F i l o z o A s k i t e s t n i k 2/1992 Zur Aktualität Kants L'actualité de Kant The Actuality of Kant SLOVENSKA AKADEMIJA ZNANOSTI IN UMETNOSTI ZNANSTVENORAZISKOVALNI CENTER S A Z U FILOZOFSKI INSTTTUT ISSN 0353-4510 Filozofski vestnik Letnik/Volume XIII, številka/Number 2/1992 UDK/UDC 3 Uredništvo/Editorial Board dr. Aleš Erjavec, Vojislav Likar, dr. Oto Luthar, dr. Tomaž Mastnak, Neda Pagon, dr. Rado Riha, dr. Jelica Šumič-Riha, mag. Alenka Zupančič Glavni urednik/Editor in Chief akad. dr. Boris Majer Urednik/Assistant Editor Vojislav Likar Naslov/A ddress Filozofski inštitut ZRC SAZU, Novi trg 5, 61000 Ljubljana, Slovenija Tel.: (38-61) 156-068 - Fax: (38-61) 155-253 Naročila/Orders Cankarjeva založba - Knjigarna, Kongresni trg 7, 61000 Ljubljana, Slovenija Računalniška priprava in oblikovanje besedil/DTP Zvezdana Bizjak-Pitamic Tisk/Printcd by Tiskarna Povše, Ljubljana Naklada/Circulation 900 Filozofski vestnik ima 2 številki letno Filozofski vestnik is published two times a year Filozofski vestnik sofinancirata Ministrstvo za znanost in tehnologijo in Ministrstvo za kulturo Republike Slovenije SLOVENSKA AKADEMIJA ZNANOSTI IN UMETNOSTI ZNANSTVENORAZISKOVALNI CENTER S A Z U FILOZOFSKI INŠTITUT >I1K\/es F l L O Z O X S K I TESTNIK 2/1992 LJUBLJANA Edited by Rado Riha Inhalt - Sommaire - Contents 7 André Berten, Kant et la question de la République universelle 31 Hanno Birken-Bertsch, The closure of experience - Kant, Goodman, and the aesthetic approach 43 Paul Crowther, Authentic moral commitment - Kant's phenomenology of respect 59 Manfred Frank, Die Kritik der Urteilskraft als Schlußstein des kantischen Systems 79 Zdravko Kobe, Das Problem des inneren Sinnes - Das Innnere, das Äußere, und die Apperzeption 97 Gorazd Korošec, Hobbes and the theory of social contract as the context for Kant's political philosophy 115 Tomaž Mastnak, Kant eirenikös: republicanism, commerce and the law of nations 135 Françoise Proust, L'Idée de Kant 151 Rado Riha, Kant in praktischer Absicht 171 Jelica Šumič-Riha, On the in-ex-sistence of the Critique of political reason 183 Ernst Vollrath, Handeln und Urteilen - Zur Problematik von Hannah Arendts Lektüre von Kants Kritik der Urteilskraft unter einer politischen Perspektive 205 Véronique Zanetti, La théorie kantienne du vivant 221 Alenka Zupančič, Num propter vitam vivendi perdere causas 233 Slavo j Žižek, Kant: the subject out of joint 250 Summaries/Zusammenfassungen/Résumés Kant et la question de la République universelle André Berten Kant est devenu une référence importante en philosophie politique. Le désenchantement à propos de la modernité et de ses grands projets de rationalisation, le rejet des philosophies de l'histoire aux prétentions totalisantes, l'exigence de retrouver les fondements d'une éthique politique et juridique: autant d'éléments qui nous renvoient à une conception de la raison comme raison limitée et procédurale. Ce retour à Kant est toutefois, à certains égards, paradoxal car il n'échappe à personne que la philosophie politique et juridique kantienne, reste profondément marquée par le clivage entre le théorique et le pratique dont témoignent les deux premières Critiques. Dans cet article, je voudrais montrer comment les limites conceptuelles de la philosophie kantienne se répercutent au niveau d'une impossiblité d'intégrer de façon cohérente une théorie des rapports entre Etats au sein de sa philosophie juridique et politique. Cet abord particulier n'est pas gratuit car les questions de Kant sont encore quelques unes de celles auxquelles la pensée politique contemporaine est confrontée. En particulier, la possibilité d'un ordre »postnational« est redevenue d'actualité en raison des mutations institutionnelles impliquées par la construction européenne et par les bouleversements liés à la resurgence des questions nationales dans les pays de l'Est et l'ex-URSS.1 Mais ce qui nous intéresse n'est pas essentiellement le fait que Kant ait manifesté une indécision significative quant aux formes institutionnelles que pourrait prendre une société internationale - Etat mondial, République universelle, ou au contraire Fédérations des nations sur le modèle d'une Organisation des Nations Unis. Ce qui nous concernera dans cet article ce sont les questions théoriques et conceptuelles qui sont à la source de l'ambivalence kantienne. Nous pensons, en effet, que la pensée politique et juridique contemporaine, de n'avoir pas opéré sa »révolution pragmatique«, se heurte encore fréquemment aux mêmes impasses et aux mêmes difficultés conceptuelles que celles rencontrées par Kant. Ce que le philosophe de Königsberg n'arrive pas à penser, c'est la nature paradoxale du jugement moral, juridique ou politique, c'est-à-dire le caractère en dernière instance 1. Sur ces questions on pourra consulter par exemple le recueil de communications publiées dans LENOBLE, Jacques & DEWANDRE, Nicole (sous la direction de), L'Europe au soir du siècle. Identité et démocratie, Paris, Editions Esprit, 1992, et particulièrementles interventions de J. Lenoble et de J . M. Ferry. 8 André Berten indécidable des déductions et argumentations qui concernent tant la justification des propositions normatives que l'application des normes aux cas particuliers.2 Si malgré tout on se réfère aujourd'hui encore à Kant, c'est, croyons-nous, parce qu'il a élaboré un instrument qui lui aurait permis, s'il en avait saisi toutes les implications, de surmonter quelques unes des contradictions que manifeste sa pensée pratique. Quand il élabore, systématiquement, dans le Critique de la Faculté de juger, le concept de »jugement réfléchissant«, il ouvre la possibilité d'une relecture de l'ensemble de la démarche critique, relecture qu'il n'a point faite, mais qui est largement exploitée dans le renouveau actuel des études kantiennes. Il est possible, en effet, à partir de la Critique de la faculté de juger, de réinterpréter de façon cohérente non seulement l'esthétique, ou les écrits sur l'histoire, mais aussi l'éthique, le droit et la politique et sans doute aussi la théorie de la science elle-même. Il faut reconnaître que cette utilisation de Kant pour repenser les problèmes éthiques ou politiques est le fait de courants philosophiques très différents, parfois opposés.3 Néanmoins, au-delà de ces divergences, on s'accorde à voir en Kant l'initiateur d'une critique de la métaphysique et d'une pensée de la finitude radicale de l'homme. Les linéaments de cette critique de la métaphysique ont une triple racine dans l'oeuvre kantienne. En premier lieu, la déconstruction, accomplie par la Dialectique transcendantale, des concepts métaphysiques de totalité et de fondement (concepts de monde, de Dieu, de sujet) assigne des bornes strictes aux prétentions de la raison théorique. Ensuite, I'architectonique elle-même des trois Critiques désigne une limitation fondamentale de l'usage de la raison dont il devient problématique de reconstituer l'unité au-delà des domaines théorique, pratique et esthétique. Enfin, il faut relever les conséquences que l'on peut tirer d'une extension possible du jugement réfléchissant à l'ensemble des opérations de la raison: le modèle du jugement réfléchissant semble en effet plus adéquat pour comprendre le jugement moral - et même le jugement théorique - que le jugement déterminant. Par ailleurs, il marque de façon plus radicale la finitude notre connaissance et de notre pouvoir d'agir. C'est cette troisième réflexion qui nous semble la plus féconde pour l'analyse contemporaine des questions pratiques en général, et en particulier, juridiques et politiques. Il peut être utile de rappler brièvement les deux caractéristiques du jugement réfléchissant. En premier lieu, il se distingue du jugement déterminant en ce 2 . Cfr. A. B E R T E N & J. LENOBLE, »Jugement juridique et jugement pratique: de Kant à la philosophie du langage«, in Revue de Métaphysique et de Morale, no. 3, 1990, pp. 339-365, et Dire la Norme Droit, politique et énonciation, Paris, LGDJ, 1990. 3 . Cfr. par exemple L. F E R R Y et A. RENAUT, Système et critique. Essais sur la critique de la raison dans la philosophie contemporaine, Bruxelles, Ousia, 1984 et P. RICOEUR, Du texte à faction, Paris, Seuil, 1986, d'une part; les derniers travaux de H. ARENDT, les recherches de J . F. L Y O T A R D , d'autre part, cfr. D. INGRAM, »The Postmodern Kantianism of Arendt and Lyotard« in Review of Metaphysics, 42, sept. 1988. Kant et la question de la République universelle 9 que l'universel ne lui est pas donné: »Le jugement en général est la faculté de penser le particulier comme compris sous l'universel. Si l'universel (la règle, le principe, la loi) est donné, le jugement qui subsume sous celui-ci le particulier (.. .) est déterminant. Si le particulier seul est donné et si le jugement doit lui trouver l'universel, il est seulement réfléchissantV L'accord entre le particulier et l'universel est alors contingent. Il correspond à une attente ou à une espérance. En second lieu, le jugement est dit réfléchissant parce qu'il est réflexif. Il ne peut emprunter son principe à l'expérience ou à quelque chose d'extérieur; il »ne peut donc que se donner à soi-même comme loi un tel principe transcendantal, sans pouvoir le tirer d'ailleurs (car il serait alors déterminant)«.5 Ainsi, le jugement réfléchissant est un jugement second qui ne porte pas directement sur un objet, mais sur le rappport que nous avons à l'objet. Ne recevant pas son principe de l'expérience et ne portant pas sur les objets, il n'a pas de portée ontologique; il n'a donc pas d'usage déterminant, mais seulement un usage régulateur. Et comme le montre bien l'Appendice à la Dialectique transcendantale de la Critique de la raison pure, l'usage de la Raison en tant que telle ne peut être que »réfléchissant«: »La raison ne se rapporte jamais directement à un objet, mais simplement à l'entendement et, par le moyen de celui-ci, à son propre usage empirique«.6 Les Idées de la raison n'ont en effet pas d'usage constitutif ou déterminant, mais »en revanche, elles ont un usage régulateur excellent et indispensablement nécessaire: celui de diriger l'entendement vers un certain but qui fait converger les lignes de directions que suivent toutes ses règles en un point qui, pour n'être, il est vrai, qu'une Idée (focus imaginarius), c'est-à-dire un point d'où les concepts de l'entendement ne partent pas réellement - puisqu'il est entièrement placé hors des bornes de l'expérience possible, - sert cependant à leur procurer la plus grande unité avec la plus grande extension«.7 Ce cadre général, où l'usage de la raison est pensé comme réfléchissant, est celui au sein duquel peut prendre sens une théorie du jugement. Si la théorie kantienne du jugement reste malgré tout problématique, c'est essentiellement en raison du fait que toute domaine pratique, le domaine de la morale, lui échappe. Car le domaine des principes qui ont un usage constitutif n'est pas, selon Kant, limité à l'entendement. Si du point de vue théorique, »aucune autre faculté de connaître, si ce n'est l'entendement, ne peut donner des principes constitutifs a priori de la connaissance«,8 il n'en est toutefois pas de même du point de vue pratique et Kant rappelle que si la »raison (.. .) ne 4 . Kritik der Urteilskraft, Ak., t. V„ Intr., IV, p. 178, tr. fr. Gibelin, Critique du jugement, Paris, Vrin, 1960, p. 20 (dans la suite, cité KU). 5 . O. c , p. 178, tr. p. 20. 6 . Kritik der reinen Vernunft, Ak., t. II, tr. fr. Trémesaygues et Pacaud, Critique de la raison pure, Paris, PUF, 1963, p. 453 (dans la suite cité KRV). 7. O. c., p. 453-454. 8 . KU, Ak., V, Préface; tr. p. 2. 10 André Berten contient nulle part de principes constitutifs a priori«, il y a malgré tout une exception, car »par rapport à la seule faculté de désirer« dont le domaine a été fixé »dans la critique de la raison pratique«,9 la raison contient des principes constitutifs. Ainsi, il apparaît bien que le jugement moral, à l'instar du jugement qui subsume un objet sous les catégories de l'entendement, s'impose a priori. Une telle affirmation signifie que, dans la Critique de la raison pratique, Kant reste préoccupé par la nécessité de fonder absolument et formellement l'impératif catégorique et projette la possibilité d'une application, par déduction, de l'impératif aux cas concrets, ce qui serait la tâche même d'une métaphysique des moeurs. La raison pratique semble dès lors, puisqu'elle contient des principes constitutifs a priori, réfractaire à une analyse en termes de jugement réfléchissant. Comme l'a rappelé Ricoeur, il y a une forte tendance chez Kant à construire le modèle de la raison pratique sur le modèle de la raison pure, à savoir »comme une séparation méthodique de Va priori et de l'empirique. L'idée même d'une Analytique de la raison pratique qui répondrait trait pour trait à celle de la raison pure me paraît méconnaître, écrit-il, la spécificité du domaine de l'agir humain, lequel ne supporte pas le démantèlement auquel condamne la méthode transcendantale, mais tout au contraire requiert un sens aigu des transitions et des médiations«.10 Ce sens des médiations serait en effet mieux préservé si l'on pouvait transposer à l'application de la règle morale la méthode du jugement réfléchissant plutôt que celle du jugement déterminant. Car dans le cas d'un jugement déterminant, l'éthique serait une »science appliquée à la pratique«," ce qui engagerait dans toutes les impasses du dogmatisme idéologique. Certes, la distinction introduite par Kant entre »connaître« et »penser« empêche que cette assimilation puisse être poussée jusqu'au bout. Mais la mise en garde est seulement négative et, finalement, peu d'instruments nous sont donnés pour comprendre comment la règle d'universalisation pourrait n'être »qu'un critère de contrôle permettant à un agent de mettre à l'épreuve sa bonne foi, lorsqu'il prétend 'être objectif' dans les maximes de son action«." Du jugement politique La difficulté de penser un ordre postnational est liée à une difficulté théorique et à la manière dont on conçoit le jugement. Nous pouvons suivre, en effet, chez Kant, les péripéties d'une pensée politique qui se cherche et qui semble écartelée entre l'exigence morale absolue et la nécessité de ne pas verser dans une utopie irréaliste et donc de rendre compte de la signification des événements politiques de son temps. Dans la manière dont Kant tente de 9 . Ib. 10. P. RICOEUR, Du texte à faction, Paris, Seuil, 1986, p. 249. 11. Ib. 12 . Ib. Kant et la question de la République universelle 11 penser les relations internationales, il y a une tension entre d'une part la logique d'une déduction rationnelle qui le fait pencher vers l'idée d'une république universelle, et d'autre part des arguments liés à des considérations pragmatiques et contingentes qui l'inclinent à se contenter d'une Fédération d'Etats libres. Kant est tenté de »déduire« les formes particulières du droit et de l'Etat à partir de principes universalistes de la morale, mais il échoue à subsumer les règles d'action politique sous un impératif catégorique. C'est pourquoi, il recourt au jugement réfléchissant de façon à ordonner le divers chaotique sous une unité qui ferait sens. Mais môme du point de vue du jugement réfléchissant resurgit la même ambivalence entre une interprétation téléologique unitaire et un jugement pragmatique de type »second best«. De l'idée d'unité Il faut d'abord souligner la prégnance, dans toute la pensée de Kant, de l'idée d'unité. Nous savons combien le partage entre une raison théorique et une raison pratique a fait problème dans l'architectonique kantienne et comment la Critique de la faculté de juger a constitué une tentative de »jeter un pont« entre les deux premières Critiques.13 Cette idée d'une unité de la raison s'enracine dans celle d'une unité de l'espèce humaine et se prolonge, de façon tout à fait cohérente, dans l'idée d'une unification juridique et politique de toute l'humanité. Néanmoins, l'idée d'unité n'est qu'une idée et une idée que l'on pourrait dire »contrariée«. La pensée politique kantienne témoigne de façon très claire de l'impossibilité de penser jusqu'au bout - c'est-à-dire jusque dans ses dernières conséquences juridiques et politiques à - cette »exigence« d'unité. Dès 1770, et de façon continue dans la suite, Kant n'a cessé de rassembler les éléments qui lui permettront d'élaborer l'idée d'une unité de l'humanité, d'une communauté humaine universelle. Ces éléments sont en quelque sorte les préliminaires d'une réflexion sur une constitution politique elle aussi universelle. La Critique de la raison pure propose l'idée de »monde intelligible«, simple idée certes, mais »une idée pratique qui peut et doit réellement avoir de l'influence sur le monde sensible, afin de le rendre, autant que possible, conforme à cette idée. L'idée d'un monde moral a donc une réalité objective«.14 Les Fondements de la métaphysique des moeurs introduisent le 13. »Si donc un abîme immense se trouve établi entre le domaine du concept de la nature, le sensible et celui du concept de liberté, le suprasensible, et si du premier au second, un passage est imposible (au moyen de l'usage théorique de la raison), comme entre des mondes différents dont le premier ne peut avoir sur le second aucune influence, néanmoins, celui-ci doit avoir une influence, le concept de liberté doit réaliser dans le monde sensible la fin imposée par ses lois et la nature pouvoir être ainsi conçue que la légitimité de sa forme s'accorde tout au moins avec la possibilité des fins à réaliser en elle suivant les lois de liberté.« (KU, Introd., II, Ak, t. V, p. 175-176, tr. p. 17). 14. KRV, Ak, II, 525, tr. 545. 12 André Berten concept bien connu de »régne des fins«. On n'a pas assez remarqué combien ce concept était aussi le modèle d'un »régne du droit«: comme le droit, le régne des fins donne à nos actions une limite restrictive: »ce principe, d'après lequel l'humanité et toute nature raisonnable en général sont considérées comme fin en soi« est aussi la »condition suprême qui limite le liberté des actions de tout homme«.15 Enfin, la Religion dans les limites de la simple raison construit un concept encore plus proche du concept juridique de société, celui de »communauté éthique«, dont il est dit qu'elle doit s'élaborer peu à peu à l'intérieur du monde sensible, de la communauté juridique16. Ces préliminaires à une réflexion spécifiquement juridique et politique ne sont pas insignifiants. Ils indiquent en effet combien les questions qui concernent l'unité de la société humaine étaient présentes à divers moments dans la pensée kantienne et dans des contextes théoriques différents. Néanmoins, la mise en oeuvre de cette »idée« d'unité restera malaisée. Kant ne cesse de penser à une »déduction« possible des principes du droit à partir de ceux de la morale, et des principes de l'organisation politique à partir des exigences juridiques. Cette démonstration n'est cependant jamais accomplie, sinon de façon indirecte. On pourrait dire, en effet, que Kant avance un grand nombre d'arguments en faveur de la possiblité de cette déduction, afin de la rendre plausible, sans jamais arriver à en proposer une démonstration »more geometrico«. De la morale au droit Une déduction du droit à partir de la morale est a priori problématique, sinon illégitime. La morale concerne en effet nos actions mais seulement en tant que le mobile intérieur de l'action est identique à la loi morale elle-même. De ce point de vue, la contrainte externe propre au droit risque seulement d'engendrer l'hypocrisie. Le droit quant à lui ne s'occupe que de la conformité externe aux normes et aux règles et non de la rectitude de l'intention. S'il y a donc »passage« de la morale au droit, ce ne peut être qu'indirectement. Voyons donc les objections et les arguments de Kant. La première difficulté concerne le rapport entre liberté morale et liberté juridique. On a souvent cité ces dernières années - principalement sous l'influence des morales communicationnelles - l'argument développé dans Qu'est-ce que s'orienter dans la pensée? (1786) où Kant écrit: »On dit, il est vrai que la liberté de parler ou d'écrire peut nous être ôtée par une puissance supérieure, mais non la liberté de penser. Mais penserions-nous beaucoup et penserions-nous bien, si nous ne pensions pas pour ainsi dire en commun avec d'autres, qui nous font part de leurs pensées et auxquels nous communiquons 15 . Grundlegung zur Metaphysik der Sitten, Ak., IV, p. 430-431, tr. V. Delbos, Fondements de la métaphysique des moeurs, Paris, 1964, p. 153 (dans la suite cité GMS). 16. Cfr. Die Religion innerhalb der Grenzen der Blossen Vernunft, Ak., VI, tr. Gibelin, La religion dans les limites de la simple raions, Paris, Vrin, 1952. Kant et la question de la République universelle 13 les nôtres? Aussi bien, l'on peut dire que cette puissance extérieure qui enlève aux hommes la liberté de communiquer publiquement leurs pensées, leur ôte également la liberté de penser«17. Cet argument n'établit bien sûr qu'un lien indirect entre morale et droit, car la liberté de pensée, qui peut être garantie par la constitution, n'est pas l'autonomie morale. Il est vrai, néanmoins, que dans une morale aussi explicitement cognitive et rationnelle que celle de Kant, on peut affirmer que, sans un minimum de conditions externes, l'exercice des vertus morales risque bien de n'être qu'illusion. Ce qui est en question ici, c'est bien sûr »l'ancrage motivationnel« des principes et normes morales. Mais il s'agit plus que d'ancrage motivationnel. Il s'agit de la question de l'intersubjectivité et du rapport des libertés. Les principes de la morale concernent les actions libres et imposent à ces actions la forme de l'universalité. Ainsi, une maxime ou une loi qui ne pourraient pas être universalisables ne pourraient pas non plus être considérée comme morale. Mais devons-nous trouver une loi pour nos actions »extérieures«? Si l'on considère simplement l'aspect empirique de l'extériorisation des actions libres, certainement pas. Mais si l'on considère le domaine des relations de notre liberté avec celle d'autrui, il semble bien qu'il faille trouver une règle pour l'aspect phénoménal de cette liberté puisque la liberté d'autrui en tant que telle est insaisissable et donc les relations entre libertés seraient, d'un point de vue moral, indécidables. Si je dois agir en respectant la liberté d'autrui, il faut que je puisse la »saisir« en quelque sorte. Kant montre que cette articulation phénoménale de ma liberté avec la liberté d'autrui peut être pensée à partir de la formule de l'impératif pratique: »Agis de telle sorte que tu traites l'humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement comme un moyen«18. Cet impératif nous impose de favoriser les fins d'autrui, même des fins non morales comme le bonheur. Kant estime en effet que l'humanité pourrait subsister si personne ne contribuait au bonheur d'autrui - tout en s'abstenant d'y porter atteinte: »mais cela ne serait là cependant qu'un accord négatif, non positif, avec l'humanité comme fin en soi, si chacun ne tâchait pas aussi de favoriser, autant qu'il est en lui, les fins des autres. Car le sujet étant une fin en soi, il faut que ses fins, pour que cette représentation produise chez moi tout son effet, soient aussi, autant que possible, mes fins«19. Remarquons que Kant ne déduira pas le droit de ce principe et se refusera toujours à envisager le bonheur comme le but du droit ou de la politique. Cela 17. »Was heiszt sich in Denken orientieren?«, Ak, t. VIII, p. 145, tr. fr. A. Philonenko, Qu'est-ce que s'orienter dans la pensée? Paris, Vrin, 1959, p. 86. 18 . GMS, Ak., IV, p. 429, tr. p. 150. 19. O. c., p. 430, tr. p. 153. 14 André Berten se comprend si l'on prend garde au fait que le droit doit, comme la morale, se fonder sur une loi universelle. Le contenu du bonheur ne peut être déterminé universellement. Si je puis et je dois m'efforcer de favoriser le bonheur d'autrui, c'est parce que je puis, selon une maxime, accepter de favoriser les fins qu'autrui se donne subjectivement. Mais je ne détermine pas ainsi les fins qu'autrui doit poursuivre pour atteindre le bonheur selon une loi universelle. La Doctrine de la vertu20 énonce parmi les buts qui sont en même temps des devoirs, la perfection personnelle (die eigene Volkommenheit) et le bonheur d'autrui (die fremde Glückseligkeit). Le bonheur personnel n'est pas un devoir mais une inclination naturelle; la perfection d'autrui, la poursuite de la moralité, n'est pas un devoir car nous ne pouvons pas nous substituer à autrui dans la recherche de la moralité21. Cette obligation morale de nous préoccuper des fins qu'autrui se donne induit une articulation entre morale et droit. Si je dois pouvoir favoriser les fins subjectives d'autrui, l'organisation externe - et donc juridique - des libertés doit rendre au moins possible cette action réciproque. Le droit ne peut donc pas être ici en contradiction avec l'exigence morale. Par exemple, si la liberté de pensée n'était pas aussi une liberté d'expression, je pourrais ne pas arriver à savoir quelles fins autrui se donne et je serais empêché d'accomplir mon devoir. Mais de plus, l'obligation de considérer autrui comme fin en soi ne me fait pas seulement un devoir de favoriser ses fins, mais est aussi une limite à ma liberté. C'est à partir du concept d'humanité comme fin en soi qu'apparaît une nouvelle articulation entre droit et morale. Car »ce principe, d'après lequel l'humanité et toute nature raisonnable en général sont considérées comme fin en soi« est aussi la »condition suprême qui limite la liberté des actions de tout homme«22. Ou encore: »l'humanité est représentée, non comme une fin des hommes (subjective), c'est-à-dire comme un objet dont on se fait une fin de son propre gré, mais comme une fin objective, qui doit, quelles que soient les fins que nous nous proposions, constituer en qualité de loi la condition suprême restrictive de toutes les fins subjectives«23. Or le droit n'est autre chose que la limitation de la liberté de chacun en raison de la liberté de tous les autres suivant une loi universelle. Le droit, dans sa fonction purement 2 0 . Metaphysische Anfangsgründe der Tugendlehre, Ak., VI, p. 385-8. 2 1 . Cfr. aussi: »La liberté (de chaque membre de la communauté) comme homme, j'en exprime le principe par la constitution d'une communauté dans la forme suivante: 'nul ne peut me contraindre à être heureux d'une certaine manière (...) mais chacun doit pouvoir chercher son bonheur par le chemin qui lui semble bon pourvu qu'il ne porte pas atteinte à la liberté qu'on les autres de tendre également à leurs propres fins.« (»Ueber die Gemeinspruch: Das mag in der Theorie richtig sein taugt aber nicht für die Praxis«, Ak., VIII, p. 290, tr. fr. Barni, »Sur le lieu commun: cela peut être vrai en théorie, mais ne vaut rien dans la pratique«, Paris, 1853, p. 355-356) 2 2 . GMS. Ak. IV, p. 430-431, tr. p. 153. 2 3 . O. c., p. 431, tr. p. 153. Kant et la question de la République universelle 15 négative, peut donc être déduit comme une condition de possibilité de la morale - pour autant que l'on passe de l'être raisonnable comme fin en soi à l'humanité comme fin en soi, ce qui ne se fait sans problème. Comme l'a bien montré Ricoeur, il y a chez Kant une tension entre le terme d'humanité et celui de personne, tension que nous retrouverons quand nous nous demanderons si les Etats peuvent être considérés comme des »personnes morales«. »L'idée d'humanité, en tant que terme singulier, est introduite dans le prolongement de l'universalité abstraite qui régit le principe d'autonomie, sans acception des personnes; en revanche, l'idée des personnes comme fins en elles-mêmes demande que soit prise en compte la pluralité des personnes, sans toutefois que l'on puisse conduire cette idée jusqu'à celle d'altérité«24. Derrière cette tension, ce qui se profile, c'est la tension entre une conception holistique du politique et de la société en général et la conception libérale assignant à l'Etat une fonction subsidiaire, n'ayant d'autre rôle que de protéger la liberté de tous et de chacun. Or Kant, dans sa visée d'unité, est sensible à l'humanité en tant que telle, à l'espèce humaine, à la société universelle tout autant qu'à la personne individuelle. Le passage sinueux de la morale au droit, puis à la politique, suit les hésitations impliquées par cette double reconnaissance du sujet moral ou sujet de droit. En tous cas, cette ambiguïté rend fragile tout essai de déduction du droit à partir de la morale. Mais l'on peut au moins affirmer que si le droit ne peut pas être »déduit« directement de la morale, il est néanmoins possible de juger de la compatibilité du droit et de morale: seul un droit donnant pour nos actions extérieures une règle universelle est compatible avec la morale. Mais c'est aussi la définition du droit rationnel. Ainsi, seul le droit peut être la loi de nos actions extérieures telle que la morale pourrait la prescrire, si elle prescrivait, en effet, une loi pour les actions empiriques. Le droit moderne, tel que l'ont pensé les libéraux, est donc la condtion de possiblité d'un progrès de l'humanité vers des comportements conformes à la morale. La Doctrine du droit reprend une définition que la Critique de la raison pure avait déjà élaborée: »Le droit est l'ensemble des conditions auxquelles l'arbitre de l'un peut être uni à l'arbitre de l'autre selon une loi universelles de liberté«25. On pouvait lire dans la première Critique: »Une constitution ayant pour but la plus grande liberté humaine fondée sur des lois qui permettraient à la liberté de chacun de subsister en môme temps que la liberté de tous les autres (je ne parle pas du plus grand bonheur possible, car il en découlerait de lui-même), c'est là au moins une idée nécessaire qui doit servir non seulement aux grandes lignes d'une constitution civile, mais encore à toutes les lois, et où il faut faire abstraction dès le début, des obstacles actuels, lesquels résultent peut-être 2 4 . P. RICOEUR, Soi-même comme un autre, Paris, Seuil, 1991, p. 258-259. 2 5 . Metaphysische Anfangsgriinde der Rechtslehre, Ak. VI, p. 230, tr. fr. Barni, Eléments métaphysiques de la doctrine du droit, Paris, 1853, p. 10. (dans la suite cité R L ) 16 André Berten moins inévitablement de la nature humaine que du mépris que l'on a fait des vrais idées en matière de législation«". Il est à remarquer que cette définition du droit est la seule que puisse adopter comme maxime une volonté morale qui veuille s'orienter dans le monde des relations avec autrui, et qui veuille en même temps que sa maxime soit une loi universelle. L'idée de déduction n'est toutefois pas totalement abandonnée. Elle reparaît dans la question de l'application. Kant le formule très clairement: »tout comme, dans une métaphysique de la nature, il doit y avoir des règles qui appliquent aux objets de l'expérience les principes premiers et universels de la nature en général, de même la métaphysique des moeurs ne peut se passer de règles de ce genre, et nous devrons souvent prendre pour objet la nature particulière de l'homme, que nous ne connaissons que par l'expérience, afin d'y montrer les conséquences des principes universels de la morale, sans rien leur ôter pour cela de leur pureté, et sans ébranler le moins du monde leur origine a priori. - En d'autres termes, on ne peut fonder la métaphysique des moeurs sur l'anthropologie, mais on peut l'y appliquer«27. Une telle affirmation montre très bien comment est faite une distinction stricte entre application et justifitation. A tel point que Kant soutient qu'il faut écarter d'avance de la doctrine du droit tout droit positif. Le travail des juristes qui cherchent le quid sit juris dans des circonstances spatio-temporelles particulières n'implique pas une réflexion sur la »justum et injusfuni«1". La Doctrine du droit ne s'occupe donc que du droit naturel qui est le droit rationnel. Et les seuls problèmes qui l'intéressent sont ceux d'application de ce droit universel à la »nature« anthropologique... Mais si l'on se rendait compte ici du caractère réfléchissant du jugement juridique, c'est-à-dire du jugement d'application du droit qu'opèrent les juristes, il deviendrait évident que la question du juste et de l'injuste ne pourrait pas du tout être mise entre parenthèses par les juges. D'ailleurs, Kant développe une idée de droit inné qui correspond à une sorte de »principe unique«, droit de la raison, droit à la liberté: »Ce droit unique, originaire, que chacun posède par cela seul qu'il est homme, c'est la liberté (l'indépendance de toute contrainte imposée par la volonté d'autrui), en tant qu'elle peut s'accorder suivant une loi générale avec la liberté de chacun«29. - C'est aussi le droit de pouvoir accomplir son devoir. Le principe est donc le principe même qui rend l'exercice de la morale possible. Mais ce principe interfère avec l'exercice du jugement juridique. On peut en effet s'y référer comme à un principe justificatif suprême: »on a voulu que si une contestation s'engage sur un droit acquis et qu'on soulève la question de savoir sur qui 2 6 . KRV, Ak. III, p. 247-248, tr. p. 264. 2 7 . RL, Ak. VI, p. 216-217, tr. p. 22-23. 2 8 . Cfr. RL, Ak. VI, p. 230, 237, tr. p. 42, 54. 2 9 . O. c., p. 237, tr. p. 55. Kant et la question de la République universelle 17 retombe la charge de faire la preuve (onus probandi), soit d'un fait douteux, soit, si le fait est avéré, d'un droit douteux, on a voulu, dis-je, que celui qui décline cette obligation puisse en appeler méthodiquement et comme à divers titre à son droit inné à la liberté (lequel se spécifie suivant ses diverses relations)«30. Il en résulte clairement que l'application, si, de facto, elle peut souvent s'accomplir »comme si« il s'agissait d'une pure déduction est, du jure, toujours déjà soutenue - et fragilisée - par la possibilité d'un appel aux principes. L'Etat mondial Les ambiguïtés qui marquent les rapports entre morale et droit, nous les retrouverons dans les arguments par lesquels Kant s'efforce de déduire, à partir de la morale et du droit, une constitution politique pour l'humanité dans son ensemble. Kant utilise de façon récurrente une comparaison entre individu et Etat, schème général de démonstration en lui-même problématique, et qui se présente de la façon suivante: la même obligation qui contraint les individus, à rentrer dans l'état civil et à se constituer en Etat, contraint également les Etats de sortir de l'état de nature international, à rentrer dans une constitution civile et à former un Etat mondial. Kant propose à plusieurs reprise ce schème analogique qui devrait permettre de penser une solution aux conflits internationaux. »Si l'on ne peut voir sans un profond mépris les sauvages, dans leur amour d'une indépendance sans règle, préférer se battre sans cesse, plutôt que se soumettre à une contrainte légale instituée par eux-mêmes, et préférer ainsi une liberté folle à une liberté raisonnable (...), dès lors ne devrions-nous pas penser que les peuples civilisés (dont chacun forme un Etat distinct) devraient se hâter de sortir au plus tôt d'un état si abject?«31 Ou encore: »Les peuples, en tant qu'Etats, sont comparables aux individus; dans l'état de nature (c'est-à-dire dans l'indépendance de toute loi extérieure) leur seul voisinage leur porte déjà préjudice et chacun d'eux, pour garantir sa sûreté, peut et doit exiger de l'autre qu'il rentre avec lui dans une constitution analogue à la constitution civile, où l'on puisse garantir à chacun son droit«32. Il ne s'agit évidemment pas d'une »déduction« au sens strict, car on ne peut pas considérer l'Etat comme une »personne« morale: ce qui est en jeu, du point de vue moral, ce sont toujours les individus. Et donc on ne peut pas »déduire« - même au niveau de l'impératif moral - directement de l'obligation pour l'individu de sortir de l'état de nature une obligation correpondante pour l'Etat de sortir de l'état de nature international. L'impératif ne s'adresse jamais qu'aux individus. Mais à nouveau, on peut opérer une déduction indirecte: les individus doivent (moralement) vouloir une situation qui soit compatible avec 3 0 . O. c., p. 238, tr. p. 56. 31 . Zum ewigen Frieden, ein philosophischer Entwurt', Ak., t. VIII, p. 354, ir. fr. J . Darbellay, Vers Ia paix perpétuelle, Essai philosophique, Paris, P. U. F., 1958, p. 99 (dans la suite cité EF). 32 . O. c., p. 354, tr. p. 99. 18 André Berten le respect du droit de toutes les personnes. Et donc ils doivent vouloir que la situation de guerre entre Etats - qui est liée analytiquement à la situation d'état de nature - cesse. C'est pourquoi on peut trouver des formulations purement normatives comme: »la raison moralement pratique nous adresse ce veto irrésistible: il ne doit pas y avoir de guerre, ni entre toi et moi dans l'état de nature, ni entre nous comme Etats constitués légalement à l'intérieur, mais affranchis de toute loi à l'extérieur (dans leurs rapports réciproques); - car ce n'est pas de cette façon que chacun doit chercher son droit«33. Les textes kantiens sont nombreux qui utilisent ce schème analogique pour tenter de montrer qu'idéalement, conformément au droit rationnel, il faudrait un Etat universel, une République unique. Le droit public, écrit-il, est considéré comme »un système de lois pour un peuple, c'est-à-dire une multitude d'hommes, ou pour une multitude de peuples, qui, constitués de manière à exercer les uns sur les autres une influence mutuelle ont besoin d'un état juridique qui les réunisse sous une volonté unique, c'est-à-dire d'une constitution, afin de participer au droit«34. S'il s'agit d'une constitution, il s'agit bien de lois publiques »investies de puissance, auxquelles chaque Etat devrait se soumettre (un droit qui serait pour les Etats analogue à ce qu'est le droit civil pour les individus)«35. Il ne fait aucun doute que Kant, suivant la pente de sa réflexion morale et fasciné par l'idée d'unité, pense ici à un Super-Etat, un Etat supra-national, et que la représentation qu'il s'en donne - pour vague qu'elle soit - va bien au-dela d'une simple confédération ou d'une »Organisation des Nations Unies«. Les termes utilisés sont ceux de »Etat des nations [Völkerstaat] (civitas gentium)« ou de Weltrepublik36. Kant envisage une union générale des Etats (Staatsverein) »croissant sans cesse librement, qui s'établirait à la fin à tous les peuples de la terre«37. Et il oppose ces termes à ceux qui expriment simplement une fédération entre Etats libres (comme: Völkerbund, Friedensbund, föderative Vereinigung). Certes, la pensée kantienne n'est pas tout à fait cohérente de ce point de vue. Car s'il est vrai que l'obligation d'arriver à un Etat mondial est »morale« - rendue nécessaire pour protéger la liberté de tous et de chacun - , rien n'oblige à penser que dans cette République universelle les Etats nationaux devront continuer à exister en tant que tels, même avec une liberté restreinte. Mais le parallélisme entre individu et Etat fait que la manière dont Kant pense l'Etat mondial n'est pas toujours celle d'un Etat unitaire abolissant les différences inter-nationales. Quand il parle d'un Etat des nations (civitas gentium), il 3 3 . RL, Ak. VI, p. 354, tr. p. 234-235. 3 4 . O.e., p. 311, tr. p. 165. 3 5 . »Lieber die Gemeinspruch...«, o. c., Ak., VIII, p. 312, tr. p. 379-380; cfr. aussi RL, p. 350, tr. p. 227. 36 . EF, Ak., VIII, p. 357, tr. p. 105. 37 . O. c., p. 357, tr. p. 105. Kant et la question de la République universelle 19 pense à un Super-Etat dont les Etats eux-mêmes doivent être considérés comme les citoyens: c'est donc un Etat des Etats. Et de même que la liberté individuelle devenait dans l'état civil une liberté civile plus réelle que la première, de même l'Etat est conservé dans l'Etat mondial. Mais son existence est soumise à une contrainte qui limite sa liberté d'action en fonction de celle de tous les autres Etats38. Il n'est donc pas du tout évident de concilier dans la pensée de Kant l'idée d'un Etat unitaire doté d'une autorité publique de contrainte et la souveraineté résiduelle des Etats membres. Kant n'est en effet pas très disert sur la forme de cette Constitution cosmopolitique; si l'on suit le parallèle, il s'agit bien de se soumettre à une »contrainte publique«, mais nous savons peu de choses sur le rôle que continueraient à jouer les Etats dans cet Etat des nations. Kant l'envisage plutôt comme un possibilité de protection des individus, et non des Etats comme »sujets«: les Etats se soumettent à la contrainte, mais c'est en vue de la liberté et de l'égalité des citoyens. Cette imprécision nous renvoie à l'indécision fondamentale en ce qui concerne l'usage du jugement réfléchissant dans le domaine pratique. Il est clair que le jugement réfléchissant n'établit pas de corrélation stricte entre la loi morale et les données empiriques. Mais la visée d'unité de la raison conduit Kant à chercher d'autres rapports. Il s'agit plutôt d'un rapport symbolique, qui peut être pensé sur le mode du rapport entre le beau et le bien. La forme de la communauté juridique symbolise et appelle un contenu moral - de même que »le beau est le symbole du bien moral«39. En montrant à l'homme comment l'imagination peut librement s'accorder avec l'entendement, la beauté lui rappelle que la volonté peut, elle aussi, s'accorder avec la loi pratique de la raison. De plus, l'universalité du jugement esthétique symbolise l'universalité pratique de la loi. Mais, plus qu'un symbole, la beauté conduit vers la moralité: il y a dans le goût une sorte de »culture de la discipline« qui achemine vers la moralité, c'est une oeuvre de la nature qui force l'homme à se détacher peu à peu de ses mauvais penchants: »Le goût rend possible en quelque sorte une transition de l'attrait sensible à l'intérêt moral habituel, sans qu'il y ait un saut trop brusque, en représentant l'imagination même en liberté comme déterminable selon les fins de l'entendement et en enseignant à trouver dans les objets des sens, même sans attrait sensible, une libre satisfaction«40. L'art ainsi nous enseigne à bien user des biens de ce monde et nous prépare donc à la moralité en ne rendant pas trop difficile le détachement impliqué par le devoir. 38 . Il est intéressant de noter que la complexité de cette organisation internationale apparaît dans la distinction (pas toujours très précise) entre droit des gens et droit cosmopolitique: dans le premier les citoyens sont reliés à l'autorité mondiale par l'intermédiaire des Etats particuliers, qui sont les citoyens de l'Etat mondial. Dans le droit cosmopolitique, les individus sont considérés eux-mêmes comme citoyens de l'univers, et donc comme ayant un droit d'hospitalité sur toute la terre. 39 . KU, Ak., V, § 59, p. 353, t. p. 166. 40 . O. c., p. 354, tr. p. 167. 20 André Berten De la même façon, la loi juridique universelle symbolise et appelle la loi morale universelle: le comportement extérieur de conformité à la loi est un adjuvant du comportement intérieur de l'agir par devoir. Seule une loi véritablement universelle, c'est-à-dire semblable pour tous, peut véritablement symboliser l'universalité de la loi morale. Une seule constitution, un seul Etat. Mais la loi juridique prépare et facilite aussi l'accomplissement du devoir moral. Parce que la loi est justement l'expression la plus puissante de la discipline des penchants, de la culture en tant que celle-ci doit dresser l'homme. Le droit ne donne pas seulement un »air de moralité« à la conduite, »mais encore, du fait qu'une barrière est opposée à l'effervescence des penchants contraire à la loi, le développement des dispositions morales qui portent à respecter immédiatement le droit devient beaucoup plus facile«41. Du jugement moral au jugement téléologique La prétention à déterminer la forme idéale de la république est jusqu'ici purement morale. »La question n'est donc pas de savoir si la paix perpétuelle est une chose réelle ou non, et si nous ne nous trompons pas dans notre jugement théorétique quand nous supposons le premier cas; mais nous devons agir comme si la chose qui, peut-être, ne sera pas, était exécutable, et, en vue de ce but, établir la constitution (peut-être le républicanisme de tous les Etats ensemble et en particulier) qui nous semble la plus propre à y conduire et à mettre fin à ces guerres impies«42. Puisque la morale est indépendante, quant à sa valeur, de toute expérience sensible, que la raison pratique ne peut se référer à la raison spéculative pour connaître son objet, le but qui est désigné par l'impératif ne serait en rien différent s'il était irréalisable. Si ni la raison théorique ni la raison pratique ne permettent de prédire ce qu'il en sera de l'avenir politique et juridique de l'humanité, il n'est malgré tout pas inintéressant de se demander dans quelle mesure il y a des chances que cet avenir coforme à la moralité se réalise. Or, pour cela, Kant a un autre instrument intellectuel: il s'agit du jugement téléologique ou jugement réfléchissant. Son importance est essentielle, car si le but que nous propose la morale était démontrablement irréalisable, cela mettrait un sur doute la loi morale elle-même. Dans l'article Sur le lieu commun..., répondant à Mendelssohn qui niait qu'on puisse parler d'un progrès moral de l'humanité, Kant non seulement fait appel à la manière dont le jugement téléologique peut s'appuyer sur l'idée d'un progrès de la culture, mais il affirme la nécessité du progrès moral de l'humanité: »J'admettrai donc, écrit-il, que, comme l'espèce humaine est continuellement en progrès quant à la culture, qui est la fin naturelle de l'humanité, elle doit aussi être en progrès vers le bien quant à la fin morale de son existence, et que, si ce progrès peut être parfois interrompu, il ne peut être jamais entièrement rompu. J e n'ai pas besoin de prouver cette 4 1 . EF, Ak. VIII, p. 375-376, tr. p. 145. 42 . RL, Ak, VI, p. 354, tr. p. 235. Kant et la question de la République universelle 21 supposition; c'est à l'adversaire à faire la preuve. Je m'appuie, en effet, sur un devoir inné en moi, comme en chaque membre de la série des générations (...), sur le devoir de rendre la postérité meilleure«''3. Négativement, Kant estime que dans le cas contraire - si l'humanité n'était qu'une suite de turpitudes, ce serait un spectacle »indigne«, non seulement de Dieu, mais même de »l'homme le plus ordinaire, pourvu qu'il pense bien...«: »Que des vices sans nombre (même entremêlés de vertus) s'amoncellent dans la réalité, pour qu'il y ait dans la suite un châtiment plus considérable, c'est ce qui, du moins d'après nos idées, est contraire à la moralité même d'un sage auteur et maître du monde«44. Kant, nous l'avons vu, a tendance à penser les fins terrestres comme »déductibles« du devoir-être. Mais la démonstration n'est jamais qu'indirecte et seulement de l'ordre du plausible ou de l'espérance. Ce qui est visé, c'est une extension du jugement déterminant qui fait que l'application des lois morales ne souffre pas d'indécidabilité. Dans la mesure où cette déduction échoue, il faut - du point de vue de la compréhension subjective du tout - que nous puissions nous donner à nous-mêmes une représentation satisfaisante du développement général de l'histoire qui ne soit pas en contradiction avec ce que nous ordonne la loi morale. Cette compréhnesion ne peut être construite a priori. Elle ne peut résulter que d'une »réflexion« - de l'application du jugement réfléchissant - sur les événements de l'histoire et sur les principes que le jugement doit se donner à lui-même pour ordonner cette multiplicité. De ce point de vue, la recherche des »indices« procède d'une sorte d'herméneutique. Muni de l'idée générale de l'unité de la raison - idée seulement régulatrice - nous pouvons réfléchir sur ce qui nous est donné dans l'expérience de façon à chercher un rapport, certes contigent, entre le particulier et l'universel. C'est ce qui nous permet de donner sens aux signes du temps. Ainsi, dans l'Essai sur la paix perpétuelle, Kant remarque que, malgré la violence et l'immoralité des relations internationales, la mentalité publique a évolué de telle manière que les chefs d'Etat sont obligés de justifier leur action guerrière en faisant appel au droit: »Cet hommage que chaque Etat rend à l'idée de droit (du moins en parole) prouve cependant qu'il y a en l'homme une disposition morale plus forte encore, bien qu'elle sommeille pour le moment, à se rendre maître un jour du mauvais principe qui est en lui (et qu'il ne peut nier), et à en espérer autant des autres. Sinon le mot droit ne serait jamais prononcé par les Etats qui veulent faire la guerre«45. C'est en ce même sens que l'on peut interpréter le jugement bien connu de Kant sur la Révolution française. Dans le Conflit des Facultés, reprenant la question: »le genre humain est-il en progrès constant«46, l'article 6 cite »un 43 . »Ueber die Gemeinspruch...«, o. c , Ak., VIII, p. 309, tr. p. 375. 44 . O. c„ p. 308, tr. p. 374-375. 45 . EF, Ak. VII, p. 355, tr. p. 101. 46 . »Der Streit der Fakultàten«, Ak., VII, p. 78, tr. fr. »Le conflit des Facultés« in Piobetta, o. c., p. 215. 22 André Berten événement de notre temps qui prouve cette tendance morale de l'humanité«47. Cet événement n'est pas la Révolution française elle-même (un événement historique est contingent et ne peut rien prouver). Mais »cette révolution (.. .) trouve quand même dans les esprits de tous les spectateurs (qui ne sont pas eux-mêmes engagés dans ce jeu) une sympathie d'aspiration qui frise l'enthousiasme et dont la manifestation même comportait un danger; cette sympathie par conséquent ne peut avoir d'autre cause qu'une disposition morale du genre humain«48. - Comme le dit L. Godmann, Kant »sait bien que l'homme ne peut tendre sérieusement vers la réalisation d'une idée s'il sait qu'elle est irréalisable«4®. Ce sont ces indices qui permettent d'articuler une vison morale du monde et une vison dialectique de l'histoire. Nous ne reprendrons pas ici l'ensemble de la philsophie de l'histoire kantienne50. Elle vise à répondre à la question suivante: » Y a-t-il dans la nature humaine des dispositions qui puissent faire espérer que l'espèce ira toujours s'améliorant et que le mal des temps présents et passés se perdra dans le bien de l'avenir?«51 La question est essentielle, car il ne suffit pas que notre entendement découvre une nature ordonnée en tant que subsumable sous des lois, il ne suffit même pas que le jugement réfléchissant nous permette de penser une finalité naturelle, encore faut-il que notre histoire, celle de l'humanité soit sensée. »Car à quoi bon chanter la magnificence et la sagesse de la création dans le domaine de la nature où la raison est absente; à quoi bon recommander cette contemplation, si, sur la vaste scène où agit la sagesse suprême, nous trouvons un terrain qui fournit une objection inéluctable et dont la vue nous oblige à détourner les yeux avec mauvaise humeur de ce spectacle? Et ce serait le terrain même qui représente le but final de tout le reste: l'histoire de l'espèce humaine. Car nous désespérerions alors de jamais rencontrer ici un dessein achevé et raisonnable, et nous ne pourrions plus espérer cette rencontre que dans un autre monde«52. A cette question Kant répond que le »plan de la nature«, avec et contre nous, nous mènera vers le progrès de l'humanité. C'est la nature, ou la Providence, qui nous »contraindra« à entrer dans une une voie dont nous ne nous accomoderions pas volontiers par nous-mêmes53. C'est de ce point de vue que l'on peut envisager aussi l'avenir politique de l'humanité. »On peut envisager 47 . O. c., p. 84, tr. p. 222. 48 . O. c., p. 85, tr. p. 223. 49 . L. Goldmann, La communauté humaine et l'univers chez Kant, Paris, PUF, 1948, p. 100. 50 . Cfr. par exemple l'excellent travail de PHILONENKO, Alexis, La théorie kantienne de l'histoire, Paris, Vrin, 1986 et, du même, L'oeuvre de Kant. ¡a philosophie critique, T. II, Morale et politique, Paris, Vrin, 1972, pp. 223-252. 51 . »Ueber die Gemeinspruch...«, o. c., Ak, VIII, p. 307, tr. p. 373-374. 52 . »Idee zu einer allgemeinen Geschichte der Menscheit in welbiirgerlicher Absicht«, Ak, VII, p. 30, »Idée d'une histoire universelle au point de vue cosmopolitique«,tr. fr. S. Piobetta, in KANT, La philosophie de l'histoire, (opuscules), Paris, Aubier, 1947, p. 78. 53 . Cfr. »Idee...«, et »Ueber die Gemeinspruch...« Ak.VIII, p. 310, tr. p. 377. Kant et la question de la République universelle 23 l'histoire de l'espèce humaine en gros comme la réalisation d'un plan caché de la nature pour produire une constitution politique parfaite«54. Mais il nous faut savoir plus précisément ce que »peut la nature« dans cette évolution politique. Or c'est ici que l'on retrouve la conception libérale de l'Etat, l'idée encore aujourd'hui discutée, de la neutralité de l'Etat vis-à-vis des fins que se propose l'individu. L'Etat ne peut viser à réaliser ni les fins morales ni le bonheur de l'individu. On doit donc se demander vers où va le progrès historique. Kant affirme explicitement que la fin dernière de la nature est l'homme: »Nous avons un motif suffisant de considérer l'homme non seulement comme une fin de la nature ainsi que tous les être organisés, mais ici sur terre comme le but dernier de la nature, relativement auquel toutes les autres choses forment un système de fins, et cela d'après les principes de la raison, mais, il est vrai, pour le jugement réfléchissant et non pour le jugement déterminant«55. Il y a deux types de fins possibles que l'homme pourrait atteindre au moyen de la nature: ou bien »une fin qui peut être réalisée par la bienfaisance de la nature ou bien c'est l'aptitude ou l'habileté à toutes sortes de fins pour lesquelles la nature (extérieurement et intérieurement) pourrait être utilisée par lui, la première fin de la nature serait le bonheur, la seconde la culture de l'homme«56. Mais le bonheur n'est pas le produit mécanique de la nature en nous: c'est une »idée«, »l'ensemble de toutes les fins extérieures ou intérieures de l'homme, possibles par le moyen de la nature...«57 - Kant a affrimé à maintes reprises que le concept de bonheur n'est pas de ceux que l'homme abstrait de ses propres instincts et puise dans sa propre animalité, mais une simple idée qui fait que le bonheur ne peut jamais correspondre adéquatement à des conditions empiriques données. Si donc la fin de la nature n'est pas le bonheur, et si par ailleurs la nature est incapable par principe de réaliser en l'homme la moralité, la seule fin que la nature poursuit en l'homme ne peut être individuelle. De toutes les fins que se 54 . »Idee...«, p. 17, tr. p. 60. Si les études cosmologiques, esthétiques et morales de Kant le préparaient à lier l'idée d'une communauté universelle de tous les hommes à celle de finalité immanente au genre humain et à toute la nature, il semble que la genèse de la pensée téléologique en tant que telle soit liée aux recherches anthropologiques sur les races humaines, plus précisément, à l'étude »Des différentes races humaines« de 1775 (»Von der verschiedenen Racen der Menschen«, Ak., t. II, 427-443. Cfr. le même thème dans »Bestimmung der Begriffs einer Menschenrace«, (1785) t. VIII, pp. 89-106). Invoquant des critères biologiques, Kant affirme que »tous les hommes sur toute l'étendue de la terre appartiennent à un seul et même genre naturel.« (»Von den verschiedenen...«, A k , II, p. 429, tr. Piobetta, o. c., p. 37-38). Des propositions de ce type ont une portée pratique autant que théorique. Ce qui intéresse Kant dans l'affirmation de l'unité de l'espèce humaine, c'est la justification qu'elle apporte à l'idée d'une humanité participant à la même histoire, concourant aux même fins, virtuellement en possession des mêmes droits. 55 . KU, § 83, Ak., V, p. 429, tr. p. 227. 56 . O. c , p. 429-430, tr. p. 227. 57 . O. c., p. 431, tr. p. 228. 24 André Berten propose l'homme, il n'y en a que deux d'essentielles - et qui d'ailleurs composent l'idée de souverain bien - c'est le bonheur et la vertu morale: toutes les autres fins ne sont que des fins conditionnelles en vue des deux fins dernières. Les fins dernières de l'homme ne peuvent être réalisées par la nature. Mais la nature peut servir comme moyen pour réaliser les fins propres de l'homme. C'est ce que Kant appelle la culture. »De toutes les fins naturelles il ne reste donc que la condition formelle, subjective, l'aptitude à se proposer des fins en général, et (étant indépendant de la nature dans la détermination de ces fins) à utiliser la nature comme moyen, conformément aux maximes de ses libres fins en général; la nature, en vue de cette fin dernière qui lui est extérieure, peut s'y prêter et cela peut alors être considéré comme sa fin dernière propre«58. Si l'on laisse de côté le providentialisme kantien, il est intéressant de remarquer que ce qui est attribué ici à la nature pourrait être très bien compris comme la tâche d'un Etat libéral. Celui-ci en effet doit assurer les conditions formelles et subjectives de la recherche des fins par les individus. Or cela implique qu'il ne se substitue jamais à l'individu dans la recherche de ses fins, mais qu'il veille uniquement aux conditions de justice, c'est-à-dire à des conditions sociales ou politiques générales. Mais la pensée kantienne n'est pas linéaire et la téléologie de l'histoire est passablement complexe. Si tout un versant de la philosophie critique reste articulé à une conception libérale de l'Etat, des considérations d'un tout autre type sont introduites par une anthropologie pessimiste. Ce sont ces considérations qui vont nous permettre de comprendre pourquoi, en fin de compte, Kant renonce à l'Idée - moralement obligatoire - d'une République universelle. Rappelons d'abord cette anthropologie pessimiste: »L'histoire de la nature commence par le Bien, car elle est l'œuvre de Dieu; l'histoire de la liberté commence par le Mal, car elle est l'œuvre de l'homme«59. S'il en est ainsi, la nature ne sera pas seulement une éducatrice veillant à réaliser les potentitalités morales de l'homme. Elle sera aussi le maître dont l'homme a besoin. Elle utilisera ses mauvais penchants, son »insociable sociabilité« pour l'arracher à ses instincts, pour le forcer à sortir de l'état de nature et rentrer dans l'état civil. Il en résulte une conséquence qui pèsera d'un poids très lourd sur la possiblité d'une constitution universelle. En effet, comme à la »diversité des volontés particulières de tous, il est nécessaire d'ajouter une cause capable de les réunir pour en tirer une volonté commune, ce qu'aucune d'elles ne peut faire, on ne saurait espérer pour la mise en pratique de cette idée [la société civile], que l'état juridique commençât autrement que par la force, sur laquelle se fonde ensuite le droit public«60. 5 8 . Ib. 59 . »Mutmasslicher Anfang der Menschengeschichte«, Ak., VIII, p. 115, tr. in Piobetta, o. c., ¡•Conjectures sur les débuts de l'histoire de l'humanité«, p. 162. 6 0 . EF, Ak.,VIII, p. 371, tr. p. 135. Kant et la question de la République universelle 25 Non seulement, Kant considère que la guerre, d'une façon ou d'une autre, doit rentrer dans le »plan de la nature«61, mais le fait que la sortie de l'état de nature se soit faite dans la violence laisse inaugurer que la sortie de l'état de nature international sera également liée au surgissement d'une telle violence qu'il est peut-être sage de renoncer à cette idée. Certes, l'idée d'une histoire universelle suggère que la nature pourrait user des mêmes méthodes mystérieuses pour amener les Etats à sortir de la barbarie: »De même que la violence éclatant de toutes parts et la misère subséquente devaient conduire un peuple à la résolution de se soumettre à la contrainte que la raison même lui prescrit comme moyen, c'est-à-dire à la loi publique et de se ranger sous une constitution civile, de même la misère provenant des guerres continuelles par lesquelles les Etats cherchent à s'amoindrir et s'assujettir les uns les autres, doit finalement les amener, même contre leur volonté, à se ranger sous une Constitution cosmopolitique«62. Mais Kant répugne à accepter cette idée d'une violence à venir et renonce finalement à soutenir l'exigence morale absolue d'une République universelle. La fédération des Etats libres Malgré les »indices« qui nous suggèrent qu'il y a un progrès moral de l'humanité, aucune »preuve« apodictique ne nous est donnée. Nul ne sait si un jour l'Etat mondial existera. Nul ne sait si le droit triomphera un jour de la violence, si la guerre cédera le pas à la paix, si les principes moraux finiront par trouver des conditions favorables à leur application. Nul ne sait si l'histoire va dans la bonne direction... Nul ne le sait parce qu'il s'agit de la liberté humaine qui est, en dernière analyse, insaisissable dans ses manifestations inépuisables. Confronté aux faits, aux réalités empiriques, à l'observation du monde tel qu'il se présente, au tragique et à l'absurde des relations politiques, l'édifice élevé selon les règles de la raison pratique, sur la foi d'une espérance raisonnable en l'histoire, sur le besoin pour la raison de trouver une totalité sensée, pourrait bien n'être que chimère, utopie, »rêves d'un visionnaire«... En tâchant de fonder rationnellement le droit à partir de principes a priori, Kant s'inscrivait dans la tradition qui, en partant de Grotius et en passant par Leibniz et Wolff, déclarait que la science juridique fait partie de ces disciplines qui ne dépendent pas de l'expérience mais de définitions, non des faits, mais de preuves strictement rationnelles: la science juridique comme la morale est une science normative. Mais c'est justement parce que nous avons besoin d'interprétation, que l'idée de »preuve strictement rationnelle« se défait. Dès 61 . »Tentative aveugle de l'homme (la guerre) est peut-être aussi une tentative profondément mystérieuse et voulue par la sagesse suprême, sinon pour établir, du moins pour préparer l'harmonie de la légalité avec la liberté des nations et ainsi l'unité de celles-ci sur une base morale.« (KU, § 83, Ak., V, p. 433, tr. p. 230) et »Toutes les guerres sont autant de tentatives (non pas bien entendu dans l'intention des hommes, mais dans celle de la nature) pour réaliser de nouvelles relations entre les Etats...« (»Idee...«, Ak. VIII, p. 24-25, tr. p. 70) 62 . »Ueber die Gemeinspruch...«, o. c., Ak, VIII, p. 310-311, tr. p. 377. 26 André Berten que nous jetons un regard sur l'histoire et sur la politique, la pureté de l'exigence morale et des principes s'auto-détruit. A nous en tenir à la déduction rationnelle, nous serions réduit à »condamner« l'histoire et la politique dans une sorte de moralisme impuissant. Et de plus, selon Kant, nous serions probablement conduit à désespérer de la possiblité de l'exercice d'une vie vertueuse. Pour rendre compte de l'immoralité de la politique réelle, Kant doit emprunter d'autres voies que l'analyse purement normative de l'impératif catégorique. Ses recherches anthropologiques le conduisent plutôt vers une conception du politique plus réaliste et vers une »essence« irréductible du politique comme puissance ou comme pouvoir. Cette dualité est perceptible à tous les niveaux de la réflexion juridique et politique kantienne. Les rapports entre droit et morale, entre droit public et droit privé, entre Etat et droit, sont des rapports ambigus. Le droit doit réaliser les conditions de la vie morale, mais il oppose aussi à l'autonomie morale l'hétéronomie de la contrainte. Le droit public ne fait que garantir et rendre effectif le droit privé, mais il impose de force la réalisation de la loi de liberté. Quant à l'Etat, il est loin d'être un Etat de droit. Cette discordance est fondée anthropologiquement: »C'est un principe fondamental de l'art social aussi bien que de l'art politique: chacun est mauvais par nature et ne devient bon que dans la mesure où il est soumis à un pouvoir qui l'oblige d'être bon«63. En ce sens, la spécificité du politique est aussi celle du »réel« et les discussions sur le meilleur régime politique ne se vérifient que dans la particularité des réponses. L'attitude ici ne peut être qu'herméneutique et la définition de la république idéale, qui devrait être a priori, ne peut à vrai dire être construite qu'à partir d'une »réflexion« - du jugement réfléchissant - sur le sens de ce qui se donne à voir. Prenons un exemple de cette discordance. Le pouvoir souverain est, dans l'Etat de droit, le législatif et il appartient au peuple. Dans la réalité, le pouvoir appartient à un roi, un monarque, plus ou moins despotique, plus ou moins éclairé. La question se corse si l'on doit admettre, comme semble le faire Kant, que l'usage de la contrainte est peut-être une condition de la réalisation de l'idéal. Du point de vue de la philosophie de l'histoire, en tous cas, il est impossible de déduire le pouvoir du monarque à partir d'un contrat de soumission ou d'une délégation juridique. Ce sont ces difficultés que révèlent diverses réflexions manuscrites: »Si le droit des rois est dérivé d'une action 6 3 . Refiexionen zur Moralphi/osophie, no. 696, Ak. X I X , p. 202. Kant estime que le problème d'une constitution politique doit pouvoir être résolu même avec un peuple de démons. C'est son aspect »machiavielien«: il faut »supposer d'avance les hommes méchants et toujours prêts à montrer leur méchanceté toutes les fois qu'ils en trouveront l'occasion.« (Machiavel, Discours sur la première décade de Tite-Live, L. I, ch. III, éd. Pleïade, pp. 388-389). Et il reconaît en même temps que c'est le problème le plus difficile, car si l'homme a besoin d'un maître, qu'en sera-t-il du souverain? Kant et la question de la République universelle 27 (effective, facto) du peuple, alors le peuple ne saurait conférer une force plus grande que celle qu'il possède. 11 devrait donc avoir possédé la souveraineté pour qu'il puisse la transférer à un autre. Maintenant le peuple ne peut pas se gouverner ou se dominer lui-même, donc il n'a pu également transférer cette puissance à un autre«64. Ou encore: »Rien ne semble plus naturel que le peuple, ayant des droits, n'ait aussi une autorité de contrainte; mais justement, par cela même qu'il ne peut établir aucune autorité de contrainte, il ne possède aucun droit strict, mais seulement un droit idéal«65. Pour démontrer cette impossibilité du pouvoir »juridique« du peuple, Kant utilise encore deux autres arguments: celui du »troisième homme«: »dans une constitution civile déjà existante, le peuple n'a plus, aux yeux de la loi, le droit de juger comment cette constitution doit être appliquée. Car, si l'on suppose qu'il a ce droit et que son jugement soit contraire à celui du chef réel de l'Etat, qui décidera de quel côté est le droit? Aucune des deux partie ne le peut faire, comme étant juge en sa propre cause. Il faudrait donc qu'il y eût encore, au-dessus du souverain, un souverain qui décidât entre lui et le peuple, ce qui est contradictoire«66. Mais il utilise aussi un argument ayant une autre portée théorique: »si le chef de l'Etat pouvait aussi être contraint, il ne serait pas le chef de l'Etat et la série de la subordination irait remontant à l'infini«67. L'argument est celui de l'impossibilité d'une série infinie de causes, ou de conditions. Mais par là on peut aussi comprendre en quoi l'inconditionné - le pouvoir souverain du peuple - peut malgré tout rester une »idée« dont nous avons besoin pour penser le politique. Mais le souverain réel reste condition d'efficacité et de réalité: car »le souverain n'est qu'un être de raison (représentant le peuple entier), tant qu'il n'y a pas encore une personne physique qui représente la suprême puissance de l'Etat et qui donne à cette idée son efficacité sur la volonté populaire«68. Quant aux formes de »gouvernement«, Kant, on le sait, prône un républicanisme résolu. Néanmoins, il n'attache pas une grande importance aux formes procédurales de cette république, entre autres à la procédure de la production législative. Ce qui lui importe, plutôt que de savoir si c'est le peuple qui est législateur, c'est que la législation soit la plus proche possible de la législation idéale, du droit rationnel, c'est-à-dire de la seule constitution qui prenne »la liberté pour principe, et en fait même la condition de la contrainte nécessaire à une constitution civile ou à ce qu'on appelle proprement un Etat«69. - Kant est proche ici du »despotisme éclairé«: il faut faire confiance au souverain pour qu'il gouverne conformément aux exigences du droit 64 . Reflexionen zur Rechtsphilosophie, no. 7747, Ak., X I X , p. 506. 6 5 . Ib., no. 7737, p. 504; cfr. aussi, no. 8018, p. 582. 66 . »Ueber die Gemeinspruch...«, o. c., Ak, VIII, p. 299-300, tr. p. 365-366. 67 . O. c., p. 291, ir. p. 357. 68 . RL, Ak, VI, p. 38, tr. p. 209. 69 . O. c., p. 40, tr., p. 213. 28 André Berten rationnel. »La pierre de touche de tout ce qui peut être décidé pour un peuple sous forme de loi tient dans la question suivante: un peuple accepterait-il de donner lui-même pareille loi?«70 Dès lors »ce qu'un peuple lui-même n'a pas le droit de décider quant à son sort, un monarque a encore bien moins le droit de le faire pour le peuple, car son autorité législative procède justement de ce fait qu'il rassemble la volonté générale du peuple dans la sienne propre«71. Le »retour du politique« n'est nulle part plus manifeste que dans la célèbre condamnation par Kant de tout droit à la révolution. Or cette condamnation est intéressante parce qu'elle est justifiée à la fois du point de vue moral et juridique et du point de vue politique et historique. Kant utilise en effet de nombreux arguments. En premier lieu, il utilise la distinction entre morale et utilité (ou bonheur). Il n'y a aucune communication entre droit et bonheur. Or les révolutions se justifient souvent au nom du bonheur du peuple. Kant parle ainsi de »l'illusion habituelle qui consiste, quand il est question du principe du droit, à y substituer dans ses jugements celui du bonheur«72. Du point de vue du droit, l'autorité légitime du gouvernement vient de ce qu'il est justement la source du droit (nous avons vu que le peuple n'était pas source de droit car il ne possédait pas la contrainte). Mais cette reconnaissance de la prépondérance du droit permet de légitimer, a posteriori, les régimes issus d'une révolution réussie: »Même si une révolution, provoquée par une constitution, avait arraché par des moyens violents et illégaux une constitution meilleure, il ne serait plus permis de ramener le peuple à l'ancien«73. - Un autre argument concerne la nécessité de l'ordre: remplacer de façon violente une constitution par une autre suppose qu'il y aurait »dans l'intervalle un moment où tout état juridique aurait disparu«74. Enfin, du point moral (et du point de vue d'un droit rationnel), on ne pourrait justifier une révolution à partir d'une maxime universalisable: car »la maxime d'après laquelle cette résistance aurait lieu, généralisée, détruirait toute constitution civile et anéantirait le seul état où les hommes puissent être en possession de leurs droits«75. C'est cette distance entre l'idée et la réalité historique qui permet de comprendre aussi les positions de Kant en matière internationale. L'inscription de l'exigence morale dans la réalité des affaires mondaines apparaît dans le »pacifisme« de Kant. Si l'on ne peut pas surmonter l'état de nature 7 0 . »Beantwortung der Frage: Was ist Aufklärung?«, Ak., t. VII, p. 39, tr. fr. in Piobetta, o. c., »Réponse à la question: qu'est-ce que les lumières?«, p. 88. 71 . O. c , p. 39-40, tr. p. 89. 7 2 . »Ueber die Gemeinspruch...«, o. c., Ak, VIII, p. 301, tr. p. 367. 7 3 . EF, Ak. VIII, p. 372-373, tr. p. 139. De même: »Du reste, quand une révolution a une fois eu lieu et qu'une nouvelle constitution est fondée, l'illégalité de son origine et de son établissement ne saurait dispenser les sujets de l'obligation de se soumettre en bon citoyens, au nouvel ordre de choses, et ils ne peuvent honnêtement refuser d'obéir à l'autorité qui possède actuellement le pouvoir« (RL, Ak. VI, p. 322-333, tr. p. 183). 7 4 . »Ueber die Gemeinspruch...«, o. c., Ak, VIII, p. 299, tr. p. 365. 7 5 . Ib. Kant et la question de la République universelle 29 international, essayons au moins de préserver la paix. Ainsi, le droit des gens, la fédération des Etats, le jus belli sont des maximes pour le temps présent. Et des maximes qui reflètent l'impossibilité d'une doctrine cohérente. Kant y mêle des discussions sur le jus belli avec une condamnation de ce même droit; la reconnaissance de la souveraineté des Etats avec des projets pour limiter cette même souveraineté. C'est pourquoi Kant s'interroge sur la manière - à défaut d'un Etat mondial - d'organiser les rapports entre des Etats libres: quelles sont les conditions de possibilité d'une coexistence pacifique réaliste. On ne doit donc pas s'attendre à des considérations philosophiques ou juridiques très systématisées. Néanmoins les vues de Kant sur l'organisation internationale ne sont pas dépourvues d'intérêt quand on considère l'évolution des organismes internationaux comme la Société des Nations ou l'Organisation des Nations Unies ou le processus de constitution de la Communauté Européenne. Kant a souvent fait preuve d'une intuition remarquable et ses conceptions sont proches, bien que très schématiques, de celles qui ont présidé à la construction des organismes internationaux du X X e siècle. Mais il ne s'agit que d'un ersatz de l'Etat mondial. »Mais comme, d'après l'idée qu'ils se font du droit des gens, ils ne veulent pas du tout ce moyen, et rejettent in hypothesi ce qui est juste in thesi, à défaut de l'idée positive d'une république mondiale, il n'y a (si l'on ne veut pas tout perdre) que l'ersatz négatif d'une, alliance permanente, sans cesse élargie, qui puisse préserver de la guerre et contenir le torrent de ces dispositions hostiles et opposées au droit«76. Mais même ce pis aller ne serait pas dénué de signification. Ce pourrait être une étape vers l'idée positive de la république mondiale. Ainsi, par exemple, l'existence d'une république conforme au droit serait un signe encourageant: »La possibilité de réaliser (il s'agit de réalité objective) cette idée de fédération, qui doit s'étendre progressivement à tous les Etats, et les conduire ainsi à la paix perpétuelle, peut se concevoir. Car s'il arrivait par bonheur qu'un peuple puissant et éclairé se constituét en une république (qui, par nature, doit incliner à la paix perpétuelle), il y aurait ainsi un centre d'alliance fédérative à laquelle les autres Etats pourraient adhérer, afin d'assurer leur liberté, conformément à l'idée du droit des gens«77. Et Kant voit déjà cette moralité à l'oeuvre dans les Etats existants: »On peut le vérifier même dans les Etats existant actuellement, si imparfaitement organisés qu'ils soient: dans leur comportement extérieur, il se rapprochent déjà beaucoup de ce que prescrit l'idée du droit, quoique les principes de la moralité n'en soient certainement pas la cause«78. 76 . EF, Ak. VIII, p. 367, tr., p. 105. 7 7 . O. c., p. 356, tr. p. 103. 78 . O. c., p. 365, tr. p. 125. 30 André Berten Mais ce bel aveu d'optimisme se heurte encore une fois à des objections insurmontables. En effet - et c'est un dernier argument, plus difficile à écarter que tous les autres - l 'Etat mondial ne naîtra pas de la bonne volonté des Etats actuels. Ceux-ci sont nés dans la violence, mais ce mal originaire aujourd'hui a perdu une part de ses puissances maléfiques. Instaurer l'Etat mondial, ne serait-ce pas raviver cette violence originaire? Son avènement peut-il se penser auttrment que comme la répétition de l'instauration de l'Etat, c'est-à-dire comme une instauration violente? L'Etat mondial ne pourrait être établi que par la conquête, car »il n'y a pas d'Etat (ou de souverain) qui ne désire s'assurer une paix durable en dominant si possible le monde entier«79. C'est pourquoi la situation des Etats indépendants est finalement »préférable, aux yeux de la raison (nach der Vernunftidee) à la fusion de tous les Etats entre les mains d'une puissance qui envahit toutes les autres et se transforme en une monarchie universelle«80. Ce dernier paradoxe est le plus manifeste. Non seulement il pointe vers notre finitude fondamentale, mais il insinue que peut-être ce qui est »obligatoire« d'un point de vue moral, pourrait détruire toute possiblité de vie morale. Il n'est pas question d'évacuer ce paradoxe. Nous pensons au contraire qu'il est dans la nature du jugment pratique de se heurter à de telles indécidabilités. Elles ne signifient pas que la contradiction logique a une valeur ontologique. Mais que le langage qui est la médiation obligatoire de toute pensée normative ne peut que rencontrer les paradoxes pragmatiques qui sont constitutifs du discours. Il n'apparaît comme une »contradiction« que dans la mesure où l'on veut le faire coïncider avec un jeu de langage à prétention de complétude et d'apodicité. Mais si l'on restaurait la discussion politique et juridique comme discussion réelle - comme pensée à plusieurs - l'indécidabilité ferait partie du débat sans le paralyser et le paradoxe serait ce qui relance indéfiniment les interprétation croisées. De ce point de vue, la question de l'Etat »postnational«, du destin de la société internationale ou postnationale, n'est pas une question »théorique«, ni une question relevant d'un principe universel ou d'une règle d'universalisation. C'est une question qui suscite le débat et dont les arguments se détachent sur fond de paradoxe, paradoxe qui est également le moteur de la discussion. 7 9 . Ib. 80 . Ib. The closure of experience Kant, Goodman, and the aesthetic approach Hanno Birken-Bertsch Kant ends traditional epistemology and founds the aesthetic approach. -One can say that epistemology is supposed to investigate how an appearance comes about. »Appearance« is one of the key words in Kant. A table, for example, is an appearance for you and me. Epistemology asks how it comes about that we see this table. The point is that one cannot explain the table by something that is not, like the table, an appearance. This insight is the end of epistemology and the beginning of aesthetics. Or, to avoid confusion, it is better to speak of »the aesthetic approach«, although I am not altogether satisfied with this phrase. For the aesthetic approach, our world consists of experience. Our task is to find out what follows from this starting point. 1. Kant's aesthetics We are focusing on the first critique, the Critique of Pure Reason, in the first edition, which was published in 1781. This book is - among other things - an intersection of two approaches, the epistemological and the aesthetic. Two ways of theorizing cross in the book, and their models of thought are intertwined. Kant inherits epistemology and founds the aesthetic approach. The relevant text for both is a chapter in the Critique of Pure Reason, entitled »Transcendental Aesthetics«. Why is it called »Aesthetics«? In ancient Greek aisthesis means perception, and »Aesthetics« is thus concerned with what relates to aisthesis. Following the idea of the word Kant deals with perception and sensibility. In a footnote he even complains about those who use the word »aesthetics« to refer to a philosophy of art or the beautiful. In German there is only one word - Aesthetik - whereas English offers the distinction between aesthetic and aesthetics. I stick to »aesthetics«, for several reasons,1 one of them being that we thus can preserve the confusion that surrounds this concept in German and in French. Furthermore, aesthetics was the word the Edinburgh Review chose in 1803 to refer to Kant's »Transcendental Aesthetics«.2 A version of this paper was read to the New Philosophy Society at the University of Edinburgh on the 5th of March 1992. 1. The meaning of »aesthetic« in modern English is not closer to Kant's project than the one of »aesthetics«. Furthermore, the aesthetic approach is both changing the philosophy of art and informed by art itself. 2 . Vol. I, ii, 253. - In London, »aesthetic« was preferred, e.g. by F.M. Willich, Elements of 32 Hanno Birken -Bertsch Kant's aesthetics is about our intuitions of objects. We intuit objects either empirically or through imagination. For example, reading this very page means that you are having an empirical intuition of a page. Intuition is thus either experience or imagination. The basic unit is the intuition and an intuition is either empirical - then it is called »appearance« - or it turns out to be imagination and illusion. These are the basic notions of Kant's aesthetics, with »appearance«, that is empirical intuition, being the most important one. Kant's aesthetics is not simply a part of his philosophy but the groundwork of his philosophical edifice. This is so because »all thought must, directly or indirectly, relate ultimately to intuitions, therefore, with us, to sensibility, because in no other way can an object be given to us« (A19).3 Thus even thought rests in the end upon intuition. Kant's philosophy is therefore a fundamentally aesthetic philosophy. 2. Reflection on objects Beginning with Kant and his work, we quickly came to talk about intuitions and appearances. This is a step into a reflexive stance. In philosophy we do not use this page as a page but do other things to it, calling it, for instance, an appearance. Doing philosophy we talk about talking, observe observers and the like. In philosophy, the standard behaviour of our daily life looks rather strange. Take a sentence like »It is raining«, which is a sensible and often true remark, put it into a philosophical discourse and suddenly the whole universe is said to consist of rain. This process is more common with physical objects than with rain. So, an unproblematic phrase can change its nature when entering philosophy. What is true in daily life, can become metaphysics when transferred to philosophy. A commonsensical statement turns into a philosophical dogma. That is the reason why any appeal to so-called common sense is such a tricky thing in philosophy. Nobody would deny that one should usually follow common sense in everyday life, but from this it does not follow that common sense is a reliable guide for philosophy. This step from daily life to reflexion affects all language used in philosophy. Whether a philosophical text is written in an idiom that is close to ordinary language or not - it is jargon. All philosophy is written in jargon, by definition, so-to-speak. It is not necessary to voluntarily give new meanings to the words to make them jargon. They change their meaning simply by virtue of entering philosophy. Critical Philosophy, p. 65 and p. 139. The world has seen worse introductions to Kant's philosophy than this very early one. 3 . I quote the translation by the Edinburgh philosopher Norman Kemp Smith and restrict myself to the edition from 1781. - Italics in quotations are italics in the original. The closure of experience 33 Kant acted in accordance with this peculiarity of philosophical discourse. When he wanted to speak of things of the kind of this page or this issue of the Filozofski vestnik here, he used the strange sounding expression »appearance«. This page is in front of you, that is, it appears to you and is therefore an appearance. He never doubted that this is empirically a page, but in philosophy we have to call it an appearance. Otherwise we would be led to make the same mistake that, Kant thought, his predecessors had made. On Leibniz, for example, he wrote: »The conditions of sensible intuition, which carry with them their own differences, he [Leibniz] did not regard as original, sensibility being for him only a confused mode of representation, and not a separate source of representations. Appearance was, on his view [that is, on Leibniz's view], the representation of the thing in itself'« (A270). According to Kant, Leibniz assumed that the thing and the representation of it are two distinct phenomena. We have a representation of an object. Now we think that this object must exist somewhere apart from being the object of our representation. Our understanding forms a concept of the object in our representation and believes that there must be a correlate of this concept somewhere outside, apart from all intuition. For Kant, this is a mistaken approach. Turning against it, Kant pushes understanding back into its proper limits and shows that a thing apart from any intuition, that is, a thing that is not and could not be an appearance, is inconceivable. Kant formulates this insight by saying: »nothing whatsoever can be asserted of the thing in itself, which may underlie these appearances« (A49). But the notion of a thing in itself is not a part of Kant's own teaching, but stands for Leibniz's view." Nevertheless, his own philosophy is developed in opposition to this kind of philosophy. Kant denies the possibility of an experience of a Leibnizian thing in itself. Kant tries to avoid Leibniz's mistake. He therefore starts with the perspectivity of our standard view of the things. »It is ... solely from the human standpoint that we can speak of space, of extended things, etc« (A26) . An extended thing - for instance a table - is an appearance, as we already saw. An appearance is always an appearance for someone. Our standpoint is in front of the appearances. Doing philosophy, we have to take into account the fact that we operate from a perspective, from a certain standpoint. Statements lose their validity when separated from the situation they belong to, or, as Kant puts it: »The proposition, that all things are side by side in space, is valid under the limitation that these things are viewed as objects of our sensible intuition« (All). To speak of this table makes sense only under the limitation that the table is seen from a human perspective. 4 . See Walter Patt, Transzendentaler Idealismus, 20. 34 Hanno Birken -Bertsch Kant offers several formulations of this limitation thesis. Of appearance in general he says, that it »always has two sides, the one by which the object is viewed in and by itself . . . , the other by which the form of the intuition of this object is taken into account« (A38). Either we look at the appearance as it is apart from its being an appearance, or we take the appearance simply as an appearance. If »viewed in and by itself« the nature of the appearance always remains, as Kant says, »problematic« (A38). An appearance appears to someone, it is always under the limitation that it is someone's intuition. To look at the appearance »in and by itself« amounts to looking at it when it is not seen. Kant speaks of a thing in itself but only to show that it does not make sense to do so. Kant was aware that he had led the meaning of the word »appearance« to its limits. To prevent misunderstanding, he discussed the example of a rainbow. »The rainbow in a sunny shower may be called a mere appearance, and the rain the thing in itself« (A45). This is true if we use these terms in a physical sense. But this is not what Kant wants. Kant does not talk about appearance and reality in a physical sense. On the contrary, Kant continues the discussion of the rainbow like this: »if we take this empirical object in its general character ... [we] ... realise that not only are the drops of rain mere appearances, but that even their round shape, nay even the space in which they fall, are nothing in themselves« (A45f) . Kant here says explicitly that »the drops of rain« are, philosophically speaking, »mere appearances«. Kant is not talking about appearance in opposition to reality, but about reality in appearance. If we know only appearances, we cannot look behind the appearances. This is the closure of experience. Looking for more, we can only come across other appearances. Any claim to go beyond to some sort of underlying reality, is mere speculation. We are confined to appearances, »because that which is not appearance, can never be an object of experience«.5 This limitation to appearances I take to be the true spirit6 of Kant's philosophy. We are limited in our knowledge because we can deal reasonably only with appearances. We do not know what these appearances are besides being appearances for us. But for us they are tables, symphonies and lions. They are real although it is we who in a certain sense make them. Because we exist, there are also appearances, that is things for us. The spirit of Kantian philosophy is thus our aesthetic confinement to appearances which are relative to us. 5 . Friedrich Heinrich Jacobi, »Über den transzendentalen Idealismus«, p. 302 (my translation). 6 . Ibid., p. 301: »Geist seines Systems«. The closure of experience 35 3. The breakdown of epistemology So how does the limitation thesis relate to epistemology? Epistemology asks, how this journal here, this appearance, comes about. Epistemology operates with the distinction between representation or knowledge on the one hand, and the object on the other. Whatever kind of epistemology it may be, it works with the distinction between representation or knowledge of the object on the one hand and the object on the other. Thus epistemologists first take for granted our everyday view that there is a clear distinction between experience and an object. Then they work with it and test each side separately. For instance, they deny that we can know about the objects of our knowledge or they say that these objects out there are physical or spiritual or whatever. Kant ruins epistemology. He does so by working on the distinction between representation and object. Kant denies the separbility of representation and its object. According to Kant, the distinction does not work as well as the epistemologists assumed. Representation and object are not separable because one cannot have an object without a representation whereas there are representations without objects. How would one know about an object without either experiencing it or getting a message from someone else that there is an object? And what would this experience or the message be if not another representation? What could there be that is not itself an experience? The following three remarks may clarify the breakdown of epistemology. First remark The end of epistemology does not lead to realism in the common sense of the word. Realism claims that there are objects, materialist realism claims that there are ultimately only physical objects. Kant says that we are limited to our experiences. Within this limitation, we operate with a real-unreal distinction which Kant describes as empirical realism.7 But this is more a description of how we act than a thesis about what there is. Second remark The collapse of epistemology does not end in idealism. This point Kant was much concerned about. Relevant passages in Kant are the fourth paralogism in the A-edition, the refutation of idealism in the B-edition and the reflections 6312 to 6317. In 6315 Kant says: »The claim, that we can never be certain, whether all the experience that seems to be outer experience is not mere imagination, is idealism«.8 Idealism thus plays on a principal difference between what we call inner mental experience and experience of outer objects. The underlying conception is that we can rely on our private inner life whereas the outer world may be sheer illusion. 7 . Kant's notion of »empirical realism« is close to Hilary Putnam's »internal realism«, mentioned by Nelson Goodman, who adds: »there is only one world but this holds for each of the many worlds* (Of Mind and Other Matters, pp. 32-33). 8 . Werke, XVIII, p. 618 (my translation). 36 Hanno Birken -Bertsch Kant denies this crucial difference. Outer and inner experience are fundamentally of the same kind. In the »Transcendental Aesthetics« he writes »that both are in the same position; in neither case can their reality as representations be questioned, and in both cases they belong only to appearance« (A38). Kant, therefore, subscribes to neither to realism nor idealism, but, instead, founds aesthetics, that is the study of the objects in our experience. Third remark The Kant I am presenting here is a bit slimmer than the one generally known. My Kant has lost, after several slimming diets,9 all the synthesis talk, the distinction between intuition and concept, and any a priori access to the transcendental. Some of these teachings stem directly from the epistemological heritage, in so far as Kant dares to talk about factors that contribute to the coming about of experience. To this belongs his tenet that thought is not an experience. As I do not think that this part of Kant's work leads very far, I leave it aside in order to concentrate on what is still revolutionary in Kant, namely his aesthetics. Furthermore, I hope it is being understood that notions like »appearance« are, strictly speaking, discarded (because it is before experience). But the argument does not depend, for instance, on the distinction between »appearance« and »experience«. Both refer to what we usually call tables, rain and rainbows. After these three remarks, it is, I hope, a little clearer in what sense epistemology broke down and aesthetics as the study of experience arose. 4. Goodman'sirrealism Nelson Goodman is an American philosopher, born in 1906. He was a colleague of Quine's at Harvard and is considered, at least in Germany and France, to be one of the most important analytical philosophers. How does aesthetic Kantianism, as I have presented it, go together with Goodman's irrealism? In the following I make an attempt to show that they do go together quite well. Goodman's philosophy could even be of some help in coming to a more relaxed attitude towards Kant - against the vast majority of the books on Kant. a) Only versions Kant and Goodman seem to diverge in the very names of their philosophies, as Kant uses terms like »transcendental idealism« to describe his position, whereas Goodman speaks of constructionalism and irrealism. But compare the 9 . This is an attempt to present a version of Kant that escapes criticism made from Jacobi to Rorty. Compare the latter's »Strawson's Objectivity argument«, pp. 238-244 and his »The World Well lost«, p. 4f. With Hamann and Beck one may call this kind of criticism »metacritical«; see Beck, p. 25. The closure of experience 37 fundamentals. On the one hand, Kant says »that objects in themselves are quite unknown to us« and adds that »in experience no question is ever asked in regard to it« (A30) . On the other hand, Goodman resumes »We do better to focus on versions rather than worlds«.10 The reason he gives is our confinement to versions. »We are confined to ways of describing whatever is described«.11 We cannot reach things or worlds if not through versions: »things and worlds and even the stuff they are made of - matter, anti-matter, mind, energy, or whatnot - are themselves fashioned by and along with the versions«.12 One cannot jump out of the versions of the world. Thus the old epistemological question loses its interest. Goodman proudly confesses: »1 am an anti-realist and an anti-idealist - hence irrealist«.13 Goodman's irrealism is »not one more doctrine - does not say that everything or even anything is unreal - but is rather an attitude of unconcern with most issues between such doctrines«.14 The question, for instance, as to how much of these versions of our worlds is self-made, and how much is an import from some outer reality, cannot be answered and - more important - does not matter. Just leave these »broad metaphysical issues«15 aside and focus on the ways these world-versions work. If you do want to bother with these issues, then »Have it« - to quote Goodman once more - »your way; it matters not«.16 b) Versions make worlds But Kant and Goodman seem to differ in their basic notions. Kant talks of experiences and representations whereas Goodman speaks of versions and of true (or right) versions. Kant obviously uses a more mentalistic language whereas Goodman works with symbols, signs and the like. But, if one cuts Kant's philosophy down, as I have tried to do, then the decisive point of agreement becomes obvious. On the one hand, there is the object we are interested in, in our daily life. On the other hand, this object is, philosophically speaking, an experience, or, as Kant sometimes says, a representation. It would be mistaken to speak of an object apart from its being a representation or experience. It is »through« them that we encounter objects. »It is a proposition which must indeed sound strange, that a thing can exist only in the representation of it« (A375n). Goodman argues the other way round but arrives at the same point, saying that »we make versions, and true versions make worlds«.17 Worlds relate to versions 10. Ways of Worldmaking, p. 96. 11 . Ibid., p. 3. 12 . Ibid., p. 96. 13 . Of Minds and Other Matters, VII. 14. Ibid., p. 43. 15. Ibid. 16. Ibid. 17. Ibid., p. 34. 38 Hanno Birken -Bertsch as objects relate to experiences. »The world of a true version is a construct;.. . the version may have features - such as being English or consisting of words - that its world does not. But the world depends upon the version«.18 Goodman claims that we cannot get rid of the versions because the worlds and their features emerge from them: »we cannot find any world-feature independent of all versions. Whatever can be said truly of a world is dependent on the saying - not that whatever we say is true but that whatever we say truly (or otherwise present rightly) is nevertheless informed by and relative to the language or other symbol system we use«.19 The German philosopher Gunter Abel has formulated the agreement of Kant and Goodman in this respect. According to Abel, both claim »that a logical gap between our symbol-related 'versions' of the world and our worlds cannot be made intelligible; ... [and] that we can thus treat our world-versions as our worlds«.20 Just as the world depends on the version, the object depends on the appearance. Not any version, but only true (or right) versions make worlds, is Goodman's thesis. Not imagined intuitions, but only empirical intuitions, that is, appearances, make objects, is Kant's point. Both hold that we are operating within intuitions or versions respectively. This is the closure of experience. Experience closing on itself could turn out to be some sort of condition of the possibility of experience. c) The incommensurability of worlds Having discussed differences between Kant and Goodman that turned out to be similarities, I now want to mention a true difference. This difference becomes obvious if one asks for the relation of appearances to other appearances, or of true versions to other true versions. For Kant this is not even a problem. Only Goodman comes across the possibility of conflicting worlds. That worlds conflict is even an important point for him. He insists on those experiences that clash, on the moments of irritation and confusion. 5. The aesthetic approach At this point we can summarize and say something about where the aesthetic approach might lead to. In the first section we saw that Kant's philosophy is fundamentally aesthetic. The second section introduced appearances and experiences as the realm of our actions. In the third section epistemology was confronted with the insight of aesthetics. Epistemology turned out to take the distinction between an object and a representation for granted. Kant displaced this distinction by 18. Ibid. 19. Ibid., p. 41. 2 0 . »Logic, Art and Understanding«, p. 313. The closure of experience 39 showing that the object is »in« the representation. Kant's philosophy is therefore, if properly slimmed, beyond realism and idealism. Section 4 then, compared Goodman and Kant. Both resist the seduction to assume anything beyond versions or appearances. Both take worlds and objects to be phenomena within versions and appearances. In this section we look at consequences of the aesthetic approach and at examples of its application. a) Text Goodman uses the notion of meaning to make understandable how facts or worlds relate to versions. There is no meaning without some kind of text and whenever one tries to catch pure meaning, one ends up with another string of words or other signifiers. For Goodman, »meanings vanish in favour of certain relationships among terms«.21 Not every text succeeds in producing a stable meaning. Furthermore, one is often confronted with several competing meanings. A sentence may say that the sun shines. Can we say that the meaning of the sentence »The sun is shining« is exactly and nothing but what it says about the sun? Imagine two agents of a foreign intelligence service. They might use this sentence to signal the start of operation X . Then the meaning of »The sun is shining« is »Begin with operation X«. The always surprising thing about language is that strings of letters can »transport« thoughts and emotions which we would say have a quality radically different from that of the letters. Neither is philosophy printing ink, nor is love on paper. This gap, which is nevertheless a gap in one phenomenon, is a major topic for the aesthetic approach. b) Materiality Having considered the example of language - no meaning without text - we can appreciate much better why Kant wrote the following sentence: »If our subjective constitution be removed, the represented object, with the qualities which sensible intuition bestows upon it, is nowhere to be found, and cannot possibly be found« (A44) . Our subjective constitution is an intrinsic part of the whole of which an object is only a part. If the appearance is being destroyed, the object goes with it. By subjective constitution Kant meant sensibility and understanding. This means a »nobilitation of the sensible«.22 Traditionally, sensibility was regarded as a means of communication with a so-called external world. In Kant's aesthetics, it gets a fundamental role. An analog change happened to text, as we already saw. What were mere words, turned out to be the element of sense. Text and sensibility were traditionally considered to be only the material side of the phenomena. Now 2 1 . Ways of Wortdmaking, p. 93. 2 2 . Welsch, Aesthetisches Denken, p. 27nl7 . 40 Hanno Birken -Bertsch materiality founds the phenomena of meaning and objectivity - but not as separable and pure phenomena. »No firm line can be drawn between world-features that are discourse-dependent and those that are not«,23 says Goodman. The meaning in the text is an impure meaning and the object in the appearance is an impure object - if one takes these words in the old sense. If words are the element of sense and if only materiality can give rise to objects, then everything that there is is in some kind of text or matter. As the French philosopher Jacques Derrida said: »11 n'y a pas de hors texte«.24 The sphere of idealities depends on materiality in the same way as the ambiguous meaning of a Joycean sentence depends on its words. Logic needs chalk. But logic is a very successful and seductive abstraction of the conditions of its own possibility. Logic works for instance with the assumption that there may be two identical sentences (p & p). Deny one of them and you have a contradiction in the strictest possible sense (p & -p). Aesthetic theory, however, teaches that such a kind of a contradiction can be conceived only within the space of the construction called logic. In reality, that is, in appearance, no such contradiction can be found because of a fundamental lack of transportable sameness. Still, this insight into the impossibility of real contradictions will not change very much in areas where the standards of precision are different. If sameness is defined in practical terms, contradiction is possible indeed. c) Art Interestingly enough there is one human activity that is most concerned about the object being »in« the appearance, the world »in« the versions and the meaning »in« the text, namely art. There was never any doubt that in art, the work is done under the condition that meaning and matter are inseparable. At least modern art has made this condition its subject matter. The German philosopher Wolfgang Welsch is one of the few philosophers who have paid attention to the reflective work done in art. In an essay from 1979 entitled »At the limits of sense« he investigates how far the paintings of Jean Dubuffet contribute to philosophical problems. Here, however, it is important to note the general point about art working with material. Suppose a precise portrait of a person. The picture or meaning of the portrait and the one of the person can be assumed to be the same. But even in this extreme case, one crucial difference cannot be overcome: the material is not the same. This is a very crude example for the condition under which art always works. Artists have played with it and used the structure of the canvas as an element of their painting. But the problem is a principally unavoidable one for the artist because the material has to be chosen. It may be 2 3 . Of Minds and Other Matters, p. 41. 2 4 . De ta grammato/ogie. p. 227. The closure of experience 41 marble, wood or sound. It is the artist's choice to represent a face in one of those materials which have only one thing in common: they are not the same as the represented. The importance of the material is even more obvious where there is no representation of something else. Looking at a monochrome canvas, one is not helped by the command to imagine something that is not there. On the contrary, one is left alone with two materials, the canvas itself and the paint on it. There is no »picture« to hide the paint on the canvas. Are both »only« materials? What is the meaning-side of such a work of art? Is not the material already the meaning and the message? Or is one to contemplate the lack of sense? Bibliography Günter Abel, »Logic, Art , and Understanding in the Philosophy of Nelson Goodman«, Inquiry 3 4 ( 1 9 9 1 ) , pp. 311-321 . Lewis White Beck, »Toward a Meta-Critique of Pure Reason«, in his Essays on Kant and Hume, Yale UP, New Haven and London 1978, pp. 20-37 . Jacques Derrida, De ia grammatoiogie, Minuit, Paris ¡967. Nelson Goodman, Problems and Projects, Bobbs-Merrill, Indianapolis and New York 1972. Nelson Goodman, Ways of Worldmaking, Hackett, Indianapolis ( 1 9 7 8 ) fifth pr. 1988. 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Wolfgang Welsch, »An den Grenzen des Sinns«, Philosophisches Jahrbuch 86, 1 ( 1 9 7 9 ) pp. 84 -112 . Wolfgang Welsch, Ästhetisches Denken, Reclam, Stuttgart ( 1 9 9 0 ) 2nd ed. 1991. F . M. Willich, Elements of Critical Philosophy, Longman, London 1798. Authentic moral commitment — Kant's phenomenology of respect Paul Crowther This paper addresses Kant's complex arguments about the main kind of moral feeling. In Part I, I shall outline the structure of Kant's arguments concerning respect as they are presented in Book One, Chapter III of the second Critique. In Part II, I shall go on to criticise the claims to a priori status which Kant makes for respect; and in Part III will disentangle his major insights concerning it from this surrounding narrative of transcendental idealist epistemology. Finally, In Part IV, I shall develop these insights and thence restate the theory of respect in a way that is both consistent with Kant's ethical theory as a whole, and of more general significance. Part I Kant's general pattern of argument in Chapter III (Book One) of the second Critique is a relatively straightforward one. After his introductory comments, he proceeds to outline the negative and positive aspects of respect in turn, and then repeats this sequence some four or five times - with occasional detours wherein respect's broader social and theological significance is considered. What makes Kant's argument so difficult to grasp, however, is the fact that in each of his repetitions he tends to introduce new emphases and new points of detail - in a way which sometimes conflicts with his position as previously outlined. Rather than trace this extended development in detail, I will attempt to condense Kant's exposition and focus on the logical progression of his arguments. First, Kant holds that whilst a finite rational being cannot hope to explain why the moral law is able to determine the will, it is nevertheless possible to describe its effects. In order to show how the incentive for morality is provided, then, Kant proposes to carefully describe the effect of the moral law's determination of the will upon the faculty of desire. In essence, this effect is negative. As Kant puts it »... all inclination and every sensuous impulse is based on feeling, and the negative effect on feeling (through the check on the inclinations) is itself feeling. Consequently, we can see a priori that the moral law as a ground of This is a revised version of a paper presented to Mr Alan Montefiore's senior Kant Seminar at Balliot College, Oxford\ on May 25th 1988. I am indebted to the participants for their comments, and, in particular, to Mr Montefiore, Professor Onora O'Neill, and Mr Andrew Harrison. 44 Paul Crowther determination of the will, by thwarting all our inclinations, must produce a feeling which can be called pain. On these terms, then, to make a moral decision involves the restraining of contrary impulses. Since this restraint involves a modification of feeling it »must« itself be experienced as a feeling - of a negative sort. Kant then offers us a complex analysis of this affective state. On the one hand it temporarily »checks« inclinations to »self-love« or »selfishness«. The reason why this checking is not total is that these sorts of inclinations are natural and active in us, and can be enjoyed with impunity to the degree that they do not lead us to neglect our moral duties. On the other hand, the will's determination by the moral law altogether strikes down or »humiliates« inclinations towards »self- -conceit«. Now Kant gives - without remarking upon it - two rather different accounts of what constitutes »self-conceit«. His first full account occurs well on into Chapter III as follows. We are told that the propensity to »... make the subjective determining ground's of one's choice into an objective determination of the will in general can be called self-love; when it makes itself legislative and an unconditional practical principle, it can be called self- -conceit.«? Hence, when we act in a spontaneous way from motives founded on purely personal interest we exemplify self-love; but if we make this sort of motivation into a supreme principle of conduct i.e. adopt some kind of egoist sense of self or world-view, then we exemplify self-conceit. It is this self-conceit which the moral law totally »humiliates«. (The reason for this humiliation is not fully spelt out by Kant, and I shall return to it at the end of this section.) Now the second interpretation of self-conceit is most fully stated even further on in Chapter III. It occurs in the context of one of Kant's detours into the broader social signification of respect. He remarks as follows. .»... to a humble plain man in whom I perceive righteousness, my mind bows whether f choose or not ... Why? His example holds before me a law which strikes down my self-conceit when I compare my own conduct with it; that it is a law which can be obeyed, and consequently is one that can actually be put into practice, is proved before my eyes by the act. <•? Kant's point, then, is that exemplars of moral rectitude and (one presumes) one's own awareness of the exacting standards set by the moral law, humiliate self-conceit in the sense of shattering our moral complacency. They illuminate just how far in practice we fall short of such standards. Given, therefore, this now complete outline of the negative dimension of respect - in terms of the checking of selfish inclination, the humiliation of 1. Kant, Critique of Practical Reason, (Translated by A. W. Beck), University Press of Chicago, Chicago 1949, p. 182. 2 . Ibid, p. 184. 3 . Ibid, p. 181. A u then tic moral commitment 45 egoism and the shattering of moral complacency, we are now in a position to consider the positive aspects of the feeling. These are first introduced by Kant in the following passage. »Since /the moral/ law ... is in itself positive, being the form of an intellectual causality, i.e. the form of freedom, it is at the same time an object of respect, since, in conflict with its subjective antagonists (our inclinations), it weakens self-conceit... /hence/ it is an object of the greatest respect and thus of a positive feeling which is not of empirical origin. «* This awkwardly constructed passage is entirely typical of Kant's general style of expounding the positive dimension of respect. It suggests that there are two somewhat different aspects to this dimension - one based on the moral law's positive status as the exemplar of free rational agency; and other based on its causal efficacy in the humiliation of self conceit. That this apparent twofold aspect is not simply a function of Kant's awkwardness of presentation is demonstrated by the fact that at other points in Chapter III he discusses the two elements completely independently of one another. I shall now consider them in turn, beginning with the more difficult notion of the moral law's causal efficacy. The clearest exposition of this is to be found in the following passage. »Since the idea of the moral Jaw deprives self-love of its influence and self conceit of its delusion, it lessens the obstacle to pure practical reason and produces the idea of the superiority of its objective law to the impulses of sensibility; it increases the weight of the moral law by removing, in the judgement of reason, the counterweight to the moral law which bears on a will affected by the sensibility. <« (Ende der Vorrede). Die in der Einleitung wiederkehrende Metapher vom Brückenschlag zwischen der theoretischen und der praktischen Philosophie/Vernunft bildet das Leitmotiv des Unternehmens. Daß es auch noch die Ästhetik mit der Naturteleologie zusammenbinden und beide auf den gemeinsamen Nenner der Zweckmäßigkeit verpflichten würde, ist weniger evident. Die ästhetisch-teleologische Zweigleisigkeit der dritten kantischen Kritik macht die Rede von ihrem einen Grundproblem schwierig. Dennoch ist deutlich, daß, wenn Kant mit diesem Werk 'sein ganzes kritisches Geschäft zu endigen' behauptet, der Kritik der Urteilskraft eine systembeschließende Funktion zugedacht gewesen sein muß. Der reflektierenden Urteilskraft fällt, wie Vorrede und Einleitung an verschiedenen Stellen formulieren, die Aufgabe zu, eine Brücke zu schlagen zwischen den Gegenständen der beiden früheren Kritiken oder zwischen Theorie und Praxis (KdU B, S. IX, LIII-LIV). 'Theorie' meint hier den Bereich dessen, worüber wir in deskriptiven Sätzen, 'Praxis' die Sphäre, über die wir in normativen Sätzen sprechen. Beide haben ein verschiedenes Prinzip: jene das reine Selbstbewußtsein, diese die Freiheit. Sollte vermieden werden, daß die Vernunft sich in diese beiden Prinzipien spaltet und und mit sich selbst veruneinigt, so müßte in der (reflektierenden) Urteilskraft ein Kandidat zur Rettung der Einheit des kritischen Gesamtunternehmens aufgeboten werden. Das wird handgreiflicher, wenn man die Rede von einer theoretischen Vernunft durch die von ihrem Gegenstand, der Natur, ersetzt. Kant bezeichnet nämlich im weitesten Sinne den Gegenstand der Aussagenwahrheiten (also das, was theoretischen Urteilen in der Welt entspricht, sofern sie korrekt sind) als Inbegriff der Natur. Dann tut sich der eben beschworene Abgrund zwischen der Natur und der praktischen Vernunft auf. Kants Frage muß dann lauten: kann eine vollständige Beschreibung der Natur nach Prinzipien theoretischer Vernunft im Widerspruch sein mit den Prinzipien der praktischen Vernunft? Das würde bedeuten, daß ein bestimmtes Tier, der Mensch, ein anderes wäre unter theoretischer als unter praktischer Beschreibung. Soll das ausgeschlossen sein, muß der Vernunftzweck der Praxis - die Verwirklichung eines Sozialzustandes in Konformität mit dem kategorischen Imperativ - als etwas von der Natur selbst gleichsam 60 Manfred Frank Prämeditiertes angenommen werden - und daß Kant dies, vor allem in seinen Spekulationen zum ewigen Frieden und zu einer Geschichte in weltbürgerlicher Absicht - wirklich erwägt, zeigen die Texte mit diesen Titel. Wie kann man diese Konvergenz in der Bedeutung von Vernunft hinsichtlich ihres theoretischen und praktischen Gebrauchs näher erläutern? Vernünftigkeit ist für Kant durch drei Kriterien definiert: Denknotwendigkeit, Universalität und Gesetzmäßigkeit. Für das erste sagt er gern auch Apriorität. Sie ist von der nachkantischen Philosophie oft angefochten worden und ist entbehrlich für unsere Zwecke. Das zweite, das Universalisierbarkeits-Gebot, macht geltend, daß als begründet nur ein solcher Satz passieren kann, in dem von allen situativen und individuellen Determinanten abgesehen wird: Die Wahrheit fällt darunter, die logischen und matematischen Gesetze, die Grundsätze des reinen Verstandes (in der Erfahrungswelt geschieht nichts ohne Ursache, alle Anschauungen sind extensive Größen, in allen Erscheinungen hat das Reale als Gegenstand der Empfindung intensive Größe, d.h. einen Grad, usw.), aber ebenso praktische Verhaltungen, vorausgesetzt, sie bestehen die Probe ihrer strikten Zumutbarkeit für alle anderen Vernunftwesen. Das Kriterium, welches die theoretische Universalisierbarkeit auf den Bereich des Praktischen überträgt, liegt im kategorischen Imperativ vor. Das dritte Rationalitätskriterium ist die Gesetzmäßigkeit: Um verallgemeinbar zu sein, müssen theoretische (oder deskriptive) Sätze (deren Gegenstand die Natur ist) sich Gesetzen unterwerfen: der Logik, der Mathematik, den Kategorien und Grundsätzen der reinen Verstandes. Das gleiche gilt aber analog wieder auch im Bereich des praktischen Handelns - für präskriptive Sätze: um vernünftig zu sein, müssen sie sich einem Gesetz unterwerfen, eben dem Sittengesetz, wie es der kategorische Imperativ formuliert, den Kant ausdrücklich als ein Gesetz apostrophiert. Die Analogie zwischen Theorie und Praxis springt jetzt in die Augen. Die Vernunft ist theoretisch, insofern sie sich auf Anschauungen (Erscheinungen) richtet, praktisch, sofern sie auf Handlungen (den empirischen Willen) angewendet wird; im einen wie im andern Fall handelt es sich um eine und dieselbe V E R N U N F T gemäß den drei Rationalitätskriterien. Diese Analogie zwischen theoretischen und praktischen Geltungsansprüchen - auf die Habermas so viel Nachdruck legt - darf indes einen wesentlichen Unterschied nicht übersehen machen: Im theoretischen Gebrauch hebt die Vernunft Anschauungen in den Rang von Objekten (oder vielmehr: Tatsachen), sie äußert sich indessen nicht über ihr Sein-Sollen. Die theoretische Vernunft ist konstativ, ihre Allgemeinheit ist die der Tatsachen- oder der Vernunftwahrheiten. Dagegen setzt und beabsichtigt die praktische Vernunft - der Gegenstand der zweiten kantischen Kritik - Zwecke. Ein Zweck ist keine Tatsache, sondern eine vernünftige Hinsichtnahme, die mein Handeln leitet und die ich künftig zu verwirklichen strebe. Die Kritik der Urteilskraft als Schlußstein . 61 Wer den Sachverhalt so formuliert, setzt sich der aber auch folgender Rückfrage aus: Haben die Tatsachen als Tatsachen denn keinen Zweck? Und mithin: täte sich ein Abgrund auf zwischen der Natur als dem Gesamt der Objekte (Bereich der theoretischen Vernunft) und dem Gesamt der Zwecke als dem Bereich der praktischen Vernunft? Damit sähe sich Kants Projekt, die Einheit der Vernunft als theoretischer und praktischer aufzuweisen, von vornherein disqualifiziert als unvereinbar mit den erkenntnistheoretischen Rahmen-Bedingungen seiner Philosophie. Kant beschreibt das Grundproblem seiner dritten Kritik im IX. Kapitel der Einleitung zu diesem Werk: Der Verstand ist a priori gesetzgebend für die Natur als Objekt der Sinne, zu einer theoretischen Erkenntnis derselben in einer möglichen Erfahrung. Die Vernunft ist a priori gesetzgebend für die Freiheit und ihre eigene Kausalität, als das Übersinnliche in dem Subjekte, zu einem unbedingt-praktischen Erkenntnis. Das Gebiet das Naturbegriffs, unter der einen, und das des Freiheitsbegriffs unter der anderen Gesetzgebung, sind gegen allen wechselseitigen Einfluß, dem sie für sich (ein jedes nach seinen Grundgesetzen) aufeinander haben könnten, durch die große Kluft, welche das Übersinnliche von den Erscheinungen trennt, gäntlich abgesondert. Der Freiheitsbegriff bestimmt nichts in Ansehung der theoretischen Erkenntnis der Natur; der Naturbegriff ebensowohl nichts in Ansehung der praktischen Gesetze der Freiheit: und es ist insofern nicht möglich, eine Brücke von einem Gebiete zu dem andern hinüberzuschlagen. (S. LIII-LIV) Diese kleine Passage ist von großer Tragweite. Sie stößt uns auf mehrere Begriffe, deren Verwendung wir noch nicht oder nicht ausreichend überblicken. Zunächst wird unterschieden zwischen Verstand und Vernunft. Ersterer ist Prinzip der theoretischen, letztere Prinzip der praktischen Vernunft. Sofort drängt sich folgende Frage auf: Ist der, welcher durch Einsatz seines Verstandes die Sinnenwelt zu einem Mechanismus verknüpft, ein anderes Subjekt als dasjenige, welches sich selbst bestätigt als Quelle der Freiheit? Das cogito (das »Ich denke«) der Theorie, bezöge es sich auf ein anderes Ich als dasjenige, das sich frei fühlt? Das scheint in der Tat Kants Überzeugung zu entsprechen, sonst hätte das Gleichnis von der Kluft zwischen Verstand und Vernunft keinerlei Sinn. Welche Funktion hat der Verstand in Kants Gesamtsystem inne, und an welchem Punkt dissoziiert er sich von den Leistungen der (praktischen) Vernunft? Zunächst ist der Verstand für die Tatsache verantwortlich, daß uns die Sinnenwelt gleichsam gefesselt erscheint durch die Gesetze, die er ihr auferlegt und durch die er sie zu einem durchgängigen Determinismus verknüpft (Kant nennt ihn blind). Dies geschieht durch die »Kategorien«: 'Urteilsformen', in 62 Manfred Frank denen universell-objektkonstitutive Prädikate aufs sinnlich Gegebenes angewandt werden. Geurteilt wird durch diese Formen mithin von Anschauungs-Mannigfaltigkeiten, durch welche Menge von elementaren Prädikaten sie zu Objekten-überhaupt spezifiziert werden. Die Kants Theorie zugrundeliegende Idee findet sich schon im Glaubensbekenntnis des savoyardischen Vikars von Rousseau, dessen Lektüre Kant so aufregte, daß er seinen berühmten Nachmittagsspaziergang vergaß. Ich fasse den Grundgedanken zusammen. Obwohl ich mich passiv fühle als Sinnenwesen, sagt der Vikar, weiß ich mich unzweifelhaft aktiv, sobald ich urteile. Die ganze Denktätigkeit läuft auf Urteilen hinaus. Urteilen heißt verknüpfen: verknüpft werden an sich unverbundene und gleichsam chaotische Wahrnehmungen. Es ist das kopulative (oder vielmehr veritative) »ist«, durch dessen Intervention diese Vereinigung geschieht. Wer dieses »ist« im Blick auf verschiedene Vorstellungen ausspricht, versammelt dieselben in einer analytischen Einheit, die ihnen als gemeinsames Merkmal dient. Eine solche analytische Einheit nennt man ihren Begriff. Ein Begriff ist der kleinste gemeinsame Teiler, in den sich eine unabsehbare Mannigfaltigkeit von elementaren Sinneseindrücken teilt. In anderen Worten: Wer das veritative 'ist' in einem Satz sinnvoll ausspricht im Blick auf ein Bündel von Vorstellungen, versammelt sie eben damit unter einem Merkmal, das ihnen allen gemein ist und in dem ihre Objektivität gründet. Die Objektivität der einzelnen Vorstellungen ist mithin eine Funktion der Wahrheit der Urteile, die über sie ausgesprochen werden können. An ihrem Ursprung steht die Identität desjenigen Ich, das sich durch sie alle hindurch ins Werk setzt, und zwar vermittels des kopulativen (oder richtiger: veritativen) 'ist', welches jedes Urteil enthält (KrV B 141/2). Nur das ist also Objekt, wofür in einem wahren Urteil ein Subjekt-Terminus steht (z.B. »diese Rose da«). So besteht eine interne Verbindung zwischen Urteilswahrheit, Kategorie und Objektivität eines Einzeldings. Nun ist die die Kausalität - der Bezug von Ursache auf Wirkung - eine Kategorie unter anderen; sie verknüpft nicht nur verworrene Vorstellungen untereinander zu einem Objekt, sondern vereinigt auch verschiedene Gegenstände untereinander so, daß ein Zustand Ursache und ein anderer Wirkung ist. So wird die ganze Sinnenwelt durchgehend zu einen nexus causalis oder effectivus - zu einem Ursache-Wirkungs-Zusammenhang - verwoben; und einen solchen nennt Kant Mechanismus. Ein Gesamt von Erscheinungen, die untereinander durchs Kausalgesetz verknüpft werden, ergibt den Begriff einer vollständig determinierten Welt, eben eines Mechanismus. So kann der Anschein entstehen, das Gesamt der Objekte sei ausdehnungs- gleich mit dem Gesamt des Naturmechanismus. Wenn wir jedoch den Blick wenden von den determinierten Objekten auf das determinierende Subjekt, Die Kritik der Urteilskraft als Schlußstein . 63 sehen wir uns von der Sinnenwelt in die Geisterwelt verwiesen. Das Subjekt - die Vorstellung 'ich denke' welche am Ursprung der Kategorien-Bildung ist, ist ein nicht-empirisches, also reines Prinzip, das mithin nicht den Gesetzen der Sinnenwelt untersteht, sondern ihnen souverän sein Siegel aufdrückt. So kündigt sich, mitten in der Sinnenwelt (dem Bereich der theoretischen Vernunft), ganz unerwartet ein Prinzip an, das deren Grenzen überschreitet und Bürgerrecht in der Geisterwelt verlangt. Dies Prinzip ist ferner aktiv: es besteht in der Tätigkeit des 'ich verbinde', durch welche das sinnlich Mannigfaltige unter Begriffskriterien vereinigt wird. Diese Tätigkeit, als diesseits der Kategorien situiert, kann nicht von den letzteren her interpretiert werden. Ebensowenig kann sie für einen Gegenstand der Erkenntnis gelten; denn von 'Erkenntnissen' spricht Kant nur im Blick auf (kategorial zugerichtetes) Wahrgenommenes - und das Ich ist unsinnlich. Ist das der Fall, so stoßen wir bereits hier auf ein Motiv, das uns ermutigt, die Kluft zwischen den beiden Welten nicht für unüberwindlich zu halten. Zwischen der Sinnenwelt - dem Bereich des blinden Mechanismus - uns dem Reich der Freiheit gibt es bereits innerhalb der KrV Übergänge. Spezifischer für den Kontext der KdU ausgedrückt: dasjenige, welches das sinnliche Mannigfaltige durch Kategorien zu einem Mechanismus verbindet, steht nicht selbst unter Gesetzen des Mechanismus und ist insofern frei - Kant sagt 'spontan' (womit er eine Aktivität im mentalen Bereich meint, im Unterschied zu einer Aktivität, durch die ich etwas in der raum-zeitlichen Wirklichkeit bewege). Wie kann aber dann von ihm Kenntnis bestehen? Das ist ein Problem, auf welches Kant keine überzeugende Antwort gefunden hat. Die Frühidealisten haben - unter Verweis auf eine dunkle Fußnote in KrVB 422/3 - zeigen zu können geglaubt, daß Kant die von ihm grundsätzlich bekämpfte Möglichkeit einer 'intellektuallen Anschauung' um der Einsichtigkeit des »höchsten Punkts der [theoretischen] Philosophie« (I.e., § 16) willen dieses eine Mal in Anspruch nehmen mußte. Die hiermit verbundenen, äußerst komplexen Fragen können hier freilich nicht Thema werden. Das Ergebnis dieser ersten (das Begründungsdefizit der Theorie betreffenden) Überlegung läßt sich so resümieren: das Prinzip der theoretischen Vernunft, welches der Sinnenwelt seine Fessel auferlegt und sie zu einem kausalen Mechanismus verknüpft - dies Prinzip entgleitet der kausalen Determination und verweist auf den Bereich der praktischen Vernunft. Auf den der praktischen Vernunft darum, weil es, wie Kant sagt, eine Spontaneität betrifft, wie sie in der gesamten Sinnenwelt nicht anzutreffen ist. Und auch darum, weil das Prinzip der Theorie ein übersinnliches Seindes ist: es kann, wie wir sahen, nicht aufs Objekt einer Anschauung reduziert werden und konstituiert mithin keine Erscheinung, denn alle Erscheinungen stehen 64 Manfred Frank unterm Gesetz der Kausalität, welches die Welt zu einem blinden Mechanismus zusammenbindet. Diese Beobachtung erlaubt nun den Wechsel zur zweiten kantischen Kritik, der der praktischen Vernunft. Diese versetzt sich ohne weiteres auf den Standpunkt der Freiheit, der Kant für ein übersinnliches Prinzip des Handelns hält. Und hier zeigt sich nun, daß sich ein zu den eben vorgeführten genau symmetrisches, wenn auch das umgekehrte Problem ergibt. Hat die theoretische Vernunft das Problem, die Sinnenwelt in einem Übersinnlichen zu fundieren, ohne es in einer Erkenntnis darstellen zu können, so hat die praktische Vernunft das umgekehrte Problem, sich auf den Standpunkt der übersinnlichen Freiheit zu stellen und von hier keinen Übergang in die Sinnenwelt begründen zu können; denn nach Kants Auffassung gehören beide zu zwei völlig getrennten »Stämmen unseres Erkenntnisvermögens«, zwischen denen nichts vermittelt. Das Grundproblem der Kritik der praktischen Vernunft läßt sich folgendermaßen skizzieren: War es in der ersten Kritik darum gegangen, die Objektivität der Erfahrung durch Rekurs aufs reine Denken zu begründen, so muß die zweite Kritik die Verbindlichkeit unserer Handlungen aus einem überindividuellen übersinnlichen Prinzip rechtfertigen. Der universelle Charakter des Sittengesetzes (das in der praktischen Philosophie eine analoge Rolle zu der der Kategorien in der theoretischen spielt) kann aus individuellen Maximen nicht erklärt werden: denn deren Anwendungsfeld ist ja immer nur von beschränkter Geltung. Die verschiedenen Formulierungen, in die Kant seinen kategorischen Imperativ kleidet (»kategorisch« meint hier einfach: von unbedingter Geltung), interessieren uns hier nicht. Das kantische Moralprinzip ist so konzipiert, daß es alle Normen als ungültig ausschließt, die nicht auf die qualifizierte Zustimmung aller von ihren Auswirkungen Betroffenen rechnen können. Das Prinzip, das hier eingreift, um diesen allgemeinen Konsens zu ermöglichen, soll also sicherstellen, daß als gültig nur die Normen akzeptiert werden, die den allgemeinen Willen ausdrücken; sie müssen als 'allgemeines Gesetz' einleuchten. Was einen Leser, der nur Kants erste Kritik kennt, verwundern muß, ist, daß Kant diesen allgemeinen Willen auf ein »Faktum der Vernunft« (KpV 56) begründet, für welches er apriorische Einsichtigkeit unterstellt. Nun verfügt nur die theoretische Vernunft über Begriffe, die a priori universell und damit objektiv sind (d.h. Tatsachen-konstituierend). Aber im Unterschied zu den Kategorien - welche die Objektivität von Erkenntnissen sicherstellen - schreibt ein kategorisch gültiger Imperativ ein Sollen vor und läßt sich nicht in einer Erkenntnis fassen, deren Geltung durch Tatsachen der empirischen Welt überprüft werden kann. Anders gesagt: es gehört zur Struktur selbst der praktischen Vernunft, daß - ohne Minderung ihres Anspruchs auf objektive Die Kritik der Urteilskraft als Schlußstein . 65 Geltung - diese Geltung sich gegen die Tatsachen behaupten muß, ja, daß gar nichts Empirisches ihr angemessen sein könnte. So sieht man nun ohne weiteres, daß sich hiermit eine Aporie andeutet, die derjenigen ganz ähnlich ist, die wir in der Kritik der reinen Vernunft antrafen: auch dem cogito als Prinzip des Verstandes kann keine Erkenntnis angemessen sein, oder sie könnte das nur auf die Gefahr hin, das Prinzip in die Sinnenwelt herabzureißen. Dieser Umstand macht die Rede von einem 'Faktum der Vernunft' problematisch; als Faktum gehört es zur Erscheinungswelt, der die reine praktische Vernunft doch gerade ihre übersinnlichen Gebote vorschreibt. Andererseits: erschiene die Freiheit nicht irgenwie, wie könnten wir sie erfassen? Kurz: Kant müßte, um die Einsichtigkeit und ferner die Existenz der Freiheit zu verbürgen, erneut auf eine intellektuelle Anschauung zurückgreifen, deren Möglichkeit doch zugleich im Zentrum seiner Metaphysik-Kritik steht. Nur Wahrnehmung verbürgt Existenz (laut Kant), nun soll aber die Freiheit zugleich über-empirisch sein. In einigen Formulierungen der nachgelassenen Reflexionen hat Kant sich in der Tat zu der Formulierung getrieben gesehen, daß wir von der Realität der Freiheit Kenntnis nur besitzen durch »innere intellektuelle Anschauung unseres Handelns« (Nr. 4336; vgl. KpV § 7, S. 55/6). - Auch hier ist also, unter dem Zwang der Sache und wider die dualistischen Prämissen der kantischen Systemlage, die Kluft zwischen Sinnenwelt und Geisterwelt schon überschritten, wenn auch um den Preis wenig überzeugender und aporetischer Konstruktionen. Damit ist jedenfalls das Problem berüht, an dessen Lösung sich Kants dritte Kritik eigens macht. Die Urteilskraft ist das Vermögen im menschlichen Gemüt, welches Brücken schlägt zwischen dem Individuellen und dem Allgemeinen, also - denn alles Einzelne ist intuitiv - zwischen der Anschauung und dem Begriff. Sie kann bestimmend sein, wenn sie zu gegebenen Allgemeinbegriffen einen Anwendungsfall sucht, der darunter fällt (KrV A 133 ff. = B 171 ff . ) - der Mangel dieser Fähigkeit, sagt Kant, ist, was man gemeinhin Dummheit nennt, und dies Gebrechen ist unheilbar (B 172/3) - oder sie ist reflektierend und sucht alsdann zu einer gegebenen einzelnen Anschauung oder einem einzelnen Gegenstand den Begriff, der sie (oder ihn) interpretiert. Auf unser Problem angewandt: gesucht wird, unter Appell an die reflektierende Urteilskraft, eine (praktische) Deutung des Faktums der Theorie (der Natur). Man könnte die Natur als ein aufgeschlagenes Buch betrachten, zu dem man die passende Interpretation durch einen Vernunftbegriff (eine Idee) sucht. Oder auch: die reflektierende Urteilskraft begnügt sich nicht mit einer mehr oder weniger erschöpfenden Beschreibung der Tatsachen, so wie sie sich der theoretischen Erkenntnis darbieten (und mithin auch deren Prinzip: dem Verstand, dem Selbstbewußtsein); sie stellt der Theorie die Frage nach dem »Wozu« des Ganzen. Die Frage 'wozu?' könnte 66 Manfred Frank nur im Bereich der Praxis eine Antwort finden, da nur ein praktisches Wesen Tatsachen durch Hinsichtnahme auf einen Zweck bewerten könnte. In dem Sinne hatte Kant schon in der Vorrede zur Kritik der praktischen Vernunft von der Freiheit (als dem Prinzip der Praxis) als von dem »Schlußstein von dem ganzen Gebäude eines Systems der reinen, selbst der spekulativen Vernunft« gesprochen (KpV 4). Nun könnte die Freiheit aus sich allein die Vollendung des ganzen Vernunftsystems nur vollbringen, wenn sie sich mit der Urteilskraft verbündete, die, wie Kant sagt, sein ganzes kritisches Geschäft endige (KdUX). In der Vorrede zur ersten Auflage der Kritik der Urteilskraft führt Kant dies Vermögen als ein Mittelglied ein zwischen dem Prinzip der theoretischen und dem der praktischen Vernunft, also zwischen dem Selbstbewußtsein und der Freiheit. Verstand und Vernunft sind mithin keine getrennten Vermögen, sie gliedern sich in eine bestimmte Arbeit und in eine bestimmte Reihe von Operationen, die ihre Verbindung erheischen. Zwischen beide tritt ein Mittelglied, ein Verbindungsstück. Dies Mittelglied ist die reflektierende Urteilskraft (I.e., V) . Ihre Bestimmung ist, jene Brücke zu schlagen über den Abgrund - die »unübersehbare Kluft«, sagt Kant - , welche sich zwischen Natur und Geist, Theorie und Praxis auftut (I.e. X I X ) . Unter 'Natur' versteht Kant das Gesamt des Sinnlichen, sofern es durch Kategorien verknüpft ist, worunter die der Kausalität die Hauptrolle spielt: die schon durch Kategorien formierte Sinnen weit heißt ihm auch 'Erfahrung'. So betrachtet, kann die Natur - das Gesamt der Erfahrung - als ein Mechanismus verstanden werden. Dagegen fällt ins Reich der Freiheit alles, was aus Gesetzen entspringt, die ihrerseits aus der praktischen Vernunft und ihren Forderungen sich ergeben. Die Kritik der Urteilskraft sucht nun das Gelingen des Brückenschlags zwischen Natur und Vernunft an zwei Typen von Beispielen aufzuzeigen: am sogenannten Geschmacksurteil und am teleologischen Urteil (welches der Natur eine Zweckmäßigkeit unterstellt). In beiden Fällen - die nur auf den ersten Blick weit auseinander zu liegen scheinen - ist uns etwas Empirisches gegeben (ein Kunstwerk, z.B. das Gäßchen von Jan Vermeer, oder ein Naturobjekt, z.B. diese rote Rose): beide Objekte situieren sich auf der Ebene von Entitäten, die dem empirischen Erkennen zugänglich sind, also dem auf Anschauung angewandten Verstand. Nichts an der Realität des Gemäldes oder der Rose entgeht den Synthesen, welche das Prinzip der theoretischen Vernunft zwischen dem Empirischen und dem Begrifflichen knüpft. Die einzige Hinsicht, die dem rein theoretischen Blick entgeht, ist, daß das Gemälde schön und daß die Rose ein Organismus ist, d.h. ein Seiendes von der Art, daß sein physischer Mechanismus auf eine Zweckidee ausgerichtet ist, welche seine Struktur nur indirekt durchscheinen läßt. Kurz: Kant interpretiert dasjenige, was in unseren Beispielen dem rein theoretischen Zugriff entgleitet, als Eigentümlichkeit unserer Gegenstände, die an Ideen Die Kritik der Urteilskraft als Schlußstein . 67 appellieren, mithin an den Bereich praktischer Vernunft und in letzter Instanz an die Freiheit als die alleinige Quelle aller »reinen Vernunftbegriffe«, deren Verein die Bestimmung des menschlichen Daseins ausmacht. Aus dieser theoretischen Grundstellung wird der deutsche Idealismus und vor allem die Schellingsche Naturphilosophie entstehen. Schelling wird die Grenzlinie des kantischen Kritizismus genau im Namen des Kunstwerks und des Naturorganismus überschreiten. Die Brücke zwischen den auseinanderklaf- fenden Bereichen der Natur und des Geistes wird so enfgültig geschlagen. Und es versteht sich, daß dieser Brückenschlag sich innerhalb der Struktur bewußter Selbstbeziehung abspielen wird. Das Selbstbewußtsein wird verstanden als eine (praktische) Tätigkeit, die ins Unendliche strebt und zum Bewußtsein kommt, indem sie durch eine gegenläufige limitative Tätigkeit auf sich selbst zurückgetrieben und so begrenzt wird. Sich seiner bewußt werden heißt dann: handeln und (theoretisch) diese Handlung bezeugen. Praxis und Theorie sind zwei Pole einer einigen Selbstverständigungsbewegung, in denen ein ursprünglich Identisches indirekt sich manifestiert, das als solches weder Praxis noch Theorie, weder unendlich noch endlich ist. So wäre auch garantiert, daß derjenige, der zu sich »ich« sagt als denkendes Subjekt, kein anderer ist als der, der sich mit dem Pronomen der ersten Person singularis als Subjekt des freien Handelns konstituiert. Nun ist das »Ich denke«, welches alle unsere Vorstellungen muß begleiten können, der höchste Punkt und oberste Grundsatz der theoretischen Philosophie (KrV § 16). Das »Ich handle frei« dagegen ist Prinzip der praktischen Vernunft. Wenn beide Grundsätze sich als die zwei Seiten einer einigen Selbstbeziehung, der vollendeten Identität des Handelns und des Denkens, herausstellen, ist die »unübersehbare Kluft« im Kantischen System endgültig geschlossen. Dies zu leisten, ist der Anspruch des jungen Schelling. Um ihn auszuführen, muß man 'die kantische Grenzlinie' (Hölderlin) überschreiten, innerhalb deren die KdUargumentiert. Sie maßt sich nicht an, der Deutung empirischer Begriffe (und des Gesamts der konkreten Natur) aus Vernunft-Prinzipien Objektivität beizumessen. Vielmehr sagt sie nur, solche Deutungen entsprängen aus einer subjektiven Nötigung unserer Vernunft. Die Vernunft kann die konkrete Ausformung der empirischen Natur in ihrer Mannigfaltigkeit nicht hinnehmen; ihr Einheitsprinzip gebietet ihr, auch das Gesamt der Natur als systematisch anzunehmen. So geht es ihr um die Beziehung, die besteht zwischen den empirisch beobachteten Regel- mäßigkeiten zwischen verschiedenen Nalurgegenständen und dem Prinzip, das sie alle befaßt. Hier gehen wir aus von empirischen Gesetzen (z.B. solchen, die Katzen eigentümliche Verhaltensweisen zuschreiben) - Gesetzen, die nach unserer Verstandesansicht zufällig sind, die darum aber nicht minder, sollen sie als echte Naturgesetze ernstgenommen werden, eine Rückführung auf Prinzipen der Einheit des Mannigfaltigen verlangen, - Einheitsprinzipien, die 68 Manfred Frank wir noch nicht kennen, die wir aber unterstellen müssen, um die konkreten Naturgesetze ihrer Kontingenz für den Verstand unerachtet als notwendig ansehen zu können (KdLJXXVl). Das muß erläutert werden - denn wir stoßen hier auf einen kruzialen Punkt der Kritik der teleologischen Urteilskraft, ohne dessen genaueres Verständnis wir nicht vom Fleck kommen. In der Deduktion der Kategorien hatte Kant zwischen Regeln und Gesetzen unterschieden. Der zweite Begriff ist strenger. Man spricht von Gesetzen nur mit Bezug auf objektive Regeln, die, sagt Kant, »der Erkenntnis des Gegenstandes notwendig anhängen« ( K r V A 126). Das heißt, daß die Formulierung eines Gesetzes sich abstützen läßt auf eine Garantie von seiten apriorischer Einsehbarkeit: wir wissen, es könnte nicht anders sein. Das ist der Fall aller reinen Anschauungen, sofern sie durch den Verstand vermittels der Kategorien bestimmt sind. Nun nennt Kant 'Natur' das Gesamt der Anschauungen (oder der Erscheinungen), insofern sie kategorial bestimmt sind; und ein 'Naturgesetz' (im strengen Sinn der Wortes) könnte nur ein solches sein, an dem zu zweifeln schlechterdings unmöglich ist. Diese Naturgesetze sind a priori in dem genauen Sinn, daß unser Verstand sie nicht aus der Natur schöpft, sondern sie ihr vorschreibt, wie es eine berühmte Formulierung aus den Prolegomena sagt: »Der Verstand schöpft seine Gesetze (a priori) nicht aus der Natur, sondern schreibt sie dieser vor (Prolegomena, A 113, § 36). Kant sagt anderswo (KrV A 216 = B 236): Unter Natur (im empirischen Verstände) verstehen wir den Zusammenhang der Erscheinungen ihrem Dasein nach, nach notwendigen Regeln, d.i. nach Gesetzen. Und wieder anderswo: Die Ordnung und Regelmäßigkeit so an der Erscheinungen, die wir Natur nennen, bringen wir selbst hinein, und würden sie auch nicht darin finden, hätten wir sie nicht, oder die Natur unseres Gemüts ursprünglich hineingelegt, denn diese Natureinheit soll eine notwendige, d.i. a priori gewisse Einheit der Verknüpfung der Erscheinungen sein (A 125). Von diesem Gesetzesbegriff unterscheidet Kant den weniger strengen der Regel. Eine Regel ist nicht a priori und ermangelt mithin der verbürgten Notwendigkeit und Universalität. Alle Regularitäten, die empirische Naturgegenstände verknüpfen - das Gravitationsgesetz, die Unschärferelation, die spezielle Relativitätstheorie oder einfach die Regeln, welche die nächtlichen Streifzüge unseres Kätzchens bestimmen - sind Regeln in diesem Sinne. Sie hängen natürlich von der Gültigkeit von Gesetzen (oder Prinzipien a priori) unseres Verstandes ab, dergestalt, daß keine Regel ein solches Gesetz übertreten könnte. Indessen sind die empirischen Regeln, die die konkrete Natur konstituieren, so wie sie sich den Augen des Wissenschaftlers darbietet, durch ihre Übereinkunft mit universellen Verstandesgesetzen noch nicht ausreichend spezifiziert. Es besteht nicht die mindeste Notwendigkeit für einen Gegenstand-überhaupt, in der Weise eines brünetten Kätzchens zu existieren. Die Kritik der Urteilskraft als Schlußstein . 69 Kategorien oder - wie Kant auch sagt - allgemeine Verstandesbegriffe spezifizieren ja nur universelle Prädikate, die allen Objekten zukommen; sie spezifizieren an Anschauungen nur deren Objektivität-im-allgemeinen. Darum ist die Totalität der spezifischen Gesetze der empirischen Natur (also der Regeln, wie Kant sagen müßte) nicht im allermindesten in ihrer spezifischen Individualität bestimmt durch die schematisierten Kategorien (oder Grundsätze) des reinen Verstandes. Hier stellt sich also ein Vermittlungs- problem. Es wird nötig auf die Urteilskraft zu rekurrieren, deren Aufgabe es ja ist, zwischen Allgemeinem und Einzelnem zu vermitteln. Obwohl empirische Naturregeln relativ allgemein sind verglichen mit dem, was sie konkret unter sich befassen, sind sie doch verhältnismäßig partikulär im Vergleich mit der unbeschränkten Universalität der Verstandesgesetze (wobei der Verstand in diesem Sinne ganz passend definiert werden kann als das Vermögen der Gesetze: KrV, A 126). Zusammenfassend: Kant unterscheidet zwei Konzepte von Natur. Das eine nennt er formell, das andere materiell. Dem ersten zufolge muß man unter Natur verstehen das »Dasein der Dinge sofern es nach allgemeinen Gesetzen bestimmt ist« (.Prolegomena, § 14, = A 71); und allgemein sind nur die Gesetze, die a priori aus jedem Verstand als Vermögen der Gesetze fließen und sich ebenso apriorisch auf die reinen Anschauungsformen (Raum und Zeit) anwenden. Aber, präzisiert Kant: Noch nimmt das Wort Natur eine andre Bedeutung an, die nämlich das Objekt bestimmt, indessen daß in der obigen Bedeutung sie nur die Gesetzmäßigkeit der Bestimmungen des Daseins der Dinge überhaupt andeutete. Natur also materialiter betrachtet ist der Inbegriff aller Gegenstände der Erfahrung (Prolegomena, § 16, A 74). Nun ist deutlich, daß die Natur - als von den Kategorien zugerichtetes Ganzes von Erscheinungen - den Gegenstand der Kritik der reinen Vernunft bildet, während die Natur als Gesamt der konkreten Objekte (und als Totalität der spezifischen Gesetze, die sie regieren) das Thema der Kritik der Urteilskraft ist. Warum? Weil die Natur, als Korrelat der apriorischen Gesetze unseres Verstandes, von diesem restlos verstanden werden kann, denn er ist ja das »Vermögen der Gesetze«. Zwischen diesen universellen (weil apriorischen) Gesetzen und den spezifischen Regeln tut sich mithin jener Abgrund auf, den allein die Urteilskraft überspringen könnte. Diese Kluft zwischen der Universalität der rein theoretischen Geseetzgebung und der nur komparativen Allgemeinheit der empirischen Naturregularitäten macht, daß die letzteren als ein Bereich des Kontingenten erscheinen, als »Zufall«. Die Vernunft muß es als einen Mangel ansehen, daß sie durch ihre gesetzgeberische Funktion nicht garantieren kann, daß sich die besonderen Naturgesetze (Regeln) zu umfassenderen systematischen Einheitszusammenhängen zusammenschließen. 70 Manfred Frank Denn das heißt ja, daß sie die Einheit der Natur - in der zweiten, materiellen Wortbedeutung - nicht garantieren kann. Vom Standpunkt der Gesetzgebung, wie er den universellen Verstandesgesetzen eignet, muß diese Einheit - auf deren Suche sich die reflektierende Urteilskraft macht - mithin als zufällig, als auch anders sein könnend, erscheinen. (»Zufällig« heißt hier: was in seinem Stoff nicht konstituiert und hinsichtlich seiner Form nicht bestimmt ist durch Gesetze a priori, also durch Kategorien). Nun gehört es zum Wesen der Vernunft, diese Kontingenz zugunsten einer systematischen Einheit aufheben zu wollen, aus der die empirischen Naturgesetze als notwendige Schlüsse folgen. Da diese Einheit aber selbst nicht notwendig einsichtig ist und auch empirisch nicht aufgewiesen (das Empirische ist an sich chaotisch und gibt von sich aus keinerlei Gesichtspunkt her, unter dem seine Einheit begriffen werden könnte) und doch auch nicht einfach dogmatisch dekretiert oder abgeleitet werden kann, bietet Kant der Philosophie folgenden Ausweg an: Man muß, empfiehlt er uns, die Natur vom Standpunkt der Urteilskraft betrachten, »als ob« sie ein organisches System bildete. Unter einem System versteht er die Versammlung aller Objekte unter der Einheit einer zentralen Hinsichtnahme. Da diese Hinsichtnahme, wie wir sahen, kein reiner Verstandesbegriff sein kann und neben Verstandesbegriffen nur noch Vernunftbegriffe, Ideen, für diese Vereinigungsleistung in Frage kommen, muß die Urteilskraft die Totalität der vom Verstand konstituierten Objekte auf die Idee der Vernunft beziehen. Von da aus ließe sich eine Naturkonzeption ins Auge fassen, nach der die Natur gleichsam spontan oder freiwillig dem Bedürfnis entgegenkäme, welches die Vernunft an systematischer Einheit hat. Diejenigen Naturgebilde, die man unterm Gesichtspunkt ihrer innern (»formalen«) Zweckmäßigkeit betrachtet (und die sozusagen symbolisch die organisch-systematische Verfaßtheit der Vernunft selbst darstellten: vgl. KrV B 860 ff.), nennt Kant Organismen. Durch sie hindurch kündigt sich ein Lichtstrahl der Freiheit, des Prinzips der praktischen Vernunft an, denn als eine Zweckidee kann nur bezeichnet werden, was Wirkung oder Niederschlag ist einer intentionalen Handlung der Vernunft. So stellt sich der Zweck als eine Ursache heraus, aber als eine ganz aparte Ursache: eine solche nämlich, die sozusagen vorausberechnend eine ganze Reihe von Ursache-Wirkung-Beziehungen im Blick auf ein vorgefaßtes Ziel hin ausrichtet. Nun ist das Ganze der Natur »nach der Verstandesansicht« ein durchgängiger Kausalzusammenhang. Wird der seinerseits teleologisch, vom Vernunftstandpunkt aus betrachtet, so wird angenommen, sein Mechanismus sei abermals kausal ausgelöst von einer Vernunftidee, die angibt, worauf der ganze Prozeß hinauslaufen soll. Dies »Woraufhin« oder »Wozu« des ganzen Naturmechanismus nennt Kant den Naturzweck. Da dieser Naturzweck nicht wirklich als Ergebnis einer freien und beabsichtigten Handlung begriffen werden kann, darf man nicht mehr Die Kritik der Urteilskraft als Schlußstein . 71 sagen als dies: alles spielt sich ab, »als ob« der Naturmechanismus im Dienste der Idee wirkte. Von dem, was genau unter 'Idee' zu verstehen ist (und der Zweck ist ja eine solche), gibt die KdU keine wirklich aufklärende Beschreibung, sondern setzt ihr Verständnis, wie so vieles, aus der Lektüre der beiden Vorgänger-Kritiken voraus. Aus dem Kontext des bisher Gesagten ergab sich indes schon, daß die Idee ein Vernunftbegriff ist, daß ihre Leistung - ähnlich der des Verstandesbegriffs - die Vereinigung von Mannigfaltigem ist. Während aber der Verstandesbegriff dem sinnlich Mannigfaltigen Einheit verleiht und es zu einem Objekt macht, verleiht der Vernunftbegriff - oder die Idee - diesen Objekten (und den sie interpretierenden Begriffen) eine übergeordnete Einheit. Man könnte sagen: Die Idee verhält sich zur Kategorie wie die Kategorie zur Anschauung (vgl. Krv A 320 = B 376/7). Erinnern wir uns, was ein reiner Verstandesbegriff oder eine Kategorie ist: nämlich eine Urteilsform, zusammengedrängt in den Begriff eines Typus von Synthesis verschiedener Vorstellungen. Die Kategorien - oder sagen wir: die in Kategorien zusammengezogenen Urteilsformen - bilden universelle Prädikate, die aufgrund ihrer Universalität jedem Objekt als Objekt zukommen (daß es die oder die Größe hat, möglich oder wirklich, rechts von... oder links von ... ist usw.). Sie lenken mithin unsern Vestand auf die Erfahrungswelt. Eine ähnliche Umbildungsoperation kann sich zwischen Kategorien und Idee(n) abspielen. Kant sagt dazu: Ebenso können wir erwarten, daß die Form der Vernunftschlüsse , wenn man die auf sie synthetische Einheit der Anschauungen, nach Maßgebung der Kategorien, anwendet, den Ursprung besonderer Begriffe a priori enthalten werde, welche wir reine Vernunftbegriffe, oder transzendentale Ideen nennen können, und die den Verstandesgebrauch im Ganzen der gesamten Erfahrung nach Prinzipien bestimmen werden (KrV A 321 = B 378). In dieser etwas komplizierten Formulierung wird eine Analogie - ein Vergleich - hergestellt zwischen Kategorie und Idee: jene ist ein reiner Verstandes-, diese ein reiner Vernunftbegriff. Ein reiner Vestandesbegriff ist eine Urteilsform, die gleichsam zusammengezogen (kondensiert) ist in einen universellen Begriff, der auf jeden Gegenstand der empirischen Welt paßt. Ein reiner Vernunftbegriff ist wieder eine Urteilsform (nur nicht des Verstandes, sondern eben der Vernunft), und sie ist wieder zusammengezogen in einen reinen Begriff (wieder nicht der Verstandes, sondern der Vernunft), - aber in einen Begriff, der sich nicht mehr direkt auf Gegenstände der Sinnenwelt bezieht. Worauf denn dann? Auf Kategorien selbst, also auf Einheitsbegriffe niederer Ordung. Während die Anwendung der Kategorien auf das sinnlich Mannigfaltige den konkreten Begriff eines Objekts - als synthetischer Einheit verschiedener Anschauungen - hervorbringt (z.B. den unseres braunen 72 Manfred Frank Kätzschens), bilde ich durch Anwendung einer Idee auf alle Objekte einen Einheitsbegriff, aus dem sie alle abgeleitet werden können: z.B. den eines Schöpfergottes, der auch das Kätzchen erschaffen hat. (Die umständliche Wendung Kants »wenn man sie auf die synthetische Einheit der Anschauungen, nach Maßgabe der Kategorien, anwendet«, meint einfach nur: »wenn man sie auf Objekte anwendet«. Denn ein Objekt ist nichts anderes als eben eine solche, unter kategoriale Einheitskriterien gebrachte Mannigfaltig- keit sinnlicher Eindrücke). Was passiert aber denn, wenn solche vernünftigen Einheitsgesichtspunkte auf die Objekte angewandt werden? Offenbar mehr und anderes, als wenn die Objekte nur durch die Kategorie hindurch betrachtet werden: denn damit sind sie nur als Gegenstände-überhaupt, nicht speziell als Kätzchen spezifiziert. Um den notwendigen und universellen Verstandesgesetzen Genüge zu tun, muß es keine Katzen geben; aus der Verstandesansicht erscheint ihre Existenz vielmehr zufällig, unnötig. Tatsächlich hätte sich die allgemeine Synthesis (die ihren Sitz im Selbstbewußtsein hat), auf millionenfach andere Weise in die Sinnenwelt einschreiben können; statt katzenartigen Raubtieren hätte sie schwer vorstellbare phantastische Wesen erschaffen können, die aber alle pünktlich unter Prädikate wie Quantität, Qualität, Relation und Modalität fallen würden. Vom Vernunftstandpunkt dagegen ist die Existenz unseres braunen Kätzchens völlig begründet, denn Gott - die Zweckidee der Natur- produktivität - hat es so gewollt. (Er hat ein ökologisches System von der Art gewollt, daß, wie Kant sagen würde, seine Freiheit sich auf die Bedingungen eingeschränkt hat, unter denen (die konkreten Naturgesetze) durchgängig mit sich selbst zusammenstimmen (A 301 = B 358) - das meint: nach Prinzipien, die den Geschöpfen das Miteinanderdasein in einer zweckmäßigen - ideebezogenen - Welt ermöglicht, deren Teile Zusammenstimmen und ein kohärentes Ganze bilden). Welches ist also die Funktion der Vernunft in ihren Schlüssen? Diese: Bedingungen in der Erscheinungswelt herzustellen, »unter denen sie durchgängig mit sich selbst zusammenstimmt« ( A 301 = B 358). Kant sagt auch: »In der Tat ist Mannigfaltigkeit der Regeln und Einheit der Prinzipien eine Forderung der Vernunft, um den Verstand mit sich selbst in durchgängigen Zusammenhang zu bringen, so wie der Verstand das Mannigfaltige der Anschauung unter Begriffe und dadurch jene in Verknüpfung bringt« (A 305 = B 362). Die Erklärung, die Kant für diese Operation liefert, ist nicht besonders durchsichtig. Ihr Verständnis bleibt dem aber nicht erspart, der Kants kühne Konstruktion ernstnehmen will, wonach das Gesamt der Natur, materialiter betrachtet, auf eine Begründung aus Vernunftideen aus sei. Das Verhältnis der Verstandes- und Vernunftoperationen ist bestimmt im Ersten Buch der transzendentalen Dialektik - leider auf nicht sehr zugängliche Die Kritik der Urteilskraft als Schlußstein . 73 Weise. Am Verständnis dieser Überlegungen hängt die Einsichtigkeit der argumentativen Grundoperation der Kritik der Naturteleologie. Die ist im Text der KdU mehr vorausgesetzt als entwickelt; ohne sie ganz zu überblicken, kann man nicht hoffen, das Werk und seinen Anspruch auf systembeschlie- ßende Funktion der kritischen Arbeit Kants zu fassen. Kant hat die Ideen - als reine Vernunftbegriffe - in Analogie zu den Begriffen des Verstandes 'deduziert'. Dabei legt er besonderes Gewicht auf die Unterscheidung der inhalts-indifferenten allgemeinen und der sog. transzendentalen Logik, die ihre (inhaltlich bestimmten) Begriffe reinen Vorstellungssynthesen (Anschauungs-Komplexionen) einprägt und sie so als Objekte überhaupt konstituiert. Denn auch die Begriffe der Metaphysik (die Ideen) sind unerachtet ihrer Apriorität nicht leer oder formal, sondern gegenstandsbezogen. Ihre Quelle ist aber nicht der Verstand, sondern die Vernunft, die freilich nur eine bestimmte isolierte Funktion oder Gebrauchsweise des ersten ist (eine andere ist die Urteilskraft) ; auch Refl. Nr. 5552 < A A XVIII , S. 223>: »Ein jeder Vernunftschluß ist nichts anders als ein Urteil vermittelst der subsumption seiner Bedingung unter einer allgemeinen Regel, welche also die Bedingung von der Bedingung des Schlußsatzes ist.«). Vernunftschlüsse sind darin von Verstandesschlüssen unterschieden, daß der Untersatz ein Argument enthält, das nicht »unmittelbar« (analytisch) aus dem Obersatz fließt. So schließt der Obersatz »Katzen haben ein Fell) [(x) (xA - xF) ] nicht logisch ein den andern »F. ist ein Kätzchen«, in dem ein konkreter (»besonderer«) Gegenstand - »eine Erkenntnis«, sagt Kant - unter eben das Prädikat subsummiert wird, das im Obersatz in Subjektstellung sich befand. Im Schluß (»F. hat ein Fell«) bestimmt man also, in Kants Worten, das Subjekt der Minor (»F.«) durch das Prädikat der Inferenz-Regel, die im Obersatz aufgestellt war ('ein-Fell-haben'), oder: man bestimmt das Besondere durch das Allgemeine (KrV A 304); und dieser Schluß ist notwendig, wie immer es um die Wahrheitswerte der Major und der Minor bestellt sein mag. Wie indes die Urteilsformen des Verstandes eines reinen und eines 'inhaltsbezogenen' Gebrauchs fähig sind (als Kategorien nämlich), so auch die Formen der Vernunftschlüsse. So wie ersterer die transzendentale Logik, so ergibt letzterer die Metaphysik ( K r V A 299); deren »Grundsätze« sind nicht schematisierte (angewandte) Kategorien, sondern »Ideen«. Zu Ideen gelangt 74 Manfred Frank die Vernunft durch wiederholt - rückläufig - angewandte Schlüsse desselben Musters wie eben angegeben. Der Obersatz eines Vernunftschlusses kann seinerseits als Schluß eines höheren Syllogismus (»Prosyllogismus«) inter- pretiert werden, dessen Obersatz abermals als Schluß einer ihm übergeord- neten Syllogismus aufgefaßt wird usw., bis einmal ein Prädikat erreicht wird, unter das sich alle Objekte (»Erkenntnisse«) als ihre »Bedingung« subsumieren lassen. Diese zu immer umfassenderen Prädikaten aufsteigende Schlußfolge ist klarer in einer Reflexion (Nr. 5553 < A A XVIII , S. 221 f.>) beschrieben: So wie sich die Sinne verhalten zum Verstände, so der Verstand zur Vernunft. Die Erscheinungen der ersteren bekommen in dem zweiten Verstandeseinheit durch Begriffe und Begriffe in dem dritten Vermögen Vernunfteinheit durch Ideen (durch prosyllogismen wird immer ein höheres Subjekt gefunden, bis endlich kein anderes mehr gefunden werden kann, wovon das vorige praedikat wäre; eben so bei bedingten schlüssen, da aber beweiset der prosyllogism die minorem. Da die vollständige Reihe der Bedingungen nicht ihrerseits in die Reihe fallen kann, muß dieses basale Prädikat un-bedingt heißen (KrV A 307/8; Refl. Nr. 5552, I.e., S. 222: »die Vernunft steigert dieses Verhältnis nur bis zur Bedingung, die selbst unbedingt ist«). Ein Un-bedingtes könnte der am Leitfaden der Kausalität im Unendlichen sich verlaufende Verstand niemals erfassen, »und doch verlangt die Vernunft dasselbe als die Totalität der Bedingungen, weil sie das Objekt selbst machen will. (Refl. 5552 ). Dies höchste Prinzip der ganzen Reihe ist somit nicht analytisch zu gewinnen (Bedingtes führt immer nur zu Bedingungen, nie zu einem Un-bedingten), sondern könnte nur synthetisch verfaßt sein (KrV A 308). Hier bricht der rein logische Vernunftgebrauch ab und verwandelt sich in einen 'realen', der sich freilich in transzendenten Sätzen ausdrückt, die zwar empirische Regeln der objektiven Welt aus Prinzipien zu deuten beanspruchen, selbst aber nicht mehr in Erkenntnisse aufgelöst werden können. Im Falle des Begriffs des Unbedingten wird sogar beansprucht, die Totalität (das ist die wieder in Einheit befaßte, synthetische Mannigfaltigkeit) des Bedingten zu deduzieren - eine Démarche, mit der die Philosophie zu »schwärmen« anfängt oder die sie nur als »eine bloße Petition oder ein Postulat«, ja »als eine Vorschrift, die Vollständigkeit aller Verstandes- erkenntnis in der subordination zu suchen« gelten lassen darf (Refl . Nr. 5552 < A A XVIII , S. 222 f. und S. 226>). Die Begriffe der reinen Vernunft - sozusagen ihre Kategorien - werden ebenso wie die des Verstandes aus Urteilsformen abgeleitet. Dabei scheiden die Kategorien der Quantität (die Obersätze von Vernunftschlüssen sind immer Allsätze) und der Qualität aus (Verneintheit ober Bejahtheit des Schlusses sind gleichgültig) - ebenso die Modalität, denn diese Kategorie diente ja schon zur Abgrenzung der Vernunftfunktion von der des Verstandes Die Kritik der Urteilskraft als Schlußstein . 75 und der Urteilskraft. Vernunftschlüsse sind prinzipiell apodiktisch. Die Deduktion der drei Vernunftideen am einzigen Leitfaden der Relation hat in der Tat etwas Künstliches. So präsentiert sich das Unbedingte erstens als kategorische Synthesis in einem Subjekt, zweitens als hypothetische Synthesis der Glieder einer Reihe und drittens als disjunktive Synthesis der Teile eines Systems (KrV A 323). Dem entsprechen die Ideen der unbedingten Einheit des Subjekts (Freiheit, Psychologie), der Allheit der Erscheinungen in der Welt als bezogen auf eine unbedingte Einheit (Kosmologie, Teleologie der Natur) und die absolute Einheit der Bedingung aller Gegenstände überhaupt (Gott, Theologie). Man kann sich fragen (und das ist in der Kant-Literatur zuweilen geschehen), ob Ideen - als Vorstellungen von Bedingungs-Totalitäten - per definitionem noch Begriffe heißen dürfen oder, wie das Opus postumum erwägt, ihrer Singularität halber als Anschauungen gelten müssen. Das könnte Anlaß sein zu einer Diskussion des Sonderstatus von Totalitäten, die ja keine Universalia, sondern wieder in Einheit umgewendete Allgemeinheiten sind. Eine Totalität von Bedingungen könnte tatsächlich nur ein anschauender Verstand überblicken; der unsrige, diskursiv, muß am Leitfaden der Kategorien das Erfahrungsmaterial durchgehen und kann die teleologische Ausrichtung der Natur sinnvoll nur postulieren ( K d U § 77). Nach diesen etwas komplizierten Vorüberlegungen können wir jetzt die Grundfrage der Kritik der Urteilskraft in anderer Wendung stellen. Es ist die nach Prinzipien für die Einheit der Natur als eines Systems der (schon durch Kategorien bearbeiteten) Erfahrung. Ein solches Prinzip war im theoretischen Rahmen der ersten Kritik grundsätzlich gar nicht zu entfalten, da deren 'höchster Punkt' nur die Verstandeseinheit (das Selbstbewußtsein) war; aus dieser fließen zwar die reinen Grundsätze aller Naturerkenntnis; als synthetische Sätze a priori kommen sie aber prinzipiell gar nicht in Frage zur Erklärung der besonderen, der empirischen Gesetze der Natur. Mithin bedarf es eines höheren Prinzips, noch über den Grundsätzen des reinen Verstandes - und dieses konnte letzlich nur als Idee - als Vernunftzweck - der material betrachteten Natur bestimmt werden. Die Frage, wie denn aus den (zu) allgemeinen Gesetzen des Verstandes die besonderen Naturgesetze sich spezifizieren lassen, war schon schon am Ursprung der Metaphysische Anfangsgründe der Naturwissenschaft, wo Kant gehofft hatte, durch eine Kombination der Verstandesgrundsätze mit mathematischen Prinzipien etwas weiter in die Besonderheit des Systems der Naturgesetze einzudringen. Aber erst mit dem Gedanken eines idealen Endzwecks der Naturevolution glaubte er, sich des heuristischen Prinzips versichern zu können, aus dem die empirische Natur (matcrialiier considerata) als das System einsichtig gemacht werden kann, als das unsere Vernunft sich getrieben sieht, sie vorzustellen. Insofern ist die Analyse der Struktur des Organismus, die im Zentrum der »Kritik der teleologischen Urteilskraft« steht, von einer gegenüber der Frage 76 Manfred Frank nach der Einheit der Natur als eines Systems der Erfahrung untergeordneten Interesse. 'Zweckmäßig' bedeutet dann, was sich beziehen läßt auf die 'Idee' als 'übersinnlichen Einheitsgrund der Natur und Freiheit' (wie eine leitmotivisch wiederkehrende Formulierung der KdU lautet); diese Idee einer Zweckmäßigkeit der Natur läßt sich, wie der VII. Abschnitt der »Einleitung« formuliert, ästhetisch, und sie läßt sich, wie es der VIII. Abschnitt besagt, logisch repräsentieren. Im erste Falle haben wir es mit einer Kritik des Geschmacks (einer gleichsam subjektiven), im zweiten mit einer Kritik der teleologisch Urteilskraft (einer gleichsam objektiven Naturteleologie) zu tun. Offenbar liegt dabei das aus der Kritik der reinen Vernunft bekannte Einteilungsschema von Ästhetik und Logik zu Grunde und wird, wie dort auf die Erkenntnis a priori, so hier auf die apriorische Betrachtung der reflektierenden Urteilskraft bezogen. Aber das Gemeinsame für beide Teile bleibt die Vernunftnotwendigkeit einer formalen Zweckmäßigkeit der Natur. Dies war der neue Grenzbegriff, den kant in der Durchführung der kritischen Metaphysik auf dem Boden der Kritik der reinen Vernunft entdeckte, und so mußten die ästhetische und die teleologische Problemreihe miteinander auf das Prinzip der reflektierenden Urteilskraft konvergieren. (AA V, S. 521) Die so überaus wirkungsvolle Zusammenfassung der Probleme des organischen Lebens und der Kunst hat sich also unter dem letzten Abschluß Kantischen Weltanschauung bestimmenden Gedanken von der Einheit des Systems der Erfahrung als eines zweckmäßigen Ganzen vollzogen. In den ursprünglichen Voraussetzungen der Kantischen Erkenntnislehre mit ihrer scharfen Sonderung von Form und Stoff lag es begründet, daß der gegebene Inhalt der Erfahtung den synthetischen Formen des Erkenntnisvermögens gegenüber in letzter Instanz etwas Zufälliges bleiben mußte und daß seine Formbarkeit durch Kategorien, seine Sebsumierbarkeit unter die Grundsätze eine unbegreifliche, »glückliche« Tatsache bildete, die einen Charakter der Notwendigkeit nicht mehr für die begriffliche Einsicht, sondern nur noch für die teleologische Betrachtung erhalten konnte: von diesem Verhältnis aus gesehen, bildet die Kritik der Urteilskraft eine ebenso unerläßliche Ergänzung für die Kritik der reinen Vernunft wie sie nach siner andern Richtung durch die Kritik der praktischen Vernunft von kant gegeben ist. So hat die Gedankenarbeit des 9. Jahrzehnts vollendet, was in der des 8. Jahrzehnts begonnen worden war. (I.e., S. 521/2) Damit ist das Programm der KdU - oder vielmehr: ihres teleologischen Teils - bündig zusammengefaßt. Blicken wir nun zurück auf die verschiedenen Argumentationsschritte, über die wir Einsicht in den Grundgedanken von Kants letzter, systembeschließender Kritik zu erreichen hofften: 1. Allein durch die apriorischen Gesetze des Verstandes (die Kategorien) bleibt die Welt der Gegenstände - die Natur formaliter definita - in ihrer konkreten Mannigfaltigkeit (material) unterbestimmt. 2. Die Existenz empirischer Die Kritik der Urteilskraft als Schlußstein . 77 Naturgesetze erfordert nicht minder als die der Verstandesgesetze den Rückgang auf ein Einheitsprinzip, das den Zusammenhang und die wechselseitige Zusammenstimmung der Dinge erklärt. 3. Dies Prinzip kann nicht mehr das für die Einheit der theoretischen Welt verantwortliche, es muß also ein Prinzip der praktischen Vernunft sein (denn nach Kant gibt es über die Theorie hinaus nur die Praxis). 4. Nun ist das Prinzip der Vernunft die Freiheit, und die Freiheit ist das Vermögen, Zwecke zu entwerfen. 5. Ein Zweck ist definiert als die Vorstellung eines Gegenstandes solcherart, daß die Vorstellung als Ursache der Wirklichkeit des Gegenstandes gedacht wird (der Entwurf setzt einen Fluchtpunkt, von dem her die Verwirklichung in Gang gesetzt wird). 6. Folglich findet die natura formaliter considerata, Objekt der theoretischen Philosophie, Einsichtigkeit erst in der Perspektive der Vernunft, die sie auf ihren Einheitspunkt hin überschreitet, nämlich ihren Zweck, so wie ihn die Freiheit gesetzt hat. Die Natur ist mithin als zweckmäßiger Organismus einsichtig. Die vorsichtige Formulierung 'ist einsichtig' bietet sich an, um dem Einwand zu entgehen, daß die Teleologie doch lediglich einen Erkenntnis-, keinen Seinsgrund für die Naturbetrachtung an die Hand gibt. Diese Einschränkung ist es ja, die Kant immer wieder in Erinnerung bringt, wenn er sagt: alles spielt sich so ab, 'als ob' die Natur auf Freiheit tendiere; denn die Freiheit, die Idee der Ideen überhaupt, stellt nur ein regulatives, kein konstitutives Prinzip dar (sie leitet unsere Reflexion über die Natur, sie konstituiert nicht die Objektivität des Erfahrungsganzen der Natur selbst). Warum? Weil die Natur, als Korrelat der apriorischen Gesetze unseres Verstandes, von diesem restlos verstanden werden kann, denn er ist ja das »Vermögen der Gesetze«. Zwischen diesen universellen (weil apriorischen) Gesetzen und den spezifischen Regeln tut sich mithin jener Abgrund auf, den allein die Urteilskraft überspringen könnte. Diese Kluft zwischen der Universalität der rein theoretischen Geseetzgebung und der nur komparativen Allgemeinheit der empirischen Naturregularitäten macht, daß die letzteren als ein Bereich des Kontingenten erscheinen, als »Zufall«. Die Vernunft muß es als einen Mangel ansehen, daß sie durch ihre gesetzgeberische Funktion nicht garantieren kann, daß sich die besonderen Naturgesetze (Regeln) zu umfassenderen systematischen Einheitszusammenhängen zusammenschließen. Denn das heißt ja, daß sie die Einheit der Natur - in der zweiten, materiellen Wortbedeutung - nicht garantieren kann. Vom Standpunkt der Gesetzgebung, wie er den universellen Verstandesgesetzen eignet, muß diese Einheit - auf deren Suche sich die reflektierende Urteilskraft macht - mithin als zufällig, als auch anders sein könnend, erscheinen. (»Zufällig« heißt hier: was in seinem Stoff nicht konstituiert und hinsichtlich seiner Form nicht bestimmt ist durch Gesetze a priori, also durch Kategorien). Nun gehört es zum Wesen der Vernunft, diese Kontingenz zugunsten einer systematischen Einheit aufheben zu wollen, aus der die empirischen Naturgesetze als notwendige Schlüsse folgen. Das Problem des inneren Sinnes Das Innere, das Äußere, und die Apperzeption Zdravko Kobe Kant schreibt in einer Reflexion, daß »alle weitere Erklärung durch den Verstand von Raum, Zeit und Apperzeption - die als Formen der Sinnlichkeit bzw. des Denkens die drei Grundquellen aller empirischen Erkenntnis ausmachen - unmöglich ist«.1 Warum ist die Welt des Menschen in Raum und Zeit, warum hat er kein Vermögen der intellektuellen Anschauung, wie sind die drei Formen überhaupt miteinander vereinbar, auf alle diese Fragen läßt sich nicht anders als mit einer Tatsachenfeststellung antworten, nämlich, daß der Mensch mit einem äußeren und einem inneren Sinn und dem Vermögen zu denken ausgestattet ist. Und selbst dann hat diese Antwort nur eine eingeschränkte Geltung, da sie das Gemüt nicht in seinem reinen Ansichsein darstellt, sondern Erscheinung bezeichnet, Erscheinung des inneren Sinnes. Im Rahmen einer Theorie, die jedes Erfahrungswissen für in einer konstituierenden Weise durch den Erkenntnisapparat des Subjekts vermittelt erklärt, und die aufgrund dessen gewisse Eigenschaften von Gegenständen der Erfahrung schon aus der Natur dieses Apparats a priori abzuleiten imstande ist, nimmt somit der innere Sinn eine ganz besondere Stellung ein. Denn als ein Grundvermögen des Gemüts ist er einerseits für eine der sinnlichen Formen der Erfahrungswelt verantwortlich; zugleich ist er aber dasjenige Mittel, das uns wenigstens eine empirische Erkenntnis von der Beschaffenheit unseres Erkenntnisapparats, von den in der Konstitution der Erfahrung mitwirkenden Faktoren und Prozessen verschaffen kann. Als solcher - als Teil und Ganzes zugleich - muß der innere Sinn einer der Schwerpunkte des transzendentalen Idealismus sein, und auch Kant hat zugegeben, daß »in demselben das Geheimnis des Ursprungs unserer Sinnlichkeit liegt«.2 Trotzdem sucht man in der Kritik der reinen Vernunft wie in den anderen Werken von Kant vergebens nach einer näheren Darstellung der Theorie des inneren Sinnes, seiner Rolle und seines Verhälnisses zum äußeren Sinn einerseits und zur Einheit der Apperzeption anderseits. An den wenigen Stellen, wo diese Frage überhaupt berührt wird, sind nur partielle Bestimmungen gegeben, die dabei nicht immer miteinander vereinbar sind. Wie es oft vorkommt, ist demnach auch hier aus den zerstreuten, mit den Anschwemmungen von vorkritischen Konzeptionen vermischten Fragmenten die entschprechende Theorie erst zusammenzusetzen. 1. Ref. 5041, AA XVIII , S. 70. 2 . KrV, B 334 A 278. 80 Zdravko Kobe * Im Rahmen des traditionellen Modells des Erkennens, dessen Hauptzüge dem Rationalismus und Empirismus gemein waren, beruht die Lehre vom inneren Sinn auf der scharfen Trennung des Äußeren und des Inneren, des Ausgedehnten und des Vorstellungshaften. So bekommt man das gewöhnliche Bild einer transparenten, direkt zugänglichen Innerlichkeit, gegenüber der eine immer wankende Welt der äußeren Phänomene steht. Im Gegensatz zu dieser Auffassung, wo dem inneren Gebiet der Vorstellungen zweifache Überlegenheit der Unmittelbarkeit und vollkommener Gewißheit zukommt, besteht aber das Hauptmerkmal von Kants Betrachtung im strengen methodologischen Parallelismus der beiden Sinne. »Vermittelst des äußeren Sinnes (einer Eigenschaft unsres Gemüts) stellen wir uns Gegenstände als außer uns, und diese insgesamt im Räume vor. Darinnen ist ihre Gestalt, Größe und Verhältnis gegen einander bestimmt, oder bestimmbar. Der innere Sinn, vermittelst dessen das Gemüt sich selbst, oder seinen inneren Zustand anschauet, gibt zwar keine Anschauung von der Seele selbst, als einem Objekt; allein es ist doch eine bestimmte Form, unter der die Anschauung ihres innern Zustandes allein möglich ist, so, daß alles, was zu den innern Bestimmungen gehört, in Vehältnissen der Zeit vorgestellt wird. Äußerlich kann die Zeit nicht angeschaut werden, so wenig wie der Raum, als etwas in uns. Zwischen den beiden Sinnen läßt sich eine völlig kongruente Reihe von Equivalenzen ziehen. Wie der äußere Sinn äußere Dinge zum Gegenstand hat, so bezieht sich der innere auf den Zustand des Subjekts und seine Vorstellungen; wie der äußere Sinn seine Gegenstände in die Form der Räumlichkeit setzt, ebenso stellt sie der innere in der Zeit dar; und so wie der äußere seine Erkenntnisse infolge der Einwirkungen der äußeren Dinge bildet, so antwortet auch der innere Sinn auf die Veränderungen im inneren Zustand des Gemüts. Beide liefern uns also Anschauungen zu einer möglichen Erkenntnis, nur sind diese im ersten Fall die Anschauungen der räumlichen Dinge, im zweiten aber die inneren Aschauungen des Gemütszustandes in Form der Zeit, die die Grundlage zur inneren Erfahrung ausmachen. Die Analogie erstreckt sich aber noch weiter. Nach Kant wird die Erkenntnis eines Gegenstandes nur unter der Bedingung hervorgebracht, daß die zwei heterogenen Bestandstücke, Begriff und Anschauung, zusammentreffen. Diese ist aber uns Menschen dadurch allein gegeben, daß der Gegenstand das Gemüt auf gewisse Weise affiziert. »Die Fähigkeit, Vorstellungen durch die Art, wie wir von Gegenständen affiziert werden, zu bekommen, heißt Sinnlichkeit.«* Damit die Anschauung entsteht, muß also die Affektion des Gemüts stattfinden, die etwas Mannigfaltiges in ihm hervorbringt. 3 . KrV, B 37 A 22-23. 4 . KrV, B 33 A 19. Das Problem des inneren Sinnes 81 Sofern nun der innere Sinn in der Tat ein Sinn und also passiv ist, müssen die angegebenen Bedingungen auch für ihn ihre Gültigkeit erweisen. Das Subjekt kann demnach eine Vorstellung von sich selbst nur dadurch bekommen, daß sein Gemüt affiziert wird, daß also in ihm Empfindungen auftreten, die dann von ihm in die innere Erfahrung vereinigt werden. Weil der Gegenstand dieser Erkenntnis sein eigenes denkendes Ich ist, muß zum Unterschied von den Vorstellungen der äußeren Objekte die Affektion aus seiner eigenen Tätigkeit entspringen. Affektion ist insoweit Selbstaffektion, was ihr eine größere Dignität geben mag, es handelt sich aber immer noch um eine passiv wahrgenommene Veränderung des inneren Zustandes, die als Wahrnehmung für ihr Mannigfaltiges auf Eindrücke angewiesen ist. Aus der sinnlichen Natur der inneren Erkenntnis folgt ferner, daß die Seele auch sich selbst nicht als etwas Ansichseiendes erkennen kann. Weil wir uns der Vorstellungen als in der Zeit bestimmt bewußt sind, indem wir in der inneren Welt die Veränderungen und den Wechsel verschiedener Gemüts- zustände wahrnehmen, läßt der phänomenale Status der Zeit keine andere Erklärung zu, als daß das empirische Selbstbewußtsein ebenso zu Erscheinun- gen gehöre. Die innere Welt verliert damit den Vorzug, der ihr im traditionel- len Modell des Erkennens eigen war, da sie - in genau demselben Sinne wie die äußeren Dinge - sich als vermittelt und durch die kontingenten Eigen- schaften des inneren Sinnes geprägt erweist. Wäre dieser anders beschaffen, als er tatsächlich ist, wäre die Form seines passiven Anschauens verschieden, oder wäre die innere Anschauung sogar aktiv und intellektuell, so würde unsere Selbsterkenntnis uns in einer ganz anderen Gestalt zum Vorschein bringen. Allgemein genommen, gelten also alle Bedingungen der Sinnlichkeit wie für den äußeren so auch für den inneren Sinn. Doch sobald die Frage von ihren jeweiligen Rollen in der Konstruktion der Erfahrung gestellt wird, zeigt sich, daß die Sache doch nicht so einfach ist. Die erste Schwierigkeit steckt schon darin, daß die Zeit nicht nur formale Bedingung der inneren Erfahrung ist, sondern sich zugleich auf die Erscheinungen der äußeren bezieht. Auf gewisse Weise sind die Zeitbestimmungen noch mehr als mit den inneren, mit den äußeren Phänomenen verbunden, da es eben die räumliche Substanz ist, die uns eine Anschauung vom Beharrlichen verschafft, das eine allgemeine Bedingung der kategorialen Bestimmung von Zeitverhältnissen in der Erfahrungswelt ist. Und selbst wenn der Stellenwert des Raums in der Bestimmung der Zeit beiseite gelassen wird, bleibt die Tatsache, daß wir uns die materiellen Dinge doch in Raum und Zeit vorstellen. Wenn es aber unmöglich ist, die Zeit anders als mittels des inneren Sinnes anzuschauen, so folgt, daß an der Konstitution der äußeren Erfahrung auch der innere Sinn teilnimmt. Und anders kann es auch nicht sein, denn - wie Kant zu wiederholen pflegt - alle uns zugängliche Dinge sind nur Erscheinungen, d.i. bloße Vorstellungen, die dem erkennenden Subjekt »inhärieren«. 82 Zdravko Kobe »Weil alle Vorstellungen, sie mögen nun äußere Dinge zum Gegenstande- haben, oder nicht, doch an sich selbst, als Bestimmungen des Gemüts, zum innern Zustande gehören; ... so ist die Zeit eine Bedingung a priori von aller Erscheinungen überhaupt, und zwar die unmittelbare Bedingung der inneren (unserer Seele) und eben dadurch mittelbar auch der äußern Erscheinungen. Der innere Sinn hat somit Vorrang vor dem äußeren. An der angeführten Stelle ist seine Überlegenheit um so ersichtlicher, als Kant uns erklärt, daß die Zeitlichkeit der äußeren Erfahrung durch die Zeitverhältnisse in der inneren Anschauung vermittelt wird. Die zweite Schwierigkeit, übrigens eng mit der ersten verbunden, bezieht sich auf die Frage der Natur des im jeweiligen Sinn gegebenen Mannigfaltigen. Es ist leicht sich klarzumachen, wofür das Mannigfaltige des äußeren Sinnes stehen soll - es handelt sich wohl um rohe Empfindungen von materiellen Dingen, um die nachgebliebenen Spuren ihrer kausalen Wirkungen. Es verhält sich aber ganz anders mit dem Mannigfaltigen des inneren Sinnes. Ins- besondere, weil Kant diese Rolle den Gefühlen abzulehnen scheint, indem er ausdrücklich betont,6 daß der Ausdruck Empfindung im Fall des Gefühls der Lust und Unlust in einer ganz anderen Bedeutung verstanden wird, als wenn er für die Eindrücke des äußeren Sinnes steht. Hume hat bereits hervorgehoben, im Gemüt sei keine Vorstellung des Ichs selbst zu finden, in ihm bestehe vielmehr nur der Wechsel von solchen und anderen konkreten Vorstellungen, die sich immer auf etwas anderes beziehen; und auch Kant hat zugegeben, daß »den eigentlichen Stoff, womit wir unser Gemüt besetzen, die Vorstellungen äußerer Sinne ausmachen«,7 daß es eben die äußeren Dinge sind, »von denen wir doch den ganzen Stoff zu Erkenntnissen selbst für unsern inneren Sinn her haben«.8 Das Problem liegt somit darin, daß der innere Sinn kein eigenes Mannigfaltiges zu haben scheint, und auch zur Selbsterkenntnis des Menschen von dem abhängt, was ihm die äußeren Sinne zur Verfügung stellen. Zu beiden soeben angeführten Bedenklichkeiten gesellt sich noch ein dritter Einwand. Wenn sich der innere Sinn in der Tat über die ganze Sphäre des Geistes erstreckt, was als Folge des konsequent durchgeführten Parallelismus entstehen muß, wäre es uns also nur auf diese empirische Weise möglich, sich der Vorstellungen bewußt zu werden, so würde sich der Begriff des Selbstbewußtseins als höchst problematisch erweisen, da dann kein einziger Fall eines von dem inneren Sinn unabhängigen Bewußtseins übrigbleiben würde. Man weiß aber, mit welchem Eifer Kant auf der Unterscheidung von diesen zwei so heterogenen Fähigkeiten des menschlichen Gemüts insistierte, und daß seiner Meinung nach eine der Hauptquellen der Irrtümer in der 5 . KrV, B 50 A 34. Cf. auch KrV, A 99, und Ref. 5636. 6 . Cf. KdU, T W A X, S. 118. 7 . KrV, B 6 7 . 8 . KrV, B xxxix, Anm. Das Problem des inneren Sinnes 83 Philosophie darin zu sehen ist, daß man diese zwei Begriffe für einerlei zu erklären pflegt.9 Es scheint also genug Belege und vor allem ganz sachliche Gründe zu geben, die uns trotz Kants Zuneigung zur vollkommenen Analogie zwischen innerem und äußerem Sinn erlauben, sogar nötigen, diesen groben Parallelismus aufzugeben. Fast alle Interpreten entschließen sich deshalb lieber für eine Erklärung, die sich durch Annahme von Wissen besonderer Art auszeichnet. Es handelt sich um den Typ des Wissens, der auf der transzendentalen Einheit des Bewußtseins beruht, worin ich nach Kants Worten meiner selbst bewußt bin, »nicht wie ich mir erscheine, noch wie ich an mir selbst bin, sondern nur daß ich bin.«10 Dieses Bewußtsein ist weder eine empirische noch intellektuelle Erkenntnis, es ist vielmehr ein bloßes, d.i. inhaltsloses Selbstbewußtsein. Insofern ist es zwar durchaus leer, ermöglicht aber doch die Einrichtung eines reinen Punkts der Selbsttransparenz, der der empirischen Determination entnommen ist. Vor allem aber fungiert es als Grundlage, woran auch andere besondere Arten des Wissens, die noch nicht zur Dignität der Erkenntnis erhoben sind, anknüpfen können. Denn wenn intellektuelles Bewußtsein der Konstitution des Gegenstands der (äußeren) Erfahrung vorgeht, so muß es auch zu dem Zeitpunkt, in dem in unserem Gemüt die ersten Empfindungen vorkommen, bereits seine Tätigkeit ausüben. Damit ist aber neben der transzendentalen Einheit der Apperzeption noch eine Stelle für eine neue Art des Bewußtseins freigemacht, die allerdings empirisch sein mag, die aber dessen ungeachtet nicht zur Erkenntnis im Kants emphatischen Sinne gerechnet werden kann. In einer sehr wichtigen Reflexion gegen den Idealismus kann man in der Tat eine dreistufige Gliederung des Bewußtseins finden, die sich in völlige Übereinstimmung mit solchen Interpretations- versuchen bringen läßt. »Bey dem Unterschiede des Idealismus und Dualismus ist zu unterscheiden das transcendentale Bewustseyn meines Daseyns überhaupt. 2. meines Daseyns in der Zeit, folglich nur in Beziehung auf meine eigene Vorstellungen, so fern ich durch dieselbe mich selbst bestimme. Dieses ist das empirische Bewustseyn meiner selbst. 3. Das Erkentnis meiner selbst als in der Zeit bestimmten Wesens. Dies ist das empirische Erkentnis. «-11 Von entscheidender Bedeutung ist natürlich der zweite Punkt, »das Bewußtsein meines Daseins in der Zeit«, das nicht mehr bloße Form der Apperzeption ist, da es mit einem Inhalt ausgestattet ist, zugleich steht es aber noch vor der Konstitution der Erfahrung im vollen Sinne. Um was für ein Bewußtsein handelt es sich eigentlich? Zunächts ist es offenbar, daß darin als empirischem Bewußtsein bereits das Moment der Empfindung enthalten sein 9 . Ct. Anthropologie, T W A XII, S. 430-431, und KrV, B 153. 10 . KrV, B 157. 11. Ref. 6313, A A XVIII , S. 615. 84 Zdravko Kobe muß, das vermutlich aus dem äußeren Sinn stammt. Diese Vorstellungen sind dazu den Zeitverhältnissen unterworfen - und insofern liegt es nahe, sie als durch den inneren Sinn vermittelt zu betrachten - dennoch ist aber die hier vorkommende Zeit noch nicht die bestimmt erkannte Zeit, wie sie uns in der äußeren Erfahrung erfassbar ist, da ihr jede konkrete Bestimmung mangelt; als solche kann sie aber nur eine andere, unbestimmte, subjektive Zeit sein.12 Vorstellungen, die den Inhalt dieses Bewußsteins ausmachen, drücken schließlich keine notwendigen und für jeden verbindlichen Beziehungen aus, indem ihre Verhältnisse zueinander von den völlig zufälligen Umständen des Erfahrens abhängen, die ihr Auftreten im Gemüt in der gegebenen Folge bewirken. Was ihnen abgeht, ist die objektive, allgemeingültige Bestimmung, ihre Gültigkeit ist nur eine subjektive. In diesem Sinne sagt Kant, daß ich mit ihnen noch nicht die Gegenstände bestimme, sondern durch sie als meine Modifikationen nur selbst bestimmt sei. X Beim empirischen Bewußtsein handelt es sich also nach dieser Interpretation um das Bewußtsein dessen, was mir den kontingenten Umständen gemäß die äußeren Sinne darbieten und was aus diesem Grunde nur subjektiv und unbestimmt ist. Es handelt sich um ein Bewußtsein der Vorstellungen, auf die noch nicht die (dynamischen?) Kategorien angewandt worden sind; es handelt sich um ein Bewußtsein der Empfindungen oder Erscheinungen, sofern der Begriff der Erscheinung nicht im weiteren Sinne verstanden wird, sondern laut Kants Erklärung, daß Erscheinung ein »unbestimmter Gegenstand einer empirischen Anschauung heißt«.13 Soll nun aus diesen subjektiv gegebenen Vorstellungen eine objektive Erkenntnis gebildet werden, so müssen sie gewissen apriorischen Regeln gemäß bestimmt werden. »Empirische Erkenntnis oder innere Erfahrung besteht im Übergang von diesem Zustand, der, je nach dem, ob diese oder jene Interpretation angenommen wird, als subjektiver oder unbestimmter erklärt wird, in den objektiven Standpunkt, d.h. in die Konstitution des Gegenstandes des inneren Sinnes.«14 Auf diese Weise zeigt sich, wie Kant behaupten kann, daß alle Vorstellungen im inneren Sinn enthalten sind. Der innere Sinn des subjektiven Bewußtseins 12. Cf. z.B. P. Lachièze-Rey, L'idéalisme kantien, Vrin, Paris 1950, S. 66, Anm. 2: »Nach dem soeben angeführten Text [der Reflexion 6313] könnte man vermuten, daß sowohl im empirischen Bewußtsein wie in der empirischen Erkenntnis das Ich in der Zeit stehe. Wir glauben, daß dies keineswegs der Fall ist: die in empirisches Bewußtsein eingreifende Zeit ist eine Zeit, die bloß durch individuelle psychologische Erscheinungen bestimmt ist.« 13. KrV, B 34 A 20. In diesem Zusammenhang cf. besonders G. Prauss, Erscheinung bei Kant, De Gruyter, Berlin 1971. Prauss schreibt sonst dem Bewußtsein der Erscheinung einen insgesamt wirklichen Charakter zu, der in einer eigentümlieben Art des Urteils zum Ausdruck kommt, nämlich im Wahrnehmungsurteil, wenn ich in meinen Sinnen vorhandene Gegebenheiten nicht als objektive Eigenschaften der Dinge selbst auspreche, sondern nur behaupte, es scheint, daß etwas der Fall ist. 14. P. Lachièze-Rey, op. cit., str. 65, Anm. 2. Das Problem des inneren Sinnes 85 ist nicht ein Sinn in derselben Bedeutung wie der äußere, dessen Gegenstände immer als bereits konstruiert betrachtet werden, und auch nicht in derselben Bedeutung als der objektiv gemachte innere Sinn, dessen Gegenstand die durch Kategorien bestimmte Erfahrung von dem Zustand unseres Gemüts ist. In diesem »nichtobjektiven« Sinn steht er bloß für die unmittelbare vorkategoriale Selbstpräsenz des Gemüts in Beziehung zu seinen eigenen Vorstellungen - mögen sie nun aus den Sinnen oder aus dem reinen Denken stammen - die jeder Erfahrung vorangeht und eine vorbereitende Phase für diese darstellt. Als solcherk ann er nicht als Erkenntnis aufgefaßt werden, er bildet aber doch denjenigen minimalen Punkt reiner Intellektualität, der das selbstbewußtseiende Ich über Erscheinungen erhebt.15 * Diese Interpretation hat zweifellos mehrere Vorteile. Sie ist durch manche Belege aus Kants Schrifften unterstützt, den Kategorien ist ihre konstitutive Rolle in der Umwandlug des Subjektiven ins Objektive zugewiesen, die Apperzeption und das subjektive Bewußtsein sind den Phänomenen entnommen, die Bedenklichkeiten des inneren Sinnes scheinen aufgehoben; als ein weiterer, für sie sprechender Grund, kann noch ihre Übereinstimmung mit den Voraussetzungen von Kants praktischer Philosophie zugesetzt werden. Man kann sogar sagen, daß durch sie der Standpunkt beschrieben ist, den Kant selbst innig hegte. Alles verläuft also glatt, sogar zu glatt. Auf diese Weise finden wir uns nämlich wiederum dem traditionellem Modell der Erfahrung gegenübergestellt, das aber für Kants Grundentdeckung blind ist. Die vorgeschlagene Interpretation setzt nämlich ausdrücklich voraus, daß die ersten sinnlichen Impressionen, wie sie dem Gemüt unabhängig von seiner Tätigkeit gegeben werden, bereits die Einheit der Vorstellung besitzen. Indem die Sinne durch einen Gegenstand affiziert werden, treten nach dieser Voraussetzung ins Gemüt Vorstellungen ein, die wegen ihrer Winzigkeit und Flüchtigkeit freilich nicht immer unmittelbar beobachtet werden können, die aber als Vorstellungen bereits auf etwas anderes, auf ihre Objekte bezogen sind. So kann etwas Rotes eine Empfindung in uns hervorbringen, die schon an sich ihren Gegenstand hat und etwas Rotes vorstellt. Diese elementaren, gewöhnlich einfachen Vorstellungen machen demnach die Grundbestandteile, Atome der Erfahrung, Quanta des objektiven Wissens aus, die vom Subjekt schon fertig vorgefunden werden. Ehe noch irgendeine Ausübung seiner tätigen Kraft stattgefunden hat, steht ihm bereits eine Menge von diskreten einheitlichen Vorstellungen zur Verfügung, die nur noch (fast mechanisch) 15. In dieser Intellektualisierung des nichtobjektiven inneren Sinnes ging ein Lachičze-Rey so weit, daß er dem empirischen Bewußtsein sogar die Zeitlichkeit abzulehnen bereit war: »Empfindung, die als Anlaß zur Äußerung der Tätigkeit dient, befindet sich nicht in der Zeit, wenn sie abgesondert betrachtet wird...« (P. Lachičze-Rey, op. cit., S. 37.) 86 Zdravko Kobe miteinander kombiniert werden sollen. - Im Gegensatz dazu besteht aber Kants Grundbehauptung eben darin, daß das Denken in seiner Synthesis der Erfahrung keine schon vorgefundenen Atome des Wissens verwenden kann. Alles, was ihm die Sinnlichkeit bieten kann, ist nur ein chaotisches, unverbundenes, rhapsodisches »Gewühle der Erscheinungen«,16 worin keine Ordnung und keine Einheit zu finden ist. Sinne geben uns keine Vorstellungen, sondern bloßes Mannigfaltiges, das »an sich zerstreut«17 angetroffen wird. Die Einheit kann darum kein Ausgangspunkt sein, sondern ist immer nur Resultat, sie kann nicht gegeben werden, sondern ist vielmehr immer gemacht, und wo man es mit ihr zu tun hat, da ist schon der Verstand mit seiner Tätigkeit gewesen. »Unter allen Vorstellungen ist die Verbindung die einzige, die nicht durch die Objekte gegeben, sondern nur vom Subjekte selbst verrichtet werden kann.«18 Ist uns aber durch die Sinne bloß das Mannigfaltige der Anschauung gegeben, das ohne Einheit ist, so hat das zur Folge, daß sinnliche Empfindungen vor der Tätigkeit des Denkens überhaupt nicht zu den Vorstellungen gerechnet werden können, da die Einheit eine ihrer Wesensbestimmungen ist. Eine Vorstellung ohne Einheit ist überhaupt keine Vorstellung.19 Als bloße Wirkung einer unbekannten Ursache ist das Mannigfaltige nichts als eine positive, tatsächliche Bestimmung unseres Gemüts. Der Grund seines subjektiven Status liegt somit nicht darin, daß es als Folge der zufälligen empirischen Umstände enstanden ist und daß seine Verbindung im inneren Sinn nicht objektiv bestimmt sei, sondern vielmehr darin, daß in ihm überhaupt keine Verbindung vorhanden ist - es ist eben darum subjektiv (und nicht objektiv), weil es sich auf kein Objekt bezieht, weil es selbst überhaupt nichts vorstellt, weil es mit einem keine Vorstellung ist, sondern nur Materie für diese.20 Soll aus dem in der Anschauung gegebenen Mannigfaltigen eine Anschauung werden, soll es die Einheit der Vorstellung erlangen, so muß auch hier zuerst die Verbindung hergestellt werden. »Die synthetische Einheit des Bewußtseins ist also eine objektive Bedingung aller Erkenntnis, nicht deren ich bloß selbst bedarf, um ein Objekt zu erkennen, sondern unter der jede Anschauung stehen muß, um für mich 16 . KrV, A 111. 17 . KrV, A 120. 18 . KrV, B 130. 19 . Cf. H. Robinson, »Anschauung und Mannigfaltiges in der Transzendentalen Deduktion«, Kant-Studien 72 (1981), S. 140-148, und »The Priority of Inner Sense«, Kant-Studien 79 (1988), S. 165-182. 2 0 . Cf. Ref. 177 ( A A X V , S. 65): »Empfindungen sind keine Vorstellungen, aber sind die Materie dazu.« Ähnlich auch Ref. 413 (AA X V , S. 167): »Die Eindrüke sind noch nicht Vorstellungen, denn diese müssen auf etwas anderes bezogen werden, welches eine Handlung ist. Nun ist die reaction des Gemüths (der Rückschlag) eine Handlung, welche sich auf den Eindruk bezieht und, wenn sie allein genommen wird, nach ihren besonderen Arten categorien heissen.« Das Problem des inneren Sinnes 87 Objekt zu werden, weil auf andere Art, und ohne diese Synthesis, das Mannigfaltige sich nicht in einem Bewußtsein vereinigen würde.«11 Das »subjektive« empirische Bewußtsein der Folge der Vorstellungen, das von der oben dargestellten Interpretation für ihre unmittelbare Manifestation ausgegeben worden ist, drückt somit keinesfalls die unverarbeiteten Gegebenheiten der Sinne aus, sondern enthält ebensogut eine Synthesis. Ja, insofern diese Verbindung nur für die kategoriale Verbindung, die objektiv gültig ist, stehen kann, fällt jedes mögliche Bewußtsein der Vorstellungen als Vorstellungen mit der Konstitution des Gegenstandes des inneren Sinnes, d.h. mit der inneren Erfahrung zusammen. Eine Alternative wirkt sich selbst ausschließend: entweder ist die Synthesis des Mannigfaltigen noch nicht ausgeübt worden, in diesem Fall sind jedoch in mir keine Vorstellungen vorhanden und ich bin mir keiner Sache (nicht einmal mir selbst) bewußt, oder es sind bereits die Kategorien darauf angewandt worden, die freilich das Bewußtsein möglich machen, allein dieses ist dann eben objektiv, nicht mehr »subjektiv«. Wollte man somit den Zustand des Bewußtseins, wie es vor der Konstitution der Erfahrung oder Anwendung der Kategorien ist, beschreiben, oder wollte man aus einem konkreten Bewußtsein alle synthetischen Zusätze des Denkens wegnehmen, dann würde man kein reines, nicht-phänomenales Subjekt bekommen - im Gegegenteil, man würde dann alles verlieren. »Denn wenn wir dartun können, daß unser Erkenntnis von Dingen, selbst das der Erfahrung nur unter jenen Bedingungen allein möglich sei, so sind nicht allein alle andere Begriffe von Dingen ... für uns leer und können zu gar keinem Erkenntnisse dienen, sondern auch alle data der Sinne zu einer möglichen Erkenntnis würden ohne sie niemals Objekte vorstellen, ja nicht einmal zu derjenigen Einheit des Bewußtseins gelangen, die zum Erkenntnis meiner selbst (als Objekt des inneren Sinnes) erforderlich ist. Ich würde gar nicht einmal wissen können, daß ich sie habe, folglich würden sie für mich, als erkennendes Wesen, schlechterdings nicht sein. Kategorien sind nicht nur Bedingungen der äußeren Erfahrung, sondern sie bedingen jedes Bewußtsein, auch das wirkliche Bewußtsein der Vorstellungen, weil vor der kategorialen Synthesis dem Mannigfaltigen diejenige Einheit mangelt, die zum expliciten Bewußtsein notwendig ist. Ohne sie würden sinnliche Gegebenheiten ihr regelmäßiges Spiel nach dem Gesetz der Assoziation treiben können, das, wie bei Tieren, gewissen Einfluß auf das Verhalten des Menschen haben würde, und die Sinne würden ihm fernerhin Erscheinungen oder Empfindungen vermitteln, da sie dem Denken vorhergehen und unabhängig von ihm sind. Aber wegen der chaotischen Beschaffenheit eines solchen Stoffes, würden wir nicht einmal wissen können, daß diese Erscheinungen in uns vorhanden sind. Wir würden den Tieren 2 1 . KrV, B 138. 2 2 . Brief an M. Herz, 24. Mai 1789. 88 Zdravko Kobe gleichgemacht, wo nichts als bloß eine kausal bestimmte Reihe der physischen Begebenheiten, ohne irgendeiner Vorstellungswert, besteht. Aber nicht allein das Bewußtsein der Vorstellungen ist ohne kategoriale Verbindung unmöglich. Weil Kategorien - die nichts als verschiedene Modi der Einigung sind - auf die Konstitution des Objekts eingerichtet sind, ist die ursprünglich entstandene Einheit nicht Einheit des Subjekts und seiner Vorstellungen, sondern die Einheit des äußeren Gegenstands. Indem die Tätigkeit des Denkens das Mannigfaltige durchdringt, bringt sie Einheit und Ordnung hinein, so daß sie, von dem Begriff des transzendentalen Objekts geleitet, das sinnlich Gegebene ursprünglich in den Raum auswirft, wo es seine bestimmte Stelle den Kausalgesetzen gemäß erhält. Im Gegensatz zum traditionellen Idealismus insistiert Kant, »daß äußere Erfahrung eigentlich unmittelbar ist«,23 und »daß folglich innere Erfahrung selbst nur mittelbar und nur durch äußere möglich ist.«24 In der Synthesis der Erfahrung werden wir uns unmittelbar äußerer Gegenstände bewußt, und erst nachdem das Mannigfaltige der Anschauung in dem Objekt vereinigt ist, ist es möglich, sich auch die Einheit der Vorstellung vorzustellen. Das Bewußtsein der Vorstellungen als Gegenstand des inneren Sinnes ist aus dem des äußeren abgeleitet und sekundär." Was gewöhnlich den Ausgangspunkt darstellt, ist hier eben das Endergebnis. Aus diesen Gründen erweist sich die vorgeschlagene Interpretation, die sich auf »subjektives« Bewußtsein der Vorstellungen vor der Konstitution der äußeren Erfahrung beruft, als unhaltbar. Es ist einfach unmöglich, sich des Mannigfaltigen der Anschauung in seiner inneren Unmittelbarkeit bewußt zu sein, weil in jedem wirklichen Bewußtsein eines Gegenstandes des äußeren wie des inneren Sinnes diese vorbereitende Phase der Notwendigkeit nach immer schon überschritten und das Mannigfaltige vereinigt ist. Davon können wir allein vom Standpunkt der schon vollzogenen Synthesis sprechen, sofern diese zu ihrer Ausübung einen Stoff vorausetzt und das Mannigfaltige wohl schon gegeben werden mußte.26 Sein Gegebensein selbst ist jedoch im Zeitpunkt seines Vorkommens nicht beobachtbar, weil das immer schon hinter dem Rücken des Bewußtseins geschehen ist. Seine Daseinsweise ist eben dies »Immer-schon«. Deswegen ist subjektives empirisches Bewußtsein auch keine 2 3 . KrV, B 276. 2 4 . KrV, B 277. 2 5 . Cf. KrV, B 156, wo Kant schreibt, »daß wir die Bestimmung der Zeitlänge, oder auch der Zeitstellen für alle innere Wahrnehmungen, immer von dem hernehmen müssen, was uns äußere Dinge Veränderliches darstellen, folglich die Bestimmungen des inneren Sinnes auf gerade dieselbe Art als Erscheinungen in der Zeit ordnen müssen, wie wir die der äußeren Sinne im Räume ordnen«. Cf. auch KrV\ B 238 A 193: »Ich werde also, in unserm Fall, die subjektive Folge der Apprehension von der objektiven Folge der Erscheinungen ableiten müssen.« 2 6 . Cf. hierüber Kiesewetters Brief vom 15. Dezember 1789, zusammen mit der Kants Antwotrt vom 9. Februar 1790. Das Problem des inneren Sinnes 89 selbständige Komponente in der Konstruktion der Erfahrung, sondern eine der transzendentalen Bedingungen, die immer schon ausgefüllt worden sind, damit es möglich war, daß jetzt wirkliches Bewußtsein zustandegebracht werde." Es kann sogar behauptet werden, daß das Mannigfaltige überhaupt nichts mit dem Bewußtsein zu tun hat, indem es im Zeitpunkt seines Gegebenseins noch keine Vorstellungswert hat. Empfindungen würden nie etwas anderes als Modifikation eines Wesens sein, wenn das Denken in seiner Synthesis der Erfahrung keinen Erfolg habe. Insofern ist selbst die Vorstellungsnatur des Mannigfaltigen als solchen und sein Verbinden mit dem Bewußtsein (»Bewußtsein der Erscheinung«) Folge einer nachträglichen Operation, die alles, was einmal vorstellungshaftund bewußt wird, in der Weise betrachtet, als wäre es von jeher und an sich etwas solches gewesen.28 * Die falschheit einer Interpretation ist nun freilich nicht Richtigkeit einer anderen, und die oben angegebenen Vorwürfe behalten nach wie vor ihre Gültigkeit. Wie dann die Apperzeption und beide Sinne in einen Zusam- menhang bringen, so daß jene Schwierigkeiten aufgehoben werden? Nach der weit verbreiteten Meinung entspringen diese dem Versuch Kants, beide Sinne analog zu betrachten. Im Gegegnteil sind wir aber der Überzeugung, daß der Schlüssel zu ihrer Auflösung gerade darin liegt, ihn zu Ende zu führen. Zunächst soll erinnert werden, daß bei Kant eine Zweideutigkeit im Gebrauch des Begriffs der Vorstellung besteht. Auf der einen Seite bezeichnet sie alles, was einen Inhalt des Bewußtseins ausmacht, es mag nun kommmen, woher es wolle, auf der anderen Seite bezieht sie sich dagegen ausschließlich auf Gegegenstände des inneren Sinnes. In der ersteren Bedeutung drückt die Vorstellung die Tatsache aus, daß es eine epistemologisch relevante Beziehung zwischen dem Subjekt und dem jeweiligen Objekt gibt, die wohl auch von jenem abhängt. In diesem Sinne ist die ganze Erfahrungswelt nur ein Inbegriff von Vorstellungen. Dies darf jedoch nicht als Behauptung, daß uns ein äußerer Gegenstand als Vorstellung gegeben werde und in uns sei, verstanden werden 2 7 . Hier mag Kants Bemerkung wiederholt werden, »daß hier nicht von dem Entstehen der Erfahrung die Rede sei, sondern von dem, was in ihr liegt.« (Prolegomena, T W A V, S. 170.) 2 8 . Allein, aus der Tatsache, daß das Mannigfaltige der Anschauung nicht unmittelbar beobachtet werden kann, folgt doch allenfalls nicht, daß es ein nicht phänomenales Ereignis oder etwas ist, was ins Gebiet der Dinge an sich eingeordnet werden muß. Denn bei Kant fallen die Bedingungen der unmittelbaren Beobachtbarkeit nicht mit den Kriterien der Erscheinungswirklichkeit zusammen; vielmehr ist für ihn (in der empirischen Bedeutung) wirklich alles, »was mit einer Wahrnehmung nach empirischen Gesetzen zusammenhängt.« (KrV, A 377.) Zur Bestätigung der Phänomenalität ist es erforderlich, eine kausale Kette zu finden, die uns von einer wirklichen Erkenntnis bis auf die zu findenden Begebenheit hin leitet, wenngleich diese in der Zeit ihres Auftretens von keinem beobachtet worden ist. Weil nun der Prozeß des Erfahrens ebensogut seine empirische Seite hat, kann auf diese Weise auch der empirische Zeitpunkt festgestellt werden, in dem unsere Sinne von einem Körper affiziert worden sind und das respektive Mannigfaltige ins Gemüt eingetreten ist. 90 Zdravko Kobe - als räumlicher ist er gerade außer uns. Damit wird vielmehr nur aufgestellt, daß seine Erfahrung durch den Erkenntnisapparat des Subjekts vermittelt wird und teils von dessen Beschaffenheit abhängt. Freilich kann aber auch dieses Vorstellungsverhältnis zwischen Subjekt und Objekt ein Gegenstand der Erkenntnis werden. Das findet in der inneren Erfahrung statt, und es ist eben hier, wo der Unterschied zwischen den beiden Bedeutungen des Begriffs Vorstellung am besten zum Ausdruck kommt. Denn wenn ich mir empirisch bestimmt meiner Vorstellungen - oder, um es genau zu sagen, meines Vorstellungszustandes - bewußt bin, dann ist die Vorstellung einerseits der Gegenstand der Erfahrung, anderseits besteht aber auch zwischen dem Subjekt und diesem seinen Objekt eine Vorstellungsbeziehung, weswegen ich sagen kann, daß diese Vorstellung (die ich jetzt als Vorstellung nehme) ebensogut durch meinen Erkenntnisapparat vermittelt, daß sie nur Vorstellung und bloß Erscheinung ist. Zwischen Subjekt und Objekt besteht somit sowohl bei den äußeren wie bei den inneren Gegenständen eben dasselbe Verhältnis: in beiden Fällen »hat« das Bewußtsein einen sich von ihm unterscheidenden, intendierten Gegenstand vor sich, nur daß er einmal ein räumliches Ding und dann ein Vorstellungszustand ist. Insofern ist es vielleicht keine Übertreibung zu behaupten, daß sich Vorstellung als Gegenstand des inneren Sinnes ebensowenig wie das intentionale Objekt des äußeren im Subjekt befindet, sondern eben (freilich nicht in räumlicher Bedeutung, aber dennoch) außer ihm ist. »Hier ist nun zu merken, daß ein jedes obiect etwas von der Vorstellung unterschiedenes, welches aber nur im Verstände ist, bedeute, mithin der innere Sinn selber, der uns selbst zum obiecte unserer Vorstellungen macht, sich auf etwas von unserem Selbst (als transcendentalem Gegenstand der apperception) verschiedenes beziehe. Damit verändert sich nun auch die bei den Kantinterpreten geläufige Auffassung von dem Verhältnis der Apperzeption und des inneren Sinnes. Diese pflegt vorauszusetzen, daß die »Vorstellungen des äußeren Sinnes« (d.i. kognitive Einstellung des Subjekts, die auf räumliche Gegenstände gerichtet ist) schon aufgrund ihrer Vorstellungshaftigkeit irgendwie durch die »Vorstellungen des inneren Sinnes« vermittelt werden, nur daß das Subjekt in diesem Fall nicht den Vorstellungen als solchen zugewandt ist, sondern seine Aufmerksamkeit dem, was sie vorstellen, gilt. - Wenn wir aber die soeben angeführte Bemerkung berücksichtigen, daß nämlich die Vorstellung, wenn überhaupt etwas, dann intendierter Gegenstand des inneren Sinnes und nicht ein Werkzeug, mit dem wir äußere Dinge wahrnehmen, ist, so erweist es sich, daß das Bewußtsein immer in einer direkten intentionalen Beziehung zu seinem Objekt steht, wenngleich dieses auch räumlich sein mag. 2 9 . Ref. 5654, AA XVIII, S. 312. Das Wort Vorstellung wird hier konsequent im »transzendentalen« Sinne, als intentionale Einstellung des Subjekts bezeichnend, gebraucht. Das Problem des inneren Sinnes 91 »Der Sinn ist entweder innerlich oder äußerlich; innerlich wird nur ein Sinn gennant und dadurch die apperception verstanden. Diese ist aber kein Sinn, sondern wir sind uns dadurch so wohl der Vorstellungen der äußeren als inneren sinne bewust. ... Die Form des inneren Sinnes ist die Zeit. Die Form der Apperception ist die formale Einheit im Bewustseyn überhaupt, die logisch ist.*?0 Mit seiner Bezeichnung der transzendentalen Apperzeption als »der formalen Einheit im Bewußtsein überhaupt, die logisch ist,« hat Kant sonst klar genug darauf hingewiesen, daß unter ihr keine besonderen Fälle des Bewußtseins zu verstehen sind. Durch sie werden vielmehr logische Bedingungen ausgedrückt, die von jeder Vorstellung, soll sie Erkenntnis werden, erfüllt sein müssen.31 Diese Einheit der Apperzeption ist somit überall dort realisiert, wo man es mit einem vereinheitlichen Objekt der Erkenntnis zu tun hat, sowohl in der inneren als auch in der äußeren Erfahrung; sie ist jedoch nie als eine abgesonderte Instanz neben der Erkenntnis vorhanden, sondern immer in ihr. Deswegen kann sie auch nicht als ein Gegenstand des Bewußtseins betrachtet werden, ihre Merkmale kann man vielmehr nur aus der konkreten (äußeren oder inneren) Erkenntnis abstrahieren, indem man darin »dies Förmliche des Bewußteins«32 isoliert. Dadurch bekommt man die abstrakte Form jedes objektiv gültigen Bewußtseins oder jeder Erkenntnis, die eben wegen der Abwesenheit von jeglichem Inhalt in allen Fällen gleich, unwandelbar, allgemein und leer ist. Man kann eigentlich ein und dieselbe Einheit des Bewußtseins einmal zusammen mit ihrem Inhalt betrachten, was die empirische Erkenntnis eines Gegenstandes ergibt, und dann ohne diesen Inhalt, womit die bloße transzendentale Form dieser Erkenntnis zum Vorschein gebracht wird. Die Form ist in beiden Fällen wohl dieselbe. Das empirische Selbstbewußtsein fällt mit der inneren Erfahrung zusammen, wo die Apperzeption und der innere Sinn immer schon verbunden sind. Es ist demnach falsch, von einem Selbstbewußtsein des inneren Sinnnes zu reden, weil es ebenso wie das des Denkens nie abgesondert auftreten kann. Der innere Sinn ist eben ein Sinn, nicht Denken, seine Data sind an sich zerstreut und unverbunden. »Der innere Sinn ist noch nicht Erkentnis meiner selbst, sondern zuerst müssen wir Erscheinungen durch ihn haben, nachher allererst durch Reflexion über 30 . Ref. 224, A A X V , S. 85. Auch hier ist Vorstellung im Sinne der intentionalen Einstellung zu verstehen, die wohl ein Vorstellungsverhältnis einschließt. Deshalb würde es klarer ausgedrückt lauten: »wir sind uns dadurch so wohl der Gegenstände der äußeren als inneren Sinne bewußt«. 3 1 . Cf. KrV, B 404 A 346, wo steht, daß »das Bewußtsein an sich nicht sowohl eine Vorstellung ist, die ein besonderes Objekt unterscheidet, sonder eine Form derselben überhaupt, so fern sie Erkenntnis genannt werden soll.« 32 . Anthropologie, T W A XII, S. 430. 92 Zdravko Kobe dieselbe uns einen Begrif von uns selbst machen, der alsdann empirisches Erkentnis meiner selbst, d.i. innere Erfahrung, zur Folge hat.