Vidosav Stevanović 153 Vidosav Stevanović Je commencerai par une constatation très simple: l’Europe existe. Il n’y a plus l’ombre d’un doute, ni pour les eurosceptiques, ni pour ceux qui haïssent l’Europe et travaillent contre elle, ni pour les populations et les Etats des autres continents. On ne peut plus le contester ni le changer, hormis en provoquant des conflits par l’explosion de la folie éthnique et l’autodestruction, au moyen de massacres massifs (quelque part dans les Balkans peut être, comme cela c’est déjà produit dans le passé), ce que l’on nommera plus communément Guerres Mondiales. Ce simple fait détermine tous les autres, qu’ils soient bons ou mauvais. L’Europe existe sous la forme d’Union européenne, une coalition d’Etats comme jamais il ne s’en était constitué auparavant. Elle se différencie des Etats- Unis sur deux grands points : elle n’a ni président de l’autorité suprême, ni de pouvoir central. L’Europe existe physiquement, géographiquement, économi- quement, commercialement, sur le plan du trafic, météorologiquement; elle s’étend, et compte bien continuer à s’étendre, elle change, évolue, regresse par- fois, résout lentement ses contradictions, en créé de nouvelles, trouve des solu- tions qui ne pourraient s’appliquer nulle part ailleurs. C’est un continent, mais comme l’a dit Valéry, elle ne représente qu’un cap de l’Asie – et se différencie de tous les autres continents et caps: ses charmes sont enivrants et irrésistibles, son Mal est incroyablement complexe et n’est jamais très loin du Bien. Ses apo- logistes et ses détracteurs doivent en être conscients: les uns et les autres ont en partie raison, les uns et les autres se trompent ici et là et se bercent d’illusions. Est-ce que l’Europe existe politiquement, c’est une toute autre question et ce n’est pas le sujet de cet exposé. La politique, si elle n’est pas la conséquence de EUROPE: CULTURE ET STANDARDISATION Phainomena xviii/68-69 Vidosav Stevanović 154 l’intelligence et de la tolérance, de la conscience et de l’envie de vivre avec les autres, devient la cause d’épreuves interminables et attentatoires, de conflits, de ressentiments et de guerres. L’Europe du passé, mère de la civilisation et porteu- se d’un barbarisme de prés de vingt siècles, s’est vu à elle seule le théâtre, la cause et la victime, puis comme si s’est transformée en Armageddon. Cette même – mais pourtant si différente – Europe est, dans sa projection idéale et dans son état actuel, un projet de paix et son accomplissement, sur un demi-siècle. Ses actuels habitants le savent. Ceux à venir le confirmeront ou le contesteront. Elle n’est ni parfaite ni idéale. Sur beaucoup de points elle ne ressemble pas aux rêves des générations précédentes, ni celle de nos aïeux – ni aux nôtres non plus. Elle est lente, bureaucratisée et fort coûteuse. Elle déçoit ceux qui la soutiennent, et conforte ses détracteurs. Elle possède autant de défauts que de vertus, elle s’auto-mystifie et détourne son regard des vérités déplaisantes. Mais, soyons francs, avons-nous quelque chose de mieux? La réponse est simple, tout comme la constatation initiale : nous n’avions pas, nous n’avons pas et nous n’aurons peut-être jamais rien de mieux que l’ Europe actuelle. Et parce qu’elle est bien là, pour la préserver et la laisser en héritage à ceux qui arrivent et à ceux qui nous succèderont, il est indispensa- ble que nous soyons conscients de notre rapport au monde actuel et de ce que nous sommes. Il nous faudra être lucides et consciencieux, moins sournois que ce que nous sommes: le Mal, d’aprés des croyances ancestrales, naît de la faiblesse et de l’impuissance pour prendre l’apparence de la force et la faculté trompeuse de percevoir l’avenir. Autrefois on racontait que la plus grande force du diable était de convain- cre les gens qu’il n’existe pas. Convaincre les gens – et je pense à chaque indi- vidu de cette multitude – qu’ils existent et qu’ils sont responsables les uns des autres, est la seule vraie réponse aux forces du Mal qui, confondu au principe inverse, se retrouvent dans cette existence: nous n’avions pas, nous n’avons pas et n’aurons peut-être jamais rien de mieux. Ils existent de nombreuses théories sur la création de l’Europe. Toutes sont véhiculées par des professionnels européens et par des pseudo-spécialistes, une catégorie à qui nous ne pouvons pas refuser le droit d’exister. De la théorie que ce qui existe aujourd’hui sous forme d’Union est « la réalisation d’une idée vieille de sept siècles», soit l’expression suprème d’un spiritualisme logique qui a surmonté sa propre réalité, jusqu’à la théorie inverse: l’Europe actuelle est l’expression d’un besoin, la dernière tentative de survie avant l’autodestruction, une gilet de sauvetage que nous devons transformer en terre ferme puisqu’ il n’y a aucune île, aucun archipel et aucun continent en vue. La première théorie Vidosav Stevanović 155 est idéaliste, la seconde nihiliste. La première considère que nous avons rem- pli les conditions nécessaires pour accéder au paradis, alors que la deuxième estime que nous devrions être satisfaits puisque, temporairement rajeunis et protégés par les médicaments de notre conformisme, nous attendons impa- tiemment l’instant où nous nous installerons au purgatoire. Difficilement convaincu du crédit de la Rédemption, des idéologies défi- nitives, des religions sans foi et de la foi sans Raison, je suis persuadé que les origines de l’Europe et les raisons de son existence ne se trouvent pas au centre de ces deux théories, mais en dehors d’elles: dans la réalité qui la fait subsis- ter, dans la force vitale qui n’est autre que, selon la fameuse définition »un as- semblement de fonctions qui résistent à la mort«, ou, en d’autres termes, »un assemblement de fonctions qui, résistant à la mort, produisent de la vie«. La mort survient quand ces fonctions disparaîssent une à une. Le »nouvel ordre européen« d’Hitler a rejeté toutes les valeurs européen- nes, vieilles ou nouvelles. Il a projeté notre monde dans l’irrationalisme et le barbarisme. Il a definitivement détruit les biens matériels du vieux continent. Il a semblé alors que le Jugement dernier était à nos portes, qu’il était inévi- table. Certains d’entre nous se souviennent de la misère, du désespoir et de l’horreur de cette époque. Ils portent encore les plaies béantes et les cicatrices. D’effroyables maladies chroniques qui se sont, comme par miracle, latentes dans les profondeurs de l’inconscient collectif, transmises à nos descendants. Souvenons nous des guerres balkaniques à la fin du vingtième siècle qui ne furent que la suite de la grande épidémie des années trente et quarante. Ce n’était que la brève reprise d’une pièce obsolète et triviale que le théatre faisait rejouer avant sa fermeture définitive. Que serait-il arrivé si la destruction, celle qu’aujourd’hui nous appelons de manière indeterminé »fascisme«, celle à qui nous opposons un dénominateur plus confus encore de notre union, »l’antifascisme«, avait gagné à la fin de la Seconde Guerre Mondiale? Nous ne pouvons pas le savoir. Tout d’abord parce que la plupart d’entre nous ne serait même pas là: sur la longue liste d’extermination des vaincus se trouvaient, à côté des malades mentaux, des homosexuels et autres, de nom- breux groupes ethniques, de petits peuples et des Etats faibles, tous tributaires de la qualification de la »race inférieure«. La nation qui m’a vu naître se trou- vait elle aussi sur cette liste diabolique, mais par miracle le plan n’a pas été mis à exécution dans son intégralité. À ce moment là, alors que l’Europe a cessé d’ondoyer telle une noyée et que, rejetée par les flots sur la terre ferme, il a fallu la réanimer par respiration artificielle, il y avait bien peu de vrais Européens, Phainomena xviii/68-69 Vidosav Stevanović 156 beaucoup moins que ce que l’on prétend. Ce qui ne veut pas dire qu’aujourd’hui les Européens sont trop nombreux, ou qu’ils deviendront une majorité autori- taire, mais ils le sont suffisamment pour une simple élection démocratique. Mais il y a eu de vrais Européens, et ce aussi bien avant qu’après la catastro- phe, et, heureusement pour nous, ce furent des personnes pleines de sagesse, des sceptiques et des réalistes, conscients de ce qui nous arrivait. Ils ne souf- fraient pas de ces utopies qui ont tenté de détruire le monde, ils ne considé- raient pas les abstractions, telles que la Nation ou les classes sociales, comme capablent d’assurer le présent et de construire l’avenir. Ils ont compris que les Etats-Nations ou les Nations-Etats, ayant fait tout ce qu’ils pouvaient, devaient laisser place à un modernisme plus créatif et moins dangereux. L’Europe qu’ils ont projetée, tout en considérant ce qui était possible et ce qui ne l’était pas, ne ressemblait plus à cette conception majestueuse de paix, ni à la prospérité multiséculaire tout droit sortie du passé, conceptions qui jusqu’alors ont été vouées à l’échec, sans doute à cause de leur perfection immi- nente. Ce ne fut pas la reconstruction d’une civilisation œcuménique autour de laquelle le monde aurait tourné, autour de laquelle il aurait gravité et pris ses mesures. Ce ne fut pas non plus la reconstruction d’une majestueuse répu- blique aux concepts voltairiens, ni même celle d’une union monarchique, reli- gieuse ou militaire; encore moins la reconstruction victorieuse d’une conquête de chefs de guerre, de chefs d’Etats perspicaces ou de philosophes avisés. Ce ne fut pas une prêche sur la terre promise qui, au final, aprés une longue traversée du désert, se serait avérée être la terre des vaines promesses. Ce fut tout simplement l’idée modeste d’un possible qui – et ce n’est qu’une observa- tion historique – s’est trés vite transformé en réalité. N’y a t’il pas encore des gens qui rêvent d’être plus grands que ce qu’ils ne sont et qui, de fait, devien- nent bien pire que ce qu’ils n’étaient? Ce fut une réalisation pratique qui, affichant d’exceptionnelles particula- rités internes et une facilité d’adaptation en tous points, était capable de se transformer en fonctions de ses besoins, capable de se reconstruire, se réor- ganiser, s’améliorer, avancer, freiner ses ardeurs, se transformer et se remettre en question. Ce fut cette possible Europe qu’aujourd’hui chacun d’entre nous vit comme une réalité propre et commune à tous, visible à l’oeil nu, accessible aux sens, soumise à la vérification de la Raison, ces »fondations originales de la spiritualité européenne«. Il est inutile de chanter ses louanges, ou ces odes qui autrefois servaient à glorifier la Nation: il suffit de chercher en elle les possibilitées existantes et celles qui se profilent à l’horizon. Jaspers a dit: »L’Europe ne possède rien de Vidosav Stevanović 157 particulier à part sa capacité d’être tout«. Peut-on avoir plus que cela, plus que cette prodigieuse capacité d’être tout? Elle n’est pas parfaite, notre Europe. Elle est aussi loin de la perfection que de l’imperfection effroyable. Elle a des défauts par centaines et ne deviendra ja- mais idéale. Ce n’est pas son objectif primordial. Elle n’a pas la prétention d’être un paradis ou de pouvoir réaliser les rêves de tous les hommes, surtout pas dans son histoire récente. Elle n’est pas centralisée autour d’un Etat puissant ou d’une fédération, ni autour d’une mégalopole. Elle est régionalisée et fédérale à sa façon, propice aux malentendus mais prête à les résoudre sans guerre et sans haine atavique; lente dans sa réflexion et dans ses décisions, formelle et bureaucratisée, bien construite dans l’ensemble, diffèrente dans ses parties et véritable patrie des droits de l’homme, l’abolition de la peine de mort n’étant pas la plus petite de ses réussites. L’Europe a une grande vertu: elle est meilleure que tout ce qui existe sur no- tre planète. Quelqu’un a dit, et c’est à Belgrade où la garniture politique actuelle refuse avec entêtement cette Europe: »La meilleure partie de notre monde dans le monde«! Elle n’est en rien comparable, sauf peut-être à l’Amérique, et par Amérique j’entends bien-sûr les Etats Unis d’Amérique, et dans ce cas elle s’en sortira bien mieux, excepté dans les chiffres de son produit intérieur brut et, il faut bien l’admettre, dans la quantité de matière grise qu’elle a à disposition – il s’agit là peut-être d’une pointe de scepticisme dans ma partialité. Même si elle n’est pas trop en retard dans ces domaines, et économistes et scientifiques le confirmeront par des chiffres, elle se différencie autant que se différencient les libéralismes, ancien et modérne. L’Europe actuelle n’est ni trop à droite, ni trop à gauche: sa droite est libe- rale-sociale et sa gauche est social-libérale. Les gouvernements de droite et de gauche qui se succèdent, selon une certaine logique – un peu de ceux qui économisent sur les donations sociales, et un peu de ceux qui dépensent juste- ment sur ce point – ont souvent des programmes semblables ou, tout au plus des points communs: la sécurité, la solidarité et la préservation des droits de l’homme – et rajoutez ceux que j’ai omis – sont les lieux communs des textes des partis politiques présents. Comme si les extrèmes du communisme, du fascisme et du nazisme – sans mentionner les autres formes de nationalisme d’un passé plus ou moins proche, qui sont aussi des inventions européennes – ne pouvaient plus mettre en péril les structures et les options politiques, ni conquérir les masses auxquelles ils s’adressent: ceux qui engendrent ces masses sont des individus plus que jamais, ils ne sont plus les cerbères du totalita- risme. Il s’agit d’un équilibre qui, sous l’influence du public et des électeurs Phainomena xviii/68-69 Vidosav Stevanović 158 qui désignent les représentants des différents partis et organisations sociales, syndicats, associations et groupes ou groupuscules fluctuants, se maintient toujours au même niveau et se renouvelle constamment. L’Europe est tout aussi loin du chaos que de la perfection. Elle est stable, durable et consciente de pouvoir basculer à tous moments dans le désordre de la haine éthnique ou de la revendication des classes. Au commencement de l’existence véritable de l’Europe – l’Europe, comme l’a dit quelqu’un, est une idée vieille d’au moins sept siècles mais autant il y avait de textes sur elle, autant elle n’existait pas – l’un de ses créateurs, Jean Monet a prononcé une formule incroyablement juste et concise: »L’Europe, c’est avant tout la standardisation«! Il aurait pû rajouter: »au-dessus de tout«. C’est juste- ment grâce à cette caractéristique de base – le travail d’élements innombrables, invisibles et anonymes en différents endroits – que s’est dressée l’Europe ac- tuelle. La standardisation est valable pour tous les domaines de l’économie, des finances, du commerce, de la libre circulation des idées, des marchandises et des capitaux, les échanges sans obstacles et sans monopoles entre des facteurs proches ou distants, l’éducation, les systèmes de santé, les formules juridiques et les lois, les moyens de circulation, les autoroutes, l’alimentaire, l’échange d’informations. Je pourrais énumérer les résultats de la standardisation sur plusieurs pages encore sans jamais épuiser le sujet. Mais c’est précisement dans cette spécificité européenne que se créé (et pas seulement dans les phrases de ce texte mais partout autour de nous) et se ca- moufle un danger méconnu, une menace sournoise pour la diversité et l’abon- dance, un désert qui s’entrevoit derrière le luxe et la magnificience des façades des villes modernes qui, en prenant en quelque sorte le rôle d’Etat, se forment elles-mêmes et forment le monde autour d’elles. Il ne s’agit ni des droits de l’homme, ni d’éventuels camps de concentration, ni même d’une forme insidieuse de totalitarisme. Il s’agit de la culture qui, peux importe la definition qu’on lui donne et l’usage qu’on en fait, représente, pour vous comme pour moi, ce qu’il y a de plus précieux, de plus grand, de plus profond et de plus miséricordieux dans notre monde. La culture qui s’est créée d’elle-même et qui derrière elle laissera ses traces par écrit, sur papyrus, pla- ques de marbre ou hiéroglyphes, porteuse d’un message pour le futur, ici ou près d’autres étoiles de l’univers. Autrefois dans les pays d’Orient, la culture était un édifice, mais il s’est avéré que dans de nombreux domaines, la culture fut avant tout le fondement de la construction, de l’édification et de l’avancement, la trame des rapports entre les hommes, le moyen de communication qui précède tous les autres moyens d’échange d’opinions et l’aboutissement spirituel. Vidosav Stevanović 159 Que la standardisation règne sur beaucoup d’autres domaines de la vie pu- blique – dans la vie privée se cachent des questions insolubles, des différences et des ennuis qui ne seront jamais résolus, partout, même dans notre Europe – que les avions et les automobiles aient de meilleures propriétés dont la fia- bilité soit sans cesse contrôlée, que chaque accusé jouisse de la présomp- tion d’innocence jusqu’à ce que sa culpabilité ne soit établie, que les ressources énergétiques du monde moderne et l’informatique soient accessibles à tous, que la couverture sociale universelle prolonge la vie de chacun, que tout soit ainsi, voire mieux, mais nous devons, à mon avis, rester conscients et grâce à cette conscience anticiper nos gestes pour éviter le pire. Car l’autosatisfaction mène vers la cécité, temporaire ou permanente, et nous empêche d’entrevoir les dangers et les menaces qui se profilent. La standardisation, malgré ses nombreux bienfaits, pousse les esprits créa- tifs à une certaine inertie, et conforte dans la répétition. Elle tend à imiter tristement et à négliger l’originalité, à tout simplifier et à uniformiser. La stan- dardisation ne doit en aucun cas être rattachée à la culture, dans son apparition et dans sa signification: ni à la culture, ni à la spiritualité. Et peu importe qu’elle appartienne au peuple, au groupe ou à l’individu, peu importe qu’il s’agisse de grande ou de soi-disant la petite culture. Car la standardisation n’est pas le centre de gravité de sphères spirituelles, elle ne se rattache pas à toutes les représentations imaginaires que nous créons nous-mêmes en partant de rien. Elle n’est pas une loi cosmique. La standardi- sation a été inventée pour aider dans tous les domaines de l’économie, du droit ou de la vie publique, dans la production ou dans les transports, pour nous protéger parfois de nous-mêmes. Mais elle ne peut pas avoir les mêmes consé- quences sur la culture et dans les cultures, que de tendre vers un totalitarisme spirituel ou vers un impérialisme qui, évitant les sphères politiques, essaiera de passer par la petite porte et de s’immiscer dans ce qui nous appartient profon- dément et intimement. L’Europe existe, c’est incontestable. Je reprends mon affirmation de départ, et peu importe qu’elle semble étrange ou qu’au contraire elle retentisse natu- rellement, ou bien qu’elle tienne de la répétition tautologique. Mais l’esprit de l’Europe ne peut exister que si elle est un lieu de rassemblement, une agora, le parlement de milliers et de centaines de milliers d’esprits qui, faisant tous en- tendre leur voix et leur histoire, contribuent à ce que l’on entende, même aux frontières de notre monde, l’ode de la communauté. Traduit du serbe par Stevan Stevanovic et Karine Samardzija