe quel temps. Dans les parlers istroroumains du sud où elle apparaît, cette tournure n'est pas généralement employée et elle n'est même pas admise par tous les sujets parlants: 173 nous l'avons enregistrée dans la parole de quelques personnes ayant des connaissances actives de l'italien. Un contact linguistique intense et durable, et qui se réalisait dans des conditions favorables, a eu pour résultat un grand nombre d'emprunts lexicaux en istroroumain. Cette masse d'emprunts a provoqué d'importantes restructurations dans le système grammatical de la langue emprunteuse. Au cours de notre analyse, il a été relativement facile d'établir les correspondances entre les éléments istroroumains et les éléments italiens dont ils sont issus. Mais l'étude des voies par lesquelles les mots italiens ont pénétré en istroroumain se heurte à de nombreuses difficultés, surtout à cause du fait que beaucoup de chaînons indispensables pour retracer l'histoire des mots font défaut. Ce n'est qu'un atlas linguistique du domaine istrien, comme celui proposé par le professeur Tekavcic, qui pourrait suppléer ce manque. Notes Par opposition au dialecte vénitien, nous désignons par le terme italien (it.) aussi bien l'italien standard du type toscan ('italien littéraire et officiel') que la langue italienne en général. Valeur des signes particuliers dans notre notation phonétique. Voyelles: ç - voyelle palatale la plus ouverte (ae, a); â - voyelle vélaire la plus ouverte, labialisée. Semi-voyelles: i - semi-voyelle palatale (et fricative palatale sonore); u - semi-voyelle labio-vélaire. Consonnes: sifflantes: \ (=ts), çl (=dz), s, z; chuintantes: c (=ts), g (=dz), s, z; palatales: t" - occlusive palatale sourde; 1' - latérale palatale; ri - nasale palatale. BIBLIOGRAPHIE Boerio (1856): Giuseppe Boerio, Dizionario del dialetto veneziano, Seconda edizio- ne aumentata e corretta, Venezia; Flora, 1975: Radu Flora, Gli italianismi nell'istroromeno, Italica Belgradensia, I, Belgrado (pp. 45-59,4 cartes); Kovacec, 1968: August Kovacec, Observations sur les influences croates dans la grammaire istroroumaine, La Linguistique, 1968/1, Paris (pp. 79-115); Kovacec, 1971: A. Kovacec, Descrierea istroromânei actuale, Bucure§ti (230 p.); Kovacec, 1981: Les différences lexicales entre l'istroroumain du nord et l'istrorou-main du sud, Studia Romanica et Anglica Zagrabiensia (SRAZ), XXVI (1-2), Zagreb (pp. 57-83); Kovacec, 1984: A. Kovacec, Istroromâna, Tratat de dialectologie româneascâ, Craiova (pp. 550-591; avec une carte, p. 970); 174 Petroviči et Neiescou, 1965: Emil Petroviči et Petru Neiescou, Persistance des îlots linguistiques, Revue roumaine de linguistique, tome X, N° 4, Bucarest (pp. 351374); Pirona (1967): Giulio Andréa Pirona, Ercole Carletti, Giov. Batt. Corgnali, Il nuovo Pirona, Vocabolariofriulano, 2a edizione, Udine; Pugcariu, 1926: Sextil Pu§cariu, Studii istroromâne, în colaborare eu M. Bartoli, A. Belulovici §i A. Byhan, II, Introducere-Gramaticâ-Caracterizarea dialectului istroromân, Bucure§ti; Pu§cariu, 1929: S. Puçcariu, Studii istroromâne, III, Bibliografie criticâ-Listele lui Bartoli-Texte inedite-Note-Glosare, Bucure§ti: Rohlfs, 1970: Gerhard Rohlfs, Grammatica storica délia lingua italiana e dei suoi dialetti, Sintassi e formazione delle parole, Traduzione di T. Franceschi e M. 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Povzetek ITALIJANSKE LEKSIKALNE PRVINE V ISTROROMUNŠČINI Po kratki predstavitvi kulturnozgodovinskih in sociolingvističnih dejstev, ki se tičejo usode istroro-munščine, so navedeni italianizmi v istroromunščini, in sicer neposredne in posredne izposojenke iz različnih zvrsti italijanskega jezika. Samostalniki so razvrščeni po pomenskih poljih, druge izposojenke po besednih vrstah. Posebej se tehta vloga beneškega narečja in pa odnos hrvaškega in italijanskega jezika (hrvaščina je lahko tudi posrednik). V luči izposojanja iz italijanskega besedišča so predstavljene tudi razlike med severno in južno varianto istroromunščine. Članek se končuje z analizo posledic, ki jo je izposojanje leksikalnih prvin imelo v nekaterih delih istroromunskega slovničnega sestava. 175