Matjaž Babič CDU 807 .1-023 : 801.24 Universite de Ljubljana LES PRONOMS PERSONNELS EGO ET TU CHEZ PLAUTE ET TERENCEI l. Remarques generales La question traitee dans ce texte pourrait paraitre marginale, mais qui nous don­nerait au moins une information, quand bien meme additionelle, sur le fonctionnement de la langue latine ainsi que sur le systeme pronominal latin. Nous allons traiter seule­ment de l'usage de la forme .du nominatif ego et tu en supposant que les formes des autres cas obeissent les memes regles que tous les autres pronoms et noms. On se sert du nominatif ego et tu pour designer quelque chose qui est deja exprimee par la desinence verbale. Bien qu'on pourrait constater que la desinence verbale nous donne une information qui est, d'une certaine maniere redondante, il y a quand meme a la 3eme personne possibilite ou plutot necessite d'un choix entre plusieurs sujets (possibles) de l'enonce. Dans le cas de la 1 ere et la 2eme personne avec ego ou tu la meme information se trouve presentee deux fois et parait redondante au moins sur le plan syntaxique. La grammaire des classiques latins y est claire: la forme du nominatif est emphatique par sa nature et ne s'applique qu' aux situations particulieres ou la 1 ere et la 2eme personne marquent une opposition de l'une a I'autre ou bien une opposition a la 3eme personne. On parle ici des usages bien connus comme ego scribo, tu legis qui, essentiellement, ne sont pas tres loin des exemples du type Paulus scribit, Marcus legit 2 . Est-il done possible qu'une forme linguistique ait ete creee seulement pour mar­quer une opposition? On ne pourra pas parler ici d'une necessite du systeme qui n'exi­gerait la forme nominative que pour l' opposer a une autre. Du meme droit, on espererait d'avoir dans le systeme une forme nominative du pronom reflechi sui, sibi, se, soit se repeter, comme l' a fort bien remarque Apollonios Dyscole (II, 12 (115)), le nom du nom­bre un apres chaque forme nominale au singulier. On abordera la question en supposant que la forme nominative des pronoms personnels est une forme proprement emphatique et qu'elle ne s'insere pas directement dans la hierarchie des formes pronominales. Une chose qui, ici, sera importante est l'ordre des mots. Bi en que l'ordre des mots dans la comedie obeit aux exigences linguistiques d'une maniere tres flexible, il ne parait aussi libre qu'on pourrait negliger ou bien le traiter comme quelque chose qui est arrivee par raccroc. En traitant les problemes de la position des pronoms on devra Le texte est Je texte de la communication qui a ete presentee au X. Colloque de linguistique Jatine (Paris 1999). Je me remercie aMme. Sonja Hafner pour avoir corrige le texte. II s'agit peut-etre d'un phenomene que Martinet (1985, 110) appelle 'co-presence'. surtout tenir compte du fait que les formes pronominales chez Plaute (phonetiquement) n' ont pas le meme poids que les formes nominales. Elles font partie de ce qu'on peut appeller des chaines d'enclitiques et pour cette raison ne sont pas toujours disposees selon leur sens (signification). Ainsi, on se demande s'il serait possible de traiter ego et tu comme morphemes libres de la forme verbale? On serait certainement tente de le faire puisque les deux formes (le pronom et la forme verbale de la 1 ere personne du sin­gulier) sont etroitement liees: -par leur signification -par leur position -par leur relation. Une autre possibilite serait de traiter une telle forme comme une particule qui ren­force la forme verbale ou comme une particule de l' enonce. Nous avons pris nos exemples dans deux comedies de Plaute et deux de Terence. Cela suffit pour presenter les faits et pour ne pas les traiter seulement d'une maniere statistique. Si le corpus etait plus grand, les exemples seraient, bien sur, plus nom­breux, mais n ous ne croyons pas q ue 1eur c lassement soit facilite par 1eur n ombre superieur soit plus agreable de faire une typologie des usages. 2.1. Le Lexicon Plautinum Sur le lemme ego le Lexicon Plautinum (Gonzalez-Lodge (1971)) nous donne une classification tres etendue avec plus de 20 classes. Les criteres y sont d'une nature tres diverse. Les classes a), k), 1), o) comprennent une classification selon des criteres pragma­tiques, c'est-a-dire selon l'intention du locuteur. D'autres criteres sont de nature toute descriptive, surtout dans les classes comme b) et c) ou on apprend seulement que ego se trouve proche a une particule. Nous en avons pris quelques exemples pour montrer que cette classification est bien ambigue. Par exemple on a: Am. 264: ibo ego illic obviam, neque ego hunc hominem / .. ./ sinam umquam accedere Le Lexicon cite ce passage-ci dans la classe a) (animum iudicantis est quid facturus sit), mais on le trouve cite aussi dans la classe q) (pronomen usurpari solet cum quibus­dam verbis (-verbis eundi et motionis)). Comme autre illustration nous prenons la phrase bien frequente scio ego qui vient dans la classe q (comme l' exemple precedent). Mais le Lexicon cite dans cette classe q) aussi les exemples suivants de la Bacchides et 2d de la Captivi. Bacch. 77s.: (Pist.) Quid eo mi opus est? (Bacch.) Vt ille te videat volo. scio quid ago. (Pist.). Et pol ego scio quid metuo. Capt. 325s.: non ego omnino lucrum omne esse ulile homini existimo: scio ego, multos iam lucrum lutulentos homines reddidit; est etiam ubi profecto damnum praestet facere quam lucrum. odi ego aurum: mu/ta mu/tis saepe suasit perperam. Evidemment, du point de vue pragmatique, les deux exemples n'ont rien de com­mun. Dans le premier passage il s'agit d'une opposition nette entre les deux personnes, Bacchis et Pistoclerus, alors que dans l'exemple des Captivi il n'y a d'opposition que tres implicite. En plus, la forme pronominale se trouve anteposee ala forme verbale dans le premier exemple et postposee dans le second: et pol ego scio contre scio ego. Les criteres pour la classification de tu dans le Lexicon Plautinum sont un peu dif­ferents, etil arrive que les exemples de l'usage de la forme tu qu'on reconna1t tout de suite comme paralleles aceux que nous venons de citer, sont classifies differemment, ainsi dans l'exemple suivant: Bacch. 200s: (Chrys.) Eho, an invenisti Bacchidem? (Pist.) Samiam quidem. (Chrys.) Vide quaeso, ne quis tractet illam indiligens; scis tu ut con/ringi vas cito Samium solet. Le Lexicon cite ce passage dans le groupe o) e:xempla non supra citata, ubi 'tu 'otiose usurpari videtur. Mais il pourrait bien etre classe dans le meme groupe que scio ego. On y voit que ce ne sont pas les enonces individuels qu' on doit comparer. Ce qui compte est le type de situation (concemant l'affectivite et la sorte de l'information transmise). 2. 2. Recherche Notre recherche a etudie quatre comedies, Pseudolus et Rudens de Plaute et Phormio et Hecyra de Terence. Elle a consiste en deux phases. Dans la premiere phase nous avons compte tous les exemples de ego et tu. Voici une statistique: par vers n. des vers ego tu ego tu Pseudolus 1335 140 105 0,104 0,078 Rudens 1423 133 95 0,093 0,066 Phormio 1055 86 35 0,082 0,033 Hecyra 881 51 27 0,058 0,031 On va constater que les chiffres, imprecis qu'ils soient, peuvent nous mener aquel­ques simples observations: 1. ego est plus frequent que tu. 2. Leur nombre absolu est plus grand chez Plaute que chez Terence. 3. II en va de meme pour le nombre relatif: dans les comedies de Plaute, on ren­contre les formes pronominales ego et tu plus souvent que chez Terence. La difference nous para1t suffisament grande pour etre significative et on ne peut done pas la laisser de cote. Chez Terence, on peut le constater, les exemples sont bien moins nombreux et se interpretent plus facilement. Le fait que la forme ego est plus frequente dans tous les textes ne presente aucune difficulte. On se sert de la forme tu seulement quand plusieurs personnes sont presentes, que ce soit dans un dialogue vrai ou fictif. Au contraire la forme ego peut figurer dans