V OT AGE D'ITALI E, ypi;. "- O U "'" RECUEIL DE NOTES Sur les Ouvrages de Peinture & de Sculpture , qu'on voit dans les principales villes d'Italie. Par M. Cochin , Chevalier rie l'Ordre de Saint Michel, Graveur du Eoi, Garde des Dejfeins du Cabinet de S. M. Secretaire de t Académie Royale de Feinture & de Sculpture , & Cenfeur Royal. NOUVELLE EDITION. TOME SECOND. A LAUSANNE; Chez j. Pierre HeubachJ M. DCC. L X X 1 I h j*L_ 5i v #___f:__p VOYAGE D* 1 T A L I E TROISIEME PARTIE. I_ja Galerie du Grand Duc. Cefi un palais qui contient, dans plufieurs chambres, toutes les curiofités de differens arts , qui ont appartenu à la maifon des Mediar. U y a une chambre où l'on conferve les caw niées Se les médailles : on en a formé un receuil* très-célebre, où fe trouvent les chofes les plus rares. Il y a effectivement quantité de ces curiofités qui paroiffent faites avec beaucoup de goût , & qui font fort belles ; mais un grand nombre de celles qu'on vante pour l'excellence de leur exécution , prêfentent fouvènt un tra« vail fort fec & mefquin. Entre les camées, on Tome, II Part. Ili A i VOYAGE D* IT ALI E. en fait remarquer deux , que l'on dit être les plus eftimés du recueil ; l'un eft une petite tête deVefpafien; l'autre un Tibère & fa femme ou fa fille , camée affez grand. Le Vefpafien eft effectivement touché avec efprit, & cette tête a de la vie, mais elle paroit un peu char, gée ; d'ailleurs le travail en eft un peu fec & d'une maniere petite. Le Tibère paroit fort mal deffiné ; les parties de la tête ne font point d'un artifte qui connoifle bien les formes d'un oeil, d'un nez , d'une bouche, &c II fautqUe ce qui fait admirer ce morceau, foit ou quelque mérite que les feuls amateurs peuvent voir, ou que ce foit prévention. Dans cette même falle, on voit un grand tableau de Pietro da Cortona; il repréfente 3'Ange auprès du fépulchre, qui parle aux trois maries. Il eft fait d'une maniere large & belle & d'un bon ton de couleur claire ; cependant on ne peut guère le regarder que comme une ébauche. Il y a à côté quelques portraits qui font fort beaux. • Au deflus de la porte , on voit un tableau du Capuano ( demi-figures jufqu'aux genoux , de grandeur naturelle) : le fujet eft Rendez à Céfarcequi appartient à Cc'far : c'eft un ad-admirable tableau, exécuté d'un pinceau facile FLORENCE. $ Se net. Les plus beaux détails y font rendus fans cfclavage ; la couleur en eft vigoureufe', belle, fraîche & vraie ; il fait un effet très-harmonieux , quoique les couleurs en foient fort vives : il eft delfine avec beaucoup de goût; les têtes en iont belles, furtout celles des vieillards, qui font faites en maître; la tête duChrift, quoique belle, n'eftpas la meilleure du tableau. Cette maniere tient beaucoup du Barocci, & a la force du Feti ; les ombres font prefque auiïi vigoureufes que le Valentin, fans être aufll noires : il y a une tête d'enfant qui, eft la nature même. Un tableau (grandeur naturelle) qui eft de Gio Gioanni, repréfentant Vénus qui peigne l'Amour ; le fujet n'eft pas fort noble : ce tableau eft fait avec une grande facilité, d'une couleur belle , vraie & fraîche , d'une maniere large , bien drape. La Vénus ne paroît pas aftez belle, & n'eft point dans l'idée félon laquelle on re-préfente ordinairement cette déeffe ; il femble auftì qu'il n'y a point de demi - teintes allez fortes pour pafler de la lumiere à l'ombre, & que cela eft trop tranché. Il y a quelques tableaux de mérite entre celui là & le Pietro da Cortona mais ils ont été oubliés. Un grand tableau de Sutcrman : il repréfente A % 4- VOYAGE D'ITALIE. ]es Florintins faifanr un acte de foumiflion à M Mcdicis, affis entre fa mere & fa grand-mere c'eft une grande & belle compofition; la couleur en eft d'une vérité admirable, & d'une grande vigueur; les têtes, qui font toutes des portraits , font touchées & peintes d'une me. niere hardie , facile & fçavante, & font bien caraétérifées. Tous les habillcmens font noirs • & comme ils ont encore beaucoup noirci, l'ef, fet général du tableau eft détruit : cependant on juge bien qu'il devoit être grand. 11 y a fur le devant un fleuve nu & une femme , dans le genre hiftorique, qui ne font pas fi bien traités que le refte ; 1a tête de cette femme eft belle, mais elle a trop l'air d'un portrait; .le fleuve eft d'un caractère de delfein chargé fans être grand , ci la couleur n'en eft pas belle. On voit que la partie dans laquelle excelloit ce peintre, étoit le portrait. On y y oit encore un tableau ( figures gran, des comme le naturel ) du fils de Paul Vc. ronçfc. Au premier coup d'oeil , il eft tout-à-fait dans- la maniere du pere , mais on remarque qu'il eft fait d'une maniere feche & petite. 11 y a encore quatre autres tableaux de ce même peintre , à côté d'un tableau de Y Albani Ils font d'une maniere un peu plus hardie, néanmoins ce ne ne font pas de fort belles chofes. FLORENCE ; Le tableau de Y Albani repréfente un Chrift jeune , .fervi par de petits Anges, un Pere Eternel en haut : il a de belles parties dans ce tableaux, telles que la tête du Pere Eternel, & plufieurs autres chofes qui ont des grâces de détail ; mais il eli mal compofé , les figures font parfemées de tous côtés fans grouppes , ni de figures , ni de lumières : il eft gâté en beaucoup d'endroits. 11 y a encore quelques autres tableaux dont on ne fe fouvient pas. Un portrait du Titien, fi gâté qu'on ne le voit prefqueplus. Il y a deux grands tableaux qui paroiflent modernes, & ne valent pas grand chofe , fur-tout un où font un Moine & Une Madone , qui eft fort mauvais. Dans une autre chambre , on voit quantité de bronzes antiques, figurines , vafes , lampes, &c. On voit, à gauche , une tête d'Antinous , d e bronze , qui eft fort belle , & quelques têtes de vieillards, plufieurs autres Antinous , moins beaux. A côté de la porte d'entrée, eft un tableau du Barocci { figures de grandeur demi-naturel., le ), repréfenvant la Vierge , l'Enfant Jefus , St. Jofeph , é> un Moine; Ce tableau eft excellent» Rit pour h: couleur , foit pour le deflein ; les A 3 tf VOYAGE D'ITALIE. carnations en font fraîches &" plus vraies qllc n'eft quelquefois ce maître : l'Enfant Jcfus pa xoit un peu rouge, ce peut être l'effet du temps. Il y a beaucoup de grâces dans l'attitude des fi gurcs, & dans la maniere dont elles fontdefli nées & drapées ; les plis font bien formés, net tement touches; la tête de Vierge eft belle, eT. le n'eft cependant pas des plus belles qu'on voie de ce peintre , qui leur donne ordinaire, ment un air de douceur admirable : la tête de Saint Jofeph eft très-belle Se très-bien peinte. Toutes les parties en font très-finement defti. nées ; il fait un bel effet, quoique les ombres en paroiffent un peu noircies. On voit deux tableaux d'un dcsBqffano s I'un reptéfente le mauvais Riche, l'autre le Déluge. La couleur en eft bonne,mais l'effet n'en eft pas bon, les lumières font toutes difperfées, & font des taches dans ces tableaux, qui d'ailleurs font obfcurs fans raifon, &ont une trop grande uni. formité de ton dans les ombres & les demi-teintes: néanmoins les couleurs locales font fen. fibles. Le pinceau en eft barbotoux, le defTein indécis, Se les plis des étoffes font fans formes, il y a des vérités de nature, mais pauvre. Un beau Payfage de Salvator, Eofa , d'une couleur vraie ; Se un autre petit tableau de deux figures, du même maître , touché de FLORENCE. 7 grande maniere & avec beaucoup d'efprit. A côté de ce Payfage, on en voit deux autres plus petits , qui font bons. Un tableau d'Andrea del Sarte ( demi-figures de grandeur naturelle, jufqu'aux genoux): ce tableau eft peint très-moé'lleufement ; la tête de Vierge n'eft pas noble, la couleur n'eft pas belle, les demi-reintes en font d'un gris verdâtre eu noirâtre. Au refte il eft bien defliné, un peu maniéré, mais la maniere en eft grande. Une petite tête, portrait , dans la grandeur d'une tabatière : c'eft un morceau précieux. . Une petite cfquifle de Paul Veronefe, repré-fentant une Sainte Anne priant à genoux, couronnée par deux enfans. Cette cfquifle eftd't> ne couleur piquante & vigoureufe, touchée avec une belle facilité, & d'un bel effet de lumiere ; la tête de la Sainte eft dans l'ombre : c'eft un petit morceau plein d'efprit. Un petit Enfant qui tient un tambour debad que & un chien ; de bon ton, les ombres en font un peu trop noires : il eft defliné avec les grâces & les vérités enfantines. Un tableau de Bqffimo, le jeune, peint d'une maniere feche & foible de couleur, mais afiez bien defliné La Famille de Paul Veronefe, peinte par lui-même : ce tableau paroit avoir été beau , mais A + s VOYAGE D'ITALIE. il eft fi gâté qu'on n'en voit plus le coloris, Au deftbus eft un tableau du Titien , où il n'y a que les buftes ( grandeur naturelle ) ; c'efl. Judas prêt à donner le baifer à Jefus-Chrift ; jes têtes de ce-tableau font bien deflinées , & d'un beau caractère la tête du Chrift paroit avoir trop peu de détails ; il eft en général d'une couleur trop jaune. Un tableau du Guide ( figures demi-naturelles. ) On dit qu'il repréfente un fujet d'Armi, de ; mais on ne feait quel peut être le moment du poëme. C'eft un jeune homme aflis qui pa, jroit reflentir quelque douleur, une figure de de femme; debout, armée d'un dard : ce tableau , eft d'un deffein fini, & la maniere de peindre en eft nette & délicate ; les plis des draperies font formis d'une maniere méplate (i) la Couleur en eft très gracieufe & claire, fans êtregrife; il femble que les jambes de la fern- (i) Il paroit néceffaire d'expliquer ce terme particulier aux Arts.du deflein. La nature,foit des frures nues, foit draperies , & de prefque t^uteschofes , effc compilée , à fou extérieur , de diverfes furfaces dont les unes font plates, les autres font rondes Celles qui étant plattes , fe terminent en arrondiffemens , font ce que l'on appelle les méplats; ce qui devient à de. mi-plat. Les Artiftes qui font fqavms , c'eft-à-dire qui connoiflent bien toutes les furfaces dont la nature eft compofée , font plus particulièrement paroître leur feience, en Faifant fentir ces méplats : c'eft pourquoi l'on dit une maniere méplate, une touche vtér0ri fait remarquer comme une belle chofe ; jj e^ effectivement d'une maniere moins fechc & plus grande que le commun de fes tableaux ; mais il eft fort mal defliné, Se d'une très . mau, vaife couleur. Un tableau de deux demi -figures, plus fortes que le naturel, repréfentant des gens qui jouent aux cartes. Il eft peint avec beaucoup de goût & de feu, d'un carattere de maître ; la couleur a de la vigueur, mais elle n'eft point gracieufe • 11 eft d'ailleurs fort gâte ; la maniere eft très-barboteufe, & le caractère du deflein eft lourd : on ignore le nom de l'auteur. FLORENCE ,t Une tête de S. Jean-Baptifte dans un plat, fort belle , d'un caractère noble & plein de dignité • on ignore le nom du peintre. On voit un portrait de Vclqfco , d'une gran, de beauté. Un tableau de Y Albani ( figures de cinq à fix pouces ) repréfentant une femme couchée , & des petits amours: le coloris n'eft pas beau, la femme & les enfans font trop.rouges. 11 a été fait pour un vœu à Saint Charles de JYrilan , & n'a pas été donne.* 11 peut y avoir encore quelque tableaux dignes d'eftime , dont on ne fe fouvient pas. La Garderobe contient de grandes richeffes ; entr'autres , un autel d'or enrichi de topazes , èmeraudes , lapis & autres pierres précieufes : il y a un bas-relief d'un Fuc de Tofcane , à genoux , qui eft tout formé par l'or , les marbres de couleur, les diamans , &c. qui en font un bas.relief coloré. 11 n'eft pas merveilleux quant à la feience du fculpteur. Un fauteuil magnifique, brodé d'or & de perles. On y voit aufli tout le harnois du cheval de Còme de Mcdicis , avec les étriers, d'or, enrichis de pierres précieufes; fes habillemens i fon bonnet, &ç. le tout d'une grande richeife. ^ VOYAGE D'ITALIE. Il y a des armes : & plufieurs poignards à turque , enrichis de pierres précieufes. Quantité de tfafa d'argent. Les bas-reliefs quj les décoront ne font pas d'orfèvres fort habiles Il y a une autre chambre remplie des porcelaj. nés les plus belles de la Chine & du Japon &c. rangées dans un très-bel ordre. On y Voit des vafes d'une belle forme; il y en a d'une porcelaine verte , qu'on eflime beaucoup, i Dans cette chambre eft une table de rapport de marbres de diverfes couleurs; très-belle; le deflein en eft de bon goût, & il y a des fleurs & des fruits très-bien imités pour ce genre d'ouvrage. Chambre des tableaux Flamand?. On y voit un Pietre Nef, repréfentant une Eglife ; effet de nuit, dune intelligence de lu. micre admirable , & dont le fonds fait merveil, leufement bien , quoique dans i'obfcurité. L'ar. chiteifture de devant eft trop propre & trop fé. che ment faite: c'eft le défaut ordinaire dece maître. Un tableau de Kncller : c'eft une femme qui préfente une offrande à une ftatue de Vénus Ce tableau eft trés-beau ; la tête & les mains font d'une couleur fort bonne ; lesfctins &ies étoffes font d'une grande beauté. FLORENCE. ,j Un petit tableau qu'on dit de Rubens : il re-f préfente Vénus , l'Amour, & trois autres fem. mes. Ce tableau n'eft point beau , & il eft diffìcile de le croire de ce maitre. [ On en voit un de Jammieli, qui eft fort bon. Un Mieris , où ce Peintre eft rer.réfenté avec fa famille : ce tableau eft du grand fini connu à ce maître ; la couleur des chairs eft mauvaife , & elles font peintes d'une maniere pepante ; mais les étoffes, qui font pour la plupart des fatins font admirablement bien excécutées: Deux Payfages, de E rcucjìiels : celui où il y a le plus d'arbres eft ie meilleur. Un tableau de fleurs, de Vanhuifum, 11 eft d'une excécution admirable , mais froide & un peu feche. Deux tableaux de Vander Verf; l'un rcprcfente Kfther devant Afluérus : l'autre le Jugement de Salomon. Les têtes n'en font pas belles, ni d'un bon caractère ; mais les étoffes , foit pour leur exécution ,"foit pour la maniere de draper & de former les plis, font admirables : il en faut ce-Pendant excepter la draperie de la faufle mere (dans le Jugement de Salomon ) dont le choix de plisf n'eft pas beau aux genoux : d'ailleurs le dos de l'homme qui va couper l'enfant, manque de caractère ; néanmoins ce tableau eft I4 VOYAGE D'ITALIE, aflcz-bien compofé. La compofition de CejU4 d'Efther, n'eft pas heureufe , en ce que cet' te Reine paroit tourner le dosa Affuérus. Gé, ncralement ces tableaux font d'un defTein affez fin, & il y a peu d'incorrections : ils ont lc dé faut ordinaire à ce peintre, c'eft-à-dire qu'jjs font trop finis, & reftémblcnt à de l'ivoire ; ja couleur n'a qu'une fauffe apparence de beauté par fon excès de propreté : elle n'a ni fineffc ni vérité. Un tableau de fleurs , de Galle , qui étoit, à ce que l'on croit, Jéfuitc : elles font touchées avec légèreté, & font allez belles. Un autre tableau de fleurs, qu'on dit d'une femme ; il eft fort beau, & paroit plus moelleux; que le premier : les couleurs en font vives , & il y a beaucoup de légèreté de pinceau. Deux Payfages , de Jean Bril , qui font de bon ton & de bon effet ; le payfage en eft bien touché furtout les extrémités des arbres : les paquets de feuilles, dans la mafie générale, font ronds & trop indécis. Le plus beau paroit ce. lui où il y a un pêcheur. Un tableau , de Jordan? , peintre Flamand ( figures tiers de nature ), repréfentant Neptune qui fait fortir un cheval en frappant 1a terre de fon trident; c'eft une compofition de plufieurs figures : le dos de Neptune & toute la figure FLORENCE. îc eft defiìnée d'un bon caractère. Le tableau eft bien compofé , fi l'on en excepte l'Amphitritc ou la principale figure de femme , qui eft ac-croupie d'une maniere defagréablc ; il eft d'une belle couleur, mais qui cependant paroit un peu trop rouffe, furtout dans les ombres. Il tient beaucoup de Rubens. Un grand tableau, de Livio Meus ( figures de grandeur naturelle ), repréfentant le Sacrifice d'.Abraham. Ce tableau eft fait, dit - on , pour imiter la maniere de Lanfranco, mais il femble plutôt dans le goût de Salvhtor Rofa. Il eft. compofé avec le caractère fier de ce peintre, c'eft-à-dire de grand goût & avec beaucoup de fèu ; les expreffions en font belles , furtout celle dTfaac ; la tête du Pere Eternel eft d'une belle idée; le ton de couleur en eft vigoureux» & d'un effet de grand maître ; le pinceau, large & facile ; mais ce tableau a un défaut qui le défigure 11 eft fi peu fait, que tout en eft indécis ; malgré la force de la couleur, il paroit comme au travers d'un brouillard ; on nefejait où font les contours. On voit du même peintre un Payfage dans le ton de Salvator Rofa ; c'eft un fort beau tableau, & fuffifamment fini. Un autre qu'on dit dans le goût du Corrcge, quoiqu'il lui reflemble peu;ç'eft une Nativité tk ï6 VOYAGE D'ITALIE. jefiis-Chrift. Ce tableau n'eft guère plus fin> qu'une efquiffe : il y a de bonnes chofes,la'Co " pofition, la couleur ; mais il eft un peu trop noj, Un tableau de Rubens, ('figures d'environ u ' pied ) , repréfentent Vénus & Adonis. L'Amour tire Adonis par la cuiffe , les Grâces découvrent Vénus : l'Envie , ou autre Furie , retient Ado. nis par fon vêtement : de petits enfans jouant avec fes chiens, ou les tiennent en lefle. çe tableau eft trés-beau* les Grâces font biendef finées, quoique d'une nature un peu Flamande la Vénus eft belle ; les jambes d'Adonis f0n^ trop caratteri fées pour la jeuneffe qu'indiquent la tête & le cerps , les pieds font trop gros, les petits enfans font potelés & fort beaux, les chiens font très-bien. Il femble qu'on pourroit ibuhaiter que les chairs , dans l'ombre , ne fuf, fent pas fi vermeilles. Ce tableau fait peu d'effet parce que les ombres n'en font pas affez fortes. Un Payfagc de Both , très-beau , d'une cou. leur dorée, & d'une belle touche; il eft un peu trop monotone dans fon ton roux ; les eaux font aufti de cette couleur, & ne fe dit tinguent pas bien. Quatre tableaux de Callot, graveur célèbre ; les fujets paroiffent des hiftoire de difeurs de bonne avanture , & contiennent des épifodes affez plaifans, d'ailleurs ils ne valent pas grand FLORENCE. i7 chofe : la toucHe en eft affez fpiiituelle, mais il n'ya ni couleur ,~ni effet. Deux tableau de Kneller \ l'un repréfente une femme jouant du luth , & il eft très - beau : dans l'autre , on voit la femme & les enfans de ce peintre. Celui-ci eft moins beau , & d'un ton trop roux. Un Payfage de Pittakcn, dans la couleur , la touche & i'eftèt de Berahem : c'eft un très-beau tableau , & aufti parfait que s'il étoit de ce maître. Un autre Payfage de Pàtà Brìi, fur un fond d'albâtre ou marbre blanc'. Il eft beau , cependant il vaudroit mieux que ce tableau eût été peint fur une toile ; l'auteur a été obligé de le peindre en pontillant, commela miniature, & cela lui a fait perdre la beauté de fan fcuiller & de la touche du payfage, qui eft proprement ce en quoi il excelle. Un tableau de Terhourg , repréfentant une Femme qui boit ; la tête en eft belle , les mains font grifes de couleur ; les étoffes , qui font des latins , font très-belles ; la couleur des chairs eft foible , & il y a quelque féchereffe. Un tableau fa Bega ; c'eft une femme jouant du luth ; il eft touché avec efprit, mais moins nni que les flamands : il y a du fqavoir & de la haelfe. Tom. Il, Part. Ili B ,3 VOYAGE D'ITALIE. Un autre de GIicrar-Dœrv , repréfentant une femme qui accorde fon luth. Un tableau que l'on fait remarquer pourfa confervation , & qu'on dit de Tcniers} m.ds il . eft fi mauvais & fi peu dans la manier de ce niai-t/e,que ce ne peut être qu'une méchante copie j Un autre, dit du même maître, qui n'eft pas de fon beau. Un tableau, dit de Berahem , qui eft d'une grande beauté , mais il ne paroit pas dans la touche ordinaire de ce maître. Deux petits tableaux d'une feule figure chacun , fur pierre de touche : ils font de Bambo, die, & paroiftent fort beaux. Un tableau de Vander J'crf: c'eft une allego, lie fur l'Electeur, fon protecteur. Il eft biea compofé, & bien drapé; les plis en font exécutés avec un foin admirable, & d'une belle for, me; les lumières fent bien grouppées; lesté, tes on trop l'air de portraits , & les chairs font trop liftes. Un autre de Brcucjhcls, dit de Velours, bon. Autre tableau de Brciyhels d'enfer , de mau~ vaife couleur, & fec- Un petit portrait, par Mi cris, d'une meilleure couleur que les autres morceaux de ce maitre, dont on a parié jufqu'à préfenr. C'eft un ta. blcau précieux, auili-bien qu'un autre de mê. FLORENCE. Jp me grandeur, du même maitre, qui repréfente une Femme qui dort, & un troifìeme dont on a oublié le fujet. Un Glicrar-Daio, effet de nuit, d'une couleur .rouge & défagréable : il repréfente un Moine qui tente une fìlle. Un Mieris. Le diable dans une bouteille, un peu fec. Un tableau, dit de Tenicrs, qui n'eft pas fort beau. Un portrait de Van Dyck: c'eft un gros hom-me vêtu de noir, avec une fraife , vu jufqu'r.ux genoux. Ce portrait eft admirable , de la plus grande vérité, & de la plus belle couleur. Deux têtes d'Albert Durer, paffablcs. Une tête, dite de YFfpagnoletto, qui n'eft pas de fon beau. Un tableau de Rubens, où l'on voit Hercule entre le vice, la vertu, ( perfonnifiés par l'A. mour & Minerve ) & le temps. Ce tableau eft parfaitement bien compofé, & bien grouppé ; il y a un bel effet de lumiere , une belle couleur & beaucoup d'harmonie : les têtes font d'une grande beauté ; les figures font prefque de grandeur naturelle. On voit un portrait de Charles-Quint, à che. val par Van Dyck : il n'eft pas fort beau , & 1« cheval eft d'une couleur foible. B 2 20 VOYAGE D'ITALÌE. Un autre portrait d'une femme en pied, de Van Dyck, fort beau ; la tête eft toute claire & cependant ronde. Une femme aflife , vêtue de bleu, que l'0ri croit .aufli de lui. Un hcmme enfraife (portri.it ) jufqu'au buf, te , beau , d'une couleur un peu rouge. • Les trois Grâces, par Rubens ce tableauçft bien defliné , mais peu fini & jaune. Il y a, dans une de ces chambres , un cabinet ou une armoire , de forme ronde , autour du. quel on peut tourner. Il eft décoré de petits fujets de dévotions, tous^peints fur des marbres précieux, comme Lapis & autres; on y afaitfer. vir autant que l'on a pu , les veines de la pier. re. Ces tab leaux, au nombre, à ce qu'on croit ■ de foixante-douze , font peints par Brcughcls, On pafTe dans une autre chambre où font deux globes & une pierre d'aimant ; on y voit des pia fonds par Zucchari : il y a des chofes très-bien deTinies , & de belle forme. Il y a une autre chambre où l'on voit un hermaphrodite antique , fémblable à celui de Rome , mais qui ne femble pas aufli parfait. On voit , dans cette chambre , un grand Dcf. fein de Michel-Ange, dont les figures font d'en-vitórj Jiuit pouces j il eft très-fini : le contour FLORENCE' 2I «n eft fçavant, & d'un grand deflìnateur. C'eft un Jugement dernier, d'une compofition toute différente de celui qui eft à Rome. Un deffein de Raphael , où il y a des chofes précieufes, comme les pieds & les mains à mais les têtes ne font pas fort belles. Plufieurs deffeins d'autres maîtres. On y voit aufli quantité de petits tableaux de différens maîtres, entr'autres de Breughels , & un d'un peintre dont le nom n'eft pas connu , fuit d'après une grifaille d'Abert Durer. On conferve , dans une armoire , une fuite confidérable de petits portraits, ronds ou ovales , fur des fonds de velours , qui ont fervi de tapifferie à un cardinal de Mcdicis , pendant fon fejour au cçnclave : il y en a beaucoup de bons. Dans une autre chambre eft une armoire remplie de porte-feuilles de deilèins des meilleurs maîtres, à commencer par Michel-Ange & Raphaël. Il y en a de ce dernier , qui font admirables* Plufieurs antiquités romaines , comme uftenfi-les pour les facrifices , & à l'ufage ordinaire de la vie , trouvées à Sienne. Cette collection eu-rieufe contient en partie les mêmes chofes que ce que l'on a trouvé à Hercuhmwn , enee genre , maïs en plus petit nombre, '& VOYAGE D'ITALIE. Il y a'un fallon vafte & fort beau,qui contient un recueil de portraits des plus grands peintres peints par eux-mêmes. Les meilleurs font par conféquent ceux des plus habiles maîtres, Jjy a en effet quantité de têtes d'une grande beauté Quelques-uns de ceux dont le talent n'étoit pas de faire des portraits en grand , tels qUe Mieris Se Vandcr Verf fe font peints tenant en main un petit tableau de leur genre. Celui de Vander Verf eft cependant fort beau : il eft deffiné avec beaucoup de correction Se de vérité. La main eft d'une jufteffe de deffein admirable ; ce qu'on lui peut reprocher, c'eft qu'il eft trop fini pour un portrait fi grand, & que la couleur n'en eft pas belle. Celui de Mieris eft fec & de mauvaife couleur. H y en ^ deux de graveurs, Callos Se Nantetdl. Ce'ui de Callot eft peint à huile,& eft aflez bien.Celui de lîanteuil eft au paftel, Se eft très-bien. Tribune , dans la Galerie du Grand Duc. On y voit une Mofaïque d'oifeaux, en pierres naturelles, exécutée avec un foin admirable. L'imitation n'a rien de fort beau; mais c'eft un morceau précieux pour l'excellence du travail. Un tableau de Vander VçrfoepréCtntent l'Adoration des Bergers,d'une beile exécution,& plus FLORENCE. i} correa; de deffein , que la plupart des autres tableaux qu'on voit de lui dans ce palais. Ce morceau eft précieux, mais il a le défaut ordinaire à ce maître , c'eft-à-dire qu'il eft trop fini. Un petit tableau du Tiziano , touche avec beaucoup d'efprit. Un tableau de Ghcrar-Daw , effet de nuit, à. la chandelle: il eft un peu trop rouge (i), mais d'une exécution très-précieufe ; la téte eft d'une finefle de touche & d'une exprefiion admirable. Ce tableau eft très-fini. Un petit tableau du Beffano, repréfentant Saint Jérôme ; il eft d'une maniere large , & d'un carattere de deffein aflez grand : la couleur eft vraie & belle, mais ce n'eft en quelque Jaqon qu'une efquiffe. Un tableau de Gherar-Daiv : on y voit une vieille, & quelques autres figures. C'eft un excellent morceau. Deux portraits de Holhens, dont l'un eft celai (i) La plupart des Maîtres qui ont peint îles fu-jets fcmblrbles, font orrtbcs dansée défaut', vraifera-MabiciiK'nt parce qu'ils ont fait leurs fabliaux à 1& lumiere du jour, ayant mis leurs objets dans une, d^mi-ouferrité uiffifante, pour qu'ils panifient éclairés de la chandelle, ils n'ont ro;n. confiderò que; c«tte lumiere n'elt rouge que r»< cort parai f< n à Cr1i- du jour; & que, dans Imi abfentc , elione-«tonne point cette fcnfatwu à l'œil» H VO YA G E D'T T ALTE. de Luther: il eft d'une grande vériré de deffein Se de reiTembhir.ee , mais fec & fans aucune prétention à la bonne eouleur. Les trois Grâces i petite grifaille de Rubens)] deffinées & peintes avec beaucoup de goût Une petite Vierge avec l'Enfant Jefus le Tiziano , bien touchée & de belle couleUr - Un tableau de plufieurs figures, préfentantun Charlatan, pat Ùktfcir^Dœm C'eft un fort bon morceau. Une tête , de Paul Fcronefc. Deux petits fujets de la Paflion , ^tÂUtert Durer. Un petit tableau de Rubens, repréfentant l'i, vrefle de Silène , il eft peu fini , & fait avec f^ cilité , mais d'une grande beauté pour la Cou. leur & le goût du deffein. Un petit tableau de la Nativité , par Reinu brant: il eft traité battement, félon l'ufage ordinai re de ce maitre. On y voit Saint Jofeph ' ou un Charpentier ordinaire, qui travaille; derrière lui eft la Vierge avec l'Enfant Jefus, & une vieille. Ce tableau eft du plus grand effet; d'une belle couleur , peut être un peu trop rouf, fe : il eft bien entendu de reflet. C'uft un mor. ceau très-piquant. Le portrait d'Andre'del Sarte , peint par lui. même, d'une maniere moëlleufe, et de bonne couleur Tjnft FLORENCE 2$ Une tète du Giorgione. Un tableau, effet de nuit : on y voit une main qui éclaire une femme. 11 eft affez mauvais , fans aucune légèreté , d'un ton pefant, & d'une couleur rouge : on le dit de Skalkcn. Un Saint Jean , de Carlo Mar atti, qui òfc bien foible , ce ne tient pas dignement fa place entre tant de bons morceaux. Un petit tableau d'une Vierge , par Annibal Carracci : il eft excellent. Deux petits tableaux du Parmecjianino, repréfentant tous deux l'Enfant Jefus. Dans l'un de ces tableaux la tête de la femme qui aies mains jointes eft d'un très-beau carattere. Un petit portrait de Fan Dyck. Un Chrift en croix, avec Saint Jean & la Magde'aine , petit tableau ( figures environ d'un pied ) , par Michel-Ange ; il eft très-bien, conferve, & fort beau de detTein& d'exécution^ Un petit tableau trés-beau , peint pai le Carracci: c'eft, dit-on, le portrait de fon Confeffeur. Un allez mauvais tableau , effet de nuit, de Skalkcn. Un petit tableau de Mieris, effet de nuit': c'eft une fille qui tientune chandelle. Ce petit •morceau eft digne d'admiration, l'effet en eft très piquant, & la couleur belle ; ce qui ne fe Tom. Il Part. III. G VOYAGE D'ITALIE, trouve pas toujours à ce degré dans ce maître dont les chairs ont quelquefois le ton d'iVoirç ' jauni. Le portrait de Raphaël, par Léonard de ft' ci, très-finement defliné , Se d'un ton de Cou* leur affez vermeil. On voit fur une petite tablette qui environne le fallon, quantité de petits marbres ou bronZes 1 antiques , Se autres curiofités ; entr'autres Utl lion qui dévore un cheval, petit grouppe COm pofé avec feu & de bon carattere. Une tête ^ Tibère, d'une turquoife , belle Se précieufe par la matière Se par l'art, & beaucoup d'autres chofes dont le détail feroit trop long. Au deflus eft une Vierge admirantjefijs enfant qui eft couché devant elle,peinte par letV,^' Ce tableau eft du plus grand fini, & parfàite[ ment bien conferve ; la tête de la Vierge a beau, coup de grâce Se d'exprefiion , quoiqu'elle f0jt un peu grofle pour le corps, & d'un carattere chargé,qui n'a point de dignité;la main droite eft deflinée d'un contour coulant & gracieux; la gaii« che a quelque chofe de difgracieux dans le con tour. L'enfant paroit d'une proportion troppe tite ; il eft cependant fort beau Se vrai : les dra peries font bien peintes Se de belles couleurs,les plis bien formés. Si l'on pouvoit douter qu'il fût du Correre, on remarqueroit qu'il ne paroit rien FLORENCE. *7 ïii dans la couleur, quoique belle & claire, ni dans la maniere du deffein , qui fnit bien fem-blable aux autres tableaux de ce maître. D'ailleurs la fraîcheur qu'on y remarque , femblc donner lieu de l'attribuer à quelque peintre plus moderne ; mais comme; c'eft un très-beau tableau, qu'il eft depuis tant d'années en ce fal-lon,& qu'il a toujours paffé pour être du Corre-S)e-,> que d'ailleurs tous les tableaux qui s'y voient , font pour la plupart merveilleufement bien confervés ( vraifemblablement à caufeque ce fillon eft très-propre à cet effet ) , on doit être certain que ce tableau eft effectivement de ce maitre , & conféquemment c'eft un morceau très-prècieux. Le portrait d'un Cardinal, par le Tiziano t qui eft admirable. * Au deffous eft une tête de vieillard, par Paul Vcronefe, belle , d'une fraîcheur de couleur admirable, & frappée avec une grande fermeté. Un tableau tfAnnibal Carrocci ( demi-figures jufqu'aux genoux, un peu plus fortes que le naturel ) : le iujet eft un Satyre qui préfente une corbeille de fleurs à une Nymphe vue par le dos, & deux enfans. C'eft la même chofe Sue celui qu'on voit chez le Roi de Naples,dans l'Imprimerie, à l'exception que celui-ci eft «n largeur, & l'autre en hauteur. C'eft 2g voyage d'italie, morceau digne de toute admiration. Or. peut pas voir une femme mieux deffinée plus vraie : le contour en eft grand , fans g chargé , & très-fcavant. Ce tableau eft adm!ra. blement peinr , les mufcles du dos y font ren dus avec douceur, & prcfque fans paroitre ; u tête-de profil eft d'une grande beauté , de très, grand carriere, pleine de grâce , & d'un con. tour parfait, bien coëffée ; la main eft belle le ton de couleur trés-vrai ; la tête du Satyre eft fort bien caracìérifée ; la téte de l'enfant quj eft en haut, eft fort belle; celle de celui qui eft en bas paroit moins agréable. Il femhle que la chair du Satyre foit un peu trop brune ; l'emmanchement du bras droit à l'épaule , dans la figure de femme , forme un pli de chair qui n'eft pas agréable. Il femble aufli que la de. mi-teinte qui eft au bas du dos entre un peu trop dans la FefTe , & lui ôte de fa rondeur. au refte , c'eft aflurément un des plus beaux mot. ceaux quifoient fortis des mains de ce grand maître. Ce'ui de Naples, qui eft très-beau i ne peut être qu'une copie faite par quelque excellent peintre, parce que la couleur en eft très-vermeille , & 'a des fraîcheurs qu'on ne trouve point dans les tableaux du Carrocci. £n effet, celui-ci eft en général d'une couleur un peu bife, furtout fi on le compare à la figure de femme du Tiziano , qui eft dans le même faj. F LORBNCE, *9 Ion. Ce tableau eft mafqué par un autre , pourt le conferver. Une tête de femme du Giorgione, belle, m3is d'une maniere un peu feche. Trois tableaux de Raphaël, premiere, feconde , & troifìeme maniere ; les deux premiers fepréfentent chacun une Vierge, l'Enfant Je-r fes, & le petit.S. Jean : ils font tous deux défîmes avec une grande pureté, beaucoup de fi-neffe & de grâce dans les têtes, mais d'une macere claire & feche; le troifìeme eft peint fur-toile , & eft le même Saint Jean-Baptifte qu'on >oit à Paris. Cette figure eft feavamment deifinéej cependant il y ade la maniere dans les for" ni£s, & elles ne font pas d'une grande vérité de nature dans quelques parties , comme, par exemple , les jambes ; la couleur n'eft pas fi belle que dans quelques autres tableaux du même maître : c'eft pourtant un morceau admirable , & la tête eft d'une grande beauté , ainfi que les mains & les pieds. Une Vierge, du Tiziano, qui eft une tres-HHe chofe. " „ Un tableau efquiûe de Paul Veronefc : c'eft une Sainte poignardée par un Negre , avec quelques autres figures; il eft très-bien conferve. Le fujet n'eft pas bien compofé, & les Srouppes n'en font point liés ; celui du milieu C j J0 VOYAGE D'ITAL IE. eft trop ifolé, fur un fonds clair qui l'environne jufqu'en bas ; d'ailleurs le Negre n'a pas aflez d'attion La couleur en eft très-belle , & ]cs ombres grifes , qui font une des particularités de la maniere de ce maitre , font très-bien valoir la beauté de fes demi-teintes. Une Vierge, d'André del Sarte, d'un pinceau moelleux, & d'une couleur fort agréable. Une tête ( portrait ), peinte par Porbus, qui eft très-belle. Un tableau peint par Michel-Ange de Cara, vage ( demi- figures de grandeur naturelle ) ; c'eft Jefus qui dit aux Pharifiens : Rendez à Ce. far ce qui eji à Céfar. Les têtes de ce tableau font très-belles, la compofition & la maniere de draper font excellentes : il y a toujours des vérités de nature & de beaux détails dans les ouvrages decemaitr?, une fierté d'ombre &de lumiere, qui eft très-belle ; mais il femble que la tête du vieillard qui parle àJefus-Chrift, eft d'un carattere trop bas : c'eft une petite tête fans barbe, toute couverte de rides. D'ailleurs ces détails paroiflent rendus fochement & du. rement ; ils ne font pas faits comme par ha. zard, & avec cette facilite qu'on trouve dans d'autres ouvrages de ce peintre: il paroit qu'il a voulu fe donner trop de foin à les finir. En effet, ce tableau & fon pendant font beaucoup FLORENCE. 3* plus finis que les autres qu'on voit de lui, on peut dire même quils le font trop ; d'ailleurs ils font fort noircis dans les ombres, ce qui ^es fait paroitre encore plus durs. Le pendant de ce tableau, par le même peintre , eft de l'autre côté du fallon. 11 repréfente Jefus au milieu des Dodeurs : on y trouve les mêmes beautés & les mêmes défauts. Un portrait du Tintoretto, d'une couleur fort belle & très-fraîche. Un portrait du Tiziano. D.eux petits tableaux d'une tête chacuo,bcauxV Un portrait par Holbcns. Un tableau rond, de Michel-Ange (figures de grandeur naturelle) : ce tableau eft d'une compofition bizarre; la Vierge reçoit par delTus fou épaule l'Enfant Jefus, que Saint Jofeph; qui eft: ferriere elle, lui donne On voit dans le fond plufieurs petites figures d'hommes nus, on ne fqait ce qu'ils fignifient: au refte,il y a des beautés dans ce morceau ; les draperies en font pliC fees d'un beau choix, les plis font cependant cafles un peu féchement, mais ils font bien formés • il y a des chofes fçavamment deflinées ; la maniere, en général, eft feche. Ce tableau eft caché, il faut demander à le voir. Quelques beaux portraits, dont on a oublié les auteurs. C 4 %t VOYAGE D'ITALIE. Une tête du Parmcgianino, d'un deffein fin, mais fec. Une tête , de Rubens. Une Vierge du Guide, de fa dernière maniere ; belle ; gracieufe, deflnce d'une grande fineffe, de couleur claire, & les ombres tendres & grifes. Une C léopâtre , du même , premiere maniere"; les ombres en font noires , mais elle eft bien finement deffinée Une Vénus , du Tiziano (de grandeur naturelle ) , avec un enfant ; bien deffinée , d'une nature de femme formée. Ce tableau femble fort beau , quand on le voit feul : mais la couleur en paroit bife, & le choix de nature moins agréable , lorfqu'on découvre un autre tableau de femme couchée fur un lit ( grandeur naturelle ) , fait par le même peintre. 11 eft placé au deflous , & mafqué par un autre tableau. Ce morceau eft en effet d'une" beauté digne de la plus grande admiration. De la main droite elle tient des fleurs , elle laiffe aller négligemment l'autre fur ce que la modeftie doit cacher : à fes pieds , on voit un petit chien qui dort, Se dans le fonds une petite figure qui fouille dans un coffre, Se une autre debout. Ce fond n'eft pas extrêmement heureux , Se les. figures paroifient d'une proportion trop petite ; cependant ce tableau eft hardi, en ce que le fond eft clair, & F L 0 R EN E 3j tpe la femme eft claire aufli, & fur des linges blancs ; le fond ne paroit pas aflez dégradé , mais ce peut être parce-qu'il a noirci. Au refte,. le choix de la nature eft admirable : c'eft une jeune performe qui a peu de gorge, mais belle &bien placée; le deffein en eft du plus beau coulant, d'une finefle & d'une grâce admirables ; les mainsfont deflinées fans maniere & avec routes les grâces poflibles, furtout celle qui eft fur le ventre , dont tous les doigt fe fui-vent fi naturellement, & font d'un fi beau contour, qu'on n'y peut rien défirer ; les jambes & les pieds font d'une fimplicité& d'une cieli— catefîe parfaite ; la tête , quoique belle & pleine d'agrément, ne femble pas au point de perfection où font portées les autres parties du corps. La couleur eft la nature même ; quoique toute claire , les membres ont toute leur rondeur , & lespalTages de tons Se de demi-teintes, prefqu 'imperceptibles, font cependant variés & d'une fraîcheur admirable; les nuances de couleur vermeille qui font répandues aux genoux , aux pieds , Sec. font d'une couleur admirable Se vraie: c'eft une des plus belles chofes qu'on voie en Italie. Un fìnge qui peigne un enfant , par le Tin* foretto, fort beau , [Se d'une maniere fiere. hrsvrsxcoYAndré del S arte, peinte par lui- 34. VOYAGE D'ITALIE, même : bon tableau , bien deiïiné , d'une couleur grife. Un portrait, du Tintoretto. Un tableau du Buffano (figures prefque gran, des comme nature) , où il s'eft peint lui Se toute fa famille avec le portrait du Tiziano, fon mai' tre ; les têtes font belles & bien peintes ; la couleur en eft bonne , fans être fupérieure. Il y a cependant de belles vérités de coloris ; mais il règne dans les draperies une monotonie de ton noirâtre, qui en fait un tableau trille ; c'eft une choie affez ordinaire à ce peintre. J'ignore duquel des Bafjans eft ce tableau. Une Vierge du Tiziano, fort belle : la couleur a apparemment jauni par le temps. Il y a beaucoup des ouvrages de ce maître, dont les lumières tirent fur le jaune. Un tableau du Parmeyianino : on y voit la Vierge, l'Enfant Jefus, Saint Jean enfant, & fur le devant une figure de vieillard, qui femble un Prophète. Il y a de très-belles chofes dans ce tableau , des têtes d'un beau choix & d'un beau carattere , furtout celle de l'Enfant Jefus ; mais la man'ere en eft dure , les ombres noires , la couleur n'en eft pas vraie , & les demi-teintes des chairs font de couleurs trop entières ; le deffein en eft trop maniéré. La figure du vieillard fur le devant eft coloflale, & trop FLORENCE. 3s grande pour les autres , dont elle paroit fors proche par le manque d'effet & de pcrfpective aérienne. Auprès de ce tableau , on en voit quelques autres repréfentant des tires , qui font belles , dont une dans le goût ancien , &z prefquefans couleur, eft cependant vraie & bien deffinée. Au deffus de la porte , on voit un grand tableau. 11 repréfente un Roi de l'Orient, une table devant lui, & plufieurs autres figures ( gran» deur prefque naturelle ). On ne fe fouvient pas du nom de l'auteur de ce tableau : il paroit de l'école Vénitienne. Il y a de belles chofes, & une bonne compofition , bien agencée , fans qu'il foit cependant de la premiere beauté. Quelques têtes de vieillards ou autres , au deffus de la porte : elles font fort belles. Je crois qu'il y a encore à côté un tsbleau d'une Vierge & de l'Enfant Jefus , qui eft du Tiziano ou de Paul Veroncfc. C'eft un beau tableau, bien peint & de bonne couleur. ,On voit dans ce fallon deux armoires remplies de toi tes fortes de vafes Si bijoux de cryf-tal de roche , de Lapis lazuli, Si autres matières, & des p;erres les plus précieufes: c'eft un. tréfor ineftimable. Tous ces vafes ou bijoux font modèles du meilleur goût , & les 5. Il eft fort beau & travaillé avec feu & legéreté. Volijìanus , bufte fupportable. Un bufte plus grand que nature. Une tête d'homme , traitée avec fentiment & goût. Une ftatue de Minerve, aiTez mauvaife. Paris, préfentant la pomme. La tête & le corps font antiques. Cette tête eft ;.ficz belle, & corps eft beau ; ce qui eft reftauré eft Lien , mais un peu maniéré. Galienus , bufte, fort bien , quoique fans beaucoup de lineile. Autre Galienus, bufte, plus grand que nature . très beaux , traité d'une maràere large & pleine de geût. Conjiantinus Majnus , bufte , très mauvaife charge. Une autre tête , très-mauvaife. Une figure de femme , commencée par Mi_ cliel-Angc. Elle eft de grande maniere , mais d'un mauvais choix de nature , courte & lourde , d'ailleurs outrée & maniérée. Une petite figure de Bacchus , par Bandii» L Tome ,11 Part. ÙI. E ^ 'VOYAGE D'ITALIE. netti, admirable: il y a pourtant quelque chofe de tortillé dans la maniere. Quatre bufles , dont deux font affez bons. Une copie du Laocoon, antique , par Bandi-ncîli , très-belle. ■ Une ftatue antique , d'un gladiateur ou combattant , vêtu : elle n'eft pas fort belle. Le fanglier, antique. Dans le fallon, à l'entrée de la galerie, on voit quantité d'antiques,; dont plufieurs font fort beaux, entr'autres une petite figure de femme , fort élégante, très bien & finement drapée , & deux chiens-loups, très-beaux & de grand goût. Une figure de grandeur naturelle ( on croit que c'eft un Gladiateur ) : elle eft affez-belle, fans être du premier ordre. Une figure d'un élevé du Bernin, belle, mais maniérée dans le goût de ce maître , c'eft-à-di-re, ayant des contours excefïivement coulans. Quantité d'autres bas-reliefs & bulles. Un beau vale ovale par fon plan , où il y a une tête en bas-relief. On nomme le bâtiment où font rafïèmblés tous ces objets de curiofité , la Galerie. H préfente un très-bel afpedt. C'eft une forte de place , dont le plan eft un quarré long , décorée de portiques de trois côtés. Il y a fucceffive- FLORENCE. çf ment une alette, avec dcmi-pilaftres & deux colonnes. Ces portiques portent une Mezzanine , au deflus de laquelle eft un étage à grandes croi fées, couronné par un autre étage orné de colonnes. Cette architecture eft belle : il femble cependant que les niches pratiquées dans les piédroits oualettes , les affoibliffent & n'y font pas bien. Les confoles de la Mezzanine ne font pas belles ,. non plus que les trigly phes qui-la courronnent. Les croifées font, belles d'un goût fage & fimple : m..is le troifìeme étage n'eft pas beau , & les colonnes y deviennent trop efpacées pour leur hauteur. V\E G LJ S E DE S. LAURENT. Cette églife eft très-légérement & élégamment portée fur des colonnes d'une belle hauteur. La chapelle qui doit fervir de fond à cette églife, & où font les tombeaux des Mcdicis, eft ce que l'on peut imaginer de plus riche & de plus précieux pour les matières dont elle eft revêtue. Elle eft d'ailleurs d'une fort" belle architecture ; c'eft un octogone"; les proEls' en font traités d'un goût grand & mâle. Elle eft ornée de iix grands tombeaux : quatre de granit E z ç4 VOYAGE D'ITALIE. d'Egypte , & deux de granit oriental, fur les dcffeins de M'Jicl-Ange. On ne peut rien voir de plus parfait que ces tombeaux pour la beauté de leur forme , & le goût^grand & mâle avec lequel i s font décorés. Les moulures & les or-nemens en font forts & majefhieux ; leur proportion même eft impofante. Au deffus font pratiquées des niches, dans lefquelles font des fi. gures de bronze , fort grandes, repréfentant des Médias SIX yen a quelques-unes de Jean de Bologne , qui font trés-belles. Dans la facriftie fe voient deux tombeaux de marbre , ornés chacun de deux figures plus | grandes que le naturel, du même Michel-Ange : ils ne font pas entièrement achevés, maison peut les regarder comme les chef-d'œuvres de ce grand maître. Ils font traites d'une maniere fiere & grande, & les formes en font belles & feavantes , quoique les attitudes aient quelque chofes d'exagéré. Il y'a encore dans la même facriftie, quelques autres tombeaux de moindre grandeur, & quelques ftatues , ou de Michel-Ange , ou de fes élevés , qui font de jFort belles chofes. On conferve dans la galerie le tabernacle qui-doit être dans la chapelle des tombeaux. Il eft enrichi de madères les plus précieufes , & n'eft point achevé , non plus que, la chapelle. La FLORENCE ^ penfée en eft fort belle pour l'architecture: mais comme elle eft d'une petite proportion , cela pourroit bien ne pas également réufllr en place ; en ce que c'eft une petite églife dans une grande (i). La célèbre Bibliothèque Laurenziana. L'architecture en eft de bon goût, puifqu'elle eft de Michel-Ange : mais elle n'a rien de fort Intéreflant. C'eft un objet uniforme, & qui n'a tien de riche , ni de bien ingénieux, L'efcalicr de cette Bibliothèque eft plus magnifique d'architecture , & paroit fort beau. Au refte cette Bibliothèque eft finguliere en ce qu'elle eft compofée de rangs de pupitres, de part & d'autre , fur lefqucls on pofeles livres, qui font enchaînés : ainii chacun va s'affeoir à à la place où eft attaché le livre qu'il veut lire. A la Cathédrale. On voit fur le maître-autel un grouppe, par Bandinrtli: il repréfente le Pere éternel, un Chrift mort & un Ange» Le Chrift eft admirable ; la figure du Pere éternel n'eft ni bien vêtue , ni drapée avec beau* coup de dignité. (O II femblc qu'on devoit imaginer quelqu'autre ^anitre de décorer ks tabernacles , que celle d'en fai-Te des batimens. Ils ne paroilknc qu'un modèle en Petit, dont la beauté conlifteroit à être exécute en S<"and, & qui dans cette petite proportion, ne peut Pafier que p0lir nn jouet d'enfant. i4 VOYAGE D'ITALIE. L'Annonciata. Dans le cloître du milieu, eft le portrait, en marbre , d'André del Sarte qui eft très-bien. Plufieurs tableaux à frefque, de difterens maîtres, environnent ce cloître. Il y en a d'Andre del Sarte, tels que les Mages, la Nativité de la Vierge, celui où l'on donne à baifer les reliques de S. Philippe, aufli bien que tous ceux qui font' à main gauche , qui repréfentent des fujets de la vie de S. Philippe Bcnizi d'Alcfjandro Bal. do Vinetti, la Nativité de Jefus-Chrift ; du RoJJclini, S. Philippe, qui a une vifion de la Vierge; de maître Roux, l'Affomption delà Vierge ; du Pontorme, la Vi Citation ; de Francia Bigio , le Mariage de la Vierge , &c. De tous ces tableaux, les meilleurs font ceux d'André del Sarte. La compofition en eft froi. de & éparpillée : mais il y a des têtes qui ont beaucoup de vérité , & qui fsnt de bon carac. tere , & des parties bien drapées. Dans l'autre cloître on voit! le tableau de la Madona appelle del Sacco , ? parce que Saint Jo-feph y eft repréfenté appuyé fur un fac : il eft peint à frefque, au deffus d'une porte, par An. dré del Sarte. Ce morceau célèbre eft d'une grande beauté, compofé & drapé de très-grande maniere , bien peint, d'une façon large ; & cependant très-bien exécute. U eft peint par ILO R E N C E. k hachures, mais qu'on voit à peine ; les plis des draperies font bien formés, & délicatement bri. *es; la couleur en eft bonne , les têtes en font belles : il femble cependant que la tête de Vierge foit plus jolie que belle , & que l'Enfant Jefus ait les jambes trop écartées. Les autres Peintures de ce cloitre ont aufli des beautés. A la chapelle dite I'Annonciata , de Jean de Bologne, il y a d'excellens petits bas-relifs de bronze, de ce même fculpteur : l'architecture en eft belle. Place du vieux Palais. On voit dans cette place une raflez belle Fontaine, décorée de plufieurs figures de bronze, dont les attitudes & la compofitio.i fonttres-in-génieufes , & d'un enfemble très-élégant & léger : mais elles fontmariérés , & d'un contour qui cherche à être coulant & foupîe à l'excès. Les pouces des pieds font trop écartés, ce les pieds un peu tortillés. On croit que cet ouvi i-ge eft de Jean de Bologne, & c'eft affez fa nianiere. A la porte du vieux palais , Se àia fontaine ? il y a quelques mauvais coloffes de marbre. Il y a à Florence deux ftatues équeftres, de bronze, l'une dans la place du vieux palais,l'au- E4 ^ VO Y VGE D'TT A T>T E. tre devant l'églife deYAnnonciata : elles f0nt bonnes t ou tes deux. Les cheveux font bien fans cependmt qu'on puiffe dire qu'ils foient fort beaux ; les mufeies n'y font pas reffentis avec goût, & il paroit. que tout en eft traité avec roideur. Dans la place de Y Annunciata, il y a deux 'fontaines fort ingénieufes & grotefques : ce font des efpeces de finges formés en partie par des ornemens. Sous la Loggia , font trois grouppes, dont le plus remarquable eft l'enlèvement d'une Sabine , par Jean de Bologne : il eft en effet très-beau , de grand carattere & bien compofi. Dans un autre endroit de la Ville , on voit un Centaure terraffé par Hercule , grouppe de marbre , compofé avec un feu admirable & de gratid carattere. La hardieffe en eft finguliere ; car ce grouppe ne porte que fur les jambes cYHcrule , qui ne font pas deffous , mais à cô-fé , & ur les jambes pliées du Centaure. Dans un carrefour de la même ville , on voit un autre morceau du même fculpteur, qui eft .très-beau : il repréfente Ajax mourant, porté par un Soldat ou le corps de Patrocle enlevé, ,aux Troyenspar Ajax. Cependant la tête de la figure vêtae & cafquée , a plutôt l'air d'un fol-dat que d'un Héros. Ces ouvrages paroilTent de Jean de Bologne., FLORENCE. f7 Ti y a encore quantité de belles chofes dc cet excel'ent fculpteur , à Florence. L'Eglise des Fiìuii.lans. Cette Eglife eft Lors delà ville. On y voit un fort beau pia" "fond de Giordano , repréfentant une Vierge fur des nuages \ & Saint Bernard C'eft une application de ce paffage : Fiat pax in vertute tuâ, PALAIS P ITTI, à Florence. Le dehors de ce Palais eft d'une architetture trop groffere. Le tout-enfemble ne préfente qu'une façade extrêmement longue & rufti-que , comme une fprterefie. Il y a cependant en bas des croifées fort belles & de très-bon ■goût. L'intérieur de la cour eft d'une très-belle architetture, & préfente un tout-enfemble très-Wajeftueux & de grand goût. C'eft la décoration de cette cour qui a donné l'idée du palais du Luxembourg , à Paris. Elle a des boffages , & eft décorée dc trois ordres d'arci iletture le premier eft à arcades, comme au Luxembourg; Je fécond a des beflages quarrées ; ce s demi-figures de grandeur naturelle gr FLORENCE 69 "les têtes en font belles ; il femble qu'on pourrait fouhaiter quelques détails de plus dans la tête du Chrift : la main eft très-belle. Deux tab eaux d'un des Bajjano. Partie du Triomphe de ILcchus, par le jTi-ziano. Ce tableau n'eft point beau , & eft par conféqutnt douteux. Trois tableaux cYAndré del Sarte. Une petite Suinte Famille, de Y Albani. Ce tableau eft trés-précieux. Deux tabieaux d'un des Bajjano. ' La Réfurrection du Lazare , grand tableau , dit de Paul Véronefe : il n'eft point beau. Un Baptême de Saint Jean, de Paul Vérsr tiefe ; fort beau. Sainte Marie Egyptienne , morte , & un Vieillard à genoux. Ce tableau eft beau ; le vieillard eft bien ; les petits enfans font beaux & plein de grâces. Moïfe fauve des eaux, petit tableau, bien touché & de bonne couleur. Un petit tableau de Jules Romain ( figures de neufâdix pouces) où l'on voit plufieurs femmes , d'un deffein fini & tqavant. Deux petits tableaux de Louis Carracci, repréfentant chacun une Vierge. Les têtes font d'un beau carattere. 70 VOYAGE D'ITALIE. Un tableau dit cYAnnibal Casacci. Dans lé haut on voit un Chrift, S. Pierre & S. Jean. Au bas eft un Roi & plufieurs autres figures, prep. que de grandeur naturelle. Ce tableau n'eft pas fort beau ; il eft d'une maniere féche. On voit dans l'étage fupérieur de ce palais " quantité d'autres petits tableaux, dont plufieurs *ont précieux. On en fait Jemarquer deux , que Ton dit du Feti , qui \ font en effet; fort beaux. L'un repréfente un Vieillard aflls , à qui un laboureur parle ; l'autre , une Femme qui cherche quelque chofe avec une lampe. On recon-noit mieux dans celui-ci la maniere de ce maitre, qui eft fiere, avec des ombres vigoureufes , & un pâteux de pinceau hardi & gras. Il y a quelques études de têtes de p'.us grands maîtres ; comme du Corregio, du Barocci, des Breuçhcls,& autres dont on ne fe fouvient pas» PALAIS CORSINI, à Florence. On y voit un tableau C de grandeur un peu plus forte que.le naturel ) , de [VF/pagnolettot c'eft Saint Pierre tirant une piece de la bouche d'un poifibn, pour payer le tribut. Il eft d'une force de couleur très-piquante , & d'une maniere grande & large ; les tètes en font fort belles : c'eft une très-bonne chofe. Un tableau de Luca Giordano , repréfentant Saint Valentin mourant & refufant de FLORENCE. 7i manger delà chair de quelques oifeaux, qu'il refluiate au grand étonnement de plufieurs moines qui font préfens à ce miracle; la Vierge eft en haut. Ce tableau eft bien compofé d'une grande facilité & d'un bel effet ; la Vier. gc eft très-gracieufe ; / les figures font de grandeur naturelle. Un Saint Sébaftien , de Carlino Dolce C demi-figures de grandeur naturelle ). . Ce tableau, eft d'un deflein très-corredt, d'aflez belle couleur, & d'une grande exécution : on peut feulement lui reprocher qu'il eft trop fini , & que •les chairs femblent de l'y voire. La tète eft d'un beau caractère. Une cfquifle, de Luca Giordana, repréfentant la Magdeleine chez le Pharifien : elle eft belle & bien largement touchée. Deux Payfages, de Salvator Rofa : ils font beaux, mais les figures n'en font pas touchées *vec efprit. Deux têtes , du Caravagc , bonnes. Une Vierge d'André del Sarte, qui n'eft pas de fon plus beau. Trois tableaux, du Borgognone, très-beaux. Il y en a un entr'autres , ou l'on voit des choses admirablement bien faites. Ils font un peu gâtés. Un Baptême de Saint Jean, par Santi Titi, tjz VOYAGE D'ITALIE, tout-à-fait dans la maniere & îvec les grâces de l'Jlbane, delfine trés-rìnement & correttemene. Les têtes font belles & bien coeffees, & tout le tableau eft peint très foigneufement. Deux autres tableaux , du Borgognone • beaux. 11 y en a un qui eft fupérieur à l'autre. Un tableau d'une Sainte Fam ille , par Ruffino di Schiera , où il y a du mérite & unfairc-allez moelleux ; le Saint Jofeph eit bien 11 y a quelques têtes très-belles. Un Saint François, du Cigoli, qui paroit beau : il eft placé dans l'ombre. Une Lucrèce fe poignardant ( demi-figure de grandeur naturelle ), Ce tableau eft d'une couleur claire ; les ombres en font tendres ; la tête eft deffinée d'une grande finefïe , & les tons de couleur en font frais ; la main eft fort belle bien deffinée & touchée avec une légèreté pleine d'art. Ce'tableau a été retouché au vifage. Deux efquiftes, du Volterrano , brofìees avec beaucoup dégoût. Un tableau de M. A. de Qaravage ( demi.fi. gures de grandeur naturelle ). Il repréfente un homme qui coupe du poifFon : on en voit fur la table, avec quelques uftenciles de ménage Ce tableau eft trés-beau , traité avec vjgDeoi & avec eTef, les pot (Ions font d'une couleur vraie , & d'une maniere fucile & de maître. Un FLORENCE. 7J Une Vierge de M. Jujk ( de grandeur natu, relie Ce tableau eli d'une belle couleur, & Peut-être pris «u premier coup d'œil pour un beau Rubens, li eli très-bien defliné , les têtes font d'un beau caractère. 11 femble qu'il y a vilipende dureté; mais elle peut venir de ce que les ombres ont noirci : c'eft un très-beau morceau» Deux tableaux d'une tête chacun, par le VoU terrano , fûts avec beaucoup dégoût. Une tête de Chrift mort ( de grandeur natu-telle ), par Cigoli : elle eft aufli belle que û elle étoit du Carrache, d'un grand carractere & d'un pinceau large Une tête commencée, dite de Vandijck : elle eft fort belle. Une tête de femme , couronnée de l'auriers , par Carlino Dolce. Ce tableau eft du plus grand fini ; la tête eft belle ; les lauriers font admirablement bien rendus. Il y a un rubis qui eft parfaitement imré : mais ce grand fini ne réuf-fit pas de même pour la chair; illuiôteune certaine fleur qu'à ia belle nature. Cela eft trop lifte, & on ne peut mieux le comparer qu'à Vander- J'erf, qui a ce même défaut. Deux petits tableaux de Y Albani ( figures d'un pied ou environ ), Dans l'un on voit un Satyre jouant de la flûte , & quatre petits enfans qui Tome II,ParUIL G 74 VOYAGE D'ITALIE, danfent. Ces tableaux font précieux ; il a de belles finefles de deffein , & des grâces : on y apperçoit cependant quelques incorrections, principalement aux jambes de la femme. Deux tableaux de Bajjano. Deux petits tableaux de Brufcoli, repréfentant tous deux le même fujet : un Chrift fouf. fletè. Ce font deux efquifles finies. 11 y a beaucoup de goût dans le fairc\ un pinceau gras & moelleux , ure couleur agréable , le defleîn n'en eft pas correct , ni d'un beau choix de nature. • Deux autres du même, qui paroiffent moindres : l'un repréfente la prière de Jefus-Chrift au jardin, & l'autre, Jefus-Chrift enfeveli. Une Vierge & quelques Anges (demi-figures de grandeur naturelle ) , par André del Sarte. Un S. André entre les mains des bourreaux , dit de l'Efpagnoletto. \ Ce tableau n'eft point beau.; il eft d'une couleur jaune & défagréablei . . Un portrait, dit du Bronzino , quoiqu'il ne paroifie point dans fa maniere. Il eft beau; la tête à de la vie & de î'expreflion ; la figure eft vue jufqu'aux genoux. Un tableau qui repréfente Vénus & l'Amour pleurant Adonis mort ( demi-figures de grandeur naturelle ) : on le dit CCAnnibal Carracci, '&. il en eft très-digne. Il eft bien defliné, de F L ORE N C E. ; 7î grand caractère ; les têtes & leurs expreflions font belles1; il elt bkn peint: c'eft un excel, ^ent talleau. Il y a dans quelques autres chambres, des pia. fonds qui ne font pas mauvais. Un Saint Je.in-Baptifte , dit du Carrache. On y trouve peu de la maniere de ce maître : il eft cependant fort beau , bien delfine & bien peint. . a la chapelle eft un tableau de" Carlo Jïarat* £z, repréfentant une Vierge , & en bas un Evê-que. La Vierge eft belle, & toute la Figure eft bien drapée & bien peinte. L'Evêque paroit ,;. ._, :. ••; ; mi ru -i I t »:ju tres-inferieur. Dans l'appartement du' rez-de-chauflee, on Voit trois efquiiTes , de Luca Giordano , faites pour des plafonds : elles font d'une conipofi. tioh grande , bien agencée & très-ingénieuCe. Il y a deux fort beaux tableaux du même peintre C grandeur naturelle \ Ce font deux fujets de l'Enéide. L'un eft Enee panfé de fa bleffure , «guen par le dictame qui tien un vieillard. Au deffus on voit Vénus couchée fur dés nuages : la figure en. eft gracieufe, mais la pofition eft peu naturelle , & paroît avoir été: gênée par la forme du tableau. L'autre repre fente le combat cVEnc'e & de Tur ma. ' G % ' VOYAGE D'ITALIE. PALAIS R 1 C A RDI. Leslquatre Evange'iftes , de Carlino Dolce ( demi-figures de grandeur naturelle ) ils font beaux, & ne font pas tout-à-fait de ce fini ex-ceflif qu'on peut lui reprocher. Les deux meilleurs font le Saint Matthieu , & furtout le Saint Jean: il eft d'un beau caractère, très* bien defliné & bien peint. L'Arche de Noé, du Bajjano. Un autre tableau du Bajjano ( figures de grandeur prefque naturelle )- Il repréfente quelques Femmes & un Amour dans la boutique d'un chaudronnier: c'eft apparemment Vénus dans l'attelier de Vulcain. Ce tableau eft très-beau ; il y a une tête de petit garçon, couverte d'un chapeau , qui eft d'une grande vérité & d'une belle couleur. Une tête de Saint Jean, du Vicionc, peinte bien moèlleufement & de belle couleur, mais un peu maniérée , avec des demi-teintes trop bleuâtres , & des ombres noires. Un tableau du Bourguignon : il paroit douteux en ce qu'il eft trop frais, & qu'il eft touché avec moins de liberté que ne le font d'or, dinaire les ouvrages de ce maitre. Quelques têtes de Tiziano, FLORENCE.1 77 Un tableau de Vanni ( figures de grandeur naturelle ) : il eft beau, d'un pinceau gracieux, & d'une couleur agréable. C'eft une Sainte qui Pleure; elle eft environnée d'Anges, quipa„ toiflent chafler le vice, fous la figure d'un jeu. ne homme qui a des cornes. Un tableau dont les figures font de grandeur naturelle, repréfentant un Grand Due couron, né , la paix chaflant la guerre , & plufieurs fi. gures d'efclavcs ou autres : c'eft un beau morceau. Plufieurs tableaux de M. Rofc, où il y a de bonnes chofes. Un tableau de Pompeio Bottoni, peintre moderne , où il y a des chofes gracieufes & bien peintes : il repréfente l'alliance de la peinture avec la poèfie, la fculpture & l'architetture \ Ics figures font de grandeur prefque naturelle. Un Enfant du Parmegianino, fort beau. Un tableau d'une Femme & une fille : il pa» roit de Paul Veronefe. Un autre tableau de Rcmhrant ( figures de grandeur naturelle). Il iepréfente une Vieille Cnvironnée de paniers & de chaudrons , quj Plume une poule. C'eft un trés-excellent tableau, d'un grandjeftet, d'une couleur fiere , & brofle en maître. Les "'paniers & les chaudrons font peints plus proprement que ce peintre n'a 7g VOYAGE D'ITALIE, coutume de le faire: mais avec beaucoup de vé. rite. La tête de femme eft prefque toute couverte d'ombre, Sz admirablement bien traitée de reflet. • Deux petits Brœcjhch. Deux Pietre: Jsof. i i > nrooil . Un tableau dePontpeio £tfrro/n,rcprèfentant uneSainteFamille. Ce morceau n'eft point beau; il eft d'une couleur fauffe &, fi l'on peut s'exprimer ainfi, trop belle. Ce peintre emploie des tons qui refiemblent à la peinture en émail. Un Tcniers , placé un peu loin de la vue: il paroit très-beau & très-bien conferve. - Un tableau de Claude Gellé, dit le Lorrain. La touche des arbres paroit un peu molle & lourde , excepté dans les extrémités qui fe détachent fur le ciel. Le fond eft très-beau & d'une belle couleur. Un tableau de Ruifdal, qui eft d'un grand effet. La forme des arbres eft trop déchiquetée ; le ciel en eft beau. Un- ÏVouvcrmam, qui n'eft pas de fon beau» Un Berghemy très-beau & bien conferve. Deux tableaux de plantes, affez beaux. Deux Breugheh, qui ne font pas beaux. Une petite Bataille fur un pont ,*par le Borgognone. Ce tableau eft admirable, touché avec tout l'efprit polTiblc", & d'un grand effet : c'eft FLORENCE. 7? un morceau précieux & bien conferve. Un Pietre Nef. Un Payfage de Ruìfdal , où l'on voit des boeufs qui paffent l'eau dans un bateau. Ce tableau eft fort beau ; le ciel & les eaux font d'un effet très-piquant. Deux Enfans, de Rubens : c'eft Jefus & Saint Jean. Deux vues de Florence , par Gafparo dcïïi Occlùali: elles font bien exécutées, mais les ombres en font noircies & dures. Apollon & une Mufe (de grandeur naturelle): les têtes font belles & bien peintes. 11 y a une chambre toute remplie de defleins de grands maîtres, dont plufieurs font fort beaux : quelques-uns font du Gucrcino. On voit dans cette même chambre un très-petittab'eau de Tcniers, qui eft fort beau. 11 y a, au palais Ricardi, une galerie décorée d'aflez bonne maniere , excepté les deux extrémités : le goût en eft cependant un peu lourd. Toute la voûte eft d'un feul tableau ò\e Luca Giordano, richement & ingénieufement compofé, de la couleur la plus aimable , & cependant forte , le ciel eft biiliaut & clair Ci). (0 Si l'on fe Faifoît une loi He peindre les plafonds d'unecoulriir aufli claire ftluminetire que c« *u'-ci,il y a lieu d'elpircr qu'ils feraient goûtés Je tous G 4 lo VOYAGE D'ITALIE, La bibliothèque a aufli un beau plafond du même maître. P AtL A l S A R NAILDL On y voit un petit Enfant, dit du Guide ( de grandeur naturelle). 11 eft d'une couleur claire, & a beaucoup de molcfîes enfantines : mais il n'eft (pas d'un deffein aufli fin que plufieurs tableaux de ce maître. Quelques tableaux de Carlo Moratti, dont un eft une Allégorie qui a des beautés ; un autre eft une Vénus fur un lit: celui-ci eft aflez beau , mais la couleur en eft un peu rouge. Il étoit couveit d'une gaze pour le conferver. Un tableau de Carlo Cignani : la femme de Putiphar retenant Jofeph. Il eft d'une très-belle compofition , plein de feu, defliné avec beaucoup de goût, & d'une maniere large. 11 y a beaucoup de vérités de nature dans la femme qui eft nue; les têtes font belles & d'une bonne expreflion, d'un pinceau gras & aifé , bonne .couleur & d'un effet-vigoureux ; la nature n'en eft pas du plus beau choix. ceux qui leur préfèrent des plafonds blancs, ornés de plate l'culpture » qu'ils ont fi bien goûtée, qu'on n'en voit plus d'autres « ils appercevroient bien-tôt combien cettte mode affiche l'économie & le mauvais goût» FLORENCE. Sï On fait remarquer, à Florence , la beauté de l'efcalier du palais Corfini : mais il n'a rien d étonnant, & les détails d'architecture n'en font ni beaux, ni de bon goût. Chez le Marquis Cerini, Il y a quelques beaux tableaux, mais en petit nombre, & beaucoup de médiocres : une grande partie de ces tableaux eft morderne. Un portrait de Vandyck, peint par lui-même. Sa fraîcheur peut donner lieu d'en foupçonner l'originalité : il tft cependant d'une grande beauté. Quelques tableaux du Borgognoni, Palais nouveaux du Marquis Capponi. H y a quelques tableaux dont on n'a point de note : mais feulement on fe fouvient d'un tableau de Marfias êcorché par Apollon , qui eft beau & d'une maniere forte & facile. Lè fi> jet en eft traité d'une façon hideufe. Apollon lui fouille entre la peau & la chaïr du bras. Un tableau vis-à-vis , ■ repréfentant Cairn St ■Abel, & le Pere éternel interrogeant Tain : ii cft de bon ton & de bonne maniere, quoi-lu'indécis dans les formes. %z VOYAGE D'ITALIE. Deux tableaux du Guercino, qui ne font point de fon beau, ni l'un ni l'autre, l'un eft ma-notone bleuâtre ; l'autre , monotone rougeâtre. 11 y a un Saint André ( demi-figure de grandeur naturelle ) , appuyé contre fa croix. On ignore qui en eft l'auteur : il pourroit être de YEfpagnoletto. Au refte c'eft un très-beau morceau , excellemment bien peint. Un Saint Jérôme , de YEfpagnoletto , très, beau , &c. On y voit beaucoup plus de chofes très-médiocres que de bonnes. La maifonaunair de grandeur, quoique tous les détails de l'architetture foient dans un goût moderne & mauvais. . Chez M. Baucri, curieux de tableaux , qui étoit alors dans le deffein de les vendre, on voyoit les morceaux fu'vans. Un tableau repréfentant le Martyre de Saint Barthélemi : on le difoit de YEfpagnoletto. Jl eft certain du moins que c'eft un tableau admirable , delfine d'un carattere très-grand, quoique d'un choix de nature bas. 11 eft peint d'une maniere ferme & large ; les têtes en font belles. 11 eft bien compofé", de peu de figures , & d'une bonne couleur. Ce tableau tient autant de la maniere du Guercino , que de celle de YEfpagnoletto. Les figures font de grandeur naturelle- F LO RI N C E. 8* : Un tableau ( figures plus fortes que le-natu-ïel ), dit de Pietro Tejìa: le fujeteft Roland 9ui délivreAngélique du monftre marin. Ce tableau eft defliné de grand caractère, mais outré & plein d'incorrettìons.* La femme eft très-mal deffinée & outrée d'une maniere très-défagréa. °le, fans aucune grâce , Au refte il n'eft point dune belle couleur , & ne paroit point dans la maniere de celui qui écoit à Rome, chez le Cardinal Silvio Valenti. Un tableau ( demi-figures de grandeur natu-ieile ) , du Capuano : on croit que le fujet !» Rendez à Ctfar ce qui eft à Cefar. Ce tableau eft d'une grande beauté , foit pour le S°ut de compofition , foit pour la beauté & la v,gueur du coloris mais c'eft un des plus incorrects qu'on voie de ce maitre, pour la partie du deffein. Un tableau d'un élevé "de Carlo Marati : Jefus-Chrift au jardin des olives (grandeur de-^i-naturelle ), très-beau, d'une couleur forte & hardie, & d'un carattere large & correct. Les cxPreflions des têtes font admirables ; il eft m'en compofé. Le tableau qui y fait pendant , & qu'on attribue au même, n'eft point beau. Un tableau qu'on dit de Pietro da Cortona, &4. VOYAGE D'ITALIE, mais qui femble plutôt de Ciro Ferri : du moins il n'eftpas de l'excellent ;de ce maitre. On ne fe fouvient pas du fujet: on croit cependant qu'il repréfente les filles de Jethro , fecouruet par Mdife. Plufieurs efquilfes très-belles, de Luca Giorm dano. On y voyoit aufli un tableau ( demi-figures de grandeur naturelle ) , que l'on difoit du TU ziano , & qui eft fufpett de n'être qu'une copie : il y a cependant de bonnes chofes , mais ce n'eft pas du beau de ce maître. On montroit aufli un tableau attribué à Anim bal Carracci : il eft bon , fans être excellent, & paroit original , mais non du Carrache. Plufieurs Payfâges, que l'on dit de Fernet, eélebre peintre de marines. Il y a lieu de croire que ce ne font que des copies : mais elles font bonnes, Deux tableaux de Jean-Paul Pjn'ni, "des derniers temps , par conféquent d'une touche facile & large, mais foibles de couleur Se d'effet. Les figures font beaucoup trop grandes pour l'architetture. Onyvantoit des tableaux de payfages /de ZuccarcUi , peintre moderne : mais ils ont lé défaut d'être faux de couleur & d'effet, & d'une touche mauvaife. FLORENCE. I' y a plufieurs autres tableaux qui ne font pas ftna mérite , mais donc on ne fe fouvientpas. ] Chez M. Acford , peintre. Les tableaux qu'on y voyoit, étoient à vendre. Il y avoitentr'autres un Guercino ( demi-figures de grandeur naturelle ). repréfentant Jofeph & .la femme de Puthiphar. Ce tableau eft d'une grande beauté pour le deffein , la compofition & la force de la maniere ; les têtes en font admirables : c'eft dommage qu'il foit extrêmement noirci & gâté. 11 eft même fufpeft d'être repeint en plufieurs endroits. Deux efquilies de Giordano, touchées d'un grand goût, Une très-belle tête de femme, d'André del Sarte. On y voyoit encore plufieurs autres bonnet têtes. Chez M. Martin, Peintre Angloir. Il y avoit quelques tableaux afiez bon?, en-tr'autres un cVOutman : c'eft un petit fujet d'en-fans, entouré de fleurs. Ce tableau a des beautés. Quelques têtes , qu'on dit de Vandyck , qui ne p.innflent pas dans là maniere, mais qui né» *ninains font très-belles. g6 VOYAGE D' I T A L I E. Des recueils de de (Te iris de maìtres,fòrt beaii^ entr'autres un deffein dit de Raphael, qui cit en effet digne fd'udmiration : on croit quii repréfente Barjcfu , furnommé Etg'ntas ou le Magicien , frappé d'aveuglément par Saint Paul , en préfence du Froconful Sergi us Paulus. Ce deffein eft lavé au biftre , ou avec une encre qui a jauni. Les contours font tracés à la plume avec une belle fermeté ; les têtes font admirablement bien touchées , & d'un grand caractère. X-*'A.rcritecture , à Florence, eft en général fage & de bon goût; ce qui eft d'autant pius à remarquer, que dans prefque toutes les autres villes d'Italie, le goût eft entièrement corrompu. A force de vouloir chercher du nouveau,on a çerdu l'idée du beau : les caprices les plus ex-travagans y font devenus l'architecture à la mo* de, & la plus applaudie. Il en faut cependant excepter quelques artiftes ou amateurs, qui frondent ces nouveautés en Italie, comme nous blâmons le mauvais goût de nos derniers temps en France : mais enfin nous voyons la fin de ces mauvaifes modes , tandis que les gens de mérite,en Italie,fe plaignent fans sfpérance d'amélioration.. Soit que le goût trop mâle, qui règne dans la plupart des a-nciens édifices de Fio- FLORENCE. g7 rence , ait retarde, par fonexces contraire , la gradation infenfible qui conduit au colifichet & au mauvais goût', il eli certain que les édifices modernes de cette ville , tiennent encore au bon goût. On voit» tant anciens que modernes» de petits palais, qui font d'une grande beauté, furtout pour les fenêtres & les portes ; mais il y a plufieurs de ces mêmes palais qui font d'uie architecture trop ruftique. C'eft un bien foible reproche en comparaifon de ceux qu'on a droit de faire aux autres villes d'Italie , & que nous devons nous faire à nous-mêmes. L'Fcole ancienne de Florence. a produit quantité de peintres qui ne font pas fans mèri-te : cependant il en eft bien peu qui aient acquis quelque célébrité. Les égifes font rem. plies de tableaux de quantité de différens maîtres , que néanmoins on croiroit tous du même, tant ils font du même goût, du même caractère de deffein,de la même maniere ce i'raper,& de la même couleur. La couleur en eft très-grife & foible; le deffein grand , mais maniéré, dans le goût de M. A. Euonarotti, qui a été le chef de cette Ecole.. Ce font de ces tours de figures fi. fouples qu'on eft tenté de les croire impofîi-bles, de ces grands contours charges , qui femblent tordre les membres, de ces grâces g8 VOYAGE D'ITALIE, outrées , qui ont du grand, m ùs qui ne preferì, tent l'idée que d'une nature imaginaire, On n'y voit point de colotiftes, ni de ces peintres remplis de feu , qui ofent hazardter des irrégularités pour produire des beautés qui en dédoma-gent furabondamment, & qui font le charme de la peinture.' L'Ecole de Florence a reçu tout fon éclat des célèbres fculpteurs qu'elle a produits De-làs'eft enfuîvi que l'on s'eft principalement & prefque uniquement attaché au deffein, à une correction & à une grandeur de formes , qui dégénère facilement en maniere. On a beau dire qu'elle eft grande, une grande maniere, qui ne tiem; pas à la nature, ne vaut guère mieux qu'une plus petite , qui s'en écarte également. La vérité eft le butle manquer d'un façon ou d'une autre , eft prefque égaL Il fuit encore de cette façon d'étudier , qu'amené une Ecole prefqu'entiérement dirigée par des fculpteurs , qu'on defliné trop long-temps avant que de fe hazarder à peindre ; qu'on ne s'attache qu'aux contours , & à placer les dedans avec exactitude , fans confidérer la nature du côté des effets de la lumiere & des couleurs , qui eft la partie la plus effentielle de la peinture. On peut s'en affurer par l'examen des deffeins des Maitres Florintins , qui font FLORENCE ' &> d'un fini extrême , & ombrés de petites hachures , qui marquent l'exactitude & la fervitude. Mais aufli on peut dire , à la gloire de l'Ecole Florentine , qu'elle a produit les plus excellens fculpteurs , & en plus grand nombre que toutes les autres villes d'Italie , au contraire de la ville de Venife , qui a donné tant de grands peintres, & n'a point formé de fculpteurs. Il eft vrai que ces fculpteurs de Florence font maniérés , parce qu'ils ont plutôt imité Michel. Ange, que la nature & l'antique: mais néanmoins ils font fçavans, corrects & de grand goût. ENVIRONS DJ? FL 0 RE N C R PoGGlO-iMPERIale jmaifon de plailànce du Grand Tue : On y arrive par une très*belle avenue de chênes verds & de cyprès. Chaque chambre de ce palais eft ornée de cabinets , de pendules , de tables des matières les p'ùs précieufes, & ces meubles , dans chaque chambre , font aflbrtis de mërrie genre. Quoique qu'il y ait un grand nombre de tableaux , il y en a très-peu de bons. Les meilleurs , mêlés avec un grand nombre de mmvaifes chofes, font quelques-uns d'André Tome II, Part. Ili H 9(y VOYAGE D'ITALIE. del Sarte, mais non pas delà beauté de ccut. qui font au palais Pitti. Un Saint Sébaftien ( demi-figure de grandeur naturelle ) , qui eft de fort grande maniere & bien peint. Une Vierge, PFnfant Jefus & deux Anges ( grandeur demi-naturelle ) > où il y,a de {fort belles chofes. Une tête peinte par le Tiziano. Dans une des fdles , il y a quatre tableaux ( figures de grandeur naturelle ) , repréfentans des Femmes illuftres : ils font fort bons. Les deux meilleurs paroiffent celui de la Reine Ar-tc'mife , & celui de Lucrèce. UArtc'mife eft peinte d'une maniere, moelleufe ; les têtes en font graci-eufes & de bon carattere. Celui de Lucrèce eft aufli fort beau , d'une maniere fer- j me- & grande, ' Une ftatue d'Adonis , par Mieliti-Ange, qui eft en effet trés-belle en beaucoup de chofes & d'une maniere fort grande. • • ■ De Ruftichini, deux fort beaux tableaux (figures de grandeur naturelle). L'un r-enrefente la Peinture & la Sculpture; l'autre, la Mort de-S. Marie Egyptienne. La couleur du premier eft-vraie & agréable, & il y a de-belles frai- . cheurs de ton : d'ailleurs il eft bien peint ; la maniere en. eft large & grande ; elle tient beau* FLORENCE, 9l coup de Michel-Ange de Caravagio & du Schì. done. Les ombres de Tes chairs ne font cependant pas fi noires que l'eft ordinairement le Oaravage : au contraire elles font tendres & fraîches. Le choix de la nature eft bas, mais avec des vérités ; le deffein en eft incorrect. Le tableau de la mort de Sainte jAïarie Egyptienne, quoique bon, eft inférieur à l'autre; il eft bien compofé de peu de figures, * & qui néanmoins rempliffent tout le tableau. J* Un tableau de Luca Giordano ( figures de dixhivit à vingt pouces ) , repréfentant une Fuite en Egypte. 11 eft très-beau, plein, de gra* ces, très-moëlleufement peint, & d'une belle harmonie ; la coufeut tire un peu fur le rouge. Une Sainte Catherine ( grandeur demi-natu* relle ) , par Paul Veronefe. Une figure feule , à genoux , d'une xouleuf claire , belle & d'une grande fraichéun, bien confervée ; le caractère de tête a.-de] la grâce* c'eft un fort beau morceau. De Sebafliano Veneto, un Saint Sébaftien ( figures de grandeur naturelle ) , & un autre tableau , dont on a :oqblié le fujet. H y a de fort bonnes chofes. Il peut y avoir encore , dans ce palais quelques autres tableaux dont on ne fe fouvient pas, comme un Payfage de Bartkolomcc , & un de U z ot VOYAGE D'ITALIE. Paul Brìi dont tous .'les devants font mauvais li n'y a que le fonds qui foit beau , & le feuiî, 1er du pây-fe'ge ;la couleur eft à l'ordinaire : au V_>E palais n'a rien de fort magnifique. Ce qu'il y a de mieux eft un petit portique de fix colonnes , au haut d'un efcalier à deux rampes » le ïeftes de l'extérieur eft fort nu. Il règne une térraffe autour de fon rez-de-chauffée, qui eft fort agréable, & d'où l'on découvre une belle vue. On voit dans ce palais un cabinet précieux de petits tableaux des plus excellens maîtres d'Ita» lie & de Flandres, prefque tous extrêmement beaux. On n'a pas eu le temps de prendre no, te des meilleurs : mais les noms font derrière les tableaux. refte on ne trMl pas avotr rien oliblfé qui foit digne d'attenuc POGGIO CATA2ÏL P I S T Ò Y A. p isto r a. ; j L n'y a rien de fort curieux dans cette ville pour un artifte : cependant on peut voir la cathédrale & IVglile des Jacobins. Elle eft afiez" grande & jolie : mais il y a peu d'habitans. On y fabriqué beaucoup de fulils & de piftolets. r*ar VOYAG'E D'ITALIE. L V C HU E S, C^jETTE ville eft fortifiée ; fes remparts pre, duifent un fort agréable afpeOi , parce qu'ils font décorés de fort beaux arbres de haute futaie. Us font placés fur le talud intérieur du rempart, fur fept à huit rangs» & les places d'armes des" baftions en font aufli remplies. Cela produit une promenade fort agréable. On voit I'Armeria ou Arfenal,où il y a une aflez nombreufe quantité d'armes modernes, tenues en bon ordre. 11 y a peu de bons tableaux à vo:r dans cette ville, & ce n'eft guère la peine de s'y arrêter. Au Dôme, on voit à la troifìeme chapelle, â droite, un tableau du Tintoretto \ repréfentant la Cène : le Chrift y paroit environné d'une Gloire. Il n'y a de bon que la compofition , Se quoique bizarre , elle a quelque chofe d'ingénieux Se d'une bonne chaleur d'imagination : du refte c'eft un tableau affez défagréable, d'autant plus qu'il eft fort noirci. A l'églife Sainte Marie , on volt un ta-bleiu du Guercino : c'eft Sainte Lucie a genoux , tenant fes yeux dans une coupe. Ce ta?- L U C Q.U E S. 9Ç kkau eft fort beau ; la tête de Ja Sainte eft belle', d'un beau carattere , & elle a des grâces. 11 eft bien drapé ; la couleur en eft bonne , fans être précieufe ; elle eft en général , ainfi que le pinceau, un peu pefante & fatiguée* • Aux Dominicains , au premier autel, à gauche , un tableau du Frate , où l'on voit un fere éternel , avec ces mots Alpha Omega z en bas, plufieurs Apôtres ou Saints, une Sainte Lucie & une autre Sainte Rcligieufe. Ce tableau eft'Lon,d'une couleur claire: il y a destê* tes de femmes , belles & agréables. Au fécond autel, à gauche, eft un tableau de Vanni de Sienne^ repréfentant un Chrift en. eroix, qui apparoit à Saint Thomas. Derrière ces principales figures on voit un fond d'architecture, où il y a quelques Moines. Ce tableau eft beau ; il eft peint d'une fort belle maniere ;. les petits Anges qui font en haut,' fon traités tapement & largement la tête du Chrift eft belle , & il eft bien peint : la compofition n'a 'ien de fort ingénieux. r Dans la dernière chapelle de la croifée, à. Souche, on voit un .tableau du Frate i au haut eft un Chrift ; en bas, une Vierge entourée. de plufieurs Saints : il y a de fort bonnes cko* fcs, & il efthien peint. ; ^5 VOYAGE D'ITALIE. Dans la chapelle a côté , il y a deux tableaux qui ont du mérite. L'un repréfente un Nom de Jefus , environné de gloire, un Evéque à ge* noux , & un Cardinal debout : ce tableau eft de bonne facon. L'autre, un Saint Pierre'guériflantdes malades il eft de bonne maniere , & tient beaucoup de celle duiGucrcino. E3A f églife de S Pietro Civor/ *tu fond du^ choeur, on y voit une Vierge & deux autres figures de Pietro Perugino : c'eft un des plus beaux morceaux de ce maitre. A une chapelle dans la croifée , à droite , eft un tableau de George Vazarim, repréfentant la Conception de la Sainte Vierge. La Vierge eft en haut ; fous fes pieds eft le ferpent, avec une tête humaine ; il eft autour de l'arbre de la' feience du bien & du mal ; les branches de cet îîrbre s'étènde»t & enchaînent plufieurs Saints de l'ancien Teftament 11 y a de bonnes chofes dans ce tableau , furtout pour le deflein : On y voit plufieurs têtes qui font belles & d'un grand caractère. A une chapelle ,vers lemillieu de IaneF, à droite , eft un tableau /où il y a un Chrift & plufieurs petits Anges , deux Saints Vieillards à Genoux fur d^s nuces , & en bas , quelques autres figures. Ce tableau eft, dit-on , de Pietro da Corto na L U C Q.U E S. «,-, Cortona, quoiqu'il ne foit ni de fa couleur ordinaire , ni dans fa maniere moelleufe de peindre. 11 eft au contraire d'une couleur claire & grife , & d'une maniere nette & un peu féche il y a cependant beaucoup de fa facon de def-finer & de coëffer les tètes. Il a des beautés de deffein & des grâces. Il peut être de ce maitre » avantìqu'il fe fût formé une maniere , & il paroit avoir été fait à l'imitation de celle du Guide. De l'autre côté de la nef, aune chapelle vis-à.vis . on voit le martyre de Saint Laurent, avec quantité de figures. Ce tableau , quoique bon, paroit bien foible en toutes fes parties pour être de Lanfranco, à qui on l'attribue. On voit à Naples , de ce maître, des chofes bien fupérieures. A.l'cglife de Sancta Maria Cottalan-dina. Dans une chapelle de la nef , on voit un tableau du chevalier Bidotti, repréfentant la Nativité de Jefus. Il y a de bonnes chofes ; les figures font bien grouppées ; la tête de Saint Jofeph eft belle. A une chapelle dans la croifée dejl'églife, à droite, il y a un Chrift en croix , Sainte Catherine & Saint Jules , de Guido Reni. Ce tableau eft très-beau ;;le deffein en eft d'une grande fineffe, avec ces vérités de détail dans l'e« Tom. Il, Fan,. IH i 9? VOYAGE D'ITALIE, xecution des parties, en quoi ce grand maitre excelloit. La tête du Chrift eft admirable , & exprime bien la douleur dans un beau caractère. La tête de Sainte Catherine eft tres-belle • elle a de belles mains & de beaux pieds , fans maniere. Le corps du Chrift eft un peu étroit du haut, non que la nature ne foit telle dans la p'ûpart des hommes : mais on peut dire que ce n'eft pas un beau choix. Ce tableau eft d'une belle exécution dans toutes fes parties, d'une couleur claire, & d'un grk un peu verdâtre, 'qui eft la dernière maniere de ce grand maître. Au maître-autel eft une Affomption, de Luca Giordano , peinte largement, bien compofée , mais d'une couleur foible , fourde & peu agréable , d'un gris noirâtre & monotone. A un autel, dans la croifée du côté gauche , eft un tableau de Guido Reni, où l'on voit une Vierge fur des nuages, avec deux Anges, Sainte Lucie & Sainte Catherine. Ce morceau eft froidement compofé & traité d'une maniere féche : il y a cependant toujours des vérités de nature fines & délicates. , Un ancien Voyage d'Italie cite , à l'cglifc de S. Frediano , quelques peintures de Bagna cavallo. PISE. PISE. Çjette ville eft traverfé par la riviere d'Ar-"o, qui y eft d'une belle largeur. Rien ne rappelle mieux l'idée de Paris que cette partie de la riviere dans l'intérieur de la ville ; elle y eft bordée de quais affez larges ; on la traverfe fur trois ponts (i) , dont il y en a un de marbre. Elle eft petite, & ne contient pas beaucoup de curiofités d'art. Le Dôme eft une grande Eglife affez-belle ; l'extérieur en eft gothique , tout bâti de marbre , & orné, fans goût, de colonnes de toutes fortes de marbres , recueillies des édifices antiques, qui ont été détruits. Les pierres font fouvent chargées de iculpture ou d'inferip-tions antiques. L'intérieur a de la beauté par la quantité de grandes colonnes de granit, dont il eft foutenu ; ce qui lui donne un air demi-antique & demi-gothique, Cette églife eft obfcure ; les portes en font de bronze à bas-ïeliefs , mais prefque tous mauvois & demi- (i) On n'a pas eu l'ineptie de" couvrir les ponts de maifons , quiauroient empêché lx beauté de cet afpett. Que n'enpeut-oa dire autant de Parisi loo VOYAGE D'ITALIE, gothiques : ils font de Bananno. Il y a cependant quelques petites | figures détachées de Saints', qui font mieux. A un autel en retour , [àia croifée à gauche, on voit un tableau, où eft reprélentéc une Vierge avec plufieurs Saints : on le dit de Raphael. La tête de la Vierge eft eflez belle ; les têtes des deux Saintes qui font à.genoux fur le devant, ne font ni belles, ni nobles ; il y a des draperies bien peintes : la fymmétrie de la compofition la rend froide. Aux deux côtés du chœur , il y a en bas deux petits tableaux d'Andre del Sarte , chacun d'une figure feule. Le premier, à droite , eft fort beau ; la tête eft trés-fine & belle. Il y a dans Me fond de ce chœur , quantité de peintures, qu'on dit des Zuccari, & autres ; niais il y a peu de chofe qui foit bon. On voit au haut de la nef, derrière un pilier, un tableau dans le goût de Raphael, & de fon école , qui a des beautés. Sous le bas côtés de la nef, à droite , font deux tableaux de peintres modernes, Romains , l'un de Corrado , l'autre de Mancini. Celui de Mancini eft bien foible ; celui de Corrado vaut mieux , quoiqu'il ne foient pas fort beaux , ni l'un ni l'autre. Ce dernier repréfente un Fape, pise. lot Dans la croifée , à droite, eft un grand tableau de Benedetto Lutti : il repréfente Saint Ranieri , quittant fes habits de Prince pour prendre ceux de Moine. Il y a de belles têtes , un bon agencement de compofition , des choses d'aflez belle couleur. La perfpective en eft défagréable & vue de trop près : d'ailleurs il eft trop Sfumato. Derrière le principal autel, on voit un tombeau ; dont l'urne & le piédeftal font fort beaux & décorés de bon goût. On fait remarquer dans la croifée, à gauche, derrière l'autel , comme quelque chofe de beau , deux figures de marbres, repréfentant Adam & Eve , qui ne valent rien du tout. Un tombeau moderne , de très-petite maniere , & foible d'exécution. On remarque entr'autres chofes à cette églife , la tour où font les cloches : elle eft inclinée extraordinaircment par l'affaiflement des fon-démens. Cette tour eft ronde , à fept rangs de colonnes, l'un fur l'autre, furmontée d'une tourelle plus étroite , qui eft aufli décorée d'un ordre , & qui penche beaucoup moins. Elle eft bâtie de marbre , & ornée de diverfes colonnes antiques , trouvées dans des ruines. Non feulement elle penche, mais elle paroit tortue & tendante â fe redrefîer ; ec qui fait foupqonner 1 3 -,oa VOYAGE D'ITALIE, que cet accident eft arrivé avant qu'elle fût tout- « à-fait bâtie, & que ceux qui l'ont acbevé,ont tâché, de pencher de moins en moins : il paroit-rnême que les colonnes font plus longues aux trois ordres d'en haut, du côté quelle penche. Au refte elle n'eft point de bonne architecture ; chaque colonne porte deux retombées de petits arcs:& eft couronnée d'une corniche. Ces colonnes font ifolées , & laiflent un paffage derrière elles, autour du mur circulaire de latour,qui eft tout unijcequi la rend agréable,ornée & légère. Campo santo, édifice gothique, affez beau. C'eft un grand cloître , au milieu duquel eft un cimetière de terre apportée, dit-on, de Jérufa-jem. 11 y a quantité de tombeaux de marbre , dont quelques-uns font antiques:mais ils ne font pas d'une beauté digne de remarque. Ce cloître . eft décoré de peinture anciennes , dès les com-mencemens de la peinture, par confequent mau-vaifes:on y remarque cependant déjà une faqon de draper ce de former les plis,fort bonne,quoi-que féche,& des caractères de têtes, qui ont de la vérité, mais baffe : il femble que ce foit des portraits fervilement & froidement rendus (i). (i) Aces premières manurps Je 'a peinture ont fuccéilé des manières, où il y a fans doute beaucoup plus de goûr : mais a force de chercher le goût & l'air d'aifauce, n'a-t'on rien perdu de la vérité &dc la PISE. 10, Les fixHiftoires de Job] font dites du Giotto ; le Jugement dernier, cY André d'Orgogne , Se l'Hiftoire de & Ranieri, de Simon Menimi Ce cloitre eft bâti de marbre, comme prefque tous les édifices importans de cette ville, le voifinage des carrières le rendant très-commun dans ce pays. En entrant par la porte, & fe tournant à droite, on voit au fond de la galerie un tombeau de marbre, avec une figure couchée deffus , qui eft affez belle. L'architecture en eft belle Se traitée de très-grand goût : feulement les con-foles en griffes de lion , qui fupportent le cercueil, poroifient trop longues. Au côté droit eft un portrait en bufte , qui eft fort beau : furtout les mains font bien traités.» & ont beaucoup de vérité. Derrière l'églife, en dehors, vers le chevet variété? Ce? bonnes gens , en faifant dans leurs tableaux les portraits de leurs amis, vatioient facilement les earaéteres des tètes : en cherchant de belles têtes, prefque toujours imaginaires, a-t'on des ref-fources auffi étendues , Se aufli fùres pour atteindre le vrai? Ce grand fini, quoiqu'un ptu fec, eft.il plus méprifnble que des à peu-près. Jl eft certain que les grands maîtres les plus cftimés , tels que le Dominicain , dans la communion de Saint Jérôme, & plufieurs antres, ont cru qu'il étoit néceffaire , en travaillant dans une maniere plus large, d'allier l'exactitude & l'avcrtiflement aux détails de la nature » avec l'apparence de Facilité dans Ufuirt. i 4, 104 VOYAGE D'ITALIE. eft un tombeau ancien clevc fur des confolcs ^ où il y a d'affez beaux bas-reliefs. On voit près de la, fur une colonne, un vafe en partie antique,* en partie reftauré : il n'eft pas d'une belle forme en général , & eft jourd ; mais il y a autour un bas-relief antique , où il y a d'aflez belles chofes. Devant l'églife eft le Baptistère , qui eft un édifice gothique, de marbre. La forme en eft ronde ; l'intérieur eft plus beau , 6c eft foutenu de grandes colonnes portant arcades , laiflant une forte de bas côtés tout autour. Ces colonnes en portent d'autres qui foutiennent une coupole. Au milieu eft un Baptijicrc ancien, de forme odtogone. Outre la cuve du milieu , il y a quatre autres profondeurs ou cuvettes étroites , dans lefquellcs on plongeoit pour bap-tifer par immerfion. A S. Stephaxo , il y a deux tableaux qui paroiflent de Bronzino ou de l'Ecole Florentine : il y a des chofes bien defiinées. On y voit un autel de porphyre , dont l'architecture eft bonne 6c d'un goût mâlé. Les figures de fculpture font mauvaifes. AS. Matheo, il y a un grand plafond, qui tient toute l'églife : il eft de Mêlant. C'eft une fort belle machine de compofition, & d'un bon PISE i0ç efTet.'L'agencement desgrouppes eli: fort bon: mais prefque toutes les figures en font pillées de Pietro da Cortona. La gloire eft trop jaune ; l'architecture peinte , qu'on y voit, fait afiez bien fon effet. En général, c'eft un bon tout-enfemble : mais en détail, cela ne paroit pas "bien defliné. Aux côtés de la nef de cette églife , font quatre tableaux de Mancini, Romain moderne : il n'y a guère à y louer qu'un affez bon agencement de compofition. La couleur en eft morne , monotone , cV le deflein fans finefle & fans efprit. • Au maître-autel, on voit un'tableau repréfentant Jefus appellant Saint Matthieu à l'apofto-lat : il eft affez beau , & il femble compofé des deux manières , du Guercino & de Pietro da Cortona. 11 eft peint avec franchife. On cite aux Cordeliers quelques peintures de Cimmabué, une Vierge, un Saint Francois, &c« Au bout du pont de marbre ; il y a un édifice bâti par les Mcdicis . à ce qu'on peut juger par les armes qui y font. 11 refiemble à une loge Propre pour des marchands. 11 eft à arcades, avec des pilaftres grouppés d'ordre Dorique. Il n'y a de triglyphes que fur les pilaftres, & fur le milieu des arcs ; ce qui rend la frife nue & ir-réguliere. Cet édifice eft beau jufqu'à la corni» so6 VOY AGE D'I T ALIE. ehe du premier ordre : c'eft ce qui eft bati an, ciennement, On l'a exhauffé d'architecture d'un goût moderne , & qui n'eft pas bon. Le chapiteau femble défectueux , en ce que le quart de rond a trop de ventre ; ce qui le rend lourd. Il y a encore dans cette ville quelques façades de maifons décorées d'un goût affez mâle. LIVOURNE. L I V0 VR NE On y voit nn grand Fort, qui eft fort beau, dans lequel il y a un petit Port intérieur, & des canaux avec plufieurs ponts d'une arche , la plupart de marbre. La ville eft jolie : niais il n'y a ni peinture, ni fculpture , excepté fur le port, au fortir de la ville » où l'on trouve une ftatue d'un Medici?, avec quatre efclaves attachés au piédeftal. La ftatue principale eft une mauvaife figure. Les efclaves ont des beautés, furtout les deux vieillards : ils font traités d'une maniere affez grande , chargée Si reffentie. Au refte ils font fort incorrects ; les têtes ne font point d'un beau caractère ; les détails en font rendus féchement, les jeunes efclaves font mauvais. Les pieds ont finguliérement le défaut d'avoir les doigts trop petits pour le pied ; & en y voulant donner une maniere grande & h:rge , tout y eft outré. <~ e ne font point de? morceaux diftirgués. Il y a dans cette ville une Sinagtcuf pour les Juifs, qui eft ; ffez ornée : c'eft un quarré long, avec des bas côtés foutenus de colonnes ieg VOYAGE D'I TAL I E. On voit aufiì, à Livourne , une Manufatta: re de corail, où on le coupe, on l'arrondit fur la meule cannelée, on le perce , enfin on le met en colliers pourl'ufage des Barbar efqu es. Fin de la troifìeme partie. & IT AL I E y QUATRIEME PARTIE. bolognesi):, «L«j'Eglise de San Pietro. Au Sanctuaire , °n voit une Annonciation (figures plus grandes lue nature ) peinte à frefque , par Ludovico barraci : ce tableau eft d'affez bonne couleur , une maniere grande , mais foible d'ailleurs ^es têtes ne font pas fort belles l'Ange eft af- (0 On trouve à Bologne un Livre font indiqués tons lts tableaux qu'il y a à voir dans cette ville : il eft ••tlrpofé d'une maniere commode , en ie que tous qui font d'une beauté diltinguée , y font marqués •Une étoile *, &que ce choix eft fait avec jufteffé. ^'nli un voyageât qui n'a qu'un temps borné, peut fofliircr qu'en ne négligeant aucun de ceux qui font 'jnli défignt's, ilavu tout ce qui étoit véritablement J'.gne de fon attention. On a fuivi ici l'ordre de ce ■Mvre. ïî0 VOYAGE D'ITALIE, fez mal drapé pour qu'on ait peine à devinet laquelle de fes jambes eft la droite ou la gau. che. Le cul-de-four du même Sanctuaire , eft peint fur les defleins de Gio Batljia Fiorini, & coloré par Céfar Arclufi': il y a de fort bon. nés chofes , & cela eft moëlleufement peint. La Madonna, di Galiera, autrement dit le Couvent des Filippini. A la premiere chapelle à gauche, on voit un tableau du Guercino da Cento, repréfentant S. Philippe de Néri, en ex-taré entre deux Anges : la Vierge eft en haut. Ce tableau n'eft pas du meilleur de ce maître . les ombres en font d'un rouge noirâtre , & la compofition n'en eft pas fort inginieufe. A la feconde chapelle, à gauche , eft un tableau dt-Y Albani ,• c'eft l'Enfant Jéfus, de l'âge de huit à dix ans, entre S. Jofeph lifant, & la Vierge : il accepte les inftrumcns de fa paf-fion ,' qui lui font montrés par de petits Anges dans une Gloire, où eft aufli le Pere Eternel. La Gloire eft bien compofée , les enfans font très-gracieux ; l'Enfant Jefus eft admirable , de belle couleur , la tête pleine de grâce : il pa„ roit très-lumieux. A la véritéc'eft aux dépens du refte du tableau qui eft un peu dans la demi-teinte ; la tête de la Vierge eft très-belle. Les trois figures d'enbas font compofées froidement & ne grouppent point. BOLOGNE, n, L'Adam & Eve, & les autres peintures à fret que dans eette même chapelle , font du même Peintre, & paroiflent belles, mais elles font mal en jour : on n'en jouit pas bien. A la troifieme Chapelle , eft un tableau de Thercfa Muratori Moneta. On y voit faint Thomas touchant les plaies de Jefus-Chrift , en préfence des autres Apôtres. Il a de bonnes chofes dans ce tableau : il eft bien compofé, bien delfine, mais d'une couleur très-grife. On voit plufieurs excellens tableaux dans la facriftie , entr'autres l'Annonciation , en deux morceaux cYAnnibal Car radie ,•" S. Andrea Codini, de Guido Reni. Plufieurs tableaux du Guercino, & de Y Albani} la Vierge & l'Enfant Jefus,fainteAnne & un Angç,d'ElifabethSirani, Une autre Vierge avec faint Jofcr h , du GcJJï\ faintc Cutherina Vicjri, qui tient entre fes bras l'Enfant Jefus, de Pajinelli. Dans une chapelle détachée de l'Eglife , il y a un tableau de Ludovico Carrocci, peint à fref-Çue fur le mur : c'eft un Ecce Honmio , où l'on Voit Pilate fe lavant les mains. Ce tableau eft très-beau, d'une belle compofition , d'une.bon-ne couleur & d'un bel effet. Le Palais Favi. On y voit plufieurs chambres dont les frifes font peintes par les ttrois Tl2 VOYAGE D'ITALIE. Carrachcs &une par Y Albani. Toutes ces frifeg font extrêmement foibles , & faites avant que ces maîtres cuffent acquis le degré de capacité auquel ils font parvenus depuis. Il y a dans ce palais beaucoup.de tableaux de Donato Crcti, peintre de ces derniers temps : fon deffein eft affez correa:, mais ces tableaux font un peu fecs & de petite maniere. 11 y a cependant des équifes de lui fort belles , Se faites avec beaucoup d'efprit. On y voit aufli un;tableau d'une Vierge , Se quelques autres figures , de Simon da Pcfaro1, qui eft/d'unc trés-grande;beauté, d'une couleur très-belle & extrêmement gracieufe. Au Palais Torfanini. Il y a des peintures de Nicolo dell' Abbate , de Colomna, Se de Mitclli * ( i ). Au Palais Aldovrandi. On voit quelques frefques de Vittorio Bicjari Se de Stcphano Orlandi , Se quelques ftatues antiques. |. L'Eglife San Bartholomeo di Reno, a la premiere chapelle à gauche , on voit la Nativité de Jefus, cYAugnfiino Carrocci : ce tableau eft très-beau , d'une maniere ferme Se d'une Les étoiles ? qu'on trouvera à la fin de plu. fieurs articles qui regardent cette ville, indiquant les tableaux dont il eft fait mention dans le Livre Italien, qui fe débite à Boline , defquelson n'a pas pu prendre de no te» POLOGNE ||| bonne couleur, p'us belle que celle de Louis Carrache. Les deux Prophètes dans la voûte font auili de ce maitre. Les deux petits tableaux des côtés ; repréfentant la ( irconcilion, & l'Adoration des Mages, font de Ludov-co Carracd. 11 font très-beau , niais fort noirci : on y voit prefque rien. Au Palais Tanaro. Sur un mur , au fond du portique , eft un Hercules combattant l'Hydre , peint de grifuille , par le Giurano} il eft très.beau & d'un caractère grand , quoiqu'il y ait quelques incorrections de deffein. Une AfTcmpcion de la Vierge , du Guercino i fujet de quinze figures ( de grandeur naturelle. ) Ce tableau eft admirable il cil de la beauté & du caractère de deffein de la fainte Pe'tronille de Rome ; les têtes Se les mains font de la plus grande beauté; & d'une vérité de nature admirable : la compofition en eft très-belle , bien grouppée ; la maniere très-grande & forte , les ombres obfcures & un peu noircies. Un martyre de faint Laurent, traité de nuit & aux flambeaux : on le dit du Tiziano , mais il n'eft pas fort beau. Un Saint Auguftin, du Guercino: la maniere en eft un peu dure & rouge. Il eft cependant beau. Tom. IL Part. Ili K [14 VOYAGE D'ITALIE. Une Vierge, l'Enfant Jefus & faint Jean, de Guido Reni, plus grand que nature. Ce tableau eft de la plus grande beauté ; il eft bien drapé & de grande maniere ; il y a de belles têtes ^ les ombres font fortes & ont encore noirci ; les demi-teintes en font belles. On voit un tableau de deux figures (grandeur naturelle;, par la même Guido Reni. On croit qu'il repréfente Salomon à qui une de fes femmes ôte la couronne, en fe jouant. Ce tableau eft d'une maniere plus claire & plus propre-, mais moins grande & moins large que le précédent : i eft defïiné , peint & exécuté d'une Unefle admirable ; la femme eft d'une grande beauté, & pleine de grâces; les draperies en lont tiaitées avec beaucoup de dilicateffe , d'iene touche mépl; tte , & les plis bien formés. C'eft un tableau très-cftimafclc ; belles têtes belles mains , pieds dél'carr, d'une exécution précieufe, d'une grande fraîcheur de couleur, ci d'une netteté de pinceau admirable ( i). Quatre tableaux cXAnnibal Carracci , forfc be::ux.. Deux tableaux cY Augurino Car acci, bien défîmes cfc de bon ton. JJn tableau delaCêne,par le.même Auguftina CO On dit que ce tableau n été acheté parleRóì" de-Pologne, Electeur de Saxe,k BOLOGNE. Hj Carrocci, bien compofé , bien drapé , de bon car ictère , mais foible d'ailleurs. Ln Jouer de luth , du même, bon , mais de m uivaife couleur. S.Giuseppe,Hôpital des vieux.-îl y a quelques ouvrages de Colcnina & de Mltdli. Au relie, ce ne font pas d'ordinaire d'excellcns auteurs *. S. BENEDETTO. Ala premiere chapelle , a droire , on voit le mariage de fainte Catherine , de Lucio Mafjari *t Au quatrième autel, cil un tableau , repréfentant la tentation de faint Antoine , confolé par Jefus-Chrift, & plufieurs figures de Vertus , du Cavedone *. Au premier autel, à gauche, on voit la Vierge affligée , tenant la couronne d'épines & la Magdel'eine, dtTiarini* L'Eglife de Gîesu ci Maria. Premiere chapelle, à droite; il y a un tableau repréfentant S. Guillaume â genoux devant un Crucifix" en haut, on voit une Gloire , où eft la Vierge , fainre Mag.leleine, & beaucoup d'enfuis; dans le fond, on appercoit deux petits diables qui rentrent en terre : ce morceau eft de Y Albani. Le Saint paroit manquer un peu de caractère , & eft d'une couleur un peu rouge , foible & de peu d'effet : d'ailleurs il eft. correct de deffein. La Gloire eft ingéni<*"r'~ K z u6 -VOYAGE fD'ITA LE ment compofée & bien grouppée ; les femmes & les petits enfans font remplis de grâces , les têtes en font aimables : les deux diables font trop petits, & paroiffent, par cette raifon , postiches dans ie tableau. Au maître-autel, eft un ^grand tableau > du Guercino : c'eft la Circoncifion de Jêfus. Ce tableau eft d'une grande beauté ; il paroit entre la premiere maniere ferme & bleuâtre de ce maître , & fa maniere rougeâtre : les ombres en font cependant encore très-vigoureufes. Il eft très-bien compofé, .quoique les figures foient vêtues d'une faqon un peu bourgeoife: il eft exécuté nettement, & bien fini ; les étoffes font rendues avec foin. Le chirurgien , ou celui qui fait l'opération fur un autel ; qui tient un peu trop du pagantfme , & cil orné de bas-reliefs) fèmble vêtu de velours rouge ; la tête de Vierge eft très-belle , & exprime un fentiment de douleur tendre & trèf-noble , à la vue de l'opé ration qu'on faitâ fon fils. Le S. Jofeph eft fort beau; le petit Jéfus eft moins bien : es têtes des jeunes hommes , qui femblent fcrvfr d'acolytes , font d'une très,grande beauté ; la couleur en eft fort bonne , fans néanmoins êtrepré-cieafe. Il femble que le fini de ce tableau y jette un peu de dureté que n'a point ordinairement ce maître: c'eft cependant s en général x un excelr BOLOGNE, 137 lent morceaux, & plein de chofes admirables. Le Pere Eternel qui eft au deflus > eft aufli dn Guercino. Un tableau de Jefus-Chrift, qui defeend , en habit de Pèlerin, fe faire laver les pieds par faint Auguftin , de Michel de Subleo , élevé pu Guide. Il y ade belles parties, des tètes belles & gracieufes ; mais ii eft dune maniere dure Se tranchée . & d'une couleur aigre. Palais de l'Institut des Sciences, ^ans hi falle des inftrumens de phyfique, on v°it des peintures à frefque , par Nicolo del Abbate, bien traitées, d'un peinceau large & «cile , de bonne couleur & de bonnes formes. On y voit aufli des plafonds de Pellegrino Tibaldi, qui repréfentent divers fu jets de PO-diflee. On d c que ce maître a précède les Car. Taches, & qu'ils l'ont beaucoup étudié. Si cela eft , ils ne font point les invanteurs de ce grand .caractère de deffein qu'ils ont amené dans ia Peinture , Se les morceaux de celui-ci font d'un caractère de deffein aufli grand qu'aucune chofe de ces maîtres ; la maniere en eft grande & ^rrible : on y voir les raccourcis les plus har-$s & les plus admirables , deflincs nès-feavam-toent, Se de très-grandes figures dans de pe-*ls efpaces* Cn voit drus la falle d'architecture , de pe- ,l8 VOYAGE t'iTALTE. tits modèles des aiguilles & colonnes de Pome Un portrait de Carlo Cignoni, porte par la Renommée , qui n'eft pas fort beau , mais qui eft un témoignage de l'eftime qu'on y a eu pour cet excellent peintre. Dans la falle de chirurgie , on voit deux fign. tes en cire colorée, & plufieurs écorchés q0j *ont très-bien & fort corrects de forme : ces ouvrages font faits par un fculpteur moderne, qui, à ce que l'on croît, s'appe le Lilio. Il y a auHTi, dans la cour de ce palais , une ftatue d'Hercules, faite, à ce eue Ton croit par le même fculpteur.. Elle eft fort belle , & d?un bon caractère. Cet édifice eft d'ailleurs curieux pour la diC tribution très-bien ordonnée des feiences & des arts,dans des falles où l'on trouve toutes les chofes qui peuvent fervir à les enfeigner. L'architecture de ce palais n'eft pas mauvaife. L'Eglifedes Mendicanti di dent-ro. a la premiere Chapelle , à droite , eft un tableau çYAlçfandro Tiarini, & quelques frefques q; { ornent la Chapelle. Le tableau repréfente S. Jofeph amené par des Anges aux genoux de la fainte Vierge, à qui il demande pardon du fcùpcofr qu'il a euau fujet de fa groiTcfle. C'eft un très-beau morceau , d'une couleur belle & vigoureufed'un fort-bon-effet,, bien-delfine r BOLOGNE. it* d'une maniere ferme & décidée ; la tête de Vierge eli: d'une très-bonne couleur : ëlie 4 Paroit un peu âgée , & d'un caractère peu gracieux. •Au troifìeme autel, eft un grand tableau de Louis Carrocci, repréfentant S. Matthieu appelle à l'apoftolat. Ce tableau eft compofé & beffine de grande maniere : il a de belles cho-fes, & particulièrement les têtes. Cependant '1 ne fait pas grand plaifir : il eft d'une couleur Obfcure, qui a encore noirci par le temps; d'ailleurs il n'y a rien d'extrêmement beau , & ^ s'y trouve des incorrections de deffein , telles que le bas de la figure de faint Matthieu , ta frain de - hrift, & quelques autres parties , qui fle font point belles. Dais cette même chapelle font deux petits tableaux d'Anges , de Berrujio , élevé de Fouis Car roche,' qui paroiflent cependant dans lé goût du Parniegicnino , & d'une couleur belle, fraîche & forte. Au quatrième autel, à droite , eft un tableau, du Cavedone, repréfentant faint Alo cS: faint Petronio à genoux , la Vierge , l'Enfant Jefus, & ^elques Anges en haut. Ce morceau eft de 'a plus grande beauté:on y trouve ouresles parties de l'Art dans un excellant degré; belle corn polì-tion, belle couleur, belles vérités, foit dans les. xto VOYAGE D'ITALIE. - . têtes, foit dans l'éxecution des étoffes ; touche facile & pleine d'art. Le Livre des ciiriofitéS de Bologne dit que le Cavcdone a cherché dans ce tableau le goût du Tiziano ; mais le bas du tableau femblè plutôt dans la touche & dans le goût du Guide : la Vierge & le haut du tableau tient davantage du. goût des Carraches. Il femblè réunir les manières des plus grands marti es; les têtes ont toutes les beautés de détail, & les draperies font de cette belle exécution qu'on admire particulièrement dans le Guide* les ombres ont toute la force du Curavate , & les demi-teintes ont la fraîcheur des grands pei ntres Vénitiens ; le grouppe de la Vierge eft d'un grand caractère de deifein : la Vierge a une draperie volante, qui n'eft pas heureufe, & qui paroit lourde. Les deux tableaux des côtés, qui représentent des mincies de Moines , dont un qui rattache le pied d'un cheval qui avoit été coupé , font du même peintre y mais plus foibles, quoique beaux : la couleur n'a pas les mêmes fraîcheurs. Ils font fort dans le goût de M. A. de Curavate, A la cinquième chapelle, eft un tableau de Luigi Valevo , peintre en miniature, qui fit ce morceau à huile : il y a de bonnes chofes , affez iines & gracieufes de deffein. 11 repréfente l'Annonciation, BOLOGNE. izi A l'autel principal, eft un très-grand tableau de Guido Reni : ce font, en quelque façon , ? deux morceaux réunis dans le même tableau. ! Dans le haut eft fuppolée une toile fur laquelle *ft peinte une Notre-Dame de Pitié, avec le Chrift mort, & deux Anges. Le morceau d'en bas repréfente faint Charles & quatre autres Maints Protecteurs de la ville de Bologne , qui regardent le tableau d'en haut. Ces fortes de fu-lets onr le défaut que ce qui eft fuppofé tableau eft aufli vrai que ce qui eft fuppofé réalité , au refte , dans la partie du haut , le Chrift eft couché de fon long , & vu de profil la Vierge eft debout, ainfique les deux Anges. Cela eft lymnetrique, & d'une compofition froide , mais d'une couleur très-forte , & qui a beaucoup de Vivacité, furtout les draperies des Anges. Les têtes des Anges font belles & pleines de grâces, leur douleur eii majeftuèufc & belle ; l'expref fion du fentiment de douleur dans la Vierge , eft noble & d'une grande force ; la figure du Chrift mort, femble avoir un peu trop de roi-deur : il eft néanmoins defliné d'une très-grande fine'ffe , & avec de très-beaux détails. Les figures du bas font aufli d'une grande beauté , Particulièrement les têtes : il y a des enfans quj font dellinis d'un contour coulant & fin , digne d'adaiiration ; le ton général de ce morceau cil Tome, // Part. ML L 3ZZ VOYAGE D'ITALIE, brun, Se les ombres fort obfcures & reffenties. Cependant il femble que le Guide a moins de fraîcheur & de grâces qu'il n'a eu dans les au. très manières qu'il a fuivies , qui font d'une belle couleur claire & tendre ; ce qu'il a en-fuite porté à l'excès. Au relie, ce tableau eli un des plus eftimés de ce maître. A la troifìeme chapelle , eft un très-grand tableau de Guido Reni: il repréfente S. Giobbe remis fur le trône; à qui l'on apporte des préfens. C'eft un des plus admirables morceaux qu'on puiife voir de ce maître ; il eft dans une manie--jre tendre , & en général d'une couleur un peu grife, mais extrêmement agréable Se précieufe , avec des fraîcheurs & des finefles de tons admirables, La compofition en eft ingenieufe , fimple, & variée de figures de différens âges & de différent fexe , agencées avec beaucoup de jugement & de goût ; les têtes font belles & remplies de grâces ; le deffein en eft d'une fi. ueffe admirable ; les détails de tableau , animaux, bijoux, &c. font faits avec vérité Se avec une belle facilité ; les draperies font formées avec netteté, d'un choix de plis Se d'une touche méplatte excellente. 11 y a une très-belle intelligence de lumiere dans ce tableau, & une belle dégradation dans un ton tendre : les devants font reflétés, & les ombres s'obfcurciflént a me- BOLOGNE. i2j fcire qu'elles s'enfoncent; intelligence vraie, in. génieufe & peu commune. 1 y à quelques incorrections de defiein dans uhe figure, fur le devant du-tableau, qui foutient un mouton; le genou & 1a jambe droite ne font pas bien attachés l'un à P.-tutre, & le genou gauche paroit trop gros; la maniere de former & de defiiner les nvjfcles du dos , eft trop molle , & manque de carattere : il femble qu'il y ait de l'indecifion. ïls ne font formés que par des efpeces" de linuo-fités qui paroiiTent incertaines : cette figure,' du refte, eft tres-bien peinte. C'eft un défaut qu'on trouve dans plufieurs des t bleaux de ce trés-admirable maître, de manquer fouvent de carattere & de fermeté dans les figurés d'hommes. La voûte de cette chapelle eft du Cavedone. S. Leonardo. Dans la troiiieme chapehe, à droite , on voit S. Antoine de Fadoue , baifant les pieds de l'Enfant-Jefus : ce tableau eft ti Elizabeth Sir ani > femme , élevé du Guide. Il eft très-beau, fort bien delfine , d'une maniere ferme , & les ombres fortement frappéss, de fort belle couleur & d'une belle fraîcheur de demi-teintes : les têtes font gracieufeç. Au maître-autel, eft un grand tableau de Louis Carracci : il repréfente le martire de iain.ee Urfule , & celui de.faint Léonard. C'eit L z 12+ VOYAGE D'ITALIE, une grande compofition de quantité de figures îngénieufement tournées , bien grouppées & bien drapées : ' belles têtes!& belles mains. Au refte , ce tableau ne fait point d'effet ; non feulement il eft fort noirci par le temps , mais il femble auffi avoir été peint d'un ton trille 6c monotone. Tout y paroit confus. La petite coupole à frefque & peinte parles frères Roli. Ce morceau eft gracieux & beau , mais de peu d'effet: il tient en quelque chofe ■ du goût de M. A. de Caravâge, Au quatrième autel, à gauche , on voitl'ap-parition de la feinte Vierge , accompagnée d'Anges , à fainte Catherine, difpofée a recevoir le coup de la mort, & au moment que l'on va lui trancher la tête. Ce tableau eft un des plus beauxlde Louis Carracci; la tête delà Vierge eft belle , ou plutôt plus jolie que belle : elle a des grâces ; la figure eft bien deffinée, & bien peinte; les draperies en font faites à grands plis & bien jettées , auftlbien que celles des Anges qui l'accompagnent. La fainte Catherine eft moins [bien, quoique belle ; les mains font-dé-feclueufes, 6c ne font bas bien deffmées : la couleur & l'effet penerai de ce tableau font mornes , défaut ordinaire fà ce maître. Eglife de S. Vitale. A la premiere! chapelle , â droite , eft fuintRoch , peint par Viani : BOLOGNE* i2* ce tableaux eft aflez bon, & d'un goût qui tient de celui du Guercino. II y a quelques autres morceaux qui ne font pas fans mérite. Dans une grande chapelle à gauche , on voit à l'autel un tableau peint par Francejio di Fran-Otta j qui n'eu pas fort beau. 11 y a fur les côtés deux grands tableaux Peints fur le mur, où il y a de fort belles cho-fc« Celui qui paroit le plus beau eft la Vifita-tion de la Vierge , par Bagna Cavallo , peintre fort ancien. La maniere en eft large & allez nioélleufe ; la nature y eft rendue avec vérité, ^ais^d'une maniere un peu baile. L'autre repréfente l'Adoration des Bergers , de Giacomo Francia, fils : il a des beautés , delà ferme-te, & à peu-près les mêmes défauts que l'autre t.;b e:.u. S. Giacomo Vagiore. On cite dans cette eglife les tableaux fuivans , comme dignes d'être vus : la Vierge avec Saint Jean-Baptifte , Saint Etienne, Saint Auguftm , Saint Antoine & Saint Nicolas , de PaJJerotti. Saint Roch, malade & confo lé par un Ange , Par Louis Corrucci. Plufieurs Saints Evangeliftes & Docteurs de ^'églife, a frefque , de Lorenzo Sabbattini. Quelques autres-peintures de Pellegrino Ti. baldi *. IZ6 VOYAGE D'ITALIE Palais Magnani. On voit dans ce palais une galerie célèbre, peinte par les Corrachcs ( elle a été gravée). Ce font des frcfques (figures de grandeur naturelle) , qui décorent la frife d'un grand fallon : les fujets font diverfes actions de Rcmus et de Romulus. Plufieurs de ces morceaux font d'une grande beauté, furtout pour le carattere du deffein & les belles formes. On croit que c'eft aufli dans le même lieu qu'on voit un tableau à frefque, d'unAmour qui dompte un Satyre , & un autre d'un Apollon en folcii, tous deux d'une grande beauté. On a oublié les défauts qui peuvent s'y rencontrer : feulement les jambes d'Apollon font défettueu-fes & trop longues. Le tableau de l'Amour ren-verfant le Satyre , eft ù'AuguJiin Carracci : il eft d'une couleur qui tient de celle des vieilles tapifleries. Le Satyre eft fort beau ; les cuiffes & les jambes de l'Amour font trop fortes ; la touche.du payfage eft belle & large. Celui d'Apollon eft de Louis Carrocci fon frère : les têtes en font fort gracieufes. Il y a dans ce même endroit plufieurs frefques fur les cheminées , le tout par les Corrachcs, & conféquemment fort beau. On ne fçaitfi c'eji dans ce même palais , ou dans le palais public , qu'on a vu les tableau» Suivons. BOLOGNE. iz7 Un tableau repréfentant l'Emblème delà vie kumaine, de Guino Cagnacci : belles têtes, belle couleur , mais pauvrement delfine. Un tableau de Giitfeppe del Sole ,• où eft une-figure & un cerf : on dit qu'il repréfente l'Amour divin. La maniere en eft une imitation du Guide. .11 y a beaucoup de douceur de pinceau, bonne tête, mauvaifes mains, deffein incorrei. Une Sainte Famille qu'on dit de Raphael, & qui a des beautés. Un tablean fort bon , par lo Spagnuolo ; il repréfente un jeune homme cafqué &a'ilé. Un S. François Xavier, vrai & fin de deffein. Une Magdeleine, du Guercino, de fa dernière maniere , rougeâtre & fondue avec propreté. S. Martino Maggiore. Au fécond autel, à droite, on voit Sainte Magdeleine de Pazzi, entre Saint Alberto & Saint Andrea Corjìno , par Cejare Gennaro, neveu & élevé du Guerci' no} bon. Une Annonciation, de Bartholomeo PaJJcu rotti, bon. Au cinquième autel, on voit Saint Jérôme & deux Anges: il implore le fecours du ciel pour l'explication de l'écriture fainte; par Ludovico Carracci. Ce tableau eft fort beau, L 4 I28 VOYAGE D'ITALIE. 1 d'une maniere grande & forte , & d'un très, grand caractère de 'deffein ; il eft debon ton ; les jambes & 4es pieds font lourds. Une Sainte Urfule, du Sementi, bien deffinée. S. Pietro Tlioma , crucifié. Le même Saint, complimenté par Saint Dominique & Saint François, de Louis Carrocci Ces tableaux paroiffent beaux : mais ils font oin de la vue. Une Vierge, du Guide , original ou copie. Elle eft loin de la vue*; ainfi on n'en peut pas bien juger : elle paroit cependant belle. Palais Grassi. On y cite un Hercules de Louis Carractif'des peintures d!1 Aldôbrandini & d'Ercole Graziani,'peintre moderne , qui a du mérite , & des fculptures àe\Giujeppc Muffa *. S. Thomaso del Melcato. Aux deux côtés de la porte on voit deux tableaux de deux figures chacun ( de grandeur naturelle). L'un repréfente Saint Jofeph & Saint Dominique ; l'autre Saint François de Paule , & Saint Antoi. ne de Padoue : ils font peints par Simon da Pe~ faro. Ces tableaux font très-beaux, mais d'une couleur peu brillante ; belles têtes,belle parties, belle fimplicite'. Au grand autel eft un tableau de M. Zanotti i peintre moderne : c'eft Saint Thomas à genoux » fe repentant de l'incrédulité dont il vient d'e- BOLOGNE j2f tre convaincu. Ce tableau eft d'un fort bon ton, d'une maniere large & grande , & bien drapé. Il y a de l'harmonie , & il eft d'un boa caractère. SS. Fabiano e Sebastiano. Au premier autel on voit un tableau de Y Albani / repréfentant la'Vierge, Sainte Magdeleine & Sainte Catherine La Madona di S. Colombano. Le Livre Bolonois y cite un Saint Pierre pleurant, de Y Albani &c. * Eglife de S. Giorgio. Apres enavoir'vu les tableaux , on n'en fit point une note particulière, & la mémoire ne les repréfente pas aifez diftinctement pour en porter aucun jugement. A la premiere chapelle eft ie Baptême de notre Seigneur, avec une Gloire [d'Anges autour du Pere éternel, par Y Albani. A la quatrième chapelle eft Saint Benizio , à genoux devant la Sainte Vierge & l'Enfant Je. lus, commencé par Cantarmi, & la partie d'en bas finie par Y Albani. . A la fep iime chapelle on voit "Annoncia. tion , par Ludovico Carrocci. Dans la huitième on\oit la Pifcine, du mê. oie Ludovico Carrocci. A la neuvième eft la Vierge avec l'Enfant Jefus, «areffé par Saint Jean , de Ludovico Carerei î}0 voy age d'italie. Sainte Catherine avec Saint Jean l'EvangéH lifte, d'Annibale Carracci. Proche de cette églife, fous un portique, on trouve une Nativité de Jefus, à frefque, de Carlo Cignani: elle eft fort belle, mais très-gatée. S. Gregorio. A la quatrième chapelle on voit l'Ange Saint Michel , Saint Sébaftien & Saint François, peints par le Sementi, élevé du Guide , & qui lui rcffemble beaucoup. A la cinquième chapelle eft Saint Grégoire montrant l'hoftie enfanglanté à un hérétique. Ce tableau eft de Calvart. maitre du Guide : il y a de fort bonnes chofes. S. Georges combattant le dragon,par Louis Carracci, delfine de très-grand carattere. Saint Guillaume, du Guercino , fort beau tableau , très-bien compofé , de très-grande manière, un peu gris & fort gâté. Palais Davia. Il y a une galerie de Carlo Cignani *. Hospitaletto di S. Francesco. Dans le Livre de Bologne , on cite un tableau du C'a. vedo ne , repréfentant la Vierge & l'Fnfant Jefus, S. Jean, S. Jofeph & S. François priant. On y remarque encore çuelques plafonds deCb-lonma 6c de Mitclli: mais ces deux peintres ne font pas du premier ordre, Se l'on ne voit d'eux -BOLOGNE. l}1 Communément que des chofes très-foibles * S. Francesco. Il y a plufieurs tableaux qui ont quelque mérite, enti'autres , âla feptieme chapelle, on voit la Réfurreciion d'un mort, miracle opéré pour délivrer un Pape condamné injuftement: ce tableau eft de Pajinelli. C'eft une belle machine de compofition ; le coloris en eft fort beau , particulièrement dans la Gloire , qui eft belle , foit ro.ir les grâces des tons } foit pour celles du deffein. Une Affomption d1'Annibale Carracci, fi noircie qu'on n'y voit prefque rien. Ce morceau paroit cependant fort beau ; il eft ttès-bien com, pofè. Un Saint Charles , de Louis Carracci. Le Mariage de Sainte Catherine avec l'Enfant Jefus, 6c au deffous le6 quatre Saints Protecteurs de Bologne , du Facini. Ce tableau eft de très-belle couleur , 6c tient du Barocci; mais il eft maniéré & incorrect de deffein. II y a des petits enfans très- bien peints 6c de couleur fort vraie^ Le Triomphe de la croix , qui fait fuir les démons. Elle eft portée par quelques grands 'Anges, ingénieufement compofés. Ce tableau eft de Felix Torelli , peintres des derniers temps , qui eft peut-être encore vivant. La Converfion de Saint Paul, de Louis Carrocci. Ce tableau paroît très - beau , mais u% V OYAGE ©'[ITALIE, il eft noir & mal en jour ; ce qui, joint à lg couleur ordinaire de ce maître , qui n'eft pas yive, ni brillante!, fait que l'on y voit guère que la compofition , qui eft belle. Le Livre cite encore quelques tableaux dans cette églife , comme étant du premier ordre y tels que la Vierge & l'Enfant Jefus , Saint Jean. Baptifte , Saint Jaques, Saint Thomas, Saint Bonaventure , del Brizio. Stint Paul, Kermite , & Saint Antoine , du Tiarini. Le Eaptême de Jefus-Chrift, qu'on a noté comme allez bon. Quelques autres tableaux , du GeJJi & de Tiarini. Si on n'a pas noté ces tableaux , il eft vraifemblable que ce n'eft point par oubli , ayant fait mention des autres qui font dans cette même églife : c'eft plutôt parce qu'ils ne paroillent que médiocres ; ce qui les a fait négliger. S. Lodovico. Au maître - autel on voit une Vierge 6c plufieurs Saints , d'Andrea Sira-ni. Ce maître n'eft ordinairement que mèdio, ere *. S. Mattia. A la troifieme chapelle, à droite , eft une Annonciation , du Tintoretto. S.IGioanni Baptista. A la premiere chapelle , à droite, eft une Annonciation , du BOLOGNE xU Calvari , peinte en 1607. 11 y a des chofes fort gracieufes. Au troifìeme autel, à droite , on voit la naif, fance de Saint Jean-Baptiftc, par Louis Carrac-Cl- II y a de trés-belles chofes dans ce mor ceau , furtout la tête de la Vierge , qui eft très-majeftueufe : le ton général eft trifte , comme dans la plupart des ouvrages de ce maître. A Saint Pellegrino eft une frefque d'An-nibal Carracci, ouvrage fait dans fa jeu effe *. S. Rocco. Le Livre cite plufieurs peintures dans une frife , dont une du Guercino: on ne fe fouvient pas de les avoir vues *. La Carità. Le Livre fait mention , comme-d'une bonne chofe, d'un tableau du Galanino * S. Nicolo e S. Felice. Une Vierge & plufieurs Saints, le premier tableau qu'ait fait An-nibal Carracci : il doit être aflez médiocre ; & ce que l'on montre des commenceméns de ce maître , eft trcs-foible ¥. Palais Rizzardi. Cité pour des frefques de Cotonina *. Si Maria Nuova. Cité pour un tableau de Jefus-Chrift préfenté au temple , de Tiarini ¥. 1 Le Convertite. Il y a quelques peintures Çu'on a vues : mais on en a perdu la note \ • J. Cappucini. Au premier autel, à droite, IJ4 VOYAGE D'ITALIE, on voit la Vierge, l'Enfant Jefus , & au defTbus Sainte Catherine & Sainte Lucie , de PifandlU U y a de fort belles chofes : les têtes font dans un caractère qui tient de Rubens. A la feconde chapelle, a gauche, eft un Cru. cifix, à qui Saint François baife les pieds, du même peintre. Ce tableau eft mauvais. Au fécond autel , à droite , eft un tableau de Y Albani. C'eft l'Enfant Jefus dans les bras de la Vierge, qu'il quitte pour confidérer la croix , le calice Se les autres inftrumens de fa paflion > qui lui font montrés dans une Gloire de petits enfans. La tête de Saint Jofcph eft très belle, auffibien que deux têtes d'Anges adolefcens , qui font derrière la Vierge, Se dont les caractères font beaux & gracieux. Les petits enfans de la Gloire font ingénieufement compofés , bien grouppés , Se ont beaucoup de grâces. Le pinceau de Y Albani eft extrêmement doux Se flatteur ; la couleur en eft agréable , iansavoic beaucoup de fraîcheur. Ce tableau paroit, ainfi que la plupart de ceux de ce maitre, un peu trop doucereux ; l'attitude de la tête de l'Enfant Jefus eft forcée. La. Piazza. Maggiore. On y voit une Fon, taine publique, dont la fculpture eft de Jean de Bologne. 11 y a tant de fculpture, en peu d'ef-pace, à cette fontaine , qu'elle en paroit un peu BOLOGNE. ï?; conFufc & trop chargée. Le Neptune de bronze, qui eft deffus , eft beau', d'un carattere grand & reflenti : mais il paroit un peu maniéré , & avoir peu de fineffe. L'attitude femble trop écartillée; ce qui eft à éviter en fculpture. Il y a quatre femmes en bas, aflifes fur des poiffons» & jettant de l'eau par les mammelles qu'elles Preflcnt de leurs mains elles font fort belles , dans des attitudes gracieufes, mais un peu trop voluptueufes. Au refte elles font bien modelées & d'une nature fimple ; les enfans font maniérés , & formés comme des hommes : ils n'ont Pas les grâces ni les vérités enfantines. Près de cette fontaine , fur le mur du palais public & de l'édifice qui eft vis-à-vis , il y a des Peintures du Guido & de Y Albani : mais tellement effacées qu'on n'y voit prefque rien. Il Palazzo Puplico. Au deffus de la porte eft une ftatue de Pape, affez mauvaife : elle eft CCAlcJJandio Mingami. On voit dans ce palais un Saint Jérôme , de Simon da Pcfaro , fort beau , mais d'une couleur trop jaune. Plufieurs tableaux colorés & de grifaille , de Donato Crcfi, peintre mort depuis peu d'années. Il étoit affez fin deffinateuÌNj drapoit bien , quoique d'une maniere un peu feche, & Ç^i tient du taffetas : mais foible çolorifte. Ses XJur la porte eft un grand tableau, de Leonel Spada, beau & de bonne maniere. Il y a quelques bonnes téter. Dans une petite chapelle eft uneAnnonciation, de Tiarini, très-fine de deffein , & prefque fans maniere. Le col de l'Ange eft trop étroit.. & la tête mal coëffée ; la Vierge a trop d'action. Palais Ranuzzi. On y voit deux tableaux de Bourini : l'un repréfentant l'Amour & Pfi-ché ; l'autre , Pan & Sirinx : ils font de fort bonne couleur. Le payfage eft très-bien touché, d'une maniere facile, & qui tient beaucoup de celle de Luca Giordano, de Naples. Deux grands tableaux ( figures de grandeur naturelle) , de Luca Giordano : l'un eft l'Enlèvement d'Hélène , & l'autre , l'Enlèvement de Proferpine. Us font d'aflez bon ton de couleur, mais d'une nature ignoble , noirs ce durs d'effet: il paroit avoir voulu imiter le Valentin. Un Samfon, du Ricci , mauvais. La Femme de Putiphar & Jofeph ( figures entières, de grandeur naturelle ). C'eft une copie du Guido, parle Sementi : mais elle eft belle comme un original. Le* têtes font d'une grande beauté. Les copies faites par ce maitre doivent être prifes fouvent pour des originaux : i'paroit cependant qu'on peut les reconnoitre au trop de fini. N 5 xa8 VOYAGE D'ITALIE. Une Vierge , du Milanefe ( dimi-figure ). Ce tableau eft brofle de grande maniere , & avec beaucoup de goûc. Diane & Endimion, du Bourini. Ce tableau eft d'aflez grande maniere ; la couleur n'en eft pas vraie , mais cepandent elle eft pleine de Le Samaritain , dit de VEfpagnolctto , bien compofé, defliné avec beaucoup de vérité , d'af-fez grand caractère , mais très-mauvais de couleur. Une Charité Romaine , de PaJJïnelli, demi-figures. Ce tableau eft beau. Un plafond à frefque , de Francefdiini : le fujet paroit être la Fortune qui enchaîne l'Amour. 11 y a plufieurs enfans tenant des attributs allégoriques. Us Jfont pleins de grâces ; la couleur en eft aimable , claire & bonne ; le deflein a beaucoup de fin elfe , & de l'agrément ; l'architetture en eft bien agencée. Un plafond, de Roli, d'un ton fort agréable , mais foible d'ailleurs. On voit un autre plafond , de Roli , dans la chambre à coucher: il eft agréable & bien compofé. Vénus & Adonis ( demi-figures ) , du Sementi élevé du Guide. Ce tableau eft bien defliné , ÒV avec beaucoup de finefle j la tète d'Adonis goût. BOLOGNE r49 eft fort belle : c'eft tout-à-fait la maniere & la couleur du maitre, dans un gris un peu verdâ-tre & bleuâtre , & avec quelque féchereffe. Un petit tableau, d'un homme qui fe lare les pieds, & un âne : il eft bon. Deux têtes , du Guido, qui ne'font pas fort belles. Une galerie peinte par Vittorio Bic/heri. H y a du génie & des tournures de figures gracieuses ; il eft drapé un peu féchement, & comme du taffetas : mais il y a des chofes agréables. Un Saint Francois Se un Ange qui joue du violon ( figures de grandeur naturelle ) , du Guercino , dans un ton rfe couleur noire biftrée. Le Saint Francois eft beau , & l'Ange encore plus. Un Enfant, du même peintre, fort beau. Saint Jérôme, qui entend la trompette du jugement, par Annibal Carracci. L'Ange eft très-beau , & le Saint eft defliné d'une maniere très-grande , mais un peu féche Se d'un ton olivâtre. Deux Hermites , & une petite figure de Vier ge en haut, de Calvart. Ce tableau eft fort beau , de bonne couleur , d'un pinceau flatteur Se moelleux. Une tête dite de Raphael,très-belle Se de très-grand carattere. Les mains font'belles. Saint Domenico. On y voit le Maflacre ,so VOYAGE "D5 ITALI E. des Tnnocens. C'eft un très-beau tableau, de Guido Reni. Une petite coupole a frefque, du même Gui-do Reni. Les Dominicains brûlant des livres , tableau de Leonel Spada, très-bien compoCé. L'Apparition de la S. Vierge à S. Giacinto, à genoux,qui fe prépare à célébrer la meffe.Ce tableau eft de Ludov. Carracci.On y voit les beautés & le défaut de couleur ordinaire à ce maitre. Saint Thomas d'Aquin, écrivant fur l'Eucha-riftie, du Guercino. Ce tableau eft beau , & il y a plufieurs têtes fort belles : il eft dans fon ton de couleur rougeâtre. L'Adoration des Mages, de Bartholomeo Ceji. 11 y a de très-belles choies.; Le Livre cite encore cinq tableaux comme de belles chofes : mais on n'en a point pris note, apparemment par oublk Ce font la Préfen-tation au temple , de Calvart} la Pentecôte , parle Cejì; laVîfitation , par Louis Carracci s la Flage lation , du même l'Affomption de la Vierge, du Guido. Saint Raimond marchant fur la mer, de Louis Carracci. Il y a quelques frefqjes par des peintres modernes, d'affez ingénieufe compofition, & d'affez bon effet. BOLOGNE. TÇI S. Petronio. A la fcptieme chapelle , à droite, on voit la Décollation de Saint Jean-Baptifte , de Vincenzo Caceianemici, peintre qui vint en France du temps du Primatice. U y a de fort belles chofes. Au fond du fanVierge , de Palma Vecchio , d'une fort bonne couleur. Deux tableaux , du Calabrefe, durs Se fecs. Une Magde eine, de Giufeppe del Sole, très-belle & de belle maniere. Un tableau , de M. A. des Bambochades, fort bon. Un tableau du martyre de Saint Laurent, d'un auteur inconnu , fort beau : il tient du .-goût du Pouffw. Un Chrift mort , Se la Vierge ( demi-figures , de Tiarini : très-beau tableau. Un tableau de la Magdeleine , de l'Albani. Le haut de la femme & les enfans font fort beaux ; les mains & les pieds ne font pas bien. Un tableau de Solimcni. Il eft bon , mais il n'eft pas fin de delfein , quoique ce peintre le foit affez ordinairement. BOLOGNE. iç^ Trois tableaux d'Elizabeth Sir ani, repréfentant la Vierge , la Magdeleine, Saint Jérôme : la Magdeleine eft belle, & le Saint Jérôme eft affez bien. Un tableau peint fur le mur. On a oublié le nom de l'auteur , mais il eft bien defliné. Un tableau peint fur bois, où l'on voit une Vierge & l'Enfant Jéfus , Saint Jean, Sainte E-Hzabeth, Saint Antoine &jSainte Catherine : on le dit du Tiziano. Il y a des beautés, & il eft d'une maniere finguliere , furtout quant aux chairs. qui font très-finies , d'une couleur rouC fe , & d'une maniere doucereufe Un tableau du Bajjano ( grandeur naturelle ). Il eft très-beau. Un tableau ( demi-figures) , de Le'onelSpa-da , où eft la tête de Saint Jean. Des Fayfans ou Bergers ( demi - figures ), de Luca Giordano. Ce tableau eft très-beau. Les Pèlerins d'Emmaùs, de31. Bournicr : très-beau tableau, de bonne & agréable couleur. Quelques portraits , beaux , fans être exccl-lens, du Tintoretto. Deux'tableaux d'enfans, de Simon da Pefa-^ TQ , très-beaux , un peu gris. L'Affomption ,: de Louis Carracci. Ce tableau eft beau,d'une couleur aflez viye, peu commune ïçg V 0 Y A G E D'ITALIE. chez ce maître. Il y a de belles parties : on y voit cependant quelques caractères bas, & quelques incorrections de deflein, telles que la main de Saint Pierre , qui eli trop grolle. Un Mariage de Sainte Catherine, par Paul Veronefc, qui n'eft pas fort beau. Une Magdeleine , du Milancfc , très-be'le\ dans la maniere & avec lanneflede deffein du Guido. Il y a un peu de fécherefle. Une Cléo pâtre, du Guido , de belle couleur. Ce tableau eft peu fini , & paroit avoir été gâté Se repeint. Un Bacchus Se Ariane, du GeJJÎ, retouché par le Guido, qui cependant n'eft pas beau. Une tête de femme, d'un des Carraches : on croit que c'eft d'Annibal. Elle eft de bien grande & belle maniere. Une Judith coupant la tête d'Holopherne; C'eft un tableau tres-beau , bien compofé ; les figures font grandes dans le tableau ; l'expref-fton en eft terrible. Le fujet eft pris dans le moment du paifage de la vie à la mort, Se rendu d'une maniere effrayante. La tête de Judith n'eft pas d'un carattere noble. Les mufcles des bras d'Holopherne ne font pas marqués jufte, ni aflez fenfiblement. On a perdu le fouvenir du nom de l'auteur : mais on .croit que ç'eft M. A. de Caravagc. BOLOGNE. rs9 Un Saint Sébaftien, du Tiziano, trcs-foible.-Les mufcles n'y font pas affez reffentis. Samfon, de Carlo Cignani, beau & d'une maniere large. Un tableau de la naiffance de la Vierge, .de Louis Carracci, affez foible. 11 eft bien drapé , & il y a quelques belles têtes. UneSufanne , de Paul Vcronefe. Ce tableau eft très-beau, d'une belle couleur, claire & fraîche ; la figure de la femme eft d'une nature trop commune ; le carattere de la tête n'eft pas affez noble ; les chairs font d'une grande beauté. Palais Casali. Il eft cité pour quelques tableaux de Louis Carracci *. . Palais Ratta. On y voit un S. François , de Bourini, d'une maniere ferme, & d'un pinceau large. La couleur en eft grife, & il eft incorrett de deffein. Un Apollon qui écorche le Satyre Marfias, de Cefi, d'affez bonne couleur, bien delfine. 11 y a des chofes fines & vraies. La Sibylle & Enée, de Canuti. Ce tableau eft foible, quoique d'affez bonne maniere: il eft cependant bien compofé & bien grouppe. Un tableau de Tiarini, où eft repréfente le S. Suaire, affez bon de façon & d'idée : mais il eft fec, & il y a de mauvaifes têtes. î6-0 VOYAGE D'ITALIP- Une Vierge , de SavonaJJi. C'eft un aflez bon. tableau , furtout pour la couleur. L'Enfant prodigue , petit tableau ( figures d'environ dix-huit pouces ) , du Guercino. Il eft beau , fans avoir rien de bien précieux qu'une belle maniere. Une tête d'Ange, de Giufcppc del Sole, d'une très-belle couleur , & d'une grande fraîcheur. Saint Jofeph & l'Enfant Jefus , buftes dits du Guido. Ce tableau eft beau : cependant il ne femble pas affez bien partout pour être de lui. La main du Saint eft mauvaife & fans fi nèfle de deffein ; la tête femble faite pefammant. Une Vierge â qui Saint Jofeph remet l'Enfant Jéfus , de Simon da P efaro. Ce tableau eft d'une' grande fineffe de deffein ; il y a des grâces , & le pinceau en eft trés-agréable ; la couleur en eft charmante , quoiqu'un peu grife. Une autre petite Vierge , de Y Albani, ^Frois petits tableaux , fujets d'hiftoire , d'un des BaJJans, fort bon. L'Adoration des Rois , de Bourini. Elle eft remplie de chofes agréables. Quatre tableaux , où il y a"de bonnes chofes: on croit qu'ils font de Giacomo Brandi. Un Saint Jérôme"', de Pafinelli fort bon. La Sibylle ( demi-figure de grandeur naturelle ) du Domiuiddno. Ce tableau eft admirable BOLOGNE i6t ble pour le deffein & la beauté du caractère de la tête ; la maniere d'ajuler , de draper & de former les plis , eft (impie , bel'e & vraie; la couleur en eft foible, dure & paroit féche , parce que les ombres en font noires & tranchées; cela vient, du moins en partie, de ce que le temps les a noircies. Un Saint fortant du tombeau à la voix d'un enfant, du Calobrejh Ce tableau eft très-beau -il eft ajufté dans le goût de Paul Veroncfe i m lis un peu gris. I! y a cependant des chofes très-agréables de couleur & de deffein ; le Saint eft dans fa couleur noirâcre ordinaire. 11 y a quelques fécheretTes S. Lucia. Le Livre y fait particulièrement mention du martyre de trois Jéfuites tableau de Pafìnelli. 11 y en a un autre repréfentant une Vierge-accompagnée de Saint Jean - Baptifte , Saint Charles & Sainte Thérefe, par Carlo Cignoni' S. Bernardo. A la feconde chapelle , à droite , on voit une Vierge couronnée par Dieu le Pere & par Dieu le Fils , avec Saint Jean-Ëaptifte, Saint Jean L'Evangelifte , Saint Benoit & Sainte Barbe , de Guido Reni, dans fes commencemens. Ce n'eft qu'une foible imitai-tation de fes maîtres. A la cin.p.reme chapelle, à droite , on voit Tome. Il Part. IV. Q m VOYAGE D'ITALIE. S. Franccfca Romaine, qui reffufcite un enfant mort, par Tiarini, tableau bien compofé r bien drapé, d'une maniere ferme, & où il y a de belles expreffions ; la couleur en eft grife& noirâtre. Ala fixieme chapelle , à droite , il y a un S-Charles à genoux r adorant l'Enfant Jefus -, la S. Vierge, S. Jofeph & quelques Anges, Ce tableau eft trés-foible , & des derniers temps de Louis Carracci : il eft fait d'une maniere pe-fante;la couleur en eft trifte; latêtedelaVierge eft cependant gracieufe; le S. Jofeph eft d'une couleur plus claire, fans être agréable. S. Pietro Martire. Au maître autel on voit la Transfiguration, de Louis Carrocci;, tableau bien defliné, d'un grand carattere & bien drapé: les plis font cependant brifés un peu féchement; la couleur en eft foible; la tête da Chrift eft très-belle & noble. Au premier autel, à gauche, on voit la Vifitav tion, du Tintorctto. C'eft un tableau affez foible , mal drapé & incorrett de deffein. Il y a quelque chofe de bon dans la couleur , & de bonnes malles d'ombres & de lumières ; la tête de Vierge eft d'un carattere bas > l'autre tète: de femme eft meilleure;. S..CHRISTINA. Au quatrième autel, à droiter an voit S. Cliriftine.maltraitée pour la foi:, par BOLOGNE. J6ì fon pere : c'eft un tableau de Camiti, où il y a beaucoup de génie. La tête de la Suinte eft fort belle ; la couleur n'en eft pas vraie , quoiqu'a-gréable en plufieurs endroits. Ce tableau, en général, eft foible. Au maître-autel on voitl'Afcenfion, de Louis Carracci. Ce tableau , eft d'un bon carattere de deffein, bien dr;:pé, mais foible d'ailleurs. On voit encore dans cette églife deux figures de fculpture ( plus grandes" que nature ), de Guido Reni, qui dans fa jeuneffe effaya cet art: elles rcpréfentent Saint Pierre Se Saint Paul. Lfes font mauvaifes Si lourdes. La Madonna del Piombo. Au fécond au=-tel, à droite , on voit Saint André étendu fur la croix, Saint BarrJiéfemri, Saint Charles , Safnte Lucie & Sainte Apollonie ,' de Federico Benco-vich , Vénitien. Ce tableau eft très-beau , bien compofé, deffiné avec ji:ftcffe & vérité ; la couleur en eft claire & belle. 11 a de bons tons ; les ombres en font fortes. L'Oratouio. A l'autel on voit la Naif-fance de la Vierge-, del'Albani, tableau bien compofé, d'ans une maniere plus ferme que d'ordinare-, & qui tient beaucoup des Carra-ches: il ne femble point de-lui Les Sibylles des côtés>& les Anges peints dan? - 0 2 ifa VOYAGE D'ITALIE." la voûte, fonc du Guido : ils font néanmoins aC fez médiocres , & même dans une maniere qu'on ne lui connoît point ordinairement. L S:- r vi, ou YEjiife des Servîtes.. Sous le portique qui environne l'églife, on voit quantité de frefques repréfentant diverfes aciions & miracles de Saint Bcnizio. Le premier & le meilleur de tous ces tableaux, qui eft très-beau , eft de Carlo Cignani : il repréfente un Efant mort au pied du tombeau du Saint, & un Aveugle qui touche le tombeau. U eft fait d'une maniere très-large & facile, & d'une couleur vigoureufe: les têtes en font belles. Cu. maitre eft un peu. jaune dans fa couleur. Le fuivant eft de Viani : c'eft le Saint porté au ciel par des Anges. U eft beau,, très-gracieufe-ment Se finement dc'Xmé , & d'un bon effet.. Les meilleures de ces frefques font de ces deux maîtres , celles de Cignani furtout. Le cinquième eft de lui '> le huitième eft fait fur fon deffein , Se retouché de lui ;. le dixième Se le douzième font de fes élevés , fur (es- dclfetns ; le fenderne , le neuvième, le onzième, font de Viani i le' quinzième, repréfentant le Saint qui célèbre à l?autel,.; eft de Do--menico Viani, le fils : il eft bien, quoique in., férieur à ceux de fon pere;. Dans l'égliiç, au feptieme autel,, à droiteeft: BOLOGNE. ,<î- la Vierge appellée Madonna del Mondo ,vavec des Anges, Saint Jean-Baptifte, Saint Jacques & Saint Francois de F ule , du Tiarini. Ce tableau eft trés-beau : les têtes font be les : il eft bien delfine , & d'une belle couleur ; les ombres en paroiffent trop égales , & elles ont noirci j?ar le temps, Un Chrift en croix, eY Elizabeth Sir ani ,. peu correct de deffein , mais bien peint, &„d'u-_ne maniere très-moëllcufe. Au douzième-autel, à droite , eft repréfente le Miracle de Saint Grégoire à la nielle , par Tiarini. Il eft peint très-moëlleufement, de belle couleur & d'un fort bel effet. Les trois mille crucifiés , d'Elizabeth , Sira-ni , tableau bien peint, mais incorrect. On voit un tableau d'un peintre moderne, nommé Hercole Gratinai : il repréfente un Saint communiant à la meffe, & le Miracle d'un Religieux qui, tombant en extafe, a abandonné fon fiambleau qui fe fou ti eut en l'air. Ce tableau eft beau, fort gracieux , d'un beau choix de caractère de têtes. Le peintre paroit avoir cherché à imiter Y Albani. La f réfentation de la S. Vierge enfant, au temple, avec Sainte Anne & Saint Joachirn, fefeau tableau, fort dans le goût de M. A..dc.Ca* j66 VOYAGE D'ITALIE. ravage, de belle couleur: il eft de TiarìnL Le Mariage de Sainte Catherine , fîinnoccn-tio da Immola, beau, peint moèlleufemenr. Il y a quelques têtes très-belles. Aune des chapelles on voit un tableau de S. Charles, qui eft affez médiocre.Dans la voûte Se aux côtés, eft repréfentée l'apothéofe du Saint, avec des enfans foutenant les attributs de l'é-pifeopat. Ces tableaux ont été faits à la lumiere en une nuit, par Guido Reni Se font très-beaux. Au feptieme autel , à gauche, on voit S. La-zioji, pèlerin, & Jefus-Chrift qui fe détache de fa croix pour lui guérir une plaie à la Jambe: ouvrage de Domenico Maria Viani. Ce tableau a desbeautés •, il eft delfine d'un bon Si grand caractère, bien peint, & d'une maniere large : mais il eft monotone de couleur, Au cinquième autel, à gauche, on voit S. André adorant fa croix. C'eft un grand tableau de Y Albani, très bien conferve , & d'un ton général très-clair; ce qui eft fort rare dans les grands tableaux dece maitre. "1 eft tr-!s-beau. La tête du Saint eft fort belle, suffi bien que toute lu figure, qui eft très-bien deffinée. La couleur, quoique claire, n'a piintou n a que très. y.eude fraîcheur, & e'ft grife cu-jaunâîre.. Au troilienie autel , a g iuche , eft un 'grand- BOLOGNE. i<*7 tableau de VAlbani, repréfentant Jefus-Chrift qui apparoit à la Magdeleine. 11 eft d'une couleur fraîche Se vermeille , plein de grâces , Se d'un pinceau extrêmement agréable. Il y a des vérités de nature, deftinées très-finement. La tète de la Magdeleine eft très belle ; celle du Chrift femble d'une beauté un peu trop affectée. Ce tableau eft fort noirci dans les fonds. S. Tomaso di Strada Maggiore. On y cite, au fécond autel , à droite, un tableau cru Guido, Se au fixieme, un tableau de Tiarini* Palazzo Vizzani ou Lambertini. On y cite plufieurs tableaux de différens maîtres avant les Carraches*. Palazzo Zani. On y cite des frefques de Guido Reni, & la Madonna della Rofa, par le Tarmegianino % S. Gio in Monte. A la troifieme chapelle, adroite, on voit un tab'eau repréfentant le Martyre de Saint Laurent de Francefchini. Les deux tableaux ronds, repréfentant Saint Jofeph Se Saint Jérôme, font du Guercino. Ils font beaux , mais d'une maniere un peu douce-reufe : l'enfant n'eft pas bc u. A la cinquième eh-pelle, à droite, on voir rn Roi baptifé par S. Annicno, de Benedetto Gen~ nari, neveu du Guercino. Il eft affez beau , <& ■W dans la maniere de fon oncle.. a(îg VOYAGE D'ITALIE A. la huitième chapelle , à droite, eft urr grand tableau , fort riche de figures, du Domi-niellino. Cette grande compofition fait un mauvais effet en total , par le défaut de grande maf-fes de lumières & d'ombres , & il y a de la confufion ; ce qui peut venir en partie de ce que les ombres ont noirci, & auffi du défaut de grouppes dans la compofition. Le fujet eft la Vierge du Rofaire : ce tab'eau eft admirable dans les détails , & paroit un des meilleurs morceaux fur lefquels un peintre puiffe étudier pour toutes les parties du deffein. Il y a de belles formes, un beau choix de nature , des ajuf-temens ingénieux & fimples , une belle maniere de draper. Les têtes de la Vierge , de la Victoire , de l'ange qui porte la croix , & en général de prefque toutes les figures , font de la plus grande beauté. La Naiffance de la Vierge , avec une Gloire d'Anges, de YArcluJt. Ce tableau eft d'un beau fondu, & il y a beaucoup de grâces Le grouppe de deux femmes qui s'embraffent, eft d'une grande beauté. A la feptieme chapelle , à gauche, eft un cé_ îebrè tableau de Raphael , où l'on voit Sainte Cécile , Saint l'aul & quelques rutres Saint ou Saiutes. 11 eft en effet d'une très-grande beauté ; les têtes en font d'un deffein & d'un caractère BOLOGNE. l69 rable ; les figures font drapées du plus beau choix , & les plis bien exécutés. 11 eft admirablement bien peint, quoique la couleur en foit un peu bife. C'eft un des plus excellens tableaux de ce grand maître. Au fixieme autel, à gauche , eft une Vierge avec pluîieurs Saints, de Pietro Perugino : c'eft "un des meilleurs tableaux de ce maître ; mais il eft mal compofé. A la quatrième chappelle, à gauche, On voit une Annonciation , d'Ercole di Alarla , copiée far un tableau du Guido, & retouchée de lui j en effet il y a une tête d'Ange fort belle. A la troifieme chapelle ; à gauche , on voit la Vierge , Saint Antoine , Saint Roch & Saint Sé» baftien], del Bertujìo , aflez beau. A la feconde chapelle, à,gauche, eft un Saint Francois, du Guercino , beau , belles mains, d'une couleur un peu morne. S. Stephano. Cette églife eft citée pourun tableau de Tiarini, repréfentant Saint Martin * Evêque , priant pour la, réfurreétion d'un en* tant¥. Pellazzo RiaRII. On voit dans ce palais plufieurs beaux tableaux , entr'autres Diane_& Endimion, de Louis Carracci. Tome, // Part. IV, F f1p, VOYAGE DTTALIE. Palazzo Buonglioli. H eft cité pou* plufieurs tableaux de grands maîtres *. Palazzo Sampieri. On y voit un beau plafond., de. Louis Carrocci, repréfentant Hercules & Jupiter. Il eft compofé d'un grand génie & d'une maniere terrible , bien de plafond ; le deffein eft chargé, & du plus grand carattere. Un petit tableau de VAlbani, fort bon , mais fort gâté: le fujet eft Mars en l'air, qui vient joindre Vénus. ; L'Adoration des Rois, de Canuti, bon. Le Combat des Centaures & des Lapithes, dit du Tintorctto. Il y a de bonnes chofes ; fur-tout il eft très-ingénieufement compofé, & avec beaucoup de feu. La Vertu ouvrant le ciel à Hercules, pla-fond cVAnnibalCarracci, du plus grand caractère de deffein', & de la plus grande maniere » mais d'une couleur trop rouge. La Pifcine miraculeufe, du Guido, tableau foùVe , où il y a cependant de bellestétes. On voit un petit tableau cVAnnibal Carracci, repréfentant un Chrift enfeveli, fort beau, mais fort noir. Deux Payfages, de Garofoli, vigoureux & de goût, mais noirs. BOLOGNE. i7I Deux petits tableaux de Y Albani: l'un eft une Danfe d'enfans autour d'un arbre , & l'autre , PEnlevemen: de Proferpine. Ils font ex-cellens & tré bien confervis. LaFemne adultere , cYAuguJUn Carracci, bon, mais d'une couleur trifte. La Samaritaine, tableau d'Annibal Carracci, célèbre & fort connu par les eftampes. C'eft en effet un excellent morceau pour toutes les chofes qui dépendent du deffein, & d'ailleurs la couleur en eft fort bonne. Les figures font environ de deux tiers de nature. La Cananee, de Louis Carracci, gracieux & de couleur fraîche; ce qui eft très-rare dans ce maître. Une tête d'Ange, du Guido. Une Vierge, de Carlo Cignoni. Cinq Apôtres enfemble, de Guido Reni, "de fa maniere forte , où les ombres font brunes jfc peu reflétées.1 La Vierge, l'Enfant Jefus & Saint Jofeph, de Tiarini, tres-beau. Agar & l'Ange, bon. Sur la cheminée on voit un Titan accablé fous un rocher, peint par un des Carraches : on croit que c'eft Louis. Saint Pierre pleurant fon péché , & un autre P 2 I7Î VOYAGE D'ITALIE. Apôtre le confolant ( de grandeur naturelle ). C'eft le plus admirable tableau qu'on connoiflc du Guido ; toutes les parties de l'art y font au plus haut degré; il eft d'une maniere forte & vigoureufc, de grand carattere, & avec les vérités de détail les plus finement rendues; les têtes font belles & de la plus belle expreffion ; la couleur en eft vraie & précieufe ; enfin c'eft un chef-d'œuvre , & le tableau le plus parfait parla réunion de toutes les parties de la peinture , qui foit en Italie : il eft bien conferve. Hercule &. Atlas, plafond cYAuguJiin Carracci , très-beau & de très-grand carattere. Combat d'Hercules contre Acheloùs transformé en lion , aufii d'un des Carraches. Saint Jérôme , du vieux Palma , d'un très-bon carattere? de deffein, & très-bien peint : la couleur en eft aflez bonne , quoiqu'un peu jaunâtre. Une tête, du Guido , fort belle. Un Enfant , de i'Algardi. La chair y eft bien rendue. Un tableau dit de Jules Romain. La tapiflerie de cette chambre eft finguliere , en ce qu'elle eft parfemée de petits ronds , dans chacun defquels il !y a une petite .figure croquée de'grifaille, d'un des Carraches, BOLOGNE. i7î Hercules qui étouffe Anthée , plafond du Guercino, d'un raccourci, & d'un caractère de deffein admirable ; la couleur en eft belle , forte dans les ombres, & fraîche dans les demi-teintes. Abraham chaffant Agar, du Guercino , très-beau ; les têtes font fort belles. U eft d'un pinceau un peu doucereux. S. Eartholomea di Porta. A la premiere chapelle , à droite , eft un Saint Charles à genoux, & un Ange , de Louis Carracci. Ce tableau n'eft pas d'une grande beauté ; les mains du Saint font belles & bien defllnées : mais la tête de l'Ange n'eft pas belle. A la troifieme chapelle on voit S. Andréa Avellino , célébrant la meffe : c'eft un mauvais tableau de Garbieri. Les frefques autour, peintes par Colomna » font de fort bon ton , & bien ajuftées, mais peu correctes de deffein-, les caraderes; de têtes font d'un mauvais choix , & n'ont point de nobleffe» A la quatrième chapelle , à droite , eft une Annonciation , avec le Pere éternel dans une Gloire d'enfans , de Y Albani. La Vierge eft d'une grande beauté ; la Gloire d'Anges eft remplie de têtes gracieufes ; la couleur en eft fort aimable. Ce tableau eft noirci & fort gâté. Les deux tableaux des côtés de la chapelle» P ì J74 VOYAGE D'ITALI E. font du même maitre : l'un repréfente la Naif-fance de Jefus-Chrift ; l'autre, l'Ange avertif-fant Jofeph de fuir en Egypte. Ils font tous deux beaux.' Dans le premier furtout la tête de Vierge eft admirable , pleine de grâces Se de belle couleur; la tête de Saint Jofeph eft aufli fort bclle^ de bon carattere & de bon ton; l'Enfant Jefus n'eft pas li bien : ce tableau cil fort noirci. Le fécond eft moins beau, & eft mol de pinceau ; la tête du Saint eft cependant d'un beau carattere : mais la tête de l'Ange n'eft pas belle. Au maitre-autel on voit trois tableaux de Francefchini Se du Caini. On ne fçait point ceux qui font de l'un ou de l'autre : mais en général ils font beaux , bien compofés & defli-nés de bon carattere /d'un bon ton de couleur , & d'une bonne façon de draper. Ils tiennent fort du goût du Dcminichino. i Les frefques de la voûte , peintes par Roli, font bien compofees, bien de plafond , d'une maniere large Se grande, d'un ton de couleur un peu gris. A la cinquième chapelle , à gauche, eft une Vierge avec l'Enfant Jefus , buftes, du Guido. Ce tableau paroit beau :] mais on ne le voit pas bien , parce qu'il eft fous glace, Se placé fort Vaut. BOLOGNE. x7ç Au fécond autel, à gauche, on voit S. Antoine de Padoue, de Tiarini. C'eft un afTez mauvais tableau, d'un ton de couleur de biftre. Il y a fous le portique plufieurs tableauxre préfentant divers fujets de la vis de Saint Gat'_ tano, qui ne font pas fans mérite. Ils font faits par les élevés de Carlo Cignani, & rétouchés de lui. Palazzo Pepoli. On y cite des frefques de Colomna, de Canuti, de Donato Creti , & de Grâziani. Ces maîtres, quoique bons , ne font pas tous du premier ordre *. S. Maria della Vita. Cette églife eft citée pour une Afloaiption , de Lombardi, fculpteur. plufieurs autres ouvrages de ce maitre, font notés comme exceliens dans le Livre de Bolo, gne. Sa maniere de mo.leler e(t facile , & d'affez grand carattere : mais il y a peu de fineffe, & la fculpture a été poulfée beaucoup piuslûir» depuis ce fculpteur. S. Eligio. On y cite un des premiers ouvrages d'Annibal Carracci *. La Misericordia. On y voit un tableau repréfentant une Vierge, Saint Jeun-Baptifte & Saint Sébaftien , d'Antonio Bultrajto , IVlLa* nois, eleve de L. de Vinci. L'Annunziata. Un Saint François en ex-tafe, du GeJJi. P 4 \j6 VOYAGE D'ITALIE. L'Osservanza. Un S. Pietro cTAlcantara de Carlo Cignani: S. Michele in Bosco. On voit à la premiere chapelle , à droite , le bienheureux Bernardo Tolomci , qui reçoit fa règle de la Sainte Vierge , par le Guercino : c'eft un beau tableau. U y a de fort belles têtes ; il eft dans'fa maniere rougeàtre , & un peu doucereux de pinceau. A la feconde chapelle , à droite on voit la Mort du Saint Charles , du Tiarini. Ce tableau eft foible. Au deffus des quatre petites portes font des ovales accompagnés d'enfans ajuftcs avec goût, de Carlo Cignani ; ceux furtout du côté gauche font d'une grande beauté pour la maniéré de peindre moëlleufe, * de très-bonne couleur ; le faire en eft très-large. Dans une chapelle on voit un Saint Jean qui écrit la vie de la Sainte Vierge. 11 y a de belles chofes, & qui font de grande maniere : on le croit de Canuti. Dans la chapelle de la facriftie, à l'autel, eft une copie de la Magdeleine , du Guido , qui eft au palais Barberini , a Rome. Cette copie eft de Canuti : elle eft belle comm« un original. Il y a quelques autres peintures dans cette facriftie , qui ne font pas excellentes. Les meil- B 0 L 0 G N E. ,77 ïeurëB font celles de Tibaldi , oùr il y a d'affez bonnes chofes. • Dans un cloître octogone, & dont l'architecture eft bonne, tous les murs font peints par les meilleurs maîtres. Les morceaux les plus eftimés font : - La naiflahce de Saint Benoît, du Rrizio. ' Sainte Cécile priant ,£& un Concert d'Anges , du même. S. Benoît encore enfant, qui fe retire au dé-fer t , malgré fes parens , du Gcrrbicri. U Saint Benoît au défert environné de peuple. Ce tableau, oui eft tout gâté par le temps , eft de Guido Reni. On y voit encore des reftes de têtes, & autres parties d'une grande beauté, excellemment;deflinées , mais d'une couleur un peu rouge. Le Prêtre enlevé par le diable, de Louis Car* racci Le Saint chaflant le démon par le figne delà croix, du même. L'incendie éteinte miraculeufement par le Saint , du même. Les Saints Tiburio & Valeria.no , portés à la fcpulture, du Cavedone. Les mêmes Saints martyrifés , du même. Les Courtirannes envoyées pour tenter Saint P 4 I?8 VOYAGE D'ITALIE. Benoit, & dans le fond, le Saint qui fuit , de Louis Carracci. Totila agenouillé devant le Saint, en préfen. ce de fon armée , du même. Une Folle qui court au Saint, & eft guérie de fa folie , du même Louis Carracci. Tous ces morceaux font d'un grand caractère de deffein , furtout les figures qui féparent les fujets les uns des autres. Le Froment crû miraculeufement dans la grange, que plufieurs hommes mettent dans des fa es, du MaJJari. La Religieufe qui fort du tombeau au facrifU ce de la Méfie , du même. Le Moine défobéiflant, déterré , du Tiarini. Il y a de fort belles cfiofes dans ce morceau. Le Moine jet.é par le diable du haut d'un bâtiment, du Spada. Le Saint difeourant, du Cavedone. L'Incendie du mont Caflin, de Louis Carracci. L'ame de Saint Benoit, portée au ciel par les Anges. & dans le fond , la mort du Saint, du Cavedone. Dans le même couvent, dans la falle des étrangers , eft un plafond de Louis Carracci, On y voit aufli une Cène, du même. 'BOLOGNE 1?f Les Pharifiens demandant à Jefus - Chrift pourquoi fes difciples ne fe lavoienLpoint les mains avant le repas ; du Tibaldi.- Dans la bibliothèque il y a des peintures , dont les figures font de Canuti. [ I. Cafpbctni. On voit au maître-aurel un Chrift en croix avec la Vierge , S. Jean & la Magdelene, de Guido Reni. Ce tableau eft un des plus admirables de ce très-grand maitre ; il eft d'une couleur vigoureufe, & d'une maniere forte ; le deffein en eft d'i ne vérité , d'une juf-teffe & d'une finefie merveilleufe. La Madonna di S. Luca, églife fu rime montagne. On y va à couvert , fcusvn portique qui a deux ou trois milles de long. Vers le milieu du chemin , il eft enrichi d'une efpe-ce de pavillon d'architeclui e , décoré par bu biena, où il y a quelque génie, quoique l'architecture ne foit point correcte ,& que le plan n'en foit pas bon. L'architecture de l'églife eft grande & ma-jeftueufe ; elle tient beaucoup de l'idée de la Supcrga , à Turin : elle eft de Dotti, architecte moderne. , Le portrait de la Vierge , peint par S. Luc, n'a que fa fainteté de recommendable. Le nez de la Vierge eft grand & pendant. La Chartreuse. Au premier autel, à Igo VOYAGE D'ITALIE. droite]eft Saint Bruno à genoux devant la Sain." te Vierge , du Guercino, très-beau , maniere demi-rouge , demi-brune. Aux deux côtés de l'entrée' du chœur font deux tableaux de Louis Carracci : l'un repréfentant le Couronnement d'épines , Se l'autre la Flagellation, toujours d'un grand goût de deffein , & d'une maniere forte. Les chairs font trop rouges. A une chapelle, à gauche, on voit la Communion de S. Jérôme, cVAuguflin Carracci, tableau bien compofé Se bien deffiné. Les têtes font de grand & beau caractère ; il eft de grande maniere &bren drapé ; la couleur n'en eft pas belle , & eft trifte : c'eft la même compofition , à peu de chofe près , que ce même fujet traité par le Dominichino à l'églife de la Charité k Rome. Celui du Dominichino eft fort fupérieur en tout, & par la beauté desdétails , mais il eft évi-dent que la premiere idée vient de celui-ci. Un tableau de l'entrée triomphante de Jefus-Chrift dans Jérufdlem, des premio fi ouvrages de Pajtnelli. Il y a de bonnes chofes , & une maniere large : mais il eft extrêmement noirci. On voit dans une,des chapelles particulières de la maifon , Saint Jean-Bnpcifte prêchant fur le bord du Jourdain , de Louis Carrocci. Il y a de fort belles chofes dans ce tableau ; la eompofi- BOLOGNE. igï fition en eft belle & finguliere : il eft bien defliné & bien drapé ,-majs d'une couleuriobfcu-re & fans agrément. Le Livre y cite une Réfurreciion commencée par le GeJJi, & finie par Y Albani \ La Madonna de Strada Maggiore. Citée dans le Livre pour une Vierge & l'Enfant Jefus fur le croiffant: Saint Jérôme & Saint François , de Louis Carracci ; une Vierge, l'Enfant Jéfus & Saint Jofeph , de Pajtnclli, la Vierge qui monte au temple , eft de Facini *. Palais Alberghati , maifon de plaifan-ce, à quelque diftance de la ville. On y voit un Sallon à l'Italienne , fort beau , & dont le tout-enfemble eft de belle idée & de bon goût. Les détails qui le décorent,ne font pas de môme & tiennent trop du mauvais goût d'ornement qui règne à préfent en Italie. 11 y a des plafonds de Bourini, qui font d'une maniere large & facile , & d'affez bonne couleur t mais il s'y trou» ve quelques incorrections de deffein. Plufieurs plafonds, dont les ornemens font de Colomna , & les figures de Mittelli. Les ornemens font pefans & de mauvais goût. Les figures font foibles de deffein & de couleur , & d'un pinceau doucereux & trop fondu. Il y a des plafonds de Bighkri, fecs, durs xgs VOYAGE D'ITALIE. <5t d'une mauvaife couleur, faufle & maniérée. La plupart des maifons deBologne ont des portiques, & l'on peut aller prefque par tout à couvert; ce qui produit un affez bon effet, fur tout quand les colonnes font grandes,& qu'elles portent des architraves droites ; car lorfqu'elles reçoivent deux retombées d'arcs , cela les fait pa-roître maigres & foibles,& n'eft fupportable que lorfqu'il y a deux colonnes groupées, dont chacune porte fon arc. Les portiques ont encore ce défagrément que,comme il y a des appartemens au deffus,le plein porte fur le vuide, & le pefant fur le foible. Il y a peu de belle architecture, quelques èglifes & quelques palais, en très-pe-titnombre , & fort peu de beMe fculpture. Mais la fameufe Ecole de Bo'ogne , connue (bus le nom de l'Ecole Lombarde , la rendra célèbre à jamais. En effet c'eft par elle que la Peintute eft arrivée au plus haut degré de perfection. L'Ecole Romaine avoit déjà donné les exemples de la grande maniere & de h fublimi-té du deffein : mais tout le fecours qu'on en ti-Tóit, fe bornoit â l'imitation de Raphael, qui , quoique le plus grand homme qu'il y ait eu dans la peinture, fi l'on confidere l'enfance o û il l'a tirée , n'efteependant pas , fi l'on ofe le dire, le plus grand peintre qui ait exiiU. Ses élevés , quoique plufieurs d'entr'eux fulfent du BOLOGNE. l8? premier ordre, trop affujettis à fa maniere , ne tentoient aucuns des chemins qu'il ne leur avoir, point enfeigné, & ne connoiffoient d'autres beautés dans la peinture que celles qu'il avoit eues en partage. C'eft aux; Corrachcs & à leurs dignes êleves,|qu'on doit l'art de lapeintu. re,complet dans toutes fes parties. Raphael avoit fans doute porté au plus haut degré la pureté du deffein, la nobleffe des idées , la beauté des caraêteres de têtes , la fimplicité & l'élégance des formes, le choix des figures, celui des draperies^ & la compofition particulière des group-pes t mais il n'avoit point connu les grands effets que peuvent produire le clair obfcur, & l'intelligence du jeu de la lumiere. On ue voit prefque point en lui cet art d'agencer une grande compofition de maniere qu'on n'en puiffe rien extraire fans la décompoferr, & qu'elle pro-duife un enchaînement de lumières & d'ombres, qui y laiffe de grands repos. L'amour du grand l'avoit .prefque toujours entraîné a fupprimer ces beaux détails de vérité , qui font retrouver la nacure connue, quoique embellie. Enfin ( fi l'on ofe le dire ) il avoit ignoré l'art de faire des tableaux dont le tout-enfemble fît le même plaifir que chacune des parties prifes â part» Son Ecole, en confervant fa grande maniere, n'auroit connu.que l'art du deffein, &feroit ïgi VOYAGE D'ITALIE. dégénérée dans la repréfcntation d'un beau idéal, qui n'auroit prefque en rien tenu à la na» ture, & le vrai charme de la peinture , qui .eft le coloris , l'harmonie & l'accord général du tableau , feroit peut-être encore à trouver. Les Carraches, après avoir étudié l'antique & les plus grands maîtres du temps , comprirent que ]a nature étoit le véritable objet d'imitation , & que les fuppofitions d'un beau qui lui feroit fup-périeur, étoient en général chimériques. Ce font les principes qu'ils ontdonné àlleurs élevés, par le fecours defquels ils ont fouvent furpaffé leurs maîtres, & d'où l'on a vu fortir les chef-d'œu-vres de peinture , qui font aujourd'hui l'objet de notre admiration & de notre imitation. On voit dans les principaux maîtres de cette Ecole une vérité qui fait croire'que c'eft la nature telle qu'on la connoit, quoiqu'il foit vrai qu'on n'en trouve prefque point d'aufti parfaite. Anni-b.il, dans fes plus beaux ouvrages , ne peut être furpaffé pour le deffein & . le carattere grand & reffenti qu'il y a fqu donner ; perfonne n'a traité les" racourcis avec plus d'art que lui. On y trouve cette fermeté & cette franchife de pinceau , qui, fi l'on en excepte le Corrcgc , étoit affez inconnue avant lui. On peignoit avec foin, ou par hachures ou fondu : mais il femble qu'on ne feavoit point y laiffer cet air de négligeance , qui eft une des plus agréables feduttions dt BOLOGNE xgç l'art, lorfque la jufteffe'de rexécncion n'en fouf-fre pas. Il]ne dédaignoitpoint de profiter de ces détails de la nature la plus commune , qu'auparavant on croyoit devoir fupprimer, & qui font fi beaux lorfqu'ils font traités d'une maniere grande & facile. Les mêmes beautés fe trouvent dans Louis Carrache , quoique , à la vérité , déparées par une couleur beaucoup plus trifte , & par une maniere plus appefantie : mais perfonne ne l'a furpalfé pour la bel'e maniere de draper, & le beau choix des plis. On trouve des tableaux d'Auguftin , qui font pareillement remplis de beautés : mais ce qui met le comble à la gloire de ces grands hommes , ce font les élevés qu'il ont formés. Le Dominicain , fi admirable pour la feien-ce & la pureté du deffein , pour la fim-plicité &', la beauté des carracieres de ftêtes & des ajuftemens, & pour le naturel des attitudes. On admire en lui cette perfection de fini qu'il a mis dans la peinture des grands fu-jets , que trop fouvent on croit devoir être traitée avec négligence/Dans ceux de fes tableaux qui font Tes plus eftimés , on peut remarquer des têtes auffi finies que des portraits , fans cependant qu'il y ait rien de mefquin par l'art avec lequel ces détails [font fubordonnés aux grandes mafles. Difons-le en paffaat : il paroit que Tom. II l'art,. IV. Q, l%6 VOYAGE D'ITALIE. c'eft l'opinion erronée où l'on a été que" la peinture d'hiftoirc n'admet point les détais de la nature, qui a amené en France la diftindtion des talens de cette peinture d'avec celle en portrait, divifion que les grands maîtres n'ont point connue. Delà s'eft enfuivi que d'une part l'on a exigé dans le portrait un fini trop fervile , qui fouvent le rend mefquîn , & qu'on â trop laifle aux peintres d'hiftoire la licence de ne pro.'uirc que des à peu-près fans détail, & fouvent fans fcience de la nature. Ce qui fait le fini d'un tableau, n'eft point le fondu du pinceau, c'eft p'u-tôt le compte rendu avec exactitude, quoique fouvent avec une négligence apparente de toutes les formes & les furfaces de la nature. Il y a des tableaux que les gens fans connoiffance appellent finis , où il manque prefque tout ce qu'un peintre qui connoit bien la nature & le fonds de fon art, auroit mis dans une fimple ébauche. Le Dominicain pèche fouvent par la fécherelfe de fon exécution , & par la foibleffe de fon coloris. Quelquefois les objets manquent de rondeur. Cependant il y a ds tableaux de lui, où ces défauts ne s'appercoivent prefque point, & il eft difficile de colorer d'un ton plus vrai,6i de mieux peindre que ne le font les principales parties, & particulièrement les têtes du martyre de S. Agnes à Bologne, & de celui de BOLOGNE S. Cécile à Rome. 11 eft vrai que les ouvrages de ce maitre , portés à ce haut degré d'excellence , font en petit nombre : mais aufli ce font des chef-d'œuvres. Le Guide a réuni toutes les parties de la peinture, & l'on peut dire que fes principaux tableaux font plus tableaux (s'il eft permis defe fervir de cette expreflion\& plus complets en tout qu'aucun de ceux des peintres qui ontexifté avant & peut-être depuis lui.On y trouve un deflein correct, plein de grâces & de fmefles ; les plus belles têtes qu'on puifle imaginer, particulièrement celles des femmes & des jeunes hommes,& personne n'a pule furpafler, ni peut-être même l'égaler dans la juftefle , la noblefTe & la naïveté qu'il a fqu y donner. Son coloris eft d'une fraîcheur & d'une beauté admirable , furtout dans fon meilleur temps: quoiqu'il ait eu depuis le défaut de faire les ombres trop verdâtres,fesde. mi-teintes font toujours admirables. S'il manque de carattere dans les figures d'hommes, combien ce définit n'eft-il pas réparé par la fa-tisfattion que donnent les grâces qtt'il" fçait répandre fur tout. Peu de maîtres lui peuvent être Comparés pour la beauté du pinceau : fa touche eft toujours fpirîtuelle,facile & cependant exacte. Nul n'a traité les draperies mieux que lui, ni d'un pinceau plus net, & d'une exécution aufli U 2 ^88 VOYAGE D'ITALIE. détaillée fans fervitucle. Tout y eft formé avec jufteffe , & du plus beau choix. L'accord général du tableau , & une harmonie douce , font un des caractères dittinctifs de cet excellent peintre. Cette partie de l'art a fans doute été portée depuis , par d'autres maîtres, a la même perfection ; on pourroit dire même à un plus haut degré : mais elle ne s'eft point trouvée jointe à un fibel affemblage des parties elîentielles de la peinture qu'il en a réunies. Il feroit difficile de citer un tableau auffi parfait en tout que celui qu'on voit de lui à Bologne, dans le palais Sam-pieri, & dont nous avons parli , qui repréfente Saint Pierre pleurant : il ne lailfe rien à défirer. Pour achever l'eloge de ce maître , on peut ajouter que , quoique Rap/iacl l'ait furpaffé pour i'a fublimité des caractères de têtes , & la grandeur des idées ; qu'Annibal Se le Dominicain aient quelque chofe de plus grand dans leur maniere de deiïiner-,. que le Corrcge , le Ti2;ano , Vandyck Se Ruben; foient plus grands coloriftes , néanmoins il eft peu d'art'ftes à qui, fi( par fappofition ) , on donnoit le choix des talens qu'ils défireroient pofféder , fans leur permettre de réunir ceux qui font difperfés en différens maîtres : il en eft peu qui, fe rappel-lantbien le plaifirque leur ont donné les ouvra-vrages du Guide , ne préféndfcnt les fjen?, BOLOGNE ig? Quelle fierté de carattere, quelle force & quel moelleux de pinceau , quelle vigueur de coloris , & quelle hardiefle de tons ne préfente .pas le Guercino ! Quels beaux caractères de tètes ne voit-on pas dans fes tableaux ! Elles ne tiennent d'aucuns des maîtres qui l'ont précédé^ ni de fes contemporains. Ce qu'il a lui eft propre : c'eft la beauté mâle , & toute la force de la peinture . Combien ne voit-on pas de belles chofes de lui à Bologne ! Mais furtout quel prodigieux tableau que celui de Sainte PétroniJ-le à Home ! Et que peut-on lui comparer ? Fer-fonne n'a traité la frefque avec un coloris fi. fier & fi beau , il n'eft point de peinture de ce genre qui approche de celles qu'on voit du Guercino, à la Villa Ludovifi à Rome, & à Plaifance. Sur quoi il eft à remarquer que les peintres à qui l'on peut reprocher d'être un peu noirs à huile, font ceux qui peignent le mieux la frefque , qui par elle-même manque ordinaire* ment de force & d'harmonie, i h'Albani, moins ingénieux , & fouvent même froid dans la compofition , moins colorifte , & prefque fans fraîcheur dans les demi-teintes moins can'.ttérifé & moins fçav? nt diins (en deffein , à cependant été mis par la poftérité au même rang que ces maîtres, par un talent qui lui-eli jiopre, tact il eft vrai qtfufee. feule partie; ï9o VOYAGE D* I T A L I E. e/fentielle de l'art, portée au plus haut degré de fublimité , fuffit pour acquérir la plus grande gloire. La pureté & les grâces du deffein , fur-tout dans les belles têtes, qui lui font particulières, feront toujours un objet d'admiration : fi le Guide ne laiffe rien à défirer pour les grâces fines, naïves & délicates, Y Albani (e diftin-gue par les grâces nobles ,| fages , régulières. C'eft la vraie be; uté dont le modèle n'eft point connu dans la nature, quoiqu'elle en prêfente plufieurs approximations- C'eft à Bologne qu'on peut voir les plus beaux ouvrages de ce grand maitre ; ceux qu'on trouve de lui ailleurs, ne font pour la plupart que des tableaux de chevalet. Les mêmes beautés s'y découvrent : mais elles font bien plus fatisfaifantes lorfqu'on les voit déployées dans les figures de grandeur naturelle. Cette ville n'eft pas moins curieufe pour les amateurs de la peinture , que celle de Rome ; & quoique cette dernière contienne une plus grande" quantité de tableaux , Se qu'on y voye des ouvrages de tous les grands peintres d'Italie , néanmoins celle de Bologne , avec fa feule Ecole , & les chef-d'eeuvres qui en font fortis, peut fe comparer à elle , & même l'emporter à quelques égards. Non feulement c'eft dans •fon feîn que fe font élevés^ les maîtres les plus 'BOLOGNE. I9i célèbres de l'Italie, mais encore les ouvrages qu'elle conferve d'eux , font ce qu'ils ont produit de plus parfait. D'ailleurs , combien de morceaux n'y voit-on pas de maîtres qu'à la vérité^la grande réputation de ces premiers a en quelque façon laine dans l'oubli, mais qui néanmoins font du premier ordre ! Tels font le Cavedone, Tiarini & tant d'autres dont les ouvrages font cités dans ce Livre avec éloge. On ne craint point d'avancer qu'un long féjour dans cette ville pourroit être auffi utile à former un peintre, que celui de Rome. On peut confier fon inftrudion aux Carraches , lorfqu'on voit quels élevés ils ont formés, & combien ces cieves fontdifférens les uns des autres, & nullement efclaves des manières de leurs maîtres. C'eft fans doute une des chofes qui étonnent le plus que cette diverfité de belles manières, venant de la même fource ; elle fait bien l'éloge de lafçavante maniere d'enfeigner l'art, qu'ont employé ces trois grands maîtres, lis ont donné la nature pour exemple , & ont feu prévenir leurs élevés contre tout préjugé en •faveur de leur maniere de la voir : on en concevra d'autant plus la rareté, qu'on fera d'attention aux autres célèbres Fcoles de l'Italie. L'Ecole de Raphael a fulvi li exactement la iou- ig2 VOYAGE D'ITALIE te du maître , qu'on trouve en Europe plus de tableaux qu'on peut donner fous