VOYAGES AUTOUR DU MONDE. N TOME PREMIER. .22 Vif des >Z7y ]- I?j,Ue Jos?phTreeirt/ù 14? ---? I xo \______JUmte cbtLieuECbolçJ ^--y. jlhvg. «l'Ëndr aclj.tr w 5 OtffT 4^ N OUVELLE O i Xi bV K D 24 J210 §Zaiuicws fond \d-an^ereiwc 2%, $f!..... 4. à ii ce li TJf^ufcCoa™*y , Mon-tftarruJti, _______^___ÉSvhtâi; Oap cJelaliuneéj 0 23 p 22 \f. ùo n-YV* IHâmcola W ^ m ■Avril iC) .p/O ^&J$ O 21 17 d'une partie de la. M*:r du Sud Confenanf ^kf Recouvertes T^ats^eatt, 1 : liatipJuri, 4V 0 TSrl4,JAt'e, ~jtit w11111 w11"1 içm^. _ juiui— jujjbl .4ima_. : 40| 12 18 9j—---î J JWnce de Oatles & AS® ! QÀeÈfva Zf'landk Sot? Zd^ Ter te j ombrer sont des nowxiïes Dtccuv*ertës; excepte une partie du cote'occidental de /a JV.^ Ze/aude qui a été vue par las mon en 10 4-1. CeUes c/iu sontzra/w ombres, sont copias des Cartes. * JZndrvtùr ou la Longitude est déterminée parles Observattirns Astronxmizaues'. o 1t Meyres dzJéOtiifitude Ouestr cmnpt es du J^Ieridiëri o de GreerL*vïch ■ o l4\ 13 14 10 £2P -4 Ilotifc dii Capitaine Carfe*ret" la J am^it^uc^J^p» a ... TAYS rAZOJVKJ k+.s.um:é: 10 F je r.$u x i --- t llilnt < 1 4v\ Us. Kj-.j/Aao'.x,. \far. f o /^Sr Jfoni\' * m DES VOYAGES ENTREPRIS PAR ORDRE DE SA MAJESTÉ BRITANNIQUE, ACTUELLEMENT REGNANTE; Pour paire des Découvertes dans l'Hémisphère Méridional , Et fuccejjivement exécutés par le Commodore BYRON > le Capitaine CARTERET, le Capitaine WALLIS âC le Capitaine C 0 0 K, dans les Vaijjeaux le Dauphin, le Swallow SC /'Endeavour: Rédigée d'après les Journaux tenus par les difterens Commandans & les Papiers de M. BANKS, Par J. HAWKESWORTH, Dodeur en Droit, ■Ea* enrichie de Figures > & d'un grand nombre de Plans & de Cartes relatives aux Pays qui ont été nouvellement découverts , ou qui n'étoient ^imparfaitement connus. TRADUITE DE L'ANGLOIS, TOME PREMIER. A PARIS, Chez 5 BAILLANT et NYON, rue Saint-Jean-de-Beauvais. I PA NCKOUCRE , Hôtel de Thou , rue des Poitevins. M. D C C. L X X I V. AVEC APPRoBATIuis, ET P RI FILÉ G E DU ROI. É P î T R E DÉDICATOIRE DE L'EDITEUR ANGLOIS. A SA majesté britannique. Sire, En confidérant combien la navigation s'efi perfectionnée depuis la découverte de l'Ame-Tome i. a ij É PI g R E Tique , il peut paroître étrange quune partie confidérable du globe fur lequel nous vivons Joit refiée inconnue ; quon naît pas encore pu déterminer fi une grande portion de l'Hémifphère Aufiral efi compofée de terre ou d'eau, ni fixer l'étendue , SC la figure des terres mêmes qui ont été découvertes. La caufe en efi fenfible : cefi que les Princes nom gueres d'autre motif pour tenter la découverte d'un Pays nouveau que d'en faire la conquête ; mais les avantages qui peuvent réfulter de ces conquêtes font également éloignés SC incertains > SC l'ambition a toujours plus près d'elle des objets fur lefquels elle peut s'exercer. VOTRE MAJESTÉ a réglé fa conduite fur des principes plus nobles> êC cefi ce D É D I C A T O I R E. iij qui la dift'inguera des autres Souverains : commandant aux meilleures flottes > ainfi qu'aux plus braves SC aux plus habiles Navigateurs de l'Europe y ce n'a été ni pour acquérir des tréfors , ni pour augmenter vos domaines , mais uniquement pour étendre les progrès des connoif fances SC du commerce, que vous avei formé, SIRE y des entreprifes fi long-tems négligées. Il s'efi fait en moins de fept ans > fous les aufpices de VOTRE MAJESTÉ , des découvertes plus importantes que celles de tous les Navigateurs enfemble depuis l'expédition de Colomb. L e choix qu'on a daigné faire de moi pour écrire l'Hifioire de ces découvertes SC la per-mifiîon que j'ai obtenue de la dédier a VOTRE a ij iv ÉPIT-RE DÉDICATOIRE. MAJESTÉ y font une diftinclion honorable dont je conferverai toujours le fouvenir avec la plus vive reconnoijffance. Je fuis 3 avec refpecl, SIRE, DE VOTRE MAJESTÉ, Le très-humble Se très-obligé ferviteur & iujet, J, Hawkesworth. EXPLICATION DES CARTES ET DES PLANCHES Contenues dans le Toute premier. Planche i. Carte d'une partie de la mer du Sud, contenant les routes & les découvertes des vaifleaux de Sa Majefté le Dauphin , Commodore Byron, & la Tamar , Capitaine Mouat, en 176$ ; le Dauphin, Capitaine \^allis , <5c le Swallow , Capitaine Carteret , en 1767, 6c YEndeavour , Lieutenant Cook , en 1769. 2. Carte du détroit de Magellan. 3. Une Carte du port Famine, de la baie de TVood, du port G allant & de la baie F or te feue , de la baie & du havre de Cordes. 4. Carte de l'anfe de Saint-David, de la baie de VIfie, du havre de Swallow, de la baie de Pu^ling , du Cap de la Providence , de la baie du Cap Upright & de la baie Dauphin. S- Carte de la baie Elisabeth , de la baie Saint-David, & depuis la rivière à'York jufqu'à la baie & au havre des Trois-If es. Pl. 6. Entrevue du Commodore Byron avec les Pata-gons. 7. Carte de la Virginie â'Hawkins & du canal Falkland. 8. Vue du côté N. O. de Mafafuero. 9. Carte & vues des Mes Pitcairn. 10. Ifle de la Reine Charlotte. 11. Côte feptencrionale de la plus grande des Mes de la Reine Charlotte. Baie Swallow & havre de Byron. 12. Nouvelle-Irlande : vue de ITfle Saint-Jean & de fix autres Mes. 13. Carte des découvertes du Capitaine Carteret dans la Nouvelle-Bretagne. 14. Trois vues des Mes de Y Amirauté & de quelques autres. ij. Banc de fable dangereux de Jofeph Freewill j extrémité méridionale de Mindanao. 16. Baie de Bonthain. PRÉFACE if_______Vj, mu -; ,.....gj^ &&f$s ^rr---- _ 1 «*K PRÉFACE DES ÉDITEURS FRANÇOIS. N O U s ne nous étendrons point fur l'objet &c l'importance des Voyages dont nous donnons la tradu&ion. Tous les Journaux les ont annoncés dès long-tems > &C rempreflement que le Public a témoigné pour les voir paroître dans notre Langue , nous difpenfe de chercher à exciter fa curiofité ou à folliciter fes fufFrages ; nous nous bornerons donc à quelques obfer-vations. On défiroit depuis long-tems que quelque Puiflance de l'Europe envoyât des Navigateurs pour examiner cette portion du globe qui eft ei*tre la pointe méridionale de l'Amérique y le Cap de Bonne-E.fpcran.ee &C le pôle auftral. Mais l'efprit d'aventure &C de conquête qui a dirigé les premières expéditions maritimes, s'eft affoibli dès long - tems ; on eft devenu aiTez éclairé pour juger qu'il y avoit peu à gagner pour le commerce par des découvertes de ce genre , &C les Gouvernemens font rarement dif-pofés à faire fervir leurs tréfors &C leurs flottes à des entreprifes dont on ne croit guères pouvoir recueillir d'autres fruits que des lumières nouvelles fur la géographie , la phyfique &C la morale. Malgré ces obftacles, le goût des décou-couvertes femble fe ranimer en Europe. Il étoit naturel que l'Angleterre donnât l'exemple ; fa fituation , la nature de fon gouvernement, l'étendue de fon commerce, lui donnent à cet égard de grands avantages fur les autres Puiflances maritimes. Le Souverain qui la gouverne, également vertueux ££ éclairé, ami. de la paix, de la philofophie ôc des arts , a fu mettre à profit fes moyens &C fes forces , pour ordonner &C diriger des entreprifes dont le fuccès a parfaitement répondu à fes vues. Les quatre Voyages dont on va lire la relation ont été exécutés par fes ordres dans l'efpace de fix ans ; les vaifleaux deftinés à. ces expéditions étoient commandés par des Officiers choifis dans un Corps de marine où le courage 8t les talens font communs. Le quatrième Voyage fur-tout a été fait avec un appareil &C des moyens extraordinaires ; c'eft une expédition vraiment philofophique. Le Capitaine Cook étoit accompagné de plufieurs Savans & Artiftes, qui réu* nifloient au plus grand zèle des connoiflances de tous les genres. Jamais Voyageurs, en découvrant des terres nouvelles &C des peuples inconnus y n'ont examiné les lieux , décrit les productions naturelles , obfervé les hommes > avec plus d'attention , de circonfpe£tion > de fageiïe Ôt de lumières. Ce qu'il eft fur-tout intéreffant de remar-* quer , ceit l'efprit d'humanité &C de juilice avec lequel ces Navigateurs fe font fait un devoir de traiter les peuples fauvages qu'ils ont trouvés ; c'eft la bonne-foi qu'ils mettent dans le trafic, la patience avec laquelle ils fupportent les infultes &C les menaces > la douceur avec laquelle ils pardonnent des violences & des infidélités qu'il leur eft fi aifé de punir ; quand on compare cette conduite avec la férocité &£ l'inhumanité des premiers Conquérans du nouveau monde , on aime à fentir ce qu'on doit à cet efprit philosophique qui diftingue notre fîècle , que protègent aujourd'hui tous les Souverains de l'Europe , &C qui n'a guère pour ennemis que ceux qui ont quelque chofe à craindre des progrès de la raifon §C des lumières, O n s'étonne qu'une fi grande partie de ce globe que nous habitons foit encore inconnue ; mais ne feroit-il pas plus naturel de s'étonner au contraire que nous le connûfTions déjà fi bien? Quand Quand on fait attention aux fouffrances &C aux dangers de toute efpèce qui accompagnent les navigations dans des mers nouvelles, quand on confidère combien font éloignés &C incertains les avantages qu'on peut en retirer , on ne fau-roit refufer fon admiration &C fa reconnoiflance à des hommes qui ont allez de zèle &C de courage pour exécuter ces pénibles &C périlleufes entreprifes. Nous ne préviendrons pas le Public fur les obfervations neuves &C intéreifantes que nous devons aux Navigateurs Anglois , tant fur la nature humaine en général &C fur l'état des premières fociétés y que fur les différentes branches de THiftoire Naturelle ; mais nous croyons devoir le mettre à portée de juger plus aifément des découvertes géographiques qu'ils ont faites > en rappellant en peu de mots ce qu'on connoiffoit avant eux des pays qu'ils ont examinés. Les Navigateurs qui jufqu'à eux avoient par-Tome L b couru la mer du Sud navoient pas pu déterminer , fi la Nouvelle-Guinée &C la Nouvelle-Zélande ne formoient qu'un feul pays, ou fi cétoient deux contrées féparées. On croyoic que la Nouvelle-Bretagne étoit une feule Ifle. La côte orientale de la Nouvelle - Hollande étoit abfolument inconnue. On ne connoiffoit guère de la Nouvelle-Zélande que le petit canton où débarqua Tafman &C qu'il appella Baie des AJJafflns ; &C l'on fuppofoit d'ailleurs que cette région faifoit partie du Continent méridional. Les Cartes plaçoient dans l'Océan pacifique des Ifles imaginaires qu'on n'a point trouvées y &C elles repréfentoient comme n'étant occupés que par la mer de grands efpaces où Ton a découvert plusieurs Ifles, Enfin les Fhyficiens penfoient que depuis le degré de latitude Sud auquel les Navigateurs s'étoient arrêtés, il pouvoit y avoir jufqu'au pôle auftral un Continent fort étendu, Les Navigateurs Anglois , dans les quatre Voyages qu ils viennent de faire , ont reconnu que la côte orientale de la Nouvelle-Hollande > appellée aujourd'hui Nouvelle - Galles méridionale, étoit un pays beaucoup plus grand que l'Europe, &C le Capitaine Cook a déterminé avec précifion le gifement des côtes. La Nouvelle - Bretagne eft compofée de deux Iiles &C non pas d'une feule comme on l'imaginoit, &C ces deux Iiles font féparées par un canal, nommé Canal Saint - George. On a fait le tour de la Nouvelle - Zélande 2 &C 1* Carte Si11'011 cn a dreflee cil peut-être plus exa&e que celle de certaines côtes d'Europe : quelques Auteurs avoient penfé que de rifle de George III à la Nouvelle-Zélande il pouvoit y avoir un Continent ^ le Capitaine Cook aflure qu'ils fe font trompés. On a découvert un grand nombre de petites Ifles, & l'on a reconnu en même-tems que plufïeurs de celles dont on fuppofoit l'exiftence étoient imaginaires. Quant au Continent méri-dional, il eft démontré par le dernier Voyage de cette collection qu'il n'y en a point au Nord du quarantième degré de latitude Sud ; nos Navigateurs n'ofent pas affiner également qu'il nv er* ait pas un au Sud du quarantième degré. b ij Ce Voyage , fans avoir entièrement réfolu la queftion , a réduit à un fi petit ëfpace Tunique portion de l'hémifphère méridional où pourroit fe trouver un Continent, qu'il feroit fâcheux qu'on ne fit pas une nouvelle tentative pour s'affiner de la vérité. I l nous refte à dire quelque chofe fur la traduction que nous offrons au Public. M. Haw-kefworthj Auteur de plufieurs Ouvrages An-glois , juftement (a) eflimés, avoit été chargé par le Gouvernement Britannique y de rédiger les Mémoires originaux que les Commandans refpe&ifs des quatre expéditions avoient remis à l'Amirauté. Il a rendu compte dans fon Dif-cours préliminaire du plan qu'il a cru devoir fuivre. Long-tems avant la publication de fon Ouvrage , il avoit propofé â un Homme de (a) Le meilleur & le plus connu eft un Ouvrage périodique, dans le genre du Spectateur , intitulé The ddvenwrer. M. Hawkef-worth eft more quelques mois après la publication des Voyages* Cette dernière entrepiife avoit beaucoup contribue à fa fortune. Après avoir fait imprimer «cet Ouvrage , dont les Planches avoient ete gravées aux frais du Gouvernement, il en a vendu l'Edition de le privilège à un Libraire pour fix mille livres fterling. Un Ouvrage intereftant ou utile fuflit quelquefois en Angleterre pour faire la fortune de l'Auteur. Lettres François , qui fe trouvoit à Londres, de le traduire , ou du moins de le faire traduire fous fes yeux , &C pour cet effet il lui avoit offert de lui remettre les feuilles du Livre a mefure qu'on les imprimeroit. Mais cet Homme de Lettres n'ayant reçu un exemplaire de l'original que peu de tems avant qu'on le publiât à Londres, il ne lui a pas été poffible de fe charger d'un travail fl coilfldérable ; d'ailleurs il étoit imporcctixL de mettre la plus grande célérité dans l'exécution , afin de répondre â la confiance de M. Hawkefworth ôc" de ne pas fe laiffer prévenir par des Traducteurs étrangers. Il a donc été nécellaire d'employer à la traduction plu-fieurs perfonnes habiles èC exercées à ce genre de travail ; quoique la traduction ait été faite ô£ revue avec foin, on n'y trouvera pas l'uniformité de ftyle qui devroit naturellement fe trouver dans tout Ouvrage, mais qui heureufe-ment n'eft pas fi néceflaire dans un Livre de la nature de celui-ci , où le fond l'emporte de beaucoup fur la forme & où l'exactitude & la fidélité font les qualités les plus importantes. Quant à ce mérite , on n'a rien épargné pour le donner à la traduction. La partie la plus difficile du travail étoit de rendre clairement les détails relatifs à la navigation , que les Ecrivains Anglois ont répandus avec une pro-fufion peut - être inutile. On a confulté des Anglois ? ainfi que plufieurs habiles Officiers de notre marine , verfés dans la Langue An-gloife ; on a eu recours aux Dictionnaires de marine Anglois ÔC François y nommément au plus moderne 3 celui de Falconer ; on a tâché d'éclaircir un endroit par l'autre ; enfin rien n'a été négligé. On ne fe flatte pourtant pas davoir évité toutes les fautes & peut-être en a -1 - on laiffé échapper de très - groffières, que les marins appercevront fans doute bien vite , mais qu'ils corrigeront avec facilité & qui ne pourront induire perfonne en erreur. Pour les éviter toutes, il auroit fallu favoir à fond les deux Langues > avoir même une très - grande pratique &C une connoiffance très - profonde de l'art ; encore avec tout cela auroit - on pu fe tromper fouvent en voulant rendre une manœuvre dans les termes de l'art, foit à raifon de la difficulté de bien entendre la manœuvre, décrite par des termes techniques d'une Langue étrangère , fouvent d'une manière abrégée Se" par-conféquent obfcure, foit à raifon de l'embarras de trouver les termes techniques françois exactement correfpondans. Ces difficultés, qui font pour ainlî dire de la chofe même, peuvent nous mériter l'indulgence des gens de Y*rt. O n auroit pu les éviter fans doute en retranchant une très-grande partie des détails nautiques, qui n intéreffent pas le plus grand nombre des Lecteurs : mais outre qu'on a cru devoir donner une traduction fidèle &C complette de l'Ouvrage Anglois, ces Voyages ayant principalement pour objet les progrès de la navigation & la fureté même des Navigateurs , on a voulu conferver tout ce qui pouvoit être utile ou intéreffant pour les Marins. Plusieurs perfonnes & les Voyageurs xv) PRÉFACE DES ÉDIF eux - mêmes ont dé fapprouvé , dit - on y en Angleterre les réflexions de l'Editeur Anglois , réflexions qui interrompent la narration > &C qui fouvent n'étant pas celles des Navigateurs au nom defquels la relation eft écrite , femblent ne devoir pas entrer dans le récit d'un Voyage qui , pour être exact &C fidèle , ne devroit, ajoute-t-on , préfenter que le (impie récit des faits ou tout au plus les réflexions que les objets mêmes ont fait naître par leur première im-preffion fur l'efprit des Voyageurs. M. Haw-kefworth avoit répondu à cette objection dans fon Difcours préliminaire. Si l'on faiioit la même critique de la traduction , nous répondrions que notre devoir a été d'être fidèles ôC de ne rien omettre de l'original. Dans un Ouvrage qui doit fervir de guide &C d'autorité , nous avons craint de changer 3 même ce que nous ne pouvions pas approuver , afin d'éviter juf-quau foupçon que nous ayions rien altéré de ce qui peut être important. NOTA. NOTA. J-i ous avons employé fouvent cette expreiTion une voile balancée ; quelques Officiers de marine nous ont dit que cette expreflfton n étoit pas connue dans la marine Françoife ; mais nous avons fuivi le Dictionnaire de Falconer, le meilleur de tous ceux qui exiftent , & où Ton trouve ces mots Anglois a fail balanced , traduits littéralement par une voile balancée. Il dit qu'on difpofe ainfi la voile, lorfque dans une tempête on la reflerre en un petit efpace & qu'on en roule une partie par un coin j il ajoute qu'on employé cette manœuvre par oppofition à celle de rifer , qui eft commune à toutes les principales voiles, au lieu qu'on n'en balance que quelques-unes, telles que la rnifaine, &c. Comme la traduûion de çm V~t*t& * & faite Par differens Ecrivains il * M impoflible , malgré tous les foins que les Editeurs ont pris pour y mettre de l'uniformité, d'éviter quelque différence dans la manière d'exprimer les mêmes chofes. Par exemple, dans le Voyage du Capitaine Wallis , on a traduit littéralement la manière dont les Anglois expriment certaines divifions de la rofe du compas. Ce que nous entendons par Nord 5 Nord-Ejl, ils l'expriment Nord par Eft, & on a traduit dans le Voyage de Wallis, Nord \ Eft. Ainfî dans tous les endroits de ce Voyage où l'on trouvera N. | E. — S. \ E. - N. i O. - S. J O. - E. i N. - E. i S. - O. 1 N, - O. \ S. &c. , Il faudra entendre N. -\ N. E. — S. \ S. E. - N. i N. O. - S. k S. O. - E. i N. E, — E. \ S. E. -O. i N.O. - O. i S. O. Sec Dans le Voyage du Commodore Byron il y a une portion de phrafe omife : on lit , Tome I, pag. 101 , ligne 7 : Le Cap Upright nous reftoit au N. E. &'C., il faut lire : Le Cap Upright nous refeoit d VE. S. E. à environ trois lieues , £> nous avions en même-tems un Cap remarquable de 1°- côte feptentrionale au N. E. frc. Tome J. Dans ïe même Tome, pag. 134, ligne ii au lieu de cù l'en puijfe faire, lifez ou Von ne puijfe faire, &c. Tome II363 ., ligne 22: pZuj 5 elles étoient, efface* plus. INTRODUCTION INTRODUCTION GÉNÉRALE. E Roi régnant , peu de tems après avènement au «-âne , forma le projet d'équiper des vaiiTeaux pour aller découvrir des pays inconnus, &C le Royaume jouiflant 3 en 1764 3 dune paix profonde > Sa Majefté s'occupa à. mettre ce projet à exécution. Le Dauphin &C la Tamar furent expédiés fous le commandement du Commodore Byron. Pour faire connoître exactement les intentions &C les motifs de Sa Majefté , il fufiira de tranferire ici le préambule des inftrudions qui furent données au Commodore, &C qui font datées du 17 Juin de la même année. » Comme rien n eft plus propre à contiï-î5 buer à la gloire de cette Nation en qualité de Tome L a » puiffance maritime , à la dignité de la Cou-» ronne de la Grande-Bretagne, &C aux progrès » de fon commerce &C de fa navigation , que « de faire des découvertes de Régions nouvelles ; » &C comme il y a lieu de croire qu'on peut » trouver dans la mer Atlantique , entre le Cap » de Bonne-Efpérance &C le détroit de Magellan, « des Terres 2£ des Mes fort confidérables in-» connues jufqu'ici aux Puiffances de l'Europe , » fituées dans des latitudes commodes pour la » navigation &C dans des climats propres a la » production de différentes denrées utiles au » commerce ; enfin comme les Iiles de Sa Ma-« jefté, appeliées Ifles de Pepys &C Iiles de » Falkland y fituées dans l'efpace qu'on vient de » défigner , n'ont pas encore été examinées avec « affez de foin pour qu'on puiffe avoir une idée « exacte de leurs côtes & de leurs productions, « quoiqu'elles aient été découvertes &C vifitées » par des Navigateurs Anglois ; Sa Majefté , » ayant égard à ces confédérations , &C n'ima-« ginant aucune conjoncture auffi favorable à une « entreprife de ce genre que l'état de paix pro-» fonde dont jouiflent heureufement fes Royau-» mes, a jugé à propos delà mettre à exécution, GENERALE. iij Le Dauphin étoit un vaiffeau de guerre du fixième rang monté de vingt - quatre canons : fon équipage écoit compofé de cent cinquante matelots, avec trois Lieutenans &C trente - fept bas-Officiers. L a Tamar étoit un jloup monté de feize canons ÔC commandé par le Capitaine Mouat : fon équipage étoit compofé de quatre-vingt-dix matelots, avec trois Lieutenans &C vingt-deux bas-Officiers. Le Commodore Byron fut de retour en Angleterre au mois de Mai ijGG ; & au mois d'Août fuivant , le Dauphin fut expédié de nouveau , fous le commandement du Capitaine Wallis , avec le Swallow , commandé par le Capitaine Carteret, avec les mêmes inftru&ions générales pour faire des découvertes dans l'hé-mifphère méridional. Le Dauphin fut équippé comme la première fois. Le Sîrallow étoit un Jloup monté de quatorze canons, &C ayant pour équipage quatre - vingt - dix matelots y avec un Lieutenant &C vingt-deux bas-Officiers. Ces deux vaifleaux marchèrent enfemble jufqua ce qu'ils fuifent arrivés à la vue de la Mer du Sud , à l'entrée occidentale du détroit de Magellan ; de-li ils revinrent en Angleterre par des routes différentes. Vers la fin de l'année 1767., il fut arrêté par la Société Royale, qu'il feroit convenable d'envoyer des Aftronômes dans quelques parties de la Mer du Sud , pour y obferver le paflage de Vénus fur le difque du Soleil , qui, félon les calculs aftronomiques , devoir fe faire en 1769 ; on jugea en même-tems que les Iiles appellées Marquefas de Mendoça , ou celles de Rotterdam &C Amjlcrdam , étoient les endroits les plus propres que l'on connût alors pour faire cette obfervation. En confequence de ces délibérations, la Société préfenta au Roi un Mémoire , en date du mois de Février 1768 , par lequel elle fupplioit Sa Majefté de donner des ordres pour cette expédition. Sa Majefté y ayant égard, fignifia aux Commiffaires de l'Amirauté que fon intention étoit de faire équipper un vaiffeau pour tranf porter des Obfervateurs dans la partie des Mers du Sud, que la Société Royale jugeroit la plus convenable à fon objet. Au commencement du mois d'Avril fuivant, la Société reçut une lettre du Secrétaire de l'Amirauté , qui lui donnoit avis qu'on avoit clioiiî une barque de trois cens foixante-dix tonneaux pour cette expédition : ce bâtiment étoit appelle l'Endeavour ; le commandement en fut donné au Lieutenant de vaifleau Jacques Cook , Officier dont les talens pour l'Af tronomie fi£ la Navigation étoient connus, & qui fut en même-tems nommé par la Société Royale pour obferver le p^CCa^c de Vénus > de concert avec M. Charles Green, Aftronôme qui avoit été pendant long-tems aide du Docteur Bradley a l'Obfervatoire royal de Greenwich. Ta n d i s qu'on travailloit à lequippement de ce vaiffeau y le Capitaine Wallis revint en Angleterre ; comme, à fon départ, le Lord Morton lui avoit recommandé de déterminer un lieu propre à l'obfervation du paffage de Vénus, ce Capitaine indiqua pour cet objet le havre de Port-Royal, dans une Iile qu'il avoit découverte &C qu'il avoit appellée IJle George, mais à laquelle on a donné depuis le nom iïOtakitL En confé-quence, la Société Royale fit choix de cet en- droit &C en donna avis à 1*Amirauté dans une lettre écrite au commencement de Juin, en ré-ponfe à celle que ce Bureau lui avoit adreffée pour lui demander où elle deliroit qu'on transportât fes Obfervateurs. L'Endeavour avoit été confinait pour le commerce du charbon de terre : on avoit préféré un bâtiment de cette conftruâion pour plu™ fieurs raifons : c'étoit ce que nos matelots appellent a good fea beat y ( un bon bateau marin ) qui étoit plus fpacieux , plus propre à s'approcher de terre, &C qui pouvoit être manœuvré avec moins de monde que d'autres bâtimens de même charge. Son équipage étoit compofé du Lieutenant Cook, qui avoit le commandement, avec deux Lieutenants fous lui ; d'un maître &C un bofman, ayant chacun deux aides ; d'un chirurgien & un charpentier , ayant chacun un aide ; d'un canonnier 9 un cuifinier , un écrivain 3 deux quartier - maîtres , un armurier , un voilier , trois Officiers de poupe , quarante-un bons matelots 3 douze foldats de marine &C neuf do-meftiques, formant en tout quatre-vingt-quatre perfonnes, outre le Commandant. On lui donna des vivres pour dix-huit mois, &C il prit à bord dix canons &£ douze pierriers, avec une quantité fuffifante de munitions & d'autres chofes né-ceffaires. Il fut réglé aufli qu'après que l'obfer-vation du partage de Vénus feroit faite > Y En-deavour fuivroit le projet général de faire des découvertes dans les Mers du Sud. On trouvera le réfultat des différentes expéditions de ces vaiffeaux dans le cours de cet Ouvrage, dont il cil à pré-fent nécefinirc Je donner quelque idée. Il a été compofé d'après les journaux tenus par les Commandans des différens vaiffeaux , lefquels ont été remis entre mes mains par les Commiffaires de l'Amirauté. Quant au voyage de YEndeavour , j'ai eu d'autres papiers également autentiques, &C j'ai rendu compte des fecours que j'en ai tirés dans l'Introduction qu'on trouvera a la tête de la relation de ce voyage. Lorsque j'entrepris la rédaction de cet Ouvrage , on mit en queftion s'il devoit être écrit a la première ou à la troifieme perfonne ; mais aPrès y avoir réfléchi, tout le monde convint qu'une narration faite à la première perfonne , en rapprochant davantage le Lecteur du Voyageur fans l'intervention d'un Hiltorien étranger, attacherait plus fortement l'attention , &C par-con-féquent feroit plus intéreifante ÔC plus agréable. On objectoit cependant qu'en écrivant au nom des différens Commandans, je ferois obligé de me borner à une narration sèche, où je ne pour-rois ni joindre des réflexions quelques naturelles qu'elles fuflent ; ni obferver les reflemblances ÔC les oppofîtions qui fe trouvent entre les opinions y les mœurs &C les ufages des peuples nouvellement découverts, & ceux des peuples connus ; ni me permettre enfin aucunes remarques fur les faits &C les circonftances les plus fingulières de ces voyages": mais on répondit à cette objection, qu'en écrivant la narrationa la première perfonne, le manufcrit feroit toujours fournis à l'examen des Officiers au nom defquels j'écrirais ; que rien ne feroit publié fans leur approbation ; que dès-lors il importerait fort peu que les idées qui y feraient inférées euiïent été conçues par eux-mêmes ou par moi, pourvu qu'ils les adoptaffent. Tous les avis fe réunirent pour ce dernier parti; il fut donc arrêté que la narration feroit à la première perfonne j GÉNÉRALE. k perfonne , & que je pourrois y joindre les idées &t les réflexions que le fujet m'infpireroit ; mais je ne m'en fuis permis que rarement, &C elles font courtes &C rapides ; rien , en effet, n auroit été plus abfurde que d'interrompre un récit intéreffant 3 ou des defcriptions d'objets nouveaux, par des differtations &C des hypothèfes. On trouvera cependant des réflexions plus fréquentes dans la relation du voyage de XEndeavour ; la raifon principale en eft que quoiqu'il foit le dernier des quatre , il y «voie une grande partie d'imprimé avant que les autres fuflent même rédigés ; de forte que les différentes remarques qu'auroient fait naître naturellement les incidens &C les defcriptions des voyages précédens, fe trouvoient déjà faites à l'occafion d'incidens &C de defcriptions femblables inférés dans celui de XEndeavour, On obfervera peut-être que plufîeurs particularités rapportées dans un des voyages fe trouvent répétées dans un autre ; mais chaque Commandant ayant écrit le journal de fon propre voyage, cet inconvénient étoit inévitable ; car il n etoit pas poihble de fondre le tout enfemble fans violer le ^oit qu avoit chaque navigateur à s'approprier Tome L b x INTRODUCTION le récit de ce qu'il avoit vu : au refte toutes ces répétitions prifes enfemble, n'occupent que quelques pages du livre. Comme il étoit important de prévenir toute efpèce de doute fur la fidélité avec laquelle j'ai rapporté les évènemens inférés dans les matériaux qui m'ont été fournis , la relation de chaque voyage a été lue en manufcrit devant les Com-mandans refpedifs, au Bureau de l'Amirauté, de l'agrément de Milord Sandwich, qui a aflifté à la plus grande partie de ces lectures. La relation du voyage de XEndeavour a été lue aufïï à M. Banks Se au Docteur Solander , &C le manufcrit leur en a même été confié pendant allez long-tems, ainfi qu'au Capitaine Cook. Les trois autres Commandans ont eu de même le manufcrit de leur voyage entre leurs mains, après en avoir entendu la lecture à l'Amirauté ; &C j'ai fait partout les changernens qu'ils ont demandés. C'étoit pour donner au voyage du Capitaine Cook toute l'autenticité dont il étoit fufceptible , que la relation en avoit été écrite la première , parce que , lorfqu'on me remit fon journal, il y avoit lieu de croire qu'un Officier GÉNÉRALE. xj partiroit avant un mois pour l'expédition qu'il a entreprife depuis. Je ne doute pas qu'un grand nombre de Lecteurs ne me reprochent d'avoir rapporté trop minutieufement les détails nautiques ; mais il faut faire attention que ces détails mêmes font l'objet principal de l'Ouvrage. Il étoit particulièrement néceffaire de décrire la fituation des vaiffeaux dans les différentes heures du jour, ainfi que les relèvemcns des différentes parties de la terre , tandis qu'ils parcouraient des Mers &C examinoient des Côtes jufqu'alors inconnues ; parce qu'il falloit déterminer leur route avec plus de précifion qu'on ne pouvoir le faire dans une carte, quelque grande que fût l'échelle ; il falloit de plus décrire avec une exactitude fcrupu-leufe les Baies, les Caps , &C les autres irrégularités de la côte, l'afpect du pays, les collines, les vallées , les montagnes &C les bois, ainlî que la profondeur de l'eau , &C toutes les autres particularités qui pouvoient mettre dans la fuite les Navigateurs en état de trouver aifément &€ de reconnoître avec fureté chaque partie indiquée, ^loi-même je ne fentois pas d'aboid affez toute lij INTRODUCTION l'importance de ces détails ; de forte qu'après avoir rédigé mon Ouvragey j'ai été obligé d'y faire plu-fieurs additions. Il y a cependant lieu d'efpérer que ceux qui ne lifent que pour leur amufement, trouveront à s'en dédommager dans la defcrip-tion de plufieurs contrées qu'aucun Européen n'avoir encore vifitées 3 &C dans la peinture de mœurs qui préfentent la nature humaine fous des afpects nouveaux. A cet égard , la relation des petites circonftances n'a pas befoin d'apologie ; car ce n'eft que par les petites circonftances que le récit même des grands évènemens agit fortement fur l'efprit des hommes. Ecrivez fim-plement que dix mille hommes ont péri dans une bataille, que vingt mille ont été engloutis par un tremblement de terrey ou qu'une nation entière a été détruite par la pefte ; ce fait y dépourvu de circonftances, n'excitera pas la moindre émotion dans l'ame de vos Lecteurs , tandis que vous les verrez s intéreffer avec une vivacité extrême pour Paméla y cette Héroïne imaginaire d'un Roman , remarquable fur-tout par rénumération de circonftances fi frivoles en elles-mêmes s qu'on a peine à concevoir comment elles on; pu fe préfenter à l'efprit de l'Auteur. GÉNÉRALE. xiij L'Ouvrage que nous donnons ici eft enrichi d'un grand nombre de planches , où les différentes claffes de Le&eurs, tant ceux qui cherchent à s'inftruire que ceux qui ne veulent que s'amufer , trouveront un égal avantage ; elles confiftent non-feulement en cartes Se" plans dreffés avec beaucoup d'exactitude &C de foin, mais encore en différentes vues ôc" figures, deffmées Ô£ exécutées par les meilleurs Artiftes de ce pays. L A méthode la plus sure pour prévenir l'obf- curité &c la confufîon dans le récit des évène-mens, c'eft de les difpofer par ordre de tems ; on ne peut pas cependant en former toujours une chaîne continue y lorfqn'on a des incidens divers &C compliqués à rapporter ; mais comme chacune des narrations qui compofent cet Ouvrage ne préfente qu'une fucceflion iîmple de faits , les évènemens de chaque jour s'y trouvent rapportés dans leur ordre naturel. On a apporté une grande attention à faire accorder exactement les cartes avec la partie nautique de la narration ; mais s'il s'y trouvoit quelque différence, ce que nous ne croyons pas, il fau-droit s'en rapporter de préférence aux cartes, dont l'autorité eft inconteftable. On verra par la narration y ainfi que par les cartes , fur - tout par celle qui marque les routes des différens vaiffeaux y ce qu'on peut penfer de l'exiftence ou de la non-exiftence d'un Continent auftral, &C quelles font les terres nouvelles qui ont été découvertes par nos Navigateurs. A la fimple infpe&ion des cartes on évitera les méprifes qui pourroient naître de ce que le même nom a été donné à des Mes différentes , par les différens Comman-clans ; &C l'on n'aura pas la peine de comparer pour cela les latitudes &C les longitudes indiquées dans la narration. Comme il n'y a que quelques années que l'exiftence d une race d'hommes au-deffus de la taille ordinairey habitant la côte des Patagons, a été le fujet d'une difpute très-vive, j'ai cru devoir recueillir ici les différens témoignages relatifs à cette queftion, tels que je les trouve dans un Ouvrage François intitulé : Hifioire des Navigations aux Terres auflrales. Voici ce qu'on y lit, Tome II, pag. 314 & fuiv. » C'est une chofebien étrange que cette totale contrariété de rapports de tant de témoins ocu- laires, fur un point de fait fi facile à connoître, Ôc" en même-tems fi fingulier que l'eft l'exif-tence de tout un peuple de géants. On a vu dans les relations ci-deffus, que pendant cent ans de fuite prefque tous les Navigateurs, de quelque Nation qu'ils foient, s'accordent pour attefter la vérité de ce fait ; ÔC que depuis un fiècle auffi, le plus grand nombre s'accorde à le nier, traitant de menfonge le récit des précé-dens , & attribuant ce qu'ils en difent, foit à la frayeur que leur infpiroit la vue de ces hommes féroces , foit au penchant naturel qu'ont les hommes à débiter des chofes extraordinaires. On ne peut nier que les hommes n'aient un étrange amour pour le merveilleux , &£ que l'effet de la peur ne foit aufli de groffir les objets. Je ne prétends pas dire que l'on n'ait pu exagérer fur cet article , &C débiter plufieurs fables ; examinons cependant fi tous ceux qui affirment le fait l'ont vu dans un moment d'effroi , &C comment il feroit poflible que des Nations qui fe haïffent §£ fe contrarient , fe fuffent accordées fur un point d'une évidente fauffeté «. » Je ne m'arrête pas à la vieille opinion répan- due parmi les peuples d'Amérique , aufh-bien que dans notre ancien monde , qu'il y avoit eu autrefois fur la terre une race de géants fameufe par fes violences, ainlî que par fes crimes «. »On me raconta , dit la Barbinais , que » pendant un déluge dont le Pérou fut inondé, » les Indiens fe retirèrent, fur les plus hautes » montagnes, pour attendre que toutes les eaux » fuifent écoulées. Lorfqu'ils defcendirent dans » la plaine, ils y trouvèrent des hommes d'une » taille démefurée qui leur firent une guerre » cruelle. Ceux qui échappèrent à leur bar-» barie , furent obligés de chercher un afyle m dans les cavernes des montagnes. Après s'être » tenus cachés pendant plufieurs années , ils » virent paraître au milieu des airs un jeune » homme qui foudroya les géants , Ô£ par la » défaite de ces cruels ennemis , ils fe retrou-» vèrent maîtres de leurs anciennes demeures. « Mes guides me montrèrent plufieurs marques » de la foudre imprimée fur un rocher, &C des » os d une grandeur extraordinaire, qu'ils regar-» dent comme les refies de leurs géants. On v ne fait en quel tems ce déluge eft arrivé ce. L'Y N c a GÉNÉRALE. xvij » L'Ynca Garcilasso , dans fon hiftoire du Pérou, rapporte que félon la tradition commune, on vit arriver dans des bateaux de joncs vers la pointe Sainte-Hélène une troupe de géants fi hauts que les Naturels du pays ne leur alloient qu'aux genoux ; leurs yeux étoient larges comme le fond d'une aifiette , les autres membres à proportion ; ils alloient nuds, ou couverts de peaux de bêtes. Us s'arrêtèrent en ce canton ou ils creusèrent dans le roc un puits d'une étonnante prnfoi^ur. Chacun d'eux mangeoit autant que cinquante hommes' : de forte qu'ayant bientôt épuifé les provifions que la terre pou-voit leur fournir, ils furent réduits à vivre de la pêche. Ils enlevoient les femmes du pays : mais comme ils les tuoient en voulant s'en fer-vir, ils s'adonnèrent entr'eux à la fodomie qui attira fur eux le feu du ciel , par lequel cette horrible race fut enfin détruite ; mais le feu ne confirma ni leurs os ni leurs crânes, afin qu'ils ferviffent de monument à la vengeance célefte. En effet, on trouve en cet endroit, à ce qu'on prétend, des os d'une grandeur prodigieufe, ÔC des pièces de dents qui font conjecturer qu'une ^er*t entière devoir pefer plus d'une demi-livre «. Tomc jm c » Ceux qui feront curieux du détail des traditions de cette efpèce répandues chez les Américains ; de celui des édifices autrefois conftruits par les géants, avec des pierres énormes y &c. le trouveront dans Torquemada, l'iv. L ch. 13 SC 14. Toutes ces fables font à-peu-près fem-blables à ce que Ton raconte des géants de notre ancien monde. Les os des géants qu'on trouve quelquefois en Amérique , tels qu'on en montrait en ijjo à Mexico &C ailleurs, ne font probablement que des os de grands animaux peu connus. Ce n'eft qu'à la vue même d'une telle race d'hommes, qu'on doit fe décider fur leur exiftence, ou du-moins qu'à celle d'un fque-lette entier ; ainfî quoique Turner rapporte qu'en 161 o il a fait voir à la Cour de Londres, l'os de la cuiffe d'un de ces hommes , à la vue duquel on connoiffoit par les proportions , que le géant étoit d'une grandeur démefurée , je regarde encore la preuve donnée par ce Natu-ralifte comme infufiifante ; malgré ce qu'il ajoute qu'il a lui-même vu fur les côtes du Bréfil près de la rivière de Plat a, des géants qui vont entièrement nuds : la partie de leur crâne derrière la tête eft applatieôC ronde. Leurs femmes ont de longs cheveux noirs, auffi rudes que le crin d'un cheval. Ils font excellens archers y &C portent en outre pour armes deux boules maf-fives , dont ils fe fervent également bien, foit à lancer, foit à frapper. Il dit en avoir vu un de douze pieds de haut, qui étoit à la vérité le plus grand de toute la contrée «. » Mais faudra-t-il nier auffi le témoignage de tant d'autres témoins oculaires : parmi les Efpa-gnols, M^gcllaïl 5 Loife , Sarmiente , Nodal : parmi les Anglois, Candish , Hawkins, Knivet: parmi les Hollandois , Sebald , de Noort, le Maire y Spilberg : parmi les François, nos équipages des vaiffeaux de Marfeille &C de Saint-Malo. Ceux qui les démentent font Winter, qui y après avoir vu de fes propres yeux ce qui en eft , dit fans détour que c'eft un menfonge inventé par les Efpagnols ; l'Hermite , Amiral Hollandois, Froger dans la relation de M. de Gennes , &C Narborough, dont il faut avouer que le témoignage en peut contre-balancer bien d'autres , étant .celui de tous qui a le mieux vu la Magellanique. On doit mettre auffi dans *a même claffe les Voyageurs qui gardent le c ij fîlence fur ce point; tels que l'Amiral Drake, puifque c'en; une marque que la ftature de ces peuples n'avoit rien de frappant pour eux. Mais obfervons d'abord que la plupart de ceux qui tiennent pour l'affirmative , parlent des peuples Patagons habitans la côte déferte à l'Eft Ôt à l'Oueft ; &C qu'au contraire la plupart de ceux qui foutiennent la négative parlent des habitans du détroit à la pointe de l'Amérique fur les côtes du Nord & du Sud. Les Nations de l'un &C de l'autre canton ne font pas les mêmes ; que fi les premiers ont été vus quelquefois dans le détroit, cela n'a rien d'extraordinaire à un fi médiocre éloignement du port Saint - Julien y où il paroît qu'eft leur habitation ordinaire. L'équipage de Magellan les y a vu plufieurs fois, a commercé avec eux > tant à bord des navires que dans leurs propres cabanes ; Magellan en emmena deux prifonniers fur les vaiffeaux j l'un defquels fut baptifé avant fa mort, &C enfeigna plufieurs mots de fa langue à Piga-fette, dont celui-ci drelfa un petit dictionnaire. Rien de plus pofitif que tous ces faits , &C de moins fujet à l'illufion «. GÉNÉRAL E, xxj » J'affirme , dit Knivet , qu'étant au Port Dejiré > j'ai mefuré des cadavres trouvés dans « des fépultures, &C des traces des habitans fur » le fable, dont la taille eft de quatorze, quinze » Ô£ feize empans de hauteur. J'ai fouvent vu » au Bréfd un de ces Patagons qu'on avoit pris » au Port Saint - Julien : quoique ce ne fût » qu'un jeune homme y il avoit déjà treize em-» pans de haut. Nos Anglois , prifonniers au » Bréfil , m'ont affuré qu'ils en avoient vu de « pareils la côte Magellanique «. Sebald de Wert raconte qu'il a vu dans le détroit même, de ces géants qui arrachoient des arbres d'un empan de diamètre. Il y a vu des femmes de grande Se de médiocre taille. Olivier de Noort apperçut au Port Defiré des fauvages de haute ftature ( il ne dit pas des géants ) : il fe battit dans le détroit contre une troupe de géants de taille médiocre. Il en fit fix prifonniers , qu'il emmena à bord ; l'un d'eux lui raconta dans la fuite qu'il y avoit dans le pays diverfes Nations, quatre defquelles étoient de la grandeur ordinaire ; mais qu'au - dedans du pays , dans un territoire nommé Coin, il y avoit un peuple de Séants nommé Tiremenen qui venoit faire la g; erre aux autres races. Spilberg a vu dans la Terre de Feu un homme de très-haute ftature : les fépultures qu'il y trouva n'étoient que de gens d'une moyenne taille. Aris-Clafz , commis fur la flotte de le Maire , homme très-digne de foi , déclare qu'ayant vifité les fépulchres fur la côte des Patagons, on y vit la vérité de ce que les précédens Navigateurs avoient raconté > &C que les oiïemens enfermés dans ces tombeaux étoient d'hommes de dix ou onze pieds de haut. C'eft ici un examen fait de fang-froid^ où l'épouvante n'a pu groflir les objets. D'autres, comme Nodal &C Richard Hawkins fe font contenté de dire que ces fauvages font grands de toute la tête plus que les Européens, de fi haute ftature que les gens de l'équipage les appelloient des géants. Tous ces témoignages font anciens : en voici quelqu autres du fîècle même où nous vivons, &C de notre propre Nation. En 1704 y les Capitaines Harington ô£ Carman, commandans deux vaiffeaux François, l'un de Saint-Maloy l'autre de Marfe'dley virent une fois fept de ces géants dans la baie de Pojl fejfion ; une autre fois fix y &C une troifième fois une troupe de plus de deux cents hommes mêlée de ceux-ci ô£ de gens d'une taille ordinaire. Les François eurent une entrevue avec eux , &C n'en reçurent aucun mal. Nous tenons ce fait de M. Fréfier, directeur des fortifications de Bretagne, homme fort connu , &C fort efti-mé. Il n'a pas vu lui-même ces fauvages ; mais il raconte qu'étant au Chili , Dom Pedro Mo lina , gouverneur de l'Ifle Chiloë &C plufieurs autres témoins oculaires lui ont dit qu'il y avoit dans l'intérieur des terres une Nation d'Indiens nommes pai leurs voifins Caucohues , qui viennent quelquefois jufqu'aux habitations Efpagno-les, &C qui ont prefque jufqu'à neuf ou dix pieds de haut. Ce font. difoient-ils, de ces Patapons qui habitent la côte déferte de l'Eil , dont les anciennes relations ont parlé. » Les Efpagnols » qui habitent l'Amérique méridionale fur les » côtes de la mer du Sud y dit Raveneau de » Luflan , ont pour ennemis certains Indiens » blancs qui habitent une partie du Chili : ce » font des gens d'une grandeur &C d'une groffeur « prodigieufe. Ils leur font toujours la guerre, t &C quand ils en prennent quelques-uns , ils 31 leur lèvent l'eftomac comme on lève le piaf-" trou d'une tortue , &C ils leur arrachent le • cœur «. Cependant Narborough, en même-tems qu'il convient que les montagnards ennemis ô£ voifins des Efpagnols du Chili font de * haute ftature, nie formellement que leur raille foit gigantefque. Après avoir mefuré la pifte &C les crânes de fauvages Magellans qui fe trouvèrent comme ceux des autres hommes , il rencontra plufieurs fois depuis des troupes d'habi-tans dans le détroit , même au Port Saint-Julien. Il les trouva tous bien faits de corps, mais de la taille ordinaire à lefpèce humaine. Son témoignage, de la vérité duquel on ne peut douter, eft précis à cet égard, ainfi que celui de Jacques THermite fur les Naturels de la Terre de Feu, qu'il dit être puiffans, bien proportionnés; à-peu-près de la même grandeur que les Européens. Enfin parmi ceux que M. de Gennes vit au Port Famine 3 aucun n'avoit fix pieds de haut «. » J'ai voulu raffembler ici fous un même coup-d'œil les principales dépofitions pour &C contre fur un fait fi curieux. En les voyant 3 on ne peut guères fe défendre de croire que tous ont dit vrai ; c eft-à-dire , que chacun deux a rapporté rapporté les chofes telles qu'il les a vues ; d'où il faut conclure que l'exiftence de cette efpèce d'hommes particulière eft un fait réel, &C que ce n'eft pas affez pour le traiter d'apocryphe, qu'une partie des marins n'ait pas apperçu ce que les autres ont fort bien vu. C'eft aufïï l'opinion de M. Fréfîer , écrivain judicieux, qui a été à portée de raffembler les témoignages fur les lieux mêmes. On a lu dans mon quatrième Livre fes réflexions fur ce fujet, auxquelles j'en ajouterai quelques-unes » ♦ « Il paroi t confiant que les habitans des deux rives du détroit font de la taille ordinaire, ÔC que fefpèce particulière faifoit il y a deux liècles fa demeure habituelle fur les côtes défertes, foit dans quelques miférables cahutes au fond des bois, foit dans des cavernes de rochers prefque inacceffibles , comme nous l'apprenons d'Olivier de Noort. Nous voyons par fon récit que dès ce tems, où les navires d'Europe commençaient à- fréquenter ce partage, ils s'y tenoient cachés tant qu'ils appercevoient des vaiffeaux en mer, taifon pour laquelle on ne pouvoit les découvrit , quoiqu'on apperçût -à tout moment des marques récentes de leur féjour fur une côte Tome L A xxvj INTRODUCTION que Ton voyoit déferre. Probablement la trop fréquente arrivée des vaiffeaux fur ce rivage les a déterminés depuis à l'abandonner tout-à-fait, ou à n'y venir qu'en certains tems de Tannée, &C à faire , comme on nous le dit, leur réfi-dence dans l'intérieur du pays. Anfon préfume qu'ils habitent dans les Cordelières vers la côte d'occident , d'où ils ne viennent fur le bord oriental que par intervalles peu fréquens : tellement que fi les vaiffeaux qui depuis plus de cent ans ont touché fur la côte des Patagons n'en ont vu que fî rarement, la raifon , félon les apparences, eft que ce peuple farouche &C timide s'eft éloigné du rivage de la mer, depuis qu'il y voit venir fî fréquemment des vaiffeaux d'Europe , &C qu'il s'eft , à l'exemple de tant d'autres nations Indiennes, retiré dans les montagnes pour fe dérober à la vue des étrangers. Voici du moins en ce fiècle - ci deux vaiffeaux d'Europe qui les ont encore vus plufieurs fois, &l même en groffe troupe : ce qui doit diifiper les foupçons qu'on avoit fur la fidélité des relations anciennes à cet égard ». » Le meilleur moyen de mettre la chofe hors d'incertitude , auroit été d'apporter en Eu- rope le corps ou le fquelette entier d'un de ces Patagons. Il eft extraordinaire qu'on ne l'ait pas fait, puifque les Commandans des vaiffeaux en ont enlevé plufieurs fois qui font morts durant la traverfée en approchant des pays chauds. Peut-être en faut-il attribuer la caufe à l'opinion fuperftitieufe des matelots, qui, croyant que la bouffole ne va pas bien quand il y a un corps mort fur le vaiffeau, ne veulent point fouffrir de cadavre à bord ; mais il eft aifé de fe mettre au-deffus de ce prémgé puérile , fi jamais l'équipage d'un vaiffeau trouve moyen d'avoir un homme de cette efpèce en fon pouvoir, &C l'oc-cafîon mérite affurément d'être cherchée «. * Il y a lieu de croire que les témoignages réunis des derniers navigateurs, particulièrement du Commodore Byron , du Capitaine Wallis, &C duC apitaine Carteret, Officiers qui font encore vivans, dont on ne peut attaquer la véracité, &C qui non-feulement ont vu les Patagons &C con-verfe avec eux, mais qui les ont même mefurés, diffiperont tous les doutes qui ont pu fubfifter jufqu'i préfent fur leur exiftence. * R à s avoir mis fous les yeux des Lecteurs xxviij INTRODUCTION tous les témoignages connus, pour &c contre un fait qui a été long-tems un objet de curioiîté pour le peuple comme pour les Philofophes, je ne préviendrai point les opinions qu'on peut fe former fur les navigations qu'on peut entreprendre dans la fuite , en fuivant la route décrite par les vaiffeaux dont on raconte ici les Voyages ; je dirai, feulement que , quoique le Commodore Byron, qui a mis fept femaines &C deux jours à traverfer le détroit de Magellan, foit d'avis qu'on pourroit le paffer en trois femaines , en choifîflant la faifon convenable ; cependant le Capitaine Wallis a mis près de quatre mois à ce paffage, quoiqu'il l'eût fait précifément dans le tems indiqué par le Commodore ; car il étoit arrivé à l'entrée orientale du détroit, vers le milieu du mois de Décembre. Je ne puis terminer ce Difcours fans exprimer la peine que j'ai reffentie en racontant le malheur de ces pauvres Sauvages qui , dans le cours des expéditions de nos Navigateurs , ont péri par nos armes à feu , lorfquils vouloient repouffer par la force rinvafion des étrangers dans leur pays ; je ne doute pas que mes Lecteurs ne partagent avec moi le même fentiment j c'eft cependant un mal qu'il me paroît impoffible d'éviter toutes les fois qu'on cherchera à découvrir de nouveaux pays ; il faut s'attendre à trouver toujours de la réfiftance, &C dans ce cas, il faut ou vaincre ceux qui réfiftent , ou abandonner l'entreprife. On dira peut-être qu'il n'étoit pas toujours néceifaire d'ôter la vie à ces Indiens pour les convaincre que leur réfiftance feroit im-puiffante ; je conviens que cela a pu être quelquefois ; mais il faut confidércr que lorfcjue l'on entreprend de lemblables expéditions , il faut bien les confier à des hommes qui ne font point exempts des foibleffes humaines, à des hommes qu'une injure foudaine provoque à la vengeance, que la préfence d'un danger imprévu peut porter à un acte de violence pour s'y fouftraire , qu'un défaut de jugement ou une pafhon extrême peut égarer, & qui font toujours difpofés à étendre l'empire des loix auxquelles ils font fournis, fur ceux qui ne connoiffent même pas ces loix : tous les excès commis par quelque effet de ces imperfections naturelles de l'homme font des maux inévitables. O n dira peut-être encore que fi l'on ne peut éviter de femblables malheurs en allant décou- xxx INTRODUCTION vrir des pays inconnus > il vaut mieux renoncer à ces découvertes ; je répondrai que d'après les feuls principes fur lefquels cette opinion peut être fondée 3 il ne pourroit être permis en aucun cas d'expofer la vie des hommes pour des avantages de même efpèce que ceux qu'on fe propofe en découvrant des terres nouvelles. S'il n'eft pas permis de s'expofer à tuer un Indien pour venir à bout d'examiner le pays qu'il habite y dans la vue d'étendre le commerce ou les connoiffances humaines y il ne le fera pas davantage d'expofer la vie de fes concitoyens pour étendre fon commerce avec des peuples déjà connus. Si l'on ajoute que le danger auquel ceux-ci fe foumettent eft volontaire y au-lieu que l'Indien fe trouve malgré lui expofé au rifque de perdre la vie y la confé-quence fera encore la même ; car il eft univerfelle-ment convenu y d'après les principes du Chriftia-nifme , que nous n'avons pas plus de droit fur notre propre vie que fur la vie des autres, & le fuicide étant regardé comme une efpèce de meurtre très - criminel , tout homme fera coupable d'expofer fa propre vie pour un motif qui ne lui permettroit pas d'attenter à celle d'un autre. Si l'on peut donc, fans crime , facrifier la vie des hommes dans des entreprifes qui n'ont pour but GÉNÉRALE. xxxj que de fatisfaire des befoins artificiels, ou d'acquérir de nouvelles connoiflances > il n'y en aura pas non plus à employer la force pour defcendre fur un pays nouvellement découvert, dans la vue d'en examiner les productions ; fi ce principe ne-toit pas reçu , toute profelfion où les hommes expofent leur vie pour des avantages de même genre ne devroit pas être permife , &C quelle eft la profelfion qui ne compromette pas la vie des hommes ? Examinons cette multitude de peuple occupée aux arts , depuis le forgeron couvert de fueur devant un fourneau fans ceife embrâfé, jufqu'à l'ouvrier fédentaire qui pâlit fur un métier y on verra par-tout la vie des hommes facrifiée en partie aux befoins factices de la fociété. Dira - t - on que la fociété civile , à qui on fait ce facrifice, eft par-là même une combinaifon contraire aux grands principes de la morale \ qui font la bafe de toute efpèce de devoir ? Dira-t-on qu'il eft contre la nature d'exercer les facultés qui font les marques de dif-tindion de notre nature même ? Que l'homme étant doué de pouvoirs divers que la fociété civile peut feule mettre en adion, cette fociété civile eft contraire à la volonté du Créateur ; & qu'il lui feroit plus agréable que nous ne fuflions pas fortis de l'état fauvage où ces pouvoirs refteroient engourdis dans notre fein comme la vie dans l'em-brion, pendant toute la durée de notre exiftence ? Cette conféquence paroîtra certainement extravagante &C abfurde : car quoique le commerce &C les arts nuifent en quelques occafions à. la vie des hommes, en d'autres ils fervent à la confer-ver ; ils fubviennent aux befoins de la nature fans rapine &C fans violence , &C en préfentant aux habitans d'un même pays un intérêt commun, ils les empêchent de fe divifer en ces tribus particulières, qui, chez les peuples fauvages, fe font perpétuellement la guerre avec une férocité inconnue par-tout où le gouvernement civil, les connoif-fances &C les arts ont adouci les mœurs des hommes. Il paroît donc raifonnable de conclure que les progrès des fciences &C du commerce font en dernière analyfe un avantage pour tous les hommes , oc" que la perte de la vie qui peut en réfulter pour quelques individus, eft au nombre des maux particuliers qui concourent: au bien général. F I N. RELATION -A. Corail e.t C lullou . Aûf çy 19 i°$ Baye ut fis (C via la Ilade d York Eutef3orÂj~ Jthecdt c/tifetv uh&r ,une7 unt< ./ui//y eieut/en• /n/ê/a aeb.tfejies Ray tS t Da v i d s B a y uy/c , SI) a vid Fond de SalL nielt de. Coijuillcœy Su/id- ù'rwu mUrAfufcÀeJ/cfuialen tJ&fOK '' t Havre, ^~Jia.y ttntl Jfaven der dre y Jnjtht. o te der ui s ta Baye d'York a la Baye et au Havre des trois Is de s VoRS'teeeuivg DER KïJSTE vojv YoRKS JÏHERE an RIS ZU DER JIaY ujyd DEM H ave.v xkem DRE YIiïSEEN Petit Havre , kleine r Rave n 7 / Jiatc AelorsJJay 7 dû j.andivUxe Ratckclar ~ 3 "i Rade d'York JthteA + JO&Y tC?^rl! fond"mou UcÂclU de trots Afi/Ù'^A . /,'<', u'/al) \>on drev ena/t/enen Me tien JMtuisJhib von drey enqlifckcnMeihn Port FamîNE w \ . à.-'presque fec à. \ mer baise'' \7JF£/ezeit fait mon. brocken der Ha v: pAMINE a? / T. S^Armz ^3 6 JH 7 S ' f§5jL Baye deWood Ù' ^\ Woods Bay JO / à&usr Thon, / ,-z__ v tv Pcsr GaLLANT^BayeFoBTESCUE mer Havejt CtAI.la.nt il j^eBayPortescue Carte du Détroit de' Magellan dans hujuclle on a Jruscrt les Observations et les Découvertes du Cap*e Byron, duCap'Walli^et du Cap^CariereÉ: S.O.-k.Ouast Cap 7 "• 1 ù m ter £ f ssûffr de Direction , * yk&métMMJÊA■Long.f^'ssi '•.JDie Inseïn. der Anivetswiff 4Ar C.Deseada Klippendie jttm^r aettitn-nt ' \ Carte von der MAGEtL^NISCHEN = MEERENGE in we le lier die lieobachtimoen undEntdtckiinqai derer Capitaines P Byron,Wallis und Carteref mit anqemerckc^ sind'. Terre de Feu t e RUA del f u e g o . RELATION D'UN VOYAGE FAIT AUTOUR DU MONDE, Dans les Années 1764, 1765 &C 1766, Far le Commodore Byron , commandant le Vaiffeau du Roi le Dauphin. ----=^.^1^ CHAPITRE PREMIER. Navigation des Dunes à Rio-Jancirov Le xi de Juin 1764, je partis des Dunes avec le - — vaiffeau de Sa Majefté le Dauphin, & la frégate la Ann' l?6* d 21 Juin. * Dans ce Voyage, la Longitude fe compte du Méridien de Londres » rOueft jufqu»à l8o jeg^s t & au.delà à l'Eft, Tome I. A Tamar , que j'avois eu ordre de prendre fous mon ^7uiJ6*' commana,ement. En defcendant IaTamife, \t Dauphin toucha : cet accident m'obligea de relâcher à Plymouth , où ce vaiffeau fut mis en carène \ mais on ne s'apper-cut pas qu'il eut été endommagé. Durant mon féjour a Plymouth , je fis quelque changement dans les gens de l'équipage ; je leur donnai 3 Juillet, d'avance deux mois de paye ; & le 3 de Juillet, je fis voile, de cette rade, après avoir arboré la flamme de commandement. Le 4 , nous nous trouvâmes à la hauteur du Cap Lirard. Un vent frais favorifoit notre marche , mais nous vîmes avec chagrin que la frégate portoit mal la voile. Dans la nuit du 6, l'Officier du premier quart vit un phénomène extraordinaire , affez reffemblant à un vaiffeau en feu : ce feu , qu'il diftinguoit dans l'éloi-gnement, dura près d'une heure & enfuite difparur. Le foir du 1% , nous découvrîmes les rochers qui font près de Madère , & que nos gens appellent les Déferteurs, du nom françois de Déjerts ou Dtfertes, qui leur a été donné a caufe de leur afpect fauvage & ftérile. Le jour fuivant , nous arrivâmes à la rade de Fonchal , où nous mouillâmes vers les trois heures après-midi. Le 14 au marin , je me rendis chez le Gouverneur, qui me reçut avec politeffe & me fit faluer d'onze coups de canon, qui furent rendus de mon bord. 11 vint le lendemain, 15, me faire vifite dans la maifon du Con- fui : je le fis faluer de onze coups de canon, que le Fort - " rendit. Ann> ll6A> Juillet, A notre arrivée a Madère, nous trouvâmes la Couronne , vaiffeau duPvoi & le Sloop le Ferret, qui étoient à l'ancre : ces deux vaiffeaux , voyant la flamme de commandement à bord du Dauphin , nous faluèrent de leur artillerie. Après avoir pris à bord divers rafraîchifTemens, & particulièrement une grande quantité d'oignons , nous appareillâmes le i^, Se poursuivîmes notre route. Le 21 , nous eûmes connoiifance de l'ifle de Palme , une des Canaries. .Nous obfervâmes que depuis le Cap Li^ard aucun poifTon n'avoit fuivi notre vaiffeau. J'en attribuai la caufe à ce que fa carène étoit doublée de cuivre. Vers le 26, notre eau commença a fe corrompre : nous la purifiâmes au moyen d'une machine que nous avions embarquée à ce fujet ; c'eft une efpèce de ventilateur, par lequel on force fair de paffer à travers l'eau dans uu courant continuel & auffi long-tems qu'il eft né-cefTaire. Le befoin d*eau nous fit fonger à mouiller à une des îflcs du Cap Verd. Le 27, nous découvrîmes rifle de Sel. Nous vîmes alors plufieurs tortues ; je fis mettre l'iole en mer pour en prendre ; mais elles s'é~ chappèrent avant qu'on pût les atteindre. Dans la matinée du 28 , nous nous trouvâmes très-prfcs d0 p^ de Buona-Viftaj le lendemain, à la Ai; hauteur de l'ifle de Mai 3 & le 30, nous jettâmes l'ancre dans la baie de Praïa à l'ifle de Saint-Jago. On étois déjà dans la faifon pîuvieufe qui rend ce mouillage très - dangereux ; les vents foufHant alors de la partie du Sud \ foulèvent la mer en d'énormes lames, qui fe brifant avec furie fur le rivage , femblent annoncer k chaque infiant des tempêtes , dont les fuites feroient funeftes aux vaiffeaux qui y feroientà l'ancre. La crainte d'échouer éloigne de cette côte tous les navires dans cette terrible faifon qui dure depuis le commencement d'Août jufqu'en Novembre. Nous y fîmes notre eau avec toute la diligence poffible. Nous y achetâmes trois jeunes bœufs , pour donner de la viande fraîche aux équipages ; mais à peine furent - ils tués que la grande chaleur les corrompit. Le 2 d'Août, nous remîmes a la voile, ayant avec nous une ample provision de volailles, de chèvres maigres , & de finges que nos gens avoient achetés pour de vieilles chemifes & de vieux habits. Les chaleurs accablantes &c les pluies continuelles rendoient l'air fi malfain , que la plupart de nos gens tombèrent malades de la fièvre , malgré mon extrême attention à les obliger de changer de linge, avant de s'endormir, lorf-qu'ils étoient mouillés. Le 8 , la Tamar fit fignal d'incommodité ; nous diminuâmes de voile pour l'attendre : cette frégate avoit eu fa vergue de hunier emportée, fans avoir éprouvé aucun autre dommage. Nous refiâmes les voiles car-guées , pour lui faciliter l'opération denverguer une autre voile de .hunier \ ce qui , joint au vent qui étoit dans la partie du Sud , nous retarda confidéïablement dans notre route. Awwfh . Aoiit. Nous continuâmes d'obferver , a notre grande mortification , que notre carène doublée de cuivre, écartoit les poifîbns de notre bord J 6c quoique dans ces latitudes les vaiffeaux fourniffent ordinairement une abondante pèche , nous ne parvînmes à prendre que de Tefpèce connue fous le nom de Goulu de mer. II ne nous arriva rien qui puifTe intérefTer la curio-iité de nos Navigateurs , jufqu'au n Septembre, que, n Sepremb, fur les trois heures après-midi , nous eûmes la vue du Cap F no fur la côte du Bréfil. Le 13 , vers midi , nous vînmes mouiller dans la grande rade de Rio-Janeiro , par 18 brafles de profondeur. Cette grande Ville, qui préfente un très-beau coup-d'ceil, eft gouvernée par le Viceroi du Bréfil , dont l'autorité eft illimitée. Lorfque je vins lui faire vifite, j'en fus reçu avec le plus grand appareil .• environ foixante Officiers étoient rangés devant le palais ; la garde étoit fous les armes ; c'étoit de très-beaux hommes , très-bien tenus. Son Excellence , accompagnée de la première No-bîefTe, vint me recevoir fur l'efcalier. Je fus falué par quinze coups de canon , tirés du Fort le plus voifin. Nous entrâmes enfuite dans la falle d'audience, ou, après une converfation d'un quart-d'heure , je pris congé , 6c fus reconduit avec les mêmes cérémonies. Le Viceroi m'offrit de me rendre vifite à une maifon que j'avois louée fur le rivage \ mais je le priai de s'en dirpenfer ^ & kientôc après je revins a bord. =— ; L'équipage du Dauphin , à qui on avoit donné ^Sepccmb4' t0US ^S ^°UfS ^ ^a v*anc*e fra'cne & des herbages , jouiffoit d'une parfaite fanté ; mais plufieurs Matelots s'écant trouvés malades a bord de la frégate , à notre arrivée, j'ordonnai qu'ils fufiént mis à terre, logés 6c traités convenablement. Tous recouvrèrent prompte-ment la fanté. Les coutures de nos deux vaiffeaux étant ouvertes en plufieurs endroits , j'engageai un certain nombre de calfàts Portugais j & en très-peu de jours, les vaiffeaux furent recalfatés. Tandis que nons étions a Rio-Janeiro, le Kcnty vaiffeau de notre Compagnie des Indes , qui avoit k bord le Lord Clive, vint relâcher dans cette rade. Ce bâtiment , dont le départ d'Angleterre avoit précédé le nôtre de près d'un mois, & qui n'avoit touché nulle part, n'arriva néanmoins qu'un mois après nous ; de forte qu'il mit environ foixante jours plus que nous à faire cette route , malgré le tems que nous perdîmes à attendre, la Tamar, fur laquelle le Dauphin , fans être un excellent voilier, avoit un tel avantage de marche , que nous employâmes rarement plus de la moitié de nos voiles. Plufieurs Matelots de l'équipage du Kent étoient déjà attaqués du feorbut. Les chaleurs infupportables que nous éprouvions à Rio-Janeiro nous rendoient impatiens de remettre itfO&obre. en mer. Le 16 Oclobre, nous levâmes l'ancre ; mais nous reftâmes quatre ou cinq jours au-deffus de la barre , à attendre un vent de terre qui favorisât notre fortie ; il n'y a pas moyen de tenter ce paflage avec un vent de mer. L'entrée entre les deux Forts eft fi étroite , & la mer y brifc avec tant de force , que ■ nous ne parvînmes à fortir de la rade qu'avec une AX1'1?64' „ - rr r • • !» * i Octobre. extrême difficulté \ 6c 11 nous euiiions luivi 1 avis du pilote Portugais , nous nous ferions infailliblement perdus, La Relation de ce Voyage n'étant publiée que pour Tinlirudion des Navigateurs , je crois devoir faire obferver que les Portugais , qui font dans cette place un très-grand commerce , employent tous les moyens poflibles pour débaucher les Matelots qui viennent a terre : fi les voies de la perfuafion ne leur réufîifTent point, ils les font boire & les enivrent : dans cet état, ils les tranfportent dans les terres, & prennent les précautions les plus propres à empêcher leur retour jufqu'après le départ de leur vaiflèau. Ces manœuvres firent déferter cinq hommes de mon équipage, que je ne pus recouvrer ; la Tamar en avoit perdu neuf; mais le Capitaine , informé du lieu de leur détention , y envoya de nuit un détachement qui les furprit & les ramena à bord. CHAPITRE IL Départ de Rio - Janeiro. Navigation jufqu'au Port Défi ré, Defcription de ce lieu, _i. ^--—g j^J" o u s étions fous voile le 22. Je crus , avant cîe Anm. 1764. p0Urfuivrc notre route, devoir informer les équipages Octobre. \ . j tt tt< de la nature du Voyage que nous allions entreprendre. Je fis fignâl au Commandant de la Tamar de fe rendre à mon bord ; ce je lui déclarai, en préfence de tous les Matelots aflemblés fur le pont, que notre deftination n'étoit pas , comme on avoit pu le croire , de nous rendre aux Indes Orientales , mais d'entrer dans la mer du Sud, pour y faire des découvertes qui pourroient devenir d'une grande importance à l'Angleterre ; que dans cette vue les Lords de l'Amirauté accordoient aux équipages une double paye , 6c d'autres gratifications, fi , durant le Voyage , ils rempiif-foient leur devoir avec le zèle que doit naturellement in/pirer l'amour de la patrie. Cette nouvelle fut reçue avec des acclamations de joie : tous proteftèrent qu'ils étoient difpofés à me fuivre par-tout où je voudrois les conduire ; qu'il n'y avoit point de difficultés , ni môme de périls auxquels ils ne s'expofafTent pour donner a leur patrie des marques de leur fincère attachement , 6c que je pouvois compter fur leur obéifîance ponctuelle 6c fur leur entier dévouement. Nous Nous continuâmes de faire voile jufqu'au 29 , que les vents fraîchirent &c foumèrent par grains fubits & par violentes raffales , propres à défemparer nos manœuvres. Je fis amener nos mâts de perroquet , & mettre nos bâtons d'hiver à pofte ; mais bientôt la mer devint afFreufe , & le vent en tourmente : le vaiffeau fatiguoit fi prodigieufement , que craignant de fom-brer fous voiles , je fis jetter par-deffus bord deux canons de Pavant & deux de l'arrière du vaiffeau pour le foulager. Ce tems orageux dura le refte du jour, & toute la nuit, que nous pafsâmes à capeyer fous la grande voile, deux ris dedans. Dans la matinée du 30 , les vents devinrent plus maniables, & varièrent du N. O. au S. ^ S. O. : nous en profitâmes pour faire de la voile , le Cap àl'Oueft. Nous étions alors par 3^ d 50' de latitude S., & nous trouvions le tems tout aufli froid qu'il Peft en Angleterre dans cette môme faifon , quoique le mois de Novembre répondît à notre mois de Mai, & que nous fufTions de 20 d plus près de la ligne. Il étoit difficile que nous ne reffentifîions pas vivement cette différence de température , nous , qui huit jours avant, éprouvions d'ex-ceflives chaleurs ; & les Matelots , qui, dans la per-fuafion de n'avoir a voyager que dans des climats chauds, avoient non - feulement vendu leurs hardes d'hiver , mais encore leurs couvertures, dans les différens ports où nous avions relâché, furent contraints, pour fe garantir du froid qu'ils ne pouvoient fuppor-ter, d'acheter des vêtemens qu'on avoit embarqués par précaution. Tome I. t» XT 1 ^ ment aux Lieutenans des deux vaiffeaux, ie leur remis leurs brevets qu ils ne s attendoient a recevoir qu a notre attérage aux Indes Orientales , qu'on avoit d'abord regardées comme notre deitination. Nous commençâmes à voir un grand nombre d'oifeaux voltiger autour de nous : il y en avoit de très-gros , dont quelques-uns avoient le plumage noir, d'autres blanc; nous diftinguâmes plufieurs compagnies de pintades \ ces oifeaux , tachetés de blanc & de noir, paroifïbient un peu plus gros que des pigeons. Le 4, nous vîmes une quantité de ces mauvaifes herbes que Peau détache des rochers, & plufieurs veaux marins. Nous étions par les 38d 53 ' de latitude S. ôc 51 d de longitude O. La déclinaifon de la boufTole étoit de 13 d a FEft. Les vents , qui fe maintenoient dans la partie de FOueft , nous poufî'oient continuellement vers FEft , & nous commençâmes à craindre qu'il ne nous fût très-difficile de ranger la côte des Patagon s. Le 10 , nous obfervâmes un changement de couleur dans l'eau ; mais une ligne de 140 brafîês ne nous donna point de fond : nous comptions 41 d 16' de latitude S. , &c 55 d 17 ' de longitude O. ; l'aiguille aimantée déclinoit de 18 d 10' vers FEft. Le lendemain, nous nous rapprochâmes de la côte jufqu'à huit heures du foir, que la fonde rapporta 4-) brafîes, fond de fable rouge. Nous gouvernâmes S. O. J d O toute la nuit, Ôc le matin, nous eûmes «52 brafîes d'eau même fond. Notre pofition étoit par les 42 d 34 ' de latitude Le 2 de Novembre, après avoir fait prêter le fer- S. , 6c les ^8 d 17' de longitude O. La déclinaifon 11 de l'aiguille aimantée de 11 d -} à FEft. Ann. 1764. Le 12 , fur les trois heures après-midi, étant a me promener fur le gaillard d'arrière , je ne fus pas peu furpris d'entendre ceux qui étoient fur le gaillard d'avant crier tous eniemble h terre droit à l'avant ce ; les nuages obfcurciffoient prefque tout le tour de Fho-rifon , 6c nous avions eu beaucoup de tonnerre 6c des éclairs. Je regardai de l'avant par-deffous la mifaine , 6c fous le vent , 6c je crus remarquer que ce qui avoit d'abord paru être une ifle , préiencoic deux montagnes efearpées , mais en regardant du côté du vent, il me fembla que la terre , qui fe joignoit à ces montagnes, s'étendoit au loin dans le S. E. : en conféquence nous gouvernâmes S. O. Je fis monter des Officiers au haut des mâts pour obferver au vent 6c vérifier cette découverte ; tous affurèrent qu'ils voyoient une grande étendue de terre. Je fis immédiatement mettre en panne, 6c fonder autour de nous ; on trouva encore 52 braffes d'eau ; mais je corrfmençai à croire que nous étions peut-être engagés dans une baie ; 6c je fouhaitois bien plus que je ne l'efpérois , que nous puffions en fortir avant la nuit. Nous fîmes de la voile 6c portâmes à FE. S. E. La terre fembloit fe montrer toujours fous la même apparence ; les montagnes paroiffoient bleues, comme cela eft affez ordinaire dans un tems obfcur 6c pluvieux , lorfqu'on n'en eft pas éloigné. Bientôt quelques-uns crurent entendre 6c voir la mer brifer fur un rivage de fable ; mais ayant gouverné encore environ Bij -- une heure avec toute la circonfpecfion poffible, ce qus ■ J^4' nous avions pris pour la terre s'évanouit tout d'un coup, & nous tûmes convaincus, a notre grand eton-nement, que ce n'avoit été qu'une terre de brume. J'ai été prefque continuellement en mer depuis vingt-fept ans , & je n'avois point d'idée d'une iliufion {i générale & fi foutenue. Néanmoins d'autres Navigateurs ont été également trompés. Il n'y a pas long-tems qu'un Maître de vaiffeau jura qu'il avoit vu une ifle entre l'extrémité occidentale de l'Irlande & Terre-Neuve , & qu'il avoit même diftingué les arbres qui y croiffent. Il eft cependant certain que cette ifle n'exifte point, ou du-moins qu'aucun vaiffeau n'a pu la découvrir. Il n'elf. pas douteux que, fi le tems ne fe fût pas éclairci allez promptement pour faire difparoître à nos yeux ce que nous avions pris pour la terre , tout ce qu il y avoit à bord auroit fait (erment qu'il avoit découvert la terre à cette hauteur Nous nous trouvions alors par les 43 d ûfi' de latitude S. , 6c Go d 5 ' de longitude O., ck la déclinaifon de la*bouffole étoit de 1.9 d 30' vers l'Eft. Le lendemain 3 13 , fur les quatre heures après-midi , le tems étant très-beau , les vents fautèrent tout d'un coup au S. O. , d'où ils commencèrent à fouffler avec furie ; le ciel de ce coté fe couvrit de nuages noirs : dans l'inftant tout l'équipage, qui s'étoit affemblé fur le pont, fut alarmé d'un bruit fubit & extraordinaire, femblable au mugifîèment des flots agités. J'ordonnai fur le champ qu'on amenât les huniers ; mais avant qu'on pût le faire, je vis la mer, ioulevée en d'énormes lames , près de fondre fur nous : je criai qu'on halât ■ la mifaine . 6c qu'on larguât auffi-tôt l'écoute de la Ann.i764. j -, ,1 • r aa r Novemb. grande voue j car j etois perluade que h nous avions quelques voiles dehors au moment où ce grain menaçant alîoît nous atteindre , nous coulerions bas infailliblement, ou que nous aurions tous nos mâts rompus. Il fut cependant fur nous , 6c coucha notre navire fur le côté , avant que nous pufîions larguer la grande amure , qui fut alors coupée ; & en même-tems l'écoute de la grande voile renverfa le premier Lieutenant, le meurtrit, ôc lui caffa trois dents. La mifaine qui n'étoit pas entièrement amenée , fut mife en pièces. Si ce coup de vent qui vint à fimprovifte, & avec une violence dont il y a peu d exemples , nous avoit furpris de nuit, il auroit eu pour nous des fuites funèfles. Il nous fut annoncé par les cris per-çans de plufieurs centaines d'oilèaux qui fuyoient en avant \ il dura environ 20 minutes , & calma par degrés. La Tamar en fut quitte pour avoir fa grande voile déchirée ; mais elle étoit fous le vent à nous , 6c elle avoit eu le tems de fe mieux préparer. En très-peu de tems le vent refraîchit , 6c nous pafsâmes la nuit à la cape fous la grande voile rifée. Le 14 au matin , le vent devint plus modéré, mais la mer étoit houleufe. Bientôt le vent parla au S. ? S. O. 6c nous gouvernâmes vers rOueff fous nos voiles majeures. Les premiers rayons du jour nous montrèrent la 14 Voyage — mer aufîl rouge que du fang, & couverte de coquii- ^Novemb*' ^at>es ^e m^me couleur , allez relLmblants à nos écre-viffes , mais plus petits. Nous en primes une grande quantité avec des corbeilles. Le i^, vers les quatre heures & demie du matin i nous eûmes la vue de la terre, qui avoit 1 apparence d'une ifle d'environ huit ou neuf lieues de longueur* D'après les cartes , il étoit apparent que cette terre étoit le Cap Saint-Helène, qui s'avance dans la mer à une diftance conlidérable de la cote , & forme deux baies , l'une au Nord & l'autre au Sud. Le tems étant très-beau , je revirai de bord vent devant & je gouvernai fur la terre jufques vers les dix heures. Mais lâchant qu'à la diftance de deux lieues environ de ce Cap , il y a plufieurs rochers a fleur d'eau, fur lelquels la mer brife avec force, & le vent paroiflant devoir calmer inlenfiblement , je revirai de bord vent devant pour m'en écarter. La terre lembloit n'être qu'une chaîne de rochers nuds , où l'on n appercevoit ni arbres ni * arbuftes. Loricjue j'en fus plus près , je fis fonder ce l'on trouva 45 brades d'eau, fond de vafe noire. Dans ce même tems , j'eus le chagrin de voir mes trois Lieutenans & le Maître , malades & hors d état de faire aucun fervice , quoique le refte de l'équipage jouît d'une parfaite fanté Notre latitude étoit de 4^ d 21' S., la longitude de 63 d 2' O. j & la déclinaifon de l'aiguille de 19 d 41 ' à l'Eft. Le jour fuivant, 16 , je dirigeai ma route fur le Cap Blanc, d'après la carte que le Lord Anfon a donnée dans la Relation de fon Voyage. Sur le foir, le vent fraîchit , & foufla de la partie du S. O. ~ S. avec une telle force , que nous pafsâmes la nuit à capeyer fous notre grande voile. Dans la matinée, lèvent plus maniable nous permit de faire route \ mais la mer étoit très-groffe j & quoique nous nous trouvafîions prefque au cœur de l'été dans ces parages , le tems étoit à tous égards beaucoup plus froid qu'il ne l'efl ordinairement en plein hiver dans la baie de Bifcaye. Le 17 , fur les fix heures du foir, ayant fait de la voile autant qu'il nous fut poflible , nous découvrîmes la terre dans le S. S. O. ; 6c comme nous avions eu hauteur à midi par un très-beau tems, nous reconnûmes que cette terre étoit le Cap Blanc. Mais le vent recommença alors a fouffler avec plus de violence que jamais, la tempête dura toute la nuit, & la mer, qui brifoit continuellement autour de nous, fatiguoit pro-digieufement le vaiffeau. Le 18 , a quatre heures du matin , la fonde nous rapporta 40 braffes, fond de roche: ayant couru dans la nuit une bordée au large , nous virâmes de bord pour nous rapprocher de la terre ; le vent conti-nuoit d'être en tourmente avec de la grêle & de la neige. Vers les fix heures , nous revîmes la terre, qui nous reftoit dans le S. O. ~ O. Notre vaiffeau étoit maintenant fi peu calé, que fa dérive devenoit très - confidérable dès qu'il ventoit bon frais. J'étois très-impatient de gagner le Port De/ïré, pour remédier à cet inconvénient ; car dans l'état où fe trouvoit le navire, il étoit dans un continuel danger de s'abattre. Nous gouvernâmes fur la terre avec un vent de N. E., 6c fur le foir, nous mîmes à la cape ; mais le vent, ayant paffé dans la partie de fOueft, nous écarta dans la nuit. A fept heures du matin du 19 , nous courûmes de nouveau fur la terre , gouvernant au S. O. ~ S. du compas , 6c bientôt nous apperçûmes la mer brifer de l'avant a nous , nous fondâmes immédiatement & nous trouvâmes entre 13 6c 7 braiTes d'eau; un moment après nous augmentâmes de fond , 6c la fonde rapporta de 17 a 42 brafîes ? de manière que nous pafsâmes fur la queue d'un banc , qui , étant plus au Nord , nous eût peut-être été funefte. Dans ce moment le Cap Blanc nous reftoit à l'O. S. O. >) d 37 ' au Sud, 6c à la diftance de quatre lieues : mais comme rien n'eft plus confus que la deferiptiou que Sir John Narborough a donnée de ce Port, nous ne favions trop quelle direction fuivre pour nous y rendre. Je cherchai d'abord une baie , qui, conformément aux inffruefions de ce Navigateur , doit être au Sud du Cap, mais je ne découvris rien de femblable ; & en conféquence je prolongeai le rivage , gouvernant au Sud. Nous avions un vent de terre très-frais ; nous vîmes plufieurs colonnes de fumée s'élever en différens endroits ; mais nous n'appercevions ni arbre ni arbuffe, 6c toute la contrée n'offroit a l'œil que des collines de fable , alTez reffemblantes aux Dunes ftériles d'Angleterre. Nous obfervâmes encore qu'à la diftance de fept à huit milles du rivage , les eaux étoient fréquemment très-baffes, 6c quelquefois nous n'avions pas plus de 10 braffes. Nous continuâmes tout le jour de côtoyer le rivage en en le ferrant d'aufli près qu'il nous étoit poffible ; & - le foir , nous vîmes une ifle à la diftance d'environ fix ^N.1764. lieues: dans la matinée du 20, nous courûmes deilus , & nous nous affurâmes que c'étoit l'ifle des Pingoins décrite par Narborough. Le Port Dcfiré n'étant éloigné que d'environ trois lieues dans le N. O. de cette ille, j'envoyai un de nos bâtimens à rames pour le découvrir ; il revint après l'avoir reconnu 6c je me difpofai a y entrer. Il y avoit en cet endroit des milliers de veaux marins 6c de pingoins autour du vaiffeau. L'ifle des Pingoins nous parut bordée d'îlots, qui ne font que des rochers. Sur le foir, nous vîmes un rocher, qui, s'élevaht au-deffus de l'eau comme une pyramide, du côté méridional de l'entrée du Port Dcfiré, eft très-propre a faire recon-noître ce Port, qu'on ne trouveroit fans cela que très-difficilement. A l'entrée de la nuit, le vent s'étant un peu calmé, nous laifsâmes tomber l'ancre à la diftance de quatre ou cinq milles du rivage. Le li au matin, avec une brife de terre nous parvînmes à l'entrée du Port, que nous trouvâmes très-étroite , bordée de rochers 6c de bancs de fable , & le flot y formoit un courant d'une rapidité que je n'avoîs pas encore vue. Je mouillai en-dehors du Port ; l'ouverture du canal nous reftoit à PO. S. O. ; l'ifle -des Pingoins au S. E., 5 d 30 ' E. , & à la diftance de trois lieues ; la terre la plus feptentrionale au N. N. O, ; deux rochers qui, a mi-flot, fe trouvent à fleur d'eau, & font à la pointe la plus méridionale d'un récif qui Par* de la même terre, au N, E, -J-N. Tel étoit le Tome L C 18 Voyage — —' relèvement de notre mouillage , dont je ne fais ici ^Nov^b4* ment*on clue Parce °iue ces particularités peuvent être d'une grande importance pour les Navigateurs qui Voudroient relâcher dans ce Port, & que les defcrip-tions qu'en ont données divers marins font très-fautives. Le vent fut impétueux durant la plus grande partie de cette journée , & la mer étoit très-houleufe dans l'endroit où nous étions à l'ancre. Cependant je fis partir deux de nos bateaux pour fonder le Port, & je les fuivis dans mon canot. Nous trouvâmes ce Port très-étroit dans un efpace de près de deux milles : a la marée montante la vîtefTe du courant pouvoit être de huit milles par heure : nous reconnûmes auffi plufieurs rochers & brifans. Defcendus à terre, nous ne découvrîmes en nous avançant dans la contrée, qu'une campagne déferte , des collines couvertes de fable , mais nous n apperçûmes pas un feul arbre Nous vîmes la fiente de quelques animaux , & nous en diftinguâ-mes quatre dans l'éloignement \ mais ils prirent la fuite a notre approche, & il ne nous fut pas pofîible d'en reconnoître Pefpèce. Nous jugeâmes que c'étoit des guanaques. Ces animaux font affez femblables à nos daims , mais beaucoup plus gros ; quelques-uns n'ont guère moins de quatre pieds quatre pouces de haut. Ils ne fe laiffent pas approcher & font très - légers à la courfe. De retour aux bateaux j je continuai à remonter le canal, & j'abordai à une ifle qui étoit couverte de veaux marins : nous en tuâmes plus de cinquante. Dans ce nombre, il s'en trouva de plus gros que de jeunes bœufs. Nos bateaux , que nous avions déjà remplis 1 d'oifeaux de différentes efpèces , étoient affez chargés Ann- i7^4« , 1 n Noyemb. pour pouvoir régaler toute une rlotte. Entre les différens oifeaux que nous tirâmes , il s'en trouva un qui mérite une defeription particulière. Sa tête feroit parfaitement relfemblante a celle de l'aigle , fi l'efpèce de huppe dont elle eft ornée étoit un peu moins touffue ; un cercle de plumes d'une blancheur éclatante forme autour de fon cou une palatine ou collier naturel de la plus grande beauté ; fur le dos fon plumage eft d'un noir de jais , & non moins-brillant que ce minéral que l'art a fu polir ; fes jambes font remarquables par leur groffeur & leur force ; mais les ferres en font moins acérées que celles de f aigle : cet oileau a près de douze pieds d'envergure. La TamAr profita de la marée montante pour entrer dans le Port ; mais je gardai mon pofte & je crus ne devoir rifquer ce palîâge qu'avec un vent favorable ; il palfa bientôt à fEft. Je levai l'ancre vers les cinq heures après-midi, & je me propofai d'arriver au mouillage avec la marée du foir. Mais nous avions à peine appareillé que le vent repaffa au N. O. j N. ; 6c notre vaiffeau étant déjà engagé dans l'embouchure du Port avant que le flot eût commencé , nous nous vîmes forcés de laiffer tomber l'ancre à très-peu de diftance de la rive méridionale. Les vents étoient de terre & foufffoient par raffales fi violentes, que bientôt *e vaiffeau chaffa fur fon ancre & vint échouer fur une grande pointe de gravier. Cij Le fond où nous avions mouillé étoit en effet d'une mauvaife tenue. En pareille fituation , avec un vent forcé, on aura toujours lieu de craindre que le vaiffeau ne foit jette en côte , fi Ton n'a pas eu le tems de l'établir fur fes ancres. Tandis que nous étions échoués, les vents fraîchirent ; & la marée montant avec une extrême rapidité, ce ne fut qu'avec des peines infimes 8c après quatre heures du plus pénible travail , que nous parvînmes enfin à porter une féconde ancre pour nous relever , & que nous mîmes le vaiffeau à flot. Comme il n'y avoit guère que le talon ce une longueur de fix ou fept pieds de fa quille qui euffent touché, il étoit à préfumer qu'il n'avoit reçu aucun dommage: néanmoins je me déterminai a faire démonter le gouvernail pour le vifiter. Le vent ne calma point dans la nuit ; le lendemain, 21.9 dans la matinée , il parut fe renforcer ; & il ne nous avoit pas encore été poflible de lever l'ancre que nous avions mouillée près de la rive méridionale, dans Pefpoir qu'elle nous foutiendroit. Nous nous trouvions dans une fituation fort critique -, le vaiffeau , n'étant plus tenu que par fon ancre d'affourche , commençoit de rechef à chaffer en côte. La Tamar , qui étoit mouillée dans le canal, fe hâta de nous envoyer une han-fière : aidés de ce fecours, nous levâmes l'ancre d'affourche , nous fortîmes du péril qui nous menaçoit, & nous parvînmes a remouiller l'ancre fur un meilleur fond, dans l'attente d'un moment plus favorable pour amarrer convenablement notre vaiffeau. Le jour fuivant , 23 , j'envoyai fonder le Port à quelques milles plus haut ; le fond ne s'en trouva pas à beaucoup près fi dur qu'a, l'entrée du canal , 6k il y Ann. 17(34. avoit moins d eau. Mais le vent , qui continuoit de fourrier avec furie , ne nous permit pas de chercher un autre Mouillage. Nous avions découvert une petite fource, à un demi-mille environ de la rive feptentrio-nale du Port : mais l'eau avoit un goût faumâtre. Pavois fait aufïi une excurfion de plufieurs milles dans les terres , où d'aufli-loin que la vue pouvoit s'étendre, je n'apperçus qu'une contrée flérile , nue & défolée. Nous vîmes dans Péloignement plufieurs guanaques ; mais nous ne pûmes jamais les approcher cPafïèz près pour les tirer. Autour d'un étang d'eau falée , nous diftinguâmes fur le fable les traces de divers animaux 6c particulièrement celles d'un gros tigre. Nous trouvâmes auffi un nid d'œufs d'autruche, que nous mangeâmes , 6c qui nous parurent un excellent mets. Il eft probable que tous les animaux dont on voit les veftiges des pieds fur les bords de cet étang falé viennent y boire, car nous n'apperçûmes aucune eau douce où ils puffent fe défaltérer. La fource d'eau faumâtre que nous avions d'abord trouvée fut la feule qu'il fût poffible de découvrir ; ce qui nous obligea de creufer des puits , n'y ayant dans ce lieu d'autre apparence d'eau que la légère humidité de la terre. Le 24, la mer étant plus tranquille, nous vînmes chercher un mouillage a quelques milles plus haut dans le Port, où nous amarrâmes nos vaiffeaux. Les points 3 qui ferment l'entrée du Port, s'étendoient par raPport à nous de l'E. i S. E. 3 d S. à PEft , & le rocher pyramidal au S. E. \ E. En cet endroit nous Ann. 1764. n'avions 9 à mer bafîè , que G braiïes d'eau ; mais dans le flot , l'eau montoit de 4 brafîes 6c demie , ou de ^7 pieds. La marée monte ici avec une rapidité fî prodigieufe , qu'un matelot, très-bon nageujjp étant ronibé du bord, le courant le porta prefque hors de vue , avant qu'on pût aller à fon ftcours , quoique tous nos canots fufient dehors : nous eûmes néanmoins le bonheur de le fauver. Ce même jour , je me fis reconduire à terre. Je m'avançai à environ fix ou fept milles dans la contrée. Je vis plufieurs lièvres aufîi gros que de jeunes chevreuils ; j'en tirai un qui pefoit plus de vingt-fix livres. Il efi certain que fi j'enfle eu un bon lévrier , on auroit pu donner du lièvre aux équipages deux fois la femaine. Nos gens à bord étoient alors occupés a rouer les cables fur le pont, à p.irer la cale , pour y mettre le left convenable , 6c à y defeendre les canons, à l'exception de ceux qu'on crut néceffaires de garder fur le pont. Le lendemain, ^5 , je parcourus en canot une grande partie du Port ; 6c étant defeendu fur la rive fepten-trionale, nous trouvâmes un canot à deux rames d'une forme fingulière , 6c le canon d'une arme à feu, fur lequel étoient gravées les armes d'Angleterre. La rouille avoit fait fur ce canon de tels progrès , qu'il fè réduî-foit en poufïière entre les doigts : j'imaginai qu'il avoit été laiîlé fur ce rivage par quelqu'un de l'équipage du Wagcr, ou peut-être par Sir John Narborough. Nous n'avions encore trouvé aucun genre de végétaux , à l'exception d'une efpèce de pois fauvages ; 6c quoique ~ "'"-nous n'ayions apperçu aucun habitant , nous vîmes ^^J7^4' plufieurs endroits où fon avoit fait du feu ; mais les veffiges n'en étoient pas récens. Nous tirâmes quelques canards fauvages & un lièvre: cet animal courut, malgré fa bleffure, Pefpace de deux milles ; ce qui nous étonna beaucoup , lorf-qu'après f avoir pris , nous vîmes que la balle lui avoit pafîé à travers le corps. Nous chafsâmes long-tems un guanaquc qui étoit le plus gros que nous euflions vu : lorfquil nous avoit iaifîès à une grande diftance derrière lui, il s'arrêtoit pour nous regarder , 6c pouffoit des cris allez refîemblans au henniiièment d'un cheval ; mais fîtôt que nous en approchions, il fuyoit avec une extrême légèreté ; mon chien étoit fi fatigué , qu'il ne put plus le pourfuivre : k la fin il nous échappa 6c nous le perdîmes de vue. Dans cette chaffe, nous ne tuâmes qu'un lièvre, ce un vilain petit animal, dont l'odeur infecle ne permit a aucun de nous d'en approcher. Les lièvres ont ici la chair très-blanche 6c d'un goût très-agréable. Un Sergent de Marine & quelques autres, qui étoient allés a terre d'un autre côté , avoient eu plus de fuccès que nous ; ils avoient tiré deux guana-ques 61 un faon j ils furent obligés de laifîèr ces animaux où ils les avoient tués , ne pouvant fans fecoùrs les tranfportcr jufqu'au vaiffeau dont ils étoient éloignés de fix milles. Ces guanaques ne pefoient guère que. la moine de ceux dont Sir John Narborough fait "^ntion; j'en ai cependant vu quelques-uns qui peioient jufqu'a 37 & jloncs , c'efî-k-dire environ trois cens livres. Lorsque fur le foir nous revînmes a bord, le vent étoit très-frais \ Se le pont fe trouvant trop embarraflé pour pouvoir embarquer nos bateaux , nous les amarrâmes fur le derrière du navire. Vers le milieu de la nuit, le vent renforça - notre canot à fix rames fe remplit d'eau , rompit les amarres , & fut jette en mer ; celui qui étoit commis à fa garde & dont la négligence fut caufe de cet accident , n'échappa au danger d'être noyé , qu'en fe faififfant de l'échelle de pouppe. Comme ce fut à la marée montante que ce canot fut chaffé en mer , nous ne pouvions douter que le courant ne l'eût emporté au-defîûs de l'endroit où nous étions mouillés. La perte de ce canot eût été pour nous d'une très-fâcheufe conféquence ; je pafTai le refte de la nuit dans de très-vives inquiétudes. Le z6 , dès la pointe du jour , j'envoyai à fa recherche, & il fe paffa quelques heures avant qu'on le ramenât à bord : le courant l'avoit emporté à plufieurs milles au loin. J'envoyai en même-rems à terre quelques perfonnes de l'équipage pour rapporter les guanaques qu'on avoit tués la veille ; mais ils n'en trouvèrent que les os ; les tigres en avoient mangé la chair , & même ils en avoient caffé les os pour en prendre la moelle. Plufieurs de nos gens s'é-toient avancés h quinze milles dans les terres pour y chercher de l'eau douce, fans en découvrir une feule fource. Nous avions creufé des puits k une profondeur confidérable en différens endroits où la terre paroiffoit humide ; mais ces puits, qui nous occafionnoient de très-grands travaux , pouvoient k peine nous fournir trente gallons d'eau en vingt-quatre heures. Cette cir-conftance étoit d'autant plus propre k nous décourager, que que nos gens qui avoient épié les guanaqucs , les avoient -vu boire dans les étangs d'eau falée, Je pris donc la ^j1'-1 ^ réfolution de quitter cette place aulïitôt que le vaifléau feroit prêt à remettre en mer ? 6c que notre canot à fix rames feroit réparé. Le 27 , ceux que j'avois envoyés a la chaffe des guanaques, trouvèrent le crâne 6c les os d'un homme. Ils réufîirent à fe faifir d'un jeune guanaque qu'ils amenèrent à bord; c'étoit le plus bel animal que nous euffions jamais vu ; nous parvînmes à Papprivoifer au point qu'il venoit nous lécher les mains à peu près comme un veau ; mais malgré tous nos foins pour Je nourrir , il mourut en peu de jours. Dans l'après-midi , le vent ayant confidérablement fraîchi , j'or-do nnai qu'on fe tînt prêt à laifler tomber la grande ancre , dans l'appréhenfion où j'étois que nos cables ne rompiffent , ce qui cependant n'arriva pas. Ceux de l'équipage, qui étoient â terre avec les Charpentiers pour radouber notre canot qu'on avoit pour cela tranf-porté fur la rive méridionale, trouvèrent deux fources à la diftance d'environ deux milles du rivage , 6c dont l'eau n'étoit pas ab fol u ment faumâtre ; c'étoit-la une découverte très-intéreifante. Dès le matin , du 28 , j'y envoyai vingt hommes avec quelques petites futailles; & ils rapportèrent bientôt à bord une tonne d'eau , dont le befoin commençoit à fe faire fentir. Ce même jour , je remontai le canal dans mon bateau I'cfpace de près de douze milles. La mer devenant extrêmement houleufe, je me fis mettre à terre. Le canal dans cec adroit étoit d'une largeur à perte de vue ; on y Tome I, t) appercevoic un certain nombre d'ides , dont quel-Ann. 1764. qUes _ unes ( ni aucun vefHge qui pût faire croire que ces côtes euf-fent d'autres Habitans que de nombreufes compagnies d'oifeaux , des troupeaux de guanaques , & quelques bêtes féroces. Les guanaques qui marchent d'ordinaire par troupe de 60 ou 70, ne fe laiffoient jamais approcher ; fouvent ils s'arrêtoient pour nous regarder du haut des collines. Dans cette tournée , notre Chirurgien tira un chat-tigre: cet' animal eft petit, mais fier &c intrépide : quoique mortellement bleffé , il réfifta encore long-tems aux rudes attaques de mon chien. Le 29 , nous achevâmes de lefter le vaifTeau ; ouvrage que les vents frais qui régnèrent conftamment, & la rapidité du flot nous rendirent très-pénible : nous prîmes auffi à bord une autre tonne d'eau. Dans la matinée du 30, le mauvais tems ne permettant pas d'envoyer un canot à terre , j'employai les gens de l'équipage à préparer nos agrès , 6c a tout difpofer pour notre prochain départ. Le vent fut plus modéré dans l'après-midi, je ann.17&4. détachai un canot pour nous procurer une plus grande quantité d'eau. Les deux Matelots qui arrivèrent les premiers au puits , y trouvèrent un gros tigre couché par terre : l'animal les regarda pendant quelque tems l'un 6c l'autre avec beaucoup d'indifférence : ils furent offenfés de fe voir traiter de cet air mépri-fant qu'eut le lion pour le Chevalier de la Manche ; 6c n'ayant point d'armes k feu , ils commencèrent a lui jetter des pierres. Le tigre, fans daigner s'apper-cevoir de cette infulte, demeuroit tranquillement couché ; mais voyant arriver le refte de la troupe , il fe leva doucement 6c prit la fuite. Le premier de Décembre, notre canot a fix rames 1 Décembre, fe trouvant réparé , nous le prîmes k bord ; mais toute cette journée la mer fut fi houleufe , qu'il nous fut impoffible de faire de l'eau. Le jour fuivant nous abattîmes les tentes qu'on avoit drellëes pour l'aiguade, 6c nous nous tînmes prêts k mettre en mer. Les deux puits , que nous creusâmes pour faire de l'eau , font k-peu-près au S. S. E. , 6c k la diftance de deux milles 6c demi du rocher pyramidal. Je fis planter près de ces puits un poteau , comme une marque plus propre k faire découvrir , que leur relèvement. Durant le féjour que nous fîmes dans ce Port, nous en prîmes les fondes avec un très-grand foin , 6c nous trouvâmes qu'auffi-Ioin que les vaiffeaux peuvent remonter le canal, il n'y a point de danger qu'on ne punTe aifément découvrir, k marée baffe. Ce Port, où Dii \ 28 Voyage ■—- l'on peut aujourd'hui fe procurer de l'eau douce au ADéçQ?t?' moyen ^es Pmts cluc nous y avons creufés , offriroit aux vaiffeaux qui voudroient y relâcher , un très-bon mouillage , fans la rapidité du courant qu'occafionne le flot. La contrée abonde en guanaques & en oifeaux d'efpèces différentes, & particulièrement en canards èc en oies fauvages. Il s'y trouve auffi d'excellentes moules, & en fi grande quantité , qu'on peut toujours , à mer baflè, en charger un bateau. Le bois feulement y eft rare, cependant on trouve dans quelques endroits de la côte des brouffailles dont on peut fe fervir au befoin pour faire du feu. Le ? , je démarrai dans le defîein de fortir du Port; mais notre féconde ancre fe trouvant embarraffée , nous perdîmes du tems pour la lever , & avant que nous puffions virer à pic fur notre ancre d'affourche, le jufant fut dans toute fa force ; car en cet endroit la mer n'eft jamais étale plus de dix minutes de fuite ; nous fûmes donc obligés d'attendre la baffe mer. Nous levâmes rancre vers les cinq ou fix heures du foir , & nous gouvernâmes à l'E. N. E., avec un vent frais qui nous venoit du N. N. O. 48-—-5EaBfe*E==g=gfr CHAPITRE III. Départ du Port Defiré. Recherche de Pljîe Pepys. Navigation jufqu'à la Côte des Pœtagons. Dejcription des Habitans. E n fortant du Port Defiré , nous dirigeâmes notre r"~ ~ route pour reconnoître l'ifle Pepys, qu'on dit être par Ap^c"emb?" 47 d de latitude S. Nous étions alors par les 47 d ' de latitude S., & 55 d 49' de longitude O. Le Port Defiré nous reftoit au Sud 66 d O., à la diftance de vingt-trois lieues ; & Tille Pepys , conformément à la Carte de Halley, à TE. \ de rhumb vers le Nord , à la diftance de trente lieues. La déclinaifon de l'aiguille étoit ici de 19 d vers i'Eft. Le jour fuivant, 6", nous continuâmes notre route par un vent favorable , & nous jouîmes d'un fi beau ciel, que nous commençâmes à croire que cette partie du globe n'eft pas abfolument fans été. Le 7 , je me trouvai beaucoup plus au Nord que je ne m'y atten-dois -, & je fuppofai que le vaiffeau y avoit été porte par les courans. Pavois déjà parcouru 80 d a fEft , ce qui eft la diftance du Continent â l'ifle Pepys, au rapport de Halley ; mais malheureufement la pofition de cette Ifle eft très-incertaine : Cowley eft le feui qui prétende lavoir vue : tout ce qu'il dit de fa fituation , c'efl =5 qu'elle efi par les 47 d de latitude S. ; & il ne détermine n.Ï764. p0^nc fa longitude. ïl parle bien de la beauté de fon ccemb. -n .... „ . 1 Port , mais 11 ajoute qu un vent contraire oc violent ne lui permit pas d'y entrer, Se qu'il fit route au Sud. Dans ce même tems je gouvernai auffi au Sud ; car le ciel étant fans aucun nuage , je pouvois découvrir un grand efpace de mer au Nord de la pofition qu'on lui donne. Comme je fuppofai que cette Ifle, fi elle exif-toit réellement, devoit nous refter k l'Eft , je fis fignal à la Tamarde s'éloigner dans l'après-midi, pour rencontrer plus fûrement cette terre en laiffant entre nous un efpace d'environ vingt lieues. Nous gouvernâmes au S. E. du compas , Se le foir nous mîmes en panne , étant, fui-vant notre eftime, par les 47 d 18 / de latitude S. Le lendemain , 8 , nous eûmes un vent frais de la partie du N. O, £ N. \ Se je crus encore que l'ifle pourroit bien être à l'Eft. En conféquence , je réfolus de faire trente lieues dans cette direction , Se en cas que je ne découvrifTe rien , de revenir à la même latitude de 47 d. Mais le vent étant devenu très-frais ,& la mer extrêmement houleufe, fur les fix heures du foir , je fus obligé de mettre à la cape fous la grande voile. Le jour fuivant, 19 , à fix heures du matin , le vent ayant paffé k l'O. S. O. , nous fîmes route au Nord fous nos baffes voiles. Je jugeai alors que nous étions environ k feize lieues Se k l'Eft du point d'où nous étions partis ; le Port Defiré nous ref-tant au Sud 80d 53 ' O., k la diftance de quatre-vingt-quinze lieues. Nous vîmes alors une grande quantité de goémon , Se plufieurs oifeaux. Le lendemain , 10 , nous continuâmes de porter le Cap au Nord fous nos voiles majeures, avec un vent forcé du S. O- au N. O. , 4-villon , 6c de nous inviter , par des génies & par des cris, à nous rendre auprès d'eux ; mais la defcente n'étoit pas aifée, parce qu'il y avoit peu d'eau & de très - groffcs pierres. Je n'apperçus entre leurs mains aucune efpèce d'armes; cependant je leur fis ligne de fe retirer en arrière , ce qu'ils firent fur le champ : ils ne ceffoient pas de nous appeller a grand cris ; 6c bientôt nous prîmes terre , mais non , fans difficulté , la plupart de nos gens eurent de l'eau jufqu'à la ceinture. Defcendus à terre, je fis ranger ma troupe fur le bord du rivage , 6c j'ordonnai aux Officiers de garder leur polie jufqu'à ce que je les appellafîe , ou que je leur fiffe fîgne de marcher. Apres avoir fait cette difpofition, j'allai feul vers les Indiens ; mais les voyant fe retirer à mefure que j'approchons, je leur fis ligne que l'un d'eux devoit s'avancer. Ce ligne fut entendu , & auffitôt un^Pa-tagon, que nous primes pour un des chefs., fe détacha pour venir à ma rencontre. Il étoit d'une taille gigantefque, 6c fembloit réalifer les contes des monstres à forme humaine. La peau d'un animal fau-vage ? d'une forme approchante des manteaux des montagnards Ecoffais , lui couvroit les épaules : il avoit le corps peint de la manière du monde la plus hideufe ; l'un de fes yeux étoit entouré d'un cercle noir, l'autre d'un cercle blanc : le refte du vifage étoit kifarrement fillonnc par des lignes de diverfes couleurs. E ij Je ne le mefurai point, mais fi je puis juger de fa hauteur, par comparaifbn de fa taille à la mienne , elle n'étoit guère au-deffous de fept pieds. A l'inftant où ce coloffe effrayant me joignit , nous prononçâmes l'un &. l'autre quelques paroles en forme de falut; ôc j'allai avec lui trouver fes compagnons , à qui je fis figne de s'affeoir au moment de les aborder, & tous eurent cette compîaifance. Il y avoit parmi eux plufieurs femmes d'une taille proportionnée a celle des hommes, qui étoient prefque tous d'une ftature égale à celle du chef qui étoit venu au - devant de moi. Le fon de plufieurs voix réunies avoit frappé mes oreilles dans l'éloignement ; & lorfque j'approchai, je vis un certain nombre de vieillards qui, d'un air grave, chan-toient d'un ton fi plaintif, que j'imaginai qu'ils célé-broient quelque acte de Religion : ils étoient tous peints & vêtus à peu près de la même manière. Les cercles peints autour des yeux varioient pour la couleur; les uns les avoient blancs & rouges, les autres rouges & noirs : leurs dents qui ont la blancheur de l'yvoire font unies & bien rangées; la plupart étoient nuds, à l'exception d'une peau jettée fur leurs épaules, le poil en dedans : quelques-uns portoient auffi des bottines , ayant à chaque talon une petite cheville de bois qui leur fert d'éperon. Je confidérois avec étonnement cette troupe d'hommes extraordinaires , dont le nombre s'accrut encore de plufieurs autres qui arrivèrent au galop , & que je ne réuflis qu'avec peine à faire affeoir à côté de leurs compagnons. Je leur diftribuai des grains de rafïade jaunes & blancs , qu'ils paru- rent recevoir avec un extrême plaifir. Je leur montrai ±±=r—^ cnfuite une pièce de ruban verd, j'en fis prendre le bout à l'un d'entr'eux ; & je la développai dans toute fa tcem * longueur, en la faifant tenir par chacun de ceux qui fe trouvoient placés de fuite : tous relièrent tranquillement affis. Aucun de ceux qui tenoient ce ruban ne tenta de l'arracher des mains des autres, quoiqu'il parût leur faire plus de plaifir encore que les grains de raffade. Tandis qu'ils tenoient ce ruban tendu , je le coupai par portion a-peu-près égale, de forte qu'il en rcfta à chacun la longueur environ d'une verge ; je la leur nouai enfuite autour de la tête, & ils la gardèrent, fans y toucher, aufli longtems que je fus avec eux. Une conduite fi paifible & fi docile leur fait en cette occafion d'autant plus d'honneur, que mes préfens ne pouvoient s'étendre à tous. Cependant, ni l'impatience de partager ces brillantes bagatelles, ni la curiofité de me confidérer de plus près , ne purent les porter à quitter la place que je leur avois afîignée. * Il feroit naturel à ceux qui ont lu les Fables de Gay j s'il fe forment une idée d'un Indien prefque nud, qui , paré de colifichets d'Europe, revient trouver fes compagnons dans les bois , de fe rappeller le Singe qui avoit vu le monde, cependant, avant de mé-prifer leur penchant pour des morceaux de verre, des grains de collier , des rubans & d'autres bagatelles , dont nous ne faifon s aucun cas, nous devrions confidérer que les ornemens des fauvages font au fond les bernes que ceux des nations civilifées ; & qu'aux yeux ""^^ de ceux qui vivent prefque dans l'état de nature , la Èé^^b' différence du verre au diamant eft pour ainfi dire nulle; d'où il fuit que la valeur que nous attachons au diamant eft plus arbitraire que celle que les fauvages mettent au verre. L'amour de la parure eft fi général, qu'on feroit tenté de croire que ce penchant eft inné dans l'homme; mais la brillante tranfparence du verre, la forme élégante & régulière des grains de collier , font du nombre des chofes qui , d'après notre organifation , font les plus propres à exciter en nous des idées agréables ; & quoiqu'en cela le diamant l'emporte encore fur le verre , le prix qu'on y attache n'eft point du tout en proportion, avec la différence qu'il peut y avoir de l'un à l'autre. Le plaifir que la poffcflion du diamant nous fait éprouver , eft bien moins fondé fur l'éclat de ce minéral , que fur une efpèce de diftinc-tion , flatteufe pour notre vanité ; ce qui eft abfolu-ment indépendant du goût naturel, qu'affeclent d'une manière agréable certaines couleurs & certaines formes , auxquelles nous donnons , par cette raifon , le nom de beauté. Nous devrions encore faire attention qu'un fauvage eft plus diftingué par un bouton de verre , ou un grain de collier , qu'on ne peut efpérer de l'être au milieu d'une nation policée par un diamant, quoiqu'on ne faffe peut-être pas à fa vanité le même facrifice ; car la propriété de fon ornement eft bien plus une marque de fa bonne fortune , que de fon influence ou de fon pouvoir ; 6c les Indiens ne voient point dans un morceau de verre ou de diamant m^^^t façonné, le figne représentatif des autres biens ter- ann.1764. retires, mais fimplement un objet de parure , qui ne peut conférer aucune efpèce de fupériorité. Néanmoins les Indiens, que je venois de décorer, n'étoient pas entièrement étrangers à ces bagatelles brillantes. En les confidérant avec un peu plus d'attention , j'apperçus parmi eux une femme qui avoit des bracelets de cuivre ou d'or pâle, & quelques grains de collier de verre bleu , attachés fur deux longues trèfles de cheveux qui lui pendoient fur les épaules ; elle avoit une taille énorme , 6k fon vifage étoit peint d'une manière plus effroyable encore que le refte du corps. Pétois curieux d'apprendre d'où elle avoit eu ces bracelets 6k ces grains de raffade; je fis, pour m'en inftruire, tous les fignes dont je pus m'avifer; mais je ne réufîis pas a me faire entendre. Un de ces Patagons me montra le fourneau d'une pipe qui étoit de terre rouge : je compris bientôt que la troupe manquoit de tabac , & qu'il fouhaitoit que je puffe en procurer ; je fis un figne à mes gens qui étoient fur la pointe du rivage , rangés dans le même ordre que je les avois laifïés ; 6c aufîitôt trois ou quatre d'en-tr'enx accoururent, dans la perfuafion que j'avois be-foin de leur fecours. Les Indiens , qui , comme je Pavois obfervé , avoient prefque toujours eu les yeux fixés fur eux , n'en virent pas plutôt quelques - uns s avancer, qu'ils fe levèrent tous en pouffant un grand cn j 6k furent fur le point de quitter la place pour aller fans doute prendre leurs armes, que vraisemblablement ils avoient Iaiffées k très-peu de diftance. Pour prévenir tout accident & difliper leurs craintes, je courus au-devant de mes gens , & , du plus loin que je pus me faire entendre, je leur criai de retourner , & d'envoyer un d'entr'cux avec tout le tabac qu'on pourroit lui donner. Les Patagons revinrent alors de leur frayeur, & reprirent leur place, à l'exception d'un vieillard qui s'approcha de moi, pour me chanter une longue chanfon : je regrettai beaucoup de ne pas l'entendre ; il n'avoit pas encore fini de chanter , que M. Cumming arriva avec le tabac. Je ne pus m'em-pôcher de fourire de fa furprife ; cet Officier, qui avoit fix pieds, fe voyoit pour ainfi dire transformé en pigmée k côté de ces géans ; car on doit dire des Patagons qu'ils font plutôt des géans que des hommes d'une haute taille. Dans le petit nombre des Européens qui ont fix pieds de haut, il en eft peu qui aient une carrure & une épaiffeur de membres proportionnées k leur taille : ils refTemblent a des hommes d'une ftature ordinaire , dont le corps fe trouveroit tout-k-coup élevé par hafard k cette hauteur extraordinaire : un homme de fix pieds deux pouces feulement, qui furpafleroit autant en carrure qu'en grandeur un homme d'une taille commune, robufte & bien proportionné, nous paroîtroit bien plutôt être né de race de géans, qu'un individu anomale par accident. On peut donc aifément s'imaginer l'im-preflion que dut faire fur nous la vue de cinq cents hommes, dont les plus petits étoient au moins de fix pieds fix pouces, & dont la carrure & la grolîeur des membres membres répondoîent parfaitement à cette hauteur — 1 gigantefque. Ann. 1764. Décemb. Après leur avoir diftribué le tabac , les principaux d'entr'eux s'approchèrent de moi, & autant que je pus interpréter leurs lignes, ils me preffoient de monter à cheval ôc de les fuivre a leurs habitations ; mais il eût été imprudent de me rendre a leurs inS-tances : je leur fis figne qu'il étoit néceflaire que je retournalfe au vaifîean ; ces chefs en parurent fâchés , & ils revinrent prendre leur place. Durant cette conférence muette, un veillard po-foit fouvent fa tête fur des pierres , fermoit les yeux pendant près d'une demi-minute, portoit enfuite la main à fa bouche, & montroit le rivage. Je Soupçonnai qu'il vouloit me faire entendre que fi je paf-fois la nuit avec eux , ils me fourniroieut quelques provifions; mais je crus devoir me refufer à ces offres obligeantes, \ Lorsque je les quittai, aucun deux ne fe préfenta pour nous fuivre, tous relièrent tranquillement afîis. J'obfervai qu'ils avoient avec eux un grand nombre de chiens dont ils fe fervent, je penfe, pour la chaffe des bêtes fauves, qui font une grande partie de leur fubfiftance j ils ont de très-petits chevaux, & en fort mauvais état, mais très-vkes à la courfe ; les brides font des courroies de cuir avec un petit bâton pour Servir de mors; leurs felles reffemblcnt beaucoup aux C0luTmets dont nos payfans fe fervent en Angleterre. Tome J, - j? ^-■zr^mr^. Les femmes montent à cheval comme les hommes 6c A]y 'I?'b' ^anS ^tr*ers 5 ^ tous a^°ienE au g^°P *ur la pointe de: terre où nous defeendîmes , quoiqu'elle fût couverte d'une infinité de groffes pierres gliflàntes* CHAPITRE IV, Entrée dans le Détroit de Magellan. Navigation juf-qu'au Port Famine. Defcription de ce Havre & de la Côte adjacente, . "F, n arrivant à bord, je fis fervir. Nous entrâmes ■■ dans le décroit avec le flot; fa largeur eft d'environ Ann. 1764, neuf lieues, mon deffein n'étoit pas de le traverfer , Decemb-mais d'arriver à un mouillage commode pour y faire de l'eau & du bois : je préférai ce parti à celui de faire une route incertaine pour découvrir les Ifles Falkland , que je me propofois enfuite de chercher. La marée commençant à nous être contraire, vers les huit heures du foir je biffai tomber l'ancre fur 2< braffes d'eau : le Cap de PoJJeJJîon nous reftoir. au N. N. E., à environ trois milles de diftance ; & quelques mondrains remarquables fur la côte Septentrionale, que Bulkeley , d'après l'apparence qu'ils pré-fentent , a nommé les Oreilles d'Ane, à l'O. ~ rumb au N. Nous levâmes l'ancre avec un vent d'Eft, le 22 à trots heures du matin, ôc nous gouvernâmes au S. ^•4 O-, fefpace d'environ douze milles. Dans cette route nous paffâmes fur un banc, dont jufquâ prêtent on n'a pas encore pris connoiffance ; la fonde ne rapporta une fois que G brafîes ce demie deau , & bien- —- tôt après elle en marqua 13. A l'endroit où le fond ANN.1764. s*e'coit £rev^ nous avjons ]es Oreilles d'Ane au N. O. y O. ~- rumb à l'O., à trois lieues \ & la pointe feptentrionale du premier goulet à l'O. \ S. O., dans un éîoignement de cinq à fix milles ; nous portâmes alors au S. O. \ S., l'efpace de fix milles , vers feutrée du premier goulet , & en fui te au S. S. O. fix autres milles ; nous donnâmes ainfi dans le premier goulet avec la marée montante , qui en rendoit le paffage très-rapide. Durant cette courfe, nous ne vîmes, fur la rive méridionale du détroit, qu'un feul Indien: il ne ceffa de nous faire des lignes tant que nous fûmes à portée d'en être découverts. Nous apperçûmes quelques guanaques fur les collines , quoique Wood , dans la relation de fon voyage , prétende qu'on n'en trouve point fur la Terre de Feu. Au fortir du premier goulet , le canal s'élargit confidérablement ; & nous ne découvrîmes l'entrée du fécond qu'après avoir couru deux lieues. La diftance du premier goulet au fécond eft d'environ huit lieues , & la route eft S. O. £ O. La côte feptentrionale s'élève à une grande hauteur dans le fécond goulet , dont la longueur eft de cinq lieues. Dans ce paffage , nous gouvernâmes S. O. -7 rumb à l'O. ; & les fondes nous rapportèrent de 10 à 21) brafîes. Nous parvînmes à l'extrémité occidentale du fécond goulet vers midi , & nous fîmes près de trois lieues le cap au Sud , pour gagner fille Sainte-Elisabeth) mais le vent nous étant devenu contraire , nous laifsâmes tomber l'ancre fur 7 brafîes d'eau, à un mille environ de cette Ifle qui nous reftoit au S. S. E., & Pille Saint-Barthélémy à l'E. S, E. Le foir, fix Indiens, de Tille Sainte-Elisabeth, def-cendirenc fur le rivage, 6c nous firent des lignes en nous appellant à grands cris; mais les Matelots avoient befoin de repos , 6c je ne voulus point les employer à mettre un canot dehors : les fauvages voyant leurs peines inutiles s'en retournèrent. Je dois faire obferver que, lorfque nous fîmes voiîe du Cap de PoJfeJJïon au premier goulet, le flot portoit au Sud ; mais auflitôc que nous fûmes entrés dans le goulet, il porta avec force fur la rive feptentrionale. Dans les Sy^ygies , le flot commence ici vers les dix heures. Entre le premier 6c le fécond goulet, le flot porte au S. O., 6c le jufant au N. E. Mais après avoir pafTé le fécond goulet, la route, fi le vent eft favorable, eft S. j S. E, , l'efpace de trois lieues. Entre les iiles Saintc-EUiabeth 6c Saint-Barthélémy, où le canal a un demi-mille de largeur & où l'eau eft très-profonde , le flot court impétueufement au Sud ; mais autour des Mes , on voit varier les directions dp la marée. L e 23 , nous levâmes l'ancre avec un vent de S. O., 6c nous gouvernâmes entre les iiles Sainte - Elisabeth 6c Saint-Barthélemy ; avant la fin du flot , nous parvînmes à ranger la côte feptentrionale, 6c nous mouillâmes fur 10 braffes. L'ifle Saint-George nous reftoit alors au N. E. -j- N., à la diftance de trois lieues; une pointe de terre que j'ai nommée P orpois-Point, au K. -i N. O. , ce à près de cinq lieues. Dans l'après-^idi , nous levâmes l'ancre 6c nous gouvernâmes S. 4 » E. l'efpace d'environ cinq milles, en prolongeant la côte feptentrionale ; à près d'un mille de diftance , Ann. 17^4. jes fonc|es régulières nous donnèrent dey à 13 braf-fes , & par-tout un bon fond. A dix heures du foir , nous Iaifsâmes tomber l'ancre par 13 brafîes : la pointe Sandy » fablonneufe a nous reftoit au S. j S. E. à la diftance de quatre milles ; la pointe Porpois à O. N. O. & à trois lieues , & l'ifle .Saint- George au N. E., à quatre lieues de diftance. Tout le long de cette côte , le flot porte au Sud r dans les Syfygies la marée commence à monter vers les onze heures , & l'eau s'élève à quinze pieds environ. Le lendemain 24 , je m'embarquai dans mon canot pour tâcher de reconnoître la baie d'Eau-Douce. J'avois avec moi mon Lieutenant, nous defcendîmes fur la pointe Sandy j J'ordonnai aux Matelots de prolonger la côte avec le canot, que nous fuivîmes des yeux en nous promenant. Toute cette pointe eft couverte de bois 'y nous y trouvâmes des fources d'eau douce , & les arbres & la verdure y offrent un coup-d'œil très-agréable, dans une étendue de quatre ou cinq milles. Au-defîus de la pointe, la contrée préfente une plaine unie dont le fol eft en apparence fertile ; la terre y étoit couverte de fleurs qui répandoient dans l'air un parfum délicieux. On diftinguoit une prodigieufe quantité de graines d'cfpèces différentes, dans les endroits où. les fleurs étoient tombées , & nous y vîmes des pois dont les tiges étoient fleuries. Au milieu de cette riante prairie , émailléc d'une infinité de fleurs , paroiffoient plufieurs centaines d'oifeaux , auxquels nous donnâmes le nom d'oies peintes , a caufe de leur plumage nuancé des plus brillantes couleurs. Nous fîmes près de douze milles fur les bords de cette belle contrée al^n-i7% coupée par plufieurs ruiueaux, dont 1 eau ecoit douce oc tranfparente ; mais nous ne découvrîmes point la baie qui faifoit l'objet de nos recherches ; car dans toute notre promenade depuis la pointe Sandy, nous ne vîmes aucun endroit du rivage où un canot pût aborder, fans courir le plus grand hafard ; Peau y étoit par - tout très-balle, & la mer y b ri foir. avec force. Nous trouvâmes un grand nombre de cabanes qui pa-roifibient récemment abandonnées , car en quelques-unes, les feux qu'avoient allumés les fauvages, étoient à peine éteints ; elles étoient toutes dans le voifinage de quelques ruiffeau-x ou de quelques fources. En plufieurs endroits , on voit croître du céleri fauvage en abondance & une variété de plantes , qui probablement feroient d'un grand fecours à des Marins après un long voyage. Dans la foirée , nous revînmes fur nos pas jufqu'à la pointe Sandy , où nous trouvâmes nos vaiffeaux à l'ancre dans la baie , & k la diftance d'environ un demi-mille du rivage, L'air vif qu'on y refpire, donnoit à nos gens un fi violent appétit, qu'ils auroient mangé trois fois leur ration en un jour. Je fus fort aife d'en trouver quelques-uns occupés à jettcr la feine , & d'autres fur le rivage avec leurs fufils. A mon arrivée, j'eus le plaifir de voir prendre dans la feine foixante gros furmulets ; & les chaffeurs firent une excellente chaffe ; cet endroit abonde en oies , farcelles , becaffines & beaucoup d'autres oifeaux d'un très-bon goût. Le i^, jour de Noël , après deux obfervations de la hauteur du foleil , nous trouvâmes que la pointe Sandy étoit fîtuée au 53 e1 io' de latitude S, A huit heures du matin , nous levâmes l'ancre, ■& ayant couru cinq lieues dans la direction du S. {- S. E, f rumb a l'Eft, nous laifsâmes tomber l'ancre par 32 brades, environ à un mille du rivage : la pointe méridionale de la baie à'Eau-Douce nous reftoit alors N. .N. O. à la diftance d'environ quatre milles ; & la terre la plus méridionale au S. E. j S. En cottoyaut le rivage , nous ne trouvâmes point de fond avec une ligne de do bral-fes, à deux milles environ de la côte ; mais à la diftance d'un mille , nous eûmes depuis 20 jufqu'à 30 braffes. Dans les Syçygics, à la hauteur de ki \>2ÀQ à? Eau-Douce, le flot commença à midi ; le courant eft peu rapide, mais les eaux montent beaucoup. Le 26 , à huit heures du matin , nous levâmes l'ancre avec un vent E. N. E., & nous gouvernâmes au S. S. E. pour arriver au Port Famine. A midi , la pointe Sainte-Anne, qui eft la pointe la plus feptentrionale de ce Port , nous reftoit S. j S. E. y rumb à l'Eft, à la diftance de trois lieues. En prolongeant cette côte à deux ou trois milles de diftance , nous eûmes une mer très - profonde, jufqu'à un mille près du rivage où la fonde nous donna 25 ou 30 braffes. De la pointe Sainte-Anne part une chaîne de rochers qui s'étend dans le S. E. ~ E. l'efpace d'environ deux milles ; & à la diftance de deux encablures de ce récif, on paffe fubitement de 65 braffes à 35 & à 20. La pointe Sainte-Anne eft très-efearpée ; la fonde ne trouve point de de fond , que lorfqu'on en eft très-près. Il convient ' d'ufer d'une grande circonfpeclion en s'approchant du ^tfc^4* Port Famine, fur-tout fi l'on s'avance vers le Sud jufqu'à la hauteur de la rivière deSedger, parce que le fond s'élève fubitement de 30 brafîes à 20 , à & jufqu'à iz: & environ à deux encablures plus loin, quoi-qu'à plus d'un mille du rivage , on n'a guère que neuf pieds d'eau à mer baffe. Si en prolongeant la pointe Sainte-Anne on la ferre de près , on trouve d'abord un fond fumTant ; mais comme il s'élève fubitement, il feroit dangereux, lorfqu'on n'a plus que 7 brafîes, de s'en approcher davantage. Le détroit n'a pas ici plus de quatre lieues de largeur. Le lendemain , 27 , à midi, n'ayant eu que très-peu de vent & des calmes , nous vînmes jetter l'ancre dans la baie Famine , près du rivage , où nous nous trouvâmes dans une fituation très-favorable & très-conforme à nos befoins. Nous étions à l'abri de tous les vents , à l'exception de celui de S. E. qui fbùfrle rarement , & fi un vaiffeau venoit à chaffer en côte dans l'intérieur de la baie, il ne recevroit aucun dommage , parce qu'il y règne un fond doux. Il flotte le long des côtes une quantité de bois aflèz confidérable pour en charger aifément mille vaiffeaux ; de forte que nous n'étions point dans le cas d'en aller couper dans la forêt. L'eau de la Sedger, qui fe décharge dans la baie, eft excellente ; mais les bâtimens à rames ne peuvent guère la remonter que deux heures après le commen- Tomt J. G cernent du flot ; parce qu'à marée bafTe , on trouve très-peu d'eau dans une étendue d'environ {- de mille. Je remontai cette rivière dans mon canot jufqu'à quatre milles au-deffus de fon embouchure ; mais les arbres que la violence des vents y fait tomber , ne me permirent pas de paffer plus haut : il ne feroit pas feulement difficile, mais encore très-dangereux de le tenter. Le flot occafionne dans cette rivière un courant très-rapide, & plufieurs troncs d'arbres relient cachés fous l'eau. Mon canot ayant donné dans un de ces troncs, fut percé du coup qu'il reçut, & en un biffant il fe. remplit d'eau : nous nous hâtâmes de gagner le rivage, où nous eûmes bien de la peine à l'échouer ; là nous réufsîmes à boucher fa voie d'eau fufflfamment pour le mettre en état de regagner l'embouchure de la rivière, où il fut réparé par le Charpentier. Les bords de la Sedger font plantés de grands & fuperbes arbres: je ne penfc pas qu'on en puiffe jamais voir d'une plus belle élévation ; & il eft certain qu'ils feroient très-propres à fournir nos plus gros vaifîèaux d'excellens mâts. Dans le nombre de ces arbres , il y en a qui ont plus de huit pieds de diamètre , ce qui fait en proportion plus de vingt-quatre pieds de circonférence: de manière que quatre hommes en fe'joignant les mains ne pourroient pas les embraffer. Le poivrier & i'écorce de Winter font ici très-communs. Ces beaux arbres, malgré la rigueur du climat, font encore embellis par la préfence d'une foule innombrable de perroquets & d'autres oifeaux d'un magnifique plumage. Il n'y avoit point de jour que je ne tuaffe ..... plus d'oies & de canards qu'il n'en falloit pour Tenir A™ 17 vent être k l'ancre en fureté. On y voit un nombre yy prodigieux d'oifeaux , 6c nous jugeâmes que la côte yy devoit être très-poiîfonneufe, à l'infpecfion du fond yy qui eft de roche 6c de fable. « A cette relation eft jointe une carte de lTfle Pepys > où l'on a donné des noms aux pointes 6c caps les plus remarquables. Cependant il paroît que Cowley n'a vu cette terre que dans l'éloignement ; car il ajoute : » La yy violence du vent étoit telle, qu'il nous fut impoiTible. » d'y aborder pour y faire de l'eau ; nous nous élevâmes 5? dans le Sud, dirigeant notre route au S. S. O. jufqu'à Ann-v la latitude de 53 d n. Il eft bien cetain qu'il ne croît V1Cr* point de bois fur les Ifles Falkland j néanmoins Pille Pepys 6c les Ifles Falkland peuvent fort bien être la même terre : car fur les Ifles Falkland, il croît une immenfe quantité de glaieuls 6c de joncs , dont les tiges élevées 6c rapprochées préfentent dans Péloigne-ment l'apparence d'un bois. Ces grouppes de joncs furent pris de loin pour des arbres par les François qui y dépendirent en 1764 , comme on peut le voir dans la relation que l'Abbé Pernetty a publiée de ce voyage. On a foupçonné que dans le manufcrit, d'après lequel on a imprimé la relation du voyage de Cowley, la latitude avoit pu être marquée par des chiffres, qui , faits avec négligence, peuvent être également pris pour quarante-fept ou cinquante-un ; mais dans ces parages il n'y a point d'Ifle à la latitude de 47d, 6c les Ifles Falkland fe trouvant prefque au 51e1, il fembloit naturel de conclure que cinquante-un eft le nombre qu'on a voulu repréfenter dans le manufcrit. On a eu recours au Mufœum, 6c l'on y a trouvé un Journal manufcrit ^e Co^jey. Dans ce manufcrit, il n'eft fait aucune mention d'une Ifle qui fût encore inconnue, à laquelle il ait donné le nom d'Ifle Pepys ; mais il y eft parlé dune terre qui eft à la latitude de 47e1 40% exprimés en toutes lettres ; ce qui répond exactement à la def-cription de ce qui eft appelle Ifle Pepys dans la rela-tl0n ^Primée , 6c que Cowley fuppofa être les Ifles de Sehald de Wert. Cette partie du manufcrit eft conçue en ces termes : ->■> Janvier 1683. Dans ce mois nous 3.? parvînmes à la latitude de 47 e1 40', & nous apper-33 eûmes une Ifle qui nous reftoit à l'O. ; ayant le vent 33 a l'E. N. E. , nous portâmes defRis ; mais, comme yy il étoit trop tard pour nous approcher du rivage , yy nous pafsâmes la nuit en panne. L'ifle fè montroit y? fous un afpect agréable, on y appercevoit des bois ; yy je pourrois même dire que toute l'ifle étoit couverte 33 de bois. A l'Eft de l'ifle eft un rocher qui s'élève 33 au-deffus de l'eau : fur ce rocher étoient des com-33 pagnies innombrables d'oileaux de la grofleur de h petites oies. Nos gens tirèrent fur ces oiféaux au yy moment où ils pafsèrent au-deffus du vaiffeau; nous 33 en tuâmes plufieurs qu'on fervit fur ma table : c'é-33 toit un affez bon met, auquel feulement nous trou-33 vâmes un goût de poiflbn. Je fis voile au Sud , en 33 prolongeant l'ifle, ik je crus appercevoir fur la cote yy du S. O. un port commode pour le mouillage. J'au-33 rois fouhaité pouvoir mettre un canot pour recon-33 noître ce port, mais le vent fourîloit avec une telle yy violence , que c'eût été s'expofer à un danger évi-33 dent : continuant de faire voile le long de la côte , la 33 fonde a la main, nous eûmes 26 & 27 brafîes d'eau, 33 jufqu'à ce que nous arrivâmes à un endroit où nous 33 vîmes flotter de ces mauvaifes herbes que l'eau dé-33 tache des rochers, & la fonde alors ne rapporta 33 que 7 braffes. Nous craignîmes le danger de tou-33 cher fi nous refilons plus longtems dans un lieu où il 33 y avoit fi peu d'eau & un fond de roche ; mais le yy port me parut d'une vafte étendue , & capable de 33 contenir cinq cents vaiffeaux. L'ouverture en eft 33 étroite, 6c, autant que je pus le remarquer , il y a A*N-*7<^. 3> peu de fond le long de la rive leptentnonale ; mais 33 je ne doute pas que les vaiffeaux ne puiffent côtoyer 33 sûrement la rive du Sud r car il eft à préfumer que 33 le fond augmente dans cette partie ; mais il eft né-33 ceffaire de chercher un canal affez profond , pour 33 que les vaiffeaux puiffent entrer a la mer baffe. J'au-33 rois bien voulu refter fous le vent de cette Ifle toute yy la nuit, mais on me repréfenta que l'objet de notre yy navigation ne nous permettoit pas de nous amufer 33 à faire des découvertes. Près de cette Ifle, nous en 33 vîmes une autre dans la même nuit ; 6c c'eft ce qui yy me fit croire que ces Ifles étoient peut - être les 33 Sebaldes ce. 3? Nous reprimes notre route à l'O. S. O., qui n'é-33 toit que le S. O. corrigé; l'aiguille aimantée décli-33 nant vers l'E. de zz d, nous fîmes voile dans la même 33 direction , jufqu'à ce que nous arrivâmes par la lati-33 tud'e de 53d u. Dans le manufcrit, comme dans la relation imprimée, il eft dit que cette Ifle eft par la latitude de 47 d> qu'elle parut d'abord à l'O. du vaiffeau ; qu'elle fembloit être couverte de bois , qu'on y découvrit un port où un grand nombre de vaiffeaux pourroient être à l'ancre en sûreté, 6c qu'elle étoit fréquentée par une quantité prodigieufe d'oifeaux. Il paroît encore par les deux relations, que le mauvais tems ne permit point a Cowley de defeendre à terre , 6c qu'il gouverna O. s. O. , jufqu'à ce qu'il fût arrivé à la lati- fift tude de £3 d. Il eft donc certain que Cowley, de retour en Angleterre, donna le nom d Ifle Pepys à ce qu'il avoit d'abord pris pour l'ifle de Sebald dt TVtrt, 6c il feroit facile d'en afîigner plufieurs raifons : quoique la fuppofition d'une erreur de chiffres ne paroiffe pas être fondée , cependant > comme il ne fe trouve point de terre au 47 d , on ne fauroit s'empêcher de croire que la terre , vue par Cowley , tfeft autre que les Ifles Falkland. La description du pays s'accorde avec prefque toutes les particularités ; 6c la Carte , jointe à la relation , préfente exactement la figure de ces Ifles , avec un détroit qui les divife dans le milieu. La Carte des Ifles Falkland, que nous joignons ici, a été copiée fur les Journaux 6c les deflins du Capitaine Macbrid , qui y fut envoyé après mon retour en Angleterre, 6c qui a pris les relèvemens de toute la côte. Les deux principales Ifles furent ap-pellées Ifles Falkland par Stroug, vers l'année 1689 , puifqu'il eft connu pour avoir donné le nom de Falkland Sound à la partie du détroit qui les divife. On trouve encore dans le Mufœum le manufcrit de ce Navigateur. On croit que le premier qui découvrit ces ifles eft le Capitaine Davies, affocié de Cavendish , en 1^92. Sir Richard Hawkins vit, en 1594, une terre , qu'on fuppofe être la même, 6c en honneur de fa Souveraine la. Reine Elizabcth , il lui donna le nom de Virginie d*Hawkins. Long-tems après elles furent appercues par quelques vaifîèaux François , qui étoient de Saint-Malo j 6c c'eft probablement par cette raifon que Frézier Frézîer les appel la les Malouines ; 6k ce nom leur a été " depuis confervé par les Efpagnols. Ann. i76S> Après avoir féjourné dans la baie que j'avois nommée le Port Egmont, jufqu'au dimanche 27 Janvier, le vent étant à l'O. S. O., nous appareillâmes à huit heures du matin ; mais nous étions à peine hors du Port que le vent fraîchit confidérablement, 6c il fe forma une brume fî épaîffe , que nous ne pouvions appercevoir les Ifles pierreufes dont j'ai parlé. J'aurois fouhaité d'être encore à l'ancre dans le Port que je venois de quitter ; mais, à ma grande fatisfacfion , je vis en un moment le tems s'éclaircir j le vent refta très-frais tout le jour. A neuf heures , l'entrée de la baie du Port Egmont nous reftoit à l'E. S. E., à la diftance de deux lieues ; les deux Ifles baffes au N. E. j N. , diftantes de trois à quatre milles ; 6c l'ifle pierreufe à l'Oueft 5 d 30' N., éloignée de trois lieues. A dix heures , nous avions les deux Ifles balfes\ au S. S. E., diftantes de quatre ou cinq milles, 6c alors nous prolongeâmes la côte orientale : après avoir couru près de cinq lieues , nous eûmes la vue d'un Cap remarquable, 6c d'un rocher qui en étoit voifin dans fE. °' 11 • 3 » & a la diftance de trois lieues. Je donnai à ce Cap le nom de Cap Tamar. Après avoir encore couru cinq lieues du même rumb, nous décou-vrimcs un rocher , éloigné de la terre d'environ cinq milles dans le N. E. , à la diftance de quatre à cinq lieues. Je le nommai Ediflonc ; alors je gouvernai entre ec rocher 6c un Cap qui reçut le nom de Cap Dau^ Tome 1, 1 phin , 6c nous fîmes cinq lieues dans la direction de Ann. i76j. l'E. N. E. Depuis le Cap Tamar jufqu'au Cap Dau-Janvier. phln y diftance d'environ huit lieues , la terre forme, à ce qu'il me parut, un grand enfoncement, que j'ap-pcllai Canal cicCarltjlc ; mais nous apperçûmes bientôt que cet enfoncement étoit l'entrée du détroit qui fépare les deux principales Ifles. Depuis le Cap Dauphin nous prolongeâmes la côte en gouvernant à TE. ^N. E. l'efpace de fix lieues, jufqu'à une pointe de terre, baffe & plate, 6c alors nous mîmes à la cape. Pendant toute cette navigation , la terre , en grande partie , reffem-bloit au rivage oriental de la côte des Patagons. Elle n'offre à l'œil que des Dunes, fans un feul arbre , 6c çà 6c là de hautes touffes de joncs 6c de glaieuls que nous avions déjà vues au Port Egmont. J'ofe répondre de l'exactitude de ce relèvement ; car j'ai prefque toujours prolongé le rivage à la diftance de deux milles, 6c s'il y avoit eu un arbriffeau feulement de la grof-feur d'un grofelier, il ne m'auroit pas échappé. Cette nuit nous eûmes 40 braffes d'eau, fond de roche. Le lundi, z8, à quatre heures du matin , nous fîmes voile ; la pointe de terre baffe nous reftoit au S. E. \-E. diftante de cinq lieues, 6c à cinq heures 6c demie au S. S. E., éloignée de deux lieues ; nous portâmes alors à l'E. S. E. l'efpace de cinq lieues jufqu'à trois Mes baffes , diftantes de la terre d'environ deux milles. De ces Ifles, nous gouvernâmes S. S E. l'efpace de quatre lieues , jufqu'à deux autres Ifles balles, éloignées d'environ un mille de la terre. Entre ces Ifles la terre forme un grand enfoncement que je nommai ■ Canal de Berkeley. On appercoic dans la partie méridio- A*N- 76*' J xi* • i> Janvier, nale de cet enfoncement une ouverture qui a I apparence d'une baie ; environ k trois ou quatre milles au Sud de fa pointe méridionale, & k la diftance d'k-peu-près quatre milles du Continent, on voit s'élever quelques rochers au-deffus de l'eau , fur lefquels la mer brife avec fureur. Lorfque nous arrivâmes k la hauteur de ces brifans , nous gouvernâmes S. O. \- S. l'efpace d'environ deux lieues ; 6c alors la terre la plus méridionale que nous vidions, 6c que je pris pour la partie la plus méridionale des Ifles Falkland , nous reftoit à l'O. S. O., diftante de cinq lieues. La cote commencoit maintenant k devenir très-dangereufe. On trouva k cette hauteur des rochers 6c des brifans dans prefque toutes les directions k une grande diftance du rivage. Le pays aufli y prend un afpecl: plus fauvage , 6c ne montre qu'une^ côte aride 6c défoléé ; les terres les plus élevées ne font que des rocs nuds 6c efearpés , dont le coup-d'œil eft auffi affreux que celui que préfentent la Terre de Feu dans le voiflnage du Cap Hom. Comme la mer devenu horriblement groffe , je craignis quelle ne nous affalât fur la côte que nous avions fous le vent , d'où nous aurions eu toutes les peines du monde a nous relever ; en conféquence , je revirai de bord vent devant , le Cap au Nord ; la latitude de la pointe la plus feptentrionale que nous euflions en vue, étant de <^2d 3 S. Jufqualors nous avions prolongé la côte pendant Kij y6 y o y a g e Ann. 17^5. Janvier. près de foixante-dix lieues , étendue très-confidé-rable. Vers midi, ayant ferré le ventje gouvernai au Nord. A cinq heures, le canal de Berkeley nous reftoit au S. O.-4 O., diffant d'environ fix lieues. Sur les huit heures du foir , le vent ayant paffé au S. O., je fis voile vers POueft. CHAPITRE VI. Relâche au Port Defiré. Seconde entrée dans le Détroit de Magellan. Navigation jufqu'au Cap Monday. Defcription des Baies & Ports qui fe trouvent dans h Détroit. ISJous continuâmes de faire voile pour le Port Defiré jufqu'au G Février, que nous eûmes la vue de la terre vers une heure après-midi , 6k gouvernâmes fur le Port. Dans la traverfee , depuis les Ifles Falkland jufqu'à cette place , le nombre des baleines autour du vaiffeau fut fi grand , qu'elles rendirent notre navigation dangereufe. Nous fûmes au moment de donner fur un de ces énormes poiffons ; un autre fourHa une quantité d'eau fur notre pont. En approchant du Porc, j'apperçus la Floride , vaiffeau que j'attendois d'Angleterre , deftiné à m'apporter les vivres néceffaires à notre longue navigation. A quatre heures , nous vîn-rnes mouiller à la hauteur de l'embouchure du Porc Defiré. ^E lendemain, 7,'dans la matinée , M. Dean , le Maître du vaiffeau d'approvifionnement , fe rendit à mon bord. Informé que fon mût de mifaine étoit en-«j°mm.igé & qUe fon vaiffeau étoit en très-mauvais €tat > je me déterminai à entrer dans le Port pour le Ann. 176^ Février. -' décharger, quoique le peu de largeur du canal & la nn. jj6ft rapidicé du flot rendîflent ce mouillage très-périlleux. •fcvrier. Nous entrâmes dans le Port fur le loir , mais nous eûmes toute la nuit un vent forcé ; la Tamar 6c la Floride ayant fait des fignaux de détreffe, je leur envoyai auffi-tôt mes canots : ces deux vaiffeaux avoient chalfé fur leurs ancres 6c couroient rifque d'être jettes fur la côte. On parvint, mais avec beaucoup de difficulté, a les tirer de ce péril , 6c la même nuit ils chafsèrent une féconde fois , 6c furent fauves par les mêmes fe-cours. Le danger auquel la Floride étoit à chaque inf-tant expofée dans cette baie, me mit dans la néceffité d'abandonner le deffein de la décharger ; 6c je lui envoyai tous nos charpentiers pour jumeller fon mât 6c faire toutes les réparations qu'ils jugeroknt nécef-faires. Je lui prêtai auffi ma forge pour lui faire les diverfes ferrures dont elle avoit befoin ; 6c je réfolus , dès qu'elle feroit en état de tenir la mer, de gagner quelque Port du détroit de Magellan, où nous pourrions prendre à bord les provifions dont elle étoit chargée. Dans cet intervalle, M. Mouat, Capitaine de la Tamar t m'informa que fon gouvernail étoit endommagé, 6c qu'il craignoit qu'en très-peu de tems il ne fût plus pofîible de le faire fervir. J'envoyai le char» pentier du Dauphin à bord de la Tamar pour en examiner le gouvernail , 6c il me rapporta qu'il l'avoit trouvé en fi mauvais état, qu'il ne croyoit pas que ce vaiffeau pût continuer le voyage fans en avoir un autre. Mais il étoit impoffible de le lui procurer. J'engageai donc M. Mouat à établir fa forge fur le rivage pour fortifier fon gouvernail avec des cercles de fer , 6c l'affurer du mieux qu'il feroit pofTible , efpérant qu'on pourroit trouver dans le détroit une pièce de bois pro- An^- 76J« , . . r . .,, Février. pre a lui en faire un meilleur. Le 13 , la Floride étant réparée , je fis pafTer à fon bord un de mes bas-Officiers qui avoit une parfaite connoiffance du détroit, avec trois ou quatre de mes Matelots pour l'aider à manœuvrer ; je lui prêtai encore deux de mes canots , &c je pris les fiens , qui furent réparés à bord ; j'ordonnai alors au Maître d'appareiller, 6c de faire de fon mieux pour gagner le Port Famine. Je ne doutai pas que je ne la rejoignille long-tems avant qu'elle n'y arrivât, me propofant de la fuivre auffi-tôt que la Tamar feroit prête. Je favois déjà du Capitaine Mouat que le charpentier 6c le fer-rurier avoient travaillé avec tant de diligence à la réparation de fon gouvernail, qu'il feroit prêt dans le jour. Le lendemain, 14 , dans la matinée, nous\appareillâmes du Port Defiré , 6c quelques heures après , étant a la hauteur de fille des Pingoins , nous apper-cûmes la Floride fort loin dans l'Eft. Le 16, fur les fix heures du matin, nous eûmes la vue du Cap Beautems dans l'O. S. O., diftant de cinq ou fix lieues ; 6c à neuf heures , nous découvrîmes au N. O. un vaiffeau. Le 17 , à fix heures du matin , nous eûmes con-noifîance du Cap des Vierges , il nous reftoit au Sud a *a diftance de cinq lieues ; nous fîmes route pour le ranger, 6c le vaiffeau apperçu fit la même route. ~ Le 18 , nous donnâmes dans le détroit, 6c pafTâ-6** mes le premier goulet. Je commençai a m'apperce-voir que ce vaifleau tenoit exactement notre même route, forçant ce diminuant de voiles, pour fe régler fur notre marche, ce qui me le rendit fufpect. Après avoir paifé le premier goulet , obligé de mettre en travers pour attendre la Floride qui étoit loin derrière nous ; j'imaginai que peut-être fon defîein étoit de mettre obffacle à notre navigation , 6c je me mis en état de défenfe : dès qu'il eut paifé le goulet , nous voyant en travers, il s'y mit aulfi à la diftance d'environ quatre milles, confervant fur nous l'avantage du vent. Nous reftâmes dans cette fituation jufqu'au foir, que le flot nous portant fur le rivage méridional , nous laifîâmes tomber l'ancre. Le vent changea dans la nuit , 6c les premiers rayons du jour nous montrèrent notre fatellite à l'ancre , 6c à environ trois lieues fous' le vent à nous : c'étoit le moment de la marée montante , 6c je voulus profiter du flot pour paffer le fécond goulet ; mais voyant le vaiffeau inconnu mettre à la voile 6c nous fuivre, je rangeai au{fi-tôt le Cap Grégoire où je mouillai, ayant une croupière fur le cable. Je fis monter fur le pont huit canons que nous avions dans la cale, 6c j'ordonnai qu'on les plaçât d'un feul côté : nous le voyions cependant s'approcher fans arborer de pavillon , ainfi que nous, ce qui donnoitlieu à différentes conjectures. Dans ce même tems la Floride manœuvrant pour venir mouiller dans notre voifinage, donna fur un banc de fable, 6c y refta échouée. A la vue du danger que couroit ce bâtiment, l'étranger qui en étoit fort près jetca jetta l'ancre , arbora pavillon François, 6c mit deux —.....s canots a la mer qu'il envoya avec une ancre pour fe- An^- !7^î« . . Février courir la Floride. Sur le champ je détachai deux de mes canots 6c un de la Tamar, pour aller à fon fe-cours avec ordre aux Officiers de ne point permettre aux François de monter à bord , mais de les remercier d'une manière honnête de leur bonne volonté. Ces ordres furent ponctuellement exécutés , 6c nos bateaux parvinrent bientôt à remettre à flot notre vaiffeau d'approvifionnement. Au retour de nos canots je fus informé qu'il paroiffoit y avoir à bord du vaiffeau François , un nombreux équipage 6c beaucoup d'Officiers. A fix heures du foir je fignalai l'appareillage ; nous traverfâmes le fécond goulet, 6c à dix heures nous doublâmes la pointe occidentale de fa fortie : à onze heures nous jettâmes l'ancre fur fept brafîes d'eau , à la hauteur de l'ifle Sainte-Elifabeth. Le vaifleau François mouilloit en même-tems dans un endroit peu fur, au Sud de l'ifle Saint-Barthélémy, ce qui me fit croire qu'il n'avoit pas une parfaite connoilfance du canal. Le jour fuivant 19, à fix heures du matin , nous levâmes l'ancre, 6c fîmes voiles entre les Ifles Sainte-Elisabeth 6c Saint-Barthélémy, avec un vent de N. O. , ce gouvernant enfuite au S. S. O., l'efpace de cinq ou fix milles , nous paflâmes fur une bature couverte de goémons , 0ù nous eûmes 7 braffes d'eau : cette ba-îure gît O. S. O., avec le milieu de l'ifle George , d'où elle eft éloignée de cinq ou fix milles. Quelques Na- Tomc J. L vigateurs prétendent qu'en plufieurs endroits on ne nt.iyéf. troilve nUe 3 braffes d'eau fur ce banc, ce qui le rend cvrier. . , „/ • m • j j très-dangereux ; pour 1 éviter il convient de ranger de très près la côte occidentale de l'ifle Sainte-Eli/abeth, d'où l'on peut en toute fureté porter au Sud, jufqu'à ce qu'on découvre le récif qui eft à quatre milles au Nord de la pointe Sainte-Anne. A midi la pointe feptentrionale de la baie à'Eau-Douce , nous reftoit à l'O. ^ N. O. ; & la pointe Sainte-Anne , au S. -J- S. E., un \ rumb à l'E. Le vaiffeau François paroiffoic encore faire la même route , éc nous imaginâmes qu'il venoit des Ifles Falkland , où les François avoient alors un établiffement, pour faire un chargement de bois,' ou pour leconnoître le détroit. Le refte de cette journée & le lendemain 20, dans la matinée, nous eûmes des vents variables, avec des intervalles de calme; ce qui dans l'après-midi me fit prendre le parti de nous touer autour de la pointe Sainte-Anne, jufques dans le Port Famine : à fix heures du foir nous laiffâmes tomber fancre , & bientôt après le vaiffeau François paffa devant nous, dirigeant fa route au Sud. Nous féjournâmes jufqu'au 25 dans ce Port , où après avoir tranfporté à bord de nos vaiffeaux toutes les provifions que nous avoit apportées la Floride, je donnai ordre au maître de retourner en Angleterre, dès qu'il fe trouveroit prêt à mettre en mer ; je fi-gnalai alors l'appareillage , & je fis voile du Port rammz , avec la Tamar, voulant fortir du détroit avant que la faifon fût trop avancée ; à midi nous étions à trois lieues de la pointe Sainte-Anne, qui i' .- nous reftoit au N. O., & nous avions en même-tems ann.i7<5j. la pointe Shut-up à trois ou quatre milles de diftance vner* dans le S. S. O. La pointe Shut-up gît au S. f rumb à l'E. du compas, avec la pointe Sainte-Anne. La diftance de Tune à l'autre eft d'environ quatre ou cinq lieues : entre ces deux pointes eft un rocher a fleur d'eau, qui court depuis le Port Famine jufqu'à la rivière Sedger, ôc .s'étend à trois ou quatre milles au Sud. Nous fîmes voile au S. S. O,, le long de la côte, depuis la pointe Shut-up , vers le Cap Forward, n'ayant que très-peu de vent. Sur les trois heures après midi nous parlâmes près du vaifleau François que nous vîmes dans une petite baie, au Sud de la pointe Shut-up où il étoit amarré de manière que l'arrière du vaiffeau touchoit prefque à la forêt, éc des deux côtés nous apperçûmes des piles de bois qu'il avoit coupées. Je ne doutai plus que fon objet ne fût de prendre un chargement de bois pour la Colonie naifîante des Ifles Falkland, quoique je ne conçus pas pourquoi il s'étoit fi fort avancé dans le détroit, s'il n'avoit pas d'autre deffein. J'appris à mon retour en Angleterre , °iue ce vaiffeau étoit Y Aigle, commandé par M. de Bougainville , & que fa navigation dans le détroit avoit eu pour but d'y faire des coupes de bois, né-ceffaire à la nouvelle Colonie des Ifles Falkland. Depuis le Cap Shut-up , jufqu'au Cap Forward, nous gouvernâmes au S. O. ~ de Sud : la diftance eft de fept lieues ; à huit heures du foir le Cap Forward Lij ... nous reftoit au N. O., un-* rumb à l'O., diftant d'en> Inn. 1765-. viron un mille, 6c nous paffâmes la nuit en panne. Février. Le détroit a ici près de huit milles de largeur ; à la hauteur du Cap Forward nous eûmes 40 brafîes d'eau à une demi-encablure du rivage. Le 16 vers les quatre heures du matin, nous fîmes de-là voile-, le vent étoit très-foible, 6c il fit prefque le tour du compas. A huit heures le Cap Forward nous reftoit au N. E. | E., diftant de quatre milles; & le Cap Rolland, à l'O. N. O. , un ~ rumb k l'O , dans un éloigne-ment de cinq lieues. A dix heures nous eûmes dans le O. N. O, des vents frais , & par intervalle des raf-fales fubites & d'une telle violence, qu'à chaque fois nous fûmes obligés d'amener toutes nos voiles; nous nous foutinmes néanmoins contre le vent , cherchant des yeux un endroit où nous puflions jetter l'ancre, éc faifant en même-tems tous nos efforts pour arriver à une baie qui eft environ à deux lieues oc au Sud du Cap Forward, à cinq heures j'envoyai un Officier en canot pour fonder cette baie ; l'ayant trouvée très-propre au mouillage, nous y entrâmes, 6c vers les fix heures nous y laiffâmes tomber l'ancre fur 9 braffes d'eau : le Cap Forward nous reftoit à l'E. un -f rumb au S., diftant de quatre milles. Un flot qui eft dans le milieu de la baie, 6c à environ un mille du rivage, k l'O. j S. O., un mille de diftance 6c un ruifîèau d'eau fraîche au N. O. f O., dans un éloignement de \ de mille. L e jour fuivant y}i k fix heures du matin , nous levâmes l'ancre 6c pourfuivîmes notre route dans le détroit. Du Cap Rolland au Cap Galant , diftance.............i_ d'environ cinq lieues , la côte court O. {- rumb au Ann. 176^ Sud du compas. Le Cap Galant eft très-élevé & taillé à pic ; entre ce Cap & le Cap Rolland fe trouve un détroit d'environ trois lieues de large , appelle Elifabeth-Reach ; à environ quatre milles au Sud du Cap Galant, eft une Ille connue fous le nom de fille Charles, au Nord de laquelle il eft néceflaire de fe maintenir. Nous fîmes voile en prolongeant la côte feptentrionale à la diftance d'environ douze milles ; mais nous la ferrâmes quelquefois de beaucoup plus près. Un peu à l'Eft du Cap Galant , il y a une très-belle baie fablonneufe , qu'on nomme baie de Wood , où l'on trouve un très-bon ancrage ; les montagnes qui bordent le détruit des deux côtés font, je penfe , les plus hautes 6c les plus affreufes qu'on puiffe voir, à l'exception peut-être des Cordilieres; elles font de part 6c d'autre efearpées , hériffées de pointes , 6c couvertes de neige depuis le fommet jufqu'à leur bafe. Depuis le Cap Galant, la côte court O. j N. O. pendant près de trois lieues, jufqu'à la pointe du PaJJage : cette pointe forme la pointe Eft de la baie ^li\abah \ c'eft une terre baffe, d'où part une bature qui s'étend au large. Entre cette pointe 6c le Cap Galant, il y a plufieurs Ifles , dont quelques-unes font très-petites; mais la plus orientale, qui eft l'ifle Char-hs, déjà citée, a deux lieues de longueur; la fui-vante eft l'ifle de Montmouth , ex la plus occidentale eft l'ifle Rupcrt J cette dernière gît S. 1 S. E., avec la pointe du Pajfage. Ces Jfles rendent le canal très- ' ^zroK > car entre Rupzrt ^ la pointe du Bajjagt il n'a pas plus de deux milles de largeur. Il eft nécef-faire de gouverner au Nord de toutes ces Ifles , fans s'éloigner du rivage feptentrional : nous fîmes voile en le côtoyant à la diftance de deux encablures , ôc nous n'eûmes point de fond avec une ligne de 40 braffes ; à fix heures du foir le vent ayant paffé à l'Oueft, nous portâmes fur la baie Elimbcth, où nous mouillâmes fur 10 brafîes d'eau d'un très-bon fond; néanmoins le meilleur ancrage eft par 13 braffes, car à environ une encablure autour de nous , on n'avoit guère que 3 ôc quatre braffes. Dans cette baie fe décharge un ruiffeau dont l'eau eft parfaite. Nous obfervâmes ici qujfc le flot porte très - fortement à l'Eft; ôc conformément à notre calcul » il commence a midi dans les Sy^ygies ; nous trouvâmes la déclinaifon de l'aimant de deux rumbs vers l'Lft. Le 28 à deux heures après midi , les vents étant entre le N. O. & l'O. grand frais, ôc foufflant par rafrales violentes, je fis virer fur le cable, ôc au moment où nous nous trouvâmes à pic fur notre ancre, le vaiffeau chaffa ; il fut immédiatement porté fur une baffe , à deux encablures du rivage : à l'inftant nous laiffâmes tomber notre ancre d'affourche par 4 braffes d'eau , n'en ayant que 3 à l'arriére : l'ancre de toue fut portée avec toute la célérité poffible, ôc virant deffus , nous parvînmes à nous éloigner du rivage ; alors nous levâmes notre féconde ancre & celle d'affourche , filâmes le greflin , ôc avec le foc ôc la voile » d'étai , nous gagnâmes le mouillage , laiffâmes tomber notre féconde ancre par 10 braffes d'eau, exac- '?6f« tement dans la même polition dont nous avions chaffé. Le lendemain, 1 Mars, le tems parut plus modéré 1 ^arSl 6c le vent ayant paffé vers le Nord , nous levâmes l'ancre à cinq heures du matin , 6c à fept nous étions à la hauteur de la baie Mujch , qui eft fur la côte méridionale à l'Oueft de la baie Elisabeth, diftante d'une lieue ; à huit heures nous nous trouvâmes par le travers de la rivière Batckelor, fituée fur le rivage du Nord , à deux lieues , 6c au N. O. J- N. de la baie Elisabeth : à neuf heures nous parvînmes à la hauteur du canal Saint-Jérôme, dont l'embouchure eft à une lieue environ de la rivière Batchelor; arrivés en travers de l'embouchure de ce canal , il nous reftoit au N. O., nous gouvernâmes alors à l'O. S. O. du compas pour amener le Cap Quad , éloigné de trois lieues de la pointe la plus méridionale du canal Saint-Jérôme. Entre la baie Elisabeth 6c le Cap Quad, on voit un enfoncement d'environ quatre milles de largeur, appelle Crooked-Reach; a l'Oueft du canal Saint-Jérôme nous apperçûmes trois ou quatre feux fur le rivage feptentrional, 6c quelques inftans après nous vîmes deux ou trois pirogues qui ramoient vers nous. A midi.le Cap Quad nous reftoit O. S. O., f rumb O., diftant de quatre ou cinq milles; le vent calma ^fenfiblement, ôc le flot nous porta à l'Eft. En cet en oit les pirogues joignirent notre vaiffeau , tourné- rent autour pendant quelque tems ; mais il n'y eut qu'une feule de ces pirogues dont les Sauvages eurent la réfo-lution de monter à bord. Les pirogues étoient d'écorce d'arbre, d'une conltruction très - mai entendue. Les Américains étoient au nombre de fept, quatre hommes, deux femmes ôc un enfant. Je n'avois pas encore vu de créatures fi miférables ; ils étoient nuds , a l'exception d'une peau très-puante de loup de mer, jettée fur leurs épaules ; ils étoient armés d'arcs & de flèches qu'ils me préfenterent pour quelques grains de collier éc d'autres bagatelles ; les flèches, longues de deux pieds, étoient faites de rofeaux, éc armées d'une pierre verdâtre ; les arcs , dont la corde étoit de boyau , avoient trois pieds de longueur. Le foir nous vînmes mouiller dans le voifinage de la rivière Batckelor, fur 14 braffes; l'entrée de la rivière nous reftoit au N. \ N. E., à un mille, Ôc la pointe la plus feptentrionale du canal Saint-Jérôme , O. N. O., diftante de trois milles. On trouve à près de j de mille à l'Eft de la rivière une bature, où il n'y a pas plus de fix pieds d'eau à mer baffe ; cette bature eft à un demi-mille du rivage, ôc on peut la reconnoître aux goémons dont elle eft couverte. Le flot commence ici à une heure dans la nouvelle ôc pleine lune. Tandis que nous étions à l'ancre, nous eûmes la vifite de plufieurs Américains ; je leur fis à tous des pré-fens de grains de raffade, de rubans ôc d'autres chofes de peu de valeur, mais dont ils parurent enchantés. Je leur rendis cette vifite à terre, où je vins defcendrç* n*ayant n'ayant avec moi que quelques-uns de mes Officiers,--= pour ne pas les allarmer par le nombre : ils nous An^- «T^J- reçurent avec toutes les exprefïions de l'amitié , & s'emprelièrent de nous apporter quelques fruits qu'ils avoient cueillis dans la vue de nous les offrir ; ces fruits avec quelques moules , nous parurent faire pour le moins la plus grande partie de leur fubfif- tance. Le x, à cinq heures du matin, nous appareillâmes & fîmes route avec le fecours de la marée montante *, mais à dix heures, furpris par le calme , ôc le courant nous portant à l'Eft, nous mouillâmes une ancre à jet, par 10 braffes d'eau, fur un banc qui eft à un demi-mille du rivage feptentrional : après avoir filé environ les deux tiers d'un cable, nous eûmes 4$ braffes d'eau le long du bord, ôc le fond augmenta encore à très-peu de diftance : la pointe méridionale du canal Saint-Jérôme nous reftoit au N\ N. E., diftante de deux milles; ôc le Cap Qu ad k Q.SS. O., à environ huit milles de diftance. De la pointe méridionale du canal Saint-Jérôme au Cap Quad, j'eftime trois lieues de diftance, dans la diredion du S. O ~ O. ; dans cet endroit du canal les marées font extrêmement fortes , mais irrégtilieres. Nous obfervâmes qu'elles portoient à l'Eft depuis neuf heures du matin jufqu'à cinq du lendemain , ôc enfuite vers l'Oueft depuis cinq jufqu'à neuf heures : à minuit les vents ayant paffé à O. N. O, commencèrent à fraîchir, 6c à deux heures du matin, le vaiffeau chaffa ; nous nous matâmes de lever l'ancre, dont les deux pattes fe trou- Tomc I, y[ ! 1 vèrent rompues ; nous n'eûmes point de fond jufqu'à Ann. 176J. trois heures , que nous dérivâmes fur 16 brafîes à A/f l'entrée du canal Saint-Jérome. Le vent s'étant encore renforcé , nous lailfâmes tomber notre féconde ancre éc filâmes la moitié d'un cable; le vaiffeau prit une fituation fi critique, que nous nous trouvâmes fur ^ braffes d'eau, éc environnés de brifans ; nous laifïa-mes tomber à pic l'ancre d'affourche. A cinq heures voyant la marée courir à l'Oueft, éc le vent devenir plus maniable, nous relevâmes nos deux ancres, & nous gouvernâmes au plus près du vent; à 10 heures nous trouvâmes que la marée reverfoit dans l'Eft, en conféquence nous envoyâmes un canot pour chercher un mouillage qu'il trouva dans une baie fur le rivage feptentrional à l'Eft du Cap Quad, dont elle eft éloignée d'environ quatre milles, ayant dans lonvoifinrge quelques Mots, nous fîmes tous nos efforts pour gagner cette baie ; mais nous ne pûmes jamais vaincre ia marée qui en fortoit avec impétuofité ; & à midi nous gouvernâmes fur la rade dYork, fituée k l'embouchure de la rivière Batchclor, où nous mîmes à l'ancre une heure après. Le lendemain 14, à fix heures du matin , nous appareillâmes éc fortîmes de la baie avec le flot , dont la direction étoit la même que le jour précédent ; mais n'ayant pu gagner un lieu propre au mouillage, nous vînmes à midi reprendre la pofition de la veille ; je faifis cette occafion de reconnoître la rivière Batchclor. Je m'embarquai dans une ïole; éc je remontai cette rivière l'efpace de quatre milles ; dans quelques endroits je la trouvai large & profonde , & l'eau en eft bonne ; niais près de fon embouchure l'eau y eft fi baffe avant le flot, qu'il feroit difficile au plus petit canot d'y pafTer fans toucher. L e jour fuivant ^ , k fix heures du matin , nous remîmes k la voile : k huit heures il fit fi calme, que nous fûmes obligés de nous faire remorquer par nos bâtimens à rames ; cependant la marée commença fur les onze heures:, elle portoit fi fortement a l'Oueft que nous ne pûmes jamais gagner la baie que le canot avoit reconnue le jour précédent fur le rivage fèptentrional : c'eft un excellent mouillage , où fix vaiffeaux peuvent y être, commodément k l'ancre. Nous fûmes donc obligés de mouiller fur un banc notre ancre de toiie par 45 braffes , le Cap Quad nous reftant k O. S. O., k la diftance de cinq ou fix milles; la pointe méridionale de l'ifle, qui eft à l'Eft du Cap, dans la même direction, ôc une roche remarquable fur la côte feptentrionale, au N. f rumb k l'O., diftante d'un demi-mille : on a en cet endroit jufqu'à 7^ braffes d'eau , tout près même du rivage. Dès que nous fûmes k l'ancre , j'envoyai un Officier a la recherche d'une baie dans la partie de l'Oueft ; mais ce fut fans fuccès. Nous fûmes en calme le refte du jour ôc toute la nuit. La marée porta vers l'Eft , depuis l'inftant de notre mouillage jufqu'au l'endemain fix heures du ^atin que nous levâmes l'ancre , ôc tâchâmes de gagner à rOueft en nous faifant remorquer par nos bâ- Mij timens à rames ; à huit heures une forte brife fe fit fentir O. S. O., & enfuite O. ; à midi le Cap Quad nous reftoit à l'E. -J- S. E., à la diftance d'en-* viron cinq milles : dans cette fituation j'envoyai une féconde fois nos bateaux k la recherche d'un mouillage ; bientôt nous les fuivîmes pour venir jetter l'ancre dans une petite baie fur le rivage méridional, en face du Cap Quad \ nous y mouillâmes fur 25 braffes d'eau , d'un très-bon fond. Une petite Ifle pierreufe nous reftoit à O. \ N. O. , à la diftance d'environ deux encablures ; fa pointe la plus orientale k l'E. $d 30' S , ôc le Cap Quad au N. O. ~ N. , éloigné d'environ trois milles. Dans cette baie , nous trouvâmes une grande abondance de coquillages de différentes efpèces. La Tamar qui n'avoît pu nous fuivre de près , n'entra qu'a deux heures dans la baie, où elle mouilla fur le rivage feptentrional, k environ fix milles éc k FEft du Cap Quad. Durant toute cette nuit nous eûmes le calme le plus abfolu ; mais le matin 7 , la fraîcheur vint de la partie de l'Oueft , nous levâmes l'ancre vers les huit heures , éc nous fîmes route à l'aide de la marée. A midi le Cap Quad nous reftoit E. £ SE., entre deux éc trois lieues de diftance , éc le Cap Monday , qui eft la terre la plus occidentale en vue fur la côte du S., étoit O. \ N. O. , diftant de dix k onze lieues. Cette partie du détroit s'étend dans l'O. N. O., un ~ rumb O. du compas, éc la largeur eft d'environ quatre milles. Des deux côtés le canal eft bordé de montagnes qui ne font que des rochers nuds, efcarpés, dont les cimes couvertes d'une neige éternelle, s'élèvent au-deffus des nuages , 6c paroifTent n'être qu'un amas de ruines : on ne peut rien imaginer de plus affreux. Les marées font ici très-fortes. L'ebe reverfe h l'Oueft, mais avec une irrégularité dont il feroit difficile de rendre compte. Vers une heure après-midi, la Tamar jetta l'ancre dans le baie fur le rivage méridional, oppofé au Cap Quad, que nous venions de quitter, 6c nous continuâmes à gouverner au vent jufqu'à fept heures du foir que npus vinmes mouiller dans une petite baie où le fond eft très - bon, 6c qui eft à l'Oueft 6c à cinq lieues environ du Cap Quad. Cette baie eft reconnoiffable par deux gros rochers qui s'élèvent au-deffus de l'eau , 6c une pointe de terre baffe qui fait la partie orientale de la baie. L'ancrage eft entre les deux rochers, le plus E. reftant N. O. -rumb E. , à la diftance de deux encablures, 6c le plus O. qui eft près de îa pointe , à O. N. O ^ rumb O. , 6c dans le même éloignemenc à peu près. A mer baffe on découvre encore un petit rocher parmi des goémons, clans l'E. I rumb N., à la diftance d'environ deux longueurs de cable. Cette baie ne peut guère recevoir qu'un feul vaifleau, 6c s'il y en a plus d'un , on peut mouilîer en-dehors un peu plus loin où l'on trouve plus de fond. Le calme régna dans la nuit, 6c le tems devint très-brumeux ; mais il s'éclaircit fur les dix heures du matin du 8, ôc j'allai à terre. Je trouvai beaucoup de coquillages 6c pas une feule trace d'habitans. -^ans l'après-midi , tandis que les gens de l'équipage s OCcupoient à faire de l'eau , j'allai vifiter un lagon fîcué autour du rocher le plus occidental ; à l'entrée je vis une fuperbe cafcade, & du côté de l'Eft plusieurs petites anfes, où des vaiffeaux du premier rang peuvent être à l'ancre dans une fécurité parfaite. Nous ne vîmes rien d ailleurs qui mérite d'être remarqué ; ôc, après avoir rempli notre canot de très-grofîes moules, nous retournâmes à bord. Le lendemain 9, à fept heures, nous appareillâmes ce fortîmes de la baie en nous faifant remorquer par un bateau. Nous apperçûmes la Tamar, fort loin à notre arrière, qui gouvernoit fur nous. A midi , nous eûmes une légère brife d'E. N. E. ; mais a cinq heures, le vent paffa à l'O. N. O. grand frais. A fix heures , nous avions amené le Cap NLonday y & à fix heures du matin, le lendemain 10, le Cap Upright nous reftoit E. ~ S. E. , k la diftance de trois lieues. Du Cap Nlonday au Cap Upright, l'un & l'autre fur le rivage méridional ce dans une diftance d'environ cinq lieues , la route eft k f O. j N. O. du compas ; des deux côtés le rivage ne préiente qu'une chaîne de rochers hachée. Sur les fept heures , nous efluyâmes un grain très-pefant, le Ciel étoit chargé d'épais nuages, ôc une chaîne de brifans fe montra tout d'un coup de favant k nous. Nous en étions fi près que , pour les éviter , nous n'eûmes que le tems de revirer de bord, vent devant; éc fi le vaiffeau eût manqué de virer , nous périmions fans qu'aucun de nous pût fe fauver du naufrage. Ces dangereux écueils font k une grande diftance de la côte méridionale , environ a trois lieues éc au Nord du Cap Upright. A neuf heures, dans une écîaircie , nous apperçûmes l'entrée de la Ion- ■ gue rue ; Ôc nous portâmes le Cap deffus, ferrant de très- An^* 176 près le rivage méridional , dans l'efpérance d'y trouver un, mouillage. A dix heures , une brume épaifTe 6c des grains violents accompagnés d'une très-forte pluie, nous firent dériver jufqu'au Cap Mondai, fans pouvoir trouver un mouillage, que nous continuâmes de chercher, en gouvernant toujours le long du rivage méridional ; 6c bientôt la Tamar, qui toute la nuit avoit été à fept lieues fous le vent à nous , arriva dans nos eaux. A onze heures du foir , nous mouillâmes dans une baie profonde, k trois lieues environ k l'Eft du Cap Mon-day. Nous laifsâmes tomber l'ancre fur 25 braffes, près d'une Ille dans le fond de la baie ; mais nous chafsâmes avant que le vaifleau eût fait tête k fon ancre , qui prit enfuite fond fur «50 braffes. Les pointes qui forment l'entrée de la baie nous reftoient N. O. 6c N. E. f E. ; 6c Pille k l'O. | rumb S. Nous filâmes tout un cable, 6c l'ancre étoit a près d'une encablure du rivage le plus voifîn. Dans la nuit, nous eûmes les vents d'Oueft très-frais , accompagnés de grains violens 6c de pluies abondantes. Le n au matin, les vents furent plus modems j mais le ciel refta couvert 6c la pluie continua. La mer élevoit autour de nous de groffes lames, 6c bri— foit avec furie fur des rochers voifins : cette circonf-tance m'obligea k lever l'ancre, 6c nous nous touâmes jufqu'à un banc, fur lequel la Tamar étoit a l'ancre. ■^°us mouillâmes de nouveau par 14 braffes, 6c nous afîburchâmes avec une ancre k jet, mouillée dans l'Eft fur 45 braifes. Dans le fond de la baie eft un balfin , à l'entrée duquel on n'a que 3 braffes & demie , k mer baffe , mais en-dedans on en trouve dix. Ce baffin contiendront fept vaiffeaux , qui y feroient k l'abri de tous les vents. Nous y prolongeâmes notre féjour jufqu'au vendredi 15 , & pendant tout ce tems, nous eûmes un vent en tourmente ; ce fut une continuelle tempête , des brumes impénétrables 6c une pluie confiante. Le iz, j'envoyai un canot armé fous les ordres d'un Officier, pour reconnoître les différens mouillages qui fe trouvent fur la côte du Sud. Le canot revint le 14 avec la nouvelle , que de l'endroit où nous étions mouillés jufqu'au Cap Upright , il y avoit cinq baies où l'on pouvoit jetter l'ancre avec fureté. L'Officier m'informa que dans le voifinage du Cap Upright, il avoit rencontré quelques Américains, qui lui avoient donné un chien, ôc qu'une des femmes lui avoit offert un enfant qu'elle tenoit fur fon fein : il n'eft pas néceffaire de dire que cette fingulière offre ne fut pas acceptée", mais elle prouve du moins ou une dépravation qui a éteint dans le cœur de ces fauvages les fentimens les plus naturels, ou une extrême pauvreté qui fait violence k la nature. Durant cet intervalle de mauvais tems, la neige ^couvrit toutes Jes montagnes, dont nous avions vu le roc roc nud à notre arrivée ; ôc l'hiver prit tout d'un coup -poflèfTion de ces fauvages ôc trilles contrées. Les pau- ^k^' vres Matelots fe voyoient expofés aux rigueurs du froid, fans vêtement, ôc prefque continuellement percés de pluies. Je fis diftribuer aux équipages , fans en excepter les Officiers , deux balles d'un gros drap de laine ; ce qui leur fut dans cette occafion d'une grande reflburce. Le i^, a huit heures du matin , je fignalai l'appareillage 6V. nous mimes à la voile. A trois heures après-midi , nous nous trouvâmes encore une fois à la hauteur du Cap Monday , ôc à cinq , nous vînmes jetter l'ancre dans une baie fur le bord oriental de ce Cap: fa pointe nous reftoit au N. O. , diftante d'un demi-mille \ ôc nous avions au N. j N. O. les pointes qui forment Fcntrée de la baie à l'E. , nous n étions guère qu'à une demie encablure du rivage le plus voifin, qui étoit une Ille baffe entre le vaifleau ôc le Cap. A fix heures du matin, du iG, nous appareillâmes, & nous nous apperçûmes qu'une patte de noire ancre d'affourche s'étoit rompue. Les vents étoient à l'O. N. O , ôc la pluie ne dilcontinuoit pas. A huit heures, un fort courant nous entraînoit vers fEft , ôc à midi , le CaP Monday nous reftoit* à l'O. N. O. à deux milles ^c diftance. La Tamar qui étoit fous le vent, regagna la baie & s'y remit à l'ancre. Pour nous , nous perfiftions inutilement à nous foutenir, toutes les bordées nous étoient défavorables. A deux heures , nous laifsanves retomber l'ancre , par 18 braffes, fur le ri^ Tomc J. N vage du Sud, k l'E. du Cap Monday, ôc à cinq milles environ de diftance. Cependant , à crois heures, nous remîmes à la voile, parce que nos canots, qui avoient fondé tout autour du vailfeau , n'avoient trouvé qu'un fond de roche. La pluie étoit toujours auffi forte , 6c nous continuâmes à lutter contre les vents de N. O. le refte du jour 6c toute la nuit; tout le monde étant fur le pont. Il n'y avoit perfonne de nous qui ne fût percé jufqu'aux os ; car , outre la pluie , les lames vcnoient encore nous inonder. Le jour, 17, vint, à notre grande mortification, nous convaincre que tous nos efforts n'avoient pu nous empêcher de rétrograder : à chaque bordée, nous avions perdu , à caufe d'un courant dont la violence nous entraînoit continuellement vers l'Eft. A huit heures , nous prîmes !e parti d'arriver , 6c nous gouvernâmes fur la baie d'où nous étions fortis le 15 , 6c où à neuf heures nous revînmes à l'ancre. Les vents reftoient à l'O. 6c au O. N. O., fans que la marée portât un feul inftant à l'Oueft pendant le 18 6c le 19 Le tems fut très - mauvais , le vent en tourmente, de fréquentes raffales ôc des grains violens accompagnés de pluie. Cependant j'avois fait partir un canot armé aux ordres d'un Officier , pour tâcher de découvrir une baie fur la côte feptentrionale ; mais il revint fans y avoir trouvé de mouillage. Le 20 , nous effuyâmes un coup de vent terrible : notre vaifleau chafïa ; fon ancre , dégagée du banc , tomba fur quarante brailes; nous npus hâtâmes de la relever, 6c au moyen d'un ancre à jet , nous ramenâmes notre vaifleau fur le banc. AnJ!' l?6s' Mars. Le jour fuivant, ix, à huit heures, le vent variant de l'O. N. O. au S. O , nous appareillâmes & for tintes encore une fois de la baie. Le courant portoit toujours a l'Eft avec la même force : cependant a midi nous trouvâmes que nous avions fait un mille & demi dans une direction oppofée. Les vents commencèrent alors a varier du S. O. au N. O., ôc h cinq heures le vaiffeau avoit gagné au vent environ quatre milles; mais il ne fe préfentoit aucun mouillage que nous puffions atteindre, & le vent ayant calmé , nous fûmes entraînés à l'Oueft avec toute la rapidité du courant. Néanmoins, fur les fix heures, nous réufti-mes k mouiller par 40 braffes d'eau, fur un très-bon fond, dans une baie fituée à fOueft, éc à deux milles environ de celle dont nous avions fait voile le matin. Nous pafsâmes une nuit fort défagréable. La mer étoit fi houleufe , ôc nous nous trouvions tellement moleftés, que quoique le vent fût toujours O. S. O., nous levâmes l'ancre le jour fuivant, 22, k huit heures du matin , ôc reprîmes notre route. Une pluie continuelle fe joignoit au courant ôc au vent contraires pour aggraver nos fatigues. Tant de fujets de découragement ne rallentirent point fardeur de nos Matelots qui étoient tout trempés. La gaieté ne les abandonna pas un inftant, ôc ce qu'on n'auroit ofé efpé-rer , ils jouiffoient tous de la meilleure fanté. ^ans ce même jour , nous eûmes la fatisfa&ion Nij de voir le courant porter enfin k l'Oueft, & nous nous 'l?6^ hâtâmes d'en profiter. A fix heures du foir nous tirs mouillâmes dans la baie qui eft fur la rive orientale du Cap Monday, où la Tamar étoit k l'ancre fur 18 brafîes, la pointe du Cap nous reftant k l'O. ^ N. O., diftante d'un mille. Dans cette baie l'ancrage eft très-fûr , le fond en eft excellent, & deux ou trois vaiffeaux de ligne, peuvent trouver place pour s'y amarrer. jSjg--=--» CHAPITRE VII. "Navigation depuis le Cap Monday jufqu'à la [ortie du Détroit de Magellan. Objuvations générales fur la Navigation de ce Détroit. ou s appareillâmes, le 2.3 , h huit heures du ma- akn.^j, tin, & nous fîmes voile pour nous ouvrir la mer du Mars. Sud , d'où nous venoient déjà des lames auffi groffes que j'en euffe jamais vues. A quatre heures après midi, nous mouillâmes dans une baie très-fûre, au fond de laquelle fe trouve un profond canal qui peut fervir à la faire reconnoître. Elle eft à l'Eft du Cap Upright, 6c à. près d'une lieue de diftance, nous y laiffâ mes tomber l'ancre fur 14 braffes : les deux pointes de l'entrée nous reftoient, l'une au N. O., l'autre au N. E. \ E. ; le Cap Upright à l'O. N. O., environ a une encablure k l'Eft d'une Ifle baffe qui forme la baie. Le 24 , à trois heures du matin, j'envoyai un ba-teau armé, fous les ordres d'un Officier , pour trouver un mouil]agC a fOueft mais il revint a quatre heures de Ta près midi , fans avoir jamais pu doubler le Cap Upnght. -Le jour fuivant, 2^ , je fis encore partir les canots P0Ur faire des recherches k l'Oueft j ils furent de re- IQZ V o y a g p: il""**— tour fur les quatre heures avec la nouvelle qu'ayant '•176;- fait près de quatre lieues, ils avoient trouvé deux baies où il étoit poflible de fe mettre à l'ancre , mais que ni l'une ni l'autre n'offroient un excellent mouillage. Néanmoins nous continuâmes notre route le jour fuivant , 26 , à huit heures du matin , & à trois heures le Cap Upright nous reftoit au N. £. à la diftance de quatre ou cinq milles, Ce Cap , qui eft très - élevé & taillé à pic, gît, par le compas , N. N. O., avec le Cap Upright, dont il eft éloigné de trois lieues. Le côté du Sud préfente ici un coup-d'œi! effrayant ; il eft bordé a une diftance confidé-rable de rochers à fleur d'eau , fur lefquels la mer brife avec un bruit horrible. Vers les quatre heures, le tems commença à s'embrumer, 6c en moins d'une demi - heure nous vîmes la côte du Sud , à un mille environ de diftance , mais fans découvrir un feul endroit où il nous fut poifible de jetter l'ancre; nous revirâmes donc au large éc gouvernâmes fur la côte du Nord. A fix heures 6c demie je fis fignal à la Tamar de porter fur nous, 6c au moment où elle nous atteignit je lui donnai ordre de marcher de l'avant, d'allumer des feux & de tirer un coup de canon à chaque fois qu'elle vireroit de bord. A fept heures , dans une éclaircie , nous eûmes la vue de la côte du Nord à l'O. 4 N. O. ; 6c à l'inftant nous reprîmes la bordée du large. A huit heures le vent palfa du N. N. O. à l'O. N. O. , 6c fouffla avec violence. Notre fituation deve-noit réellement allarmante ; la tempête alloit toujours en croiffant ; le ciel étoit couvert des plus fombres nuages. La pluie fembloit annoncer un nouveau déluge, & nous allions nous trouver dans une nuit ténébreufe, — au milieu d'un canal étroit environnés d'écueils & de Ann- I76î" brifans. Nous voulûmes ferler la voile du^perroquet de fougue, mais avant que cette manœuvre pût s'exécuter , la voile fut emportée fur fes cargues : alors nous mîmes a la cape fous la grande voile & la mifaine rifées, & gouvernâmes au S. O. Mais la mer étoit pi'odigieufement groffe ; fes lames brifoient fur notre Vaiffeau fi fréquemment, que notre pont étoit conti- , nuellemenr fous les eaux. A neuf heures, dans une éclaircie , nous vîmes le haut Cap fur la cote du Nord, dont nous avons déjà fait mention , qui nous reftoit kl'Fft , à près d'un mille de diftance; mais nous avions entièrement perdu de vue la Tamar. A trois heures ck demie du matin , nous nous trouvâmes tout près d'une terre très-élevée fur le rivage du Sud ; nous revirâmes au large, portant le Cap au Nord. La tempête , loin de diminuer , fembloit faire de nouveaux progrès, la pluie tomboit en torrens, & le ciel fembloit fe confondre avec la mer. A chaque inftant nous nous attendions à être brifés contre des écueils. Le jour, xy , fi ardemment defiré , commença enfin k poindre , mais le ciel étoit fi chargé , & la brume fi epaiffe , qu'il nous fut impoffble de découvrir la terre, ^°nt nous lavions n'être pas fort éloignés. A fix heu-re nous vîmes le rivage méridional , k la diftance d'environ deux milles; & bientôt après nous apperçûmes , avec une j0ie infinie, la Tamar. Dans ce moment le Cap Monday nous reftoit au S. E., diftant d'environ Suatre milles , & la violence du vent ne diminuant P01nt y nous portâmes fur ce Cap ; ck fur les quatre ^""^ heures les deux va i fléaux vinrent à l'ancre dans la baie ?6S' qui eft k l'Eft. La houle y étoit prodigieufe ; mais nous nous croyions encore trop heureux d'avoir pu gagner un mouillage. Nous étions déjà parvenus deux fois à quatre lieues de la baie Tuefday ( Mardi ) , 6c deux fois nous en avions été jettes à dix & douze lieues, par des tempêtes telles que je n'en n'avois jamais éprouvées. Je dois faire obferver que quand la faifon eft trop avancée , le paffage du détroit devient une entreprife non moins difficile qu'hafardeufe. La violence des vents & des tempêtes, la rapidité des courans & l'im-pécuoficé des lames, les plus fortes pluies & des brumes fi épaiffes , qu'on ne voit pas les objets à deux longueurs de navire , rendent cette navigation impraticable. Dans ce même jour, le cable de notre féconde ancre s'étant trouvé confidérablement endommagé , nous le coupâmes à l'épiflure, & nous en étalinguâ-mes un autre que nous fourrâmes avec du vieux cordage, k 8 braffes depuis l'étalingure. Le lendemain, 28, dans l'a près midi, le cable de la féconde ancre que la Tamar a voit mouillée , fut coupé fur le fond , le vaifleau chaffa en côte , ôc fut porté a une très-petite diftance de quelques rochers qui bordent le rivage oriental de la baie, contre lesquels il fè feroit infailliblement brifé en touchant. Le 29, à fept heures du matin, nous levâmes notre ancre d'aifourche , dont le cable s'étoit fort endommagé fur le mauvais fond où nous étions mouillés. Nous Nous fûmes obliges d'en couper près de 26 brafîes , ! & de le retalinguer. Environ une heure après , la ann. 176/, Tamar, qui étoit dans le voifinage des roches , 6c qui avoit fait d'inutiles efforts pour lever fon ancre , fie fignal d'incommodité. Je rentrai donc dans la baie, où m'étant remis a l'ancre, j'envoyai le bout d'une hauf- lîère à bord de la Tamar, pour fécarter des roches, tandis qu'elle relevoit fon ancre. Nous parvînmes , a. l'aide de cette manœuvre , à l'élever au vent ; ôc à. midi, s'étanc trouvée dans un pofle plus avantageux, elle y refta mouillée. Nous paffâmes la nuit dans cette fituation, & le jour fuivant, 30, nous eûmes le matin un vent de O. N. O., plus violent encore que tous ceux qui avoient précédé. La mer groffit d'une manière effrayante ; les lames qui venoient nous affaillir de tous les côtés , s'élevoient plus haut que nos mats. Comme nous avions un mauvais fond, nous étions dans une crainte continuelle de voir couper nos cables. Si cela fût arrivé, notre vaiffeau au-rois été mis en pièces fur des rochers qui étoient fous le vent à nous , ôc fur lefquels la mer brifoit avec une fureur inconcevable ôc un bruit femblable à celui du tonnerre. Nous amenâmes la grande vergue 6c celle de mifaine , mouillâmes l'ancre d'affourche , filâmes un cable 6c demi fur notre féconde ancre , 6c après avoir paré le maître cable , nous demeurâmes ainfi affour-chés le refte du jour jufqu'à minuit, tandis que la mer ne ceffoit de brifer autour de nous , éc d'élever des tauies jufqu'au haut de nos grands haubans. Vers une Tome L O - heure du 31 , la tempête parut un peu s'adoucir; mais lnn. 1765. |a pluie tomboit toujours avec une égale force , & le tems refta embrumé & orageux jufqu'à minuit, que le vent ayant paffé au S. O., l'orage fe calma un peu ôc le ciel commença à s'éciaircir. r Avril. Le jour fuivant, premier d'Avril , nous eûmes un profond calme, qui ne fut interrompu que par quelques foiblcs -brifes. Mais le tems s'embruma de nouveau ; la pluie ne difcontinuoit pas , ce nous obfer-vâmes un courant qui portoit fortement vers l'Eft. A quatre heures, nous hifsâmes nos baffes vergues, remîmes en place le maître cable, relevâmes notre ancre d'affourche , éc a huit heures, la féconde ancre, dont nous trouvâmes le cable endommagé en plufieurs endroits, ce qui étoit d'autant plus fâcheux que c'étoit un très-beau cable tout neuf, éc qu'on mouilloit pour la première fois. A onze heures , nous étions à pic fur l'ancre de toue. Mais finftant d'après le vent calma , le ciel redevint brumeux éc la pluie recommença. Alors nous filâmes le greflin , prîmes une hanfière de la Tamar, nous nous touâmes jufques fur le banc que nous avions quitté éc nous laifsâmes tomber l'ancre d'affourche fur ^^ braffes d'eau. A fix heures du foir , les vents furent O. N. O., grand frais , accompagnés de violentes raffales & d'une pluie continuelle ; nous gardâmes notre polie jufqu'au 3 , que j'envoyai un canot de la Tamar, avec un Officier de chaque vaiffeau , pour découvrir dans l'Oueft un mouillage fur la côte méridionale ; éc j'en fis partir • en même-tems un du Dauphin pour tâcher d'en recon- - -noître quelqu'autre fur la côte du Nord. Le lendemain, 4 , dans la matinée , le canot du Dauphin fut de retour a bord. Il avoit côtoyé a l'Oued le rivage du Nord l'efpace de cinq lieues, & reconnu deux places propres au mouillage. L'Officier me dit, dans fon rapport, qu'il avoit rencontré des Américains dont les pirogues étoient d'une conftruélion bien différente de celles que nous avions déjà vues dans îe détroit. Elles étoient faites de planches coufues enfem-ble, au-licu que les autres n'étoient que des écorces d'arbre nouées aux deux bouts & traverfées dans le milieu par un morceau de bois court , pour les tenir ouvertes, à-peu-près comme les bateaux que les enfans font avec des coffes de pois. Les Américains lui parurent plus ftupides encore qu'aucun de ceux que nous avions vus. Ils étoient nuds, n'ayant malgré la rigueur du froid qu'une peau de loup de mer, jett^e fimple-ment fur leurs épaules ; mais il n'y a guère que les cochons qui euffent voulu goûter de leurs mets : cétoit un gros morceau de baleine , déjà en putréfaction & dont l'odeur infecloit lair au loin. L'un d'eux décou-poit avec les dents cette charogne, & en préfentoit les m°rceaux a fes compagnons qui les mangeoient avec la voracité des bêtes féroces. Cependant ils ne confi-déroient pas avec indifférence ce que nos gens poffé-doient ; car un matelot s'étant endormi , ils lui coupèrent le derrière de fon habit, avec une pierre tranchante qui leur fert de couteau. Oij 5 Vers les huit heures nous mîmes à la voile, ôc 'lJ^Ï' nous ne trouvâmes que peu ou point de courant. A midi , le Cap Upright nous reftoit a O. S. O., diftant de trois lieues. A fix heures du foir, nous mouillâmes dans la baie , fur le rivage méridional ; cette baie eft k l'Eft & à la diftance d'environ une lieue du Cap, 6c l'on y trouve 15 braffes d'eau. Tandis que nous y étions à l'ancre, & que nous nous occupions à faire du bois & de l'eau , fept ou huit Américains parurent en pirogue fur la pointe occidentale de la baie ; ils dépendirent k terre du côté oppofé k notre vaifleau, ôc firent du feu. Nous les invitâmes à venir à bord, par tous les lignes que nous jugions propres à les attirer , mais ce fut inutilement. Je m'embarquai dans mon ïole> 6c je me rendis auprès d'eux. Je m'introduifis en leur faifant des préfens de peu de valeur , éc dont ils parurent fort fatisfaits. Nous ne tardâmes pas à être bons amis ; j'envoyai l'ïole chercher du pain, ôc je reftai feul avec eux fur le rivage. Dès que mes gens furent de retour avec le bifcuit, je le partageai entre ces Américains; 6c je remarquai avec autant de furprife que de plaifir que s'il arrivoit qu'un morceau tombât à terre , aucun d'eux ne fe préfentoit pour le ramaffer, que je ne l'enfle permis. Nos gens fe mirent à couper des herbes pour quelques moutons que nous avions encore k bord. Les Américains s'en étant apperçus , coururent aufli-tôt en arracher, 6c les porter au bateau qui en fut bientôt rempli. J'étois touché de cette attention : mais je m'appercus que le plaifir que j'exprimois en cette occafion leur en faifoit beaucoup -à eux-mêmes. Ils prirent bonne opinion de nous, ôc Ann.it6jF« lorfque je retournai k bord , ils m'accompagnèrent dans leur pirogue. Cependant, arrivés au vaiffeau, ils s'arrêtèrent , Ôc considérèrent ce bâtiment avec une furprife mêlée de terreur. Je les invitai a monter a bord, mais ce ne fut pas fans peine que je déterminai quatre ou cinq d'entr'eux a s'y expofer. Je leur fis plufieurs petits préfens , 6c bientôt ils furent entièrement raffu-rés. Voulant leur faire fête, un de mes bas-Officiers joua du violon , èk quelques Matelots dansèrent. Us furent enchantés de ce petit fpeèlacle. Impatiens d'en marquer leur reconnoiffance , l'un d'eux fe hâta de defcendre dans la pirogue, il en rapporta un petit fae de peau de loup de mer , où étoit une graillé rouge dont il frotta le vifage du joueur de violon ; il auroit bien fouhaité me faire le même honneur auquel je me refufai ; mais il fit tous fes efforts pour vaincre ma modeftie , 6c j'eus toutes les peines du monde k me défendre de recevoir la marque d'eftime qu'il vouloir, me donner. Après leur avoir procuré quelques heures de divertiffement, je leur fis entendre qu'ils dévoient retourner k terre ; mais ils avoient conçu pour nous un tel attachement, que ce ne fut pas une chofe aifée que de les déterminer a rentrer dans leur pirogue. Ee dimanche 7, k fix heures du matin , nous appareillâmes, avec un vent modéré de l'E.'N. E., éc par un très beau tems. A fept heures, nous avions doublé |e Cap Upright, éc a neuf, il nous reftoit a l'E. S. E. d ■ diftance de quatre lieues. Bientôt après nous fen- i I o Voyage i" ""™" tîmes que le courant nous portoit à l'Eft ; fa vîtefTe Ann. jy6f. écoic d'un nœud 6c demi par heure. Le vent calma Avril fur les trois heures , 6c nous nous trouvâmes à la dii-pofition du courant qui nous porta vers l'Eft. Nous laifsâmes tomber une ancre fur laquelle nous filâmes jufqu'à 110 bralfes de cable avant qu'elle prît fond. Ce ne fut que de ce jour, que le canot de la Tamar, envoyé à la recherche des mouillages de la côte du Sud, revint à fon bord. Il avoit été à trois lieues du Cap Pillar, 6c il avoit découvert plufieurs excellens ancrages le long de la côte. La jour fuivant, 8 , à une heure du matin, les vents étant à l'Oueft très-frais , nous levâmes l'ancre, éc nous fîmes de là voile au milieu d'une épaiffe brume. A onze heures , les vents fe renforcèrent , accompagnés d'une grande pluie , éc la mer grofïiffoit horriblement. Nous nous apperçûmes bientôt que loin d avancer nous rétrogradions , nous prîmes donc le parti de porter fur une baie du rivage du Sud , diftante de quatre lieues éc à l'Oueft du Cap Upright ; éc nous y laifsâmes tomber l'ancre fur 20 brafîes deau ; le fond n'y étoic pas très-bon , mais , à d'autres égards, c'étoit une des meilleures retraites que nous euffions trouvées dans le détroit ; éc les vaiffeaux y font à l'abri de tous les vents. Dans l'après-midi, le vent ayant molli, éc tournant un peu vers le Sud, nous défafourchâmes. A quatre heures , le vent ayant pafîe du S à S. S E., éc devenu maniable, nous mîmes à la voile le Cap à l'Oueft. Nous fîmes environ deux lieues 6c demie : mais la nuit, qui tomboit, nous força de cher- cher un mouillage , que nous découvrîmes difficilement fur le rivage du Sud dans une très-bonne baie, où nous eûmes 20 bralles d'eau. Une violente rafïàle, qui nous vint de terre , penfa nous chailer de cette baie avant que nous fuirions a l'ancre, & fi nous n'euf-lions pas réufii à mouiller, nous aurions palîé une nuit très-critique dans le canal ; car dès l'inftant de notre mouillage, jufqu'au lendemain matin , nous effuyâmes Un véritable ouragan, avec une très-forte pluie fouvenc mêlée de neige. A fix heures du 9 , le vent étant au S. S. E., mais frais ce orageux , nous levâmes l'ancre ôc gouvernâmes à l'O. j N. O. en prolongeant la côte du Sud. A onze heures nous avions amené le Cap Pillar. Ce Cap gît O. 5 d3o/ N. avec le Cap Upright, a la diftance d'environ quatre lieues. Le Cap Pillar eft recon-noiflable par deux roches coupées en forme de tours qui terminent fon Commet, ôc Iorqu'il refte à l'O. S. O., on découvre une Ifle à la même hauteur , qui a en quelque manière l'apparence d'une meule de foin, èk qui eft bordée de plufieurs rochers. A fEft du Cap Pillar , le détroit s'ouvre jufqu'à fept ôc huit lieues de largeur. La terre des deux côtés eft d'une médiocre hauteur ; la côte du Nord eft moins élevée , ôc celle du Sud eft plus faine ; on peut la ranger avec beaucoup moins de danger ; mais l'une & l'autre font efearpées & morcelées L'Ifte de TVeft-wnjhr eft plus près de la côte du Nord que de celle ^ sud : elle gît N. E ôc S. O. avec le Cap Pillar. a côte du Nord, près du débarquement du détroit* i ïz Voyage Avril. eft bordée d'iflots éc de rochers fur lefquels la mer Ann. 1765. brife d'une manière terrible. La terre, aux environs du Cap Victoire, s'éloigne du Cap Pillar de dix à onze lieues dans la direction du N. O. £ N. Depuis le Cap Pillar , la côte fe fait S. S. O. <$ d 30' O. jufqu'au Cap Defiré, qui eft une terre baffe bordée d'un prodigieux nombre d'iflots 6c de brifans. A fept lieues environ à l'O. S. O. du Cap Defiré fe trouvent quelques écueiis dangereux, que Sir John Narborough a nommé les Juges. Des lames s'élèvent fur ces écueiis comme des montagnes , ôc s'y brifent avec un bruit horrible Quatre petites Ifles , qu'on nomme les Ifles de Direction , font éloignées du Cap Pillar d'environ huit lieues dans la direction du N. O. j O. Arrivés à la hauteur de ce Cap, il fit tout calme ; mais la. mer fe trotivoit prodigieufement houleufe , 6c des lames terribles battoient les deux rives 6c ne permet-toient pas d'en approcher. J'étois dans une continuelle crainte de voir les vents repaffer dans la partie de l'Oueft, 6c de nous trouver forcés , s'il ne nous arri-voit rien de pis , de faire dans le canal une marche rétrograde de plufieurs lieues ; mais heureufement pour nous, il s'éleva du S. E. un vent frais ; je mis aufîi-tôt toutes les voiles dehors, 6c courant près de fept milles par heure , je m'éloignai enfin de ces côtes redoutables ; à huit heures du foir , nous les avions laiffées à vingt lieues derrière nous. Alors, pour mieux faire porter la voile au vaiffeau , je fis abattre les cloifons de l'arrière , afin de pouvoir mettre deux de mes canots fous le gaillard ; & je plaçai la chaloupe au pied du grand grand mât, de manière que fur nos mâts de rechange , - — il ne reftoit que fiole. Ce léger changement produifit Ai**'£6i un effet furprenant dans la marche du vaiffeau ; car le poids de nos bâti mens à rames portés fur nos potences , donnoit trop de bricole au vaiffeau , èk nous courions rifque de les perdre dans un gros tems. Les difficultés 6k les dangers , que nous avons effuyés dans le détroit de Magellan , pourroient faire croire qu'il n'eft pas prudent de tenter ce paffage ; 6k que les vaiffeaux, qui partent d'Europe pour fe rendre dans la mer du Sud, devroient tous doubler le Cap Hom. Je ne fuis point du tout de cette opinion , quoique j'aie doublé deux fois le Cap Horn. Il eft une faifon de l'année , où non pas un feul vaifleau, mais toute une flotte peut en trois fcmaines traverfer le détroit ; 6k pour profiter de la faifon la plus favorable , il convient d'y entrer dans le mois de Décembre. Un avantage ineftimable qui doit toujours décider les Navigateurs à prendre la route du détruit , eft qu'on y trouve en abondance du céleri, du cochléaria , des fruits, 6k plufieurs autres végétaux ânti-fcorbuti-ques. C'eft à l'ufage de ces plantes que j'attribue la fanté dont nos équipages ont joui durant cette navigation. Perfonne ne reffentit la plus légère atteinte de fcorbuc, 6k nous n'eûmes perfonne fur les cadres pour quelqu'aucre maladie , malgré la rigueur du froid, 6c les travaux cxcefîifs auxquels nous fûmes expofés dans ce paffage, où nous entrâmes le Dimanche 17 Février, P°ur n'en fortir que le 9 d'Avril. Dès qu'on a dépaffé Tome i. P la baie ( d'Eau-Douce ) , il n'y a prefque pas un feui T a^" mou^age ou l'on puifle faire commodément de l'eau & du bois. Les obifacles que nous avons eu k vaincre ne peuvent être imputés qu'à la faifon de l'équinoxe , faifon ordinairement orageufe , & qui, plus d'une fois, mit notre patience k l'épreuve. CHAPITRE VIII. Navigation depuis le Détroit de Magellan jufqu'aux Ifles de Difappointment. Détails nautiques Jur cette navigation. Sortis du détroit de Magellan , nous dirigeâmes .--- ." notre route a l'Oueft jufqu'au iG Avril , que nous Aî^N*\J6S-eûmes connoiflance de fille Mafafuero, qui nous reftoit i ro. n. o. , un ^ rumb à l'Oueft , k la diftance d'environ dix-huit lieues ; mais nous n'appercevions point l'ifle de Juan-Fernandès \ les nuages, qui obfcurcif-foient rhorifon du côté du Nord , nous en déroboient la vue. Durant cette courfe, la variation de la bouflole avoit graduellement paflé de 11 d k 9 d 36' E. Nous gouvernâmes fur Mafafuero : nous eVi étions k fept lieues au moment du coucher du foleil, & nous parlâmes la nuit en panne. Le ij, dès la pointe du jour , nous remîmes le Cap en route , èk j'envoyai de chaque vaiffeau un canot armé fous les ordres d'un Officier , pour rcconnoître les fondes de la côte Orientale de rifle. Vers le midi, le milieu de l'ifle nous reftoit k l'Oueft, k la diftance d'environ trois milles ; tuais comme je vis nos bateaux côtoyer le rivage fans Pouvoir prendre terre, a caufe d'une lame qui battoit 17!^ CettC C^tC ' *e Souverna* ^Lîr ^a Part^e Septentrio-e Qe l'ifle, que je trouvai encore inaccellible : dans pij une étendue d'environ deux milles , elle eft bordée nn. 1765. ^'un récif qui s'étend au large. Cette Ifle , dont les terres font très-riantes , eft en grande partie boifée ; mais du côté du Nord que nous prolongions, il y a quelques clarières , qui préfentent des pièces de verdure , où nous vîmes paître des chèvres fauvages. Le coup-d'ceil de cette partie de l'ifle eft réellement fort agréable. Nos bateaux de retour, l'Officier, qui les commandoit , m'informa qu'il avoit trouvé un banc du côté de l'Eft qui touche à la pointe du Sud , à une diftance confidérabie du rivage, fur lequel nous pouvions jetter l'ancre, éc que vis-à-vis ce mouillage, il y avoit une très-belle cafcade d'une eau excellente; mais que près de la pointe du Nord il n'avoit découvert aucune place où l'on pût mouiller. Nos bateaux étoient revenus chargés d'une quantité de très-beaux poiffons qu'ils avoient pris à la ligne , tout près du rivage. Comme il étoit déjà tard , nous mîmes nos canots k bord, ôc nous gouvernâmes à l'Oueft pendant la nuit. Le 28, k fept heures du matin, nous mouillâmes notre ancre d'affourche fur le banc que lès canots avoient découvert ; nous y eûmes 24 braffes d'eau , fond de fable noir : les deux pointes les plus éloignées nous reftoient ^ l'une au Sud, Ôc l'autre au N. O. ; la cafcade au S. S. O. à la diftance d'un mille environ du vaiffeau. Cette partie de l'ifle gît Nord Ôc Sud, & fon étendue eft de quatre milles à peu-près. Les fondes, à deux encablures du rivage, furent régulièrement de ioà braffes.. Aussi-tôt que nous fûmes à l'ancre , j'envoyai les canots à terre pour chercher une place propre à Ann.i7 i r Avili. faire de l'eau & du bois ; mais comme j oblervai que la côte étoit remplie de rochers & que des lames bri-foient avec violence le long du rivage , j'ordonnai à tous ceux qui étoient dans les canots de prendre des corfets de liège, dont nous nous étions pourvus à notre départ, pour s'en fervir en pareilles occafions. A l'aide de ces corfets , qui non-feulement donnent de l'aifance au nageur , mais l'empêchent encore de fe brifer contre les rochers , la defcente fe fit avec facilité , ce nous nous procurâmes une bonne provilion d'eau 6c de bois. Il y avoit néanmoins une autre efpèce de danger contre lequel les corfets de liège ne pouvoient nous défendre , c'étoit des poiffons d'une énorme groffeur, connus fous le nom de Goulus de mer, très-communs fur cette côte. Nos gens échappèrent heureufement à ces poiffons dangereux ; mais ils furent plufieurs fois fur le point d'en être dévorés. Un de ces goulus , qui avoit plus de xo pieds de long, s'approcha d'un bateau, 6c fe faifit, à la vue des Matelots, d'un gros veau marin qu'il avala d'un feul trait. J'en ai moi-même vu un autre, d'une taille a peu-près femblable, dévorer ainfi un veau marin fous l'arrière de notre vaifleau. Nos &ens tuèrent quelques chèvres que nous trouvâmes d'un S°ût auffi excellent que la meilleure venaifon d'Angleterre. J'obfervai qu'une de ces chèvres avoit déjà été prife 6c marquée : fon oreille droite étoit fendue d'une lanière qui annonçoit que cela n'étoit pas arrivé acci-detltellement. Le poiffon étoit fi abondant , qu'un can°t pouvoit avec fes lignes en prendre , en peu - d'heures, pour nourrir 1 équipage deux jours de fuite» * Ces poiffbns , de différente forte , étoient tous d'un trcs-bon goût, ôc quelques-uns pefoient de 10 à 30 livres. Ce foir, les lames étoient fi groffes, que le canonnier Ôc un matelot qui étoient à terre, avec ceux qui remplifloient nos pièces a l'eau , n'ofèrent s'expofer à regagner le canot , qui revint à bord , fans les ramener. Le jour fuivant, 29, on découvrit, k un mille ôc demi au Nord du vaifleau, 6c à une diftance prefque égale des pointes Nord 6c Sud de l'ifle , une place beaucoup plus commode pour l'aiguade, en ce que la lame n'y brifoit point avec la même force fur le rivage. L a marée ici verfe douze heures au Nord, 6c reverfe enfuite douze heures au Sud ; ce qui nous étoit très-favorable , le vent fouflant de la partie du Sud avec une très-groffe mer, nos canots n'auroient jamais pu, fans l'aide de la marée, revenir à bord avec les pièces à l'eau. Nous parvînmes k faire dans ce jour dix tonneaux d'eau k cette nouvelle aiguade; 6c dans l'après-midi j'envoyai un canot pour reprendre le canonnier 6c le matelot qui avoient paifé la nuit k terre ; mais la lame étoit encore fi groffe que le matelot , qui ne favoit pas nager, craignit de s'expofer au danger, 6c le canonnier demeura avec lui. Je leur envoyai un autre canot pour les informer que d'après les apparences du tems , il étoit k craindre qu'il n'y eût dans la nuit quelque coup de vent qui chafsât le vaifleau loin du banc, ôc qu'on feroit dans la néceflité de les abandonner dans cette Ille. A ce dernier mef- An^6î' fage le canonnier fe mit a la nage 6c parvint au canot; mais le matelot, quoiqu'il eût un corfet de liège , dit qu'il fe noyeroit infailliblement , s'il tentoit d'y arriver ; 6c préférant une mort naturelle, il fe détermina à refter dans l'ifle ; il fit des adieux fort tendres a fes camarades , 6c leur fouhaita toute forte de bonheur. Cependant un des Quartier-Maîtres , au moment où le canot alloit s'en retourner, prit avec lui le bout d'une corde, fe jetta à travers les vagues, 6c nagea jufqu'au rivage, où le pauvre matelot déploroit fa deftinée. Le Quartier-Maître commença par lui remontrer les triff.cs conféquences d'une fi étrange réfolution ; 6c tout en lui parlant il lui paffa adroitement autour du corps le bout de fa corde , à laquelle il avoit fait un nœud coulant, 6c cria en même-tems à fes compagnons de tirer la corde dont ils tenoient l'autre bout; ce qui fut exécuté , 6c le matelot fut ainfi ramené à travers les vagues jufqu'au canot ; mais il avoit avale une fi grande quantité d'eau , qu'en le retirant, il paroiffoit être fans vie : on le fufpendit par les pieds , il reprit bientôt fes fens, 6c le jour fuivant il fut parfaitement rétabli. Dahs ce même jour , je nommai M. Mouat, qui commandoit la Tamar , Capitaine du Dauphin fous mon commandement, 6c M. Cumming,mon premier Lieutenant, le remplaça. M. Carteret, premier ^utenant de cette frégate , paffa à mon bord l\ la Place de M. Cumming , 6c je donnai a M. Kendal, I xo Voyage —''J un de s Contre - Maîrres du Dauphin, une commif- nn. ij6$. flon ^e feconr\ Lieutenant k bord de la Tamar. Avril. Le 30, k fept heures du matin , nous levâmes l'ancre, ôc gouvernâmes au Nord en prolongeant la côte de fine qui s'étend k l'Eft ôc au N. E. ; mais nous ne découvrîmes aucun endroit propre a l'aiguade. Nous pourfuivîmes donc notre route, le vent étant au S.E., & le tems fort couvert. A midi le milieu de l'ifle nous reftoit au S. S. E., a la diftance de huit lieues. Mai. J e continuai, le lendemain 1 Mai, k gouverner N. 3 d O. , & le jour fuivant k midi , je changeai la direction de ma route , 6c je portai k fOueft, dans le defîèin de reconnoître, s'il étoit poifible, la Terre de Davis, que les Géographes placent fur le parallèle de 27d 30' 6c environ k cent lieues k l'Oueft de Co-piapo au Chili ; mais au bout de huit jours de recherche, je ne vis nulle apparence de découvrir cette Ille à la latitude marquée fur les cartes , me trouvant k celle de 16d 46' S. 6c par 94 e1 45' de longitude O., ôc comme notre navigation devoit encore être longue, je me déterminai k faire prendre du N. O. à notre route, jufqu'à ce que j'euffe rencontré les vent alifés pour gouverner enfuite à l'Oueft, ôc chercher les Ifles Salomon , s'il eft vrai qu'elles exiftent, ou faire de nouvelles découvertes. Le 10, nous vîmes autour de notre vaifleau des bonites ôc des dauphins, 6c le jour fuivant nous ap-perçûmes des oifeaux, connus des Naturaliftes fous le nom d'Oifèaux folitaires : leur plumage brunâtre fur fur le dos 6k aux extrémités des ailes, eft blanc dans le relie du corps ; leur bec eft court, ainli que leur H]JJ^fi queue qui le termine en pointe. La déclinaifon n'étoit plus alors que de 4d 4^ E-; notre latitude S. de 24* . 30', èk la longitude de 97 e1 45' G. Le 14 nous rencontrâmes plufieurs poiffons d'une taille énorme , qu'on appelle Grampufis, ôk une fi grande quantité d'oifeaux , que je ne doutai pas que nous ne fûfiions dans le voifinage de quelques terres ; mais du plus haut des mâts rien ne fe montroit fur fhorifon. Notre latitude étoit de 23e1 2' S. ; la longitude de 101 d 28' O., & la variation du compas mefurée par les azimuths de 3 d 20 ' E. Dans la matinée du r6*, nous vîmes deux oifeaux très-remarquables; ils étoient de la grolfeur des oies, 6k s'élevoient à une grande hauteur ; leur plumage avoit la blancheur ôk l'éclat de la neige , & ils avoient les cuiffes noires ; je commençai à croire que j'avois paffé au Sud de quelque terre ou de quelques Ifles, car j'obfervai la nuit précédente , que la mer, qui de ce côté avoit été généralement houleufe, devint calme ôk unie pendant quelques heures, après quoi la houle reparut. Le 12, étant parles 20d 52 ' S., ôk 11-5 d 38' de longitude O. & ayant une petite brife de l'E. S. E. ; les lames qui nous venoient du Sud étoient fi groffes, èk fe fuccédoient fi rapidement , que nous nous trouvâmes ^ans un continuel danger de perdre nos mâts ; ce qui me ^étefmina à gouverner plus au Nord , tant pour Tome j. O " foulager le vaiffeau, que pour trouver les vents aîifés. ^76S- fcorbut commençoit à fe manifeffer dans les équipages, ôc j'eus le chagrin d'en voir mes meilleurs matelots attaqués. Ce même jour, pour la première fois, nous prîmes deux bonnites, & nous apperçûmes plufieurs compagnies de ces oifeaux qu'on rencontre fous le tropique ; ils nous parurent plus gros qu'aucun de ceux que nous euf-fions encore vu ; leur plumage eft d'un blanc vif, 6c la queue eft compofée de deux longues plumes. La variation de la bouflble avoit changé fa direction, ôc elle étoit de 19d O. Le 26, deux gros oifeaux voltigèrent autour du vaiffeau; ils avoient, avec un plumage noir, un collier déplumes blanches; leurs ailes étoient très-étendues , ôc leur queue étoit garnie de longues plumes ; ils avoient le vol pcfant, ce qui me fit croire qu'ils étoient d'une efpèce qui ne s'écarte pas loin des côtes. Je m'étois flatté que nous aurions les vents alifés au S. E., avant d'avoir couru fix degrés au Nord de Ma-Jafuero ; mais les vents fouffloicnt confia m ment du Nord , quoique des lames d'une hauteur extraordinaire nous vinflènt du S. O. ; notre latitude étoit de 16d «55' S. , la longitude de 127 d «55 ' G., ôc ici l'aiguille aimantée ne marquoit aucune variation. Le 28 , deux gros oifeaux d'une grande beauté , volèrent au-deffus du vaiffeau, l'un avoit le plumage blanc nuancé de brun , celui de l'autre étoit noir tacheté de blanc; ils fe feroient pofés fur nos vergues fi le roulis du vaiffeau ne les eut pas effrayés. du Capitaine Byron. 113 Le 31 , les vents varièrent du N.--J- N. O., au N. wrg. >iw tm o. j o. Alors les oifeaux furent en très » grand Ann.^j. nombre autour du vaiffeau. Cette circonftance Ôc Mai* la difpofition de ces énormes lames du Sud , me firent juger que nous n'étions pas éloignés de la terre. Nous obfervions avec toute l'exactitude imaginable , car le feorbut faifoit journellement de nouveaux progrès. Ce ne fut que le 7 Juin , qu'étant par les 14* Mtu S. , ôc 144 d 58' de longitude O., nous eûmes con-noiffance de la terre a une heure du matin. La variation de l'aiguille fe trouvoit être de 4d 30' E; je ferrai le vent à petites voiles jufqu'au jour, 6c nous vîmes alors dans l'O. S. O., a la diftance d'environ deux lieues, une petite Ifle baffe : bientôt nous ap-perçûmes au vent à nous, une autre Ifle qui nous reftoit E. S. E., entre trois 6c quatre lieues de diftance ; elle paroiffoit plus confidérable que la première que nous avions vue, 6c dont nous avions été très-près dans la nuit. Je gouvernai fur la petite Ifle, dont Pafpecl:, k mefure que nous en approchions , offrait une riante perfpective ; tout autour régnoit une plage d'un beau fable blanc : l'intérieur eft planté de grands arbres qui, en étendant leurs branches touffues, portent au loin leurs ombres, 6c forment, fans arbriffeaux , les hofquets les plus délicieux qu'on puiffe imaginer. Cette paroiffoit avoir près de cinq lieues de circonférence ; d'une pointe a l'autre s'étendoit une barre, ul ^quelle la mer écumoit avec fureur ; 6c de grof- - fes lames qui battoient toute la côte , en défèndoienc jy^*' l'accès de toute part. Nous nous apperçûmes bientôt que l'Ille étoit habitée , plufieurs Indiens parurent fur la grève, armés de piques de feize pieds au moins de longueur ; ils allumèrent plufieurs feux , que nous iuppofâmes être des fignaux , car f infiant d'après nous vîmes briller des feux fur Pautre Ifle qui étoit au vent à nous , ce qui nous confirma qu'elle avoit aufîi des habitans. J'envoyai un canot armé, fous les ordres d'un: Officier, pour chercher un mouillage; mais il revint avec la défagréable nouvelle qu'il avoit fait le tour de l'ifle fans avoir trouvé de fond à une encablure du rivage qui étoit bordé d'un rocher de corail très-efcarpé. Le fcorbut faifoit alors parmi nos équipages le plus cruel ravage; nous avions plufieurs matelots fur les cadres; ces pauvres malheureux qui s'étoient traînés fur les gaillards, regardoient cette terre fertile, dont la nature du lieu leur défendoit l'entrée, avec des yeux où fe peignoit la douleur; ils voyoient des cocotiers en abondance , chargés de fruit, dont le lait eft peut-être le plus puiflant antifcorbutique qu'il y ait au monde : ils fuppofoient avec raifon qu'il devoir y avoir des limons, des bananes & d'autres fruits qu'on trouve généralement entre les tropiques ; & pour comble de défagrément, ils voyoient les écailles des tortues éparfes fur le rivage. Tous ces rafraîchif- femens qui les auroient rendus a la vie , n'étoient pas plus à leur portée que s'ils en euflènc été féparés par la moitié du globe ; mais en les voyant, ils fentoienc plus vivement le malheur d'en être privés. Il eft bien vrai que leur fituation nétoit pas plus fâcheufe, que fi WMS** la diftance feule ôc non une chaîne de rochers les eût empêchés d'atteindre a ces biens fi defirables. Ces deux genres d'obftacles étant également infurmontables, des hommes fournis à l'empire de la raifon n'auroient pas dû être plus affectés de l'un que de l'autre ; mais c'étoit une de ces fituations critiques, où la raifon ne peut garantir les hommes de la force que l'imagination exerce perpétuellement pour agraver les calamités de la vie. Informé de la profondeur des eaux, je ne pus m'empêcher de faire le tour de fille, quoique je fuffe qu'il fût impoffible de fe procurer aucun des fruits qu'elle produifoit. Tandis que nous en prolongions les côtes , les naturels accoururent fur la plage, en pouffant des cris & en danfant; fouvent ils s'appro-choient du rivage, agitoient leur longues piques d'un air menaçant, fe jeteoient enfuite à la renverse, & demeuroient quelques inftans étendus fans mouvement & comme s'ils enflent été morts ; ce qui fignifioit-fans doute qu'ils nous tueroient fi nous tentions la def-cente. Nous remarquâmes en côtoyant le rivage, que les Indiens avoient planté deux piques dans le fable 9 au haut defquelles ils avoient attaché un morceau d'étoffe quj flottoit au gré du vent , ôc devant lequel plufieurs d'enti 'eux fe profternoient à chaque inftant, comme s'ils enflent invoqué le fecours de quelqu'être mvifible, pQur [es défendre contre nous. Durant cette navigation autour de l'ifle, j'avois renvoyé nos bateaux P°Ur fonder une féconde fois le long du rivage; mais - lorfqu'ils voulurent s'en approcher les fauvages jettèrent * des cris effroyables , maniant leurs lances avec fureur, ôc montrant avec des démonftrations de menaces, de groffes pierres qu'ils ramaffoient fur la rive ; nos gens ne leur répondirent que par des lignes d'amitié ôc de bienveillance , leur jettèrent du pain & plufieurs bagatelles propres a leur plaire, mais aucun d'eux ne daigna y toucher : ils retirèrent a la hâte quelques pirogues qui étoient fur le bord de la mer , ôc les portèrent dans le bois ; ils s'avancèrent enfuite dans l'eau , éc paroiffoient épier foccafion de pouvoir faifir le canot pour le tirer fur le rivage; les nôtres qui fe doutoient de leur delfein, ôc qui craignoient d'en être maflacrés s'ils tomboicnt dans leurs mains, bruloient d'impatience de les prévenir, en fartant feu fur eux ; mais l'Officier qui les commandoit ne devant point commettre d'hoftilités, les en empêcha. Ce n'eft pas que je ne me fulfe cru en droit d'obtenir par la force des rafraîchiffemens qui nous devenoient d'une nécef-fité indifpenfable pour nous conferver la vie, fi nous eufïions pu mettre k l'ancre, ôc que les fauvages fe fuffent obftinés à nous en refufer ; mais rien n'auroit pu juftifier Pinhumanité de leur ôter la vie pour venger des injures imaginaires ou même d'intention, fans qu'il nous en revînt le plus léger avantage. Ces Indiens . d'une couleur bronzée, font bien proportionnés; ils paroiffent joindre â un air de vigueur une grande agilité : je ne fâche pas avoir jamais vu d'hommes fi légers a la courfe. Cette Ifle eft par les I4d S , & 14.5a 4' de longitude O. ; nos ba- teaux m'ayant rapporté une féconde fois qu'on ne •——■----- découvroit aucun mouillage autour de cette Ifle, je Ann.i76$. 1/ . . . ,, 1, • Juin. me déterminai à aller vifiter 1 autre, ce qui nous occupa le refte du jour ce de la nuit fuivante. Le 8 , à 6 heures du matin, nous nous étions approchés du coté occidental de cette féconde Ifle, à la diftance de trois-quarts de mille ; mais nous ne trouvâmes point de fond avec une ligne de 140 braffes : nous apperçûmes alors plufieurs autres Ifles , ou , pour mieux dire, plufieurs péninfules, dont la plupart ne font liées entr'elles que par des langues de terre très-étroites, èk f i baffes, qu'elles font prefque au niveau de la furface de la mer, qui brife delTus avec violence. J'envoyai de chaque vaiffeau un canot armé, fous la conduite d'un Officier , pour fonder & tâcher de découvrir au vent des Ifles un endroit propre au débarquement. En approchant de ces terres, la première chofe que nous diffinguions , c'étoit les .cocotiers qui élèvent leurs rameaux épais ce chargés de fruits, au-deffus des autres arbres. Aussi-tôt que les Indiens virent partir nos canots , ils accoururent en foule fur le rivage, armés de lances ôc de mafl'ues ; ils fuivirent nos canots qui fondoient le long de la côte , ôc leur faifoient des geftes menaçant pour les empêcher d'aborder. Je fis tirer par-deffus leurs thes une pièce de huit livres de ka^e ; ils prirent précipitamment la fuite, ôc fe cachèrent dans le bois : à dix heures nos bateaux étoient de retour, mais ils n'avoient point trouvé de fond à a Plus grande proximité du rivage, fur lequel la mer brifoit avec un bruit horrible. Le milieu de ce grouppe ?H* d'iiles gît par les 14e1 10' de latitude S. , & 144 e1 «)2/ de longitude O. : la variation du compas y lut de 4 d 3'E. A dix heures 6c demie , nous quittâmes ces Iiles, & cinglâmes à l'Oueft; Pimpofibilité de pouvoir en tirer aucune efpèce de rafraîchilfement pour nos malades, dont la fituation devenoit à chaque heure plus déplorable , nous fit donner à ces Iiles le nom d'Ille s de D if appoint me nt. CHAPITRE CHAPITRE IX. Découverte des Ifles du Roi George. Defcription de ces Ifles. Détail de ce qui s'y efi pajfé. e 9 , à cinq heures après midi, nous eûmes con~ -r^^T noiflance d'une autre terre qui nous reftoit à po. S.o, anjÙ^7^' a la diftance de fix ou fept lieues. Nous mîmes à la cape pendant la nuit ; lorfque le jour parut nous étions à trois lieues de cette Ille; elle eft longue, baffe, le rivage eft une belle plage de fable blanc, bordée d'un rocher de corail. La contrée, couverte de cocotiers 6c d autres arbres, préfente un coup d'oeil agréable. Nous en prolongeâmes le côté du N. E., à la diftance d'un demi-mille du rivage : dès que les Indiens nous ap-perçurent, ils allumèrent de grands feux, fans doute pour répandre l'allarme parmi les habitans les plus éloignés, 6c coururent au rivage armés de la même manière que les fauvages des Iiles de Dijappointment. ■f^e ce côté de l'ifle on apperçoit au-delà des terres un g^and lac d'eau falée , dont l'étendue apparente eft de deux ou trojs ijeues j & qUi du côté oppofé n'eft féparé de la mer ql1e par une langue de terre très-étroite , dans Ce *ac eft un Iftot diftant de près d'une lieue de la pointe ^* en travers de laquelle nous avions mis â la cape. ef,*nujlaires ont bâti en cet endroit un village, que Tome J. R ..... les ombrages d'un bois de cocotiers garantirent des Am.pGf. rayons brûlans du foleil. J'envoyai aufli-tôt deux bateaux armés , commandés chacun par un Officier , pour reconnoître les fondes 6k la place la plus favorable à l'ancrage ; mais ils trouvèrent la côte bordée par-tout d'un rocher aufîï efcarpé qu'un mur , a l'exception de l'ouverture qui découvroit l'iflot, èk dont la largeur eft à peine d'une longueur de navire; 6k la même on y trouvoit 13 brafîes d'eau, fur un fond de corail. Nous mîmes en travers vis-à-vis de cette entrée nous vîmes quelques centaines d'Indiens rangés en bon ordre , 6k qui s'avancèrent dans l'eau jufqu'à la ceinture; ils avoient les mêmes armes que les Indiens des autres Ifles, 6k l'un deux portoit une longue perche , au haut de laquelle étoit attachée une pièce de nattes , ce que nous primes pour un drapeau : ils firent des cris affreux & continuels , 6k le moment d'après, plufieurs grandes pirogues dépendirent le lac pour fe joindre à eux ; nos canots qui étoient en avant leur faifoient tous les fignes pofîibles d'amitié , fur quoi quelques pirogues doublèrent l'Iflot pour s'en approcher : je crus d'abord que c'étoit avec de bonnes intentions , 6k qu'il s'établiroit entre nous un commerce d'amitié ; mais nous fûmes bientôt convaincus que les Indiens n'avoient d'autre deflein que d'échouer nos bateaux fur le rivage. Dans le même tems plufieurs Indiens s'élancèrent des rochers dans la mer 6k nagèrent vers nos canots ; l'un d'eux fauta dans le bateau de la Tamar, où en un clin d'œil il fe faifit de la vette d'un matelot, fe rejetta a la nage entre deux eaux , 6k ne reparut que près du rivage où il rejoi- gnit fes compagnons : un autre mit la main fur la ------:rr^ corne du chapeau d'un Quartier-Maître, mais ne fa- a*n. i76y. chant comment s'en emparer, il le tira a lui aulieu de le lever , ce qui donna le tems au Quartier-Maître d'empêcher qu'on ne le lui enlevât ; fans cela il auroit fans doute difparu avec la marrie promptitude que la vefle. Nos gens fouffroient cela avec patience , & les Infulaires triomphoient dans leur impunité. N'ayant pu réuffir à trouver un mouillage en cet endroit, vers midi nous continuâmes de prolonger la côte pour gagner la pointe la plus occidentale de fille. Nos bateaux nous fuivirent & fondèrent le long du rivage, mais fans trouver de fond. Lorfque nous eûmes amené cette pointe , nous vîmes une autre Ifle qui nous reftoit au S. O. | O. , diftante d'environ quatre lieues ; alors nous avions dépaffé de près d'une lieue 1' 1 fie où nous avions lailTé les Infulaires; mais ils n'étoient pas fatisfaits de s'être cirés tranquillement d'avec nous : j'apperçus deux doubles pirogues très-grandes, qui ve-noient à la voile fur nous. Dans chacune de ces pirogues étoient trente Indiens , tous armés a la manière du pays. Nos canots fe trouvoicit affez loin fous le vent à nous, & les pirogues, parlant entre le vaifleau & le rivage , paroiflbient très - empreflces d'aller les attaqUer- je £s fignal à nos canots de leur donner la chaffb ; & a pinftarit ils coururent fur les pirogues : les Indiens les voyant venir à leur rencontre prirent l'épouvante; ils amenèrent à finftuit leur voile , ôc ramèrent vers la terre avec une vîteffe furprenante. nves près du rivage, ilspafsèrent a travers la houle R ij 1 1 "" ,.. ; qui y brifoit avec force , & auffuôt les Indiens échoué-Ann. 176^. rent ]elIrs pirogues. Nos bateaux les fuivirent , Ce les Infulaires , craignant .une invafion fur leur côte , le préfentèrent armés de pierres & de bâtons pour empêcher la defeente ; cette réfiftance força nos gens a faire feu fur eux , & ils en tuèrent deux ou trois. L'un d'eux , qui avoit reçu trois balles à travers le corps ,. eut encore le courage de lever une groffe pierre , &z mourut en la lançant fur fes ennemis.. Cet homme vint tomber tout près de nos bateaux ; les fauvages n'eurent pas la hardieffe de l'enlever , & emportant avec eux les autres morts , ils le retirèrent fur l'Iflot où étoient leurs compagnons. Nos bateaux revinrent avec les deux pirogues qu'ils avoient pourfuivies : l'une avoit trente-deux pieds de longueur , l'autre un peu moins; mais toutes les deux étoient d'une conftruclion très - curieufe , qui leur avoit coûté des loins infinis ; elles étoient faites de planches parfaitement bien travaillées, 6c ornées de fcuJpture en plufieurs endroits : ces planches étoient proprement coufues enfemble, & fur chaque couture étoit une bande d'écaillé de tortue artiftement attachée, pour empêcher l'eau de pénétrer dans la pirogue, dont le fond étoit très-étroit, ce qui les obligeoic de les accoupler , en les affuiettiffant l'une à côté de l'autre par des pièces de bois, de manière cependant qu'elles laifloient entrelîes un efpace de fix ou huit pieds. Un mât étoit placé dans le milieu de chaque pirogue , éc la voile étoit tendue entre les deux mâts. La voile que j'ai confervée eft faite de nattes ; elle efi auffi ingénieufement travaillée qu'aucun ouvrage que j'aie jamais vu. Leurs pagayes n'étoient pas moins curieufes , & leurs cordages qui paroiffent iim............. être d'écorce de cocotiers , ont toute la force des nô- Ann. i76ç. très. Quand ces pirogues font à la voile , plufieurs perfonnes s'affeoient fur les pièces de bois qui les tiennent unies. La mer qui brifoit le long du rivage avec une égale force, ne nous permettoit pas de nous procurer des ra frai chiffe me nts dans cette partie de l'ifle. Je ferrai le vent & remontai l'Iflot, réfolu d'y tenter une féconde fois la defcente. Nous regagnâmes, dans l'après-midi, le pofte que nous avions déjà eu ; & je renvoyai les canots pour prendre encore une fois les fondes autour de l'Iflot, mais ils revinrent me confirmer que le mouillage y étoit impraticable. Pendant l'abfence de nos bateaux, j'obfervai un grand nombre dlnfulaires fur la pointe voifîne de l'endroit où nous les avions laiffés le matin ; ils paroiffoienfc emprelTés a enlever plufieurs pirogues qui étoient fur le bord de la mer : craignant qu'ils ne fuffent tentés de renouveller un combat, qui ne pouvoit que leur être funefte ; je leur fis tirer un coup de canon, dont les balles paffant par-deffus leurs têtes produisirent l'effet que j'en attendois ; tous en un m°ment difparurent. ^ 0 s bateaux parvinrent encore k defcendre k terre avant le coucher du foleil ; ils ramafferent quelques noix de cocos; mais ils n'a p perçurent pas un feul habitant. ^a,ïs la nuit , de violentes raffales , accompagnées Uue Cl"ès-forte pluie, nous obligèrent de louvoyer jufqu'à fept heures du matin, que nous revînmes nous •p^'m mettre en travers vis-à-vis l'Iflot. Nos bateaux parti-un. rent auffi tôt pour nous procurer des rafraîchiffements, & je fis mettre dans les bateaux tous ceux qui, attaqués du fcorbut , n'étoient cependant pas affez malades pour garder leur hamac. Je defcendis aufïi à terre, où je paffai la journée. Nous vîmes plufieurs maifons que les Infulaires avoient entièrement abandonnées : nous n'y trouvâmes que des chiens qui ne cefsèrent d'aboyer tant que nous fûmes à terre. Leurs maifons ou plutôt leurs cabanes étoient d'une très - mince apparence , couvertes de branches de cocotier ; mais la fituation en étoit on ne peut pas plus agréable. On y rcfpiroit un air frais 6k délicieux , à l'ombre d'un beau bois planté de grands arbres d'efpèces différentes , & dont quelques - unes nous étoient inconnues. Les cocotiers leur fournifîènt prefque tous les befoins de la vie; leur nourriture, leurs voiles, leurs cordages, les bois de charpente 6k de conftruclion : il eft bien probable que ces peuples fixent toujours leur habitation dans les lieux où ces arbres croiffent en abondance. Nous obfervâmes que le rivage étoit couvert de corail , 6c de coquilles de groffes huîtres perîières. Je ne doute-rois pas qu'on ne pût établir ici une pêcherie de perles , peut-être plus avantageufe qu'en aucun autre endroit du monde. Nous ne vîmes les habitans que dans l'éîoî-gnement. Les hommes étoient nuds; mais les femmes portoient une efpèce de tablier, qui les couvroit de la ceinture au genoux. Nos gens , en vifitant les cabanes des Indiens , trouvèrent la manivelle d'un gouvernail ; cette pièce , —-=: déjà rongée de vers, avoit vifiblement appartenu à a^-j7<^s' une chaloupe Hollandoife; ils trouvèrent auffi un morceau de fer battu , un autre de cuivre & quelques petits outils de fer , qu'autrefois les habitans de cette contrée avoient eus, fans doute, des Hollandois à qui étoit la chaloupe. Il feroit difficile de favoir fi les Indiens parvinrent à fe défaire des Hollandois, ou fi leur Vaiffeau vint fe brifer fur leur côte; mais on a lieu de croire que leur vaiffeau ne retourna jamais en Eu- , rope, puifqu'il n'y a point de relation de fon voyage , ni d'aucune découverte qu'il ait faite. Si ce vaifleau fit voile de cette Ifle, on ne devineroit pas trop pourquoi il y avoit laiffé le gouvernail de fa chaloupe; 6c s'il fut mis en pièces par les Indiens , il doit y avoir dans cette Ille des reffes plus confidérables de fes fer-remens^ auxquels les fauvages attachent un très-grand prix ; mais nous n'eûmes pas le tems de faire de plus grandes recherches. J'emportai avec moi le fer battu , le cuivre 6c les outils de fer ; nous leur en laifsâmes un exactement de la forme d'une hache de Charpentier, & dont la lame étoit une coquille d'huitre per-lière. Il eft poflible qu'il ait été fait à l'imitation d'une hache ; car parmi les outils que j'ai pris dans cet endroit , il y en avoit un qui paroiffoit être le refte de cet mftrurnent^ quoiqu'il fût prefqu'entiérement ufé. A une très-petite diftance des maifons des Infulai-res , nous vîmes des bâtimens d'une autre efpèce, & a{lez rellèmblans à des tombeaux ; ce qui nous fit roire Qu'ils avoient une grande vénération pour les morts. Ces bâti mens étoient ombragés par de grands arbres, les murs ôc le comble en étoient de pierre; ôc dans leur forme , ils avoient prefque l'apparence de ces tombeaux quarrés qu'on voit dans nos cimetières de village. Nous trouvâmes plufieurs caiffes remplies d'os de morts , dans les environs de ces bâtimens ; ôc fur les arbres qui les ombrageoient , pendoient des têtes ôc des os de tortues , ôc une grande quantité de poiffons de différentes efpèces renfermés dans une corbeille de rofeau. Nous primes de ces poiffons ; 6c il n'en reftoit que la peau 6c les dents : ils paroiffoient avoir été vuidés, 6c la chair en étoit defféchée. Nos bateaux firent plufieurs voyages k terre, pour en rapporter des noix de cocos ôc une grande quantité de plantes anti - feorbutiques, dont l'ifle eft couverte. Ces rafraîchiffemens nous furent d'un fi grand fecours , que bientôt il n'y eut plus perfonne atteint du feorbut. L'eau douce qu'on trouve dans cette Ifle eft admirable, mais elle n'y eft pas en abondance. Les puits, qui fourniffent aux befoins des Infulaires, font fi petits , qu'on les allèche en y puifant deux ou trois fois plein une coquille de cocos; mais, comme ils ne tardent guère a fe remplir , fi l'on fe donnoit la peine de les élargir , il n'y a point de navire qui ne pût aifé-ment y faire de l'eau. Nous n'apperçûmes ici aucun animai venimeux; mais les mouches y font infupportables : elles nous couvroient de la tête aux pieds, ôc nous étions cruellement du Capitaine -Byron. 137 iement incommodés dans nos bâtimens : on y voie un ' '" grand nombre de perroquets & d'autres oifeaux qui A"ju^6s' nous étoient entièrement inconnus ; des efpèces de colombes d'une rare beauté fixèrent particulièrement nos regards : elles étoient fi douces, fi familières, qu'elles nous approchoient fans crainte , & nous fui-voient fouvent dans les cabanes des Indiens. De toute cette journée, on ne vit point paroître les Infulaires, qui fe tinrent cachés; nous n'apperçumes même aucune fumée dans fille ; ils craignoient fans doute quelle ne nous découvrît le lieu de leur retraite. Le foir nous retournâmes à bord. Cette partie de l'ifle eff fituée par les i4d 19' de latitude S, ôc 148 d 50' de longitude O. De retour à hord, nous nous écartâmes un peu de la côte, me pro-pofant de faire voile le lendemain pour reconnoître l'autre Ifle, que j'avois vue k YOueft de celle où nous nous étions arrêtés , ôc qui eft k foixante-neuf Jieue^s des Ifles de Difappointmcnt, dans la direction de l'Oueft un demi-rumb au Sud. Le lendemain, 12 , a fept heures, nous courûmes fur cette Ifle. Lorfque nous en fûmes a portée , )e gouvernai S. O. -\- O. , en ferrant le côté du ; majs nous ny trouvâmes point de fond. Ce côté s'étend k environ fix ou fept lieues ; ôc l'ifle fe préfente k-peu-près comme celle que nous venions de Cutter. On y voit de même un grand lac dans l'intérieur. Dès que notre vaiffeau fut apperçu des Infulai- Torne J. S rcs , ils accoururent en foule fur le rivage; ils étoient Ann. 176/. armés comme ceux des autres Ifles , <3c ils nous fui-virent pendant plufieurs lieues, tandis que nous prolongions la côte. Comme la chaleur de ce climat eft très-grande , ils paroifloient fouffrir d'une courfe fi longue ; car quelquefois ils fe plongeoient dans la mer, ou fe jettoient tout étendus dans le fable qu'arrofent les lames qui fe brifent fur le rivage ; ôc ils rc comme 11-çoient enfui te à courir. Dans ce même tems, nos bâtimens à rames fon-doient le long de la côte comme à l'ordinaire ; mais j'avois expreffément défendu aux Officiers qui les com-mandoient, de ne faire aucune violence aux Indiens , à moins qu'ils n'y fuffent forcés pour leur propre dé-fenfe ; ôc d'employer tous les moyens imaginables pour gagner leur amitié & leur bienveillance. Nos gens s'approchèrent du rivage d'aufïi près que les lames purent le leur permettre, & firent ligne aux Infulaires qu'ils avoient befoin d'eau. Les Indiens les comprirent d'abord , & leur firent entendre de s'avancer plus loin le long du rivage. Nos canots continuèrent de prolonger la côte , jufqu'à ce qu'ils arrivèrent à la vue d'un village conftruit comme celui que nous avions vu dans la dernière Ifle. Les Inlulaires les fui-virent en cet endroit, ôc furent joints par plufieurs autres. Nos bateaux rangèrent le rivage d'aufïi près qu'il fut poffible , ôc nous nous tînmes prêts à leur envoyer des fecours, ôc à les foutenir de notre artillerie. Nous vîmes alors un vieillard defeendre du vil- lage vers le bord de la mer. Il étoit fuivi d'un jeune homme. Sa taille étoit haute 6c il paroiflb.it vigou- Ann.^t^. reux ; une barbe blanche , qui lui delcendoit jufqu'à la ceinture , lui donnoit un air vénérable. Il fembloit avoir l'autorité d'un Chef ou d'un Roi. Les Indiens, a un (igné qu'il fit, fe retirèrent à une petite diftance, & il s'avança fur le bord du rivage. D'une main il tenoic un rameau verd , & de fautre , il preffoit fa barbe contre fon fein. Dans cette attitude , il fit un long difeours ; fa prononciation cadencée pouvoit faire croire qu'il chantoit; & cette efpèce de chant n avoit rien de défagréable. Nous ne regrettions pas moins de ne pas l'entendre , que de n'en pouvoir pas être entendus nous-mêmes. Cependant, pour lui donner des marques de bienveillance, nous lui jettâmes quelques préfens de peu de valeur, lorfqu'il parloit encore; niais il n'y toucha point, & il ne voulut pas permettre aux liens de les ramaffer avant qu'il n'eût achevé fa ha-* rangue. Alors il s'avança dans la mer, jetta à nos^ gens fon rameau verd , & prit enfuite les préfens qu'on lui avoit faits. Toutes les apparences nous faifant bien augurer de ce peuple , nous leur fîmes ligne de pofer bas leurs armes, & la plupart d'entr'eux les quittèrent -fur le champ. Un de nos Officiers de poupe , encourage par ce témoignage d'amitié, fauta du canot, nagea tn*vers les lames jufqu'au rivage. Les'Indiens l'entourèrent auflitot , & commencèrent à examiner fes habits avec beaucoup de curîofité : ils parurent fur-tout admirer fa vefte. L'Officier de poupe eut la générofité e 1 oter 6c d'en faire un don a fes nouveaux amis ; mais S ij 140 Voyage cette complaifance produira un mauvais effet. Il n'eut NJi\17^' ^as P^111^ donné fa veffe, qu'un Infulaire lui dénoua fa cravate , la lui arracha & prit la fuite. Notre homme fentit qu'ils ne lui lailferoient rien fur le corps ; il fe retira comme il put, éc regagna fon canot à la nage. Cependant nous étions toujours en bonne intelligence avec eux. Plufieurs nagèrent jufqu'à nos bateaux ; quelques-uns apportèrent des fruits ôc d'autres de l'eau douce dans des coquilles de cocos. Mais le principal objet de ceux qui montoient les canots , étoit d'obtenir des perles de ces Infulaires ; ÔC pour mieux le leur faire comprendre , ils leur mon-troient des écailles d'huitre perlière qu'ils avoient ra-maffées fur la plage de l'ifle où nous étions defeen-dus : tous leurs efforts furent infructueux ; jamais ils ne parvinrent à fe faire entendre. Nous aurions eu peut-être plus de fuccès , s'il nous avoit été poffible de faire quelque féjour parmi eux ; mais malheureufe-ment la côte ne fourniffoit aucun mouillage pour nos vaiffeaux. La paffion des Indiens pour les grains de verre , ne permet pas de fuppofer qu'ils ne faffent aucun cas des perles des huitres qui fe trouvent fur leurs côtes; ôc il eff bien vraifemblable que fi nous euffions pu avoir avec eux quelque commerce, ils n'auroient pas manqué de nous donner de ces perles précieufes en échange de clous, de haches ou de quelques verroteries , auxquels ils attachent avec raifon un beaucoup plus grand prix. Nous apperçûmes dans le lac deux ou trois grandes pirogues, dont Tune avoit deux mats tenus - par des cordages. ^j^{7^ Nous donnâmes à ces Ifles,, dont nous venions de faire la découverte , le nom d'Ifles du Roi George. Cette dernière fe trouve par les 14 e1 41 ' de latitude S. , 6c 149 d 157 de longitude O. \ l'aiguille aimantée y déclinoit de $ d à l'Eft, 4 " gpfE=r—-~~--- CHAPITRE X. Navigation depuis les Ifles du Roi George jufqu'aux Ifles de Saypan , Tinian cy , mîmes à l'ancre dans la rade de Madère. Pendant que j'étois à cet endroit, ne connoiffanc pas encore le lieu de ma deftination , j'écrivis une lettre au Capitaine Wallis pour lui représenter que je manquois de fil de carret, & l'informer de la réponfe qui m'avoit été faite lorfque j'en avois demandé au Commiffaire Ordonnateur de Plymouth. Il m'en envoya cinq cens livres ; cette quantité n'étoit pas fuffifante pour fatisfaire mes befoins , & je fus forcé bientôt après de mettre en pièces quelques - uns des cables ? ahn de fauver mes agrets. Lieutenant m'avertit le 9, dès le grand matins que neuf des meilleurs matelots s'étoient échappés du vaiffeau pendant la nuit & avoient gagné la côte à la nage , entièrement nuds , & n'emportant rien que ,eur argent , qu'ils avoient enveloppé dans un mou-01r attaché autour de leurs reins. Il ajouta que les déferteurs ne s'étoient pas quittés jufqu'à ce qu'ils fulfent près de la houle qui brife avec violence fur le rivage , éc qu'alors un d'eux effrayé du bruit des vagues s'en étoit revenu en nageant près du vaifleau où il avoit été pris k bord , mais que les autres avoient eu le courage de fe hazarderau milieu des flots. Comme îa perte de ces hommes auroit eu pour nous des fuites funeffes , j'écrivis fur le champ au Conlul pour le prier de m'aider k les recouvrer ; je n'avois pas encore fini ma lettre, lorfqu'il me fit dire qu'au grand éton-nement des Naturels du pays on venoit de les trouver nus fur le rivage , qu'on les avoit mis en prifon éc qu'on n'attendoit que mes ordres pour les renvoyer. Je dépêchai un bateau , & dès que j'appris qu'ils étoient arrivés, j'allai fur le pont. Je fus charmé de voir le repentir fur leurs vifages , & je fus intérieurement porté à ne pas leur infliger une punition à laquelle ils lem-bloient difpofés à fe foumettre de bon cœur , pour expier leur faute. Je leur demandai ce qui avoit pu les porter k s'enfuir du vaiffeau éc quitter le fervice de leur patrie , au rifque d'être dévorés par les goulus , ou déchirés en pièces par la houle qui battoit fur la cote, lis répondirent que quoiqu'ils eufTènt couru tant de dangers en nageant vers la grève, ils n'avoient jamais eu intention de déferter le vaiffeau qu'ils étoient réfolus de ne pas quitter tant qu'il pourroit naviguer, mais que fâchant bien qu'ils entreprenoient un long voyage dont perfonne n'étoit affuré de revenir , ils avoient jugé qu'il feroit un peu dur de n'avoir pas une occafion de dépenfer leur argent, & s'étoient déterminés k boire encore une bouteille d'eau-de-vie & revenir enfuite à bord, où ils efpéroient arriver avant qu'on s'appercût de leur départ. Je voulois leur par- Ann- xn(^' i .* , . r, > , Septemb. donner , oc je n examinai pas trop ieverement leur apologie , que le refte de l'équipage qui les entouroit paroiffoit beaucoup approuver. Je leur fis obfcrver qu'après avoir bu une bouteille d'eau-de-vie , ils au-roient été peu en état de traverser la houle k la nage, éc je leur dis qu'efpérant que déformais ils n'expo-feroient leurs vies que dans des occafions plus importantes & que je n'aurois point a me plaindre de leur conduite , je ne leur infligeois d'autre châtiment que la honte éc le regret dont je les voyois pénétrés. Je penfai qu'ils avoient befoin de repos , je les avertis de remettre leurs habits éc de fe coucher. J'ajoutai que fi pendant notre voyage j'avois befoin de bons nageurs, je connoiffois avec plaifir a qui je pourrois m'adrefiër. Ayant ainfi diffipé la crainte de ces braves matelots ; je fus très - fatisfait de remarquer le murmure de contentement qui fe fit entendre alors au milieu de tous les gens de l'équipage. Ma clémence fut bien payée par la fuite ; au milieu des peines & des dangers de notre voyage , ces déferteurs nous rendirent toute forte de fervices avec un zèle éc une ardeur qui leur fait honneur & qui fervit d'exemple au* autres. Nous remîmes k la voile le 12 , & le Capitaine Wallis me donna une copie de fes inffru&ions qui m apprit l'objet de notre voyage. Il nomma le Port-Famîne dans le détroit de Magellan , pour rendez-vous en cas que nous vinffioos a nous féparer. J'etois convaincu que l'on m'envoyoit à une ex-^cpcemb5, pédiiiôri que le Swallow 6c fon équipement n'étoient pas en état d'accomplir ; mais je réfolus k tout événement de faire mon devoir , le mieux qu'il me feroit pofîible. Novemb. Nous continuâmes notre route, & il ne nous arriva rien digne d'être rapporté , jufqu'k ce que nous mîmes k l'ancre k la hauteur du Cap de la Vierge-Marie , où nous vîmes les Patagons dont j'ai fait la defeription dans une lettre au Dofteur Matty publiée dans le foixantième volume des Tranfaélions Philofo-? phiques. 11 feroit inutile de 3a répéter ici, d'autant plus qu'elle eft conforme en général k celle qu'ont donnée le Commodore Byron éc le Capitaine Waliis. Lorsque nous entrâmes dans le détroit, on m'ordonna de marcher en avant du Dauphin éV de la Flûte afin de les piloter au milieu des bas - fonds ; mais mon bâtiment manœuvroit fi mai qu'il nous étoit très-rarement poifible de le virer fans le fecours d'un bateau qui nous touât ; cependant après bien des tra-? vaux éc bien des dangers nous mîmes à l'ancre dans jX'cemb. le Port-Famine le %6 Décembre. Nous démontâmes alors notre gouvernail pour y ajouter une pièce de bois , j'efpérois qu'en le rendant plus large , le vaifleau s'en trouveroit mieux j cette opération ne répondit pas à mon attente. Après avoir effuyé de nouveaux périls & de nou* velles difficultés pour aborder dans la baie eVIfland, où où nousarrivâmesle 17 Février Avant de remettre a la voile fexpofai au Capitaine Waliis dans une lettre la ^V^7* fituation de mon vaifleau, & je le priai d'examiner ce qu'il étoit plus a propos de faire pour le fcrvice de Sa . Majefté; s'il vouloit le renvoyer , ou s il devoit continuer le voyage. 11 me répondit que puifque les Lords de l'Amirauté i'avoient delliné à une expédition dont je connoiflbis bien l'objet, il ne croyoit pas être lejnaî-. tre de changer fa dettination. Nous continuâmes donc k naviger enfemble dans le détroit pendant quelque tems, 6c comme je favois déjà pafle une fois , on me dit de me tenir en avant & do fervir de guide, en me donnant la liberté de mettre k l'ancre ou k la voile lorfque je le jugerois convenable. M'appercevant que le Swallow étoit très mauvais voilier , qu'il retardoit beaucoup le Dauphin , & que pro^ hablement il lui feroit manquer la faifon de gagner la mer du Sud , ce qui auroit renverfé le projet du Voyage ; je propofai au Capitaine Waliis de laiffer le Swallow dans quelque anfe ou baie; de monter moi-même fes bateaux pour l'accompagner Ôc faider juf-Su a ce qu'il eût traverfé le détroit. Je lui remontrai *lUe par là il acheveroit fon paifage , fuivant toute aPparence beaucoup plutôt , que fi mon bâtiment lui £ufoic perdre du tems. Afin de lui faire agréer ce pian , je lui fis remarquer qu'il pourroit compléter fes provifions de bouche 6c de marine , éc fon équipage avec ce qui étoit dans mon vaifleau, & le renvoyer en Angleterre avec ceux de fes gens que la maladie rcndoit incapables de le fuivre. J'ajoutai qu'en m'en retournant Tome J, Bb L- -------- dans la Grande-Bretagne , j'examinerois la côte oricn- Anm. 1767. taje fes Patagons, ou que j'entreprendrois de faire toutes les autres découvertes qu'il voudroit m'indiquer. Enfin je lui dis que s'il croyoit avoir befoin pour faire réuîlir le voyage des connoiffances que j'avois acquifes dans les mers du Sud, j'étois prêt d'aller avec lui k bord du Dauphin , & d'abandonner le commandement du Swallow à fon premier Lieutenant dont je remplirois la place , ou de faire le voyage moi feul avec le Dauphin, s'il vouloit remmener en Europe le Swallow j mais leCapitaine Waliis perfifta toujours dans l'opinion , que d'après les ordres que nous avions reçus les deux vaiffeaux dévoient continuer leur route fans fe féparer. Le Swallow étoit alors en fi mauvais état qu'en portant toutes fes voiles , il ne pouvoit pas faire autant de chemin que le Dauphin avec fes huniers à un feul ris. Nous marchâmes pourtant de conferve jufqu'au 10 Avril, quand nous apperçûmes l'entrée occidentale du détroit 6c la grande mer du Sud. Jufques-lk , je m'étois tenu en avant fuivant les directions qu'on m'avoit données, mais alors \c Dauphin fe trouvant prefque k notre travers, il envergua fa mifaine qui lui fit bientôt gagner le pas ; & fur les neuf heures du foir , comme il ne nous montroit point de fignaux, nous le perdîmes de vue. Nous avions une jolie brife Efi , dont nous profitâmes le mieux qu'il nous fut poflible pendant la nuit , portant toutes nos petites voiles , & même les boute - hors du grand perroquet malgré le danger auquel nous nous expo- fions. Le lendemain , à la poince du jour , nous " voyions encore les huniers du Dauphin au-deffus de Al^N-1/67« Phorifon , 6c nous apperçûmes qu'il porcoïc fes boute-hors. A neuf heures , nous le perdîmes entièrement de vue ; 6c nous jugeâmes qu il avoit débou-qué le détroit; mais nous étions toujours au-defibus de la terre , 6c nous n'avions que des vents légers 6c variables. Je n'eus plus d'efpoir alors de revoir le Dauphin ailleurs qu'en Angleterre , puifque nous n'avions point concerté de plan d'opération , ni nommé aucun rendez-vous , comme nous avions fait de Plmouth au détroit de Magellan. Cette fépara-tion étoit d'autant plus malheureufe pour moi , que pendant les neuf mois que nous avions navigué en-femble , on n'avoit mis à bord du Swallow aucune des étoffes de laines, toiles , verroteries, couteaux, eifeaux éc autres ouvrages de coutellerie deffinés k l'ufage des deux vaiffeaux , éc qui étoient fi néceffaires pour obtenir des rafraîchiffemens des Indiens. Nous manquions d'ailleurs de forge 6c de fer , fans quoi nous ne pouvions peut-être pas conferver notre bâtiment. J'eus cependant la fatisfaèHon de ne point appercevoir ^e marques d'abattement parmi l'équipage, j'encourageai mes gens en leur difant, que quoique le Dauphin uc le meilleur des deux vaiffeaux , j'efpérois que ce défavantage feroit amplement compenfé par leur courage j Jeur habileté 6c leur bonne conduite. A midi de ce jour , nous étions en travers du Cap •Prffor , lorfque une brife s'élevant au S. O. , nous Umes °hligés d'abattre nos petites voiles , de rifer Bbij ''...........■' ■ nos huniers 6c de ferrer le vent. Bientôt après elle Ann. 17^7. fraîehit à PO. S. O. en foufflant directement de-bout de la mer , & après avoir fait deux bordées , pour doubler la terre, nous eûmes le chagrin d'ap-perccvoir que nous ne pouvions pas en venir a bout. Il étoit prefque nuit , le vent augmenta éc chaffa devant lui une groffe houle , 6c il furvint un brouillard avec une pluie violente. Nous rangeâmes de près la côte méridionale , 6c j'envoyai un bateau en avant pour découvrir la baie Tuefday , ( Mardi ) que Sir Jean Narbourough dit être à quatre lieues du détroit , ou quelque autre endroit qui pût nous fervir de mouillage. A cinq heures, nous ne pouvions pas voir terre, quoiqu'elle foit très-haute 6c que nous n'en fuffions qu'à un demi - mille ; à fix heures , PépaiMeur de la brume avoit rendu la nuit fi téné-breufe que nous ne voyions pas à la moitié de la longueur du vaifleau ; je mis à la cape pour attendre le bateau dont j'avois beaucoup de raifon d'être inquiet. Nous allumâmes des flambeaux, 6c nous fîmes de tems en tems des feux pour fignal , mais étant toujours incertains fi nos gens les appercevoient à travers le brouillard & la pluie , je fis tirer un coup de canon à toutes les demi-heures, 6c enfin j'eus la confo-lation de les reprendre à bord : ils n'avoient découvert ni la baie Tuefday , ni aucun autre mouillage. Nous fîmes voile le refte de la nuit , tâchant de nous • tenir près de la côte méridionale éc de conferver autant qu'il nous feroit poffible le chemin que nous avions gagné à l'Oueft. Le lendemain, ii,à la pointe du jour , je dépêchai une féconde fois le Maître dans le canot à la recherche d'un endroit où nous puf-fions mettre a l'ancre fur la côte Sud. J'attendis fon A^N-I767-retour jufqu'à cinq heures de l'après-midi , dans la perplexité la plus accablante ; je craignois que nous ne fuŒons obligés de paffer encore une nuit dans ce parage dangereux; mais je le vis fonder une baie, 6c fur le champ je tirai vers lui. Peu de tems après le Maître revint à bord, 6c nous apprîmes avec une joie inexprimable , que nous pouvions y jetter l'ancre en toute sûreté. A l'aide de notre bateau, nous y mouillâmes fur les fix heures, 6c j'allai dans ma chambre pour prendre quelque repos. J'étois à peine couché fur mon lit, que je fus allarmé par un cri 6c un tumulte univerfel ; les gens de l'équipage qui étoient dans l'entre-pont couroient en hâte fur le tillac 6c joi-gnoient leurs clameurs à celles des autres. Je me levai à l'inftant imaginant qu'un coup de vent avoit forcé le vaiffeau fur fon ancre 6c le chaffoit hors de la baie. En arrivant fur le tillac , j'entendis l'équipage s'écrier dans un tranfport de furprifc 6c de joie, qui approchoit beaucoup de l'extravagance , le Dauphin ! le Dauphin ! Dans quelques minutes cependant nous fûmes convaincus que ce que nous prenions pour un vaiffeau n'étoit rien autre que des trombes d'eau éle-Vees dans l'air , par un des coups de vent violents qui partoicnt fans interruption de la haute terre. La hrume fervoit à nous tromper. Cet erreur déconcerta d'abord l'équipage, mais avant de les quitter, j'eus le plaifir de voir nos gens reprendre leur courage 6c leur gaieté ordinaires. ï 9 8 Voyage -'.M"Ll±:z~ La petite baie où nous étions a l'ancre, eft fi tuée à nn 1767. env;ron trojs lieues E. \- S. E. du Cap Pillar. C'eft la première plage qui ait quelque apparence de baie en dedans de ce Cap , qui gît au S. \ S E. , à environ quacre lieues de Pille que Sir Jean Narbourough a appelle W'eftminjler-Hall, a caufe delà rcflernblance qu elle a de loin avec ce bâtiment. La pointe occidentale de cette baie , qui eft coupée perpendiculairement comme la muraille d'une maifon , eft facile à re-connoître. 11 y a trois Ifles à deux encablures en-dedans de fon entrée , 6c en-dedans de ces Iiles on trouve un tris bon havre, avec un mouillage par 2^ 6c 30 brafles , fond de vafe molle. Nous mîmes à l'ancre en dehors de ces Iiles ; le paffage qui eft entre-eîles n'a pas plus d'un quart d'encablure de largeur; notre petite baie avoit environ deux longueurs de cable de large ; les pointes portent E. 6c O. de l'une \ à l'autre: la fonde donne 16 à 18 bradés dans l'intérieur , mais la mer eft plus profonde à l'endroit où nous étions. Nous avions une ancre par 17 brafles 6c l'autre par 4.5 , 6c entre les deux plufieurs brifans 6c des rochers. Un'vent très-fort nous faifoit chafîcr 6c le fond étant très-dangereux , nous craignions à chaque inftant que nos cables ne fuffent coupés. Lorfque nous les relevâmes , nous fûmes fort furpris de voir qu'ils n'étoient endommagés par aucun endroit , quoique nous ne les pulïions dégager qu'avec peine d'entre les rochers. J^a terre eft par-tout élevée autour de cette baie 6c du havre, 6c comme un courant porte continuellement vers la côte, je ne doute pas qu'il ny ait quelque autre communication avec la mer au Sud du Cap Dc-feado ( Defiré ). Le Maître nous dit qu'il s'étoit avancé Ann- l767-à quatre milles dans un bateau , 6c qu'alors il n'étoit vu ' sûrement pas éloigné de plus de quatre milles de l'Océan occidental; cependant je vis toujours une large entrée au S. O. : le débarquement eft bon par-tout, on peut y faire facilement du bois 6c de l'eau , 6c il y a des moules 6c des oies fauvages en abondance. De la côte feptentrionale de l'extrémité Oueft du détroit de Magellan, qui eft fituée a - peu-près au ^2d ~ de latitude S. jufqu'au 48 d la terre, c'eft-k-dire, la côte Oueft du pays des Patagons, porte N. 6c S. Elle eft entièrement compofée d'Ifles coupées par \ la mer, parmi lefquelles fe trouvent celles que Sharp appelle Ifles du Duc d'York. Il les a placées à une diftance confidérable de la côte, mais s'il y avoit plusieurs Ifles dans cette fituation , il eft impofhbie que le Dauphin, la Tamar ou le Swallow ne les euffent pas vues , puifque nous avons navigué les uns 6c les autres à-peu-près fur le méridien où on les fuppofe. Jufqu'à notre arrivée dans cette latitude nous eûmes un affez bon tems, 6c nous ne rencontrâmes que peu °u point de courants ; mais lorfque nous fûmes parvenus au Nord du 48 d , nous trouvâmes un courant fort qui avojt fa direction vers le Septentrion , de forte clue nous entrions probablement alors dans la grande haie qui a, dit-on , quatre-vingt-dix lieues de profondeur. Nous y eûmes une grande houle du N. O,, 6c des vents qui foufHoient en général du même rumb ; rrr^ cependant nous dérivions chaque jour de douze ou 17^72 quinze milles au Nord de notre eflimc. •il. 1 Le 1 ^ , fur les quatre heures du matin, après avoir furmonté beaucoup de difficultés & de périls , nous gagnâmes le travers du Cap Pillar avec une brife légère du S. E. & une groffe houle. Entre cinq 6c fix heures, nous découvrîmes le Cap Dejcado, 6c dans ce môme infiant le vent fauta tout-à-coup au S. & S. -\ S. O., 6c fouffla fi fort que ce fut avec peine que nous portions nos huniers rifés. Ce changement fubit de vent èk fa violence exceffive rendirent la mer fi prodi-gieufement groffe, que l'eau inondoit notre tilîac , 6c nous courions le plus grand rifquc de couler à fond. Nous n'osâmes pas diminuer nos voiles, nous avions befoin de toutes celles que nous pouvions porter pour doubler les Iiles remplies de rochers , auxquelles Sir Jean Narborough a donné le nom cV Ifles de Direclion ; car il n'étoit pas poifible de retourner dans le détroit, fans tomber au milieu des terres coupées 6c fans courir les dangers du voifinage de la côte feptentrionale qui étoit au-deffous du vent. Cependant malgré tous nos efforts , le vaifleau dérivoit beaucoup vers ces terres 6c vers la côte fous le vent. Dans cette conjoncture critique, nous fûmes obligés de défoncer toutes les pièces d'eau placées fur le tillac , d'alléger le bâtiment entre les ponts, 6c de forcer de voiles ; enfin nous échappâmes heureufement au danger qui nous menaçoit. Après que nous fûmes dehors de ces lies, & que nous eûmes débouqué le détroit , les flots de la la mer venoient plus régulièrement du S. O. ; profitant ' bientôt après d'un vent qui foufflant du S. S. O. au An*V^67-S. S. E. à midi , nous avions gagné un allez grand efpace au large, à environ neuf lieues du Cap Vi^oirc, qui eft fur la côte feptentrionale. Nous dépafsâmes ainfi l'entrée occidentale du détroit de Magellan, qui fuivant moi eft très-dangeroufc. Nous ne fumes délivrés qu'au moment où nous allions périr; car immédiatement après, le vent fauta de rechef au S. O. , ôc s'il avoit continué de fourBer dans ce rumb notre perte étoit inévitable. Tome I, CHAPITRE IL Paffage du Cap Pillar fitué à Ventrée Oueft du Détroit de Magellan, à Mafafuero. Defcription de cette Ifle. =S Je pris mon point de départ du Cap Pillar, fitué 76?' au ya d 45' de latitude S. & au 75 d 10 ' de longitude O. du méridien de Londres, & dès que j'eus débou-qué le détroit , je gouvernai au Nord le long de la côte du Chili. En examinant la quantité d'eau douce que nous avions à bord, je trouvai qu'elle montoit à vingt-quatre ou vingt-cinq tonnes, ce que je ne croyois pas fuffifant pour la longueur du chemin que nous entreprenions. Je mis donc le cap au Nord dans le deifein d'aborder à l'ifle de Juan Fernandès ou de Mafafuero 9 & d'y augmenter nos provifions d'eau avant de faire voile à l'Oueft. Au milieu de la nuit du 16* , nous eûmes d'abord un vent du S. S. E. & enfuite du S. E. : nous en profitâmes avec ardeur pour avancer au N. O. & N-N. O. , efpérant arriver dans peu de tems au milieu d'un climat plus tempéré. Nos efpérances s'évanouirent bientôt; car, le 18, le vent fauta au N. N. O. & foufîla directement debout. Nous étions alors a environ cent lieues de l'embouchure du détroit ; au 48 d 39' de latitude Sud , & fuivant notre eftirne à. 4d 33 ' O. du Cap Pillar ; mais depuis ce tems juf— ! qu'au 8 de Mai , nous eûmes toujours un vent con- An^^67' traire, une tempête continuelle & des rafrales précipitées qui s'accroiffoient à chaque inftant, avec beaucoup de pluie & de grêle ou plutôt de glace a moitié fondue. Nous avions aulfi par intervalles du tonnerre ck des éclairs plus effrayants que tout ce que nous avions déjà éprouvé , 6k une mer fi groffe que le bâtiment étoit fouvenc au-deffous de l'eau. Depuis notre débouquement du détroit, 6k pendant notre paffage le long de cette côte , nous vîmes un grand nombre d'oifeaux de mer 6k en particulier des albatrofs, des mouettes, des coupeurs d'eau, 6k un oifeau pareffeux de la groffeur d'un grand pigeon, que les marins appellent poule du Cap de Bonne - EJpê-rance ,* il eft d'un brun foncé ou d'une couleur noirâtre , 6k on lui donne pour cela quelquefois le nom de fouette noire ; nous apperçûmes aufîi beaucoup de pintades de la même grandeur ck qui font joliment tachetées de noir 6k de blanc : elles voient toujours, quoique fouvent elles paroiffent fe promener fur l'eau comme les péîerels, que les marins Anglois appellent poulets de la mere Carey ; nous vîmes auffi plufieurs ^e ces derniers. A foirée , du 27 , fut très-fombre ; comme nous portions à l'Oueft fous nos baffes voi'es 6k un hunier rifé ; Une raffale très-forte fit tout-à-coup fauter le vent qui prit le vaiffeau droit en cap. La violence du vent dans les voiles manqua d'empor-tcr les mâts 6k de faire fombrer le bâtiment. Le C c ij . c 4 V O Y A G e ' "' ~— veiv: coLifmuoit dans toute fa fureur , ck les voi-4.1767. jes <£rtint extrêmement mouillées , elles fe collèrent fi bien aux mars ex aux agrets, qu'il étoit à peine poiliuîe de les hifïer ou de les abattre. Cependant nos gens travaillèrent avec tant d'ardeur & d'a-dreffe que nous hifsâmes la grande voile , carguâmes-le grand hunier , ôk virâmes le vaifleau fans recevoir beaucoup de dommage ; le vent foufla pendant plufieurs heures , mais avant l'aube du jour, il fauta de rechef au N. O. , èk continua dans ce rumb jufqu'à l'après-midi du" 29 , tems où il skippaifa , èk nous eûmes calme tout plat l'efpace de fix heures. Nous n'étions pourtant pas hors de danger, une mer groffe chaffoit les flots de tout côté en grande confufion ; ck en brifant contre le vaiffeau , lui imprimoit un roulis fi violent Ôk fi fubit, que je m'attendois à chaque inftant a perdre nos mâts. Enfin , il s'éleva un bon vent de l'O. S. O. , ôk nous forçâmes de voiles pour en profiter, fl fut très - fort dans cette direction avec une groffe pluie , pendant quelques heures , mais à midi il retourna au N. O. fon rumb ordinaire, èk il fut fi impétueux, que nous fûmes obligés de naviguer une féconde fois fous nos baffes voiles ; il y avoit en même-tems une houle prodigieufe qui rompoit fouvent fur nous. Mai. Le lendemain au matin , premier Mai, à cinq heures , comme nous marchions fous la grande voile rifée & la voile d'artimon balancée , un grand coup de mer inonda le gaillard où les rames du vaifleau étoient attachées , 6k en emporta fix : elle rompit auffi notre vergue d'artimon , a l'endroit où la voile étoit =r-~.......-zz± rifée ôk un cap de mouton, & mit pendant quel- Ank. 17(^7. ques minutes tout le bâtiment fous Peau. Nous fûmes cependant affez heureux pour biffer la grande voile fans la déchirer, quoique nous eufïions alors un ouragan •& qu'un déluge de pluie, ou plutôt de glace à moitié fondue , tombât fur nous. Le vent bientôt après fauta encore du N. O. au S. O. , & il fouffla l'efpace d'une heure plus fortement que jamais; ce vent amena le cap du vaiffeau directement contre fa groffe mer que le vent N. O. avoit élevée , ôk à chaque pas qu'il faifoit, l'extrémité du mât de beaupré fe trouvoit fous l'eau ; les vagues rompoient fur le château-d'avant jufqu'au pied du grand mât auffi fortement que 11 elles eufîent brifé fur un rocher ; de forte que nous avions tout lieu de craindre que le bâtiment ne^ coulât à fond : avec tous fes défauts, c'étoit certainement un bon navire , fans cela il eut été impoffible qu'il réfiftât à la tempête. Nous éprouvâmes dans cette occafîon, ainfi que dans plufieurs autres, combien il nous étoit avantageux d'avoir fait des cloifons fur l'avant du demi-pont ôk fur l'arrière 4U château-d'avant. L e vent étoit bon , mais nous n'osâmes pas y lettre le cap du vaiffeau ; car fi en virant , quelques - uns je ces énormes flots avoient brifé fur fon coté , ils auroient sûrement emporté tout ce qui fe feroit trouvé devant eux. Quelque tems après cependant la mer fe calma , nous drefsâmes nos vergues & nous fîmes voile, gouvernant au N. \ N. Q. Corn-n°s gens avoient été debout toute la nuit èk qu'ils étoient mouillés jufqu'aux os , je leur fis donner à. Ann. 1767, boire. Mai. L e lendemain au matin, 2 , le vent fauta encore au N. O. ck N. N. O. Nous avions alors raccommodé, le mieux qu'il nous fut poifible , la vergue de notre voile d'artimon qui avoit été rompue, nous la remîmes en place éc y enverguâmes la voile, mais nous fentîmes vivement le befoin d'une forge & de fer. Ce befoin nous fut encore plus fenfible le 3 a la pointe du jour, quand nous apperçûmes que les pen-tures du gouvernail étoient brifées. Nous les rechangeâmes comme nous pûmes, & le lendemain, le tems étant plus calme , quoique le vent fût toujours contraire , nous réparâmes les agrèts , les charpentiers rattachèrent un nouveau cap de mouton où l'ancien avoit été rompu , ck les voiliers raccommodèrent les voiles qui avoient été endommagées. Le ?, un ouragan, du N. | N. O. 6k N. N. O., nous força encore a ne nous fervir que de nos baffes voiles, 6k le vaiffeau fût fi balloté que nous ne pouvions pas le gouverner. Pendant cette tempête , deux de nos cadenes de haubans rompirent , 6k une mer groffe 6k impétueufe fit travailler le bâtiment jufqu'à minuit. Il s'éleva alors un petit vent du N. O. qui fourfla bientôt avec beaucoup de force. Le G, à deux heures du matin, des raffaîes d'Oueft violentes 6k précipitées nous reprirent encore en cap , ce qui jetta toutes nos voiles en arrière, 6k manqua de les emporter avant que nous puffions virer le vaiffeau. Nous portâmes au Nord avec ce vent, 6c dans l'après-midi, les charpentiers mirent de nouvelles cadenes aux hau- Ann. 1767, bans du grand mât , 6c aux haubans d'avant en place de celles qui avoient été brifées pendant la nuit, Ce fut une autre occafion pour nous de regretter de n'avoir ni forge, ni fer. Le vent continua dans cette direction jufqu'à huit heures du matin du 7 , quand il retourna au N. C). par un tems variable. Le 8 , il fauta au S. , ck ce fut le premier beau jour que nous eûmes depuis que nous avions quitté le détroit de Magellan. Notre latitude à midi, étoit de 36d 39/ S. , 6k nous étions à environ 5 d à l'O. du Cap Pillar. Le lendemain , 19 , nous vîmes l'ifle de Mafafuero, 6k , le 10, celle de Juan Fernande. Dans l'après-midi , nous rangeâmes de près la partie orientale de cette Ille, 6k bientôt après avoir fait le tour de fon extrémité Nord, nous découvrîmes la baie de Cumbcrland. Je ne lavois pas que les Espagnols euffent fortifié cette Ifle, je fus très - furpris de voir un nombre confidérable d'hommes aux environs du rivage, une maifon 6k quatre pièces de canon aux bords de l'eau , 6k dans l'intérieur du pays à trois cents verges de la côte , un Fort conftruit fur le penchant d'une montagne , ck portant pavillon Efpagnol. Ce '^0rc > qui efi environné de murailles de pierre, a dix-nuit ou vmgC embrâfures, 6k l'on apperçoit au-dedans , un grand bâiiment qui, à ce que je crois, fert de baraques à la garnifon. Il y a vingt-cinq ou trente maisons de différente efpèce répandues autour de cette rcerclïè; nous vîmes beaucoup de bétail paillant fur le fommet des collines , qui nous parurent cultivées , M i puifque certains cantons font féparés les uns des autres par des haies. Nous aperçûmes aufli deux grands bateaux amarrés fur le rivage. Les coups de vent qui fouftloient directement du côté de cette baie, m'empêchèrent d'en approcher autant que j'aurois voulu ; ils étoient fi violents que nous fûmes obligés plufieurs fois de larguer les écoutes de nos huniers, quoique les voiles fuffent entièrement rifées \ & je crois qu'il eft impoifible de faire manœuvrer un vaiffeau dans cette baie, lorfque le vent foufHe fort du Sud. Comme nous traverfions la baie à l'Oueft, un des bateaux partit de la côte & rama vers nous, mais il s'en alla, dès qu'il apperçut que les coups de vent Se les raffaîes nous retenoient à une diftance confidérable de terre. Nous découvrîmes alors l'extrémité Oueft de la baie, fur la partie orientale de laquelle il y a au bord de l'a mer une petite maifon que je pris pour un corps de garde & deux pièces de canon montées fur leurs affûts, fans aucunes fortifications dans le voifinage. Nous virâmes vent arrière & portâmes une féconde fois vers la baie de Cumbaiand ; dès que nous commençâmes à y entrer , le bateau fe détacha derechef & s'avança vers nous. Comme les coups de vent ne nous permettoient pas d'approcher de la terre plus près qu'auparavant, nous la côtoyâmes à l'Eft ; le bateau nous fuivit toujours jufqu'à ce qu'il fut en-dehors de la baie ; enfin la nuit nous furprit & nous le perdîmes de vue , furquoi nous forçâmes de voiles en gouvernant à l'Eft. Pendant tout ce tems je n'arborai point de pavillon > pavillon , parce que je n'en avois pas d'autres k bord que des Anglois , que je ne jugeai pas k propos de J^1?6* montrer. Comme je n'avois pas pu faire dans cet endroit les provifions d'eau , de bois 6k d'autres r a fraîchi ffe-ments dont nous avions très - grand befoin, après les fatigues de notre paffage du détroit , je me preflai de gagner Mafafuero. Nous arrivâmes le n Mai k la hauteur de la partie Sud , la plus orientale de cette Ifle; mais le vent étant fort & la mer groffe , nous n'osâmes pas en approcher de ce coté ; nous tirâmes donc vers la côte Oueft, où nous jettâmes l'ancre fur une plage excellente propre à contenir une flotte entière qui dans f été peut y mouiller très - avantageufè-ment. J'envoyai les bateaux pour chercher de Peau, il leur fut impoffible de débarquer , le rivage eft rempli de rochers , & la houle étoit fl forte que les nageurs ne pouvoient pas traverfer les brifans. Nous en fûmes d'autant plus mortifiés , que nous voyions du vaifleau un beau courant d'eau douce, une grande quantité de bois à brûler 6k beaucoup de chèvres fur les collines. Xe lendemain au matin , 13 , dès qu'il fut jour , j'envoyai les bateaux une féconde fois , pour chercher un endroit où ils puffent débarquer. Ils rapportèrent un petit nombre de pièces d'eau, qu'ils avaient remplies à un pecic ruiflèau , ôk ils nous dirent qu'un vent du S. E. fouffloit avec tant de violence fur le côté orien-tal de î .fie, & élevoit une mer fi groffe, qu ils n'uvoient Pas pu s'approcher de la côte. Terne i. Dd """""^ Nous rcffâmes là, jufqu'au , à la pointe du •I7^7« jour; le tems devenu plus calme, nous remîmes à la lu. voile , ôk le foir au coucher du foîeil , nous jetâmes l'ancre fur le côté oriental de l'ifle, dans le même endroit où le Commodore Byron avoit mouillé deux ans auparavant. Sans perdre de tems , j'envoyai remplir quinze pièces d'eau, & je dépêchai un certain nombre d'hommes à terre avec d'autres futailles , que je les chargeai de renvoyer le lendemain , èk un détachement nombreux pour couper du bois. Il furvint, vers les deux heures du matin , un vent fort du N. O. 6k des raffales violentes du côté de la côte, qui nous chafsèrent hors de la plage où nous avions mouillé „ quoique nous euflions deux ancres en avant qui furent en très - grand danger d'être perdues. Nous les rattrapâmes cependant avec beaucoup de peine ôk mîmes à la voile, en manœuvrant fous le vent de l'ifle, ôk nous tenant auffi près de la côte qu'il étoit pofîible. Le tems fe calma bientôt, de manière que nous portâmes nos huniers à double ris. Mais quoique la mer ne fut pas grolfe , nous ne pouvions pas virer vent devant , ôk nous étions forcés de virer vent arrière toutes les fois que nous avions befoin de prendre une direction contraire. Quoique nous fulîions affez éloignés delà côte, j'envoyai, à la pointe du jour, chercher par le canot une charge d'eau , avant que la houle fût affez forte fur le rivage , pour empêcher le débarquement. Sur les dix heures le vent fauta au N. N, E., ce qui nous mit en état d'approcher à peu de diftance de l'aiguade f & d'examiner le lieu de la plage où les rafla les nous ~--J avoient fait chaffer fur nos ancres; mais le tems avoit Ann- ^67* fi mauvaife apparence, 6c le vent fraîchit fi vite , que nous ne crûmes pas qu'il fût prudent de nous y hafar-der. Nous rangeâmes cependant la côte le plus près qu'il nous fut pofîible, afin de profiter de la mer calme qui nous donnoit des facilités pour décharger le canot qui revint bientôt après avec douze pièces d'eau. Dès que nous eûmes pris celles-ci à bord , je le renvoyai en chercher une autre charge, 6c comme nous étions a peu de diftance de la terre , j'ofai dépêcher notre grande chaloupe, bâtiment fort ôc pefant, avec des provifions pour ceux de nos gens qui étoient â terre» J'ordonnai aux matelots qui le montoient de rapporter Une charge d'eau s'ils pouvoient en venir â bout. Dès que ces bâtimens furent partis , nous fîmes des bordées afin de garder ce parage. A midi nous eûmes un vent fort, une groffe pluie ôc un brouillard épais. Nous apperçûmes à une heure les bateaux côtoyant le rivage, pour aborder à la partie fous le vent de l'ifle, dont ce côté eft ouvert au vent; nous les fuivîmes 6c nous approchâmes de la côte le plus que nous pûmes, afin de favorifer leur defeente k terre. Ils revinrent alors vers nous , 6c nous les reprîmes k bord ; mais la mer étoit fi haute , qu'ils furent fort endommagés Par cette opération , 6c nous apprîmes bientôt qu'ils avoient trouvé la houle fi groffe , qu'ils n'avoient pas même pu débarquer leurs futailles vuides. Nous capeyames fOUs la voile d'artimon balancée , en travers de la partie fous le vent de l'ifle , pendant aPres midj • & quoique tout l'équipage eût été conf- Dd ij tamment occupé depuis que le vaifleau avoit chaffé fur fes ancres , les charpentiers travaillèrent toute la nuit à raccommoder les bateaux. Le 17, a quatre heures du matin, l'ffle nous reftoit à l'Oueft, à quatre lieues de diftance, 6c précifé-ment au vent : nous avions une bonne brife 6c une mer calme. Sur les dix heures, nous nous trouvâmes très-près de fa partie méridionale, 6c à l'aide du bateau, nous virâmes de bord. Il n'étoit pas probable qu'avec un vaiffeau pareil au nôtre, nous pufîions regagner l'endroit de notre mouillage. Comme nous étions près de la côte, quoiqu'affez éloignés du lieu de l'aiguade, je profitai de la circonftance pour renvoyer le canot chercher une autre charge d'eau. Pendant ce tems-là , je louvoyai avec le vaiffeau , & vers les quatre heures de l'après midi, le canot revint chargé. Je demandai â. mon Lieutenant des nouvelles de nos gens qui étoient à terre ; il me dit que la pluie, tombée pendant la nuit, avoit amené de fi grands torrents dans l'endroit où ils avoient choifi leur ftation, qu'ils avoient manqué d'être noyés, 6c qu'après être échappé avec beaucoup de peine de ce danger , plufieurs des tonneaux s'étoient trouvés perdus. Il étoit trop tard pour que le bateau fît un autre voyage au lieu où jufqu'alors nous avions fait de l'eau ; mais M* Erafme Gower mon Lieutenant, dont je ne puis ailez louer les foins 6c l'activité dans tous les périls que nous avons courus, ayant obfervé, en s'en revenant avec le canot , que la pluie de la nuit avoit forme plufieurs courants d'eau , fur la partie de l'ifle la plus Voifine de nous , ôc fâchant combien tous les délais m'impatientoient , m'offrit d'y aller avec le bateau , Ann. 1767. ôc de remplir autant de futailles qu'il en pourroit ramener. J'acceptai cette propofition avec joie , ôc M. Gower partit. En l'attendant je fis une bordée au large avec le vaiffeau ; il s'étoit a peine écoulé une heure, que le tems devint nébuleux , le vent fraîchit, Ôc un brouillard épais ôc noir couvrit l'ifle de manière qu'il cachoit le fommet des collines : bientôt après nous eûmes un tonnerre ôc des éclairs effrayans. Comme cet orage nous annonçoit un grand danger, je portai vers l'ifle dans l'efpoir de rencontrer le bateau. Nous rangeâmes la côte le plus près qu'il nous fut pofîible, mais nous ne l'appercûmes point. La nuit furvint, ôc l'épaiffeur du brouillard la rendit extrêmement fombre ; le vent augmenta Ôc la pluie commença à tomber avec beaucoup de violence. Dans cette fituation je mis à la cape fous une voile d'artimon balancée ; je fis tirer des coups de canon ôc allumer des feux, afin de donner des fignaux au bateau. Voyant qu'il ne revenoit point, fans pouvoir en expliquer la raifon , je tombai dans l'inquiétude la plus accablante; je n'avois que trop lieu de craindre qu'il ri'eût fait naufrage. 11 n'eft pas pofîible d'exprimer ^a fatisfaèfion que je reflentis lorfqu'il arriva fur les ^ept heures, fait! Ôc fauf ; je m'appercevois depuis long-Cems q^une tempête s'apprêtoit à fondre fur nous; nous {e remontâmes à bord avec toute la promptitude poflible. Heureufement nous ne perdîmes point de tems , car , quand il fut mis à fa place , nous Cuvâmes des raffales, qui, dans un inftant, impri- 214 Voyage r mèrent au vaifleau un roulis extraordinaire, & rompi-J6?- rent la vergue de la voile d'artimon , précifément à l'endroit où cette voile étoit ri (ce. Si nous avions tardé d'une minute à remonter le bateau , il auroit infailliblement fait naufrage ; ôc toutes les perfonnes à bord auroient péri. Cette tempête continua jufqu'à minuit, lorfque le vent (e calma un peu , de manière que nous pûmes hiflèr nos balles voiles ôc nos huniers. Je demandai à M. Gower comment il avoit tardé fi long-tems de revenir au vaifleau , il me répondit qu'après être arrivé près de l'endroit où il vouloit remplir les futailles, trois de fes hommes les avoient traînées à la nage à terre pour cela , mais que dans peu de minutes , la houle monta fi haut , & brifa avec tant de furie fur la cote, qu'il leur fut impoffible de revenir au bateau ; que ne voulant pas les abandonner , parce qu'ils étoient entièrement nuds , il les avoit attendu , dans l'efpoir de trouver une occafion favorable pour les reprendre k bord ; & qu'intimidé par l'apparence du tems ce l'extrême obfcurité de la nuit, il avoit été enfin obligé, malgré toute fa répugnance, de s'en revenir fans eux. La fituation de ces pauvres malheureux me fourniflbit un nouveau fujet d'inquiétude ôc de chagrin; ils étoient nuds fur une Ifle dé-déferte, fort éloignés du lieu del'aiguade où leurs compagnons avoient dreilé une tente ; fans alimens, fans abri , au milieu de la nuit, accablés par une pluie violente & continuelle, ÔV qui étoit accompagnée àc tonnerre ôc d'éclairs plus terribles que ceux qu'on éprouve en Europe. Le foir du 19, cependant, j'eus la latisfaction de les recevoir k bord , ce d'entendre de leur propre bouche le récit de leurs aventures. Tant qu'il fut jour, ils s'étoient flattés, ainfi que ceux qu'ils avoient laiffés dans le bateau, de pouvoir fe rejoindre ; mais Iorfque l'épaiffeur de la nuit ne fut dillipée que par la lueur des éclairs, Ôc que la tempête devint à chaque inftant plus furieufe , ils pensèrent que leur réunion étoit impofîible , fi le bateau reftoit au même endroit , 6c que probablement les gens qu'ils y avoient laiffés avoient pourvu à leur fureté en retournant au vaiffeau. Il étoit également au-def-- fus de leurs forces , au milieu des ténèbres 6c de la tempête, de gagner la tente de leurs compagnons. Ils furent donc réduits à paffer la nuit dans l'endroit où ils étoient, fans rien avoir pour les défendre de la pluie 6c du froid qu'ils commençoient à fentir dans toute leur rigueur. La néceffité eft ingénieufe ; ils trouvèrent une reffource paffagère pour fe réchauffer 6c fe mettre à l'abri de la pluie, en fe couchant fun fur l'autre, & chacun à fon tour au milieu. On peut bien croire que dans cette fituation, ils défi-rèrent ardemment l'aube du jour. Dès qu'elle parut, ils fe mirent en marche du côté de la tente. Ils furent obligés d'aller le long de la côte de la mer, car le chemin dans l'intérieur du pays étoit impraticable. Ce n efl pas-là ce qui leur arriva de pis ; ils étoient arrêtés fouvent par de hautes pointes de rochers elcar-Pes 3 ce qui les forçoit de s'écarter dans la mer à - une diftanCe confidérable , pour en faire le tour à la nage : s'ils ti'avoient pas pris ce grand détour , ils auroiun été mis en pièces contre les rochers par la houle, & ce parCi. 1^ même, les expofoit à chaque — inftant au rifquc d'être dévores par les goulus. Sur 7" les dix heures du matin , cependant , ils arrivèrent à la tente , fe mourant de faim 6c de froid , ils y furent reçus avec beaucoup de furprife & de joie par leurs compagnons, qui partagèrent fur le champ avec eux les provifions ôc les habillemens qu'ils avoient. Lorfqu'ils vinrent a bord, je donnai ordre qu'on leur fervît tous les rafraîchiflemens qui leur feroient les plus falutaires , & je leur dis de paffer toute la nuit dans leurs hamacs. Le lendemain ils furent auffi joyeux que s'il ne leur étoit rien arrivé , ôc ils ne foufîrirent en aucune manière des fuites de leur accident. Ces trois hommes étoient du nombre des braves matelots qui s'étoient fauves à la nage du vaifleau à Madère, pour boire quelques coups d'eau-de-vie. Je reviens à ma narration fuivant Tordre des tems. Le 18, le tems fut calme, & le foir nous étions à un demi-mille du mouillage où la tempête nous avoit fait chaffer fur nos ancres , mais nous ne pûmes pas l'atteindre , parce que le vent tomba tout-a-coup , & que nous eûmes un courant qui avoit fa dire&ion contre nous. Comme nous étions près de la tente dreffée par ceux de nos gens qui étoient chargés défaire de l'eau, j'envoyai un bateau à terre, pour demander des nouvelles des trois hommes dont je viens de décrire les aventures ; il les ramena a. botd. Les charpentiers furent occupés pendant tout ce tems à réparer l'accident arrivé à notre vergue d'artimon , & en attendant nous nous fervîmes de l'ancienne en tenant la voile balancée. Nous eûmes calme tout tout plat pendant toute la nuit , ôc nous trouvâmes ~ ^ g le 19, au matin, que le courant Ôc la houle nous N^7 7' avoient fait dériver de neuf milles de terre. Le tems cependant étant alors très-bon , j'envoyai le canot chercher de l'eau , & il revint chargé au vaifleau vers une heure. Bientôt après il s'éleva une brife du N. N. O. ; ôc comme nous étions tout près de terre, je dépêchai une féconde fois le bateau à terre , pour nous rapporter de Teau. Avant de parvenir à l'ancien lieu de notre mouillage, le calme nous furprit, Ôc le courant nous fit encore dériver. Sur ces entrefaites , le bateau , en côtoyant le rivage, pécha a l'hameçon ôc à la ligne allez de poiiîbn pour en fervir à tout l'équipage , ce qui co m peu fa un peu le désagrément de notre fituation. Sur les huit heures du foir, le vent, accompagné de raffoles fubites, recommença à foufner avec force , de manière que cette nuit fut encore pour nous fatiguante ôc dangereufe. Nous eûmes le matin du 20 , une brife forte du N. O., & nous forçâmes de voiles vers l'endroit du mouillage. Nous le regagnâmes heureufement fur les quatre heures de l'après midi, nous y mîmes â l'ancre, à deux encablures du rivage, par dix-huit braffes, fond de beau fable , ôc nous amarrâmes a une petite ancre fur 'a côte. Lorfque le vaiffeau fut en fureté, il étoit trop tard pour aller au lieu de faiguade; j'envoyai cependant la grande chaloupe a la pèche , le long de la .cote. Un vent fort l'obligea de s'en revenir avant lept heures -, elle rapporta pourtant allez de poiffoti pour en donner à tout l'équipage. Nous eûmes pendant la nuit Uu tems fombre, des raffeles violentes ôc T°tnc J. Ee ----------- beaucoup de pluie. Le vent, qui continuoit k fouf- ,'T7^7' fier fortement le matin du 21 , le long de la cote, nous faifoit fouvent chaffer fur nos ancres, quoique nous euflions 200 brafles de cable en avant, le rivage étant d'un fable mobile ôc fin qui cède aifément. La tempête cependant ne nous caufa point de dommage ; mais la pluie étoit fi violente & la mer fi groffe, que l'on ne pouvoit rien entreprendre avec les bateaux, ce qui étoit d'autant plus mortifiant, que dans la feule vue de completter nos provifions d'eau, nous avions travaillé fans relâche pendant cinq jours & cinq nuits pour regagner l'endroit où nous étions alors. Sur les huit heures du foir, le vent fe calma, il étoit trop tard pour aller chercher de l'eau, mais j'expédiai un bateau , ôc j'envoyai trois hommes à terre, vis-a-vis du vaifleau , pour tuer des veaux marins , Ôt tirer de leur graille une huile qui pût nous fervir k la lampe ôc à d'autres ufages. Le vent fut très-fort le lendemain au matin 22, mais comme il fouffloit de l'O. N. O., c'eff-à-dire de la terre , nous dépêchâmes les bateaux dès qu'il fut jour, ôc ils revinrent fur les dix heures chargés d'eau ôc d'un grand nombre de pintades. Ils reçurent ces oifeaux de nos gens qui étoient à terre, ôc qui leur dirent que lorfqtfil faifoit du vent la nuit, ces animaux fe précipitoient en fi grande quantité auprès de leur feu, qu'ils avoient beaucoup de peine à les en écarter , de manière que pendant le vent de la nuit dernière , Us n'en avoient pas attrapé moins de fept cents. Les bateaux travaillèrent tout le jour à conduire de l'eau à bord , la houle étoit cependant fi groffe, que ?f -plufieurs des futailles furent défoncées & perdues. Us Ann. 1767. firent un autre voyage un peu avant la pointe du jour du lendemain 23 , Ôc k fept heures, il s'en falloit peu que tous nos tonneaux ne fuffent remplis. Le tems nous menaçait d'une tempête, ôc j'étais très-impatient de recevoir à bord nos gens , ainli que le petit nombre de pièces d'eau qui étoient encore au lieu de l'aiguade. Dès que les bateaux furent déchargés je les renvoyai, en leur ordonnant de ramener avec toute la prompt!^ rude pofîible, nos gens , la tente, ôc tout ce que nous avions à terre. Depuis ce tems, le vent augmenta très-promptement, ôc fur les 11 heures, il fut fi fort avec des rafîaies violentes de terre, que le vaiffeau commença à dériver de la côte ; nous levâmes la petite ancre pour la rejetter en avant de l'autre ; le vent devenoit toujours plus fort , mais comme il fouffloit directement de terre, je n'étois pas en peine du vaifleau, qui con-tinuoit toujours k chaffer , en tirant à travers le fable l'ancre Ôc les deux cent braffes de cable que nous avions filées. Je ne pouvois pas lever l'ancre, parce ^ue je voulois donner aux bateaux , le tems de rapporter ce qu'ils étoient allés chercher fur la côte. A deux heures, l'ancre avoit entièrement perdu fond., ôc Je vaiffeau étoit dans une eau profonde ; nous fumes donc obligés de virer le cable fur le cabeftan , ôc nous tirâmes l'ancre avec beaucoup de peine. Les coups de vent qui nous venoient de terre, étoient fi violents , que n'ofant pas biffer de voiles , nous nous lauTâmes aller k mats ôc a cordes ; l'eau s'élevoit en tourbillolls dans l'air, plus haut que la grande hune. Ee ij - Comme le vaifleau écoit chaffé fort vite de la côte > Ann. 1767. qUe ]a nu'n approchoit, je commençai à être en ^ai* peine des bateaux qui avoient à bord vingt-huit de nos meilleurs hommes , outre mon Lieutenant ; mais fur la brune , j'appcrçus l'un d'eux qui s'avançoit avec vi-tefle vers le vailfeau ; c'étoit la chaloupe, qui en. dépit des efforts des matelots qu'elle portoit, avoit été forcée fur fes grapins ôc chalfée du rivage. Nous nous empreffâmes de la reprendre à bord , mais malgré notre diligence 6c nos foins , elle fut fort endommagée , lorf-que nous la remontâmes dans le bâtiment. Elle portoit dix hommes, qui m'apprirent que lorfqu'elle fut chafîée de la côte, elle étoit chargée de quelques bois à brûler, mais qu'ils furent obligés pour l'alléger, de les jetter a la mer , ainfi que plufieurs autres chofes. Nous n'appercevions point le canot ; j'avois lieu de craindre, qu'il n'eût été également chaffé de la côte, avec les tentes , les dix-huit hommes & mon Lieutenant que je regardai comme perdus. Je favois que fi la nuit qui commençoit les furprenoit au milieu de cette tempête , ils périroient infailliblement : il étoit cependant pofîible que les hommes fuffent a terre, ôc qu'ils confer-vaflent leur vie, tandis que le canot feroit naufrage J c'eft pour cela , que je réfolus de regagner la côte , le plutôt pofîible. A minuit, le tems fut calme ; nous pouvions porter nos balles voiles ôc nos huniers , ôc le 24 , à quatre heures du matin , nous fîmes autant de voiles que nous pûmes. A dix heures , nous étions très-près de la côte, nous fûmes très-mortifiés de ne point appercevoir le canot, cependant nous continuâmes à porter du côté du rivage, jufqu'à midi , lorfque nous le découvrîmes heureufement amarré à un —~" " grapin tout près de terre. Nous courûmes fur le champ Ann- j^7-vi a . • , Mai. a nos lunettes , nous vîmes tous nos gens qui s cm- barquoient, éc fur les trois heures, ils arrivèrent fains ôc faufs; ils étoient fi épuifés de fatigue, quils purent à peine gagner le côté du vaiffeau. Le Lieutenant me dit qu'il avoit entrepris de s'en revenir le foir auparavant, mais que dès qu'il fut en mer , une raffale fubite avoit tellement rempli d'eau le bateau , qu'il fut fur le point d'être fubmergé ; que tous fes gens l'avoient heureufement vuidé, en pompant avec toute la diligence & l'aétivité imaginables 7 qu'il retourna alors à terre , quoique difficilement ; èk qu'après avoir laiffé un nombre fufHfant d'hommes à bord, pour avoir foin du bateau Ôc le débarraffer de l'eau qui y entroit, il avoit débarqué fur la côte avec le refte des matelots. Il ajouta cju'ayant paffé la nuit dans un état d'inquiétude ôc de perplexité, qu'il n'eft pas poffible d'exprimer, ils avoient cherché des yeux le vaifleau dès la pointe du jour, Ôc que ne le voyant point, ils conclurent qu'il avoit péri dans la tempête qui furpaffoit toutes celles qu'ils avoient éprouvées jufqu'alors. Us ne tombèrent pourtant pas dans l'indolence ôc l'affaiflèment du défefpoir, ils fe dirent à nettoyer le terrein près du rivage , des ronces 6c des épines qui le couvroient, ils coupèrent plufieurs arbres, dont ils firent des rouleaux pour les aider à tirer le bateau à terre, ôc le mettre en fureté; comme ils n'efpéroient pas de revoir jamais le vaifleau , ils pré-tendoient attendre jufqu'à l'Eté, Ôc tâcher alors d'aborder à l'ifle de Juan-Fcmandès. Us oublièrent en nous rejoignant, tous les dangers qu'ils avoient couru , & *M *7^7* ^e ^ent*ment de la joie difïipa celui de la trifteffe. Depuis le 16 , jour où Ja tempête nous fit chaffer fur nos ancres au lieu du mouillage, nous avions ef-fuyé jufqu'alors une fuite continuelle de périls , de fatigues èk de malheurs. Le vaifleau avoit beaucoup fouf-fert & marchoit très-mal, le temps fombre èk orageux étoit accompagné de tonnerre, d'éclairs èk de pluie, & les bateaux que j'étois obligé, même lorfque nous étions fous voile , de tenir toujours occupés, pour nous procurer de feau , étoient dans un continuel danger de faire naufrage. Ils étoient affaillis de tout coté par des vents forts, qui ne ceffoicnt de fouftler , èk par des raf-fales fubites, qui fondoient fur nous avec une violence qu'il effc difficile de concevoir. Ces accidents étoient d'autant plus cruels , que je m'y attendois moins ; j'avois éprouvé deux ans auparavant avec le Commodore Byron, un tems très-différent dans ces parages. On a cru communément , que les vents foufflent toujours fur cette côte du S. au S. O. , quoique Fréfier dife qu'il y a rencontré des vents forts , èk des groffes mers du N. N. O. ck du N, O ; malheureufement j'ai fait la même expérience. Dès que j'eus repris a bord nos gens èk nos bateaux , je fis voile pour m'éloigner de ce climat orageux , èk je me crus heureux de ne rien laiifer derrière moi, que le bois que les matelots avoient coupé pour notre chauffage. Vue du Coté'MO. de AfASAFUERO. $0 So I/Isle de Mafafuero eft fituée au 33 d 45' de latitude S., ôc au8od 46"' de longitude O. du méridien de Londres. Elle gît à l'Oueft de celle de Juan Fer-nandesy dont elle eft éloignée d'environ trente-une lieues ; elles font toutes deux à peu-près dans la même latitude. Elle eft très-élevée & remplie de montagnes, Ôc de loin, elle ne paroît former qu'une montagne ou qu'un rocher ; fa forme eft triangulaire , 6c elle a environ fept ou huit lieues de circonférence. La partie méridionale que nous vîmes, lorfque nous nous approchâmes pour la première fois de l'ifle a la diftance de ving-trois lieues, eft la plus haute ; il y a fur l'extrémité feptentrionale , plufieurs cantons fans brouf« failles , qui peut - être pourroient être cultivés. L'Auteur du voyage de l'Amiral Anfon , ne parle que d'un endroit de cette Ifle, capable de procurer un mouillage ; il dit qu'il fe trouve fur le côté Nord , 6c dans une eau profonde, mais nous n'avons point vu de place , où l'on ne pût mettre à l'ancre. Sur le côté occidental en particulier , il y a un mouillage à environ un mille de la côte , par 20 brafles, & à environ deux milles 6c demi par quarante 6c quarante-cinq fond de beau fable noir. Cet Auteur ajoute aufli , 55 qu'il y a un récif de rochers à la hauteur de la pointe orientale de l'ifle ; qu'il eft à peu-près de deux milles » de longueur, 6c qu'on peut le reconnoître au moyen P de la mer qui brife fur lui ; ce mais il s'eft trompé , il n'y a ni récif de rochers, ni banc de fable à la hauteur de la pointe orientale, mais on en trouve un de rochers , & un banc de fable à la hauteur du côté Oueft , ;I7^- & pres de fon extrémité méridionale, f l s'eft aufli 13.1. trompé dans la diftance ôc la fituation de cette Ifle , relativement à celle de Juan Femandès : il affure que fa diftance eft de vingt-deux lieues , ôc fa fituation O, 7 S. O. ; nous avons reconnu que la diftance eft plus grande d'un tiers , ôc que la fituation eft directement à l'Oueft; car, comme je l'ai déjà obfervé , la latitude des deux Ifles eft à-peu-près la même. Nous avons trouvé dans une égale abondance les chèvres dont il parle, ôc il nous fut aufti facile qu'à lui d'en attraper. Il y a fur la pointe S. O. de l'ifle , un rocher avec une ouverture au milieu , qu'il eft aifé de recon-noitre ; c'eft une bonne balife dont on peut fe fervir , pour mettre à l'ancre fur le côté occidental , où l'on rencontre le meilleur mouillage qui foit dans les environs. A environ un mille ôc demi au Nord de cette ouverture , il y a une pointe baffe de terre , ôc c'eft là que commence le récif dont je viens de faire mention ; il s'étend à l'O. \ S. O. à la diftance d'environ trois quarts de mille, ôc la mer brife continuellement fur lui. Pour mettre à l'ancre dans ce mouillage , il faut s'avancer jufqu'à ce qu'on n'apperçoive plus l'ouverture du rocher, c'eft-à-dire, à environ une encablure, fur cette pointe baffe de terre , enfuite porter au S. ~ S. E. ^ E. ; on peut alors jetter l'ancre par vingt ou vingt-deux braffes, fond de beau fable noir ôc de coquilles. 11 y a encore des mouillages dans plufieurs endroits fur les les autres côtés de l'ifle, & en particulier à la hauteur """*""SSSS de la pointe feptentrionale , par 14 tk 1^ brafles, fond Ann- t767-de beau fable. On trouve de l'eau & du bois en abondance tout autour de l'ifle , mais on ne peut pas en faire (ans beaucoup de difficulté ; une grande quantité de pierres & de larges fragmens de rochers détachés de la haute terre embarraffent par-tout le rivage , & une houle fi forte brife par-deffus , qu'il eft impoflible à un bateau d'approcher en fureté à plus d'une encablure de la côte. Pour y débarquer , il faut néceffairement aller à la nage à terre , y amarrer le bateau eu-dehors des rochers , & pour s'y procurer de l'eau & du bois, il n'y a pas d'autre méthode que de tirer l'un & l'autre a bord avec des cordes. Il y a pourtant plufieurs endroits où il feroit aile de débarquer commodément en conftruifant un quai , ce que devroit faire un feul vaifleau, s'il avoit quelque tems à féjourner dans l'ifle. Cette partie de Mafafuero eft une très-bonne relâche pour des rafraichiifemens , fur-tout en été ; nous avons parlé des chèvres qu'on y trouve , èk. il y a dans les environs de l'ifle un fi grand nombre de poiffons, qu'un bateau peut avec trois lignes & autant d hameçons en attraper affez pour en fervir à cent perfonnes. Nous prîmes entr'autres d'excellens merlans noirs, des caval-îles, de la morue , des plies & des écrevifles. Nous prîmes aufli un martin-pêcheur qui pefoit 87 livres & qui avoit cinq pieds & demi de long. Les goulus y font fi voraces, qu'en fondant, un de ces animaux mordic au plomb; nous le tirâmes au-deffus de l'eau, Tome i. Ff ' mais nous le perdîmes parce qu'il rendit le plomb qu'il -in. 1767. avojt (3ans fa bouche. Les veaux marins y font fi Mai. . . r r nombreux, que je crois iincerement que 11 on en pre- noit plufieurs milliers dans une nuit, on ne s'en apper-cevroit pas le lendemain. Nous fûmes obligés d'en tuer une grande quantité , parce qu'en côtoyant le rivage , ils couroient continuellement contre nous , en faifant un bruit épouvantable. Ces poiffons donnent une huile excellente ; leur cœur & leur freffure font très-bons à manger; ils ont une faveur qui approche de celle du cochon , & leurs peaux forment la plus belle fourure de cette efpèce que j'aie jamais vue. On y trouve aufTi plufieurs oifeaux, éc entr autres de très-gros faucons. J'ai obfervé plus haut que nos gens ne prirent pas moins de fept cens pintades dans une nuit. Nous n'avons pas eu beaucoup d'occafions d'examiner les productions végétales de cette Ifle, mais nous y avons vu plufieurs feuilles du chou des montagnes, ce qui efi une preuve que l'arbre qui le porte y croît. CHAPITRE III. Paffage de Mafafuero aux Ifles de la Reine Charlotte, Plufieurs erreurs corrigées fur le gif ment de la Terre de Davis. Defcription de quelques petites IjJes que nous fuppofons être celles qui furent vues par Quiros. Lorsque nous partîmes de Mafafuero , nous avions uiie groife mer du N. O. , & une houle de S. confi- Ann. 1767. dérable ; le vent qui fouffloit du S- O. a l'O. N. O. Mai' m'obligea de porter au Nord dans l'efpoir de rencontrer le vent alifé S. E. ; car le vailfeau étoit fi mauvais voilier , qu'il ne pouvoit marcher fans un vent fort qui nous fût favorable. Ayant ainfi couru au Nord plus loin que je ne le projettois d'abord , Se trouvant que je n'étois pas éloigné de la latitude déterminée pour les deux Ifles appellées Saint - Ambroifb Se Saint-Félix ou Saint-Paul, je crus rendre un fervice aux Navigateurs , en examinant fi les vaiffeaux pou-voient y rafraîchir ; d'autant plus que les Efpagnols ayant fortifié Juan-Fernandes , elles pourroient être utiles à la Grande-Bretagne , fi par la fuite elle entroit en guerre avec l'Elpagne. Les Cartes de M. Green , publiées en 1753 , placent ces Ifles du 26 d 20 ' au 27 e1 de latitude S. & depuis 1 d - à 2 d l- k fOueft de Mafafuero. Je mis donc le Cap de manière à me tenir dans cette latitude, mais confultant bientôt après les Ffij "^■.".".L É/émens de navigation de Robertfon , je trouvai que Ann. 1767. Pjr]e Saint - Ambro'fe y eft fituée au 25 d 30' de latitude S. & au"82d 20' de longitude O. du méridien de Londres. Je crus que la fituation d*Ifles d'une fi petite étendue pouvoit être déterminée avec plus d'exactitude dans cet Ouvrage que dans la Carte , & je portai plus au Nord pour gagner ce parallèle- L'événement prouva cependant que je n'aurois pas dû avoir tant de confiance dans ces Elemens de navigation y je manquai les Ifles; comme je vis un grand nombre d'oifeaux ôc de poiffons , figne certain qu'il y a terre dans le voi-finage , j'ai les plus fortes raifons de conclure que j'avançai trop au Nord. Je fuis fâché de dire qu'en examinant plus foigneufement les tables des latitudes & longitudes de Robertfon , j'ai reconnu qu'elles font fautives en plufieurs points. Je me lerois abflenu de cette cenfure , fi je n'avois pas cru qu'il étoit néceffaire de prévenir pour la fuite un inconvénient pareil à celui que j'éprouvai. En refléchiffant fur la defcription donnée par Wa-fer, Chirurgien à bord du vaiffeau commandé par le Capitaine Davis , je penfe qu'il eft probable que ces deux Ifles , font la terre que rencontra Davis dans fa route au Sud des Ifles de Galapagos , & que la terre placée dans toutes les Cartes marines fous le nom de Xcrve de Davis, n'exifte point. Je n'ai point changé de fentiment en iifant ce qui eft dit dans le Voyage de Roe gewin fait en d une terre qu'on appelle i/fc Orientale , ce qui confirme la découverte de Davis fuivant quelques perlonnes qui imaginent que c'eft la même terre que ce Navigateur a appellée de fon ! nom. Ann.i767. Mat. Il eft clair par la narration de "Wafer qu'excepté ce qui regarde la latitude , on doit ajouter peu de foi au journal tenu à bord du vaifleau de Davis, puisqu'il avoue que l'équipage manqua de périr pour avoir fuppofé la variation de l'aiguille k rOueft, tandis qu'elle étoic à fEft. Il nous dit auffi qu'ils gouvernèrent au S. j S. E. ^ E„ des Ifles de Galapagos , jufqu'à ce qu'ils découvrirent terre au 27 d 20' de latitude S. ; or, il eft évident qu'une pareille route les auroit portés non pas k l'Oueft mais k l'Eft des Galapagos, ôc qu'ils fe feroient trouvés à deux cent lieues de Copiapo & non pas k cinq cent, comme le dit cet Auteur ; car la variation de l'aiguille n'y eft pas a préfent de plus d'une demi-pointe a l'Eft ; elle devoit être encore moindre alors , puifque la déclinaifon k l'Eft a toujours augmenté fur toute cette côte. Si la diftance placée dans toutes nos Cartes marines, entre les Ifles de Saint-Ambroife & Saint-Félix & les Galapagos , eft exacte , Davis en fuivant la route qu'il décrit auroit dû ap-percevoir les deux premières. S'il y avoit une terre de Davis ou quelque autre pareille dans la fituation qui lui eft allignée dans nos Cartes marines , il eft sûr que je l'aurois rencontrée , ou au moins que je l'aurois vue ; ainfi qu'il fera démontré dans le cours de cette narration. Je me tins entre le 25 d 50 ' & le 25 d 30' de latitude jufqu'k ce que j'euffe gagné cinq degrés à l'Oueft de notre point de départ , cherchant les Ifles ^ue j'avois deffein d'examiner \ ne voyant point de terre alors ôc les oifeaux nous ayant quittés , je tirai plus au Sud ôc j'atteignis le 27 d 20 ' de latitude S. ; j'y reffai jufqu'à ce que nous fuffïons arrivés entre le 17 & le 18 d , à TOueff de notre point de départ. Nous eûmes dans ce parallèle de petites fraîcheurs , un fort courant au Nord ôc d'autres raifons de conjecturer que nous étions près de cette terre de Davis, que nous recherchions avec grand foin; mais un bon vent s'élevant de rechef, nous gouvernâmes O. ~ S. O. & nous arrivâmes au à { de latitude S. , d'où il fuit que fi cette terre ou quelque chofe de femblable exil-toit, je l'aurois infailliblement rencontrée , ou qu'au moins je faurois vue. Je me tins en fui te au 28 d de latitude S. 40 d à l'O. de mon point de départ , & fuivant mon eftime à 121 d O. de Londres. Le tems & le vent ne me permirent pas de gagner une latitude méridionale plus avancée; mais je luis allé au Sud de la fituation afîignée à ce continent fuppofé, qu'on appelle dans toutes les Cartes Terre de Davis. Nous continuâmes à chercher cette terre jufqu'au 17 Juin, lorfqu'étant au 28 d de latitude Sud, & au 112 d de longitude Oueft , nous vîmes plufieurs oifeaux de mer qui voloient en troupes ôc quelques algues ; ce qui me fit conjeèturer que nous approchions ou que nous avions parlé près de quelque terre. A ce tems, il fouffla du Nord un vent fort , qui rendit la mer groffe ; nous avions cependant de longues lames qui venoient du Sud, de forte que toutes les terres qui font dans cette plage ne peuvent être que des petites Ifles couvertes de rochers. Je fuis porté à croire que s'il y a quelque terre , elle eft fituée au Nord ; èk ce ===: pourroit être l'ifle orientale de Roggewin , que ce Navi- Anî*- l767* gateur a placée au 27 d de latitude S., 6c que quelques Géographes ont fuppofée à la diftance d'environ fept cent lieues du continent de l'Amérique méridionale, fi toutefois on peut le fier a ce que dit cet Auteur. CTétoit alors le milieu de l'hiver dans ces parages ôc nous avions des vents forts & une groffe mer qui nous obligeoient fréquemment de naviguer fous nos baffes voiles : les vents étoient variables , éc quoique nous fufîions près du tropique , le tems étoit fombre , brumeux & froid , accompagné fouvent de tonnerre , d'éclairs , de pluie & de neige m'êlées en fe râble. Le foleil étoit dix heures au-deffus de f horifon , mais nous pallions fouvent plufieurs jours fans le voir ; le brouillard étoit fi épais, que lorfque cet aftre étoit au-deffous de l'horifon , les ténèbres étoient effrayantes. L'obfcurité du tems étoit tout k la fois une circonf-tance défagréable 6c dangereufe , nous reffions quelquefois un tems allez long fans pouvoir faire une obfer-vation ; cependant, nous étions obligés de porter jour èk nuit toutes nos voiles. Notre vaifleau étoit fi mauvais voilier 6c notre voyage fi long , que cette précaution devint néceffaire pour ne pas mourir de faim , malheur qui auroit été autrement inévitable eu égard k la fituation où nous nous trouvions. Nous continuâmes notre route k l'Oueft jufqu'au foir du 2 Juillet, tems où nous découvrîmes une terre ^ui nous reftoit au Nord. En nous en approchant le lendemain , elle nous parut être un grand rocher qui s'élevoit hors de la mer ; elle n'avoir, pas plus de cinq Ann. [767. m||{es circonférence, & fembloic inhabitée ; elle étoit Mai. 7 5 cependant couverte d'arbres , 6c nous apperçûmes un petit courant d'eau douce lur l'un des côtés. J'avois envie d'y débarquer , mais la houle qui a. cette faifon brife fur la côte avec beaucoup de violence rendit ce projet impraticable. Je fondai fur le côté occidental de cette terre, à un peu moins d'un mille de la côte, je trouvai 25 brafles fond de corail 6c de fable, éc il eft propable que dans un beau tems d'été , l'abordage y feroit très-aifé. Nous vîmes un grand nombre d'oifeaux de mer voltiger autour de nous, à un mille du rivage, éc il nous parut qu'il y avoit du poiffon dans cette partie de la mer. Cette terre eft fituée au 20 d 2' de latitude S. , 6c au 133 d 21 ' de longitude O. à environ mille lieues a l'O. du continent de l'Amérique. Elle eft fi élevée que nous la reconnûmes à plus de Ifle de Vit- quinze lieues de diftance ; nous l'appellâmes Ifle de taira. Pitcairn , parce qu'elle fut découverte par le fils de Pitcairn , Major des foldats de marine, qui a péri malheur eufê mène a bord de VAurore. Pendant que nous étions dans lç voifinage de cette Ifle , le tems fut extrêmement orageux , avec de longues lames venant du Sud , plus groffes éc plus élevées qu'aucunes de celles que nous avions vues auparavant. Les vents étoient variables; mais ils foufRoient principalement du S. S. O., de l'O. éc de l'O. N. O. Nous eûmes très-rarement des vents d'Eft, de forte que nous fûmes empêchés de gagner une latitude méridionale fort (ItrU cL l'&U PITCAIRN . Zatûude£ô.d/SToryt^uUJ33 d- 3û! TlocJier cU Corail 25 25 CÂarfe v-orv de r ÏTnfeJLj iriTCAfivïsf. 30; I—^-LJ %......1........m* Xchelle d'un Mille. A . ai m II Vues de l'Isla Pitcairn Restant- auN.Q- a la distance de i5. lierres . o/V?^^ etn-^ Snifèrnuny -vow#. o*/. ;5. Set-Pi*"?'^ Re*fantràwN.o. £JT. vù0au,S. lieues . Rc^^it-a^^N ,N. O. a la âisfan ce de 6 oxlJ. X te ueS . ■f" ^^OV?7^ gj& euter £ntfer~ri u*ia -von 3. Se t J^e tien Ratant air N NO. à 3 Xi< fort avancé, ôc que nous dérivions continuellement au Nord. Nous trouvâmes le 4 , que le vaifleau faifoit beaucoup d'eau ; il avoit travaillé fi long-tems au milieu d'une mer grofîe & dangereufe, qu'il étoit très-endom-mage. Nos voiles étant aufli fort ufées, fe déchiroient à chaque inftant ; ôc le voilier étoit toujours à l'ouvrage pour les raccommoder. L'équipage avoit joui jufqu'à préfent d'une bonne fanté, mais il commença à être attaqué du fcorbut. Pendant notre féjour dans le détroit de Magellan , je fis faire un petit abri couvert d'une toile peinte qui fervoit de tapis de pied dans ma chambre ; nous nous procurâmes par ce moyen fans beaucoup de peine ôc de travail, une allez grande quantité d'eau de pluie , pour que nos gens euflènt toujours à diferétion de cette boiffon importante. Cette efpèce de banne , nous mettoit auffi a l'abri de l'inclémence du tems. Je penfe que ce font ces précautions qui nous préfervèrent fi long-tems du fcorbut, quoique peut-être ce bonheur foit dû en partie à fefprit de vitriol qu'on mêloit dans l'eau de pluie ainfi eonfervée; notre Chirurgien en mettoit toujours une petite dofe, dans chaque tonneau lorfqu'on les rempliffoit. Nous découvrîmes le n , une petite Ifle , baffe ôc plate qui fembloit prefque être de niveau avec le bord de la mer, 6c qui étoit couverte d'arbres verds. Comme elle nous reftoit au Sud 6c directement au-deffus du vent, nous ne pûmes pas l'atteindre. Elle eft fituée au ï%4 de latitudeS. & au 141 d 34' de longitude O,; Tome J, G g 234 Voyage - nous lui donnâmes le nom d'Ifle de VEvêqut d'Ofna- ^Mi?*7' brugh, en honneur du fécond fils de Sa Majefté (a). Jjied'Ofna- Nous rencontrâmes le 12, deux autres Ifles plus petites qui étoient au Mi couvertes d arbres verds, mais qui nous parurent inhabitées. Nous étions tout près de la plus méridionale ; c'étoit une bande de terre en forme de demi-lune , baffe , plate éc fablonneufe. De l'extrémité Sud de cette Ifle, jufqu'à la diftance d'environ un demi-mille, il y a un récif fur lequel la mer brife avec beaucoup de fureur. Nous ne trouvâmes point de mouillage, mais le bateau débarqua. Elle eft d'un afpeèl; agréable , fans avoir ni végétaux comef-tibles, ni eau. Il y avoit cependant plufieurs oifeaux fi peu fauvages qu'ils fe laiffoient prendre à la main. L'autre Ille reflemble beaucoup à celle-ci , dont elle, eft éloignée d'environ cinq à fix lieues. Elles gifcnt O. N. O. & E. S. E. Tune de l'autre. La première eft fîtuée au 20 d 38' de latitude S. & au 146 d de longitude O. éc la féconde au 20 d 34' de latitude Sud éc au 146 d ' de longitude Oueft. Nous les appel- IjksâuDuc lames Ifles du Duc de Glocefler ; la variation de l'ai-ieGlocejîer. gui]ic fut trouvée de ^ d E. Ces Ifles font probablement la terre vue par Quiros , puifque la fituation eft à peu près la même. Si nous nous trompons dans cette conjecture ,• la.terre qu'il apperçut ne pouvoit pas être plus confidérable. Quoiqu'il en foit, nous avançâmes au Sud de ces Iiles, éc les grandes lames que nous y eûmes , nous convainquirent qu'il n'y avoit (a) Parmi les Ifles découvertes par le Capitaine Waliis, il y en \ une autre qui porte le même nom, du Capitaine Cautère t. -point de cerre près de nous dans cette direction. Le "'"""""T vent étant à l'Eft, je mis ie Cap au Sud une féconde fois, Ann-& le foir du lendemain 13 , comme nous gouvernions à l'O. S. O. nous obfervâmes que nous perdions les longues lames venant du côté du Sud ; mais nous les retrouvâmes à fept heures du jour fuivant. Lorfque nous les perdîmes nous étions au 21 d 7' de latitude S. éc au 147d 4' de longitude O., éc quand nous les retrouvâmes nous étions au 21 d 43 ' de latitude S. éc au 149 d 48 / de longitude Oueft ; de forte que j'imagine qu'il y avoit alors quelque terre au Sud qui p/é-* toit pas fort éloignée. Depuis ce tems jufqu'au 16, les vents furent variables du N. E. -I- N. \ au N. O. éc au S. O. ils fouf-flèrent très-fort avec un tems lombre , une pluie abondante éc accompagnée de raffales violentes, dont l'une manqua de nous être fatale. Nous étions au 22 d de latitude S., éc au 70 d 30' O. du point dé notre départ ; nous trouvâmes la variation de l'aiguille de 6 d 30' E. éc les vents orageux étoient fuivis d'un calme tout plat. Queique-tems après cependant le vent s'éleva encore à f O., éc enfin il fe fixa à l'O. S. O. ce qui nous chafia bientôt au Nord, de façon que le 20 , nous étions au 19 d de latitude S. éc au 7^ d 30' de longitude O. du point de notre départ. La déclinaifon de l'aiguille étoit de G d Eft. £e 22 , nous nous trouvâmes au 18 d de latitude S. & au 161 <* de longitude Oueft, c'eft-à-dire , à environ dix-huit cent lieues à l'Oueft du continent de l'Amérique , éc dans toute cette route , nous ne vîmes rien qui indiquât une grande terre. Nos gens comment çoient à être très malades du fcorbut qui avoit fait de grands progrès. Voyant que tous nos efforts pour gagner une latitude méridionale plus avancée, étoient inefficaces , ôc que le mauvais tems , le changement: de vents & par-deifus tout , les défauts du vaiffeau rendoient notre marche lente , je crus qu'il étoit abfo lument néccflaire de prendre la route , dans laquelle le bâtiment ôc l'équipage feroient plus en sûreté. Au lieu donc d'entreprendre de m'en revenir par le S. E., projet qu'il auroit été prefque impoffible d'exécuter , eu égard à notre fituation & à la faifon de l'année, je portai au Nord afin de gagner les vents alifés, Je me tins toujours dans les parages , qui fur la foi des Cartes , dévoient me conduire k quelque Ifle où jp pourrois me procurer les rafraîchifTemens dont nous avions fi grand befoin. J'avois deffein , fi le vaiffeau pouvoit être réparé , de pourfuivre mon voyage au Sud, au retour de la faifon convenable, pour faire de nouvelles découvertes dans cette partie du globe. Je projettois enfin , fi je découvrois un continent ôc que je puffe y trouver une quantité fuffifante de provifions , de me maintenir le long de la côte au Sud,, jufqu'à ce que le Soleil eût paffé l'équateur , de gagner alors une latitude Sud fort avancée , & de tirer à l'Oueft vers le Cap de Bonnc-Efpérancc , ou de m'en revenir à l'Eft , ôc enfin après avoir touché aux Ifles Falklands, s'il étoit néceffaire., de partir promptement delà pour aborder en Europe. ne rencontrai le véritable vent alifé que lorfque je fus au 16 d de latitude S. éc en avançant au N. O. & au N, , nous trouvâmes que la variation de l'aiguille augmentait très-rapidement ; car , lorfque nous eûmes gagné le 18 d i$ ' de latitude S. ce le 80 d -\ de longitude O. de notre point de départ, elle étoit deyd 30 ' Nous eûmes un mauvais tems, des vents fores ôc une groffe mer jufqu'au 25. Etant alors au 12 d 15/ de latitude S. , nous vîmes un grand nombre d'oifeaux voler en troupes ; ôc nous fupposâmes que nous étions près de quelque terre, éc en particulier de plufieurs Ifles placées dans les Cartes, l'une defqueîles fut ap perçue en 1765 , par le Commodore Byron qui l'appella YJJIe du Danger; cependant nous nVn vîmes aucune. A ce tems , le vent foufHoit fi fort, que quoique nous l'enflions en poupe , nous fûmes obligés de rifer nos huniers. Le tems étoit toujours très-fombre éc pluvieux. Le lendemain étant au 10 d de latitude S. ôc au 167 d de longitude O. , nous nous tînmes il peu près dans le même parallèle , efpérant rencontrer quelques - unes des Ifles appeîlées Ifles de Salomon ; dont la plus méridionale eft fi tuée dans les Cartes à cette latitude. Nous eûmes ici le vent alifé fort, avec des raflales violentes éc beaucoup de pluie. En continuant cette route jufqu'au 3 Août, nous nous trouvâmes à ce jour au 10 d 18 ' de latitude S. éc fuivant notre eftime au 177 d f de longitude E. , à environ deux mille cent lieues de diftance O, du continent de l'Amérique , éc a s; d à l'O. de îa fituation qui eft afîignée a. ces Ifles dans les Cartes, Nous n'avions pourtant pas le bonheur de rencontrer aucune terre > nous pafsâmes probablement près de 2:3 S Voyage — quelqu'une que la brume nous empêcha de voir ; caf dans certe traverfée , un grand nombre d'oifeaux de mer , voltigèrent fouvent autour du vaiffeau. Le Commodore Byron dans fon dernier voyage , avoit dépalfé les limites leptentrionales de cette partie de f Océan, dans laquelle on dit que les IJIes de Salomon font fituées ; éc comme j'ai été moi-même au-dela des limites Sud fans les voir, j'ai de grandes raifons de conclure , que fi ces Ifles exiftenc, leur fituation eft mal déterminée dans toutes nos Cartes. Dès le i4d de latitude S. éc le 163 d 46' de longitude O. ; nous eûmes un vent fort du S. E., ce qui faifoit une mer groffe à notre arrière. Depuis ce tems je n'obfervai pas les longues lames venant du Sud , jufqu'à ce que nous fûmes arrivés au 10 d 18 ' de latitude S. , 6c au I77d 30' de longitude E. ; elles revinrent alors du S. O. éc S. S. O., ôc nous trouvâmes un courant portant au Nord, quoiqu'un courant contraire nous eût fuivis prefque tout le chemin depuis notre départ du détroit de Magellan. Cette raifon me fit conjeclurer que le paffage entre la Nouvelle Zélande & la Nouvelle Hollande commence la. La variation de l'aiguille y étoit de 11 d 14' E. ; le 5 , étant au iod ~ de latitude S., éc au 175 d 44' de longitude E., l'aiguille déclinoit de 11 d 13 ' E. ; le 8, elle déclinoit de n d ^ E., par le nd de latitude S., Ôc le 171e1 14' de longitude E. Nous nous apperçûmes a ce tems que notre provifioiî de lignes de lock étoit fur le point de finir , quoique nous euflions déjà converti à cet ufage toutes les DU C A T I T A I K E C A R T E R E T. 1-3.9 lignes qui nous fervoienc pour la pêche. Je fus quel- —---que tems en grande peine pour inventer comment N^ nous fuppléerions à ce défaut, mais après des recherches foigneufes, nous trouvâmes par hafard que nous avions un petit nombre de brafles de cordage blanc ; ce fut un tréfor ineftimable dans la fituation où nous étions ; je les fis détordre , mais les fils étant trop gros pour ce que nous voulions en faire, il fut né-ceffaire de les mettre en étoupe. Après cette opération , il nous reftoit encore la partie la plus difficile de l'ouvrage : car cette étoupe ne pouvoit pas être filée, fans qu'au moyen du peigne on l'eût convertie en filaffe fon état primitif : les matelots ne favoient pas faire cette befogne ; éc , quand même ils l'auroient fu , nous n'aurions pas été moins embarraffés , puifque nous n'avions point de peignes. Les difficultés s'accumu-loient les unes fur les autres ; éc il falioit fabriquer un peigne avant d'efîayer de convertir ces cordages en filaffe. Nous reflèntimes encore combien c'étoit pour nous un grand inconvénient de manquer de forge j la néceflité cependant, la mere fertile de f invention , nous fuggéra un expédient. L'armurier fe mit à limer des clous éc fit une efpèce de peigne , éc un des Quatiers- Mai très fe trouva affez habile dans lufage de cet inftrument , pour rendre l'étoupe affez fine pour être file; aufli-bien que la grofliéreté de nos inftrumens le permettoit. Nous eûmes par ce moyen des lignes de lock affez paflables; cette opération fut pourtant plus difficile pour nous que de faire des cordages avec nos vieux cables après qu'ils avoient été convertis en fil de carret j reffource que nous- ~"■ - avions été forcés d'employer longtems auparavant. .17^7. Nous avions aufîi déjà confumé tout notre fil retors lai. à coudre des voiles : fâchant que la quantité dont 011 avoit fourni mon vaiffeau, ne feroit pas fuffifante pour tout le voyage ; fi je n'avois pas pris fous ma garde tout celui qui étoit deftiné à réparer la feine, ce défaut nous auroit été fatal» \ CHAPITRE d u Capitaine Cautère t. 141 ^~=z-------z^^-^^^M-------^=-- CHAPITRE IV. Hifoire de la Découverte des Ifles de la Reine Charlotte. Defcription de ces Ifles & de leurs Habitans. Ce qui nous arriva à VIfte cfEgmont. JLe fcorbut continuoit toujours a faire de grands ^ progrès parmi l'équipage , 6c ceux de nos1 gens , que An^'0J7^7* la maladie ne rendoit pas inutiles, étoient épuifés par un travail excelfil. Notre mauvais vaiffeau qui étoit depuis fi Iongtems au milieu des tempêtes 6c des orages ne vouloit plus manœuvrer. Le 10, notre fituation devint plus malheureufe & plus aîlarmante ; il fit une voie d'eau dans les épaules qui , étant fous ieau, nous mirent dans l'impombilité de l'arrêter pendant que nous étions en mer. Tel étoit notre état, lorfque le ri , à la pointe du jour, nous découvrîmes terre. Le tranfport fubit d'cfpérance 6c de joie , que cet événement nous infpira , ne peut être comparé qu'à celui que relient un criminel qui entend fur l'échaf-faud le cri de fa grâce. Nous trouvâmes en fuite que la terre étoit un grouppe d'Ifles ; j'en comptai fept, ôc je crois qu'il y en avoit un plus grand nombre. Nous portâmes vers deux de ces Ifles qui étoient droit à notre avant , lorfque nous apperçûmes cette terre la première fois, 6c qui paroiffoient jointes enfemble. Le foir , nous mîmes à l'ancre fur le côté N. E. de la Tome I. H h 1-1 plus grande & de la plus élevée des deux , par 30 'l7^7' brafles bon fond & à environ trois encablures de la 3 tir* côte. Nous vîmes bientôt après des naturels du pays qui étoient noirs, à tête laineufe ôc enciérement nuds. Je dépêchai fur le champ le Maître avec le bateau pour chercher une aiguade & leur parler; mais ils difparurent avançqu'il pût aborder fur le rivage. Le Maître médit a fon retour qu'il y avoit un beau courant d'eau douce vis-à-vis le vaifleau & tout près de la côte , mais que tout le pays dans ce canton étant une forêt impénétrable jufqu'au bord de l'eau, il feroit difficile & même dangereux d'y en puifer, fi les Infulaires vouloient nous oppofer de la réfiftance : il ajouta qu'il n'y avoit point de végétaux comeftibles pour rafraîchir les malades , ôc qu'il n'avoit point vu d'habitations dans tout ce qu'il avoit parcouru de l'ifle qui eft fauvage , abandonnée ôc montagneufe. Après avoir réfléchi fur ce rapport , & voyant qu'il feroit fatigant ôc incommode d'y faire de l'eau à caufe d'une houle qui avoit fa direction autour de la baie, fans parler des dangers qu'on avoit à redouter des naturels du pays , s'ils formoient contre nous une ambufeade dans les bois; je réfolus de rechercher fi on ne pourroit pas trouver une aiguade plus convenable. Le lendemain au matin , 13 , étant alors fous le vent de l'ifle, dès qu'il fut jour, j'envoyai le Maître avec quinze hommes dans le canot bien armé Ôc bien approvisionné, pour examiner la côte à l'Oueft > tâcher de découvrir un endroit où nous puffions plus ailé- ment faire de l'eau ôc du bois , nous procurer quel- ———gg ques rafraîchifïèments pour les malades , ôc mettre le Ahh. 1763t. vaiffeau à la bande afin de viflter 6c d'arrêter la voie d'eau. Je lui donnai quelques verroteries , des rubans ôc d'autres quincailleries que j'avois par hafard à bord , afin qu'il pût , au moyen de ces préfens , gagner la bienveillance des Infulaires s'il en rencontroit quelques-uns. Je lui ordonnai cependant de ne point s'expofer, 6c fur-tout de s'en revenir fur le champ au vaifleau , s'il voyoit approcher un certain nombre de pirogues qui le menaçaffent d'hoftilités, 6c s'il trouvoit en mer ou fur la côte des petites troupes d'Indiens, de les traiter avec toutes les bontés polfibles, afin d'établir un commerce amical entr'eux 6c nous. Je le chargeai de ne jamais quitter le bateau lui-même pour aucune raifon, 6c de ne pas envoyer plus de deux hommes à terre , pendant que le refte fe tiendroit tout prêt pour la dé-fenfe. Je lui recommandai , dans les termes les plus forts , de s'occuper uniquement de l'objet de fon voyage , parce qu'il étoit de la dernière importance pour nous de découvrir un endroit convenable pour réparer le bâtiment", enfin je le conjurai de revenir le plus promptement qu'il lui feroit poffible. Peu de tems après que j'eus dépêché le canot pour cette expédition , j'envoyai à terre la chaloupe avec dix hommes à bord bien armés, 6c , avant huit heures, elle nous rapporta une tonne d'eau. Je la renvoyai fur les neuf heures , mais voyant quelques naturels du pays s'avancer vers l'endroit de la côte où nos gens debarquoient, je leur fis fignal de revenir; je ne fa vois Hh ij m^ammm" pas contre combien dTnfulaires ils feroient expofés , .1767. ^ je n'avois point de bateau pour aller à leur fecours, s ils venoient a être attaques. Dès que nos hommes furent rentrés à bord, nous vîmes trois des naturels du pays s'afleoir fous les arbres en travers du vaifleau. Comme ils continuèrent à nous regarder jufqu'à l'après-midi , auflitôt que j'ap-perçus le canot, je ne craignis plus de mettre en mer les deux bateaux à la fois , & j'envoyai mon Lieutenant dans la chaloupe avec quelques verroteries , des rubans, &c. pour tâcher d'établir quelque commetee avec eux , & , par leur entremife, avec le refte des habitans. Les trois Infulaires cependant quittèrent leur place éc s'avancèrent le long du rivage , avant que la chaloupe pût aborder à terre. Les arbres les cachèrent bientôt à mon Lieutenant éc à fes gens qui voguoient vers la côte ; mais nous tînmes les yeux fixés fur eux depuis le vaiffeau , éc nous vimes qu ils rencontrèrent trois autres Infulaires. Après avoir converfé entr'eux pendant quelques tems , les trois premiers s'en allèrent, éc ceux qui étoient venus à leur rencontre, marchèrent à grands pas du côté de la chaloupe. Sur quoi je fis fignal à mon Lieutenant de fe tenir fur fes gardes ; il apperçut les Indiens , éc comme il remarqua qu'il n'y en avoit que trois, il approcha la chaloupe du rivage éc leur fit des lignes d'amitié, il leur tendit, comme préfents , les verroteries éc les rubans que je lui avois donnés , tandis que l'équipage avoit grand foin en méme-tems de cacher fes armes. Les Indiens, fans faire attention à ce qu'on leur offrit, s'avancèrent hardiment a la portée du trait ôc décochèrent alors _ leurs flèches qui heureufement pafsèrent au-deffus de ann.1767. la chaloupe fans faire aucun mal. Ils ne fe préparèrent pas à une féconde décharge, ils s'enfuirent fur le champ dans les bois, nos gens tirèrent quelques coups de fu-fil après eux, mais ils ne blefsèrent perfonne : peu de tems après cet événement le canot vint au côté du vaifleau , ôc la première perfonne que j'apperçus fut 3e Maître qui avoit trois coups de flèches dans le corps. Il ne falloir pas d'autre preuve pour le convaincre d'avoir tranfgrcflé mes ordres ; ôc il n'étoit plus pofîible d'en douter en entendant le rapport qu'il me fit , quoiqu'il le rendît fans doute favorable à fa caufe. Il dit qu'ayant vu à quatorze ou quinze milles à l'Oueft, de l'endroit où étoit le vaiffeau , quelques maifons d'Indiens & feulement cinq ou fix habitans , il avoit fondé quelques baies, & qu'après avoir amarré fon bateau a un grapin, il avoit débarqué avec quatre hommes armés de fufils ôc de piftolets : que les Infulaires furent d'abord effrayés ôc s'enfuirent, qu'ils revinrent bientôt, & qu'il leur donna quelques quincailleries & d'autres bagatelles, qui parurent leur faire beaucoup de plaifir : qu'il leur demanda par figues quelques noix de cocos qu'ils lui apportèrent avec de grandes démonftrations d'amitié ôc d'hofpitalité , ainfi qu'un poiffon grillé ôc des ignames bouillies , qu'il marcha alors avec fon détachement vers les maifons qui n'étoient pas éloignées de plus de quinze ou vingt verges du bord de f eau ; ôc qu il vit bientôt après un grand nombre de pirogues, venant autour de la pointe c ——m ——g Oued de la baie , éc plufieurs Indiens parmi les ar-A^.1767. bres ; que ce fpeétacle lui ayant caufé de l'allarme , il quitta la maifon où il avoit été reçu , & qu'il s'en retourna promptement avec fes compagnons vers le bateau; mais qu'avant qu'il pût arriver à bord, les Infulaires avoient commencé l'attaque de leurs pirogues éc du rivage contre lui & le relie de nos gens qui étoient dans la chaloupe. 11 dit qu'ils étoient au nombre de trois ou quatre cents , quils avoient pour armes des arcs de fix pieds cinq pouces de long, éc des flèches de quatre pieds quatre pouces , qu'ils déco-choient par pelotons , avec autant d'ordre que nos troupes d'Europe les mieux difeiplinées ; qu'obligé de fe défendre, lui & fes gens avoient fait feu au milieu des Indiens pour pouvoir gagner le bateau , éc qu'ils en avoient tué éc bleffé plufieurs; que les Infulaires, loin d'être découragés , continuèrent a s'avancer en décochant toujours leurs flèches par pelotons , de façon que leur bordée étoit perpétuelle ; que le grapin étant engagé dans des rochers , il n'avoit pu dé-marer le bateau que fort lentement , éc que pendant cet intervalle lui éc la moitié de l'équipage avoient été blefîes dangereufement ; qu'enfin ils coupèrent la corde éc s'enfuirent fous leur mifaine, faifant feu avec leurs gros moufquecons chargés chacun de huit ou dix balles de piftolets ; que les Indiens les pourfuivirentavec leurs arcs, éc que quelques-uns fe mirent pour cela dans l'eau jufqu'à la poitrine; que quand ils fe furent débarrallès de ceux-ci, les pirogues les pourfuivirent avec beaucoup décourage éc de vigueur, jufqu'à ce qu'une d'elles fut du Capitaine C a r t e r e t. 147 coulée à fond , ainfi que les hommes qu'elle avoir à mB^^'»^; bord , que le relie étant fort diminué par le feu de Ann-la Moufquetcrie, ils s'en retournèrent enfin à terre. C'est ainfi que Fhiftoirc nous fut racontée par le Maître qui mourut quelque tems après avec trois de mes meilleurs matelots , des bleffures qu'ils avoient reçus. A Quelque coupable qu'il fût par fa propre con-feflion, il nous parut que le témoignage de ceux qui lui furvécurent, le rendoit encore plus criminel. Us nous affurèrent que les Infulaires lui prodiguèrent les plus grandes marques de confiance Ôc d'amitié, jufqu'à ce qu'au fortir d'un repas qu'il venoit de recevoir d'eux, il leur donna une jufte caufe d'offenfe, en ordonnant à fes gens d'abactre un cocotier. Il infifta fur l'exécution de fon ordre, malgré le grand déplai-fir que les Infulaires exprimèrent à cette occafiom Dès que l'arbre fut à bas, ils s'en allèrent tous, excepté un qui fembîoit être une perfonne d'autorité* Un Officier de poupe, membre du détachement qui étoit à terre, obferva qu'ils fe rafîcmbloient en corps entre les arbres; il en avertit fur le champ le Maître, & lui dit que probablement ils méditoient une attaque Le Maître profitant de cet avis , au lieu de retourner au bateau comme je le lui avois preferit, tira un de les piftolets. L'Indien , qui jufqu'alors avoir relié avec eux , les quitta brufquement , & alla joindre les compatriotes dans le bois. Même après ceci , le Maître, par un entêtement qu'on ne peut pas expliquer,, continua à perdre fon tems à terre, èk il n'en- ''^^"^ treprit pas de regagner le bateau avant que l'attaque Ann. 1767. £ùc commeilcée. Août. En voulant chercher un meilleur endroit pour le vaiffeau, nous avions été fi malheureux, que je réfo-lus d'effayer ce qu'on pourroit faire dans celui où nous étions. Le lendemain, 14, le bâtiment fut donc mis à la bande autant que cela nous étoit poifible, & le charpentier, qui feul de l'équipage avoit une fanté pailàhle , calfata les épaules dans la partie de la quille qu'il put vifïter. Quoiqu'il n'arrêta pas entièrement la voie d'eau , il la diminua beaucoup. Un vent frais fourUa directement dans la baie après midi, ce qui nous porta très-près de la côte. Nous obfervâmes un grand nombre de naturels du pays qui le cachoient dans les arbres, & qui attendoient vraifemblablement que le vent forçât le bâtiment fur le rivage. Le jour fuivant, 15 , le vent étant beau , nous virâmes vent arrière tout près de la côte avec une croupière fur notre cable, & nous difpofames notre bordée de manière quelle portoit fur le lieu de l'aiguade, & protégeoit les bateaux qui iroient y puifer. Comme nous avions raifon de croire que les naturels du pays, appcrçus parmi les arbres le foir de la veille , n'étoient pas fort éloignés , je fis tirer deux coups dans les bois avant d envoyer nos gens à terre dans le bateau pour faire de l'eau. Le Lieutenant partit aufli dans le canot bien armé & bien équippé. Je lui ordonnai, ainfi qu'aux hommes qu'il conduifoit, de fe tenir k bord & tout près du rivage ; afin de défendre le le bateau tandis qu'il prendroit fa charge. Je lui en- _!_ joignis en même-tems de tirer des coups de carabine Ann 1767. dans le bois fur les flancs de l'endroit où nos gens fe- Aout* roient occupés à remplir les futailles. Ces ordres furent exécutés ponctuellement ; le rivage étoit eicarpé , de forte que les bateaux purent fe tenir près de nos travailleurs. Le Lieutenant fit du canot dans les bois, trois ou quatre décharges de moufqueterie , avant que les matelots allaflent à terre, Ôc aucun des naturels du pays ne paroiffant, ils débarquèrent ôc fe mirent à l'ouvrage. Malgré toutes ces précautions, un quart-d'heure après leur débarquement, ils furent affailiis d'une volée de flèches dont l'une blefla dan-gereufement à la poitrine un des matelots qui faifoit de l'eau, ôc une autre s'enfonça dans un tonneau fur lequel M. Pitcairn étoit aflis. Le Lieutenant a bord du canot, fit faire fur le champ plufieurs décharges de petites armes dans cette partie du bois d'où les flèches avoient été tirées. Je rappellai les bateaux afin de pouvoir chaffer plus efficacement les Indiens de leurs embufeades , a coups de canons chargés à mitraille. Dès que nos bateaux ôc nos gens furent h bord , nous continuâmes à faire feu , èk nous vîmes bientôt environ deux cens Infulaires fortir des bois ôc s'enfuir le long du rivage en grande précipitation. Nous jugeâmes alors que la côte étoit entièrement balayée; mais peu de tems après nous en apperçûmes un grand nombre qui fe raflembloient fur la pointe la plus occidentale de la baie , où ils fe croyoient probablement hors de notre portée. Pour les convaincre du contraire, je fis tirer un canon à boulet. Le Tome /. Ii — boulet effleurant la fur face de Peau , fe releva Ôc tomba au milieu d'eux , fur quoi ils fe difperfèrent avec beaucoup de tumulte ce de confufion , ck nous n'en vîmes plus aucun. Nous fîmes enfuite de l'eau fans être inquiétés de nouveau ; mais tandis que nos bateaux étoient à terre , nous eûmes la précaution de tirer les canons du vaifleau dans les cotés du bois, & le canot, qui fe tint près du rivage comme auparavant, faifoit en même-tems, par pelotons, une décharge continuelle de fa moufqueterie. Comme nous n'apperçûmes point de naturels du pays pendant tout ce feu , nous croirions qu'ils n'osèrent pas s'avancer fur les bords du bois , fi nos gens ne nous avoient dit qu'ils entendirent en plufieurs endroits des gémif-femens ôc des cris femblables à ceux des mourans. Quoique j'euffe été jufqu'ici attaqué d'une maladie bilieufe ôc inflammatoire , j'avois cependant toujours pu tenir le tillac ; mais les fymptomes devinrent fi menaçans, que je fus obligé le foir de me mettre au lit. Le Maître fè mouroit des blelfures qu'il avoit reçues dans fon combat avec les Indiens ; mon Lieutenant étoit auffi très-mal ; le canonnier & trente de nos gens , étoient incapables de faire leur fervice, ôc parmi ceux-ci il y en avoit fept des plus vigoureux ôc de la meilleure fanté qui avoient été bleffés avec le Maître. Nous n'avions point d'efpoir de nous procurer en cet endroit les rafraîchiffemens dont nous avions befoin. Ces circonftances affligeantes découragèrent beaucoup l'équipage , ôc je perdis l'efpérance de pouvoir continuer mon voyage vers le Sud. Excepté mon Lieutenant, le Maître & moi , il n'y -"^JJJ"---- avoit perfonne à bord qui fût en état de reconduire Ann-ï7^7-le vaiffeau en Angleterre; je voyois le Maître aux portes du tombeau , & il étoit très-incertain fî mon Lieutenant éc moi pourrions recouvrer la fanté. Laurois fait de nouveaux efforts pour trouver des rafraîchiffe-mens , fi j'avois eu des inftrumens de fer, de la coutellerie éc d'autres quincailleries avec Iefquelles je pufle regagner l'amitié des naturels du pays , éc acheter d'eux les provifions qui croiffent dans leur Ifle. Mais je manquois de tout cela , éc ma fituation ne me permettant pas d'expofer de nouveau la vie du petit nombre de nos gens qui pouvoient encore travailler, je levai l'ancre à îa pointe du jour du 17, ôc je portai le long de la côte vers cette partie de l'ifle où j'avois envoyé le canot. J'appellai cette Ifle, Ifle d'Egmont IJle d'Egmont. en honneur du Comte de ce nom : c'cfl certainement la même à laquelle les Efpagnols ont donné le nom de Santa-Cru^ , ainfi qu'on le voit par la defcription qu'en ont faite leurs Ecrivains. J'appellai Baie Swallow, l'endroit où nous mouillâmes; il y a environ fept milles à l'Eft depuis la pointe la plus orientale de cette baie que je nommai Pointe Swallow, jufqu'à la pointe N. E. de l'ifle , que j'appellai Cap Byron, ôc depuis la pointe la plus occidentale de cette baie , que je nommai la Pointe Hanway , jufqu'à ce même cap, il y a de diftance dix ou onze milles. Entre la pointe Swallow ôc la pointe Hanvay au fond de la baie , il y a une troifieme pointe qui ne s'avance pas fi loin que les deux premières , éc un peu à l'Oueft de cette pointe, on trouve un excellent mouil- iiij ijz : Voyage -—■.....—lage ; mais il faut prendre des précautions pour mct- AxN.ijôy. tre à l'ancre , parce qu'il y a peu de fond. Lorfque nous étions à l'ancre dans cette baie , la poin* te Swallow nous reftoit E. j N. E. , 6k la pointe Hamvay O N. O. En dehors de cette pointe , eft un récif fur lequel la mer brife à une très-grande hauteur ; nous avions au N. O. j O., la partie extérieure de ce récif, èk une Ifle qui a l'apparence d'un volcan, étoit juftement au-deffus des brifans. Bientôt après que nous eûmes dcpafTé la pointe Ranway , nous vîmes un petit village fitué fur le rivage , & environné de cocotiers. Il eft placé dans une baie, entre la pointe, Hanway & une autre pointe à laquelle je donnai le nom de pointe tiow. La pointe Hanway eft éloignée de la pointe How d'environ quatre à cinq milles. Près de la côte , la fonde donne 30 braffes ; mais en traverfant la baie a la diftance d'environ deux milles, nous n'avions point de fond. Après avoir pafié la pointe How, nous découvrîmes une autre baie ou havre, qui paroiffoit être un lagon profond ; je J'appellai Havre de Carlifle. Vis-à-vis l'entrée du Havre de Carlifle , èk au Nord de la côte , nous trouvâmes une petite Ifle que j'appellai Ifle de Portland. Sur le côté occidental de cette Ifle , on trouve un récif qui s'avance dans la mer ; l'entrée du Havre eft fur le côté oriental , èk elle fe prolonge en dedans èk en dehors E. N. E. èk O. S. O : elle a environ deux encablures de largeur, èk à-peu-près 8 braffes d'eau. Je crois que le havre y eft bon, mais un vaifleau feroit obligé de fe faire touer pour y entrer ou pour en for tir, ck d'ailleurs il coureroit ri f que d'être attaqué du Capitaine C a r t e r e t. %$\ par les naturels du pays qui font hardis jufqu'à la — témérité, éc qui combattent avec une opiniâtreté peu A commune chez des fauvages fans difcipline. Quand le vaiifeau fut à un mille de la cote , nous n'avions point de fond à 50 brafles. A quatre ou cinq milles à f Oueft de fille de Pordandj on rencontre un beau havre petit éc rond, ôc qui eft juftement alfez vafte pour contenir trois vaiffaux ; nous l'appellâmes le Havre de Byron. Lorfque nous fûmes en travers de fon entrée, il nous reftoit S. £ S. E. ~ E., ôc l'ifle du Volcan N. O. ~ O, Notre bateau y entra ôc trouva deux courans , l'un d'eau douce ôc l'autre d'eau falée ; le courant d'eau falée nous lit conjecturer qu'il avoit une communication avec le havre de Carlife. En avançant à environ trois lieues du havre , nous apperçûmes la baie 011 le canot avoit été attaqué par les Indiens , ôc je lui donnai pour cela le nom de Baie de Sang (Bloody Bay), Il y a un petit ruilfeau d'eau douce dans cette baie, ôc nous y vîmes plufieurs maifons régulièrement conftruites. Au bord de feau , on en trouve une beaucoup plus longue que toutes les autres , bâtie éc couverte de chaume ; elle nous parut être une efpèce de maifon d'affemblée. C'eft dans celle - ci que le Maître éc nos gens furent reçus tandis qu'ils étoient à terre ; ils me dirent que les deux côtés éc le plancher étoient couverts d'une belle natte, éc qu'on y avoit fufpendu un grand nombre de flèches en paquets , pour fervir au befoin. Ils ajoutèrent qu'il y avoit dans cet endroit plufieurs jardins ou vergers enclos de murs, éc plantés de cocotiers , de bananiers , de planes , d'ignames éc ^«.nmm__j» d'autres végétaux ; nous apperçûmes du vaiffeau un Ann 1767. grand nombre de cocotiers parmi les maifons du vvil--AoÛL lage. Environ à trois milles à l'Oueft de ce village , nous en découvrîmes un autre fort étendu, vis-à-vis duquel , près du bord de l'eau , il y avoir, un parapet de pierre d'à - peu - près quatre pieds fix pouces de hauteur , conftruit non en ligne droite , mais à angles , comme nos fortifications- Les armes de ces peuples & leur courage dans les combats qui eft en grande partie l'effet de 1 habitude, nous donnent beaucoup de raifons de fuppofer qu'ils ont entr eux des guerres fréquentes. En avançant à fOueft de cet endroit, nous trouvâmes, à deux ou trois milles de diftance, une petite anfe formant une efpèce de baie dans laquelle une rivière a fon embouchure. Nous examinâmes de la grande hune cette rivière, jl nous parut qu'elle couloit bien avant dans le pays , ce qu'elle eft navigable, au moins â fon embouchure , pour de petits bâtimens ; nous l'appellâmcs Rivière de Gvan-vilk. II y a à l'Oueft une pointe à laquelle nous donnâmes le nom de Pointe Ferrers. Depuis cette pointe la terre forme une grande baie , & il y a dans les environs une ville fort étendue ; les habitans fembloient y fourmiller , comme les abeilles dans une ruche* Lorfque le vaiffeau paffa en fon travers, il en fortit une multitude incroyable d'Indiens , tenant dans leurs mains quelque chofe qui reffembloit à un paquet d'herbes vertes , dont ils paroilîbient fe frapper les uns les autres, danfant en même-tems ou courant en cercle. Environ à fept milles à l'Oueft delà pointe Ferrers, on en rencontre une autre qui fut appellée Pointe Carterctj £k de laquelle un récif , qu'on apperçoit au - deffus -----i de l'eau, fe prolonge à la diftance d'une encablu- ^NN-1767. 1 t « f • j Août. re. Nous vîmes fur cette pointe une grande pirogue, avec un abri ou pavillon conftruit au milieu ; ôk un peu à l'Oueft un autre grand village défendu 6c probablement environné d'un parapet de pierre comme celui dont nous venons de parler. Quand le vaiffeau paffa, les habitans accoururent aufli en foule fur le rivage , ôk exécutèrent la même efpèce de danfe en rond. Peu de tems après ils lancèrent en mer plufieurs pirogues , 6k dirigèrent leur route vers nous ; fur quoi nous mîmes en panne , afin qu'ils euffent le tems de nous approcher. Nous efpérions pouvoir les engager à venir à bord ; mais Iorfqu'ils furent affez près pour nous appercevoir plus diflinètement , ils cefsèrent de ramer 6k nous contemplèrent fans paroître difpofés à avancer davantage ; c'eft pourquoi nous fîmes voile 6k les laiffâmes derrière nous. A environ un demi-mille de la pointe Carteret , nous avions 60 braffes , fond de fable 6k de corail. Depuis cette pointe la terre porte O. S. O. 6k S. O. ; elle forme un lagon profond, à l'embouchure duquel eft fituée une Ifle, 6k qui a deux entrées. Nous appellâmcs l'ifle , Ifle de Tre* vanion. Cette entrée a environ deux milles de largeur, èk s'il y a un mouillage dans le lagon, c'eft sûrement un bon havre pour les vaiffeaux. Après avoir traverfé la première entrée, 6k lorfque nous fûmes à la hauteur de la partie N. O. de l'ifle à laquelle nous donnâmes le nom de Cap Trcvanion , nous vîmes un grand bouillonnement d'eau , 6k en cohfcquence nous dépêchâmes le bateau pour fonder. Nous n'avions pourtant —point de fond par «jo braffes ; la rencontre des marées ^' V6?' étoit la feule caufe du bouillonnement. En tirant autour de ce Cap,, nous trouvâmes que la terre portoit au Sud ; nous continuâmes à longer la côte , jufqu'à ce que nous découvrîmes l'entrée occidentale du lagon entre l'ifle de Tvtvanion 6k celle à?Egmont. Ces deux Ifles fernbloient former en cet endroit une ville continue dont les habitans étoient innombrables. Le bateau alla examiner cette entrée ou paffage , 6k il rapporta que le fond étoit de corail 6k de rocher , avec des fondes très-irrégulières. Dès que les naturels du pays virent le bateau quitter le vaiffeau ; ils envoyèrent plufieurs pirogues armées pour l'attaquer. Quand la première fut à portée, elle décocha fes flèches fur les gens du bateau , qui , fe te-^ nant fur leurs gardes , tirèrent une volée de coups de fufïls qui tuèrent un des Indiens 6k en blefsèrent un autre. Nous tirâmes en même-tems parmi eux , du vaifleau , un gros canon chargé à mitraille ; ils s'enfuirent tous alors à terre en grande pré-? cipitation , excepté la pirogue qui avoit commeiif ce l'attaque 6k qui fut faifie avec l'infulaire bleffé , par le bateau qui les amena au vaiffeau. Je fis fin? le champ prendre l'Indien à bord , èk j'ordonnai au Chirurgien d'examiner fes bleffures. Il parut qu'une balle lui avoit percé la tête, 6k qu'une féconde lui avoit cafîè le bras; le Chirurgien penfantque la blef-fure de la tète étoit mortelle , je le fis remettre dans fa pirogue, èk malgré fon état il rama vers la côte. C'étoit un jeune homme qui avoit la tête lai-netife comme celle des nègres , 6k une petite barbe ; a il avoit les traits fort réguliers, ôc il n'étoit pas aufîi 11 ■ .. noir que les habitans de Guinée. Il étoit d'une taille Ann-moyenne & entièrement nud, ainfi que tous les autres naturels du pays que nous avons vus fur cette Ifle. Sa pirogue très-petite , ôc grofîiérement travaillée, n'étoit rien autre que la partie d'un tronc d'arbre creufé; elle avoit pourtant un balancier. De toutes celles que nous avons apperçues, aucune ne portoitde voiles. Cette place forme l'extrémité Ouefl de l'ifle d*Egmont , fur le côté feptentrional ; elle eft fituée exactement dans la môme latitude que l'extrémité orientale qui eft fur le même côté. La diftance entre ces deux extrémités , eft d'environ cinquante milles précifément à l'Eft 6c à l'Oueft. Il y a un fort courant qui a fa direction a l'Oueft le long de la côte. Je gardois toujours le lit, ôk ce fut avec un regret infini que j'abandonnai i'efpoir d'obtenir des rafraî-chiffemens dans cet endroit, d'autant plus que nos gens me dirent avoir vu , lorfque nous faifions voile le long de la côte, des cochons, des volailles en grande abondanee , des cocotiers , des bananiers , des planes ôc beaucoup d'autres végétaux qui nous auroient bientôt rendu la fanté ôc la vigueur que nous avions perdues par les fatigues ôc les peines d'un long voyage ; mais je ne pouvois plus m'attendre à établir amicalement un commerce avec les naturels du pays, ôc je n'étois pas en état de me procurer par la force ce dont j'avois befoin. J'étois dangereufement malade ; la plus grande partie de mon équipage , comme je l'ai déjà obfervé, étoit infirme, ôc le refte Tome IL Kk , découragé par les contreferas ôc les travaux. Quand An^' I767' même mes gens auroient été bien portans Ôc de bonne volonté , je n'avois point d'Officiers pour les conduire ni les diriger dans une pareille entreprife , ni pour commander le fervice k bord du vaiffeau. Les obfta-cîes , qui m'empêchèrent de prendre des rafraîchiffe-mens dans cette Ifle, furent caufe auffi que je n'examinai pas les autres Ifles fituées dans les environs. Le peu de forces que nous avions diminuoient à chaque inftant. J'étois incapable de pourfuivre le voyage au Sud , ôc courant riique de manquer la mouflon , je n'avois point de tems k perdre : j'ordonnai donc de gouverner au Nord , dans l'efpoir de relâcher ôc de nous rafraîchir dans le pays que Dampierre a appelle Nouvelle-Bretagne. Je décrirai pourtant le mieux qu'il me fera pofîible, l'apparence ôc la fituation des Ifles que je laiffai derrière moi. Je donnai le nom général à'Ifles de la Reine Charlotte , à tout le grouppe de ces Ifles, tant de celles que je vis que des autres que je n'apperçus pas distinctement; Ôc je donnai en outre des noms particuliers a plufieurs d'entr'elles , a mefure que j'en ap-prochois. Lorsque nous découvrîmes la terre pour la première fois , nous en apperçûmes deux qui nous du Lord reffoient en face ; j'appellai la plus méridionale , lotv* Ifle du Lord How , ôc l/k d'Egmont , l'autre dont j'ai déjà fait mention. L'ifle du Lord How eft fituée par n d 10 ' de latitude S. , ôc 164 d 43 ' de longitude E. Le Cap Byron , qui eft la pointe orientale de Pille d1 Egmont, gît au iOd 40' de latitude S. & '^,—,IIJ"'......■"" au i£4d 49 ' de longitude E. Les côtés à l'Eft de ces ann.1767. deux Ifles, qui font exactement fur la même ligne , à-peu-près au N. ~ N. O. & S. | S. E. s'étendent k environ onze lieues , en y comprenant le paffage qui a quatre milles de large ; elles forment un coup-d'œil agréable, & paroiffent toutes deux être fertiles & couvertes de grands arbres d'une très-belle verdure. L'ifle du Lord How , quoique plus plate 6c plus unie que l'autre, eft cependant une terre élevée. A environ treize lieues du Cap Byron, k l'O. N. O. \ N. du compas , il y a une Ifle d'une hauteur prodigieufe 6c d'une figure conique. Son Commet a la forme d'un entonnoir dont nous vîmes fortir de la fumée , mais point de flammes; c'eft fûrement un volcan , ôc je l'appellai pour cela Ifle du Volcan. Je donnai le nom d'IJle de Keppel k jjie du Volcan. une longue Ifle plate qui nous reftoit au N. O, lorf- IJledeKeppeL que nous avions droit en face les Ifles d'ffo w Ôc d\Egmont. Elle eft fituée au 10 d 15 ' de latitude S. ôc fuivant notre eftime au iG^ d 4' de longitude E. J'appellai Ifle du Lord Edgcomb , la plus grande des IJle àuLori deux autres qui gifent au S. E., ôc Ifle d'Ourry la £|^rrJt plus petite. L'ifle cV Edgcomb , fituée par 11 d 10 ' de latitude S. ôc 165 d 14' de longitude E. , eft d'un très-bel afpeèf. L'ifle d'Ourry gît au 11 d 10 ' de latitude S. ôc au 16$ d 19 ' de longitude E. Je n'ai pas donné de nom particulier a plufieurs autres Ifles qui avoifinent celles-ci. Les habitans de l'ifle d'Egmont dont j'ai déjà décrit la figure, font extrêmement agiles, vigoureux ôc actifs. Kk ij - ~' Ils femblent auffi propres a vivre dans l'eau que fur [a terre) car ils fautent de leurs pirogues dans la mer prefqu'à toutes les minutes. Les pirogues qui s'avancèrent contre nous de l'extrémité occidentale de l'ifle, reifembloient toutes à celle que nos gens amenèrent a bord ; elles pouvoient dans l'occafion porter environ douze hommes, quoique trois ou quatre les conduififient ordinairement avec une dextérité étonnante. Nous en vîmes cependant d'autres plus grandes fur le rivage & qui avoient au milieu un abri ou pavillon. Nous prîmes deux de leurs arcs ôc un paquet de leurs flèches, dans la pirogue qui fut faifie avec l'homme bleffé ; au moyen de ces armes ils frappent un but à une diftance incroyable. Une des flèches qu'ils tirèrent traverfa les planches du bateau ôc bleffa dangereufe-ment un Officier de poupe à la cuiffe. Ces flèches ont une pointe de pierre , & nous ne vîmes parmi eux aucune apparence de métal. Le pays en général eft couvert de bois ôc de montagnes , ôc entrecoupé d'un grand nombre de vallées ; plufieurs petites rivières coulent de l'intérieur dans la mer, & il y a beaucoup de havres fur la côte. La déclinaifon de l'aiguille y eft d'environ 15' E. ^-----.-----------^g^^------——=^ CHAPITRE V. Départ de Vîflt ^Egmont fi- Paffage à la Nouvelle-Bretagne. Defcription de plufieurs autres Ifles & de leurs Habitans. ]N~ous fîmes voile de cette Ifle le foir du 18 Août, avec un vent alifé frais foufflant de l'Eft, & de petites raffales par intervalles. Nous portâmes d'abord O. N, O. ; car avant de gagner la latitude de la Nouvelle-Bretagne , je ne défefpérois pas de rencontrer quelques autres Ifles où nous ferions plus heureux que dans celles que nous venions de quitter. Nous découvrîmes le 20, une petite Ifle baffe ôc plate, éc le foir nous nous trouvâmes par fon travers ; elle eft fituée au 7 d 56' de latitude S. ôc au 1 $8 d Cap S* Ûtorçr-&< von Wgen JT 8l.°W; 3 Leei7lei(en -weitvondem Jc/iâ^è Cap St Georcre. de l>0, tÀ."8lAO.à. 3.Lieueà 3>Oô Cap OrfW V«« SeeJtet/en m& von c/em X/tfî Cap ôrford cfùant au S<0.d JS. Llp.uai C.Orford. ça ti \i rÇv/tur ' vur„nrLjfio bù a fee Jtcden ureitvon^em dc'Aifè/t'eaend Cap.BuJi-er cftsant du />-^'U Lord. Sandwichs ItiCèl,2 t>2le Mvtter ,•*,:>.//,' ^«^TdcW W"< Ti lie Mutte r 2* Tockfcr 2eme Fille Nous jettâmes l'ancre feulement pour attendre que r*___ les bateaux eufïênt trouvé un mouillage plus conve- Ann- 1766. cable , ils découvrirent plufieurs bons havres dans le Aouc* voifinige. Nous tachâmes alors de lever l'ancre, mais, \ avec les forces réunies de tout l'équipage , nous ne pûmes pas en venir à bout : c'étoit une preuve ailar-mante de notre foi bielle j ôc pleins de douleur nous eûmes recours â de nouveaux moyens; avec ce fecours, Ôc en employant nos derniers efforts , nous dégageâmes l'ancre du fond ; mais le vaiffeau étant porté fur îa cote , elle reprit prefque au môme inftant, fur un fond de roches. Il fallut recommencer notre travail de nouveau , tous ceux qui étoient en fanté employèrent le relie du jour toutes leurs forces , fans parvenir à la relever. Nous n'étions pas difpofés a. couper le cable , quoiqu'il fût fort uté , nous aurions fouffert difficilement cette perte \ nous voulions en faire du fil de carret, dont nous avions grand befoin. Nous cefsâmes avec répugnance notre entreprifè pcii-dans la nuit, & le lendemain, après avoir un peu réparé nos forces, nous fûmes plus heureux. Nous relevâmes enfin l'ancre, mais nous la trouvâmes fi endommagée qu'elle étoit déformais inutile , une des pattes étant rompue. -^e cet endroit nous fîmes voile a une petite anfe éloignée d'environ trois ou quatre milles , à laquelle nous donnâmes le nom d'^/z/ê Anglotje. Nous y mîmes à l'ancre, Ôc nous commençâmes à faire du bois & de l'eau que nous y trouvâmes en grande abondance, fans parler du left. J'envoyai auffi le bateau LIij ----- î chaque jour pêcher a la feine , mais quoiqu'il y eût une Ann.\-j6-j. grande quantité de poiffons, il n'en prit que très-peu: il eut un fi mauvais fuccês , probablement parce que l'eau étoit claire ck le rivage rempli de roches, ôc peut-être auffi parce que nous n'étions pas affez habiles dans cet art. Quoique nous ne réufhfîions pas, nous continuâmes ce travail jour & nuit; nous eûmes recours à l'hameçon, mais pas un feul poiffon ne voulut y mordre. Nous vimes un petit nombre de tortues, nous n'en prîmes aucune ; nous étions condamnés au fupplice de Tantale , voyant continuellement des objets que notre appétit dé droit avec ardeur, ôc toujours malheureux , lorfque nous tâchions de les faifir. Nous ramafsâmes cependant a la marée baffe, un petit nombre d'huitres de rochers Ôc de très - gros pétoncles, éc nous nous procurâmes à terre quelques cocos ôc l'efpèce de chou qui croît au haut de l'arbre qui les produit ; ce chou efi blanc , frifé , d'une fub fiance remplie de fuc ; lorfqu'on le mange cru , il a une faveur reflemblante à celle de la châtaigne ; ôc quand il eft bouilli , il eft fupérieur au meilleur panais. Nous le coupâmes en petites tranches dans du bouillon fait avec nos tablettes, ôc ce bouillon épaiffi cn-fuite avec du gruau d'avoine , nous fournit un très-bon met. Nous fûmes obligés de couper autant d'arbres que nous emportâmes de ces choux ; nous détruifï-mes, avec beaucoup de regret, tant de fruits qui font peut-être les meilleurs anti - feorbutiques du monde , mais la nécefflté n'a point de loi. Ces végétaux frais & fur-tout le lait ou plutôt l'eau de coco , rendirent très-promptement la fanté à nos malades. Ils fe trou- virent aufïi fort-bien, de manger le fruit d'un grand 'J_;__^ arbre , qui relfemble à une prune 6c en particulier à Ann- 'J67« celle qu'on appelle dans les Ifles d'Amérique, prune de la Jamaïque. Nos gens lui donnèrent le même nom. Elle a un goût aigrelet 6c agréable ; mais elle n'a que peu de chair , probablement faute de culture, Ces prunes ne font pas abondantes, de forte qu'ayant les deux qualités d'un mets délicat , la rareté 6c l'excellence , il n'eft pas étonnant quelles foient recherchées avec empreffemenc. La cote dans les environs de cet endroit eft remplie de rochers ce le pays élevé ce montagneux; mais il eft couvert d'arbres de différentes elpèces , dont quelques-uns font d'une grandeur énorme , 6c pourroient probablement fervir â plufieurs ufages. Entr'autres , nous trouvâmes les mufeadiers en grande abondance; je cueillis quelques mulcades, mais elles n'étoient pas mûres, Jl eft vrai qu'elles ne me paroiifoient pas être de la meilleure qualité ; peit-être cela provient-il en partie de ce qu'elles croiffent fans être cultivées , 6c en partie de ce qu'elles font trop h l'ombre fous les grands arbres. L'arbre qui donne la noix de cocos eft excellent, mais il ny en a pas beaucoup, fe crois qu'il y a ici toutes les différentes efpèces de palmier , avec l'arbre qui produit la noix de bétel , diverfes fortes d'aloës , des cannes a lucre , des bambous , des rattans , oc plufieurs arbres , arbrifLaux 6c plantes que je ne connois pas. On n'y trouve aucun végétal comeftible. Les bois (ont remplis de pigeons, de tourterelles, de freux, de perroquets 6c d'un grand oifeaa à noir plumage qui fair un bruit affez reffem-blant a l'aboyement d'un chien , ck de plufieurs autres que je ne puis ni nommer ni décrire. Nos gens ne virent que deux petits quadrupèdes qu'ils prirent pour des chiens. Le charpentier ck un autre homme les apperçurent légèrement palTant dans les bois , tandis qu'ils coupoient de petites folives à l'ufage du vaiffeau ; ils dirent qu'ils étoient très-fauvages ck qu'ils s'enfuirent fort vite. Nous vîmes des miliepieds , des fcorpions, èk un petit nombre de ferpentsde différentes efpèces , mais point d'habitans. Nous rencontrâmes pourtant plufieurs habitations abandonnées , 6k par les coquilles répandues dans les environs , 6k qui fem-bloient forties récemment de feau , ainfi que par quelques morceaux de bois à moitié brûlés 6k qui étoient des relies de feu , nous avons lieu de croire que des hommes venoient de quitter cet endroit lorfque nous y arrivâmes. Si l'on peut juger de l'état d'un peuple par celui de fes habitations, ces Infulaires doivent être dans les derniers degrés de la vie fauvage , car ils avoient pour demeures les plus miférables huttes que nous ayions jamais vues. Pendant notre féjour en ce lieu, nous nettoyâmes îe vaiffeau, 6k nous le mîmes à la bande pour vifiter la voie d'eau que les charpentiers arrêtèrent le mieux qu'ils purent. Nous trouvâmes le doublage rrès-ufé 6k la quille fort rongée par les vers. Nous l'enduisîmes dans tous les endroits que nous pûmes mettre hors de l'eau , avec de la poix 6k du goudron chauds mêlés enfemble. Le charpentier coupa plufieurs poutres pour différens ufages ôc particulièrement pour des bou- i___ g teiiors , n'en ayant plus que peu de ceux que nous Ann- ^7. avions embarqués en Angleterre. L'Anse Anglolfc eft fituée au N. E. \ N. a trois ou quatre milles de 1 Ifle TVaïïls. On trouve a main droite en y allant un petit banc de rochers qu'il fera aifé de reconnoître au moyen de la mer qui brife fur lui. La marée a fon flux ôc fon reflux une fois dans vingt-quaire heures ; elle monta à environ neuf ou dix heures, ôc elle fut haute entre trois ce quatre de l'après-midi; enfuite le jùfarit continua toute la nuit, ôc il y eut marée baffe fur les fix heures du matin. L'eau s'élève ôc tombe entre huit ou neuf pieds, quelquefois plus ôc d'autres fois moins. J'ignore fi cette variation n'eft pas plutôt l'effet des brifes de terre ôc de mer que d'une marée régulière. Nous mouillâmes avec notre féconde ancre par iq braffes , fond de fable ôc de vafe. Nous filâmes dans l'anfe un cable ôc demi ; nous amarrâmes la poupe Ôc la proue avec la petite ancre , ôc nous rattachâmes avec des han-fières fur chaque épaule. Le vaiffeau mouilloit alors par 10 brafîes au fond de la baie k une encablure de la côte ; la pointe Waliis nous reftant S. O. J S. k environ trois ou quatre milles de diftance. Il y a une quantité d'eau ôc de bois excellens , ôc on peut y faire du bon left. La variation de l'aiguille étoit de 6 d r E. Le 7 Septembre, je levai l'ancre , mais avant de septemb, mettre a la voile , je pris poffeffion de ce pays ôc de toutes fes Ifles , baies , porcs Ôc havres , au nom de V O Y A G E Ann. 1767. Sepcemb, Sa Majeflé George III, Roi de la Grande-Bretagne. Nous clouâmes à un grand arbre une planche couverte de plomb fur laquelle étoient gravés les armes de l'Angleterre , de l'Ecofïe 6c de l'Irlande , le nom du vaifleau 6c de fon Commandant, le nom de l'anfe, le tems où nous y arrivâmes 6c le jour auquel nous en partîmes. Pendant notre mouillage, j'envoyai le bateau examiner les havres fitués fur la côte ; il s'en revint chargé de cocos qu'il fe procura dans un joli petit havre qui gît à environ quatre lieues O. N. O. de l'endroit où nous étions. L'Officier qui, commandoit le bateau rapporta qu'il avoit cueilli les fruits fur les arbres qui ycroilfenten grande abondance , mais qu'il avoit obfcrvé que plufieurs de ces arbres étoient marqués , 6c qu'il y avoit tout près plufieurs huttes des Naturels du pays ; je ne crus pas devoir le faire partir pour une féconde expédition , cependant comme les rafraîchiffemens qui s'offroicnt à nous étoient d'une grande importance pour les malades, je réfolus de faire entrer le vaiffeau dans le havre , 6c de le placer de manière qu'il protégeât les hommes qui iroient abattre des arbres 6c couper des choux palmifles Ôc leurs fruits. Dès le grand matin , nous fîmes voile de Vyln/è Angloifc avec une brife de terre ; ôc le foir nous mîmes le vaifleau en travers du bois , où les noix de cocos avoient été recueillies, ôc à peu de diftance de la côte. Nous nous procurâmes plus de mille noix de cocos , ôc autant de choux palmifles que nous pûmes en confbmmer pendant qu'ils étoient bons : j'y aurois relié affez long-tems pour donner à mes gens tous les rafraîchiffemens dont ils avoient befoin, du Capitaine Carteret. 173 befoin , mais vu la faifon de l'année , le plus petit ~ délai auroit été dangereux. Nous avions de grandes Ann- 1767. raifons de fuppofer que pour confcrver une partie Septemb* de notre équipage , il falloit gagner Batavia, pendant que la mouflon continuoit à fouiller de l'Eft. Il eft vrai qu'elle devoit encore durer allez pour que tout autre vaifleau que le mien eût pu faire trois fois ce trajet ; mais je favois que ce tems étoit à peine fufïï-fant pour le Swallow qui fe trouvoit en très-mauvais état. Si nous avions été obligés d'attendre ici une autre faifon , il eût probablement été impoiïible de faire naviguer ce bâtiment, d'autant plus qu'il n'avoit qu'un fimple doublage, ôc que fa quille n'étant pas garnie de clous , elle, auroit été entièrement rongée des vers. D'ailleurs nos provifions fe feroient épuifées long-tems avant cette époque. Le 9 , à la pointe du jour , je levai donc l'ancre avec une petite brife de terre, 6c je quittai ce mouillage , qui étoit fans contredit le meilleur de ceux que nous avions rencontrés" depuis notre départ du détroit de Magellan. Nous donnâmes à cet endroit le nom de Havre de Carteret. Il gît à environ quatre lieues a l'O. N. O. de YAnfe Angloife , 6c il eft formé par deux Ifles ôc par la cote de la Nouvelle-Irlande. Nous appellâmes I/le des Noix de Cocos, la plus grande qui eft fituée IJleSesNok au N. O. ; 6c IJle de Leigh l'autre qui gît au S. E. à\£™'UÏ fc Il y a un bas-fond entre ces deux Ifles, 6c entre cha- * ' cune d'elles fe trouve une entrée dans le havre ; l'entrée S. E. ou fur le vent eft formée par l'ifle de Leivk , & on y trouve un rocher qui paroît au-delfus de Tome I, Mm 0nammmaema l'eau , ôc auquel nous donnâmes le nom de Rochef ^cpteiib7' ^e Booby* Le paffage eft entre le rocher & l'ifle ; le rocher n'eft pas dangereux , parce que l'eau eft très-profonde tout autour. L'entrée N. O. ou fous le vent, eft formée par l'ifle des Cocos \ c'eft la meilleure des deux ; on y a un bon mouillage , au lieu que l'eau eft trop profonde dans l'autre. Nous entrâmes dans le havre par le premier paffage Ôc nous en fortîmes par le fécond. A l'extrémité S. E. du havre , il y a une grande anfe qui eft à l'abri de tous les vents ôc propre à recevoir un vaifleau. L'anfe femble fèrvir d'embouchure k une rivière, mais nos gens ne purent pas s'en affurer. On rencontre dans la partie N. O. du havre une autre anfe que nos bateaux vifitèrent ôc d'où ils nous rapportèrent une très-bonne eau. On peut auffi y conduire un vaiffeau , ôc elle eft très-convenable pour y faire de l'eau ôc du bois. On y rnouilleroit de 5 k 30 brafles , Ôc par-tout fur un fond de vafe molle. Le havre porte à-peu-près au S. E. ~S. ëc N. O. j N. ; il a environ trois milles de long ÔC quatre encablures de large. Nous mîmes à l'ancre par 30 brafles près de l'entrée N. O. Ôc en travers des arbres qui font fur fille des Noix de Cocos. l3\2 i3\3 i3\4 i3ô i3\ Tsk W/utc Dû w fisse. Insd JtA- Tortie d'Aroo Thaï v.Aroo v-T'-ÇtO*- 5o, *". § ' Thttl voit^Titncr-lau/r j20 n Partie Je Timor-laut te* "5 p4 '4* 4> ■ O S'Jean IM Sir CharlesHcirdij TsrJokak^kSir CarlHardys lrvsd, eorge ( (LordArusorus. Charte vd Enùdecki/nj/crt //< 'c/-/rs du GxpTCérttrtt dans lot NLE Bhetacne avec une partie du papaye l)w CapM^ok a traven LE S DE TR 07 TS ENDEA VO UR (7 de la X^yXjOudX, etc)es ^I)ecoîcvtrtes^ic Gw 'cimpicr (\i/u? lac N':F'Guinée et L N1EBretagne en ib<)c) et ijoo . i3l l34 i3\6 M ■ \<7 ExnEA v o un Nota . Die, scAaitirUn Tke.de. suul rvi.ue,Untde.ckttngen. Die mit doppdten. Lùiierv a,ngzcUtitete.Kujte. hatDarrtpier sc/wft j/ej elle s'élève par degrés en du Capitaine C a r te re t. zjj montagnes très-hautes, qui font en général couvertes ______ 1 , ■ de grands bois, avec plufieurs clarières qui nous pa- Amn- l767* rurent des endroits cultivés. Nous vîmes un grand SePtem^ nombre de feux pendant la nuit fur cette partie du pays , ce qui nous donna lieu de penfer qu'il étoit habité. L'ifle du Duc d'York eft fituée entre les deux pointes appeyées Cap Pallîfer ôc Cap Stephens. Comme il n'étoit pas fur de tenter dans l'oblcurité l'un ou l'autre des deux pafîages que cette Ifle forme dans le détroit, nous mîmes à la cape pendant la nuit ôc nous eûmes toujours la fonde à la main ; mais il n'y avoit point de fond pour 140 brafîes. Le détroit, y compris les deux paflages, a environ quinze lieues de largeur. La terre du Duc d'York eft unie & d'un afpecT: agréable ; l'intérieur eft couvert de grands bois ; les habitations des naturels du pays , allez voifines l'une de l'autre, font rangées près des bords de l'eau parmi des bocages de cocotiers, de façon que le tout forme un coup-d'cei! des plus beaux Se des plus pittorefques qu'il foit pofîible d'imaginer. Nous apperçûmes plufieurs de leurs pirogues qui font très-bien faites, ôc le matin, du 10, quand je mis à la voile , quelques-unes s'avancèrent vers le vaiffeau ; mais comme nous avions alors un vent frais, nous ne pûmes pas nous arrêter pour les attendre. Cette Ifle eft fituée au 4d 9' de latitude S., ôc au ijid 20' de longitude E., à vingt-cinq lieues du Cap George. Comme je n'ai pas longé la côte de la Nouvelle-* Bretagne, mais la côte la plus feptentrionale du détroit , je traverfai le paffage qui eft formé par cette côte ôc le côté correfpondant de l'ifle du Duc d'York} il a environ huit lieues de largeur, & peut être re-Ann. 1767. gardé comme le premier goulet du détroit. En gou-Septemb. vernatlC enfuite au N. O. j O. toute la nuit, nous trouvâmes, le 11, h la pointe jour, que nous avions perdu de vue l'ifle la plus méridionale, ou la Nouvelle-Bretagne ; ce après nous être allure que la baie fuppofée Canal de St.- e^ un détroit, je l'appellai Canal*de Saint-George , George. & je donnai à l'ifle feptentrionale le nom de Nova-Nouvelle-L- Hibcmia , ou Nouvelle-Irlande. Le tems étant brumeux , avec un vent fort & des raffales fubites, je continuai à porter le long de la côte de la Nouvelle" Irlande y à la diftance d'environ fix lieues, jufqu'à ce que je fuffe en travers de fon extrémité occidentale, ôc changeant alors de direction, je gouvernai O. N. O. Je remarquai clairement que nous étions pouffes le long de la côte par un fort courant à f Oueft. A midi nous trouvâmes par les obfervations que nous avions dérivé beaucoup au Nord du lock ; mais comme il étoit impofîible que le courant eût fa direction exactement au Nord, puifque c'eût été précifément contre la terre , je fus obligé , pour corriger mon eftime , de ne pas fuppofer moins de vingt-quatre milles , ce qui eft à-peu-près l'étendue du gifement de la terre, le long de la côte. La variation de l'aiguille étoit à ce tems d'environ une demi-pointe à l'Eft. Nous découvrîmes fur le foir une belle Ille , grande, Ôc qui forme un détroit ou pafîàge entr'elle ôc la Nouvelle-Ir- * lande. Le tems fut très-fombre, accompagné de raffales Ôc de pluie ; nous mîmes à la cape, ne fâchant pas à quels dangers la navigation de ce détroit pouvoit nous expofer. La nuit fut orageufe avec beaucoup de ton* s, lierres Ôc d'éclairs ; mais le tems s'éclaircit vers les rjL±^.^>■>■»•»*» deux heures du matin. Le ix , les coups de vent fe Ann- 1767. changèrent en petite brife ; 6c la lune répandant une ieptea*b-clarté très-brillante , nous remîmes à la voile , 6c nous trouvâmes un fort courant qui nous portoit à l'Oueft à travers le paffage du fécond goulet qui a environ cinq lieues de largeur. L'ifle eft d'une af-pect agréable ôc très-peuplée ; je l'appellai IJle de IfœàeSanà* Sandwich , en honneur du Comte de ce nom, aujour- Wlch-d'hui premier Lord de l'Amirauté. Elle eft plus grande que l'ifle du Duc d'York, ôc il nous fembla qu'il y avoit quelques baies ôc havres très-bons fur la côte. On trouve fur fa partie feptentrionale un pic remarquable , en forme de pain de fucre, Ôc il y en a un autre exactement femblable Ôc oppofé à celui-ci, fur la côte de la Nouvelle-Irlande. Ils font éloignés l'un de l'autre d'environ cinq lieues dans la direction du S. { S. E. ± E. Ôc N. \- N. O. i O. Pendant le tems que nous fûmes à la hauteur de cette Ifle, nous entendîmes la nuit un bruit continuel , femblable au fon d'un tambour. Le tems étant calme lorfque nous pafsâmes a travers le détroit , dix pirogues , portant environ cent cinquante hommes, partirent de la côte de la Nouvelle-h lande, ôc s'avancèrent vers le vaiffeau. Elles s'approchèrent affez pour que nous pufîions leur donner quelques quincailleries que nous leur tendîmes au bout d'un grand bâton, mais aucun des Indiens ne voulut fe hafarder à monter à bord. Ils fem-bîoient préférer le fer à toutes les autres chofes que nous leur donnions ; quoique ce fer, fi fon en excepte les clous, ne fût pas travaillé ; car, comme je l'ai obfervé . —-i plLls haut, nous n'avions point avec nous d'ouvrages Ann. 1767. ^e coutellerie. Les pirogues étoient très-longues ôc très - étroites , avec un balancier, oc quelques-unes étoient bien faites. Une d'elles avoit au moins quatre-vingt-dix pieds de longueur, puifqu'elle étoit de très-peu plus courte que notre vaiffeau. Cependant elle étoit formée d'un feul arbre ; elle avoit quelques or-nemens en fculpture dans les côtés : trente-trois hommes la faifoient marcher , nous n'y vîmes aucune apparence de voiles. Ces Infulaires font noirs ôc ont de la laine à la tête comme les Nègres, mais ils n'ont pas le nez plat Ôc les lèvres groffes. Nous penfâmes que c'étoit la même race d'hommes que les habitans de l'ifle Egmont. Comme eux ils font entièrement nuds , fi. l'on en excepte quelques parures de coquillages qu'ils attachent à leurs bras ôc à leurs jambes. Ils ont pourtant adopté une pratique fans laquelle nos Dames ôc nos petits-Maîtres ne font pas fuppofés être habillés complettemcnt ; les cheveux , ou plutôt la laine de leur tête étoient chargés de poudre blanche ; d'où il fuit que la mode de fe poudrer eft probablement d'une plus haute antiquité Ôc d'un ufage plus étendu qu'on ne le croit communément. Il eft vrai que ces peuples l'étendent plus loin qu'aucun des habitans de l'Europe, car ils poudrent non-feulement leurs cheveux 7 mais encore leurs barbes. Leurs têtes font ornées de parures plus brillantes , ôc j'ai remarqué que la plupart attachoient en deffus d'une de leurs oreilles , une plume qui fembloit avoir été tirée de la queue d'un coq ; de forte qu'ils ne manquent pas abfolument de volailles pour leur table. Ils font armés de piques ôc de de grands bâtons en forme de maffues ; mais nous ; ■■ n'avons apperçu parmi eux ni arcs ni flèches. Peut- Ann- 1767* être en avoient-ils dans leurs pirogues, qu'ils jugèrent ePtemb-à propos de nous cacher. De mon côté, j'ordonnai à tous mes gens de fe tenir dans leurs portes, tandis qu'ils rôdoient autour du vaifleau. J'obfervai qu'ils portoient un ceil attentif fur nos canons, comme s'ils en eulfent craint quelque danger : il eft pofîible qu'ils n'ignorent pas entièrement l'ufage des armes à feu. Ils avoient avec eux des filets, qui, ainfi que leurs cordages, fembloient être très-bien fabriqués. Après qu'ils eurent refté quelque tems près de nous, il s'éleva une brife, éc ils s'en retournèrent à la côte. Le pic de l'ifle de Sandwich eft fitué au id 33' de latitude S. ôc au 149d 17' de longitude E. Dès que les Indiens nous eurent quittés, nous gouvernâmes a peu près à l'Oueft, éc bientôt après nous découvrîmes une pointe de terre , que nous reconnûmes par la fuite pour l'extrémité S. O. de la Nouvelle-Irlande , & à laquelle je donnai le nom de Cap Byron. Il gît au Cap Byron. 2 d 30 ' de latitude S. ôc au 149 d 2 ' de longitude E. vis-à-vis la côte de la Nouvelle-Irlande. A l'Oueft du Cap Byron il y a une Ifle grande ôc belle , que j'appellai la Nouvelle-Hanovre. Entre cette Ifle ôc la Non- Nouvelle Ha-velle-Irlandc, on trouve un détroit ou paffage qui tour- wvre. ne au N. E. Il y a dans ce paffage plufieurs petites Ifles ôc fur l'une d'elles un pic remarquable. Je donnai à cette Ifle le nom d'Ifle Byron, ôc j'appella le paf- Ifle Byron. fage ou détroit , Détroit de Byron. La terre de la Tome I. Nn . 1 Nouvelle-Hanovre eft élevée ; elle eft couverte d'arbres Ann. 1767. parmi Iefquels on diftingue plufieurs plantations ; le tout forme une belle apparence. J'appellai ( Foreland ), Pro-montoire de la Reine Charlotte, en honneur de Sa Majefté , la pointe S. O. de î'Ifle , qui eft un mondrain élevé. On reconnoît cette pointe ôc la terre dans les environs , par un grand nombre de petites collines ; mais la nuit accompagnée d'un tems fombre, de raffales violentes , & de beaucoup de pluie, nous ayant furpris, nous n'avons pas pu les voir affez diftincfement pour décrire leur apparence. Nous gouvernâmes a l'Oueft pendant toute la nuit, & le matin du 13, le tems étant toujours brumeux, nous n'appercevions plus la Nouvelle - Hanovre que très-imparfaitement. Mais nous découvrîmes à environ huit lieues à l'Oueft fix ou fept petites Ifles que j'ap-JpsâuDuc pellai Ifles du Duc de Portland ôc dont deux font dePonknd. allez larges. La groffeur de la mer me fit appercevoir alors que nous avions dépaffé toutes les terres, ôc je trouvai qu'il étoit plus court & beaucoup plus fur de paffer par le Canal Saint- George , en venant de l'Eft ou de l'Oueft , que de tourner autour des terres & des Ifles qui font au Nord. L'accident qui me donna l'occafion de faire cette découverte, peut être d'un grand avantage aux Navigateurs. Il eft inconteftable qu'on peut fe procurer des rafraîchiffemens de toute efpèce auprès des naturels du pays , qui habitent les deux côtes du canal , ou les Iiles qui font fituées dans les environs , pour des verroteries , des rubans, des miroirs , & fur-tout des inftrumens de fer ôc des ouvra- ges de coutellerie , qu'ils aiment paflionnément ôc dont ——— par malheur nous n'étions pas fournis. Ann.i767. Septemb. Le Promontoire de la Reine Charlotte, la partie S* O. de la Nouvelle-Hanovre eft fituée au 2 d 29 1 de latitude S. ôc 148 d 27 ' de longitude E. Le milieu des Ifles de Portland, gît au 2 d 27 ' de latitude S. ôc au 148 d 3 ' de longitude E. La longueur de ce détroit ou canal depuis le Cap Saint-George au Cap Byron , extrémité S. O. de la Nouvelle-Irlande eft de plus de quatre-vingt lieues. La diftance du Cap Byron au Promontoire de la Reine-Charlotte eft d'environ douze, ôc il y en a à peu près huit depuis ce Promontoire aux Ifles de Portland; de forte que toute la longueur du Canal Saint-George eft d'environ cent lieues ou de trois cent milles. Quoique nous euflions débouqué le détroit , le matin du 13 Septembre, nous ne pûmes point obferver le foleil jufqu'au 15 \ ce contretems m'a caufé d'autant plus de regret qu'il m'a empêché d'être auffi exact dans mes latitudes ôc longitudes qu'on auroit lieu de l'attendre. La defcription du pays, de fes productions Ôc de fes habitans , auroit été beaucoup plus complette ôc plus détaillée, fi je n'avois pas été tellement affoibli ôc épuifé par la maladie, que je fuccombois prefque fous les fonctions qui retomboient fur moi faute d'officiers. Lorfque je pou vois à peine me traîner, j'étois obligé de faire quart fur quart, ôc de partager d'autres travaux avec mon Lieutenant dont la fanté étoit auffi en fort mauvais état. Nn ij CHAPITRE VII. Traverfée du Canal Saint-George à l'ifle de Mindanao* Defcription de plufieurs Ifles. Ce qui nous arriva dans la route, que nous eûmes débouqué le Canal Saint- ann. i767. ^ . . . —. n t 1 1 Septemb. **.eorge , nous gouvernâmes a lOuelt. Le lendemain 14, nous découvrîmes une terre qui nous reftoit à PO. N. O. & nous courûmes deffus. Nous reconnûmes par la fuite, que c'étoit une Ifle d'une étendue confidéra-ble ; & bientôt après nous en vîmes une autre au N. E. de celle - ci , mais elle ne paroiffoit être qu'un grand rocher au-deffus de Peau. Comme nous avions ici des courants forts, & que pendant plufieurs jours je ne fus pas en état de faire aucune obfervation fur le foleil , je ne pourai pas déterminer la fituation de ces Iiles avec autant d'exactitude que je l'aurois fait fans ce contretems. En avançant à l'Oueft % nous apperçûmes une terre plus grande, compofee de plufieurs Ifles qui font fituées au Sud de la plus étendue des deux que nous avions d'abord découvertes. Comme les nuits étoient alors éclairées par la lune , nous portâmes deffus jufqu'à onze heures , ôc mon Lieutenant qui étoit de quart, s'appercevant que 1* route que nous fuivions nous conduiroit au milieu de ces Ifles, & ne voulant pas m'éveilier avant l'heure de du Capitaine Carteret. faire mon fervice, il tira au S. ~ S. E. & S. S. E. en ™ j_, »» s'en éloignant. Je montai fur le tillac vers minuit, Ann. 1767. & voyant k une heure que nous les avions dépalfées, ^P^mb. je gouvernai de nouveau à POueffc à petites voiles. Cependant nous étions près des Iiles, 6c fur les fix heures un nombre confidérable de pirogues, ayant plufieurs centaines d'Indiens à bord, s'avancèrent ôc ramèrent vers le vaifleau. Une d'entr'elles qui portoit fept hommes , s'approcha afîèz de nous pour nous héler ; elle nous fit beaucoup de lignes que nous ne pouvions pas entendre parfaitement; mais nous les répétâmes le mieux qu'il nous fut pofîible pour faire comprendre aux Infulaires, que nous avions pour eux les mêmes difpofitions qu'ils avoient a notre égard : afin de mieux gagner leur bienveillance & de les engager à venir a bord, nous leurs tendîmes quelques-unes des bagatelles que nous avions ; fur quoi ils s'approchèrent plus près du vaifleau , & je me flattois qu'ils alloient y monter ; mais au contraire dès qu'ils furent à notre portée, ils lancèrent avec force leurs javelines , fur l'endroit du tillac où nous étions en plus grand nombre. Je crus qu'il vaîoit mieux prévenir que d'avoir k repouffer une attaque générale , qui auroit été d'autant plus meurtrière que le nombre des combattans feroit plus grand ; ne doutant plus que les Infulaires ne fuffent nos ennemis , je fis tirer quelques coups de fufil ôc un des pierriers. Cette décharge ayant tué ou blcffé quelques-uns d'entr eux , ils fe retirèrent Ôc joignirent les autres pirogues qui étoient au nombre de douze à quatorze. Je mis k la cape pour attendre la fin de cette attaque , & j'eus la fadsfaction de voir qu'a- près avoir long-tems confulté enfembîe , ils reprirent le chemin de la côte. Afin de les intimider encore davantage & d'empêcher plus efficacement leur retour, je fis tirer une pièce de fix , chargée à boulet, de façon que le coup tombât dans Peau au-delà des pirogues» Cet expédient parut avoir un bon effet, car non-feulement ils ramèrent avec plus de promptitude , mais ils drefsèrent une voile pour arriver plutôt au rivage. Cependant plufieurs nouvelles pirogues fe détachèrent bientôt d'une autre partie de l'ifle & s'avancèrent vers nous. Elles s'arrêtèrent à la même diftance que les premières , & une d'elles vint aufli en avant de la même manière. Nous fîmes aux Indiens qui montoient ce bâtiment, tous les lignes d'amitié que nous pûmes imaginer; nous leur montrâmes toutes les chofes que nous avions & que nous crûmes devoir leur faire plaifir ; nous leurs ouvrîmes les bras pour les engager à monter à bord ; mais toute notre réthorique fut inutile; dès qu'ils furent à la portée du vaiffeau, ils lancèrent fur nous une grêle de dards & de javelines, qui ne nous firent cependant aucun mal. Nous répondîmes à leur attaque par quelques coups de fufils ; un d'entr'eux ayant été tué , le refle fauta précipitamment dans la mer , & dès qu'ils furent arrivés à la nage auprès des autres qui les attendoient à quelque diftance , ils s'en retournèrent tous au lieu d'où ils venoient. Lorfque nous apperçûmes que la pirogues étoit abandonnée , nous détachâmes notre bateau qui l'amena à bord. Elle avoit cinquante pieds de long , quoique ce fût une des plus petites qui eût été envoyée contre nous. Elle étoit groftièrement tra- vaillée d'un feul arbre , mais elle avoit un balancier. ___11 ; Nous y trouvâmes fix beaux poiffons, une tortue, quel- Ann- *7*fi ques ignames , une noix de coco & un lac rempli ePtemb-d'une petite efpèce de pommes ou de prunes d'un goût douceâtre éc d'une fubffance farineufe. Ce fruit étoit un peu applati , éc il étoit entièrement différent de ceux que nous avions vus auparavant, éc des autres que nous avons rencontrés dans la fuite. On pouvoit le manger crud, maïs il étoit beaucoup meilleur bouilli ou rôti dans les cendres. Nous y trouvâmes auffi deux grands pots de terre qui avoient une forme allez reffemblante à celle d'une cruche, avec une large bouche , mais fans anfes , éc une quantité confidérable de nattes qui fervent à ce peuple de voiles éc de bannes, en les étendant fur des baguettes courbées, à la façon de nos chariots couverts. Par ce que con-tenoit ce bâtiment, nous jugeâmes qu'il avoit été employé à la pêche; nous remarquâmes que les Indiens avoient du feu à bord & un pot deffus, dans lequel ils faifoient cuire leurs alimens. Lorfque nous eûmes fatisfait notre curiofité en examinant cette pirogue, nous la mîmes en pièces pour en faire du bois à brûler. Ces Infulaires font la même race d'hommes que nous avions vus auparavant fur la côte de la Nouvelle-Irlande, éc à l'ifle $ Egmont ; ils font d'une couleur de cuivre foncé, prefque noirs, avec une tête laineufe. Us mâchent du bétel éc vont entièrement nuds, fi l'on en excepte des parures groflières de coquillages enfilés en cordon qu'ils portent autour de leurs jambes éc de leurs bras. Ils poudroient auffi leurs cheveux comme les derniers Infulaires que nous avions Ann. 1767. vifjjtés ; ils avoient en outre le vifage peint de rayes Septemb. [3jancjles . je n'0bfervai pas qu'ils euffent de la barbe. La pointe de leurs lances étoit formée avec une efpèce de caillou bleuâtre. Apres avoir quitté ce peuple féroce & ennemi, nous continuâmes notre route le long des autres Ifles qui font au nombre de vingt ou de trente, 6c. d'une étendue confidérable ; une d'elles en particulier feroit I/IesdeTA- feule un grand royaume. Je les appellai IJhs de l'Amirauté, mirautè ,* j'aurois été bien aile de les examiner , li mon vaiffeau avoit été en meilleur état, & fi j'avois été pourvu de marchandifes propres à commercer avec les Indiens , d'autant plus que l'afpeèt de la terre invite naturellement à y defeendre. Elles font couvertes de la plus belle verdure ; les bois font élevés & épais, entremêlés de clarières qui ont été défrichées pour des plantations , de bocages de cocotiers & des maifons des habitans qui femblent être très-nombreu-fes. Il feroit facile d'établir avec ces Infulaires un commerce amical, puifqu'ils fentiroient bientôt tous les avantages de ce trafic, & que notre fupériorité rendroit leur réfiftance inutile. J'ai jugé que le milieu de la plus grande eft fituée à trente-cinq lieues de diftance à l'O. \ N. du Promontoire de la Reine Charlotte, dans la Nouvelle-Hanovre. Sur le côté méridional de cette Ifle, il y en a une petite qui s'élève en forme de cône , & qui fe termine en un pic fort haut. Ce pic git au %d 27' de latitude S, , à cinq degrés & demi à l'Oueft du Cap Saint- George , dans la # JC6$ fUfytS.Jh- meilen cette Jfte est marquée A. Jaiiâ la Carie . . ./Ifrfri. mmJHmmmmpam, )r-gaMa—ni...............ni m-^^'-^w-mz J mttzÂ. beï.eichnetr. ^ ^ JCOfO. f Ouest jrJca.fO. JflZÏ Ouest d?sleô d'£ti£wie,-vueé le 2^ fept.1767. S.23^C\testr l?otà i&& d& Isled de L'JmIFAUtÉ. $reà\_Jacftchten derddniirctAfœfo Vn/ëÙt* Mi. JCrtdoUf/trZ.£ea&> Queues O. 1,%/ttct 7. lieue* ~Wi. Jûd 7Jee dùtler, tr A/?24-fOsty J3of Os-t S.-ZoF.Oft: Jf?3 S.?>$dOuest c/:2'i.°H'est Hsles de Jofeph Ireturi/l vimô le 26fept.i7Sz ytffA^œud/ètyèfoam 2S.Je^ùeffderi767^eseien ~P.10 dOuesb Ir.iortâstr JùsFMst ^7fi£ du. Sic, vue d 6t ^rrauude d&,n& ^scted Jû&Jîlfel am 27. JevtJ767-»vm, ejros/erh 7fazst/korée auss?e/è/>en, JÏSodOues-t Jf^ de, S.tdrt/ÏJT, "PtU» setuemettt de Ta grande Jûme etr don cette Vue-ci éte[/>rise le là.'Octobre i7tf7. vont, iJùtstJcorée aus aefèhen und ge7etc/inet7. am, l* Octoèerirér. / <- am iS. OctoSer 1767. JCat.Cbt dfo.pervOs-ù: JZf/e du. ChurUritreffloerptee de Ta-grande Ju\ne e£d'où cette ~Vûe à e'téf>rlre leJZ Octobre 1767. JeeStrahm %sel,wm cfrosfetcJtastlborle aus geferien. und jefëicAnet am, 1Z OefySer iré7. Tfots fJsles, 7$îeà de notre TTloutlùi^e dans ta iOay< 0*^f7tz/eé/^, iron derdJcuy aus^e/sAe/i, ir/, we/cAer urtr am . S.7Jd£.S.££UA> >Y/ac?e dans la ^daye à lextremlté' ^Jleriaiorwde de ^t'njpw*0' S. 3jl£- Ô.dïcueù Jsodr.Zieues' die dCtlcfeti J//2y JTO.yenO.l.Osù Ouestûi Lùtues S.3o°Ost7.See7rL. £g ? Mst s.y ? WcstSi Jee. m la Nouvelle-Irlande. En rangeant la côte méridionale — 1 de la grande Ifle, nous trouvâmes qu'elle a dix-huit A™n-1767-lieues de long dans la direction de l'Eft ôc de l'Oueft ; ePte,ïlk je ne fais pas jufqu'où elle s'étend au Nord \ mais d'après fon apparence, j'ai des raifons de fuppofer qu'elle fe prolonge à une diftance très-confidérable. Je crois qu'il eft extrêmement probable que ces Iiles produifent plufieurs articles précieux de commerce , ex fur-tout des épiceries , d'autant plus qu'elles font ■fituées dans le même climat & à la même latitude que les Moluques, ôc que j'ai trouvé les mufeadiers dans la Nouvelle-Irlande, fur un fol plus rocailleux ôc plus ftérile que celui-ci. Ayant dépaffé ces Ifles, nous continuâmes notre chemin O. ~ N. O. , avec une belle brife dEft ôc une mer tranquille. Le \G, au matin, nous trouvâmes, par un réfultat moyen de plufieurs azimuths , que la variation de l'aiguille étoit de 6d 30' E. Ôc nous reconnûmes par des obfèrvations que nous étions au 2 d 19' de latitude S. , & au 14^ d 40' de longitude E. Je fus furpris de voir que la déclinaifon de la bouffole diminuoit par degré fur ce côté de la terre de la Nouvelle -Bretagne ôc de la Nouvelle-Irlande , auffi considérablement que pendant notre route au N. O. ; mais je me rappellai que deux ans auparavant j'avois trouvé , a peu de chofe près , la même variation dans ce méridien, aux environs de l'ifle de Tinian, Le foir du 19, nous découvrîmes deux petites Iftes qui étoient toutes deux une terre baffe, unie & Tome L Oo lyo Voyage ■ ' verdoyante. L'une d'elles ne fut apperçuc que du haut ^ep'cmb7' ^U maC ^U Sran(* petroquet , & je l'appellai Ifle de Jfl.e de Du- Durour Elle eft fituée à-peu-près àidi4'oui6'de tour. latitude S., 6c au 143d 21' de longitude E. Nous côtoyâmes pendant la nuit l'autre Ille à laquelle Ifle de Matty. je donnai le nom à.'IJle de Matty y nous vîmes les habitans courir en grand nombre avec des lumières le long du rivage Ôc vis-à-vis du vaiffeau. Le coté que nous rangeâmes me parut être d'environ fix milles de longueur, E. \ N. E. ôc O. ~ S. O. Comme 11 étoit nuit, nous ne pûmes rien appercevoir de plus, Ôc ayant une jolie brife dont il nous étoit impoflible de ne pas profiter, nous pourfuivîmes notre route. L'ifle de Matty gît à-peu-près à 1 d 4$ ' de latitude S., ôc au 143 d 1' de longitude E. La variation de l'aiguille étoit de 4d 40' E. , ôc nous y rencontrâmes un fort courant N. O. Nous avions alors des vents frais , des raffales ôc de la pluie; le vent fou fila affez irrégulièrement de TE. S. E., à l'E. N. E., jufqu'au 12 , qu'il devint tout-à-faic variable. Nous étions à ce tems à «53' de latitude S. , Ôc au i40d <$ ' de longitude E. ; la variation de l'aiguille étoit de 4d 40' E, Le 24 , nous vîmes deux petites Ifles au S. O. ; comme il faifoit calme , avec de petites fraîcheurs 6c un fort courant Oueft , nous ne pûmes pas nous en approcher plus près que de quatre ou cinq lieues ; elles avoient un afpecl agréable, ôc elles étoient bien couvertes d'arbres ; mais j'ignore fi elles font inhabitées : elles courent a-peu-près au N. O. j O., ôc au S. E. i E, L'une d'elles a environ trois milles de longueur, éc l'autre fix ; le paffage entre les deux paroît avoir deux milles de large. Elles gifent à 22' de latitude S., éc au 138 d 39' de longitude E., Ôc je leur donnai le nom cY Ifles de Stephens. Nous continuâmes à gouverner N. O. *- O., avec un petit vent variable éc un fort courant N. O. Le 25, nous découvrîmes à l'avant une terre, que nous reconnûmes par la fuite être trois petites Ifles ; éc avant la nuit nous en étions affez près. Plufieurs pirogues, remplies de naturels du pays, partirent bientôt de la côte, éc après nous avoir fait quelques lignes de paix, ils vinrent à bord fans la moindre apparence de défiance ou de crainte. Us n'avoient rien qu'un petit nombre de noix de cocos, qu'ils nous vendirent avec beaucoup de joie pour quelques morceaux d'un cercle de fer. Nous vîmes qu'ils connoifloient ce métal qu'ils appelloient Parrain , éc ils nous firent entendre par lignes, qu'un vaiffeau comme le nôtre, avoit quelquefois touché fur leur Ifle pour s'y rafraîchir. Je donnai à l'un d'eux trois morceaux de ce vieux cercle, dont chacun avoit environ quatre pouces de long, ce qui le jetta dans un raviffement peu différent de l'extravagance. Je ne pus pas m'empêcher de prendre part à fa joie, éc j'obfervai avec grand plaifir le changement de vifage éc le défordre de geftes par lesquels il l'exprimoit. Ces peuples paroiffent aimer le fer plus paffionnément que tous ceux que nous avions vus jufqu'alors, éc je fuis fur que pour des inftrumens de ce métal, nous aurions acheté tout ce qui efi dans leur Ille, éc que nous aurions pu emporter. Ce font Oo ij des Indiens couleur de cuivre, & les premiers de ce teint que nous ayons remarqué dans ces parages. Us ont de beaux 6c grands cheveux noirs 6c peu de barbe; car nous remarquâmes qu'ils arrachent conftamment les poils du menton 6c de la lèvre Supérieure, Leurs traits font beaux ôc leurs dents d'une blancheur ôc. d'un poli édattans ; ils font d'un ftature moyenne, mais extraordinairement alertes, vigoureux ôc actifs j. ils montoient fur la grande hune beaucoup plus prompte m eut que nos propres matelots, Leur caractère eft franc ôc ouvert, ils mangeoient ôc buvoient tout ce qu'on leur donnoit ; ils alloient fans hériter dans toutes les parties du vaifleau , ôc ils étoient auffi familiers ôc auffi gais avec l'équipage, que s'ils nous avoient connus depuis long-tems ôc d'une manière intime, lis n'étoient pas entièrement nuds.ainfi que les peuples de toutes les autres Ifles que nous avions vifités ; cependant ils n'avoient qu'une légère couverture autour des reins, ôc qui étoit compofée d'une pièce étroite d'une belle natte. Leurs pirogues font très-bien travaillées ôc avec beaucoup d'adreffe \ un arbre creufé en forme le fond ; les côtés font de planches , ôc elles ont une voiîe d'une natte fine ôc un balancier. Leurs cordages Ôc leurs filets ne font pas moins bons, lis .nous prefsèrent inftamment d'aller à terre, en nous propo-fant de laiffer comme otages au vaiffeau , un nombre de leurs gens égal à celui que nous voudrions y envoyer. J'y aurois confenti volontiers, fi je Pavois pu f mais un fort courant Oueft nous entraîna à une il grande diftance, que je n'eus pas occafion de chercher un mouillage, ôc la nuit furvenant, nous continua- mes notre route. Lorfque les Indiens s'apperçurent gBgg™ que nous les quittions, un d'eux demanda ardemment A^NN-de venir avec nous , 6c malgré tout ce que fes com- m patriotes 6c moi, pûmes lui dire ou lui faire, il refufa opiniâtrement de retourner k la côte. Comme je crus que cet homme pouvoit nous fervir à faire quelques découvertes utiles , je ne le renvoyai pas à terre par force , 6c je lui accordai ce qu'il défiroit. Nous apprîmes de lui qu'il y a d'autres Ifles au Nord , dont les habitans , h ce qu'il nous dit, ont du fer. fi ajouta qu'ils s'en fervoient pour tuer fes compatriotes lorsqu'ils les attrapoient en mer. Je remarquai avec beaucoup de douleur que ce pauvre Indien , que j'appellai Jofepk Freewill {de bonne volonté), à caufe de fon em-preffement à venir avec nous, tomboic malade de jour en jour, après qu'il eut féjourné quelque tems dans notre vaiffeau ; il vécut jufqu'à mon arrivée à l'ifle de Celebes , où il mourut. Comme les files d'où je l'avois emmené étoient très-petites <5c très - baffes , la plus grande n'ayant pas plus de cinq milles de circonférence , je fus furpris de voir combien il connoiffoit des productions qui font aux Celebes: outre le cocotier ôc le palmier, il reconnut l'arbre qui porte le bétel ôc le citro* nier , ôc à l'inftant qu'il cueillit un fruit à pain, il alla auprès du feu Ôc le grilla dans les cendres. Il nous fit entendre aufîi que dans fon pays il y avoit du poif-fon en abondance ôc des tortues fuivant la faifon. Il eft cependant très-probable, malgré le grand nombre d'habitans qui vivent fur ces Iiles , qu'ils n'ont point d'eau-douce que celle de la pluie. Je n'ai pas eu occasion d'apprendre comment ils la reçoivent Ôc la cou- r 194 Voyage '- fervent; mais je n'ai jamais rencontré une fource dans Sepcemb* un terrem ^ Pet^c & fi das j & je ne crois pas qu'on puiffe y en trouver. La plus grande de ces Ifles que les Naturels du pays appellent Pegan , & a laquelle JJledeFree- je donnai ie noni à'Jjle de Freewill, efi fituée à 50' de latitude N. ck au 137e1 511 de longitude E. Elles font toutes environnées par un récif de rochers. J'ai drefîé la Carte de ces Ifles d'après la defcription des Indiens qui en firent l'efquiffe avec de la craie fur le tillac , & qui déterminèrent la profondeur de feau en fe fervant de la longueur de leurs bras pour défigner une braffe. Je gouvernai enfuite N. O. -\ N. pour dépaffer la ligne; nous eûmes des petits vents de l'E. S. E. avec lefquels tout autre vaifleau que le Swallow auroit marché très - vite , mais malgré tous les avantages que nous pouvions defirer , il avançoit très - lentement. Nous trouvâmes alors que la variation de faiguille commençoit encore à diminuer , ainfi qu'on le verra par la Table fuivante. I Latitude. Longitude mefurée depuis le Promontoire de la Reine Charlotte. Variation de î Aiguille. 0 40' S. 8° O. 4° 40' E. Sous la Ligne. 9 40 O. 4 17 E. — 30 N. 10 30 O. 3 10 E. 2 — N. u 40 O. 2 30 E. 2 JO N. 12 10 O. 2 - E. Le 28, étant au 2d ^3 ' de latitude N. & au 136 d 10 ' de longitude E., nous rencontrâmes un bas-fond très-dangereux, d'à-peu-près onze ou douze milles de circuit, ôc environné de petites roches qui fe montrent juftement au-deffus de Peau. Nous y trouvâmes un fort courant Nord, mais je ne puis pas déterminer s'il portoit à f Eft ou à l'Oueft. Le foir , nous découvrîmes de la grande hune une autre Ifle à notre Sud ; l'extrémité orientale de cette Ille fembloit s'élever en pic ôc avoit l'apparence d'une voile ; nous n'en approchâmes pas allez près pour y voir rien de plus de deffus le tillac. J'eftime que fa latitude eft d'environ zd ^o' N. ôc fa longitude de 136" d 10 ' E. du méridien de Londres. Nous continuâmes d'avoir un courant au Nord jufqu'au Oétobre, jour , où étant au 4d 30' de lati- Odobre. tude N., je le trouvai venant du Sud ôc très-fort. Entr'autres chofes qui nous manquaient , je n'avois pas un petit bateau à bord , de forte que je ne pus point examiner les courants , malgré le grand defir que j'en avois. Je penfe pourtant que lorfque le courant portoit au Sud , il inclinoit â fEft, ôc que lorfqu'il portoit au Nord, il inclinoit à l'Oueft. Le 12 , nous apperçûmes une petite Ifle où nous vîmes des arbres , quoiqu'elle ne fût guère plus large qu'un rocher, je l'appellai Current IJland ( IJle du IJle du Cou-Courant), Elle gît au 4 d 40' de latitude N. Ôc au 14d rant-04 ' de longitude O. du promontoire de la Reine Charlotte. Le lendemain , nous découvrîmes deux autres petites Ifles auxquelles je donnai le nom à'Ifles de ^ds Saïnu J André. Septemb. Saint - André \ elles font fituées au <,d 18 / de lati- Dre7* tUC^e ^* & au x4 d 47 ' ^e longitude O. du promontoire de la Heine Charlotte. J'appellai la petite Ifle, IJle du Courant , parce que nous avions un courant Sud fi fort qu'il nous faifoit dériver chaque jour de ving-quatre à trente milles vers le midi , fans parler de la variation qu'il occafionnoit dans notre longitude. Le vent étoit alors variable , fouillant par intervalles de chaque rumb de la bouffole , avec beaucoup de pluie & de raffales violentes. Le , étant au 8 d de latitude Nord , il fouffla avec tant de force, que nous fûmes obligés de relier en panne l'efpace de foixante-quatre heures. Je fuppofai que ce vent qui rendoit la mer très - groffe , étoit un des vents de la mouflon , ce malgré le courant Sud , il nous fit dériver pendant que nous étions en panne, jufqu'au 9e d au Nord. CHAPITRE CHAPITRE VIII. Defcription de la Cote de Mindanao & des Ifles qui i'avoijinenu Erreurs de Dampierre corrigées. ous découvrîmes encore terre le 26, mais étant N hors d'état de faire des obfervations, nous ne pûmes ann.1767. déterminer notre latitude & notre longitude que par ^obre* notre effime ; le lendemain , zy, fut cependant plus favorable , ôc je trouvai que l'effet du courant avoit été fi grand , que je fus obligé d'ajouter à la mefure du lock 64 milles au S. O. ± S, pour les deux derniers jours. Nous reconnûmes alors que la terre que nous avions vue, étoit la partie N. E. de ITfle de Mindanao ; comme j'avois plufieurs de mes gens malades ôc que j'étois dans un befoin très-preffant de rafraîchiffemens , je réfolus d'entreprendre de nous procurer quelques provifions dans une baie que Dampierre a décrit comme étant fituée à la partie S. E. de l'ifle , Ôc qui, à ce qu'il raconte , lui fournit une grande quantité de bêtes fauves qu'il tua dans une favanne. Je côtoyai donc cette partie de l'ifle, ôc afin de ne pas manquer la baie , j'envoyai mon Lieutenant en avant avec un bateau ôc un certain nombre d'hommes , pour qu'il fe tînt au plus près de la côte. Ils ne trouvèrent point de baie, pareille à celle dont parle le Voyageur que nous Tome L Pp 298 Voyage venons de cker ; mais ils apperçurent à la pointe la ^Qft b^7* P^US rn£^cnonale de l-lfle j un petit enfoncement au fond duquel étoient une Ville & un Fort. Dès que les gens qui étoient à terre virent notre bateau, ils tirèrent un coup de canon & détachèrent trois canots ou pirogues remplies dTnfulaires. Comme mon Lieutenant n'avoit pas allez de forces pour s'oppofer à cette attaque , il revint fur le champ au vaiffeau. Les pirogues lui donnèrent la chaffe jufqu'à ce qu'elles furent à la vue de notre bâtiment ; intimidées alors par notre grand nombre, elles jugèrent a propos de s'en retourner. Les tentatives que je fis pour chercher la baie, & la prairie de Dampierre , ayant ainfi été fans fuc-cès , j'aurois mouillé a la hauteur de cette Ifle malgré l'attaque des habitans , fi je n'avois pas été obligé de tirer de la calle quelques pièces d'artillerie, & de faire quelques réparations nécefîaires dans les agrès. Cette circonftance me fit porter un peu à l'Eft 3 où le Novcmb. i Novembre je mis à l'ancre par 7 braffes , fond de vafe molle , à une encablure de la côte. La pointe la plus occidentale de la baie nous reftoit O. S. O. , à environ trois milles , & la pointe la plus orientale E. £ S. E., à-peu-près à un mille de diftance. Nous avions au N. O. une rivière qui a fon embouchure dans la baie & au S. 7 d E., à environ cinq lieues le pic d'une Ille appellécHummock IJIand, (Ifle du Mondrain. ) Nos deux ba;eaux allèrent a la rivière avant la nuit du même jour, & ils s'en revinrent chargés d'eau ; ils ne virent aucune trace d'ha-bitans dans l'endroit où ils débarquèrent ; mais nous remarquâmes une pirogue qui s'avançoit autour de la pointe la plus occidentale de la baie que nous fuppo- ~ famés avoir été dépêchée de la ville, pour apprendre An*.i767. qui nous étions , ou au moins pour reconnoître ce ^ovemt>. que nous faifions. Dès que j'apperçus cette pirogue , j'arborai pavillon Anglois. Je ne déltfperois pas qu'elle vînt à bord; mais après nous avoir examiné quelque tems, elle s'en retourna. Comme nous n'avions vu aucuns vertiges d'habitans à l'endroit de l'aiguade, j'avois defTein d'y remplir de nouvelles futailles le lendemain, & de tâcher aulîi d'y faire du bois ; mais fur les neuf heures du foir , nous lûmes furpris d'entendre tout-à-coup un bruit fort fur cette partie de Ja côte qui étoit vis-à-vis le vaiffeau. Ce bruit étoif produit par un grand nombre de voix d'hommes, & reflèmbloit beaucoup au cri de guerre que les Sauvages d'Amé- . rique pouffent au moment de leurs combats, & qui, au rapport de tous ceux qui l'ont entendu, a quelque chofe de fi terrible 6c de fi affreux qu'on ne peut l'exprimer. Je fus alors de plus en plus convaincu qu'il étoit néceffaire d'employer le peu qui nous reftoit de forces du mieux qu'il nous feroit pofîible. Nous continuâmes le lendemain , 3 , à tirer les canons de la calle , & à raccommoder les agrès qui en avoient befoin. N'ayant apperçu aucun des Infulaires qui s'étoient efforcés de nous effrayer par leurs cris pendant la nuit, j'envoyai à onze heures la chaloupe à terre pour y faire encore de l'eau. Comme je penfois que probablement ils s'étoient cachés dans les bois , je tins le canot armé & équipé avec le Lieutenant à bord, tout prêt à donner du fe- ppij cours a nos gens s'ils étoient menacés de quelque danger. Il parut bientôt que mes conjectures étoient fondées ; car nos gens n'eurent pas plutôt quitté la chaloupe, qu'un grand nombred'infulaires armés for-tirent du bois ; l'un d'eux portoit â la main quelque choie de blanc que je pris pour un ligne de paix. Je refleuris de nouveau dans cette occafion ce que j'avois déjà éprouvé plufieurs fois auparavant, combien le mauvais équipement du vaifleau étoit malheureux pour nous. Je n'avois point à bord de pavillon blanc , ôc pour fuppléer a ce défaut du mieux qu'il m'étoit poifible, j'ordonnai à mon Lieutenant , que j'envoyai à terre dans le canot, d'arborer une de mes nappes. Dès que f Officier eut débarqué, le porte-étendard ôc un autre Infulaire s'approchèrent de lui fans armes Ôc le reçurent avec de grandes démonfl ration s d'amitié. L'un d'eux lui adreffa la parole en Hollandois, Langue qui n'étoit entendue d'aucun de nos gens. Il proféra en-fuite quelques mots en langage Efpagnof, qu'un des hommes de notre canot iavoit fort bien. L'Indien cependant parloit fi mal, que ce fut avec beaucoup de peine , ôc par le fecours de plufieurs fignes, qu'il fe fit entendre. Peut-être que fi quelqu'un de notre équipage avoit fu PHoIlandois, il fauroit trouvé auffi peu habile dans cette Langue que dans l'autre. Il s'informa du Capitaine qu'il appetioit Skypcr, maître du navire, ôc il demanda fi nous étions Holland ois , h notre bâtiment étoit un vaifleau de guerre où un vaiffeau marchand , combien il portoit d'hommes ôc de canons, ôc fi nous allions à Batavia, ou bien fi nous en revenions. Lorfque nous eûmes répondu à toutes ces queftions , il nous die que nous devions aller à la ^^^^ ville, & qu'il nous introduiroit chez le Gouverneur Ann-.1767. à qui il donnoic le titre de Rajah. Le Lieutenant lui Novemb-répondit alors que nous étions dans le delîèin d'y aller effectivement, mais que nous avions un grand befoin d'çau , 6c qu'il demandoit la permilfion d'en remplir quelques tonnes. Il le pria aufîi de faire écarter a une plus grande diflance les Infulaires qui étoient armés d'arcs 6e de flèches. L'Indien , qui fembloit être revêtu d'une autorité confidérable, lui. accorda ce qu'il defiroit ; 6c comme il paroiffoit faire une attention particulière k un mouchoir de foie que mon Lieutenant portoit autour de fon col, celui-ci le lui préfenta fur le champ. L'Indien , dont l'habillement reffembloit allez â celui des Hollandois, le pria d'accepter en retour une efpèce de cravat.te faite d'une toile de coton grofhère qu'il portoit autour du lien. Après cette échange de cravates, il demanda a l'Officier fi le vaiffeau avoit k bord quelques marchandifes pour commercer. II lui répondit que nous n'en avions que pour acheter des provifions, fur quoi le chef lui répliqua que nous aurions tout ce dont nous avions befoin. Après cette conférence que je regardai comme un augure favorable des avantages que cette place pouvoit nous procurer , les bateaux revinrent à bord chargés d'eau , 6c nous reprîmes gaiement nos occupations dans le vaiffeau. Cependant il s'étoit à peine écoulé deux heures , lorfque nous vîmes , avec autant de furprife que de douleur, plufieurs centaines d'hommes armés qui fe plaçoient vis-k-vis de notre bâtiment en différens endroits du rivage, parmi les arbres. Ils avoient pour armes des fufils, des arcs, des flèches, de grandes piques ou lances, de larges fabres , une efpèce de poignard appelle cri , & des boucliers. Nous obfervâmes auffi qu'ils retirèrent dans les bois une pirogue qui étoit fur la côte fous un hangar. Ces apparences n'annonçoîent pas des hommes pacifiques; elles furent fuivies par d'autres qui nous firent con-noître plus clairement leur mauvaife volonté ; car ces Infulaires pafsèrent le refte du jour k entrer & fortir des bois, comme s'ils fe fulfent exercés a l'attaque d'un ennemi. Quelquefois ils jettoient leurs traits & lançoient leurs javelines dans la mer du côté du vaiffeau ; d'autrefois ils élevoient leurs boucliers & agi-toient leurs fabres contre nous d'une manière menaçante. Pendant tout ce tems-lk, nous n'étions pas oififs k bord; nous montâmes nos canons, nous racommo-dâmes nos agrès ; & nous mimes tout en ordre avant le foir. Etant prêt alors k faire voile , je réfolus , s'il étoit poifible, d'avoir une autre entrevue avec les Infulaires de la côte,& d'apprendre la raifon d'un changement k notre égard fi fubit & fi extraordinaire. Je dépêchai donc mon Lieutenant, & comme un témoignage de nos intentions pacifiques, il arbora une féconde fois la nappe en ligne de trêve. Peus la précaution cependant d'envoyer le bateau vers une partie du rivage où il n'y avoit point de bois, afin que nos gens ne fuflènt pas expofés k être affaillis par des ennemis qu'ils ne verroient pas : j'ordonnai aufîi que perfonne n'iroit k terre. Lorfque les Indiens s'apper-çurent que le bateau approchoit de la côte , & que perfonne ne débarquoit, un d'eux fortit du bois avec un arc ôc des flèches, Ôc lui fit figne d'aborder dans l'endroit où il étoit. L'Officier eut la prudence de n'y "?NN- l7fy* pas conlentir , parce que nos gens auroient été a la portée du feu des Infulaires qui étoient peut-être placés en embufcade ; il attendit quelque tems , ôc voyant qu'il ne pouvoit pas obtenir une conférence k d'autres conditions, il revint au vaiffeau. Il dépendoit certainement de moi de détruire un grand nombre de ce peuple fi peu hofpiralier, en tirant nos grofîès pièces d'artillerie dans le bois ; mais cet expédient n'auroit pas eu d'heureufes fuites. Nous n'aurions pas pu dans la fuite nous procurer de l'eau ôc du bois, fans rifquer la vie de nos gens : j'efpérois toujours acheter des rafrîchiffemens de bon accord a la ville , ou j'étois réfolu de me rendre , étant alors en état de me défendre contre une attaque fubite. C'est pour cela que le lendemain au matin 4, k la pointe du jour, je fis voile avec une petite brife de terre, de cet endroit que j'appellai Deceitful Bay3 {la baye Trompeufc); ôc entre dix Ôc onze heures nous for-tîmes de la baie ou enfoncement, au fond duquel nos bateaux avoient découvert la Ville Ôc le Fort. Il arriva que précifément k ce moment le tems devint fombre, avec une pluie forte, ôc la brife commença k fouiller violemment d'un rumb qui mettoit la terre fous le vent. Je fus obligé de prendre le large, ôc n'ayant point de tems k perdre je portai k l'Oueft, afin de pouvoir gagner Batavia avant que la faifon fût paflèe. Je décrirai d'une manière particulière notre navigation fur la mer qui lave les côtes de cette lile, d'au- 304 Voyage tant plus que ce qu'en a dit Dampierre eft en plufieurs Ann. 1767, points rempli d'erreurs. Novemb Ayant vu la partie N. E. de l'ifle le 26 d'Octobre , fans favoir certainement fi c'étoit Mindanao ou l'ifle de S* Jean , nous nous en approchâmes plus près le lendemain , ôc nous découvrîmes un endroit qui eft la partie la plus S. E. de Mindanao , que nous con-noifîions fous le nom de S aint-Auguflin, 6c qui s'élève en petits mondrains , qui fe prolongent jufqu'à une pointe baffe au bord de l'eau. Elle court N. 40 d E, à vingt-deux lieues de diftance d'une petite Ifle, qui eft diftinguée par une colline ou mondrain, des autres Ifles fituées à la hauteur de la pointe la plus méridionale de Mindanao, ôc que j'appellai pour cela IJle du Mondrain. Toute cette terre eft fort élevée ; une chaîne de montagnes s'élève par derrière une autre , de manière qu'à une grande diftance elle n'a pas l'apparence d'une feule Ifle , mais de plufieurs. Après que nous eûmes découvert l'ifle pour la première fois, nous tournâmes le côté oriental depuis le Nord jufqu'au Cap Saint-Auguflin , à - peu - près S. | S. O. \ O. , ôc N. ~ N. E. | E., dans l'efpace d'environ vingt lieues. Le vent fou fil oit du Sud le long de la côte , 6c comme nous approchions de la terre nous navigâmes vers une ouverture qui avoit l'apparence d'une bonne baie , dans laquelle nous avions deffein de mettre à l'ancre ; mais nous trouvâmes que l'eau, y étoit trop profonde, 6c que quelques bas-fonds en rendoient l'entrée dange-reufe. Je donnai le nom de T>ifappointaient Bay à cette baie, qui gît à environ huit ou dix lieues N. ~ N. E. du du Cap Saint-Auguflin, extrémités. E. de l'ifle. Pen-dantque nous étions au large portant vers cette baie, An*. 1767. nous obfervâmes un grand mondrain qui fembloit être ^ovemb-une Ifle , mais que je regarde comme une péninfule jointe à la grande terre par un Ifthme bas. Ce mondrain formoit la partie la plus feptentrionale de l'entrée, & une autre monticule d'une furface égale qui lui eft oppofce, formoit la partie la plus méridionale. Entre ces deux pointes , il y a des bas-fonds, dont nous avons déjà parlé, ôc plufieurs petites Ifles dont on n'apper-çoit,qu'une feule & même lorfqu'on eft très-près. Nous ne vîmes aucune trace d'habitans fur la Côte; la terre eft d'une hauteur prodigieufe avec des montagnes en-taffées les unes fur les autres , ôc dont les fommets font cachés dans les nues : c'eft pour cela que , lorfqu'on eft au large , il eft prefqu'impofîible d'eftimer fa diftance ; car ce qui paroît être de petites collines qui fe montrent à peine au-deffus de la furface de l'eau , en comparaifon des montagnes qu'on voit par-defîus, fe grolfit à mefure qu'on en approche ; ôc on trouve que l'éloignement eft trois fois plus grand qu'on ne l'imaginoit. Ceci expliquera peut-être pourquoi la terre eft fi mal placée , ôc fon gifement li différent dans toutes nos Cartes Angloifes. Nous rencontrâmes un fort courant qui portoit au fud le long de la côte, fuivant la direction de la terre : la terre haute qui eft au Nord de Saint - Auguflin , s'abaifle par degrés vers le Cap , pointe baffe & plate qui en fait l'extrémité , ôc k la hauteur de laquelle deux grands rochers font finies à très peu de diftance. Sa latitude eft de G d 1^ 1 N. Ôc fa longitude, fuivant. notre eftime, de 127d 20' E. Tome L Qq -- ~— Depuis ce Cap la terre court O. ôc O. £ S. O. Ann. 1767. ^ans un efpace de fix ou fept lieues, enfuite elle remonte an N. O. , en faifant une baie très-profonde , dont nous ne pûmes pas voir le fond , en la traverfant du Cap Saint- Auguflin jufqu'à la hauteur qui efi de l'autre coté : ce trajet n'eft pas moins de douze lieues. La côte , fur le côté le plus éloigné de la baie en quittant le fond , court d'abord au S. & au S. S. O. ôc enfuite au S. O. 4 O., vers l'extrémité méridionale de fille. A la hauteur de cette extrémité méridionale que Dampierre appelle par erreur l'extrémité S. E. , ( la pointe S. E. étant le Cap Saiht- Auguflin) on trouve dix à douze Ifles dans un efpace de cinq , fix & fept lieues , quoique le même Auteur dife qu'il n'y en a que deux , 6c que prifes enfcmblc elles ont feulement environ cinq lieues de circonférence. Les Ifles que j'apperçus ne pouvoient pas être renfermées dans un efpace moindre de quinze lieues ; 6c par le nombre cle pirogues que j'y vis , j'imagine qu'elles font remplies d'habitants. La plus grande de ces Ifles eft fituée au S. O. des autres , 6c fait un pic remarquable , de forte qu'on la découvre d'abord en approchant de la terre , 6c même elle eft vifible à une très-grande diftance : je juge que fà latitude eft de 5 d 2.4 ' N. 6c fa longitude , fuivant notre eftime , de izG d 37' E. Cette IJteàuMon- Ifle que j'appellai Hu/nmock IJland, Ille du Adondrain, porte à vingt ou vingt-deux lieues au S. \ (). (). de Saint - Auguflin , 6c la partie la plus méridionale de l'ifle de Mindanao gît au S. O. | 0.5 à vingt-un ou vingt-trois lieues du même Cap. Cette extrémité la — plus méridionale eft compofée de trois ou quatre poin- ^^1767. tes qui courent E. ce O. l'une de l'autre, dans un ef- ovemb. pace d'environ fept milles : elles font fituées au 5 4 34/ de latitude N., ôc fuivant mon eftime, au \%6 d 2^ ' de longitude. La variation de l'aiguille étoit d'une pointe E. Te paffai entre ces Mes ce la grande terre, & je trouvai le paffage bon , le courant ayant fa direction à l'Oueft. Dampierre a placé fa baie ôc fa prairie à quatre lieues au N. O. de l'IAe la plus orientale ; je la cherchai dans ce parage, ainfi que fur toute la partie S. E. de l'ifle , jufqu'à ce que nous arrivâmes dans une petite crique qui fe prolonge jufqu'à la Ville. Toute la partie méridionale de Mindanao eft extrêmement agréable, on y voit plufieurs cantons qui ont été défrichés pour des plantations , Ôc de grandes plaines d'une belle verdure. Cette partie de l'ifle eft bien peuplée, ainfi que les Ifles voifines. Je ne donnerai pas une defcription de la Ville, parce que le tems fut fi brumeux que je ne pus pas la voir ; je ne pus pas non plus diftinguer fuffifamment la terre pour en déterminer la fituation, ce qui me fit beaucoup de peine. Lorsque je découvris la terre à f Oueft de la pointe la plus méridionale, je reconnus qu'elle couroit à l'O. N. O & au N. O. j O. de cette pointe , formant d'abord un Cap à la diftance d'environ fept ou huit lieues, ôc enfuite une baie profonde qui fe prolongeoit fi loin au N. ôc au N. E., que je ne pus pas en appercevoir Qq ij 3 o8 Voyage le fond. La pointe la plus occidentale de cette baie An*. [767. £^ bafpe ^ majs ]a terre fe relève bientôt & s'étend au N. O. 4 O. ( ce qui femble être la direction de cette côte ) de la pointe la plus méridionale de l'ifle , vers la Ville de Mindanao, A fOueft de cette profonde baie la terre efi toute plate, Ôc elle eft couverte de peu de bois en cornparai-fon des autres parties de l'ifle. Sur ce terrain applati on apperçoit un pic d'une hauteur prodigieufe, 6c qui s'élève dans les nues comme une tour. Entre feutrée de cette baie & la pointe Sud de l'ifle , il y a une autre montagne très-haute, dont le fommet a la forme de la bouche d'un volcan , mais je n'ai pas remarqué qu'elle vomit du feu ou de la fumée. Il eft poifible que cette baie profonde foit celle dont parle Dampierre , 6c qu'elle ait été mal placée par une faute d'impref-fion \ car fi au lieu de dire qu'elle court au N. O. , k quatre lieues de la plus orientale des Ifles , il avoit dit qu'elle couroit au N. O., k quatoir^e lieues de la plus occidentale des Ifles ; ce narré feroit d'accord avec fa defcription, 6c les gifements ferencontreroient, puifque la terre eft élevée fur le côté oriental 6c baffe lur le côté Oueft. La latitude de ces Ifles qu'il détermine au 5 d io' N. approche enfin beaucoup de la véritable ; car probablement quelques parties de la plus méridionale font fituées dans cette latitude, mais comme je ne fuis pas allé au Sud de ces Ifles, ce n'eft qu'une conjecture. Entre l'ifle du Mondrain, qui eft la plus grande 6c la plus occidentale de toutes, 6c les Ifles fituées à fon Eft, qui font toutes plates ôc unies, il y a un paf- g^MLM—u*— fage qui porte N. ôc S., & qui ne paroît pas être em- ^NN- !7^7. barra fié. Celle de ces files qui eil fituée plus avant au N. E. , eft petite , balle & plate , environnée d'une grève de fable blanc , avec beaucoup de grands arbres au milieu ; à l'Eft ou au N. E. de cette Ille, il y a des bas-fonds ôc des brifans : je n'ai pas découvert dans ce parage d'autres apparences de danger. Je n'ai vu aucunes des Ifles dont parle Dampierre, Ôc qui font placées dans toutes les Cartes près de Mindanao au large ; elles font peut-être à une diftance plus éloignée qu'on ne le croit communément ; car la hauteur de la terre, ainfi que je l'ai déjà obfervé , fera tomber les Navigateurs dans de grandes erreurs fur cet article particulier , s'ils n'y font pas beaucoup d'attention. En côtoyant cette Ifle je trouvai que le courant portoit très-fortement au Sud le long de la cote , jufqu'à ce que j'arrivai à l'extrémité méridionale où je reconnus qu'il couroit au N. O. & N. O. ^ O. , ce qui eft à-peu-près la direction du gifement de la terre. Nous avions communément les vents du S. O. au N. O. avec de petites fraîcheurs, des pluies fréquentes ôc un tems variable. Nous quittâmes alors Mindanao , très-mortifiés de n'avoir pas obtenu les rafraîchiffemens que les habitans nous promirent à la première entrevue avec tant d empreflèment : nous foupçonnâmes qu'il y avoit dans la Ville des Hollandois ou au moins des partifans de cette Nation ; ôc que lorsqu'ils eurent découvert que nous étions Anglois , afin de nous empêcher d'avoir aucune communication avec les naturels du Pays, ils j i o Voyage avoient envoyé un détachement armé, qui arriva en* Ann îj6% viron deux heures après notre conférence amicale avec les premiers Infulaires, & dont les hommes qui nous défièrent de la côte faifoient partie. Novemb. CHAPITRE IX. Paffage de Mindanao à VIfie des Celebes Defcription particulière du Détroit de Macafîàr , dans laquelle on corrige plufieurs erreurs. Après avoir quitté Mindanao , je portai a l'Oueft ... pour trouver le paftage appelle Détroit de Mauijfar, Ann. 1767, qui eft entre les Ifles de Bornéo & des Celebes, & j'y Novemb. entrai le 14. J obfervai que pendant tout le tems de cette traverfée , nous eûmes un fort courant N. O. ; mais pendant que nous étions plus près de Mindanao , que des Celebes , il avoit fa direction plutôt vers le Nord que vers 1 Oueft , èk au contraire lorfque nous fûmes plus près des ( e'ebcs que de Mindanao , il cou-roit plutôt à l'Oueft qu'au Nord. La terre des Celebes fur l'extrémité feptentrionale de l'ifle qui fe prolonge jufqu a l'entrée du patîage eft très-élevée , & femble courir à-peu-pès à l'O \ S. O. jufqu'à une pointe remarquable dans le paffage qui s'élève en mondrairt & que nous primes d'abord pour une Ifle. Je penfe que c'eft la même qui eft appellée dans les Cartes françoifes Pointe de Stroomen , mais je lui donnai le nom d1'Hummock- Point ( Pointe du Mondrain) Sa latitude, fuivant mon eftime , eft d'un d 20- N. & fa longitude de 12.1 d 3 / Ë Ceft une bonne baîife dont peuvent fe fervir pour reconnoître le palîàge , ceux qui rencontrent la terre en venant de l'Eft , ce qui , An n 1767. c^ nodule devroient toujours ranger ce côté du paiiage. iiepuis la r ointe du Mondrain, la terre court plus au Sud, à-peu-près au S. O. ~ O ; il y a au Sud de cette pointe une baie profonde remplie d'Tflcs ce de rochers qui m'ont paru très-dangereux. Précifé-ment à la hauteur de la pointe,, on trouve deux rochers, qui , quoiqu'ils foient au-deffus de l'eau, ne peuvent pas être apperçus d'un vaiffeau avant qu'il foit tout près de la terre. A lift de cette même pointe Ôc près de la côte gifent deux Ifles , dont l'une eft très-plate , longue & unie, & dont l'autre s'élève en collines. Ces deux Iiles, ainfi que le pays adjacent, font couvertes de beaucoup de bois. Je rangeai de près une autre petite Ifle qui eft à l'Eft de celle-ci, ôc je n'avois point de fond par 100 brafîes à un demi-mille de la côte qui, à ce que je crois , eft pleine de rochers. Un peu à l'Oueft de ces Ifles , nous ne vîmes pas moins de foixante pirogues qui pêchoient fur quelques bas-fonds fitués entre le lieu où elles étoient éc la pointe du Mondrain. Cette partie de la côte me parut avoir un fond de roches , ce je crois qu'on ne doit pas en approcher fans de grandes précautions. Je trouvai dans cet endroit que les courants varioient , ce n'avoient pas une direction déterminée ; quelquefois ils portaient au Sud , d'autrefois au Nord , ce d'autrefois il n'y en avoit point du tout. Le tems auffi étoit très-variable ainfi que le vent ; cependant il fouffloit principalement du rumb S. Ôc du S. O. ; mais nous avions quelquefois des raffales fubites ce violentes 6c des travades du N. O. avec du tonnerre , des éclairs 6c & de la pluie. Ces travades duroient ordinairement l'efpace d'une heure , ce elles étoient fuivies par un calme Ann-i7^7. tout plat ; un vent frais s'élevoit enfuite du S. O. ou ovemb. du S. S. O. directement debout ôc fouffloit fortement. Ces apparences me firent conjecturer que la faifon variable avoit commencé, 6c que nous aurions bientôt la mouffon d'Oueft. Le vaiffeau marchoit fi mal que nous faifions très-peu de chemin ; nous fondâmes fouvent dans ce paffage fans trouver de fond. Le 21 , comme nous portions vers Bornéo , nous rencontrâmes deux petites îfies que je jugeai être les mêmes que celles qu'on appelle Mes de Taba dans les Cartes françoifes ; elles font très-petites 6c couvertes d'arbres. Suivant mon eflime , elles gifent à id 44/ de latitude N. 6c au 7 d 32 ' de longitude O. de l'extrémité méridionale de Mindanao, à environ cinquante-huit lieues de la pointe du Mondrain ou de la pointe de Stroomen. Le tems qui étoit alors brumeux, s'éclairciffant tout-à-coup, nous apperçûmes un banc avec des brifans qui couroient du S. au N. O. à la diftance d'environ cinq ou fix lieues. A la hauteur de l'extrémité feptentrionale de ce banc , nous vîmes quatre mondrains joints enfemble , que nous prîmes pour des petites Ifles : nous en découvrîmes fept autres du S. y O. à l'O. | S. Je ne peux pas décider fi ce font véritablement des Ifles , ou quelques montagnes de rifle de Bornéo. Ce banc eft fûrement très-dangereux, mais on peut l'éviter en allant à l'Oueft des Ifles de Taba, où le paffage eft large ôc fur. On trouve deux bancs à l'Eft ôc un peu au Nord de ces Ifles, dans la Tome I. Rr Carte françoife de M. d'Après de Mannevillette, pu- ^Novemb7' bliée en L'un d'eux eft aPPellé Vanloorïi\ & l'autre fur lequel font placées deux Ifles , Harigs ; mais ces bancs 6c ces Ifles n'exiftent certainement point , puifqne j'ai tourné à travers cette partie du paffage , depuis un côté jufqu'à l'autre , 6c que j'ai navigué dans l'endroit même où on fuppofe qu'eff leur fituation. On a aufîi placé dans la même Carte fèpt petites Iiles , à f d au Nord de la ligne , 6c exactement au milieu de la partie la plus étroite de ce pafîâge ; les unes 6c les autres de ces Ifles n'exiflent point ailleurs que fur le papier , quoique je croye qu'il peut y en avoir quelques petites près de la grande terre de Bornéo. Nous pensâmes en avoir vu deux que nous prîmes pour celles qui font fituées dans les Cartes à la hauteur de Porto-Tubo , mais je ne fuis pas fur de ce fait. La partie la plus méridionale 6c la plus étroite de ce paffage a environ dix-huit ou vingt lieues de largeur avec des hautes terres de chaque côté. Nous y reliâmes embarraffés jufqu'au 27 , tems où nous pafsâmes la ligne , de forte que nous employâmes quinze jours à faire vingt-huit lieues , à compter depuis l'entrée feptentrionale du détroit dans lequel nous arrivâmes le 14. Lorfque nous fûmes au Sud de la ligne , nous trouvâmes un léger courant qui portoit contre nous au Nord 6c qui augmentoit journellement. Le tems étoit toujours variable avec beaucoup de pluie ; les vents foufîloient principalement du S. O. 6c de l'O. S. O., ils fautoient rarement au Nord plus loin que l'O. N. O., excepté dans les travades qui devinrent plus fréquentes 6c plus violentes. Ils ne nous fervirent de rien ce nous don- !^_.f nèrent beaucoup de travail ; ils nous obligèrent à ferler Ann- it&x* toutes nos voiles , ce que nous étions a peine en état de faire en employant toutes nos forces ; notre foi-bleffe augmentant chaque jour par la chute du peu de nos gens qui étoient bien portans ôc la mort de quelques-uns de nos malades. Dans ces circonftances , nous fîmes tous nos efforts pour gagner terre fur le côté de l'ifle de Bornéo ; mais, nous ne pûmes pas en venir à bout; ce nous continuâmes à combattre contre nos malheurs jufqu'au 3 Décembre, lorfque Décemb. nous rencontrâmes les petites Iiles ce les bancs de fable appelles les petits Pater nojler. Le plus méridional , fuivant mon eflime , eft fitué au 2d 31' de latitude S., èe le plus feptentrional au 2 d 15 ' S. ; je penfe que la longitude de ce dernier eft de nyd iz' E. Ils courent k - peu - près au S. E. -\ S. ôc au N. O. j N. l'un de l'autre à huit lieues de diftance; entre ces deux , il y en a d'autres, ce ils font en tout au nombre de huit. Ils gïfent très - près de l'ifle de Celebes du côté du détroit , ôc ne pouvant doubler ni l'un ni l'autre , ni gagner à leur Oueft , nous fûmes obligés de diriger notre route entre eux ôc l'ifle de Celebes. Nous eûmes un tems orageux , des vents contraires & des raffales fubites ce violentes; comme nous n'avions pas allez de bras pour ferler nos voiles, ces coups de vents mirent fouvent en danger nos mâts ôc nos vergues ôc endommagèrent beaucoup nos voiles ôc nos agrès , fur-tout lorfque nous étions obligés de forcer de voiles pour ne pas tomber dans une profonde anfe fur la côte des Celebes. Les Rr ij ravages du fcorbut étoient alors univerfels, il n'y avoit pas un feul homme dans tout l'équipage qui fût exempt de cette maladie \ les vents ôc les courans qui nous étoient contraires avoient tant de force, que nous ne pouvions avancer ni k l'Oueft ni au Sud pour trouver un lieu de relâche. Notre efprit partageoit les peines du corps, tous les vifages répandoient un découragement général, fur-tout parmi ceux qui n'étoient pas en état de venir fur le tillac. Nous reliâmes jufqu'au 10 dans cette fituation déplorable , Ôc il n'eft peut-être pas ailé â l'imagination la plus fertile , de concevoir un malheur ôc un danger plus grands que le nôtre. Cependant, étant malades, affoiblis, mourants, voyant des terres où nous ne pouvions pas arriver , expofés k des tempêtes qu'il nous étoit impofïible de furmonter, nous fûmes attaqués par un pirate, Ôc afin que cet accident inopiné nous accablât dans toute fa force , il furvint k minuit , lorfque les ténèbres extraordinairement épaifTes ne pouvoient pas manquer d'augmenter la confufion ôc la terreur. Cette attaque fubite , loin de nous abattre , excita notre courage , ôc quoique notre ennemi entreprit de venir a l'abordage , avant que nous foupçonnaflions fa proximité, nous fîmes avorter fon projet. Il fit alors un feu très-vif fur nous avec des armes que nous fupposâmes être des pierriers ôc des fufils ; quoiqu'il eut pris les devants , nous répondîmes bientôt à fon attaque Ôc fi efficacement , que peu de tems après le bâtiment coula à fond, Ôc tous les miférables qui étoient à bord périrent. C'étoit un petit vaifleau, mais il nous fut impofïible de connoître de quel pays il venoit ou corn- ment il étoit équipé. Le Lieutenant ôc un de mes —_! hommes furent bleffés, mais non pas dangereufement ; ann-i7^7-une partie de nos manœuvres courantes rut coupée Ôc nous reçûmes quelques autres légers dommages. Nous favions que ce bâtiment étoit le même que nous avions apperçu à l'entrée de la nuit , Ôc nous apprîmes enfuite qu'il appartenoit à un pirate qui avoit plus de trente bâtimens pareils fous fon commandement. La petiteife de notre vaifleau , qu'il regardoit d'ailleurs comme un vaiffeau marchand , l'encouragea à nous attaquer; ôc nos forces fupérieures k ce qu'elles paroiffoient annoncer lui furent fatales. Le ix, nous rencontrâmes les dangereux bancs de fable appelles les Spera-Mondes t ôc nous eûmes le chagrin de trouver que la mouflon d'Oueff avoit commencé , ôc que contre ces vents & le courant , il étoit impofïible k tout vaifleau de gagner k l'Oueft la hauteur de Batavia. Il écoït néceflaire alors d'attendre jufqu'au retour de la mouflon Eft, ôc jufqu'à ce que le courant changeât de direction. Nous avions perdu treize perfonnes de notre équipage, ôc il n'y en avoit pas moins de trente qui étoient aux portes de la mort. Tous les Officiers fubalternes étoient malades, & le Lieutenant ôc moi qui faifions tous les fervices, nous étions très-foibîes. Dans ces conjonctures je ne pouvois pas tenir la mer, ôc il ne me reftoit d'autres moyens pour conferver la vie du refte de l'équipage, que de relâcher à quelque endroit où nous puffions trouver du repos ôc des rafraîchiffemens. Comme nous étions fort avancés au Sud, je réfolus donc de profiter de cette cir- —- confiance, & de faire des efforts pour gagner Ma- Ann. 17^7- cajjar , principal établifïèment des Hollandois, dans CCmb' flfle de Celebes. Le lendemain, 13, nous rencontrâmes quelques Ifles qui ne font pas éloignées de cet endroit, éc nous vîmes ce que nous avions pris quelquefois pour des bancs de fable éc d'autrefois pour des bateaux avec des hommes à bord , mais que nous reconnûmes enfuite être des arbres éc d'autres matières flottantes fur l'eau, avec des oifeaux perchés deffus. Nous nous trouvâmes tout-à-coup vingt milles plus au Sud que nous ne l'attendions ; car le courant, qui nous avoit porté quelque tems au Nord, nous avoit chaffé au Sud pendant la nuit. Nous tirâmes enfuite à l'E. & E. f N., dans le deffein d'aller au Nord d'un bas-fond qui n'a point de nom dans le Pilote Anglois des Indes Orientales , mais que les Hollandois appellent le Thurnb. A midi, cependant nous étions deffus , éc notre eau diminua tout-a-coup k 4 braffes fond de roches. Nous gouvernâmes au S. O., éc tenant le bateau en avant pour fonder, nous fîmes le tout du coté occidental du bas-fond, par 10 éc 12 brafles, notre eau devenant plus profonde lorfque nous portâmes k l'Oueft, éc diminuant , au contraire, lorfque nous mîmes le Cap k l'Eft. Quand nous étions fur le bas-fond, notre latitude, par obfervation , étoit de 5 d 207 S.; éc la plus feptentrionale des Ifles appellées les Trois-Frères , nous reftoit au S. 81 d. E. , k cinq ou fix lieues de diftance. Cette Ifle eft appellée Don Dinanga dans le Pilote Anglois ; mais les Hollandois le nomment le Frère ____ Septentrional. Ann. i7. de repouffer, autant qu'il me ferait pofîible, la force par la force , fi nous étions attaqués par les bâtimens qui étoient venus mettre à l'ancre près de nous. Heureufement pour eux &c pour nous, ces deux bâtimens fe contentèrent de lever l'ancre 6c de fuivre nos mou-vemens. Bientôt après que nous eûmes mis à la voile, un joli bâtiment qui portoit une bande de Muficiens ôc plufieurs Officiers, s'approchèrent de nous ôc nous dirent qu'ils étoient envoyés par le Gouverneur, mais qu'ils ne viendroient pas à bord fi nous ne jettions l'ancre une féconde fois. Nous remîmes donc à l'ancre fur le champ , ôc les Officiers vinrent à bord ; c'étaient M. Blydenbrug leFifcal, M, Voli le Saban-dar , un troifieme appelle Licence-Maflei- 3 Maître du port, & M. Douglafs l'Ecrivain dont il a déjà été fait mention. Ils témoignèrent quelque furprife de ce que j'avois appareillé , ôc ils me demandèrent ce" que je prétendois faire. Je leur répondis que mon unique deflèin étoit de tenir la parole que je leur avois donnée la veille \ que jufiifié par les droits communs du genre humain , qui l'emportent fur toutes les autres loix, je voulois, plutôt que de remettre en mer, ou notre deflruclion par un naufrage, par la maladie ou par la famine étoit inévitable, venir fous Jeurs murailles , Ôc les forcer k nous fournir ce dont nous avions befoin, ou faire échouer le vaiffeau fur le rivage, - puuqu il valoir, mieux périr tout d un coup dans un Ddcemb7' Ju^e cornDal;j °,ue ue fouffrir d'avance les douleurs accablantes de prévoir tous les jours une mort que nous ne pouvions pas éviter. Je leur fis remarquer auffi qu'aucun peuple civilifé n'avoit jamais laifTé périr les prifonniers de guerre , faute de leur accorder les néceffités de la vie, & beaucoup moins les fujets des alliés qui demandoient feulement la permiffion d'acheter des alimens pour leur argent. Us convinrent volontiers de la vérité de tout ce que je leur difois , mais ils fembloient penfèr que je m'étois trop preffé; mais quand je leur dis que j'avois attendu tout le tems que j'avois fixé , ils me firent quelques excufes de n'être pas venus plutôt, & ils ajoutèrent que pour me prouver qu'on avoit accordé ce que je défirois , ils apportoicnt les provifions que fournit leur pays. Nous les prîmes fur le champ à bord ; elles confiffoient en deux moutons , un élan fraîchement tué, un petit nombre de volailles & quelques fruits ou végétaux. Ces provifions qui nous arrivoient fort a propos , furent partagées entre les gens de l'équipage, & on en fit un bouillon fort agréable & très-falutaire pour les malades. Us me montrèrent enfuite une autre lettre du Gouverneur, qui, à mon grand étonnement, m'enjoignoit de nouveau de quitter le port , & qui afin de juftifier cet ordre , alléguoit qu'il ne pouvoit pas fouflfir qu'aucun vaiffeau de quelque nation qu'il fût, féjournât ou commerçât dans le port , fans manquer a la convention qui a été faite par la Compagnie Hol-landoife avec les Rois originaires & les Gouverneurs du pays , qui avoient déjà témoigné quelque mécon- lentement a i'occafion de notre arrivée ; pour plus ^jy—■ amples détails , il me renvoyoit aux Officiers porteurs 1767, de fa lettre, qu'il appelloit les Commifiaires. J'obfer- m vai k ces Meilleurs qu'aucune ftipulation , relativement au commerce , ne pouvoit nous concerner , puifque nous étions un vaifleau de roi ; je leur produifis en même-tems ma commiflion , en leur difant qu'on ne pouvoit pas fans abufer du langage & bfeffer le fens commun , appeller commerce la vente qu'on nous feroit des alimens ôc des rafraîchiffemens que nous demandions pour notre argent. Ils me firent enfuite plufieurs propofitions que je rejettai , parce qu'elles comprenoient toutes mon départ de cet endroit avant le retour de la faifon. Je leur réitérai ma première déclaration , & afin de lui donner plus de force, je leur fis voir le cadavre d'un de mes hommes qui étoit mort le matin & dont la vie auroit probablement été fauvée , s'ils nous avoient vendu des rafraîchiffemens lorfque nous mîmes k l'ancre pour la première fois fur leur côte. Ce fpeclacle les déconcerta : après avoir gardé quelque tems le filence , ils s'informèrent avec empreffement fi j'avois été dans les Ifles k épiceries; je leur répondis que non, & ils parurent convaincus que je difois vrai. Nous en vînmes k une efpèce d'arrangement , ils me dirent que quoiqu'ils ne puffent pas fans défobéir aux ordres les plus pofitifs ôc les plus exprès de la Compagnie , nous permettre de refter 1k , cependant j'étois le maître d'aller dans une petite baie peu éloignée, où je trouverois un abri fur contre la mouflon dangereufe ôc où je pourrois dreffer un hôpital pour mes malades ; ils m'aflurèrent en même- 318 Voyage tems que les provifions & les rafraîchifTemens y feroienc ^Décemb7" ^US a^onc^anS ^u'a Macajjar , cVoii l'on m'enverroit d'ailleurs tout ce dont j'aurois befoin : ils m'offrirent un bon pilote pour me conduire à ce mouillage. Je conientis volontiers à cette propofition , k condition que les offres qu'ils m'a voient faites feroient confirmées par le Gouverneur Ôc le Confeil de Macajfar, afin qu'on me regardât comme étant fous la protection de la Nation Hollandoife 6c qu'on ne fît aucune violence aux gens de notre équipage. Les Commiffaires engagèrent leurs paroles d'honneur que je ferois content du Gouverneur 6c du Confeil ; ils promirent que le lendemain j'obtiendrois la ratification que je défi-rois , 6c ils me prièrent en attendant de reffer où. j'étois. Je leur demandai pourquoi on avoit fait mouiller en cet endroit les bâtimens qui étoient à l'ancre à nos côtés ; ils répondirent que c'étoit uniquement pour empêcher fes Naturels du pays de nous faire des infultes. Lorfque nos affaires furent ainfi arrangées, je témoignai du regret de ne pouvoir leur offrir qu'un verre de vin, de mauvaife viande falée 6c du pain moifi ; fur quoi , ils me prièrent poliment de permettre que leurs domeffiques apportaffent à notre bord les alimens qui avoient été apprêtés dans leur vaiffeau. J'y eonfentis de bon cœur, 6c on nous fervit bientôt un dîner très-agréable, compofé de poiffons, de viandes, de légumes 6c de fruit. C'eft avec le plus grand plaifir que je faifis cette occafion de reconnoître les obligations que j'ai à ces Officiers pour l'humanité 6c la polkeffe qu'ils exercèrent k notre égard comme particuliers, .6c fur-tout a M. Douglafs, qui fâchant la îa Langue françoife devint notre interprète , & prit ''" 1 ■ cette peine avec une honnêteté & ,une complaifance An^- 1767* qui donnoient un nouveau prix au lervice qu il nous rendoit. Nous nous féparâmes enfuite , & lorfqu'ils quittèrent le vaiffeau, je les faluai de neuf coups. Le lendemain au matin, 18, le Sabandar vint m'a-vertir que le Gouverneur & le Confeil avoient confirmé l'engagement de la veille, ainfi qu'on me l'avoit promis. J'étois très-content de l'arrangement, excepté feulement qu'il me failoit trouver de l'argent pour mes billets fur le gouvernement de la Grande-Bretagne : le Sabandar dit qu'il tâcheroit de faire cette affaire. A huit heures du foir il revint à bord pour m'appren-dre que perfonne de la ville n'avoit des remifes à faire en Europe , éc qu'il n'y avoit pas une rixdale dans la caiffe de îa Compagnie. Je répondis que puif-qu'on ne me permettoit pas d'aller a terre pour négocier mes billets , j'efpérois qu'on me feroit crédit en donnant des billets fur l'Angleterre pour toutes les dettes que je contraéterois, ou des reconnoiffances payables à Batavia. Le Sabandar répliqua que le Réfident de Bonthain y place où j'allois, recevroit des ordres pour me fournir tout ce dont j'aurois befoin ; qu'il feroit charmé de prendre mes billets en retour, parce qu'il avoit des remifes à faire, & qu'il alîoit lui-même en Europe dans la faifon fuivante. Il me dit auffi que ce Réfident avoit des biens confidérabîes en Angleterre où il s'étoit fait naturalifer. » J'ai dans mes » mains , ajouta le Sabandar, de l'argent qui lui appar-» tient, je vous en achèterai à Macajfariçs marchan-Tome J. T t 33° Voyage - ' » difes dont vous aurez befoin, <3c je les ferai partir iSécemb7* W apr^s vous Après lui avoir fpécifié tous les articles & la quantité & le prix , nous nous quittâmes. Le lendemain, 19 , dans l'après midi, je reçus une lettre lignée par le Gouverneur & le Confeil de Ma-cajj'ar , qui contenoit les raifons pourquoi j'étais envoyé à Bonthaïn , & confirmoit la convention verbale qui fubfiffoit entre nous. Bientôt après, l'Enfeigne, M. le Cerf, le Secrétaire du Confeil & un Pilote, vinrent à bord pour nous accompagner à Bonthain* Le Cerf devoit commander les foldats qui étoient dans les* bateaux de garde , & le Secrétaire , comme nous l'avons découvert dans la fuite, étoit chargé de contrôler les opérations du Réfident qui s'appelloit Swellingrabel. Le père de ce dernier Officier mourut Vice-Gouverneur du Cap de B onnc-Efpcrance , ou il époufa une Dame Angloife nommée Fothergill. M. Swellingrabel, Réfident de Bonthain, avoit époufé la fille de Cornélius Sinkclaar, qui avoit été Gouverneur de Macajfar , & qui mourut il y a environ deux ans en Angleterre t où il étoit venu voir quelques parents de fa mere. /tu' c/e lu tJaye de S^oritbai/L diluée a eni/itvn 30.Lieucà eue SE, Jùzcassar da • tMe As Œeôeà Latttâd'34-. S. lernwi/ f \ Z&viere Idneivory1, mzwfaAte j)Our les èaiime.ns da fays. u/sédtr oknjtefâ/ir 30, Jeê ^ket/eri wecfr dùd 0sûwdrù I y drfêu/s Tmmo^so ftUT'JurJ^fve ^JcALflè deô dfanxle> ut 6efaAreti ùtr, •ec--— CHAPITRE XI. Ce que nous fîmes à Bonthain tandis que le vaiffeau attendoit un vent favorable pour gagner Batavia. ' Defcription de Bonthain , de la Ville de Macaffar ty du Pays adjacent. e lendemain, 10, k la pointe du jour, nous fîmes ! voile, 6c l'après midi du jour fuivant nous mîmes k . p^^7* l'ancre dans la rade de Bonthain avec nos deux ba-taux de garde qui avancèrent tout près de la côte , pour empêcher les bâtimens du pays 6c les nôtres d'avoir aucune communication entr'eux. Des que j'arrivai dans cet endroit je changeai notre eftime. J'avois perdu environ dix-huit heures en venant k Bonthain par rOueft ; les Européens que nous y trouvâmes y étant arrivés par l'Eft, en avoient gagné environ fix, de forte que la différence étoit juftement d'un jour. J'allai tout de fuite rendre vifite au Réfident M. Swellingrabel qui parloit très-mal Anglois; 6c après avoir arrangé avec lui toutes nos affaires relativement k l'argent 6c aux provifions, il m'accorda une maifon près des bords de la mer 6c d'un petit Fort palliffadé garni de huit canons. C'étoit la feule qu'il y eût dans le canton, j'en fis un hôpital fous la direction du Chirurgien. J'y envoyai tous ceux de nos Tt ij 3 3^ Voyage malades que nous jugeâmes ne pouvoir pas fe rétablir n. 707. ^ [j0r(j & ;e rctjns Ie refl:e pour la garde du vaifleau. Des que nos gens furent a terre, on les mit lous une garde de trente-fix hommes, de deux fergens 6c de deux Caporaux commandés par M. le Cerf. On ne permit h aucun de nos malades de s'éloigner de plus de trente verges de fhôpital, 6c on ne fouffrit point que les Naturels du pays s'approchaffent de plus près d'eux pour leur vendre quoique ce fût ; de forte qu'ils n'achetoient rien que par l'entremife des fol-dats Hollandois qui abufoient honteufement de leur pouvoir. Lorfqu'ils voyoient les habitans du pays apporter des provifions qu'ils penfoient devoir convenir à nos infirmes, ils les faififfoient d'abord 6c deman-doient enfuite le prix. Le foldat ne faifoit guères attention au prix du vendeur, il les payoit ce qu'il ju-geoit k propos, c'eft-k-dire une fomme qui étoit k peine le quart de leur valeur. Si le pauvre campagnard s'avifoit de témoigner quelque mécontentement, il le fatisfaifoit bientôt en tirant fon grand fabre 6c en efpa-donnant par-deffus fa tête. Cet expédient fufKfoit toujours pour appaifer les plaintes 6c renvoyer tranquillement l'offenfé : enfuite le foldat vendoit ce qu'il avoit ainfi acquis quelquefois k plus de mille pour cent de profit. Ces procédés étoient fi cruels envers les Naturels du pays, ôc fi injurieux k notre égard, que j'en fis des plaintes au Réfident , k le Cerf Ôc au Secrétaire. Le Réfident réprimanda les foldats d'une manière convenable ; mais fa harangue produifit fi peu d'effet, que je ne pus m'empêcher de foupçonner que le Cerf connivoit a ces pratiques Ôc en partageoit les avantages. Je le foupçonnois auffi de vendre de l'ar- '^^^l-î rack a mes gens ; je m'en plaignis fans obtenir de ré- ^î™- ^f?- , - JL)eceiT)t>. paration. Je favois d'ailleurs que fes efclaves étoient occupés a acheter au marché des chofes que fa femme nous vendoit enfuite deux fois plus qu'elles ne lui avoient coûté. Les foldats fe rendirent coupables de plufieurs autres délits : chacun d'eux, à fon tour, devoit procurer des provifions pour toute Ja garde , ôc il s'acquittoit ordinairement de cette fonction en allant dans la campagne avec fon fufil ôc un fac. L'honnête pourvoyeur n'étoit pas toujours content de remplir fon fac ; un d'eux prit, fans autre cérémonie, un jeune buffle qui appartenoit à des payfans ; fes camarades n'ayant pas du bois tout prêt pour le faire cuire, ils abattirent pour cela quelques-unes des pa-lifTades du Fort. Lorfqu'on me rapporta cette nouvelle , je la regardai comme fi extraordinaire , que j'allai à terre pour voir la brèche , 6c je trouvai les pauvres Noirs occupés à la réparer. Le 16, un floupe chargé de riz fut envoyé de Bonthain a MacaJJ'ar pour y débarquer fa cargaifon \ mais après avoir tenté le paffage inutilement pendant trois jours , il fut obligé de s'en revenir. Le tems étoit alors extrêmement orageux, 6c toute efpèce de navigation de l'Eft à l'Oueft fut impofïible jufqu'au retour delà mouflon d Eft. Le même jour deux grands flou-pes qui faifoient voile à l'Eft , mouillèrent ici, 6c le lendemain au matin, 27, un gros vaiffeau , venant de Batavia , 6c qui avoit a bord des troupes pour les Iiles de Banda,. y mit auffi à l'ancre , mais on ne 3 34 Voyage permit à aucun des hommes de ces équipages de parler à nos gens : la garde nous empêcha de nous aborder mutuellement. Comme cette défenfe étoit très-dure , nous priâmes M. Swellingrabel de nous acheter du grand vaifleau quelques viandes falées , & il eut la bonté de nous procurer quatre tonneaux de viandes d'Europe , deux de porc ôc deux de bœuf. Le 28 , une flotte de plus de cent petits bateaux du pays, appelles Pros , mouillèrent dans cette rade. Leur port eft de douze à dix-huit Ôc vingt tonneaux, & ils ont de feize à vingt hommes à bord. On me dit qu'ils faifoient une expédition autour de l'ifle pour la pêche; qu'ils partaient avec une mouflon éc s'en revenoient avec l'autre de manière à fe tenir toujours fous le vent de terre. Ils envoyoient leur poiffon au marché Chinois, ôc j'obfervai que tous ces Pros por-toient pavillon Hollandois. Il ne nous arriva rien jufqu'au 18 de Janvier qui foit digne d'être rapporté. J'appris alors par une lettre de MacaJJar que le Dauphin avoit été à Batavia. Le 28 , le Secrétaire du Confeil, qui avoit été envoyé ici avec le Cerf, Ôc que nous fuppofâmes être chargé de contrôler les opérations du Réfident, fut rappelle à Macajfar. Notre charpentier ayant a ce tems recouvré une partie de fa fanté, examina l'état de notre vaiffeau , ôc k notre grand regret il vit qu'il avoit un grand nombre de voies d'eau ; il trouva en outre que notre grande vergue étoit fendue , pourrie ôc hors de fervice. Nous l'abattîmes ôc la racommodâmes aufîi-bien que nous pûmes, fans avoir ni forge ni fer. Nous efpérions qu'elle nous ferviroit jufqu'à Batavia , car nous ne pouvions pas nous procurer ici du bois pour en faire une nouvelle. On ne pue arrêter que très-peu de nos voies d'eau , & nous fûmes par conféquenl réduits à compter entièrement fur nos pompes. Le 19 Févier, le Cerf, Ofîicier militaire, commandant les foldats qui avoient débarqué avec nous, flic rappelle afin d'entreprendre, à ce qu'on difoit, une expédition pour rifle de Bally. Le fept Mars le plus grand de nos bateaux de garde, un iloupe d'environ quarante-cinq tonneaux , reçut ordre de retourner à MacaJJar avec une partie des foldats , & le 9 M. Swellingrabel le Réfident, reçut une lettre du Gouverneur de cette place, qui s'informoit quand je met-trois a la voile pour Batavia. Je dois avouer que je fus furpris du rappel de l'Officier & du bateau de garde ; mais je le fus bien davantage en apprenant ce que contenoit la lettre du Gouverneur, puifqu'il favoit que la mouflon d'Eft ne commençant qu'au mois de Mai, il m'étoit impofïible d'appareiller avant ce tems. Toutes les affaires refièrent cependant dans le même état jufque vers la fin du mois, quand quelques-uns de nos gens remarquèrent que depuis peu un petit canot étoit venu rôder plufieurs fois autour de nous à différentes heures de la nuit, ôc qu'il s'étoit enfui dès que les gens qu'il portoit à bord s'appercevoient que quelqu'un remuoit dans notre vaiffeau. Le 29 , tandis que cette matière étoit l'objet de nos fpécula-tions, un de nos Officiers me rapporta de terre une lettre, qui, à ce qu'il me dit,, lui avoit été remife par - un Noir. Elle étoit adreffée » au Commandant du vaif-"I768, » fean Anglois à Bonthain a. Afin que le lecteur puifTe entendre le fcns de cette lettre, il eft nécefTaire de lui apprendre que l'ifle de Celchcs eft partagée en plufieurs diflriéts qui font autant de Souverainetés fépa-rées appartenantes aux Princes naturels du pays La ville de MacaJJar eft fituée dans un diftrief qui porte le'même nom ou celui de Bony. Le Roi de ce canton eft allié des Hollandois qui ont été repouffés plufieurs fois dans leurs entreprifes pour fubjuguer les autres parties de l'ifle , dont l'une eft habitée par un peuple appelle Bugguejcs, éc dont une autre fe nomme JVaggs ou Tofora. La ville de To/ora eft fortifiée avec du canon, car les Naturels avoient des armes à feu d'Europe, long-tems avant que les Hollandois s'établîffent à MacaJJar en place des Portugais. La lettre m'avertifïoit que les Hollandois, conjointement avec le Roi de Bony, avoient formé le projet de nous maffacrer; que les Hollandois cependant ne paroîtroient point dans l'attaque ; que le complot feroit exécuté par un fils du Roi de Bony , qui, outre une fomme qu'il recevroit d'eux , devoit avoir le pillage de notre vaiffeau pour fa récompenfe; qu'il étoit alors à. Bonthain avec huit cents hommes pour cette entreprife. La lettre ajoutoit que la lîaifon que j'avois formée avec les Bugguejcs & les autres peuples du pays qui étoient ennemis des Hollandois , ôc qui s'efforcoient de les chafîèr de f Ifle , avoit excité la jaloufie éc attiré fur moi ce danger ; qu'on craignoit d'ailleurs qu'arrivé en Angleterre , mes compatriotes conciiflènt conçufTent quelque projet contre la Compagnie, d'à-près les inftructions que je devois leur donner, puif- Ann 1768. qu'on ne connoiflbit , ainfi que je l'ai déjà dit plus haut, aucun vaiffeau de guerre Anglois qui eût vifite l'ifle auparavant. Cette lettre fut pour nous un nouveau fujet de furprife 6c de réflexion. Elle étoit extrêmement mal écrite par rapport au flyle 6c à la forme épifiolaire ; cependant elle n'en méritoît pas moins d'attention. Je ne pouvois pas décider abfolument jufqu'où l'avis qu'elle me donnoit étoit vrai ou faux. 11 étoit pofîible que l'Ecrivain fe fût trompé; peut-être auffi vouloit-il me tromper moi-même. Le menfonge pouvoit lui procurer quelque petite récompenfe pour l'amitié 6c le zèle avec lefquels il me Pannonçoit, ou enfin lui donner une importance qui fatisferoit du moins fa vanité. Il convenoit que je prifle les mêmes mefures que fi j'avois été fur de Ja réalité du projet. Je dois avouer que je n'étois pas trop tranquille lorfque je confidérois qu'on avoit rappelle le Secrétaire du Grand Confeil, le Cerf, le Grand Sloupe 6c une partie des foldats, qui, à ce qu'on difoit, n'avoient été envoyés à Bonthain que pour nous mettre à l'abri des infultes des Naturels du pays. Mon inquiétude augmenta quand je penfai aux troupes qui s'affembloient à MacaJJar pour une expédition à Bally, au petit canot qu'on avoit vu rôder autour de nous pendant la nuit, 6c enfin à la lettre du Gouverneur qui s'informoit du tems où je quitterois l'ifle. Soit que la nouvelle 6c nos conjectures fufîent véritables ou fauflès, nous nous Tome L Vv ■j }-8 Voyage mîmes fur le champ à l'ouvrage , nous funâmes le vaifleau, nous changeâmes les voiles, nous démarrâmes , nous mîmes des croupières fur nos cables , nous chargeâmes tous nos canons ôc nous baftinguâmes le pont. Chacun paffa la nuit fous les armes, ôc le lendemain nous fîmes touer le vaiffeau vers la cote orientale , en nous éloignant un peu du fond de la baie, afin d'avoir plus de place; nous portâmes fix pierriers fur l'avant du tillac, ôc nous prîmes toutes les autres mefures néceffaires pour nous défendre. L e Réfident, M. Swellingrabel, étoit alors à vingt milles dans l'intérieur du pays pour les affaires de la Compagnie; mais il m'avoit dit qu'il viendroit fûre-ment le premier d'Avril. J'attendois ce jour avec d'autant plus d'impatience, qu'un vieil ivrogne de fergent étoit la perfonne la plus refpecfable du Fort. Le foir du 3 1 , il arriva un paquet de lettres pour lui, ce que je rcgardois comme un bon augure, ôc un gage de fon retour au tems fixé. Je conçus des fentimens bien différents , lorfque j'appris qu'on les lui avoit envoyées. Je ne foupçonnois point qu'il fût complice du projet qu'on m'avoit annoncé dans la lettre ; mais je ne pouvois m'empêcher de douter fi on ne le retenoit point dans la campagne, afin qu'il fût abfent lors de l'exécution du complot. Dans cet état d'incertitude ôc de foupçon , j'envoyai un meflage au Fort afin de faire partir un exprès auprès de M. le Réfident , pour l'avertir que je defirois le voir promprement Ôc lui communiquer une affaire de grande imporrance ôc qui n'admettoit point de délai. Je ne puis pas dire s'il du Capitaine Cautère t. 339 reçut ou non mon meffage ; mais après avoir attendu ^^^^m jufqu'au 4 Avril fans le voir & fans recevoir aucune Ann- 17^8. réponfe, je lui écrivis une lettre , par laquelle je lui demandois dans les termes les plus prelfans une conférence , & le lendemain il vint k bord. Quelques minutes de converfation me perfuadèrent qu'il ignoroit entièrement le projet dont on m'avait fait redouter les effets ; ôc même il penfoit que ce complot étoit une fable. II dit, il eft vrai, qu'un Tomilaly, un Confeiller ou Miniftre du Roi de Bony , lui avoit dernièrement rendu vifite éc ne lui avoit pas trop bien expliqué pourquoi il étoit dans cette partie de fille ; éc k ma prière , il entreprit de bon cœur de faire de nouvelles recherches fur le Tomilaly éc fur fes gens. Le Réfident éc les perfonnes de fa fuite remarquèrent que le vaifleau écoit dans un état de défenfe , éc que tout étoit prêt en cas d'attaque ; il nous dit que les hommes qui étoient k terre l'avoient inftruit avant qu'il vînt k bord de notre vigilance éc de notre activité, 6c en particulier de l'exercice aux petites armes que nous avions fait faire chaque jour k l'équipage. Je l'informai qu'à tout événement nous continuerions de nous tenir fur nos gardes, ce qu'il parut fort approuver, éc nous nous quittâmes avec des protestations mutuelles d'amitié éc de bonne-foi. Quelques jours après, il m'écrivit qu'ayant recherché avec beaucoup de foin fi quelques autres perfonnes dépendantes du Roi de Bony étoient venues k Bonthain, il avoit appris , k ne pouvoir en douter , qu'un des Princes de ce royaume y étoit arrivé fous un déguife-ment ; mais qu'il n'avoit rien découvert fur les huit Vvij cens hommes qu'on difoit être avec lui. J'étoîs donc fur qu'ils ne pouvoient pas être dans ce canton , à moins qu'ils ne formaffent une armée déguifée comme les troupes du Roi de Brentford. Le 16 au matin , le Réfident me fit dire , que M. le Cerf étoit revenu de Macajfar avec un autre Officier ; qu'ils viendroient à bord ôc qu'ils dîneroient avec moi. Lorfque le dîner fut fini, je demandai à M. le Cerf, en parlant de chofes ôc d'autres, ce qu'é-toit devenue fon expédition à Bally \ il me répondit feulement qu'on favoit abandonnée , fans rien dire de plus. Le 23 , il retourna par mer à Macajfar, ôc l'autre Officier qui étoit aufïi un Enfeigne, refta pour prendre le commandement des Soldats qu'on laiffoit toujours à Bonthain. La faifon de naviguer a l'Ouefi approchoit alors, ce qui nous fit beaucoup de plaifir ; d'autant plus que les maladies putrides commençoient k fe déclarer parmi nous ôc qu'une fièvre putride avoit enlevé un de nos hommes. Le 7 Mai , le Réfident me remit une longue lettre du Gouverneur de MacaJJar, écrite en Hollandois, Ôc qu'il me traduifit le mieux qu'il put. Elle contenoit en fubffance , qu il avoit entendu parler d'une lettre que j'avois reçu , qui l'accufoit, conjointement avec le Roi de Bony , d'avoir formé le complot de nous maf-facrer ; il fe récrioit fur la fauffeté de cette imputation, ôc fe difculpoit lui-même avec les proteftations les plus folemnelles ; il me prioit de lui délivrer la lettre , afin de punir comme il le méritoit celui qui l'avoit 55_ écrite. Il n'eft pas néceffaire de dire que je ne la Ann- \76& îa 1 i» / t • Mai. lâchai point, parce que 1 auteur auroit ete puni avec une égale févérité , foit qu'il m'eût mandé des chofes véritables ou fauffes. Je fis au Gouverneur une réponfe polie, par laquelle je juftifiois les mefures que j'avois prifes, fans le charger ni lui ni fes alliés d'aucun mauvais deffein contre nous ; Ôc certainement j'ai les plus grandes raifons de croire que l'accufation énoncée dans la lettre n'étoit pas allez fondée, quoiqu'il ne foit pas auffi probable que l'auteur fût convaincu de la fauffeté du complot en me l'annonçant. Le 22 , k la pointe du jour , je fis voile de Bonthain ; je dirai peu de chofe de cette place , ainfi que de la ville de Macajfar ôc du pays adjacent , parce qu'il y a déjà plufieurs defcriptions de l'ifle des Celebes ôc de fes habitans. La ville eft bâtie fur une efpèce de pointe de terre Ôc elle eft arrofée par une rivière ou deux qui la traverfènt ou qui coulent dans fon voifinage. Cette rivière paroît être grande , ôc un vaiffeau peut la remonter jufqu'k une demi - portée de canon des murailles de la ville. Le terrein dans les environs eft uni & d'une très - belle apparence; il y a beaucoup de plantations ôc de bois de cocotiers, entremêlés d'un grand nombre de maifons qui font juger que le pays eft bien peuplé. Le terrein en s'éloi-gnant de la côte , s'élève en collines fort hautes 6c devient hériffé & montueux. La ville eft fituée au «5 d io' ou 12 ' de latitude S., ôc fuivant notre eftime au 117 d %%' de longitude E. de Londres. ........ - Bonthain eft une grande baie où les vaiffeaux ^1768. peuvenc mouiller en toute fureté pendant les deux mouffons ; les fondes y font bonnes ôc régulières 6c le fond de vafe molle ; en entrant , il n'y a d'autre danger à craindre qu'une bande de rochers qu'on voit au-deffus de l'eau , 6c qui font une excellente balife pour mettre k l'ancre. La plus haute terre qu'on apperçoive , eft appellèe la Montagne Bonthain , 6c Jorfqu'un vaifleau eft au large k deux ou trois milles de diftance de la terre , il doit porter jufqu'à ce que cette colline Jui refte N. ou N» £ O , ôc enfuite courir dans la baie 6c mouiller. Nous mîmes k l'ancre au-deffous de cette colline, à environ un mille de diflance de la côte. Il y a dans cette baie plufieurs petites villes, celle qu'on nomme Bonthain eft fituée dans la partie N. E., 6c c'eft-la que fe trouve le Fort palifîadé dont nous avons déjà fait mention , ôc fur lequel font montés huit canons de huit. Cette forte-reffe fuffit feulement pour contenir dans la foumifîion le peuple du pays , elle n'a pas été conftruite k d'autre deffein ; elle eft bâtie fur le côté oriental d'une petite rivière dans laquelle un vaifleau peut naviguer jufqu'au pied du Fort. Le Réfident Hollandois a le commandement de la place , ainfi que de Bullocomba, autre ville fituée k environ vingt milles plus loin k l'Eft, ôc où il y a auffi un Fort Ôc un petit nombre de Soldats, qui dans la faifon font occupés a recueillir le riz , que le peuple paye aux Hollandois en forme d'impôt. On peut s'y procurer de l'eau ôc du bois en grande abondance ; nous coupâmes notre bois près delà rivière, TSSSSS* au-deffous de la montagne Bonthain ; nous tirâmes Ann- 1768. notre eau en partie de cette rivière & en partie d'une Mai* autre ; lorfque cette dernière nous fervoit d'aiguade , notre bateau alloit au-deffus du Fort avec les futailles qui dévoient être remplies , & où il y a un bon chemin pour les décharger ; mais comme la rivière eft petite ôc qu'elle a une barre , le bateau chargé ne pouvoit s'en revenir qu'à la marée haute. Il y a dans la baie plufieurs autres petites rivières , qui peuvent au befoin fournir de l'eau douce. Pendant tout le tems que nous fûmes à Bonthain, nous y achetâmes , à un prix raifonnable, une grande quantité de provifions fraîches; le bœuf eft excellent, mais il feroit difficile d'y en trouver affez pour une efeadre. On peut s'y procurer autant de riz , de volaille ôc de fruits qu'on le défirera ; il y a auffi dans les bois une grande abondance de cochons fauvages, qu'il eft facile d'avoir à bon marché , parce que les Naturels du pays qui font Mahométans n'en mangent jamais. On peut y prendre du poiffon k la feine, ôc les habitans de l'ifle nous fournirent des tortues dans la faifon ; car la tortue , ainfi que le porc , eft pour eux un aliment qu'ils ne mangent dans aucun tems. Celebes eft la clef des Moluqucs ou des Ifles a épiceries , qui font néceffairement fous la domination du peuple qui eft maître de cette Ifle ; la plupart des vaiffeaux qui font voile aux Moluqucs ou k Banda y touchent , Ôc dirigent toujours leur route entre cette Ifle ôc celle de Solaycr. Les petits bœufs ^==z de Celebes font de la race de ceux qui ont une boffe ; \7^* fur le dos, & outre ces animaux , f ffle produit des 121 chevaux , des buffles , des chèvres , des moutons 6c des daims. L'arrack 6c le fucre qu'on y confomme (ont apportés de Batavia. La montagne de Bonthain efl fituée au ^d 30' de latitude S., 6c fuivant notre effime, au 117d -$3' de longitude E. La variation de l'aiguille pendant que nous y féjournâmes , étoit de id 16 ' O. Les marées font très - irrégulières ; ordinairement la marée ne monte 6c baiffe qu'une fois dans vingt-quatre heures, 6c il efl: rare qu'il y ait fix pieds de différence de l'une à l'autre. CHAPITRE CHAPITRE XII. Traverfée de la Baie de Bonthain dans ITJle de Celebes, à Batavia. Ce que nous fîmes à Batavia. Paffage de cette Ville en Angleterre , en faifant h tour du Cap de Bonne-Efpérance. Lorsque nous quittâmes la baie de Bonthain , ... nous nous tînmes le long de la côte, jufqu'au foir, An^.1.7 à la diftance de deux ou trois milles ; ôc alors nous jettâmes l'ancre pendant la nuit , par fept braffes ôc demie , fond de vafe molle , dans le paffage qui eft entre les deux Ifles de Celebes ôc de Tonikaky. Le lendemain au matin, 23 , nous remîmes k la voile ôc nous partîmes de Tonikaky, qui, fuivant mon eftime, eft fitué au $d 31' de latitude S. ôc au 117e1 ij' de longitude E. La variation de l'aiguille étoit d'i d O. Nous allâmes enfuite au Sud de Tonikaky, ôc nous portâmes k l'Oueft. Sur les trois heures de faprës-midi, nous étions en travers de la plus orientale des Ifles appellées Ifles de Tonyn dans les Cartes Hollan-doifes. Cette Ifle nous reftoit a-peu-près au N. j N. O. à quatre milles de diftance, ôc nous appercevions les deux qui font les plus occidentales. Ces trois Ifles forment entr'elles une efpèce de triangle rectangle ; îa plus orientale eft éloignée de la plus occidentale d'environ onze milles j ôc elles gifent prefque a fEft Tome L Xx J & a l'Oueft l'une de l'autre. La diftance entre les • \76°> deux plus occidentales eft également d'environ onze milles ; éc leur gifement relatif eft S. j S, E. éc N. j N. O. Sur les fix heures , en retirant la fonde fans rencontrer de fond, nous nous trouvâmes tout-à-coup fur un banc de fable fin où il n'y avoit pas 3 braffes de profondeur ; & l'eau étant claire ôc lympide , nous appercevions à notre fond de grandes pointes de rocher de coraif Sur le champ nous coeffâmes toutes les voiles , éc heureufement nous gagnâmes le large fans être endommagés. Nous avions paffé juftement fur le bord le plus oriental de ce rocher qui eft aulfi efearpé qu'une muraille , car nous avions â peine reculé de deux encablures, que la fonde ne rapporta plus de fond. Les deux plus occidentales des Ides de Tonyn, nous reftoient alors au N. ~ N. O. à la diftance d'un peu plus de quatre milles de celle qui étoit la plus proche de nous. Ce bas-fond eft très-dangereux , éc il n'eft point marqué dans aucune des Cartes que j'ai vues ) il femble s'étendre au Sud éc à l'Oueft tout autour des deux plus occidentales de ces trois Ifles dans un efpace d'environ fix milles ; mais il ne paroît pas y avoir de danger autour de l'ifle la plus orientale ; il y a aufli un paflage fur entre cette Ifle éc les deux autres. La latitude de la plus orientale éc de la plus occidentale de ces Ifles eft de 5 d 31 ' S. La plus orientale eft éloignée de trente-quatre milles précifément à l'Oueft de Tonikaky, éc la plus occidentale gît dix milles plus loin. L'après-midi du 25, nous nous apperçûmes que l'eau changeait beaucoup de couleur ; fur quoi nous fon- *^?y™™**** dames & nous eûmes 3^ braffes, fond de vafe molle. Ann-i768. Bientôt après nous parlâmes fur la partie la plus feptentrionale d'un bas-fond, & nous ne trouvâmes plus que 10 brafîes même fond. L'eau étoit très-fale dans cet endroit où nous découvrîmes qu'elle avoit moins de profondeur ; elle fembloit être plus bafle au Sud , mais à notre nord elle paroiffoit claire. Nous ne fîmes pointa ce jour d'obfervacion pour déterminer la latitude ; mais je crois que nous étions fur la partie la plus feptentrionale des bas-fonds qui gîfent à l'Eft de Pille de M a dura , & qui font appelles dans le Pilote Anglois des Indes Orientales , Bancs de Bralleron, les mêmes que ceux qu'on nomme Kalcain's Eylandais dans les Cartes Hollandoifes. Suivant mon eftime, la partie fur laquelle nous naviguâmes , gît au d <$o' ou S., & 3d }6' â l'Oueft de l'ifle de Tonikaky } ou S. 84e1 27' O., à la diftance de foixante-neuf lieues. A onze heures du foir, du même jour, nous apperçûmes au Nord la plus méridionale des Ifles Sa-lombo. l'eftime qu'elle eft fituée au ^d 33' de latitude S. , & au 4d 4 ' de longitude O. de Tonikaky y à la diftance d'environ quatre-vingt-deux ou quatre-vingt- trois lieues. Elle gît au N. O. J O. | O. du dernier bas-fond , à-peu-près à quatorze lieues. Il faut remarquer qu'aux environs de la hauteur de flfle de Madura , les vents des mouflons commencent ordinairement à foufHer un mois plus tard qu'à Celebes. La variation de l'aiguille n'étoit pas de plus d'un demi degré à l'Oueft, & nous trouvâmes que îe courant, Xx ij ^ qui portoit auparavant au Sud, avoit alors fa direclion Ann. i768. âu N. O. Mai, Dans f après midi du 26 , nous découvrîmes de la grande hune f Ifle de Luback , & nous avions des fondes de 3*5 a 40 bralfes , fond d'argile bleuâtre. Cette Ifle efl fituée au 5 d 43' de latitude S. , &; au 5 d 36 ' de longitude O, de Tonikaky , dont elle efl éloignée d'environ cent & douze lieues. Sa diftance à l'Oueft des Ifles de Salombo , eft de trente & une lieues. Nous allâmes au Nord de cette Ifle, & nous trouvâmes un courant qui portoit à l'O. N. O. Le foir du 29 , nous vîmes le grouppe de petites Ifles appellées Carimon-Java. La plus orientale, qui eft auffi la plus grande, gît au 5 d 48' de latitude S., & au 7d ^2' de longitude O. de Tonikaky. Elle eft éloignée de cette Ifle d'environ 158 lieues, & de 45 de celle de Luback. Juin. Le 2 Juin, nous rencontrâmes la terre de Java; nous reconnûmes enfuite que c'étoit la partie de l'ifle qui forme la pointe la plus orientale de la baie de Batavia , appellée Pointe de Carawawang. Lorfque nous apperçûmes la terre pour la première fois , nos fondes avoient diminué par degrés de 40 à 28 brafles, fond de vafe bleuâtre. Comme nous gouvernions le long de la côte vers Batavia , elles diminuèrent encore davantage jufqu'à 13 brafîes. La nuit furvenant, nous mîmes à l'ancre par cette profondeur, près des deux petites Ifles appellées Lcydcn & Alkmar à la vue de Batavia ; 6c l'après-midi du lendemain, 3, i"1""" '^ww nous mouillâmes dans la rade qui eft fi bonne, qu'on Ann. 176S. peut la regarder comme un havre. Nous avions alors Jfuin* de grandes raifons de nous féliciter fur notre état ; car pendant toute notre traverféc depuis les Celebes, le vaiffeau faifoit tant d'eau par fes voies, que nous eûmes beaucoup de peine de l'empêcher de couler à fond en employent continuellement deux pompes. Nous trouvâmes à Batavia onze grands vaiffeaux Hollandois, outre plufieurs petits, un bâtiment Espagnol , un fenaut Portugais & plufieurs jonques Chi-noifes. Le lendemain au matin, 4, nous faluâmes la ville d'onze coups, & on nous répondit par un égal nombre. Comme c'étoit le jour de la naiffauce de Sa Majefté Britannique notre Souverain , nous tirâmes enfuite vingt ôc une pièces de canon pour célébrer cette fête. Nous reconnûmes que îa variation de l'aiguille étoit de moins d'un demi-degré h l'Oueft, L'après-midi, je rendis vifite au Gouverneur, & l'informai de l'état du Swallow , en le priant de m'accorder la liberté de le radouber , à quoi il me répliqua que je devois pour cet article m'adreffer au Confeil. Le 6, qui étoit jour d'affemblée , j'écrivis donc au Gouverneur ôc au Confeil. J'expofois plus en détail la fituation du vaiffeau , ôc après avoir demandé permiffion de faire les réparations dont il avoit befoin, j'ajoutai que j'efpérois qu'ils maccorderoient l'u-fage des chantiers 6c magafins qui fcroient né- Ann. 1768. Juin. ceffaires pour cela. L'après-midi du lendemain, y f le Sabandar, accompagné de M. Garrifon Marchand de la ville, qui lui fervoit d'Interprète, 6c d'une autre perfonne , vint chez moi. Après les premiers com-plimens , le Sabandar me dit qu'il étoit envoyé vers moi par le Gouverneur éc le Confeil, au fujet d'une lettre que j'avois reçu lorfque j'étois k Bonthain , éc qui m'avertiffoit d'un complot formé pour maffacrer notre équipage ; que l'auteur de cette lettre m'avoic infulté, ainfi que fa Nation, dans la perfonne du Gouverneur de la place , éc qu'il devoit être puni. J'avouai franchement que j'avois reçu cette nouvelle, mais je répondis que je n'avois dit a qui que ce foit que ce fût par une lettre. Le Sabandar me demanda alors fi je voulois affirmer par ferment que je n'avois point reçu la lettre fur laquelle il étoit chargé de prendre des informations. Je lui répliquai que cette quef-tion me furprenoit , & que fi le Confeil avoit k me faire des réquifitions fi extraordinaires, je fouhaitois qu'elles me fuffent adreffées par écrit, éc qu'alors j'y donnerois la réponfe que jejugerois la plus convenable. Après une mûre délibération, je le priai enfuite de me dire ce qu'il avoit à répondre k ma lettre concernant le radoub de notre vaifleau. Sur quoi il m'apprit que le Confeil étoit choqué de ce que j'avois employé le mot â'efpérer 3 éc de ce qu'elle n'étoit pas écrite en ftyle de requête employé par tous les Marchands dans de pareilles occafions. Je lui répondis que je n'avois pas eu deffein de l'offenfer, éc que je m'étois fervi des premiers mots qui s'étoient préfentés a moi pour exprimer mon idée. Nous nous féparâmes ainfi 6c je n'en- du C a p i't a i n e Carteret. 351. tendis plus parler de rien jufqu'au 9 dans l'après-midi, = lorfque le Sabandar, fuivi des mêmes perfonnes, vint 1 me voir une féconde fois. Il me dit qu'il étoit chargé de la part du Confeil de demander un écrit ligné de ma main, déclarant que je croyois le rapport d'un projet formé dans l'ifle de Celebes, de maffacrer notre équipage , faux & malicieufement controuvé : il fe flattoit, ajouta - t - il, que j'avois trop bonne opinion de la Nation Holîandoife , pour fuppofer qu'elle fût capable de fouffrir fous fon gouvernement un forfait fi exécrable. M. Garrifon me lut alors un certificat qui avoit été dreflé par ordre du Confeil afin que je lefignaffe. Quel que fût mon fentiment fur cette matière , je ne crus pas devoir ligner cet aéte, d'autant plus qu'on paroilfoit l'exiger comme une condition fans laquelle on difléreroit de m'accorder ce que je demandois. Je dis au Sabandar de me donner des marques de l'autorité en vertu de laquelle il m'adreffoit cette requête. Il me répliqua qu'il ne pouvoit alléguer d'autre preuve que fon titre connu d'Officier public , ôc l'affertion des deux perfonnes de fa fuite qui confirmoient qu'il agiffoit en ceci par ordre exprès du Confeil. Je lui répétai alors que le Confeil me fît remettre par écrit ce qu'il demandoic de moi, afin que le fens en fût déterminé ôc certain , & que je pufle avoir du tems pour examiner la réponfe que j'aurois à y faire ; mais il me fit entendre qu'il ne pouvoit pas fouferire à ma demande fans un ordre du Confeil. Je refufai alors abfolument de figner le certificat j en même-tems je lui demandai encore une fais une réponfe à ma lettre, 6c comme il n'étoit pas "~ préparé à me la donner, nous nous féparâmes affez .1768, méconcens l'un de l'autre. un J'attendis inutilement leur réfolution jufqu'au 15 , quand les mêmes perfonnes revinrent pour la troifieme fois , 6c me dirent qu'elles étoient envoyées pour m'informer que le Confeil avoit proteffé contre ma conduite à Macajfar, 6c contre le refus de figner le certificat qu'on m'avoit préfenté, ce qu'il regardoic comme une infulte que je lui faiiois, 6c un acfe d'in-juftice envers fa Nation. Je répliquai que je me rcn-dois le témoignage de n'avoir agi dans aucun cas contre les traités qui fubfiftent entre les deux Puiffances, éc que je n'avois manqué en rien à mon caractère d'Officier honoré d'une commiffion de Sa Majefté Britannique , ni à la confiance qu'on attendoit de moi, quoique je ne penfafle pas avoir été traité par le Gouverneur de Macajfar, comme le fujet d'une Nation alliée ôc amie; que s'ils avoient quelque chofe à alléguer contre moi, ils dévoient le faire par écrit devant le Roi mon Maître, à qui feul je me croyois refpon-fàble de mes actions. Ils partirent avec cette réponfe, Ôc le lendemain, 16, n'ayant point reçu celle de ma lettre, j'en écrivis une féconde de la même teneur que la première , ôc dans laquelle je repréfentois que les voies d'eau du vaifleau augmentoient chaque jour. Je priois encore le Confeil, dans les termes les plus forts , de permettre que je pus radouber mon bâtiment , ôc de me fervir des formes ôc des magafins de Batavia dont j'aurois befoin. Le 18, le Sabandar vint me revoir, ôc m'avertit que que le Confeil avoit donné des ordres pour le radoub " '■ du Swallow k Onrujl, 6k comme il n'y avoit point de Ann.i76S. magafin vuide, qu'il avoit nommé un des vaiffeaux de la Compagnie pour m'accompagner & prendre à bord mon équippement. Je lui demandai s'il n'y avoit point de réponfe par écrit à ma lettre; il me dit que non , en ajoutant que ce n'étoit pas l'ufage, 6c qu'on avoit toujours regardé comme fuffifant un meffage fait par lui ou par queîqu'autre Officier. On me fournît enfuite pour mon argent, fans aucune nouvelle difficulté, celles des provifions de la Compagnie que je pouvois defirer. On chargea un Pilote de me conduire , 6c le 22, nous mîmes à l'ancre k Onrujl , où après avoir déchargé le Swallow 6c mis fon équippement k bord du vaifleau de la Compagnie, nous trouvâmes que fon mât de beaupré 6c fon chouquet, ainfi que la grande vergue, étoient pourris ce entièrement incapables de fervir. Le doublage étoit par-tout rongé des vers, 6c les planches de la fauflè quille étoient fi endommagées 6c fi ufées , qu'il étoit néceffaire de mettre le bâtiment k la bande avant qu'on pût le radouber fufEfam-ment pour faire voile en Europe ; mais comme il y avoit déjà d'autres vaiffeaux en carène à Onrujl, 6c que les formes étoient occupées, les charpentiers ne purent commencer leur travail que le 24 Juillet. Juillet. Le Swallow refta entre les mains de ces ouvriers Août, jufqu'au 16 Août. Lorfqu'ils examinèrent la quille , ils virent qu'elle étoit fi mauvaife , qu'ils pensèrent 2 orne L Y y unanimement qu'il falloir en faire une nouvelle. Je m'y oppofai fortement;"je favois que c'étoit un vieux bâtiment, & je craignois qu'en ouvrant la cale , on ne la trouvât plus mauyaife encore qu'on ne le croyoit, peut-être même qu'il ne fût fi gâté, qu'on le condamnât ainfi que le Fahnouth. Je demandai donc qu'on lui fît feulement un nouveau doublage par-deffus l'ancien ; mais le Bawfe ou maître charpentier ne voulut pas y confentir , à moins que je ne certifiaffe par écrit que le radoub du Swallow 3 tel que je le propofois, avoit été exécuté fuivant ma volonté ôc non pas la fienne. Il dit que cela étoit néceffaire pour fa juflification , fi après l'avoir caréné de la manière que je le defirois il étoit hors d'état d'arriver â fa deflination. Je crus que cette propofition étoit raifonnable ôc j'y fouferi-vis volontiers; mais comme je répondois alors du fort du vaifleau, je le vifitaj^foigneufement avec mon charpentier , fon aide Ôc les Officiers de l'équipage. Les abouts des planches qui font jointes à la poupe étoient fi larguées, que la main d'un homme pouvoit y paf-fçr ; fept cadenes de haut-bans étoient rompues ôc ufées ; la ferrure en général étoit dans un très-mauvais état ; plufieurs des courbes étoient relâchées & quelques-unes brifées. Pendant mon fejour à Onrujl, deux vaiffeaux de notre Compagnie des Indes abordèrent dans ce port, ôc nous y trouvâmes entr'autres vaiffeaux particuliers de l'Inde, un du Bengale appelle le Dudly, fi rempli de voies d'eau , qu'il étoit impofïible de le remettre à la mer. On s'étoit adreffé au Gouverneur ôc au Confeil pour demander permiffion de le caréner, Ôc ™____ ilsPavoient accordée; mais les formes avoient toujours Ann-1768. été remplies, & il s'ctoit écoulé plus de quatre mois fans qu'il lui eût été pofîible d'entrer dans le chantier. Le Ca^ pitaine appréhendoit avec raifon qu'on ne le retînt jufqu'à ce que les vers euffent rongé la quille de fon bâtiment; éc fâchant que j'avois reçu des politeffes particulières de l'Amiral Houting, il me pria d'intercéder en fa faveur, ce que j'eus le bonheur de faire avec tant de fuccès , qu'on lui accorda fur le champ l'ufage d'une forme. M. Houting eft un vieillard, Amiral au fer-vice des Etats-Généraux, avec le titre de Commandant en Chef de la Marine éc des vaiffeaux appartenant à la Compagnie Hollandoife des Indes Orientales. Il a puifé fes premières connoiffances de la Marine, à bord d'un vaiffeau de guerre Anglois. Il parle parfaitement bien Anglois & François, éc il fait honneur au fervice par fes talens éc fa politeffe. Il eut la bonté de m'offrir fa table tous les jours ; en conféquence je fus fouvent avec lui, éc c'eft avec plaifir que je faifis cette occafion de lui faire publiquement mes remerciemens, éc de rendre ce témoignage à fon mérite, tant comme homme en place que comme homme privé. Il eft vrai que c'eft le feul Officier de la Compagnie dont j'ai reçu quelque honnêteté , ou avec qui j'ai eu la moindre communication ; car j'ai trouvé les Hollandois de ce pays, une efpèce d'hommes graves éc réfervés. Le Gouverneur , quoique au fervice d'une République , a un état plus impofant à certains égards , qu'un Souverain de l'Europe. Lorfqu'il fort il eft fuivi par un détachement de gardes à cheval, éc fon carroffe Yy ij eft précédé par deux Noirs qui lui fervent de cou-.1768. reurs 0j]i portent chacun à la main un grand bâton avec lequel ils n'ouvrent pas feulement un paffage , mais frappent encore durement tous les Naturels du pays & les Etrangers qui ne rendent pas à fon Excellence l'hommage qu'on attend des perfonnes de tous les rangs. Prefque tous les habitans de Batavia entretiennent une voiture reffemblante à nos carroffes, mais ouverte par-devant, traînée par deux chevaux & conduite par un homme allis fur un liège ; quiconque fe trouvant en voiture , rencontre le Gouverneur à la ville ou fur une route , doit fe tirer de coté , defeendre ôc faire un très-profond falut pendant que celle de fon Excellence paffe ; toutes les voitures qui le fuivent ne peuvent jamais dans aucun cas dé-paffer la fienne , elles font obligées de fe tenir par derrière quelques preffées qu'elles foient d'ailleurs. Les Membres du Confeil , appelles Eddc Hcercn, exigent aufïi un autre hommage de la même efpèce très-mortifiant : quiconque rencontre leur carroffe eft forcé d'arrêter le fien , ôc quoiqu'il n'en defeende pas , il doit s'y tenir debout ôc faire la révérence. Ces Edele Heeren font précédés par un Noir avec un bâton, 6c perfonne ne peut paffer devant leur voiture, non plus que devant celle du Gouverneur. Les Capitaines des vaiffeaux de l'Inde ôc des autres bâtimens marchands font fournis à ces cérémonies ; mais comme j'étois honoré d'une commifîion de Sa Majefté , je ne crus pas être le maître de rendre a un Gouverneur Hollandois un hommage qu'on ne rend pas à mon propre Souverain. Cependant on l'exige conftamment des Officiers du Roi ; ôc deux ou trois jours après mon '■—; arrivée a Batavia , le propriétaire de l'hôtel où j'étois Ann J?68-logé me dit que le Sabandar lui avoit ordonné de me faire favoir que ma voiture , ainfi que les autres, devoit s'arrêter fi je rencontrois le Gouverneur ou quelque Membre du Confeil. Je le priai d'avertir le Sabandar que je ne m'affujettirois point à une fourmilion pareille. Il m'infinua alors quelques mots fur les Noirs ôc leurs bâtons, mais je lui répondis que fi l'on me faifoit des infultes, je favois me défendre, 6c que j'aurois foin de me tenir fur mes gardes ; je lui montrai en même-tems mes piftolets qui étoient alors par hafard fur la table ; fur quoi il s'en alla , 6c il revint environ trois heures après me dire qu'il avoit ordre du Qouvcrneur de m'avertir que je pouvois faire ce qui me plairoit. L'hôtel 011 je fis ma réfidence eft autorifé par le Gouverneur 6c le Confeil , ôc tous les Etrangers font obligés d'y prendre leur demeure ; il faut en excepter les Officiers au fervice de Sa Majefté , â qui on accorde des logemens particuliers, dont cependant je ne voulus pas profiter. Je demeurai à Batavia trois ou quatre mois , ôc pendant tout ce tems, je n'ai eu que deux fois l'honneur de voir le Gouverneur ; la première lors de mon arrivée, quand je lui rendis vifite à une de fes maifons, fituée un peu dans l'intérieur du pays , ôc la féconde à la ville, où fe promenant un jour devant fon hôtel, je m'adreffai à lui dans une circonftance particulière. Bientôt après , les nouvelles du mariage du Prince d'Orange étant arrivées , il donna une fête publique 3 5 S Voyage à laquelle j'eus l'honneur d'être invité ; mais j'appris que le Commodore Tinker dans une occafion pareille, trouvant qu'il devoit être placé au-deffbus des Membres du Confeil Hollandois , quitta brufquement l'af-femblée ôc qu'il fut fuivi par tous les Capitaines de fon efcadre. Comme je voulois éviter l'alternative dé-fagréable de m'afleoir au - deffous du Confeil , ou de fuivre l'exemple du Commodore , je m'adrelfai au Gouverneur avant d'accepter fon invitation, pour con-noître la place qui m'étoit deftinée , ôc voyant qu'on ne vouloit pas me permettre de prendre celle des Con-feillers y je refufai d'affifler k la fête. JDans ces deux occafions, je parlai à fon Excellence par un marchand Anglois qui me fervit d'interprète. La première fois il n'eut pas la politeffe de m'offrir le moindre rafraî-chiffement, ôc la féconde , il ne m'invita pas même d'aller dans fon hôtel. Le Swallow fut enfin radoubé k ma grande fatis-facfion , ôc je crus qu'il pouvoit en fureté retourner en Europe, quoique les charpentiers Hollandois fuf-fent d'un fentiment diflérent. La faifon de mettre k la voile n'étoit pas encore arrivée, ôc mon digne ami, l'Amiral Houting , me repréfenta que fi je m'embar-quois avant le tems convenable , je trouverois k la hauteur du Cap de Bonnc-Efpcrancc d'affez mauvais tems pour m'en faire repentir. Mais ma fanté étant très - mauvaife ôc l'équipage malade , je penfai qu'il valoic mieux courir les rifques de quelques gros vents k la hauteur du Cap , que de refter plus long-tems dans cette place malfaine , d'autant mieux que la mouflon d'Oueft commcnçoic , ôc que pendant qu'elle _______f- dure, la mortalité y eft plus grande que dans les au- Ann- r7éS- 1 1» / Scptemb. très mois de Tannée. Le 15 de Septembre , nous fîmes voile c¥ Onrujl, où le vaiffeau avoit été radoubé , fans retourner , comme il eft d'ufage , dans la rade de Batavia ; ôc comme je n'étois pas bien portant , j'envoyai mon Lieutenant prendre congé du Gouverneur, ôc lui offrir mes fervices s'il avoit quelques dépêches pour l'Europe. Heureufement pour moi , je me procurai un fupplément de matelots Anglois, autrement je n'au-rois pas pu reconduire le Swallow dans la Grande-Bretagne ; car j'en avois perdu vingt-quatre de ceux que j'avois amené d'Europe, Ôc vingt-quatre autres étoient fi malades que fept de ces derniers moururent dans notre paffage au Cap. Le 20, nous mîmes à l'ancre fur le côté S. E. de l'ifle du Prince dans le détroit de la Sonde, ôc Je lendemain au matin , j'envoyai les bateaux faire de l'eau ôc du bois. Nous ne pûmes pas cependant trouver une quantité d'eau fuffifante pour compléter notre provifion ; car il n'a voit point encore allez plu pour remplir les fontaines , la mouflon pluvieufe ne faifant que commencer. Nous eûmes alors une brife S. E. qui mit cette partie de l'ifle fous le vent, ôc qui fut fi fraîche que nous ne pûmes pas faire voile avant le 1^ , jour où devenant plus modérée , nous levâmes l'ancre ôc portâmes vers la côte de Java. Le foir, nous mouillâmes dans une baie, appellée par quelques-uns Nouvelle-Baie , par d'autres baie de Canty, Ôc qui eft formée ? par une Ifle de même nom. Nous avions quatorze Ann.i768. Drafpes d'eau, fond de fable fin. Le pic de l'ifle du vptemb. J>rlncc nous reftoit N. 13 e1 O. , ôc la pointe la plus occidentale de Ncw-IJland S. 8id O. , ôc nous avions au N. E. la pointe la plus orientale de Java que nous appercevions. Nous étions éloignés de la cote de Java d'environ un mille ôc un quart, ôc d'un mille Ôc demi du lieu de l'aiguade. La nouvelle baie eft le meilleur endroit de ces parages pour y faire du bois ôc de l'eau. L'eau eft fi pure, ôc fi bonne, que pour y former notre provifion , je fis vuider toute celle que nous avions prife a Batavia ôc à l'ifle du Prince. On la trouve fur la côte de Java dans un gros courant qui coule de la terre dans la mer. Au moyen d'un manche-à-eau , on peut en charger les bateaux ôc remplir les futailles fans les débarquer , ce qui rend le travail prompt ôc facile. Il y a un petit récif de rochers en-dedans duquel les bateaux naviguent , Ôc où ils font dans une eau auffi tranquille ôc auffi-bien à l'abri de la houle que s'ils étoient dans l'étang d'un moulin. Le récif ne s'étend pas affez loin pour être dangereux aux Navigateurs , quoiqu'on aflure le contraire dans » le Directoire d'Herbert a. Si un vent qui fouffle fur la côte faifoit chaffer un vaiffeau fur fes ancres pendant qu'il mouille ici , il pourroit très-aifément remonter [e paflàge entre New-IJland ôc Java, où l'eau eft affez profonde pour offrir un ancrage au plus gros bâtiment, ôc où il y a un havre qui , enfermé par la terre , eft parfaitement fur. On peut faire du bois par-tout , ou fur la côte de Java ou ou fur Ncw-Ifland; ces deux Ifles ne font pas habitées dans ces parties. Ann- *7<& Septemb. Après avoir complété dans peu de jours nos provifions d'eau & de bois , nous levâmes l'ancre Ôc fortîmes du détroit de la Sonde avec une belle brife fraîche du S. E qui ne nous quitta pas jufqu'à ce que l'ifle de Java nous reftât par - derrière à fept cens lieues. Le 23 Novembre , nous découvrîmes la côte d'A- NovemU. frique ; ôc le 28 , à la pointe du jour , nous apperçûmes la baie de la Table au Cap de Bonne-Efpérance, ôc le même foir nous mîmes à l'ancre. Nous n'y trouvâmes qu'un vaifleau Hollandois d'Europe , ôc un fénaut appartenant à la Colonie , qui étoit pourtant au fervice de la Compagnie , car on ne permet pas aux habitans d'avoir aucun vaiffeau. L a baie* de la Table efl: un bon havre dans l'été, mais non pas dans l'hiver ; de manière que les Hollandois ne fouffrent point que leurs vaiffeaux y ref-tent au-delà du 15 Mai qui répond à notre mois de Novembre. Après ce tems, tous les bâtimens vont à Falfe-Baye qui eft bien à l'abri des vents N. O. qui y foufEent avec beaucoup de violence. Nous refpirâmes en cet endroit un air pur , nous eûmes une nourriture faine , ôc nous allâmes librement dans la campagne qui eft très-agréable, de façon que je me crus déjà en Europe. Les habitans furent à notre égard francs, hofpitaliers ôc polis. J'ai reçu quelques honnêtetés de prefque tous les Officiers Tome J. | Z z $6z •v O Y A G MB1'1 MIMMKHMPnn & les riches habitans de la Place , ce je mériterois A.nn.1768. rna| jes bon^s qu'ils ont eu pour moi , fi je ne faifois pas ici une mention particulière du Gouverneur., du Vice-Gouverneur ôc du Fifcal. 1769. Janvier. Afin de laiffer aux gens de mon équipage le tems de recouvrer leur fanté , je fus obligé d'y refter jufqu'au G Janvier 1769 ; le foir de ce jour je mis à la voile, ôc avant la nuit nous depafsâmes la terre. Le 20, après un bon paffage , nous arrivâmes à l'ifle Sainte-Hekne, ôc nous remîmes à la voile le matin du 24. Le 30 , à minuit, nous étions près de la partie N. E. de l'ifle de YÂfcenjion ôc nous mîmes à la cape jufqu'à la pointe du jour, quand nous courûmes deffus la côte. J'envoyai un bateau pour découvrir le mouillage appelle baie de Crofs-Hill, tandis que nous nous tînmes le long du côté N. E. ôc N. de fille, jufqu'à ce que nous fûmes arrivés à fon extrémité N. O. ; ôc l'après-midi , nous mîmes à l'ancre dans la baie que nous cherchions. Pour trouver d'abord cette baie, il faut arriver de façon que la plus grande ôc la plus remarquable des montagnes de l'ifle refte au S. E. ; lorfque le vaiffeau efl dans cette pofition, la baie s'ouvre au milieu de deux autres montagnes , dont la plus occidentale eft appeliée Crofs - Hill ôc donne le nom à la baie. Sur cette montagne , il y a un bâton de pavillon ; fi le vaifleau amène de manière que ce bâton refte S. S. E. | E. ou S. E. ~ E. ôc qu'en-fuite il entre dans la baie jufqu'à ce qu'il aie dix braffes d'eau , il fera alors dans le meilleur endroit pour mouiller. En longeant le côté N. E. de l'ifle, je remarquai plufieurs autres petites baies fablonneufes , dans quel- rmmmn"^^ ques-unes defqueiles mon bateau vit une grande quan- Ann. 1769. / j 0 , . ... Janvier, nte de tortues ce trouva un bon ancrage, quoiquil ne fût pas auffi convenable que celui où nous étions ce où il y avoit auffi beaucoup de tortues. Le rivage efl: d'un fin fable blanc ; le lieu du débarquement fe rencontre au pied de quelques rochers qui gifent vers le milieu de la baie , & qu'on peut reconnoîrre au moyen d'une échelle de cordes qui pend depuis le fommet en-bas & qui fert à monter au-deffus. Le foir, je fis débarquer un petit nombre d'hommes pour retourner les tortues qui viendroient fur la côte pendant la nuit , & le matin ils n'en avoient pas pris moins de dix-huit, qui pefant quatre à fix cens livres chacune , rempliffoient toute l'étendue du tillac. Comme cette Ifle n'eft point habitée , les vaiffeaux qui y touchent ont coutume de laiffer dans une bouteille une lettre qui renferme leur nom , leur deftination , la date de leur arrivée & quelques autres détails. Nous nous conformâmes à cet ufage , & le foir, premier Février, nous levâmes l'ancre 6c mîmes à la voile. Février. Le 19, nous découvrîmes à une diftance confidé-rable, fous le vent dans le rumb S. O., un vaiffeau qui portoit pavillon François; nous le vîmes pendant tout le jour , & le lendemain au matin nous nous apperçûmes qu'il nous avoit devancé de beaucoup pendant la nuit. Il fit cependant une bordée afin de gagner plus loin au-deffus du vent ; 6c comme les vaiffeaux n'ont pas coutume de tourner au-deffus du vent dans ces paflages, il étoit évident qu'il avoit viré de bord Zz ij afin de nous parler. A midi il étoit affez près de nous pour nous Cahier, & à ma grande lurprife il prononça mon nom ôc celui de mon bâtiment, en s'informant de ma fanté , ôc me difant qu'après le retour du Dauphin en Angleterre, on avoit craque nous avions fait naufrage dans le détroit de Magellan , ce qu'on avoit envoyé deux vaiffeaux nous chercher. Je demandai à mon tour quel étoit le bâtiment qui me connoiffoit fi bien ainfi que mon vaiffeau , & qui étoit inflruk des idées qu'on avoit formées en Europe fur notre compte, après le retour de notre compagnon de voyage, & comment il avoit acquis ces inftruclions. On répondit que le vaifleau qui nous heloit étoit au fervice de la Compagnie Françoife des Indes Orientales ôc commandé par M. de Uougainville ; qu'il re-tournoit en Europe depuis FI lie de France ; qu'il avoit appris par la gazette de France au Cap de Bonne-E/pérance, ce qu'on penfoit du Swallow en Angleterre, ck qu'il nous reconnoifloit pour ce vaifleau par la lettre qui avoit été trouvée dans la bouteille à l'ifle de YAfeenflon , peu de jours après notre départ de cette place. M. de Eougainville m'offrit enfuite des rafraîchi fie m en s fi j'en avois befoin , ôc de porter nos lettres en Europe fi nous voulions y en envoyer quelques-unes. Je lui fis mes remerciemens pour l'offre de fes rafraîchiffemens qui n'étoit pourtant qu'une politefîe verbale , puifqu'il favoit que depuis peu j'avois mis a la voile de l'endroit où il s'en étoit fourni lui-même; mais j'ajoutai que quelques François m'avoient donné au Cap des lettres pour leur patrie, Ôc que s'il vouloir envoyer fon bateau à bord , je les remettrois a fon meîTager. J'avois des raifons de croire que M. de Bougainville , en nous parlant, avoit pour principal a^n.i objet de venir à bord ; je lui en fournis ainfi focca-fion , & il envoya fur le champ un bateau monté par un jeune Officier habillé en matelot. Je ne déciderai pas s'il étoit ainfi vêtu à deffein ; mais je m'ap-perçus bientôt que fon rang étoit fort fupérieur à fon habill ement, Il monta dans nia chambre, ôc après les complimens ordinaires, je lui demandai comment il arrivoit que le vaiffeau François retournât en France lorfque îa faifon étoit fi peu avancée. Il me répondit qu'il y avoit eu quelque démêlé entre le Gouverneur ôc les habitans de l'ifle de France , ôc qu'on l'en-voyoit en hâte dans fa patrie avec des dépêches. Cette hiiloire étoit d'autant plus plaufible que j'avois entendu parler de la difpute furvenuc entre le Gouverneur 6c les habitans de l'ifle de France , par un François qui étoit arrivé de-là au Cap. Cependant je n'é-tois pas parfaitement fatisfaic ; car en fuppofant que M. de Bougainville fût envoyé à la hâte avec des dépêches, je ne pouvois pas expliquer pourquoi il per-doit fon tems à me parler. J'obfervai donc à l'Officier que quoiqu'il m'eût donné la raifon de fon départ de YlJIe de France avant le tems accoutumé , il ne m'avoit pas fait voir pourquoi il revenoit de l'Inde dans une faifon différente de celles que choififlent les autres Navigateurs. 11 me répondit fans héfiter qu'ils n'avoient fait qu'un voyage de commerce très-court fur la côte occidentale de Sumatra. Je lui demandai alors quelles marchandifes ils en rapportoient, il me répondit de l'huile de noix de cocos ôc des rattans. ■ "* ■- Je lui fis remarquer qu'on n'a pas coutume de porter ces marchandifes en Europe, il répondit : cette obfer-vation eft vraie, mais nous avons laifTé ces marchandifes à M IJle. de France, l'huile pour l'ufage de l'ifle , 6c les rattans pour les vaiffeaux qui y toucheront dans leur voyage pour la Chine , ôc nous avons pris une autre cargaifon pour l'Europe. Je penfai que la cargaifon dont il me parioit étoit compofée de poivre , & tout fon conte étant au moins pofîible , je ne lui fis plus de queftions. Il me dit alors qu'il avoit appris au Cap que j'avois été avec le Commodore Byron aux Mes Falklands, ôc, ajouta-t-il , j'étois à bord du vaiffeau François que vous rencontrâtes dans le détroit de Magellan. Ce fait doit être vrai, car il rapporta plufieurs circonftances , que, fuivant toute apparence , il n'au-roit pas pu apprendre autrement : il fit mention en particulier de la Flûte qui échoua, ôc de plufieurs des obftacles que nous effuyâmes dans cette partie du détroit que nous pafsâmes enfemble. Il trouva moyen pendant cette converfation de me faire plufieurs queftions fur la partie occidentale du détroit ; le tems qu'il me fallut pour la traverfer, ôc les difficultés de la navigation ; mais s'appercevant que j'éludois de lui expliquer toutes ces particularités, il changea de fujet. Il dit avoir appris que nous avions perdu un Officier & quelques foldats dans un combat avec les Indiens, ôc remarquant que mon vaiffeau étoit petit 6c mauvais voilier , il infinua que nous devions avoir beaucoup fouffert dans un fi long voyage. On croit cependant, continua-t-il, qu'il eft plus fur 6c plus agréable de faire voile dans la mer du Sud que par tout ail- leurs. Comme je m'appcrçus qu'il attendoit une ré-ponfe , je lui dis que le grand Océan appelle la Mer A^-]7^% du Sud, s'écendoit prefque d'un pôle à l'autre ; que tvnei" quoique la partie de cette mer, fituée entre les tropiques, puilfe juftement être appellée pacifique, k caufe des vents alifes qui y foufflent toute l'année , cependant hors des tropiques de l'un éc de l'autre côté, les vents font variables ôc la mer très-groffe. Il fouf-crivit à tout ce que je lui difois , ôc trouvant qu'il ne pouvoit pas adroitement dans la converfation rien tirer de moi pour fatisfaire fa curiofité , il commença à me propofer fes queftions en termes plus directs , ôc il defira favoir de quel côté de l'é-quateur j'avois traverfé les mers du Sud. Comme je ne jugeois pas à propos de répondre k cette quef-tion , Ôc que je vouîois en prévenir d'autres de la même efpèce, je me levai allez brufquemcnt, Ôc k ce que je penfe avec quelques marques de déplaifir. U parut alors un peu déconcerté, Ôc je crois qu'il fè préparoit k faire l'apologie de fa curiofité ; mais je le prévins en le priant de faire mes complimens à fon Capitaine, a qui j'envoyois, en retour de fes obligeantes civilités, une des flèches qui avoit bleffé mes gens, ôc fur le champ je l'allai chercher dans ma chambre à coucher. Il mefuivit en regardant autour de lui avec beaucoup d'attention , comme il avoit fait depuis le moment de fon arrivée a bord, ôc après avoir reçu la flèche, il prit congé de moi. Après qu'il fut parti, ôc que nous eûmes fait voile, j'allai fur le tillac où mon Lieutenant me de- manda fi l'Officier, qui venoic de me rendre vifite , Mars. Tome I. Aaa = Ôc nous parlâmes entre Saint-Michel ck Tercere ; nous trouvâmes alors que la variation de l'aiguille étoit de 'S 16d 36' O., éc les vents commencèrent à fourflcr du S. O. Le vent augmenta à mefure que nous avancions à l'Oueft , & le 11 ayant gagné l'O. N. O., il fouffla très-fort avec une mer grofîè. Nous marchâmes devant lui avec la mifaine feulement, dont la ralingue s'étant rompue tout-a-coup , la voile fut déchirée en pièces avant que nous puifîions abattre la vergue , quoique nous fîmes cette opération dans un inftant. Cet événement nous obligea de mettre k la cape; mais après avoir envergué une nouvelle mifaine & redreffé la vergue, nous continuâmes notre route; ce fut le dernier accident qui nous arriva pendant le voyage. Le 16, étant au 49 d 13' de latitude N., nous trouvâmes fond. Le 18 , je connus par la profondeur de l'eau que nous étions dans le canal ; mais le vent étant au Nord , nous ne pûmes pas arriver à terre avant le lendemain, quand nous vîmes la pointe de Start; ôc le 20, k notre grande joie, nous mîmes k l'ancre k Spithead après un très-bon pafîage & un bon vent pendant toute la traverfée depuis le Cap de Bonne-EJpérance. TABLE De la variation de VAiguille ainfi qu'elle a été ohfervéc à bord du Swallow , dans fon Voyage autour du Monde, dans les années ijGG, 1767, 1768 & 1769* N. B. Les jours du mois ne font pas énoncés dans cette Table fuivant le calcul des Marins comme c'eft la coutume ; mais on les a réduit au calcul ordinaire pour la commodité de ceux qui n'entendent pas le premier. A. M. ( Ante mendiem ) dénote que l'obfervation a été faite dans la matinée, & P. M. ( Pq/l meridiem ) dans l'apiès-dîner de ce jour, au midi duquel on a pris la latitude & la longitude du yaiffeau. Tems. Latitude. L ongitude Variât, de l'aiguille. Nord. Oueft. Wert. ïj66 Août. Canal de a Manche. 22° 50' 30 p. M. 45*22' 13° 17' 20 2; Sept. 3 p. M. 38 36 13 40 19 4 j ^Des Dunes à rifle de Mato 4 A. M. 37 *7 14 12 20 17 • Ifle de Madère. 3* 54 16 35- 16 0 17 A. M. H 55 t9 22 13 0 21 A. M. 17 J9 l il 15) 11 14 l'ifle de Sail en vue au S. ? S. 0. à dix lieues. Aaa ij 37* V 0 Y A G E Tems. Latitude. Longitude. Variât, de l'aiguille. ï-66. Nord. Oueft. Oueft. 11 P. M. 16 °34' 22° 8° 20' Nous étions alors entre l'ifle de Sali & l'ifle de May. Porto - Prqyas if 0 ^3 O 8 0 Ifle de Saint-Jago. Oflobre ioP.M. 6 34 21 41 ; 3^ n P. M. 6 40 21 3f 6 0 Sud, ii A. M. 0 6 3 6 Dans le pafiTage de l'ifle Saînt- 15 P. M. 27 A. M. 4 7 H 3 *7 28 *3 49 4 3 30 ' S1 | 1 Jago aux détroits de Magel-r lan. 28 P, M. 8 46 29 14 1 jo j 30 P. M. 10 57 3o 9 0 30 31 A.M. 12 30 30 30 Point de variation. -Eft. * 31 P. M. 12 30 46 1 24 Novemb. 1 P. M. 17 22 3* 9 1 40 7 A. M. *3 H 38 10 4 F* P. M. — _ — — 5 5<î 8 P. M. M 49 39 21 6 4ï >Côte des Patagons. n AM. 29 57 42 *7 8 jo if A,M, 34 12 46 41 12 0 16 A. M. 34 38 47 58 12 36 17 A. M. 34 46 48 28 13 3 1 P. M. — — 20 „ Tems. Latitude. Longitude. Variât, de l'aiguille.. Remarques,), 1766. 18 A. M. Sud. 3J°37' Oueft. 49° 49* Eft. 14° 3o' i Les fondes donnoient 5-4 braf-* fes d'eau, fond de beau fable * noir & un peu va feux. P. M. — —• — 15 45 Même profondeur Se même fond. io P. M. 36 57 fi 48 *5 33 " ^Même profondeur , fond de \ beau fable , mais pas fi noir & de petites coquilles. 11 A. M. 57 40 Nous n'avions point de fond par 80 brafles. 38 n H il — — Sondes de 70 brafles. 40 34 ; n 47 — — Point de fond à 90 brafles. ; 41 34 ss 39 — — 4c braffes, fond de fable brun foncé. 41 57 '' 42 braffes, fond de fable fin gris. 41 6 s7 18 — — 46 brades , fond de beau fable brun foncé. 28 A. M. 41 14 f6~ 48 19 0 ^39 braffes même fond , nous ) prîmes ici de très-bons poif-/ fons à l'hameçon Se à la ligne. 29 A. M. P. M. 41 8 j8 41 19 2 '9 45 32 braffes même fond. 33 braffes. 43 i* j8 f<5 — - 14^ braffes même fond. Nous l eûmes ici calme & nous péchâmes du bon poiffon. 44 4 j8 53 — — J2 braffes même fond. Tems. Latitude. Longitude. Variât, de l'aiguille. Remarques. 1766, Sud. Oueft. Eft. 45° 0' f9° 34' — — f 3 brafles, fond de fable fin d'un brun léger. Décembre 4P. M. 47 0 60 51 20 0 20' 60 brafles, fable fin brun. 47 ij 6l 10 — — 5 A. M. 48 1 61 28 20 40 Ç brafles même fond , & mêlé 1 de grains de fable brillant. 1 6 A/M. 47 3 y 62 50 47 30 65 8 1 45 brafles d'eau, fond de fable i noir & de petites pierres i * en allant à l'on eft à environ J dix milles , nous eûmes j2 brafles, fond de vafe molle. 7 A. M. 47 14 63 37 19 40 j ^54 braffes, fond de vafe molle | & de petites pierres. A ce ' tems nous voyions terre défi puis la grande hune aux en-virons du Cap Blanc. S P. M. 48 J4 <$4 H 20 30 9 A. M. 49 F2 <5f 31 20 3 y p ij 66 2 — _ 53 braffes, fond de fable gris-brun & de petites pierres. 17 Magellan, Cap de la Vierge Marie, Entrée la plus orientale du détroit, Si 23 68 Ifle à*Elisabeth. Port Famine, 11 jo 22 36 22 22 'Dans le détroit de Magellan. Tems. 1-766. Latitude. Longitude Sud. Oueft. a la hauteur du Cap Froward. Rade d'York. Havre du Swallow. A la hauteur du Cap Notch. A la hauteur du Cap Upright. 176 j, | a la hauteur du ? f, o Cap Pillar. J 7j°io' Avril 18 p. M. 1 49 18 79 6 17 36 20 A. M. 48 4 80 S* 17 20 16P. M. 45" 57 81 11 16 17 28 p. M. 44 *7 81 14 15 io C 40 78 u o Mai. . . .] l ■ 33 45 80 46 10 *4 28 p. M. « 45 79 50 9 40 31 p. M. 26 *é 82 15 8 10 Juin 1 p. M. S1 84 8 8 7 p. M. 27 *3 97 16 5 4j 8 A. M. 17 20 97 51 5 45 10 A. M. 26 30 98 H 5 40 12 p. M. 16 53 100 21 4 i3 16P, M.i 28 11 1 111 15 2 0 Variât, de l'aiguille. Remarques. Eft. 22° io' même var.J 22 o J 21 ro >Dans le détroit de Magellan. Entre'e la plus occidentale du détroit. Sud. Extrémité orientale de Juan Fernandès. Ifle de Mafafuero. 'En traverfant la mer du Sud V O Y A G E Terni. Latitude. Longitude. Variât, de J l'aiguille. \ Remarque*. 1767. j Sud. Oueft. EU. j 17 A. M. 28 0 4' 112° 37' i° 18 P. M. 28 7 113 55 2 0 V >En traverfant la mer du Sud. 20 A. M. 28 4 116 29 2 9 \ 30 P. M. 2(5 0 130 ff 2 31 - Juillet 2 P. M. 2 153 38 2 46 A la hauteur de rifle de Pit- 3 • • ^5 0 136 16 2 3o cairn. 4 A. M. M M 137 18 3 43 S A. M. 24 % 137 23 5 24 6 A. M. 24 138 3i 4 16 7 A. M. M 10 139 5f 5 12 i P. M. — — — — 4 2 1 8 A. M. 46 139 55 5 10 P. M. 21 38 141 36 4 20 'Traverfant la mer du Sud. 12 A. M. 20 3^ 145 39 4 40 1 20 38 146 0 5 0 { 13 RM. 21 7 147 44 5 4<î 1 j A. M. 21 46 150 50 G 2-3 ' 16 P. M. 22 2 ifi 9 6 34 19 P. M. 19 P 153 59 6 8 20 P. M. 19 8 15% if 7 9 21 P. M. 18 43 27 7 38 23 P. M. 16 22 162 3* 6 f j 24 Tems. Latitude. Longitude, î . ! Variât, de V aiguille. Remarques. 1767. Sud. Oueft. Eft. 24 P. M • i4°i9' i*3° 34' 6° 29' 2ç A. M .12 13 164 50 9 30 RM — — — — 9 4° 26 A. M. 10 1 166 f2 9 0 2S A. M. 9 S° I7I 26 9 4 30 A. M. l75 38 9 3* [ P. M, — —, --- 9 0 \ Traverfant la mer du Sud. Août 1 A. M. 9 55 179 33 Eft. 10 4 i • 2A.M. 10 9 17S 58 10 30 4 A. M. 10 22 177 10 10 H ! S A. M. 10 jy 11 14 P. M. - — — — 10 f2 7 P. M. 10 s1 172 23 II 17 10 27 ! 8 P. M. 11 2 171 ij r 9 A. M. 10 f6 171 0 10 2 11 RM. 10 49 167 0 io 38 I^ap Byron. . . • 18 P. M. 10 40 9 J8 164 49 162 j7 II 0 8 30 Extrémité N. E. de l'ifle d'gJ 77z0/zr, une des Ifles de la] Kei/ze Charlotte. 19 P. M. 8 52 160 41 8 30 20 A. M. Tome T. 7 53 158 56 1 j8 56 8 31 8 20 A la hauteur des Ifles Je Carteret & de Gower. • Bbb Tems. Latitude. ! Longitude. 1767. 22 P. M. 24 P. M. 26 P. M, Sud. j Oueft. 6°24' IJ7°32' 5 7 Mjî 8 4 I 15-3 17 Variât, de l'aiguille. A la vue, & au côté Oueft de la Nouvelle-Bretagne. Eft. 7° 4*' 6 2. j Cap Saint-George, j s °J 152 19 5 20 Dans le canal Saint-George. 4 40 Septembre 16 A. M. 2 19 145 3i 30 ï9 a. m. 1 Î7 . M5 28 f 26 1 45 M3 2 4 40 20 P. M. 1 33 142 22 4 40 21 a. m. 1 20 141 29 4 54 22 P. M. 0 ji 139 y* 4 30 23 P. m. 0 5 138 56 4 17 Nord. 24 P. m. 0 5 138 41 3 8 27 a. m. 2 13 136 41 2 30 P. m. -- — 2 9 2 50 136 17 2 0 30"A. m. 4 if 134 37 1 4i •Octobre 3 a.m. 4 4i 1 m2- îi 3 9 Remarques. Nouvelle-Irlande, "Nou velle-Bretagne. 'Ici la terre parut affecter l'aiguille de la bouflole. A la hauteur des Ifles de Y Amirauté. Des Ifles de Y Amirauté à llfle de Mindanao. Tems. Latitude. Longitude . Variât. l'aiguill 1767. * Nord. Eft. Eft. P. M .-- -- 3 J4 5. P. M • 4 31 131 39 3 10 6 A. M . 4 21 45 3 33 8 A. M î 53 134 15 3 38 9 A. M. 4 3 134 4 3 11 12 P. M. 4 49 135 42 2 19 13 P. M. j, « r33 27 2 20 16 A. M. 5 54 133 10 2 34 27 P. M. 6 35 127 12 54 P. M. -- -- -- . ir 48 24 A, M. 21 64 31 12 54 2jP. M. 23 *3 63 35 12 39 26 A. M. *3 3* 62 43 13 4* 18 P. M. M 5* 60 14 16 10 30 P. M. M 40 56 jo 18 18 31 P. M. 26 3i 54 49 18 M Tems. Latitude, Longitude. Variât, de l'aiguille. Remarques. 1768. Novemb. i a, M p. M 3 A. M P. M i 4p-M 5 p. M. 6 P. M 7 A. M p. M. 8 p. M. p A, M. 10 p. M u A. M 12 p. M. 13 p. M. 19 A. M. 20 p. M. 21 p. M. 22 p. M. 13 p. M. 24 p. M. Cap de Bonne-EfpêA rance. Sud. 27° 5' 27 40 27 42 27 44 28 58 29 S9 30 12 30 19 10 37 31 2 52- 39 3 5 21 35 17 35 42 55 46 35 4 34 57 34 52 34 24 Eft, 52-°57' 50 55 yo 10 49 % 46 23 43 55 42 51 41 37 40 48 38 47 57 *7 55 2.7 28 38 27 22 27 o 26 29 25 46 25 18 30 19 30 Oueft. 20 0 12 20 20 20 58 21 23 21 15 11 9 21 58 24 40 24 S! 2-5 39 25 50 z5 25 8 25 2 25 5 22 32 22 46 22 18 22 jO 21 39 21 44 Du détroit de la Soij$e au Cap de Bonne-Efpérance. Tems, Latitude. Longitude. Variât, de t aiguille. 1 Remarques. 1769. Sud. Oueft. Oueft. Janvier 9 P.M 30° 37' 130 8' 190 20' 14 Pi M, 22 16 4 52. 16 19 jjP.M, 21 4 5 H 16 31 \Du Cap à Tlfle Sainte-Helene. 18 P. M. 17 J 0 10 14 38 Oueft. 19 P. M. 16 6 1 38 13 46 2; P. M. 14 22 7 4 12 30 26 P. M. 12 ;4 8 5 11 47 1 De l'ifle Sainte-Helene à l'ifle 27 P. M. n 36 9 if 11 40 j * de ÏAfcenJion. 28 P. M. 10 16 10 36 10 46 Février a P. M. 6 45 14 42 9 34 / 3 P. m. 5 4 if 45 9 4 4 A M. 3 26 16 49 9 10 J ri?, m. 2 1 17 34 8 58 6 P. M. 0 20 18 27 8 32 f Nord. 7 P. M. 0 ;8 19 24 8 37 f 8 A. M. 1 $6 20 16 8 25 I 10 P. M. 2 39 28 yS 7 2 1 15P.MJ 6 38 32 40 4 35 ! ï6 P. M. 8 3 24 18 6 9 I >De rifle de ÏAfcenJion en yfo- 19P.M. 6 48 gleterre* 1 12 6 24 34 21 P.mJ 14 39 ' 27 if 6 12 - & Saint-Michel. 28 p. m, 39 19 Latitude* Longitude. Variât, de l'aiguille. 1769. Nord. Oueft. Oueft. 26 A. M. 23074' 280 ij ! 6 ° 0 Mars 3 P, M. 32 33 2-3 35 13 16 4 A. M. 34 2. 22 32 15 43 5 P. M. 3S 30 21 $6 14 53 6 A. M. 36 46 1 21 23 lS if P. M. 1 — ~. 14 y8 Entre les Iiles Tercêre 13 16 46 De rifle de YAfcenfion en /fo. gïeterre. • Depuis ce jour jufqu'à'mon arrivée en Angleterre, le tems fut fi mauvais, que nous n'avons pas eu occafion de faire aucune obfervation fur la variation de l'aiguille. N. B. Le Swallow étoit fi mauvais voilier que je ir'ai pas pu me procurer un nombre fuffifant de fondes pour en faire une Table féparée. Fin du Voyage du Capitaine Carteret & du premier Volume. —»»5cp— T A E S CHAPITRES Contenus clans ce premier Volume. VOYAGE DU CAPITAINE BYRON. Chap. I. N À vjgAtion des Dunes à Rio -Janeiro. 1 Chap, II. Départ de Rio - Janeiro. Navigation jufqu'au Port Defiré. Defcription de ce lieu. 8 Chap. III. Départ du Port Defiré. Recherche de l'If e Pepys. Navigation jufqu'à la Cote des Patagons. Dejcription des Habitans. 2y Chap. IV, Entrée dans le Détroit de Magellan. Navigation jufqu'au Port Famine. Defcription de ce Havre & de la Côte adjacente. 43 Chap. V. Navigation depuis le Port Famine jujqu'aux Ifles Falkland. Defcription de ces Ifles, $5 Chap, TABLE DES CHAPITRES 585 Chap. VI. Relâche au Port Defiré. Seconde entrée dans le Détroit de Magellan. Navigation jufqu'au Cap Monday. Defcription des Baies & Ports qui fe trouvent dans le Détroit. y y Chap. VII. Navigation depuis le Cap Monday jufqu'à la fortie du Détroit de Magellan. Ohfervations générales fur la Navigation de ce Détroit. ïOi Chap. VIII. Navigation depuis le Détroit de Magellan jufqu'aux Ifles de Difappointment. Détails nautiques fur cette navigation. i r 5 Chap. IX. Découverte des Ifles du Roi George. Defcription de ces Ifles. Détail de ce qui s'y efl paflfc. 129 CHAr. X. Navigation depuis les Ifles du Roi George jufqu'aux Ifles de Saypan , Tinian & dAguigan. Defcription de plufieurs Ifles découvertes dans cette navigation. H1 Chap. XL Arrivée du Dauphin & de la Tamar à Tinian. Defcription de l'état de cette Ifle. Détail de ce qui s'y efl paflfé. 153 Chap. XII. Navigation depuis Tinian jufqu'à Pulo-Timoan. Defcription de cette Ifle , de fes Habitans & de fes productions. Route depuis Pulo-Timoan jufqu'à Batavia. 163 Tome L Ccc )U TABLE Chap. XIII. Séjour à Batavia & départ de ce Port. 174 Chap. XIV. Arrivée au Cap de Bonne-Efpérancc. Retour en Angleterre. 179 VOYAGE DU CAPITAINE CARTERET. Chap. L Traversée de Plymouth à PI [le de Madère; & Pajfage du Détroit de Magellan. 187 Chap. IL Pajfage du Cap Pillar fitué à Ventrée Ouefl du Détroit de Magellan , à Mafafuero. Defcription de cette Ifle. 202 Chap. III. Paffage de Mafafuero aux Ifles de la Reine Charlotte. Plufieurs erreurs corrigées fur le gifement de la Terre de Davis. Defcription de quelques petites Ifles que nous fuppofons être celles qui furent vues par Quiros. 2.27 Chap. IV. Hifloire de la Découverte des Ifles de la Reine Charlotte. Defcription de ces Ifles & de leurs Habitans, Ce qui nous arriva à ITfle ^Egmont. 241 Chap. V. Départ de VIfle i'Egmont & Pafage à la Nouvelle-Bretagne. Defcription de plufieurs autres Ifles Q de leurs Habitans. 2.61 DES CHAPITRES 387 Chap. VI. Découverte d'un Détroit qui partage en deux Ifles la Terre appellée Nouvelle - Bretagne. Defcription de la Terre des deux cotés & de plufieurs Ifles fituées fur la route. Détails fur leurs Habitans. 27^ Chap. VII. Traverfée du Canal Saint-George à ITfle de Mindanao. Defcription de plufieurs Ifles. Ce qui nous arriva dans la route. 284, Chap. VIII. Defcription de la Cote de Mindanao & des Ifles qui Vavoiflnent. Erreurs de Dampierre corrigées. 297 Chap. IX. Pajfage de Mindanao à VIfle des Celebes. Defcription particulière du Détroit de MacafTar y dans laquelle on corrige plufieurs erreurs. 311 Chap. X. Ce qui nous arriva à la hauteur de MacafTar, & pajfage de-là