Jacqueline Oven Université de Ljubljana* UDK 811.163.6'367.635:811.133.1'367.635 LES PARTICULES SLOVÈNES ET LEURS ÉQUIVALENTS FRANÇAIS À L'ÉCRIT ET À L'ORAL : CAS DU LEXÈME SLOVÈNE TUDI ET DE SON ÉQUIVALENT FRANÇAIS AUSSI INTRODUCTION La présente contribution s'inscrit dans le cadre d'une étude contrastive sur les particules slovènes et leurs équivalents français et se propose d'examiner le lexème slovène tudi et son équivalent français le plus fréquent aussi. Nous nous pencherons sur les caractéristiques de aussi à l'écrit et à l'oral pour les comparer à celles du lexème slovène tudi à l'écrit. Les résultats obtenus à partir de l'analyse du discours oral confirmeront-ils ceux de l'analyse du discours écrit concernant l'équivalent français aussi, renforçant de par la même les conclusions dégagées après l'analyse contrastive portant sur le lexème slovène aussi et son équivalent français aussi à partir d'un corpus écrit ? Cette question a toute sa légitimité, puisqu'aujourd'hui le discours oral n'est plus considéré comme un dérivé de l'écrit mais un produit à part entière. Cette distinction est pertinente aussi bien dans le processus de l'apprentissage que dans celui de l'enseignement du français en tant que langue étrangère. L'enseignant est, en effet, amené à transmettre à l'apprenant le discours écrit tout comme le discours oral. De même, tout traducteur ou interprète doit maîtriser ces deux codes pour pouvoir assurer des productions écrites ou orales adéquates. Enfin, pour le chercheur, cette étude représente une modeste contribution dans le domaine de la recherche linguistique puisqu'abordant deux sujets, les particules ou adverbes de phrase et la distinction oral/écrit, qui n'ont que récemment trouvé leur place dans les travaux de recherches. A cet effet, nous nous proposerons d'abord, à partir d'un corpus écrit, de comparer le fonctionnement du lexème slovène tudi et celui de son équivalent français aussi pour en extraire les similitudes et surtout les divergences sur le plan sémantique, syntaxique et pragmatique. En nous appuyant sur ces divergences à l'écrit, nous procéderons ensuite, à partir d'un corpus oral, à l'analyse du fonctionnement de aussi à l'oral pour y constater un éventuel décalage entre l'emploi de aussi à l'écrit et à l'oral. Nous mettrons enfin en évidence un plus grand parallélisme entre le slovène écrit et le français parlé dans le cas de l'étude contrastive de tudi et de aussi, concernant les outils de cohésion mis en oeuvre dans le discours oral et écrit en examinant plus particulièrement le statut de la répétition (élément de cohésion ou de redondance ?). Adresse de l'auteur : Filozofska fakulteta, Oddelek za romanske jezike in književnosti, Aškerčeva 2, 1000 Ljubljana, Slovénie. Mel : jacquelme.oven@guest.arnes.si 1 CADRE DE L'ANALYSE Ayant dans des travaux antérieurs examiné et analysé certaines particules slovènes et leurs équivalents français respectifs (tudi/aussi ; celo/même ; predvsem/surtout ; samo/seulement ; se/encore ; ze/toujours ...) à partir d'un corpus parallèle de trois romans slovènes et de trois romans français ainsi que leur traduction respective en français et en slovène, il nous a semblé intéressant de comparer ces résultats à ceux obtenus à partir d'un corpus oral. Le public potentiellement visé (enseignant, apprenant, traducteur, interprète, chercheur) est en effet confronté dans un cadre éducatif ou professionnel aussi bien au discours oral qu'écrit, tous deux partageant certes des points communs tout en ayant chacun ses spécificités. L'enseignant transmet des compétences orales et écrites à l'apprenant en ayant peut-être un réflexe inapproprié, celui de vouloir calquer l'oral sur l'écrit et d'aboutir à une sorte d'écrit oralisé. Le traducteur et l'interprète, eux aussi, sont très souvent exposés à cette même tentation parce que se sentant peut-être plus à l'aise ou plus sûrs en ayant recours à un écrit oralisé. Contrairement à certaines convictions dans le passé, l'oral n'est plus aujourd'hui considéré comme étant un sous produit de l'écrit, mais comme un produit différent. La Grammaire méthodique (Riegel 1994 : 29) constate à ce propos : Le rapport de l'oral et de l'écrit change avec le temps : alors que l'oral continue d'évoluer régulièrement, l'écrit tend à se fixer, et le décalage entre les deux codes s'accroît, d'autant plus que l'écrit, devenu autonome, n'est plus un simple système substitutif de l'oral. Les lexèmes faisant l'objet de cette étude appartiennent à la classe des connecteurs, un des systèmes de marques contribuant à la cohésion d'un discours. Dans ce même ouvrage (Riegel 1994 : 617), nous pouvons lire : Dans l'enchaînement linéaire du texte, les connecteurs sont des éléments de liaison entre des propositions ou des ensembles de proposition ; ils contribuent à la structuration du texte en marquant des relations sémantico-logiques entre les propositions ou entre les séquences qui le composent. On limitera la liste des connecteurs aux unités linguistiques qui ne font pas partie intégrante des propositions, mais qui assurent leur liaison et organisent leurs relations, sans être des expressions anaphoriques. C'est donc un phénomène relevant de la phrase et du discours, ce qui explique l'insuffisance de certains cadres proposés en linguistique, certes utiles dans l'étude des lexèmes que nous nous proposons d'examiner dans la présente contribution, mais trop restrictifs : connexions structurales d'un point de vue syntaxique (L. Tesnière, M. A. K. Hallidays), modèle général des superstructures textuelles (T. A. van Dijk, J. M. Adam, Beaugrande et Dressler, H. Weinrich, B. Combettes), actes de langage (J. Searle), théorie argumentative (O. Ducrot). L'analyse opérée par H. N0lke pour décrire les adverbes/adverbiaux de phrase en français (1983 ; 1990 ; 1993), étude reposant sur des critères de nature sémantico- pragmatique auxquels il a intégré des considérations d'ordre distributionnel/position-nel et syntaxique, nous a semblé appropriée et efficace. Dans notre étude, nous avons donc choisi une méthodologie similaire en examinant les outils relationnels de nature sémantico-pragmatique, les relations distributionnelles et positionnelles de caractère syntaxique ainsi que le dispositif logico-énonciatif. 2 ANALYSE CONTRASTIVE DU LEXÈME TUDI ET DE SON ÉQUIVALENT FRANÇAIS DANS LE DISCOURS ÉCRIT L'analyse du discours écrit a été établie à partir d'un corpus constitué parallèlement de trois romans slovènes et leur traduction en français ainsi que de trois romans français et leurs traductions en slovène. Cette étude a permis de dégager les caractéristiques suivantes pour le lexème slovène tudi : il exerce à la fois une macrofonction au niveau du texte en tant que connecteur et une microfonction dans la phrase où il apparaît en tant que moyen de mise en relief de l'élément auquel il se rapporte. Sé-mantiquement, il véhicule de manière générale l'addition. L'équivalent français le plus fréquent du lexème slovène tudi est l'adverbe de phrase aussi (qui apparaît dans plus d'un tiers du corpus). L'analyse de aussi, opérée à partir du corpus écrit, a dégagé les conclusions suivantes : aussi renferme deux fonctions - celle de connecteur et celle de moyen de mise en relief - , c'est-à-dire les mêmes que celles observées pour le lexème slovène tudi. D'un point de vue sémantique, cette analyse a permis de déterminer le sème mininal caractérisant le lexème aussi, à savoir l'addition. Malgré un très grand degré de recoupement entre tudi et aussi (ce qui explique, entre autres, que aussi soit l'équivalent français le plus fréquent dans le corpus étudié), les deux présentent néanmoins certaines divergences. La première différence relève de la position qu'ils occupent par rapport à l'élément auquel il se rapporte. Le lexème slovène tudi le précède, par contre l'adverbe de phrase aussi, qui normalement devrait suivre l'élément auquel il se rapporte, privilégie une position dans la phrase (après le verbe en cas de temps simple, entre l'auxiliaire et le participe passé en cas de temps composé), ce qui peut engendrer certaines ambiguïtés quant à l'interprétation, comme le montre l'exemple suivant : (1) Izkazujem ti tudisvojepopolno zaupanje. (Bartol 1988 : 200) (T1) Je te témoigne aussi mon entière confiance. (Bartol 1988 : 196) L'exemple slovène ne présente aucune ambiguïté, alors que la formulation française peut être comprise de deux manières différentes : (1a) Je te témoigne, moi aussi, mon entière confiance. (1b) Je te témoigne, en plus de mon admiration, mon entière confiance. La présence du contexte gauche est alors indispensable pour éviter les erreurs d'interprétation. Dans le cas cité, le contexte gauche montre qu'il s'agit de l'interprétation (1b). L'étude du corpus écrit nous a également permis de répertorier un nombre important d'exemples (un tiers des cas) qui présentaient une omission (non-traduction) de tudi dans la traduction française. Citons quelques exemples qui seront pertinents lors de l'analyse du corpus oral (X - original ; TX - traduction ; Xa - rajout de aussi) : (2) Mislim, da sem stavek celo nekje zapisal in po jazbecu dodal tudi Benza, svojega potepuškega mačka, ... ^vigelj-Mérat 1998 : 15) (T2) Je pense même avoir noté cette phrase quelque part et avoir ajouté, après le blaireau, Benz, mon vagabond de chat, ... (Svit 1999 : 17) (2a) Je pense même avoir noté cette phrase quelque part et avoir aussi ajouté, après le blaireau, Benz, mon vagabond de chat, ... (3) Njene veselosti so se pridružile tudi druge. Samo Mirjam je dejala resno. (Bartol 1988 : 23) (T3) Sa gaîté se communiqua aux autres, mais Myriam la reprit sur un ton qui était celui du sérieux. (Bartol 1988 : 28) (3a) Sa gaîté se communiqua aussi aux autres, mais Myriam la reprit sur un ton qui était celui du sérieux. (4) Poveljnik oddelka je pridržal konja in velel tudi ostalim, naj postoje. (Bartol 1988 : 54) (T4) Le chef du détachement retint son cheval et commanda aux autres de s'arrêter. (Bartol 1988 : 52) (4a) Le chef du détachement retint son cheval et commanda aussi aux autres de s'arrêter. Dans les exemples cités, présentant une double expression de l'addition, l'ajout de aussi serait possible bien que superflu sans que cela n'affecte l'acceptabilité grammaticale de la phrase. Le français ne retient qu'un seul des deux moyens exprimant l'addition (privilégiant la « non-particule »), alors que le slovène, lui, maintient les deux moyens traduisant l'addition. Nous pouvons donc constater que l'on assiste à une non-traduction du lexème slovène tudi en français quand un autre élément dans le contexte immédiat exprime déjà l'addition, au sens large du terme. Les moyens additifs sont extrêmement variés dans les deux langues, incluant aussi bien des mots grammaticaux que des lexèmes séman-tiquement pleins. La réintroduction du lexème français aussi serait, dans la plupart des cas de figure, possible bien que ressentie comme redondante. Ainsi, en français, emploie-t-on aussi s'il remplit ses deux fonctions (mise en relief et connecteur), alors qu'en slovène le lexème tudi peut se décharger de l'une de ces deux fonctions, si celle-ci est assurée par un autre élément du contexte immédiat. La principale divergence entre ces deux lexèmes réside dans le fait que le lexème slovène tudi est outil de mise en relief et/ou connecteur, alors que le lexème français aussi est outil de mise en relief et connecteur. Cette constatation pourrait être révélatrice de considérations plus générales quant au fonctionnement des deux langues : le français serait apparemment plus réticent au phénomène de la répétition que le slovène, qui lui ne la percevrait pas comme telle, mais plutôt comme un moyen de cohésion renforcée. 3 ANALYSE DU LEXÈME AUSSI DANS LE DISCOURS ORAL ET DIVERGENCES PAR RAPPORT AU DISCOURS ÉCRIT Les marques de cohésion, qui confèrent au propos une continuité, sont différentes à l'écrit et à l'oral. Par ailleurs, les procédés de mise en relief sont des phénomènes plus fréquents à l'oral qu'à l'écrit. Le lexème aussi étant caractérisé par ces deux fonctions, nous nous intéresserons plus particulièrement au phénomène de la répétition, pouvant elle aussi constituer aussi bien un élément de cohésion qu'un moyen de mise en relief. C. Blanche-Benveniste (1991 : 18, 20) différencie entre axes syntagmatique (celui des unités à analyser dans leur successivité) et paradigmatique (phénomènes apparemment involontaires comme bredouillages, hésitations, maladresses, reprises, et d'autres qui semblent intentionnels comme répétitions intensives, variations stylistiques et autres. Dans notre étude, nous avons donc observé aussi bien les axes syntagmatique que paradigmatique pour rendre compte du fonctionnement du lexème aussi dans le discours oral. L'analyse du corpus oral, établi à partir du Corpus de la parole et constitué d'une centaine d'exemples (enregistrements et transcriptions d'échanges au quotidien -chez le médecin, au travail, entre amis, dans un commerce, en voiture ...), a révélé certaines divergences sur le fonctionnement de aussi à l'écrit et à l'oral. Les domaines concernés sont la position de aussi dans la phrase et le phénomène de la répétition. A l'écrit, le lexème aussi est très mobile à l'intérieur de la phrase (mobilité entraînant néanmoins souvent des changements de sens). Il peut en effet occuper différentes positions, à l'exception de la position initiale en tête de phrase (cette position étant « réservée » à l'expression de la conséquence et demandant l'inversion du sujet) : Paul aussi a mangé des gâteaux dans le salon. Paul a aussi mangé des gâteaux dans le salon. Paul a mangé aussi des gâteaux dans le salon. Paul a mangé des gâteaux aussi dans le salon. Paul a mangé des gâteaux dans le salon aussi. Il privilégie néanmoins une position dans la phrase (après le verbe en cas de temps simple, entre l'auxiliaire et le participe passé en cas de temps composé), ce qui peut, comme déjà mentionné, engendrer certaines ambiguïtés quant à l'interprétation de l'énoncé. A l'oral, par contre, nous avons constaté un nombre conséquent de aussi en position finale (position peu fréquente à l'écrit) : (5) Les autres parents que vous connaissez ils sont ils sont de votre avis aussi ? (6) Euh, j'ai oublié le nom de, de euh, certaines machines qui passaient avant aussi. (7) Ben voilà donc on pense qu'on fera une jolie petite fête aussi. (8) Puis enfin en juin c'est un peu moins cher aussi. (9) Les parents sont obligés de bien aider aussi. Cette position engendre certaines ambiguïtés, tout comme celle privilégiée à l'écrit après le verbe, quant à l'interprétation et requiert un recours au contexte pour déterminer avec précision la portée de aussi. Par ailleurs, nous avons relevé des cas de figure qui sont tout simplement proscrits à l'écrit, à savoir aussi en position initiale (qui à l'écrit est « réservée » à l'expression de la conséquence et demande l'inversion du sujet) : (10) au lieu de dire un veau aussi ils disent (11) aussi c'est lui qui s'occupe de A l'écrit, on aurait respectivement au lieu de dire un veau, ils disent aussi... et c'est lui aussi qui s'occupe de ... Le rapport à la répétition est le deuxième segment qui s'est révélé être source de divergences dans l'emploi de aussi à l'écrit et à l'oral. Alors que le français évite toute répétition liée à l'idée d'addition à l'écrit car faisant effet de redondance, l'oral a fourni un grand nombre d'exemples de ce type : (12) certaines règles / et je crois que c'est peut-être aussi la même chose (13) euh / j'ajoute aussi que j'avais demandé / à pouvoir / plutôt que de travailler (14) bon j'ai eu aussi une autre encyclopédie mais alors un peu particulière une encyclopédie des sciences (15) ah oui mon mari aussi c'est pareil (16) Et puis il y a beaucoup comme moi aussi d'ailleurs. Aussi Dans le discours écrit en français Dans le discours oral en français Position initiale non oui ex. 10 et 11 Position privilégiée après le verbe (ou entre l'auxiliaire et le participe passé) position finale ex. 5, 6, 7, 8, 9 Tableau récapitulatif 1 : Distribution de aussi en français écrit et oral. Dans le discours écrit, aussi ne peut pas occuper la position initiale. Celle-ci est en effet réservée à l'expression de la conséquence et exige une inversion du sujet. A l'oral, par contre, nous avons pu répertorier des occurences de aussi en position initiale. Concernant la position privilégiée par aussi, l'analyse de l'écrit et de l'oral a permis de mettre en évidence une autre divergence. L'écrit privilégie la position après le verbe (ou entre l'auxiliaire et le participe passé), suscitant parfois quelque ambiguïté quant à l'interprétation à attribuer à l'énoncé. L'oral, quant à lui, favorise la position finale, pouvant, tout comme à l'écrit, engendrer quelque ambiguïté au niveau de l'interprétation à attribuer à l'énoncé, mais pouvant, à la différence de l'écrit, être considérée comme un marqueur de cohésion car indiquant un renvoi au contexte gauche. Aussi Dans le discours écrit en français Dans le discours oral en français + connecteur marquant l'addition (puis, et, alors, en plus de ...) non oui ex. 16, 17, 18 + lexème renfermant le sème « addition » (ajouter, autre, comme moi) non oui ex. 12, 13, 14, 15, 16, 17 + lexème de mise en relief (même) non oui ex. 19 Tableau récapitulatif 2 : Aussi face à l'effet de répétition en français écrit et oral. L'analyse du discours oral et écrit en français a également mis en évidence une divergence face à l'effet de répétition du sème inhérent au lexème aussi, à savoir l'addition (liée à sa fonction de connecteur), ou à celle de mise en relief (liée à sa deuxième fonction). L'écrit évite soigneusement une quelconque double expression de l'addition (présente déjà au niveau d'autres connecteurs ou lexèmes) ou de la mise en relief dans le contexte immédiat d'aussi : (T2) Je pense même avoir noté cette phrase quelque part et avoir ajouté, après le blaireau, Benz, mon vagabond de chat, ... (Svit 1999 : 17) (2a) Je pense même avoir noté cette phrase quelque part et avoir aussi ajouté, après le blaireau, Benz, mon vagabond de chat, ... L'oral, lui, permet ce genre d'accumulations : (17) Puis vous voyez d'autres personnes aussi, vous voyez comment ils travaillent. (18) Puis enfin en juin c'est un peu moins cher aussi. (19) même peut-être pour son climat aussi Rappelons qu'à l'écrit l'occurence de aussi dans les deux premiers de cas de figure ( + connecteurs ou lexème renfermant le sème « addition ») ne rendrait pas la phrase inacceptable mais serait ressenti comme redondant. Dans le troisième exemple, par contre, le discours écrit ne permet pas ce genre de cohabitation. 4 ANALYSE CONTRASTIVE DES CORPUS ÉCRITS (FRANÇAIS ET SLOVÈNE) ET DU CORPUS ORAL FRANÇAIS FACE À L'EFFET DE RÉPÉTITION Le tableau 3 est une synthèse des tableaux 1 et 2 de la présente contribution. Il présente les résultats obtenus dans notre analyse contrastive du discours écrit slovène et français dans le cas des lexèmes tudi et aussi ainsi que ceux illustrant le fonctionnement de aussi en français écrit et oral. Tudi /aussi Discours écrit en slovène Discours écrit en français Discours oral en français + connecteur marquant l'addition (puis, et, alors, en plus de ...) oui non oui + lexème renfermant le sème 'addition' (ajouter, autre, comme moi) oui non oui + lexème de mise en relief (même, ...) oui non oui Tableau récapitulatif 3 : Occurrence de tudi/aussi dans les discours écrits slovène/français et occurrence de aussi dans le discours oral français. Cette dernière récapitulation permet de dégager deux conclusions, quelque peu inattendues, à savoir : - la nette divergence au niveau du fonctionnement du lexème aussi dans les discours oral et écrit en français (distribution, répétition), - malgré une divergence incontestable quant à l'emploi de tudi dans le discours écrit slovène et celui de aussi dans le discours écrit français, notre analyse a permis de mettre en évidence un recoupement très élevé quant au fonctionnement du lexème slovène tudi dans le discours écrit et celui du lexème aussi dans le discours oral en français, donc une plus grande similitude entre le slovène écrit et le français oral qu'entre le slovène écrit et le français écrit. 5 CONCLUSION L'analyse portant sur le lexème slovène tudi et le lexème français aussi a permis d'établir une plus grande similitude dans le discours écrit slovène et le discours oral français que dans le discours écrit slovène et le discours écrit français. Outre certaines divergences au niveau des caractéristiques distributionnelles constatées en français écrit et oral pour le lexème aussi, la présente contribution a permis d'établir une différence majeure dans les deux types de discours quant au statut de la répétition dans le contexte immédiat du lexème aussi. Sur le plan logico-sémantique, ce dernier véhicule en effet de manière générale l'addition, éliminant de ce fait à l'écrit tous les marqueurs d'addition dans un contexte immédiat (aussi bien les mots grammaticaux que les mots sémantiquement pleins) pour éviter tout effet de redondance. L'examen des exemples à l'oral a, lui, permis de dégager un fonctionnement foncièrement différent avec accumulation de marqueurs d'addition, devenant de par la même des outils contribuant à renforcer la cohésion du discours. C'est sur ce point que convergent le discours slovène écrit, qui peut accumuler ce genre de répétitions, sans qu'elles soient pour autant perçues comme superflues ou répétitives, et le discours oral en français. Ces résultats découlant d'une étude sur un cas très particulier mettent pourtant en évidence le statut à part entière du discours oral face au discours écrit en français, prouvant ainsi que l'oral n'est pas un simple calque de l'écrit ou un écrit oralisé. Ces constatations pourront ainsi être utiles non seulement au professeur de FLE mais également au professeur de français langue maternelle. Il en va de même pour le traducteur, pouvant être confronté au discours oral dans ses traductions, et l'interprète dont le champs de travail est l'oral. La divergence oral/écrit établie dans la présente contribution pourra enfin attirer l'attention de tout chercheur s'intéressant à cette problématique ou aux études contrastives (générales ou spécifiques - slovène/français -). Au vu de ces constatations, il serait toutefois intéressant de procéder à ce même genre de comparaison entre le slovène oral et écrit, telle que nous l'avons faite pour le français. Une question s'impose toutefois : ces constatations auraient-elles été les mêmes dans tous les types de discours oral (pouvant être plus ou moins formels) ? Une future étude pourrait par ailleurs porter sur les autres moyens de cohésion ou procédés de mise en relief présents dans chacune des langues, ce qui permettrait de confirmer, de moduler ou d'infirmer la constation établissant un plus grand parallélisme entre le slovène écrit et le français oral qu'entre le slovène écrit et le français écrit. Sources primaires 1. Corpus écrit slovène-français Bartol, Vladimir (1988) Alamut. Ljubljana : Mladinska knjiga. Bartol, Vladimir (1988) Alamut. Trad. Claude Vincenot Paris : Phébus. Pahor, Boris (1960) « Njegov bratranec Ciril. » Na sipini. Ljubljana : Slovenska matica. Pahor, Boris (1960) « Pepelnata kupola. » Na sipini. Ljubljana : Slovenska matica. Pahor, Boris (1999) « La Coupole de cendre. » Arrêt sur le Ponte Vecchio. Trad. Andrée Luck-Gaye. Paris : Éditions des Syrtes. Pahor, Boris (1999) « Mon cousin Cyril. » Arrêt sur le Ponte Vecchio. Trad. Andrée Luck-Gaye. Paris : Éditions des Syrtes. Svigelj-Mérat, Brina (1998) Con Brio. Ljubljana : Nova Revija. Svit, Brina (1999) Con Brio. Trad. Zdenka Štimac. Paris : Éditions Gallimard. 2. Corpus écrit français-slovène Djian, Philippe (1985) 37,2 le matin. Paris : Éditions B. Barrault. Djian, Philippe (1987) 37,2 zjutraj. Trad. Branko Madžarevič. Ljubljana : Državna založba Slovenije. Gosciny, René (1996) Le petit Nicolas et les copains. Paris : Denoël. Gosciny, René (2001) Nikec in prijatelji. Trad. Aleš Berger. Ljubljana : Mladinska knjiga. Pagnol, Marcel (1957) La gloire de mon père. Monte Carlo : Pastorelly. Pagnol, Marcel (2004) Slava mojega očeta. Trad. Radojka Vrančič. Ljubljana : Vale-Novak. 3. Corpus du discours oral français Corpus de la parole. Juin 2012. http://corpusdelaparole.tge-adonis.fr/. Références Adam, Jean-Michel/Michel Fayol (éds), (1989) Langue française 81 : Structurations de textes: connecteurs et démarcations graphiques. Paris : Larousse. Beaugrande, Robert de/Wolfgang Dressler (1992) Uvod v besediloslovje. Ljubljana : Park. Blanche-Benveniste Claire (1991) Le français parlé - études grammaticales. Paris : Editions du CNRS. Combettes, Bernard (1983) Pour une grammaire textuelle : la progression thématique. Paris/Gembloux : Duculot. Ducrot, Oswald (1980) Les échelles argumentatives. Paris : Éditions de Minuit. Ducrot, Oswald (1980) Les mots du discours. Paris : Éditions de Minuit. Ducrot, Oswald (1984) Le dire et le dit. Paris : Éditions de Minuit. La Fauci Nunzio/Andrée Borillo/Laurence Danlos (éds), (1988) Langue française 77 : Syntaxe des connecteurs. Paris : Larousse. N0lke, Henning (éd), (1990) Langue française 88 : Classification des adverbes. 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Résumé LES PARTICULES SLOVÈNES ET LEURS ÉQUIVALENTS FRANÇAIS À L'ÉCRIT ET À L'ORAL : CAS DU LEXÈME SLOVÈNE TUDI ET de son équivalent français aussi La présente contribution s'inscrit dans le cadre d'une étude contrastive sur les particules dans les langues slovène et française en y examinant le cas du lexème slovène tudi et de son équivalent français le plus fréquent aussi. Nous nous pencherons sur les caractéristiques de aussi à l'écrit et à l'oral pour les comparer à celles du lexème slovène tudi. Nous nous proposerons d'abord, à partir d'un corpus écrit, de comparer le fonctionnement du lexème slovène tudi et celui de son équivalent français aussi pour en extraire les similitudes et surtout les di- vergences sur le plan sémantique, syntaxique et pragmatique. En nous appuyant sur ces divergences à l'écrit, nous procéderons ensuite, à partir d'un corpus oral, à l'analyse du fonctionnement de aussi à l'oral pour y constater un éventuel décalage entre l'emploi de aussi à l'écrit et à l'oral. Nous mettrons enfin en évidence un plus grand parallélisme entre le slovène écrit et le français parlé dans le cas de l'étude contrastive de tudi et de aussi. Mots-clés : analyse contrastive, slovène/français, discours écrit/oral, particules, tudi/aussi. Povzetek SLOVENSKI ČLENKI IN NJIHOVE FRANCOSKE USTREZNICE V PISNIH IN USTNIH BESEDILIH: PRIMER SLOVENSKEGA LEKSEMA TUDI IN NJEGOVE FRANCOSKE USTREZNICE AUSSI V članku se avtorica s pomočjo kontrastivne analize loteva preučevanja slovenskih členkov in njihovih francoskih ustreznic ter analizira slovenski leksem tudi in njegovo najpogostejšo francosko ustreznico aussi. Namen prispevka je opisati členek aussi v pisnih in govorjenih besedilih in nato primerjati njegovo delovanje z delovanjem slovenskega členka tudi v pisnih besedilih. Avtorica na podlagi korpusa pisnih besedil začne s primerjavo delovanja slovenskega leksema tudi in francoskega aussi in izpelje podobnosti ter zlasti razlike s pomenskega, skladenjskega in pragmatičnega vidika. V nadaljevanju prispevka izhaja iz razlik v rabi členka v pisnih besedilih in ugotovitve uporabi za analizo korpusa govorjenih besedil ter skuša zaznati razliko med rabo aussi v pisnih in govorjenih besedilih. V zadnjem delu prispevka poudari primere ujemanja med rabo členkov tudi in aussi v pisnih besedilih v slovenščini in govorjenih besedilih v francoščini, pri čemer svojo analizo opre na sredstva kohezije, uporabljena v govorjenih in pisnih besedilih, še zlasti na ponavljanje (element kohezije ali redundance). Ključne besede: kontrastivna analiza, slovenščina/francoščina, pisni/govorjeni diskurz, členki, tudi/aussi.