4 VOYAGES AUTOUR DU M O N D E. TOME QUATRIEME. RELATION DES VOYAGES ENTREPRIS PAR ORDRE DE SA MAJESTÉ BRITANNIQUE, ACTUELLEMENT REGNANTE; Pour taire des Découvertes dans l'Hémisphère méridional , Et fucceffivement exécutés par le Commodore BYRON> le Capitaine CARTERET, le Capitaine WALLI S SC le Capitaine COOK, dans les Vaijftaux le DAUPHIN, le Swallow SC /'Endeavour: Rédigée d'après les Journaux tenus par les différais Commandans & les Papiers de M. BANKS, Par J. HAWKESWORTH, Dofteur en Droit, Et enrichie de Figures, & d'un grand nombre de Plans & de Cartes relatives aux Pays qui ont été nouvellement découverts, ou qui n'étoient qu'imparfaitement connus. TRADUITE DE L' A N G L O I S, TOME QUATRIEME- —— ——— ——— A PARIS, Chez S SAILLANT ET NYON, rue Saint-Jcan-dc-Beauvais. 1CZ ¿PANCKOUCKE, Hôtel de Thou, rue des Poitevins. M. DCC. L X X I V. AVEC APPROBATION, ET PRIVILÈGE Dû ROI. EXPLICATION DES CARTES ET DES PLANCHES Contenues dans le Tome quatrième. Planche icre. Vue de la rivière Endcavour fur la côte de la Nouvelle-Hollande où le vaiiieau fut mis à la bande, afin de réparer les dommages qu'il avoit reçus fur le rocher où il avoit échoué. 2.. Quadrupède appelle Kanguroo , trouvé fur la côte de la Nouvelle-Hollande. 3» Carte d'une partie de la côte de la Nouvelle-Galles méridionale , depuis le Cap de Tribulaîion jufqu'au détroit d'Endeavoun Tome IV, ■H TABLE DES CHAPITRES Contenus dans ce quatrième Volume. VOYAGE DU CAPITAINE COOK, Livre III. Chap. III. Situation dangereufi où fi trouva h vaijfcau dans fa traverfée de la Baie de la Trinité à la Riviere Endeavour. i Chap. IV. Ce que nous fîmes fur la Riviere Endeavour pendant qu'on y radouhoit le Vaijeau. Dej* vj TABLE criptïon du Pays adjacent, de fes Habitans & de fes productions* 18 Chap. V. Départ de la Rivière Endeavour. Defcriptïon particulière du Havre où le vaifjéau fut radoubé, du Pays adjacent & de plufieurs Jfes près de la Côte* Traverfée de la Rivière Endeavour à P extrémité fep-tentrionale de la Nouvelle-Galles. Dangers de cette navigation» 60 Chap. VI. Départ de la Nouvelle-Galles méridionale. Defcription particulière du Pays , de fes productions & de fes Habitans. Petit Vocabulaire de la Langue de ces Peuples £' quelques obfervations fur les courans & les marées, 104 Chap. VII. Pajfage de la Nouvelle-Galles méridionale à la Nouvelle-Guinée. Defcription de ce qui nous arriva en débarquant fur ce dernier Pays, 14a Chap. VIII. Paffagl de la Nouvelle-Guinée a Vif e de Savu. Ce que nous fîmes dans cette-I(le» 158 DES CHAPITRES, vij Chap. IX. Defcription particulière de VIfit de Savu , de fes productions & de fes Habitans ; avec un Vocabulaire de la Langue qu'on y parle* 183 Chap. X. Traverfée de VlJIe de Savu à Batavia. Récit de ce que nous y fîmes pendant qu'on radon-boit notre vaijfeau. 214 Chap. XI. Defcription de Batavia & du Pays adjacent ; de fes fruits 9 fleurs & autres productions. 239 Chap, XII. Détails fur les Habitans de Batavia & du Pays adjacent, fur leurs Mœurs, leurs Coutumes & leur manière de vivre. 27c Chap. XIII. Paffage de Batavia au Cap de Bonne-Efpérance. Defcription de VIfe du Prince & de fes Habitans, Comparaifon de la Langue de ces Infu-laires avec celle des Malais & des lavans. 293 Chap. XIV. Arrivée au Cap de Bonne -Efpérarice, viij TABLE DES CHAPITRES. Quelques remarques fur la traverfée de la Pointe Java à cet endroit. Defcription du Cap de Sainte-Helene & des Hottentots. Retour de /^Endeavour en Angleterre. 31 e RELATION E L ATION D'UN VOYAGE FAIT AUTOUR DU MONDE, Dans les Années 1769, 1770 Ô£ 1771, Par Jacques C o o k , commandant le Vaijjeau du Roi /'Endeavour. L I V R E II L CHAPITRE III. Situation dangereufi où fi trouva le vaijfcau dans fa traverfée de la Baie de la Trinité à la Riviere Endeavour. ■us qu'ici nous avions navigué fans accident fur Ann. 1770. cette côte dangereufe où la mer ? dans une -étendue de Juin» Tome IV. A - vingt-deux degrés de latitude , c'eft - a - dire de plus Ann. 1770. de treize cens milles, cache par-tout des bas-fonds qui fe projettent brufquement du pied de la côte & des rochers qui s'élèvent tout-à-coup du fond en forme de pyramide. Jufques-la aucuns des noms que nous avions donnés aux différentes parties du pays, n'étoient des monumens de détretfe ; mais en cet endroit nous commençâmes à connoître le malheur , & c'eit pour cela que nous avons appelle Cap de Tri-bulation la pointe la plus éloignée qu'en dernier lieu nous avions apperçue au Nord. Ce Cap gît au i6d G' de latitude S. & au 214a 35/ de longitude O. Nous gouvernâmes au N. j N. O. à trois ou quatre lieues le long de la côte , ayant de 14 à n & 10 braiïes d'eau : nous découvrîmes au large deux liles fuuées au 16 d de latitude S. à environ fix ou fept lieues de la grande terre. A fix heures du foir , la terre la plus feptentrionale qui fût en vue , nous reftoit au N. ~ N. O. \ O., & nous avions au N. ~ O deux liles baffes & couvertes de bois , que quelques-uns de nous prirent pour des rochers qui s'élevoient au-deffus de l'eau. Nous diminuâmes alors de voiles, & nous ferrâmes le vent au plus près, en voguant à la hauteur de la côte à l'E. N. E. & N. E. \ E. , car c'étoit mon deiièin de tenir le large toute la nuit , non - feulement pour éviter le danger que nous appercevions à l'avant mais encore pour voir s'il y avoit quelques Ifies en pleine mer , d'autant plus que nous étions très-près de la latitude aíhgnée aux liles découvertes par Quiros, & que des Céosraphes, par des raifons que je ne connois pas , o * * i Ann. 1770« ont cru devoir joindre à cette terre. Mous avions la- Juin vantage d'un bon vent & d'un clair de lune pendant la nuit ; en portant au large depuis fix , jufqu'a près de neuf heures , notre eau devint plus profonde de 14 à 21 braííes ; mais pendant que nous étions a Couper , elle diminua tout-a-coup , 6c retomba a 12, 10 & 8 brades dans l'efpace de quelques minutes. Sur le champ j'ordonnai à chacun de fe rendre à fon pofte, & tout étoit prêt pour virer de bord & mettre à l'ancre ; mais la fonde marquant au jet fuivant une eau profonde, nous conclûmes que nous avions paiTé fur l'extrémité des bas-fonds que nous avions vus au coucher du folcii, èc qu'il n'y avoit plus de danger. Avant dix heures, nous eûmes 20 & n brafTes ; comme cette profondeur continuoit, les Officiers quittèrent le tillac fort tranquillement & allèrent fe coucher. A onze heures moins quelques minutes, l'eau baifla tout d'un coup de io à 17 brafTes , & avant qu'on pût rejetter la fonde, le vaifîèau toucha. Il refta immobile, fi Ton en excepte le foulèvement que lui donnoit la houle en le battant contre le rocher fur lequel il étoit. En peu de momens tout l'équipage fut fur le tillac , & tou* les vifages exprimoient avec énergie l'horreur de notre iituation. Comme nous avions gouverné au large avec une bonne brife l'efpace de trois heures & demie, nous favions que nous ne pouvions pas être très-près de la côte. Nous n'avions que trop de raifons de craindre que nous ne fufíions fur un rocher de corail ; ces rochers font plus dangereux que les autres , parce que les pointes en font aiguës 6c que A ij 4 V o y a o e chaque partie de la furface eft fi raboteufe & fi dure' ■ Î770' qu'elle brife 6c rompt tout ce qui s'y frotte , même légèrement. Dans cet état, nous abattîmes fur le champ toutes les voiles & les bateaux furent mis en mer pour fonder autour du vaiifeau. Nous découvrîmes bientôt que nos craintes n'avoient point exagéré notre malheur , 6c que le bâtiment ayant été porté fur une bande de rochers , il étoit échoué dans un trou qui fe trouvoit au milieu. Dans quelques endroits il y avoir de 3 à 4 brafTes d'eau , & dans d'autres il n'y en avoit pas quatre pieds. Le vaiilèau avoir touché le cap au N. E., & à environ trente verges à ftribord^ l'eau avoit une profondeur de 8 , de 10 & de 11 brafTes. Dès que la chaloupe fut en mer, nous abattîmes nos vergues & nos huniers , nous jettâmes l'ancre de toue à ftiibord , nous mîmes l'ancre d'affourche avec fon cable dans le bateau , & on alloit la jetter du même côté ; mais en fondant une feconde fois autour du vaiifeau, l'eau fe trouva plus profonde a l'arrière ; nous portâmes donc l'ancre à la poupe plutôt qu'à l'avant, & après qu'elle eut pris fond , nous travaillâmes de toutes nos forces au cabeftan , dans Tefpoir de remettre à flot le vaiifeau fi nous n'enlevions pas l'ancre ; mais à notre grand regret nous ne pûmes jamais le mouvoir; pendant tout ce terris, il continua à battre contre le rocher avec beaucoup de violence , de forte que nous avions de la peine à nous tenir fur nos jambes. Pour accroître notre malheur , nous vîmes à la lueur de la lune , flotter autour de nous les planches du doublage de la quille 6c enfin la faufie quille , & à chaque inftant la mer fe préparoit à nous engloutir. Nous n'avions d'autre reiTource que d'alléger le vaif-feau, & nous avions perdu l'occafion de tirer de cet ^f'P7*' expédient le plus grand avantage ; car malheureufement nous échouâmes à la marée haute , & elle étoit alors coniidérablement diminuée ; ainfi en allégeant le bâtiment de maniere qu'il tirât autant de pieds d'eau de moins que la marée en avoit perdu en tombant, nous ne nous ferions trouvé que dans le même état où nous étions au premier inftant de l'accident. Le feul avantage que nous procuroit cette circonftance , c'eft que la marée montante foulevant le vaiifeau fur les rochers, il ne battoit pas avec autant de violence. Nous avions quelque efpoir fur la marée fuivante , mais il étoit incertain que le bâtiment pût tenir jufqu'alors ; d'autant plus que le rocher grattoit fa quille fous l'épaule du ftribord , avec une fi grande force qu'on entendoit le ratiffement de la cale de l'avant ; notre fituation ne nous permettoit pas de perdre du tems a des conjectures , & nous fîmes tous nos efforts pour opérer notre délivrance que nous n'oiions cfpérer. Les pompes travaillèrent fur le champ ; nous n'avions que fix canons fur le tillac ; nous les jettâmcs à la mer avec toute la promptitude pofïible , ainfi que notre left de fer & de pierres , des futailles , des douves & des cerceaux , des jarres d'huile , de vieilles provifions & plufieurs autres des matériaux les plus p'efans. Chacun fe mit au travail avec un empreflement qui approchoit prefque de la gaieté , & fans la moindre marque de murmure ou de mécontentement : nos matelots étoient fi fort pénétrés du fentiment de leur fituation qu'on n'entendit pas un feul jurement ; la crainte de Te rendre coupable de cette faute , dans un moment où la mort fembloit Il prochaine , réprima k Finitant cette profane habitude, quel qu'empire qu'elle eut. Enfin la pointe du jour (le 11 ) parut} & nous vîmes la terre k environ huit lieues de diftance , fans appercevoir dans l'efpace intermédiaire , une feule lile fur laquelle les bateaux euiTent pu nous conduire pour nous tranfporter enfuite fur la grande terre, en cas que le vaifTeau fût mis en pièces. Le vent tomba pourtant par degrés , & nous eûmes calme tout plat d'aifez bonne heure dans la matinée; s'il avoit été fort notre bâtiment auroit infailliblement péri. Nous attendions la marée haute à onze heures du matin ; nous portâmes les ancres en dehors, & nous fîmes tous les autres préparatifs pour tâcher de nouveau de remettre le vaifTeau à flot ; nous reifentîmes une douleur & une furprife qu'il n'eft pas poiîible d'exprimer , îorfque nous vîmes qu'il ne flottoit pas de plus d'un pied & demi, quoique nous l'euiTions allégé de près de cinquante tonneaux , car la marée du jour n'étoit pas parvenue k une aufïi grande hauteur que celle de la nuit: nous nous mîmes h l'alléger encore davantage, & nous jettâmes k la mer tout ce qui ne nous étoit point abfolument nécefTaire. Jufqu'ici le vaifTeau n'a-voit pas fait beaucoup d'eau ; mais k mefure que la marée'tomboit, Teau y entroit avec tant de rapidité , que deux pompes, travaillant continuellement, pou-voient à peine nous empêcher de couler k fond : k deux heures , deux ou trois voies d'eau s'ouvrirent k firibord , & la pinaiTe , qui étoit fous les épaules, "--— toucha fond. Nous n'avions plus d'efpoir que dans la ^J^7'0* marée de minuit, & afin de nous y préparer , nous plaçâmes deux ancres d'affourche , Tune à firibord & l'autre directement a la poupe ; nous mimes en ordre les cap-moutons & les palans dont nous devions nous fervir, pour tirer les cables peu-à-peu , & nous attachâmes fortement une des extrémités des cables à l'arrière , afin que l'effort fuivant pût produire quelque effet fur le vaifTeau , & qu'en raccourciifant la longueur du cable qui étoit entre lui & les ancres, on pût le remettre au large & le détacher du banc de rochers fur lequel il étoit. Sur les cinq heures de l'après-midi nous obfervâmes que la marée com-mençoit à monter ; mais nous remarquâmes en même- tems que la voie d'eau faifoit des progrès aliar-mans, de forte qu'on monta deux nouvelles pompes ; nialheureufement il n'y en eut qu'une qui fût en état de travailler : trois pompes manœuvroient continuellement , mais la voie d'eau avoit fi fort augmenté que nous imaginions que le vaifTeau alloit couler â fond , dès qu'il cefferoit d'être foutenu par le rocher. Cette fituation étoit effrayante , & nous regardions l'inf-tant où le vaifTeau feroit remis a flot, non pas comme le moment de notre délivrance, mais comme celui de notre deftruciion : nous favions bien que nos bateaux ne pourroient pas nous porter tous à terre , &c que quand la crife fatale arriveroit, comme il n'y auroic plus ni commandement ni fubordination , il s'enfui-vroit probablement une contefiation pour la préférence , qui augmenteroit les horreurs du naufrage môme & nous feroit périr par les mains les uns des iin77°* aLltTes > cependant nous favions très-bien que ii on en laifl'oit quelques-uns à bord, ils auroient vraifembla-ble ment moins à fouffrir, en périmant dans les flots, que ceux qui gagneroient terre , fans aucune défenfe contre les habitans , dans un pays où des filets & des armes à feu fuffiroientà peine pour leur procurer la nourriture j & que quand même ceux-ci trouveroient des moyens de fubfifter , ils feroient condamnés à languir le refte de leurs jours dans un défert horrible, fans efpoir de goûter jamais les confolations de la vie domeiti~ que, féparés de tout commerce avec les hommes, fi on en excepte des Sauvages nuds qui paffoient leur vie à chercher quelque proie dans cette folitude 9 & qui étoient peut-être les hommes les plus groiîiers ôç. les moins civilifés de la terre. La mort ne s'eft jamais montrée dans toutes fes horreurs qu'à ceux qui l'ont attendue dans un pareil état ; ôc comme le moment affreux qui devoit décider de notre fort, approchoit, chacun vit fes propres fentimens peints fur le vifage de íes compagnons ; cependant tous les hommes qu'on put épargner fur le fervice des pompes , fe préparèrent à travailler au cabellan & au vindas , & le vaifTeau flottant fur les dix heures & dix minutes, nous fîmes le dernier effort & nous le remîmes en pleine eau. Nous eûmes quelque fatisfaciion à voir qu'il ne faifoit pas alors plus d'eau que quand il étoit fur le rocher ; & quoiqu'il n'y eût pas moins de trois pieds neuf pouces dans la cale, parce que la voie d'eau avoit gagné fur les pompes , cependant cependant nos gens n'abandonnèrent point leur tra- ; vail, & ils parvinrent à empêcher Peau de faire de nou- Ann. 1770. veaux progrès. Mais ayant fouiFcrt pendant plus de vingt-quatre heures une fatigue de corps 6c une agitation d'efprit exceilives 6c perdant toute efpérance , ils commencèrent à tomber dans l'abbatement : ils ne pouvoient plus travailler à la pompe plus de cinq ou fix minutes de fuite ; après quoi chacun d'eux, entièrement épuifé , s'étendoit fur le tillac, quoique l'eau des pompes l'innondât a trois ou quatre pouces de profondeur. Lorfque ceux qui les remplaçoient avoient un peu travaillé 6c qu'ils étoient épuifés à leur tour , ils fe jettoient a terre de la même manière que les premiers , qui fe relevoient pour recommencer leurs efforts \ c'eft ainfi qu'ils fe foulageoient les uns les autres , jufqu'à ce qu'un nouvel accident fut près de terminer tous leurs maux. Le bordage qui garnit l'intérieur du fond d'un navire eft appelle la carlingue , 6c entre celui-ci 6c le bordage de l'extérieur, il y a un efpace d'environ dix-huit pouces : l'homme qui, jufqu'alors, avoit mefuré la hauteur de l'eau, ne l'avoli prife que fur la carlingue 6c avoit fait fon rapport en conféquence ; mais celui qui le remplaça pour le même fervice, la mefura fur le bordage extérieur, par où il jugea que l'eau avoit gagné en peu de minutes, furies pompes, dix-huit pouces, différence qui étoit entre le bordage du dehors 6c celui de l'intérieur : a cette nouvelle le plus intrépide fut fur le point de renoncer a fon travail ainfi qu'à fes efpé-rances , ce qui auroit bientôt jette tout l'équipage Tome IV. 3 dans la confufion du défefpoir. Quelque terrible que Ann. 1770. fuc d'abord pour nous cet incident 3 il devint par occafion la caule de notre faîut : l'erreur fut bientôt découverte , & la joie fubite que reifentit chacun de nous en trouvant que fon état n'étoit pas auffi dangereux qu'il l'avoit craint fut une efpèce d'enchantement qui fembla faire croire à tout l'équipage qua peine reftoit-il encore quelque véritable péril. Cette confiance & cet efpoir , mal - fondés , infpi-rèrent une nouvelle vigueur ; éc quoique notre état fût le même que lorfque nos gens rallentirent leur travail par fatigue & par découragement, cependant ils réitérèrent leurs efforts avec tant de courage ce d'activité , qu'avant huit heures du matin les pompes avoient gagné confidérablement fur la voie d'eau. Chacun parloit alors de conduire le vaiifeau dans quelque havre, comme d'un projet fur lequel il n'y avoit pas k balancer ; 6c tous ceux qui n'étoient pas occupés aux pompes, travaillèrent a relever les ancres. Nous avions pris à bord l'ancre de toue & la feconde ancre, mais il nous fut impoiîible de fauver la petite ancre d'affourche , & nous fûmes obligés d'en couper le cable ; nous perdîmes aufîi le cable de l'ancre de toue parmi les rochers ; mais dans notre fituation , ces pertes étoient des bagatelles auxquelles nous ne faifions pas beaucoup d'attention. Nous travaillâmes enfuite à arborer le petit mât de hune & k vergue de mifaine , & à remorquer le vaiifeau au S. E. ; & k onze heures, ayant une brife de mer, nous remîmes enfin â la voile & nous portâmes vers la terre. Il étoit cependant imponible de continuer long- - " = tems le travail néceffaire , pour que les pompes ga-gnalTent fur la voie d'eau ; & comme on ne pou-voie pas en découvrir exactement la fituation , nous n'avions point d'efpoir de l'arrêter en dedans : dans cet état M. Monkhoufe , un des Officiers de poupe , vint à moi & me propofa un expédient dont il s'étoit fervi à bord d'un vaifTeau marchand , qui , ayant une voie qui faifoit plus de quatre pieds d'eau par heure , fut pourtant ramené fain & fauf de la Virginia à Londres. Le maître du vaifTeau avoit eu tant de confiance dans cet expédient , qu'il avoit remis en mer fon bâtiment , quoiqu'il connût fon état 3 ne croyant pas qu'il fût néceffaire de boucher autrement fa voie d'eau. Je n'héfitai point a laifTer k M. Monkhoufe le foin d'employer le même expédient , qu'on appelle larder la bonnette ; quatre ou cinq perfonnes furent nommées pour l'aider , 6c voici comment il exécuta cette opération : il prit une petite bonnette en étui , 6c après avoir mêlé enfemble une grande quantité de fil de carret 6c de laine , hachés très-menu , il les piqua fur la voile auffi légèrement qu'il lui fut poiïible , 6c il étendit par-delTus le fumier de notre bétail , 6c d'autres ordures ; fi nous avions eu du fumier de cheval il auroit été meilleur. Lorfque la voile fut ainfi préparée on la plaça au-deffous de la quille y au moyen de quelques cordes qui la tenoient étendue ; la voie , en tirant de l'eau , tira en même-tems de la fur face de la voile, qui fe trouvoit au trou, la laine 6c le fil de carret , que la mer ne pou-voit pas entraîner, parce qu'elle n'étoit pas ailez agi- Bij tee pour cela ; cet expédient réuiTit fi bien que notre j'io^' vo*e d eau ^uc ^ort diminuée, 6c qu'au lieu de gagner fur trois pompes , une feule fufht pour l'empêcher de faire des progrès. Cet événement fut pour nous une nouvelle fource de confiance 6c de confolation ; les gens de l'équipage témoignèrent prefqu'autant de joie que s'ils euffent déjà été dans un port \ loin de borner dès-lors leurs vues a faire échouer le vaiifeau dans quelque havre } ou d'une lile ou d'un Continent, 6c à confinare de íes débris un petit bâtiment qui pût nous porter aux Indes Orientales , ce qui avoit été quelques momens auparavant le dernier objet de notre efpoir, ils ne pensèrent plus qu'à ranger la cote de la Nouvelle-Hollande , afin de chercher un lieu convenable pour le radouber, & pourfuivre enfuite notre voyage comme fi rien ne fût arrivé. Je dois à cette occaiion rendre juftice 6c témoigner ma reconnoif-fance à l'équipage, ainfi qu'aux perfonnes qui étoient à bord, de ce qu'au milieu de notre détreife, on n'entendit point d'exclamations de fureur 6c de ce qu'on ne vit point de geftes de déiefpoir ', quoique tout le monde parût fentir vivement le danger qui nous me-naçoit ; chacun, maître de foi , faifoit tous fes efforts avec une patience paifible 6c confiante , également éloignée de la violence tumuîtueufe de la terreur 6c de la fombre letargie du défefpoir. Sur ces entrefaites, comme nous avions un petit vent de l'E. S. E. , nous drefsâmes le grand mât de hune 6c la grande vergue , 6c nous portâmes vers la terre jufqua environ fix heures du ibir ( du ix ), quand nous mîmes a l'ancre par 17 brafTes , a fept — lieues de diftance de la côte & à une lieue du banc Al de rochers fur lequel nous avions touché. Ce banc de rochers ou ce bas-fond, gît au 45' de latitude S. , & à fix ou fept lieues de la Nouvelle-Hollande ; ce n'eft pas le feui bas-fond qu'il y ait fur cette partie de la côte , fur-tout au Nord , ¿ nous en avons vu un autre au Sud , fur l'extrémité duquel nous pafsâmes , pendant que nous avions des fondes ii inégales , environ deux heures avant d'échouer : une partie de ce bas-fond eft toujours au deiïus de l'eau & a l'apparence d'un fable blanc ; une partie de celui qui manqua de nous faire périr, eft auiîi à fec à la marée baife ; il coniifte en cet endroit de pierres de fables , mais tout le refte eft un rocher de corail. Tandis que nous étions à l'ancre pendant la nuit, nous trouvâmes que le vaiifeau faifoit environ quinze pouces d'eau par heure , ce qui n'annonçoit pourtant pas un danger prochain , &c à fix heures du matin du 13 , nous appareillâmes pour porter au N. O. avec une petite brife du S. S. E. , en tenant toujours le cap vers la terre. A neuf heures nous pafsâmes tout près & en dehors de deux petites Ifles fituées au 13 d 41' de latitude S. , & à environ quatre lieues de la Nouvelle-Hollande je les appellai Hope Iflands, ( Ifles de VEfr. pérance ) parce que dans notre danger , le dernier objet de notre efpérance , ou plutôt de nos defirs , auroit été d'y aborder. A midi nous étions a environ i4 Voyage ~~~ trois lieues de la terre , & au i< d %n' de latitude S. ; in.i77o. f J/ ? Juin. la partie la plus feptentrionale de la Nouvelle-Hollande qui fût en vue , nous reftoit au N. 30 O., 6c les Ifles de PEfperance s'étendoient du S. 30 E. au S. 40 E. La fonde rapportoit alors douze braiîës , & nous avions plufieurs bancs de fable en dehors de nous ; à ce tems la voie d'eau n'avoit pas augmenté , mais afin d'être prêts k tout événement , nous fîmes des préparatifs pour larder une autre bonnette : l'après-midi , ayant une petite brife du S. E. -\ E. , j'envoyai le maître avec deux bateaux , pour fonder a l'avant du vaiiïeau , & pour chercher un havre où nous puílions nous radouber 6c remettre le vaiifeau en eltive. A trois heures nous vîmes une ouverture qui avoit l'apparence d un havre , 6c nous louvoyâmes tandis que les bateaux l'examinoient ; mais ils trouvèrent bientôt que l'eau n'étoit pas allez profonde pour le vaifTeau. Quand le foleil fut près de fe coucher , comme il y avoit plufieurs bas-fonds autour de nous, nous mîmes à l'ancre par quatre brafles k environ deux milles de la côte, la terre s'étendant du N. £ E. au S. $ S. E. £ E. La pinafTe étoit toujours en mer avec un des contremaîtres , qui revint à neuf heures, 6c rapporta qu'a environ deux lieues au-deffous du vent, il avoit pré-cifément découvert un havre convenable, où il y avoic afléz d'eau , & qui ofTroit d'ailleurs toutes les commodités qu'on pouvoit délirer pour débarquer fur la côte, ou pour mettre le vaiflèau k la bande. En conféquence de cette découverte , je levai l'ancre k fix heures du matin, du 14, 6c après avoir détaché deux bateaux en avant, pour fe tenir fur les bas-fonds -'" que nous avions apperçus dans notre route, nous couru- Ann. 1770. mes vers le havre ; mais malgré toutes nos précautions , JuU1' nous n'eûmes un moment que trois braifes d'eau. Dès que nous eûmes dépaifé ces bas-fonds , j'ordonnai aux bateaux d'aller dans le canal qui conduit au havre , 6c alors le vent commença a foufHer : heureufement nous avions un endroit pour nous réfugier ; car nous reconnûmes bientôt que le vaiiièau ne vouloit plus manœuvrer -, il avoit deux fois refufé de prendre le vent : notre fituation n'étoit pas fans danger , quoiqu'elle eût pu être plus périlieufe. Nous étions embarraifés parmi des bas-fonds , 6c j'avois de fortes raifons de craindre d'être chaffés deiTous le vent, avant que les bateaux puffent fe placer de manière à diriger notre route ; je mouillai donc par quatre braifes à environ un mille de la côte , 6c je fis lignai aux bateaux de revenir ; j'allai enluite moi-même dans le canal que je trouvai très-étroit , 6c je le balifai. Le havre étoit aufîi plus petit que je ne comptois , mais il étoit très-propre a l'ufage que j'en voulois faire ; 6c il eft très-remarquable que dans tout notre voyage, nous n'avions trouvé aucun mouillage qui pût nous procurer les mêmes avantages dans les circonftances où nous étions. A midi notre latitude étoit de 15a S. Le refte du jour 6c toute la nuit, le vent fut trop frais pour nous hafarder a lever l'ancre 6c a entrer dans le havre ; 6c afin de nous mettre encore plus en fureté , nous mîmes les vergues de perroquet fur le pont , nous défenverguâmes la grande voile 6c quelques-unes des petites ; nous amenâmes le mât du petit perroquet, nous rentrâmes le boutc-hors de beaupré, & nous défagréâmes la vergue de civadiere , dans la vue d'alléger l'avant du vaifTeau autant qu'il feroit poiTi-ble , afin de pouvoir parvenir à fa voie d eau , que nous fupposâmes être dans cetre partie : au milieu de la joie d'une délivrance inefperée, nous n'avions pas oublié que notre confervation ne tenoit qu'à un bouchon de laine. Le vent continuant , nous gardâmes notre poile toute la journée du 15 : le 16, il fe modéra ; 6c fur les fix heures du matin nous virâmes a pic , dans le deiïein de mettre à la voile , mais nous fûmes obligés d'abandonner l'entrepriie & de filer de nouveau le cable. Il faut obferver que la briie de mer qui fouifloit très-frais, quand nous mîmes à l'ancre , continua avec la même force prefque tous les jours que nous y refiâmes : nous n'eûmes calme que pendant que nous étions fur le rocher 6c une autre fois, le vent même qui nous porta fur la côte , s'il s'étoit levé dans le tems de notre détreile , auroit certainement mis notre bâtiment en pièces. Le foir de la veille , nous avions apperçu un feu près du rivage vis-â-vis de nous , 6c comme nous étions forcés de refter quelque tems dans cet endroit, nous ne défefpérions pas de faire connoiflance avec les Naturels du pays. Nous vîmes le jour un plus grand nombre de feux fur les collines , & nous découvrîmes avec nos lunettes qua-? tre Indiens qui marchoient le long de la côte ; ils s'arrêtèrent & allumèrent deux feux , mais il nous fut jmpoiîible de deviner quelle étoit leur intention. Le fçorbut commença alors à fe manifefter parmi nous nous avec des fyptômes très-effrayans : notre pauvre ■ Otahitien, Tupia, qui fe plaignoit depuis quelque-tems jV77° que fes gencives étoient malades 6c enflées, 6c qui, fuivant l'avis du Chirurgien , prenoit une grande quantité de jus de limon , avoit alors des boutons livides fur les jambes 6c d'autres marques infaillibles que la maladie avoit fait un progrès rapide , malgré tous nos remèdes parmi lefquels on lui avoit adminiitré fur-tout du quinquina. La fante de M. Green , notre aftronome , s'affoibliffoit , 6c ces circonftances entre plufieurs autres nous faifoient délirer impatiemment d'aller à terre. Le matin, du 17, quoique la brife fût toujours fraîche , nous nous hafardâmes a lever l'ancre 6c pouffer la barre au vent vers le havre ; mais dans la route, le vaiifeau toucha deux fois. Nous le remîmes à flot la premiere , fans peine , mais la feconde il tint fortement. Nous abbatîmes la vergue de mifaine, les petits mâts de hune 6c les boute-de-hors , 6c nous en fîmes un radeau le long du vaiifeau : heureu-fement la marée montoit 6c, a une heure de l'après-midi, le bâtiment flotta. Nous le remorquâmes bientôt dans le havre , 6c , après l'avoir amarré le long d'une grève efearpée au Sud, nous portâmes à terre, avant la nuit , les ancres , les cables 6c toutes les hanfieres. Torne IV. C CHAPITRE IV. Ce que nous fîmes fur la Rivière Endeavour pendant qu'on y radoub oit le Vaifjcau. Defcription du Pays adjacent, de fes Habitans £• de fes productions. r ----------- -t.tt-t Le matin , du 18 , nous conftruisîmes un pont du NJuin77°' vaiifeau au rivage ; la cote étoit fi efcarpée que le bâtiment fiottoit à vingt pieds de diftance de la grève : nous drefsâmes auiîi deux tentes à terre, une pour les malades & l'autre pour les provisions qui furent débarquées dans le courant de la journée. Nous y envoyâmes toutes les futailles vuides & une partie de l'équippe-nient. Dès que la tente pour les malades fut prête, ils allèrent â terre au nombre de neuf, 6c je dépêchai le bateau afin de tirer la feine, dans Fefpoir de nous procurer quelques poiifons, mais il revint fans avoir rien pris. Sur ces entrefaites, je gravis une des collines les plus élevées de celles qui dominoient le havre ; elle ne préfentoit pas un coup-d'oeii qui nous promît beaucoup d'avantages; la terre baile près de la rivière étoit entièrement couverte de palétuviers inondés d'eau falée a chaque marée , & la terre élevée fembloit être partout pierreufe & iterile. M. Banks fit auffi une promenade dans l'intérieur du pays , & il rencontra les relies de plufieurs vieilles maiions indiennes , & des endroits ou les habitans avoient apprêté des poiffons J N? 50. à coquille; ils ne paroifloient cependant pas avoir fréquenté ces lieux depuis quelques mois. Tupia qui s'occu- ANj'Z770' poit à pêcher à la ligne, & qui vivoit uniquement du produit de fa pêche , recouvra bientôt fa fanté , mais M. Green étoit toujours fort mal. Le lendemain au matin, 19 , je tirai les quatre canons qui étoient dans la calle , 6c je les fis monter fur le tillac. Je fis encore porter à terre une ancre de rechange , des cables 6c le refte de l'équippement & du left que renfermoit la calle. L'après-midi, on en fortit en outre tout le bagage des Officiers & les futailles ; de forte qu'il n'y reftoit rien à l'avant 6c au milieu que les charbons 6c une petite quantité de leit de pierre. On dreifa la forge , 6c le Serrurier 6c fon aide travaillèrent à faire des clous 6c les autres chofes néceffaires pour la réparation du vaifTeau. M. Banks traverfa la rivière pour examiner le pays de l'autre côté ; il trouva qu'il confifloit principalement en collines de fable , 6c il vit quelques maifons d'Indiens qui avoient été habitées depuis peu. Il ren^ contra dans fa promenade, de grandes troupes de pigeons 6c de corneilles ; il tua plufieurs des premiers oifeaux qui étoient extrêmement beaux, mais les corneilles , qui font exactement les mêmes que celles d'Angleterre , étoient fi fauvages qu'il ne put pas les approcher afîèz pour les tirer. Le io , nous débarquâmes la poudre 6c nous vui-dâmes la calle du left de pierre 6c du bois , 6c après cet allégement le vaiifeau ne tiroit plus que huit pieds dix pouces d'eau à l'avant , 6c treize pieds â l'arrière. C ij Je crus que cette diminution, jointe à celle que pro- \1770, duiroit d'ailleurs un meilleur arrimage des charbons un. » à l'arrière, feroit fufîifante, car je trouvai que l'eau s'élevok & retomboit perpendiculairement de huit pieds dans les hautes marées ; mais, dès qu'on eut ôté les charbons de deilus la voie d'eau, nous entendîmes l'eau qui fe precipitóle un peu à l'arrière du mât de mifaine, à environ trois pieds de la quille; ce qui me détermina à vuider entièrement la calle. Le foir , M. Banks obferva que dans pluiieurs parties du golfe , il y avoit de grandes quantités de pierre-ponce qui étoient à une diffance coniidérable au-delà de la marque de la marée haute, & où elles avoient été portées par les inondations ou par les marées extraordinairement hautes, car on ne pouvoit pas douter qu'elles ne vinf- fent de la mer. Le lendemain au matin , 21 , nous nous mîmes de bonne-heure â l'ouvrage, & à quatre heures de l'après-midi, nous avions forti tous les charbons & toué le vaif-feau un peu plus haut dans le havre, h un endroit que je jugeai plus "commode pour le mettre à la bande & arrêter fa voie d'eau : il tiroit alors fept pieds neuf pouces d'eau à l'avant, & treize pieds fix pouces à l'arrière. La marée étant haute à huit heures, j'amenai l'avant du bâtiment à terre , mais je tins la poupe à flot, parce que je craignois d'échouer : il étoit cependant néceffaire d'approcher tout le corps du bâtiment le plus près poiTible de la côte. Le zî, à deux heures du matin, le jufant de la marée ayant fini, nous fûmes en état d'examiner la voie d'eau qui fe trouva au premier bordage du flottai fon un -peu devant les cadenes de l'avant de ftribord. Dans cet endroit les rochers avoient fait une ouverture à travers quatre bordages , & même dans les couples ; trois autres bordages étoient fort endommagés, & ces brèches formoient un coup-d'œîl très - extraordinaire. On ne voyoin pas un feui éclat de bois , mais le tout étoit auiTi uni que s'il avoit été coupé avec un inftru-ment. Heureufèment les couples étoient très - bien joints dans cette partie du vaiifeau, fans cela il auroit été abfolument impoííible de le fauver ; fa conierva-tion dépendit d'une autre circonftance qui eft encore plus remarquable. L'un des trous étoit allez large pour nous couler à fond , quand même nous aurions fait aller continuellement huit pompes au lieu de quatre, mais par bonheur il fe trouva en grande partie bouché par un morceau de roche qui , après avoir fait l'ouverture, y étoit refté engagé; de farte que la feule eau , qui pailbit entre la pierre & le bois, avoit d'abord gagné fur nos pompes, d'où l'on peut juger de ce qui feroit arrivé ii la brèche n'avoit été remplie par rien : nous reconnûmes auifi que pluiieurs morceaux de la bonnette lardée s'étoient fait un paf-fage entre les couples, & avoient prcfque entièrement arrêté la partie de la voie d'eau que la pierre avoit laiflée ouverte; en l'examinant plus attentivement nous vîmes qu'outre la voie d'eau , la calle avoit été fore endommagée ; & qu'une grande partie du doublage s'étoit détachée deifous l'épaule du bas bord. Il man-quoit auiTi un morceau coniidérable de la faufle quille, & effectivement nous avions vu flotter ces débris au- ^m^. tour de nous, tandis que le vaifTeau battoit contre les n. 1770. rocncrs • le refte étoit aufîi très-délabré. Le brion 6c la quille avoient d'ailleurs été endommagés , mais non pas allez pour caufer un danger bien imminent. Nous ne pouvions pas encore connoître exactement quels dommages le bâtiment avoit reçu à l'arrière , mais nous avions lieu de croire qu'ils n'étoient pas grands, puifquil entroit peu d'eau dans la calle , lorfque la marée baile fe trou voit au-deifous de la voie d'eau qu'on vient de décrire. Les charpentiers fe mirent à Touvrage à neuf heures du matin , pendant que les forgerons travaillèrent à faire des chevilles 6c des clous. Sur ces entrefaites , j'envoyai quelques-uns de nos gens de l'autre côte de la rivière afin de tuer des pigeons pour les malades ; ils dirent a leur retour qu'ils avoient vu un animal aufîi gros qu'un lévrier, qui avoit le corps mince , d'une couleur de fouris 6c qui étoic extrêmement agile ; ils apperçurcnt auiTi plufieurs maifons d Indiens 6c un beau courant d'eau douce. Le lendemain au matin , z% , je dépêchai un bateau pour jetter la feine, mais a midi, ils ne rapportèrent que trois poifTons , quoique nous en vidions un grand nombre fauter aux environs du havre. Les charpentiers finirent ce jour-là de radouber le côté du firi^ bord -, à neuf heures du foir , nous mîmes le vaifTeau fur l'autre côté &l nous le tirâmes au large d'environ deux pieds , dans la crainte d'échouer. Prefque toutes les perfonnes de l'équipage, virent ce même jour l'animal dont les chafieurs avoient fait la defcription la veille 3 6c un des matelots qui venoit de roder dans les -bois, nous dit à fon retour qu'il croyoit fincèrement 1 avoir vu le diable ; nous lui "demandâmes fous quelle forme il lui avoit apparu , il nous donna fa réponfe d'un ftyle fi fmgulier que je vais rapporter fes propres paroles. « Il étoit , dit - il, auiTi gros qu'un » gallon (a) 6e lui reffembloit beaucoup ; il avoit des » cornes 6c des ailes, cependant il fe traînoit ii lente-93 ment dans l'herbe , que fi je n'avois pas eu peur , j'aurois pu le toucher ». Nous découvrîmes bientôt que cet objet formidable étoit une chauve-fouris ; il faut convenir que les chauve-fouris ont ici une figure effrayante, car elles font prefque entièrement noires 6c auili groffes qu'une perdrix. Il eft vrai qu'elles n'ont point de cornes, mais l'imagination d'un homme qui croyoit voir le diable , pouvoit aifément fuppléer à ce défaut. Le 14, dès le grand matin, les charpentiers commencèrent à raccommoder le doublage au - deffous du bas - bord , où nous trouvâmes deux planches preiqu'à moitié coupées. J'envoyai alors M. Gore avec un détachement, chercher des rafraîchiflèmens pour les malades ; ils revinrent vers le midi, 6c rapportèrent un petit nombe de choux palmiftes 6c des fruits du plane fauvage. Les fruits du plane étoient les plus petits que j'euffe jamais vus , 6c la chair , quoique d'un aiTez bon goût, étoit remplie de petites pierres. Comme je me promenois le matin à peu de {a) Mefure d'Angleterre qui contient 251 pouces-cubes (Anglais), diftance du vaiiTeau , je vis un des animaux, que les Ann. 1770. gens ¿o l'équipage m'avoient décrit ii Îouvcnt. Il étoit d'une légère couleur de fouris , ex il çefîembloit beaucoup par la groffeur & la figure à un lévrier ? il avoit aufîi une longue queue quii portoit comme l'animal auquel on vient de le comparer ; & je Taurois pris pour un chien fauvage, fi au-lieu de courir , il n'avoit pas fauté comme un lièvre ou un daim. On difoit que íes jambes étoient très - minces , Se la trace de ion pied femblable à celui d'une chèvre ; mais l'herbe étoit fi élevée dans l'endroit où je l'apperçus qu'elle lui cachoit les jambes , & le terrei n écoit trop dur pour qu'il pût y imprimer la trace de fon pied. M. Banks vit imparfaitement cet animal , & il penfa que fon efpèce étoit encore inconnue. Après que le vaiifeau eut été tiré a terre, toute l'eau qui y entroit fe retiroit vers la proue, de façon qu'il étoit fec à l'avant & avoit neuf pieds d'eau à l'arrière. Comme on ne pouvoit pas examiner l'intérieur de la calle en cet endroit, je profitai le foîr de la marée baffe, & je fis defeendre au-deifous le Maître & deux hommes pour examiner tout le côté extérieur du bas-bord. Ils reconnurent que le doublage s'étoit détaché autour du premier bordage de flotraifon dans la partie correfpondante au grand mât & qu'une portion d'une planche étoit un peu endommagée, mais ils convinrent qu'ils n'avoient point reçu d'autre dommage important. La perte feule du doublage étoit un grand malheur, parce que les vers pouvoient attaquer la quille , ce qui nous expoferoit à beaucoup d'inconvénients & de dangers ; mais mais comme je n'y voyois de remède que de mettre - '" le bâtiment a la bande , 6c que cette opération , en fup- AnJ^77°' pofant qu'elle fût praticable , demandoit un travail immenfe 6c un tems fort long , je fus obligé de me contenter de ce que nous avions fait. Cependant les charpentiers continuèrent dans la foirée , à calfater au-defTous de la quille, jufqu'à ce que la marée interrompit leur ouvrage. La marée du matin ne defcendic pas âlfez pour leur permettre de le reprendre ; le flot 6c le juffanr n'étoient confidérables qu'une fois dans vingt-quatre heures , ainfi que nous l'avions éprouvé tandis que nous étions fur le rocher. La pofition du vaiifeau qui rejettoit l'eau à l'arrière, fut très-près de priver les fciences de toutes les connoiffances que M. Banks avoit raffemblées au prix de tant de travaux 6c de périls. Il avoit dépofé la collection curieufe de plantes qu'il a faite pendant tout le voyage , dans la foute au bifcuit qui eft à l'arrière du vaiifeau , penfant que c'étoit l'endroit le plus fur. Perfonne n'ayant prévu le danger auquel on les expofoit en élevant la proue du bâtiment beaucoup plus haut que la poupe , on les trouva fous leau. On en rétablit cependant la plupart dans leur premier état , à force de foins 6e d'attention, mais quelques-unes furent entièrement pourries 6c perdues. Le 2<5 fut employé à remplir les futailles 6c à raccommoder les agrès ; 6c a la marée baffe les Charpentiers finirent le radoub au-deífous du bas bord , 6c dans tous les endroits que la marée permit de vifiter ; on attacha quelques tonneaux au-deffous des épaules Tome IV. D du vaiiTcau, afin qu'il pûc flotter plus facilement, ce le foir, à la marée haute , nous tâchâmes de le remettre au large, mais fans fuccès ; car quelques-unes des futailles , dont on vient de parler, fe détachèrent. Le matin du 26 fut employé à mettre en état de nouveaux tonneaux que nous deflïnions à cet ufage , & l'après-midi nous n'en attachâmes pas moins de 38 au-deifous de la quille du vaifTeau ; mais k notre grand regret , cette tentative fut encore inutile , & nous fûmes réduits h la nécefîité d'attendre jufqu'à la première grande marée. Le même jour quelques-uns de nos Officiers, qui avoient fait une excurfion dans les bois , rapportèrent a bord les feuilles d'une plante que nous crûmes être la même que celle qui eft appellée cocos dans les Ifles d'Amérique ; mais en la goûtant les racines fe trouvèrent trop acres pour qu'on pût les manger ; les feuilles étoient cependant prefqu'auffi bonnes que celle de l'épinard : il croifîoit dans l'endroit où Ton cueillit ces plantes ^ une grande quantité de choux palmiftes, & une efpèce de plane fauvage , dont le fruit contenoit tant de pierres qu'on pouvoir k peine en manger. On y trouva auiîi un autre fruit k peu près de la groffeur d'une petite pomme d'amour , mais plus plate, & d'une couleur de pourpre foncé : en le détachant de l'arbre , il étoit dur & d'un goût défagréable ; mais après avoir été gardé quelques jours , il devint mol , & il avoit une faveur très-ref-femblante k une prune de damas d'une médiocre bonté. Le lendemain au matin , , nous commençâmes à tranfporter quelques-uns des matériaux de l'arrière à l'avant du vaiíleau , afin de le mettre en eftive. Dans le même tems le ferrurier continua de travailler a la forge , le charpentier calfata le bâtiment, 6c d'autres perfonnes remplirent les futailles 6c raccommodèrent les agrès. L'après-midi , je remontai le havre dans la pinallc , 6c je tirai pluficurs fois la feine , mais je ne pris que vingt ou trente poilTons , qui furent diftri-bués aux malades 6c aux convalefcens. Le 28 , M. Banks alla dans l'intérieur du pays avec quelques-uns des matelots , afin de leur montrer la plante qui eft appellée dans les Ifles d'Amérique chou caraïbe, àc qui nous fourniffoit un légume. Tupia rendoit beaucoup meilleure la racine des cocos , en l'apprêtant dans un four pareil à celui de fon pays ; mais ce fruit étoit fi petit qu'il ne pouvoit pas fournir une nourriture à l'équipage. Ils trouvèrent dans leur promenade un arbre qui avoit été entaillé pour pouvoir y grimper plus commodément, de la même maniere que ceux que nous avions vus dans la Baie de Botanique ; ils rencontrèrent auiTi plufieurs amas de fourmis blanches , qui ont de la reifemblance avec celles des ïndes Orientales, 6c qui font les infecles les plus nuifibles du monde. Les fourmillieres étoient d'une figure pyramidale , de deux ou trois a fix pieds de hauteur , 6c reffembloient beaucoup aux pierres qui font en Angleterre , 6c qu'on dit être des monumens des Druy-des. M. Gore , qui, ce jour-la , fit auiTi quatre ou cinq milles dans l'intérieur du pays, rapporta qu'il avoit D ij '— vu des pas d'hommes 6c des traces de trois ou quatre n. 1770, différentes fortes d'animaux, mais qu'il n'avoit pas été aifez heureux pour appercevoir ni les Indiens ni les bêtes. Le , à deux heures du matin, j'obfervai conjointement avec M. Green, une émeriion du premier fatellite de Jupiter : elle arriva k 2h 18' 33" , ce qui nous donna ai4e1 42' 30" O. pour notre longitude; nous étions au 1 ^ d zG ' de latitude S. A la pointe du jour j'envoyai de nouveau le bateau , pour pêcher à la feine , 6c l'après-midi il revint avec une allez grande quantité de poiifons , pour en donner une livre & demie k chaque perfonne de l'équipage. Un de mes Officiers de poupe , Américain , qui étoit allé k terre avec un fuill , rapporta qu'il avoit vu un loup exactement pareil k ceux de fon pays, 6c qu'il l'avoit tiré fans le tuer. Le lendemain au matin , 30 , encouragé par le fuc-cès de la veille, j'envoyai de nouveau le bateau pêcher k la feine , 6c un détachement d'hommes pour cueillir des herbages ; je chargeai auiTi quelques jeunes Officiers de drefler le plan du havre , & je montai une colline , qui eft fur la pointe méridionale , afin d'examiner la mer. La marée étoit baile alors , 6c je vis avec douleur une quantité innombrable de bancs de fable 6c de brifans , qui font le long de la cote dans toutes les directions ; le plus avancé gît k environ trois ou quatre milles de la cote ; le plus éloigné s'étendoit aufîi. loin que je pouvois appercevoir avec ma lunette, & la plupart des autres s'élevoient k peineau-deffus delà bu Capitaine Cook. 19 furface de l'eau : il y avoit quelqu'apparence d'un paf- — -fage au Nord , & je n'efpérois fortir du milieu des ANjui^7° bas-fonds que de ce côté ; car, comme le vent (buffle conftamment du S. E. , il auroit été difficile, pour ne pas dire impofîible, de nous en retourner par le Sud. M. Gore dit que ce jour-la il avoit apperçu deux animaux femblables à un chien & couleur de paille, qu'ils couroient comme le lièvre , & qu'ils étoient a peu près de la même grollèur. L'après-midi nos gens revinrent de la pêche , qui avoit été encore plus heu-reufe que le jour précédent, car je fus en état de donner deux livres & demie de poiiTon à chaque peribnne. Je fis bouillir avec des pois les herbages qu'on avoit cueillis ; on en fit un mets très-agréable , qui , joint à la provifion abondante de poifTon , nous procura un excellent rafraîchifTement. Le lendemain , premier Juillet, tout le monde eut Juillet, la liberté d'aller k terre , excepté un homme de chaque chambrée , qui fut envoyé k la pêche \ elle fut encore heureufe , & les gens qui allèrent dans l'intérieur du pays nous firent la defcription de plu-fieurs animaux qu'ils avoient vus , fans pouvoir en attraper aucun. Ils apperçurent auili un feu à environ un mille au-deifus de l'embouchure de la rivière. M. Gore , mon fécond Lieutenant, trouva une coque de coco remplie de bernacles , elles venoient probablement de quelque lile au-deifus du vent , peut-être de la terre del Efpìrito fanno de Quiros , puifque nous étions alors dans la latitude où l'on dit qu'elle eft fituée ; ce jour-lk le thermomètre,k l'ombre, s'éleva à - •-----87 , c'efTà-dire plus haut qu'il n'étoit monte depuis Ann. T-70. noCrc arrivée fur la côte, cuiller. Le lendemain , 2 , dès le grand matin, j'envoyai le maître dans la pmaffe , hors du havre , pour fonder aux environs des bancs de fable dans le large , & pour examiner s'il y avoit un canal au Nord ; nous avions alors une brife de terre qui dura jufqu'à environ neuf heures , 6c qui fut la première depuis notre entrée dans Ja rivière. A la marée baffe nous attachâmes quelques futailles vuides fous les épaules du vaifTeau , efpé-rant qu'il fe trouveroit à flot à la première marée haute ; nous continuâmes de pêcher avec beaucoup de fuccès , 6c à la marée haute nous entreprîmes de nouveau de mettre le bâtiment en mer, mais tous nos efforts furent inefficaces. Le lendemain , 3 , à midi, le maître revint 6c nous apprit qu'il avoit trouvé un pafTage entre les bancs de fable , 6c il nous décrivit fa fituation ; il dit que les bancs étoient des rochers de corail, dont la plupart étoient à fec à mer balìe, 6c qu'il étoit defeendu fur l'un d'eux : il y trouva quelques pétoncles d'une fi énorme groffeur que deux hommes ne pouvoient pas en manger une feule , 6c beaucoup d'autres poiflons à coquille , dont il nous apporta une grande quantité. Il avoit débarqué le foir à environ trois lieues de notre mouillage dans une baie où il trouva quelques-uns des Naturels du pays qui étoient à fouper ; ils s'enfuirent tous avec la plus grande précipitation à fon approche , en laiffant derrière eux quelques-uns de leurs mets, 6c un feu qui venoit d'être allumé ; mais il n'y avoit dans cet endroit ni maifon ni rien qui pût — "" ' en tenir lieu. Nous remarquâmes que quoique les Ann.^o. bancs de fable , qui font k la portée de la vue de la côte , abondent en poiiîbns à coquilles , qu'on peut attraper aifément h la marée bafle ; cependant nous ne vîmes aucuns reftes de coquillages aux environs des endroits où on avoit fait du feu. Nous apperçûmes aufîi pendant quelque tems un Caïman nager autour du vaiifeau , & à la marée haute, afin de remettre le bâtiment à flot , nous fîmes de nouveaux efforts, qui heureufement réuflirent ; nous reconnûmes pourtant que pour avoir eu trop long-tems le cap a terre, & la poupe à flot , il avoit fait une voie d'eau entre les ponts , à la hauteur des grandes cadenes , de forte que nous fûmes forcés de le ramener de nouveau à terre. La matinée du lendemain-*, 4, fut employée à le mettre en eftive , & après l'avoir remorqué plus loin dans le havre , nous attendîmes la marée haute, & nous l'échouâmes enfuite fur le banc de fable qui eft fur le côté méridional de la rivière, parce que le premier endroit étoit fujet à des inconvéniens. J'avois grande envie d'effayer de nouveau de vifiter fa quille , dans la partie où le doublage avoit été rongé ; mais quoiqu'il y eût à peine quatre pieds d'eau au-deffous du bâtiment, à la marée baffe, cet endroit n'étoit pas à fec. Le 5 , j'engageai un des charpentiers, homme de confiance , de defeendre encore au fond du vaiifeau & d'examiner ce dommage ; il me dit que trois bandes du doublage , d'environ huit pieds de long 9 man- quoient, & que le grand bordage avoir, été un peu gâté ; ce rapport étoit parfaitement conforme à celui du maître , ce des autres perfonnes qui avoient vifité le deffous de la quille. J'eus pourtant la con-folation de voir que , dans l'opinion du charpentier , ces dommages étoient de peu de conféquence ; c'eft pour cela qu'après avoir réparé les autres plus dangereux , nous remîmes le vaiifeau k flot , 6c nous l'amarrâmes le long de la grève , où l'équippement avoit été dépofé : nous reprîmes alors nos provifions k bord , & nous tînmes le bâtiment en état de faire voile. M. Banks traverfa ce jour-là l'autre côté du havre , où , en fe promenant le long du rivage fablon-neux , il trouva un nombre prodigieux de fruits, dont plufieurs n'étoient pas les productions des plan^» tes qu'il avoit découvertes jufqu'alors dans le pays ; en-tr'autres il y avoit quelques noix de coco, que Tupia dit avoir été ouvertes par une efpèce de crabe , que d'après fa defcription , nous jugeâmes être le même que les Hollandois appellent Bwrs Krabbc , & que nous n'avions point vu dans ces mers. Toutes les íubf-tances végétales qu'il trouva en cet endroit, étoient incruftées de productions marines 6t couvertes de ber-nacles , ligne certain qu'elles étoient venues par mer de fort loin ; 6c comme le vent ali fé fouffle directement fur la côte , il eft probable qu'il les y avoit apportées de la terre dd Efpirito fanto , dont nous avons déjà fait mention, Le lendemain au matin , G , M. Banks , le Lieutenant Gore 6c trois matelots, remontèrent la rivière fur fur un petit bateau, dans la vue de faire une incurfion de deux ou trois jours , pour examiner le pays 6c AJN.;Iy70, J ,r . Juillet, tuer quelques - uns des animaux que nous avions vus fi fouvent à une certaine diftance de nous. Le 7, j'envoyai de nouveau le Maître fonder aux environs des bancs de fable , le rapport qu'il m'avoit fait d'un canal n'étant point du tout fatisfaifant : nous pafsâmes le refte de ce jour & la matinée du fuivant à pêcher & a d'autres occupations néceifaires. Lé 8, fur les quatre heures de l'après-midi , M. Banks revint avec fes compagnons , & il nous fit le récit de fon expédition. Après avoir marché environ trois lieues parmi des terreins marécageux & des palétuviers , ils avoient pénétré dans l'intérieur du pays qu'ils trouvèrent très-peu différent de ce qu'ils avoient déjà vu ; ils continuèrent leur route le long de la rivière qui, a quelque diftance, fe reflerre dans un canal étroit, bordé non par des marais & des palétuviers , mais par un terrein efearpé & couvert d'arbres de la plus belle verdure , parmi lefquels on trouvoit celui qui eft appelle Mohoc, dans les Ifles d'Amérique, ou l'arbre du quinquina, (hibifais tiliaccus). La terre dans l'intérieur étoit en général baile ôc revêtue ,d'une herbe longue & épaiile : le fol fembloit promettre une grande fertilité à tous ceux qui voudroient le planter & le cultiver. Dans le courant de la journée Tupia vit un animal que d'après fa defcription , M. Banks jugea être un loup. Nos gens en apperçurent auili trois autres qu'ils ne purent ni attraper ni tuer , & une efpèce de chauvefouris auili groffe qu'une Tome IV. E perdrix , dont il leur fut également impoflible de fe .1770. rencjre maître. Le foir, ils firent leur établiffement îllet. tout près des bords de la rivière, ¿V; ils allumèrent du feu j mais il y avoit une fi grande quantité de mof-quites qu'à peine purent - ils y tenir ; ces infectes les fuivoient dans la fumée 6c prefque dans le feu , que nos voyageurs aimoient mieux endurer, malgré la chaleur du climat, que la piquure de ces animaux qui leur caufoit une douleur infupportable. Le feu , les mouches 6c la terre qui leur fervoit de lit, rendirent la nuit extrêmement dure , de forte qu'ils la pafsèrent a veiller 6c à former des fouhaits pour le retour du jour. Au premier crépufcule du matin , ils allèrent chercher du gibier , 6c dans une courfe de plufieurs milles, ils virent quatre animaux de la même efpèce, dont deux furent très-bien chaffés par le lévrier de M. Banks ; mais ils le laifsèrcnt bientôt derrière en fautant par - deffus l'herbe longue 6c épaifTe qui em-pêchoit le chien de courir. On obferva que cet animai ne marchoit pas fur fes quatre jambes, mais quii fau-toit fur les deux de-devant, comme le Jerbua ou Mus jaculus. Sur le midi, ils retournèrent au bateau 6c remontèrent enfuite la rivière qui ne formoit un peu plus haut qu'un ruiffeau d'eau douce, 6c où cependant la marée s'élevoit à une hauteur confidérable. Comme le foir approchoit la marée baiiîà , 6c même fi fort qu'ils furent obligés de defeendre du bateau 6c de le traîner le long du rivage , jufqu'à ce qu'ils trou-vaffent un endroit où ils pufîènt repofer pendant la nuit. Enfin ils rencontrèrent un lieu convenable , 6c pendant qu'ils déchargeoient le bateau , ils obfervè- rent de la fumée à environ trois cens pas de diftance ; u " -ils pensèrent que quelques-uns des Naturels du pays, j^JJ0' avec qui ils défiroient depuis fi long-tems & avec tant d'empreiTement de faire connohTance , étoient autour du feu. Trois de nos gens allèrent auprès d'eux , dans l'efpoir qu'un fi petit nombre ne les met-troit pas en fuite ; cependant lorfqu'ils furent arrivés à l'endroit de la fumée, il étoit abandonné, ce qui les fit conjecturer que les Indiens les avoient découverts. Ils trouvèrent le feu qui brûloit encore dans le creux d'un vieil arbre pourri & plufieurs branches nouvellement rompues avec lefquelles des enfans fem-bloieut s'être amufés. Ils obfervèrent plufieurs pas fur le fable au-deffous de la marque de la haute marée , ce qui prouvoit que les Indiens y avoient marché depuis peu. Ils rencontrèrent plufieurs maifons à une petite diftance de-la & quelques fours creufés en terre de la même manière que ceux d'Otahiti , ôc dans lefquels il leur parut qu'on avoit apprêté des ali-mens dès le matin. 11 y avoit dans les environs des coquillages & quelques fragmens de racines qui étoient les débris du repas. Nos gens , mortifiés de s'être trompés , retournèrent à leur quartier , qui étoit un large monceau de fable au-deifous d'un buiifon. Ils formèrent leurs lits de feuilles de plane qu'ils étendirent fur le fable & qui étoient auifi douces qu'un matelas ; leurs manteaux leur fervirent de couvertures & des paquets d'herbes de couifms. D'après ces arran-gemens, ils comptoient palier une meilleure nuit que la dernière , d'autant plus qu'à leur grande joie on ne voyoit pas une mofquite. Ils fe couchèrent, & telle E ij ìrr.z=z=z eft la force de l'habitude , qu'ils s'endormirent fans Ann. 1770. penfer Une feule fois qu'il étoit probable que les In-diens les trouveroient dans cette htuation , Ôc a combien de dangers ils s'expofoient ? Si ce fait paroîr. étrange , on doit réfléchir un moment qu'on fe fami-liarife après un tems avec tous les périls 6c tous les accidens 6c qu'ils ne font plus d'impreifion fur Pefprit. S'il étoit poffible qu'un homme , arrivé k un âge où l'entendement a toute fa force, 6c où la jeunefle , la vigueur 6c la fanté rendent chères les jouilfances de la vie , connût pour la première fois qu'il eft mortel ou même qu'il eft fujet à la foibleife 6c aux infirmités du vieil âge , avec combien de frayeur 6c de chagrin ap-prendroit-il cette nouvelle ! Cependant, inftruits 6c familiarifés peu à peu avec ces vérités défolantes, elles perdent toute leur force > 6c nous ne réfléchiifons pas plus fur l'approche de la vieilleffe 6c de la mort, que ces hommes errants dans un défert inconnu ne pen-foient au malheur qui les menaçoit , à l'approche des Sauvages dans un tems où ils pouvoient facilement devenir la proie de la méchanceté ou de la crainte de ces Indiens. On peut remarquer encore que la plus grande partie de ceux qui font condamnés à fouffrir une mort violente dorment la nuit qui précède leur exécution, quoiqu'il n'y aye peut-être pas d'exemple d'une perfonne accufée d'un crime capital qui aye paffé dans le fommeil la première nuit de fa prifon. C'eft ainfi que les maux de la vie en deviennent en partie les remedes , 6c quoique tous les hommes k vingt ans défirent de parvenir feulement k l'âge de quatre-vingt, le vieillard arrivé k cette époque eft auili attaché k la vie que le jeune homme , 6c s'il n'eft point affligé de " quelque maladie douloureufe , il jouit auili-bien des plaiiirs qui lui relient, quoiqu'il réfléchiile qu'il eft iiir le bord du tombeau 6c que la terre s'écroule déjà fous fes pieds , qu'il en jouiifoit autrefois dans la rieur de l'âge, quand il fuppofoit que fa diifolution certaine étoit encore éloignée. Nos Voyageurs après avoir dormi jufqu'au matin fans s'éveiller une feule fois, examinèrent la rivière, 6c voyant que la marée étoit favorable k leur retour 6c que le pays ne promettoit rien qui méritât de les retenir plus long-tems, ils fe rembarquèrent 6c revinrent promptement au vaifTeau. Bientôt après l'arrivée de ce détachement, le Maître qui avoit fait fept lieues en mer , revint aufîi à bord , 6c il penfoit alors qu'il n'étoit pas poffible de déboucher par l'endroit où il avoit cru qu'il y avoit un paflage. Son expédition nous procura cependant quelques avantages , car il alla une feconde fois fur le rocher où il avoit vu les groiTcs pétoncles., 6c il y trouva un grand nombre de tortues quoiqu'il n'eût pas d'autre inftrument qu'un croc de bateau , il en attrapa trois qui pefoient eniemble fept cens quatre-vingt - onze livres. Le lendemain au matin , 9 , je le renvoyai k la même pêche , avec des inftrumens plus convenables ; M. Banks alla avec lui, mais le fuccès ne répondit pas à notre attente , 6c ils ne prirent pas une feule tortue j cependant M, Banks débarqua fur le récif, ____ , s où il vit plufieurs des groifes pétoncles : apiles avoir Ann. 1770. raifemblé plufieurs coquillages & des productions marines , il revint à onze heures du foir dans ion petit bateau , tandis que le Maître refta avec le grand iur le rocher. L'après-midi fept ou huit Naturels du pays parurent fur la côte méridionale de la rivière , 6c deux d'entr'eux s'avancèrent jufqu'à la pointe fablon-neufe, qui étoit vis-à-vis le vaiifeau ; mais quand ils virent que je m'embarquois pour aller leur parler , ils s'enfuirent tous avec la plus grande précipitation. Comme le Maître fut abfent pendant toute la nuit avec le bateau , je fus obligé d'envoyer après lui mon fécond Lieutenant dans l'efquif, dès le grand matin du lendemain 10 ; bientôt après nous vîmes iur la pointe fablonneufe au côté feptentrional de la rivière, quatre Naturels du pays, qui avoient une petite pirogue avec des balanciers. Ils parurent pendant quelque tems fort occupés à harponner du poiflbn ; plufieurs de nos gens avoient envie d'aller auprès d'eux dans un bateau, mais je ne voulus point le permettre ; une expérience réitérée m'avoit convaincu que cette démarche feroit plus capable d'empêcher que de nous procurer une entrevue avec ces Indiens. Je réfolus d'employer la méthode contraire, pour voir fi nous ferions plus heureux ; en conféquence je les laiffai feuls, paroifîànt ne pas faire la moindre attention à eux ; ce ffratagêmc réuffit fi bien qu'enfin deux d'entr'eux vinrent dans la pirogue à une portée de fufil du vaifTeau , & là ils parlèrent beaucoup d'un ton de voix fort élevé, nous ne comprîmes rien à ce qu'ils difoient, 6c nous ne pûmes — répondre à leur harangue que par des cris 6c en leur j .jj^70' faifant tous les lignes d'invitation 6c d'amitié que nous imaginâmes. Pendant cette conférence ils s'appro-choient peu-à-peu , tenant leurs lances , non d'une manière menaçante , mais comme s'ils euiTent voulu nous dire que li nous leur faiiions du mal ils avoient des armes pour fe venger. Lorfqu'ils furent prefque au côté de notre bâtiment, nous leur jettâmes quelques étoffes , des clous , des verroteries 6c du papier, 6c d'autres bagatelles qu'ils reçurent fans la moindre marque de fatisfaciion. Enfin un de nos gens leur donna un petit poiffon ; à ce préfent ils témoignèrent la plus grande joie , 6c en nous difant par lignes qu'ils iroient chercher leurs compagnons, fur le champ ils ramèrent vers la côte. Sur ces entrefaites , quelques perfonnes de notre équipage , 6c entr'autres Tupia débarqua fur le côté oppofé de la rivière ; la pirogue ayant les quatre Indiens à bord , revint bientôt au vaiifeau , elle fe rangea tout près de nous , fans exprimer ni crainte ni défiance ; nous leur distribuâmes quelques nouveaux préiens , 6c dans peu ils nous quittèrent, 6c allèrent aborder fur le même côté de la rivière , où nos gens étoient allés à terre ; chaque Indien portoit dans fa main deux javelines 6c un bâton dont ils fe fervoient pour les lancer : ils s'avancèrent vers l'endroit ou Tupia 6c le refte de nos gens étoient affis. Tupia les eut bientôt déterminés à mettre bas les armes, 6c à s'approcher dans cet état ; il leur fit ligne enfuite de venir s'affeoir près de lui, ils y confentirent fans donner des marques de crainte ou de répugnance. Il arriva que je —débarquai à terre avec plufieurs autres perfonnes de Ann. 1770. noCre équipage , mais les Indiens femblèrent crain-Juillet. ■ 1 dre que ces derniers venus n'allaiïent fe placer entre l'endroit où ils étoient & celui où ils avoient laifîé leurs armes ; nous eûmes grand foin de leur faire voir que ce n'étoit pas là notre intention , 6e après les avoir joints nous leur fîmes des préfens, comme un nouveau témoignage de notre bienveillance 6e du deflr que nous avions d'obtenir la leur. Nous reftâmes enfemble avec beaucoup de cordialité jufqu'au tems du dîner , 6c leur faifant entendre alors que nous allions manger , nous les invitâmes par iignes à venir avec nous ; ils refusèrent, 6c dès que nous les eûmes quittés ils s'en retournèrent dans leur pirogue. L'un de ces Indiens étoit un peu au-deifus du moyen âge, 6c les trois autres étoient jeunes ; ils étoient en général d'une taille ordinaire, mais ils avoient les membres d'une petiteile remarquable ; leur peau étoit couleur de fuie ou de ce qu'on peut nommer couleur de chocolat foncé y leurs cheveux noirs, fans être laineux , étoient coupés courts , les uns les avoient liffes 6c les autres bouclés : Dampierre dit qu'il manquok deux dents de devant aux habitans qu'il vit fur la côte occidentale de ce pays , mais ceux-ci n'avoient pas ce défaut ; quelques parties de leur corps avoient été peintes en rouge , 6c l'un d'eux portoit fur la lèvre fupérieure 6c fur la poitrine des raies de blanc quii appelloit Carbanda : les traits de leur vifage étoient bien loin d'être déiagréables ; ils avoient les yeux très-vifs , les dents blanches 6c unies, la voix douce 6c harmo-nieufe, 6c ils répétèrent après moi plufieurs mots avec beaucoup beaucoup de facilité. Le foir, M. Gore & le Maître = revinrent avec la chaloupe, & rapportèrent une tortue 5«U1«. ' & un petit nombre de poiiTons à coquille ; ils avoient laiffé refquîf & fix hommes fur le banc de fable , pour tâcher de prendre des tortues. Le lendemain au matin, n , nous reçûmes une autre viiitc de quatre des Naturels du pays ; trois d'en-tr'eux nous étoient déjà connus , mais le quatrième étoit un étranger qui s'appelloit Yaparïco , comme nous fapprîmes de fes compagnons qui l'Lurodui-foient. Cet Indien étoit distingué par un ornement fort extraordinaire ; il portoit dans un trou fait a travers le cartilage qui fépare les deux narines , l'os d'un oifeau qui étoit â-peu-près de ta grofieur d'un doigt & de cinq ou fix pouces de long : nous n'avions encore vu qu'un exemple de cette parure dans la Nouvelle-Zélande; mais après un examen plus attenti!, nous reconnûmes que tous ces peuples faifoient un trou dans cette partie du nez , pour y mettre un ornement de cette efpèce. Ils avoient des trous à leurs oreilles quoiqu'ils n'euilènt point de pendans \ la partie du bras de l'épaule au coude étoit ornée d'un bracelet, compofé de cheveux treiTés , par où l'on voit que ces Indiens, ainfi que les habitans de la Tare de Feu , aiment paf-fionémenc la parure , quoiqu'ils foient absolument fans vêtement ; je donnai à l'un d'eux un morceau de vieille chemife , mais au lieu de le jetter fsr quelque partie de fon corps , il en fit une bande qu'il entortilla autour de fa tête. Ils apportèrent avec eux un poiilon qu'ils nous donnèrent en retour , à ce que nous iup-Tome IV. F ? posâmes , de celui dont nous leur avions fait préfent Ann. 1770. ja veille ¡ ils fembloient fort contens de relier avec nous , & peu empreiîés de nous quitter; mais en voyant que quelques-uns de nos Officiers examinoient leur pirogue avec beaucoup d'attention 6c de curiofité, ils parurent allarmés ; ils fautèrent promptement dans leur petit bateau , & s'enfuirent à force de rames fans dire un ièul mot. Vers les deux heures du lendemain matin ,12, l'efquif qu'on avoit îaiifé fur le banc , revint avec trois tortues & une grande raie ; comme il étoit probable qu'on pouvoir continuer cette pêche avec avantage , je le renvoyai après le déjeuner pour en chercher une nouvelle provifion. Bientôt après trois Indiens fe hafardèrent â venir k la tente de Tupia , & ils furent ii fatisfaits de la réception qu'il leur fit , que l'un d'eux alla chercher dans fa pirogue deux autres de fes compatriotes , que nous n'avions pas encore vus : à fon retour il introduifit auprès de nous les nouveaux venus, en les appellant par leur nom , cérémonie qu'ils n'omettoient jamais dans de pareilles occafions. Comme ils avoient reçu avec beaucoup de plaifir le poiffon qui fut jette dans leur pirogue, lorfquüs s'approchèrent pour la première fois du vaiifeau , nous leur en offrîmes encore quelques-uns, & nous fûmes fort furpris de voir qu'ils les acceptoient avec la plus grande indifférence ; ils firent cependant iigne k quelques-uns de nos gens de le leur apprêter, ce qui fut fait fur le champ; mais après quiis en eurent un peu mangé, ils jettèrent le relie au chien de M. Banks : ils pafsè- rent avec nous toute l'après - midi , fans vouloir jamais s'écarter a plus de vingt verges de leur ?*¿iI77°' pirogue. Nous nous apperçûmes que la couleur de leur peau n'étoit pas auili brune qu'elle nous avoit paru d'abord ; ce que nous avions pris pour leur teint n'étoit que l'effet de la pouilière & de la fumée, dans laquelle nous imaginâmes qu'ils étoient obligés de dormir , malgré la chaleur du climat , parce qu'ils n'ont que ce feul moyen de fe mettre a l'abri des mofquites ; entr'autres chofes que nous leur diftri-buâmes , quand nous les vîmes pour la première fois, il y avoit quelques médailles que nous fufpendîmes autour de leur col avec un ruban, la fumée avoit tellement terni ces rubans que nous ne pouvions pas difiinguer aifement de quelle couleur ils avoient été; ce qui nous engagea à examiner plus particulièrement la couleur de leur peau. Tandis que ces Indiens étoient avec nous , nous en découvrîmes deux autres a environ deux cens verges, fur la pointe de terre qui eft du coté oppofé de la rivière, & nous reconnûmes avec , nos lunettes que c'étoit une femme & un enfant ; la femme , comme le refte des Infulaires , étoit entièrement nue : nous obfervâmes qu'ils avoient tous les membres fort petits , & qu'ils étoient d'une activité & d'une agilité extrêmes. L'un de ceux-ci avoit un collier de coquillage, très-bien fait, & un bracelet formé de plufieurs cordons, reifemblant à ce qu'on appelle en Angleterre gymp (guipure) : ils portoient tous deux un morceau d'écorce attaché fur le devant du front, Ôc l'os qu'ils avoient dans le nez leur défiguroient le vifage. Leur langue nous a paru plus rude que celle Fij des Infulairés de la mer du Sud , & ils répétaient continuellement le mot chcrcau ; d'après la manière donc ils le prononçoient, nous imaginâmes que ce terme ex-primoit l'admiration : lorfquils voyoienc quelque chofe de nouveau , ils s'écrioient cher tut ¿ tut, tut, tut, paroles qui avoient probablement une lignification pareille. Leur pirogue qui étoit très-étroite n'avoit pas plus de dix pieds de long ; elle étoit garnie d'un balancier 3 & reiîembloit beaucoup à celles des Ifles de la mer du Sud, quoiqu'elle fût beaucoup mieux faite ; lorfqu'elle étoit dans une eau balle, ils la faifoient marcher avec de longues perches , & quand ils fe trouvoient dans une eau profonde , ils fe fer voient pour cela de rames d'environ quatre pieds de long: elle ne contenoit que quatre hommes, de forte que les Indiens qui nous rendirent vifite ce jour-là , s'en allèrent en deux fois. Leurs javelines font femblables à celles que nous avions vues dans la baie de Botanique , excepté qu'elles n'avoient qu'une feule pointe faite ordinairement de l'aiguillon de la pafienade , & barbelée avec deux ou trois os aigus du même poiiîon ; c'étoit certainement une arme terrible , & Pinilrument dont ils fe fervoient pour la lancer , fembloic être fait avec beaucoup plus d'art que tous ceux que nous avions vus jufqu'alors. Le lendemain, 13 , iur le midi , l'ei-quif rapporta une autre tortue avec une grolle paíte-nade , & le foir je le renvoyai à la même pêche. Le lendemain au matin , 14 , deux Indiens vinrent à bord , & après y être reliés très-peu de tems , ils s'en allèrent le long de la côte, & s'occupèrent avec du Capitaine. Cook. 45 beaucoup d'activité k harponner du poiffon. M. Gore, quice jour-la, fit une promenade dans l'intérieur du pays avec fon fuíil , eut le bonheur de tuer un des quadrupèdes qui avoient été ii fouvent le fujet de nos fpécuîations ; le Lecteur pourra s'en former une idée d'après la planche; fans cette figure la defcription par écrit, la plus exacte que nous pourrions en faire, feroit affez inutile ; car cet animal n'a pas aifez de rapport avec aucun autre déjà connu , pour qu'on puifTe en faire la comparaifon. Sa figure eft très-analogue k celle du Gerbo , k qui il reifemble aufîi par fes mou-vemens ; mais fa groifeur eft fort différente , le Gerbo étant de la taille d'un rat ordinaire , & cet animal , parvenu k fon entière croiflance , de celle d'un mouton. Celui que tua mon Lieutenant étoit jeune, & comme il n'avoit pas encore pris tout fon accroiflè-ment , il ne pefoit que trente-huit livres : la tête , le col & les.épaules font très-petits en proportion des autres parties du corps ; la queue eft prefque aufîi longue que le corps ; elle eft épaifîe k fa naiffance , & elle termine en pointe a l'extrémité ; fes jambes de devant n'ont que huit pouces de long, & celles de derrière en ont vingt-deux ; il marche par fauts & par bonds ; il tient alors la tête droite & fes pas font fort longs ; il replie íes jambes de. devant tout près de la poitrine , & il ne paroit s'en fc.rvir que pour creufer la terre : la peau eft couverte d'un poil court, gris ou couleur de fouris foncé ; il faut en excepter la tête & les oreilles , qui ont une légère reifemblance avec celles du lièvre : cet animal eft appelle Kanguroo par les naturels du pays. Le lendemain , 15 , notre Kanguroo fut apprêté Juillet70' Pour ^e dîner , & nous trouvâmes que c'étoit un excellent met. On peut dire que nous faifions alors grande chère tous les jours , car nous avions des tortues en abondance ; nous convînmes tous qu'elles étoient beaucoup meilleures que celles que nous avions goûtées en Angleterre ; nous penfâmes que ce bon goût provenoit de ce que nous les mangions en fbrtant de la mer , avant qu'elles euifent perdu leur graiflè naturelle ou leur première faveur , par la nourriture qu'on leur donne dans la traverfée & la fituation dans laquelle on les tient. La plupart de celles que nous prîmes étoient de l'efpèce appellée tortue verte , àc pefoient des deux à trois quintaux; en les ouvrant nous les trouvâmes toujours remplies d'herbe de tortue ( turile grafs), que nos Naturaliftes prirent pour une forte de Confèrva : deux d'entr'elles étoient des tortues à groffe tête ; la chair en étoit moins agréable , & nous ne trouvâmes dans leur eitomac que des coquillages. Le matin du iG, tandis que nos gens étoient occupés 'comme à l'ordinaire à faire les préparatifs nécef-faires pour remettre en mer , je montai fur une des collines qui font au côté feptentrional de la riviere ; du fommet je découvris fort au loin l'intérieur du pays, qui étoit agréablement entrecoupé par des collines , des vallées & de grandes plaines, & en plufieurs endroits très - couvert de bois. Nous obfervâmes le foir une émerfion du premier fatcllite de Jupiter, qui nous donna zi^d 53' 45" pour notre longitude. L'obfervation faite le 19 Juin, nous avoit donné 214a 42/ 30" ; en prenant le [ terme moyen de ces deux ?" quantités, nous eûmes 2,14 d 48' 7^" pour la Iongi- S77^* tude de cet endroit à l'Oueft du méridien de Greeu-wich. Le 17, j'envoyai le Maître & un des contremaîtres fur la pinaiTe , pour chercher un paiîàge au Nord, & j'allai avec MM. Banks & Solander dans les bois , de l'autre côté de la rivière ; Tupia , qui y avoit déjà été, nous dit avoir vu trois Indiens qui lui avoient donné quelques racines à-peu-près auili groffes que le doigt, d'une forme aífez reifemblante a celle du radis, & d'un goût très-agéable ; cette raifon nous engagea à entreprendre le même voyage dans l'efpérance de cultiver notre connoiilànce avec les Naturels du pays. A peine fûmes nous arrivés au rivage que nous en apperçûmes quatre dans une pirogue, qui s'avancèrent vers nous fans aucune marque de foupçon ou de crainte , dès qu'ils nous virent defeendre a terre ; deux de ceux-ci avoient des colliers de coquillages , qu'ils ne voulurent jamais nous vendre , malgré tout ce que nous leur en offrîmes : nous leur préfentâmes cependant quelques verroteries, & après être refiés très-peu de tems avec nous , ils partirent. Nous entreprîmes de les fuivre , efpérant qu'ils nous conduiroient dans un endroit où nous trouverions un plus grand nombre de leurs compatriotes , & où nous aurions occafion de voir leurs femmes ; mais ils nous firent entendre par lignes qu'ils ne defiroient pas que nous les accom-pagnafîions. Le lendemain , 18 , à huit heures du matin , nous reçûmes la vifite de plufieurs Naturels du pays , qui NN.J770. éroient devenus alors extrêmement familiers : l'un d'eux , a notre prière , lança fa javeline , qui avoit environ huit pieds de long ; elle fendit l'air avec une promptitude & une roideur qui nous furprit, quoique dans fa direction elle ne s'élevât pas au-deilûs eie quatre pieds de terre, & elle entra profondément dans un arbre placé a cinquante pas de diftance: ils le ha-fardèrent en fuite à venir à bord ; je les y laiilài, fort contens fuivant ce que je puis juger, & je m'embarquai avec M. Banks pour jetter un coup-d'œil iur le pays , c< fur-tout pour fatisfaire une curiofité qui nous tour^ mentoit, en examinant fi la mer , autour de nous , étoit auili dangereufe que nous l'imaginions. Après avoir fait environ fept ou huit milles au Nord , le long de la côte , nous montâmes une très-haute colline, ex nous fûmes bientôt convaincus que nos craintes ne nous exagéroient pas le danger de notre fituation ; de quelque côté que nous tournaiîions les yeux , nous n'ap-percevions que des rochers & des bancs de fable fans nombre , éc nul autre paiîàge qu'à travers les tours & retours des canaux qui fe trouvoient dans les intervalles , & où l'on ne pouvoit naviguer fans s'expofer à des périls & à des peines extrêmes. Nous retournâmes donc au vanTeau au (fi inquiets qu'au moment de notre départ ; plufieurs Indiens y étoient encore, & l'on nous dit que douze tortues , que nous avions fur le tillac, avoit attiré leur attention plus fortement que tous les autres objets qu'ils avoient vus dans le vaiifeau. Le du Capitaine C o o k. 49 Le 19 , dans la matinée , dix autres Naturels vinrent nous voir ; ils habitoient pour la plupart le j^jJ^J0* côté oppoié de la rivière , où nous en apperçûmes encore iix ou fept, parmi lefquels il y avoit des femmes entièrement nues , ainfi que le relie des Indiens que nous avons rencontrés dans ce pays ; ils appor-toient avec eux un plus grand nombre de javelines qu'ils n'avoient encore fait auparavant, & après les avoir placées fur un arbre , ils chargèrent un homme & un enfant de les garder ; les autres arrivèrent à bord. Nous remarquâmes bientôt qu'ils avoient réfolu de fe procurer une de nos tortues, qui étoient probablement une auffi grande friandife pour eux que pour nous ; ils nous la demandèrent d'abord par figues , *k fur notre refus, ils témoignèrent par leurs regards & par leurs geftes beaucoup de reffentiment ce de colère : nous n'avions point alors d'alimcns apprêtés ; mais j'offris à l'un d'eux du bifcuit, qu'il m'arracha de la main 6c qu'il jetta dans la mer avec un dédain très - marqué ; un autre réitéra la premiere demande à M. Banks , & fur un fécond refus il frappa du pied la terre & le repouffa dans un tranfport d'indignation. Après s'être adreffés inutilement tour-a-tour à prefque toutes les perfonnes qui fembloient avoir quelque autorité fur le vaifTeau , ces Indiens faifirent rout-à-coup deux tortues &c les traînèrent vers le côté du bâtiment où étoit leur pirogue ; nos gens les leur reprirent bientôt de force & les replacèrent avec les autres ; ils ne voulurent cependant pas abandonner leur entreprifc : ils firent plufieurs nouvelles tentatives de la même efpèce , 6c voyant que cétoit toujours 2orne IF". G avec fi peu de fuccès, ils fautèrent de rage dans leur Juillet70' P'roSue & ramèrent vers la côte. Je m'embarquai en même-tems dans le bateau avec M. Banks & cinq ou iix hommes de l'équipage , & nous arrivâmes avant eux à terre, où plufieurs de nos gens étoient oejeupés à divers travaux ; dès que les Indiens furent débarqués ils faifirent leurs armes , & avant que nous puflions nous appercevoir de leur deffein , ils prirent un tifon de deilous une chaudière où ils faifoient bouillir des pois , & faifant du côté du vent un circuit qui embraf-foit le peu de chofes que nous avions à terre , ils enflammèrent avec une promptitude & une dextérité fur preñan tes l'herbe qui fe trouva fur leur chemin ; cette herbe qui avoit cinq ou fix pieds de hauteur , 6 qui étoit aufîi feche que du chaume , s'alluma avec furie, & le feu fit un progrès très-rapide vers une tente de M. Banks, qu'on avoit dreffée pour Tupia quand il étoit malade. Une truie & fes petits fe trouvant fur le chemin du feu , un de ces animaux fut tellement brulé qu'il en mourut. M. Banks fauta dans un bateau , & prenant quelques perfonnes avec lui, il arriva affez à tems pour fauver fa tente , en la tirant fur la grève ; mais tout ce qu'il y avoit de com-bufHble dans la forge du ferrurier fut confumé. Pendant que ceci fe paffoit , les Indiens allèrent à quelque diftance de la à un endroit où plufieurs de nos gens lavoient du linge , ex où ils avoient mis fécher une grande quantité de toiles avec des filets , parmi quels étoit la feine; ils mirent encore le feu à l'herbe, fans s'embarraflèr des menaces & des prières que nous leur fîmes ; nous fûmes donc obligés de tirer un fufil chargé à petit plomb ; le coup atteignit & mit en fuite l'un d'eux , qui étoit éloigné d'environ quarante verges ; nous éteignîmes alors ce fécond feu , avant Ann 1770-qu'il eût fait beaucoup de progrès ; mais du lieu où ils avoient allumé l'herbe pour la première fois , il fe répandit dans les bois à une grande diftance. Comme nous appercevions toujours les Indiens , je fis tirer au milieu des palétuviers, vis-a-vis d'eux , un fuiil chargé a balle, pour les convaincre qu'ils n'étoient pas encore au-delà de notre portée ; dès qu'ils entendirent le iiffle-ment de la balle , ils doublèrent le pas , & nous les perdîmes bientôt de vue. Nous crûmes qu'ils ne nous cau-feroient plus d'inquiétude , mais nous fûmes frappés bientôt après du fon de leurs voix , qui lortoient des bois, 6c nous nous apperçûmes qu'ils fe rapprochoient peu-à-peu de nous ; j'allai à leur rencontre , accompagné de M. Banks 6c de trois ou quatre autres permîmes ; lorfque nous nous vîmes réciproquement , ils firent halte , excepté un vieillard qui s'avança vers nous, & après avoir prononcé quelques mots que nous fûmes très-fâchés de ne pas entendre , il retourna vers fes compagnons , & ils rirent tous retraite à pas lents; cependant nous trouvâmes moyen de faifir quelques-uns de leurs dards, 6c nous continuâmes â les fuivre l'ef-pace d'un mille ; nous nous afsîmes alors fur des rochers, d'où nous pouvions obferver leurs mouvemens , & ils s'aílirent auifi à environ cent verges de diftance. Après une petite paufe, le vieillard s'avança de nouveau vers nous, portant dans fa main une javeline fans poi .te; il s'arrêta à plufieurs reprifes & à différentes diftances, parla ; nous lui répondîmes par tous les lignes d'amitié que nous pûmes imaginer ; fur quoi ce vieil- Gij Jl V o y a c e ......"f^ lard, que nous fuppofions être un mciTager de paix* Ann. 1770, fe retourna & dit quelques paroles d'un ton de voix élevé à Tes compatriotes , qui drefsèrent leurs javelines contre un arbre , & qui s'approchèrent de nous d'un air pacifique. Quand ils nous eurent abordé , nous leur rendîmes les dards & les javelines que nous leur avions pris , & nous remarquâmes avec beaucoup de íatisíacTion que cela a che voit notre réconciliation. Il y avoit dans cette troupe d'Indiens quatre hommes que nous n'avions pas encore vus , & qu'on introduisit auprès de nous comme à l'ordinaire, en les annonçant par leur nom : l'homme qui fut bleffé dans l'en-trçprife qu'ils formèrent pour brûler nos filets & nos toiles, n'étoit point parmi eux ; nous favons cependant qu'à raifon de l'éloignement, fa bleffure ne pouvoit pas être dangereufe. Nous leur donnâmes en préfent toutes les bagatelles que nous avions, & ils s'en revinrent avec nous vers le vaiifeau ; chemin faifant , ils nous dirent par lignes qu'ils ne mettroient plus le feu à l'herbe ; nous leur difiribuâmes quelques balles de fufiî, en tâchant de leur faire comprendre quels en étoient l'u-fage & les effets. Loriqu'ils furent vis-à-vis du vaiífeau, ils s'affirent, & nous ne pûmes pas les engager à venir à bord ; nous les quittâmes donc ; ils s'en allèrent environ deux heures après, & nous apperçûmes bientôt les bois en feu à environ deux milles de diftance. Si eet accident étoit arrivé un peu plutôt , les fuites auroient pu en être terribles ; car il n'y avoit pas long-tems qu'on avoit rapporté au vaiffeau la poudre & la tente qui contenoit l'équippement de notre bâtiment ¿ & pluíieurs autres choies très-précieufes dans notre bu Capitaine C o o k. ^3 fituation: nous n'avions pas d'idée de la violence avec — laquelle l'herbe s'allumoit dans un climat chaud , ni A j^jjj70' parconféquent de la difficulté qu'il y avoit d'éteindre le feu ; nous réfolûmcs de commencer par dépouiller le terrein autour de nous , ii jamais nous étions obligés de dreifer nos tentes a terre en pareille fituation. L'après-midi nous embarquâmes toutes nos proviiîons ; nous changeâmes le vaifTeau de place , ôc nous le laiifâmes flotter avec la marée ; le Maître revint le foir avec la fâcheufe nouvelle qu'il n'y avoit point de paffage au Nord, par où le bâtiment pût débonquer. Le lendemain au matin, 2.0, à la marée bafîé , j'allai fonder & balifcr la barre , le vaiifeau étant touü prêt a remettre en mer. Nous ne vîmes point d'Indiens ce jour-là , mais toutes les collines autour de nous, dans un efpace de pluGeurs milles, étoient en feu, ce qui préfentoit dans la nuit un fpeclacle affreux & magnifique. Le 2,1 fe pafîa fans que nous apperçuffions aucun des habitans & fans qnii nous arrivât rien digne d'être rapporté. Le zz , nous tuâmes pour la provifion du jour une tortue , & en l'ouvrant , nous trouvâmes en-dedans de fes deux épaules un harpon de bois à-peu-près aufti gros que le doigt, d'environ quinze pouces de long & barbelé a l'extrémité , tel en un mot que nous en avions vu dans les mains des Naturels du pays. Il nous parut que cet animal avoit reçu cette bleffure depuis long-tems , car la plaie étoit parfaitement guérie. Le 23 , dès le grand marin , j'envoyai quelques perfonnes dans l'intérieur du pays pour y cueillir fef-pèce de légumes dont nous avons parlé plus haut fous le nom de Indiati kalc (chou caraïbe). Un de nos gens s'étant féparé des autres , rencontra tout - à - coup quatre Indiens, trois hommes 6c un enfant qu'il n'ap-percut dans le bois qu'au moment où il fe trouva devant eux. Us avoient allumé du feu & ils faifoienc griller un oifeau 6c un quartier de kanguroo , dont le relie étoit fufpendu , ainfi qu'un catacoua , à un arbre voifin. Notre homme étant fans armes , fut d'abord très-cifrayé , mais il eut la préfence d'efprit de ne pas s'enfuir , jugeant avec rai fon qu'il s'expo-ièroit à un danger véritable , s'il paroiifoit le redouter. Au contraire il s'avança 6c s'a flit près d'eux , d'un air de gaieté 6c de bonne humeur ; il leur offrit fon couteau, la feule choie qu'il eût & qu'il crut pouvoir leur faire plaifir ; ils le reçurent , 6c après l'avoir fait paifer de main en main , ils le lui rendirent. Il leur fit ligne alors qu'il alloit les quitter ; mais ils ne parurent pas difpofés à y confentir. Cependant il difïï-muloit toujours fes craintes 6c il s'affit de nouveau ; ils l'examinèrent avec beaucoup d'attention 6c de cu-riofité ; fes habits attirèrent fur-tout leurs regards; ils lui tâtèrent enfiate les mains & le vifage 6c ils fe convainquirent enfin que fon corps étoit fait comme le leur. Ils le traitèrent de la manière la plus honnête, 6c après l'avoir retenu environ une demi-heure , ils lui dirent par lignes qu'il pouvoir partir. Il n'attendit pas une feconde permifîion, mais comme il ne iavoit en les quittant quel chemin conduifoit directement au vaifTeau , ils s'éloignèrent de leur feu pour lui fervir de guides ; car ils favoient bien d'où il venoit. Sur ces entrefaites , M. Banks revenant de l'ex-curiion qu'il avoit faite de l'autre côté de la rivière pour ramalfer des plantes, trouva dans un feul monceau la plus grande partie des étoffes que nous avions données aux Indiens ; ils les avoient probablement laiffé-lk comme des cliofes inutiles qui ne valoient pas la peine d'être emportées : peut-être que s'il avoit fait d'autres perquiiitions, il auroit trouvé également nos quincailleries ; car ils paroiffoient attacher très-peu de valeur à tout ce que nous avions , fi l'on en excepte la tortue qu'il ne nous fut pas poffible de leur céder. Le mauvais tems qui nous empêchoit de remettre en mer continuant toujours, MM. Banks & Solander retournèrent à terre le 24, pour voir s'ils pourroient découvrir quelque plante nouvelle ; ils coururent les bois fans fuccès pendant toute la journée ; mais en s'en revenant à travers une vallée profonde, ils trouvèrent que les côtés en étoient couverts d'arbres & de buiifons , quoiqu'ils fufTent prefque aufîi perpendiculaires qu'une muraille. Ils ramafsèrent a terre plufieurs noix d'anacarde (anacardium orientale) ; ce qui les engagea k rechercher avec foin l'arbre qui les avoit produits , & que peut-être aucun Botanifte d'Europe n'a jamais vu ; mais a leur grand regret, ils ne purent pas le découvrir , de forte qu'après avoir employé beaucoup de tems & abattu quatre ou cinq arbres, ils revinrent au vaiifeau épuifés de fatigue. Le 1^ , en remontant la rivière , je trouvai une Ann. 1770, . v i t j * Juillet pirogue appartenante a nos amis les Indiens, que nous n'avions pas revus depuis l'affaire de la tortue ; ils Pavoient laiffée attachée à des palétuviers, à environ un mille du vaifTeau , 6c leurs feux me firent appercevoir qu'ils s'étoient retirés à fix milles au moins dans l'intérieur du pays. M. Banks parcourant de nouveau la campagne , le 26 , pour faire des recherches d'Hiftoire Naturelle , eut le bonheur de prendre un animal de la clafîe des Opoffum) c'étoit une femelle , 6c il prit en outre deux petits. Il trouva qu'il reffembloit beaucoup au quadrupede remarquable que M. de Buffon a décrit dans fon Hiftoire Naturelle fous le nom de Phalangcr ; mais ce n'eft pas le même. Cet Auteur fuppofe que cette efpèce eft particulière à l'Amérique> mais il s'eft fûremcnt trompé en ce point ; il eft probable , comme Pallas l'a obfervé dans fa Zoologie , que le phalanger eft indigène des Indes orientales ; puifque l'animal que prit M. Banks avoit quelque analogie avec lui par la conformation extraordinaire de fes pieds, en quoi il diffère de tous les autres quadrupèdes. Le 27, M. Gore tua un kanguroo , qui avec-la-peau , les entrailles & la tête pefoit quatre-vingt-quatre livres. En l'examinant , nous reconnûmes cependant qu'il n'avoit pas pris toute fa croiffance , parce que les dents machelières intérieures n'étoient pas encore formées. Nous l'apprêtâmes pour le dîner du lendemain ; lendemain ; mais il avoit plus mauvais goût qu'aucun ""' des animaux que nous euilions jamais mangés. Ann 1770 Juillet. Le vent fou irla toujours dans le même rumb & avec la mime violence jufqu'à cinq heures du matin du 29 , que nous eûmes calme. Bientôt après il s'éleva une briie de terre , & la marée refluant depuis environ deux heures , j'envoyai un bateau voir quelle profondeur d'eau il y avoit fur la barre. En attendant nous levâmes l'ancre & nous tînmes tout prêt pour remettre en mer. Lorfque le bateau fut de retour, l'Officier dit que la profondeur d'eau fur la barre n'étoit que de treize pieds , c'elf-à-dire fix pouces de moins que n'en tiroit le vaifTeau. Nous fûmes donc obligés de mouiller de nouveau , & la brife de mer fe relevant fur les huit heures , nous perdîmes l'efpoir d'appareiller ce jour-là. Nous eûmes des brifes fraîches du S. E. accompagnées de brume & de pluie , jufqu'à deux heures du matin du 31 ; alors le tems s'étant un peu modéré , je penfai à effayer de remorquer le vaifTeau hors du havre ; mais en m'embarquant d'abord dans le bateau , je vis que le vent étoit encore trop frais pour exécuter ce projet. Pendant tout ce tems là, l'efquif 6c la pinaffe continuèrent à pêcher au filet & à l'hameçon avec quelque fuccès ; ils prenoient quelquefois une tortue & rapportaient fouvent deux ou trois quintaux d'autre poiiTon. Le premier Août, le charpentier examina les pom- Août, pes, 6k à notre grand regret il les trouva toutes fort Tome IV. H 5§ Voyage. endommagées, ce qui provenoit, fuivantïui, de ce qu'on y avoit employé du bois trop vieux. L'une d'elles étoit en fi mauvais état qu'elle tomboit en pièces quand on vou-Joit la faire agir; les autres n'étoient guères meilleures ; nous n'avions plus de confiance alors que dans le bon état de notre bâtiment qui heureufement ne faifoic pas plus d'un pouce d'eau par heure. Le 3 , a fix heures du matin, nous fîmes une autre tentative inutile pour touer le vaifTeau hors du havre; le 4 , vers la même heure, nos efforts eurent un meilleur fuccès , & fur les fept heures, nous remîmes à la voile , à l'aide d'une petite fraîcheur de terre qui tomba bientôt & fut fuivie de brifes de mer du S. E, ~ S. avec lefquelles nous portâmes au large à l'E. ^ N. E., ayant la pinafTe en avant qui fondoit continuellement. L'efquif avoit été envoyé au banc des tortues pour y prendre le filet qu'on y avoit laifTé ; mais comme le vent fraîchit , nous partîmes fans lui. Un peu avant midi, nous mîmes à l'ancre par 15 braifes , fond de fable ; je ne croyois pas qu'il fût fur de naviguer parmi les bas-fonds avant de les avoir bien examinés à la marée baffe, de la grande hune, pour favoir de quel coté je devois gouverner. Je doutois encore s'il falloir: retourner au Sud, autour de tous les bas-fonds, ou chercher un paffage à l'Eft ou au Nord , tous ces partis me paroifloient alors également difficiles & dangereux. Lorfque nous étions à l'ancre , le havre dont nous partîmes nous reftoit au S. 70 a O. à environ cinq lieues ; nous avions au N. 20 d O. à trois lieues ôc demie , la pointe la plus ieptentrionale de la terre qui fût en vue, que je nommai le Cap Bcdford & qui--——; eft fuuée au i$d 16 ' de latitude S. & au 2.14d 4^' Ann. 1770. de longitude O. Au N. E. de ce Cap , nous apper-cevions une terre qui avoit l'apparence de deux Ifles élevées ; les bancs de tortue nous reftoient à l'Eft k la diftance d'un mille ; notre latitude par obfcrvation étoit de 15 d 32' S., & notre profondeur d'eau en quittant la côte de 3 7 à 15 brafTes. CHAPITRE V. Départ de la Rivière Endeavour. Defcription particulière du Havre où le vaijjèau fut radoubé > du Pays adjacent & de plufieurs If es près de la Cote, Traverfée de la Rivière Endeavour à P extrémité fep-tentrionale de la Nouvelle-Galles. Dangers de cette navigation. J e donnai le nom de Rivière Endeavour au havre 77°- que nous venions de quitter. Ce n'eft qu'un petit havre avec une barre ou crique qui s'enfonce à trois ou quatre lieues dans un canal tortueux & au fond duquel il y a un petit ruiiTeau d'eau douce. L'eau n'eft pas afTez profonde pour un vaiifeau , au-delà d'un mille dans l'intérieur de la barre Sur le coté feptentrional , le bord eft fi efearpé dans l'efpace d'un quart de mille, qu'à la marée baffe un vaiifeau peut relier à flot afîèz près de la côte pour qu'on y puiife aborder avec un pont, ce la fituation eft extrêmement commode pour y mettre un bâtiment fur le coté. A la marée baile , il n'y a pas plus de neuf ou dix pieds d'eau fur la barre, ni plus de dix-fept ou dix-huit â la marée haute, de forte que la différence entre la haute & la baile marée eft d'environ neuf pieds. La marée eft haute entre neuf ou dix heures dans les nouvelles 6c les pleines tS W9 4-3 2p la- 12181 níilf,1,; 43 ao tira mut, wr me ima 1,5 15 4' mundi í|4 zumi "inni Carte dune Parte ele la (ote de la NT;K Galles MERiDf Cap Tribulation^ jusqu'au Détroit de L'Endeavour . Par le LlEUT. J. COOK, V7o. 4» 3o- 45- 30- ,<3 »3 I ■y 10 5n Explication jiy Rcehers dont ouclaiLdà uns son! secs dMer basse et déndres toujours couverts > _____,„ Direction supposée des parties de la Cote et des bas Ì onds que nous n îwons pas vus , Hnâroibs o¡¿ a ?noud.le le l'aisseau. , Les Chiffres déstynenJrlajzronfondeitf' d Eau mesurée par Lr-îuseS . ErMaiTDiÇj einioer affilier vurkomt odcnZcu^ien Lt>' Felsen deren einù/e zier-Zeit der-Ebbc trccken.andere ftets do/i derSee bedecfct ¿ind Arrenamene. Loge aesjem^enTkeUs derKÛste undK!Spp&L u>elcke wir /ùcJit loitrTÙzm c/esehn htzben ÁTiKervla&ce des Schijfs Lie 2,aJilen Zeiefen an mie tiefdas Walter naeJi Kla§terw ¿>ereckne.t tyeweseri set/ -Y- An de/n etLso he Zeichñetm Ortefap das Schijja:'/fe;ner FelsenbancKJe>?f une) wurde <ïe/ir b&scha.diqet . «S ° & "S gL. A s y > j o «s m. .ilA 6 rf K¿&*&', J^eya-issecau.jrestai t , }iezt,re*f sur ce, banc* aeJxûdtejV + * etri¿¿J-ort endommape^. 15 12 .IMir.HHÎtJIIlIÏ- Carte von emem Theil der Kttste von Heu = S ûd =Wallis vojn Vorgebirge Tribulation an his naeh ¿er Sir affé EnDEVAOUR. Gereiclinet von ilcm K'.Eftgl.Scliif& Lieuf . J.Cooic. i77o. ï-itvyt* S 10/ S.--HO .'9 4)0 biMiV fi S4i ^1 QL é S Í6' ' ^ ¿»is~ /...... Baye ^^«Èg^^ ^ 1 ' "^'^> ($0$$ l' T \"'m \ 10 . AT du i / 4 tS limili — I— )M» ■ EcJielíé. de Iji£i¿£s ,nu T3 ""f" P""1 milt tm —"~ 13 3b Maasftab vonEnph'schi'n ^ecMñlcn 118 »5 12 »- rumi ......m—mil—munit --fflnpr-imn limi» cmij _:.imni imir- pu 1- *. 46 * lunes : il faut remarquer que cette partie de la côte -eft tellement embarraffée par des bancs de fable, que l'entrée du havre eft extrêmement difficile ; l'endroit le plus fur pour en approcher eft du côté du Sud , en ferrant de près, pendant toute la route, la grande terre : on pourra toujours trouver fa fituation au moyen de la latitude, qui a été déterminée très-exactement. Il y a quelques terres élevées fur la pointe méridionale , mais la pointe du nord eft formée par une grève baffe & fablonneuie qui s'étend a environ trois milles au Nord , où la terre commence a devenir haute. Les tortues furent le principal rafraíchiífement que nous nous y procurâmes ; mais comme on ne peut pas en prendre fans aller a cinq lieues en mer , & que le tems étoit fouvent orageux , nous n'en eûmes pas une grande abondance ; celles que nous prîmes , ainii que les poifTons , furent également partagées parmi toutes les perfonnes de féquipage , & le dernier moufle en eut autant que moi : je penfe que tous les Commandans , qui entreprendront un voyage femblable à celui-ci , reconnoîtront qu'il eft de leur intérêt de fuivre la même règle. Nous trouvâmes fur les grèves fablonneufes & les collines de fable , du pourpier en plufieurs endroits , & une efpèce de féve qui croît iur une tige rampante fur la terre : le pourpier étoit très-bon bouilli ; & il ne faut pas mé-prifer les fèves , car elles furent très - falutaires a nos malades ; cependant les meilleurs herbages qu'on puille s'y procurer, font les choux, dont on a MiaJrlllWWUIiMPJWJM déjà parlé , & qu'on connoîc dans les liles d'Améri-^Nj^' !77°' °iue l°us le nom de chou caraïbe ; cette plante , fui-vant nous, n'eft pas fort inférieure à l'épinard , donc elle a un peu le goûc ; il eft vrai que la racine n'en eft pas bonne , mais il eft probable qu'on pourroit la rendre meilleure en la cultivant : on la trouve principalement dans les terreins où il y a des fondrières. Le peu de choux palmiftes que nous y cueillîmes étoient en général petits, & la partie mangeable étoit ii peu de chofe qu'elle ne valoit pas la peine qu'on fe don-noit à les chercher. Outre le Kanguroo & YOpoJJutn , dont il a déjà été fait mention plus haut, & une efpèce de putois : il y a des loups fur cette partie de la cote, ii nous n'avons pas été trompés par les pas que nous avons vus fur le terrein , & plufieurs fortes de ferpens ; quelques-uns des ferpens font venimeux & les autres ne le font pas. Il n'y a point d'animaux apprivoifés , fi l'on en excepte les chiens , dont nous n'avons apperçu que deux ou trois qui venoient fouvent autour des tentes , ronger les os & les reftes d'alimens qui s'y trouvoienc par hafard ; ces os fembloient être pour la plupart des os de Kanguroo : nous n'avons vu qu'une fois un autre quadrupede; mais nous rencontrions des Kanguroos prefque toutes les fois que nous allions dans les bois. Nous apperçûmes des volées d'oifeaux de terre , des milans , des faucons , des catacouas de deux fortes, les uns blancs & les autres noirs, une très-belle efpèce de loriots , quelques perroquets , des pigeons de deux ou trois fortes , & plufieurs petits oifeanx inconnus en Europe. Les oifeaux aquatiques —:------"- font les hérons , des canards iifflants, qui fe per- Ann. 1770. chent & qui, à ce que je penfe , fc juchent fur les arbres , les oies fauvages , les corlieux , & un petit nombre d'autres , qui n'y font pas en grande quantité. La fur face du pays , dont on a eu occaiion de parler plus haut , eft agréablement entrecoupée par des collines , des vallées , des prairies & des bois ; le fol des collines eft dur, fec & pierreux ; cependant outre le bois il produit une groife herbe ; celui des plaines & des vallées eft en quelques endroits fablonneux & argilleux en d'autres, ou pierreux & rempli de rochers comme fur les collines ; en général il eft pourtant couvert, & il a la plus grande apparence de fertilité: tout le pays , collines & vallées , bois & plaines , abonde en fourmillières , dont quelques-unes ont fix ou huit pieds de haut & douze ou feize de circonférence. Il n'y a pas beaucoup d'efpèces différentes d'arbres; le gommier, que nous trouvâmes fur la partie méridionale de la côte , eft le plus commun 3 mais il n'eft pas grand ; tout le long & de chaque côté de la rivière , il y a un grand nombre de palétuviers , qui , en quelques endroits , s'étendent à un demi-mille dans l'intérieur des terres. Le pays eft bien arrofé par-tout ; il y a plufieurs beaux ruiifeaux à une petite diftance les uns des autres , mais il n'y en avoit point au lieu de notre mouillage \ il faut remarquer que c'étoit alors la faifon sèche , & que peut-être on y en trouveroit en d'autre tems : les fources qui ne font point éloignées, ne nous laifsèrent pas manquer Ann. 1770. d'eau. Août. L'après-midi du 4 , nous eûmes une petite brife du S. E. , & un tems clair ; mais comme je ne voulois mettre a la voile que le lendemain au matin , j'envoyai tous les bateaux fur le récif, pour y prendre toutes les tortues & les autres poiifons a coquille qu'ils pourraient attraper. A la marée baífe, je montai fur la grande hune & j'examinai les bancs de fable , qui préfentoient un afpeci très-menaçant ; j'en appercevois plufieurs à une diftance éloignée , & la plus grande partie des autres s'élevoit au-deifus de la furface de l'eau : la mer paroiffoit être plus ouverte au N. O. du récif des tortues, & je réfolus de prendre ce chemin en ferrant le vent de près, parce que ii nous ne trouvions pas un paflagc , nous pourrions toujours retourner par l'endroit où nous étions entrés. Le foir les bateaux rapportèrent une tortue, une paftenade, 6c aifez de groifes pétoncles pour en donner une livre & demie k chaque perfonne de l'équipage ; chacun de ces poif-fons k coquille ne fourniffoit pas moins de deux livres de chair : nous prîmes auili plufieurs goulus, qui fer-virent k augmenter nos proviiions fraîches , quoiqu'ils ne fuiîent pas trop bons. Le matin du ^ , j'attendis avant d'appareiller que le juifant fût dans fon milieu , parce qu'alors les bancs commencent a paraître ; mais le vene fourfloit avec tant de force que je fus obligé de refter k l'ancre;, cependant le vent étant devenu plus modéré l'après-midi, nous mîmes k la voile, & nous portâmes au large fur un un vent de N. E. ~ E., laiifant le récif des tortues au- ■ deffus du vent, & ayant la pinaife en avant pour fon- A™^770* der. Nous ne naviguâmes pas long-tems dans cette direction , fans découvrir des bancs devant nous & à nos deux côtés ; à quatre heures & demie, après avoir fait environ huit milles, la pinaffe fignala un bas-fonds , dans un endroit où nous ne nous attendions guères k en trouver , fur quoi nous virâmes de bord , & nous louvoyâmes tandis que la pinaife s'avançoit plus loin kl'Eft ; & commela nuitapprochoit, je mis k l'ancre par 20 braifes , fond de vafe. La rivière Endeavour, nous reffoit alors au S. 52a O., & le Cap Bedford à PO. ~ N. O. ~ N. k cinq lieues ; nous avions au Nord la terre la plus feptcntrionale qui fût en vue , & qui avoit l'apparence d'une lile , & au N. E. , à deux ou crois milles, un banc , dont une petite partie fablon-neufe s'élevoit au-deifus de la furface de l'eau. En venant du récif des tortues a cet endroit, la fonde rapportolt de 14 k 20 braifes , mais quand la pinaffe fut à environ un mille plus loin a PE. N. E. , elle ne trouva plus que quatre ou cinq pieds d'eau , fond de roche , fans pourtant que nous nous en apperçuffions dans le vaifTeau. Le matin du G , nous eûmes un vene fort, de forte qu'au lieu de lever l'ancre , nous fûmes obligés de filer plus de cable & d'abattre nos vergues de perroquet : k la marée baile je me tins fur la grande hune avec plufieurs Officiers, pour tâcher d'ap-percevoir un paifage entre les bancs, mais nous ne vîmes rien que des brifans qui s'étendoient du S. à PE. jufqu'au N. O. , & au-delà de la portée de notre vue ; ces brifans ne paroiffoient pourtant pas être for-Tome IV. I z^^^zZ mes par un feul banc, mais par plufieurs, détachés les n. 1770. uns ¿es autres ; la mer brifoit à une grande hauteur , fur celui qui étoit le plus loin à P£il, ce qui me fit penfer que c'étoit le dernier , car les brifans étoient peu coniidérables iur plufieurs des bancs iitués dans l'intérieur , & depuis environ le milieu du juffant jusqu'au milieu du flot, on ne les appercevoit pas du tout; d'où il faut conclure qu'il eft très-dangereux de naviguer au milieu de ces bancs , d'autant qu ils confiftent principalement en rochers de corail , qui font auiTi efcarpés qu'une muraille; fur quelques-uns cependant, 6 en général fur ceux qui font k l'extrémité fepten-trionale , i! y a des monceaux de fable , qui ne font couverts qu'à la marée haute , & qu'on découvre à une certaine diftance. Convaincu alors qu'il n'y avoit d'autre paifage qu'a travers le labyrinthe dangereux que formoient ces bancs, j'étois très en peine de favoir de quel côté gouverner quand le tems nous permet-troit de mettre k la voile: le Maître étoit d'avis que nous nous en retournaffions par le chemin que nous avions fuivi en venant ; mais c'étoit nous engager dans des travaux fans fin que de prendre cette route , car le vent fouffloit avec force du rumb oppoié , & prefque fans interruption ; d'un autre côté, fi 1 on ne trouvoit point de paifage au Nord, il falloitbien s'y réfoudre Ces réflexions affligeantes nous occupèrent juiqu'k onze heures du foir , quand tout-k-coup le vaiifeau challa lur fes ancres & nous obligea de filer un cable 6c un tiers de cable, ce qui le ramena au mouillage. Le matin du 7 , le vent augmenta , le vaiifeau chaifa de nouveau ; nous jetrâmes la petite ancre d'afîburche , ce nous filâmes par-defïiis un cable entier, 6c deux cables fur ■■■■ l'autre ancre ; cependant le bâtiment chafibit toujours, An^' I77°* quoique moins fortement. Nous abbatîmes nos mâts de perroquet, nos vergues 6c nos huniers , & enfin nous eûmes la Satisfaction de le faire rentrer au lieu du mouillage. Le Cap Bcdford nous reftoit alors à l'O. S. O. , k trois lieues & demie ; dans cette fituation nous avions k PEft des bancs qui s'étendoient du S. E. f S. au N. N. O. , & dont le plus proche étoit éloigné d'environ deux milles. Comme le vent continuóle prefque fans relâche , nous reliâmes k l'ancre jufqu'à fept heures du matin du 10 ; il devint alors plus modéré ; nous appareillâmes 6c nous portâmes vers la terre , après avoir enfin réfolu de chercher un paifage le long de la côte au Nord , en tenant toujours le bateau en avant : nous courûmes vers la terre environ une heure, ayant de 19 a 12 braifes ; nous mîmes enfuite le cap vers trois petites Ifles fituées au N. N. E. { E., k trois lieues du Cap Bcdford, 6c que le Maître avoit vifitées pendant que nous étions dans le havre: k neuf heures nous étions k leur hauteur , cntr'elles 6c la côte orientale de la Nouvelle-Hollande. Entre nous & la grande terre il y avoit une lile baile gifant au N. N. O. , à quatre milles des trois Ifles, 6c dans ce canal la fonde rapportoit 14 braifes : la pointe la plus feptentrionale de la terre qui fût en vue , nous reftoit au N. N. O. ~ O. k environ deux lieues. Quatre ou cinq lieues au Nord de ce Cap , nous vîmes trois Ifles, près defquelles il y en a quelques autres qui font encore plus petites , 6c nous appercevions en dehors de nous les bancs 6c les récifs , qui s'étendoient au I ij Nord auiîi loin que ces Ifles. Nous dirigeâmes notre • J770. route entre ces récifs & le Cap, laiffant à l'Eff une ou* petite Me qui gît au N. \- N. E., a quatre milles des trois Ifles. Nous nous trouvâmes à midi entre le Cap & les trois liles , éloignés de deux lieues du Cap & de quatre des Ifles ; notre latitude par obfervation étoit de 14a «Ji'. Nous crûmes voir alors une ouverture fûre devant nous , & nous efpérâmes qu'enfin nous étions hors de danger ; notre efpérance fut trompée , & c'eft ce qui me fit donner au Cap le nom de Cap Flattery. Il gît au 14a de latitude S. & au 214a 43 ' de longitude O. ; c'efl un promontoire élevé qui fe termine près de la mer en deux collines qui en ont une troifième par derrière , avec un terrein bas oc fablonncux de chaque côté. Il fera encore plus facile de le rcconnoître au moyen des trois Ifles qui font en mer; la plus feptentrionale & la plus grande gît à environ cinq lieues du Cap au N. N. E. Depuis le Cap Flattery, la terre court N. O. & N. O. j O. Nous gouvernâmes le long de la côte N. O. -J- O. jufqu'à une heure , vers l'endroit que nous regardions comme un canal ouvert, quand fOfficier qui étoit fur la grande hune , nous cria qu'il voyoit en avant une terre s'é-tendant autour des Ifles qui étoient en-dehors de nous, & un grand récif entre nous & elles. Je montai moi-même fur la grande hune , d'où j'apperçus très-clairement le récif qui étoit alors fi loin au vent, que nous ne pouvions pas le doubler ; mais la terre qu il fuppofoit faire partie de la Nouvelle-Galles méridionale , me parut feulement être un grouppe de petites Ifles. Dès que je fus defeendu de la grande hune, le Maître Août. & quelques autres y montèrent, & ils Soutinrent tous que la terre que nous voyions en avant n'étoit pas Ann-une iile , mais qu'elle faiioit partie de la Nouvelle-Galles', & pour rendre cette nouvelle plus allarmante, ils ajoutèrent qu'ils voyoient des brifans tout autour de nous Dans cette conjoncture , nous ferrâmes le vent en gouvernant vers la terre, 6c nous fîmes lignai au bateau qui fon doit en avant de venir a bord ; comme il étoit fort éloigné fous le vent, nous fûmes obligés de mettre le cap de ion côté pour le rejoindre , & bientôt après, nous mîmes à l'ancre au-delfous d'une pointe de la grande terre , par un peu moins de $ braifes 6c k environ un mille de la côte. Le Cap Flattery nous reftoit alors au S. E. à trois lieues 6c demie. Dès que le vaifTeau fut k l'ancre, je débarquai fur la pointe qui eft élevée & d'où j'appercevois distinctement la côte de la mer qui couroit au N. O, J O. k huit ou dix lieues ; comme le tems n'étoit pas très-clair, il m'étoit imponible de voir plus loin. Je découvrois au travers de la côte neuf ou dix petites Ifles baffes 6c quelques bancs ; je vis auffi des bancs étendus entre la grande terre & les trois Ifles élevées, 6c j'étois perfuadé qu'en dehors de celles-ci, il y en avoit un plus grand nombre d'autres , dont la terre ne faifoit point partie de la Nouvelle-G ailes. Excepté la pointe fur laquelle j'étois , que Cappellai pointe Look-Out & le Cap Flattery , la grande terre au No;d du Cap Bedford eft baile , couverte de fables blancs 6c de buiffons verds, dix a douze milles dans l'intérieur du pays & au-delk, elle s'élève k une hauteur confi-dérable. Au Nord de la F ointe Look- Out, la côte '"*"""""""" **" fembloît être piatte 6c former un banc dans un ef-ANAolU7°' Pace confidérable, ce qui nous faifoit craindre que le canal que nous avions trouvé ne s'étendît pas dans toute la longueur de la terre. Sur cette pointe , qui étoit étroite 6c du plus beau fable , nous apperçû-mes des pas d'hommes 6c nous vîmes auili de la fumée 6c du feu k quelque diftance dans l'intérieur du pays. Je retournai au vaifTeau le foir , 6c je réfoîus de vifiter le lendemain une de ces Ifles élevées ; comme elles gifent a cinq lieues en mer , j'efpérois de ion fommet découvrir plus diftinétement la fituation des bancs 6c le canal qui eft dans le milieu. Le matin du u , je m'embarquai dans la pinafTe pour la plus feptentrionale 6c la plus grande des trois Ifles, avec M. Banks, dont le courage 6c la curiofité l'entrai noient toujours k chaque expédition ; j'envoyai en même-tems le Maître au-deflous du vent dans l'efquif, pour fonder entre les Ifles bailes 6c la grande terre. En mon chemin , je pafTai fur un récif de rocher de corail 6c de fable qui gît à environ deux lieues de l'Ifle , 6c j'en laiifai un autre fous le vent k environ trois milles de la même lile. Sur la partie feptentrionale du récif, fous le vent, il y a une lile baile 6c fablonneufe où nous apperçûmes des arbres, 6c nous vîmes plufieurs tortues fur le récif par où nous pafsâmes. Nous en chafsâmes une ou deux, mais comme nous avions peu de tems k perdre, 6c que le vent étoit frais, nous n'en prîmes aucune, Nous débarquâmes dans Plfle a une heure, & fur le champ nous gravîmes fur la colline la plus élevée, • avec un mélange d'eípérance ck de craince proportionné k l'importance de fobjet ce k l'incertitude de l'événement. En regardant autour de moi , je découvris un récif de rochers gifant k deux ou trois lieues en-dehors des Ifles , ce qui s'étendoient fur une ligne au N. O. ce S. E. plus loin que je ne pouvois appercevoir ce fur lequel la mer brifoit en formant une houle terrible. Cette houle me fit croire qu'il n'y avoit point de bancs au-delà ; ce je conçus l'efpoir de fortir du milieu de ces rochers , en voyant plu-iieurs coupures dans le récif & une eau profonde entre ce récif ce les Ifles. Je reffai fur cette colline jufqu'au coucher du folcii 9 mais le ciel fut fi brumeux pendant tout ce tems , que je defcendis mal fatisfair. Après avoir réfléchi fur ce que je venois de voir , & l'avoir comparé avec ce que je m'attefldois a découvrir, je réfolus de paff'er la nuit fur l'I Île, dans fef-pérance que le tems feroit plus clair le lendemain mitin , ce que ma vue pourroit appercevoir les objets plus au loin ce plus diflincfement. Nous nous couchâmes k l'abri d'un buiffon qui étoit fur la grève ; k trois heures du mutin , j'envoyai un des contremaîtres que j'avois amené avec moi \ dans la pinaife , fonder entre i'Ifle ce les récifs ce examiner le canal qui pa-roiffoit être au milieu , ce je remontai au haut de la colline ; mais, k mon grand regret, je trouvai le tems plus fombre encore qu'il ne Vavoit été la veille. I*a pinaiïe revint fur le midi , après avoir été jufqu'au récif & trouvé entre 15 & 28 braifes d'eau ; mais le 72 V O Y A C E ~ vent étoit il fort, que le contremaître n'ofa pas entrer Ann. 1770. {jans un ¿£S canaux qU'il ¿\t {u[ avoir paru très-étroit: Août. r J. u r „ ion rapport ne me découragea nullement , car , d a- près la defcription de l'endroit où il avoit été , je jugeai qu'il favoit vu un peu défavantageufement. Tandis que j'étois occupé à examiner ce parage , M. Banks s'appliquoit à fon étude favorite ; il faifoit des recherches fur l'Hiftoire Naturelle, & raifembloit plufieurs plantes qui lui étoient inconnues. Nous reconnûmes que cette lile qu'on apperçoit à douze lieues de diftance, a environ huit lieues de tour, 6c qu'en général elle eft iterile 6c remplie de rochers. Sur le côté N. O. , il y a pourtant quelques baies fablonneufes 6c des terres baifes couvertes d'une longue herbe clair-fcmée 6c d'arbres de même efpèce que ceux qui font fur la grande terre ; cette partie de l'Iile abondoit auifi en lézards très-gros ; nous en prîmes quelques-uns. Nous trouvâmes de l'eau douce en deux endroits ; l'une étoit un peu falée . je la goûtai tout près de la mer ; l'autre , que je puifai dans un lac ou étang derrière la grève fablonneufe , étoit très-douce 6c très-bonne. Cette lile étant fort éloignée de la grande terre, nous fûmes très-furpris de voir qu'elle étoit quelquefois vifitée ; car nous trouvâmes les reftes de fept à huit huttes , 6c de gros monceaux de coquillages dont nous fupposâmes que les habitans de la Nouvelle-Galles s'étoient nourris. Nous remarquâmes que toutes ces huttes étoient bâties fur des hauteurs 6c entièrement expofées au S. E. , fituation différente de celles que nous avions vues fur la grande terre ; car celles-ci étant en général placées fur le penchant d'une colline t colline , ou au-deflbus de quelques buiifons qui les ~ ' mettoient à l'abri du vent : d'après la ftru&ure de ces An^ 770' i a ?v Août, huttes & leur fituation , nous conclûmes qu a certaines faifons de l'année le tems y eft invariablement calme ôe beau ; car les habitans de la Nouvelle-Galles méridionale n'ont point de bâtiment fur lequel ils puif-lent naviguer en mer , dans un tems pareil à celui que nous eûmes depuis l'époque de notre première arrivée fur la côte. Comme nous ne vîmes dans cette lile d'autres animaux que des lézards , je l'appellai Liiard Ifland ( IJle des Lézards ) ; les deux autres Ifles élevées , qui font à quatre ou cinq milles de diftance , font petites en comparaifon de celle-ci. Dans le voifinage, & fur-tout au S. E., il y en a trois autres encore plus petites & baffes , avec plufieurs bancs ou récifs. On trouve cependant un paifage fur du Cap Flattery à ces Ifles , &c même jufqu'en - dehors des récifs , en laifTant Y IJle des Lézards au N. O. & les autres au S, E. A deux heures de l'après-midi, comme il n'y avoit point d'apparence que le tems s'éclaircît, nous partîmes de VIfie des Lézards pour retourner au vaiflèau, & dans notre chemin , nous débarquâmes fur l'Ifle baile , fablonneufe & couverte d'arbres que nous avions reconnue en allant. Nous y vknes un nombre incroyable d'oifeaux & fur-tout d'oifeaux de mer ; nous trouvâmes auili le nid d'un aigle où étoient des petits que nous tuâ.-mes, & un autre nid d'une grandeur énorme , appartenant à un oifeau que nous ne connoiffons pas. Ce nid étoit conftruit à terre avec des morceaux de bois ; il Tome IV. K ■ - n'avoit pas moins de vingt-fix pieds de circonférence " ^77°' & deux pieds huit pouces de hauteur. Nous reconnûmes que cette lile avoit été viiitée par les Indiens, probablement pour y manger des tortues ; car nous y en apperçûmes une très-grande quantité, ainfi quedes monceaux de coquillages entalles en diiférens endroits. Nous donnâmes k cette Ifle le nom cYEagle Ifland ( IJle de l'Aigle) , & après l'avoir quittée, nous gouvernâmes au S. O. directement vers le vaifTeau ; la fonde, pendant tout le chemin , ne rapporta pas moins de 8 braifes & pas plus de 14 ; c'étoit la même profondeur que j'avois trouvée entre cette lile & Y IJle des Lézards. Lorsque j'arrivai à bord, le Maître à qui j'avois ordonné de fonder entre les Ifles baffes & la grande terre , me dit qu'il avoit exécuté mon ordre ; qu'il penfoit que ces Ifles étoient fituées à environ trois lieues de la Nouvelle - Galles ; qu'en-dehors il avoit trouvé de 10 a 14 brafles, & 7 entr'elles &. la grande terre ; mais qu'un banc qui fe prolongeoit depuis la grande terre k deux lieues rendoit ce canal étroit. Il avoit couché fur une de ces liles baffes & defeendu fur les autres ; il rapporta qu'il avoit vu par-tout des monceaux d'écaillés 8e tortues , & en plufieurs endroits , des arrêtes de poiiîbns avec de la chair autour, fufpendues k des arbres, & dont la chair étoit fi fraîche encore que l'équipage du bateau en avoit mangé. H vit en outre deux eipaces où il ne croiffoit point d'herbes & où il iernbloit qu'on avoit fouillé la terre depuis peu , & fur la grandeur & la forme de ces portions de terrein il conjectura que c'étoient des tombeaux. Après avoir réfléchi fur ce que j'avois vu moi-même & fur le ra'pport du Maître , je crus que le paflàge au-deffbus du vent feroit dangereux , & qu'en y naviguant le long de la grande terre nous courrions rifque d'être enfermés par le grand récif & enfin d'être forcés de retourner fur nos pas pour en chercher un autre. Je confiderai que ce retard ou tout autre accident qui occaiionneroit le même délai nous feroit perdre infailliblement la faifon de paffer aux Indes Orientales & nous expoferoit k de très-grands périls, parce que nous n'avions plus à bord que pour trois mois de provifions, ôc encore k très-petite ration. Je communiquai aux Officiers ces conjectures avec les faits & les apparences fur lefquelles elles étoient fondées ; ils convinrent unanimement que nous n'avions rien de mieux à faire que de nous éloigner de la côte , jufqu'à ce que nous puffions nous en rapprocher avec moins de danger. En confequen.ee, a la pointe du jour du 13, nous mîmes à la voile & nous portâmes au N. E. au large, vers l'extrémité N. O. de VIfie des Lézards , en laif-fant VIfie de P Aigle au-deifus du vent , ce quelques autres liles & bancs fous le vent : la pinaffe mar-choit en avant pour connoître la profondeur d'eau que nous trouverions dans notre route. La fonde dans ce canal rapporta de 9 à 14 brafTes. A midi, l'extrémité N. O. de rifle des Lé^rds nous reftoit à l'E. S. E. k Kij un mille ; notre latitude par obfervation étoit de 14 d 38' ce la profondeur d'eau de 14 braifes. Nous avions un vent fort du S. E., ce à deux heures nous arrivâmes précifément au-dcffus du vent d'un des canaux ou ouvertures dans le récif extérieur que j'avois vu de rifle. Nous virâmes alors de bord, 6e nous fîmes une courte bordée au S. O. tandis que le Maître dans la pi nafte examiuoit le canal ; il fit bientôt lignai au vaif-feau de le fuivre , ce en* peu de tems nous fûmes au large. Dès que nous eûmes gagné le dehors des brifans, nous n'eûmes point de fond à 150 brafTes , 6c nous trouvâmes une groife mer qui rouloit du S. E., ligne certain qu'il n'y avoit près de nous ni banc ni terre dans cette direction. Le changement de notre fituation fe manifefta fur tous les vifages , parce qu'il étoit vivement fenti par tout le monde ; nous avions été environ trois mois embarraifés dans des bancs ce des rochers qui nous menacoient à chaque inftant du naufrage ; paifant fouvent la nuit à l'ancre , ce entendant la houle brifer fur nous , challant quelquefois fur nos ancres , ce fâchant que fi le cable rompoit, par quelques-uns des accidens auxquels une tempête prefque continuelle nous expofoit, nous péririons inévitablement en quelques minutes. Enfin , après avoir navigué trois cens foixante lieues , obligés d'avoir dans tous les inftans un homme qui eût par-tout la fonde à la main, ce qui n'eft peut-être jamais arrivé à aucun autre vaifTeau , nous nous voyions dans une mer ouverte ce dans une eau profonde. Le fouvenir du danger pafTé , & la fécurité donc nous jouifTions alors , nous rendit notre gaieté ; cependant les longues lames , en Ann. 1770. nous faifant voir que nous n'avions plus de rochers ni de bancs k craindre , nous apprirent auili que nous ne pouvions plus avoir dans notre vaiifeau autant de confiance qu'avant qu'il eût touché ; les coups de la vague élargiflbient tellement les voies qu'il ne faifoic pas moins de neuf pouces d'eau par heure , ce qui , eu égard à l'état de nos pompes <3c k la navigation qui nous reftoit k faire, au roi t été l'objet d'une férieufe réflexion pour un équipage qui ne feroit pas forti íi récemment d'un péril aufîi imminent que celui auquel nous venions d'échapper. Le paifage ou canal, par où nous débouquâmes dans la mer ouverte au-delà du récif, gît au 14a de latitude S., ôe on pourra toujours le reconnoitre au moyen de trois lues élevées qui l'ont dans l'intérieur, & que j'ai appellées IJlcs de Direction, parce qu'elles ferviront k faire conuoître aux Navigateurs un paifage fur à travers le récif, jufqu'k la grande terre ; le canal gît au N. E. - E. , k trois lieues de la pointe des Lcr^ards ; il a environ un tiers de mille de large , & fa longueur n'eft pas plus confidérable. L'ife des Lézards , qui , ainfi que je l'ai déjà obftrvé , eft la plus grande & la plus feptentrionale des trois , préfente un mouillage fur au-defibus du côté N. O., de Teau douce & du bois k brûler. Les Tiles baífes & les bancs fitués entre cette lile 6c la grande terre , abondent en tortues 6c en poiiîbns , qu'on peut probablement pêcher dans toutes les faifons de l'année, excepté quand le tems eft très-orageux ; de forte que tout examiné , il n'y a peut-être pas fur toute la côte un meilleur endroit que cette lile pour procurer aux vaif-feaux des raiFraîchiffemens Je dois obferver que nous trouvâmes iur cette lile, ainfi que fur la grève de la rivière Endeavour 6c des environs, des bambous , des noix de coco , des pierres ponces & des graines de plante, qui ne croiffent pas dans ce pays , 6c qu'on peut fup-pofer que les vents alifés y avoient apportés de l'Eft. Les Ifles qui furent découvertes par Quiros , & qu'il appella Auflralta del Efpiritu fanto, font fituées dans le même parallèle , mais je ne puis pas déterminer jufqu'où précifément elles s'étendent à f Eft ; la phiparc des cartes les placent dans la même longitude que la Nouvelle- Hollande , que ce Voyageur n'a jamais vue, ainfi qu'on peut en juger par la relation qui a été publiée de fon voyage ; car d'après ce qu'on y lit, fes découvertes fe font bornées a vingt-deux degrés k l'Eit de la Nouvelle-Hollande. Dès que nous fumes en dehors du récif nous mîmes k la cape, 6c après avoir remonté les bateaux à bord , nous pafsâmes toute la nuit fur les deux bords ; car je ne voulois pas courir contre le vent avant le jour. Le 14 , k la pointe du jour , Y IJle des Lérards nous reftoit au S. 15 d E. , k environ dix lieues -, nous fîmes voile alors 6c nous portâmes au large au N. N. O. ~ O. jufqu'à neuf heures , que nous gouvernâmes au N. O. -■- N., ayant l'avantage d'un vent frais du S. E. A midi notre latitude , par observation, étoit de 13a 46' Sud, 6c alors nous i>u Capitaine Cook. ycy ñe découvrions point de terre: à fix heures du foir -^aa^r- nous diminuâmes de voiles, & nous mîmes à la cape, Ann* \77°' cap tourné au N. E. Le 15 , k 6 heures du matin , nous fîmes voile ce nous gouvernâmes k i'Oueft: je voulois me retrouver à la vue de la terre, afin d'être fur de ne pas dépafTer le paifage, s'il y en avoit, entre cette terre & la Nouvelle-Guinée. A midi, nous étions par obfervation , au 13 a x' de latitude S., & au 216 d de longitude O. , à id ^31 Oueft du méridien de VI(le des Lézards y nous n'appercevions point alors de terre, mais un ! peu avant une heure nous en vîmes du grand mât une qui nous reftoit à PO. S. O. A deux heures nous en découvrîmes une feconde au N. O. de la première ; il fembloit que *c'étoicnt des collines qui formoient des Ifles , mais nous jugeâmes que c'étoit une continuation de la Nouvelle-Galles. Sur les trois heures nous découvrîmes entre la terre & le vaiifeau , des brifans qui s'étendoient au Sud , au-delà de la portée de la vue ; mais au Nord , nous crûmes appercevoir qu'ils fe terminoient en face de nous. Nous reconnûmes bientôt que ce que nous avions pris pour l'extrémité des brifans , étoit feulement une coupure dans le récif ; car nous les vîmes alors fe prolongeant au Nord , plus loin que la vue ne pouvoit atteindre. Nous ferrâmes de plus près le vent , qui loufrloitde l'E. S. E. ; nous avions à peine difpofé nos voiles qu'il fauta k l'E. ~ N. E. , c eft-a-dire directement fur le récif, ce qui rendit par-conféquent notre débouque-nient incertain. Au coucher du foleil la partie la plus feptentrionale de ce récif qui fût en vue, nous reftoit —-7TT-Z au N. » I\T. E. , k deux ou trois lieues de diflancc : sîn. 1770. comme c'étoit la meilleure bordée que nous puiîïons Août. r . r . j , .r • a fuivre pour iortir de ces bnlans , nous continuarne** jufqu'à minuit de gouverner au Nord avec toutes les voiles que nous pouvions porter. Craignant alors de courir trop loin dans cette direction , nous virâmes de bord 6c portâmes au Sud , ayant fait fix lieues au N. 6c N. ~ N. E. depuis le coucher du folcii jufqu'à ce tems-lk. Après avoir couru environ deux milles au S. S. E. , nous eûmes calme ; nous avions fondé plu-iieurs ibis pendant la nuit , fans trouver de fond , par cent quarante braifes \ nous n'en trouvâmes pas non plus alors avec une ligne de la même longueur : cependant le 16 y fur les quatre heures du matin , nous entendîmes diitinctement le bruit de la houle , 6c à la pointe du jour nous la vîmes k environ un mille de diftance , écumant k une hauteur conftdérable. Les dangers que nous avions eiîuyés fe renouvellèrent alors ; les vagues qui brifoient fur le récif nous en approchoient très-promptement ; nous n'avions point de fonds pour jetter l'ancre , 6c pas un fouille de vent pour naviguer : dans cette fituation terrible , les bateaux étoient toute notre reffource. Pour aggraver nos malheurs la pinaife étoit en radoub ; cependant on mit dehors la chaloupe 6c Fefquif, 6c je les envoyai en avant pour nous remorquer ; au moyen de cet expédient , nous parvînmes à mettre le cap du vaif-feau au Nord , ce qui pouvoit au moins différer notre perte , s'il ne la prévenoit pas. Il s'écoula fix heures avant que cette opération fût achevée 9 6c nous étions n'étions pas alors à plus de cent verges du rocher fur 1 " ' . lequel la même lame qui battoit le côté du vaifTeau, ann-î77°. brifoit à une hauteur effrayante au moment où elle s'éle-voit ; de forte qu'entre nous & le naufrage, il n'y avoit qu'une épouvantable vallée d'eau qui n'étoit pas plus large que la bafe d'une vague; 6c même la mer fur laquelle nous étions n'avoit point de fonds, du moins nous n'en trouvâmes pas avec une ligne de no braf-fes. Pendant cette fcène de détreife le charpentier vint à bout de raccommoder la pinaffe, qu'on mit dehors fur le champ, 6c que j'envoyai en avant pour aider les autres bateaux a nous touer : tous nos efforts auroient été inutiles, ii au moment de la crife qui devoit décider de notre fort, il ne s'étoit pas élevé un petit vent, fi foible que dans un autre tems nous ne nous en ferions pas apperçus ; il fut cependant fufEfant, pour qu'à l'aide des bateaux nous puiîions donner au vaiifeau un petit mouvement oblique 6c nous éloigner un peu du récif. Notre efpérance fe ranima alors j mais en moins de dix minutes nous eûmes calme tout plat 6c le vaif-feau dériva de nouveau vers les brifans, qui n'étoient pas éloignés de plus de deux cens verges : la même brife légère revint pourtant avant que nous euiîions perdu tout l'efpace qu'elle nous avoit fait gagner, 6c dura cette feconde fois dix minutes. Sur ces entrefaites nous découvrîmes une petite ouverture dans le récif, à environ un quart de mille ; je dépêchai fur *e champ un des contremaîtres pour l'examiner : il rapporta qu'elle n'étoit pas plus large que la longueur du vaiifeau , mais qu'en dedans l'eau étoit calme. Cette découverte nous fit penfer qu'en conduifant le Tome IV. h ^.•■■J!Li!_.....^ vaifTeau à travers eette coupure , notre falut étoit Ann, 1770, encore poil»ble , & iur le champ nous tentâmes cette entrepriie : il n'étoit pas fur que nous puflions en atteindre l'entrée; mais fi nous venions à bout de fur-monter cette première difficulté, nous ne doutions pas qu'il ne nous fût aifé de paifer dans l'ouverture ; cependant nous nous .trompâmes , car après y être arrivés par le fecours de nos bateaux & de la brife , nous vîmes que pendant cet intervalle la marée étoit devenue haute, & à notre grande furprife, nous trouvâmes le juffant qui fortoit avec beaucoup de force par la coupure. Cet incident nous procura pourtant quelque avantage, quoique dans un fens directement contraire à ce que nous attendions ; il nous fut impoflible de palier à travers l'ouverture , mais le courant du reflux qui nous en empêcha , nous porta à environ un quart de mille en-dehors, le canal étoit trop étroit pour que nous puf-fions nous y tenir plus long-tems, mais enfin ce juiîànt aida tellement les bateaux qu'à midi nous avions avancé deux milles au large. Nous avions toujours lieu de déiefpérer de notre délivrance , en cas que la brife qui s'étoit calmée alors vînt à fe relever , car nous étions encore trop près du récif. Quand le juffant fut fini , le flot , malgré tous nos efforts , fit dériver de nouveau le vaiifeau. Vers ce tems-là , nous apperçûmes une autre ouverture , près d'un mille à l'Qeeft, & j'envoyai à l'inftant M. Hicks , mon premier Lieutenant, dans le petit bateau pour l'examiner. En attendant , nous combattions avec Je flot, gagnanr quelquefois un peu d'eijpace pour le reperdre bientôt j m*is toutes les perfonnes de l'équipage firent leur fervice avec autant d'ordre & de calme'que- fi eB nmar^. nous n'avions point couru de danger. M. Hicks revint AN^'\7r' fur les deux heures , & nous rapporta que la coupure étoit étroite & péri 1 leu fe, mais qu'on pouvoit y pafTer. Cette feule poííibilité fut fuflifante pour nous encourager à tenter l'entreprife ; car il n'y avoit point de danger auili redoutable que celui de notre fituation actuelle. Une brife légère s'éleva alors à TE. N. E. ; avec ce fecours & celui de nos bateaux & du flot qui , fans l'ouverture, auroit caufé notre dei-trucfion ; nous y entrâmes, & nous fûmes entraînés avec une rapidité étonnante par un courant qui nous empêcha de dériver contre l'un ou l'autre coté du canal , lequel n'avoit pas plus d'un quart de mille de large. Tandis que nous pafiions ce gouffre , nos fondes furent très-irréguiières de 30 à 7 brailes, fur un fond rempli de roches. Dès que nous fûmes entrés en-dedans du récif, îious mîmes à l'ancre par 19 brades , fond de corail & de coquilles. Telles font les vicifîitudes de la vie, que nous nous crûmes heureux alors d'avoir regagné une fituation, que deux jours auparavant nous étions impatiens de quitter. Les rochers ce les bancs font toujours dangereux pour les Navigateurs , même îorfque leur gifement eft déterminé j ils le font bien davantage dans des mers qu'on n'a pas encore parcourues , & ils font plus périlleux dans la partie du globe où nous étions que dans toute autre ; car il s'y trouve des rochers de corail qui s'élèvent comme Une muraille, prefque perpendiculairement , d'une L ïj profondeur qu'on ne peut mefurer , 6c qui font toujours couverts à la marée haute ce fecs à la marée baffe. D'ailleurs les lames énormes du vaile océan méridional , rencontrant un ii grand obftacle fe bri-fent avec une violence inconcevable 6c forment une houle que les rochers 6c les tempêtes de Phémifphère feptcntrional ne peuvent pas produire. Notre vaiifeau étoit mauvais voilier, 6c nous manquions de proviíions de toute efpèce, ce qui augmentoit encore le danger que nous courions en naviguant fur les parties inconnues de cette mer. Animés cependant par l'efpérance de la gloire qui couronne les découvertes des Navigateurs , nous affrontions gaiement tous les périls 6c nous nous foumettions de bon cœur k toutes les peines 6c à toutes les fatigues. Nous aimions mieux nous expofer au reproche d'imprudence 6c de témérité, que les hommes oififs 6c voluptueux prodiguent fi libéralement au courage 6c à l'intrépidité lorfque leurs efforts ont été fans fuccès 3 que d'abandonner une terre que nous favions être entièrement inconnue, 6c d'autorifer par-Ik le reproche qu'on pourroit nous faire de timidité 6c de foibleffe. Après nous être félicités d'avoir gagné le dedans du récif, quoique peu de tems auparavant nous euf-iions été fort fatisfaits d'en être dehors, je réfolus de ranger de prèi la grande terre dans la route que j'al-îois faire au Nord , quoiqu'il en pût arriver. Car Ü nous étions fortis encore une fois du récif, nous aurions peut - être été portés fi loin de la cote qu'il m'eût été impoiEble de déterminer fi la Nouvelle- Hollande eft jointe k la Nouvelle Guinée , queftion S=~~S que je formai le projet de décider depuis le pre- NjJ'Juj* mier moment où j'apperçus cette terre. Cependant comme j'avois éprouvé le défagrément d'avoir un bateau en radoub lorfqu'on en a befoin , je reliai à l'ancre jufqu'k ce que la pinaife fût parfaitement en état. J'envoyai , le 17 au matin , les autres bateaux fur le récif, pour voir quels rafraîchiffemens ils pourroient nous procurer ; & M. Banks, accompagné du Docteur Solander , partit avec eux dans fon efquif, Dans cette fituation , je trouvai que la variation de l'aiguille, par amplitude & par azimuth, étoit de 4d 5?' E. j k midij notre latitude par obfervation étoit de 12d 38' S. & notre longitude de 216d ¿fi* O. La grande terre s'étendoit du N. 66 d O. au S. O. j S. , & la partie la plus voifine de nous étoit éloignée d'environ neuf lieues. J'appellai Canal de la Providence ( Providential Channel ) l'ouverture k travers laquelle nous avions paifé, èk qui nous reftoit alors k l'E. N. E. k dix ou douze milles. Sur la grande terre en dedans de nous, il y avoit un promontoire élevé, à qui je donnai le nom de Cap Weymouth , & fur le côté feptentrional duquel on trouve une baie que je nommai Baie Weymouth j ils gifent au 12d 42/ de latitude S. & au 117a 1^ ' de longitude O. Les bateaux revinrent à quatre heures de l'après-midi, avec deux cens quarante livres de poiifons k coquilles, & fur-tout de pétoncles, dont quelques-unes étoient fi greffes que deux hommes pouvoient k peine les remuer & qu'elles avoient vingt livres de chair bonus a manger. M, Banks rapporta auili plufieurs coquiî-- lagcs curieux ce des Mollit fia, outre plufieurs efpêces de corail , entre lefquels il y avoit celui qu'on appelle Tubi pora Mufica. Le if3 , à fix heures du matin, nous mimes à la voile pour porter au N. O., ayant deux bateaux en avant pour nous conduire ; nos fondes furent très-irrégulicres ce varièrent entre 10 & 17 brafTes , de <5 ou G a chaque jet de ligne. Un peu avant midi , nous déposâmes une file baffe & fablonneufe , que nous laissâmes à ftribord à la diftance de deux milles : a midi , notre latitude étoit de i%d 18 ' ce nous étions éloignés d'environ quatre lieues de la grande terre : elfe s'étendoit du S. j S. O. au N. 71 d O. ce quelques petites Ifles gifoient du N-40d O. à 54 a O. Entre l'endroit où. nous étions ce la grande terre , il y avoit plufieurs bancs ce quelques-uns en dehors de nous , outre le récif le plus éloigné que nous voyions de la grande hune fe prolonger au N. E. A deux heures de l'après-midi, comme nous gouvernions au N. O. -4- N., nous apperçûmes un grand banc directement à notre avant ce qui s'étendoit à trois ou quatre pointes de chaque côté ; fur quoi nous mîmes îe cap au N. N. E. , ce au N, O. ~ N. pour faire le tour de la pointe feptentrionale de ce banc \ nous la doublâmes à quatre heures ; nous portâmes enfuitc à l'Oueft ce nous courûmes entre l'extrémité feptentrionale de ce banc ce un autre qui gît à deux milles au Nord du premier ; nous eûmes pendant tout le chemin un bateau en avant pour fonder ; notre profondeur d'eau étoit toujours trèVirrégulière , de 22 à 8 brades. A fix heures 6c demie , nous mîmes à g ' ' l'ancre par 13 brafTes, la plus feptentrionale des petites Ann. 1770. liles que nous voyions â midi, nous reliant à PO. ~ S. à trois milles. Ces Iiles font diftinguées dans la Carte par le nom à'IJJes de F orbes ; elles font iituées a. environ cinq lieues de la grande terre qui forme en cet endroit une pointe élevée, que nous appcllâmes Boit Head {Pointe Boit). De cette pointe la terre court plus à POueft; elle eft baile & fablonneufe dans toute cette direction , élevée 6c montueufe au Sud , même près de la mer. Le 19, à fix heures du matin , nous remîmes a la voile , 6c nous gouvernâmes vers une lile qui gît à une petite diftance de la grande terre , qui nous reftoit alors au N. 40 d O. a environ cinq lieues. Notre route fut bientôt interrompue par des bancs ; cependant , à l'aide des bateaux 6c du guet que nous fîmes fur la grande hune, nous entrâmes dans un beau canal qui nous conduifit à Pifie , entre un très-grand banc qui étoit à ftribord 6c plufieurs petits fitués vers la grande terre : nous avions dans ce canal de 20 à 30 braf-fes d'eau. Entre onze heures 6c midi , nous dépailâ-mes le côté N. E. de Pille en le laiifant entre nous & la grande terre , dont elle eft éloignée d'environ fept ou huit milles. Cette lile eft à-peu-près d'une lieue de tour, & nous y vîmes cinq Naturels du pays dont deux avoient des lances dans leurs mains , ils s'avancèrent fur une pointe 6c s'en retournèrent après avoir examiné le vaiifeau pendant quelque tems. Au N, O. de cette lile , il y a plufieurs lues baffes qui ...... ne font pas éloignées de la grande terre, Oc au Nord Ann. 1770. & k pEft, on en trouve plufieurs autres, ainfi que des bancs , de forte que nous étions alors environnés de chaque côté \ mais comme nous venions d'être ex-pofés à des dangers beaucoup plus grands, nous étions familiarifés avec les rochers 6c les bancs de fable 6c ils ne nous faifoient plus tant de peine. La grande terre fembloit être baffe & iterile, couverte de gros monceaux du même fable blanc très - beau que nous avions trouvé fur Vif e des Lézards, 6c en différentes parties de la Nouvelle-Galles méridionale. Les bateaux avoient vu plufieurs tortues fur les bancs qu'ils dépaf-sèrent ; mais le vent qui fouffloit avec force ne leur permit d'en prendre aucune. A midi, notre latitude par obfervation étoit de 12 d 6c notre longitude de 217d 25' : la fonde rapportoit 14 brafTes ; 6c l'ef-pace que nous avions parcouru depuis le midi de la veille étoit de trente - deux milles la route ayant été N. 20 d O, La grande terre en-dedans des Ifles dont on vient de parler, forme une pointe que Cappellai Cap Gren-ville ; elle gît au 11 d 58' de latitude 6c au 2.17 d 38' de longitude ; entre ce Cap 6c la pointe Boit, il y a une baie à laquelle je donnai le nom de Baie Temple, A neuf lieues à l'E. { N. du Cap Grenville , on trouve quelques Ifles élevées , que je nommai IJles de Sir Charles Hardy , 6c j'appellai Ifles Cockbum , celles qui font à la hauteur du Cap. Après être reffé en panne jufqu'environ une heure pour attendre les bateaux qui croient en mer, nous prîmes l'efquif à la k remorque , 6c la pinaffe ayant gagné le devant, je fis iervir , & nous portâmes au N. £ N. O. vers quelques petites liles fituées dans cette direction. Elles paroiffent former plufieurs liles féparées , mais en les approchant , nous nous apperçûmes qu'elles étoient jointes enfemble par un grand récif ; fur quoi nous mîmes le cap au N. O. 6c nous les laifsâmes à notre firibord. Nous gouvernâmes entre ces Ifles & les autres qui gifent a la hauteur de la grande terre , dans un paifage fur où il y avoit de 1$ a 23 braifes d'eau. A quatre heures , nous découvrîmes quelques Ifles baffes ôc des rochers qui nous rcffoient à TO. N. Q. 6c nous courûmes directement dcffus ; à fix heures 6c demie, nous mîmes à l'ancre par i<5 braffes , h un mille de diftance du côté N. E. de la plus feptentrionale de ces Ifles. Elles gifent à quatre lieues au N. O. du Cap Grenvillc ; 6c d'après le grand nombre d'oifeaux que nous y vîmes , je les appellai Bïrd Ifles ( Ifles des Oifcaux), Un peu avant le coucher du folcii , nous étions en vue de la grande terre qui paroiffoit partout très-baffe 6c fablonneufe ; 6c s'étendant au Nord jufqu'au N. O. i N. : quelques bancs 6c des Ifles qui avoient le même afpeet fe prolongeoient au N. E. Le 2o, à fix heures, du matin , nous remîmes à la voile avec une brife fraîche de PEffc , 6c nous portâmes au N. N. O. vers quelques-unes des Ifles bailes qui font dans cette direction, mais nous fûmes obligés de ferrer le vent au plus près, pour doubler un banc que nous découvrîmes à notre bas-bord, d'autres nous méfiant en même - tems a F Eft, Quand nous eûmes Tome IV. ...........■■..« dépaffé ce banc , nous avions rapproche ces Ifles de î*. îyyo. notrc C0t¿ fous Je vent ? rnais eu voyant quelques autres bancs autour d'elles ôc des rochers à ftribord que nous n'apperçûmes pas avant d'en être tout proches , je craignis d'aller au-deifus du vent des liles : c'eft pourquoi je rais à la cape , ôc après avoir fait lignai de venir à bord à la pinaife qui étoit en avant, je l'envoyai fous le vent des liles , avec ordre de ranger le bord du banc qui fe prolongeoit du côté Sud de la plus méridionale ; j'ordonnai en mêmete m s à l'efquif d'aller fur le banc pêcher à la tortue. Dès que la pinaife eut gagné un certain efpace, nous virâmes vent arrière ôc nous gouvernâmes après elle: en coupant fous le vent de fille , nous prîmes k la remorque l'efquif qui n'avoit vu qu'une petite tortue ôc qui pour cette rai fon avoit reffé peu de tems fur le banc. Nous reconnûmes que l'I (le étoit un petit coin de terre garni de quelques arbres; nous y apperçûmes plufieurs huttes on habitations des Naturels du pays, qui, k ce que nous fupposâmes, alloicnt de la grande terre , qui n'en e if éloignée que de cinq lieues , viiiîer ces liles de tems en tems pour y prendre des tortues , lorfqu'elles vont y dépofer leurs œufs. Nous continuâmes k gouverner après la pinaife au N. N. E. ôc N. j N. E. vers deux autres liles baffes , ayant deux bancs de fable en-dehors de nous, ôc un entre 1 nous 6c la grande terre. A midi , nous étions k environ quatre lieues de la grande terre, que nous voyions s'étendre au N. jufqu'k N, O. j N. 6c qui étoit toute plate & fablonneufe. Nous étions , par obfervation, au il <* 23 ' de latitude S. ôc au 217 d 4<> ' de longi- cude O. ; nos fondes étoient de 14 à 23 brafTes ; mais ' on verra mieux dans la Carte ces détails , ainfi que les bancs 6t les liles qui font en trop grand nombre pour en faire ici une mention particulière. A une heure , nous avions couru k - peu - près la Ion-guer de la plus méridionale des deux Ifles que nous voyions , & trouvant qu'en allant au-deiliis du vent, nous nous écarterions trop de la grande terre principale , nous arrivâmes 6c nous courûmes fous le vent. Nous y rencontrâmes un paifage facile 6c nous gouvernâmes au N. -J. N. O. dans une direction parallèle à la grande terre. Il y avoit une petite lile entre cette terre 6c le vaillèau , 6c nous en laifsâmes en-dehors de nous quelques autres baffes 6c fablonneufes , ainfi que des bancs ; nous les perdîmes tous de vue vers quatre heures , & nous ne les apper-cevions plus avant le lever du foleil. La partie la plus éloignée de la terre en vue nous reftoit au N. N. O. i- O. ; bientôt après nous mîmes a l'ancre par 13 braf-fes, fond de vafe, à environ cinq lieues de la terre, 6c nous y reliâmes jufqu'au lendemain à la pointe du jour. Le 21 , dès le grand matin , nous remîmes à la voile 6c nous gouvernâmes au N. N. O. de la bouifole vers la terre la plus feptentrionale qui fût en vue : nous obfervâmes à ce tems que la variation de l'aiguille étoit de 3 d G' E. A huit heures, nous découvrîmes des bancs k l'avant 6c a bas-bord , 6c nous reconnûmes que la terre la plus feptentrionale que nous avions prife pour une partie de la Nouvelle-Galles M ij en étoit détachée, 6c que nous pouvions pafTer entre ces deux terres , en courant fous le vent des bancs qui étoient à bas-bord 6V alors tout près de nous. C'en pourquoi nous virâmes vent arrière & mîmes à la cape , après avoir envoyé la pinaffe 6c l'efquif pour nous guider ; nous gouvernâmes enfuite N. O. le long du S. O. ou de l'intérieur des bancs, en faifant le guet fur la grande hune 6c ayant un autre banc de iable à, notre bas-bord. Nous trouvâmes entre ces deux terres un bon canal d'un mille de large dans lequel nous avions de io k 14 braifes. A onze heures, nous étions k-peu-près en travers de la terre détachée de la grande terre , & le paffage entre les deux ne fembloit pas être embarrarle, cependant je détachai la chaloupe pour ranger la cote k bas-bord , 6c j'envoyai en même-tems la pinaffe k ftribord, Je crus que ces précautions étoient néceffaires , parce que nous avions un flot très-fort qui nous entrai noi t avec rapidité 6c que nou3 étions près de la marée haute. Dès que les bateaux furent en avant , nous naviguâmes après eux , 6c k midi nous entrâmes dans le pafîage. Notre latitude, par obfervation , étoit alors de iOd 36', 6c la partie la plus proche de la grande terre que nous trouvâmes bientôt être la plus feptentrionale , nous reftoit k Î'O. 2 d S. a trois ou quatre milles. Nous reconnûmes que la terre détachée de la grande terre étoit une limpie Ifle qui s'étendoit du N. au N. 75 d E. à deux ou trois milles. Nous vîmes en même-tems k une diftance confidérable d'autres liles qui s'étendoient du N. 4-N. O. k 10. N. O. 6c par derrière une autre chaîne de terres élevées que nous jugeâmes auifi être des Ifles. Il y a encore d'autres liles qui fe prolongent juf- ^—rrrr^ qu'au N. 71 d O. , que nous prîmes à ce tems pour la Ann. 177°-grande terre. La pointe de la grande terre qui forme le côte du canal a travers lequel nous avions páíTé a un endroit oppofé à J'Ifle , cil le promontoire feptentrional du pays , & je l'appellai Cap York. Sa longitude eft de 218d O. ; la latitude de la pointe feptentrionale eft de 10d 37S & celle de la pointe eft de iod 4^' S. La terre fur la pointe orientale & celle qui eft au Sud font bailes & très-plates auiTi loin que la vue peut atteindre , & paroifTent fténlcs. Au Sud du Cap , la cote forme une grande baie ouverte , que j'appcllai Bah de Neucajîle & dans laquelle il y a quelques petites Ifles baffes & des bancs ; la terre adjacente eft auili très - baile , plate & fablonneufe. Celle de la partie feptentrionale du Cap eft plus mon-tueufe ; les vallées paroifTent être couvertes de bois & la cote forme quelques petites baies dans lefquelles il femble y avoir de bons mouillages. Près de la pointe orientale du Cap, on rencontre trois petites liles > depuis l'une defquelles un petit banc de rochers fe prolonge dans la mer \ îl y a auili une lile tout près de la pointe feptentrionale. L'líle qui forme le détroit ou canal à travers lequel nous pafsâmes , gît à environ quatre milles en dehors de celles- ci, qui excepté deux, font très-petites : la plus méridionale eft la plus grande & beaucoup plus élevée qu'aucune partie de la grande terre. Nous apperçûmes fur le côté N. O. de cette lue un endroit qui promet un bon mouillage & des ^*-:— vallées qui annonçoient de l'eau 6c du bois. Ces liles \I77°* font appellées dans la Carte, Ifles d'York. Au Sud 6c Sud-Eft 6c même à l'Eft 6c au Nord de ces Ifles, on en rencontre plufieurs autres qui fontbaflés, ainfi que des bancs de fable 6c des rochers : en faifant voile entre ces Ifles 6c la grande terre , nous avions iz, 13 6c 14 braifes d'eau. Nous portâmes le long de la côte à l'Oueff avec une petite brife du S. E. -J S., 6c quand nous eûmes fait environ trois ou quatre milles, nous découvrîmes terre à l'avant ; nous crûmes d'abord qu'elle faiibit partie de la grande terre , mais nous reconnûmes en-fuite qu'elle en étoit détachée par plufieurs canaux. Sur quoi je dépêchai les bateaux , avec des inftruc-tions convenables pour nous conduire à travers le canal qui étoit près de la grande terre ; mais appercevant bientôt après des rochers 6c des bancs de fable dans ce canal , je fis fignal aux bateaux d'entrer dans celui qui eft le plus proche au Nord, fitué entre ces Ifles, 6c d'en laiffcr quelques-unes entre nous 6c la grande terre. Le vaiifeau qui fuivoit n'avoit jamais moins de ■$ brailes d'eau dans la partie la plus étroite du canal, où la diftance d'une lile à l'autre étoit d'environ un mille 6c demi. A quatre heures de l'après - midi , nous jettâmes l'ancre par G brailes 6c demie bon fond , à un 6c demi ou deux milles en-dedans de l'entrée. Le canal commence ici à s'élargir 6c les Ifles de chaque côté de nous étoient éloignées d'environ un mille : la grande terre s'étendoit au S. O. ; la pointe la plus éloignée bu Capitaine Cook. 95 qui fut en vue nous reftoit au S. 48 d O. , & nous — avions au S. 76 d O. la pointe la plus méridionale des A Ifles fur le côté N. O. du paflage. Nous ne découvrions point de terre entre ces deux pointes , de forte que nous conçûmes Pefpoir d'avoir enfin trouvé un paf-fage dans la mer de PInde ; cependant afin de m'en mieux aifurer , je réfolus de débarquer fur l'Ifle qui gît à la pointe S. E. du paifage. Nous avions vu plufieurs habitans fur cette lile quand nous mîmes à l'ancre pour la première fois, ôc nous en apperçûmes dix fur une colline , lorfque je m'embarquai dans le bateau avec MM. Banks ôc Solander ôc un détachement d'hommes pour aller a terre. Neuf de ces Indiens étoient armés d'une efpèce de lances que nous connoif-lions déjà 7 ôc le dixième avoit un arc ôc un paquet de flèches , armes que nous n'avions pas encore vues entre les mains de ces Infulaires : nous remarquâmes aufîi que deux d'entr'eux portoient autour de leurs cols de grands ornemens de nacre de perle. Trois de ces Indiens, dont l'un étoit celui qui avoit un arc , fe placèrent iur la grève à notre travers, ôc nous nous attendions qu'ils s'oppoferoient à notre débarquement , mais lorfque nous eûmes avancé à une portée de fufil du rivage , ils s'en allèrent tranquillement. Nous gravîmes fur le champ la colline la plus haute dont l'élévation n'étoit pas plus de trois fois celle de la grande hune & qui étoit la plus if crue de toutes celles que nous avions rencontrées. De cette colline , on ne pouvoit point appercevoir de terre entre le S. O. ¿c l'O. S. O. , de forte que je comptois trouver fûrement un canal à travers. La terre au N. O. étoit compofée d'un grand $6 V O Y À G E !?*"*™ nombre d'Iilcs de différentes hauteurs , rangées les nn.1770, unes derrière les autres aufîi—loin que la vue pouvoit porter au Nord & a l'Oueft , c'eft-à-dire au moins à treize lieues. Comme j'allois quitter la côte orientale de la Nouvelle-Hollande que j'ai parcourue depuis le ' 38 e1 de latitude jufqu'à cet endroit, & que fûrement aucun Européen n'avoit encore vifitee , j'arborai une feconde fois pavillon Anglois, & quoique j'eu fie déjà pris poífeííion de plufieurs parties en particulier , je pris alors poífeííion , au nom du Roi George III, de toute la côte orientale, depuis le 38 a de latitude jufqu'à cet endroit fitué au 10d { S., ainfi que de toutes les baies , havres, rivières ck ifles qui en dépendent ; je donnai à ce pays Je nom de Nouvelle - Galles méridionale , nous fîmes trois décharges de nos fufils.ee le vaifTeau y répondit par trois volées de canons. Après avoir fini cette cérémonie fur cette lile , que nous appellâmes IJle de PoJJéJJton , nous nous rembarquâmes dans notre bateau , mais un jufîânt rapide portant au N. E. rendit notre retour au vaiifeau très - difficile & très-pénible. Depuis que nous nous étions engagés pour la dernière fois au milieu de ces bas-fonds, nous avions rencontré conftamment une marée modérée dont le flot avoit fa direction au N. O. & le juffant au S. E .A cet endroit, la marée eft haute dans les nouvelles & pleines lunes entre une & deux heures , & l'eau s'élève & retombe perpendiculairement d'environ douze pieds. N ous vîmes de la fumée en plufieurs endroits des terres ce des Ifles voiiincs, ainfi que nous en avions remarqué fur toutes les parties de la côte, après que nous y étions retourné la dernière fois à travers le récif. Nous Nous reliâmes a l'ancre pendant toute la nuit, & '-----— entre fept ce huit heures du lendemain matin, 2z, ^1^1*^7 nous apperçûmes trois ou quatre Naturels du pays, raiTembtant fur la grève des poiiTons à coquille ; à l'aide de nos lunettes, nous découvrîmes que c'étoient des femmes entièrement nues, ainfi que tous les autres habitans de ce pays. A la marée baffe qui arriva fur les dix heures , nous mîmes k la voile ce nous portâmes au S. O. avec une brife légère de l'E. qui enfuite fauta au N. \ N. E. ; notre profondeur d'eau étoit de 6 à 10 braifes , excepté dans un endroit où nous n'en avions que 5. A midi , l'Ifie de PoJJeflion nous reftoit au N. 53 d E. A quatre lieues ; l'extrémité occidentale de la grande terre qui étoit en vue nous reftoit au S. 43 d O. k quatre ou cinq lieues ce fem-bloit être fort baffe ; ce nous avions au N. 71 d O. à huit milles la pointe S. O. de la plus grande des liles fur le côté N. O. du paflage. Je donnai â cette pointe le nom de Cap Cornwall\ il gît au 10 d 43 ' de latitude S. ce au 219a de longitude O. Quelques terres bailes íituées vers le milieu du paifage , ce que Cappellai IJIes de TVallïs , nous reftoient alors k l'O. i S. O. {- S. k environ deux lieues : notre latitude, par obfervation , étoit de iod 46' S. Nous continuâmes k avancer a l'O. N. O. avec le flot de la marée, ayant peu de vent ce de 8 k 5 braifes d'eau. A une heure 6e demie , la pinaife qui étoit en avant nous ugnala un bas-fond , fur quoi nous virâmes de bord 6e détachâmes l'efquif pour fonder auili de fon côté. Nous revirâmes alors 6e portâmes après lui. Il s'étoit écoulé environ deux heures quand ils nous iignaîèreat tous Tome IV. N ^r^!^ deux encore un bas-fond -, la marée approchant alors ANN.T770. ¿c fa p}us grande hauteur , je craignis de continuer Août. f\ -, a \ ma route , parce qu a ce tems 11 pouvoit cire tres-dangercux pour nous de toucher ; c'eft pourquoi je mis à l'ancre par un peu moins de 7 braifes , fond de fable. Les Ifles de Walûs nous reftoient au S. ~S< O. 7 O, à cinq à fix milles ; les Ifles au Nord s'étendoient du S 73 d E. au N. iod E., & nous avions au N. O. y O. une petite Ifle que nous venions d'ap-percevoir. Nous trouvâmes que le flot portoit ici à l'Oueft ôc le juifant a l'Eft. Après que nous eûmes jette l'ancre, j'envoyai le Maître dans la chaloupe pour fonder. A fon retour, le foir, il rapporta qu'il y avoit un banc de fable qui s'étendoit au Nord & au Sud fur lequel il n'y avoit que 3 braifes d'eau , ce qu'au-delà il y en avoit 7. Vers ce tems nous eûmes calme qui continua jufqu'à neuf heures du lendemain matin , ij. Nous levâmes alors l'ancre avec une brife légère du S. S. E. , Ôc après avoir envoyé les bateaux en avant pour fonder, nous gouvernâmes au N. O. 2. O. vers la petite Ifle que no-us avions découverte la veille : la profondeur d'eau étoit de B, de 7 , de G, de ^ ôc de 4 braifes, & de 3 fur le banc de fable ; c'étoit alors le dernier quart du juifant. L'Ifle la plus feptentrionale qui fût en vue nous reftoit au N. yd E. ; le Cap Cornwaïï à l'Eft, à trois lieues , 6c les Ifles de Wallis au S. 3 d E. à la même diftance. Ce banc de fable , dans la partie que nous avons fondée, s'étend k-peu-près Nord 6c Sud , mais je ne puis pas dire jufqu'à quelle diftance; dans fa plus grande largeur, il n'a pas plus JST™S* d'un demi-mille. Quand nous eûmes dépaifé le banc, Ann. 1-70. la profondeur de l'eau monta à G brafTes \ ; elle fut la même pendant toute notre route vers la petite lile qui étoit en avant 6c dont nous atteignîmes le travers à midi , quand elle nous reftoit au Sud à environ un demi-mille. Nous avions alors cinq braifes d'eau, 6c la terre la plus feptentrionale en vue qui fait partie de la même chaîne d'Iiles que nous avions découvertes au Nord depuis notre première entrée dans le détroit , nous reftoit au N. 71a E. Notre latitude , par obfervation , étoit de 10 d 33' S. 6c notre longitude de zi9d 22' O. Dans cette fituation, nous n'appcr-cevions aucune partie de la grande terre. Comme nous avions alors peu de vent 6c que nous étions près de Pifie , nous y débarquâmes M. Banks 6c moi ; nous trouvâmes , qu'excepté quelques petits bouquets de bois , c'étoit un rocher ftérile fréquenté par des oifeaux , qui la vifitoient en fi grand nombre , que leur fiente avoit rendu fa furface prefque entièrement blanche : la plus grande partie de ces oifeaux fem-bloient être des boubies , c'eft pour cela que je l'appellai IJle Booby. Après y avoir refté peu de tems , nous retournâmes au vaifTeau. Sur ces entrefaites , il s'étoit élevé un vent du S. O. ; ce n'étoit qu'une petite brife , mais elle étoit accompagnée d'une houle qui venoit du même rumb ; ce qui, joint à d'autres circonftances, me confirma dans l'opinion que nous avions gagné l'Oueft de Carptntaria ou de l'extrémité feptentrionale de la Nouvelle - Hollande 6c que nous avions une mer ouverte à l'Oueft ; ce qui me faifoit N ij *~ beaucoup de plaiiir , non - feulement parce que les "û77° ^anSers 6c hs fatigues du voyage approchrient de leur fin , mais encore parce qu'on ne pourroit plus douter fi la Nouvelle - Hollande 6c la Nouvelle - Guinée font deux lues féparées ou différentes parties de la même terre. L'entrée N. è. de ce paifage ou détroit gît au iod j9 ' de latitude S. Ôc au zi8 d 36 ' de longitude (X Il eft formé au S. E. par la grande terre ou l'extrémité feptentrionale de la Nouvelle-Hollande , & au N. O. par un grouppe d'Ifles que j'appeîlai Ifles du Prince âe Galles \ il eft probable que ces Ifles s'étendent jufqu'à la Nouvelle-Guinée ; elles font de hauteur 6c de circonférence fort différentes , ôc la plupart fembloient être bien couvertes de plantes ôc de bois Nous apper^ çûmes de la fumée fur le plus grand nombre de ces Ifles , 6c par-conféquent on ne peut pas douter qu'elles ne foient habitées. Il eft vraifemblable encore qu'en-tr'elles, il y a des paffages au moins aufîi bons Ôc peut-être meilleurs que celui par où nous débouchâmes. Au refte , on ne doit pas en délirer un meilleur que le nôtre , a moins qu'on n'en trouve un dont l'accès à l'Eft foit moins dangereux. On ne peut guères douter , fuivant moi, qu'il ne foit poflibîe de découvrir cet accès moins périlleux , 6c pour conftater ce fait , il ne faut que déterminer jufqu'où le récif principal ou extérieur qui environne les bancs de fable à YEÛ, s'étend vers le Nord ; je n'en aurois pas laiffé l'examen aux Navigateurs k venir, fi j'avois été moins excédé par la fatigue 6c les dangers, & fi mon vaiifeau avoit été en meilleur état pour cette entreprife. bu Capitaine Cook, ioi Je donnai k ce canal ou paifage le nom du vaif-feau , 6e je l'appellai Détroit de l3Endeavour. Sa longueur du N. E. au S. O. eft de dix lieues , & il a environ cinq lieues de large , excepté a l'entrée N. E. où il a un peu moins de deux milles, parce qu'il eft relTerré par les Ifles qui font fituées dans cet endroit. Celle que j'ai nommée IJle de PoJJeJJion n'eft ni fort haute , ni d'une grande étendue ; nous la laifsâmes entre nous & la grande terre, en paifant entr'elle 6c deux petites liles rondes qui gifent a environ deux milles a fon N. O. Les deux petites Ifles, que j'appeîlai Ifles di Wallis , font iituées au milieu de l'entrée S. O. 6c nous les laifsâmes au Sud. Notre profondeur d'eau dans le détroit étoit de 4à 9 brafTes, bon mouillage par-tout, excepté fur le banc de fable qui gît à deux lieues au Nord des Ifles de Wallis, où à la marée baile, la fonde ne rapporte que 3 brafTes. On trouvera des connoiffances plus détaillées fur le détroit, fur la lituation des différentes Ifles 6c bancs de fable qui font fur la côte orientale de la Nouvelles-Galles, dans la Carte qui a été faite avec toute l'exaclitude que les circonftances ont pu nous permettre. Cependant , relativement aux bancs de fable , je n'afîùrerai pas que j'aie placé la moitié de ceux qui exiftent, 6c on ne peut pas fuppofer qu'il foit poiîible d'en découvrir la moitié dans une feule navigation. Je dois au fli avoir omis plufieurs Ifles fur-tout entre le iod 6c le nA de latitude; où nous en avons appercu en mer autant qu'on peut en voir a une aufli grande diftance. Les navigateurs ne croiront donc pas qu'il foit impoflible de trouver des Ifles ou des bancs de fable dans ces mers, aux endroits où je n'en ai point •i77°> marqué fur ma Carte. Cefi aífez que la fituation de celles dont j'ai fait mention foit déterminée exactement ; & en général , j'ai les plus grandes raifons de croire qu'on reconnoîtra qu'elle eft auili exempte d'erreurs que toutes celles qui n'ont pas été corrigées par des obfervations fubféquentes ce multipliées. On peut fe fier fur les latitudes & longitudes de tous ou au moins de la plupart des caps & des baies ; car nous avons manqué rarement de faire une fois chaque jour une obfervation pour corriger la latitude de notre eftime : les obfervations faites pour déterminer notre longitude font également nombreufes , & nous n'avons laiifé échapper aucune des occafions que nous offroient pour cela le foleil & la lune. Je manquerois à la juftice qui eft due k la mémoire de M. Green, fi je n'attef-tois pas ici qu'il étoit infatigable pour faire des obfervations & des calculs utiles aux navigateurs ; èc que , par fes leçons & fes fecours , plufieurs de nos Officiers fubalternes furent en état d'obferver ex de calculer avec beaucoup d'exactitude. Cette méthode de trouver la longitude en mer peut être adoptée comme un ufage univerfel , & on peut toujours y compter, k un demi-degré près , ce qui eft fufhTant pour toutes les opérations nautiques. Si donc la con-noiffance de la maniere dont on fait des obfervations & des calculs eft regardée comme une qualité néceffaire k tous les Officiers de Marine , on peut , fans faire beaucoup de tort au progrès des lumières , négliger les travaux de l'aftronomc fpéculateur pour réfoudre ce problême, il ne fera pas auiTi difficile qu'il le paro.it d'abord, d'acquérir cette connoiflance ou de I la mettre en pratique; car à l'aide d'un Almanach Ann. 1770. nautique 6c des Ephémérides aftronomiques , les calculs, pour déterminer la longitude , prendront auili peu de tems que le calcul d'un azimuth, pour trouver la variation de l'aiguille. *0j£^^î==J---gjg------J===^^>« CHAPITRE VI. Départ de la Nouvelle-Galles méridionale. Defcription particulùre du Pays , de fes productions & de fes Habitans. Petit Vocabulaire de la Langue de ces Peuples & quelques obfervations fur les courans les marées. J'ai déjà rapporté dans le cours de ma narration *Ax>ûu ' plufieurs particularités fur ce pays , Tes productions & fes habitans, parce qu'elles étoient tellement liées avec les évènemens qu'on ne pouvoit pas les en fépa-rer. Je vais en donner une defcription plus compiette & plus circonftanciée ; fi l'on y trouve quelques répétitions, on verra du-moins que la plus grande partie de ce que je vais dire eft entièrement neuf. La Nouvelle-Hollande , ou comme j'ai appelle la côte orientale de ce pays , la Nouvelle-Galles méridionale , eft beaucoup plus grande qu'aucune autre contrée du monde connu qui ne porte pas le nom d'un continent. La longueur de la côte , le long de laquelle nous avons navigué, réduite en ligne droite , ne comprend pas moins de iqà , c'eft-à-dire près de %ooo milles, de forte que fa furface en quarré doit être beaucoup plus grande que celle de toute l'Europe. Au Sud du 33 6c 34 d , la terre eft en général, baffe ôc unie ; unie; plus loin au Nord, elle eft remplie de collines, mais on ne peut pas dire que dans aucune partie, elle ^NNi lT7*' foit véritablement montueuié : les terreins élevés pris enfemble ne font qu'une petite portion de fa furface en comparaifon des vallées ce des plaines. En général elle eft plutôt ftérîîc que fertile ; cependant les terres élevées font entrecoupées de bois ce de prairies, ce les plaines ce les vallées font en plufieurs endroits couvertes de verdure. Le fol, néanmoins, eft fouvent la Monne ux , ce la plupart des favannes , fur-tout au Nord, font femées de rochers ce ftériles ; fur les meilleurs terreins, la végétation eft moins vigoureufe que dans la partie méridionale du pays; les arbres n'y font pas fi grands ce les herbes y font moins épailfes. L'herbe eft ordinairement élevée, mais clair-femée, ce les arbres , où ils font les plus grands, font rarement à moins de quarante pieds de diftance les uns des autres ; l'intérieur du pays, autant que nous avons pu l'examiner , n'eft pas mieux boifé que la côte de la mer. Les bords des baies, jufqu'à un mille au-dela de la grève, font couverts de palétuviers, au-deifous defquels Je fol eft une vafe graffe toujours inondée par les hautes marées. Plus avant dans le pays, nous avons quelquefois rencontré des terreins marécageux, fur le/quels l'herbe étoit très-épaiile ée très-abondante, ce d'autrefois des vallées revêtues de brouffailles. Le fol dans quelques endroits nous a paru propre à recevoir quelques améliorations, mais la plus grande partie n'eft pas fuf-ceptible d'une culture régulière. La côte, ou au moins cette partie , qui gît au Nord à 25 d S., eft remplie Tome IV* O "-■—: de bonnes baies & de havres, où les vaiiTeaux peuvent nn.1770, ¿tre parfaitement à l'abri de cous les vents. Si nous pouvons juger du pays par l'afpect qu'il nous préfentoit tandis que nous y étions, c'eft-à-dire, au fort de la faifon fèche, il eft bien arrofé : nous y avons trouvé une quantité innombrable de petits ruif-feaux ôc de fources , mais point de grandes rivières ; il eft probable cependant que ces ruiiTeaux deviennent plus coniidérables dans la faifon pluvieufe. Le Détroit de la Soif ( Thirty Sound) a été le feul endroit où nous n'ayons pas pu nous procurer de l'eau douce ; on trouve même dans les bois un ou deux petics lacs d'eau douce , quoique la furface du pays foit par-tout entrecoupée de criques falées & de terres qui portent des palétuviers. Il n'y a pas beaucoup de différentes efpèces d'arbres ; on n'en trouve que deux fortes qu'on puiffe appel 1er bois de charpente ; le plus grand eft le gommier qui croît dans tout le pays ôc dont on a déjà parlé. Ila des feuilles étroites, allez fembables à celles du faule, ôc la gomme , ou plutôt la réfine qu'il dif-tille , eft d'un rouge foncé ôc reffemble au fang de dragon ; il eft poffible que ce foit la même , car on fait que cette fubftance eft produite par diverfes plantes. Dampierre en fait mention ; c'eft peut-être celle que Tajman trouva fur la terre de Diemen , quand il dit qu'il vit a de la gomme d'arbres ôc de la gomme p lacque de terre «. L'autre bois de conftruétion eft celui qui reffemble à-peu-près à nos pins, ôc dont on a parlé plus haut dans la defcription de la Baie de Bo- *—-=zz==z± tanique. Le bois de ces deux arbres , comme je l'ai Ann- déjà remarqué, eft extrêmement dur 6c pefant. Outre ceux-ci , il y a un arbre couvert d'une écorce douce qu'il eft facile de peler; 6c c'eft la même dont on fe lert dans les Indes Orientales pour calfater les vaif- feaux. Nous y avons trouvé trois différentes fortes de palmier. Le premier qui croît en grande abondance au Sud a des feuilles pli fiées comme un éventail ; le choux en eft petit , mais d'une douceur exquife, 6c les noix qu'il porte en quantité font une très-bonne nourriture pour les cochons. La feconde efpèce eft beaucoup plus reifemblante au véritable chou palinifte des Ifles d'Amérique; fes feuilles font grandes 6c ailées comme celles du palmier qui produit la noix de coco : cette feconde efpèce porte aufli un chou qui, fans être aufîi doux que l'autre , eli plus gros. La troifieme efpèce, que nous avons rencontrée feulement dans les parties feptentrionales ainfi que la feconde, avoit rarement plus de dix pieds de hauteur, avec de petites feuilles ailées refîemblantes à celles d'une efpèce de fougère. Elle ne produit point de chou, mais une grande quantité de noix, a-peu-près de la groifeur d'un maron , 6c plus rondes. Comme nous trouvâmes les coques de ces noix répandues autour des endroits où les Indiens avoient fait leurs feux, nous crûmes qu'elles étoient bonnes a manger; mais ceux d'entre nous qui. eu firent l'expérience , payèrent cher cette tentative , car elles opérèrent fur eux avec beaucoup de violence Oij —comme un émétiqne & un purgatif. Nous perfiftâmes .1770. cependant a croire que les Indiens mangeoient ces fruits , & penfant que le tempérament des cochons pourroit être auili robufte que le leur , quoique le nôtre fut beaucoup plus foible , nous portâmes quelques-uns de ces fruits dans l'étable de ces animaux. En effet, les cochons les mangèrent, & pendant quelque tems , ils ne nous parurent être affectés pour cela d'aucune incommodité; mais environ une fcmaine après, ils furent fi malades que d'eux d'entr'eux moururent ôc les autres guérirent avec beaucoup de peine. Il eft probable pourtant que la qualité venéneufe de ces noix confitte dans leur jus , comme celle de la Caffave des Ifles d'Amérique; & que la pulpe, quand elle eft fèche, eft non-feulement faine mais nourrif-fante. Outre ces efpèces de palmier Ôc de palétuvier , il y a plufieurs petits arbres ôc buiifons entièrement inconnus en Europe ; on en trouve un en particulier qui produit une figue d'une mauvaife qualité , & un autre qui porte une forte de prune reflèmblante aux nôtres par la couleur , mais non par la forme , car celle-là eft applatie fur les côtés comme un petit fromage ; ôc un troifieme qui produit une efpèce de pomme couleur de pourpre, laquelle après avoir été gardée quelques jours devient bonne à manger , & a une faveur un peu reflèmblante à celle d'une prune de damas. La Nouvelle-Hollande offre une grande variété de plantes capables d'enrichir la collection d'un Bota-nifte , mais il y en a très-peu qu'on puiffe manger ; entr'autrcs une petite plante à feuilles longues, étroites & épaiiîes reîfemblantes a une efpèce de jonc , appellée en Angleterre queue de chat , difiille une refîne d'un jaune brillant, exactement femblable à la gomme gutte, excepté qu'elle ne cache pas. Elle exhile une odeur, douce, mais nous n'avons pas eu óccaíion de diftin-guer fes propriétés , non plus que celles de plufieurs autres plantes que les Naturels du pays femblcnt con-noître, puifqu'ils les diftinguent par différens noms. J'ai déjà fait mention des racines & de la feuille d'une plante retemblante aux cocos des Ifles d'Amérique , ainfi que dune eipèce de fève : on y peut ajouter une forte de perfil & de pourpier , & deux efpèces d'ignames; l'une qui a la forme d'un radis, ôc l'autre ronde & couverte de fibres cordées ; elles font toutes deux très-petites mais douces. Nous n'avons jamais pu trouver la plante entière , quoique nous ayions vu fouvent des endroits que l'on avoit creufés pour en ra mailer. 11 eft probable que la féchereife avoit détruit les feuilles , ôc nous ne pouvions pas , comme les Indiens , découvrir cette plante par fa tige. J'ai décrit plus haut la plupart des fruits de la Nouvelle - / ollande. Nous en avons rencontré un dans la partie méridionale de ce pays , reflemblant à une cerile , excepté que le noyau étoit mou , ôc un autre qui , en apparence , n'étoit pas fort différent de la pomme de pin ; celui-ci eft d'un goût fort défagréable ; il eft très - connu dans les Indes i io Voyage --Orientales., ce il eft appelle par les Hollandois Pyn ' lP0, appel Boomcn. out. 1 1 A Tégard des quadrupèdes , j'ai déjà fait mention du chien & j'ai décrit en particulier le Kanguroo , ce l'animal de fefpèce des Opoffum reftèmblant au Phalanger de M. Buffon ; je n'en connois d'autre qu'un quatrième reffemblant au putois , que les Naturels du pays appellent Quoll; il a le dos brun , tacheté de blanc , 6e le ventre entièrement blanc. Plufieurs de nos gens dirent qu'ils avoient apperçu des loups ; peut-être que, fi nous n'avions pas vu des pas qui fembloient confirmer ce rapport , nous aurions cru qu'ils n'étoient guères plus dignes de foi que celui qui difoit avoir vu le diable. Nous vîmes plufieurs efpèces de chauvefouris qui tiennent le milieu entre les oifeaux ce les quadrupèdes , dans cette poiition par les efforts de ces petites ou- tOlît. . 11*1 C Ji vrieres , nous troublâmes leurs travaux , 6c des que nous les eûmes châtiées de l'endroit qu'elles occupoient, les feuilles repliées fe détendirent par leur élafti-cité naturelle avec une fi grande force que nous fûmes furpris de voir comment, au moyen de la com-binaifon de leurs efforts , ils avoient pu la dompter. Si nous fatisfîmes notre curiofité à leurs dépens, elles fe vengèrent de l'injure; des milliers de ces infectes fe jettèrent à Pinftant fur nous , & nous causèrent une douleur infupportable avec leurs aiguillons, fur-tout ceux qui s'atcachoient a notre col ce qui pénétroient dans nos cheveux, d'où il n'étoit pas facile de les écarter. Lapiquure de ces aiguillons n'étoit guères moins dou-loureufe que celle d'une abeille; mais, à moins qu'elle ne fût répétée, la fouffrance ne duroit pas plus d'une minute, IL y a une autre efpèce de fourmi entièrement noire, dont les travaux 6c la manière de vivre ne font pas moins extraordinaires. Elles forment leur habitation dans l'intérieur des branches d'un arbre, qu'elles viennent a bout de creufer en*en tirant la moelle prefque jufqu'à l'extrémité du plus mince rameau ; l'arbre porte en me me-tems des fleurs, comme fi fon intérieur n'étoit pas habité par de pareils .hôtes. Lorfque nous découvrîmes cet arbre pour la premiere fois , 6c que nous arrachâmes quelques-unes de fes branches, nous ne fûmes guères moins étonnés que nous l'aurions été, fi nous avions profané un bofquet enchanté, ou tous les arbres arbres bleiTés par la hache auroient donné des lignes —---^---■ dévie; car nous fûmes à l'inftant couverts d'une mui- Ann. 1770. titude de ces animaux qui íortoient par eiiains de tous les rameaux q<;e nous avions rompus , & qui dardoient contre nous leurs aiguillons avec une violence continuelle. Rumphlus , dans fon Herbarium Amboinenfc , vol. il pag. i«j7; fait mention de ces fourmis ; mais l'arbre dans lequel il les vit, eft très-différent de celui où nous les avons trouvées. Nous avons vu auili une troifième efpèce de fourmis qui avoient leur nid dans la racine d une plante croulant comme le gui fur 1 écorce dun arbre, 6c qu'elles percent pour s'y loger. Cette racine eft ordinairement auili groife qu'un grand navet , ôl quelquefois elle l'eft bien davantage. En la coupant nous y découvrîmes une quantité innombrable de petits canaux tortueux, tous remplis de ces animaux qui cependant ne paroiifoient pas avoir endommagé la végétation de la planre. Toutes les racines que nous avons rompues étoient habitées , quoiqu'il y en eût quelques-unes qui né fuifent pas plus groifes qu'une noifette. Les infectes font eux-mêmes très-petits , 6c leur taille n'eft guère plus de la moitié de eelle de la fourmi rouge d'Angleterre. Ils avoient des aiguillons , mais k peine affez de force pour les faire fentir j ils pouvoient cependant nous tourmenter au moins autant que s'ils nous avoient blcffés par leurs pi-quures; car a finitant que nous touchions la racine, Jls fortoient en foule de leurs trous , 6c fe précipitant fur les parties de notre corps qui étoient décou- Tome IV. P i 14 Voyage wmm^^m verres , elles y excicoicnt un chatouillement plus in-ànn.1770. (importable que la piquure , excepté quand elle eft portée à une très-grande violence. Rumphius, vol. 6", pag iîo , a donné aufîi une defcription de cet oignon ¿V de fes habitans, & il fait mention d'une autre efpèce de fourmis qui font noires. Nous avons trouvé une quatrième efpèce de fourmis qui ne font aucun mal , ex, qui reffemblent exactement aux fourmis blanches des Indes orientales. Elles ont des habitations de deux fortes ; l'une eft fufpendue fur des branches d'arbres, ôc l'autre eft conftruite fur la terre. Les fourmilières, fufpendues fur les arbres , font trois ou quatre fois aufîi grofîès que la tête d'un homme, & elles font compofées d'une fubftance caftante, qui femble être formée de petites parties de végétaux pétries enfemble avec une matière glutineufe que les infectes tirent probablement de leur corps. En rom-pañí cette croûte, on apperçoit dans un grand nombre de finuofités, une quantité prodigieufe de cellules qui ont toutes une communication entr'elles Ôc plufieurs ouvertures qui conduifent à d'autres fourmilières fur le même arbre. Il y a aufîi une grande avenue ou chemin couvert qui va jufqu'à terre & communique par-deifous l'autre fourmilière qui y eft conftruite. Celle-ci eft communément à la racine d'un arbre , mais non pas de celui fur lequel font les autres habitations; elle a la forme d'une pyramide à cotés irréguliers , & quelquefois plus de fix pieds de hauteur ce à peu près autant de diamètre. Il y en a quelques-unes de plus petites , & celles - ci ont en général les côtés plats ôc refTemblent beaucoup par la figure aux pierres qu'on ™™-'"'amm™ voie en plufieurs parties de i'Ans;!etcrre, ce qu'on fup- Ann. 177 . . . TA ■ J T ' ' * Août, poie cere d anciens monumens JJruices. L. extérieur de ces dernières eit d'une argile bien délayée , d'environ deux pouces d'épaiileur ; elles contiennent en dedans des cellules qui n'ont point d'ouverture en dehors , mais qui communiquent feulement par un canal fourerrein aux fourmilières qui font iur les arbres. Les fourmis montent dans cet arbre par la racine ce enfuite le long du tronc Ôc des branches , ions des chemins-couverts qui font de la même efpèce que ceux par lef-quels elles defeendent de leurs autres habitations. Elles le rerirent probablement en hiver ce lors de la lai ion pluvieuíe, dans ces demeures iouterraines, parce qu'elles font k fabri de l'humidité ce du froid , avantage que celles qui font conitruites fur les arbres, quoiqu'en général placées fous quelque branche pendante , ne peuvent pas avoir à caufe de la nature 6e du peu d'épaiileur de l'enduit dont elles font couvertes. La mer, dans ce pays, fournit aux habirans plus d'alimens que la terre ; 6c quoique le poiifon n'y ioit pas en fi grande abondance qu'il l'eit" ordinairement dans les latitudes plus hautes ', cependant nous jet-tions rarement la feine fans en prendre de cinquante k deux cents livres. Jl y en a de différentes fortes ; mais excepté le mulet 6e quelques-uns des coquillages, les autres ne íont pas connus en Europe ; la plupart font bons k manger , ce plufieurs font excellents. On trouve fur les bancs de fable ce fur le récif, une quantité incroyable des plus belles tortues vertes *~ du monde , des huîtres de différente efpèce, & en par-Awn. 1770 ticulitr des huitres de rocher & des huîtres pedieres. Nous avons déjà parlé de pétoncles d'une grolîeur énorme ; il y a en outre des écreviffes de mer & des cancres; nous n'avons pourtant vu que les coquilles de ceux-ci. On trouve des caïmans dans les rivières 6c les lacs falés. Dampierre eft le feul Auteur qui, jufqu'à pré-fent , ait donné quelque defcription de la Nouvelle-Hollande 6c de fes habitans, 6c quoiqu'en général ce foit un Ecrivain fur lequel on peut compter , cependant il s'eft trompé ici en plufieurs points. Les peuples qu'il a vus habitoient, il eli vrai , une partie de la côte très-diflante de celle que nous avons vifitée ; mais aufîi nous avons apperçu des Infulaires en difieren ts endroits de la côte très-éloignés les uns des autres ; 6c comme nous avons trouvé par tout une uniformité parfaite dans la figure, les mœurs 6c les ufa-ges , il eft raifonnable de fuppofer qu'il en eft à-peu-près de même dans le refie du pays. Le nombre des habitans de la Nouvelle-Hollande, paroît être très - petit en proportion de fon étendue. Nous n'en avons vu trente enfemble qu'une feule fois , ce fut à la Baie de Botanique, quand les hommes , les femmes & les enfans s'attroupèrent fur un rocher pour regarder le vaifTeau qui pafîoit. Lorsqu'ils formèrent le projet de nous attaquer , ils ne purent pas raifembler plus de quatorze ou quinze com-battans, & nous n'avons jamais découvert allez de hangars ou de maiions réunies en village pour en former des troupes plus grandes. Il eft vrai que nous SSS....... 55 n'avons parcouru que la côte de la mer fur le côté Ann. 1770, oriental, & qu'entre cette côte & la côte occidentale ^ il y a une immenfe étendue de pays entièrement inconnu , mais on a les plus fortes railons de croire que cet efpace confidérable eft entièrement défert, ou au moins que la population y eft plus foible que dans les cantons que nous avons examinés. Il eft impoffi-ble que l'intérieur du pays donne dans toutes les fai-fons de la fubiiftance à fes habitans , à moins qu'il ne foit cultivé, & il eft d'ailleurs hors de toute probabilité que les Infulaires de la côte ignoraifent entièrement l'art de la culture , fi elle étoit pratiquée plus avant dans les terres. Il n'eft pas non plus vraifem-blable que s'ils connoiffoient cet art , on n'en retrouvât aucune trace parmi eux. Il eft fur que nous n'avons pas vu dans tout le pays un pied de terrein qui fût cultivé, d'où l'on peut conclure que cette partie de la contrée n'eft habitée que dans les endroits où la mer fournit des alimens aux hommes. La feule tribu avec laquelle nous ayons eu quelque commerce , habitoit le canton où le vaiifeau fut radoubé; elle étoit compofée de vingt-une perfonnes, douze hommes, fept femmes, un petit garçon ce une fille. Nous n'avons jamais vu les femmes que de loin, car quand les hommes venoient fur la rivière , ils les laiiloient toujours derrière. Les hommes ici & dans les autres diftrids , font d'une taille moyenne & en général bien faits ; ils font fveltes & font d'une vigueur , d'une activité & d'une agilité remarquables ; leur vi fa ge n'eft pas fans exprcffion, Ôc ils ont la voix extrêmement, douce ôc efféminée. L F. u R peau étoit tellement couverte de boue Ôc d'ordure, quii étoy: très-difficile d'en connoître la véritable couleur. Nous avons eftayé plufieurs fois de la frotter avec les doigts mouillés pour en eter la croûte» mais c'a toujours été inutilement. ( es ordures les font paroître prefque auifi noirs que des Nègres , ÔC fuivant que nous pouvons en juger , leur peau eft couleur de fuie, ou de ce qu'on appelle communément couleur de chocolat. Leurs traits font biai loin d'être défagréabîes , & ils n'ont ni le nés plat , ni les lèvres groiîès ; leurs dents font blanches 6c égales ; leurs cheveux font naturellement longs ôc noirs ; mais ils les portent tout courts : en général ils font lilîes , mais quelquefois ils bouclent légèrement ; nous n'en avons point apperçu qui ne fuffent fort mêlés, & falcs, quoiqu'ils n'y mettent ni huile , ni graille , Ôc à notre grande furpriie , ils étoient exempts de vermine. Leur barbe eft de la même couleur que leurs cheveux , Ôc touffue Ôc épaifTe ; ils ne la laifîènt cependant pas croître beaucoup. Nous rencontrâmes un jour un homme qui avoit la barbe plus grande que fes compatriotes \ nous obfer-vâmes le lendemain qu'elle étoit un peu plus courte , ôc en l'examinant nous reconnûmes que l'extrémité des poils avoit été brûlée. Ce fait, joint k ce que nous n'avons jamais découvert parmi eux aucun infiniment k couper , nous fît conclure qu'ils tiennent leurs cheveux ôc leur barbe courts en les brûlant. Les deux fexes, comme je l'ai déjà remarqué, vont entièrement nucís, & ils ne femblent pas plus regarder ! comme une indécence de découvrir tout leur corps, ^NN' que nous d'expofer à la vue nos mains ôc notre viiage. Leur principale parure coniifte dans Tos qu'ils enfoncent à travers le cartilage qui lepare íes deux narines l'une de l'autre. Toute la fagacité humaine ne peut pas expliquer par quel renverfement de goût ils ont penféque c'étoit un ornement Ôc ce qui a pu les porter àfouffrir la douleur ôc les incommodités qu'entraîne né-ceifairement cet ufage, en luppoiant qu'ils ne l'ont pas adopté de quclqu'aucre Nation. Cet os eft auili gros que le doigt, ôc comme il a cinq ou fix pouces de long, il croife entièrement le vifage & bouche fi bien les narines qu'ils font obligés de renir la bouche fort ouverte pour refpirer \ auili nafillent-ils tellement lorfqu'ils veulent parler qu'ils fe font à peine entendre les uns aux autres. Nos matelots appelloient cet os en plaifantant leur vergue de beaupré \ 6c véritablement il formoit un coup-d'œil ii bizarre , qu'avant d'y être accoutumés il nous fut très-difficile de ne pas en rire. Outre ce bijou, ils ont des colliers faits de coquillages , taillés 6c attachés enfemble très - proprement ; des bracelets de petites cordes qui forment deux ou trois tours fur la partie fupérieure du bras , 6c autour des reins un cordon de cheveux treifés. Quelques-uns d'eux portaient en outre des efpèces de hauffe - cols , faits de coquillages , iufpendus le long du col 6c traverfant la poitrine. Quoique ces peuples n'aient pas d'ha-hillemens , leur corps, outre l'ordure ôc la boue, ont encore une autre enduit ; car ils le peignent de blanc ôc de rouge. Ils mettent ordinairement le rouge s^?^? en larges taches fur les épaules ôc fur la poitrine ; 6c .177°- le blanc en rayes, quelques-unes étroites 6c daurres larges, les étroites font placées fur les bras, les cuiifes 6c les jambes, & les larges fur le relie du corps ; ce deifein ne manque pas abfo'ument de goût. Ils appliquent auili des petites taches de blanc fur le vifage 6c ils en forment un cercle autour de chaque œil. Le rouge fembloit être de Tocre , mais nous n'avons pas pu découvrir de quoi étoit compoié leur blanc ; il étoit en petits grains fermes , favonneux au toucher 6c prefqu'auifi pelant que du blanc de plomb : c'étoit peut-être une efpèce de jhatitcs , mais à notre grand regret, nous n'avons pas pu nous en procurer un morceau pour l'examiner. Ils ont les oreilles percées , mais nous n'y vîmes point de pendants. Ils attachoient un ii grand prix à tous leurs ornemens, qu'ils ne voulurent nous en céder aucun malgré tout ce que nous leur en offrîmes , ce qui étoit d'autant plus extraordinaire que nos verroteries ôc nos rubans pouvoient également leur fervir de parure Ôc qu'ils étoient d'une forme plus régulière ôc plus apparente. Ils n'ont point d'idée de trafic ni de commerce, ôc il nous a été impoifible de leur en infpirer aucune ; ils recevoient ce que nous leur donnions, mais ils n'ont jamais paru entendre nos fignes quand nous leur demandions quelque chofe en retour. La même indifférence qui les empCchoit d'acheter ce que nous avions , les empêchoit auili de nous voler ; s'ils avoient defiré davantage, ils auroient été moins honnêtes ; car quand nous refusâmes de leur céder une tortue, ils devinrent furieux ôc ils entreprirent de s'en emparer emparer par force. Ce fut le feul objet auquel ils mirent de la valeur ; le reife de nos meubles , effets AN?¡¿77°" ou marchandifes, n'en avoit point pour eux ; j'ai déjà obiervé plus haut que nous avions trouvé les préients que nous leur avions faits , abandonnés négligemment dans les bois, comme les joujous des enfans qui ne leur plaifcnt que pendant qu'ils font nouveaux. Nous n'avons apperçu fur leur corps aucune trace de maladies ou de plaies , mais feulement de grandes cicatrices a lignes irrégulières , qui fembloient être les fuites des bleffures qu'ils s'étoient faites eux-mêmes avec un infiniment obtus; nous comprîmes par leurs figues que c'étoient des monumens de la douleur qu'ils avoient reifentie à la mort de quelques - uns de leurs parens ou amis. Ils ne paroifTent pas avoir d'habitations fixes , car dans tout le pays, nous n'avons rien vu qui ref-femblât k une ville ou a un village. Leurs maiions,fi toutefois on peut leur donner ce nom , femblent être faites avec moins d'art & d'induilrie qu'aucune de celles que nous avons vues , fi l'on en excepte les miférables trous de la Terre de Feu , & même elles leur font inférieures k certains égards. Celles de la baie font les meilleures ; elles n'ont que la hauteur qu'il faut pour qu'un homme puifîe fe tenir debout ; niai; elles ne font pas affez larges pour qu'il puifîe sy étendre de fa longueur dans aucun fens. Elles font conffrukcs en forme de four , avec des baguettes flexibles , k-peu-près aufîi groflès que le pouce ; ils enfoncent les deux extrémités de ces baguettes dans Tome IV. Q . la terre, ôc ils les recouvrent enfuite avec des feuilles m. 1770. ¿e palmier 6c de grands morceaux d'écorce. La porte n elt qu une grands ouverture pratiquée au bout oppofé a celui où l'on fait du feu , ainfi que nous le reconnûmes par les cendres. Ils fe couchent fous ces hangars en fe repliant le corps en rond , de manière que les talons de l'un touchent à la tête de l'autre ; dans cette pofition forcée , une des huttes contient trois ou quatre perfonnes. En avançant au Nord , le climat devient plus chaud, 6c nous trouvâmes que les cabanes étoient encore plus minces : elles font faites comme les autres avec des branches d'arbre 6c couvertes d'écorce ; mais aucune n'a plus de quatre pieds de profondeur 6c un des cotés en eft entièrement ouvert. Le côté fermé eff toujours oppofé à la direction du vent qui fouffle communément , 6c vis-k-vis du côté ouvert ils font leur feu , probablement pour fe défendre plutôt des mofquites que du froid. 11 eft probable qu'ils ne paffent fous ces trous que la tête 6c la moitié de leur corps 6c qu'ils étendent leurs pieds vers le feu. Une horde errante conftruit au befoin ces huttes dans les endroits qui lui fourniilènt de la fubfiftance pour un tems , 6c elle les abandonne lorf-qu'elle quitte ce canton qui ne peut plus lui donner d'alimens. Dans les lieux où ils ne paffent qu'une nuit ou deux , ils fe couchent fans autre abri que les buif-fons ou l'herbe qui a près de deux pieds de hauteur. Nous remarquâmes cependant que quoique les huttes à coucher fuifent toujours tournées fur la Nouvelle-Hollande , du côté oppofé au vent dominant, celles des liles étoient en face du vent, ce qui femble prouver fuaiu»a»miJM»i. u m qu'il y règne une faifon douce pendant laquelle la mer eft calme, & que le même tems qui leur permet Aî^t77°' de vifiter les Ifles adoucit fair froid pendant la nuit. Le feul meuble que nous avions apperçu dans ces cabanes eft une efpèce de vaie obîong , & qu'ils font tout Amplement d'écorce ; en liant les deux extrémités de l'écorce avec une baguette d'oiier qui, n'étant pas coupée , fert d'anfe. Nous imaginâmes que ces vafes étoient des baquets dans lefquels ils vont puifer de l'eau k la fource, qu'on peut fuppo-fer être quelquefois a une diftance confidérable. Ils ont cependant un fac k mailles d'une médiocre grandeur ; pour le travailler ils fuivcnt k-peu-près la même méthode qu'employent nos femmes en faifant du filet. L'homme porte ce fac attaché fur fon dos avec un petit cordon qui paífe fur fa tête ; en général il renferme un morceau ou deux de réfine ou autre matière dont ils fe peignent, quelques hameçons Ôc des lignes ; une ou deux des coquilles dont ils forment leurs hameçons, quelques pointes de dards Ôc leurs or.nemcns ordinaires, ce qui comprend tous les tréfors de l'homme le plus riche qui foit parmi eux. Leurs hameçons font faits avec beaucoup d'art, & il y en a quelques-uns d'une petkeflè extrême. Pour harponner la tortue ils ont un petit bâton bien pointu ôc barbelé , d'environ un pied de long, qu'ils font entrer par le côté oppoié k la pointe dans une entaille faite au bout d'un bâton léger qui eft à-peu-près de la grof-feur du poignet , ôc qui a fept ou huit pieds de longueur : ils attachent au bâton l'extrémité d'une corde , j2<4 Voyage & ils lient l'autre au bout du bâton pointu. En frap«* pant la tortue, le bâton pointu s'enfonce dans l'entaille, mais lorfqu'il eft entré dans le corps de l'animal, & qu'il y eff retenu par les barbes, ils en détachent le grand bâton qui, en flottant fur l'eau , fert de trace pour retrouver la viéfime ; il leur fert auili à la tirer , jufqu'à ce qu'ils puiffent la prendre dans leurs pirogues & la conduire k terre. J'ai dit ailleurs que nous avions trouvé un de ces bâtons pointus dans le corps d'une tortue dont les bleffures s'étoient guéries. Leurs lignes font de différente épaiffeur, depuis la grofTeur d'une corde d'un demi-pouce, jufqu'à celle d'un crin ; elles fontcorn-pofées d'une fubftance végétale , mais nous n'avorts pas eu occaiion d'apprendre quelle eft en particulier celle qu'ils emploient k cet ufage. Les habitans de la Nouvdle-Hollande fe nourrifTent principalement de poiffon ; mais ils viennent quelquefois a bout de tuer des kanguroos & même des oifeaux de différente efpèce ; quoiqu'ils foient fi fau-vages qu'ils nous étoit très-difficile d'en approcher k une portée de fufil. L'igname e if le feul végétal qu'on puiffe regarder comme un de leurs aliments ; il eff cependant hors de doute qu'ils mangent plufieurs des fruits que nous avons décrits au nombre des productions du pays , & nous en avons apperçu des reftes autour des endroits ou ils avoient allumé leurs feux. Ils ne paroifTent pas manger crue aucune nourriture animale , mais comme ils n'ont point de vafe pour les faire bouillir dans l'eau, il la grillent fur les charbons ou ils la font cuire dans un trou avec des pierres chaudes, de la même manière que les Iniulaires des mers du Sud. Nous ne favons pas s'ils connoiiTent quelque plante narcotique du genre du tabac ; mais nous avons remarqué que plufieurs d'entr'eux tenoient continuellement dans leur bouche de certaines feuilles , ainfi que quelques Européens mâchent du tabac & les Afiatiques du bétel. Nous n'avons jamais vu la plante qui les porte que lorfque nous les priions de la tirer de leur bouche ; c'eft peut - être une efpèce de bétel, mais quelle qu'elle foit elle ne produifoit aucun mauvais effet fur les dents ni fur les lèvres. Comme ils n'ont point de filet, ils n'attrappent le poiffon qu'en le harponnant ou avec une ligne & un hameçon; il faut en excepter feulement ceux qu'ils prennent dans les creux des rochers 6c des bancs de fable qui font fecs à la marée baile. Nous n'avons pas eu occaiion de connoître leur manière de chaffer , mais , d'après les entailles qu'ils avoient faites par - tout fur les grands arbres pour y grimper, nous conjecturâmes qu'ils prenoient leur pofte au fommet; & que delà ils guettoient les animaux qui pafíbient par hafard près d'eux pour les atteindre avec leurs lances : il eft poffible aufîi que dans cette fituation ils attrappent les oifeaux qui vont s'y jucher. J'ai obfervé que, lorfqu'ils quittoient nos tentes fur les bords de la rivière Endeavour, nous pouvions fui-vre leurs traces au moyen des feux qu'ils allumoient ?""""" dans leur chemin. Nous imaginâmes que ces feux Ann. 1770, jcur ferVoient de quelque manière â prendre le kan-Août. 1 • guroo ; nous avons remarque que ces animaux craignent tellement le feu que nos chiens ne pouvoient les faire palier près des endroits où il y en avoit eu récemment, quoiqu'il fut éteint. Les habitans de la Nouvelle - Hollande produifent du feu avec beaucoup de facilité , & ils le répandent d'une manière furprenante. Afin de l'allumer ils prennent deux morceaux de bois fec ; l'un eft un petit bâton d'environ huit ou neuf pouces de long, & l'autre morceau eft plat. Ils rendent obtufe la pointe du petit bâton, & en le preifant fur l'autre , ils le tournent promptement dans leurs deux mains, comme nous tournons un mouflbir de chocolat ; ils élèvent fouvent la main en haut en roulant le long du bâton , enfuite ils la redefeendent en en-bas pour augmenter la prefîion autant qu'il eft pofÜble ; & par cette méthode ils font du feu en moins de deux minutes , & la plus petite étincelle leur fuffit pour la propager avec beaucoup m de promptitude & de dextérité. Nous avons vu fou- vent un Indien courir le long de la cote , Se ne portant rien en apparence dans fa main , s'arrêter pour un inftant à cinquante ou cent verges de diftance Se laiffcr du feu derrière lui ; nous appercevions d'abord la fumée Se enfuite la flamme qui le communiquoit tout de fuite au bois Se a l'herbe fèches qui fe trouvoient dans les environs. Nous avons eu la curioiité d'examiner un de ces femeurs de feu ; nous vîmes qu'il mettoit une étincelle dans de l'herbe fèche \ après l'avoir agitée pendant quelque tems, l'étincelle jetta de la flamme ; il en mit en- ---—■ fuite une autre à un endroit diiférent dans de l'herbe qui Ann. 1770. s'enflamma de même , 6c ainfi dans toute fa route. L'histoire du genre-humain préfente peu de faits auffi extraordinaires que la découverte Ôc l'application du feu. Prefque tout le monde conviendra que le hafard apprit la manière de le produire par colliflon ou par frottement ; mais fes premiers effets durent frapper naturellement de confternation 6c de terreur , des hommes pour qui cet élément étoit un objet nouveau ; il parut alors être un ennemi de la vie 6c de la nature, 6c détruire tout les êtres fufceptibles de fenfa-tions ou de diifolution , 6c par conféquent il n'eft pas aifé de concevoir ce qui put engager les premiers qui le virent recevoir du hafard une exiflence paifa-gère à le reproduire à deffein. Il n'efl pas pofîible que des hommes qui ont vu du feu pour la premiere fois, s'en foient approchés avec autant de précaution que ceux qui en connoiffent les effets; c'eft-à-dire, d'affez près pour en recevoir de la chaleur fans en être blefîés. Il feroit naturel de penfer que l'exccflive douleur qu'éprouva le Sauvage curieux qui fut le premier brûlé par le feu , dut faire naître entre cet élément 6c l'efpèce humaine une averfion éternelle , 6c que le même principe qui l'a porté à écrafèr un ferpent, dut ï'eçgager à détruire le feu 6c à fe bien garder de le reproduire quand les moyens en furent connus. D'après ces circonftances, il eft très-difficile d'expliquer comment les hommes fe familiarisèrent avec cet élément au point de le rendre utile , 6c comment **" " on s'en fervit la premiere fois pour cuire les alimens , AoltJ0' P^iTqu'on avoic contracté l'habitude de manger crues les nourritures animales ôc végétales, avant qu'il y eût du feu pour les apprêter. Ceux qui ont pefé la ibrce de l'habitude croiront d'abord que des hommes accoutumés à prendre des alimens cruds , durent trouver auili déiàgréables ceux qui étoient cuits, que le feroient des plantes ou des viandes crues pour des perfonnes qui auroient toujours mangé cuites les unes & les autres. II. eft remarquable que les habitans de la Terre de Feu produifent le feu par coliifion, ôc que les habitans, plus heureux de la Nouvelle - FI olla n de , de la Nouvelle-Zélande ôc ftOtahiti , l'allument en frottant une fubftance combuftible contre une autre. N'y a-t-il pas quelque rai fon de fuppofer que ces différentes opérations répondent à la manière fuivant laquelle le hafard a fait connoître cet élément dans la Zone Torride & dans la Zone Glacée ? Chez les habitans fauvages d'un pays froid , il n'y a aucune opération de l'art ou aucun accident qui puiffe faire croire , que le feu s'y produit aufîi aifément par frottement que dans un climat chaud où tous les corps font chauds , fecs ce combuftibles, ôc dans lefquels circule un feu caché que le plus léger mouvement fuffit pour faire paroître au-dehors. On peut donc imaginer que dans un pays froid le feu a été produit par la coliifion accidentelle de deux fubftances métalliques , 6k que par cette raiipn les habitans de cette contrée ont employé le même expédient pour le reproduire. Dans un pays chaud , au contraire, où deux corps inflammables s'allument aifément par le frottement, il eft probable que le frottement tement de deux fubftances femblables, fit connoître le- feu pour la premiere fois , ôc que l'art adopta enfuite An^' *j7?0, la même opération pour produire le même effet. Il eft poffible qu'aujourd'hui on faife du feu par frottement dans la plupart des pays froids , ôc qu'on en allume par coliifion dans plufieurs pays chauds ; mais peut-être que de nouvelles recherches montreront que l'un des deux climats tient cet uiage de l'autre; Ôc que, par rapport a la production primitive du feu dans les pays chauds Ôc les pays froids , la diftinction que nous venons d'établir eft bien fondée. Il y a lieu de fuppofer que l'exiftence permanente des Volcans , dont on retrouve des reftes ou des veftiges dans toutes les parties du monde , apprit aux hommes par degrés la nature ôc les effets du feu ; cependant un volcan n'a pu enfeigner d'autre méthode de produire du feu que celle du contact ; Ôc les curieux qui voudront rechercher l'origine primitive de l'ufage de cet élément parmi les hommes , auront encore un champ vafte à leurs fpéculations. Ces peuples ont pour armes des javelines ou des lances : ces dernières font de différentes efpèces. Nous en avons vu fur la partie méridionale de la côte quelques-unes qui avoient quatre branches garnies d'un os pointu ôc qui étoient barbelées ; les pointes font aufîi enduites d'une réfine dure qui leur donne du poli ôc les fait entrer plus profondément dans le corps contre lequel on les pouffe. Dans la partie feptentrionale, la lance n'a qu'une pointe ; le fût de la lance eft fait d'une efpèce de canne ôc de la tige d'une plante qui Tome IV. R - reíTemble un peu au jonc & qui eít très-droite & très- Ann. 1770. légère. EUe a de huit à quatorze pieds de long; elle eft compofée de plufieurs parties ou pièces qui entrent les unes dans les autres ôc font liées enièmble. On adapte à ce fût diveries pointes ; quelques-unes* font d'un bois dur 6c pefant, 6c d'autres d'os de poif-fons. Nous en avons remarqué plufieurs qui avoient pour pointe l'aiguillon d'une paftenade , le plus grand qu'on avoit pu trouver, 6c qui étoit barbelée de beaucoup d'autres plus petits attachés dans une direction contraire. Les pointes de bois font auili armées quelquefois de morceaux aigus de coquilles brifées ; ils les enfoncent dans le bois 6c en recouvrent la fence avec de la réfine. Les lances ainfi barbelées font des armes terribles, car lorfqu'elles font une fois entrées dans le corps, on ne peut pas les en retirer fans déchirer la chair, ou fans laiffer dans la bleifure des échardes pointues de l'os ou de la coquille qui formoient les barbes. Ils lancent ces armes avec beaucoup de force 6c de dextérité; la main feule fuffit pour cette opération , s'ils ne veulent qu'atteindre à peu de diftance ; par exemple, à dix ou vingt verges; mais fi leur but eft éloigné de quarante ou cinquante , ils fe fervent d'un inftrument que nous appellâmes bâton à jcttcr. C'eft un morceau de bois dur 6c rougeâtre, uni 6c très-bien poli, d'environ deux pouces de large, d'un demi-pouce d'épaifîèur 6c de trois pieds de long , ayant un petit bouton ou crochet à une extrémité, & à l'autre une pièce qui le traverfe à angles droits. Le bouton entre dans une petite hoche ou trou qui eft fait pour cela dans la tige de la lance près de la pointe, niais de laquelle il s'échappe aiférnenc lorfqu'on pouiTe l'arme en avant. .' Quand la lance eft placée fur cette machine ôc alfiirée Ann- /77°» dans fa poiition par le bouton , la pcrfonne qui doit la jetter la tient fur fon épaule, ôc après l'avoir agitée il pouife en avant le bâton à jetter ôc le lance de toute fa force, mais le bâton étant arrêté par la pièce de tra-verfe qui vient frapper 6c s'arrête contre l'épaule, la lance fend l'air avec une rapidité incroyable ôc avec tant de juftefle , que ces Indiens font plus fûrs d'atteindre leur but à cinquante verges de diftance , que nous en tirant k balle feule. Ces lances font les feules armes oflèniives que nous ayons vues a terre. Lorfque nous étions près de quitter la côte , nous crûmes appercevoir avec nos lunettes un homme portant un arc Ôc des flèches , mais il eft pofTible que nous nous foyons trompés. Nous avons trouvé cependant dans la baie de Botanique un bouclier ou targe de forme oblongue , d'environ trois pieds de long Ôc de dix-huit pouces de large, ôc qui étoit fait d'écorce d'arbres. Un des hommes qui s'oppofa k notre débarquement le prit dans une hutte, Ôc lorfqu'il s'enfuit, il le laiifa derrière lui. En le ramaífant nous reconnûmes qu'il avoit été tranfpcrcé près du centre par une lance pointue. L'ufagc de ces boucliers eft fûrement très-fréquent parmi ces peuples ; car quoique nous ne leur en ayons jamais vu d'autres que celui-lk , nous avons fou-vent rencontré des arbres d'où ils fembloient manifefte-ment avoir été pris , ôc ces marques fe diftinguoient aifément de celles qu'ils avoient faites en enlevant Pecoree pour les efpèces de féaux dont nous avons parlé. Quelquefois auili nous trouvâmes des formes de boucliers Rij "" - découpées fur Pecoree qui n'étoit pas encore enlevée; .1770. certe écorce étoit un peu élevée fur les bords, à l'endroit de l'entaillure ; de forte que ces peuples fcmblent avoir découvert que l'écorce d'un arbre devient plus épaiife & plus forte quand on la IaifTe fur le tronc après l'avoir découpée en rond. Les pirogues de la Nouvelle-Hollande font aufîi groffières & auffi mal - faites que les cabanes. Celles de la partie méridionale de la côte ne font qu'un morceau d'écorce d'environ douze pieds de long, dont les extrémités font liées cnfcmble , tandis que_ de petits cerceaux de bois tiennent les parties du milieu féparées. Nous avons vu une fois trois per-fonnes fur un bâtiment de cette efpèce. Dans une eau baffe , ils les pouffent en avant avec une perche ; dans une eau profonde, ils les font marcher avec des rames d'environ dix-huit pouces de long , & le conducteur du bateau en tient une a chaque main, Quelques grofîlers que foient ces canots, ils ont plufieurs commodités ; ils tirent peu d'eau & font très-légers, de forte qu'ils les mènent fur des bancs de vafe pour y pêcher des poiffons à coquille. Cet ufage eit le plus important auquel on les puiffe employer , éc ils font peut-être meilleurs pour cela que des bateaux de toute autre conffruction, Nous remarquâmes qu'au milieu de ces pirogues, il y avoit un monceau d'algues marines fur lefquelles étoit un petit feu , probablement afin de griller le poiffon ck de le manger au moment où ils l'attrapoient. Les pirogues que nous vîmes en avançant plus loin au Nord, n'étoient pas faites d'écorce, mais d'un tronc dJg."'T d'arbre creufé peut-être par le feu. Elles avoient en- A^'¿77 virón quatorze pieds de long, & comme elles étoient très-étroites, elles avoient un balancier afin de les empêcher de chavirer. Ils font marcher celles-ci avec des pagayes qui font fi grandes qu'il faut employer les deux mains pour en manier une. L'intérieur de la pirogue ne paroît pas avoir été travaillé k l'aide d'un inftrument , mais à chaque extrémité le bois eff plus long fur le platbord qu'au fond , de forte qu'un morceau reffcmblant au bout d'une planche, s'avance en faillie au-delà de la partie creufe. Les côtés font afTez épais , mais nous n'avons pas eu occafion de connoître comment ils abattent 6c taillent enfuite leur arbre. Nous n'avons découvert parmi eux d'autres inftrumens qu'une hache de pierre fort mal-faite, quelques petits morceaux de la même matière faits en forme de coins, un maillet de bois 6c des coquillages ou des fragmens de corail. Pour polir leurs bâtons-à-jetter & les pointes de leurs lances , ils fe fervent des feuilles d'une efpèce de figuier qui mordent fur le bois preique aufîi fortement que la prêle de nos menuifiers. Ce doit être un travail bien long que de conifruire avec de pareils inffrumens, même une de leurs pirogues telles que je viens de les décrire. Cette opération paroîtra abfolument impraticable à ceux qui font accoutumés à l'uia^e des métaux ; mais le courage perfévérant furmonte prefque toutes les difficultés ; 6c l'homme qui fera tout ce qu'il peut faire, produira certainement des effets qui furpaiîèront de beaucoup la borne qu'on affignoit k fes forces. - Les pirogues ne portent jamais plus de quatre hom-A^N,AI77°* mes. Si un plus grand nombre ont befoin quelquefois de traverfer la rivière , l'un de ceux qui font venus les premiers, eft obligé de retourner chercher les autres. Cette circonftance nous fit conjecturer que le bateau que nous vîmes, pendant que nous étions fur la rivière Endeavour } étoit le feul du voifinage. Nous avons quelques raifons de croire qu'ils fe fervent aüífi de pirogues d'écorce dans les endroits où ils en conftrui-fent de bois ; car nous trouvâmes fur une des Ifles fur lefquelles les Naturels du pays avoient péché de la tortue , une petite rame qui avoit appartenu a une pirogue d'écorce ce qui auroit été inutile a bord de toute autre. Il n'eft peut-être pas aifé de deviner par quels moyens les habitans de la Nouvelle-Hollande font réduits à la quantité d'hommes qui fubfiftent dans ce pays. C'eft aux Navigateurs qui nous fuivront a déterminer fi, comme les Infulaires de la Nouvelle-Zélande, ils fe détruifent les uns les autres dans les combats qu'ils fe livrent pour leur fubfiftance, ou fi une famine accidentelle a diminué la population, ou enfin s'il y a quel-qu'autre caufe qui empêche l'accroiffcment de l'ef-pèce humaine. Il eft évident par leurs armes qu'ils ont entr'eux des guerres \ en fuppofant quils ne fe fervent de leurs lances que pour harponner le poiffon , ils ne peuvent employer le bouclier à d'autre ufage que pour fe défendre contre les hommes ; cependant nous n'y avons découvert d'autre marque d'hoftilité que le bouclier percé par une javeline dont je viens de parler, 6c nous n'avons apperçu aucun Indien qui parue avoir .1 été blciFé par un ennemi. Nous ne pouvons pas dèci- Ann- i77°» der s'ils font courageux ou lâches. L'intrépidité avec laquelle deux d'entr'eux s'efforcèrent de s'oppoler a notre débarquement dans la Baie de Botanique pendant que nous avions deux bateaux armés, & même après qu'un d'entr'eux eut été bielle avec du petit plomb, nous donne lieu de conclure que non-feulement ils font naturellement braves, mais encore familiariiés avec les dangers des combats, ôc qu'ils font par habitude au (H bien que par nature , un peuple guerrier 6c audacieux. Cependant leur fuite précipitée de tous les autres endroits dont nous approchâmes , fans que nous leur fiilions aucune menace, 6c lors même qu'ils étoient au-delà de notre portée , fembleroit prouver que leur caractère eli d'une timidité Ôc d'une puiillanimité extraordinaires , ôc que ceux-là feuîs qui fe font battus par occaiion , ont lubjugué cette difpoiition naturelle. J'ai fidèlement rapporté les faits ; c'eft au lecteur à juger par lui-même. D'après ce que j'ai dit de notre commerce avec eux , on ne peut pas luppofer que nous ayons acquis une grande connoiftance de leur langage. Cependant comme ce point eft un grand objet de curiofité, fur-tout pour les iàvans, 6c fort important pour les recherches qu'ils font fur l'origine des différentes nations qui ont été découvertes, nous avons pris quelque peine pour nouc procurer un petit vocabulaire de la langue de la Nouvelle - Hollande y qui pût, en quelque manière répondre à ce deilein, 6c je vais expliquer corn- ment nous fommes venus à bout d'en connoitre quelques mots. Quand nous voulions favoir le nom d'une pierre, nous la prenions dans nos mains & nous leur faifions entendre par lignes , le mieux qu'il nous étoit poilible , que nous délirions favoir comment ils l'ap-pelloient. Nous écrivions fur le champ le mot qu'ils prononçoient dans cette occaiion. Quoique cette méthode fût la meilleure de toutes celles que nous imaginâmes , elle pouvoit certainement nous induire dans beaucoup d'erreurs ; car fi un Indien avoit ramailé une pierre & qu'il nous en eût demandé le nom, nous aurions pu lui répondre, un caillou ou un Jllcx ; de môme lorfque nous leur demandions comment ils nommoient la pierre que nous leur montrions , ils prononçoient peut-être un mot qui defi-gnoit l'efpèce & non le genre , ou qui au-lieu de íignifier iimplement la pierre en général , exprimoit qu'elle étoit rabotteuie ou unie- Cependant afin d'éviter les erreurs de cette efpèce autant qu'il dépen-doit de nos foins, plufieurs de nous en ont tiré ces mots k différens tems, Ôc après les avoir marqués, nous avons comparé nos liftes. Nous allons rapporter ceux qui fe font trouvés les mêmes & avoir une figni-fication uniforme , ainfi qu'un petit nombre d'autres qui ont acquis une égale autorité par la fimplicité du fujet & la facilite que nous avons eue k exprimer notre «meftion d'une manière claire & précife. François. François. la tete , les cheveux > les yeux} les oreilles, les lèvres, le ner9 la langue, la barbe , le col y les mammeïles, les mains , les cuijfes , le nombril, les genoux y le pied j le talon , la plante du pied, la cheville du pied, les ongles, le foleil, le feu, une pierre, du fable, une corde, un homme , une tortue mâle , une tortuç femelle, Tome IV, Nouvelle - Hollande. Ann, i7: Août. wageegee. morve. meul. m e lea. yembe. bonjoo. unjar- wallan doomboo. cayo. m a rigai. coman. toolpoor. pongo. edamal. kniorror. chumal. chongurn, kulke. gallan. meanang. walba. yowall. gurka. bama. poinga. rnameingo, S 13 S Voyage Ann. 1770. Août. Francois. * une pirogue, ramer , s'affeoir, uni, un chien, un loriot ( efpèce d'oifeau ), dufang, du bois, l'os qu'ils portent au ne{, un fac } les bras, le pouce, l'index 3 le doigt du milieu & le quatrième doigt, le firmament j un père , un fils, une grande pétoncle ( coquillage connu ) , cocos } ignames > exprefflons que nous croyons être des mots d'admiration & (¡uc les Naturels du pays proferoient continuellement quand ils étoient avec nous. Nouvelle- Hollande, marîgan. pelenyo. takai. mier carra r. cotta ou kota. perpere ou pier-pier. garmbe. yocou. ta pool. charngala. aco, ou acol. eboorbalga. egalbaiga. kere ou kearre. dunjo. jumurre. moingo. rnaracotu. chew, chcrco, yareaw, tut,tut,tut, tut, Je vais finir ma defcription de la Nouvelle-Hollande ^r——SS en faifant quelques obfervations relatives aux courants Ann. 1770. & aux marées qu'on rencontre fur la côte. Depuis le 32d de latitude & un peu plus haut jufqu'au Cap Sandy, qui gît au 24 a 46' de latitude, nous avons trouvé conitamment un courant qui avoit fa direction au Sud & qui faifoit dix ou quinze milles par jour. La différence étoit plus ou moins grande fuivant notre éloi-gnement de terre, car il couroit toujours avec plus de force fur la côte qu'au large. Je n'ai pas pu me convaincre fi le flot venoit du Sud , de 1 Eft ou du Nord ; je penche à croire qu'il venoit du S. E , mais la première fois que nous mîmes à l'ancre à la hauteur de la côte, au 30 ' de latitude à environ dix lieues au S. E. de la Bate de P Outarde, je reconnus qu'il venoit du N, O. Au contraire, trente lieues plus loin au N. O. fur le côté méridional de la Baie de Keppel, je trouvai qu'il venoit de l'Eft, ce fur la partie feptentrionale de cette baie , il venoit du Nord, mais avec un mouvement beaucoup plus lent que quand il partoit de l'Eft. Sur le côté oriental de la Baie des Golfes ( Bay oflnlets ), il portoit fortement à l'Oueft jufqu'à l'ouverture du Canal Large ( Broad Sound)', au côté feprentrional de ce canal, il venoit très-lentement du N. O., & quand nous mouillâmes devant la Baie de Repulfe , il partoit du Nord. Pour expliquer toutes ces différences de direction , il fufhc d'admettre que le flot vient de l'E. ou du S. E. Chacun fait qu'où il y a des golfes profonds & de grandes anfes s'en-fonçant dans des terres baffes, qui montent du lit de Sij la mer & qui ne font pas formées par des rivières d'eau douce , le flot y eft toujours confidérable ôc fa direction déterminée par la pofition 6e le gîfe-ment de la côte qui fait l'entrée de ce golfe , quel que foit fa route en mer. Enfin, où les marées font foi-bles, ce qui arrive ordinairement fur cette côte , un grand golfe attire , fi je puis ainfi parler , le flot dans un efpace de plufieurs lieues. Un coup-d'œil fur la Carte éclaircira ce que je viens de dire. Au Nord du Pajfage de la Pentecôte il n'y a point de grand golfe , 6c par-conféquent le flot porte au N. ou N. O. fuivant la direction de la côte, 6c le juifant au S. ou au S. E. : telle eft du-moins leur route à peu de diftance de terre, car très-près de la côte l'influence des petits golfes fera varier cette direction. J'ai obfervé aufîi que nous n'avions, toutes les vingt-quatre heures , qu'une marée haute qui arrivoit pendant la nuit. La différence entre l'élévation perpendiculaire du flot pendant le jour 6c pendant la nuit, dans les marées hautes , n'eft pas de moins de trois pieds , 6c où les marées font peu confidérables comme ici, cette proportion eft très-forte relativement à toute la différence qui fe trouve entre la haute 6c la baile marée. Nous ne découvrîmes cette irrégularité, qui eft très-remarquable , que lorfque nous eûmes échoué ; peut-être qu'elle eft encore plus grande pins loin au Nord. Quand nous tombâmes une feconde fois dans le récif, nous trouvâmes que les marées étoient plus confidérables que celles que nous avions obfervées auparavant, fi l'on en excepte celles de la rz^r--! Baie des Golfes ; ce qui pouvoit provenir de ce que Al^*i77o* Feau étoit plus renfermée entre les bancs de fable. Le flot porte aufîi au N. O. ici, & il continue dans la même direction , jufqu'à l'extrémité de la Nouvelle-Galles , d'où il prend fon cours à l'O. & au S. O-dans la mer de l'Inde. 4---------5tes—!—gjë^=' f—J—» CHAPITRE VIL Pafjagc de la Nouvelle-Galles méridionale à la Nouvelle-Guinée. Defcription de ce qui nous arriva en débarquant fur ce dernier Pays. En quittant Y Ifle Booby , l'après-midi du Août, ^^N\I77°' n°us gouvernâmes a l'O. N. O. avec de petites fraîcheurs du S. S. O., jufqu'à cinq heures du foir que nous eûmes calme ; Ôc le îlot de la marée portant bientôt après au N. E. , nous mîmes à l'ancre par 8 braifes fond de fable vafeux, IdIJJe Booby nous reftoit au S. ' ^e contmua* de porter au S. O. à petites voiles , avec une brife fraîche du S. E. j E. , & de l'E. S. E. Nous fondâmes à toutes les heures, fans rencontrer de fond à 120 brafTes. Le 7, à la pointe du jour, nous gouvernâmes O. S. O., & enfuite O. S. O., & nous nous trouvâmes à midi au od 30' de latitude S., ¿V au 229a 34' de lonjgitude O. D'après la route que nous avions fuivie depuis notre départ delà Nouvelle-Guinée, nous aurions dû appercevoir les Ifles de Weajèl, qui font marquées dans les cartes a vingt ou vingt-cinq lieues de la côte de la Nouvelle-Hollande ; cependant nous ne vîmes rien ; ainfi il faut croire qu'elles ont été placées d'une manière fautive. On n'en fera pas furpris ii l'on confidère que non-feulement ces Ines,, mais encore la côte qui borde cette mer 3 ont été découvertes 6c examinées par différentes perfonnes & à différens tems, &: que d'autres ont d relié les cartes fur les divers réfultats, peut-être plus d'un fiècle après. Il faut remarquer en outre que les Navigateurs qui ont fait ces découvertes, n'avoient pas, pour tenir un Journal exact , tous les moyens dont nous jouiffons aujourd'hui. Nous continuâmes notre route en gouvernant à l'Oueft jufqu'au foir du 8 , que la variation de l'aiguille , calculée par plufieurs azimuths , étoit de 12d O., & par amplitude de «j d O. Le 9, à midi, notre latitude, par obfervation, étoit de 9 d 46 ' S. , & notre longitude de 232 a 7.' O. Pendant les deux derniers jours-y jours, nous avions gouverné directement k l'Oueft ; -.................■ cependant nous reconnûmes par obfervation que nous Ann- ^?0' avions fait feize milles au Sud , fix milles depuis le midi du G jufqu'au midi du y, ôc dix depuis le midi de ce jour jufqu'au midi du lendemain} ce qui nous fit voir qu'il y avoit un courant portant au Sud. Au coucher du foleil, nous trouvâmes que la variation de l'aiguille étoit de 2d O. , & en même-tems nous apperçûmes une terre très-haute qui nous reftoit au N. O. Le matin du 10, nous reconnûmes clairement que la terre que nous avions vue la veille au foir , étoit Timor. A midi, notre latitude, par obfervation , étoit de iod i ' S. , quinze milles au Sud de celle que nous donnoit le lock. Nous étions , par obfervation , au 233a ij' de longitude O. Afin de découvrir plus dif-tinclement la terre que nous avions en vue, nous gouvernâmes N. O. jufqu'à quatre heures du matin du 11, que le vent fauta au N. O. ôc à l'O , ôc nous fit gouverner au Sud jufqu'à neuf heures. Nous virâmes alors de bord ôc nous mîmes le cap au N. O. avec un vent de l'O. S. O. Au lever du foleil, la terre nous.avoit paru s'étendre de l'O. N. O. au N. E., ce k midi , nous la voyions fe prolonger k l'O. jufqu'à l'O. J S. O. £ S. , mais k l'E. , pas plus loin que le N. ir N. E. Nous étions alors bien aifurés que la première terre que nous avions vue étoit Timor. La dernière lile que nous venions de dépaifer , porte le nom de Timor Laoct ou haut. Laoct eft un mot de la langue Malais qui lignifie mer, ôc les habitans du pays ont donné ce nom k rifle. La partie mèri- Tome IV. X dionale gît au 8d 15' de latitude S., & au 228d 10' de longitude O. ; mais dans les cartes, la pointe méridionale eft marquée à différentes latitudes depuis le 8d 30', jufqu'au 9d 30'. Il eft poifìblc , il eft vrai , que la terre que nous découvrîmes foit quelqu'autre lile, mais on a de très-fortes raiions de préfumer le contraire , car fi Timor Laut étoit à l'endroit où le placent les cartes , nous devrions l'y avoir vu. Nous étions alors au 9d 37' de latitude S., & par une obfervation du folcii & de la lune, au 233a «54/ de longitude Nous étions le jour précédent par Ies 233 a 2-7' ; le lock donnoit précifément la même différence de 27 ', d'où il fuit que f obfervation avoit un degré d'exactitude qu'il faut attendre rarement. L'après-midi nous courûmes fur la côte jufqu'à huit heures du foir , que nous virâmes de bord ôc gouvernâmes au large, étant à environ trois lieues de la terre, qui au coucher du foleil s'étendoit du S. O. - O., au N. E. Nous fondâmes alors ôc nous ne trouvâmes point de fond par 140 braifes. A minuit, comme nous avions peu de vent, nous virâmes de bord une feconde fois ôc portâmes fur la terre , ôc le lendemain, 12, à midi, notre latitude, par obfervation, étoit de 9 d 36' S. Ce même jour nous vîmes de la fumée fur la côte en plufieurs endroits, ôc pendant la nuit nous avions apperçu des feux. La terre paroiffoit très-haute & difpofée en collines s'élevant par degrés les unes au-deflus des autres. Les collines font en général couvertes de bois épais, mais nous pouvions y diftinguer des clarières d'une étendue confidérable ôc qui fembloient être l'ouvrage des hommes. A cinq heures de l'après-midi, nous étions à un demi-mille de la côte par \G brafTes d'eau, en travers 1 1 1 d'un petit golfe qui s'avançoit dans la terre baile. Ce Ann- l77°* golfe gît au 9d 34..' de latitude S. , & c'eft probable- ^tenaí>í ment le même dans lequel Dampierre entra avec fa chaloupe ; car l'eau n'y paroît pas aifez profonde pour un vaiifeau. La terre répond fort bien à la defcription qu'il en a donnée. Près de la grève , elle eft couverte de grands arbres pyramidaux , qui , fuivant lui, ont l'apparence de pins. Derrière ceux-ci , il femble y avoir des criques d'eau falée 6c beaucoup de palétuviers, entremêlés cependant de cocotiers. La terre eft piatte fur le rivage ck femble en quelques endroits s'avancer à deux ou trois milles dans l'intérieur du pays, avant la rencontre de la première colline. Quoique nous n'apperçûftions dans cette partie de fille ni plantations ni maifons , la fertilité du fol & le nombre des feux nous firent juger qu'elle devoit être bien peuplée. Quand nous fûmes a un mille & demi du rivage, nous virâmes de bord 6c portâmes au large. Les extrémités de la cote s'étendoient alors du N. E. | E. à l'O. ~ S. O. y S. Une pointe Baffe, éloignée de nous d'environ trois lieues , en formoit l'extrémité Sud-Oueft. Pendant que nous portions vers la côte, nous fondâmes plufieurs fois , mais nous ne trouvâmes point de fond avant d'en avoir approché a deux milles & demi , 6c alors nous eumes 2-5 brafTes , fond de vafe. Après avoir viré de bord , nous portâmes au large jufqu'à minuit avec un vent du Sud; nous révisâmes enfuite ôc nous gouvernâmes deux heures à Xij s?......mTm....." l'Oueft. Le vent fauta bientôt au S. O, ôc à l'O. S. Ann. 1770. q ? & nous mimes le cap au Sud une feconde fois. cçtc ^ matin du 13 , nous trouvâmes que la variation de l'aiguille , mefurée par amplitude , étoit de id io'O., & par azimttth, de id ij'. A midi, notre latitude , par obfervation , étoit de 9 d 45 ' S. , ôc notre longitude de 234d 1%' O. ; nous étions alors à environ fept lieues de la terre , qui s'étendoit du N. 31 d E. à 10. S. O. i O. Nous avançâmes lentement à f Oueif avec de légères brifes de terre qui fouffloient de l'O. j N. O. pendant quelques heures le matin , Ôc des brifes de mer du S. S. 0 Ôc du S. Le 14, à midi , nous étions à fix ou fept lieues de la terre qui fe prolongeoit du N. -J- N. E. au S. jÏÏd O. ; nous voyions toujours fur la terre baile ôefur les montagnes qui font par-derrière , de la fumée en plufieurs endroits pendant le jour Ôc du feu pendant la nuit. Nous continuâmes à gouverner le long de la côte, jufqu'au matin du , la terre paroif-fant toujours montueufe , mais moins élevée qu'auparavant. En général, les collines aboutiiîènt à la mer, ôedans les endroits où elles ne s'avancent pas loin 3 nous voyions, au-lieu de terres plates ôc couvertes de palétuviers , de grands bocages de cocotiers qui n'étoient qu'à environ un mille de la grève. Les plantations Ôc les maifons commencoient là Ôc fembloient être innombrables. Les maifons étoient ombragées par des bois de palmier - éventail ou Borajjlis , ôc il y avoit des plantations enfermées par des haies jufque fur le fornmet des plus hautes collines. Nous avions continuellement les yeux k nos lunettes , & nous fûmes fort furpris de ne voir ni hommes ni bétail. Ann. 1-70 Septemb. Nous fuivîmes la même route jufqu'à neuf heures du matin du'16, que nous vîmes la petite lue, appellée Rotte ; & k midi , PIfle Scinau ( Simao , fuivant Danville ) , qui gît k la hauteur de l'extrémité méridionale de Timor, nous reftoit au N. O, Dampierre, qui a donné une defcription fore étendue de PIfle de Timor , dit qu'elle a foixante ce dix lieues de long & feize de large, & que fa direction eft k-peu-près N. E. & S. O. J'ai trouvé que le côté oriental de PIfle court prefque N. E. -} E. & S. O. -\- O. & que l'extrémité méridionale gît au 10 d 23 ' de latitude S. & au 236 a 5 ' de longitude O. Nous avons couru environ quarante - cinq lieues, Je long du côté oriental , & nous avons reconnu que cette navigation étoit abfolument fans danger. La terre qui eft bordée par la mer, excepté près de l'extrémité méridionale, eft balìe dans un efpace de deux ou trois milles en-dedans du rivage & entrecoupée en général de criques falées : par-derrière la terre baffe il y a des montagnes qui s'élèvent les unes au-defTus des autres k une hauteur conlidérable. Nous gouvernâmes O. N. O. jufqu'à deux heures de l'après-midi, étant alors à peu de diftance de la pointe Nord de Rotte. Nous mîmes le cap au N. N. O., afín de paflér entre cette Ifle & celle de Semau \ après avoir gouverné trois lieues dans cette direction, nous tournâmes au N. O. & k l'O,, & à fix heures, nous étions hors de toutes les Ifles. A ce tems, la partie méridionale de Semau 9 qui gît au io d 15 ' de latitude S., nous reftoit au N. E. k quatre lieues , & i'ííle de Rotte s'étendoit au S. jufqu'au S. 36a O. L'extrémité feptentrionale de cette Ifle 6c la pointe Sud de Timor font fituées au N. f E, & au S. - O. fune de l'autre, k la diftance d'environ trois ou quatre lieues. A l'extrémité Oueft du paiîàge entre Rotte 6c Semau, il y a deux petites Ifles , dont Tune eft près de la côte de Rotte 6c la feconde k la hauteur de la pointe S. O. de Semau ; on trouve entre les deux , un bon canal, d'environ iix milles de large, à travers lequel nous pafsâmes. L'ifle de Rotte ne paroit pas fi élevée & fi montueufe que Timor, quoiqu'elle foit agréablement entrecoupée par des collines 6c des vallées. Sur le côté feptentrional, il y a plufieurs grèves fablonneufes , près defquelles croifiènt quelques palmiers-éventail, mais la plus grande partie eft couverte d'une efpèce d'arbuftes qui étoient fans feuilles. Semau préfente un afpecf k-peu-près le même que celui de Timor , mais elle n'eft pas fi haute. Sur les dix heures du foir, nous obiervâmes dans le ciel un phénomène qui , k certains égards , reffembloic beaucoup k Taurore boréale ce à d'autres en étoit très-différent : il étoit formé d'une lueur rougeâ-tre & obfcure , qui montoit environ 20d au-deffus de l'horifon : fon étendue varioit par intervalles , mais elle n'étoit jamais moins de huit ou dix pointes de compas. A travers 6c en-dehors de cette première couleur , paifoient des rayons d'une autre couleur plus vive, qui s'évanouiffoient 6c reparoiifoienr à-peu-près au même inftant comme ceux de l'aurore boréale ; Us n'avoient pourtant rien de ce mouvement ondu- latoire & de vibration qu'on obferve dans ce phéno- ___! mène. Le milieu de la lueur nous reftoit au S. S. E. Ann. i77o. du vaifTeau 6c elle dura fans que fon brillant di mi- Sepwmb. nuât jufqu'à minuit ; nous nous retirâmes alors pour nous coucher , Ôc je ne puis pas dire combien elle continua de tems après. Après avoir dépaffé toutes les Ifles qui font placées entre Timor ôc Java , dans les Cartes que nous avions à bord 3 nous gouvernâmes à l'Oueft jufqu'à fix heures du lendemain au matin , 17 , que nous ap-perçûmes , fans nous y attendre , une lile qui nous reftoit à l'O. S. O. Je crus d abord que nous avions fait une nouvelle découverte. Nous courûmes directement defTus, & à dix heures nous étions près de fon côté feptentrional ; nous y apperçûmes des maifons, des cocotiers, & nous fûmes furpris fort agréablement d'y voir de nombreux troupeaux de moutons. C'étoit une tentation à laquelle s dans notre fituation , nous ne pouvions pas réfifter , d'autant que plufieurs de nos gens fe portoient allez mal ôc murmuroient de ce que je n'avois pas touché à Timor. Je réfolus donc d'entreprendre d'établir un commerce avec des habitans qui paroifToient fi fort en état de nous fournir des provifions , afin de diffiper par-là la maladie Ôc le mécontentement qui fe répandoient parmi l'équipage. J'envoyai M. Gore , mon fécond Lieutenant , fur la pinaife , pour voir s'il y avoit quelque endroit commode où l'on pût débarquer ; il prit avec lui quelques bagatelles pour en faire des préfents aux Naturels du pays qu'il rencontreroit. Quand il fut parti, nous dé- couvrîmes du vaiifeau deux hommes à cheval qui ferri-Vnn. 1770. D[0ient fe promener fur les collines, & s'arrêter fou-vent pour regarder notre vaiifeau. Nous reconnûmes par-là que les Européens avoient formé un érabliife-nient dans l'ííle , & nous efpérâmes que nous n'aurions pas à furmonter les circonífanees défagréables qui fuivent toujours les premieres entrevues avec des fauvages. Sur ces entrefaites, M. Gore débarqua dans une petite anfe fablonneufe , près de quelques maifons , & il rencontra huit ou dix Infulaires qui, par leur habillement & leur figure , reffembloient beaucoup aux Malais. Excepté les couteaux qu'ils ont coutume de porter à leur ceinture , ils étoient fans armes ; l'un d'eux conduifoit un âne. Ils invitèrent poliment M. Gore à defeendre à terre, &c ils conversèrent avec lui par lignes ; mais ils ne purent guères s'entendre réciproquement. Il nous rapporta peu de tems après cette nouvelle, & il ajouta, à notre grand regret , qu'il n'y avoit point de mouillage pour le vaiifeau. Cependant, je îe renvoyai une feconde fois avec de l'argent & des marchandifes , afin d'acheter au moins , s'il étoit poffible , quelques rafraîchiife-ments pour les malades ; le Docteur Solander l'accompagna dans le bateau. Pendant ce tems , je louvoyai avec îe vaiifeau qui étoit alors à environ un mille de la côte. Avant que le bateau débarquât , nous apper-çûmes deux autres cavaliers , dont l'un étoit vêtu a l'E uropéenne, portant un habit bleu, une veffe blanche & un chapeau bordé; ces hommes firent peu d'attention au bateau quand il débarqua ; mais ils fe promenèrent en regardant le vaiifeau avec beaucoup dç curioiité. bu Capitaine C o o k. 169 curiofité. Nous vîmes cependant d'autres cavaliers & un prand nombre de perfonnes à pied le rafTembler An'k* I77°' j q a 1 Sepicmb. autour de nos gens, oc nous remarquâmes, avec beaucoup de p'aiiir , qu'on porcou plufieurs noix de coco dans le bateau ; d'où nous conclûmes qu'il s'étoit établi quelque efpèce de commerce. Après que le bateau eut refté a terre environ une heure & demie , il nous fit comprendre par un lignai qu'il y avoit fou-> le vent une baie où nous pourrions mouiller ; nous portâmes directement de ce côté 6c le bateau qui nous (uivoit arriva bientôt à bord. Le Lieutenant me dit qu'il avoit vu quelques-uns des principaux personnages de l'I île qui portoient du linge fin & avoient des chaînes d'or autour de leur col. Il ajoura qu'il rfavoit pas pu acheter des noix de coco , parce que celui à qui elles appartenoient étoit abfent, mais qu'on en avoit envoyé environ deux douzaines en preferii au. bateau, & que les Infulaires avoient accepté quelques toiles en retour. Les Naturels du pays , pour lui donner l'inftruction qu'il demandoit d'eux , tracèrent fur le fable une représentation groiiière d'un havre au-deiîbus du vent 6c d'une ville fituée tout auprès. Ils lui donnèrent aufîi a entendre que nous pourrions nous y procurer une grande quantité de moutons , de cochons , de volailles & de fruits. Quelques-uns d'entr'eux prononçoient fouvent le mot de Portugais 6c faifoient mention de Lamtuca furPIile ¿'Ende. D'après cette circonifance, nous conjecturâmes qu'il y avoit des Portugais en quelques endroits de Pifie, 6e un de nos gens , Portugais de naiffançe, qui étoit dans notre Tome IV. Y bateau, entreprit de converfer dans fa Langue avec les Indiens ; mais il reconnut bientôt qu'ils n'en favoient qu'un ou deux mots par routine. Lorfqu'iSs firent comprendre a nos gens qu'il y avoit une ville près du havre qu'ils nous avoient indiqué , l'un d'eux , pour nous donner un renfeignement qui pût nous guider , nous fit entendre que nous devions examiner quelque chofe qu'il exprima en croifant fes doigts ; notre Portugais imagina à finffant qu'il vouloit nous parler d'une croix. Comme le bateau fe rembarquoit pour revenir à bord, le cavalier habillé à l'européenne s'avança , mais f Officier n'ayant pas fa commijjion fur lui , crut devoir éviter une conférence. A fept heures du foir , nous jettâmes l'ancre dans la baie dont on vient de parler , à environ un mille de la côte, par 38 braifes, fond de fable net. La pointe feptentrionale de la baie nous reftoit au N. 30 d E. à deux milles & demi , & nous avions au S. 63 d O. la pointe Sud ou l'extrémité O. de l'líle. lorfque nous entrâmes dans la baie, nous découvrîmes une grande ville Indienne , vers laquelle nous dirigeâmes notre route , en arborant une flamme fur le fommet du périt mât de hune. Bientôt après, nous fûmes furpris de voir la ville arborer pavillon Hollandois & d'entendre trois coups de canons. Nous continuâmes cependant notre chemin tant que nous eûmes fond, ôc quand il nous manqua, nous mîmes à l'ancre. Le t8 , dès qu'il fut jour , nous apperçûmes le même pavillon fur la grève vis-à-vis du vaiifeau ; je penfaî que les Hollandois avoient un établilfement dans cette ine, & j'envoyai h terre M. Gore, mon Lieutenant, =±=.—7zrz rendre vifîte au Gouverneur ou à la principale per- Ann. 1770. fonne de la place , afin de lui apprendre qui nous étions, ScPtemb-& par quelle raifon nous avions touché k la côte. Il fut reçu , en débarquant ,^ par une garde d environ vingt ou trente Indiens armés de fufils , qui le con-duiiîrent à la ville où le pavillon avoit été arboré ia veille; ils "emportèrent avec eux l'autre pavillon qui avoit été pla^é fur le rivage & marchèrent fans ordre. Quand il fut arrivé , on l'introduifit chez le Raja ou Roi de l'i fie , k qui il dit par un Interprète Portugais , que notre bâtiment étoit un vaiifeau de guerre appartenant au Roi de la Grande-Bretagne , & qu'ayant plufieurs malades k bord , nous avions befoin de quelques-uns des rafraîchiffemens que l'Ifle fournit. Sa Majeffé répliqua qu'elle étoit difpofée k nous procurer tout ce que nous délirions , mais que par l'alliance qu'elle avoit faite avec la Compagnie Follan-doife des Indes Orientales, elle ne pouvoit commercer avec aucun autre peuple, fans avoir au préalable obtenu fon confentement. Le Roi ajouta qu'il ailoit le demander fur le champ k l'Agent de la Compagnie, * qui étoit le feul blanc de l'Ifle. Il envoya k cet homme, qui réfidoit à quelque diftance dans l'intérieur des terres , une lettre par laquelle il l'informoit de notre arrivée & de notre demande : fur ces entrefaites , M. Gore me dépêcha un de fes gens pour m'apprendre fa pofition & fétat du Traité. Au bout d'environ trois heures, le Réfident Hollandois vint répondre en per-fonne à la lettre qu'on lui avoit adreifée ; il s'appelait Jean-Chrijlophc Lange, natif de Saxe, & c'étoit Y ij —""~ la même perfonne que nous avions vue achevai ha! iîlee St*'tl77b* ^ ^eur°P^enne ^ traita M. Gore avec beaucoup de politeilej oc il l'avìura que nous étions les maîtres d'acheter des Naturels du pays tout ce qu'il nous piai-roit. Peu de tems après, il témoigna quelque envie devenir à bord, ainfi que le Roi & plufieurs Indiens de fa fuite. M. Gore leur dit qu il étoit prêt à les y accompagner ; mais ils délirèrent qu'on laifsât deux de nos gens k terre , á quoi mon Lieutenant con-fentit. Ils vinrent tous à bord vers les deux heures, Se notre dîner étant prêt, ils acceptèrent l'offre que je leur fis de le partager avec eux. J'imaginois que fur le champ ils alloient s'affeoir, mais le Roi parut hé-fiter , Se enfin il dit un peu confus, qu'il ne croyok pas que nous autres blancs fouflfirions que lui qui étoit d'une couleur différente s'afsît en notre compagnie. Nos complimens diffipèrent bientôt fes ferupu-les j ôc nous nous mîmes tous k table avec beaucoup de contentement Se de cordialité. Heureufcment nous ne manquions pas d'Interprètes ; le Docteur Solander Se M. Sporing favoient aifez l'Hoilandois pour con-verfer avec M. Lange, 6c plufieurs des matelots pou-voient parler avec ceux des Naturels du pays qui en-tendoient le Portugais. Il arriva que notre dîner con-iiftoit en mouton, Se le Roi témoigna le defir d'avoir un de ces animaux : quoiqu'il ne nous en reffat qu'un , no îs le lui préfentâmes. La facilité avec laquelle il l'obtint, l'encouragea k demander un chien anglois, Se M. Banks lui donna poliment fon lévrier. M, Lange s nous fit entendre qu'il avoit envie d'une de nos lunet- «— tes, & fur le champ nous lui en donnâmes une. Nos Ann. 1770. hôtes nous dirent alors que l'Ifle abondoit en buffles, pte moutons, cochons Se volailles , que le lendemain on en conduiroit une grande quantité fur la grève afin que nous puifions en acheter autant que nous le délirerions. Cette nouvelle nous caufa tant de plaiiir que nous fîmes boire les Indiens Se le Saxon au-delà de leurs -forces. Cependant ils voulurent s'en aller avant d'être entièrement ivres ; ils furent reçus fur le pont, par nos foldats de marine 'fous les armes comme ils l'avoient été lors de leur arrivée. Le Roi par#t curieux de voir faire l'exercice : nous fatisfîmes fa curioiité 6c les foldats firent trois décharges. Il les examina avec beaucoup d'attention, Se il fut fort furpris de l'ordre Se de la promptitude de leurs évolutions , fur-tout de la manière dont ils bandoient leurs fuiils. La première fois, il frappa le platbord du vaiifeau avec un bâton qu'il tenoit dans fa main , 6c il s'écria fort haut que toutes-les batteries ne produifoient qu'un fcul ion. Nous fîmes plufieurs préfents à nos hôtes quand ils partirent , Se nous les fatuâmes de neuf coups de canons auxquels ils répondirent par trois acclamations. MM. Banks Se Solander allèrent à terre avec eux, Se les accompagnèrent à la ville, qui eft compofée de plufieurs maifons , dont quelques-unes font aifez grandes ; ces maifons confinent uniquement en un toît couvert de feuilles de palmier 6c foutenu fur un plancher de bois par des colonnes d'environ •quatre pieds de hauteur. Les habitans préfentèrent à 1.74 Voyage nos Naturalises un peu de leur vin de palmier qui étoit le (vl frais de l'arbre , non fermenté ; il avoit une laveur douce , qui n'étoit pas déiàgréable , ôc MM. Ba.iks Ôc Solander qui revinrent [k bord bientôt après qu'il fut nuit, eipérèrent que cette liqueur pourroit contribuer a la guériion de nos fcorbutiques. Le matin du 19, j'allai k terre, avec M. Banks & plufieurs des Officiers, pour rendre au Roi la vifite qu'il nous avoit faite \ mais mon principal objet étoit de nous procurer quelques-uns des buffles , moutons ôc volailles qu'on nous avoit promis d'amener fur le rivage. Nous fûmes très-mortifiés de trouver que Sa Majefté Ôc les Infulaires n'avoient fait aucune démarche pour tenir leur parole ; cependant nous allâmes à la maifon d'affemblée , conftruite , ainfi que deux ou trois autres, par la Compagnie Hollandoife; elles font diffinguées de celles des Naturels du pays , par deux pièces de bois reffemblant k une paire de cornes de vache ; il y en a une placée a chaque extrémité du faîte qui termine le toît. L'indien dont nous avons parlé plus haut, vouloit certainement repréfenter ces pièces de bois quand il croifoit fes doigts -, mais notre Portugais, qui étoit bon catholique , y vit un figne de croix , ôc vouloit nous perfuader par cette raifon que fes compatriotes avoient un établiffement dans l'Ifle. Nous rencontrâmes en cet endroit M. Lange avec le Roi, qui s'appelloit A Madacho Lomi Djara, accompagné de plufieurs des principaux perfonnages du pays. Nous lui dîmes que nous avions dans le bateau des mar-chandifes de différente efpèce, que nous échangerions contre les rafraíchiíTemens qu'il voudroit nous vendre, gSSSTS: & nous lui demandâmes permifTion deles débarquer , ann.1770. ce qu'il nous accorda. Nous entreprîmes alors de Septemb. convenir du prix des buffles , moutons, cochons, ôcc. que nous avions envie d'obtenir ôc des articles que nous payerions en argent. M. Lange nous quitta dès que nous eûmes entamé cette proposition , ôc nous dit que ces préliminaires dévoient être réglés avec les Naturels. Il ajouta cependant qu'il avoit reçu une lettre du Gouverneur de Concordia dans l'I île de Timor, qu'il nous communiqueroit à fon retour. Comme la matinée étoit fort avancée ôc que nous n'étions pas difpofés k retourner k bord Ôc k manger des falaifons , tandis que nous étions environnés k terre d'alimens beaucoup plus délicats, nous priâmes Sa Majefté de nous faire vendre un petit cochon ôc du riz, Ôc d'ordonner a fes fujets de nous les apprêter. Il répondit très-poliment que fi nous voulions manger de la cuifine de fes fujets, ce qu'il avoit peine k croire , il auroit l'honneur de nous régaler. Nous lui fîmes des remercimens, 6c fur le champ nous envoyâmes chercher du vin k bord. Le dîner fut prêt vers les cinq heures; il fut fervi fur trente-fix plats, ou plutôt fur trente-flx paniers qui contenoient ou du porc ou du riz ; on avoit rempli trois vafes de terre du bouillon dans lequel le cochon avoit été cuit. Ces alimens furent rangés à terre , 6c l'on mit tout autour des nattes pour nous faire aíTeoir. On nous conduiíit enfuite chacun a notre tour vers un trou fait dans le plancher , près duquel il y avoir un homme tenant un vafè fait de feuilles de palmier Ôc rempli dean , qui nous donna k laver. Quand cette opération fut hnie , nous nous plaçâmes autour des plats ôc nous attendîmes le Roi. Comme il ne venoit point , nous le demandâmes , ¿c on nous dit que la coutume du pays ne permettoit pas à la perfonne qui donnoit le repas , de s'afîèoir avec fes hôtes ; mais que fi nous foupçonnions que les mets fuifent empoilonnés , il viendroit en goûter. Nous déclarâmes à finftant que nous n'avions point de pareille crainte , & nous demandâmes aux indiens de ne point s'écarter pour nous d'aucun de leurs ufages d'hofpitalité. Le premier Miniftre ôc M. Lange nous tinrent compagnie, ôc nous fîmes un repas délicieux; nous trouvâmes que le porc & le riz étoient excellens , ôc le bouillon allez bon; mais les cuillers, faites de feuilles de palmier, étoient fi petites , que nous n'eûmes pas la patience de nous en fervir. Après dîner , nous fîmes parler notre vin à la ronde ; nous demandâmes line feconde fois le Roi , penfant que , quoique la coutume de fon pays ne lui accordât pas la liberté de manger à notre table, il pouvoit au moins avoir le plaiflr de boire avec nous ; mais il s'en, exeufa de nouveau en difant que le maître d'un repas ne devoit pas s'enivrer , ôc qu'il n'y avoit d'autre moyen d'éviter cet inconvénient , que de ne pas goûter de vin. Nous ne bûmes cependant pas le nôtre dans l'endroit où nous avions mangé mange le porc & le riz. Dès que nous eûmes dîné ^!mnmMr^ nous quittâmes la maifon , & les matelots & les do- Ann. 1770. meftiques prirent nos places. Ils ne purent pas con- SePtemb-fommer tout ce que nous avions laiiTé, mais les femmes qui vinrent nettoyer les paniers & Ies vafes, les obligèrent d'emporter avec eux ce qu'ils n'avoient pas mangé. Comme le vin échauffe & dilate ordinairement le cœur , nous faifimes le moment où nous crûmes que les Indiens en fentoient les effets pour parler de rechef des buffles & des moutons dont il n'avoit été fait aucune mention jufqu'alors , quoiqu'ils enflent dû nous les amener de grand matin. Notre Saxon , Agent de la Compagnie , nous fit part alors, avec beaucoup de flegme, du contenu de la lettre qu'il prétendoit avoir reçue du Gouverneur de Concordia. Cet Officier, après l'avoir averti qu'un vaiifeau avoit fait voile vers l'Ifle où nous étions alors , lui enjoi-gnoit de 1'aífiííer fi le bâtiment avoit befoin de provi-fions & qu'il en demandât, mais de ne pas fouffrir qu'il refiât plus Iong-tems qu'il n'étoit néceffaire. Il lui recommandoit en outre de ne pas permettre qu'il fît des préfens confidérables aux Indiens de la claffe inférieure, tic qu'il en donnât aucun à ceux d'un rang diilingué. Il avoit la bonté d'ajouter que nous étions les maîtres de donner des verroteries & d'autres bagatelles en échange du vin de palmier & des petits ra^-fraîchiflèmens qu'on pourroit nous fournir. Nous penfâmes tous que cette lettre avoit été fabriquée par le Saxon , qu'il n'avoit inventé ces Tome IV. Z —"""""*' défènfes que pour nous extorquer de l'argent en les Ann. 1770. enfrei2nanc & qu'en nous défendant de faire des ep ' libéralités aux Naturels du pays, il efpéroit les détourner a fon avantage. Nous apprîmes le foir qu'on n'avoit conduit au rivage ni buffles ni cochons, mais feulement un petit nombre de moutons qu'on avoit remmenés avant que nos gens, qui étoient allé chercher de l'argent, puf-fent s'en procurer. Ils achetèrent cependant quelques volailles & une grande quantité d'une efpèce de firop fait de fuc de palmier , qui étoit fort fupérieur aux mclaífes & qui coûtoit beaucoup moins. Nous portâmes nos plaintes k M. Lange , qui imagina un autre fubterfugc. Il dit que fi nous étions allés nous-mêmes fur le rivage , nous aurions pu acheter tout ce que nous aurions voulu ; mais que les Naturels du pays avoient craint de recevoir de l'argent de nos gens, de peur qu'il ne fût contrefait. Nous fûmes indignés que cet homme nous eut caché jufques-là ce fait s'il étoit vrai , ou oiât l'alléguer s'il étoit faux. Cependant j'allai a l'inftant vers la grève, mais je ne vis ni moutons ni bétail , & je n'apperçus aucun endroit dans le voifinage où nous puifions nous en procurer. Pendant mon abfence, Lange qui favoit affez que je ne réuifirois pas mieux que nos gens, dit à M. Banks que les Naturels étoient mécontens de ce que nous ne leur avions pas offert de l'or pour leurs marchandifes , & que fans cet expédient nous ne ferions rien. M, Banks ne crut pas devoir lui ré- pliquer ; il fe leva bientôt après ôc nous revînmes tous à bord , fort mécontens de l'iifue de nos négociations. Pendant le courant de la journée, le Roi avoit promis qu'on nous ameneroit le lendemain du bétail 6c des moutons au rivage, & il nous avoit donné des rai-ions un peu plus plaufibles que celles de l'Agent de la Compagnie. Il nous dit que les buffles étoient fort loin dans l'intérieur du pays, 6c que jufqu'alors il n'y avoit pas eu affez de tems pour les amener. L e lendemain au matin , 20 , nous débarquâmes encore. Le Docteur Solander alla k la ville pour parler a Lange, 6c je reitai au rivage afin de voir quelles proviiions on pourroit y acheter. J'y trouvai un vieil Indien k qui nous avions donné le nom de premier Miniftre, parce qu'il paroiííbit avoir quelque autorité. Voulant mettre cet homme dans nos intérêts , je lui offris une lunette, mais je ne vis rien au marché qu'un petit buffle ; j'en demandai le prix 6c on me répondit qu'il étoit de cinq guiñees, c'eft-k-dire, deux fois autant qu'il valoit ; cependant j'en offris trois. Je crus m'appercevoir que le Maître du buffle penfoit que je le payois affez bien, mais il dit qu'il devoit avertir le Roi de ce que je lui avois offert, avant de pouvoir l'accepter. Il expédia fur le champ un meifager k Sa Majefté qui répondit que le buffle ne feroit paà vendu pour moins de cinq guiñees. Je refufai abfolumcnt d'en donner ce prix, fur quoi on dépêcha un fécond meifager qui refta plus long-tems que le premier. Tandis que j'ac-tendois fon retour, je fus fort furpris de voir le Doc- Z ij teur Solander revenir de la ville fuivi de plus de cent hommes, dont quelques-uns étoient armés de fii fil s & d'autres de lances. Lorfque je demandai la raifon de cette apparence d'hoftilité , le Docteur me dit que M. Lange lui avoit expliqué un Meffage du Roi, qui portoit que fes fujets ne commerceroient point avec nous, parce que nous avions refufé de leur payer leurs marchandifes au-delà de la moitié de leur valeur, ôc que paffé ce jour-là on ne nous permettroit plus de rien acheter en aucune manière. Outre les Officiers qui commandoient le détachement, il y avoit avec eux un homme né à Timor } de parens Portugais , ôc que nous reconnûmes enfuite pour être une efpèce de Collègue du Facfeur Hollandois. Cet homme m'annonça un ordre qu'il prétendoit venir du Roi, & qui contenoit en fubftance ce que le Docteur Solander avoit appris de Lange. Nous crûmes tous que c'étoit un artifice employé par le Facteur pour nous arracher de l'argent , ôc qu'il nous avoit déjà préparés à cette exaction par la prétendue lettre reçue de Concordia. Pendant que .nous délibérions fur les mefures que nous avions à prendre , le Portugais, afin d'accomplir plutôt fon projet, commença à renvoyer les Indiens qui avoient apporté les volailles 6c le fyrop , ôc d'autres qui amenoient des buffles 6c des moutons. En jettanc mes yeux fur le vieillard à qui j'avois donné le matin une lunette, je crus appercevoir dans fes regards qu'il n'approuvoit pas ce qui fe paffoit; c'eft pourquoi je le pris par la main , ôc je lui préfentai un grand fa-bre. Ce préfent eut des fuites favorables pour nous; jD u a p i t a i n £ C o o k. l8l il accepta le fabre avec un tranfport de joie, il l'agita fur la tête du Portugais qui fe mit à trembler: Ann. 177e. Septemb. & il lui ordonna, ainfi qu'à l'Officier qui commandoit le détachement , de s'affeoir derrière. Les Indiens , qui malgré les fpécieux prétextes des injuries Facteurs de la Compagnie Hollandoife, avoient grande envie de nous fournir ce dont nous avions befoin , ôc qui paroiffoient délirer avec plus d'ardeur nos mar-chandifes que notre argent, profitèrent à l'inffant de l'occafion qu'on leur offroit , ôc dans peu le marché fut bien approvisionné. Cependant je fus obligé de payer dix guiñees pour deux bûmes dont l'un ne pe-foit pas plus de cent foixante livres ; mais j'en achetai fept autres à beaucoup meilleur marché , Ôc j'aurois pu m'en procurer autant que je le defirois au prix que j'aurois voulu fixer , car on les amenoit alors en troupeaux fur le rivage. Lange partagea fûrement les profits des deux premiers qui me coûtèrent fi cher ; il ef-péroit également avoir part à la vente des autres ; c'eft pour cela qu'il avoit prétendu que nous devions les payer en or. Les Naturels furent contens de ce que nous leur donnâmes en échange de ceux qu'ils nous cédèrent dans la fuite, ôc ils ne furent point obligés de partager le produit de leur vente avec l'Agent de la Compagnie. La plupart des buffles que nous achetâmes après que le premier Miniftre , notre ami , eut mis de l'ordre dans le marché, ne nous coûtèrent qu'un fufil la pièce, ôc à ce prix nous aurions pu en charger notre vaiifeau. Les rafraîchiifemens que nous prîmes , confif- toient en neuf buffles , fix moutons , trois cochons, Ann. i77o. trente douzaines ¿c volailles , un petit nombre de limons , quelques noix de coco , plufieurs douzaines d'œufs dont la moitié fe trouva pourrie , un peu d'au , ôc quelques centaines de gallons de fyrop de palmier. C H A P I T R E I X. , Defcription particulitte de VIJlc de Savu , de fes pro** diiclions & de fes Habitans y avec un Vocabulaire de la Langue qu'on y parle. Le milieu de cette Ifle, appellée Savu par les Na- -n*****™***^ turéis du pays, gît a-peu-près au iod 3^' de longi- Ann. 1770, tude O.; elle eft íi peu connue , que je n'ai jamais Septemb. trouvé de carte dans laquelle elle fût marquée nettement ou avec exactitude. J'en ai vu une très-ancienne qui la nomme Sou , ce qui la confond avec Sandel Bofch. Rumphius parle d'une Ifle de Saow , & il dit auili que c'eft la même que les Hollandois appellent Sandel Bofch. L'Ifle de Savu eft différente de celles dont on vient de faire mention , ainfi que de Timor, de Rotte ôc de toutes les autres liles que nous avons rencontrées dans ces mers & qui font placées à une affez grande diftance de la véritable fituation de Savu. Elle a environ huit lieues de long de l'E. k l'O. ; je ne fais pas quelle eft fa largeur , parce que je n'en ai examiné que le côté feptentrionaf Le havre dans lequel nous mouillâmes eft appelle Seba, du nom du diftrici: où il eft fitué ; il gît fur le côté N. O. de fille ; il eft k l'abri du vent alifé de S. O. , mais il eft ouvert au N. O. On nous apprit qu'il y a deux autres baies où les vaiflèaux peuvent mettre a l'ancre \ que la meilleure, appellée Timo , eft fur le coté S. O. de la pointe S, E. ; on ne nous a dit ni le nom ni la fituation de la troiiième. La côte de la mer eft bafte en général , mais il y a des collines d'une élévation coufi-dérable au milieu de l'Ifle. Nous étions fur la côte à la fin de la faifon fècbe; il n'y étoit point tombé de pluie pendant fept mois ; & l'on nous a affuré que lorfque cette féchereffe dure fi long-tems, on ne trouve pas dans toute l'Ifle un fcul courant d'eau douce , mais feulement de petites fources , qui font à une fort grande diftance de la mer ; cependant on ne peut rien imaginer de plus beau que l'ai peci: du pays, vu du lieu de notre mouillage. Le terreur uni près de la grève eft rempli de cocotiers & d'une efpèce de palmier, appelle Arecas ; par derrière , les collines qui s'élèvent infenfiblement 6c avec régularité font richement couvertes jufqu'aux fommets, de plantations de palmier-éventail , qui forment des bocages prefque impénétrables au foleil. Chaque pied de ter-rein entre les arbres eft garni de verdure, de maïs, de millet & d'indigo ; 6c lorfqu'on ne connok pas la magnificence & la beauté des arbres qui ornent cette partie de la terre , il n'y a qu'une imagination forte qui puiffe fe peindre tous les charmes de cette perfpcc-tive. La faifon feche commence en Mars ou Avril, 6c finit au mois d'Octobre ou de Novembre. Le palmier-éventail , le cocotier , le tamarin , le limonier , l'oranger 6c le mangue font les principaux arbres de cette Ifle ; 6c entr'autres productions végétales , le fol fournit du maïs, du bled - farrafin , du riz, riz , du millet , des callivanccs ôc des melons d'eau. "*" ' Nous y avons vu auili une canne a fuere , quelques Ann i77°' efpèces de légumes d'Europe ôc en particulier du ^eptemb. céleri , de la marjolaine, du fenouil Ôc de l'ail. Pour fournir aux befoins de luxe ôc de fantaifie , les Infu- laires de Savu ont du bétel , de l'areque , du tabac , du coton , de l'indigo ôc une petite quantité de ca- nelle , qu'ils femblent ne planter que par curioii- té ; je doute même fi c'eft de la véritable canelle, les Hollandois ayant un très-grand foin de ne pas laiifer hors des Ifles dont ils font les maîtres les arbres qui produifent les épiceries. Outre les fruits que je viens de décrire , il y en a cependant plufieurs efpèces d'autres , ôc en particulier le fruit doux du favonier qui eft très-connu dans les Ifles d'Amérique , ôc un petit fruit ovale appelle blimbi ; ils croiffent tous deux fur des arbriffeaux. Le blimbi a environ trois ou quatre pouces de long; dans le milieu il eft de l'épaiifeur du doigt, ôc il fe termine en pointe a chaque extrémité. Il eft couvert d'une pellicule très-mince d'un verd clair, ôc l'intérieur contient un petit nombre de femen- ces , difpofées en forme d'étoiles : fa faveur eft peu forte Ôc d'un acide agréable , mais on ne peut pas le manger crud. On dit qu'il eft excellent mariné , ôc cuit à l'étuvée , il nous donnoit une faucc aigrelette très-agréable pour nos alimens bouillis. Parmi les animaux apprivoifés dans l'Ifle , on compte le buffle , le mouton , la chèvre, le cochon , la poule , le pigeon, le cheval, l'âne, le chien Ôc le Tome IV. A a ■^—"-tt chat qui y font tous en grande quantité. Les buffles \nn. ¿770. différent beaucoup des bêtes à cornes d'Europe ; leurs oreilles font plus grandes ; ils ont la peau prefque fans poil ; leurs cornes font recourbées Tune vers l'autre , & fe prolongent toutes deux fe rejet-tant en arrière*, & ils n'ont point de fanons. Nous en avons apperçu plufieurs aufîi gros que nos bœufs d'Europe qui ont pris tout leur accroiifement, ôc il doit y en avoir quelques-uns qui le font bien davantage , car M. Banks a vu une paire de cornes qui avoient trois pieds neuf pouces ôc demi de la pointe de l'une k celle de l'autre; quatre pieds un pouce ce demi dans leur plus grande diftance de fune à l'autre, ôc le demi-cercle qu'elles formoient fur le front s'élevant a fept pieds fix pouces & demi de hauteur. Il faut obferver cependant qu'un buffle quelconque de l'Ifle de Savu , ne pefe pas plus de la moitié d'un bœuf d'Angleterre de la même grandeur. Ceux que nous imaginions pefer quatre cens livres , n'en pefoient que deux cens cinquante ; parce que fur la fin de la faifon feche, leurs os font a peine couverts de chair : il n'y a pas une once de chair dans toute la carcadè, ôc fur les côtes ils n'ont a la lettre que la peau ôc les os. La chair en eft fucculente & d'un bon goût, ôc je crois qu'elle vaudroit mieux que celle de nos bœufs , fi les buffles ne mouroient pas de faim dans ce pays brûlé par le foleil. Les chevaux ont onze à douze palmes de haut, mais malgré leur petiteiîè, ils font agiles*& pleins de feu, fur-tout en marchant le pas qui eft leur allure commune. Les habitans les montent ordinairement fans felle , & ils n'ont pas d'autre bride qu'un licou. Les moutons font de l'efpèce qu'on appelle en Angleterre, moutons de Bengale , Ôc ils diffèrent des nôtres à plufieurs égards. Au lieu de laine , ils font couverts de poil ; ils ont les oreilles très-grandes ôc pendantes au-deffous des cornes; leur mufeau eft arqué, on croit qu'ils ont quelque reffemblance avec la chèvre, Ôc c'eft pour cela qu'on les appelle fou vent cabritos. Leur chair eft auffi maigre que celle du buffle , fans faveur , ôc elle nous parut plus mauvaife que celie de tous les moutons que nous avions jamais mangés. En revanche, nous n'avons point vu de cochons auffi gras que ceux de ce pays, quoiqu'on nous ait dit qu'ils fe nourriffoient principalement de gonfles de riz ôc de fy-rop de palmier difTout dans l'eau. Les volailles font principalement de grofles poules , dont les œufs font d'une petiteffe remarquable. Nous ne connoiffons qu'un petit nombre des poif-fons que la mer y produit : on trouve quelquefois des tortues fur la côte , ôc les Infulaires , ainfi que tous les autres peuples , les regardent comme un excellent manger. Les Naturels du pays font d'une taille au-deffbus de la moyenne; les femmes fur-tout, font trek - petites ôc trapues : leur teint eft d'un brun foncé , ce leurs cheveux font univerfellement noirs Ôc liftes. Nous n'avons point remarqué de différence dans la couleur des riches ôc des A a ij ...... pauvres , quoique dans les Ifles de la mer du Sud , Vnn, 1770. ceux qt]- pont pjus CXp0fés aux injures de l'air foient k-Septenr. peu-pr£s auili bruns que les habitans de la Nouvelle-îlollande, candis que les perfonnes d'un rang plus diffin-gué, ont le teint prefque auili beau que les Européens. Les hommes font en général bien-faits, vigoureux & actifs, & leurs traits, leur taille font plus variés qu'ils ne le font communément entre les habitans d'un même pays. Les femmes, au contraire, ont toutes la même phyfionomie. Les hommes attachent leurs cheveux au fommet de la tête avec un peigne , les femmes les nouent par derrière d'une maniere qui ne leur lied pas bien. Les deux fexes s'arrachent les poils fous les aiifelles , ôc les hommes en font de même de leur barbe ; ceux d'un rang au-deifus du commun portent pour cela des pincettes d'argent fuipcndues a leur col avec un cordon. Il y en a quelques-uns qui laiifent quelques poils fur la lèvre fupérieure; mais ils les tiennent toujours courts. L'habillement des deux fexes c£t d'une étoffe de coton, dont le fil, teint en différens bleus, produit une couleur changeante qui , k nos yeux , n'étoit point défagréable. Cette étoffe fe fabrique dans le pays : leur vêtement eft compofé de deux pièces qui ont chacune environ deux verges de long, & une verge ôc demie de large. L'une fe replie autour des reins , ôc l'autre couvre la partie fupérieure du corps. Les hommes ferrent fur la chair k la réunion des cuifTes , le bord inférieur de la piece qui enveloppe leurs reins , en laiifant l'autre bord plus lache , de maniere k former une efpèce de ceinture pliffée qui leur fert de poche, Ôc où ils mettent leurs couteaux & les autres petits meubles qu'ils portent avec eux. Ils paffent l'autre piece en defîous cette ceinture par derrière , ôc ramènent l'un des bouts par - deffus l'épaule gauche, & l'autre par-deffus la droite, pour les faire tomber fur la poitrine & les rattacher a la ceinture par devant; de maniere qu'en étendant ou en refïèrrant les plis, ils peuvent couvrir leur corps plus ou moins, fuivant qu'ils le jugent k propos. Ils ont toujours les bras , les jambes & les pieds nuds. La différence de l'habillement des deux fexes confine principalement dans la manière dont eff arrangée la piece qui fert de ceinture; les femmes , au lieu de ferrer le bord inférieur ôc de Iaiffer flotter en poche celui d'en haut, ferrent au contraire la partie fupérieure, Ôc laiifent retomber en jupon jufqu'aux genoux celle d'en bas. Elles ne panent pas non plus la piece qui couvre le corps par-deifous la ceinture en devant 3 mais elles l'attachent fous les bras, Ôc s'en couvrent la gorge avec la plus grande décence. J'ai déjà obfervé que les hommes attachoient leurs cheveux au fommet de la tête, ôc que les femmes les nouent en touffe par derrière ; mais il y a dans leur ajuflement de tête une autre différence qui diftingue les fexes. Les femmes n'ont rien qui leur tienne lieu de chapeau , ôc les hommes ont toujours autour de la tête , une efpèce de bandeau qui n'eil pas large , mais des plus belles étoffes qu'ils peuvent fe procurer. Nous en avons vu quelques - uns qui em-ployoient des mouchoirs de foie , ôc d'autres , une ^zzzr^z toile de coton ou mouiTeline fine , dont ils font une bw. 1770. forCe ¿g petjt turban. beptemb. 1 L'exemple de ces peuples prouve bien que l'amour de la parure eft une paifion univerfellc ; car ils ont un très grand nombre d'ornemens. Quelques perfonnes d'un rang au-deifus du commun , portent des chaînes d'or autour de leur col ; mais elles font faites d'un fil treifé , & par conféquent légères & de peu de valeur ; d'autres ont des bagues fi ufées , qu'elles fem-blent leur avoir été tranfmifes de pere en fils dans une fuite de plufieurs générations. Un d'eux avoit une canne a pomme d'argent avec une efpèce de chiffre contenant les lettres Romaines V, O, C, ; comme c'eft la marque de la compagnie Hollandoife des Indes orientales , il l'avoit probablement reçu d'elle en préfent. Nous leur avons vu aufti quelques orne-mens de grains de verre en forme de colliers ou de bracelets ; ils font communs aux deux fexes , mais les femmes ont en outre des cordons ou ceintures des mêmes grains avec lefquels elles attachent leurs jupons. Les deux fexes, fans aucune exception , ont les oreilles percées ; cependant nous n'avons jamais ap-perçu qu'ils y mettent des pendans. Nous n'avons vu perfonne porter d'autres vêtements que ceux de fufage ordinaire, excepté le Roi, qui avoit une efpèce de robe de chambre d'une toile des Indes groffière , & fon Miniftre , qui nous reçut une fois en robe noire. Nous avons rencontré quelques en-fans d'environ douze ou quatorze ans qui avoient des cercles en ligne fpirale d'un gros fil de cuivre - paffé trois ou quatre fois autour de leurs bras, au- Ann. 1770. deífous du coude , ôc quelques hommes qui avoient ^ePtem^' fur la même partie du corps des anneaux d'ivoire de deux pouces de large , ôc de plus d'un pouce d'épaif- feur. On nous a dit que les fils feuls des Rajas ou des Chefs portoient ces ornemens incommodes comme une marque de leur haute naiifanee. Presque tous les hommes tracent leurs noms fur leurs bras en caractères ineffaçables d'une couleur noire, & les femmes s'impriment de la même manière au-deffous du pli du coude, une figure quarrée qui contient des deffeins de fleurs. Nous fûmes frappés de la reifemblance qui fe trouve entre ces marques ôc le Tattow des Infulaires de la Mer du Sud ; & faifant des recherches fur leur origine , nous apprîmes que les Naturels du pays avoient adopte cet ufage long-tems avant que les Européens arrivaient parmi eux; ôc que dans les Ifles voifines, les habitans tracent des cercles fur leurs cols ôc leurs poitrines. Ce feroit un objet de recherches curieufes que cette pratique uni-verfelle qui règne chez les fauvages de toutes les parties du monde , depuis l'extrémité la plus feptentrionale de l'Amérique jufqu'aux Ifles des Mers du Sud , & qui , probablement diffère très-peu de la méthode qu'employoient les anciens Bretons pour imprimer fur leurs corps de pareilles marques (a). (<0 ML BoiTu rapporte ]e fait fuivant dans la defcription quii a donne de quelques Indiens qui habitent les bords de YM¡ti(át rivière ! Les maifons de l'Ifle de Savu font toutes bâties fur ^sT*temb°* ^ m^me P'an ' c^es ne afférent °iue par l'étendue. Elles font plus ou moins grandes en proportion du rang & de la richeife de celui qui en eft le maître. Quelques-unes ont jufqu'à quatre cens pieds de long, èk d'autres n'en ont pas plus de vingt ; elles font toutes élevées fur des piliers ou colonnes d'environ quatre pieds de haut, dont un des bouts eft enfoncé en terre & l'autre porte un plancher folide de bois ; de forte qu'il y a entre le plancher & le terrein fur lequel eft bâtie la mai-fon, un efpace vuide de quatre pieds. Ils placent fur ce plancher d'autres poteaux ou colonnes qui foutien-nenc un toît incliné , dont le faîte eft femblable a celui de nos granges. Les bords inférieurs de ce toît, qui eft couvert de feuilles de palmier, defcendent à deux pieds du plancher ; l'intérieur eft ordinairement divifé en trois parties égales \ la partie du milieu ou le centre eft enfermé des quatre côtés par une cloifon qui s'élève d'environ fix pieds au-deflus du plancher. Ils ménagent auili quelquefois deux petites chambres dans les côtés ; le refte de fefpace au-deifous du toît de l'Amérique feptentrionale qui prend fa fource dans le nouveau Mexique & qui a fon embouchure dans le Mijjijjipi. «Les Akanfas, dit-il, m'ont « adopté pour leur compatriote , & comme une marque de ce pri-a> vilège , ils m'ont imprimé fur la cuifie une figure de chevreuil. 3j Voici comment ils ont fait cette opération : un Indien après avoir « brûlé de la paille en délaya les cendres dans l'eau 3 & avec cette » compofition , il traça fur ma peau la figure de l'animal dont je viens ai de parler. Il la retraça une feconde fois 3 en donnant fur chaque a> point de la ligne des coups d'aiguille qui tiroient le fang : Ie fang « mçjé avec les cendres de la paille forme une figure qui ne peut v jamais s'effacer». Voyez Voyage d la Louîfiane, vol. E P-l0« eft eft ouvert, de façon qu'il admet librement Pair & la - " lumière. Le peu de féjour que nous avons fait dans Ann. 1770. Flíle ne nous a pas permis d'apprendre i'ufage de ces SePtcmb' divers appartemens ; nous lavons feulement que la chambre ménagée dans le centre eft deftinée aux femmes. Ces indiens fe nourriffent de tous les animaux appri-voifés du pays ; le cochon eft celui qu'ils eftiment le plus , & le cheval tient le fécond rang ; après le cheval, ils mettent le buffle au nombre des meilleurs alimens , enfuite la volaille ; & ils préfèrent le chien ce le chat au mouton ôc à la chèvre. Ils n'aiment pas le poiifon ; je crois qu'il n'y a que les pauvres qui en mangent, Ôc encore faut- il pour cela qu'ils fè trouvent près du rivage. Lorfque leurs affaires les y conduifent , ils portent autour de leur ceinture un petit filet qui fait partie de leur habillement ôc dont ils fe fervent pour prendre les petits poiiîons qui font pour ainfi dire fous leur main. J'ai fait mention plus haut des végétaux ôc des fruits comeftibles de l'Ifle ; mais le palmier-éventail demande une defcription particulière ; car dans certains tems de l'année , c'eft prefque l'unique nourriture des hommes ôc des animaux. Les fnfulaires de Savu tirent de cet arbre une efpèce de vin appelle Toddy ; ils coupent pour cela les bourgeons qui doivent produire des fleurs, peu de tems après qu'ils font fortis de la tige \ ôc ils attachent au-deifous de petits vafes faits de feuilles fi bien jointes l'une à l'autre, qu'ils reçoivent la liqueur fans la laiflêr s'écouler. Des hommes Tome IV* miJ"1*— monrent matin & foir fur les arbres pour recueillir le Ann. 1770 fuc qUj tombe dans ces vafes, & qui fert de boiílbn Stpiemb. orciJnaire à tous les habitans ; mais ils en tirent encore une beaucoup plus grande quantité que celle qu'ils employent à cet ufage, & de cet excédent ils font un fyrop & du fuere groíTier. La liqueur eft appellée JJiia ou Duac, & ils donnent au fyrop 6c au fuere le nom de Gula. Ils fabriquent le fyrop en faifant bouillir la liqueur dans des pots de terre , jufqu'à ce qu'elle foit fufnfammcnt épaiiïè. Ce fyrop reflémbie beaucoup aux melaffes , mais il eft un peu plus épais, & il a un goût plus agréable. Le fuere eft d'un brun rougeâtre , & peut-être le même que le fuere Jugata du continent de f Inde ; nous l'avons trouvé meilleur que toutes les cannes à fuere non rafinées que nous ayons jamais goûtées. Nous craignîmes d'abord que le fyrop dont nos gens prenoient une grande quantité , ne leur caufât la diftenterie , mais il eft il peu relâchant , qu'il nous fut plutôt falutaire que nuifible. J'ai déjà obfervé qu'on le donne aux cochons mêlé avec des gouifes de riz, & qu'ils deviennent énormément gras , fans prendre aucune autre nourriture. On nous a dit que les habitans fe fervoient auffi de ce fyrop pour engraiifer leurs chiens 6c leurs volailles , & qu'eux-mêmes vivoient de ce feul aliment pendant plufieurs mois, lorfque les autres récoltes leur man-quoient , & que les nourritures animales étoient rares. Outre les vafes dont je viens de parler, ils fe fervent encore des feuilles du palmier-éventail pour couvrir leurs maifons, pour faire des paniers, des coupes , des paillaf-fons & des pipes à fumer. Le fruit n'eft pas fort eftime , & comme on fait des incitions aux bourgeons pour le Tuac ou le Toddy , il en refte fort peu k cueillir. Il eft k _____ peu près de la grandeur d'un gros turnep , & recouvert Ann. 177' comme la noix de coco , d'une enveloppe fibreufe, SePtemb fous laquelle il y a trois amandes qu'il faut manger avant qu'elles foient mûres ; car elles deviennent fl dures , qu'on ne peut pas les mâcher. Quand elles font bonnes à manger , elles ont une faveur affez femblable à celle de la noix de coco verte, & probablement elles donnent comme elle une nourriture aqueufe 6c peu fubftantielle. L'apprêt de leurs alimens confifte ordinairement à les faire bouillir, & comme le bois k brûler eft très-rare , 6c qu'ils n'ont ni charbon ni tourbe, ils ont inventé un expédient qui n'eft pas entièrement inconnu en Europe , mais qu'on n'emploie guères que dans les camps. Ils creufent par - deffous terre un trou dans une direction horifontale d'environ deux verges de long, comme le terrier d'un lapin, 6c ils font une grande ouverture a Tune des extrémités & une petite à l'autre. Ils mettent le feu par la première , 6c la feconde fert k donner une iííue a l'air. Ils percent quelques trous ronds au-deifus de ce fil-lon creufé , & ils mettent fur ces trous des pots ' de terre qui font larges au milieu & pointus vers le fond ; de forte que le feu agit fur une plus grande partie de leur furface. Chacun de ces pots contient ordinairement huit a dix gallons ; on ne voit pas fans étonne-ment combien il faut peu de feu pour faire bou-illir Peau \ une feuille de palmier ou une tige de plante fèche , jettée de tems en tems dans le foyer , fuffit Bb ij Septemb. pour cela. C'eit de cette manière qu'ils cuifent tous leurs Ann. 1-70 a]jmens 9 & qu'ils font leurs fyrops & leurs fueres. Il paroît par le voyage de Frézier dans la mer du Sud , que les Péruviens avoient une pratique à-peu-près fem-blable, & peut-être que les pauvres gens d'un pays où le bois eff cher pourroient l'adopter avec avantage. Les deux fexes font dans la mauvaife ôc perni-cieufe habitude de mâcher du bétel 6c de l'areque ; ils la contractent dès leur enfance , & depuis le matin jufqu'au foir , ils ne font autre chofe. Ils mêlent toujours avec le bétel ôc l'areque une efpèce de chaux blanche faite de pierre de corail 6c de coquillages, 6c fouvent une petite quantité de tabac ; ce qui leur rend la bouche extrêmement dégoûtante a l'odorat & à la vue. Le tabac infecte leur haleine , 6c le bétel 6c la chaux pouriifent leurs dents Ôc les noirciffent comme du charbon. J'ai vu des hommes de vingt ou trence ans, dont les dents de devant étoient cariées jufqu'à la gencive ; ils n'en avoient pas deux qui fuifent exactement de la même longueur & de la même épaiffeur ; mais elles étoient rongées d'une manière inégale , comme le fer l'eft par la rouille ; ce qu'on attribue , fi je ne me trompe , a l'habitude de mâcher des noix d'areque , dont l'enveloppe eft dure ôc fibreufe ; mais je crois que la chaux en eft la feule caufe. Les dents des Indiens ne font ni ébranlées , ni rompues , ni hors de la gencive , comme elles le feroient fans doute s'ils mâchoient continuellement des fubftanccs dures ; mais elles fe rongent peu a peu, ainfi que les métaux qu'on expofe a l'action d'un acide puiiTanc. Lors même qu'il ne paroît point de dents au-deifus de la gencive , la racine adhère ^ - ^ toujours fortement à l'intérieur. Ceux qui foutiennent que le fuere gâte les dents des Européens , ne fe trompent peut-être pas ; car on fait que le fuere rafiné contient une quantité confidérable de chaux ; & fi l'on doute que la chaux détruife les os, de quelque efpèce qu'ils foient, on peut s'en convaincre par l'expérience. Lorsque les Infulaires de Savu ne mâchent pas du bétel & de l'areque , ils fument. Voici comment ils s'y prennent pour cette opération ; ils roulent un peu de tabac ; ils le mettent au bout d'un tube d'environ fix pouces de long , fait d'une feuille de palmier , & de la groiîeur d'une plume d'oie. Comme la quantité de tabac que contiennent ces pipes eft très-petite ; afin d'en augmenter l'effet, ils avalent la fumée , ce qui arrive fur-tout aux femmes. On ne connoît pas avec certitude l'époque où les Naturels de l'Ifle fe font réunis en fociété civile ; mais aujourd'hui elle eff partagée en cinq principautés ou Nigrées : Laaî , Scba , Regeeua y Timo & Mofara, dont chacune eft gouvernée par fon Rajah ou Roi particulier. Le Rajah de Scba , dans le domaine duquel nous débarquâmes, fembloit avoir beaucoup d'autorité , fans être environné de beaucoup de pompe ou d'appareil, & fans qu'on parût avoir beaucoup de refpecf pour fa perfonne. Il avoit environ trente-cinq ans , & c'étoit l'homme le plus gras de toute l'Ifle. Il nous parut phlegmatique & pefant & fe laiifant conduire r r^r^r^ par le vieillard , qui , en dépit des artifices & de la Ann.1770- cupidité des Facteurs Hollandois, avoit mis de ('ordre Septemb. (jans je marché , lorique nous lui eûmes donné un labre. Ce Miniftre s'appelloit Mannu Djarmt ; 6c l'on peut fuppofer avec raiion, qu'il avoit des talens & une intégrité peu commune , puifque malgré 1 autorité que lui donnoit fon titre de favori du Prince , il étoit aimé de tout le diftricL On nous a dit que lorfquil s'élève des différens parmi les Naturels du pays , le Rajah & fes Confeillers les terminent fans délai 6c fans appel , mais après une mûre délibération 6c avec la juftice la plus impartiale, M. Lange nous apprit que les Chefs qui avoient fuc-ceifivement gouverné les cinq principautés de cette lile vivoient entr'eux depuis un tems immémorial dans la plus étroite alliance 6c la plus cordiale amitié ; cependant il ajouta que ce peuple eft naturellement brave 6c guerrier , 6c qu'il s'eft défendu courageufement contre les ennemis étrangers qui ont tenté des inva-fions fur leur Jfle. Il nous dit auffi que l'Ifle peut mettre en campagne dans peu de jours fept mille trois cents combattane, armés de fufils , de javelines , de lances ôc de boucliers. Laai en fournit pour fa part deux mille fix cents ; Scba , deux mille ; Regceua , quinze cents ; Timo, huit cents, 6c MaJJara, quatre cents. Outre les armes dont je viens de faire mention, chaque homme porte une hache d'armes, reifemblant à un croiffant a émonder , excepté qu'elle eft plus étroite , mais plus peíante ; 6c ce doit être un infiniment terrible , lorfque les foldats ont le courage d'approcher de l'ennemi. On nous a aifuré qu'ils font fi adroits ¿k fi vigoureux î^^^u qu'ils lancent leurs javelines a foixante pieds, droit au Ann. 1770 cœur de leur ennemi , 6k qu'ils le percent d'outre en outre. Nous ne déciderons pas il cette* réputation de bravoure des Infulaires de Savu eft bien fondée; mais pendant notre féjour dans flile nous n'en avons point vu d'exemple. Nous avons remarqué il eft vrai dans la Maifon-de-Ville , ou maifon d'aflëmblée, une centaine de javelines 6c de boucliers dont s'armèrent les Indiens qui furent envoyés k notre marché pour nous intimider; mais il nous parut que c'étoient des reftes de vieilles armures ; il n'y avoit pas deux javelines de la même force 6k de la même longueur ; les unes avoient fix pieds de long , 6k les autres en avoient feize. Nous n'apperçûmes point de lances , 6k quoique les fuiils fuifent polis en dehors , cependant la rouille , en rongeant l'intérieur, y avoit formé des trous. Les foldats fembloient connoître il peu la difeiplinc militaire , qu'ils marchoient fans aucun ordre : chacun d'eux , au-lieu de bouclier , avoit un fac rempli de tabac ou de quelque autre marchandife pareille , tous cher-choient à profiter de cette occafion pour nous les vendre. Prefque toutes leurs gibernes étoient mal fournies de poudre 6k de balles , quoiqu'ils euffent mis dans les trous un petit morceau de papier pour fauver les apparences : nous vîmes k la Maifon-de-Ville quelques pierriers 6k des Paîcraros , 6k un grand canon à l'entrée. Les pierriers 6k les Patcraros n'avoient point d'aifuts , 6k le canon étoit fur un tas de pierres attaqué par-tout de la rouille ; on avoit tourné le trou -—LUJMI"'' de la lumière eu en-bas , probablement pour cacher Ann. 1770. fa lafgeur 9 qui peut-être n'étoit guères moindre que Sepcem . ^ pemD0UCnure> Nous n'avons pas découvert qu'il y ait parmi ces peuples un rang intermédiaire entre le Rajah ce les propriétaires des terres. Ceux-ci font refpecfables à proportion de l'étendue de leurs poiîeiîions; les claiîes inférieures font compofées de manufacturiers, de pauvres journaliers ôc d'efclaves. Les efclaves, comme les payfans de quelques parties de f Europe, font attachés à la glebe ; on les vend 6c on les tranfmet avec les terres ; mais quoique le propriétaire foit le maître de vendre fon efclave, il n'a point d'autre autorité fur fa perfonne; il ne peut pas même le châtier fans l'aveu Ôc le confentement du Rajah. Certains propriétaires ont cinq cents efclaves, & d'autres n'en ont pas une demi-douzaine ; la valeur commune d'un efclave eft celle d'un cochon gras. Lorfqu'un homme de diftinétion paroît en public , il en a toujours deux ou un plus grand nombre à fa fuite. L'un d'eux porte une épée ou un coutelas dont la poignée eft ordinairement d'argent ôc ornée de grandes touffes de crin de cheval ; un autre porte un fac qui contient du bétel, de l'areque, de la chaux ôc du tabac. Cette fuite compofe toute leur magnificence, car le Rajah lui-même n'a pas d'autres marques de diftinefion. Une longue fuite d'ancêtres refpecfables forme le principal objet de la vanité de ce peuple, ainfi que de tant d'autres ; 6c le refpect pour l'antiquité femble ctre porté ici beaucoup plus loin que dans aucun autre autre pays. Une naaifon , qui a été habitée pen- — dant pluiieurs générations, devient prefque facrée, & ^eptemb°" il y a peu de marchandifes de befoin ôc de luxe qui ait un auffi grand prix que les pierres fur lefquelles on s'eft ailis pendant long- tems , & qui par - la font devenues polies. Ceux qui peuvent acheter ces pierres ou qui les acquièrent par héritage, les placent autour de leurs maifons , 6c elles fervent de lièges aux perfonnes de la famille. Chaque Rajah drcfTe dans la principale ville de fa province ou Nigrce, une grande pierre qui fert de monument à fon règne. Il y avoit dans la première ville du canton de Saba ou nous étions, treize de ces pierres , outre plufieurs fragmens d'autres qui y avoient été mifes plus anciennement & qui avoient été détruites par les années. Ces monumens fem-blent prouver que depuis une époque fort éloignée , il y a dans cette partie de f Ifle quelque efpèce d'éta-bliffement civil. Les treize derniers règnes en Angleterre renferment un efpace d'un peu plus de 276 ans. Plusieurs de ces pierres font fi grandes, qu'il eft difficile de concevoir par quels moyens on a pu les amener au fommet de la colline où elles font placées. La terre eft remplie de monumens de la force de l'homme, qui femblent fort au-deffus des forces de la méchanique actuelle , quoiqu'aidée dans ces derniers temps par les progrès des Mathématiques. En Angleterre , il rette un grand nombre de monumens fem-blables des fiècles de barbarie, fans compter ceux de la plaine de Salisbury. Tome IV. Ce 2.0 Z Voyage Ces pierres ne fervent pas feulement à rappeller les règnes des différens Princes ; on les emploie encore pour un ufage beaucoup plus extraordinaire & qui eft probablement particulier à ce pays. Quand un Rajah meurt on proclame une fête générale dans l'étendue de fes domaines, ôc tous fes fujets s'aflemblent autour de ces pierres ; ils tuent prefque toutes les créatures vivantes qu'ils peuvent attraper, ôc l'orgie dure penda nt un nombre plus ou moins grand de femaines ou de mois, fuivant que le Royaume eft' alors fourni d'animaux ; les pierres fervent de table. Ce maflacre fini doic néceflàirement être fuivi d'un jeûne , 6c s'il fe fait dans la faifon sèche où on ne peut point fe procurer de végétaux, tout le canton eft obligé de fubiifter de fyrops 6c d'eau , jufqu'à ce que le petit nombre d'animaux échappés par hafard au carnage général , ou conferve par la prévoyance , puiife en engendrer de nouveaux , ou qu'on puiife en tirer des cantons voilins. Tels font les faits que nous avons appris de M. Lange. Nous n'avons pas eu occafion d'obferver leurs manufactures, excepté celle de leurs étoffes qu'ils favent filer , tiffer 6c teindre ; nous ne les avons pas vu travailler, mais nous avons rencontré , chemin faifant, plufieurs des inftrumens dont ils fe fervent. Nous avons apperçu leur machine pour tirer le coton de fa goufTe ; elle eft faite fur les mêmes principes que celles dont on fe fert en Europe ; mais elle eft fi petite qu'on pourroit la prendre pour un modèle ou pour un joujou d'enfant. Elle confifte en deux cylindres d'un peu moins d'un pouce de diamètre, & dont l'un tourné par ggg- """ une manivelle, fait tourner l'autre au moyen d'une vis Ann. 1770. fans fin. Toute la machine n'a pas plus de quatorze SePtemt>* pouces de long & fept de haut. Celle que nous avons examinée avoit beaucoup fervi , & comme nous y avons vu du coton encore attaché , nous n'avons aucune raifon de douter qu'elle fût faite fur le modèle des autres. Nous avons vu auili leur appareil pour filer ; c'eif - a - dire une bobine fur laquelle étoit dévidée une petite quantité de fil & une efpèce de quenouille garnie de coton. Nous conjecturâmes qu'ils filoient avec la main, comme faifoient nos femmes avant l'ufage des rouets, qui, dit-on , n'ont pas encore été adoptés dans toute l'Europe. Leur métier femble , en un point , préférable au nôtre. La toile n'eft pas déployée fur un chaffis , mais étendue au moyen de deux pièces de bois placées à chaque extrémité; l'étoffe fc roule autour de l'un & les fils de la chaîne fe développent de deffus l'autre. L'étoffe a environ une demi-verge de large , & la longueur de la navette eft égale à cette largeur, de forte que, fuivant toute apparence 3 l'ouvrage avance lentement. La couleur de cette étoffe & l'indigo que nous avons trouvé dans leurs plantations, nous a fait juger qu'ils favoient teindre, & M. Lange nous a confirmés dans cette conjecture. Nous les avons vu teindre en un rouge fale , la pièce qui fert de ceinture aux femmes ; mais nous n'avons pas cru devoir prendre la peine de rechercher quelle matière ils y employoient, L a religion de ces peuples, ainfi que nous l'apprit Ccij r M. Lange, eft une efpèce de Paganifme abfurde. Chaque homme choiiit fon Dieu ôc détermine lui-môme la manière dont il doit l'adorer , de façon qu'il y a prefque autant de Dieux & de cultes différens qu'il y a de perfonnes. On dit cependant que leur morale eft irréprochable ôc qu'elle ne contredit point les principes du chriftianifme. Quoiqu'elle ne permette qu'une femme k chaque homme , le commerce illicite entre les deux fexes eft en quelque manière inconnu parmi eux. Les exemples du vol y font très-rares , 6c ils font fi éloignés de fe venger par l'aftaifinat d'une injure qu'on leur a faite, que s'il s'élève des différends ils n'en font pas même le fujet d'une querelle , de peur d'être provoqués à la vengeance dans la chaleur du premier mouvement ; mais fur-le-champ ils renvoient l'affaire k la dé c ilio n de leur Roi. Ces Infulaires femblent jouir d'une bonne fanté & d'une longue vie; quelques-uns d'entr'eux étoient pourtant marqués de la petite vérole, que M. Lange nous a dit s'être manifeftée plufieurs fois dans le pays, 6c qu'ils traitent avec la même précaution que la pefte. Dès qu'une perforine en eft attaquée , ils la tranfportent dans un endroit folitaire, très-éloigné de toute habitation ; ils laiifent la maladie fuivre fon cours, & ils fournifTent au patient des alimens qu'ils lui tendent au bout d'un grand bâton. Nous connoiífons très-peu leur manière de vivre dans leur intérieur ; dans un certain cas , leur déli-cateffe 6c leur propreté font très remarquables. Plufieurs d'entre nous ont été k terre trois jours confécutifs dès le grand matin , & n'en revenant qu'au foir, fans avoir jamais apperçu le moindre veilige de leurs excré-mens ; il eft très difficile d'expliquer ce phénomène dans un pays ii peuplé, ce il n'y a peut-être point d'autre contrée du monde où l'on fatisfaífe a ce befoin d'une manière ii fecrette. Les bateaux dont ils fe fervent font une efpèce de pros. Les Portugais formèrent un établiifement dans cette lile , dès qu'ils commencèrent a naviguer fur cette partie de l'océan \ mais ils lurent bientôt fupplari-tés par les Hollandois. Ceux-ci n'en prirent cependant pas poífeííion ; ils y envoyèrent feulement des Sloups, pour acheter probablement des Naturels du pays des proviiions pour la fubiiftance des habitans de leurs Ifles à épiceries, qui s'appliquant entièrement à la culture de cet article important de commerce , tk employant tout leur terrein en plantations, ne pouvoient nourrir qu'un petit nombre d'animaux. Peut-être les fecours qu'ils tiroient de ce trafic accidentel ne furent-ils que précaires ; peut-être craignirent-ils d'être fupplan-tés à leur tour. Quoiqu'il en foit, leur Compagnie des Indes Orientales fit , il y a environ dix ans, un traité avec les Rajahs , par lequel elle s'engageoit à fournir toutes les années , à chaque Rajah , une certaine quantité de foie, de toiles, de coutellerie, d'ar-rack & d'autres articles \ les Rajahs promettant de leur coté que ni eux ni leurs fujets ne commerceroient avec aucune autre perfonne que les Hollandois , fans en avoir obtenu fa permiffion , 6c qu'ils admettroient dans ITile, pour le compte de la Compagnie, un Réfident qui feroit charge de veiller il l'exécution du traité. lis Ann. 1770. promirent auili de lui fournir annuellement du riz , du Septemb. m^s ^ jes camvanœSm Le maïs Ôz les caUivances font envoyés à Timor fur des floups qu'on y achete pour cet ufage , & dont chacun e if. monté par dix indiens. Le riz eff exporté toutes les années par un vaiifeau qui apporte les retours de la Compagnie , ôc qui met à l'ancre alternativement dans chacune des trois baies. On délivre ces retours en forme de préfent aux Rajahs , qui , avec les principaux perfonnages de leur fuite , ne ceffent pas de boire farrack tant qu'il en refte une goutte. En conféquence de ce traité, les Hollandois avoient placé trois perfonnes à l'Ifle de Savu, M. Lange, fon Colie gue, natif de Timor, ôc fils d'une femme Indienne ôc d'un Portugais, Ôc Frederick Craig, fils d'une femme indienne Ôc d'un Hollandois. Lange vi-fite chacun des Rajahs une fois tous les deux mois , ôc il fait alors le tour de la ville , il eff alors fuivi par cinquante efclaves à cheval. Il exhorte ces Chefs a mieux foigner leurs plantations, quand ils fe laif-fent aller à un peu de négligence \ il remarque les endroits où l'on vient de faire la récolte afin d'ordonner des (loups pour l'enlever ôc la faire paffer immédiatement des champs qui la produifent aux magafins Hollandois a Timor. Dans ces excurfions , il porte toujours avec lui quelques bouteilles d'arrack, qui lui font d'un grand ufage , pour toucher le cœur des Rajahs avec qui il doit traiter. Depuis dix ans qu'il réfidoit dans cette lile, il n'avoit jamais vu d'autres Européens que nous, excepté lors de l'arrivée du vaifTeau Hollandois qui y avoit mouillé deux mois avant notre débarquement. On ne AsN,1^0« peut plus le diftinguer des Naturels du pays que par Septem ' fa couleur & par fon habillement ; car il s'affi oit k terre , il mâche du bétel ôc il a entièrement adopté leur caractère ôc leurs mœurs. Il a épouié une Indienne de l'Ifle de Timor, qui tient fa maifon k la mode du pays: il s'excufa par cette raifon de ne pas nous inviter k lui rendre viiite ; il dit qu'il ne pourroit nous régaler que de la manière dont les indiens nous avoient donné un repas ; il ne parloit facilement aucune Langue , fi ce n'eft celle de Savu. M. Frédéric Craig eft chargé d'inftruire la Je une if e du pays j de lui apprendre k lire & à écrire & les principes de la religion chrétienne. Les Hollandois ont imprimé dans la Langue de cette Ifle & des voifines, des verrions du Nouveau Tcftament, un catéchifme & plufieurs autres traités. Le Docteur Solander qui alla chez lui , a vu les livres ce les copies de les écoliers dont plufieurs écrivoienf fort bien. Il fe van toit d'avoir fait fix cens Chrétiens dans la ville de Seba ; il n'eft peut-être pas aiié de deviner en quoi confitte le chriftianifme de ces Indiens, car il n'y a pas une églife, ni un fèul Prêtre dans toute flfle. Pendant notre féjour à Savu nous avons fait plufieurs recherches fur les Ifles voifines ; voici ce que nous en avons appris. Il y a a l'Oueft àc Savu une petite lile dont ou ne nous a pas dit îe nom ; elle ne produit rien d'impor- io8 Voyage "^~"~'**vma9. taotj {\ ce n'eft. ]a noix tfarCqU¿ dont les Hollandois Septemb reçoivent annuellement une car gai fon de deux JJoups, en retour des preferís qu'ils font aux Infulaires. Timor eft le principal de ces établiflemens , 6c les réiidens Holiandois des autres liles , y vont une fois par année pour arrêter leurs comptes. L'îiic eft a. peu près dans le môme état que du tems de Dam-pierre ; les Hollandois y ont un fort 6c des magafins; ôc Lange nous dit que nous y trouverions tout ce dont nous avions befoin , ôc que nous comptions nous procurer a Batavia , fans en excepter les proviiions falées 6c Par rack. Les Portugais font toujours les maîtres de plufieurs villes fur le côté feptentrional de Timor, & en particulier, de Lifao ôc de ScfiaU Un vaiifeau François avoit fait naufrage fur la côte orientale de Timor , environ deux ans avant notre arrivée. Après qu'il eut refté quelques jours fur le banc de fable , un coup de vent le mit en pièces ôc engloutit dans la mer le Capitaine Ôc la plus grande partie de l'équipage. Ceux qui fe fauvèrent à terre , parmi lefquels étoit un des Lieutenants , allèrent promptement a Concordia. Ils relièrent quatre jours dans la rade , où ils furent obligés de Iaiifer une partie de leurs compagnons épuifés de fatigue ; les autres , au nombre de quatre-vingt, arrivèrent à la ville. On leur fournit ce dont ils avoient befoin , & on les renvoya avec des aides au lieu où le bâtiment avoit coulé â fond , afin d'en tirer tout ce qui n'étoit pas perdu dans les flots, Heureufement ils rattrapèrent tout leur argent qui étoit dans des caiiles, ôc plufieurs de leurs canons qui étoient étoient très-grands. Ils retournèrent enfuite à la ville; mais ils ne retrouvèrent plus leurs compagnons qu'ils Am** l77°* avoient laiffé dans la rade. On croit que les Indiens Jes ont retenus par perfuafion ou par force ; car ils défirent fort d'avoir parmi eux des Européens pour les inftruire dans l'art de la guerre. Après un féjour d'un peu plus de deux mois à Concordia ; la maladie , fuite de la fatigue ôc des maux qu'ils avoient foufferts dans le naufrage , fit périr la moitié de l'équipage , ôc on renvoya en Europe ceux qui avoient furvécu. L'isle de Rotte gît à peu près dans le même parallèle que Savu. Un Facteur Hollandois y fait fon féjour pour conduire les Naturels Ôc veiller fur leurs récoltes , dont un des principaux articles eft le fuere. Ils le fabriquoient autrefois, en brifant feulement les cannes , Ôc en faifant bouillir le fuc jufqu'à ce qu'il fût réduit en fyrop félon la même méthode qu'ils employeur pour le vin de palmier , mais depuis peu on a beaucoup perfectionné cette manufacture. L'établif-fement Hollandois de Concordia étend auili fon autorité fur les trois petites Ifles appellées The Soîars (les Solaires). Elles font plattes Ôc bailes, ôc abondantes en toute fortes de provifions ; on dit que celle du milieu a un bon havre pour Ies vaiífeaux. Ende, autre petite Ifle a l'Oueft des Solaires , appartient toujours aux Portugais, qui ont fur le coté oriental un port Ôc une ville nommée Lamtuca ; ils fréquentoient autrefois un havre fur le côté méridional, mais il a été entièrement Tome IV. Dd :— néglige depuis quelque tems, parce qu'il eft beaucoup Ann.i77°- moins bon que celui de Larntuca. Septemb. Le s habitans de chacune de ces petites Ifles parlent une langue qui leur eft particulière ; & les Hollandois , par politique, les empêchent autant qu'il eft poflible d'apprendre celle de leurs voiiins. S'ils parloient un langage commun , en communiquant les uns avec les autres , ils apprendroient à cultiver des productions qui leur feroient plus profitables que celles qu'ils tirent a, préfent de leurs terres, ôc qui feroient moins avantageu-fes aux Hollandois ; mais leurs idiomes étant différens , ils ne peuvent pas s'éclairer mutuellement de leurs lumières , ôc la Compagnie s'affure par-la le moyen de leur fournir elle-même les articles dont ils ont befoin , ôc d'en fixer le prix , qu'on peut raisonnablement fuppofer n'être pas modéré. C'eft probablement dans la même vue que les Hollandois n'enfeignent point leur langue aux Naturels de ces pays , ôc qu'ils fe font donné la peine de traduire le nouveau Teftament ôc des Catéchifmes en chaque langue de ces différentes Ifles \ car à mefure que le Hollandois feroit devenu la langue commune de la religion, il fe feroit bientôt répandu partout. Je vais ajouter a cette defcription de l'Ifle de Savu, un petit Vocabulaire de la langue qu'on y parle , par où l'on verra qu'elle a quelque analogie avec celle des Ifles de la Mer du Sud. Plufieurs des mots font exactement les mêmes , ôc les noms qui défignent les nombres, dérivent manifeftement des mêmes racines. Françoi s. un homme , une femme y la tête y les cheveux , les yeux les cils des yeux, le ne^, les joues y les oredles y la langue, le col y la poitrine y les mammelles y le ventre , le nombril y les cuiffès , les genoux y les jambes, le pied, les doigts du pied, les bras y la main , un buffle, un cheval, un cochon, un mouton , une chèvre 9 Isle de Savu. anh. 1770 Septemb. momonne. mobunnee. catoo. row catoo. matta. rowna matta. fwanga. cavaranga. wodeeloo. vaio. lacoco. íboíbo. caboo ibofoo. dulloo. aiï'oo. tooga. rootoo. baibo. dunceala. kifTovei y illa. camacoo. wulaba. cabaou. djara. vavee. doomba. kefavoo. Dd ij Ann. 1770. François. Septemb. un chien , un chat, une poule 3 la queue y le bec d'un oifeau } un poiffon > une tortue > une noix de coco, le, palmier-éventail 3 tareque , le bétel y la chaux } un hameçon y le tattow , les marques portent fur la peau le foleil y la lune, la mer y Veau y le feu y mourir, dormir y fe coucher, fe lever 3 Un y deux y trois y quatre > Isle de Savu. guaca. maio. mannu. carow. pangoutoo. ica. unjoo. niev. boaceree. calella. canana, aou. maanadoo. lodo. Wurroo. aidaiïèe, ailea. aee. maare. tabudge. tateetoo. uffe. lhua. tullu. uppah. Francois. Isle de Savu, Ann. 1770 Septemb, 2 ,0 00 , 2 0,00 O , 200,000 , l,000,000, lumme. urina. arfu. faou. cm g > fix> fept, P£du-huit, neuf, dix, fingooroo. fingurung ufle. onze , to 0 ^o Ihuangooroo. , ^ ~ fins aflu. 2 0 0, £> fetuppah. fe lac uffa, fera ta. fereboo. Je dois rappeller, en fmiffant ce chapitre, qu'excepté les faits dont nous avons été témoins, ôc la defcription des objets que nous avons eu occafion d'examiner , tout le refte eft fondé uniquement fur le témoignage de M. Lange ; on ne doit compter ici que fur fa feule autorité. CHAPITRE X. Traverfée de F IJle de Savu à Batavia. Récit de ce que nous y finies pendant qu'on radouboh notre vaifjeau. -N ous mîmes k la voile le matin du 21 Septembre Ann. 1770. 1770 ; 6e nous portâmes k l'Oueft le long de la côte Septemb. feptentrionale de f Ifle de cVarw , 6c d'une autre petite Ifle qui gît a YOueft, 6c qui k midi, nous reftoit au S. S. E. , k deux lieues. A quatre heures de l'après-midi, nous découvrîmes à notre S. S. O. , k trois lieues, une petite Ifle baile qui n'eft marquée dans aucune des cartes actuellement exiliantes , au moins de celles que j'ai pu me procurer ; elle eft iituée au iOd 47' de latitude S., 6c au 238 a 28' de longitude O. Nous étions le 22 k midi, par le nd 10' de latitude S. , ôc le 249d 38' de longitude O. ; le foir du 23 nous trouvâmes la variation de l'aiguille de 2d 44' 0.*Dès que nous fûmes hors des liles , nous eûmes çouftamment une houle du Sud ; jepenfai qu'elle n'étoit pas caufée par un vent fouillant de ce rumb , mais que la poiîtion de la côte de la Nouvelle-Hollande lui don-noit cette direction. Le 26 k midi, étant au iod47/ de latitude S., ôc au &49d 52 ' de longitude O., la variation de l'aiguille étoit de3 d 10' O., Se nous nous trouvions k vingt-cinq milles plus au Nord que notre eftime par le lock, différence dont je ne puis pas rendre raifon. Le 27 k midi, notre latitude , par obfervation , étoit de 10d 51 ' S. , ce qui s'accordoit avec le lock , ôc notre longitude , de %<>2i 11/ O. Nous gouvernâmes N. O. pendant toute la journée du 28 , afin de découvrir la terre de Java , Se le 29 , à midi, nous étions , par obfervation , au 9d 31 ' de latitude S., Se au 10' de longitude O. Les Officiers, les bas-Officiers & les matelots, me remirent le 30 au matin le livre du lock, Se tous les journaux que je pus obtenir ; Ôc je leur enjoignis le fecret relativement au voyage que nous avions fait. Nous trouvant k fept heures du foir k la latitude de la pointe de Java , fans voir de terre ; je conclus que nous étions trop loin à l'Oueft ; c'eft pourquoi je mis le Cap k l'E. N. E. , après avoir gouverné auparavant au N. j N. E. Nous eûmes pendant la nuit du tonnere ôc des éclairs ; Se vers minuit, nous ap-perçûmes k la lueur des éclairs , une terre qui nous reftoit à l'Eft. Je virai de bord alors , ôc je portai au S. O. jufqu'à quatre heures du matin du premier Octobre ; Ôc k fix heures , nous avions au S E. f E., k cinq lieues la pointe de Java, ou l'extrémité occidentale de l'Ifle. Bientôt après nous découvrîmes Vl/ie du Prince k l'E. 7 S. ; ôc k dix heures , celle de Cracata nous reftoit au N. E. Cracata eft une Ifle remarquable, élevée , ôc qui fe termine en pic ; k midi , nous l'avions au N. 40a E. , à fept lieues. Je dois obferver ici que pendant notre route de- Octobre. puis ITíle de Savu , je faifois entrer dans mes calculs Ann. 1770. 10 minutes par jour pour le courant Outil, que je croyois alors devoir être très-fort , fur-tout à la hauteur de la côte de Java , & je trouvai que cette coni-penfation étoit précifément équivalente à l'effet du courant iur la route du vaiiîèau. Le 2 , à quatre heures du matin , nous nous trouvâmes tout près de la côte de Java par 15 braifes. Nous la longeâmes enfuite, & desia pointe du jour , j'envoyai le bateau à terre, afin de tâcher d'en tirer quelques fruits pour Tupia qui étoit très-mal, & de 1 herbe pour les buffles qui vivoient toujours. Une ou deux heures après , où nous rapporta quatre noix de cocos , un petit paquet de fruits du plane acheté pour 'un sheling & quelques herbages pour nos animaux que les indiens donnèrent fi volontiers à nos gens , qu'ils les aidèrent à les couper. Le pays , qui eff d'un afpecf. très-agréable , fembloic former un bois continuel. Sur les fept heures , nous apperçûmes deux vaif-feaux Hollandois mouillant en travers de la pointe jinger, & j'envoyai M. Hicks k bord de l'un d'eux , pour demander des nouvelles de notre pays , d'où nous étions abiens depuis fi long-tems. Sur ces entrefaites nous eûmes calme, & vers midi, nous mîmes à l'ancre par 18 braifes, fond de vafe. M. Hiçks nous apprit à fon retour que les vaiifeaux étoient des bâti-mens Hollandois de Batavia, dont l'un étoit defliné pour Ccylan , & l'autre pour la côte de Malabar ; qu'il y a'voic auffi un paquebot qu'on difoit être chargé dç de porter k Batavia les lettres des navires Hollandois qui viennent ici ; mais je peniai bien plutôt que ion principal loin étoit d'examiner tous les vaiiîèaux qui palient le détroit : enfin , nous apprîmes avec grand plaifir que le Swallow avoit été k Batavia environ deux ans auparavant. A fept heures , il s'éleva une brife du S. S. O. , nous eu profitâmes pour appareiller , & nous portâmes au N. E. entre l'i île 6c le Cap ; la fonde rapportant de 18 k 28 braffes. Nous eûmes peu de vent pendant la nuit 6c un courant fort ayant fa direction contre nous ; le 3 , k huit heures du matin , nous n'étions que vis-k-vis la pointe de Bantam. Le vent fauta alors au N. E. , ôc nous obligea de mettre à l'ancre par 22 braifes } à environ deux milles de la côte. La pointe nous reftoit au N. E. \ E. , a une lieue de diftance , ôc nous trouvâmes un courant fort qui portoit au N. O. Le matin , nous avions vu le paquebot Hollandois marchant k nous , mais il s'en retourna lorfque le vent paffa au N. E. A fix heures du foir, le vent nous forçant toujours a refter a l'ancre , un des bateaux du pays , k bord duquel étoit Je Maître du paquebot, vint fur le côté de notre vaiifeau. Sa vifite fembloit avoir deux objets ; l'un de connoitre l'état du bâtiment, l'autre de nous vendre des rafraîchiifemens ; car il avoit des tortues , des poules, des canards, des perroquets, des becs croifés de riñeres, des linges, 6c d'autres marchandifes qu'il évaîuoit fort cher , mais que nous n'étions pas obligés d'acheter k ce prix, parce que les provisions que nous Tome IV. E e av'ons embarquées a Savu n'étoient pas encore con-fommées. Cependant je lui donnai une piaflre efpa-gnole d'une petite tortue qui pefoit trcnte-iix livres *, je lui en donnai une feconde de dix groifcs poules , Se j'en achetai enfuite quinze autres au même prix ; j'aurois pu pour une piaffre obtenir deux finges Se un grand nombre de becs croifés. Le Maître du Sloup apportoit avec lui deux livres, dans l'un def-quels il me pria de faire écrire par un des Officiers le nom du. vaiifeau Se de fon Commandant , celui de l'endroit d'où nous étions partis Se du lieu pour lequel nous étions delfines , Se telles autres particularités que nous jugerions à propos de lui apprendre pour finflrucfion de nos amis qui pourroient naviguer après nous. Il enregiffra dans le fécond livre les noms du vaifTeau Se du Commandant , afin d'en envoyer la note au Gouverneur Se Confeil des Indes. Nous remarquâmes que dans le premier livre , plufieurs bâtimens , & en particulier des Portugais y avoient inféré les mêmes détails qu'on nous deman-doit. M. Hicks pourtant, après avoir écrit le nom du vaiifeau , fe contenta d'ajouter, d'Europe. Le Hollandois s'en apperçut, mais il dit qu'il étoit fatisfait de ce que nous voudrions lui communiquer , puifqu'il ne nous interrogeoit que pour donner de nos nouvelles à quelques Navigateurs qui pourroient s'en informer dans la fuite par intérêt. Nous fîmes plufieurs tentatives pour appareiller avec un vent qui ne pouvoit pas furmonter le courant j mais nous fûmes toujours obligés de re- tourner à Tañere. Le 5, au matin , il arriva a nos cô- mwm— tés un Pros monté par un Officier Hollandois, qui Ann 1770. m'envoya un papier imprimé en Anglois, & dont il O&obrc. avoit des doubles en d'autres langues , & fur-tout en Hollandois & en François. Ils étoient tous fignés en fo rme, au nom du'Gouverneur & Confeil des Indes, par leur Secrétaire, Celui qu'on me préfenta contenoit neuf queitions très-mai exprimées dans les termes fuivans. « i°. A quelle Nation appartient le vaifTeau , & yy quel eff fon nom ? « %°. Vient — il d'Europe ou de quelque autre » endroit ? w 30. Quelle eff la dernière place d'où il eft yy parti ? n 40. Où fe propofe-t-il d'aller ? » jf. Combien y avoit-il de vaifTeaux de la Com-yy pagnie Hollandoife dans le dernier port d'où il eft yy parti , & quels font leurs noms ? 55 6°. Est-il parti pour cet endroit ou pour un » autre, accompagné d'un ou de plufieurs de ces vaif-yy féaux ? » 70. Lui eft-il arrivé, ou a-t-il vu quelques par-sy ticularités pendant fon voyage? 3.-> 8°. A-t-il vu ou parlé â quelques vaifTeaux en mer, ou dans le détroit de la fonde? Et quels » font ces vaifTeaux? E e ij vn. Ottobre. 5^ 9°. Est-il arrivé au vaifTeau quelqu'autre în-i77°. » cidcnt digne de remarque au dernier endroit d'où v il cfl parti , ou pendant la traverfée? 33 Au Château de Batavia, par ordre du Gouver-3j neur-Général & des Confeillers de l'Inde, •)•> J. Bu an der Bungl, Secrétaire. Je ne répondis qu'à la première & à la quatrième de ces queffions ; quand 1 Officier s'en apperçut , il dit que la réponfe aux autres n'étoit pas de confé-quence ; cependant, il ajouta fur le champ qu'il de-*voit envoyer ce papier à Batavia, ôc qu'il y arrive-roit le lendemain à midi. J'ai rapporté en détail cet incident , parce que je fais , à n'en pouvoir douter , que ce n'eft que depuis quelques années que les Hollandois fe font avifés d'examiner ainfi les vaifTeaux qui paffent dans ce détroit. A dix heures de la même matinée , nous appareillâmes avec une petite brife du S. O, ; comme elle pouvoit à peine nous porter contre le courant, vers les deux heures , nous remîmes à l'ancre au-deifous de la pointe de Bantam , ôc nous y refiâmes jufqu'à neuf heures. Un vent léger s'élevant alors au S. E., nous levâmes l'ancre , ôc nous gouvernâmes à l'Eft Jufqu'à dix heures du lendemain au matin G , que le courant nous força de nouveau à mouiller par 22 brafTes , Pulo-Babi nous reftant à .TE. £ S. E. , cinq degrés ôc demi au S. , à trois ou quatre milles de diftance. Après avoir alternativement appareillé ôc remis à l'ancre plufieurs fois jufqu'à quatre heures de l'après- midi du 7 , nous mîmes enfuite le Cap à l'Eft avec — une très-petite brife du N. E. , ôc nous dépaiîâmes Ann* I77°* l'Ifle JVapping , & la première Ifle qui eft à l'Eft de celle-là. Lorfque le vent tomba , nous fûmes portés par le courant entre la première ôc la feconde des Ifles iituées à l'Eft de celle de Wapping\ nous y jec-tâmes l'ancre par 30 brafTes ; parce que nous étions très-près d'un banc de rochers qui fe prolonge en mer depuis l'une de ces Ifles. A deux heures du lendemain au matin 8 , nous appareillâmes avec le vent de terre du Sud, 6c nous dépariâmes le banc mais avant midi , nous fûmes obligés de mouiller de nouveau par 28 braifes , près d'une petite Ifle qui eft parmi celles qu'on appelle les Mille Ifles , 6c que nous ne trouvâmes marquée dans aucune carte. Pulo-pare nous reftoit alors à l'E. N. E. , k fix ou fept milles de diftance. MM. Banks 6c Solander débarquèrent fur lifte, qu'ils reconnurent n'avoir pas plus de cinq cens verges de long 6c cent de large ; ils rencontrèrent cependant une maifon 6c une petite plantation où , entr'autres fruits , il y avoit le Palma Chrifli', dont on fait l'huile appellée de cafi'or dans les Ifles & Amérique. Ils augmentèrent un peu leur collection de plantes , ce ils tuèrent une chauve-fouris qui avoit trois pieds d'envergeure, 6c quatre pluviers qui reftèmbloient exactement au pluvier doré d'Angleterre. Quelque tems après leur retour, un petit bateau Indien s'approcha de nous ; il avoit à bord deux Malais qui nous apportaient trois tortues, quelques poiifons fecs 6c des citrouilles. Nous achc- til voyage - rimes pour une piaftre les tortues , qui pcfoient en* Ann. 1770« femble cent quarante-fix livres, 6c coniiderant que nous avions dernièrement paye la même iomme pour une feule qui n'en pefoitque trente-iix , nous crûmes avoir fait un bon marché. Le vendeur parut auffi content que nous , 6c nous traitâmes enfuite pour fes citrouilles , qu'il ne vouloit nous céder que pour une piaftre. Nous lui dîmes que ce prix étoit trop haut ; il en convint, mais il nous propofa de couper la piaftre 6c de lui en donner une partie. A la fin cependant, une pataque portugaife très-brillante le tenta , 6c il nous donna pour favoir íes vingt-íix citrouilles. En partant, il nous fit figne de ne pas dire à Batavia qu'un bateau étoit venu à notre bord. Nous ne pûmes pas doubler Fulo-pare ce jour-là; mais vers les dix heures du foir , ayant gagné le vent de terre du Sud, nous appareillâmes 6c nous portâmes à l'E. S. E. pendant toute la nuit. Nous remîmes à l'ancre, le 9 , à dix heures du matin, pour attendre la brife de mer ; elle fe leva à midi au N. N. E. ; nous courûmes alors vers la rade de Batavia , où nous mouillâmes à quatre heures de l'après-midi. Nous y trouvâmes VHarcourt, vaiifeau de notre Compagnie , deux bâtimens Anglois de particuliers, treize grands vaifTeaux Hollandois, 6c un nombre confidérable d'autres petits bâtimens. Sur le champ, nous vîmes arriver à notre bord un bateau appartenant à un vaiffèau qui arboroit une grande flamme , 6c l'Officier qui le commandoit ayant demandé qui nous étions ôc d'où nous venions, s'en retourna bientôt avec les réponfes que nous jugeâmes à propos de lui faire. Lui 6e fes " gens écoieru auili pâles que des fpectres, préfages finiftres des maux que nous aurions a foufffir dans un pays ft mal-fain ; mais notre équipage qui, excepté Tupia , étoit très-bien portant, 6V. fort accoutumé à toutes fortes de climats , n'imaginoit pas que rien pût l'incommoder. Sur ces entrefaites , j'envoyai im Lieutenant a terre pour avertir le Gouverneur de notre arrivée, ôc lui faire des excufes ii je ne le faluois pas. Comme je ne pouvois tirer que trois canons , outre les pierriers , qui , à ce que je craignois , ne feroient pas entendus , je peniai qu'il valoit mieux ne point faire de fa lu t. Dès que le bateau fut parti , le charpentier me remit un état des avaries de notre vaiifeau , dont voici la copie. « Le vaiifeau a beaucoup dévoies d'eau , puifqu'il » fait de douze à fix pouces d'eau par heure ; la 33 quille eft endommagée en plufieurs endroits , Ôc les 33 empatures de la poupe font très-larguées. Il a perdu 33 fa fauffe quille depuis le milieu à l'avant, ôc peut-33 être plus loin , parce que l'eau ne m'a pas permis ï? de la viiiter en entier quand on l'a mis k la bande 33 pour le radouber. Il eft fort endommagé a bas-bord 33 au-deffous du grand porte-boffoir ,où j'imagine qu'eft 33 la plus grande voie , ce que je n'ai pas pu vérifier. 33 Une ¿ks pompes du bas-bord eft inutile , les autres 33 font fort mauvaifes les mâts, les vergues , les ba-33 teaux ôc la cafte font d'ailleurs en affez bon état à. :=z Comme nous croyions unanimement que le bâti* O&obtc' mcnt ne Pouvmc Pas en fureté remettre à la voile pour l'Europe, fans qu'on eût examiné fa quille, je réfolus de demander permiifion de mettre à la bande à Batavia. Penfant qu'il étoit néceffaire de faire cette demande par écrit , je drciTai une requête , ôc après qu'elle fut traduite en Hollandois , nous allâmes tous à terre le lendemain au matin, 10. Nous nous rendîmes fur-le-champ à la maifon de M. Leith , .le feul Négociant Anglois un peu confidérable qui réfidât dans cette ville ; il nous reçut avec beaucoup de politeife, & nous invita à dîner. Nous le priâmes de nous inftruire fur la manière dont nous devions nous y prendre pour nous procurer un logement ce les autres chofes dont nous aurions befoin pendant notre féjour ; il nous dit qu'il y avoit un hôtel ou une efpèce d'hôtellerie , entretenue par ordre du Gouvernement, où tous les marchands 6c les étrangers étoient obligés de loger , en payant un demi pour cent de la valeur des marchandifes miles dans un magafin que le maître de la mai fon devoit fournir ; mais que puifque nous étions fur un vaiifeau de Roi, nous ferions les maîtres de vivre où il nous plairoit , en demandant permiffion au Gouverneur qui l'accordoit ordinairement. Il ajouta qu'il nous en coûteroit moins de louer une maifon dans la ville , 6c d'amener à terre nos domeffiques, ii nous avions quelqu'un fur qui nous puffions compter pour acheter des provirions ; mais comme nous n'avions perfonne qui parlât Malais, MM. Banks 6k Solander 6ç & nos Officiers réfolurent d'aller à l'hotel. Nous y TT-'"' retînmes donc nos lits , ôc nous fîmes dire que nous Ann. 1770- , ir- Oítobcc. y coucherions le loir. A cinq heures de l'après-midi, je fus introduit che2 le Gouverneur - général qui me reçut fort honnêtement : il me dit qu'on me fourniroit tout ce dont j'aurois befoin , Ôc que le lendemain au matin , ma requête feroit mile fous les yeux du Conieil , où je voudrois bien me rendre. Vers les neuf heures , nous eûmes une tempête terrible , des éclairs, de la pluie & du tonnerre \ le grand mât d'un des vaifTeaux de la Compagnie Hol-landoife fur fendu & couché fur le pont. Son grand mât de hune & fon grand perroquet furent mis en pièces j il y avoit au-haut de ce dernier une verge de fer qui probablement attirale tonnerre. Ce bâtiment n'étoit pas à plus de deux encablures du nôtre, ôc fuivant toute apparence, nous aurions partagé le même fort , fi la chaîne électrique que nous avions drefiée depuis peu n'eût conduit la foudre fur le côté du vaiileau. Nous échappâmes à ce d¿ngery mais l'ex-ploiion caufa iur nous un ébranlement pareil à celui d'un tremblement de terre , Ôc la chaîne parut en même-tems comme une traînée de feu. Dans ce moment, une fentinelle chargeoit fon fufil , la commotion lui fit tomber des mains la baguette, qui lé brifa. A cette occafion , je ne puis m'en)pécher de recommander à tous les vaifîeaux , quelle que foit leur dtflination de prendre, des conducteurs de la même efpèce que le nôtre ; ôc j'efpère que l'accident du bâtiment Hollan-Tome IV. Ff ■s "!—- dois déterminera tous ceux qui liront cette relation Ann. 1770- à ne point laiiïer de verges de fer au haut de la grande Octobre, . D hune. Le lendemain au matin , n , je me rendis à la Chambre du Confeil , & l'on m'a (fura de nouveau qu'on me fourniroit tout ce dont j'avois befoin. Sur ces entrefaites, nos Obfervateurs ôc nos Officiers qui étoient à terre , convinrent de donner chacun au Maître de l'hotel deux rixdalles ou neuf chelings par jour , pour la table Ôc le logement ; comme ils étoient au nombre de cinq, ôc qu'ils dévoient recevoir probablement plufieurs vifites des gens du vaiffeau , l'hôte promit de leur fervir une table feparee , à condition qu'ils donneroient une rixdalle pour le dîner de chaque étranger ôc une feconde pour fon fouper ôc fon lit. D'après cette ftipulation , on leur fournit du thé , du caffé , du punch , des pipes Ôc du tabac, pour eux ôc pour leurs amis autant qu'ils purent en confommer. Us fixèrent auffi le prix d'une demi-roupie ou d'un cheling ôc trois pences par jour, pour chacun de leurs domeffiques. Ils apprirent bientôt que ce taux étoit plus que double de celui que coûtoient ordinairement la table Ôc le logement dans la ville ; ôc leur table, quoiqu'elle eût un air de magnificence, étoit très-mal fervie. Leur dîner étoit compofé d'un fervice de quinze plats , ôc celui de leur fouper de treize ; mais il y en avoit neuf ou dix de mauvaifes volailles diverfement apprêtées , ôc fervies fouvent pour la feconde , troifième ôc quatrième fois ; cependant peu de jours après, on leur dit à Batavia que la manière dont on les traitoit étoit une du Capitaine C o o k. 227 forte d'efTai ; que c'étoit 1 ufage de fervir les étran- 55 gers k leur arrivée avec le moins de dépenfe poííible Ann. 1770. de la part de l'hôte ; que fi par indifférence ou par ü<^ol)rc* bonté de caractère ils fe trouvoient contents , Tau-bergiile continuait à les fervir de même ; mais s'ils fe plaignoient , on rendoit peu à peu leur table meilleure , jufqu'à ce qu'ils fuifcnt fatisfaits, ce qui arri-voit quelquefois avant qu'on les traitât k proportion de ce qu'ils payoient. D'après cet avis , ils rirent des remontrances , ôc leur table fut mieux fervie. Cependant M. Banks , dégoûté de cette manière de vivre, loua pour lui ôc fes compagnons de voyage, une petite maifon voiiine de l'auberge , au prix de dix rîxdalles , ou deux livres cinq chelings fterling par mois ; mais il fut bien loin d'y rencontrer les commodités ôc l'agrément qu'il attendoit ; il étoit défendu , fous peine de châtiment k qui que ce fût, d'y coucher lorfqu'on viendroit lui rendre vifite ; Ôc prefque tous les Hollandois alloient , chacun à leur tour, demander fans aucune cérémonie ce qu'on y vendoit ; car il arrive très - rarement a Batavia des particuliers qui ne foient pas marchands. Toutes les pcrfonnes a leur aife y louent des voitures : M. Banks en loua deux pour quatre rixdalles. Ce font des chaifès ouvertes , qui ont deux places Ôc qui font conduites par un homme affis fur un liège. Dès qu'il fut établi dans fa nouvelle demeure , il envoya chercher Tupia qui jufqu'alors étoit relié à bord du vaiifeau a caule d'une maladie occaíionnée paila bile Ôc pour laquelle il avoit refufé opiniâtrement Ff ij _______~* de prendre aucun remède. Il arriva bientôt avec Ann. 1770- fon valet Tayeto ; en iortant du vaifTeau & pen-° * dant qu'il fut dans le bateau , il étoit ab::.ttu & engourdi ; mais à peine fut-il entré dans la ville, qu'il parut animé d'une nouvelle vie. Les maifons , les voitures , les rues , les habitans & une multitude d'autres objets nouveaux pour lui , fe précipi-toienr à la fois dans fon imagination , ôc y produifi-rent un effet femblabîe à celui de cette force fubite & fecrete qu'on imagine provenir d'un enchantement. Tayeto exprimoit fon étonnement ôc fon plaifir avec encore moins de retenue \ il fe mit à danfer dans les rues faifi d'une efpèce d'extafe, ôc il examinoit tout avec une curiofké empreifée ôc ardente , à chaque inftant éveillée & fatisfaite Les divers habillemens des hommes qu'il voyoit furent une des premières chofes que remarqua Tupia , ôc il nous fit plufieurs queflions fur ce point. Quand nous lui dîmes que dans cette ville qui raffemble des habitans des Nations les plus éloignées , chacun portoit le vêtement de fon pays , il voulut fe conformer à l'ufage ôc prendre celui à'Otahiti. On lui apporta du vaifîeau des étoiles de la mer du Sud ôc il s'habilla lui-même avec beaucoup de promptitude ôc de dextérité. Les habitans de Batavia qui avoient vu Otaourou , l'Indien qu'y avoit amené M. de Bougainville , demandoient fi Tupia n'étoit pas la même perfonne. Nous apprîmes par-là que le vaiifeau dont les Otahitiens nous avoient parlé n'étoit point Efpagnol, mais François. Sur ces entrefaites, j'obtins pour le Sur-Intendant de l'Ifle cXOnruft un ordre qui lui enjoignoic de rece- -__ voir notre bâtiment qui devoit y être radoubé ; & Ann. 1770» j'envoyai k M Stephens , Secrétaire de l'Amirauté , la nouvelle de notre arrivée k Batavia par un des vaii-feaux qui faifoient voile pour la Hollande. Les dépenfes qu'entraînoient le radoub de Y Endeavour me forcèrent de chercher de l'argent dans cette place \ j'imaginois en trouver facilement ; mais je me trompois. Après bien des démarches, je ne pus rencontrer aucun particulier qui eut le pouvoir ou la volonté de m'avancer la fomme dont j'avois befoin. Dans cet embarras , je préfentai ma requête par écrit au Gouverneur lui-même , & il ordonna au Sábandar de me fournir de la caiífe de la Compagnie l'argent que je demanderois, Après avoir fouifert un délai de plufieurs jours, par des contretemps & des méprifes, le 18, au matin, je levai l'ancre , 6c je fis voile vers Onruft, Peu de jours après , nous allâmes le long du quai fur l'Ifle de Cooper qui eft tout près cVOnruJi , pour y débarquer notre équippement. Nous n'étions que depuis neuf jours dans ce pays, 6c nous commencions déjà k reffentir les funeftes effets du climat 6c de fa fituation. Après Ja premiere activité qu'infpira k Tupia la nouveauté des objets qu'il apperçut, il retomba dans fa premiere langueur 6c fou mal empira de jour en jour. Tayeto fut attaqué d'une inflammation de poitrine ; les deux domef-tiques de M. Banks étoient mourants, 6c le Docteur Solander avoit la fièvre. Prefque toutes les perfonnes de l'équipage, tant à bord qu'à terre , furent bientôt malades ; il faut certainement en attribuer la caule k la fituation baffe & marccageufe de Batavia , éc aux canaux fans nombre remplis d'ordures qui coupent la Ville dans tous les feus. Le 26, je fis dref-fer une tente pour y loger les gens du vaiifeau ; un très - petit nombre d'entr'eux étoit en état de faire leur fervice ; le pauvre Tupia, dont l'état commençoit à nous fembler défefpéré ôc qui jufqu'alors étoit reflé k terre dans la maifon de M. Banks, demanda k être ramené au vaiifeau , où il dit qu'il refpireroit un air plus libre qu'au milieu du grand nombre de maifons dont il étoit environné. On ne pouvoit cependant pas le conduire k bord de YEndeavour , car il étoit défa-gréé , ôc on fe préparoit k le mettre â la bande pour le caréner ; mais le 28, M. Banks l'accompagna dans rifle de Cooper ; ou , comme on l'appelle ici , de Kuypor; & comme l'endroit parut lui faire plaifir, on lui dreffa une tente. La brife de mer & de terre fou file directement fur cet endroit, & il témoigna qu'il étoit fort content de fa nouvelle fituation. M. Banks, que fon humanité retint deux jours près de ce malheureux Indien , revint à la Ville le 30 ; il avoit une fièvre intermittente qui fe changea en fièvre tierce , fi violente , que pendant l'accès elle le privoit de l'ufage de fes fens , ôc lorfqu'il fi n i fio i t , il étoit fi foible qu'il pouvoit a peine fe traîner pour deicendre fon efcalier. La maladie du Docteur Solander avoit auffi augmenté, & notre Chirurgien, M. Monkhoufe, étoit au lit. Le ^ Novembre, après plufieurs délais, caufés par 55B3 l'arrivée des bâtiments Hollandois qui venoient char- Ann. 1770. ger du poivre le long des quais, notre vaifTeau entra ^0"™^ dans le port, éc le mime jour M. Monkhoufe, homme plein de lumières Ôc de raifon, fut la premiere victime de ce climat mal-fain: l'état où nous nous trouvions, aggravoit encore le regret de fa perte. Le Docteur Solander eut à peine la force d'aififter k fes funérailles , & M. Banks ne pouvoit pas fortir. Notre détrelîe étoic on ne peut pas plus grande, 6c l'avenir très-effrayant. Tous nos efforts étoient incapables de furmonter les dangers qui nous menaçoient ; le courage, les foins 6c la vigilance étoient auiîi peu efficaces, 6c la mort que nous ne pouvions ni éviter ni fuir , s'approchoit à chaque inftant de nous. Nous louâmes des domefli-ques Malais pour nous fervir , mais ils étoient fi négligents 6c fi incapables de commifération qu'ils ne fe tenoient pas même auprès des malades , qui étoient fouvent obligés de quitter leur lit pour les aller chercher. Le 9 , notre pauvre Tayeto, valet de Tupia, mourut , 6c fon maître en fut fi affecté que nous dé-fefpéràmes de lui voir furvivre jufqu'au lendemain. Cependant on examina le fond de notre vaif-feau , & on le trouva dans un état beaucoup plus mauvais que nous ne l'imaginions ; il avoit 1perdu toute fa fauffe quille jufqu'à vingt pieds de l'etanibord ; la quille étoit considérablement endommagée en différents endi'.ks. Une grande partie du doublage etoit déta-cl . 6c plufieurs planches étoient brifées , deux d'entr'tlles 6c la moitié d'une troifieme au-defious du grand porte-boífoir, près de la quille, étoient fi ufées qu'elles n'avoient pas plus d'une ligne Ôc demie d'epaif-feur , ôc les vers y avoient pénétré jufqu'aux couples. Cependant avec toutes ces avaries, il avoit fait plufieurs centaines de lieues dans des parages où la navigation eit auffi dangereufe qu'en aucune autre partie du globe. A combien nous échappâmes de tourmens , en ignorant qu'une partie ii confidérable de la quille n'étoit plus que de L'épaifleur d'une femelle de foulier 9 ôc qu'entre nous ôc la mort il n'y avoit qu'une bar^ rière fi mince & fi fragile! mais il iembioit que nous Savions été confervés jufqu'alors que pour périr ici. MM. Banks ôc Solander étoient fi mal , que les Médecins déclarèrent qu'il ne leur reiloit d'autre ref-fource que d'effayer fair de la campagne. En confé-quence , je louai pour eux a environ deux mi les de la ville , une maifon qui appartenoit au Maître de l'auberge qui s'engagea â leur fournir des provisions & des eiclaves. Comme ils avoient déjà éprouvé qu'ils ne pouvoient pas fe faire fervir par ces eiclaves , qui avoient dautres maîtres 6k qui étoient abiblument fans attention 6c fans intérêt pour les malades , ils achetèrent chacun une femme Malaiié dans l'efpoir d'être mieux foignés. Il ne îe trompèrent pas, Ôc ils retrouvèrent dans ces femmes, qui kur apparteno eut en propre, toute la tendreife ôc les foi-is de le r ièxe. Tandis qu'on faifoit ces préparatifs , ils apprirent, la mort de Tupia qui fuccomba à ion mal peu de jours après la perte de fon valet , qu'il aimoit avec fatUr chement d'un pere. Le 14 , la quille du vai Me au fut entièrement radon- ^rm^smmz bée , & je fus fort content du calfatage. Je manque- Anh rois à la juif ice qui eft due aux Officiers & aux ou- Nwtm . vriers de ce chantier , fi je ne déclàrois pas que, fuivant moi , il n'y en a point dans le monde où l'on puiile mettre un vaiifeau à la bande plus sûrement ôc avec plus de commodités ôc de promptitude, Ôc le réparer avec plus de foin & d'adreífe. A Onruft , ils abattent le vaiifeau en le tirant fur fes deux mâts, pratique que nous n'avons pas encore adoptée ôc qui eil incontcftablcment plus sure ôc plus expeditivo que celle d'appliquer le cabellan fur un feul. Il faut que le rei peci fuperfìitieux pour les anciennes coutumes ait bien de la force ôc qu'on manque abfolument de raifon , fi l'on n'adopte pas cet ufage lorfqu'on a vu avec quelle facilité les Hollandois couchent leurs plus grands vaifTeaux fur le côté. % MM. Banks ôc Solander recouvroient peu k peu leur fan té k leur maifon de campagne , qui étoit expofée k la brife de mer , ôc en outre iituée fur un courant qui contribuoit beaucoup au renouvellement de l'air. 3'étois alors très-mal ; M. Sporing ôc un matelot, qui avoient accompagné M. Banks , eurent aufîi la fièvre intermittente, & il n'y avoit plus dans tout l'équipage que dix perfonnes qui fuffent en état de faire le fer-vice. Cependant onfe mit a gréer le vaifTeau, & k conduire l'eau ce féquippement a bord : nous fûmes obligés d'acheter de l'eau à Batavia , & de payer fix chelings 6c huit pences pour cent cinquante gallons. Tome IV. G g Vers le %6, nous eûmes le commencement de la mouflon d'Ouefl, qui ordinairement, pendant la nuit, fouffle du S. C ou du N. Quelques nuits avant celle-ci , la pluie fût très-forte & accompagnée de beaucoup de tonnerre; dans la nuit du 15 au 26, elle tomba pendant près de quatre heures fans interruption , avec tant d'abondance , que je n'ai jamais rien vu de fembîable. L'eau entroit de tous côtés dans la maifon de M. Banks ; elle y formoit dans les chambres baifes un courant qui auroit pu faire aller un moulin : il étoit alors affez bien rétabli pour en fortir , & quand il arriva a Batavia le lendemain au matin , il fut fort furpris de voir tous les lits, qu'on avoit été obligé de fufpendre pour les fécher. Quoique la faifon pluvieufe eût commencé, cependant nous avions quelques intervalles de beau tems. Les grenouilles^qui croaffent dans les marais dix fois plus haut que celles d'Europe , nous annonçoient la pluie par un bruit continuel qui étoit prefque infup-portable ; & le nombre des couflns & des mofquites qui avoient été incommodes , même dans la faifon sèche , étoit alors devenu infini ; on les voyoit fortir en foule de deffus les eaux ftagnantes , comme les abeilles d'une ruche. Ils ne nous incommodoient pourtant pas beaucoup dans le jour ; & leurs piquûres, quelques douloureufes qu'elles fuffent d'abord, ne fai-foient jamais mal plus d'une heure ; de forte que nous ne nous reffentions pas le jour des piquûres que nous avions reçues pendant la nuit. Le vaiifeau étant entièrement radoubé le 8 Dé- ♦ cembre , après que nous eûmes embarqué fon eau ôc -------- fon équippcment , Ôc reconduit les malades k bord , Ak>¡- i?7°' nous remontâmes dans la rade de Batavia , Ôc nous mîmes k l'ancre par 4 braifes Ôc demie. Depuis ce tems jufqu'au 24, nous nous occupâmes k mettre k bord le relie de l'eau ôc nos pro-viiions , avec quelques nouvelles pompes, ôc a faire plufieurs autres préparatifs pour appareiller. Tous ces travaux auroient fini beaucoup plutôt, fi la maladie ôc la mort n'a voient pas mis hors de fervice ou enlevé un grand nombre de nos gens. Pendant notre féjour à Batavia , le Comte d'El-gin , Capitaine Cook , vaifTeau de la Compagnie An-gloife , mouilla dans la rade. Il alloit de Madrafs k la Chine , Ôc ayant perdu le tems du paifage, il touchoit k Batavia pour attendre la faifon fuivante. Le Phœnix, Capitaine Black , autre vaiifeau Anglois, venant de Bencouli, y mit aufîi à l'ancre. L'après-midi de la veille de Noël, je pris congé du Gouverneur ôc de plufieurs des principaux habitans de la Ville avec qui j'avois formé des liai-fons , ôc dont j'ai reçu tous les fccours ôc toutes les honnêtetés poiîÎDles ; mais fur ces entrefaites , il nous arriva un accident qui pouvoit avoir des futes défa-gréables. Un matelot s'étoit enfui d'un vaiifeau Hollandois qui mouilloit dans la rade ôc s'étoit réfugié à bord du mien : le Capitaine s'adreffa au Gouverneur pour le reclamer comme fujet de la Hollande , Ôc il en obtint pour cela un ordre. Lorfqu'on me remit Ggij ----T.-J-J cet ordre , je répondis que je délivrerois le déferteur, Ann. 1770. on prouvoit qu'il fût Hollandois. Je donnai à l'Officier Hollandois un billet par lequel j'enjoignis à M. Hicks , qui commandoit au vaifTeau , de relâcher îe matelot à cette condition. Je pafTai la nuit à terre , ôc le lendemain au matin 25 , le Capitaine Hollandois vint me dire que mon Lieutenant n'avoit pas voulu îe defTaifir du matelot, allégant qu'il n'étoit pas Hollandois , mais Sujet de la Grande-Bretagne né en Irlande. Je lui répliquai que l'Officier avoit exécuté mon commandement à la lettre , ôc que fi l'homme étoit Sujet de l'Angleterre , on ne devoit pas attendre que je Pabandonnaiîe. Le Capitaine me déclara alors qu'il venoit de la part du Gouverneur redemander l'homme qui étoit Danois & enregiftré dans les livres du vaifTeau comme natif d'EIfeneur. J'obfervai au Capitaine que puifqu'il ne foutenoit plus que le matelot fût Hollandois , qu'il fembloit y avoir quelque mé-prife dans les ordres du Gouverneur, parce que certainement il ne me redemanderoit jamais un matelot Danois qui n'avoit commis d'autre crime que de préférer le fervice d'Angleterre à celui de la Hollande. Afin de le convaincre que je defirois fincèrement d'éviter les conteffations , j'ajoutai que fi l'homme étoit Danois , je le céderois par politeffe , quoiqu'on ne pût pas l'exiger de droit ; mais que fi dans le fait, il étoit natif de la Grande-Bretagne , je le retiendrois à tout événement. Nous nous quittâmes ainfi , ôc bientôt après , je reçus de M, Hicks une lettre qui prouvoit d'une manière inconteflable que le matelot en queiiion étoit Sujet de Sa Majefté Britannique. Je portai fur-le-champ cette lettre au Sabandar , en le priant de la montrer au Gouverneur, ôc de lignifier k A^NN.1770. ion Excellence que je ne relâchcrois point le matelot. Ma déclaration eut l'effet que je iouhaitois, ôc je n'entendis plus parler de cette affaire. Le foir j'allai à bord avec M. Banks ôc le refte de nos Officiers & obfervateurs qui avoient toujours ré-fidé à terre, 6e dont la fanté étoit un peu meilleure , quoiqu'ils ne fuifent pas parfaitement rétablis. Le 26, à fix heures du matin, nous appareillâmes 6c nous mîmes k la voile avec une petite brife du S. O. L'Elgin , vaiifeau de notre Compagnie , nous falua de trois acclamations 6c de treize coups , 6c la gar-nifon de quatorze ; nous rendîmes les deux faluts avec nos pierriers. Bientôt après le vent fe fixa au N. \ N. O., ce qui nous obligea de mettre à l'ancre précifément en dehors des bâtimens qui étoient dans la rade. A notre départ, le nombre de nos malades montoît k quarante, 6c le reife de l'équipage étoit très-foible. Tout le monde avoit été malade , excepté le voilier , vieillard de foixante-dix k quatre-vingt ans , 6c il eff k remarquer que cet homme s'enivra tous les jours pendant notre relâche k Batavia. Nous y enterrâmes fept perfonnes, le Chirurgien , trois matelots, le do-meffique de M. Green, Tupia ôc Tayeto, fon valet. Tous furent victimes de l'inialubrité de l'air ilagnant ôc putride du pays , hormis Tupia : comme il étoit accoutumé dès fa naiifance a fe nourrir principale- ■s—^^ ment de végétaux, ôc en particulier de fruits mûrs, ^Décet7b°* ^e cnanSernent ^e nourriture lui fit contracter bientôt toutes les maladies des marins , ôc il auroit probablement fuccombé avant la fin de notre voyage, quand même nous n'aurions pas été obligés de toucher à Batavia pour radouber ¿'Endeavour. CHAPITRE XL Defcription de Batavia & du Pays adjacent ; de fes fruits , fleurs & autres productions. Batavia , la Capitale des Domaines Hollan- 5 dois dans lTnde , à laquelle on ne peut comparer A™' ^?0* aucune autre ville des poifefllons Européennes en ? Afie , eft iituée fur le côté feptentrional de l'Ifle de Java , dans une plaine baife ôc marécageufe , où plufieurs petites rivières qui prennent leur fource dans les montagnes appelles Blaeuwen Berg, à environ quarante milles dans l'intérieur du pays , débouchent dans la mer , & où la côte forme une grande baie appellée Baie de Batavia , à huit lieues du détroit de la Sonde. D'après les obfervations astronomiques faites fur les lieux par M. Mohr , qui a bâti un bel obfervatoire auili bien fourni d'inflrumens que la plupart de ceux d'Europe , on fait qu'elle gît au 6d 10' de latitude S. , & au io6d 50' de longitude O. du méridien de Greenwich. Les Hollandois Lembient avoir choifi ce terrein pour la commodité de la navigation intérieure ; ôc à cet égard , c'eft véritablement une feconde Hollande fupérieure à tous les autres endroits du monde. Il y a très-peu de rues qui n'aient un canal d'une largeur ^rr^r^ confidérable , où lean eft {lagnante plutôt que cou-Ann. 1770. rance 9 & dont plufieurs fe prolongent a plufieurs milles dans Ì'intóri°nr du pays. Comme les maifons font grandes ôc les rues larges , proportionnellement au nombre de maifons qu'elle contient, elle occupe une beaucoup plus grande étendue de terrein qu'aucune ville de l'Europe. Vahntyn , qui en a fait la defcription vers l'an 1716, dit qu'il y avoit alors dans l'enceinte des murailles douze cens quarante-deux maifons Hollandoifes , ôc douze cens Chinoifes j ôc que hors des remparts on en comptoit mille foixante-fix Hollandoifes, Ôc douze cens quarante Chinoifes , outre douze autres où l'on ven-doit de l'arrack ; ce qui fait en tout quatre mille fept cens foixante ; mais ce nombre nous paroît fort exagéré , fur-tout relativement à la quantité de maifons qu'on dit être en dedans des murs, Les rues font fpaçicufes 6c belles, 6c les bords des canaux font plantés de rangées d'arbres qui forment un coup-d'œil très-agréable; mais les canaux 6c les arbres concourent à rendre cette ville mal-faine. L'eau ftagnante des canaux exhale dans la faifon sèche une puanteur infupportable 6c les arbres empêchent le renouvellement de fair qui pourroit diffiper , jufqu'à un certain point, les exhalaifons putrides. L'inconvénient eft égal dans la faifon pluvieufe; car alors ces réfer~ voirs d'une eau corrompue fortent -de leurs lits, inondent la partie baffe de la ville , fur-tout dans le voi-iinage de l'hôtel où logent les étrangers , 6c rem pliant les étages inférieurs des maifons où ils laiifent une quantité inconcevable d'ordure 6c de vafe. On nettoyé toye quelquefois ces canaux, mais cette opération malfaite entraîne des fuites auili funeftes que ii Ton y lailfoit une eau croupiifante. La boue noire qu'on tire du fond, eft dépofée fur les bords, c'eft-a-dire au milieu des rues, jufqu'à ce qu'elle ait acquis aifez de confiftance pour qu'on puiife la charger fur un bateau & l'enlever. Comme cette boue eft compofée principalement d'excrémens humains qu'on jette dans les canaux tous les matins, parce qu'il n'y a pas de lieux privés dans toute la ville , elle empoifonne l'air au loin , tandis qu'elle fe sèche. Les eaux courantes elles-mêmes font nuiiibles à leur tour par la malpropreté de habitans. Ils traînent de tems en tems fur le rivage un cochon mort de maladie, ou le cadavre d'un cheval ; & comme perfonne en particulier n'eft chargé de nettoyer les rues, les cadavres y reftent jufqu'à ce que le tems ou le hafard les ait confumés ou que quelqu'autre caufe les emporte. Pendant que nous y étions, un buffle mort refta plus d'une femaine fur le bord d'une rivière qui travede une des principales rues, ôc fut entraîné par une inondation. Les maifons font en général bâties d'une manière très-convenable au climat ; elles coniiftent en une très-grande chambre ou falle de plein pied , avec deux portes aux extrémités qui font ordinairement ouvertes. Ils ménagent à l'un des bouts de la falle un cabinet où le maître du logis travaille à fes affaires ; ôc au milieu de la maifon , il y a une cour qui donne du jour à la falle ôc y répand en même-tems de l'air. D'un des coins de la falle ; des efcaliers conduifent à l'étage Tome IV. H h de deffus , où les chambres font auffi fpacieufes 6c aérées. Une gallerie couverte, ménagée dans la cour, leur fert de falle a manger, 6c d'autres fois elle eft occupée par les femmes eiclaves a qui on ne permet pas de s'aifeoir ailleurs. Les bâtimens publics font, pour la plupart, vieux, lourds ôc de mauvais goût ; mais la nouvelle Eglife n'eft. pas fans élégance ; elle a un dôme qu'on apper-çoit à une grande diftance en mer , quoique l'édifice paroiffe pefant , l'intérieur en eft très-beau: il eft magnifiquement illuminé par des luftres , ôc l'on y voit un très-grand orgue. La ville eft fermée par un renvpart de pierre médiocrement élevé ; mais il eft ancien Ôc tombe en ruines dans plufieurs endroits. La muraille elle-même eft environnée par une rivière qui a de cinquante à cent verges de large ; le courant en eli rapide Ôc l'eau baffe. De l'autre côté du rempart dans l'intérieur, on trouve encore un canal d'une largeur inégale; de forte qu'en entrant ou en forçant par les portes, il faut palier deux ponts. Il n'eft pas permis aux gens oififs Ôc aux étrangers de fe promener fur les remparts, qui nous ont paru mal fournis de canons. Le château ou la citadelle eft fitué à l'extrémité N. E. de la ville ; les murailles en font plus élevées ôc plus épaulés que celles de la ville, fur-tout près de la place de débarquement , où il n'y a de l'eau que pour les bateaux, Ôc qui eft entièrement commandée par la forte-reffe , munie d'une artillerie nombreufe qui fe préiente d'une manière très-impofante. Le château contient des appartemens pour le Gou--- verneur général ôc tout le Confeii de l'Inde , & il Ann. 1770. leur eft enjoint de s'y réfugier en cas de fiége. On y ^ecem ' voit auffi de grands magafins où l'on dépofe une quantité confidérable de marchandifes de la Compagnie, 6c en particulier celles qui viennent d'Europe; c'eft-îa. que travaillent tous íes FacTeurs. On y trouve encore beaucoup de canons ; nous n'avons pas pu favoir fi c'eft pour les monter fur les murailles , ou pour en fournir les vaifTeaux. On dit que la Compagnie a auffi beaucoup de poudre répandue en différents arfe-naux , afin que fi quelques-uns étoient détruits par la foudre , qui tombe fouvent a Batavia , les autres dépôts foient confervés. Outre les fortifications delà ville, on rencontre à vingt ou trente milles dans les environs , un grand nombre de forts ; ils ne femblent être deftinés qu'à tenir les Naturels du pays en refpecf , 6c en eifet ils ne font propres qu'à cela, C'eft dans la même vue que les Hollandois ont conffruit des efpèces de maifons garnies chacune de huit canons , 6c qui font iituées de manière qu'elles commandent à la navigation de trois ou quatre canaux , 6c par conféquent aux chemins qui font fur leurs bords. Quelques-unes fe trouvent dans la ville, 6c c'eft par le feu d'une de celles-ci que toutes les meilleures maifons des Chinois furent rafées en 1740 , lors de leur révolte. Ces redoutes font difperfées fur toutes les parties de l'Ifle de Java 6c des autres Ifles dont la Compagnie s'eft emparée dans ces mers. Nous aurions dreifé le plan d'un de H h ij ces finguliers forts ou maifons fortifiées, fi nos deffi-nateurs n'avoient pas été malades prefque pendant tout le tems de notre féjour k Batavia. S i les fortifications des Hollandois ne font pas formidables en elles-mêmes , elles le font du moins par leur fituation, car elles font placées parmi des marais, où les 'chemins, qui ne font rien autre chofe qu'une jettée entre un canal & un marais, peuvent être facilement détruits, ce qui arrêteroit entièrement ou retar-deroit de beaucoup l'approche d'une groffe artillerie. Jl feroit extrêmement difficile , pour ne pas dire im-poffible, de tranfporter les canons dans, des bateaux, puifqu'il faudroit qu'ils paflafTènt fous le feu de l'artillerie du château, dont l'ennemi ne pourroit pas s'emparer. D'ailleurs, tout délai eft mortel dans ce pays, & quiconque y arrêtera un ennemi, le détruira infailliblement. En moins d'une femaine nous avons ref-fenti les effets de ce climat mal-fain , & en moins de quinze jours notre équipage fut incapable de faire le fervice. On nous a dit que de cent foldats qui y arrivent d'Europe, il étoit rare qu'il en furvécût cinquante la première année; que de ces cinquante, la moitié étoit k l'hôpital, & qu'il n'en reftoit pas dix en parfaite fante. Ce calcul eft peut-être exagéré, mais les miférables Européens que nous avons vu, pâles & foibles, fe traîner avec un fufil, nous portent k croire qu'il n'eft pas bien éloigné. A la vérité, tous les blancs de la ville font foldats; les plus jeunes font toujours fous le drapeau , & ceux qui ont fervi cinq ans, font fujets à y être rappelles quand on juge que leur fecours eft nécelfaire ; mais comme on ne les exerce jamais Se qu'ils ne font aucun fervice, *r"!f..M, on ne peut pas attendre beaucoup de ces Infulaires. Ann. 1770. Les Portugais font en général bons tireurs parce qu'ils Decemt>' s'occupent à tuer des cochons fauvages ou des dains. Les Mardykcrs Se les Chinois ne connoiiîent point l'u-fage des armes à feu ; cependant comme ils ont la réputation d'être braves, ils pourroient faire beaucoup de carnage avec leurs armes , les fabres , les lances & les dagues. Les Mardykcrs font des Indiens de toutes nations , dont les ancêtres étoient libres Se qui ont eux-mêmes recouvré leur liberté. S'il eft difficile d'attaquer Batavia par terre, il eft abfolument impoiTible d'en former le liège par mer , car l'eau eft fi bailé, qu'une chaloupe peut à peine s'approcher a, la portée du canon des remparts, excepté dans un canal étroit appelle la Rivière, défendu des deux côtés par des moles qui s'étendent à environ un demi-mille dans le havre. Il aboutit à l'autre extrémité fous le feu de la partie la plus forte du château, Se fa communication avec les canaux qui entrecoupent Ja ville, eft interrompue par de grandes poutres flottantes, formant une chaîne qui fe ferme tous lés foirs à fix heures, Se qu'on n'ouvre jamais fous aucun prétexte avant le lendemain au matin. Le havre de Batavia paffe pour le plus beau de l'Inde & il femble que c'eft avec raifon ; il eft affez vafte pour contenir la plus grande flotte , & le fond en eft fi bon que l'ancre y tient jufqu'à ce que le cable pourriffe. La mer n'y eft jamais incommode , Se il n'a d'autre inconvénient que le bas-fond qui eft entre la rade Se ■■L. -- la rivière. Quand la brife de mer fouffle frais , elle Ann. 1770- produit une mer moutonnante , dangereufe pour les bateaux. Notre chaloupe toucha un jour trois fois en entreprenant de fortir , ôc elle ne regagna l'embouchure de la rivière qu'avec difficulté. Nous y avons vu échouer un bateau chargé de voiles Ôc d'agrès qu'il portoit à un des vaifTeaux de la Compagnie. En dehors ôc autour du havre, il y a plufieurs files dont les Hollandois fe font emparés, ôc qu'ils emploient à dif-férens ufages. Ils traniportent dans l'une d'elles, appel-lée Edam , tous les Européens coupables de quelques crimes qui ne méritent pas la mort. Quelques-uns font condamnés à y reftcr quatre-vingt-dix-neuf ans, d'autres quarante , vingt , ou moins , jufqu'à cinq , fuivant la nature de leur délit. Pendant le tems de leur banniffement , on les occupe comme eiclaves k faire des cordes ôc à d'autres travaux. Sur une autre Ifle appellée Purmerent, ils ont conftruit un hôpital où l'on dit que les malades recouvrent la fan té beaucoup plus promptement qu'à Batavia. Dans une troifième nommée Kuypcr y la Compagnie a des magafins pour le riz ôc d'autres marchandifes de peu de valeur ; ôc les vaifîèaux étrangers qu'on met àia bande à Onruft3 autre Ifle dont on a déjà parlé, y dépofent leurs cargai-fons ôc équippemens fur des quais très - commodes pour cela. C'eft-là que furent portés les canons, les voiles ôc les autres provifions du Falmouth , vaiifeau de Roi anglois , qui fut condamné en revenant de Manille , ôc le bâtiment reffa pendant plufieurs années , n'ayant à bord que les feuîs Officiers non brevetés. On leur fit régulièrement des remifes d'Angle- terre, mais on n'eut aucune attention aux différents -■ "*""-mémoires qu'ils préfentèrcnt pour être licenciés. Heu- Ann. 1770. reufement pour eux , les Hollandois , fix mois avant l^*-*-11^' notre arrivée , jugèrent a propos de vendre à l'encan le vaiifeau ôc tout ion équippement , ck de renvoyer les Officiers en Angleterre , fur des bâtimens de la Compagnie. Le pays des environs de Batavia, dans un efpace de quelques milles, eít femé par-tout de maifons de campagne Ôc de jardins. La plupart des jardins font très-grands, ôc par une étrange fatalité, ils font tous plantés d'autant d'arbres que le terrein peut en porter , de forte que l'Ifle ne tire aucun avantage d'avoir été débarraffée des bois qui la couvroient autrefois , íi l'on en excepte les fruits que lui procurent les arbres fubflitués aux anciens. Ces impénétrables forets occupent un terrein plat qui s'étend à plufieurs milles au-delà des jardins, 6c qui eff entrecoupé par des rivières 6c des canaux navigables pour les petits bâtiments. Ce n'eft pas encore le plus grand inconvénient, tous les champs 6c jardins font environnés d'un foifé , 6c au milieu des terres cultivées , on trouve par-tout des marais , des Fondrières 6c des amas d'eaux faumâtres. T L n'eft pas étrange que les habitans d'un pareil pays foient familiarifés avec la maladie 6c la mort; ils prennent des médecines de précaution prefque auffi régulièrement que des repas , 6c chacun attend le retour des maladies comme nous attendons les faifons de l'année Nous n'avons pas vu à Batavia un feul viiage qui indiquât une faute parfaite; les joues des hommes süüüsüüS" & des femmes ne font animées d'aucune couleur ; Ann. 1770. Jes perfonnes du fexe feroient pourtant très-jolies, fi, Oéceiiîb. -i il* • • 1 avec un air de maladie , on pouvoit avoir quelque beauté. On y parle de la mort avec autant d'indifférence que dans un camp ; & quand on annonce la mort de quelqu'un de connoiffance, ils répondent communément » bon, il ne me devoitrien, » ou bien» il faut que je me faffe payer de fes exécuteurs tefta-mentaires ou de fes héritiers », Il y a peu d'exceptions à la defcription que nous venons de faire des environs de Batavia. La maifon de campagne du Gouverneur eft placée fur une monticule , mais fa pente eft fi peu confidérable , qu'elle n'eft guère au-deffus du niveau ordinaire des autres terreins. Cependant fon Excellence, qui eft originaire du pays, a fait à grands frais & par de grands travaux , enclore fon jardin d'un foifé marécageux ; telle eft l'influence de l'habitude fur le goût ôc la raifon. On tient auffi un fameux marché appelle Pajar Tanabank, fur une hauteur qui s'élève perpendiculairement à environ trente pieds au-deifus de la plaine. Tout le refte des environs de Batavia , dans une étendue de trente h quarante milles , eft exactement parallèle à l'horifon. Paifé cette diftance, il y a deux collines d'une hauteur confidérable où fon nous a dit que l'air étoit fain ôc frais, relativement à celui des bords de la cote. Les végétaux d'Europe Ôc en particulier les fraifes qui ne peuvent pas fupporter la chaleur , y croiífent fort bien ; les Infulaires y font vigoureux ôc ont des couleurs. Quelques-uns des principaux perfonnages de Batavia poflèdent poíledent des maifons de campagne fur ces collines , ■■-où ils vont une fois par année : on y en a commencé Ann. 1770. une pour le Gouverneur fur le plan de Blenhàm , célèbre Château du Duc de Marlborough dans le Comté d'Oxford , mais elle n"a jamais été finie. Les Médecins y envoyent auffi les malades recouvrer la fanté ; l'air pafle pour y produire des effets prodigieux ; les malades s'y guériilènt en peu de tems, mais ils retombent toujours bientôt après leur retour à Batavia. La même fituation ôc les circonftances qui rendent Batavia Ôc fes environs mal-iains , les rendent auffi le meilleur pays de là terre pour la culture des légumes. Le fol eff fertile au-delà de ce qu'on peut imaginer ; ôc les productions de befoin ou de luxe qu'il fournit font prefque fans nombre. L e riz qu'on fait être le grain de ces pays, ôc qui fert de pain aux habitans , y croît en grande abondance ; ôc je dois obferver ici que fur les parties montueufes de Java Ôc de plufieurs des Ifles orientales, on cultive une efpèce de riz entièrement inconnue dans les parties occidentales de l'Inde. Il eft appelle par les Naturels du pays, Paddy Gu-nuiig , ou riz de montagne. Tandis que l'autre efpèce doit être lous feau pendant les trois quarts du tems de fa croilfance , on feme celle-ci fur des coteaux qui ne font arrofés que par la pluie ; il faut pourtant remarquer qu'on le feme au commencement de la faifon pluvieufe, Ôc qu'on le recueille au commencement de la sèche. Il feroit peut-être avantageux de Tome IV. Ii —----:_! rechercher jufqu'à quel point cette efpèce de riz pour- Ann. 1770. rojt être utile dans nos lues d'Amérique, qui ne pro-duiient point de froment. Il faut compter au nombre des productions dece pays, le bled d'Inde ou maïs , que les habitans recueillent avant qu'il foit mûr , & grillent en épi ; beaucoup d'efpèces différentes de haricots ; des lentilles qu'ils appellent Cadjang, ôc qui font une partie confidérable de la nourriture du peuple ; du millet ; des ignames fondantes, ôc d'autres fans fuc ; des patates douces ; des pommes de terre d'Europe, qui font très-bonnes, mais qu'on n'y cultive pas en grande quantité. On trouve dans les jardins des choux, des laitues ôc des concombres; des raves blanches de la Chine, qui cui-fent prefque auffi bien que le turnep; le fruit de la plante appellée Plante aux œufs ; des carottes, du perfil, du céleri ; le pois d'angole qui eft délicieux, lorfqu'après l'avoir rôti, on le mange avec du poivre ôc du fel ; une forte de légume relfemblant à l'épinard ; des oignons très-petits , mais excellents ; des afperges ; ôc en outre, quelques plantes d'Europe fort odoriférantes, telles que la fauge , l'hyifope &c la rue. On y recueille avec très-peu de culture des quantités immenfes des plus belles ôc des plus groiles cannes de fuere qu'on puiife imaginer ; ôc elles donnent beaucoup plus de fuere que celles des Ifles d'Amérique. Le fuere blanc s'y vend deux pences ôc demi la livre , ôc les melaffès fervent à la fabrique de farrack; elles font le principal ingrédient de cette liqueur , ainfi que du rum , en y ajoutant un peu de riz ôc de vin de coco , afin de lui donner quelque du Capitaine Cook. ici parfums. Il y croît encore de l'indigo qui, fe confom- fi mane dans le pays , ne fait pas une branche de corn- ^J^1^0, merce. Mais les végétaux comeftibîes, les plus abondants dans le pays font les fruits ; il n'y en a pas moins de trente-fix efpèces différentes, dont je vais donner une courte defcription. 1 °. La pomme de pin , Bromelia ananas. Ce fruit qu'on appelle ici ananas, y vient très-gros, & en fi grande abondance , qu'on peut quelquefois l'acheter de la premiere main pour un farthing la piece ; des fruitiers nous en ont vendu trois pour deux pences & demi. Ils ont beaucoup de fuc & un bon goût ; mais nous convînmes tous que nous en avions mangé d'auiïï agréables dans les ferres d'Angleterre : leur végétation eft fi forte , qu'en croiifant , la plupart portent deux ou trois têtes, & un grand nombre de rejetions depuis la partie inférieure du fruit, fur l'un defquels M. Banks en compta neuf une fois. Ces rejetions pouffent de fi bonne heure, que très-fouvent, pendant qu'ils adhèrent à la mere plante , leur fruit eft d'une groffeur affez confidérable , lorfque le gros ananas eft mûr. Nous en avons vu plufieurs fois trois fur une pomme , & l'on nous a dit qu'une de ces plantes en avoit donné une année jufqifk neuf, fans compter la principale ; ce qui fut regardé comme une fi grande curiofité, qu'on l'envoya au Prince d'Orange confervée dans du fuere. 2°. Des oranges douces. Elles font très-bonnes, li ij mais pendant que nous étions à Batavia , elles fe vcndoient fix pences la piece. 3°. Des pimplemouffes , qu'on appelle Shaddocks dans Ies liles d'Amérique. Elles ont une bonne laveur , mais eli es ne font pas fuccuîcntes. Leur défaut de jus étoit pourtant un effet accidentel de la faifon. 4°. Les citrons. Ils font très-rares, mais l'abondance des limons compenie ce défaut. «$o. Les limons. Ils font excellens , & on les achette à environ douze pences le cent. Nous n'avons vu que deux ou trois oranges de Séville où il n'y avoit prefque que i'écorce. On y trouve plufieurs efpèces d'oranges Ôc de limons, que je ne décrirai pas en particulier, parce qu'ils ne font effimés ni des Européens , ni des Naturels du pays. 6*°. Lfs mangues. Ce fruit, pendant notre relâche à Java étoit fi attaqué des vers qui en rougeoient l'intérieur , que fur trois , il y en avoit à peine un de mangeable ; & le meilleur de tous eft fort inférieur à ceux du Bréfil. Les Européens le comparent ordinairement a une pêche fondante ; il y reffemble véritablement par fa douceur ôc fa molleflè , mais il n'a pas un fi bon goût. On nous a dit que le.climat étoit trop chaud & trop humide pour ce fruit, dont il y a autant d'efyèccs que de fortes de pommes en Angleterre, & quelques-unes font fort iupérieures aux autres. Un de ces mangues, appelle Mangha cowani , a une odeur fi forte, qu'un Européen la iupporteavec peine dans la chambre , quoique les Naturels du pays l'ai- ment paifionnément. Les trois fortes qu'on préfère or- 3 dinairement aux autres font le Mangha doodool, le ^J**17J°' Mangha fantock ôc le Mangha gure. 7Q. Les bananes. Les efpèces différentes de ce fruit font innombrables ; mais il n'y en a que trois de bonnes, le Ptjfang mas, le Piffang radja Ôc le Pijfang ambou. Toutes celles-ci ont un goût vineux fort agréable , & les autres font utiles à différens ufages. Ils en font frire quelques-unes en beignets , ôc ils en grillent ôc en mangent d'autres comme du pain. Il y en a une qui mérite en particulier d'être connue des Botaniftes , parce qu'à la différence des autres efpèces de la même famille , elle eft remplie de pépins \ 6c on l'appelle pour cela Piffang batu, ou Piffang bidjie. Elle n'eft pas agréable au goût ; les Malais s'en fervent comme d'un remède contre la dyifenterie, 8<\ Les raiiins. Ils ne font pas très-bons, & ils font fort chers ; car nous n'avons pas pu en acheter une grappe médiocre pour moins d'un cheling ou dix-huit pences. 9°. Les tamarins. Ce fruit y croit en grande abondance & eft à bon marché. Les Naturels du pays cependant ne l'apprêtent pas comme les habitans des Ifles d'Amérique , mais ils 1ailaifonnent de fel ; ce qui en fait une mafie noire, ii défagréable à la vue ôc au goût, que peu d'Européens veulent en manger. io°. Les melons d'eau. Ils y fontabondans ôc très-bons. -—- ,_i no. Les citrouilles. C'eft, fans comparaifon , le ^nn. 1770. frujc |e pjyg uti[e qu'on puiiïè porter en mer; il s'y Décemb. r . r . r r . p . A conferve plufieurs mois ians aucun loin , & en le mêlant avec du fuere & du jus de citron , on en fait des tourtes qu'on diftingue à peine de celles qui font faites des meilleures pommes. 120. La papaye. Ce fruit, lorfqu'il eft mûr, eft rempli de pépins ¿V prefque fans faveur ; mais ii on îe pèle quand il eft verd 6c qu'on en ôte le pépin, il eft meilleur que le turnep. 130. Les goyaves. Les habitans des Ifles d'Amérique eftiment beaucoup ce fruit. Ils en ont probablement d'une meilleure efpèce que celui que nous avons rencontré ici , car il avoit une odeur fi forte 6c ii dé-fagréable , qu'elle incommoda quelques-uns de nous. Ceux qui le goûtèrent dirent que fa faveur étoit également forte. 14o. Une efpèce de corofol ; VAnnona fquammofa de Linnasus, qu'on trouve auffi dans les Ifles d'Amérique. Il eft compofé feulement d'une malle de gros pépins dont on peut fucer un peu de chair qui eft très-douce , mais qui n'a guères de faveur. 15 o. Le Cachimán ou cœur de bœuf ; Y Annona re-ticulata de Linnasus. La qualité de ce fruit eft bien exprimée par fon nom Anglois , qui lignifie pomme-de-flan. On Ta nommée ainfi dans les Ifles d'Amérique ; effectivement il reifemble au flan, 6c il eft très-bon. i6°. La pomme de cachou. On la mange rarement, g?"? parce qu'elle eft aftrin gente, La noix qui croît au fom- Ann met eft très-connue en Europe. De< La noix de coco. Elle eft auiTi très-connue en Europe. Il y en a de plufieurs fortes à Java ; la meilleure de celles que nous y avons trouvées, eft appellée Calappi edjou, & on la diftingue aifément par la rougeur de la chair qui eft entre la peau 6c la coque. i8°. Le mangouftan ; le Garcinia mango/lana de Linnœus. Ce fruit particulier aux Indes orientales, eft k-peu-près de la groffeur d'une pomme fauvage , 6c d'un» couleur de vin foncé. Sur fon fommet il a une couronne de cinq ou fix petits triangles qui fe réunif-fent en cercle 6c plufieurs feuilles vertes creufcs qui font des reftes de la fleur. Lorfqu'on veut le manger, il faut en ôter la peau, ou plutôt une efpèce de chair , au-deffous de laquelle on trouve lix on fept noyaux blancs placés en rond, La pu!pe dont ils font enveloppés eft le fruit, qui eft délicieux au-delà de tout ce qu'on peut imaginer. C'eft un heureux mélange de doux 6c d'aigrelet qui n'eft pas moins fain qu'agréable. Les malades qui font attaqués de fièvres putrides ou inflammatoires, prennent ce fruit mêlé avec l'orange douce, 6c s'en trouvent fort bien. io°. Le jambos; Y Efigenia mallaccenfis de Linnasus. Ce fruit eft d'un rouge foncé 6c d'une forme ovale. Les plus gros , qui font toujours les meilleurs , ont la grandeur d'une petite pomme ; ils font agréables 6c Ü1""■■""".li-! rafraîchiffans , quoiqu'ils n'aient pas beaucoup de fa-Ann. 1770« veur. Décemb. 20°. Le jambu-eyer , autre jambos; une efpèce de Y Eugenia de Linrtasus. Il y a deux efpèces de ce fruit qui ont une forme fembîable , reflèmblante k une cloche ; mais ils différent par la couleur ; l'une eft rouge ôc l'autre blanche. Ils font un peu plus gros qu'une cerife ; ils n'ont ni faveur , ni douceur au goût; ils ne contiennent qu'un fuc aqueux légèrement impregné d'acide. Cependant on les effime dans ce pays chaud, parce qu'ils font rafraîchiffans. 2i°. Le jambu-eyer mauwar ; VEugenia jambos de Linnasus. Celui-ci eft plus agréable k l'odeur,qu'au goût ; fa faveur reffemble a la conferve de rofe , ôc ion odeur, au parfum que répandent ces fleurs fraîches. ^^0. L a pomme de grenade. C'eft le même fruit qui eft connu en Europe fous ce nom. Z3e. Le durion. Ce fruit reffemble k un petit melon ; mais la peau eft couverte d'épines coniques ôc pointues, d'où il a tiré fon nom ; car dure , dans la langue Malais, fignifie piquant. Quand il eft mûr , il fe partage longitudinalement en fept ou huit compar-timens , dont chacun contient fix ou fept noix qui n'ont pas tout-a-fait la groffeur des châtaignes , 6c qui font recouvertes d'une fubftancc qui , par la couleur 6c la confiftence , reffemble beaucoup à la crème épaiffè ; c'eft la partie comeilible , 6c les Naturels du pays l'aiment paÎïïonnément. Les Européens qui en mangent mangent pour la première fois , la trouvent ordinairement défagréable ; fa faveur approche un peu d'un mélange de crème , de fuere ôc d'oignons , ôc l'odeur de l'oignon y eli dominante. 24o. Le Nanea. Ce fruit, appelle Jack dans quelques parties de l'Inde, a comme le Durion une odeur très-défagréable aux étrangers, ôc un peu reflèmblante à celle d'une pomme pourrie mêlée avec de l'ail. La faveur n'en eli: pas non plus du goût de tout îe monde. On dit qu'il devient prodigieufement gros dans quelques pays qui lui font favorables. Rumphius rapporte qu'il eft quelquefois fi grand, qu'un homme peut a peine le foulever , ôc un Malais nous a allure qu'a Maduré il faut fouvént deux hommes pour le porter. Cependant ceux de Batavia n'excèdent jamais la groffeur d'un gros meîon , à qui ils reffemblent beaucoup par la forme. Ils font couverts d'épines anguleufes fem-blables aux aiguilles de quelques cryftaux ; mais qui ne font pourtant pas aifez dures pour bleifer ceux qui les manient. 25o. Le Champada. Celui-ci ne diffère guères du Nanea, qu'en ce qu'il n'eft pas fi gros. iGQ. Le Kambutan. Ce fruit eft peu connu aux Européens. Il reflèmble beaucoup a la châtaigne enveloppée de fa gouflè , ôc comme elle , il eft couvert de petites pointes émouffées & d'un rouge foncé. Le fruit fe trouve fous cette peau, & il y a un noyau en dedans du fruit. La partie bonne à manger eft en petite Torne IV. Kk Ann. i77°» Déccmb. quantité ; mais fon acide eft peut-être plus agréable que celui d'aucun des autres végétaux. 27o. Le Jambolan. Sa groffeur ôc fa figure approchent beaucoup de celles de la prune de damas \ mais il eft un peu plus âpre au goût , & par conféquent moins agréable. 28°. Le Boa Bidarra, ou Rhamnus jujuba de Linnœus. Ce fruit rond 6e jaune eft à-peu-près de la groileur d'une groièille. Sa faveur reiîemble à celle de la pomme , & il eft auffi âpre que la pomme fauvage. i<). Le Nam-nam ; le Cy no metra caulifîora de Lin-nasus. La forme de ce fruit reffemble un peu à celle de la fève ; il a environ trois pouces de long, 6c l'extérieur en eft très-raboteux. On le mange rarement cru , mais cuit au beurre il eft très-bon. 30o. 31o. Le Calappa 3 ou Rerminalia catappa ; 6c le Cañare , ou Canarium commune de LinniEUS. Ce font deux noix qui ont une pulpe un peu reffemblante à une amande ; mais il eft fi difficile d'en rompre la coque , qu'on ne les vend pas au marché. Celles que nous goûtâmes avoient été cueillies par curiofité par M, Banks fur l'arbre qui les porte. 3X°, Le Madja, ou Limonia de Linn&us. Ce fruit renferme fous une coque dure 6c callante, une chair un peu acide qu'on ne peut pas manger fans fuere , 6c même avec ce fupplémcnt, il ne paffè pas généralement pour être agréable. 33Q. Le Suntuî) le Trkhïlia de Linnasus..C'eft le plus mauvais de tous les fruits que je viens de décrire j il -- refiemble au Madia par la forme ôc la groffeur , 6c Ann>i77o. r , .rp ... , . Décemb. fous une peau epailie , il contient une chair comme celle du mangouftan ; le goût en eff acide 6c âpre, 6c fi déiagréable , que nous fûmes furpris de le voir expofé en vente chez les fruitiers. 34°. 3 le Moringa ôc le Socwn , qui ne font mangés que par les Naturels du pays. Le Soccum eft de la même efpèce que le fruit à pain des Ifles de la mer du Sud , mais fi inférieur en bonté, que nous ne l'aurions pas rapporté a cette claffe, fi l'apparence extérieure du fruit ôc de l'arbre n'étoit pas la même au premier coup-d'oeil. Ces fruits , ainfi que quelques autres, ne méritent pas une defcription particulière. L a quantité de fruits qui fe confomme à Batavia eft incroyable ; ceux qu'on expofe publiquement en vente font ordinairement trop mûrs. Cependant un étranger peut en acheter de bons dans la rue de Pef-fang, au Nord , & tout près de la grande églife. Cette rue n'eft habitée que par des fruitiers Chinois qui fe fourniffent dans les jardins des particuliers des environs de la ville , ôc qui en tirent tout ce qu'il y a de plus frais ôc de meilleur en fruits ; mais il faut les leur payer au moins quatre fois plus qu'ils ne leur ont coûté. Une grande quantité de terreins , dont plufieurs font à une diftance confidérable de Batavia , ôc où fou ne cultive que des fruits , approvifionnent la ville de cette denrée. Les gens de la campagne, à qui ces terres appartiennent, fe rendent avec les habitans de la ville a deux grands marchés , dont l'un , appelle Pajfar finan, fe tient le lundi, Ôc l'autre, nommé Pajfar ia-nabank, le famedi. Ces foires fe tiennent à des en- droits fort éloignés Tan de l'autre, pour la commodité des différens diftriéb , mais aucune des deux n'eft dif-tante de Batavia de plus de cinq milles. On peut y acheter les meilleurs fruits , ce à plus bas prix ; le fpeétacle du marché eft très - amufant. La quantité de fruits qu'on y amène eft étonnante ; il eft ordinaire d'y voir arriver cinquante chariots des plus beaux ananas , entalles auffi négligemment que les turneps en Angleterre , & les autres fruits s'y trouvent avec la môme profufion. Cependant, les jours de marché font mal difpofés ; l'intervalle du famedi au lundi eft trop court, ôc celui du lund i au famedi trop long ; la plus grande partie de ce qu'on achette le lundi ne peut pas iè garder jufqu'au marché fuivant ; de forte que pendant plufieurs jours de la femaine, il n'y a de bons fruits à Batavia , que chez les Chinois de Pajfar-Pi (fang. Les habitans de cette partie de l'Inde ont une efpèce de luxe qui n'eft guères pratiqué dans les autres pays ; ils brûlent continuellement des bois aromatiques & des refînes , ôc s'environnent d'odeurs , en plaçant autour d'eux une grande quantité de fleurs ; c'eft peut-être un antidote qu'ils emploient contre les exhalaifons infectes de leurs foffés Ôc de leurs canaux. Us ont beaucoup de fleurs odoriférantes entièrement inconnues en Europe ; je vais donner une defcription des principales. i°. Le Champacka, ou Michclia champacca. Cette fleur croit fur un arbre auffi grand qu'un pommier; elle a quinze pétales longues ôc étroites, ce qui lui ^Jl""" "' ■ donne l'apparence d'être double, quoique réellement Ann. 1770. ejje ne ie f0jc paSt sa couleur eft jaune & beaucoup plus foncée que la jonquille , à laquelle elle reifembîe un peu par fon parfum. i°.Le Cananga 3 ou Uvaria cananga. C'eft une fleur verte qui ne reifembîe point du tout k la fleur d'aucun arbre ou plante d'Europe ; elle a plus l'apparence d'une touffe de feuilles que d'une fleur ; fon parfum eft agréable , mais il lui eft particulier. 30. Le Mulatti, ou Nyclanthes fambac. Celle-ci eft très-connue fous le nom de jafmin d'Arabie dans les ferres chaudes d'Angleterre. Elle croît k Batavia dans la plus grande abondance ; ôc fon odeur , ainfi que celle de toutes les autres fleurs de l'Inde , quoique extrêmement agréable, n'a pas cette force qui diftingue quelques-unes de la même efpèce en Europe. 4°. 50. Le Combang Caracnajp, ôc Combang Tonquin, Pcrcularia Glabro ; ce font de petites fleurs de l'efpèce des Apocins , & qui y reifemblent beaucoup par la forme ôc le parfum ; elles font fort odoriférantes ôc très différentes de toutes les productions de nos jardins Anglois. 6°. Le Bon]a Tanjong, ou Mimufops Elengi de Lin-nasus. Cette fleur a la forme d'une étoile de fept ou huit rayons, ôc d'environ un demi-pouce de diamètre; elle eft dune couleur jaunâtre & d'un agréable parfum. On y trouve encore le Sundal Malata, ou Po lian- du Capitaine Cook. 163 thes Tubcrofa. Cette fleur étant la même que notre - tubéreufe , ne doit point être rangée parmi celles qui ^^.1770* font inconnues en Europe ; mais j'en parle à caufe ^ cem de fon nom Maîai qui fignifie » intriguante de nuit » qualité qui lui convient allez bien. La chaleur de ce climat eft fi grande que peu de fleurs exhalent leur parfum pendant le jour; la tubéreufe étant alors abfo-lument fans odeur ce fa couleur étant modelle 6c fans éclat , elle paroît négliger de s'attirer des admirateurs ; mais dès que la nuit vient elle répand fon parfum , attire l'attention , 6c charme tous ceux qui l'approchent. On vend des fleurs dans les rues tous les foirs au coucher du foleil; elles font difpofées en guirlandes d'environ deux pieds de long , ou arrangées en bouquets de différentes formes, qui fe féparent. Il y a encore dans les jardins particuliers plufieurs autres fleurs odoriférantes , qui n'y croiffent pas en aifez grande quantité pour être apportées au marché. Les perfonnes des deux fexes rempliiîènt leurs cheveux 6c leurs habits de ces fleurs, mêlées avec les feuilles d'une plante appellée Pandang , 6c coupées en petits morceaux. Ils pouffent la recherche encore plus loin , ils répandent ce melange fur leurs lits , de maniere que la chambre dans laquelle ils couchent refpire le plus délicat 6c le plus pur de tous les parfums , 6c comme ils n'ont d'antre couverture qu'une limpie piece de toile fine, cette odeur n'eft point altérée par la tranf-piration, qui n'eft pas fi abondante que lorlqu'on paife la nuit entre deux ou trois couvertures 6c des matelats. Avant de terminer ma defcription des productions végétales de cette partie de l'Inde, je dois parler des épiceries. Java ne produifoit originairement que du poivre : on en envoie aujourd'hui en Europe , pour de très-grandes fommes ; la quantité qu'on en con-fomrae dans l'Iile eft très-petite , les habitans employant prefque univerfellement à fa place du Cap-Jîcum, ou, comme on l'appelle en Europe, du poivre de Cayenne. Les Hollandois s'étant emparés des clous de gérofle ôc des mufcades , ils font devenus trop chers , pour que les autres habitans de ce pays , qui les aiment paiïionnément, en faifent beaucoup d'ufage. Les clous de gérofle font à préfent confinés à Ambo'tm & dans les petites liles fituées dans les environs : on dit qu'originairement ils viennent de Machian ou Bachian , petite lile fort éloignée de Java à l'Eft, mais qui n'eft qu'à quinze milles au Nord de la ligne, ôc que de-là les Hollandois , lors de leurs premiers établilfements , les répandirent dans toutes les Ifles orientales. Ils ftipulèrent par diffdrens traités de paix, palles entr'eux Ôc les Rois des Ifles conquifes dont on vient de parler, que ceux-ci n'auroient qu'un cer~ tain nombre de gérofliers dans leurs domaines ; Ôc dans les conteftations qui furvinrent, fous prétexte de punir la défobéiifancc de ces Princes, ils diminuèrent la quantité permife des gérofliers, jufqu'à ce qu'enfin ils les eulfent entièrement détruits. Les noix mufcades ont été extirpées en quelque manière de toutes les Ifles , excepté de Banda leur premier fol naturel qui çn approvisionne tontes les nations de la terre , ôc «jui en fourniroit également aux peuples d'un autre globe globe, s'il y en avoit un fécond où l'induftrieux Hollandois pût tranfporter cette marchandife. H eft sûr Ann. 1770. qu'il y a très-peu de ces arbres fur la cote de la Non- ^CCQm]°m velie - Guinée. Peut - être y a-t-il des gérofliers & des mufcadiers fur les autres Ifles à l'Eft , mais les Hollandois & les autres Européens paroiifent ne pas les regarder comme dignes d'être vifitées. Les animaux domeftiques de ce pays parmi les quadrupèdes font principalement les chevaux , les vaches , les buffles , les moutons , les chèvres tk les cochons. Les chevaux font petits ; leur taille ne furpafîé jamais celle des chevaux qu'on appelle en Angleterre Galloway mais ils font agiles & pleins de feu , & on dit que les Européens les trouvèrent a. Java, Iorfqu'ils doublèrent pour la premiere fois le Cap de Bonne -Efpé-rance. On prétend que les bœufs font de la même efpèce que ceux d'Europe ; cependant leur figure eft fi diifé-rente de celle des nôtres , que nous doutons qu'ils foient de la même race, Ils ont, il eft vrai, le palearía ou le fanon , que les Naturaliffes donnent comme le caracfé-riftique qui diftingue l'efpèce que nous avons en Europe , mais il eft certain qu'on en trouve de fauvages non-feulement à Java, mais encore dans plufieurs des Ifles d'Orient. Celui que nous mangeâmes à Batavia avoit une chair plus belle que le bœuf d'Europe, mais il étoit moins fucculent & excefïivement maigre. Les buffles y font abondans ; les Hollandois n'en mangent jamais la chair ; ils ne boivent pas non plus le lait des femelles, parce qu'ils font perfuadés que cette nourriture eft mal-faine ôc tendante à donner la fièvre ; quoique Tome IV. L l ggr»""''1"^ les Naturels du pays & les Chinois mangent de l'un ôc Ann. 1770- ¿c l'autre fans en être incommodés. Les moutons font tc ' de fefpèce de ceux qui ont de grandes oreilles pendantes éc du poil au lieu de laine ; la chair en eft dure & coriace, 6c c'eft à tous égards le plus mauvais mouton que nous ayions jamais mangé. Nous y trouvâmes pourtant quelques moutons du Cap , excellents , mais ii chers que nous en achetâmes quatre k quarante - cinq chelins la pièce , éc le plus gros ne pefoit que quarante - cinq livres. Les chèvres ne font pas meilleures que les moutons , mais les cochons , fur-tout ceux de la race Chinoife , font très-bons 6c fi gras qu'on y acheté le maigre féparément. Le boucher, qui eft toujours Chinois, en ote fans la moindre difficulté autant de gras qu'on le veut , éc il le revend à fes compatriotes qui le fondent 6c le mangent en place de beurre avec leur riz ; malgré l'excellence de ce porc , les Hollandois font fi fortement prévenus en faveur de tout ce qui vient de leur pays natal f qu'ils ne mangent que des moutons des race Hol-landoife, qui y font beaucoup plus chers que les Chinois , comme les moutons Chinois - coûtent plus en Europe que les Hollandois. Outre ces animaux qui font domeftiques, ils ont encore des chiens 6c des chats fauvages, ainfi que des chevaux 6c d'autres beftiaux dans les montagnes de l'intérieur de l'Ifle : on ne trouve plus de buffles fauvages dans aucune partie de Java , quoiqu'ils foient abondans k Macajjar 6c dans plufieurs autres Ifles d'Orient. Les environs de Batavia font très-bien fournis de deux efpèces de dains & de cochons fauvages très- "ZZZ. bons ; les Portugais , qui les tuent, vendent à un prix Ann-raifonnable. ^u On dit qu'il y a une grande quantité de tigres & quelques rhinocéros dans les montagnes & les lieux déferts de l'Ifle; ces mêmes endroits nourriíTent auili des finges, qui ne font qu'en petit nombre aux environs de Batavia. On eft étonné de l'abondance de poiffons qui fe trouvent à Batavia, il y en a plufieurs d'excellents , & ils font tous à bon marché , excepté le petit nombre de ceux qui font rares. Là , comme dans les autres pays, la vanité l'emporte même fur la gourman-dife ; les feuls efclaves fe nourriflènt des poiffons à bon marché , quoiqu'ils foient la plupart de la meilleure efpèce , & les riches couvrent leurs tables de ceux qui font chers , précifément parce qu'ils font rares , car ils valent fouvent beaucoup moins que les premiers. Un Aubergifte de bon fens nous parla un jour librement fur ce fujet. » Je fais auili - bien que yy vous , nous dit-il, que je pourrois pour un cheling yy acheter un plat de poiifon meilleur qu'un autre qui yy m'en coûte dix; mais fi je prenois ce parti , je fe-v rois auiTi peu eftime que vous le feriez en Europe , yy ii vous ferviez fur vos tables des mets qui ne fe-yy roient bons que pour les mendians ou pour les yy chiens >>. Il y a des tortues à Batavia , mais elles ne font ni auili tendres, ni auffi graifes que celles des Ifles d'A- Ll ij gjgSSS mcrique , même lorfqu'on mange celles - ci à Londres] Ann. 1770. tei]es qu'elles ione , nous les regardions comme un fort bon aliment s mais les Hollandois iinguliers , en ce point comme en beaucoup d'autres chofes , ne les mangent pas. Nous avons vu quelques lézards ou iguans très-grands ; on nous a dit que quelques-uns étoient auili gros que la cuiife d'un homme \ Se M. Banks en tua un qui avoit cinq pieds de long : la chair de cet animal eft une excellente nourriture. La volaille y eft très-bonne & en grande abondance. Les poules qui font très-groifes, les canards Se les oies y font k fort bon marché \ les pigeons font chers ; Se. le prix des coqs-d'inde eft exhorbitant. Nous avons trouvé quelquefois que la chair de ces animaux étoit maigre & sèche ; mais cela provenoit uniquement de ce qu'ils avoient été mal nourris, car ceux que nous nourririons nous-mêmes étoient auili bons qu'aucun de la même efpèce que nous euiTions mangé en Europe ; Se quelquefois ils nous ont paru meilleurs. En général , le gibier volant y eft rare : nous avons apperçu une fois dans les champs un canard fauvage , mais nous n'en avons jamais vu d'expofés en vente. Nous avons vu fouvent des beccaiîines de deux efpèces, dont Tune eft exactement la même que celle d'Europe , Se il y a une efpèce de grive qu'on peut toujours acheter en grande quantité des Portugais , qui 9 je ne fais pour quelle raifon , fe font approprié le commerce du gibier. Il eft à remarquer que les beccailines fe trouvent dans beaucoup plus de pays du monde qu'aucun autre oifeau \ elles font communes prefque dans toute l'Europe , i'Afie , l'A- frique & l'Amérique. Ann. 1770. L a nature n'a pas accordé tant de boiifons aux habitans de Java qu'à d'autres peuples placés dans les régions les moins fertiles du Nord. Il eft vrai que les Naturels de Java ôc la plupart des autres Indiens qui habitent cette Ifle font Mahométans, & par-conféquent ils n'ont pas beaucoup à regretter de ne point avoir de vin ; mais, comme fi la prohibition de leur loi ne regardoit que la manière de s'enivrer ôc non l'ivrognerie elle-même, ils mâchent du bétel jufqu'à perdre entièrement la raifon ¿V la lanté. Earrack qu'on y fait eft trop connu pour qu'il foit néceffaire d'expliquer la manière dont on le fabrique ; le palmier donne en outre un vin de la même efpèce que celui dont nous avons déjà parlé dans la defcription de l'Ifle de Savu. On le tire du même arbre ; on employé la même méthode pour le faire ôc on le vend dans trois états. Dans le premier , il eft prefque tel qu'il fort de l'arbre , & on l'appelle Tuac manije. Il a cependant déjà reçu quelque préparation qui nous eft entièrement inconnue , au moyen de laquelle il fe garde deux jours , ôc fans laquelle il fe corromproit en douze heures : il eft alors d'une douceur agréable ôc n'enivre pas. Dans les deux autres états , il a fubi une fermentation & on y a mis une infuiion d'herbes & de racines qui lui font perdre fa douceur & lui donnent un goût très-auftère ôc très-défagréable. L'une de ces liqueurs eft nommée Tuac cras ôc l'autre Tuac cuning ; je ne puis pas afligner quelle ■ —- eft leur différence , mais elles enivrent fortement tou- Anm. [770. tcs cjeuXi ns expriment aufîi de la noix de coco une JDece¡nb, . . , liqueur appellèe luac\ ils sen fervent principalement pour la mettre dans Farrack , car c'eft un ingrédient effentiel de la compoiition de celui qui eft bon. pu Capitaine Cook. CHAPITRE XII. Détails fur les Habitans de Batavia & du Pays adjacent, fur leurs Mœurs, leurs Coutumes & leur manière de vivre. ÇjvoiQVE Batavia foit la Capitale des domaines , Hollandois dans l'Inde, elle eft ii loin d'être peuplée Ann. 1770. de Hollandois, que parmi les habitans Européens de Décemb. la ville 6c de les environs, il n'y en a pas la cinquième partie qui foient natifs de Hollande, ou d'extraction Hollandoife. Les Portugais forment le plus grand nombre , & outre les Européens, il y a des Indiens de diverfes nations, des Chinois 6c beaucoup d'efcla-ves Nègres. On trouve dans les troupes des hommes de prefque tous les pays de l'Europe ; mais des Anglois, des François , autant d'Allemands que de toutes les autres Nations. Les Hollandois, qui permettent aux autres Européens de gagner de l'argent, retiennent tout le pouvoir dans leurs mains, & pofsèdent par conféquent tous les emplois publics. Aucun homme , de quelque nation qu'il foit, ne peut aller s'y établir qu'en qualité de foldat au fervice de la Compagnie , 6c même avant d'être reçu, il doit s'engager à y refter cinq ans. Cependant, dès qu'il a fatisfait à cette formalité , il s'adreífe au Confeil qui lui permet de s'abfenter de fon corps & de fe livrer au genre de commerce que fa fortune 6c fes talens le mettent en état d'entreprendre , %-]% Voyage & c'eft ce qui fait que tous les Blancs de Batavia Ann. 1770. font foldats. Decemb. Les femmes de toutes les nations peuvent s'établir à Batavia fans être foumifes k aucunes gênes ; mais on nous a dit que pendant notre féjour il n'y en avoit pas vingt de nées en Europe, & que les Blanches qui y font en aifez grande quantité , defeendent de parens Européens de la troifième ou quatrième génération , les reftes de plufieurs familles qui font venues fuccefhV vement s'y fixer , & dont la ligne mâle s'eft éteinte ; car il eft fur que ce climat n'eft pas if funefte aux femmes qu'aux hommes. Ces femmes imitent en tout les Indiennes ; leur habillement eft compofé des mêmes étoffes ; elles arrangent leurs cheveux de la même manière, & elles fe font également affervies à l'habitude de mâcher du bétel. Les Marchands conduifent leur commerce avec moins de peine , peut-être , que dans aucune autre partie du monde : chaque manufacture eft dirigée par un Chinois qui vend le produit de leur travail au Négociant réfidant à Batavia, fans pouvoir le vendre à. d'autres perfonnes. Lorfqu'un vaiifeau arrive, & demande, par exemple, cent leagers d'arrack, ou quelque quantité que ce foit d'autres marchandifes , le Marchand n'a rien à faire que d'envoyer des ordres k fon Chinois pour les faire mettre k bord. Celui - ci exécute l'ordre , tire un reçu du Capitaine du bâtiment pour les marchandifes, le porte au Négociant qui qui Ta employé ; celui-ci reçoit l'argent , & après en ~-~ < — avoir déduit ion profit, paye au Chinois la valeur de 1770. ce qu'il a fourni. La cargaifon importée caufe un peu Dtcemb" plus d'embarras au marchand; il doit l'examiner, la recevoir, la mettre dans íes magafins fuivant la pratique des autres pays. Les Naturels de l'Ifle appellent les Portugais Oran-ferane y ou hommes Nazaréens, pour les distinguer des autres Européens. Oran, dans la langue du pays íignifie homme ; ils comprennent cependant les Portugais fous la dénomination générale de caper ou cafir y nom injurieux que les Mahométans donnent â tous ceux qui ne profeifent pas leur religion; quant aux Portugais ils ont renoncé à la religion de Rome pour devenir Luthériens ; ils n'ont aucune communication avec la patrie de leurs ancêtres, 6c même ils ne la connoillènt pas. Ils parlent, il cil vrai , une langue corrompue du Portugais ; mais ils fe fervent beaucoup plus fouvent de la langue Malaife. On leur permet feulement de s'occuper aux travaux les plus vils ; plufieurs vivent de la chaflé , d'autres du métier de blanchiffeur de linge , 6c quelques - uns font artifans 6c ouvriers. Ils ont adopté tous les ufages des Indiens dont on les diftingue principalement par les traits 6c la couleur ; ils ont la peau beaucoup plus brune 6c le nez plus pointu ; fi l'on en excepte la manière d'arranger leurs cheveux , leur ajuf-tement eft abfolument le même. Les Indiens, mêlés avec les Hollandois & les Portugais a Batavia 6c dans le pays adjacent, ne font Tome IV. Mm pas Javans comme on pourroic l'imaginer, mais na- ll^'S C^e ^^^rentes ^es ^,()u ^ Compagnie importe des eiclaves, 6c ils ont été affranchis eux-mêmes, ou ils defcendent d'Indiens anciennement affranchis , 6c ils font tous compris fous le nom général à10 ratifiant ou ÎJalani , qui lignifie Sectateurs de la vraie foi. Cependant on diftingue aifément les natifs de chaque pays particulier, 6c on peut les reconnoitre, comme des eiclaves à leur marque, par les vices 6c les vertus de leurs différentes nations. La plupart de ceux-ci font employés k la culture des jardins 6c k vendre des fruits ce des fleurs. Ce font ces indiens qui cultivent le bétel 6c l'areque, qu'on appelle ici Siri ôc Pinang ; les deux fexes de tous les rangs en mâchent une quantité furprenante. Us mêlent auili de la chaux avec ces racines, ainfi qu'on le fait k Savu; mais la chaux leur gâte moins les dents, parce qu'ils l'éteignent avant de s'en fervir , 6c ils y ajoutent en outre une fubftance appellée Gambir } qu'on tire du continent de l'Inde ; les femmes, au-deifus du commun , y mettent encore du cardamome 6c plufieurs autres aromates , pour donner k leur haleine une odeur agréable. D'autres Indiens s'adonnent à la pêche 6c conduifent par eau des marchandifes d'un endroit k l'autre. Quelques-uns d'entr'eux font riches ôc vivent avec la magnificence de leur pays 3 qui coniiffe, principalement, a avoir un grand nombre d'efclaves. Ces ïfalams font d'une tempérance remarquable à l'égard de la nourriture : elle coniiffe fur - tout en riz bouilli , avec très - peu de buffle , du poiiîbn m**™™m ou de la volaille, quelquefois du poiffon fec, ôc des Ann. 1770. chevrettes fèches qu'on y apporte de la Chine ; chaque Decemb* plat eft fortement aifaifonné de poivre de Caycnne ; ils ont auffi plufieurs efpèces de patifferies faites de farine de riz & d'autres fubftances que je ne connois pas, & ils mangent beaucoup de fruits & en particulier de ceux que produit le plane. Malgré leur tempérance générale , leurs fef-tins font fomptueux ôc magnifiques à leur manière. Comme ils font Mahométans , îe vin & les liqueurs fortes ne font pas partie de leur régal en public, & ils n'en boivent pas fouvent en particulier; ils fe contentent de leur bétel ôc de leur opium. Le mariage eft la principale cérémonie d'appareil parmi eux ; les familles empruntent, à cette occafion , autant d'ornemens d'or ôc d'argent qu'elles peuvent en trouverpour en parer les époux ; de forte que leurs ha-billemens de nóce font très-brillans ôc très-magnifiques. Les fêtes que donnent les riches durent quelquefois quinze jours ôc quelquefois plus long-tems ; pendant cet intervalle les femmes empêchent le mari d'avoir commerce avec fon époufe, quoiqu'il foit marié dès le premier jour. La langue que parlent prefque tous ces peuples, de quelques pays qu'ils tirent leur origine, eft le Malais, au moins c'eft le nom qu'on lui donne, ôc c'eft probablement un dialecte très-corrompu de celui qui eft en ufage à Malacca. Chaque petite Ifle cependant^ fon Mm ij langage particulier , & Java en a deux ou trois; mais cette efpèce de langue franque eff la feule qu'on y parle aujourd'hui , 6c on m'a dit qu'elle étoit ufitée dans une grande partie des Indes Orientales. Thomas Eowrey a publié k Londres, en 1701 , un Dictionnaire Malais ôc Angiois. Les femmes portent tous les cheveux qui croiffenc fur leurs têtes, 6c afin d'en augmenter la quantité, elles fe fervent d'huiles 6c d'autres ingrédiens. Elles en ont beaucoup; ils font généralement noirs; elles en forment une efpèce de trèfle circulaire fur le fommet de la tête où elles l'attachent avec une aiguille d'une manière on ne peut pas plus élégante. La trèfle de cheveux eff furmontee d'une autre treife de fleurs, dans laquelle le jafmin d'Arabie eft agréablement entremêlé avec les étoiles d'or du Bonger Tanjong, Les deux fexes fe baignent conftamment dans ïa rivière , au moins une fois par jour. Cet ufage, dans ce pays chaud , eff également néceffaire à la propreté 6c à la fante. Ils donnent aufîi beaucoup d'attention k leurs dents , quoique leur couleur s'altère fortement par le bétel qu'ils mâchent. Par une. opération très-incommode 6c très-pénible , ils en ufent les extrémités, tant de celles de la mâchoire Supérieure que de l'inférieure, avec une efpèce de pierre à aiguifer, jufqu'à ce qu'elles foient parfaitement égales Ôc polies , de forte qu'ils leur font perdre au moins une demi-ligne de longueur. Ils font enfuite au milieu des dents de la mâchoire fupérieure, un fillon profond parallèle aux gencives; la profondeur de ce fillon eft au moins- égale h la quatrième partie de l'épaiffeur de la dent, ^.iu^ïïSuJ de forte qu'il peut aller fort au-delà de ce qu'on ap- Ann. 1770. pelle l'émail, qu'on ne peut pas endommager fuivant üccem ' ¡es dentiiles d'Europe , fans perdre la dent. Cepen-dant nous n'en avons jamais vu une de gâtée parmi ces peuples qui font dans l'ufage univerfel d'en fillon-ner ainfi l'émail. La noirceur qui y relie après l'opération, s'enlève en la lavant, ôc la dent paroît alors aufîi blanche que l'ivoire , ce qui n'eft pourtant pas eftime comme un avantage par les belles & les petits-maîtres de ces nations. Depuis un tems immémorial, la pratique appellee vioik , ou courir un muck , eft écablie chez ces peuples. On dit qu'un Indien court un muck , dans le léns originaire du mot , lorfqu'après s'être enivré d'opium il fe précipite dans les rues une arme a la main , tuant toutes les perfonnes qu'il rencontre ? jufqu'à ce qu'il foit tué lui-même ou arrêté. Nous en avons vu plufieurs exemples pendant notre féjour h Batavia , ôc un des Officiers chargés de fai-fir ces furieux , nous dit qu'il fe palfoit rarement une fernaine fans que lui ou ics confrères fuiîént appelles pour en arrêter quelqu'un. Dans un des cas dont nous avons été témoins , l'homme avoit eu plufieurs fois a fe plaindre de la perfidie des femmes , 6c étoit devenu fol de jalouiïe avant de s'enivrer d'opium ; on nous a dit que l'Indien qui court un muck , eft toujours réduit au défefpoir par quelque outrage, 6c qu'il fe venge d'abord fur ceux qui lui ont fait des injures;, on nous a appris auifi que , quoique ces miférables courent les rues une arme à la main , écumants de I7?0, rage , cependant ils ne tuent jamais que ceux qui tachent de les arrêter, ou ceux qu'ils foupçonnent de ce defîèin ; & que ceux qui les Iailïênt paffer font en fureté. Ce font ordinairement des efclaves qui, par confé-quent font très-expofés aux injuffices, ôc qui en obtiennent plus difficilement une réparation légale ; les hommes libres cependant fe livrent quelquefois à. cette extravagance , & un de ceux que nous vîmes étoit libre & affez riche. Il étoit jaloux de fon propre frère, qu'il maffacra d'abord , ainfi que deux autres hommes qui voulurent lui faire réfìff ance ; il ne fortit pourtant pas de fa maifon : il tâcha de s'y défendre , quoique l'opium l'eût tellement privé de fes fens, que de trois fufils qu'il mit en joue contre les Officiers de la police, aucun n'étoit ni chargé, ni amorcé. Si l'Officier prend en vie un de ces amocks ou mohawks , comme on les appelle par corruption , fa récompenfe eft très-confidérable , mais s'il le tue, il ne reçoit rien au-delà de fa paie ordinaire. Cependant, tel eff îe défefpoir de ces furieux qu'ils tuent trois ou quatre des permîmes chargées de les arrêter , quoique ceux-ci aient des efpèces de grandes tenailles pour les faifir fans fe mettre à la portée de leurs armes. Ceux qu'on prend en vie font ordinairement bleffés , mais ils n'en font pas moins rompus vifs , & fi le médecin qui eff chargé d'examiner leurs bleffures ,- penfe qu'elles peuvent être mortelles , la peine eff infligée fur îe champ, & la place de l'exécution eff communément le lieu où ils ont commis leur premier affai-finat. On trouve chez ces peuples plufieurs pratiques & ct-ì4itj^ opinions abfurdes qu'ils ont reçues des payens leurs an- Ann. 1770. cêtres : ils croyent que le diable, qu'ils appellent Satan , eft la caufe de toutes les maladies Ôc de toutes les advcriités ; ôc pour cette raifon , lorfqu'ils font infirmes ou dans l'infortune, ils lui confacrent, comme une offrande propitiatoire , des alimens , de l'argent, ôc beaucoup d'autres chofes. Si quelqu'un parmi eux ne peut pas prendre du repos, Ôc fait des rêves deux ou trois nuits confécutives , il conclut que Satan emploie cette voie pour lui intimer íes commandemens , ôc que s'il néglige de les accomplir , quoiqu'ils ne foient pas révélés affez clairement pour en comprendre le fens , il tombera certainement malade ou mourra. Il fait pour interpréter íes fonges, de grands efforts d'imagination , ôc ii en les prenant à la lettre ou al-légoriquement, directement ou en fens contraire, il ne peut venir à bout d'en tirer une explication qui le fatisfalfe , il a recours au Cawin , ou Prêtre qui l'aide de fes commentaires ôc de fes éclairciflemens, ôc qui lui explique diilinclement les myflérieufes infpirations de la nuit. L'interprétation générale eft que le diable a befoin de vivres ou d'argent, qu'on ne manque jamais de lui donner : ils placent ces préfenf^s fur une petite planche de feuilles de cocos , Ôc ils les fufpendent iur les branches d'un arbre près de la rivière ; de forte que ces peuples ne paroifTent pas penfer que le diable dans fes courfes fur la terre, afe promene, comme dit l'Ecriture , dans les lieux déièrts ôc arides w. M. Banks leur demanda une fois s'ils penfoient que le diable dépeniât l'argent ou mangeât les alimens ; on lui repondit que quant à l'argent, il eft regardé plu-Ann. 1770. tat comrne une expiation que paie le pécheur, que comme un don dont Satan doive jouir, ôc que s'il eft offert par l'homme qui fait des fonges, il n'importe pas en quelles mains il arrive, qu'il eft ordinairement pris par quelque étranger qui parlé dans ce lieu. Ils ajoutent que pour les alimens , quoique le diable n'en mange pas les parties groifières/cependant en les approchant de fa bouche , il en fuce toute la faveur fans changer leur forme ; de forte qu'enfuite ils font auili iniipides que de l'eau. Ils ont une autre opinion fuperftitieufe , dont il eft encore plus difficile de rendre compte. Us croyent que les femmes en accouchant, mettent iouvent au monde en même-tems un jeune crocodile, jumeau de l'enfant ; ils imaginent que la fage-femme reçoit cet animal avec beaucoup de foin , & le porte fur-le-champ à la riviere où elle les met dans Peau. La famille dans laquelle on fuppofe qu'eft arrivée cette naiifance, porte conftamment des alimens à la riviere pour ces parens amphibies , 6k le jumeau fur-tout y va à certain tems , dans tout le cours de fa vie , accomplir ce devoir fraternel ; ils font unanimement per-fuadés que s'il y manquoit , il feroit puni de maladie ou de mort. H n'eft pas aifé de deviner ce qui a pu introduire pour la premiere fois une idée fi extravagante 6c fi abfurde , d'autant plus qu'elle ne paroîc avoir aucune liaifon avec leur croyance ? ôc il eft encore plus difficile d'expliquer comment on peut fou-tenir qu'un fait qui n'eft jamais arrivé, arrive tous lps jours, jours , fur-tout lorsqu'il eft affirmé par des hommes qui ne peuvent pas être trompés par les apparences , Ann. 1770. ; - , , a \ 1 /- i ti Va 1 Décemb. & qui n ont aucun intérêt a la fraude. 11 nett cependant rien de plus certain que la ferme croyance de cette folie parmi ce peuple , Ôc tous les Indiens que nous avons interrogés fur ce fait nous l'ont unanimement atteft.ee. Elle femble avoir pris naiflànce dans les files de Célebes Ôc de Bouton, où plufieurs des habitans nourriffent des crocodiles dans leurs familles ; mais , quoiqu'il en foit de cette conjecture, cette opinion s'eft répandue fur toutes les ifles orientales jufqu'à Timor, 6c Ceram, ôc à l'Oueft, jufqu'à Java 6c Sumatra , où cependant; je ne crois pas qu'on ait jamais entretenu de jeunes crocodiles. Ces crocodiles jumeaux font appelles Sudaras 3 6c je vais rapporter une des fables fans nombre, qu'on nous a racontées pour certifier, nous difoit-on , d'une maniere inconteftable leur exiftence par un témoignage oculaire, Une jeune femme efclave, née Ôc élevée parmi les Anglois de Bencouli, 6c qui favoit un peu notre langue , dit à M. Banks que fon pere en mourant , lui apprit qu'il avoit un crocodile pour fon fudara , 6c qu'il l'avoit chargée folemnellement de lui donner à manger quand il feroit mort, en lui indiquant dans quelle partie de la riviere elle le trouverait , 6c par quel nom elle devoit l'appeller : que fuivant les inf-tructions 6c le commandement de fon pere , elle étoit allé fur les bords de la, riviere , 6c qu'elle l'avoit appelle Radja pouti , a Roi blanc 5^ ; fur quoi un crocodile étoit forti de l'eau 6c avoit mangé de fa main Tome IF. Nn «'^""^ les provifions qu'elle lui avoit apportées. Quand on la Ann. 1770. pria ¿c faire la defcription de cet oncle paternel qui Décemb. ^jp0jc pa demeure dans l'eau fous une forme fi étrange, elle dît qu'il n'étoit pas comme les autres crocodiles, mais beaucoup plus beau ; que fon corps étoit tacheté & fon nez rouge ; qu'il avoit des bracelets d'or à fes pattes , 6c des pendans de même métal à fes oreilles. M. Banks écouta patiemment jufqu'à la fin ce conte d'une fauffeté ridicule , 6c il renvoya enfuite la fille , fans lui faire remarquer qu'un crocodile avec des oreilles étoit un monffre auffi extraordinaire qu'un chien avec des griffes. Quelque tems après , un domeitique que M. Banks avoit loué à Batavia , 6c qui étoit fils d'un Hollandois 6c d'une femme lavane , jugea à propos d'avertir fon maître qu'il avoit vu avec plufieurs autres Hollandois 6c Malais , un crocodile de la même efpèce; qu'il étoit très-jeune; qu'il n'avoit que deux pieds de long , 6c des bracelets d'or à fes pattes. Je ne puis pas croire cette hiffoire, lui répondit M. Banks ; car on m'a afTuré l'autre jour qu'un crocodile avoit des pendans d'oreille , 6c vous fçavez que cela eff faux , puifque ces animaux n'ont point d'oreilles, a Ah , Moniieur, lui répliqua le valet, ces « fitdara oran ne font pas comme les autres croco— » dues ; ils ont cinq doigts à chaque pied , une grande » langue qui remplit leur bouche, ¿c des oreilles aufîi3 » quoiqu à la vérité elles foient très-petites. 1 On ne peut pas favoir jufqu'où ces perfonncs croyoicnt à la vérité de ce qu'elles racontoicnt ; car la crédulité de l'ignorance 6c de la fottife n'a point de Di; Capitaine Cook. 183 bornes. Cependant il y a dans la relation de la fille, —j—""**-'*"" des faits fur lefquels il lui étoit impoilìble de fe tronv Ann. 1770. per , & par conféquent elle étoit coupable d'une fauf-ioU manifefte & volontaire. Son pere a pu la charger de nourrir un crocodile qu'il imaginoit être fon fudara\ mais dire qu'il eft forti de la riviere Iorfqu'elie fa appelle par le nom de Roi blanc, ôc qu'il a pris les alimens qu'elle lui avoit apportés, c'eft une fable de fa propre invention, puifqu'il lui a été impoifible de croire que ce fait fût vrai. Cependant ion hiftoire prétendue, ainfi que celle du domeftique , font une forte preuve qu'ils étoient fermement perfuadés de fexif-tence des crocodiles fit dar as , & .on expliquera aifé-ment la fiéfion de la fille , fi l'on confidare que le defir vif que chacun éprouve naturellement de per-fuader aux autres ce qu'il croit lui-même, eft une tentation puiffante de le foutenir par les preuves les plus abfurdes. On fait qu'il eft arrivé fouvent que plufieurs perfonnages , refpecfables d'ailleurs , fe font rendu coupables de cette efpèce de faux témoignage , afin d'opérer fur les autres la perfuafion d'une opinion qu'ils croyoient être vraie. Les Bougis , les Macaffars ôc les Boetons font fi fermement perfuadés qu'ils ont des parens crocodiles dans les rivières de leur pays , qu'ils font en leur fouvenir une cérémonie périodique. Us vont pat-troupes fur un bateau , fourni d'une grande quantité de provifions & de toute forte de mufique ; ils chantent & pleurent alternativement; chacun invoque fes parens jufqu'à ce qu'un crocodile paroiffe, ôc dès- Nn ij lors k mufique s'arrête , & ils jettent dans l'eau les Ann. 177° proviíions , le bétel 6e le tabac. Par ces honneurs qu'ils rendent à fefpèce , ils cfpèrcnt être agréables aux Individus qui font leurs parens, & que ceux-ci accepteront ces offrandes générales qu'ils ne peuvent pas leur adreifer en particulier. Parmi les habitans de Batavia, après les Indiens il faut ranger les Chinois qui font en très-grand nombre dans cette place , mais qui poffèdent très-peu de bien ; plufieurs d'entr'eux vivent en-dedans des murailles 6c tiennent boutique. Nous avons déjà parlé des vendeurs de fruits de PaJJar-PiJJang : d'autres étalent une grande quantité de marchandifes ïuropéennes 6c Chinoifes; la plus grande partie cependant vit en dehors des murailles dans un quartier qui leur eft particulier , 6c qui eif appelle le camp Chinois. Plufieurs d'entr'eux font charpentiers , menuifiers , forgerons , tailleurs 3 cordonniers , teinturiers 6c brodeurs ; ils y foutiennent la réputation d hommes induftrieux qu'on leur attribue univerfellement ; quelques-uns font répandus dans la campagne des environs, où ils entretiennent des jardins, cultivent du riz 6c du fuere , ou nourriffefit des vaches 6c des buffles , dont ils portent journellement le lait à la ville. Il n'eft rien de vil ou de mal - honnête , que l'appât du gain ne faife entreprendre aux Chinois , pourvu qu'ils ne courent pas un trop grand danger d'être furpris : quoiqu'ils travaillent avec beaucoup d'application , 6c qu'ils fupportent patiemment toute efpèce de fatigue , cependant ils n'ont pas plutôt quitté leur ouvrage qu'ils fe mettent à jouer aux car- r-—Ul-z: tes , aux dés, ou a quelques autres jeux qu'ils ont in- An^. 1770. ventés, 6c qui font entièrement inconnus en Europe. Ils s'y adonnent avec tant d'ardeur, qu'ils prennent à. peine le tems de manger 6c de dormir ; de forte qu'il eft auifi rare de voir un Chinois oiiif que de rencontrer un Hollandois ou un Indien occupés. Ils font très-polis , ou plutôt ferviles dans leurs manières ; ôc de quelque rang qu'ils foient , leur habillement eft toujours d'une propreté remarquable. Je n'entreprendrai pas de décrire ici leur figure ôc leurs vêtemens ; car la belle efpèce de papier Chinois , qui eft aujourd'hui commune en Angleterre , en donne une repréfentation parfaite 3 quoique peut-être avec quelques légères exagérations qui approchent de la caricature. Ils ne font pas difficiles fur le manger ; leurs repas font peu fomptueux , quoique le petit nombre de riches fe nourriifent de mets délicats. Le riz, avec très-peu de viande ou de poiffon , fert de nourriture aux pauvres , ôc ils ont en cela de grands avantages fur les Indiens Mahométans s a qui la religion défend de manger plufieurs choies qu'ils pourroient aifément fe procurer. Comme on ne leur a point impofé de défenfes pareilles , outre le porc, ils mangent des chiens , des chats , des grenouilles , des lézards , des ferpens de plufieurs fortes, & un grand nombre de poiífons qui ne font pas partie des alimens des autres habitans de ce pays : ils y font entrer aufîi plufieurs végétaux , auxquels un Euro- ü^^M--péen ne toucheroic jamais, à moins qu'il ne fût fur \nn. i77°» le point de périr de faim. Décemb. r r Les Chinois ont une fuperftition fingulierc fur Fcnterrement de leurs morts; car jamais, dans aucun cas , ils n'ouvrent la terre une feconde fois, h l'endroit où un cadavre a été enterré. Leurs cimetières , dans les environs de Batavia , couvrent plufieurs centaines d'acres de terrein ; & les Hollandois , fâchés de voir tant de terres en friche, n'en vendent pour cela qu'au prix le plus exhorbitant. Cependant les Chinois trouvent moyen de fe procurer la fomme qu'on demande, 6c ils nous donnent un autre exemple de la folie 6c de la foibleife de la nature humaine , qui tranfporte aux morts les égards qu'elle a pour les vivants , 6c qui fait de ce point un objet de foîlicitudc Ôc de dé-penfes qui ne peuvent procurer aucun avantage à ceux qui ont quitté la vie. Entraînés par ce préjugé univerfel , ils emploient une méthode peu commune pour conferver le cadavre entier, & empêcher que fes cendres ne fe mêlent avec la terre qui les environne. Us le renferment dans une bière de bois large 6c épaiffe , qui n'eft pas faite de planches jointes enfem-ble, mais d'un tronc d'arbre folide, creufé comme un canot. Après en avoir recouvert le deffus , ils la placent dans la foilè 6c l'enduifent d'une couche de leur mortier appelle Chinam, d'environ huit ou dix pouces d'épaifîèur, laquelle en peu de tems, devient aufîi dure que la pierre. Les parents du défunt affiffent aux funérailles avec un nombre confidérable de femmes louées pour pleurer : on peut bien penfer que cet appareil de deuil , acheté a prix d'argent 3 ne flatte pas plus les vivants qu'il n'eft utile aux morts ; ce- Ani^ pendant on paie des pleureurs chez des peuples beaucoup plus raifonnables & plus éclairés que les Chinois. La loix ordonne à Batavia que chacun foit enterré fuivant fon état, 6c on n'en difpenfe dans aucun cas ; de forte que , fi le défunt n'a pas laiffé de biens pour payer fes dettes, un Officier fait un inventaire de ce qui lui reftoit en mourant ; il en prélève une partie pour faire les funérailles , fuivant l'ufage preferii, & les créanciers ne fe partagent que le fur-plus. C'eft ainfi que dans plufieurs cas les vivants font facrifiés aux morts, & que l'argent qui devroit acquitt-er une dette ou nourrir des orphelins , eft dépenfé dans des cérémonies inutiles, ou enfoui dans le fein de la terre. Les efclaves forment une autre claffe nombreufe parmi les habitans de ce pays , les Hollandois , les Portugais 6c les indiens d'un certain rang , font toujours fuivis par des efclaves : on les tire de Sumatra, de Malacca & de prefque toutes les Ifles à l'Eft. Les natifs de Java, dont un très-petit nombre, comme je l'ai deja remarqué, vivent dans les environs de Batavia, ne peuvent pas être réduits en fervitude ; les loix ftatuent fur cette matière des peines très-févères qui, à ce que je penfe, font très-rarement violées. Le prix de ces efclaves eft de dix à vingt livres fterîings, mais les femmes en coûtent quelquefois cent fi elles ont de la beauté; ces malheureux font très - pareffèux , 6c comme ils font peu d'ouvrage , ils fe contentent de peu de nourriture ; ils vivent uniquement de riz Ann. 1770. bouilli & d'une petite quantité du poiiîon le moins cher. Etant originaires de différons pays, ils diffèrent extrêmement les uns des autres par la ligure Ôc le caractère. Les nègres d'Afrique, appelles Papua , font les plus mauvais, & par conféquent ceux qu'on achette à meilleur marché ; ils font tous voleurs 6c incorrigibles. Il faut ranger enfuite les Bongis 6c les Ma-cajjars de l'Ifle de Célebes ; ceux - ci font fainéans au dernier point, 6c, quoiqu'ils ne foient pas ii adonnés au vol que les nègres, ils ont un efprit vindicatif 6c cruel qui les rend cxtraordinairement dangereux ; d'autant plus que pour fatisfaire leur reffentiment , ils n'héiitent pas à facrificr leur vie. Les meilleurs efclaves^ôc les plus chers viennent de l'Ifle de Bali ; les plus belles femmes font originaires de Nias , petite lile fur la cote de Sumatra ; mais leur conffi-tution foi ble 6c délicate fuccombe bientôt à l'air mal-fain de Batavia, il y en a en outre des Malais 6c des efclaves de plufieurs autres dénominations , dont je ne me rappelle pas les différons caractères. Les maîtres ont plein pouvoir d'infliger à leurs efclaves tous les châtimens qui ne les privent pas de la vie. Mais s'ils meurent par une fuite de coups , quand même elle feroit arrivée contre le deffèin du propriétaire, il eff jugé très-févérement 6c condamné ordinairement à une peine capitale. C'eft pour cela que le Maître punit rarement lui-même fon efclave ; dans ce cas , il s'adreffe a un Officier appelle Marinai , 6c il y en a un d établi dans chaque diûriet. Le Manneu eff eft chargé d'appaifer les querelles & de mettre les dé- "..... linquans en prifon ; mais fur-tout d'arrêter les efcla- Ann. 1770. ves fugitifs & de les punir des crimes, dont le maître D¿cemb. les accufe après en avoir donné des preuves convenables. Le Marincu en perfonne n'inflige pourtant pas le châtiment ; il y emploie des efclaves qui font les fondions de bourreaux. Les hommes font châtiés en public devant la porte de leur maître , & les femmes dans l'intérieur de la maifon. On les punit à coups de fouet, dont le nombre eft proportionné à l'offenfe qu'ils ont commife ; on fe fert pour cela de verges de rat-tans découpés en baguettes minces qui font jaillir le fang a chaque coup. Une punition ordinaire coûte une rixdale au Maître , & un châtiment plus févere lui coûte un duca ton , c'eft-à-dire , environ fix chelings & huit pences. Le Maître eft obligé auifi de donner à l'efclave trois Dubbelcheys , environ fept pences & demie par femaine , pour l'encourager au travail, Ôc prévenir les tentations trop fortes qu'il pourroit avoir de voler. Je dirai peu de chofe du Gouvernement de Batavia. Nous avons obfervé une grande fubordination parmi les habitans. Tout homme qui eft en état de tenir une maifon, a fon rang plus ou moins diftingue qu'il acquiert par la longueur de íes fervices dans les affaires de la compagnie. La qualité de ces différentes perfon-nes eft diftinguée par les ornemens des voitures & l'habillement des cochers : quelques-unes font obligées de -fe fervir de voitures unies \ on permet à d'autres de les faire peindre de certaine manière & jufqu'à un cer~ Tome IV. Oo - tain point, & a d'autres de les dorer. Les habits des Inn 1770. cocners iont aufîi les uns unis, les autres plus ou moins Décemb. . garnis de galons. Le Gouverneur de Batavia a le titre de Gouverneur Général des Indes ; les Gouverneurs Hollandois de tous les autres établiffemens lui font fubordonnés, Ôc ils font obligés d'aller à Batavia pour qu'il arrête leurs comptes. S'ils paroifTent coupables ou négligens , il les punît par le délai ; il les retient , fuivant fon plai-fir, quelquefois un ou deux ans, Ôc quelquefois trois; car ils ne peuvent pas quitter la ville jufqu'à ce qu'il les renvoie. Après le Gouverneur, les perfonnages les plus diftingués font les membres du Confeil, appelles E dele ¡iteren 9 ôc que les Anglois nomment par corruption Idoleers. Ces Idokers exigent tant de refpecfs , que quiconque les rencontre dans fa voiture, eff obligé de fe lever, de faire une révérence, de faire détourner fon carroffe fur un des côtés du chemin , ôc de s'y* arrêter jufqu'à ce qu'ils foient paffés : on exige les mêmes égards envers leurs femmes & leurs enfants, 6c les habitans le leur rendent communément. Quelques-uns de nos Capitaines de vaifTeaux ont jugé que cet hommage fervile étoit au-deffous de la dignité que leur conféroit le fervice de Sa Majefté Britannique , 6c ils ont refufé de s'y prêter ; cependant , lorsqu'ils étoient dans une voiture de louage , ils ne pouvoienf empêcher le cocher d'honorer le Magiffrat Hollandois a la manière du pays , qu'en le menaçant de le tuer fur le champ. La Juflice eff adminiffrée par un corps de Ma- gîftrats divifés en plufieurs claffes. Je ne connois 1..... point la manière dont ils décident les procès qui s'é- Ann. 1770. lèvent dans les afTaires d'e propriété; mais leurs juge- * mens , dans les affaires criminelles , femblent être fi févères par rapport aux Naturels du pays, & fi doux relativement aux autres habitans, qu'ils en font ré-voltans. Quel que puiffe être le crime d'un Chrétien, on lui fournit toujours moyen de s'échapper avant de l'appeller en juffice ; s'il y comparoit, & qu'il foit convaincu d'un délit capital, il eft rarement puni de mort, tandis que les pauvres Indiens , au contraire, font pendus, rompus vifs, & même empalés fans mi-féri corde. Les Malais & les Chinois ont des Juges particuliers fous le nom de Capitaines & de Lieutenans ; ils décident dans les matières civiles , & on appelle de leur fentence au Tribunal Hollandois. Ces deux peuples payent des impôts très-confidérables à la Compagnie , ce celui qu'on exige d'eux pour avoir permiffion de porter leurs cheveux longs , n'eft pas le moindre ; ils les acquittent tous les mois. Les Hollandois , afin de s'épargner l'embarras & la peino de les percevoir, arborent un pavillon au fommet d'une maifon fituée au milieu de la ville, & les Chinois ont éprouvé qu'il eft de leur intérêt d'y porter leur argent fans délai. La monnoie courante à Batavia coniiffe en ducats de cent trente-deux flivers ; en ducatons de quatre-vingt ; en rixdaks de F Empire de foixante ; en roupies de Batavia de Oo ij :— ' trente ; en chelings de fix ; doubles cheys de deux fiivers & Ann. 1770. ,jern* a & en ¿Q'lts d'uri quart de ¡uva: Les piaftres Efpa-gnoles, pendant notre féjour, étoient à cinq chelings fix pences , & l'on nous a dit qu'ils n'étoient jamais plus bas que cinq chelings & quatre pences, même dans les bureaux de la Compagnie. Nous n'avons pas pu faire paífcr Ies guiñees d'Angleterre pour plus de dix-neuf chelings prix moyen ; car quoique les Chinois en don-naifent vingt pour quelques-unes des plus neuves, ils n'en vouloient pas donner plus de dix-fept pour celles qui étoient fort ufées. Il fera peut-être utile aux Etrangers de dire ici qu'il y a deux efpèces de monnoies de même dénomination; l'une fabriquée au moulin & l'autre qui ne l'eft pas ; & que la première eft celle qui a la p:us grande valeur. Un ducaton, frappé au moulin, vaut quatre-vingt Hivers, tandis que les autres n'en valent pas plus de foixante & douze. Tous les comptes fe tiennent à Batavia en rixdales & en ftivers qui font des monnoies idéales comme notre livre fterling. La rix-dale vaut quarante-huit ftivers, c'eft-à-dire environ quatre chelings & fix pences courans d'Angleterre. CHAPITRE XIII. Pajfagt de Batavia au Cap de Bonne - Efpérance. Defcription de VIfie du Prince & de fes Habitans. Comparaifon de la Langue de ces Infulaires avec celle des Malais èy des Javans. l_jE 27 Décembre, à fix heures du matin, nous le- : vâmes l'ancre & nous portâmes au large. Après avoir j??' I77°* fouffert beaucoup de délai par les vents contraires , nous doublâmes Pulo Pare le 29 , Ôc nous mîmes le cap fur la terre. Nous atteignîmes bientôt une petite lile íituée au milieu de la route entre Batavia ôc Bantam, Ôc qu'on appelle lile de Maneater. Le lendemain nous dépaifâmes la première lile IVapping , Ôc enfuite Pulo Babi. Le 31 nous gouvernâmes fur la côte de Sumatra 3 ôc le matin du premier Janvier 1771 y nous courûmes fur celle de Java. Nous continuâmes notre route autant que le vent le permettoit jufqu'à trois heures de l'apres-midi du ^ , que nous mîmes à l'ancre, par 18 braifes , fous le côté oriental de lTile du Prince, afin de faire de l'eau 6c du bois , 6c de nous procurer des rafraî-chiifemens pour les malades , dont plufieurs étoient alors beaucoup plus mal qu'à notre départ de Bata- 177U Janvier. - vìa. Dès que le vaifTeau fut en sûreté , j'allai a terre Ann. i77i. avec jy^jyj Banks & Solander, & nous rencontrâmes Janvier. . fur la grève quelques Indiens qui nous condumrent a i'inflant vers un homme qu'ils difoient être leur Roi. Après quelques complimens de part & d'autre , nous parlâmes d'affaires, mais nous ne pûmes pas convenir du prix d'une tortue. Nous ne nous décourageâmes cependant point, perfuadés que le lendemain Sa Majefté nous la çéderoit pour ce que nous voudrions lui en donner. Les Indiens fe difpersèrent dès que nous nous fûmes quittés, & nous marchâmes le long de la côte en cherchant une aiguade. Nous trouvâmes un ruiffeau d'eau douce iitué très - convenablement , & nous avions lieu d'efpérer qu'en la puifant avec un peu de foin elle feroit très-bonne. Quelques Infulaires qui étoient demeurés fur le rivage avec une pirogue, nous vendirent trois tortues, mais ils nous firent promettre que nous ne le dirions pas au Roi. Le lendemain au matin, 6, tandis que quelques-uns de nos gens étoient occupés à remplir les futailles, nous fîmes de nouvelles tentatives pour acheter des tortues. Les Indiens diminuèrent d'abord par degrés le prix qu'ils nous en avoient demandé ; mais vers le midi, ils confentirent à nous en livrer pour ce que nous leur offrions, de forte qu'avant la nuit, nous en eûmes en abondance. On fervit les trois que nous avions achetées la veille à l'équipage qui, depuis notre arrivée à Savu jufqu'à ce jour , c'eft - à - dire , pendant près de quatre mois, n'avoit pas mangé une feule fois des provifions falées. Le foir , M. Banks alla préTenter fes refpecfs au Roi dans fon Palais, au -milieu d'un champ de riz; & quoique Sa Majefté fût Ann. 1771. fort occupée a apprêter fon fouper, elle reçut l'Etranger très-gracieufement. Le lendemain, 7, les Naturels du pays vinrent au lieu du marché avec des volailles , des poiifons , des petits chevreuils & quelques végétaux , mais point de tortues , car ils nous dirent que nous les avions toutes achetées la veille. Le 8 , cependant, il en arriva un plus grand nombre; & tous les jours fuivans, pendant notre féjour, ils en apportèrent quelques-unes, quoique toutes prifes enfemble elles ne formaffent pas une quantité égale a celle que nous avions achetée îe lendemain de notre arrivée. Le ii , M. Banks ayant appris du domeftique qu'il ávoit loué a Batavia , que les Indiens de cette Ifle avoient une ville fur la côte à quelque diftance à l'Oueft, il réfolut de la voir. Dans ce deifein il partit îe matin accompagné de mon fécond Lieutenant , & comme il avoit quelque raifon de penfer que fa vifïte ne feroit pas agréable aux habitans, il dit aux Infulaires qu'il rencontra en avançant le long de la côte, qu'il alloit , chercher des plantes, ce qui étoit vrai. Après deux heures de marche , ils arrivèrent à un endroit où il y avoit quatre ou cinq maifons. Ils trouvèrent un vieillard à qui ils fe hafardèrent défaire quelques queftions fur la ville. Il leur dit qu'elle étoit fort éloignée , ce qui ne découragea pas nos voyageurs dans leur entre-prife; l'Indien voyant qu'ils continuoient leur route, les joignit & fe mit en marche avec eux. Il entreprit plufieurs fois, mais inutilement, de les détourner d'aller plus avant, & enfin ils arrivèrent à la vue des maifons. Le vieillard parut alors les conduire de meilleure grâce , & il les mena a la ville ; elle fe nomme Samadang; elle eft compofée d'environ quatre cents maifons , & coupée par une rivière d'une eau faumâ-tre, en deux parties, dont l'une eft appellée la vieille ville, & l'autre la nouvelle. En entrant dans la vieille ville, ils rencontrèrent plufieurs Indiens qu'ils avoient vus au lieu du marché, ce un d'eux s'offrit à les paffer à la nouvelle ville pour deux pences par tête. Quand le marché fut conclu , il alla chercher deux très-petites pirogues dans lefquelles M. Banks & M. Monkhoufe s'embarquèrent. Les deux pirogues étoient placées a côté l'une de l'autre , & jointes enfemble , précaution qui étoit abfolument néceffaire pour les empêcher de chavirer. Ils achevèrent heureufement, quoi-qu'avec peine, leur navigation. Quand ils débarquèrent dans la nouvelle ville, les habitans les reçurent avec beaucoup d'amitié & leur montrèrent les maifons de leurs Rois & de leurs principaux perfonnages qui habitent ce diftriéfc. Il y en avoit cependant peu qui fuffent ouvertes , car alors les Infulaires avoient tranfporté leur réfidence dans les champs de riz, pour défendre la récolte contre les oifeaux & les linges, qui la détrui-roient fans cette précaution. Lorfque leur curiofité fut fatisfaite , ils louèrent pour deux roupies & quatre chelings, un grand bateau k voile qui les ramena au vaiifeau affez k tems pour le dîner qui étoit compofé d'un d'un petit chevreuil pefant feulement quarante livres, qui avoit été acheté la veille , & qui fe trouva très- ™**'}77** o i r t Janvier, bon ôc très-iucculent. Nous allâmes k terre îe foir pour voir s'il n'étoit rien arrivé k ceux de nos gens qui faifoient de feau & du bois, ôc nous apprîmes qu'on leur avoit volé une hache. Si nous avions toléré cette faute , nous aurions encouragé les In ful ai res a en commettre d'autres de la même efpèce. Sur-le-champ nous nous adreiîâmes au Roi qui, après quelque altercation, promit que la hache feroit rendue le lendemain. Il tint parole ; car elle nous fut rapportée par un homme qui prétendit que le voleur , craignant d'être découvert , l'avoit apportée fecrettement la nuit Ôc laiffée dans fa maifon. Nous continuions a acheter deux ou trois cent livres de tortues par jour, outre des volailles ôc d'autres pro virions ; ôc le foir du 13 , ayant prefque achevé de faire notre eau ôc notre bois , M. Banks alla k terre pour prendre congé du Roi , a qui il avoit donné plufieurs bagatelles en préfent , Ôc en quittant Sa Majefté il lui offrit deux mains de papier qu'elle reçut gracieufement. Dans une longue convcr-fation qu'ils eurent enfcmbîe , le Prince demanda pourquoi les Anglois ne relâchoient pas fur l'Ifle > comme ils le faifoient autrefois. M. Banks répondit qu'il penfoit que c'étoit parce qu'il n'y avoit pas aflcz de tortues , Ôc que puifquc un feul vaiffeau ne pouvoit pas s'en approvifionner , il ne falloir pas s'at- Tome IF. Pp tendre k y en voir arriver un grand nombre. Pour fup-pléer à ce défaut, il confcilla au Roi de nourrir du bétail , des buffles & des moutons , projet qu'il ne parut pas fort difpofé à adopter. Nous étions prêts, le 14, à remettre en mer ; nous avions à bord une bonne provifion de rafraîchiffemens que nous avions achetés des Naturels du pays , & qui confiftoit en tortues , volailles & poiifon ; en dains de deux efpèces, les uns gros comme des moutons , les autres auffi petits que des lapins ; en noix de coco , fruits du plane , citrons & autres végétaux. Il falloit pourtant manger les dains tout de fuite , car nous ne pouvions guères les conferver en vie plus de vingt-quatre heures après Jes avoir embarqués. Nous achetâmes ces denrées principalement avec des piaftres Efpagnoles ; les Naturels du pays fembloient attacher peu de valeur aux autres chofes ; de forte que nos gens , qui avoient une per-miffion générale de commercer, furent obligés, à leur grand défavantage , de fubflituer à l'argent, de vieilles chemifes & d'autres articles. Le matin du 15; , nous levâmes l'ancre avec une brife légère du N. & nous remîmes en mer. Le Cap Java , d'où je pris mon point de départ, gît au 6 d 49' de latitude S. , & au 2<$3d \%' de longitude O. L'Ifle du Prince, où nous fejournâmes environ dix jours, eff appellée Pulo Se" lan dans la langue Malaife , & Pulo Paneìtan dans celle des habitans. Cefi une Ifle fituée à l'embouchure occidentale du détroit de la fonde ; elle eff couverte de bois, & on en a défriché une très-petite partie ; il n'y a point de hauteur remarquable, cependant les Anglois donnent à la petite éminence placée vis-à-vis du lieu de notre débarquement, le nom de Pic. Les vaifTeaux de l'Inde de plufieurs nations, fur-tout ceux d'Angleterre , y reîâchoient fbuvent; mais ils l'ont abandonnée dans ces derniers tems , parce qu'on dit que l'eau y eft mauvaife, & ils touchent à la petite Ifle Nord qui gît fur la côte de Sumatra, en-dehors de l'entrée orientale du détroit , où à la nouvelle baie qui n'eft fituée qu'à quelques lieues de l'Ifle du Prince, quoiqu'on ne puiffe pas fe procurer à l'une ou l'autre de ces deux relâches , une quantité confidérable de rafraîchiffemens. Tout confédéré , l'Ifle du Piince eft préférable aux deux dont on vient de parler ; l'eau n'eft faumâtre que dans la partie inférieure du ruif-feau ; en rempliífant les futailles plus haut, on la trouvera excellente. Le premier, le fécond, & peut-être le troifième vaiifeau qui arrivent fur cette Ifle dans la faifon , peuvent s'y procurer affez de tortues ; mais ceux qui y vont enfuite n'en trouvent plus que de petites. Celles que nous achetâmes étoient des tortues vertes, & nous les payâmes-, les unes dans les autres, un demi pence ou trois farthings la livre. Elles n'avoient ni graiffe ni beaucoup de faveur ; nous conjecltirâmes que cela provenoit de ce qu'elles s'étoient traînées long-tems fans nourriture dans une eau faumâtre. Les poules y font groffes & nous en achetâmes une douzaine pour une piaftre Eipagnole, c'eft-à-'ire k raifon d'environ cinq pences la pièce. Les petits chevreuils nous coûtèrent deux Ppi, pences chacun , ôc les plus gros, dont on ne nous apporta que deux , une roupie. On peut acheter des Naturels du pays, plufieurs efpèces de poiifon que nous trouvâmes à aifez bon marché. Nous payâmes les noix de coco choifies, une piailre le cent, ôc nous en avions cent trente pour la même fomme en les prenant fans les trier. Nous y trouvâmes des fruits du plane en grande abondance ; nous y fîmes auffi provifion de quelques pommes de pin , de melons d'eau & de citrouilles , de riz dont la plus grande partie étoit de l'efpèce qui croît fur les montagnes & dans les terreins fecs, d'ignames Ôc d'autres végétaux que nous obtînmes tous à un prix très-raifonnable. Les habitans font Javans, & leur Rajah eft fu-jet du Sultan de Bantam. Leurs ufages reifemblent beaucoup à ceux des Indiens des environs de Batavia} mais ils paroifTent être plus jaloux de leurs femmes : car, pendant tout le tems de notre féjour, nous n'en avons jamais vu qu'une , qui fe déroba k notre vue en fuyant dans le bois. Ils profefTent la religion Mahométane ; je crois pourtant qu'il n'y a point de Mofquée dans toute i'Iile. Nous étions parmi eux pendant la fête que les Turcs appellent Ramadan ; ils fembloient fobferver avec beaucoup de rigueur , car aucun d'eux ne vouloit ni manger ni même mâcher du bétel avant le coucher du foleil. Ils fe nourriifent k-peu-près des mêmes aliments que les Indiens de Batavia , Ôc ils mangent en outre les noix du palmier appelle Cyas Circinalis, qui rendirent malades plufieurs de nos gens fur la côte de la Nouvelle-Hollande, & empoifonnèrent quelques-uns de y*-1-1 ......■ nos cochons. Ann. 1771« Janvier. En remarquant que cette noix faifoit partie de leur nourriture, nous leur demandâmes par quels moyens ils la privoient de fa qualité vénéneufe. Us nous dirent qu'ils la coupoient d'abord en tranches minces qu'ils faifoient fécher au foleil , & qu'ils laiffoient enfuite tremper dans de l'eau douce pendant trois mois; qu'après cette opération ils en exprimoient l'eau & les féchoient au foleil une feconde fois ; mais nous apprîmes qu'ils ne mangent ce fruit que dans les tems de difette , & qu'ils le mêlent avec le riz , afin que leur proviiion de cette dernière denrée dure plus long-tems. Les maifons de leurs villes font portées fur des colonnes ou poteaux élevés de quatre ou cinq pieds au-deifus de terre; il y a fur ces poteaux un plancher de cannes de bambou, qui font placées à quelque diftance l'une de l'autre , de manière qu'elles admettent librement l'air par en-bas; l'enceinte eft auili de bambous entre-IafTés en forme de claie , & mêlés de petits bâtons portant perpendiculairement fur les poutres qui forment la charpente du bâtiment : le toît eft incliné & la maifon eft ii bien couverte de feuilles de palmier , que la pluie & le foleil n'y peuvent pas pénétrer. Ce bâtiment eft conftruit fur un terrein qui forme un quarré-long. La porte eft au milieu d'un des cotés; 6c entre cette porte & l'extrémité de la maifon à gauche, il y a une fenêtre ; à chacun des deux murs du bout eft une cloifon qui fe prolonge vers le milieu , èc qui , fi elle étoit continuée jufqu'à l'autre , couperoit la maifon dans 3 01 Voyage toute fa longueur en deux parties égales , mais elle eft interrompue au milieu , de forte que l'entre-deux fe trouve vis-à-vis de la porte. Chaque partie de la maifon , à droite ôc à gauche de la porte, e il donc partagée en deux chambres , qui ont une ouverture fur le paf-fage de la porte à la muraille du côté oppofé. Les enfants couchent dans celle qui e il à main gauche près de la porte ; on donne aux étrangers l'ufage de celle qui lui eft oppofée à main droite ; le maître Ôc fa femme occupent la partie intérieure à main gauche , & la quatrième enfin , oppofée à celle-ci , fert de cuifine. Les maifons des pauvres ôc des riches ne diffèrent entr'elles que par la grandeur ; il faut en excepter feulement le Palais du Roi 6c la maifon d'un homme qui s'appelle Gundang ôc qui, par les richef-fes ôc l'autorité , eff le premier perfonnage après le Roi ; les parois de ces deux habitations font de planches , au lieu de la paliffade de Hâtons Ôc de bambous. Comme les habitans font obligés de quitter la ville , ôc de vivre dans les champs de riz à certaines faifons , afin de défendre leurs récoltes des oifeaux Ôc des finges , ils y conffruifent des cabanes pour ce tems - là. Elles font bâties exactement comme les maifons de la ville ; elles font feulement plus petites ôc élevées de huit ou dix pieds au-deifus de terre , au lieu de quatre. Le caractère de ce peuple, autant que nous avons pu le connoitre, n'eft pas méchant. Ils mirent delà bonne-foi dans leur commerce avec nous, mais, ainfi que tous les autres Indiens & les marchands détailleurs de poiíTon à Londres , ils demandoient pour leurs marchandifes Ann. 1771- . r • n 1 • 1 Janvier, deux ou trois rois autant qu ils vouloient nous les vendre. Comme un grand nombre dTnfulaires apportoit au marché fa petite proviiion, & qu'il auroit été difficile d'acheter leurs denrées par petites parties , ils trouvèrent un expédient très-commode qui nous fatisfaifoit tous ; ils railémbloient toutes les denrées d'une même efpèce , les fruits du plane, par exemple, ou les noix de coco , & quand nous étions convenus du prix de ce tas, ils partageoient entr'eux, en proportion de ce que chacun avoit fourni, l'argent que nous en donnions : ils changeoient quelquefois notre argent en nous donnant deux cens quarante doits , montans a cinq chelings , pour une piatire Efpagnole, & quatre-vingt-feize montant à deux chelings pour une roupie du Bengale. Ils parlent tous la langue Malaife , quoiqu'ils en aient une particulière différente du Malais 6c du Ja-van. Ils donnent à la leur le nom de Catta Gunung yy la langue des Montagnes » , & ils difent qu'elle efl en ufage fur les montagnes de Java , d'où leur tribu fortit originairement pour pafTer à la Nouvelle-Baie & enfuite dans l'endroit où ils font aujourd'hui ; parce qu'ils furent chaffés de leur premier établiilèment par les tigres qu'ils trouvèrent en trop grand nombre pour les détruire. J'ai déjà obfervé que les natifs de Java parlent différens dialectes dans les diverfes parties de leur Ifle, & lorfque je dis que l'idiome de ce peuple efl différent du J avari, c'ell-a-dire, qu'il n'eil pas le même m^mmmmm qLle cejuj qu'on parle à Samarang , place qui n'eft Ann. 1771. éloignée que d'une journée de la réfidence de l'Empe-Jarmer. petft je Voici une lifte de quelques mots des trois langues de Vif e du Prince } de Java 6c de Malacca. François. Isle du Prince. Javan. Malais. jalma , oonglanang, oran lackilac- un homme , ki. une femme, becang , oong wadong, parampuan. un enfant, oroculatacke, lari, anack. la tête 3 hoio , undafs s capaila. le ne^ , erung , erung, ed un g. les yeux, mata, moto , mata. les oreilles, choie, cuping , cuping. la dent, cutock, untu y ghigi. le ventre 9 beatung, wuttong, prot. le derrière, ferit, celit, pantat. la cuijje , pimping , poopoo, paha. le genou hullootoor, duncul, lontour. la jambe, métis , fickil, kauki. un clou, cucu , cucu, cucu. une main , langan, tangán, tangán. un doigt t ramolangan, jari, jaring. J'ai choiii les noms des différentes parties du corps, dans ce vocabulaire des langues de trois pays fi voifins les uns des autres, parce qu'il eft facile de les apprendre d'un peuple dont on ignore entièrement l'idiome, 6c parce qu'étant les expreftïons des premiers objets auxquels auxquels on donne des noms , ils paroiiTent être la •" ""_ partie principale du tiiTu originaire du langage. Il efl Ann. 177s* très-remarquable que le Malais , le Javan & Pidióme ^nvier° de Vif e du Prince ont des mots qui, s'ils ne font pas exactement fembîables aux mots correfpondants dans la langue des Ifles des mers du Sud , dérivent mani-feftement de la même origine, ainfi qu'on le verra par la table fuivante. François. Mer du Sud. Malais. Javan. Isledu Prince. un œil, matta, mata, moto, mata. manger , maa , macan, mangan, hoir e, einu, menum, gnumbe, tuer, matte, matte, matte, un pou > outou, coutou , la pluie, euwa, udian, udan, canne de bambou, owhe, ave. la poitrine , eu, fou fou, foufou, un oifeau , mannu, mannu, mannuck un poiffon, eyca, jean, iwa, le pied, tapao, tapaan, une écreviffe de mer 3 tooura, udang, urang, ignames, eefwhe, ubi, urve, enterrer, etannou, tannam, tandour, une mofquite, enammou, gnammuck, fe gratter, hearu, garni, garu, Tome IV. Qq Ann. 1771. Janvier. 306 Voyage Francois. Mer du Malais. Javan. Isle du Sud. Prince, racines de coco, intérieur des terres , taro uta taifas, talas, utan Cette reífemblance eff fur - tout remarquable dans les mots qui expriment les nombres , ce qui femble d'abord prouver que les fciences de ces dif-férens peuples ont une origine commune. Mais les noms des nombres dans l'Ifle de Madagafcar , ont quelque rapport avec tous ceux-ci ; ce qui efl: un problême encore plus difficile a réfoudre. La table fuivante montrera que les mots qui expriment les nombres font en partie communs a tous ces pays ; elle a été dreffée par M. Banks , k l'aide d'un efclave Nègre , né a Madagafcar, qui étoit k bord d'un vaif-feau Anglois k Batavia, éc qu'on lui envoya pour fatis-faire fa curiofité fur ce fu jet* Franc i Sud. Malais. Javan. ISLE du Mada- Prince, gascar. un, tahie, fatou, hegie, iffe. deux, rua, dua y lorou, dua, rua. trois, torou , tUlIU y tollu , tellou- quatre , haa , ampat, pappat, opat, effats. cinq y reina, lima, limo , limali, limi. flX y wheney , annam, nunnara y gunnap , ene, Franc. Sud. Malais. Javan. Tsle du Mada- Prince. cascar. a*n< i77r' Janvier. fept, hetu , tudju, petu, tudju, titou. huit, waru, delapau, wolo , deîapan , walon. neuf, jva, fembilan, fongo , falapan, fivi. dix, ahouroa, fapoulou, fapoulou, fapoulou, tourou. Il y a dans la langue de Madagafcar d'autres mots reffemblans k ceux qui désignent la même choie dans le Malais. Le nez, dans ce dernier idiome , eli appelle erung, & k Madagafcar, ourou ; lida , la langue eft nommée lala j tangán , la main , tang ; ôc tanna., la terre , taan. L a reflèmblance qui Te trouve entre la langue des Indes Orientales & les Ifles de la Mer du Sud , fait naître relativement à la population de ces pays, des conjectures qui ne peuvent pas s'appliquer ailément a Madagafcar. Les habitans de cette Ifle & les Ja-vans iemblent être d'une race différente ; le Javan eft d'une couleur olive ôc a les cheveux longs ; le natif de Madagafcar au contraire eft noir Ôc fa tête n'eft pas couverte de cheveux , mais de laine ; cette diftinction ne prouve peut-être pas, autant qu'il le paroît d'abord, que leurs ancêtres ne font pas communs. Il ne paroît pas moins difficile de rendre raifon de la différence qu'on remarque entre un Anglois ôc un François , par la feule différence de fituation locale , que de celle qu'on obferve entre les Naturels de Java ôc les Xnfulaires de Madagafcar : cependant on n'a jamais fuppofé que la population de l'Angleterre & de la France n'a pas une origine commune. Si un homme & une femme Indigènes de la Grande-Bretagne s'é-poufent dans leur pays , 6c qu'eniuite ils choififlent pour demeure nos établiifemens des liles à'Amérique, les enfans qui en naîtront auront le teint 6c le tour du vifage qui distinguent les Créoles \ s'ils reviennent enfuite dans leur patrie , les enfans qu'ils y feront ne porteront point ces marques caraclériitiques* Si l'on dit que l'imagination de la mere frappée de différents objets extérieurs imprime a fon enfant pendant fa groífeífe, les traits 6c la couleur des habitans du pays où elle vit , cette explication fouffrira autant de difficultés d'après les feuls principes de la phyfiqueque celle qu'on tire de la différence d'origine ; car on ne voit pas davantage comment une limpie idée , reçue dans l'imagination de la mere, peut changer la forme corporelle de fon enfant, que comment la fimple fituation locale peut y apporter des différences. On fait que les habitans du petit efpace qui comprend l'Angleterre 6c l'Irlande , nés à la diftance de deux a trois cens milles les uns des autres, font diftingués par des traits qu'on appelle phyfionomie Ecoffoife, Galloifc, Irlan-doife. Ne peut-on pas fuppofer raifonnablement qu'il y a dans la nature des qualités qui agiffent fortement comme caufes efficientes , 6c qu'on ne connoît par aucune des cinq manières de percevoir que nous appelions fens? un fourd qui voit vibrer une corde de harpe , lori-qu'en fouinant dans une flûte , k une certaine diftance on produit des fons harmoniques de celui que rend la corde , fera témoin d'un effet dont il ne pourra pas mieux concevoir que la caufe exifte dans la flûte " où Ton a (buffle , que nous ne concevons que la différence phyfique des divers habitans du globe, provient uniquement de leur fituation locale, & il ne peut pas plus fe former une idée de la caufe elle-même dans le premier cas, que nous dans le fécond. Ce qui lui arrive alors, parce qu'il n'a que quatre fens au-lieu d'en avoir cinq , peut , relativement a plufieurs phénomènes de la nature , nous arriver , parce que nous n'en avons pas fix ou un plus grand nombre. Il eff poffible que les connoiffances de l'ancienne Egypte , prenant deux routes, l'une, k travers l'Afrique , éc l'autre , k travers l'A fie, aient répandu dans ces pays divers mots , 6c fur- tout ceux qui défignent les nombres , qui ont pu devenir ainfi partie de la langue de différens peuples qui n'ont jamais eu de communication entr'eux. Nous forcions de voiles pour arriver au Cap de Bonne-Efpérance, mais les germes de maladie que nous avions pris k Batavia , commencèrent k fe ma-nifeffer en dyffenteries 6c en fièvres lentes, avec les fymptômes les plus menaçants. Craignant que Peau que nous avions faite a VJJIe du Prince ne contribuât en partiee a cet effet , nous la mêlions avec du jus de citron , 6c pour purifier Pair , nous lavâmes avec du vinaigre toutes les parties du vaiifeau entre les ponts. M. Banks étoit au nombre des malades , 6c nous défefpérâmes pendant quelque tems de fa vie. Nous nous trouvâmes bientôt dans la fituation la plus déplorable , notre bâtiment 3 j o Voyage "Ul11—'-'ili n'étoit qu'un hôpital , dans lequel ceux qui pouvoient Ann. 1771. fe tramcr étoient en trop petit nombre pour fervir les malades retenus fur les cadres ; & nous avions prefque tous les jours un mort à jetter à la mer. Dans l'efpace d'environ fixfemaines, nous perdîmes M. Spo-ring, qui étoit à la fuite de M. Banks ; M. Parkin-fon , fon Peintre d'hiftoire naturelle \ M. Green , l'Af-tronome ; le contre-maître, le charpentier & fon aide; M. Monkhoufe, f Officier de poupe qui avoit lardé la bonnette quand le vaiifeau échoua fur la côte de la Nouvelle-Hollande ; notre vieux voilier & fon aide ; le cuifinier du bâtiment ; le caporal des foldats de marine ; deux autres charpentiers j un Officier de poupe ce neuf matelots ; ceft-a-dire, vingt-trois hommes ; outre les fept qui étoient morts à Batavia* CHAPITRE XI L Arrivée au Cap de Bonne - Efpérance. Quelques remarques fur la traverfée de la Pointe Java à cet endroit. Defcription du Cap de Sainte-Helene & des Hottentots. Retour de /'Endeavour en Angleterre. Le 15 Mars, fur les dix heures du matin, nous mîmes à l'ancre en travers du Cap de Bonne-Efpé-ranee par fept braifes , fond de vafe. La pointe occidentale de la baie, appellée Queue du Lion , nous reftoit à PO. N. O., & le château au S. O. , à la diftance d'environ un mille & demi. J'allai fur-le-champ rendre vilite au Gouverneur, qui me dit qu'on me fourniroit tout ce que produit le pays. Mon premier foin fut de chercher à terre un endroit convenable pour les malades qui n'étoient pas en petit nombre ; je trouvai bientôt une maifon , dont le propriétaire convint avec moi du prix de deux chelings par jour poulie logement ôc la nourriture de chaque perfonne. Pendant notre traverfée depuis la pointe Java k cet endroit, nous avons fait très-peu de remarques qui puiffent être utiles aux Navigateurs : je vais cependant les rapporter telles qu'elles font. Nous ne trouvâmes le vent alifé général Sud-Eff qu'onze jours après avoir quitté la pointe Java, ôc durant cet intervalle , -il.-il!-.._■ nous n'avançâmes pas plus de 5d au Sud, & 3d a Ann. 1771. l'Oueft , ayant des petites fraîcheurs variables , intera ^aiS' rompues par des calmes , avec un tems brûlant 6c un air mal-fain , occafionnés probablement par le poids des vapeurs qu'amènent dans ces latitudes le vent aliié Eft 6c les mouflons Oueft , qui fouffloient dans ces mers à la faifon de Fan née où nous y étions. Le vent Eft règne jufqu'au 10 ou iid S., 6c le vent Oueft jufqu'au G ou 8d : dans l'efpace intermédiaire, les vents font toujours variables & fair eft toujours mal-fain. Cela aggravoit certainement les maladies que nous avions prifes a Batavia , 6c en particulier , la dylfenterie que les fecours de la médecine ne fou-lageoient en aucune maniere , de forte que nous regardions comme un homme mort quiconque en étoit attaqué ; mais nous n'eûmes pas plutôt gagné le vent alifé, que nous reffentîmes fes effets falutaires ; il eft vrai qu'alors nous jettâmes à la mer encore plufieurs de nos gens , mais nous les avions pris à bord dans un état fi foible 6c fi languiffant, qu'il leur étoit prefque impoffible de recouvrer la fanté. Nous foup-çonnâmes d'abord que cette terrible maladie prove-noit de l'eau que nous avions prife à l'Ifle du Prince ou des tortues que nous y avions achetées. Mais il n'y a pas la moindre raifon de croire que cette conjecture fût bien fondée ; car tous les vaifTeaux qui viennent de Batavia k la même faifon , fouffrent également 6c quelquefois davantage , quoique aucun d'eux ne touche fur cette Ifle dans leur route. Peu de jours après notre départ de Java , nous vîmes vîmes des boubies autour du vaifTeau pendant plufieurs . nuits consécutives , & comme on fait que ces oifeaux Ann-vont fe jucher le foir à terre, nous en conjecturâmes qu'il y avoit quelque Ifle dans les environs : c'eft peut-être l'Ifle de Selam , dont le nom & la fituation font marqués très-diverfement dans différentes cartes. La déclinaifon de l'aiguille à la hauteur de la côte occidentale de Java , eft d'environ 3 d O. ; nous la trouvâmes la même fans aucune variation fenfible , dans la route ordinaire des vaifTeaux , jufqu'au 288 a de longitude O. , & au 22d de latitude S. : elle augmenta enfuite peu à peu ; de forte qu'au 295 d de longitude ôc au 23a de latitude, elle étoit de iOd 20 ' O. Sept degrés de longitude Ôc un de latitude plus loin , elle augmenta de 2d ; a la même diftance plus loin à FO. , elle augmenta de 5d : au 28 d de latitude & au 314a de longitude, elle étoit de 24.a 20' : au 29a de latitude & au 317a de longitude , elle étoit de 26 d 10 ', ôc elle fut alors ftationaire pendant l'efpace d'environ 10' plus loin à l'Oueft : mais au 34a de latitude & au 333 d de longitude , nous Pobfervâmes deux fois à 28d j O. ; ce fut la plus grande variation où elle parvint; car au 3^d ~ de latitude, & au 337a de longitude, elle étoit de 24a, & elle continua enfuite à diminuer peu à peu , de forte qu'à la hauteur du Cap des aiguilles , elle étoit de 22 d 30' , ce à la baie de la Table de 20d 30' O. Quant aux courants, nous ne les avons trouvés confidérables qu'en approchant du méridien de Madagafcar \ car après que nous eûmes atteint Tome IV. Rr ^zztriürü^ le <}2d de longitude de la pointe Java , nous recon* Ann. i77i- riûmes } par obfervation , que notre erreur en longitude n'étoit que de deux degrés ; différence que nous avions trouvée exactement la même lorfque nous n'avions encore fait que dix - neuf degrés. Cette erreur pouvoit provenir de différentes cauies : d'un courant portant à l'Oueft ; de ce que nous n'avions pas affez alloué*dans nos calculs à la dérivation eau-fée par l'action de la mer , fur laquelle nous naviguions , 6c peut-être enfin , d'une faute commife en prenant la longitude de la pointe Java. Si cette longitude eft fautive, il faut en attribuer l'erreur a l'imperfection des cartes dont j'ai fait ufage pour rapporter la longitude de Batavia à celle de cet endroit; catón ne peut pas douter que la longitude de Batavia ne foit bien déterminée. Après que nous eûmes dépaffé le 307 a de longitude , les effets des courants Oueft commencèrent à être confidérables ; car au bout de trois jours , notre erreur en longitude étoit de 1 d y'. La vîteffe du courant augmentoit tellement à mefure que nous avancions à l'Oueft , que pendant cinq jours con-fécutifs, après que nous eûmes découvert terre, nous dérivions au S. O. éc au S. O. ~ O. de vingt lieues toutes les vingt-quatre heures. Nous continuâmes à dériver ainfi jufqu'à ce que nous fûmes à foixante ou foixante-dix lieues du Cap, où le courant portoit tantôt d'un coté , tantôt d'un autre , quoique inclinant cependant vers l'Oueft. Après que les boubies nous eurent quittés, nous ne vîmes plus d'oifeaux avant d'arriver par le travers de Madagafcar, ou au 27 e* | de latitude S., que nous ap- perçûmes un albatrofs , & depuis ce tems nous en découvrîmes tous les jours un grand nombre , ainfi que Ann. 1771. . Mars. des oifeaux de plufieurs autres efpèces , & en particulier un qui étoit à-peu-près de la groffeur d'un canard , d'une couleur très-foncée, avec un bec jaunâtre. Ces oifeaux devinrent plus nombreux à mefure que nous approchâmes de la côte , & dès que les fondes ne rapportèrent plus de fond, nous vîmes des mouettes que nous continuâmes d'appercevoir tant que nous fûmes fur ce banc qui s'étend à la hauteur du Cap des Aiguilles , à la diftance de quarante lieues , & qui a cent foixante lieues le long de la côte , va l'Eft du Cap Falfe. On ne connok pas exactement l'étendue de ce banc. Il eft cependant utile pour iervir de di-reciion aux vaifTeaux ce leur apprendre quand il faut gouverner vers la côte pour arriver à terre. Pendant notre féjour au Cap, le Houghton , vaifTeau de l'Inde qui avoit perdu trente a quarante hommes pendant fon féjour dans l'Inde, fit voile pour l'Angleterre, & quand il quitta le Cap, plufieurs perionnes de fon équipage étoient mortellement attaquées du feorbut. D'autres bâtimens qui n'étoient, partis d'Angleterre que depuis un an, fouffroient dans la même proportion ; de forte que notre état étoit beaucoup moins fâcheux après un voyage qui avoit duré trois fois plus long-tems. Nous relâchâmes au Cap jufqu'au 13 Avril, pour laiffer à nos malades le tems de fe guérir, prendre des provifions ce faire au vaifTeau & aux agrès plufieurs réparations néceifaires ; je rembarquai alors tous les Rrij malades , dont plufieurs étoient encore en danger. Après avoir pris congé du Gouverneur , je démarrai le 14, 6c je me tins prêt à remettre à la voile. Le Cap de Bonne-Efp¿ranee a été fi fouvent décrit, 6c il eft fi connu en Europe , que je ne parlerai que de quelques particularités qui font omifes ou mal ex-poiées dans les autres relations. Malgré tout ce qu'on a dit au contraire , nous n'avons point vu pendant notre voyage de pays qui préfente un afpecf plus déièrt , 6c qui dans le fait , foit plus ftériie que le Cap. La péninfule formée au Nord par la Baie de la Table, 6e au Sud par la faufie Baie (Fal/è-Bay) , eft compofée de hautes montagnes entièrement nues 6c défertes ; celle qui eft par derrière à l'Eft , 6c qui forme une efpèce d'ifthme eft une plaine d'une vafte étendue , où il n'y a prefque autre chofe qu'une efpèce de fable léger, qui ne produit que de la bruyère , 6c qui n'eft pas fufceptible de culture. Tous les cantons qu'on peut cultiver 6c qui , relativement au tout, font dans la proportion d'un â mille , font plantés en vignobles , vergers 6c jardins , la plupart éloignés d'une diftance confidérable les uns des autres. On a auffi les plus grandes raifons de croire que dans l'intérieur du pays il n'y a pas une plus grande quantité de terres fufceptibles de culture, en comparaifon de celles qui font fténles de leur nature ; car les Hollandois nous ont dit qu'ils y avoient des établiifemens éloignés de huit 6c même de vingt journées de chemin , c'eft-a-dire , d'au moins neuf cens milles , d'où ils apportent des provifions au Cap ; ce qui donne lieu de conclure qu'on ne peut pas en tirer 5 allez des environs pour la confommation de la ville. 1 Pendant que nous y étions , un Fermier qui réfidoic dans la campagne, à quinze jours de diftance de chemin , y arriva , & amena avec lui un jeune enfant. Nous en fûmes fort furpris, & nous lui demandâmes s'il n'auroit pas mieux valu le laificr entre les mains de fon voiíin. a Un voiiin , répondit cet homme! pour 3j en trouver un , il faut faire cinq jours de marche, n Sûrement un pays doit être fort iterile , quand ceux qui s'y établiffent pour cultiver des denrées qu'ils puiffent porter au marché, font difperfés à une diftance fi confidérable les uns des autres. Il eft évident que le pays eft par-tout dépourvu de bois , puifqu'on y importe de Batavia prefque tous les bois de charpente , & qu'on y dépenfe autant a fe chauffer qu'à fe nourrir. Nous n'avons point vu d'arbres de fix pieds de haut, fi ce n'eft dans les plantations près de la Ville , & les tiges qui n'étoient pas plus groifes que le pouce , avoient des racines groifes comme le bras ou la jambe; tant eft funefte l'influence des vents fur la végétation , ce qui ne permet pas de douter de la ftérilité du fol. La feule ville que les Hollandois y aient bâtie, eft appellée Ville du Cap a caufe de fa fituation : elle eft compofée d'environ mille maifons proprement confirmées en briques , & dont l'extérieur eft ordinairement blanchi; elles ne font pourtant couvertes que de chaume, car la violence des vents Sud-Eft rendraient tout autre toît incommode, embarrailant & dangereux. Les 318 Voyage z==~ rues font larges , commodes éc toutes coupées à angles M 17^1' ^ro*ts* ^ y a dans ^a rue principale un canal , fur chaque coté duquel eft plantée une rangée de chênes qui font affez bien venus éc qui donnent un ombrage agréable : il y en a un fécond dans un autre endroit de la ville; mais la pente des lits de ces canaux eft fi rapide , que les éclufes ne font pas éloignées les unes des autres de plus de cinquante verges. Les habitans Hollandois y font proportionnellement en bien plus grand nombre qu'à Batavia, éc comme la ville fe foutient principalement par l'abord des vaiifeaux étrangers , auxquels elle fournit des ra-fraîchiifemens , chaque homme imite jufqu'à certain point les mœurs & les ufages de la nation avec laquelle il a le plus de commerce : cependant les femmes obier-vent avec tant de fidélité la mode de leur pays, qu'elles ne fortent jamais fans une chaufferette que porte un domeftique, afin de la placer fous les pieds de fa maî-treffé par-tout où elle s'affied. Cette pratique eft d'autant plus remarquable, que parmi ces chaufferettes il y en a très-peu qui contiennent du feu, que le climat rend tout-à-fait inutile. Les femmes font en général très-belles; elles ont la peau blanche éc fine , éc un teint qui annonce que leur conftitution eft faine , éc qu'elles jouiifent d'une parfaite fanté. Elles font les meilleures époufes du monde , en même-tems qu'elles font bonnes maîtreiles de famille éc excellentes mères ; il 11 y a prefque point de maifons qui ne fourmillent d'enfans, pu Capitaine Cook. 319 L'air eft infiniment iain au Cap : de Torre que 6c auxquels les étrangers d'un certain rang font toujours admis , étoient fufpendus par une épidémie de rougeole pendant notre féjour au Cap. A l'extrémité de la rue haute , la Compagnie a un jardin qui a environ deux tiers de mille de long ; il eft partagé par des allées qui fe coupent à angles droits, 6c qui font plantées de chênes taillés en palif* fades , excepté dans l'allée du milieu où on les laiffe croître de toute leur hauteur : ces arbres produifent un ombrage agréable , 6c qui eft recherché avec d'autant plus d'empreflément qu'excepté les plantations des bords des deux canaux , il n'y a pas à plufieurs milles de la ville un feul arbre qui puifiè donner de l'ombre. La La plus grande partie de ce jardin eft employée à la cul-ture des légumes ; mais il y en a deux petits quarrés def- m^J* tinés à la botanique , où il ne paroît pas y avoir la moitié autant de plantes qu'il y en avoit lorfque 01-denland fit fon catalogue. Au bout du jardin , on trouve une ménagerie qui renferme plufieurs oifeaux & quadrupèdes qu'on n'a jamais vus en Europe , & un en particulier- appelle par les Hottentots Coe-Doe , qui eft aufîi gros qu'un cheval & qui a de belles cornes fpirales qu'on trouve quelquefois dans les cabinets d'Hiftoire naturelle. Nous n'avons guère appris que par oui dire ce que nous favons fur les Naturels du pays ; car de toutes les habitations, où ils fuivent leurs coutumes & leurs ufages particuliers , il n'y en a aucune qui ne foit éloignée de plus de quatre jours de marche de la ville; ceux que nous avons vus au Cap étoient tous fervi-teurs des Fermiers Hollandois, occupés à prendre foin du bétail & aux autres travaux les plus vils. Ceux-ci font en général d'une taille mince & plutôt maigres que gras; mais ils font d'une force, d'une vivacité & d'une activité remarquable. Leur taille eft à-peu-près la même que celle des Européens , & quelques-uns ont fix pieds de haut ; leurs yeux font ternes & fans expref-fion : ils ont la peau couleur de fuie, ce qui provient fur-tout de la pouiïière qui eft fi fortement attachée à leur peaii , qu'on ne peut pas diftinguer la couleur de l'une d'avec celle de fautre ; car je crois qu'ils ne fe lavent jamais aucune partie du corps. Leurs cheveux frifent naturellement, non pas comme ceux des Tome IV Sf Nègres, mais en boucles pendantes d'environ fept ou huit pouces. Leur habillement confitte en une peau , qui eft ordinairement celle d'un mouton , jettée fur leurs épaules; les hommes portent en outre une petite poche à la ceinture, ôc les femmes un large tablier de cuir , l'une & l'autre attachés à une ceinture ou cordon qui eft orné de verroterie & de petites pièces de cuivre. Les deux fexes ont des colliers ôc quelquefois des bracelets de grains de verre ; & les femmes entourent les chevilles de leurs pieds d'un cercle de cuir dur, afin de fe défendre des épines dont le pays abonde par-tout : quelques-unes d'entr'elles ont des iandales faites de bois ou d'écorce, mais le plus grand nombre ne porte point de chauffbres. La langue des Naturels du pays femble k peine articulée à un Européen ; elle eft d'ailleurs diftinguée par une iingularité très - remarquable. Pendant qu'ils parlent , ils produifent un glouffement fréquent en appuyant la langue contre te palais; ces glouilèments ne paroiffènt avoir aucune lignification , mais ils fervent plutôt à marquer les divifions des phrafes dans leurs diicours. La plupart de ces Hottentots parlent Hollandois , fans que leur prononciation ait rien de particulier. Ils font tous d'une modeftie qui va jufqu a la ftu-pidité: nous ne pouvions, les engager que très-difficilement a danfer ou à parler entr'eux dans Içur langue naturelle devant nous. Nous les avons cependant vu danfer & entendu chanter : leurs danfes font alternativement emportées ou lentes à l'excès; elles coníiftcnt quelquefois en mouvements vifs & prompts avec des - —g contorfions étranges de corps , ôc des fauts forcés en Ann* I77U avant & en arrière, qu'ils font en croifant les jambes : elles font quelquefois fi peu animées que le danfeur frappe feulement la terre d'un pied & enfuite de l'autre , fans changer de place. & fans mouvoir aucune autre partie du corps. La mefure de leurs chanfons eft auili tour à tour, comme leur danfe, d'une lenteur ou d'une promptitude extrême. Nous avons fait aux Hollandois plufieurs queftions fur ces peuples: nous rapporterons les particularités fui van tes d'après ce qu'ils nous ont dit. Dans les limites des établiff emens Hollandois, il y a plufieurs tribus d'Hottentots qui diffèrent beaucoup les unes des autres par leurs ufage s & leur manière de vivre. Elles vivent cependant toutes en paix ôc en bonne intelligence, fi l'on en excepte une qui eft fixée k l'Eft, éc dont les habitans, appelles par les Hollandois Bofch men , ne fubiiftent que de pillage ou plutôt de vol; car ils n'attaquent jamais leurs voi-fins ouvertement , mais ils dérobent fecrètement le bétail pendant la nuit. Afin de fe défendre s'il leur arrive d'être découverts , ils font armés de lances ou de zagayes & de flèches qu'ils empoifonnent de différentes manières, les unes avec du fuc de certaines herbes éc d'autres avec le venin d'un ferpent nommé Cobra di Capelo. Une pierre eft auffi une arme très - formidable dans les mains de ces peuples, car ils la lancent avec tant de force oc de dextérité , qu'ils frappent plufieurs fois de fuite éc a cent pas de diftance , Sfij — un but de la largeur d'un écu. Pour fe mettre à l'abri Ann. 1771. ¿e ces voleurs, les autres habitans dreffent des taureaux qu'ils placent autour de leurs villages pendant la nuit ; ces animaux à l'approche d'un homme ou d'une bête fe raiTemblent 6c s'oppofent aux attaquans jufqu'à ce qu'ils entendent la voix de leurs maîtres qui les encouragent au combat ou qui les rappellent, & dans ce dernier cas , ils obéiifent avec autant de docilité qu'un chien, Quelques-unes de ces nations connoiífent l'art de fondre & de préparer le cuivre, qui fe trouve probablement dans leur pays ; 6c ils en font de grandes lames qu'us portent comme des ornements fur leur front. Plufieurs d'entr'eux favent auili travailler des morceaux de fer qu'ils obtiennent des Hollandois , & en fabriquent des couteaux auxquels ils donnent une trempe fupérieure à celle des couteaux qu'ils pourroient acheter. Les chefs dont plufieurs pofsèdcnt de nombreux troupeaux de bétail , font ordinairement couverts de peaux de lions, de tigres ou de zèbres , auxquelles ils ajoutent des franges 6c d'autres orncmens de très-bon goût. Les deux fexes s'oignent fouvent le corps avec de la graiiîe, mais ils ne fe fervent jamais de celle qui eft ranee éc de mauvaife odeur, lorsqu'ils peuvent en avoir de la fraîche. Ils emploient ordinairement pour cela le fuif de mouton & le beurre; ils préfèrent pourtant le beurre, qu ils font en battant le lait dans une outre faite de la peau de quelque bête. On nous a aiTuréque leurs Prêtres donnent la béné----- dicfion nuptiale en arrofant les époux de leur urine; An^"1771 mais les Hollandois nous ont tous dit que les femmes n'entortilloient jamais des boyaux de mouton autour de leurs jambes , comme quelques voyageurs font dit, en ajoutant qu'elles les mangeoient enfuite. Ils nous ont dit auili qu'il étoit abfolument faux que la coutume de s'amputer un tefficule fut générale parmi les Hotten-tots; mais ils font convenus que dans la tribu particulière qui connoît l'art de fondre le cuivre, on trouvoit des hommes qui avoient fubi cette opération ; qu'ils paffoient pour les meilleurs guerriers, ce fur-tout qu'ils excelloient à lancer des pierres. Nous avions grande envie de décider la grande quefHon agitée par les Naturalises , fi les femmes de ce pays ont ce tablier de chair qui eif appelle fuius pudoris : je vais rapporter ce que nous en avons appris. Un grand nombre de Hollandois & de Malais , qui avoient reçu des faveurs de plufieurs Hotentotes , ont nié pofitivement fon exiífence ; un Médecin du Cap nous a déclaré qu'il en avoit guéri plufieurs centaines attaquées de maladies vénériennes , 6c qu'il n'avoit jamais vu un feul de ces tabliers , mais feulement deux appendices de chair, ou plutôt de peau, tenant à la partie fupérieure des lèvres, & qui reffèmbloient en quelque forte aux tettes d'une vache, excepté qu'elles étoient plates. Il ajouta qu'elles pendoient devant les parties naturelles , &♦ qu'elles étoient chez différentes femmes d'une longueur différente; que quelques-unes en avoient de longues d'un demi-pouce , 6c d'autres de -trois ou quatre; qu'il imaginoit que c'étoit-là ce que des Ecrivains avoient appelle , par exagération , un tablier , qui dclcendoit du bas ventre , aiTez bas pour que les parties naturelles n'eufîènt befoin d'aucun voile artificie!. C'est tout ce que nous avons à dire du pays, de fes productions & de fes habitans. La baie eli large, fûre 6c commode ; elle cil ouverte à la vérité aux. vents de N. O.; mais ils y fouillent rarement avec force ; cependant, comme ils y élèvent quelquefois une groffe mer, les vaifTeaux affourchent N. E. & S. O. , oc portent un ancre à jet. Dans le N. O. , à l'ouverture de la baie , les vents S. E. y font fouvent violens , mais comme la direction de ce rumb porte hors de la baie, ils ne font pas dangereux. Il y a près de la ville un quai en bois qui fe prolonge à une diftance convenable pour qu'on puifie y débarquer 6c embarquer commodément les marchandifes. Des canaux conduifent de l'eau à ce quai , Ôc plufieurs bateaux peuvent y en puifer en même tems. La Compagnie entretient plufieurs grandes chaloupe^, chargées de porter des provifions aux vaif-feaux qui font dans le havre. La baie eft défendue par un fort quarré , fîtué tout près de la grève, à l'Eft de la ville , éc par plufieurs redoutes 6c batteries qui s'étendent le long de la côte des deux côtés du Cap J mais ces fortifications font placées de façon qu'elles peuvent être canonnées par les vaifTeaux , 6c qu'elles font, en quelque manière, fans défenfe contre l'ennemi le plus foible qui les attaqueroit par terre. La jgarnifon eft compofëe de huit cents hommes de trou- pes régulières, outre la milice du pays, dans laquelle font compris tous les habitans en état de porter les armes. Ils ont des moyens de répandre en peu de tems , par des fignaux , l'allarme dans toute la contrée , ôc la milice doit alors fe rendre tout de fuite à la ville. Les Francois de l'Ifle de France , tirent de cette place du bœuf falé , du bifcuit, de la fleur de farine 6c du vin. Les Hollandois leur ont fourni cette année 500,000 liv. de bœuf fidé, 400,000 liv. de fleur de farine , 400,000 liv. de bifcuit , ôc 1,2.00 leagers de vin. Le 14, au matin, nous levâmes l'ancre, ôc nous fortîmes de la baie, Ôc à cinq heures du foir nous mouillâmes au-deffous de Pcnquin ou de l'Ifle Koben ; nous y reliâmes pendant toute la nuit, ôc comme je ne pouvois pas faire voile le lendemain , faute de vent, j'envoyai un bateau dans l'Ifle pour y chercher quelques petits articles que nous avions oubliés de prendre au Cap. Dès que le bateau approcha de terre, les Hollandois avertirent l'équipage de ne pas débarquer s'ils ne vouloient pas s'expofer à des dangers; ils amenèrent fix hommes armés de fufils , qui fe présentèrent fur le rivage. L'Officier qui commandoit à bord, ne croyant pas devoir rifquer la vie de nos gens pour quelques choux dont nous avions befoin , s'en revint au vaiifeau. Nous ne pûmes pas d'abord expliquer pourquoi on avoit refufé de nous recevoir; mais nous apprîmes enfuite que les Hollandois du Cap relèguent dans cette Ifle , pour un nombre d'années proportionné aux délits , les criminels qui ne mé- Ann. 1771. Mars. ritent pas la mort ; ils les employent comme efclaves à tirer des carrières de la pierre à chaux qui, quoique rare fur le continent, eft abondante en cet endroit; que le Cap ayant refufé autrefois de donner des fecours à un vaifièau Danois qui avoit perdu par les maladies une grande partie de fon équipage, ce bâtiment avoit touché à cette Ifle, Ôc qu'après s'être affuré de la garde, il avoit pris a bord autant de criminels qu'il en avoit befoin pour la manœuvre jufqu'à fon retour dans fa patrie. Nous en conclûmes que les Hollandois , afin d'empêcher à l'avenir de pareils cnîèvemens , avoient donné ordre a leurs gens de ne pas fouffrir qu'aucun bateau étranger débarquât dans cette Ifle. Le à.trois heures après-midi, nous levâmes l'ancre avec une brife légère du S. E. , & nous remîmes en mer. Nous perdîmes , environ une heure après , notre Maître , M. Robert Mollineux , jeune homme de beaucoup de talens , mais malheureufe-ment adonné à l'intempérance, qui abrégea fes jours. Nous continuâmes notre route fans qu'il nous arrivât rien de remarquable ; & le 29 au matin , nous traverfâmes notre premier méridien , après avoir fait le tour du globe dans la direction de l'Eft à l'Oueft. Nous avions par conféquent perdu un jour , que nous rétablîmes dans nos calculs a Batavia, comme je l'ai déjà dit. A la pointe du jour du premier de Mai, nous découvrîmes l'Ifle Sainte-Hélène, & à midi, nous mîmes à l'ancre devant le Fort James. Nous Nous y reliâmes jufqu'au 4 pour nous rafraîchir. -M. Banks pronta de ce tems pour faire le tour de cette An^177'* file & vifiter les endroits les plus remarquables. Elle eff fi tuée au milieu du vaffe océan atlantique, à quatre cens lieues de diftance'de la ceke d'Afrique , & à fix cents de celle d'Amérique. C'eff le fommet d'une montagne immenie , s'élevant hors de la mer , qui, k peu de diftance dans tous les environs, eft d'une profondeur inconnue , l'Ifle n'a pas plus de douze lieues de long & fix de large. On a toujours trouvé , fans exception , le fiége des Volcans au fommet des parties les plus élevées des pays où ils exiftenc. 1SEtna ôc le Vefuve font les terres les plus hautes de tous leurs environs ; YHecIa eft la montagne la plus élevée de VI(lande ; on rencontre fouvent des Volcans au fommet des Andes de l'Amérique méridionale ; & l'on fait que le Pic de Tenerife eft fur un feu fouterrain. Ces Volcans font encore allumés , mais il y a une quantité innombrable d'autres montagnes qui portent des marques évidentes d'un feu actuellement éteint, ôc qui Teff depuis les époques les plus reculées : il faut compter parmi celles-ci, Sainte-Hélène , où les inégalités du fol dans la furface extérieure , font manifeffement des effets de l'affaiiîcment de la terre ; car les coteaux oppofés , quoique toujours fé parés par des vallées profondes ôc quelquefois très-larges , préfentent le même afpecf Ôc ont la même direction ; il n'eft pas moins évident, d'après la nature des pierres , que l'affa i ffe ment de la terre dans ces endroits, a été caufé par un feu fouterrein , car quelques-unes Tome IV. Tt d'entr'elles , fur-tout celles du fond des vallées , font brûlées jufqu'à être prefque réduites en cendre. On en trouve qui ont de petites bulles, comme celles qu'on voit dans le verre mal fondu ; 6c quoiqu'au premier coup d'ceil, elles ne femblent pas avoir été expofées à l'action d'une grande chaleur, on reconnoîtra, en les examinant plus attentivement, qu'elles contiennent de petits morceaux de corps étrangers , 6c en particulier de Marcaffites , qui ont cédé à la force du feu, quoiqu'elles n'y foient pas en affez grande quantité pour altérer le caractère extérieur de la pierre qui les renferme. En approchant du côté fur le vent, nous appercevions un amas confus de rochers, bornés par des précipices d'une hauteur prodigieufe, 6c compofés d'une efpèce de pierre à moitié friable qui ne préfentoit aucun figne de végétation ; lorfqu'on la voit de plus près , l'Ifle ne promet pas davantage. En faifant voile le long de la côte , nous avançâmes fi près de ces énormes piles de rochers , qu'elles paroifïoicnt fufpendues fur le vaifTeau ; & l'idée terrible des effets de leur chute nous caufoit prefque de la frayeur. Enfin , nous apper-çûmes une vallée appellée Vallée Chappd, qui reffemble à une large tranchée ; 6c dans cette vallée , nous découvrîmes la ville. Le terrein de la vallée eff revêtu d'une herbe clair-femée ; mais les côtés font aufîi nuds que les rochers qui gifent près de la mer. Tel efl le coup d'œil que préfente d'abord l'ffle dans fon état actuel de culture ; & il faut pafîèr les premières collines avant qu'on trouve de la verdure dans les vallées , 6c qu'elles donnent quelques autres marques de fertilité. L a ville eft iituée au bord de la mer, ôc la plus g. 1 ■ grande partie des maifons font mal bâties; f églife, Ann. 1771. qui n'a jamais été qu'un chétif édifice, eft aujourd'hui en ruines, ôc la halle eft à-peu-près dans le même état. Tous les blancs font Anglois 3 ôc comme la Compagnie des Indes Orientales, k qui l'Ifle appartient, ne leur permet pas de faire quelque trafic ou commerce pour leur propre compte , ils n'ont d'autre moyen de fubiiftance que de fournir des rafraîchiffe-mens aux vaiifeaux qui y touchent, fis ne tirent pourtant pas de la terre des récoltes proportionnées a la fertilité du fol 6c à la température du climat ; fi elle étoit cultivée convenablement, elle pourroit produire tous les fruits ôc les végétaux de l'Europe ôc de l'inde. Cette petite Ifle jouit des divers avantages des différents climats , car les choux palmiftes qui croiffent fur les plus hautes montagnes , ne peuvent point être cultivés fur les coteaux qui font au-deffous, qui produifent le bois rouge &c le gommier , arbres qui ne viennent point fur les endroits plus élevés ; 6c on ne trouve aucun de ces trois arbres dans les plaines qui , en général , font couvertes de plantes d'Europe 6c des plus communes de celles des Indes. Il y a peu de chevaux ex on ne les entretient que pour la felle , de forte que tout le travail fe fait par des efclaves qui n'ont aucune des différentes machines que fart a inventées pour les travaux de la campagne. Le fol n'eft pas trop efearpé en plufieurs endroits pour les chariots , 6c dans ces lieux même on Tt ij 3 31 Voyage pourroit fe fervir de la brouette avec beaucoup d'avantage; cependant il n'y en a pas une feule dans toute l'Ifle : tout fe tranfporte d'un endroit à l'autre par des efclaves, ils ne connoiffent pas même l'ufage des hottes, mais ils portent tout fur leurs têtes. Ces efclaves font en très-grand nombre, & on les tire de prefque toutes les parties du monde ; ils femblent être fort mi-férables , épuifés p^r un mauvais traitement dont ils fe plaignent fouvent ; & je fuis fâché de dire, que les exemples de cette barbarie font plus fréquens parmi mes compatriotes , que chez les Hollandois à qui on reproche, & peut-être avec raifon, de manquer d'humanité a Batavia ôc au Cap. Parmi les productions de cette Ifle, qui ne font pas en grand nombre, il faut compter l'ébene, quoique les arbres en foient prefque perdus , & qu'on ne fe rappelle pas de les y avoir vus en abondance ; on trouve fouvcnt dans les vallées des morceaux de ce bois d'une belle couleur noire ôc d'une dureté prefque égale à celle du fer ; cependant ils font toujours ii courts & fi tortus , qu'on ne peut en faire aucun ufage. On ne fait pas ii cet arbre eft le même que l'ébénier de l'Ifle Bourbon ou des Ifles adjacentes , dont les François n'ont encore publié aucune defcription. On ne trouve que peu d'infectes dans cette Ifle, mais on voit fur le fommet des plus hautes montagnes une efpèce de ferpent qui eft probablement depuis la premiere création des animaux au commencement du monde. En effet il eff très-difficile de con- dit Capitaine Cook. 333 cevoir comment tout ce qui n'y a pas été dépofé lors ——"i de la création, ou qui n'y a pas été apporté par Tin- Ann< duftrie de l'homme , peut fe rencontrer dans un endroit fi féparé du relfe du monde par des mers d'une immenfe étendue; à moins qu'on n'admette l'hypothèfe dont nous avons parlé dans une autre occafion , ôc qu'on ne fuppofe que ce rocher eft le refte d'une grande étendue de pays , qui s'eft affaiifé par quelque convulfion de la nature , ou qui a été englouti dans l'Océan. Le 4 Mai, à une heure après-midi , nous fortîmes de la rade accompagnés du Portland vaiifeau de guerre, ôc de douze bâtimens de notre Compagnie. Nous continuâmes à faire voile avec cette flotte jufqu'au io au matin , lorfque m'appercevant que YEndcavour marchoit beaucoup plus mal que tous les autres vaifTeaux , ôc jugeant par cette raifon que le Portland arriveroit probablement en Angleterre avant nous , je fis un lignai pour lui parler. Le Capitaine Elliot vint lui-même à bord, ôc je lui remis une lettre adreffée a l'Amirauté, & une boite qui contenoit les livres ordinaires du lock du vaiifeau, & les journaux de quelques-uns des Officiers. Cependant nous marchâmes de conferve jufqu'au 23 au matin, Ôc nous perdîmes alors de vue tous les vaiffeaux. M. Hicks , mon premier Lieutenant, mourut vers une heure après midi; ôc le foir nous jettâmes fon corps a la mer avec les cérémonies accoutumées. La maladie qui mit fin à fa vie étoit une confomption , ôc comme il en étoit attaqué lorfque nous partîmes d'Angleterre, on peut 3 34 Voyage dire avec vérité qu'il fut mourant pendant tout le voyage , quoique fon dépériífement fut iníéníible juíqu'a notre arrivée à Batavia. Le lendemain , 24 , je donnai fa place de Lieutenant k M, Charles Clerk, jeune homme qui étoit fort en état de remplir cet emploi. Nos agrès & nos voiles étoient alors en fi mauvais état, que chaque jour nous eifuyions quelque dommage. Nous continuâmes pourtant notre route fans accident jufqu'au 10, quand Nicolas Young , le même mouife qui découvrit la Nouvelle-Zélande pour la premiere fois, apperçut terre , que nous reconnûmes enfuite être la pointe Li^ard. Le 11 , nous remontâmes le canal ; le n , k iix heures du foir, nous dé-pafsâmes le Cap Béachy; a midi, nous étions en travers de Douvres ; vers les trois heures, nous mîmes à l'ancre aux dunes, & nous allâmes à terre à Déal, Fin du quatrième & dernier Tome. TABLE GÉNÉRALE DES MATIERES Contenues dans les quatre Voyages. N. B. Les Lettres B. Ca. W. Co. défignent que les articles auxquels 011 renvoyé fe trouvent dans les Voyages du Commodore Byron , des Capitaines C artère 11 TVallis , Cook. A Aigle (Me de 1' ). Co. Tom. IV. pag. 74. Aiguïguan (Ifle ) : fa fituation s ion afped , &c. B. I. 153, Alâcrmans ( Cour des ) : liles , Co. 111. 105, Ambroife & Saint - Félix ( Ifles ) : le Capitaine Cárteret manque ces Ifles : pourquoi. ■amirauté ( Ifles de f ) : leur découverte : férocité des habitans 5 leur figure, &c. Ca. I. 284 & fuiy. Amirauté ( baie de F). Co. III. 2.45* Ânatacan ( Ifle ) apperçue par le Commodore Byron , B. ï. 162. André ( Ifles Saint ), Ca. 1. 295» Antropophages. Voyez Nouvelle-Zélande. Arreoy. Nom qu'on donne à Otahiti à une fociété dans laquelle un grand nombre d'Iniiilaires fe réunifient, Ôc où chaque homme a la jouiifance de toutes les femmes , ôc chaque femme la jouiflance de tous les hommes, Co. II. 475. Arrou ( Ifles ), ibid. IV- 159. Afcenjlon ( Ifle de F ) , Ca. I. 362. Aveugles ( baie des ), Co, III, 245. B Baleines (les) rendent la navigation du Dauphin dange-reufe, 6.1.77. Banks ( M. ) s'embarque fur Y Endeavour. Mefures qu'il prend pour faire réuflir cette grande entreprise. Son caractère ôc fes talens , Co. II. 209. & fuiv. Combien il a fourni de matériaux à la relation du Voyage du Capitaine Cook , ibid. Banks (Ifle de ), Co. ITI. 220. Barnovelt ( Ifles de ), ibid. II. 295. Barrière ( Ifle de ), ibid. III. 143. Barthelemi (Ifle ), ibid. IV. 14. Bafhée ( Ifles ) : leur fituation , B. I. 1 ¿4. W. II. 181. Batavia. Impertinence du Commandant du vaiifeau Amiral qu'entretient toujours ici la Compagnie Hollandoife. Défênfes à* tout habitant, excepté au Propriétaire de Y Hôtel, de loger les Etrangers. Defcription de la ville Ôc des habitans. Population» Rafraîchiifemens qu'y prend le Commodore , B. 1. 174. cV fuiv-W- II. 187. Ce que fait le Capitaine Carteret à Batavia, Ca. 345 & fuiv. Cérémonial du pays. Refpeci: pour le Gouverneur & les Membres du Confeil, ibid. \J Endeavour arrive à Batavia, Co. IV. 222, VaifTeaux. qu'il y trouve. Avaries de Y Endeavour % V Endeavour, Co. IV. 223. Tempête dans le havre. Précautions a prendre, 225, L'équipage prend des logemens à la ville, 226. Enthoufiafme de Tupia & de Tayeto à la vue de ce nouveau monde, 228. Le vaiifeau eft conduit fur l'Ifle à'Onrufi pour y être radoubé, 229. Effets funeftes du climat, ibid. Mort de Tayeto ; mort de Tupia j la bonté de fon cara&ère ( t). Manière dont on couche ici un vaiifeau fur le côté ,233. Prefque tout l'équipage tombe malade , ibid. Accident lors du départ, 235. Sept perfonnes de l'équipage meurent , 237. Defcription de Batavia ôc du pays adjacent, 239. Nombre des maifons j population, 240, Canaux j combien ils font files j maifons, 241. Bâtimens publics, fortiAcarions, 242. Havre, 245. Combien l'air y eft meurtrier, 247. Fertilité du fol des environs , ibid. Ris, ibid. Trente-fix efpèces de fruits j leur defcription, 251. Quantité de fruits qui s'y confomme , 260. Singulière efpèce de luxe, 261. Defcription des Rems, ¿¿id. Animaux domeftiques , 265. Poiifons , 267. Volaille, gibier, 268. Arrack , 269. Mœurs, coutumes ôc manière de vivre des habitans de Batavia ôc du pays adjacent, 271 & fuiv. Portugais de Batavia, 273. Indiens , 274. Mariage, 275. Langue, &c. frénétiques, appelles Mohavks, qui s'enivrent d'opium ôc maf-facrent rous les hommes qu'ils rencontrent, 277 & fuiv. Opinion fuperftitieufe de ces peuples, 275. Crocodiles jumeaux ou hadaras y ferme croyance de cette folie, 281. Chinois de Batavia ; leur caractère, 284. Efclaves, 287. Autorité des maîtres fur les efclaves, 288. Gouvernement de Batavia, 289. Adminif-tration delà Juftice , 291. Monnoies, ôcc. zyz, Batchclor ( rivière ) reconnue par le Commodore Byron, B. I. 90. Beautems ( Cap ) ; précautions qu'il faut employer en le rangeant, B. I. 33. Guanaque qu'y apperçut le Commodore Byron depuis le lieu de fon mouillage, ibid. 33, Le Commodore apperçoit fur la côte le même fpecTacle qu'avoir vu l'équipage (a) On trouve à l'article Tupia des renvois qui indiquent les principales £>agcs de l'Ouvrage où il eft parlé de cet Indien fi in té re n'a nr. Tome IV. Vv du Wager , c'eft-à-dire une troupe d'hommes à cheval, B. I. 33 & 34. 11 va auprès d'eux j précautions qu'il prit pour cette entrevue , ibid. p. 3 5 • Berkeley ( canal de) : fa fituation , B. I. 75. Blanc ( le Cap ) : le Commodore Byron ne trouve pas une baie qu'y a placé Sir Jean Narbouroug, B. i. 16. Afpect du fol Ôc de la contrée, . ibid. Bird ( lile ). Voy. Iñe des Oifeaux. Blanche ( Ifle ), Co. III. 99. Bolabola : fa découverte : fa fituation , Ôcc. ibid. 3 o. Bcnthain. Vexation qu'y éprouve le Capitaine : ordres de partir qu'il reçoit : on l'avertit dans une lettre que les Hollandois ôc les Naturels du pays avoient formé le projet de maifacrer fon équipage : ce qu'il faut penfer de ce complot : rafraîchiflemens qu'il y prend, Ca. I. 331 & fuiv. ibid. 349 & fuiv. Booby (Ifle), Co. IV. 99. Bofcaven ( Ifle de ). Voyez II. 167. Botanique ( baie de ), fur la côte de la Nouvelle-Galles méridionale, Co. III. 337. Bow ( Ifle ), ou Ifle de Y Arc découverte : production : fa fituation , ôcc. Co. II. 305. Bretagne ( nouvelle ) : fa fituation : production : lieu où mouille le Swallow : le Capitaine Carteret en prend poífeííion , ainfi que de toutes les autres Ifles, Bec. Découverte d'un détroit qui partage en deux Ifles la Nouvelle-Bretagne : defcription de la côte , ôcc. Ca. I. x66 & fuiv. Butler (baie de). W.II. 67. Byron ( ifle ) : découverte de cette Ifle : fa fituation : tours gro-tefques que faifoient les fauvages nuds en montant fur le vaif-feau du Commodore : leur caractère : leur figure : un chef avoit une ceinture garnie de dents humaines : réflexion , ôcc. le Commodore ne peut pas y débarquer, B. I- 15 °- Byron (lue), Ca.Li$i. Cap de Bonne-Efpérance : relâche au Cap: aventure malheu-reufe qu'on raconte au Commodore : defcription : climat : fol du Cap j B. I. 137. Ca. I. 361. Defcription du pays , des habitans : tablier de chair des Hottentots : productions : animaux : Hollandois : la ville du Cap : habillement des Hottentots : langue : taureaux de garde : métaux. ibid. Carène doublée de cuivre, écartoit les pohfons du bord du Dauphin, B. I. 5. Carlijle ( canal de ) : fa fituation , ibid. 74. Carteret ( Ifle de ) : fa fituation : hoitilité des Indiens : difpute : débarquement: defcription des Indiens, &c. Ca.I. 362. Cav ailes (Ifles), Co. III. 149. Célebes ( Ifle des ) : defcription de la côte , Ca. I. 311. ibid. 343. Chaîne ( Ifle de la ) découverte : production : fituation , &c. Co. II. 311. Charles ( Ifle) dans le détroit de Magellan , B. I. 85. Charlotte ( Ifles de la Reine ) : leur découverte : afpect : fituation : combat entre les Anglois ôc les Indiens : fuites funeftes de cette difpute : événement malheureux : maifacres de quelques Indiens, ôcc. ôcc. Ca. 1.141. Charlotte ( Ifle de la Reine ) découverte : production, &c. W. II. 83. Charlotte ( canal de la Reine), Co. III. 200. Voyez Nouvelle-Zélande. Chat-Tigre tué au Port Dcjlré', B. I. z6. Coco ( Ifle des Noix de ), Ca. I. 275. Cockburn ( Ifle de ), Co. IV. 88. Colville (Cap ) : fa fituation, ôcc, ibid. III. 141. Corde ( baie de ) : animaux inconnus. W. II. 34. Corfets de Liège dont quelques matelots fe fervent pour débarquer fur une côte dangereufe, B. I. 117. y v ij Courant (lile du), Ca.î.i9$-Cracata ( Ifle ) , Co. IV- il J- Cumbcrland ( Ifle de ). W. IL 88. Co. III. 382. d -, efpèce d'animaux obfervés par MM. Banks 6c Solander, Co. II. 217. Danger ( Ifles du ) : pourquoi ainfi nommées : leur fituation : leur afped, &c. B. I. 144 & fuiv* Davis ( terre de ) : le Commodore Byron recherche certe terre & ne la trouve pas : elle doit être mal marquée fur les cartes, B. I. 120 : ce que penfe le Capitaine Carteret de cette terre , Ca. I. 228. Dauphin ( le ) , commandé par le Commodore Byron , part des Dunes le 21 Juin 1764, B. I. 1 & 2. Il relâche à PUmouth > ibid. Objet de fon voyage , B. I. 8. Il fait une feconde fois le tour du monde. W. II. 1. Déferteurs , ou dcferts ; rochers ainfi appelles : pourquoi, B. I. 2. Dejîre ( port ) : moyen de reconnoître ce port : fon entrée : defcription exacte de ce port important aux Navigateurs : profondeur du port : état du pays : animaux plus gros que des daims qu'on trouve fur la côte : oifeau fingulier : combien l'équipage du Dauphin y tua de gibier , B. I. 17. Dangers de l'entrée de ce port, ibid. icf & 20. Situation critique où fe trouva le Dauphin en y entrant, ibid. 20. Une fource d'eau faumâtre fut la feule qu'y put découvrir d'abord le Commodore Byron : il eft obligé d'y faire des puits, ibid. 21. Situation de ces puits , ibid. 17. Canot à deux rames , & canon d'une arme à feu : le Commodore Byron n'y apperçut aucun habitant , ibid. 23 & 16. Befoin d'eau qu'il y éprouve , ibid. 24. Deux fources d'eau douce découvertes enfuite , ibid. 25. Largeur du canal du port Defiré ; il eft rempli d'un grand nombre d'Ifles , dont quel- ques-unes font confidérables, B. I. 25 & 16. Sondes de ce port prifes avec tres-grand foin s ibid. 27. le bois y eft rare : avantages qu'il procure, ibid. 28. Obfervations far la marée de ce port, ibid. Le Commodore Byron relâche au porc Deftré, B. 1. 77. Direction ( Ifles de ) : quatre Ifles : leur fituation, B. I. 112. Co. IV. 77. jDifapointment ( Ifles de ) : leur fituation : leur afpect : productions : fauvages : manière dont ils témoignoient aux Anglois qu'ils les tueroient s'ils ofoient débarquer : ils avoient un morceau d'étoffe fufpendu au haut d'une pique : pourquoi , B. I. 123 & fuiv. Domines ( Ifles ), B. I. 16S. Dunk (Ifle), Co. Ili. 387. Durour ( ifle de ) découverte , Ca. ï. 290. Dusky ( baie fombre j, Co. III. 232, E jBaubin[om au w e : péninfule de la Nouvelle - Zélande 5 Co. III. 20. Eau colorée remplie d'atomes, ibid. II. 262. Eau douce ( baie d') : defcription de cette baie : fond fur la côte , B. I. 48. Ecume de mer (fingulière ), Co. IV. 146. E clip fe du foleil, en 1767 , obfervée à Otàhiti. W. IL 137. Egmont ( lile d'). W. II. 8 6. Sa découverte : fa fituation : fon afpeót : combat entre le Maître du vaiifeau & les Indiens : fuites funeftes de cette difpute : événement malheureux : maf-facre de quelques Indiens : le capitaine Carteret y fait de l'eau : defcription de la côte,Ca. I. 241. Etat du pays : maifons & villages, ibid. Defcription des habitans, ibid, Egmont ( port d') : découverte de ce port & de TI île où il fe trouve : fond dans les environs : fon gifement : avis aux: Navigateurs , B. I. 64» Etendue de cette baie ; paflages & Ifles qu'on y trouve : grande quantité de volailles : autres rafraichif-femens : elle manque de bois : quadrupèdes peu communs : qualité du fol, B. 1. 65 à fuiv. Edgcomb ( Ifle du Lord) : fa fituation : fa découverte, Ca. I. 259. Elisabeth ( Ifle de Sainte ) : le Commodore Byron mouille près de cette Ifle : il voit fix Indiens qui l'appellent à grands cris, B. I. 45. Banc très-dangereux dans fes environs, ibid* 81. Elisabeth ( baie de Sainte ) ; ruifleau d'eau douce : fond de la baie, ibid. %6. W. IL 66. Ende ( Ifle), Co. IV. 209. Endeavour, vaiifeau fur lequel s'embarquent le Lieutenant Cook, MM. Banks Ôc Solander pour faire le tour du monde , ibid. IL 215. Efpérance ( Ifles de 1' ) , ibid. IV. 12. Eft (Ifle £)> ibid.IH. 37, Evouts ( Ifle ), ibid. II. 294. F F A l k l a n d ( Ifles ) reconnues par le Commodore Byron. Voy. à l'art. Porc Egmont tout ce qui y eft relatif : par qui elles ont été découvertes , ôc les Navigateurs qui y ont abordé , B. I- 72. Relèvement de ces Ifles, ibid. 74. Dangers de la côte dans les environs, ibid. 7 5. Ealmouth : vaiifeau condamné a Batavia : fituation déplorable de ce bâtiment Ôc de fon équipage. W. H. 188. Farewell ( Cap ) d'adieu, Co. III. 245. Famine ( port ) : précautions qu'il faut employer pour y entrer : largeur du détroit en cet endroit, B. I. 45. Le Commodore Byron mouille dans la baie Famine : fureté de cette baie : bonne eau qu'on y trouve : rivière Sedger : comment ôc jufqu'où on peut la remonter, ibid. 50, Rapidité du courant de la Sedger: fes bords ; arbres de plus de vingt-quatre pieds de circonférence qu'on y voit : le poivrier ôc l'écorce de winter y font très-communs : pêche ôc chafle abondantes, ibid. 50 & 51- Le Com- inodore Byron n'a pas vu un feul Indien au port Famine :. il a fuivi les traces de beaucoup de bêtes féroces, fans en appercevoir aucunes , B. I. 51. Montagne dont les bois ont été coupés-, le Commodore y fait fouiller : les Efpagnols y avoient autrefois un établiifement, ibid. 52. Obfervations nautiques fur les environs de ce port, ibid. 55. Le Dauphin toucha dans ce parage fur un banc dangereux dont aucun Navigateur n'a parlé ibid. $6. Gifement de ce banc , ibid. W. II. 63, Ferdinand Horonha (Ifle) : fa fituation , Co. IL 235. Finiftere ( Cap ) : fa latitude , ibid. 21 G. Floride (la), Flûte qui porta des vivres au Commodore Byron: elle le rencontra dans le détroit de Magellan, B. I. 77 & fuiv. Forbès ( Ifles de ) , Co. IV, 87. Frankland ( Ifles de ), ibid. III. 387, Freewill ( Ifle de ) : fes productions : fes habitans : caractère des fauvages : l'un d'eux s'embarque avec le Capitaine Carteret : pirogue, &c. Ca. I.291. Fruit à pain : defcription de ce fruit, Co. II. 3 15. Fucus gigante us : longueur extraordinaire de cette plante, ibid. IL 166. Fune hai : fa latitude , ibid. 224. Fyal : fa fituation. W. II. 201. G G allant) ( Cap ) : £1 fituation : détroit entre le Cap G allant Ôc le Cap Eolland: baie de Wood dans les environs, B. L c5. W. ii* £5. Galles ( Ifle du Prince de ) : découverte de cette Ifle : la fituation : fon afpect, B. I. 142, Co. IV. 100. Galles méridionale ( nouvelle) , Co. III. 310 & fuiv. afpect du pays ,¿/.312. Les Anglois apperçoivent des Indiens fur la côte, lb. 318. Les Indiens s'enfuient, ibid. Entrevue avec ces fauvages, ibid. 310« FigHfe fmgulière de deux d'entr'eux qui menacent les Anglois, Lbid. 321. Autres Naturels du pays, ibid. Une femme ôc crois enfuis qui porcenc des figors, Co. IU. 322. Les Indiens s'oppofent au débarquement : luîtes de cette difpute, ibid. Seconde entrevue, ibid. 326. Les Anglois laiflent dans leurs huttes des préfens auxquels ils ne touchent pas , ibid. Autres Indiens : difpute, ibid. 331. D'autres Indiens fuient encore à l'approche des Anglois, ibid. 333. Grande quantité de cailles, ibid. 334. famille de ces indiens, ibid. 335. M. Mon-koufe eft attaqué, ibid. Grande quantité de plantes, ibid. 337. Grand nombre de poiifons à coquilles , ibid. Les Indiens ne paroiifent pas vivre en fociété , ibid. 340. Combien ils font peu curieux, ibid. 347. 351. Serpens d'eau, 355. Véritable palétuvier Se fourmi iingulière , ibid. 359. Il eft probable que ces peuples nuds n'ont point d'habitation , ôc qu'ils paifent la nuit en plein air comme les animaux, ibid. 561. Crabes nouveaux , ibid. 3 (S 5. Fourmis, poiifons, ôcc. Singuliers, ibid. 370 & fuiv. Mines de fer fur les collines, ibid. 372. Autres Indiens, ibid. 381. Découverte du paifage de la Pentecôte ibid. 382. Situation dangereufe où fe trouve le vaiifeau : l'équipage manque de périr : parage dangereux , IV. 1 & fuiv. Ils lardent une bonnette pour étancher leurs voies d'eau , ibid. 11. Rivière Endeavour : les Anglois y débarquent pour radouber leur vaiifeau , ibid. 18. Circonftance fingulière qui fauve l'équipage, ibid. 21. Nouveaux quadrupèdes , ibid. 24, Defcription du pays, de fes habitans, de fes productions, ibid. & fuiv. Expédition dans l'intérieur du pays, ibid. 33. Stratagème qu'emploie le Capitaine pour fe procurer une entrevue avec les Indiens, ibid. 38. Un de ces Indiens porte un os de iix pouces de long dans le cartilage de fon nez, ibid. 41. Langue, ibid. 44. Kanguroo, nouveau quadrupède, ibid. 45. Familiarité des Indiens, ibid. 48. Ils demandent une tortue , Ôc lorfqu'on la leur refufe, ils tâchent de s'en emparer par force , ôc deviennent furieux, id. & fuiv. Manière fingulière dont ils enflamment l'herbe : fuites de ce feu, 50. Harangue d'un vieillard, 52. Un Anglois fe trouve feul au milieu des Indiens : manière fingulière dont ils le touchent pour voir s'il étoit fait comme eux, 54: Nouveau quadrupède % quadrupède, Co. IV. 5 6. Départ de la rivière Endeavour: defcription particulière du havre où le vaiifeau fut radoubé , du pays adjacent Se de plufieurs Ifles près de la côte , 60 & fuiv. Rafraî-chiflemens qu'on s'y procure , 61. Traverfée de la rivière Endeavour a l'extrémité feptentrionale de la Nouvelle - Galles méridionale : dangers de cette navigation , 64 <$■ fuiv. Expédition fur l'Ifle des Lézards, 71 & fuiv. Nids d'une grandeur énorme, 73. Nouveaux dangers que court le vai fléau , 81 £' fuiv. Découverte du canal de la Providence, 85. Le Capitaine Cook prend poífeííion de la Nouvelle-Galles méridionale , 96. Départ de la Nouvelle -Galles méridionale: defcription particulière du pays , de fes productions & de fes habitans : vocabulaire de la Langue de ces peuples : obfervations fur les courants & les marées, 104 & fuiv. La Nouvelle-Hollande efl: plus grande que toute l'Europe , ibid. Sol , production , 105. Arbres, palmiers, ibid. Plantes , fruits, 109. Quadrupèdes, oifeaux , reptiles , 110 & fuiv. Fourmillières fingulières, ibid, Poiflous, 115. Popularion , 116. Teint, couleur, figure des habitans, 118. Les deux fexes vont entièrement nuds : os qu'ils portent dans le cartilage du nez, 119. Quel eft leur état de civilifation : caractère, 120. Ces peuples femblent être errants : étendue de leurs huttes, 121 & fuiv. Meubles, hameçons , 1*3. Nourriture, 124. Manière furprenante dont ils répandent le feu , ni, Armes, 1z9. Pirogues, 132. Outils, 133. Combien ce pays eft peu peuplé, 134. Gannet-IJland ( Ifle des Mouettes), Co. III. 176. George ( canal Saint), Ca. I. 278. Georges ( Ifles du Roi ) : découverte de ces Ifles : leur fituation : caractère des fuivages : comment ils s'oppofent à la defeente des Anglois : tours d'adreife que fait l'un d'eux pour enlever une vefte : combats, ¿Ve. defcription de leurs pirogues , de leurs cabanes : cocotiers : à combien d'ufage les Infulaires employent ces arbres : on pourroit y établir une pêcherie de perles : les Anglois y trouvent des inftrumens d'Europe : cime-Tarne IV. X x rieres : manière dont ils difpofent de leurs morts : excellente eau douce qu'on y trouve : on n'y voit point d'animaux venimeux : mouches infupportables , B. I. 119 & fuiv. Manière curieufe dont s'y faifoient les entrevues : il n'y a point de mouillage fur la côte, 139 & fuiv. Gloctjter (Ifle de), W- II. 87. Glocejicr ( Ifles du Duc de ) : leur découverte : fituation : afpect : il n'y a point d'eau, ÔCc. Ca. 1.134. Good Luck ( baie de ), W. II. £8. Goulus de mer : le Commodore Byron en a vu avaler un veau marin d'un feul trait, B. I. 117. GoTTer ( Ifle de ) : fa fituation : Indiens : rafraîchiflemens qu'y prit le Capitaine Carteret , Ca. I. 2.61. Les Grouppes ( Ifles) : découverte: fituation : productions : entrevue avec les Indiens : leur figure: leur pirogue, Co. II. 307. Guanaque : animal trouvé au port Defiré : fa defcription , B. I. 18 £r 23. Leur pefanteur, ibid. Les rigres en mangent la chair, & ils en caftent les os pour en fucer la moelle , ibid. 24. Guanaque vivant pris par l'équipage du Commodore Byron, ibid. 3 5. Guillaume Henri (Ifle du Prince), ^Y/. IL 88, Guinée ( nouvelle ) : ce qui arrive aux Anglois en débarquant fur ce pays, Co. IV. 142 & fuiv. Fruits fur la côte , 151. Un des Infulaires lance quelque cho/e qui reifembîe à de la poudre à canon, 152, 153. Combat, 152. Figure des Infulaires : leur caractère féroce } 153. Armes ,154. Etat du fol, ibid. Population, 1 $ 7„ H Ha n ov re ( nouvelle ) découverte, Ca. L 281, Hardy ( lile de Sir Charles ) : fa découverte : fa fituation, ibid. 265. Hébrides (Ifles), ibid. 369. Hélène (Sainte), ibid. 352. W-II. '$9* Co. IV. 328 &fuiV. Hermite ( Ifles de Y ) , Co. II. 295. Heureux ( port ). Voy. Good Lucâ. Hélix Janana : poiífon à coquille , Co. II. 231. Holborn (Ifle), ¿bid. III. 382. Holland ( Cap ) : fa fituation : détroit entre le Cap Gallant ôc le Cap Holland, B. L 85. W. IL ¿4- Hollande (nouvelle). Voy. Nouvelle-Galles méridionale. Holoturia phyfalis : efpèce de poiífon, Co. II. 231. Hope Ijlands , ibid. IV. 1 3. Hom ( Cap de ) : fa fituation : ce Cap eft-il il dangereux à doubler : réfutation de ce que dit le Lord Anfon , ôcc. Co. IL 296. & fuiv. Voy. auifi Détroit de le Maire ôc Terre de Feu. llow ( Ifle du Lord ) : fa fituation : fa découverte , Ca. L 238. W. IL 166. Huaheine ( Ifle du ) : entrevue avec les Indiens : harangue ÔC cérémonie fingulière de Tupia : offrandes : caractère du peuple : avanture : fituation : productions, Co. III. 3 & fuiv. J J a y a ( Ifle de ) : Y Endeavour efl viflté par les Hollandois fur la côte de Java, ôcc. Co. IV. 218. Epiceries, 264. Voyez Batavia. Obfervations nautiques fur la traverfée de Java art Cap de Bonne-Efpérance , 3 11 & fuiv. Jérôme ( canal Saint ) dans le détroit de Magellan : miférables Indiens que le Commodore Byron vit fur la côte, B. I. 88. Imao ( Ifle ) aux environs à'Otakiti , où le Capitaine Cook Xx ij envoyé quelques perfonnes de fon équipage pour y obferver auffi le paifage de Vénus, Co. II. 386. Irlande ( nouvelle ) : fa fituation : fon afpect : Indiens , trafic avec eux : leur figure : ils fe poudrent : leurs pirogues : leurs armes, &c. Ca. I. 278. Jjles (baie des ) , Co. III. 159. Juan Fernandès (Ifle de) fortifiée par les Efpagnols : le SvralloJV y mouille fans pouvoir y prendre des rafraîchiflemens , Ca. I. 208. Juges ( les.) : écueils dangereux qui fe rrouvent aux environs du Cap Dejlre\ B. I. 112. K (Ifle de ) : fa fituation : fa découverte , Ca. I. 259- W.II. 167. Kidnappers ( Cap ) , Co. III. 74. L Lagon ( Ifle du ) : découverte : defcription : fituation : Naturels du pays : productions, ôcc. Co. II. 205. Larus crepidatus : nouvelle mouette a pieds noirs , Co. II. 252. leigh ( Ifle de ) , Ca. I. 273. Leydtn & Alkmar ( deux Ifles), ibid. 348. Lézards ( Ifle des ) : expédition fur l'Ifle des Le\ards : defcription , Co. IV. 71. Lion ( anfe du ), W. II. 68. Long-IJland , ibid. 181. Luback ( Ifle de ) > Ca. I. 348. M -^Vfacassar ; le Gouverneur refufe au Capitaine Carreree d'y prendre des rafraîchiflemens : difpute : explication : menaces : on envoyé le Capitaine à Bonthain 3 Ôcc. Ca. I. 3 21 6* fuiv. Machine pour purifier l'eau, B. I. 3. Madère ; le Dauphin y prend des provifions, B. I. 3. Aventure fingulière de neuf matelots du Capitaine Canecer, Ca. I. 187. W. II. 3. Afpect de cette Ifle : productions : morceaux d'hif-roire naturelle qu'y raiïemble M. Banks : manière de faire le vin : l'Ifle paroît être fortie d'un volcan : rafraîchiflemens qu'y prend le Capitaine Cook, ôcc. Co. II. 118 & fuiv. Couvent de Religieux : curiofité, ibid. Couvent de Religieufes : quef-tions qu'elles firent à nos philofoph.es , ibid. Population : revenus : monnoies : marées , ibid. Magellan ( détroit de ) : entrée du Commodore Byron dans îe détroit : la defcription qu'il en fait : route qu'il y tient : il voit quelques guanaques fur les collines , quoique Wood dife qu'on n'y en trouve point, B. I. 43 & fuiv. Obfervations fur les marées à l'entrée du détroit , ibid. 45. Suite du détroit: defcription des ports & baies qu'on y trouve, 77. Le Commodore rencontre un vaiifeau françois commandé par M. de Bougainville dans le détroit de Magellan , B. L 81. Largeur du détroir près le Cap Forward , ibid. 84. Obfervations fur les dangers du paifage du détroit, ibid. 104. Le Commodore Byron penfe qu'on doit plutôt pafler le détroit de Magellan que doubler le Cap Horn , ibid. 113. W. II. 9 & fuiv. Magnétique ( Ifle ) , Co. III. 3 84. Mai (Ifle de) , W. I. 5. Maire ( détroit de le ) : le Capitaine Cook y entre : production du pays, Co. IL 265. Paifage du détroit : defcription du détroit : remarques fur ce qu'en dit l'Amiral Anfon , ibid. 292. Combien les inftructions qu'on a donné fur ce détroit font défectueufes : correction, ôcc. ibid. 295. Maire ( Ifle le ), ibid. III. 105. Malouines (Ifles ) , Voy. l'art. Ifles Falkland. Man (Ifle de), Ca.I.27^ Maria van Diemen ( Cap), Co. III. 171. Mafafuero ; fa fituation : fon afpect, B. I. 115 & fuiv. L'équipage fe fert de corfets de liège pour y débarquer , B. I. 11 y Abondance du poiífon fur la côte, ibid. Matelot abandonné fur cette lile, 119. Expédient qu'on employé pour l'en tirer, ibid. Son afpe£t : le Swallow y fait de l'eau : dangers de la côte : trois matelots nuds lailfés pendant une nuit fur cette Ifle deferte , expofés à la pluie : expédient fingulier qu'ils inventèrent pour fe réchauffer : tempêtes : gros tems ôc acci-dens qu'effuie le Capitaine Carterer fur cette côte : quantité prodigieufe de pintades qu'il prend fur cette Ifle : fa fituation : mouillages qu'on y trouve : erreurs de l'Amiral Anfon : rafraîchiflemens qu'on peut s'y procurer : on ne peut y débarquer qu'à la nage : poiifons , ôcc. Ca. I, 209 & fuiv. Mathy (Ifle de ) , ibid. 190. Mathiabo , chef Otahitien , Co. II. 41 5 ¿y fuiv. Mer auili rouge que du fang Ôc couverte de coquillages de même couleur, B. I. 14. Mercure ( paflage de) obfervé en 1769 fur la Nouvelle-Zélande, Co. III. 115. Mercure ( baie de), ibid. 129. Voy. Nouvelle-Zélande. Mindanao ( lile ) : defcription de la côte : attaque des Infulaires : difficulté qu'éprouve le Capitaine Carteret pour débarquer : correction de plufieurs erreurs de Dampierre fur la navigation de cette côte : entrevue : afpect de l'Ifle : population : productions : courants : leur direction , &c. Ca. I. 297. Monday ( Cap ) : baie profonde à trois lieues du Cap Monday : baflîn : fon étendue : fa profondeur, B, I. 96. Sauvages que rencontre le Commodore aux environs de ce Cap : bon caractère de ces Indiens, ibid. 108. Mondrain ( Ifle du ), Ca. I. 298. ibid. 506 & 309.. Montmouth ( Ifle) dans le détroit de Magellan, B. I. 85. Motacilla velificans : nouvelle efpèce d'oifeau , vue par MM. Banks & Solander, Co. II. 2 j 8. Mowtohora ( Ifle ), ibid. III. iot, N w - Is land : Ca.L 159. W. Iï. 182. Co. II. 294. Nouvelles Ijlcs : afpect de ces Ifles : defcription de la terre : les vaifTeaux doivent prendre garde de donner dans la baie : les loups marins & les oifeaux y font innombrables, B. I. iîo, 61. O Oatara ( Ifle), Co. III. 14. Obérea , Reine cVOtahiti : fa figure : fon caractère : fon autorité : elle efl amoureufe du Capitaine Wallis : fes adieux touchans, W. I. 126 & fuiv. Elle fait frotter doucement par des filles la peau du Capitaine Wallis & de quelques autres , 128. Générofité & bonté de cette femme, ibid. 129. Elle donne un feftin à un millier de fes fujets , ibid. Galanterie de cette Indienne, 135 & 146, 148 , 149. L'équipage du Capitaine Cook rerrouve Obérea , Co. II. 346. M. Banks allant la voir la trouve couchée dans fa pirogue avec fon amant : carefles Ôc accueil qu'elle fait à M. Banks , 3 46 & fuiv. Moraï d'Obérea, 366. Le plus grand bâtiment de l'Ifle, 422. Pourquoi Obérea n'étoit plus Souveraine lors de l'arrivée du Capitaine Cook ,425. Oheteroa (Ifle), Co. III. 31. Tentatives que font les Indiens pour aborder fur la chaloupe des Anglois, ibid. 32. Les Infu-laires s'efforcent de voler & d'attaquer les Anglois, ibid. Situation : defcription des habitans : armes , &c. 3 3 Ohang Java ( Ifles ) découvertes par Tafman : ce qu'en penfe le Capitaine Carteret, Ca. I. 264. Oifeaux ( Ifle des ), Co. IV. 89. ibid. II. 310. Omo'éj chef Otahitien, ibid. 11. y Onruft : le Capitaine Carteret eft envoyé de Batavia à Onruji ; cérémonie, Ca. 1.353. Onyfcus : nouvel animal marin vu par MM. Banks & Solander, Co. II. 217. Opoureonu : nom d'une des péninfules üOtahiti, ibid. 419, Opururu (Ifle), Co. III. 14. Ofnahruck ( Ifle d' ), W. II. 31. Co. II. 311* Ofnabrugh ( Ifle de l'Evèque d') : fa découverte : fa fituation : fon afpect , Ca. I. 23 3. Otaha ( Ifle) , Co. III. 16. Otahiù ( ou Ifle du Roi George III ) : découverte de cette Ifle : première entrevue avec les Indiens : cérémonies de paix : difpute : combat, W. II. 92 & fuiv. Aventures fmgulières : nudité ÔC beauté des femmes , ibid. Mouillage dans une baie , 104. Le Capitaine Wallis prend poífeííion de l'Ifle , 109. Transports flnguliers d'un Otahitien, 110. Vols que commettent les Infulaires , ibid. Le Capitaine Wallis fait mettre en pièces plus de cinquante de leurs pirogues, 114. Manière touchante dont les Infulaires demandent la paix, 114, 116. Ce que fait le Capitaine Wallis à terre : aventures fmgulières : mœurs ÔC caractère des Infulaires : falpêtre , 118 ¿V fuiv. Prix des faveurs des Otahitiennes : les matelots manquent de détruire le vaif-i'eau en arrachant des clous pour payer ces faveurs , 123. Connoiflance avec Obérea : tendrefle de ce peuple pour leurs parens ,131. Graines d'Europe données aux Infulaires , 136. Defcription des habitans d5'Otahiù : de la vie domeftique, des mœurs & arts de ces Infulaires , 150. Fabrique de leurs étoffes, ibid. Nourriture, ibid. Cimetières, &c. 157. Pirogues, ibid. Armes : animaux : produófions : climat : culture &: population , ibid. La maladie vénérienne y a déjà été portée ; le Capitaine Wallis tâche de prouver que c'eft l'équipage de M, de Bougainville qui l'a infectée de cette pefte , ibid ¿ 161 & fuiv. L'Endeavour arrive à Otahiù : débarquement : incidens : ■ règles établies pour trafiquer avec les Naturels du pays , ôcc. Co. II. 313. Manière dont deux Otahi tiens fe choififlent deux amis parmi les Anglois, ibid. Liberté que prennent les femmes avec les Anglois, 320. Vols que commettent les Otahitiens, 322. Les Anglois y bâtilfent un obfervatoire , 325. Un Otahitien tué, 328. Suites de ce meurtre , 327. Manière dont ils 4ifpofent de leurs morts, 334. Mufique du pays,3 3^* Grande quantité quantité de mouches, Co. II. 336. Bleflures que fe font ces peuples dans les chagrins, 3 44. Un des chefs à qui le Capitaine Cook donne à dîner, ne veut pas manger qu'on ne lui mette les alimens à la bouche, ibid. 35. Vol du quart de nonante de nos Obfervateurs : fuite de ce vol : vifite à Too-tahah : combat de lutte : graines d'Europe femées dans l'Ifle : noms que donnent les Indiens aux gens du vaiifeau, 351 6* fuiv. Arbre d'une groifeur énorme , 365. Quelques femmes vont au Fort des Anelois : cérémonies fmgulières : les Otahitiens afliftent au fervice divin des Anglois \ ôc le foir pour leur montrer le leur , un jeune homme Ôc une jeune fille facri-fient a Vénus devant toute l'aflemblée, 3 G 9 & fuiv. Différentes aventures : amufemens finguliers des Indiens ; combien ils excellent à nager : remarques fur ces amufemens : préparatifs pour obferver le paifage de Vénus : ce qui arrive aux Anglois dans leur Fort, ibid. 379 & fuiv. M. Banks couche chez Obérea ôc on lui vole fes habits, 380. Il va prefque nud à un Spectacle pour trouver le Capitaine Cook ôc d'autres, à qui on avoit également volé leurs habits, 381. Defcription particulière des funérailles-parmi les Otahitiens: obfervations générales fur ce fujet : bandes de ménétriers ambulants àtOtahai : vol commis au Fort : fuite de ce vol : cuifine des Otahitiens : divers incidens , ibid. 392 & fuiv. Les Otahitiens n'enterrent point leurs morts : cérémonies fmgulières du chef du deuil : manière dont les Otahitiens arrangèrent M. Banks qui voulut aflifter aux funérailles : convoi, ôcc. ibid. Vifite que rend aux Anglois l'héritier préfomptif de la Souveraineté de l'Ifle » 407. Ordre de fuccelTion chez ce peuple , ibid. Navigation autour de cette Ifle : dirférens incidens dans cette expédition : defcription d'un morai où les Otahitiens enterrent les os des morts ôc vont rendre un culte religieux , 408 & fuiv. Les divers cantons de l'ifle font en guerre , 409. Quinze mâchoires d'hommes fraîches, fufpendues à une planche, 415. On vole le manteau de M. Banks : fuites de ce vol, 417. Curiofité fingulière, 410. Friponnerie d'un Otahitien, 427. M. Banks Tome IV» Y y fait le cours de la principale rivière de l'Ifle : vcitiges d'un feu fouterrain : prépararifs pour quitter l'Ifle : ce que dit Tupia aux Anglois fur Otahiù ôc les environs , 429 & fuiv. Obf-tacle que rencontre M. Banks , 430. Deux matelots Anglois voulant quitter la fociété Européenne , fe fauvent dans l'intérieur de l'Ifle pour vivre avec les Otahitiens : ils étoient devenus amoureux de deux Indiennes : le Capitaine ne leur permet pas d'accomplir ce projet dont les fuites auraient pu être fi inftructives : précautions qu'il employé pour les recouvrer : difpute, ôcc. 435 & fuiv. Départ de l'Ifle après un féjour de trois mois : fruits que s'y procurent les Anglois : prix qu'ils en donnèrent : quelles font les meilleures marchandifes pour trafiquer avec les Naturels du pays , 441 cV fuiv. Defcription particulière de l'Ifle cYOtahiti , de fes productions ôc de fes habitans : habillemens : habitations : nourriture : vie domef-tique de amufemens de ces Infulaires, 444 & fuiv. Les enfans. font entièrement nuds jufqu'à l'âge de fix ou fept ans, 457-Propreté de ces Infulaires , 465. Defcription d'un de leurs repas, 4.66. Ces Indiens mangent feuls : bizarrerie de cet ufage ,468. La nourriture des femmes eft apprêtée par des garçons qu'on entretient pour cela, 470. Inftrumens de unifique , 471. Vers, poéfie Ôc chanfons de ce peuple, 472. Chandelles dont ils fe fervent, 473. Danfe lubrique des filles Ôc des garçons , 474. Société dans laquelle fe réunifient un très-grand nombre d'hommes ôc de femmes , ôc où chaque homme a la jouiiïànce de toutes les femmes , ôc chaque femme la jouiflance de tous les hommes, 475. Manufactures, pirogues & navigation des Otahitiens , 478 & fuiv. Ce que c'eft que leur étoffe : comment ils la fabriquent fans autre infiniment qu'un maillet de bois , ibid. Manière dont ils la teignent, 483. Hameçons : comment ils viennent à bout de les faire, 489. Quelle eft la quanrité d'outils des Otahitiens, 491. Leur fugacité à prévoir le tems : ce qui les dirige en mer , 499. De la divifion du tems à Otahiù : manière de compter ôc de calculer les diftances : langue ; maladies ; fune- railles Se enterremens : religion : guerre : armes 6e gouvernement des Otahitiens : obfervations générales à l'ufage des Navigateurs qui iront dans les mers du Sud, 501 & fuiv* Ravages effrayans quavoit fait à Occhiti la maladie vénérienne lors de l'arrivée du Capitaine Cook , 510. Plus de la moitié de ion équipage l'y contrade , 5-11- Théologie de ce peuple : manière dont il explique la formation de l'univers , 6c le bien &c le mal , 517 & fuiv. Prêtres : leur caractère efl: héréditaire , 5 20. Ce que c'eft que le mariage à Otahiti, id. Ce peuple a adopté la circonciflon : en quoi elle diffère de celle des Juifs , id. & fuiv. Manière bifarre donr fe tranfmet l'autorité des E aré es j Sec. 523. Si l'adultère & le vol font fréquens & fi on les punit. JV. B. L'équipage du Capitaine Cook a refté trois mois à Otahiti. II eft parlé de cette lile depuis la page 313 de ce Volume jufqu'à la page 529. On y raconte un grand nombre d'aventures Se d'incidens furvenus aux Anglois j on n'a pas pu les indiquer dans cette Table. Ourry ( Ifle d') : fa découverte : fa fituation, Ca. I. 259. Jta laíe (Iflede), W. IL 3. Pallifer ( Cap ), Co. Ili. 210. Paffage de Vénus au-deiîus du difque du foleil , obfervé à Otahiti ÔC à Imao y ibid. 11. 390« Patagons : entrevue du Commodore Byron avec des Patagons : leur taille Se leur ftature gigantefque, B. 1. 34, 35 & fuiv Les femmes font d'une taille proportionnée à celle des hommes, 36. Leur habillement: couleur de leur corps, Sec. Le Capitaine Byron leur frit des. préfens : il les range en cercle & il leur donne à chacun un morceau de ruban : leur con- Yy ij duite docile &z paifible , ibid. 37. Reflexions fur l'amour de la parure de ces fauvages, ibid. 37 , 38. Les plus petits avoient au moins flx pieds fix pouces Anglois , ibid. 40. Ils engagent le Commodore à' monter à cheval ôc à les fuivre dans leurs habitations , ibid. 41. Us avoient avec eux un très-grand nombre de chiens : harnois de leurs chevaux : les femmes montent à cheval comme les hommes, ibid. Voy. aufli W. IL 13 & fuiv. 23 & fuiv. 54 & 57. Pater nofer ( les petits ) , Ca. L 315. Pauvres Chevaliers ( Ifles ), W. IL 3' Pauvreté' ( baie de ) : gifement , ôcc. Co. III. 61. Voy. Nouvelle-Zélande. Pegan. Voy. Frécvjill. Pentecôte ( Ifle de ). Voy. Whitfundai. Pentecôte ( découverte du paifage de la ) , Co. III. 382. Pepys : les Ifles Falkland font probablement l'Ifle de Pepys de Cowley , B. I. ¿8 & fuiv. La fituation des Ifles Falkland , comparée avec celle qu'on donne à l'Ifle Pepys , ibid. Le Commodore Byron recherche cette Ifle : fa polltion eft très-incertaine : il ne la trouve pas. Ce marin penfe qu'elle nexifte point : les raifons qu'il en donne , ibid. 29, 30, 31. Tempête qu'il eifuie en quittant ce parage , ibid. 31, 32. Pillar ( Cap ) : fon gifement : comment cm peut le reconnoître, B. Lui. Pingoins ( Ifle des ) : fon apparence en mer, ibid. 17. W. IL 10. Pitcairn ( Ifle de ) : fa découverte : fa fituation : fon afpeét : tems orageux dans fes environs, Ca. I. 232. Portland ( Ifle de ) : fa fituation, ôcc. ibid. iji. Co. III. 66. Portland ( Ifles du Duc ) : découverte de ces Ifles : fituation : productions , ôcc. Ca. I. 282. Poffeffwn ( Ifle de ) , Co. IV. Pojfejfwn ( Cap de ) : banc dans fes environs, dont jufqu'à pré- fent on n'a pas encore pris connoiflance , B. I. 43, Poffeffwn ( baie de ) , V. 11. 6h Praia : le Dauphin relâche à la baie de Praia : dangers de ce parage : provifions qu'il y acheté, B. 1. 4. Prince ( lile du ) , Ca. I. 359. W. IL 191. Co. IV. 193 & fuiv. Defcription du pays , des habitans : langue : rafraîchiflemens , 294 £■ fiiv. Prince Frédéric ( la Flûte ) fait une partie du voyage du Capitaine Wallis, W. IL i & fuiv. id..3o. Providence ( canal de la ) fur la côte de la Nouvelle - Galles , Ca. IV. 85. Q Ç u a d ( Cap ) : baie en face de ce Cap où mouilla le Gommodore Byron , B. L 91 & fuiv. R RiO-jANEIRO : le Dauphin y relâche : Viceroi : fa fuite; les vaiifeaux y font recalfatés : chaleurs infupportables de cette ville : barre ôc entrée du havre : artifice des Portugais de ce port pour débaucher les matelots, B. L 5,66' 7. Le Commodore Byron informe à Rio-Janeiro les deux vaiifeaux de la deftination de leurs voyages , ibid. 8. Le Capitaine Cook y relâche : tracaiferies que lui font les Portugais : on défend à MM. Banks Ôc Solander, ôc à l'équipage de débarquer. Stratagème qu'ils font obligés d'employer: difpute avec le Viceroi: il emprifonne les matelots Anglois : defcription de la ville , du havre , Ôcc. Population : troupes : gouvernement : licence des femmes : culture : poiifons : fabriques : mines : défenfes barbares : exploitation de ces mines : combien elles procurent de revenus : qualité des pierres ôc des diamants qu'on y trouve : monnoies: climat, ôcc. Co. II. 137 & fuiv. Roben (lile) où les Hollandois du Cap relèguent les criminels, ibid. 327. Rotte ( Ifi de ) , ibid. IV. 166 & 109. Royales ( Ifles ) , W. II. 3 p Runaway ( Cap de la Fuite ) , Co. III. 99. Rupert ( Ifle ) , B, I, 85. Précautions à prendre pour naviguer dans ce parage , ibid. 86. W. II. 35* s Salombo (Ifles), Ca.ï.34. Salomon ( Ifles ) : le Commodore en lait la recherche fans les trouver : ce qu'il penfe de leur exiftence, B. L 147. Ce qu'en dit le Capitaine Carteret, Ca. I. 137. Salvages ( les Ifles ) : leur fituation, Co, II. 229. Sandwich ( Ifle ), Ca. I. 279. Sandy ( pointe ) dans le détroit de Magellan : defcription de cette pointe : on y trouve des fources d'eau douce : état du fol : fes productions : chafle ôc pêche abondantes qu'y fait le Commodore Byron : fon gifement, B. I. 46 & fuiv. Sandy ( Ifle de ) , W. II. 182. Sant-Jago ( Ifle ), ibid. y. Saunders ( Ifle de ) découverte : fituation, &c. W. II. 166, Savu ( Ifle de ) : découverre de cette Ifle, Co. IV. 167. Entrevue avec les Infulaires , 168. Les Hollandois y ont un ctabliife-ment Ôc des facteurs, 170. Conférence avec le Roi , 171. Il n'ofe pas s'aifeoir Ôc dit » qu'il ne croyoit pas que des blancs » lui permiflent de s'afleoir en leur compagnie « , 172. Le Roi dîne au vaiifeau: fa furprife , ôcc. 172 & fuiv. Maifons: villes, ibid. Supercherie du Réfident Hollandois, 175. Dîner à la mode du pays , ibid. Le Roi ne dîne pas même alors avec eux: ufage : 176. Les Anglois ne peuvent pas d'abord acheter des rafraîchiflemens : pourquoi, 178. Defcription de rifle de Savu, 183. Sol: terrein , 184. Productions , ibid* Animaux: poiifons , ôcc. 185 & fuiv. Figure des Naturels du pays, 187. Habillement : parure , 188. Ufage du Tattovj, 191. Maifons , 192. Nourriture , 193. Manière dont ils DES MATIERES, 3^ apprêtent leurs alimens , 195. Palmier-éventail, ibid. Gouvernement: adminiftration , 197. Nombre de foldats qu'elle peut mettre en campagne , 198. Bravoure des Infulaires , 19g. Efclaves : luxe, zoo. Les vieilles pierres fur lefquelles on s'eil aiïÎs pendant long-tems font une marchandife précieufe, 201. Frenéfie des habitans à la mort d'un Rajah, 202. Manufactures, ibid. Religion , 103. Traité des Hollandois avec le Roi, 205. Politique des Hollandois, 210. Vocabulaire de la langue de Savu ^ 211. Saypan (lile) : fa fituation: fon afpect, &c. B.I. 15-3 , 151. Les Efpagnols s'y rendent peut-être pour y pêcher des perles j ibid. Sebaldes ( liles ) : le Commodore Byron recherche les Sebaldes, ibid. 31. 11 croit les trouver, ibid. 60, Sally (Ifles de ), II. 166. Sel ( Ifle de), ¿¿¿¿ ^ Simpfon ( Ifle de) : fa lituation : fix découverte, Ca. L x6x. Small-key (Ifle), W. IL 182. Société ( Ifles de ), Co. III. 231 Solander ( Ifle de) , ibid. 231, Solander ( le Docteur ) s'embarque avec M. Banks : fa patrie : fes talens, &c. ^ U. 111. Solaires ( les Ifles ), jy. 20$w Spera Mondes : dangereux banc de fable , Ca. I. 317« Stephens ( Ifles de ), ibid. 291. Sumatra ( Ifle ) : gifement des pointes de cette côte : écueils à éviter: fituation , B, I. 171, Swallow : vaiifeau commandé par le Capitaine Carteret : mauvais état de ce bâtiment lorfqu'on lui ordonne de faire le tour du globe : réponfe que fait l'Amirauté aux remontrances du Capitaine : le Capitaine s'embarque fans favoir où on l'envoyé : départ de Plimouth, Ca. 1. 187 & fuiv. Le Capitaine Carteret j^rie le Capitaine Wallis de le renvoyer lorfqu'ils font dans 3¿o TABLE GENÉRALE le détroit: réponfe qu'il en reçoit, Ca. 1. 192. Il eft laiifé feul à la fortie du détroit de Magellan fans proviiions, &c. ibid. 195- Taba ( liles de ) : ce qu'en dit le Capitaine Carteret, Ca. I. 313. Tamar : frégate qui s'embarque avec le Dauphin pour faire le tour du monde, B. I. r. Tamer ( Cap) : fon gifement, ibid. 73. Jamife (rivière ) de la Nouvelle-Zélande, Co. III. 187. Tamou ( lile ) , ibid. 14« Tayeto , valet de Tupia : il eft enlevé par les Zélandois qui veulent le manger : offrande qu'il fait à fes Dieux pour les remercier de fa délivrance , ibid. 74. Teneri/ ( pic de ) : fa hauteur : fa chaleur : fes productions , ibid. IL 229. Terahaco : péninfule de l'Ifle de Portland , ibid. III. 69. Des Infulaires veulent abfolument coucher fur le bord des Anglois, 77. Terre de Brume : comment elle trompe les marins : defcription d'un de ces phénomènes , B. I. 11. Co, 2. 263. Terre de Feu : la defcription qu'en fait le Commodore Byron: ce qu'il y vit, B. I. 44 & fuiv. Il croit que ce pays eft fertile, ibid. y 2. Rugiffemens terribles des bêtes féroces, ibid. 53. Son afpect, Sec. Co. IL 264. Ses productions : habitans : cérémonies fingulières , ibid, Voyage à une montagne pour chercher des plantes : malheurs : plufieurs perfonnes y périffent de froid : ibid. 271. Entrevue avec les Américains , ibid. 281. Defcription des habitans : leur vie fiuvage : dureté de leur climat : nourriture : armes, ibid. Defcription générale de la Terre de Feu, ibid. 291. Variation de l'aiguille , &c, Théturoa ( Ifle , Co. IH» Thrumb Cap ( Ifle ), ibid. IL $qj, Tïmoati Timoan ( Pulo ) lile : fa fituation : fes productions : par qui elle eft habitée : rafraîchiflemens qu'y prit le Commodore Byron > B.L i65. Timorlant (Ifle)., Co. IV- i¿i , 165 è 108. Timan ( Ifle ) : fa fituation : le Commodore Byron en fait une defcription bien différente de celle du Lord Anfon : dangers de la rade où mouilla le Commodore : mauvais puits d'eau faumâtre : productions de cette Ifle : le climat y eft malfain ôc brûlant : autres incommodités du pays : chaffe aux quadrupèdes ôc aux oifeaux : grande quantité de cochons fauvages î manière dont on les prenoit : poiflbn malfain qu'on trouve fur la côte : coton & indigo , B. I. 15 3 & fuiv. Le Dauphin y relâche : rafraîchiflemens qu'il y prend : climat : chaffe, ôcc. W. II. 176 & fuiv. Tolaga (baie de)., Co. III. 94. Tonikiki ( Ifle) , Ca. I. 5 19. Tonyn ( Ifles de) , ibid. 34j. Tootahah : Otahitien ami des Anglois, Co. IL 310. Il donne un repas, ibid. 331 , 336 , 350 , 356 , 359 , 56o , 365- , 407, 426 , 448. Toubourai Tamàidé', chef Otahitien, ami des Anglois, ôcc. Co. II. 3¿i > 331 > 3 3 z > 3 3 9 > 34° > 3 4* , 349 > 3 H » 3 59 » 3 ¿9 » 371 > 375 > 377 » 379* Tbvy Poenammoo : péninfule de la Nouvelle - Zélande > Co. III. 101. Voy. Nouvelle-Zélande. Trevanion (Ifle de) : fa fituation : fa déc&uverte, ôcc. Ca. L 15 <. Jbij ito* ( les ), Ifles, Co. III. 168. Trois Frères ( les ), Ifles, Ca. I. 318. Tubai (Mot), Co. III. 15. 7ü/>¿¿z ; Otahitien qui s'embarque avec le Capitaine Cook : fa première entrevue : fon caractère , ibid. II. 358 , 370 , 382, 404 , 439, 441. ibid. IV. 12.8 , 230 ,231,232,238» Tumagain ( Cap) fur la Nouvelle-Zélande, ibid. III. j6. Torne IV* %z RTE (Ifle), Co. III. 3880 Viere e-Marie ( Cap de la ) : Naturels de la côte , W. IL 13. entrée, 62. Violacea : poiflòn a coquille, Co. IL 231, Ulietea ( Ifle d' ) : entrevue avec les Indiens : débarque-menr : maifons du Dieu de ces fauvages : productions, &c. ibid. 111. 10 , 18. Danfe fingulière : bon caractère de ces Indiens, 20. Danfe &c farces dramatiques, 21 & fuiv. Vifite au grand Roi de Baiatola : ce que c'étoit que ce. chef, ibid. z6. Bandes de ménétriers & farceurs ambulants : analyfe d'une de leurs pièces , ibid. 27. Volcan ( Ifle du ) : fa découverte : fa fituation , Ca. I. 259. Upright (Cap): dangereux écueils a la hauteur de ce Cap, B.L 94. Américains que rencontre l'équipage du Commodore dans le voiiinage, ibid. 96. Une Américaine offre aux Anglois fon enfant en retour d'un chien , ibid. Gifement de ce Cap. 102, Upright ( baie ), W. IL 70. aheatua, Roi d'une des péninfules d'Otahiù, Co. IL 411., Wallis ( Ifle de ) : fa fituation : fa découverte , Ca. L 2.66. Co, IV. 97. Difpute avec les Indiens, &c. W-IL 170 & fuiv. Wcafel ( Ifles ) : elles font placées d'une manière fautive dans les Cartes, Co, I, 161. Wefiminfer ( Ifle ) : fon gifement, Ôcc. B, L m. Whennuaia (Ifle), Co. III. 15. Whitfundai (Ifle) de la Pentecôte, W. IL 79- Winchelfea ( Ifle de ) : fa fituation : fa découverte , Ca. I* • Y Yo RK (Ifle du Duc) : fa fituation : fa découverte , &rc. B. L 147. Ca. I. 176. York ( Ifles du Duc ) découvertes par Sharp : ce que penfe le Capitaine Carteret de la fituation qu'on leur allîgne, Ca. 1. 199. York ( rade d') , W. IL 67. YorK ( lilas d') , Co. IV. 94. z Zélande (nouvelle) : ï'Endeavour débarque fur la Nouvelle-Zélande : combat contre les Indiens: Zélandois tué, Co. III. 41. L'Otahitien Tupia en parlant aux Zélandois fe fait entendre : entrevue : préfens , Sec. ibid. 49. Difficulté de les contenir : caractère féroce de ce peuple, 50. Ces peuples fe mettent nuds pour combattre, 51. Trois jeunes Zélandois pris dans un combat, id. Caractère de ces jeunes Indiens : ce qu'ils rirent fur le vaiifeau, ibid. Ils prient les Anglois de ne pas les débarquer fur le canton de leurs ennemis qui les tueroient ôc les mangeroient, 56. Intrépidité de ces fuiv age s : leur fureur pour la guerre, 5 7. Simbole de paix qu'oifroit un de ces Zélandois , 5 S. Armes de ces peuples : quelques-uns viennent à bord du vaiifeau, 63. Ils y laiifent à deflein trois de leurs compatriotes: on ne fait pourquoi, 64. Autres Zélmdois qui menacent les Anglois, 69 & fuiv. Montagnes de neige, ^71. Le canon les intimide, ibid. Supercherie de ces Indiens dans les échanges : ils recevoient la valeur de leur marchandife , Se ne vouloient pas enfuite la céder ,736' fuiv. Les Zélandois enlèvent le petit Tayeto, valet de Tupia , probablement pour le manger , ibid. Entrevue avec d'autres Zélandois plus humains Se plus honnêtes , 80 & fuiv. Combien ces Zélandois font diiférens des autres que les Anglois avoient vus juf-qu'alors, 81 & fuiv. Plantation fur ce canton : productions ,83. Zz ij Propreté remarquable de ce peuple , Co. III. 83. Exercices militaires du pays, ibid. 90. Tupia difpute avec un Théologien du pays, 91. Le Docteur Solander rrouve chez ce peuple une toupie, 92. Villages fortifiés , ibid. Chanfon de guerre , 93. Nouvelle attaque de ces Indiens, 99. Nouvelle fupercherie des Indiens, 100. Difpute avec d'autres Zélandois , 106. Ils aver-tiifent qu'ils vont chercher du renfort, 107. Bon fens & honnêteté d'un vieillard, 11 o. Les Anglois achètent des poiifons de ces fauvages, 113. Comment ces Zélandois paffent la nuit, 114. Indien tué pour le punir d'une petite fupercherie, 116. Repas de ces Zélandois ,117. Femme qui pleure la mort d'un de fes parens, 118. Hippah ou Fort du pays, 120. Les Anglois vifitent un de ces Forts, 122. Defcription de Ce Fort, 123 & fuiv. Leurs exercices d'attaque & de défenfe, 126. Plantation , ibid. Armes, 1 xj. Les Anglois prennent poffeffion du pays, 130. Les Zélandois les menacent de les tuer s'ils vont à terre : fage réponfe de Tupia , 133. Beau bois de charpente , 136 & fuiv. M. Hicks fait donner deux coups de fouet à un Indien voleur, 139. Entrevue avec de nouveaux Zélandois, 145 & fuiv. Les Zélandois enlèvent la bouée de f Endeavour , 151. Combat , 152, Manière touchante dont ils demandent fi leurs camarades bleifés en meurront, 154. Blef-fures de ces Indiens bientôt guéries, 156^. Inquiétude que montre un Indien lorfque les Anglois veulent vifiter un Fort où étoit fa femme, 157. Zélandois qui étalent en triomphe leur feine , 159. Argument de Tupia contre les Zélandois, 163. Fair fingulier, 182. Zéiandoifes , 183 & fuiv. Les Anglois découvrent que les Zélandois font antropophages : incident remarquable ,185 & fuiv. Preuves démonflratives de cette horrible coutume , 187 , 190 , 194, 191. Indifférence d'un Zélandois, 187. Cruauté d'un Officier Anglois , 195. Famille intéreffante de Zélandois, 196, 197. Cinq ou fix femmes fe font des bleffures effrayantes : pourquoi? 199. Infenfibilirc des autres Infulaires, ibid. Différentes manières dont les Anglois ont été reçus des Zélandois, 218. Defcription générale de la Nouvelle-Zelande : découverte : fituation : climat, Se productions de cette lile , 247 & fuiv. Quelle eft l'exactitude de la Carte de la Nouvelle-Zélande, 249. Etat du pays, 250. Quadrupèdes ,251. Oifeaux , 252. Poiifons ,153- Arbres, plantes, Sec. 255. Avantages d'une plante qui croît dans ce pays, 258. Endroit le plus favorable pour y établir une colonie, 259. Defcription des habitans de la Nouvelle-Zélande : habitations -.parure: vêtemens : alimens: cuiiine Se manière de vivre, 261 & fuiv. Pourquoi ils font antropophages , 263 £7 fuiv. Réflexions à ce fujet , ibid. leur décence : combien cela eft furprenant, 267. Précautions que dévoient employer les Anglois pour obtenir des femmes : reponfe curieufe qu'on fait à l'un d'eux, 268. Les corps des deux fexes font marqués de taches, 209. Manière fingulière dont ils fe couvrent le gland ,272. Manière dont ils font leurs étoffes , ibid. Habillemens des femmes : elles les foignent peu , 274. Meubles , 277. Santé parfaite dont jouiflent les Zélandois, 180. Pirogues: navigation: agriculture : armes Se mufique : gouvernement : religion : langage des Zélandois, 281 & fuiv. Outils, 285. Filets, 286. Paroles fingulières qu'adreflbient aux Anglois les Zélandois en com^ battant , 289. Danfe de guerre , ibid. Occupations des hommes Se des femmes , 295. Comment ils difpofent de leurs morts, 297. Reflemblance encre la langue de la Nouvelle-Zélande Se celle cXOtahiti , 299. Comment ces deux pays fî éloignés peuvent-ils avoir la même origine , 302. Raifons contre l'exiftence d'un continent méridional , ibid. A quoi la queftion a été réduite par ce Voyage , ibid. FIN. APPROBATION. J 'A I lu > par ordre de Monfeigneur le Chancelier ¿ un Ma-nufcrit qui a pour titre : Relation des Voyages entrepris par ordre de Sa Majefié Britannique, actuellement regnante , pour faire des découvertes dans l'Hcmifphère méridional traduit de l'Anglois ; &C je n'y ai rien trouvé qui m'ait paru devoir en empêcher l'impreilìon. Fair à Paris, ce 23 Février 1774. Signé j Saurín. PRIVILEGE DU ROI. JL OUÏS, par la grâce de Dieu , Roi de France & de Navarre : A nos arnés & féaux Confeillers, les Gens tenans nos Cours de Parlement 5c Confeils Supérieurs , Maîtres des Requêtes ordinaires de notte Hôtel, Prévôt de Paris, Baillifs , Sénéchaux , leurs Lieutenans Civils, 8c autres nos Jufticicrs qu'il appartiendra , 'S a,l u t : Notre ame" Le fteur Panc-koucke , Nous a fait expofer qu'il defireroit faire imprimer & donner au Public, Voyages de MM. Banks &j Solander , traduit de t'Anglais , s'il Nous plaifoit lui accorder nos Lettres de Privilèges pour ce nécef-faires. A ces causes , voulant favorablement traiter l'Expofant , Nous lui avons permis & permettons par ces Préfentes, de faire imprimer ledit Ouvrage autant de fois que bon lui femblera , Se de le vendre , fa-ire vendre & débiter par tout notre Royaume , pendant le tems de dx années confécutives, à compter du jour de la date des Préfentes. Faisons défenfe à tous Imprimeurs , Libraires , & autres perfonnes , de quelque qualité & condition qu'elles foient , d'en introduire d'impreiTion étrangère dans aucun lieu de notre obéidanec , comme auffi d'imprimer , faire imprimer, vendre, faire vendre, débiter ni contrefaire ledit Ouvrage, ni d'en, faire aucun Extrait fous quelque prétexte que ce puiííe être , fans la per-rnïifion exprcifc & par écrit dudit Expofant, ou de ceux qui auront droit de lui , à peine de confifeation des Exemplaires contrefaits , de trois mille livres d'amende contre chacun des Contrevenans , dont un tiers à (3*7) Nous, un tiers à l'Hôtel-Dieu de Paris , & l'autre tiers audit Expofant ou à celui qui aura droit de lui, & de tous dépens, dommages Se intéiers5 à la cliarge que ces Préfentes feront enregiftrées tout au long fur le Regiftre de la Communauté des Imprimeurs Se Libraires de Paris , dans trois mois de la date d'icelles ; que l'impreilìon dudit Ouvrage fera faite dans notre Royaume Se non ailleurs, en bon papier Se beaux caracteres , conformément aux Rcglemens de la Librairie , & notamment à celui du 10 Avril 1715, à peine de déchéance du préfent Privilège; qu'avant de l'expofer en vente, le Manufcrit qui aura fervi de copie à l'impreiTion dudit Ouvrage, fera remis dans le même état où l'Approbation y aura été donnée , es mains de notre très cher Se féal Chevalier, Chancelier, Garde des Sceaux de Trance, le fieur de Maupiou ; qu'il en fera enfuite remis deux Exemplaires dans notre Bibliothèque publique, un dans celle de notre Château du Louvre , Si un dans celle dudit Sieur de Maupiou , le tout à peine de nullité des Préfentes. Du contenu defquellcs vous mandons & enjoignons de faire jouir ledit Expofant & fes ayant-caufes pleinement & paifiblc-ment , fans fouffrir qu'il leur foit fait aucun trouble ou empêchement. Voulons que ta copie des Pit'fcntcs , qui fera imprimée tout au lony; au commencement ou à la fin dudit Ouvrage foit tenue pour dnement fsrniiréci & qu'aux Copies collationnées par l'un de nos amés Se féaux Coníeiílers-Secrétaires , foi Toit ajoutée comme à l'Original. Commandons au premier notre HuiiTrer ou Sergent fur ce requis , de faire pour l'exécutio» d'icelles tous Actes requis & néccflaiies , fans demander autre permiffron ; Se nonobfrant clameur de Haro , Charte-Normande , Se Lettres à ce contraires ; Cah tel efl: notre pbifir, Donné à Paris le feptieme jour du mois de Juillet, l'an de grâce mil fept cent foixante-rreize , & de notre règne le cinquante-huitième. Par le Roi en .fcm Confeil. Signé LE BEGUE. Hegijìré fur le Regifire XIX. de la Chambre Royale & Syndicale des Libraires & Imprimeurs de Paris , N°. 1683. ^0^ 1I0, conformément au Règlement de 1713. A Paris ce n Juillet 1773. C. A. J O M B E R T , pere, Syndic, De rimprimerie de J. G. C L O U S IE R, rue Saint - Jacques , 1774» t §'\ék