HISTOIRE DELA DERNIERE RÉVOLUTION DES INDES ORIENTALES» TOME l~ HISTOIRE DE LA DERNIERE RÉVOLUTION DES INDES ORIENTALES, Compofeefur les Mémoire* originaux & les Pièces les plus autentiques : Par M. L. L. 7 TQMP PREMIER^ A PARIS, Che* P. Al. Le Prieur, Imprimeur du Roi, rue Saint Jacques, à l'Olivier. M. D C C. L X. MEC APPROBATION ET PERMISSION. «a Bacaie Ji.'^tsuâr^^-Ane ckax A Pays Tticamvu. SicAoda i ilipainn raton Ceitnput <,Cotta . deDevi 'efapûlt! 4 M. ^énÂedz'vé aluni/ klayui-tifp- >0 Onot BaEcalz' i' .Jiorrvmpot EaJept C A bït Madùffuri. Ca,bala _ 3>orai Arcate tlur talûuur Ç)ç JtTelandrw tkJhtUtUk fXïltv J. longue Sotie, Corute fhent-auœ Taaodes ^. . , ûtimete air-» ouJ-6* -cfJ>atoam o .r \h*rrUouJ&uu>o Vadra*? EUculpa. ^druuada, eu &nderivar> ^Xavier •Dtêto JLCBLELZBS tJsteÙAf de Jhasiee de Saoo.JP, &eomeirt fàilaûur mm Caveri R- Carte ïmtLA UresçuÏsleI Oc ciJDEirxAzn des Indes Orientez es Servir- a tv \£> ire de la /flj)e/m^re' Aevû fuhûr \ I des Tmles Oriental* Ojrieni Xjf llluytvir Les V cosses' ^f_£^^'r t^n'£r^Z..;.'xf?r'?ï& un *^,,CfL,..„,uj fftf.»' mesure aUs Indes a/ian*e » \\. JT B.!N"alia Geopraphe if a 10 HISTOIRE DE LA DERNIERE RÉVOLUTION DES INDES ORIENTALES. PREMIERE PARTIE. V a n t d'entrer dans le détail de la dernière Ré-volution des Indes Orientales , & des guerres des Maures qui Pont occafionnée, j'ai crû qu'il étoit à propos de donner une idée Tome I, A jg Révolution générale 6V abrégée des Pays qui en ont été le théâtre; j'y joindrai une notion préliminaire des Habitans de l'Inde , & de la forme du Gouvernement qui s'obferve parmi eux. Le peu que j'en dirai fuflïra pour préparer le Leéteur au récit des événemens que je vais décrire; le refte fe développera de foi - même à mefure que j'avancerai dans îe cours de cette Hifloire. Defcrip- L'Inde, un des plus grands Em-ïcToriea»- pires & des plus riches de l'Aile, tire lcî' fon nom du Fleuve Indus qui i'ar-rofe vers l'Occident, & qui prenant ta. fource dans le mont Caucafe ; après l'avoir traverfée du Nord au Sud, va fe jetter dans la Mer des Indes. Elle a pour bornes, au Nord la grande Tartarie, dont elle efl féparéeparle Caucafe3 la Chine à l'Orient, au Midi l'Océan Oriental ou la Mer desIndes, & la Perfe à J'Occident. On la divife ordinaire- des Indes Orientales, 3 ment en trois parties, qui font Tin-à*e Septentrionale, ou PEmpire du Mogol, appellée pour cette raifon le Mogoliflan, & plus communément PIndouflan ; & au Midi la prefqu'Ifle Occidentale deçà le Gange , & la prefqu'Ifle Orientale au-delà du même Fleuve. Dely, appelle plus communément dans le pays Jehan - Abad, & fi-tué environ au milieu de I'Indouf-tanJ eft aujourd'hui la Capitale de cet Empire , & le lieu de la réfi- dence ordinaire des Princes Mo-gols ; un peu à fon Sud efl Agra, la plus grande Ville de l'Inde , autrefois le féjour des Empereurs. Au Nord de Dely font Patna, Lahoc Pahord des Caravanes , & Cabur fitué dans les montagnes fur les frontières de la Perfe & de la Tar-tarie ; on trouve au Sud - Ouefl fur la Mer, en allant d'Occident en OrientjAmadabad ou Hamedeuyat, Aij q ' Révolution Guzarate ou Cainboie fur le Golfe de ce nom, Surate Aureng-Abad, Bengale lur fon Golfe dans le Royaume qui porte fon non», & Diu qui appartient aux Portugais. Ce font Là les Villes les plus fameu-fes de l'Indoultan , & les plus conr nues des Européens. La prefqu'We Occidentale deçà te Gange elt traverfée du Nord au Sud par les montagnes de Gattc qui commençant au Cap de Co-morin , la divifent en deux parties, l'une Orientale, l'autre Occidentales. Celle-ci contient les Royaumes de Vifapour, de Cuncan & de Malabar; en allant du Nord au Sud, on y trouve les Villes de Vifapour, de Goa qui appartient aux Portugais , de J3ender , de Calicut, de Cananor , de Coclûm & de Travancor. Enfuite doublant le Cnp de Comorin 8c retournant au Nord oar l'Orient, on rencontre des Indes Orientales. y fur ïa côte de Coromandel les Royaumes de Marava, de Tanjaor, de MayÛour, de Maduré & de Carnate -, au Nord celui de GoU coude. Les Villes principales de cette partie Orientale font, en allant du Nord au Sud , Golconde ou plutôt Eclerabat , Capitale du Royaume de ce nom, Gingy, Ar-catte Capitale duCarnate.Tric-hena-paly Capitale du Madurc^ck Tanjaor amTi Capitale du Royaume de même nom ; toutes ces Villes font dans les terres : fur la côte font Mafulr-patan , Paliacate , Madraz ou lè Fort Saint George, Meliapour ou Saint Thomé, Sadras, Pondiche-ry, Goudelour ou le Fort S. David, Portenovc Tranquebar 6c Nega-patan. La Carte ci - jointe mettra fous les yeux la pofition précife de chacune de ces Villes. La prefquTfle Orientale delà le Gange renferme les Royaumes de A iij g Révolution Pégu , d'Ava 6V d'Aracan , avec ceux de Siam., de Tunquin&de la Cochinchine. II elt inutile que j'entre dans un plus grand détail au fujet de cette partie de l'Inde , qui n'eft point foumife au Mogol, & qui n'a aucune relation avec les événemens dont j'ai entrepris i'Hifr toire. D«Habi- C'eft dans ces vafîes pays que tsns de Tin- , n T ., n , T de. vers la hn du quatorzième fiecle, après avoir fournis une grande partie de l'Ane, le fameux Timur-leng j plus connu fous le nom de Tamerlan , jetta les fondemens d'un puiflant Empire j qui a toujours été polTédé depuis par fes def-cendans qu'on a appelles Princes Mogols depuis cette invafion. Ces contrées font partagées entre deux efpéces de Peuples dont les mœurs, la Langue & la Religion, le génie &Ies intérêts font très - différens, & qui depuis cette époque vivetu des Indes Orientales. *f entr'eux dans une défiance, une ja-loufie & une animofité continuelles. Ces deux Peuples font les Indiens naturels & les Mogols. Les Mogols dont le nom fignifie Hommes blancs , à la différence des Indiens qui font bruns 8c bafa-nés, font aufii défignés fouvent dans nos Hifloires par celui de Maures. Ce font les defcendans de ces premiers Conquérans qui fortis de la grande Tartarie fous la conduite de Tamerlan, s'emparèrent de cet Empire. Ces Peuples font tous Mahométans , ordinairement de la fede d'Omar, ou des Turcs. C'eft aujourd'hui la nation dominante dans les Indes, où ils ne travaillent chaque jour qu'à aggraver le joug qu'ils ont impofé aux vaincus ; maîtres vains, durs, tiers, a-vides 8c impérieux, ne commandant jamais que le bâton à la main, n'étant occupés fans cefTe que des A iv $ Révolution moyens de perpétuer ï'efcîavage dans lequel ils tiennent la Nation Indienne , 6V de la mettre hors d'état de jamais s'en relever, par la tyrannie qu'ils exercent contre elle, & par les exaltions les plus odieu-fes. Mais ces Mogols fi fiers ne pofle-dent eux - mêmes rien en propre : îl n'y a aux Indes ni Fiefs, ni Duchés , ni Comtés, ni Marquifats -y toutes les terres de l'Empire appartiennent en propriété au Souverain, qui les donne où qui les ôte comme bon lui femble , & qui feul eu héritier né des biens de tous fes Sujets. Delà vient qu'entr'eux., même parmi les plus grands Seigneurs de l'Etat, il n'y à* point de noms propres à chaque famille ; aucun d'eux ne porte un nom de Terre ou de Seigneurie : tous leurs noms font perfonnels & fignificatifs , dé-fîgnant leurs offices} leurs titres Se des Indes Orientales. $ leurs dignités, leurs qualités bonnes ou mauvaifes t &c. & ils en changent à mefure qu'ils panent d'une Charge à une autre , Couvent par le bon plailir fenl de l'Empereur, quelquefois aufïï à Poccaiion de quelque événement qui les aura rendus fameux en bien ou en ma!. Ainfi le célèbre Nizam dont il fera parlé dans cette Hifloire , après avoir porté d'abord le nom d'Aze-fia, titre propre du Grand-Chancelier , ayant été fait enfuite Géné-raliffime des Armées du Grand-Mogol, prit celui de Nizam-Môu-Jouk , qui veut dire Bras fort de VEmpire, De même le Prince Maure connu dans ces guerres fous le nom de Chandafaheb , ou Seigneur de la Lune , fut décoré par l'Empereur de celui d'Ufendoakan, qui fignifîe Soldai rtftautattiet • lorCqu'îl fut rétabli par ce Prince dans le Gouvernemeni du Ornâte & du ï o Révolution Maduré ; & le nom de Mafouskan qui veut dire Soldat victorieux, Se que portoit un des fUs d'Anaverdi-kan , fut changé depuis par mépris, comme je le dirai, en celui de Pa-pouskan, Pantoufle de Soldat, après la perte d'une bataille, où ce Prince fut vaincu à Saint Thomé parles François en 1746. Du refte on atiroit tort de croire que ces Mogofs, qui feuls pofie-dent dans l'Indouflan les charges Se les dignités, & qui forment la principale Milice de l'Etat, foient tous Tartares d'origine Se de la race de ces anciens Mogols qui envahirent ce pays fous Tamerlan. Pour être réputé Mogol aux Indes, il fuffit d'être étranger blanc Se Ma-hométan 3 enforte que la Nation Mogole n'eu gueres aujourd'hui compofée que de gens ramafles de diflérens pays , quelques-uns Turcs, d'autres Arabes , Se fur - tout la des Indes Orientales. z I plupart Perfans. Car indépendamment du voifinage & de l'affinité des deux Empires , tous deux fondés par Tamerlan , comme la Langue des Mogols, c'eft - à - dire , fa Langue dominante , eft le Perfan que les Indiens n'entendent & ne parlent point, il arrive que plusieurs Perfans vont aflez volontiers s'établir dans l'Indouftan , où par-là ils fe rendent nécelîaires. Quelques - uns y font fortune, s'avancent, Se parviennent fouvent aux premières Charges de l'Etat. Une grande partie des principaux Ora-rahs de la Cour du Mogol elt prefque toujours originaire de la Perfe. A l'égard des Indiens, ce font De»- *»- y t t t t t i diens*. les Habitans naturels du pays, établis dans l'Inde depuis que cette partie du Monde a commencé d'être peuplée ; ce font, fi Ton veut tes defeeudans des anciens Braclv- :i % Révolution mânes & des Sujets du Roi Porus; qui fe font autrefois rendu fi célèbres dans la guerre 6V dans les Sciences, comme on le voit par l'ancienne Hiitoire. Ces Peuples beaucoup plus nombreux fans com-paraifon que ne le font les Mogols, font prefque tous Gentils ; 6V outre la haine que la différence de mœurs 6V de Religion caufe en-tr'eux & ces derniers , quoique fournis 6V retenus depuis pins de trois cens ans dans la plus dure fer-vitude par leurs vainqueurs, ils n'ont point encore oublié qu'autrefois ils Jurent tranquilles poflef-feurs de ce beau pays ; ils ne voient que d'un œil jaloux la domination de ces nouveaux maîtres , & ne leur obéiiîent qu'à regret , fuppoi;-tant toujours avec la même impatience le joug qu'ils leur ont impo-fé, épiant toutes les occafions de le fecouer, 6V ne défefpérant pas en- des Indes Orientales, 13 core defe revoir un jour à la tête de cet Empire. Us ne manquent pas même abfo-lument de forces pour y réulïir» Outre leur grand nombre qui les rend de beaucoup fupérieurs aux Mogols, ils confervent encore dans le pays des refïburces capables peut - être dans une révolution de les remettre en poflemon de tout ce qu'ils ont perdu. En étendant leurs conquêtes dans l'Inde, les Mogols ne purent venir à bout de détruire d'abord tous les Rajas , ou Rois Gentils, entre îefqueis ce vafte pays étoit partagé 5 de ces différens Souverains Indiens difperfés dans tout i'Empire, il en refla encore de très - p.uilîans , tels qu'étoient autrefois les Rois de Goiconde & de ■Vilapour, & ce fameux Raja - Ra-na, qui du tems d'Ekbar le Grand étoit regardé comme l'Empereur des Rajas, Après même qu'Ekliar 14 Révolution tk fes SuccefTeurs eurent fubjuguc Ja plupart de ces petits Princes, ils laifferent toujours fubfifter plufieurs de ces anciens Royaumes , tels que ceux de Tanjaor, de Mayf-four , de Marava & de Maduré fur la côte de Coromandel. Ces' Etats ont continué depuis d'être gouvernés par des Rois Gentils ; & quoique ces Souverains afîujettis quf font encore aujourd'hui en très-grand nombre, foïent chargés d'un fribut envers le Grand - Mogol, outre qu'ils ne font pas toujours fort exacts à le payer , ils manquent rarement de faifir toutes lesoccafions qui fe préfentent de rentrer dans leur première indépendance. La mauvaife politique des Gouverneurs .Maures, même de l'Empereur , qui pour groffir 8c fortifier leurs Armées entretiennent continuellement à leur fervice grand nombre de troupes de ces Rajas des Indes Orientales, i ç tributaires & fubjùgués, peut feule dans certaines circonilances mettre ceux-ci à portée de caufer dans cet Etat les révolutions les plus fu-nelles. La fuite de cette Hiftoire en fournira plus d'une preuve. De tous ces Peuples Indiens, les d« m»-; plus inquiets & ceux dont les Mo-raKet* gols ont le plus à redouter, font les Patanes & les Marâttes. Ces'derniers font une Nation alfez peu connue en Europe ; ce font les reftes des Sujets de ce fameux Sévagi ,. ou Seigneur Seva , qui du tems cPAu-lengzeb s"étant révolté contre le Roi de Vifapour fon Souverain ^ s'empara de plufieurs forterefles importantes Se de quelques ports de mer de ce Royaume. On fçait combien ce Rébelle vaillant Se hardi donna de peine à Aurengzeb, fans jamais pouvoir être aflujettr. Après fa mort, ceux des Peuples du Vifapour qui avoient fuivi fa ré- 16 Révolution volte, cantonnés dans leurs montagnes j fe maintinrent dans l'indépendance où ils ont toujours vécu depuis , gouvernés par des Rois particuliers qui ne reconnoiflent point encore aujourd'hui les Ioix du Grand - Mogol, 8t qui font afiez puiffans, pour aller quelquefois ravager les Etats de ce Prince avec des armées de cent - cinquante 6c de deux cens mille hommes. Les Marattes font tous idolâtres, & habitent les montagnes fituces au Sud - Efl de Goa à la côte Mala-bare. Satara, capitale de leur pays, efl une Ville très-coi:fidérabie; leur Roi prend le titre de Maha- Raja, La guerre fait la principale occupation de ces Peuples , qui n'ont prefque d'autre métier que de faire des irruptions continuelles dan3 tout l'Indouftan& qui ne vivent gueres que de rapines & de brigandages. Leurs principales forces des Indes Orientales. tf confident en Cavalerie, qui paiïe pour la meilleure de l'Inde j auflï le font-ils fait redouter des Mogols. Ce n'eft pas que ces pillards forent en effet fort redoutables : ils n'ont aucune connoiiïance de l'Art militaire , & font plus à craindre avec la fronde, que le moufquetou le fabre à la main ; mais ils ont une façon de faire la guerre qui défoie les Maures J 8c qui mettra toujours ceux-ci hors d'état de leur renfler. Au lieu que les armées de ces derniers font ordinairement pelantes 8c chargées de bagage , celles des Marattes au contraire font toujours lefies j & peuvent faire jufqu'à quinze lieues par jour. On a vu un des plus fameux Généraux Marattes n'avoir pour tout équipage qu'un cheval, & une tente pas plus grande que celle du dernier Officier de l'armée Mogole. Par - là ils font i S Révolution toujours fùrs de mettre les Maures dans l'embarras : ils les harcèlent, ils les affament ; & par ce moyen ils ne manquent prefque jamais de les faire venir à leur but, qui eu; d'en tirer de l'argent. On a vu les Gouverneurs du Grand-Mogol J 6c ie fameux Ni2am - Moulouk lui-même , leur payer contribution , pour mettre leurs Provinces à couvert des courfes de ces Peuples. DesPau- Les Patanes, Peuples Mahomé-* tans de Nnde , ne font ni moins puiiïans > ni moins redoutables aux Mogols , puifque , comme on le verra dans cette Hiffoire , en l'année 1748, & fur la fin du règne de Mahamet-Schahpere du Grand-Mogol aujourd'hui régnant, ils ofe-rent marcher contre Defy au nombre de près de trois cens mille hommes. Les Auteurs varient fur leur origine. Les uns les regardent fans des Indes Orientales, iç fondement comme des Tartares Venus du Nord (a) ; d'autres mieux Inflruits les font defcendre avec plus de raifon d'une ancienne colonie d'Arabes, qui ayant abordé aux Indes plus de 400 ans avant Tamerlan, s'établirent d'abord fur le rivage Méridional , où ils bâtirent , dit-on , la Ville de Mafulipa-tan. De - là s'étendant vers le Nord aux environs du Gange du côté de Bengale, ils y fondèrent l'ancien royaume de Patnam, d'où pouffant leurs conquêtes vers l'Occident, ils fçurent fe rendre très-confidéra-bles dans l'Inde , où la plupart des Rajas Gentils devinrent leurs Vaf-faux& leurs tributaires. Ce qu'il y a de certain, eft qu'avant l'arrivée de Tamerlan aux Indes, les Pata-nes étoient maîtres de Dely & de tous les pays des environs , d'où ils j ( a ) Bifi. des Indes Orientales , par M» VAbbé Cuyon, Torn. 11. p.ig. 124. 20 Révolution n'ont pu être chalTés que plus de cent ans après. L'Infanterie Patane patte pour la meilleure de I'Indouf-tan , où ces Peuples fe font rechercher de leurs Maîtres - mêmes J qui / s"empre(îent de les employer dans leurs armées ; nation fiere, vaillante & guerrière , qui méprife fotï-verainement les autres Indiens , 8c liait mortellement les Mogols j fe fouvenant toujours de ce qu'elle étoit avant que ceux - ci lui eulîent enlevé l'Empire de ce beau pays, & Teudent obligée de fe retirer ça 8c là dans les montagnes qu'elle habite. Là, comme les Marattes, elle a fes Souverains particuliers, qui n'obéhTent aux ïoixdes vainqueurs qu'autant qu'ils ne peuvent s'y fouf-traire. DuCnnd- Ces difTérens Peuples, tant In-diens que Mogoïs , fi oppofés * comme on le voit, de caractère & d'intérêts habitent un Pays fournis des Indes Orientales. \ x: * un même Maître * qui gouverne ce$ vaftes Etats avec le pouvoir le plus abfolu. Cefl lui qui diflribue les titres & les honneurs, les Charges & les Dignités : ce n'eft que par lui qu'on ell noble, qu'on eu grand & diAinguc ; & comme il eft, ainli que je l'ai dit, le feul propriétaire des biens de Tes Sujets & de toutes les terres de l'Empire, il dépend de lui feul de les donner ou de les ôter à fon gré, les principaux Seigneurs de fa Cour & de fes Armées n'étant riches que des penlions qu'ils reçoivent de lui en argent, ou qu'il leur a aflignées en terres. Ces terres ainQ polîédées à titre de penfion s'appellent Jaghirs (a) dans les Indes , comme en Turquie on nomme Timars celles que le Grand-Seigneur accorde à fes Vifirs, & aux difTércns Officiers de fes Troupes. (*) Jaghir t « Indquftan, lieu à prendre, lieu depenfiQnt £2 Révolution Apres la mort de ceux qui les pof. fedent, ces Jaghirs ne paflent point à leurs enfans ou héritiers ; ils retournent à l'Empereur , qui en dif-pofe comme il lui plaît en faveur de ceux qu'il veut gratifier. Des Om- Sous ce Prince vingt - quatre principaux Seigneurs qu'on appelle Omrah , partagent toute l'autorité., & font regardés comme les colonnes de l'Empire : ce font les premiers Miniflres du Mogol ; ils compofent fes difiërens Confeils; Se occupent les premières places à la Cour & dans les Provinces. Deux d'ent^eux font Généralifîimes des armées ; l'un commande dans la partie du Nord, l'autre dans la partie du Sud. Leur devoir efl de prévenir les rébellions, de calmer les troubles, d'éloigner des frontières les ennemis de l'Etat, & fur-tout d'arrêter les courfes des Patanes Se des Marattes. Mais bien loin d'y t*. \ des Indes Orientales: 23 ni* la main, la politique ordinaire de ces Généraux , iorfqifils font appelles à la Cour pour rendre compte de leur conduite, eft de faire agir eux - mêmes ces Nations révoltées & mal foumifes , qu'ils engagent à fe jetter fur quelque Province & à la piller. Ils s'excu-fent alors de fe rendre auprès de PEmpereur fur la nécetïité de re- , pouffer les ennemis, & fe difpen-fent ainfr d'obéir aux ordres qu'on leur envoie. C'eft aufTi entre ces principaux De* Sôu= _ . , /. . bat & des. Omrahs, que le partagent ordmai- Nababs, rement tous les grands Gouverne-mens, tels que la Vice-Royauté de Bengale, ou celle du Decan qui comprend les Royaumes de Decan , de Vifapour & de Golconde. Ces grands Gouvernemens s'appellent aux Indes Nababies, & ceux qui les poflcdent portent le titre de Nababs, terme qui veut dire^i- %4 Révolution cerois ; mais l'ambition & la flatterie font qu'ils prennent & qu'on leur donne le plus fouvent celui de Souba, qui fignifie Roi ou Souverain. En effet, on peut dire que dans les pays qui leur obéiflent , ils excer-cent, tant fur les Peuples, que fur les Rois Gentils Se les Gouverneurs particuliers qui leur font fournis t un pouvoir au fît abfolu que l'auroit l'Empereur lui - même. Ces Gou-vernemens inférieurs & particuliers fournis aux Nababs , Se dont ils difpofent avec l'agrément de la Cour, portent le nom de Soubdaris; Se ceux qui en font revêtus ne font réputés que iimples Soubdars , ou Gouverneurs : on les appelle aufu quelquefois FauJJedars. Mais à l'exemple des Nababs qui prennent le titre de Soubas, ces Soubdars prennent à leur tour celui de Nababs ,• c'eft ainfî que les Gouver- * neurs particuliers d'Arcatte,de Ve- lour des Indes Orientales, 2 f ïour , de Carapen , font prefque toujours appelles Nababs d'Arcatte,-cxc. & ne font gueres connus que fous ce nom par les Européens qui trafiquent aux Indes. II y a dans l'Empire quelques-uns de ces Gouverneurs particuliers qui font très - puiiFans3 par exemple , celui d'Arcatte, dont le Gouvernement comprend les deux Royaumes de Carnate & de Maduré. Tous ces Gouverneurs, tant Généraux que Particuliers, font des efpeces de petits Souverains dans l'étendue de leurs Provinces. Ils les tiennent comme à ferme de l'Empereur , auquel ils font feulement obligés de payer tous les ans un certain tribut, & de fournir un contingent de troupes lorfqu'il le demande j ce qu'ils ne font pas toujours fort exaéts à exécuter. Du relie ce font eux qui reçoivent tous les revenus de leurs Gouverne-Tome L £ *5.6 Révolution mens ; ils font les maîtres d'y lever tels impôts qu'il leur plait, ainfï que tel nombre de troupes qu'ils veulent, & de s'en fcrvir à faire la guerre quand & à qui bon leur fetn-ble. Ils peuvent même rendre leurs places héréditaires , & les tranf-mettre à leurs enfans ou héritiers avec l'agrément de la Cour, qui leur eft rarement refufé , lorfqti'ils fçavent appuyer la demande qu'ils en font par des préfens convenables. Il y a feulement cette différence entre les grands Gouverneurs 8c les petits, que les grands Gouverneurs commandent à ceux r ci dans leurs Provinces , jufques - là qu'ils peuvent même les dépofer, & en nommer d'autres à leur place , qu'ils ont droit d'en tirer les jroupes dont ils ont befoin ; 6c que c'eft à eux que ces Gouver--peurs particuliers payent le Ca^na^ i?u tribut dont ils font chargés: c'çfj des Indes Orientales. 37 de ces diffère ns petits tributs, que fe forme la m a (Te des revenus donc les Gouverneurs Généraux font comptables au tréfor de l'Empire. On doit encore obferver, qu'il ces m«-v y a une grande diilinaion à faire ^;,'°« entre ces Soubdars t ou Gouverneurs particuliers, & ceux qui portent le même titre dans les armées. Ceux - ci font des efpeces de Maréchaux de Camp fubordonnés aux Manfoubdars. Les Manfoubdars, qu'on appelle au Ai aux In Jes A\a-ris , ont dans la milice Mogole le grade de Généraux de la Cavalerie ; ils difpolent de tous les polies fubaltcrnes, font des Soubdars , & peuvent leur accorder le commandement depuis cent jufqu'à cincj cens chevaux. Leurs charges font plus ou moins confidérables ; les uns font (impies Azaiis {a) , d'autres 1 « ) A\ari en Iodou£an figuifie mille. Bij %% - Révolution. pou - Azaris, Peng, Aft, Deh 6c Douafdeh - Azaris, c'eft - à - dire > Commandans de mille J de deux mille , de cinq , de fix , de dix 6c 4e douze niille chevaux : il y a mê-; me de ces Manfoubdars qui n'en commandent que cinq cens, comme on le verra dans cette Hiiloire $ & leurs penfions en terres ou en argent font plus ou moins fortes à proportion du nombre, non pa3 de Cavaliers , mais de chevaux qu'ils font obligés d'entretenir. Car dans ces pays chauds, on dit communément qu'un Cavalier qui n'a qu'un cheval, eft plus d'à demi à pied. Le'nombre des Manfoubdars p'eft point limité : ils ont le rang de petits Omrahs, & marchent avec ïes mêmes marques d'honneur» c'eft - à - dire J qu'ils fe font précé? r}er de différens Pavillons, de plu-peurs timballesj de hautbois, cl© des Indes Orientales. M. <> trompettes, & autres inflrumens : ce font toujours des élépbans qui portent le Pavillon principal Se les timbalies. De ce que j'ai dit jnfqu'iei on fe- DuCooVeY-ra peut-être tente de conclure , que jgJJ» du l'Empereur qui règne fur l'Indouf-*an efl un des Princes des plus riches & des plus puilTans de PAfie* En effet outre ce que doit lui produire la propriété des terres de fes vaftes Etats , les tributs que lui payent, tant les Rajas ou Princes Gentils qui lui font fournis , que fes Gouverneurs Généraux & particuliers , doivent rapporter à fon Tréfor des fommes immenfes ; félon le tarif tiré de M. Manouchi, les feuls royaumes de Decan Se de Golconde devroient lui produire aujourd'hui plus de cent millions; De-là ce que quelques Voyageurs racontent avec emphafe des richef» B iij Révolution fes du fameux Ekbar, qui poiïé doit* difent ils, plus de fixeens millions ; ce qui, ajoutent - ils , n'étoit pref-fjue rien , en comparaifon du tré-for de Clia - Jehan petit fils d'Ek-bar j qu'un de ces Ecrivains ( a ) fait monter à trois milliars. Cependant quoiqu'il en foit des richelfes de cet Empire, qui fans contredit font très-confidérables, il en d'ailleurs aifé de faire voir qu'au fond le Grand - Mogol n'eft qu'une belle Idole , qu'on pare, qu'on encenfe, que l'on Ignore par des refpeets, 8c qu'on cultive par des préfens i mais fourde en effet, muette & rnfeniïy ble , 8c dont tout le pouvoir n*a de fondement que dans la vénération des Peuples, 8c dans un attachement intérefTé que fes adorateurs veulent bien avoir pour elle. ( a ) Manitjlo , cité par M. l'Abbé Guyon ; dans fon Hiji. des In tes Orientales, fyc. Tonx» des Indes Orientales. 5 f II eft vrai qu'aux Indes , aîufi. que dans tout l'Orient, le Gouvernement eft purement Monarchique j le Prince y eft aufll defpoti-que & auffi abfolu qu'en Turquie : il y a feulement une différence fort remarquable & bien effentielle. Les Turcs inviolablement attachés à la Maifon Ottomane, iroient plutôt fe chercher un Maître chez les Tartares de Crimée , que de con-, fentir jamais à fe foumettre à une autre famille , quelque confidéra-ble qu'elle pût être. Là jamais Vi-Cr ni Bâcha n'ofa fe flatter de monter fur le trône ; 6c la vénération des Peuples pour le fang des Ottomans eil telle, qu'à la feule lecture des ordres du Prince qui en eft ifîu & qui gouverne , le Seigneur le plus puilîant de l'Empire le fait un devoir de Religion de foumettre fa tète au coup mortel , 8c de présenter fon col aux bourreaux. fc? n Révolution La vénération des Mogols n'eft pas moins grande pour leur Empereur 3 ils fe regardent tous, moins comme Tes Sujets, que comme fes Efclaves. Mais on peut dire que ce font de véritables Efclaves, qui ( n'obéilTent qu'à la force, & dont la Snccefl-icn fou million & l'attachement fe bor-à la Cou- nent uniquement au trône de Ta- jptuie» merlan dont ils font defeendus, fans qu'ils fe mettent fort en peine de quel nom , ou de quelle famille eft celui par qui il eft occupé. Tout homme qui chez eux eft maître du fceau de l'Empire, eft leur Maître & leur Empereur ; tant qu'il eft fur îe trône , ils le refpeélent & lui obéilTent, prêts à porter la même obéiftance & les mêmes refpecls au premier Ufurpateur , qui plus heureux ou plus habile, fçaura l'en faire defeendre pour s'y placer. De-là vient que dans cet Etat la fucceflion à la Couronne n'eft des Indes Orientales. a $ point fixe & certaine ; qu'elle ne dépend pas même de la volonté du Grand - Mogol , qui ne peut pas toujours en difpofer en faveur de celui de fes fils qu'il fouhaiteroit d'y nommer j & qu'elle eft ordinairement le partage de celui des enfans du dernier Empereur, qui fçait s'en emparer par l'adrefle ou par la force. On doit même obferver, que les RΣr'.^V, tributs qui font la principale ri-ncçol* cheffe du Grand - Mogol, ne font pas toujours fort fidèlement acquittés. Ceux des Rajas ou Princes Gentils qui en font chargés, font aflez fouvent fi peu exads à les payer, qu'on eft forcé de faire marcher des armées contre eux-, pour les Obliger d'y fatisfaire. Pour ce qui efi des Vicerois Se des Gcndra-liflimes des armées par les mainsv defquelles doivent paifer te& tri-hwiij. uni de ces Rajas que. «tes jj^ Révolution Gouverneurs particuliers de leurs Provinces , pour être portés de-Ià au tréfor de l'Empereur , il n'efi pas rare qu'ils négligent de remplir leurs obligations à cet égard , & de faire remettre à Dely les fommes que leurs Gouvememens doivent rendre. Si dans ces occafions ils font appelles à la Cour pour rendre compte de leur conduite fur cet article, ils ne manquent jamais de prétextes pour s'en difpenfer : ils font agir j comme je Tai dit r quelques corps de Patanes ou de Marattes J qu'ils engagent à entrer dans quelqu'une de leurs Provinces & à la piller ; & ils s'excufent alors d*obéir aux ordres du Prince fur la nécemté de défendre leur pays > & de repouffer les ennemis de l'Empire» Nizani - Mouloufc dont les intrigues avoient tellement éclaté, qu'il craignoit de tomber entre les mains de l'Empereur x s'é- des Indes Orientales. 5 5 toit fôuvent fervi de cette rnfe pour s'exemter de paroître à Dely. Cette mauvaîfe politique des grands Gouverneurs Se des Vicerois eft caufe que les fonds deitinés à fournir aux dépenfes de la Cour Se de î'Etat font fouvent interceptés ; Se que malgré toutes fes richeiïes le Grand - Mogol eft quelquefois fort pauvre. C'eft ce que l'on voit de nos jours dans la perfonne d'Amet-Schali, qui règne aujourd nui fur ITndouftan ^depuis qu atré ans qu'il eft monté fur le trône, il n'a d'autre revenu que ce qu'il peut tirer des environs de fa Capitale. Le plus grand mal eft que ce ses Forces. Souverain qu'on imagine fi puif-fant j n'a pas un feul homme de troupes à fes ordres : toutes les forces de l'Empire font entre les mains des Omrahs, des Vicerois, des Gé-néraliftrmes Se des autres Grands 5 & quoique eeux»ci foient obligés -, 51» Révolution comme je fai dit, de fournir a l'Empereur un certain nombre de troupes Iorfqu'il le demande., & que les befoins de l'Etat l'exigent, on les voit fouvent s'en défendre, foit par une révolte ouverteou bien fous differens prétextes, dont ils ne manquent jamais pour colorer leur peu de déférence aux ordres du Prince. De - là il arrive qu'en donnant^ par exemple , un Gouvernement à quelqu'un., le Grand-Mogol n'a pas le pouvoir de Pen mettre en poflelïion malgré un fujet défobéilîant qui prétendra s'y maintenir par la force. C'ei.1 alors au nouveau Gouverneur à lever une armée , en engageant dans fon parti le plus de Généraux ou Manfoubdars, & de petits Rajas qu'il pourra attirer à fon fervice , fouvent même en appellant à fon fecours quelque corps de Marattes ou dî Patanes, FoLtiiié des Indes Orientales. 37 de ces troupes, il faut qu'il marche contre le Rebelle, & qu'il le force les armes à la main d'abandonner les Provinces qu'il occupe. S'il n'y réunit pas, fi au contraire lui - même eft battu & chaiïé, le vainqueur écrit auiTi-tot après à la Cour des lettres pleines de foumif-fion par lefquelles il demande le Firman , c'eft- à - dire , les Lettres-Patentes de l'Empereur , pour être confirmé dans le Gouvernement de la Province qui avoit été deftinée à fon rival ,• & à la faveur des pré-fens dont il fçait accompagner fa demande , elle ne manque jamais de lui être accordée. Car dans ce pays-là plus qu'ailleurs les malheureux ont toujours tort j & fans avoir Beaucoup d'égard au droit de ceux qu'elle a nommés d'abord, pourvu qu'on réuffifle ., la Cour fe prête facilement à favorifer ceux qui ont l'habileté de fe me tue en place» 3 & Révolution Alors l'autorité du Prince intervenant à une poifefïion originairement vicieufe, fait d'un Révolté Se d'un Ufurpatcur, un Maître jufte Se légitime ; tous les Peuples du Gouvernement le reconnoiffent & lui obéiflent. Il n'eft pas difficile de comprendre les fuites d'une fi mau-vaife politique ; elle étérnife les guerres dans l'Etat, Se perpétue les Gouvernemens dans les familles , où ils deviennent enfin héréditaires. Telle eft la forme de Gouvernement obfervée j-ufqu'ici dans le Mogol. Deux grands Peuples réunis fous la même obéi (Tance , mais éternellement divifés entr'eux, qui ne cherchent qu'à fe fuppknter Se à fe détruire; une autorité précaire dans le Souverainformellement ©dieufe à l'une de ces deux Nations , Se à laquelle l'autre ne fem-Me être foumife que dans la yûe de des Indes Orientales. 5 p ïa partager j une fucceffion au trône mal établie ; des revenus peu fixes & peu certains, des ennemis puifTans fubfiftans dans le cœur même de l'Etat, & toujours prêts à le déchirer -, des Grands qui bien loin de le défendre, ne travaillent qu'à le divifer, 8c à fe rendre indé-pendans dans leurs Provinces : voilà en général la fource des guerres 8c des révolutions continuelles qui ont agité , 8c qui agiteront toujours ce grand Empire. Mon deiîein n'eft point d'entrer sueee/noa * • t t- -, t 1 • T des Empe- ïci dans un détail de la vie des rems m&z t Princes Mogols par qui il a étég0 gouverné jufqu'ici ; mais au moins eft-il néceflaire d'en donner une légère idée, 8c de faire connoitre L'ordre de leur fuccemon» J'y joindrai feulement quelques traits, que je crois utiles pour apprendre aux Lecteurs quels progrès fucceffifs ces Monarques ont faits dans fixa- 4o Révolution de, & par quels degrés ils font parvenus à ce point de puilïance qu'ils y pofledent. v Selon l'opinion la plus certaine; ce fut en l'année 1390 , que Ta-ÉTamcrian. merlan entra dan* les Indes; Se il mourut en 1405 , (a) c'elt-à-dire , après environ fix ans de règne. Je ne dirai rien de ce Conquérant, dont nous avons une Vie alfez détaillée : je remarquerai feulement que le nom de Timur - Leng qu'il portoit, Se d'où nous avons formé celui de Tamerlan, fignifie Prince ou Seigneur boiteux, parce qu'il r*e-toit réellement -y Se à cette occafion je rapporterai un trait qui ne dé- ( a ) C'eft aînfi que Te marquent tous nos Hifto-siens r & après eux M. l'Abbé Guyoa dans fon Hifl. des Indes Tom. I. p. 2.73. ce qui ne l'empêche pas de dire deux pages plus haut, que ce fut Tan 1409, de Jejus - CkriJ'c, Se conféquemmenc quatre ans après fa mort, que Tamerlan-fnrrfpr/f la Conquête des Indes. C'eft dans la même Hiitoire, Tom. III. p. 276. que cet Ecrivain place Arcatte à 30 lieues au ^ud-Oueft de Pondichcry , & dans la jage fuiv.inte feulement a 15 lieues. Elle eft iltuee à : j lieues a rOucil-Nçid-Oucit de ceue des Indes Orientales. ^. r pTaira peut-être pas à quelques-uns de mes Lecteurs. Je le tire de Ber- I 3 9 ^* Tameilan» nrer, qui le raconte lui- même d'après une iettre qu'il avoit vue écrite a Cha - Jehan par fon fils Aureng-zeb, qui citoit ce fait à fon pere comme l'ayant lu dans les Mémoires d'Ekbar le Grand leur ayeuï. Ce Prince raconte que le jour même que Tamerlan vainquit Ba-jazet & le lit prifonnier, l'ayant fait . amener en fa préfence & l'ayant confidéré avec attention , il fe mit à rire ; & que Bajazet indigné de cette réception qu'il regardoit comme une infuîte, lui dit fièrement: » Timur, n'infulte pointa mafor-» tune ; fçache que c'eft Dieu qui » eft le diflributeur des Royaumes » & des Empires, & que demain il * peut t'en arriver autant qu'il m'en » arrive aujourd'hui. « Sur quoi Tamerlan lui fit cette réponfe : p Je fçai comme toi , Bajazet, 42 F évolution " » que Dieu eft le dillributeur des Xmuhn*v Royam^es & des Empires ; aufti n'ai-je garde de rire de ton mal-» neur. Mais en examinant ton » vifage, il nVeft venu dans l'cfprït » qu'il faut que ces Royaumes ôc » ces Empires foient devant Dieu, » & peut-être en eux-mêmes bien yy peu de chofe, puifqu'il les douane à des gens aufli mai faits que 35 nous le fommes , à un vilain bor-» gne comme toi, & à un nviféra-3> ble boiteux comme moi. » Ce trait, s'il eft vrai, marque plus que de la valeur dans le Conquérant de l'Ane. —-» Le fuccefleur de Tamerlan dans la Souveraineté des Indes fut Mi-racha , fon troifiéme fils ; mais a fon avènement au Trône , l'Empire des Mogols. n'étoit pas encore aiïez bien affermi fur ce pays , pour qu'il pût fe flatter d'en être pofleT-feur tranquille. Tamerlan étoit des Indes Orientales. 43 Entre dans les Indes en^ Conque- ■ ■■ rant plutôt qu'en Prince qui fonge 1 40?• à former pour lui & pour fa pofte- Miracisu rite un établilTement folide & durable. Il s'étoit emparé à la vérité de toutes les Provinces fituées à l'Occident Se au Nord de Tlndoullan : il s'y étoit rendu maître des Places ïes plus confidérabîes ; Se par le moyen des Gouverneurs fidèles, & des Garnifons nombreufes qu'il y entretenoit » il ievoit de gros tributs fur tous les Rajas entre ief-quels cet Empire étoit partagé. Du refle toutes les contrées de l'Orient Se du Midi, tout ce que nous appelions IesRoyaumes de Guzaratte, de Decan , de Golconde Se de Bengale , avec toute la prefqu'Ifle en deçà du Gange, tout cela conti-nuoit encore d'obéir à fes anciens Maîtres. Tamerlan n'avoit pas même pénétré jufqu'à Dely , où re-gnoit alors un Roi Patane. Son fé- 44 Révolution - jour le plijs ordinaire étoit à Baïcn * ou à Samarcandc, places fort éloi* u ... gnées , où il avoit établi fa Cour ; . enforte que l'on peut dire que fon autorité ne fubfiiloit aux Indes que par la terreur de fon nom. En tranfportant le fiége de fon Empire à Herat Capitale du Koraf- fan , Miracha fembloit être à portée de veiller de plus près aux afhirei de I'Indoullan. Mais comme en fuccédant aux droits de fon pere fur ces Provinces, il n'avoît point hérité de fa réputation , pour y maintenir fon autorité & y lever les tributs, il étoit obligé de fe montrer tous les ans aux Indiens à la tête d'une armée nombreufe. Je pafle les guerres qu'il eut à foute- nir contre le Roi de Cafcar, qui avoit ofé refufer de le reeonnoître ; elles font étrangères à mon fujer. Miracha mourut en 145 i , après avoir exercé fur les Indes pendant des Indes Orientales; ^ Quarante - fix ans une domination fort mal alfermie. L'autorité d'Abouchaïd, fon fils & fon fuccefleur, ne paroit pas y avoir été beaucoup mieux établie ; 6c fon règne qui fut de dix-huit ans, ne femble nous offrir qu'une fuite de malheurs & de difgraces. Chalîé d'abord du trône par fes propres Sujets auxquels il s'étoît rendu mé-prifable par fa molleffe , à peine Peurent-ils rappelle , à peine com-meuçoit - il à gouverner avec fa-gelle, qu'il fe vit fur le point de perdre encore une fois fa Couronne & fes Etats, par une confpiration tramée dans fon Serrai! 8c par fon propre fang ; Se il ne fortit de ce danger , que pour aller porter fa tête à Ufurr>CaQan Roi de Perfe, auquel il avoit déclaré la guerre. Ce Prince qui i'avoit fait prifon-ruer dans un combat, après l'avoir fraïte d'abord avec douceur & hsfa 4 que les Mogols font redevables du *atar* vafle Empire qu'ils ont toujours poffédé depuis dans ce pays 5 ce fut le premier des Succelfeurs de Tamerlan y qui porta un coup mor- „ [ ? ) Sa vie » die - on, fut une étude aiïîdue da lAlcorao* - des Indes Orientales. 47 tel à la puiffance formidable des ■ Patanes & qui par la victoire qu'il '493. , T . , Babar» remporta fur eux , établit dans les Indes le trône des Princes Mogols fur des fondemens plus folides. Depuis l'an 1085 , c'eft-à-dire, depuis plus de quatre cens ans les Patanes étoient maîtres de Dely, d'où ils étendoient leur domination du côté de l'Orient & du Midi fur toutes les autres Provinces. Une feule bataille gagnée en 1519, mit Babar en pofleOion de cette Ville, qui devint dès-lors la Capitale de l'Indouftaii, & le féjour le plus ordinaire de fes Souverains. Après cette conquête, Babar établit telles Loix qu'il voulut dans un pays dont les armes venoient de le rendre le maître ; c'eft à lui que l'on attribue entr'autres celle qui adjuge au Souverain la propriété de toutes les terres de l'Empire. Qn prétend aufli que ce fut fous fon 4$ /?cm •olution règne, que la Religion Mahomc-; tane devint la Religion dominante aux Indes. ■ ■■ Babar mourut en 1^30, & en 1 5 5 o. biffant à fon tils un Etat plus vafte houniajîm." <îue ne l'avoit polfédé aucun de fes prédecelTeurs, il ne lui IaiflTa qu'une iburce de troubles dont il fut enfui la viétime.' Chaires de Dely, les Patanes confervoient encore vers le Midi des places en grand nombre : ils avoient encore des forces confidérables ; 6c comme ils ne fup-portoient qu'avec peine la domination des Mogols, ils mirent tout en œuvre pour fecouer le joug, que ces nouveaux Maîtres vou-lorcnt leur impofer. De-là les guerres continuelles dont les onze premières années du règne d'Amayuin ou Houmayum (a) furent agitées; c'eft le nom du fils 6c du SuccefTèur (a) Houmayum lignifie en Indouitan U Ftr- de des Indes Orientales: ^ & Babar. Jufques - là ce Prince ' > ■» avoit fait tête à l'orage avec beau- .Iï^°" ° Amayum,oat coup de courage & de fermeté , Houmayum». ïorfqu'il fut enfin obligé d'y céder. Un Seigneur Patane profitant des avantages que lui procuroient les grandes places qu'il occupoit à la Cour & dans les armées, entreprit de venger fa Nation -, & de la rétablir dans les droits qu'elle venoit de perdre. Le nom de ce Seigneur étoit Chira , qui veut dire un jeune Lion' : il le changea en celui de Chîxcha, qui fignilieZe Lion Royal, ou le Seigneur Lion ; 8c fes mefures furent fi bien prifes, que le Prince Mogol ne put éviter fa difgrace qui le menaçoit. Après une fanglante bataille qui décida du fort des deux rivaux, 8c où l'armée M'>gole fut taillée en pièces, Houmayum fut obligé de fe réfugier en Perfe. Il y fut reçu par le Prince qui y régnoit alors avec toute la générofité qu'il Jbme I, C k, ô Révolution — pouvoït fouhaiter; il trouva à la 5 5 °' Cour un azilc a (Turc, & même tous ^c-uawyuiu. jes agrémens dont il eut pû jouir dans fa Capitale, Cette révolution arriva en 1541. Après fa retraite, Chirclia gouverna l'Inde avec une fagelle & une modération, qui lui gagnèrent le cœur & l'cftiine de tous fes Sujets, Se qui fermèrent au Prince fugitif toutes les avenues pour rentrerdans fes Etats. C'en étoit fait peut-être de la domination des Mogols dans ce pays, fi le règne du Prince Pa-tane eût été plus long. Mais il ne dura qu'environ neuf ans ; 6c Chir-cha étant mort fans laifler d'enfans malesjes troubles qui s'élevèrent au fujet de fa fucceulon, offrirent à Houmayum l'occanon la plus favorable qu'il pût fouhaiter pour remonter fur le trône de fes Ancê» très. Ce Prince en profita 5 aidé des fecours ç}ç la Perfe il rentra dans fa des Indes Orientales. j j* Capitale, 6V par l'humiliation des Patanes aiîura aux fuccelTeurs de Tamerlan l'Empire des Indes, que fon pere leur avoit acquis. Hou-mayumne furvêcut qu1 environ trois ans à fon rétabiilfement, & mourut en i^t. Il étoit réfervé à fon fucceffeur de porter le dernier coup à la liberté de lTnde , en achevant de ruiner la puilîance de fes anciens Maîtres. Ce Prince que la gloire de fon re- f ç gnelit nommer Akebarou Ekbar }*£^a* c'eft - à - dire , le Grand ou le Sans pareil, étoit né en Perfe la première année de la retraite d'Houmayum fon pere dans ce pays ; & il ne fut pas plutôt monté fur le trône , qu'il comprit que le feul moyen d'établir dans ces Provinces l'Empire des Mogols fur des fondemens folides & durables , étoit d'y a-tiéantir la domination des Princes naturels, 6c de ne faire de tous les Cij y 26 Révolution .....■ Rois Gentils dont ce pays étoit AVcblrVo«PeuPlc 3 qu'autant d'Efclaves.. Dans cette vue , auffitôt que l'âge le lui put permettre, il attaqua Ies^tfata-; nés, qui quoiqu'humiiiés par; fou pere & par fon ayeul, formoient encore une Puilïance capable de fe faire craindre, & qu'il réfolut d'exterminer 5 il leur enleva d'abord le Royaume de Guzarate., les clraffa enfuite de tout le Décan, Se parles pertes confécutives & réitérées qu'il leur fit effuyer, il les difhpaenfin, & les força d'abandonner le plat-pays , pour aller chercher un azile du côté du Nord dans les montagnes. De - là tournant fes armes contre les Indiens idolâtres, ce Prince marcha contre ce fameux Raja-Rana , qu'on regai'doit alors comme l'Empereur des Rajas 5 par fa défaite il acheva de ruiner l'atif. torité des Princes Gentils dans l'Iu- ■douilan ^ Se les obligea de fe foy, rjiet'jÇj des Indes•Orientâtes^ y g Comblé de gîoîre après des fuo ces fi heureux , & content d'avoir. . donné à fes Sujets des preuves de fon courage & de fa valeur, Ekbaî ne penfa plus le refte de fon règne qu'à leur faire éprouver des effets de fa magnificence & de fa bonté. Il quitta Dely, & tranfportafa Couï à Agra, qu'il orna , qu'il embellît, & dont il fit fa Capitale. II mourut en 160^ , danslacinquante-troifie-me année de fon Empire. Celui de fon fils * qui fut aulîi fon fucceffeur, ne nous offre rien d'in- jehan-Guir. téreflant pour notre Hiftoire; il fut de vingt - deux ans, Se n'eft remarquable que par les tr oubles domef-tiques, Se les guerres civiles dont if fut prefque toujours agité. Ce Prince nommé d'abord Cha-Selim , ou Roi Pacifique, eft plus connu fous le nom de Jehan - Guir qu'il prit depuis j & «qui veut dire Souverain du Monde} ou Preneur de Monde. A pei-1 _y 4 Révolution ■ 6 0 ne étoit- il monte fur le trône ; que ?ehaa-Cuir. Sultan Cofrou , l'aîné de fes fils, prétendit lui difputer la Couronne à la tête d'une armée de Rebelles. Cette entreprife coûta la liberté à ce fils révolté, que fon pere fit pri-fon nier dans un combat, Se qui fut renfermé dans une Forterefle où i| périt, dit - on , par la main de Sultan Chorron fon frère. Mais à peine Jehan - Gnir étoit délivré d'inquié-. tu Je de ce côté-ld, qu'il fe vit attaqué par ce même Chorron , qui brûlant du défir de régner, avoit affemblé une armée formidable de gens qui luiétoientdévoués^dansla vue de chafler du trône fon propre pere. Cette nouvelle révolte occa-lionna une longue Se cruelle guerre+ dans laquelle Nour- Jehan-Begum( rendit de bons fervices à Sultan Chorron qui avoit époufé fa nièce; Un Sujet fidèle vint enfin à bout? de réconcilier le pere & le fils', 8c par-là rétablit le calme 8c la tranquillité dans l'Empire, Après cet accommodement, Jehan - Guir ne penfa plus qu'à jouir du repos , Se mourut en 1627. à Lahor, où il faifoit fa réfi Jence ordinaire. Sa mort fut fuivie de nouveaux troubles excités au fujet de fa fuc-ceffion, dans lefquels ce même Sultan Chorron fon liis , dont je viens' de parler, fut obligé de difputer la* Couronne qui lui appartenoit, contre fon neveu, fils de ce même Sultan Cofrou auquel il avoit ôté la vie. Une intrigue habilement conduite le délivra de ce concurrent fans répandre de fang ; 8c à peine fut-il monté fur le trône, qu'il prit le nom de Cha-Jehan , fous lequel Mé Révolution ii eft connu , & qui lignifie Roi du . Monde. Je patte fous filence les éve-nemens du règne de ce Prince j ils font tous fort indilférens pour l'in-telSigence de l'Hiftoire que j'écris* D'ailleurs pcrfonne n'ignore les malheurs que ce Prince effuya dans les dernières années de fa vie 3 la lévolte de fes propres fils, la trahï-fon de plufieurs de fes Généraux & de fes Miniftres.» la défeétion des autres , enfin la prifon de ce Monarque infortuné, obligé de def-cendre du trône pour faire place à un fils , dont les forfaits heureux, furent couronnés du fuccès le plus éclatant. Réduit dans le fond d'un Serrail à la fortune d'un fimpleparticulier , Cha » Jehan y mourut en 1657,du poifon qu'Aureng-Zeb l'obligea de prendre. Je paffe légèrement fur ce qui regarde ce fils dénaturé, qui fût le meurtrier de fori pere & fon fuc- - ^ des Indes Orientales. *j cefTeur, même avant que celui - ci ~- ■ eût ceiïé de vivre \ fes crimes font f^iSsni allez connus, ainfi que le bonheur Zeb* conilant dont ils furent accompagnés. Je dirai feulement d'après Bernier, que quoique les.voies que ce Prince employa* pour arriver à l'Empire paroiffent très - violentes & fort terribles , cependant avant de le condamner on doit faire attention à la malheureufe conftitu-tion. du Gouvernement des Mogols, qui laiflant la fucceffion à la Couronne in Jécife faute de bonnes Loîx qui la règlent, Pexpofe à l'in-vafion du plus heureux & du plus . fort dont elle devient îa proie , 8ç foumet ainfi chaque Prince du Sang Royaï par la condition defanaiiïan-ce à la cruelle néceffité^nde vaincre & de régner > en faifant périr tons les autres pouraifurer fa puiifance:,. ott cte périr lui - même pour afîurer celle ^'autrui. Le même Âvueuc Cy 'j8 Révolution ajoute; que fi l'on réfléchît mû-. \6 *7* rement fur toute la fuite de la vie £çfr. d'Aureng-Zeb, loin de le confidé-rer comme un Barbare, on le regardera plutôt » comme un grand » & rare génie, comme un grand » Politique , & comme un grand » Roi ; a ce qui eit vrai, fi Ton fait abltraétion de l'horreur que ne peuvent manquer d'înfpirer fes parricides. Cette réflexion eit d'autant moins déplacée ici, qu'elle confirme ce que j'ai dit plus haut en parlant du Gouvernement du Mogol , que la fucceffion au trône mal établie dans cet Etat, y fera toujours une fource de guerres & de révolutions continuelles. Apres cette obfervation je pafTe aux évene-mens du règne d'Aureng-Zeb, qui ont le plus de rapport à mon Hif-toire. Le plus remarquable eft la con-; quête que lit ce Piïnce des Royau> des Indes Orientales. ^çy mes de Vifapour & de Golconde; - ) -r elle fraya aux Mogols un chemin */% 7m pour entrer dans la prefqu'Ille de Zeb* l'Inde en deçà du Gange, où ils n'avoient point encore mis le pied. Lorfqu'Aureng - Zeb monta furie trône, il n'y avoit pas encore deux cens ans que" ce grand pays qui s'avance dans la mer entre les golphes de Bengale Se de Cambaye , Se au- ' quel on donne plus de deux cens vingt lieues du Nord au Sud, étoit > encore tout entier fous la domination d'un feul Souverain ; ce ne fut que fous le dernier de fes Rois, que commença fa divifion. Ce Prince nommé Ram-Ras avoit trois efclaves qu'il aimoit, au point de les élever jufqu'à les faire tous trois Gouverneurs , l'un de toutes les terres qu'occupe auiourd'hui le Grand-Mogol dans le Decan , l'autre de tout ce que l'on a compris depuis fous le nom de Royaume de Vjfô- 6 o Révolution * " 1 pour, & le troifieme Je tout le pays 1 Aureng- Que nous appelions encore aujour-Zet>. d'hui le Royaume de Golconde. Ces trois F.fclaves s'étant enrichis & fortifiés chacun dans les Provinces qui leur avoient été confiées , s'y rendirent enfin fi puiflans , qu'ils oferent fe révolter tous trois de concert contre leur Souverain , lui firent perdre la vie dans un combat, & fe retirèrent en fuite chacun dans leur Gouvernement, où ils prirent le nom de Roi. A l'égard des en-fans ou héritiers du Roi Ram-Ras, comme ils ne fe fentoient pas aiïez forts pour tenir tête aux Ufurpa-teurs, ils fe retirèrent dans le Car-nate, où ils établirent une Souveraineté particulière. Conquête Depuis cette divifion, ces Royaume, de ToT- mes fubfifterem fous les defcendans coude & de de ces tro}s tfciaves iufCJll'à Ekbar, qui, comme je l'ai dit, fit la copj-quête du Decan, d'où il chaffa les des Indes Orientales. &i Patanes. Les autres Royaumes de 1 -Golconde, de Vifapour Se de Car- Vjjj^ nate fe foutinrent encore allez bien Zeh* plufieurs années depuis, jufqu'àce que fous le règne de Cha - Jehan 9 & avant les troubles qui portèrent Aureng - Zeb fur le trône , ce Prince arrière-petit fils d'Ekbar fol-îicité par l'Emir JemIa3Vifir & Général des armées du Roi de Golconde , fit fur cet Etat une tentative qui fut fur le point de lui réufiir. Les ordres qu'il reçut alors de la Cour l'obligèrent d'abandonner fon entreprife ; mais à peine fe vit - iï paifible poffelfeur du trône de Tamerlan , qu'il reprît fon premier dellern fur ce Royaume. Il y marcha d'abord en perfonne ; enfuite les dangers qu'il couroit dans cette guerre l'ayant engagé à fe retirer, il en laiffa la conduite à fon fils À-zam - Clia , qui répondit parfaitement, aux vues de L'Empereur fon 62 Révolution - pere. II furprit le Roi Je Golconde Aureng- dans fa Capitale, l'envoya prifon-nier à Dely, & fit de cet Etat une province de l'Empire. Apres un fuccès fi heureux , il ne fut pas difficile aux Mogols de pénétrer dans la prefqu'Ifle de l'Inde en deçà du Gange. Ils portèrent leurs armes dans le Carnate, qu'ils fournirent fans y trouver beaucoup d'oppofi-tion, & achevèrent d'en faire la conquête par la prife de Saint-Tho-mé, dont ils s'emparèrent avec l'aide des Hollandois. Les Portugais qui poffédoient cette place , après avoir inutilement foutenu toutes les fatigues d'un long fiege, la perdirent faute de fecours. La Ville appellée autrefois Mé-liapour a pris le nom de S lint-Tho-mé , parce que l'on prétend que l'Apôtre Saint Thomas y a fait un long féjour, qu'il y a prêché FE-j t vangile , Se. qu'il y a été enterré 3 des Indes Orientales: g3 Bprès avoir été malTacré par les Bra- 1 .....* mes (a) du Malabar. Elle eft fituée £l^g: fur la côte deCoromandel à vin<7t-Zcb* huit lieues au Nord de Pondichery. Les Hiftoriens Gentils & Portugais s'accordent tous à dire, qu'elle a été autrefois une des Villes des plus riches & des plus florilfantes de ï'Inde ; mais elle eft aujourd'hui fort déchue de fon ancienne grandeur. Sa chute donna lieu en 1671 à l'établiffement de Patnam , qui n'en eft éloigné que de deux lieues j c'eft ce que les anciens Portugais nommèrent Madraz : les Anglois font appelle depuis le Fort Saint George. Après la prife de Saint-Thomé, le Viceroi de Golconde établit un ( a ) Les Indiens font partagés en plufieurs Caftes , dont la première <& 1 pl;is noble eft cclre de* Brames. Ce font les Prêtres & les Docteurs de l'Inde ; & ils ont beaucoup d'autorité auprès des Princes Gentils de ce pays. V. à ce fujet riUftair^ Révolution —— Gouverneur Maure à Arcatte ( a J urcog- Capitale du Carnate, Ville toute ouverte, fituée à vingt-cinq lieues à l'Oueft - Nord - Oueft de Pondichery 5 il rendit enfuite la Ville de Saint-Tlioiné aux Portugais. Le Nabab nouvellement établi à Arcatte parle Souba de Golconde fut confirmé par le Grand - Mogol en cette qualité , avec le droit de fuc-ceflTion. C'eft ce que nous apprenons d'un Kiftorien Maure nommé Daftagorfahcb ( b ) qui a écrit en langue Perfane , & qui s'accorde avec les anciens Hiftoriens du Malabar en ce qu'ils rapportent des guerres, d'entre les Maures 8c les Portugais. Le plus fameux 6V le plus eftimé de ces Auteurs eft un Brame nommé Lalabot ( c ) J qui a ( a ) Arcatte en Langue Tamoule veut dire le i fix Montngnes: (b) Dafïagorfaheb fîgnifîe en IndoulranSeigneur de grande Scie ne;. (5) Laiab:t> en. Langue-MarattctMiniftre de la des Indes Orientales. é$ écrit en langue Tamoule : c'eft dans 1 les Indes la langue des Sçavans. Les 1 Ameng-j Gentils confervent précieufement2^* les Ouvrages de ces deux Hitlériens j parce que , félon eux, ils contiennent une prophétie , qui leur promet qu'un jour ils rentreront en polleftion du royaume de Carnate. La conquête du Vifapour ( a ) ne du fut pas abfolument au (fi facile que de Vifapour, celle de-ce royaume. Dans le tems qu'Aureng-Zeb n'étoit encore que Viceroi du Decan , ce Prince toujours fécondé de l'Emir Jemla qui s'étoit attaché à fa fortune , s'étoit déjà rendu maître de Bider ., une des plus fortes places & des plus importantes du Vifapour5 Se Iorf- (a) Je ne puis comprendre où M. l'Abbé Guyon a pris ce qu'il dil dans fon Hifloire des Indes, Tarn* II. p. 79. qut le royaume de Vifapour cil borné au Midi par celui de Carnate ; que ce royaume d*' Carn.ite eft le même que celui de Canara, & qu'il comprend tout le rejle de ta prefqiCIJle, excepté U* tfou Occidentales. 66 Révolution " q«'H fut parvenu à l'Empire , îl at-Aurcng- taqna ce royaume avec de fi grandes forces J qu'il l'obligea de fe fou* mettre, & le réduifit en fimple Province. Mais^en lui ôtant fes Souverains propres , il fe vit en tête un ennemi vaillant & hardi jufqu'à l'intrépidité, vigilant d'ailleurs, actif & entreprenant > qui tant qu'il vécut ne permit jamais à l'Empereur Mogol de jouir paifiblement de fa conquête. Je parle du fameux Sévagi , qui étant Gouverneur d'une Province du royaume de Vifapour, fe révolta contre fon Souverain , lui débaucha un grand nombre de fes Sujets, s'empara de plufieurs de fes meilleures places, & qui par fa révolte s'étant formé un Etat dans les montagnes fituées au Sud-Eft de Goa, fe répandoit de .-là indifféremment fur tous les pays voifins, portant par tout la défolation & le ravage. Ce fut ce des Indes Orientales. (S y même Sévagi, qui en l'année irî3oJ » dans le tems qu'il parcourait en S * 7* J r Auieng- Conquérant le Carnate & le Ma-Zeb. ; dure, accorda à la Nation Fran-coife un Caouï, c'eft - à - dire , des efpeces de Lettres - Patentes, par Iefquelles il permettoit aux François de refter à Pondichery, où ils Venoient de s'établir , à condition qu'ils ne prendroient point de part dans fes guerres. Que de mauvai-ies nuits ce Rébelle ne fit - il pas palier à Aureng - Zeb î Jamais le Prince Mogol n'avoit eu d'ennemi fi redoutable ; 8c malgré le bonheur qui l'accompagnoit par-tout, jamais il ne put venir à bout de le foumettre. La mort de Sevagi fembloît devoir délivrer Aureng - Zeb de fes inquiétudes ; mais il trouva la même oppofition à fes defteins dans les Sujets de ce Révolté J ou plutôt dans ceux des Peuples du Yifa- ëS Révolution n ' pour qui avoient fuivi fa révolte? ^u/eng- cantonnés dans leurs montagnes, £eb« ils mirent à leur tête Sommaci-Raja fils de Sévagi, & refuferentconf-tamment de reconnoitre la domination Mogole, L'opiniâtreté qu'ils faifoient paroître dans leur révolte obligea Aureng-Zeb à les attaquer de toutes parts avec de plus gran-j des forces 5 il eut même le bonheur en i6%9 , d'attirer Somma'gi - Raja dans une embufcade, où il fut fait prifonnier, & condamné enfuite à perdre la tête. Mais ni toute fa puilTance, ni toute fon habileté, ne purent venir à bout de réduire ces Peuples rébelles. Après la mort du fils de Sévagi, ils mirent à fa place fon frère Rama - Raja , & ont toujours continué depuis leurs defor-dres Se leurs brigandages. Ce font ces Peuples , comme je l'ai dit, que nous appelions aujourd'hui Marattes. des Indes Orientales. £ $ Comblé de gloire & de fiiccès, «" ** Aureng - Zeb mourut au mois de 1aJ^ Mars 17©7, âgé , dit - on, de plus Zeb* -> de cent ans , dont il en avoit régné cinquante depuis la mort de Cha^ Ifèhan. A peine fut - il expiré, qu'on vit ■ renouveller entre les trois fils qu'il 1707. avoit Jantes les mêmes divilions & les .mêmes troubles , qui avorent fignalé fon avènement au trône, chaeund'eux fe difputant une Couronne qu'un feul pouvoit pofféder. Cha - Halam qui depuis peu d'années avoit triomphé du Roi de Perfe, & qui .étoit l'aîné de ces -trots Princes, l'obtint par fa valeur , 6^ acheta l'Empire au prixdufangde fes deux frères. C'eft tout ce que PHiftoire nous apprend de lui. II mourut en 1718 3 après avoir régné onze ans, , j 1 Mahamet - Cha fon fils fut aufli 1 7 1 8. Ion fuççefleur, t\ fembie avoir été ç^*""*3 '*/0 Révolution tm deftiné par la Providence à expier MÏbLÎct-ïe* forfaits de fon pere & de fort ayeul par les difgraces & l'humilia-tion qu'il efluya j humiliation la plus grande à laquelle un Monar^ que puiffe être expofé, Se telle qu'il n'y en a point qui ne doive lui préférer la perte du trône , pourvu qu'elle foit accompagnée de celle de la vie. Les vices qu'on lui a reprochés , Se. qui furent, dit-on, là caufe de fes difgraces , ne font par malheur que trop ordinaires même aux plus grands Princes ; affez peu de-goût pour les affaires, beaucoup de mollelfe&d'indolence, un grand amour pour le faite Se pour les plai-lîrs, fur - tout un peu trop de foi-bleffe pour les perfonnes en qui il avoit mis une fois fa confiance, Se une bonté qui, lorfqu'elle efl bien réglée, efl la plus belle vertu des Rois, mais qui, s'ils la portent à l'excès , devient pour eux Se pour, des Indes Orientales. 71 îes Peuples qui leur font fournis une fource de miferes & d'infortu "es. Avec ces qualités, Mahamet Cha* Cha peu aimé de fes Sujets, peu eftimé &. peu refpecté des prin'ci-eipaux de fon Etat , fe tenoit renfermé dans les bornes étroites d'une Cour voluptueufe & des délices de fon Serrail, tandis que fes Généraux & fes Gouverneurs, cantonnés dans leurs Provinces, y agilîoient en fouverains, & n'o-béiifoient aux ordres d'un Maitre qu'ils avoient peine à ne pas mé-prifer , qu'autant qu'il leur plaifoit de s'y foumettre. Un de ceux que ce Prince avoit ie plus élevés & le plus comblés de bienfaits, fut celui de tous qui travailla le plus conftamment & le plus efficacement à fa perte. Je parie du fameux Nizam-Moulouk (a) (a) N^iam-Moulouk , enlncbuftan, Bras fort de VEmpire. Le Grand - Mogol lui donna ce titfe^ Jwfqu'U le fit fon GéûéraliiTune. yH. Révolution plus connu dans quelques Auteurs Mahanfet- i"0115 le ,10m &&zez'ïa > ir. Le Paravam, c'ell-à-dire, les Lettre - Patente* que ce Seigneur en fit expédier, efl: Jatte du mois d'Août 1736', Je Iaifife aux Hiftoriographes de la Compagnie le foin de faire valoir les avantages confidérables , qui: lui revenoientde cette conceflion j on verra par la fuite de cette HT-toire,, combien ces avantages doivent être augmentés par les nou- (a) lman-SaKcb, eu Indouftan, parfait Seigneur Rempli de Jcience. Dij Y <$ Révolution "T"' veaux privilèges que les Viceroï* ..AiJiuiit- du Djcan , fucceiïeurs de Nizam-Aljuloiik, ont accordes à la nation pour le cours de fes efpeces dans l'Inde. Au rené on ne doit pas croire que ies difficultés & les retarde-mens qu'oppofoit le Nabab d'Ar-catte à l'exécution de la permiffiort obtenue par les François , vinffent d'aucune mauvaife volonté pour la Ration ; on voit au contraire qua dans ce même tenis il accorda à la Compagnie les aidées ou villages cPOulgaré, de Mongourapekan 2c de Calepet, & qu'il lui en fit expé. dier ies Paravanas néeeffiiires pouj s'en mettre eu pofTeffion. Mais les défordres du Gouvernementavoient répandu dans tous les efprits uri jtmour de l'indépendance , dont jj étok aifé de voir que ce Nabab jn'étoit pas exemt : depuis quelques 0nnée$ ij aHeftoit de bray^r tei i des Tndef Orientales. tfresTes plu^ précis de l'Empereur" '■>. & de fes Minières; ii négligeait 1 7 * 4' Mahamcl* m c me de payer le uibm annuel Cb* . >. auquel il étoit obligé , & iem-bloit porter fes vues ambitieuses au-deià des bornes de fa Province. Ce Seigneur nommé Daouf-talikan étoit un des dcfcendans du premier Nabab établi à Arcatte fous Ï£ règne d'Aureng - Zeh par le Vi-ceroi de Golconde il feavoit que les Rois de Maduré & de Tanjaor fes voifins étaient redevables au Grand - Mogol de fommes confi-dérabîcs , qu'on Iailloit accumuler par la mo'.ïeffe de ceux qui étoientà la tête des affaires, & il crut pou- . voir profiter de cette occafion pour porter la guerre chez ces Princes Gentils. Son deffein étoit de former un royaume pour fon fils Sab-deraukan (a) & un autre pour fon ( a ) Sabdcraliliaû . çn Jadoulïan , vailLnt D iij 7$ Révolution • gendre Chandafahcb ( a ) , jeunes ïkiMiKt- Sens llu* ne nianquoient ni debra-voure ni d'ambition , & des autres qualités néce flaires pour mettre à exécution un pareil projet. Dans cette vue Daoullalikan afTembla «ne armée de vingt - cinq à trente mille chevaux , dont il donna le commandement *à ces deux Prin-ces. Ceux - ci commencèrent par fe rendre maîtres du territoire de Trichenapaly ; après quoi ils mirent le fiege devant cette place, j - ûm Trichenapaly, gande Ville bien Prife de peuplée , Capitale du royaume de l7ÎCparnaPles Madurc , eft bâtie fur deux bras du llauiçc Coiram (b) à quarantre-quatre lieues ( a ) Chandarahcb , ou Chanderfaheb , en In« douftan , Seigneur de la Lune. (b) Le Coiram eft une rivière qui prend fa fource dans le Carnate , & qui coulant vers le Sud-Eft , 8c traverfant le Maduré , fe divife au-, deiïus de Trichenapaly en deux branches, dont l'une conferve Ton nom de Coiram , l'autre s'appelle le Cavery. Dc-là elle entre dans le royaume de Taniaor, où eUe fe jeite dans la mer au-defibiia •c Kari cal. des Indet Orientales. y g an Sud-Oued de Pon Jichery. Ou—■......t*à tre l'avantage de fa fituation, cette 5viab«aeV Ville eft défendue par un folle Cfa*" plein d'eau de dix à douze toifes de large , & par des murs de trente pieds de haut, flanqués de plufieurs tours placées de diftance en diftan-ce. Elle fut inveftie par Parmée Mogole le fix Mars 1736. Cette Ville, & tout le Madurc qui en dépend , appartenoit alors à une Reine , qui fou tint le fiege pendant quatre mois avec toute la vigueur poiïible. Au bout de ce terme les deux Princes Mogols ne fe voyant pas beaucoup plus avancés que le premier jour, gagnèrent quelques-uns des principaux Officiers de cette Princeffe , & par leur canal lui firent entendre , qu'ils ne pou-voient fans intérelîer leur honneur fe retirer honteufement de devant fa place ; qu'ils ne lui demandoient qu'a fauver leur gloire , qu'il leur D iv Tîo Révolution "' fufliroît qu'elle leur permît d'entret 'nisLotcc- dans fa Ville feulement pour y plan-ter leur pavillon, après quoi ils pro-mettoient d'en foriir & de lever le fiege. Ces promelTes appuyées de beaucoup de fermens firent illullon à la PrincefTe : elle confentit à les recevoir dans fa place ; mais à peine s'y virent-ils les plus forts, qu'ils fe rendirent maîtres de la perfonne de la Reine 8c de fa ville. Sabdera-likm en laiffa le Gouvernement à fon beau - frère Chandafaheb , qui prit aufii-tôt le titre de Nabab de Triche napaly. . Après cet exploit,ces deux Prin- 1738. ces achevèrent de s'emparer de tout le pays , entrèrent dans le royaume de Tanjaor , 8c mirent le fiege devant la Capitale du même nom , où le Roi Sahagi s'étoit renfermé avec tout ce qu'il avoit pu ralfembler de troupes. Comme cette ville étoit trop - bien fortifiée des Indes Orientales: g j pour des Peuples, qui ignorent l'art ■ dont on fe fert en Europe pour ve- 1 7 5 3' * » r t i i . „ Mahanict» rur a bout des places les plus fortes cku & les mieux défendues, après être reliés fix mois devant celle - ci fans en être plus avancés J les deux Généraux Mogols convertirent lé fie-ge en blocus ; en même-tems ils firent un détachement de douze à quinze mille hommes, dont le commandement fut donné à Barafaheb, frère de Chandafaheb. Celui-ci s'avança dans le Sud, fe rendit maître? de tout le pays de Marava jufqu'an cap de Comorin , & pouiTa fes conquêtes jufqu'au royaume de Tra-vancor , d'où il remonta vers le Nord le long de la côte de Malabar. Tandis que ces cbofes fe palToient mmmmm~~ du cô:é de Tanjaor , Chandafaheb */ \?Z ' _ ETablifh rendit un fervice important aux m'-nr ,Jl" rançois, en les mettant en pof- Kaxicafc teîïïon de Karkaî. Ce pofte fuué far Dr S 2 Révolution 1 la côte de Coromandel à deux lieues Mlhaicc-au Sl,cI de Tranquebar, à quatre !ia» lieues au Nord de Négapatan , & à vingt - cinq au Sud de Pondichery> appartenoit encore alors au Roi de Tanjaor Sahagi-Maha-Rajou, dont je viens de parler. Ce jeune Prince âgé de vingt - fix à vingt - fept ans avoit d'abord fuccédé paifiblement à fon oncle Cidogi mort au mois de Février 1738. maib a peine étoit-il monté fur le trône , qu'un fils que Ci'Jogi avoit eu d'une de fes femmes , & qui pendant la vie de fon pere avoit eu beaucoup de part au Gouvernement, s'étant fait un parti puilTant à la Cour, s'empara à main armée du Palais & des principaux polies de la ville , où il fe fit proclamer Roi» Dans cette révolution fubite Sahagi eut à peine le tems de fe (auver fuivi de quelques amis iideles J paffa le Coiram , & fe relira à Cluucmbron des Indes Orientales. g j "C a ) qui eft de la dépendance des . 7 Mogols. II y fut joint bientôt après Mahamu-par quelques troupes 3 mais comme C il manquoit d'armes Se de munitions de guerre , le Gouverneur Maure de Chalembron lui confeilia de rechercher l'amitié des François S< de faire alliance avec eux, l'affiliant que de tous les Européens établis fur la côte, il n'y e*n avoit point de plus capables par leur bravoure & par leur cénérofité de lui fournir tous les fecours dont il-avoit befoin pour rentrer dans fes Etats. Sahagî fe détermina à fuivre cet avis , Se il envoya auftitôt trois Députés à Pon-dichery pour traiter avec la Nation;, Se en obtenir les fecours qui lui étoient néceftaires pour le rétablis fur le trône. En reconnoilïance de ' X&) Chalembron eft une grand?aidée ,-tni plu-r tôt un gros Lcurp , où il y a une Pagode fbmSéë 9c flanqu€fc de tours. Ce ttcu rcleTt du Nabab d* Xdipaç, ijui y tient uarGcuvtt'n'.ur. D v| g^, Révolution 1 ce fervïce il oïfroit de céder au* \1? 9' François la ville de Ksrical, la for- Manama- T terelTe de Karcangery qui en eft voifine., & dix aidées ou villages des environs avec toutes les terres de leur dépendance. Il y avoit déjà long - tems que la Compagnie des Indes Se les Gou-verneurs de Pondichery avoietit reconnu l'utilité d'un étabiiflfement fur les terres du Roi de Tanjaor; jls Tavoient même tenté plufieurs fois inutilement ; toujours traverfés par les Holîandois de Négapatan auxquels le voifmage des François ne plaifoit point. Les offres du Prince détrôné parurent une occa-fion favorable d'exécuter un projet qui avoit échoue fi fouvent : M, Dumas crut devoir en profiter, <5ç au mors de Juillet de la même année 173 £ , il figna avec les Envoyés de Sahagi un traité, par le-» quel il s'engngeçû de payer à ce des Indes Orientales. Roi en argent comptant environ — deux cens mille livres de notre m^uç» monnoie, de lui fournir des ar-Ch** mes, de la poudre & autres munitions de guerre , 8c de lui donner tous les autres fecours qui pour-roient dépendre de lui. En confé-quence de ce traité le Prince Gentil lui envoya quelques jours après un Paravana en bonne forme , par lequel il cédoit 8c tranfportoit pour toujours à la Nation les droits qu'il avoit fur la ville de Karical, la for-tereffe de Kaicangery 8c les terres de leur dépendance. Auffi tôt après ^expédition de cet acte , M, Dumas fit mettre en état d'appareiller deux gros vailTeaux de la Compagnie , le Kourbon de foixante pièces de canon 8c le Saiut-Géran de quarante-fix, & y fit embarquer des troupes, de l'artillerie , des munitions de toute efpece, pour aller prendre poflelfionde Karical ? Se porter au 5 6 Révolution .......Roi de Tanjaor le fecours dont on lilhîmâ- convenu. Sur ces entrefaites ^ Sahagi ayant gagne par fes préfens 6 par fes promettes les principaux Seigneurs du parti de fon concurrents il fe lit une nouvelle révolu- i tion en fa faveur : i'Ufurpateur fut arrêté dans fon Palais ; Se à la première nouvelle qu'en eut Saliagi> qui jufques-là étoit toujours demeuré à Chalembron , ce Prince s'étant rendu en diligence à Tan-, •jaor , il y fut reconnu d'un confen-tement unanime. On lui livra I'Ufurpateur j & il le lit couper en quatre quartiers, qu'on plaça par fon ordre fur les qua-tre principales portes de la Ville.. Cependant les deux vaiiTeaux François dellinés pour Karical a-voient mis à la voile, & au commencement d'Août ils mouillèrent devant cette place. Les Hollandois de Négapatan qui*, comme je lrai> des Indes Orientales. Sj dit,ne font éloignés de Karical que ■ pi de quatre lieues, ne furent pas plu- 1 7 * 9' tôt informes de l'arrivée de ces vail- ce». féaux & du traité fait avec le Roi de Tanjaor , qu'ils prirent fur le champ des mefures pour en empêcher le fuccès. Ils députèrent en diligence à Tanjaor des gens affit-dés chargés de promenés & de préfens y pour tâcher d'engager Sahagi Si. fes Miniflres à ne point exécuter le traité fait avec les François j ils oferent même employer les menaces pour l'en détourner. Leurs inftances & leurs follicitations pref-fantes eurent leur effet :. aufii peu jaloux de garder fa parole que fe font tous ces Princes Gentils , & n'ayant plus le même befoin des fecours que la Nation lui avoit promis, intimidé d'ailleurs par les menaces des Hollandois & gagné par leurs préfens 3, non - feulement le Roi de Tanjaor; différa fous de S S Révolution vains prétextes d'évacuer Karrcnï ; Mahamet-iï envoya même des ordres fecrets ^ à un de fes Généraux nommé Kan-faheb qui commando!t un corps de trois à quatre mille hommes dans îe voifinage, de s'oppofer à la def-cente des François, & de les empêcher de prendre terre. En effet ce Générai s'étant approché de la côte, envoya dire au Commandanï des deux vaifTeaux, que fi fes gens mettorent pied à terre, il les char-geroit. Malgré ces menaces il eût été facile de fe rendre maître de Karîcal» Mais M. Dumas ne crut pas que la force & la violence fuf-fent des moyens convenables pour former un établifîement J dont le commerce devoit être l'objet prinw cipal : il jugea au contraire J que dans ces circonflances fur - tout il étoit à propos de ménager le Prince Se les gens du pays ; & pour ne pas les indifpofer d'abord contre la Na- des Indes Orientales: %p Pôn , après avoir laifL* pendant près de deux mois les deux vaif-feaux mouillés devant Kar'rcal, il ïeu r envoya ordre de revenir à Pon-dichery. Les chofes étoient en cet état^ lorfque le Roi de Tanjaor fut alTié-gé clans fa Capitale par Sab leralikan & Chandafaheb. Ce dernier étoit ami particulier de la Nation. & l'a-Voit toujours favorifée jufques - là dans l'occafion. Il n'eut pas plutôt été inftruît du traité fait avec Saha-gi, & des retardemens que ce Prince apportoit à fon exécution , qu'il écrivit au Gouverneur de Pondi-chery, pour lui oflrir de chaifer Kanfaheb des environs de Karical, & de le mettre en poifeflion de cette place & de toutes les terres de fa dépendance. L'olT're étoit trop avantageufe pour ne pas être acceptée : M. Dumas écrivit à Chandafaheb pour l'en remercier, & la ç c* Révolution Mahamet- Prince Maure n'eut pas plutôt rorri fa lettre , qu'il fit partir pour Kari-cal un détachement de quatre mille chevaux commandés par un de fes Généraux nommé Nàvawfkifn. C'é-toit un Patane, qui de fimple Cavalier s'étoit élevé par fon mérite & par fa valeur au Commandement généra'. Au bruit de la marche de ces troupes • Kanfaheb croyant a-voir fur les bras toute l'armée Maure y abandonna les environs de Ka-ricai & fe retira en défordre , après avoir jette quatre cens hommes dans la fortereffe de Karcangery, Le Général Mogol la fit attaquer ; & l'emporta , fans que l'ennemi ofât (aire la moindre réfifiance» Informé de ce prompt fûccès , M* Dumas fit partir fur le champ de Pondîchery un petit vaifïeau de cent - cinquante tonneaux qui fe trouva prêt, avec ce qu'il put rat fembier de troupes. Elles arrive- des Indes Orientales. 9T rem vingt-quatre heures après de-vant Karical; & auffîtôi qu'elles eurent pris terre , le G. néral Maure Cha* , îeur remit la ville & la. fort ère (Te, for va nt i'ordre qu'il en avoit de Chandafaheb. L'aéte de p ife de pofleffion de ce porte e!ï du 14 Février J739. Peu de jpurs ap.ès 011 y envoya de Pondichery un gros vaifléau chargé de troupes , de munitions , & de tout ce qui étoit rié-ceffaire pour mettre cet établi (Ter ment en état de défenfe & à l'abri de toute in fuite. Le Roi de Tanjaor apprit la nouvelle de cet événement fans en paroître beaucoup ému : il n'avoit jufques-là éludé l'exécution du traité fait avec la Nation que pour fa-tisfaire les Hollandors & profiter de leurs préfens ; du relie iln'étoit pas fâché que les François formalîent fur fes terres un établilîement , dont l'Agent que M. Dumas entretenoit 9* * Révolution --toujours auprès de ce Prïnce ; lut w!ha^vanroît fo:t Ies avantages. D'un h3* autre côté il apprénendoit, que fe trouvant alors maîtres de Karical par droit de conquéte,iIs ne refuTaT, fentdeiui payer la fomme qu'ils lui avoient promife. C'eft ce qui l'engagea à écrire au Gouverneur de Pondichery, pour le plaindre de ce qu'il s'étoit fervi du fecours des Maures fes ennemis pour fe mettre en pofleffion d'une place qu'il Iuj avoit donnée, ralTurant qu'il n'a-voit jamais celle un inllant d'être dans la réfolution d'exécuter le traité fait entr'eux à Chalembron. Eu même-tems il lui en envoya la ratification, avec un ordre à tous les Iiabitans de Karical de reconnoître les François à l'avenir, & de leur obéir comme à lui - même. Ces aéles font du 20 Avril de la même année 1739. Ils étoient à peine expédiés, lorf- des Indes Orientales. tjue les deux oncles de Sahagî qui t avoient le plus contribué à le réta- 1 7 î 9. blit fur le trône , mécontens de fa ciu.11**1*0*"" conduite, le tirent arrêter dans fon Palais, & mirent à fa place un de fes coufms nommé Pradanpfingua , qui au bout de quelques jours ht" étouffer ce Prince infortuné dans Un bain de lait tiède. Peu de teins après fon élévation , le nouveau Roi envoya au Gouverneur de Pondichery la ratification du traité fait avec fon prédeceffeur , & la confirmation de la conceffion de Karical. dont il augmenta même les polîemons. Eu conlidération de cette augmentation , la fournie qui avoit été promife par le traité fut changée en une redevance de deux mille Pagodes ou 17000 livres, que la Compagnie s'obligea de payer tous les ans à ce Prince à titre de préfent pour cet établilie-fcent. Qu compte que dans Pétat 24- Révolution —1 où îl étoit alors, i! rnpportoït pa£ Mahamét-an dix mule Pagodes ( a ) qui font quatre-vingt cinq mille livres de notre monnoye. Cependant l'irruption des Maures avoit répandu Pallarme & l'effroi chez tous les Princes Gentils fie cette partie de ITnde. Ils écrivirent lettres fur lettres à Savon-Raja alors Roi des Marattes , pour lui demander du fecours , lui représentant que s'il ifarrêtoit les progrès de leurs ennemis , c'en étoit fait 3 non - feulement de I?urs Etats, mais même de leur Religion & de leur culte , qui alloient être entièrement détruits dans les Indes par les efforts des Mahoméians, Les folliciu.tions preffantes de ces (a) La Pagode efl: une m-nnoîe d'or des Indej^ qui a la frime d'un petit bru*, n d vft'. , & cjijj Vaut huit livres dix fols. Le cote convexe de cette TOcnncie eli femé de petits rrain'; ;-& le d;iiou$ 2ui cJt plat, cû maroué delà figure d'une Idole, u pays. - " âes Indes Orientales. ç j Princes, jointes à l'envie de piller_mmm un pays enrichi depuis un grand 1 7 3 9» nombre d années par le commerce cha, ■ des Européens ., déterminèrent le Roi des Marattes à accorder le fecours qu'on lui demandojt ; fes principaux Miniftres , dont la plù- 1 part étoient Brames, lui en firent même un devoir de Religion. II leva une armée de 6o mille chevaux & de «>o mille hommes de pied ( a ) , dont il donna le commandement à Ragogi - Bouflbula> un de fes Généraux. Ces troupes partirent au mois d'O&obre 1739, & prirent la route du Carnate. Au briût de leirr marche , Daouf- » itaUkan Nabab d'Arcatte écrivit à I74a-Ion (ils & à fon gendre d'aban lori- desmSk! ner le blocus de Tanjaor, & rjfe Jj™^ revenir en diligence aup-è* de lui, (a) Quelques-uns prétendent qu'il n'y avoit pal plus de 60 mille homme* en tout dans cette ar-tnéc. ; niais ce rapport eft d.menti par d'autres f dations, do#t eu ae ^u,. conteuer la, vwitét çon état, Se garnis d'une nombreufe artillerie J qu'eu égard à la réputation que la Nation s'étoit faite dans le pays. La fouie des fugitifs devint fi grande, que l'on fut obligé Je fermer les portes de la V iîle j on iaiiïa feulement ouverte celle de V3ldaour y dont on renforça la garde , afin d'empêcher le déf«*rdre. E iv 104 Révolution' Les gens de guerre eurent ordre Litote s'arrêter hors de la Ville, & de camper le long des murs. On con-cevroit à peine la quantité de grains & de bagages J le nombre des marchands, des Femmes Se des en-fans qui entrèrent alors à Pondi-chery, Tout ce qui ne put trouver place dans les maifons , fut obligé de relier dans les rues J qui en peu de tems fe trouvèrent fi remplies, que le cinquième jour après la bataille , c'eft - à - dire , le 2^ Mai, on pouvoit à peine y paffer. la veuve Ce fpeéiacle fut fuivi d'un autre1 d'Arcatte3 rc qui n'étoit pas moins touchant. La Pondichery veuve du Nabab Daouflalikan qui avec fa fa-avoït £t£ tU(i fans Je COmbat , fe nulle. * préfenta a la porte de Valdaour fui-vie de toute fa famille ., implorant la protection du Roi, & demandant avec infiance d'être reçue dans ia Ville où elle apportoit tout ce des Indes Orientales; r c 5 qu'elle avoit pû ramaffer d'or, d'ar- 1 ■gerit,.de pierreries & autres erTets.. l^^* précieux. La conjoncture étoit dé- Cha> iicate. La politique d'un Chef dé colonie doit être de ménager également tous les Peuples qui l'ont reçu & le fou firent fur leurs terres | s'ils font diyifés \ il ne peut fe déclarer en faveur dé f un fans s'ex-pofer à, mécontenter le parti contraire. Dans les circonftances préfentes , fi l'on accord oit à la veuve du Nabab l'entrée dans Poudiche-ry, n'étoit - il pas à craindre qirud-trutts du lieu de fa retraite | informés quPelle y avoit apporté avec elle toutes fes richefîes, ies Ma* rattes ne fe déterminafTent à venir faire lé flège de cette ville dans la vue de fe.- rendre maîtres de tons fës trofoH'S'? D'un ïrutré côté comment refufer à une fuiriîle défoléé un azile , auquel tous les- madftcuv tetix- ont'dtok dJàfpftev $SSSÊÊ £ v io6 . 1 Révolution aie cela pouvoit arriver, la moin-. cire révolution, faifoit changer de face aux a fia ires .. fi Sabderalikan, fils & héritier du dernier Nabab, venoit à bout de chaffer les Marattes du pays Se de les obliger de fe retirer , pouvoit-on raisonnablement fe flatter que ce Seigneur J & tous les Officiers Mogols avec lefquels on avoit toujours vécu jusqu'alors dans une parfaite intelligence , pardonnaient jamais aux François d'avoir refufé l'entrée de leur ville à leurs mères, à leurs femmes , à leurs enfans, dans nn befoin auffi preiïant 8c une. occafion auffi criti» que ? Ces dernières raifons déterminèrent le 'Gouverneur 8c te Confeil de Pondichery îi accoider à la famille du Nabab la protection du Pavillon François, 8c une retraite tlans la ville. Elle y fut reçue à fon entrée avec tous ies honneurs qui des Indes Orientales. 107 lui étoient dûs. Les femmes , les 1 filles & les neveux du Nabab étoient 17A °' portés dans vingt Palanquins efcor cliS% tés de 1500 Cavaliers, & accompagnés de quatre-vingts éléphans, de Soo chameaux, & de plus de deux cens carodes traînés par des bœufs , dans lefquels étoient leurs domeftiques 5 ils étoient fuivis outre cela de plus de 2000 bétes de charge. M. Dumas alla les rece-voir à la porte de la ville | toute I* garnifon étoit fous les armes, bordant les remparts, qui les faîuerent d'une triple décharge d'artillerie de - là ils furent conduits dans les ïogemens qui leur avoient été deftr-nés. Les Officiers Mogols parurent pénétrés de l'accueil favorable' qu'on leur fit en cette occafion. Le bon ordre qui régnoit dans la ville,, les fortifications bien entretenues T la nombreufe artillerie qui les dé-tendok, étoient-pour eux autant 1 1 IoS Révolution 1740. de fujets d'admiration, tis fe fé- Mahamec- ..... , Cha, licitoient les uns les autres d'avoir ' ■ préféré la Nation Françoife à toutes les autres Nations Européennes établies dans le pays, pour venir chercher auprès délie un azile contre la fureur de leurs cime» mis. Deux jours après le combat du Canamay , Sabderalikan arriva à 1 deux journées d'Arcatte à la tête de quatre mille chevaux ; mais ayant appris la mort de fon pere 8c la défaite de fou armée , il re-brouffa auflitôt chemin , & gagna en diligence la forterefle de Ve-lour fuuée à nx lieues au Nord d'Arcatte , où il s'enferma, Là coru fidérant qu'il lui étoit impoulble de rétablir fes affaires par la voie des armes , il prit le parti de terir ter un accommodement, & députa aux Marattes qui étoient alors à Arcatte dont ils s'étoient emparés,; des Indes Orientales. iQp pour leur faire des proportions. Elles furent acceptées après quel- mI^j ques négociations j & la paix fut Cha* conclue entr^eux aux conditions fuivantes : { a) Que Sabderalikan qui avoit fuccedé à fon pere dans le Gouvernement d'Arcatte , ren-treroit en poileffion de cette place ; qu'il payeroit aux Marattes cent (a.) Je ne conçois pas où M. l'Abbé Guyon sr pû prendre ce. qu'il écrit dans fon Hifl. des Indes > Tom. III. p. z9-y &fuiv* qu'une des raifcnj qui détermincrenrle Général Maratte à fouferire a ce traité, fut que Na^er-Singuc Soubade Gol-conde s'étoit mis en marche pour venir l'attaquer avec une armée de plus de 2co mille hommes r n'ayant été retenu fur la route que par le débordement du Quichena. Car i". comment le Qui-chena fe trouvoit - il débordé au mois d'Août:, qui ordinairement n'eft pas la faifon des pluies an Carnate ? 2«. Comment Naz,er -Sînguepouvoit-il être alors Souba de Golconde, puifque Niiam-MoulouJt fon pere Fétoit encore, & le fut jusqu'à fh. mort? s". Comment Naier-Sinpue prévoit - il marcher alors contre les Marattes avec une armée, puifque, comme on le verra par 1# fuite de cette Hiftoire , dans ce tems - la fon pere ISiixam le tenoit comme prifonnierf 40. Enfin fi la crainte de l'arrivée de Nazer-Singue put obliger les Marattes a traiter avec Sabderalikan , comment eft - il poflîble qu'ils foient demeurés encore plue de huit mois depuis dans ces quartiers , où Us firent le ûege de Trichenapaly i I r o Révolution r Iaks de Roupies , c'eft - à - dire » Iwà* vînSc - cIu3tre raillions de notre CU» monnoie ; qu'il évacueroit toutes les terres de Trichenapaly & de Tanjaor; qu'il joindroit fes forces à celles des Marattes pour en chaf-fer fon beau - frère Chandafaheb ; qu'enfin les Princes Gentils de la côte de Coromandel feroient remis en poffefTîon de toutes les terres dont ils étoient maîtres avant la guerre. Ce traité fut frgné à Arcatte à la fin du mois d'Août 1740. Tandis qu'il fe négocioit, la mere de Sabderalikan, fa femme & toute fa famille étoient à Pondichery d'où elles l'informèrent de l'accueil favorable qu'elles avoient reçu des François , 8c des honneurs qui leur avoient été rendus dans cette ville. Ces, nouvelles engagèrent le Nabab , auffitôt qu'il eut fait fa paix avec les Marattes, à fe rendre à Pondichery pour voir & confoler des Indes Orientales. m fa mère , & pour la ramener avec " &û à Arcatte. II y arriva à la fin T 7 4 °* du même mois d'Août a la tête de ci», cinq cens chevaux, & accompagné d'une fuite fort nombreufe, & y fut reçu avec toute la diitinction due à fa perfonne & à fon rang. II y demeura dix-fept jours, pendant lesquels il lit préfent à M. Dumas des aidées ou villages d'Archiouac & de Tindouvanatam , & lui en fît expédier les Paravanas. II en partit ^nfuite fort fatisfait de la Nation, ramenant avec lui fa mere, fa femme Se fes enfans. II laifîa feulement dans la ville fa feeur, femme dè Chandafaheb, qui avoit refufé d'accéder au traité fait avec les Marattes, & qui loin d'évacuer la ville de Trichenapaly, s'y étoit renfermé avec une nombreufe garnifon, •réfolu de la défendre jufqn'à la derrière extrémité. Plufieurs Dames & Seigneurs Mogols de fon par- 'ii2 Révolution ~m~mm~~ tj relièrent auffi à Pondichery. 1740. 7 Mahamet- Les Marattes de leur côté après w* - avoir reçu de Sabderalikan «une partie de la fonv.ne dont ils étoient convenus , s'étoient retirés à dix ou douze journées d'Arcatte , at~ tendant le relie du payement, 8c l'exécution des autres articles du traité. Mais les deux Princes Mongols fe mettoient peu en devoir, d'y fatisfaire. Chandafaheb refufoit confiamment de rendre la ville & les terres de Tricbenapnlyi, & Sab. deralikan dont le pays étoit ruiné & les finances épuifées , étoit dans Pimpuiffance d'achever de remplir les engagemens qu'il avoit pris avec eux. En vain ils menaçoient de revenir à la charge , & de reu-> trer dans le Carnate ; le. Nabab qxtj fe fentoit hors dVtat de les contenter, traînoù les chofes en longueur ■ attendant du teras quelque lévoiution qui le délivrât de leur* des Indes Orientales. i j 3 poursuites* Fatigues enfin Je fes délais , après être demeurés plus Mahliméi-; de deux mois dans les montagnes pour rafraîchi: leurs troupes , 6c pour lai lier pafTer la faifon des grandes chaleurs , ils fe remirent en marche, & prirent le chemin d'Arcatte. Sabderalikan en fut efirayé ; il siège do «t vendre aufti-tot tout ce qu'il ly par ^ avoit de pierreries , & envoya atl*181"1** Générai des Marattes tout l'argent qu'il put ramafler. En même-tems à force de prières & de promenés il les engagea à lui donner quartier , & à tourner leurs armes contre Trichenapaly. Us arrivèrent devant cette ville au mois de Décembre ; 8c après l'avoir invertie, ils ouvrirent le 15 la tranchée devant la place. Suivant ies lettres écrites de leur camp à Pondichery au commencement de Janvier, leur armée étoit alors compofee de 70 114 Révolution mille Cavaliers & d'environ ^ ^ Maiamct- niille hommes d'Infanterie dont la plus grande partie leur avoit été fournie par les Princes Gentils du pays. On y comptoit outre cela cent éléphans& plus de vingt mille bœufs. Tonte cette armée étoîç campée à une demi - lieue de la ville. A l'égard de Chandafaheb , il avoit dans la fortereffe deux mille Cavaliers & cinq mille hommes de pied j mais les vivres & les munitions ne répondoient pas à une gar-rifon auffi nombreufe. Il n'y avoit dans la ville du ris & de l'eau que pour un mois ; Se Pon y manquoit abfolument de paille , d nuile, de beure, & même de poudre. Les Cavaliers demandoient à fortir de la place, parce que tons leurs chevaux y mouroient ; enforte que le cinq Janvier on ne comptoit pas qu'elle pût tenir enore plus de dix jours. des Indes Orientales. j i y Ce fut au commencement de ce fîege , que les Marattes ayant appris ^«rime- & de nos ennemis, & nous a dé-» terminés à envoyer notre armée w contre vous. Sur ces entrefaites » Apagi Vitel, fils de Vitel Naga» » nadou un de nos anciens fervi-» teurs, que notre Roi avoit pria » autrefois à fon fervice, efl venu » me trouver , & m'a parlé de » vou9 en bons termes : ce qu'il » m'en a dit m'a fait beaucoup de » plaifir. » Souvenez-vous que nous vous (a) C'eft le nowt du Dieu Rama répété. I.gj Indiens Gentils s'en fervent ru conuncnccincni de leurs lettres au lieu de falut. des Ir.des Orientales. ï \*f avons placé anciennement dans * » l'endroit où vous êtes, & donné Mahaiaet^ » la ville de Pondichery. II nous Cha' 33 paroilîoit que vous en étiez mé-» connoiflant ; mais Apagi Vitel (a) » nous a fait entendre le contraire: * il nous a afTûré que vous étiez » un Seigneur jufte , & que vous *> ne manquiez jamais à votre pa-» rôle. Nous avons auffi penfé que » vous agiriez pour nous appaifer *> conformément à ce que notre *> ancien ferviteur Vitel Nagana-» dou régleroit avec vous. Après «avoir été informés de tout cela, » nous avons en leur confidération » différé de quelques jours d'en->> voyer notre armée, & avons com-» mandé à tous nos Gemidars (&) fe de ne point vous attaquer jufqu'a » nouvel ordre. ( a ) Les deux Vitel , pere & mIj , étoient dej fripons, qui rrompoientM. Dumas. | (bj Les Gemidiirs font de* Officiers de Cav*j Jeric» 'î 18 Révolution — » II faut qu'à l'avenir vous vous btmct- « feffiez informer de tout ce que » nous vous avons écrit, & que » vous nous envoyiez au plutôt vo-» tre réponfe. Il faut auiTi que fans » délai vous penfiez féricufcment à *> là façon dont il convient que » vous faiîiez amitié avec nous , » afin que vous foyez fiable & tran-» quille. J'ai dit à Apagi Vitel tout * ce que je veux que vous fçachiez. » à ce fujet ; vous pourrez l'ap-» prendre par fa lettre. J'ai aufïl » expliqué mes intentions à Balo*. » gi Naganada. Il faut que vous » envoyiez au plutôt votre Vaquil »(a) avec lui, pour finir incef. » famment pour ce qui vous re-, » garde, & convenir de la fomme. » que vous payerez. Je vous or-» donne de plus de lui donner » deux cens Pagodes ; il faut que ( a-) Vaquil eft une efpece de Secrétaire d'homme d'anaires. ans Indes Orientales. P vous les lui donniez furie champ. —11 1 ■ » Le 12 du mois de Saval. Je P n'ai autre chofe à vous mander. » cha* Cette lettre du Général des Marattes arriva à Pondichery le 20 Janvier 1741, & le lendemain le Gouverneur y fit la réponfe fui-van te. » Le Gouverneur Général de » Pondichery, à Ragogi-Bouiïou-** la Général des Marattes, falut. » J'ai reçu la lettre que vous » m'avez fait l'honneur de m'écrire, * Se m'en luis fait expliquer le con-» tenu. Vous me dites que vous » m'avez plufieurs fois écrit ,6V qu* * je ne vous ai fait aucune répon-» fe : je fçais trop ce que je dois à » un Seigneur tel que vous, pour ?» commettre une pareille faute. » Avant la lettre à laquelle je ré-» ponds actuellement, je n'en ai * reçu aucune autre de votre Sei-« gneurie, Si elle m'a écrit, il faut 'iiô Révolution > » que ceux à qui elle a remis faïet* jZâËe. -trc ayent iL,gé à Pr°p°s de la 8ar- F1"» » der , afin que ne recevant point » ma réponfe , cela vous indifpofùt » contre moi & ma Nation. » Votre Seigneurie me marque, » qu'elle étoit dans l'intention d'en-» voyer fon armée contre nous. n Quel fujet avez - vous de vous » plaindre des François ? en >5 quelle occafion vous ont-ils of-» fenfé ? ils ont au contraire con. » fcrvé jufqu'à prélent une reçois » noi(lance parfaite des faveurs » qu'ils ont reçues des Princes vos » ancêtres ; & quoique vous fulfiez » fort éloigné de nous , nous n'a-» vons jamis difcontinué un inlfant a d'exécuter tout ce que nous vous ^avions promis , ayant toujours » protégé les Gentils & les gens de *> votre Nation , qui ont ici leurs v temples, & leur religion qu'ils " exerce^ des Indes Orientales; 12 j> » exercent avec liberté & tran- - ■ » quillité. 1J 4 1 • » Votre Seigneurie doit aufliCh** a> fçavoir, que nous rendons à un » chacun la juftice la plus exacte 9 » que l'on vit dans Pondichery à « l'abri de toute opprefîion, Se que •le Roi de France notre Maître; » dont la juftice Se la puhTance font » connues par toute la terre, nous » puniroit, fi nous étions capables • de faire la moindre chofe contre » fes ordres & fes intentions. » Cela étant ainfi , quelle raifort » votre Seigneurie pourroit - elle » avoir de nous faire la guerre, 8c » que peut-elle attendre de nous ? » l.a France notre patrie n'a ni or y> ni argent 5 celui que nous appor-» tons dans ce pays pour acheter » des marchandifes, nous vient des » pays étrangers : on ne tire du » nôtre que du fer & des Soldats; ?> que nous Remployons cepen^ Tome I. 1? t2i Révolution ■ 1 1 v dant que contre ceux qui noua attaquent injuftement. 4hu )) Nous fouhaitons de tout notre 35 cœur de vivre en bonne amitié ».avcc vous,* & fi nous pouvons * vous fervir en quelque' chofe ; 30 nous le ferons avec plaifir. Vous * devez donc regarder notre ville » comme la vôtre. Si votre Sei-» gneurie veut m'envoyer un pafîe-p port , j'enverrai une perfonne a» de confiance pour vous laitier de » ma part ; mais je vous prie de me » difpenfer de me fervir de l'entre* » mife d'Apagi Vitel, fils de Vitel » Naganadou, qui ne cherche qu'à » nous trahir, & à tromper votre » Seigneurie. ?» Je prie le Tout-puiflant de vous » combler de fes faveurs , & de » vous donner la vi&oire fur tous » vos ennemis. A Pondichery, ce p 21 Janvier 1741. » .Ces lettres furent fuivies de quel- des Indes Orientales. r i j ques autres ; il y en eut une fur- 1 tout, par laquelle ie même Ragogi infiltoit beaucoup fur ce que les Ch** François, difoit-iL n'avoient obtenu un établifïement dans iTnde du grand Maha- Raja Roi des Marattes , qu'à condition de lui payer chaque année un tribut ; ce qu'ils n'avoient point encore exécuté. Il Vouloit parler fans doute de la per-miffion accordée aux François par Sevagi dans les commencemens de l'établiffement de la Compagnie à Pondichery. Ragogi reprochoit auffi à la Nation l'aille qu'elle avoit accordé à la veuve du Nabab d'Arcatte & à fa famille après la mal-Iieureufe journée du Canamay , Se demandoit que les François lui livraient la femme de Chandafaheb avec tous fes tréfors, fes pierreries 8c fes autres effets, menaçant en cas de refus de les en rendre refponfables. Fij l±£ Révolution <*....... Cette lettre ne fut reçue à Pon3 , Maham;t-dic[iery près l'avoir pourvue de toutes les M^nlù--munitions de guerre & de bouche Cha' à*ont on pouvoir avoir befoin dans ïe cas d'un fiege , M. Dumas con-Cdérant que la garnifon n'étoit pas fuffifante à beaucoup près pour défendre une place d'une auffi grande étendue, commença par armer tous ^s Employés de la Compagnie & ïes habitans Européens, dont il for" ma des Compagnies d'Infanterie qu'on exerçoit tous les jours ait fervice de la moufqueterie & du canon. Enfuite il choifit parmi les Indiens tous ceux qui étoient en état de porter les armes, qu'il partagea en Régimens ; ce qui lui donna-un corps de quatre à cinq mille Fantafïins, Malabars & Mahomé-tans , fur ïefquels on ne pouvoit pas beaucoup compter dans Poc-cafion y mais qui montant la garde régulièrement 6c faifant le fervice 'i 28 Révolution "' fur les ramparts, pouvoient fouTà^ Vahamc^ger de beaucoup la garnifon. QU-to tre cela il fit débarquer & mettre à terre tous les équipages des vaif-feaux François qui étoient alors en rade s ils furent diftribués & fixés « des polies pour le fervice du ca-j non , auquel les Matelots font infi, niment plus experts que les troupes de terre. Enfin il écrivit aux Çonfeîls des Ides de France& de Bourbon , pour les engager par les motifs ies plus prefîans à envoyer promptement à Pondichery tuus les fecours qui dépendroient d'eux. On doit cette juftice aux Confeils de ces deux Ides, qu'ils ne négligèrent aucuns foins pour faire embarquer au plutôt fur plufieurs petits vaifleaux un détachement de 400 hommes de troupes réglées de quantité d'Officiers 8c de Volontaires, qui tous brùloient d'impatience de fecourir leurs frères des bides Orientales. tip qu*iïs croyoient réduits aux abois. -Si ce fecours fut inutile pour une 17.41* 1 Maliametj Ville qui ne fut point attaquée, & ch»« où il n'arriva que dans le mois de Juin fuivant, il fervit au moins à faire beaucoup d'impreflion , tant fur I'efprit des Naturels du pays, que fur celui des autres Nations Européennes établies fur cette côte. ^-Tandis qu'on prenoît ces précautions faces & néceffaires dans les circonflances, M. de Cofïïgny, Capitaine de Grenadiers dans le Régiment de Bretagne & alors Ingénieur en chef à Pondichery, Officier diftingué par fes talens & par fon morite , travailloit à mettre les fortifications de la place en état de ne redouter aucune infuke ; & il s'y employa avec tant d'activité y qu'au bout (JTenviron deux mois fes dix - fept Rallions furent en état de recevoir 142 pièces de canon parfaitement établies. En même- 15 o Révolution ———■ tems pour couvrir les portes de la MdroV ville , il fit élever au devant des ha' quatre principales un ravelin environné d'un folfe avec fa banquette. A l'égard des deux autres petites portes voifines de la mer, il fe contenta de les faire héritier en dew hors de fortes pointes de fer bien affilées ; & de quatre pouces de Ion-gueur fur un bon pouce de large. Ces pointes étoient arrêtées fur deux femelles de bois bien fain _ qui pouvoient s'appliquer en dehors par le moyen de deux écroues. Cette invention étoit d'autant plus utile, que iorfque les Iidiens afùegent une place dont les portes ne font pas ainfi frai fées de pointes de fer, ils font avancer un éléphant blindé pardevant pour le garantir des coups de flèches, qui de fa trompe ; ou d'un coup d'épaule t fracalîe & jette une porte à dix pas en dedans. II n'y a ni verrouiis 3 ni des Indes Orientales. 131 gonds ; ni pcntures de portes J qui ■ puiflent réfiuer à deux ou trois Llhln^ coups redoublés d'un éléphant de cha* guerre dreflé à ce manège. D'un, autre côté y les Marattes Coi)„res(fes Voyant que leurs lettres étoient Marattes 1 la cote» inutiles, crurent que leurs menaces auroient plus d'effet, s'ils les ap-puyoient de quelques troupes. Dans cette vue ils firent un déta-* chement de huit mille chevaux, qui s'avançant du cô:é de la mer, fe préfenterent devant Portenove,, à fept lieues au Sud de Pondichery. Comme cette place eft toute ouverte & fans défenfe r ils srer* rendirent maîtres fans oppofition,, & la mirent au pillage à- plufieurs teprifes. L.es loges (a) Hollandoife.,: 'Analoife 6c Francoife eurent le (n) Les Européens établis aux Indes appelaient loges, les maifens qui leur Vivent de de* meures & de magafins, nnnd le Chef du corn» .merce n'y fait pas fa rélidtnce ; c'eit ce que l-o* fcomme autrement-un Comptoir. F vj i t, 2 Révolution ' même fort ; les Marattes enîeveJ Maham«- rent tontes les marchandifes qu'ils ha' y trouvèrent. Après cette expédition ils fe replièrent vers le Nord, & allèrent attaquer Goudelour , établi (Te me ut des Anglois à quatre lieues au Sud de Pondichery, qu'ils pillèrent encore malgré le canon du Fort Saint-David , qui ne put les en empêcher. Ils s'avancèrent enfuite juf-qu'au village d'Archionac, diftant d'une lieue & demie de Pondichery, fans ofcr approcher plus piès de la Ville. De-là ils députèrent un de leurs principaux Officiers au Gouverneur , pour réitérer les menaces 6c les mêmes demandes qu'ils avoient faites , proteftaru qu'en cas de refus ils avoient ordre d'empêcher qu'il entrât aucuns vivres dans Pondichery , & qu'auftU tôt après la réduélion de Trichenapaly, qui ne pouyoit pas tenir di- des Indes Orientales. 133 foîent - ils , encore plus de quinze jfW jours , toute leur année viendroit 1 7 4 ** aliieger la place dans les formes. Le G»* .. Gouverneur reçut poliment cet Officier, qui étoit un homme d'efprït & de mérite, il lui lit voir L'état de fa ville f Si l'artillerie qui la défen-doit, & le renvoya fans paroître émû de fes menaces , Se fans lui accorder aucune de fes demandes. On ne doit pas oublier à cette occafion un trait, dont l'invention fut due au même M. de Coiïigny dont j'ai parlé ; il contribua peut-être autant que toute autre chofe à faire perdre aux Marattes l'envie d'attaquer les François. Comme on conduifoit leur Envoyé dans les dehors de la place pour lui en iaire mieux voir les fortifications, quelques fou galles que cet Officier avoft fait creufer de diftance en diiiance, Sa qu'il avoit fait charger de cailfes remplies de pierres ^ allumées par « »34 Révolution i*———— quelques faucilTons qui commun?-M^iarac'p-quoient à la Ville, vinrent à jouer fur le pafiTage de ce Député , emportant avec elles toutes les pierres & toutes les terres des environ^.. L'Officier M a rat te fut il effraye de l'effet de ces fougafTes, qu'il retourna joindre fon détachement très - perfuade que tous lés dehors, de Pondichery étoient minés , 6c que s'ils eivreprenoicnt de l'âme* ger , Hs ne pourroient en approcher fans voir fauter en l'air toute leur Cavalerie. En même - terni fur les avis que reçut M. Du.nas de l'arrivée de quelques partis ennemis qui pit-îoient Oulgaré 6c Ariancoupan, village* appirtenans à la Compagnie , & dillans de PonJichery d'environ une demi-lieue,il fn for-tir pour les charger un détachement de deux cens Grenadiers & de quelques Volontaires commaa- des Indes Orientales. 13 y o*és par le mcme M- de Cofïigny. 1 ■ '< Mais ies Ma rattes les ayant apper- Mafcuû^ Çus, & le Fort d'Ariancoupan leur Ch** ayant tiré quelques volées de canon 3 ils fe retirèrent ; en même-tems leur détachement s'éloigna, & alla camper à cinq lieues à POueft de Pondichery. Quelques jours après ils tombèrent fur Cony- . nier & Sidras, où les Holiandois ont des établiflemens ,. qu'ils pillèrent. Cependant Trichenapaly étoit conrïmw* réduit aux dernières extrémités.Les "eTricheiS-M.nattes avoient formé devant cet- P*1^ te Ville quatre attaques , qu'ils pouffèrent à la fappe | & avec des galleries fort bien construites ; 6c quoique'ce fiege fût plus long qu'Us ne l'avaient imaginé d'abord, on jugeoit à leurs mouvemens 6c à toutes leurs difpofitions qu'ils a-voient réfoin de ne point partir de-i.à qu'ils ne fuffcm. maîtres de ia I ^6 Révolution * 1 place» Cliandafalieb de fon côté Vuiiie-étoit déterminé à la défendre tant qu'il lui refleroit un foufÏÏe de vie. Les Marattes infïrnits de fa r folu-, tion , avoient arboré le Darman-i chada, ou Pavillon de paix , pour faire entendre aux habitans qu'ils pouvoient fortir de la Ville fans craindre de recevoir aucune inful-te. En effet fur cette aîlurance tous les habitans l'abandonnèrent, & fe retirèrent du côté de Chirangharn* Apres leur départ , réduit à fes feules troupes y Chandafaheb venu Jut entamer avec l'ennemi une négociation qui ne lui réuific pa<\ l\ députa à Rag)gi un homme de confiance, qu'il chargea de lui offrir dix laki de Mou pies ( a ). Le Ma- (a) La Roupie eft une monnoie d'argent des Indes un peu m ins grande qu'tmc de n^s pièces de 2+fols , âc qai en a deux fois l'cpaiflcur. fil|e porte d'un coté l'empreinte du G;and-îviogol, & vaut 48 fols de notre monnoie. Oh ermpte les Roupies par Jafcs de parcouveus. Le lnkvaut cent mille Roupies, ou- 240 mille livres ; & le courba y.tut cent Liks » cViè - à - dire 24 millions. Di* *.iks valent dcu*ntilHons 400 mille tly. & trence hiffi fept millions *cç miJUe JLi'v» des Indes Orientales, j 3 7 ïatte accepta la propolition. » Qu'il ■1 » paye dix Iaks , dit-il, êc qu'il VwJ,^ » forte de la place ; mais s'il veut cha* *> la conferver & en demeurer le * maître, il faut qu'il donne trente » laks. » Cette réponfe rapportée à Chan- Défaite^ dafaheb ne fervit qu'à le confirmer Baiaf:Uieb< dans la réfolution qu'il avoit prife d'abord ; de faire la plus longue & ïa plus vigoureufe réfiilance. Cependant la place ne pouvoit tenir plus long - tems fans un promt fecours. InQruit du danger prelfant qui le menaçoit, Barafaheb fon frère qui avoit un petit Gouvernement aux environs de Pondichery , ne perdît point de tems, il afîembla promptement une armée de 2 y mille hommes & une pro-digieufe quantité de vivres & de munitions, 8c fe mit en marche pour aller fe jetter dans Trichenapaly. Mais les Marattes qui n'ignod 138 Révolution '" roient pas les befoins delà place; MahLncV ïa ferroient de fi près,& en avoient ■ fi bien fermé tontes les avenues que quand il parut, il lui fut im-polTible d'y pénétrer. Défefperé d'avoir manqué fon coup, & prévoyant tous les mal-rieurs dont fa famille étoit menacée, s'il ne tentoit quelque grand effort pour dégager fon frère , Barafaheb fuividefes 25 mille hommes ofa fe préfenter devant l'armée formidable des Marattes. Ragogi frappé de la témérité, & touché en même-tems de la grandeur d'ame de ce jeune Seigneur qui venoit fe lu vrer à lui en défefperé, fortit de fes lignes , & accepta le combat ' après avoir donné par - tout des ordres exprès de ménager les jours de Barafaheb , & de le lui amener prifonnier. Les deux armées fe choquèrent ; les Mogols fondirent comme des furieux fur les Marat- des Indes Orientales. 139 tes 1 mais ils furent auiïitôt acca- 1 nies par le grand nombre de Ces Mahaïucfr* derniers. Ce ne fut proprementCha* Qu'une déroute. Chandafaheb qui étoit forti de Trichenapaly avec l'élite de fa garnifon , voyant l'armée de fon frère mife en fuite, & considérant qu'avec une aum petite troupe que la tienne il ne pouvoit fe flatter de faire pencher la victoire de fon côté, rentra en bon ordre dans fa place , réfolu plus que jamais de s'y défendre & de s'enfé-Velir fous fes ruines. Barafaheb au défefpoir de cet accident, mais toujours animé du delir de fecourîr fon frère, traînant après lui les débris de fa petite armée , fit auffi fa retraite la rage dans ïe cœur, fans que les Marattes qui avoient éprouvé fa valeur eufîent la hardiefle de le pourfuivre. Ils rentrèrent dans leurs lignes. Pour lui après avoir raffemblé autour de Ï40 Révolution *' lui la plus grande partie des fuyards; M*i»œe ^ harangua cette troupe confierai», née 3 & ce qu'on aura peine à croi. re , il entreprit de perfuader à ces hommes à peine échappés à l'épée du vainqueur la néceflité de mourir avec honneur en fe facrifiant pour leur patrie , & de mettre par leur valeur leurs femmes & leurs enfans , leur Prince & leurs fortu-: . nés à couvert des infultes de l'ennemi. La langue Indouflane efl forte & mâle; & les Mogols font naturelle* ment éloquens. Barafaheb réuffît auprès de fes Soldats au-delà de fes efpérances; de fept mille hommes qui lui reftoient Se qui l'écoutoient, quatre mille s'écrièrent tous d'une voix qu'ils vouloient mourir avec leur brave Général , ou pénétrer dans Trichenapaly. Barafaheb n'eut garde de Iaifïer refroidir ce zélé de fa petite troupe $ il crut même des Indes Orientales. i^.f pouvoir dans l'ardeur qui l'anïmoit, * la porter jufqu'i la férocité. Non Mahamîti content d'avoir convaincu cesCha5 nommes auparavant fi foibles de la fiéceffité de mourir, il voulut leur prouver que pour aller plus coura-geufement à la mort, ils dévoient eux - mêmes facrifier leurs femmes, afin de les foultraire aux infultes des Marattes, qui les couvriroient d'infamie. Que ne peut point fur les efprits ïa force du difcours, Iorfqu'il efl manié par un homme adroit & aimé qui parie au nom de la patrie, & qui a affaire à des Peuples efcla-Ves de leurs préjugés/ Pour per-fuader fes Soldats par fon propre exemple plus encore que par fes paroles, Barafaheb fit venir fa femme ; & à la vue de toute fa troupe, foifi d'une fureur aveugle, il lui plongea le poignard dans le fein. lïous les affiflans furent frappé? ri^i Révolution I i d'horreur à la vue de ce cruel fpeo; Mahtinêt-tacIe » tous détournèrent leurs reJ P*« gards 5 mais tous fuivirent l'exemple barbare de leur Chef, & facrU fièrent leurs femmes. Après cette fanglante tragédie; Barafaheb fit diftribuer du Bangue { a ) à toute fa troupe, & fe mit en marche, traînant après lui une certaine quantité de facs de ris. If ne tarda pas à joindre l'ennemi, firç lequel il fondit comme un furieux. Le carnage fut d'abord épouvantable , femblables à des lions, Ies Soldats Mogoîs donnoient mille morts avant que d'en recevoir une. Ils euffent été vainqueurs, fi \Q courage feul étoit fuffifant pour vaincre j mais les Marattes étoient en lî grand nombre, que malgré (a) Le Bangue eft une plante des Indes prefqU(j femblable au chanvre. Les indiens en bjo/enc ]y graine & les feuilles dans de l'eau avec de l'Opium , & en fonc unç boiûwn enivrante qui rea*. fuçieu*, des Indes Orientales. tqf leurs exploits étonnans , victimes ' -3 de leur propre bravoure & IafTés à l74It force de tuer, les Maures furentcWham"" bientôt immolés au reffentiment de ïeurs ennemis : tous furent égorgés & paiTés au fil de l'épée. Barafaheb lui-même, après avoir fait des prodiges de valeur, refufa la vie qu'on lui offrit vingt fois , & ne ceffa de tuer que Iorfque les forces lui manquèrent. Ragogi avoit donné des ordres précis de l'épargner ; mais les Soldats Marattes furieux de fe Voir maffacrer par un téméraire qui refufoit de céder au plus grand nombre, après lui avoir crié plufieurs fois de fe rendre , furent enfin obligés de tirer fur lui, & ne cefîerent que Iorfqu'ils le virent tomber percé de vingt - deux bief-fures. Après ïe combat , Ragogi fit chercher le corps de Barafaheb qu'il croyoit mort j on le trouva ï"44 Révolution %mÊ—mm» qUi refpiroit encore. On le porta NiIhinVc- avec les plus grandes précautions £>* au Général Maratte, qui le voyant en cet état, ne put s'empêcher de verfer des larmes. Enfuite lui adrefc fant la parole d'un ton plein d'affection & de bonté : » Ah ! Barafaheb,-i> Barafaheb, lui dit - il, pourquoi « t'es-tu ainfi immolé toi - même à « ta propre fureur ? pourquoi n'as-; » tu pas alîez bien penfé de ton en« » nemi pour le croire aulîî généreux » que toi ? II vouloit être ton ami; » 8c connoilTant la bravoure & la » générofité de ton frère, il pou... a voit te le rendre , 8c lui rendre » en mcme - tems fes Etats. Toi-» même l'as perdu 3 6c tu as forcé » mes gens à te facrifier à leur fû-i> reté. Vis du moins à préfent; » pour éprouver fi les Marattes » font capables d'être vertueux. « Barafaheb avoit encore allez de force pour répondre mais il étoit trop des Indes Orientales. *4f ttop fier pour le faire : il a,uroi.t * crû demander grâce , s'il eût dai- MJ^^ .gnc parler à fon ennemi, cV.iine^1** vonloit que mourir. Aufli ne chercha - t'il qu'a précipiter fa mort; .voyant qu'on lui avoit ô:é toutes fes armes , il arracha lui-même ;une flèche qu'il avoit dans la tête , & le fit avec tant de violence , que dans le moment même il expira. .Ragogi pleura fin ce renient fa per-; te • il avoit moin^ compté en faire „un prifonnier qu'un ami. Il fit couvrir fon corps des plus riches étoffes ; Se l'ayant f.iit mettre dans un Palanquin magnifique, il le reii-. voya à fon frère. Chandafaheb frappé de la mort RéJuftîoni d'un frère qu'il aimoît tendrement, Juv^Chan-i Se qui venoit de perdre la vie pour eJitpdf • le fecourir, tomba dans le decou-ragement, 6c dam une efpece d'in-. fenfibilité qui lui lit prendre deux jours après le parti de rendre fa Tome /, Ci Révolution m- place, & de fe rendre lui- même prî- i;-v/.4T* fdnnierde guerre. Le Générai Ma, Wuu ratte entra dans Trichenapaly le 26 Mars (a) au bout de trois mois de liège , & en enleva toutes les richclîes. Il propofa au Prince '-Mogol de lui accorder la liberté moyennant une grande rançon • mais il demandoit des fomrnes fi exorbitantes , que Chandafaheb qui fe fentoit hors d'état d'y fatis-. faire , préféra de le fuivre , dans -î'efpérance qu'avec le tems il ra„ "battroit de fes prétentions, AplC3 avoir mis une forte garnîfon dans L Trichenapaly , Ragogi fortit des Provinces de Chandafaheb , traî,-nant après lui fon prifonnier ( i j (a> Et non pas le dernier Avril, comme le du '^t.l'Abbé uyoa, Tom. III.p. us. * (t) 11 n'eit denc pas vrai, comme le dit Jf l'Aloà Guyem dans fon Hiji. des Indes > Tom. Ijj \ ip. m. que le Général des Marâtres tonteni de^-fy J'oumijjion, lui donna la vie &■ la. liberté moyennant ■Une forte rançon. La fuirc de cette HiitoLc prcni. vra encore mieux la fatujctç de cette anççj des Indes Orientales. t & reprît le chemin de fes monta- "t gUes. 1741. Avant fon départ il avoit tenu un Les Marat-grand Confeil pour délibérer de ^?ng^ quel côté il marcheroit. Plufieurs opinèrent pour aller attaquer les établilfemens, que les Européens avoient fur la côte , Ragogi fut d'un avis contraire (a). Mais parce qu'ils avoient publié fort haut, qu'après la prife de Trichenapaly ils iroient a flicgerPon Jichery , ils crurent pour fauver les apparences devoir obferver quelques formalités , avant de paroitre vouloir fe délifier de cette entreprife. Dans cette vue iL introduifirent dans leur alîemblée deux Députés „ que le Gouverneur de Pondichery avoit envoyés vers eux, & qui y étoient toujours demeurés depuis 5 & ceux- (a ) Je parte à M. l'Abbé Guyon l'Hiftoriette ytl rapporte a ce fiijct, Tom. III. p. 311. (p. Jùi-»onrej. J'ai cutie les mains les Mémoires «jui lui Çat fçu/oi ce petit cootç. Gij _ i .fi ..." Révolution 3741. ci leur ayant repréfenté en nie?»* M:»hain«- J 1 . 1 * 11 ciia- Conleil ce qu ils avoient t!< ja dit à chacun d'eux en particulier pour les détourner de ce deffein , ils paru, jent fe rendre à leurs raifoi:s. H fllt décidé qtie non-feulement ils re-nonceroient à leurs prétentions a cet égard , mais encore qtr*ris eii-yerroient un homme de conlidéra-lion, à Pondichery porter un riche berpeau {a) au Gouverneur, & luj demander fon amitié. Ce DéptU(; partit deux jours après efcoité de .trois cens Cavaliers , & fe rendit à Pondicheryoù il fllt parfaitement fcieu reçu. Il n'y demeura que quelques jours, au bout defquels il ah* rejoindre l'armée des Marattes, qUj fur la nouvelle d'une révolution arrivée dans le Carnate , regagne, rent leur pays à grandes journées, (a ) Un Scrpeau cftfun halarillcirïcnt marri!/î c'eft-a-dire le faite de» Indes. * des Indes Orîentalesé i 51-montés , de zoo miile hommes " "L- Ji* d'Infanterie & de quinze mille Ma- MajJmW rattes. Elle avoit avec elle, deux cha* * mortiers & cinq cens pièces de canon , dont les grottes étoient traînées par des éléphans, & les petites par des bœufs. Toute cette artillerie étoit diftribuée à la tête , au centre 8c fur les ailes du camp; trois cens petites pièces accompa-gnoient la tente du Général. On comptoit dans cette armée douze cens éléphans, dont mille fervoient-à l'artillerie & au bagage ; le refle étoit defliné au fervice de Nizani, de fon fils & de leurs femmes. Il y avoit aufïi cinquante chameaux chargés de gargoufles 8c de cartouches , & un nombre prefque infini de bœufs , de vaches, de bu lies r de chameaux 8c de moutons., aveq une quantité prodigieufe de cha-rettes à quatre roues qu'on avoit amenées d'Aureng - Abad. Les ba* IK2 Révolution ™ 1 '" znrs on marches étoient toujours-M^htméc-bien fournis de toutes fortes de lé-gumes. Nizam - Moulouk dépenfoit par jour cent mille roupies, c'eft-à dire, r4.mille livres : il étoit fuivi de quarante Ge'miclars, ou Officiers de Cavalerie i ■ & dans fa marche il étoit précédé d'un éléphant por-, tant une efpece de bâton , au bout "duquel étoit une figure de tête de Crocodile ou Caymam dorée & Ia gueule béante. C'étoit une marque de dignité » que l'Empereur lui avoit accordée. Un autre éléphant portoit un éiendart garni au bout d'une queue de cheval blanc , & repréfentant un crojflant avec une main armée d'un fabre. Il avoit aufïi à fa fuite-5*00 Choupdars, ou porteurs d'ordres. Tous les Sei, gneurs du pays qui vcnoient lui rendre vifite, fe failoient d'abord annoncer par leur titre.deNabab; des Indes Orientales. j r> v Nizam en fut choqué. « Quoi ! dit- ' » il, il y a dix - huit Nababs dans * cette Province ; & je n'en fçaicha' ' * rien ? Certes les titres fe multi-3> plient bien vite ! Pour moi, je * croyois qu'il n'y en avoit qu'un, a II parlait ainfi , parce qu'il croyoic être le feul qui eût droit de porter ce nom. Au fil tons ces titres furent-ils bientôt fupprimés ; Se deux de ces Nababs s'étant encore fait annoncer fous ce nom, furent ballonnés par les Choupdars. Quand quelque Seigneur fe préfentoit,; Ceux-ci pour l'introduire ne fe fer-Voient plus que de ces termes votre efdeve un tel demande à vous voir. Le Seigneur admis à l'audience de Nizani., fe tenoit éloigné 6c debout en fa préfence, * moins que par grâce Se par faveur celui-ci ne lui fît ligne de s'affeoir. Tous fes Gemidars Se autres Officiers étoient aufli debout- deiïiere Gv 154 Révolution 1lui, dans le refpect & dans le fiîerM ' Mah4amct-ce : ïl ne IeUl" Padoit jama'S qu'en toha. peu de mots, & ils luirépondoient toujours humblement, & en s'in, clinant. II aimoit fort les Euro-; péens , auxquels il parloit avec amitié J 8c avoit une enime parti, / culiere pour les François. Dans les marches il y avoit une diftance de cent pas entre Nizanv 8c fon fils Nazerfingue ( a ) 4 qUj portoit une chaîne de fer en ligne de captivité -, il s'ctoit révolté contre fon pere, qui Pavoit fait fonnier dans une bataille. Les femmes étoient tout-à-fait derrière efcortées d'un détachement con, fidérable de Cavalerie, & chan, toient les louanges de Nizam. Son arrivée rétablit la tranquil-i74j. litc dans le Carnate. II avoit coin. Pacification , i r t •if • T ae cette Pro-nience par le liège de Tnchena^ yince» (a) Naxerfingiic , enIndouftan , égt'e tranchant te de guerre* des Indes Orientales. paîy , qu'il inveQ.it le 2 d'Août ' 1 * *743,& m lui 6» rendu le 25 ffi*^ du même mois. Coja Abdoulakan,Cha* ami intime de ce Seigneur , fut chargé de la conduite de ce fiege , auquel il n'employa que des troupes de la Province. Après avoir: retiré cette place des mains des ■Marattes , & en avoir purgé le pays, Nizam - Moulouk ne penfa plus qu'au retour. Avant fon départ il donna le Gouvernement du Carnate & du Maduré au fils de Sabderalikan , neveu de Chandafaheb 5 * & parce qu'il n etoit alors âgé que de huit à neuf ans, il nomma pour Régent pendant la minorité de ce jeune Seigneur un Soubdar de fa fuite appelle Anaverdikan (a) > qui avoit été Gouverneur de fon fils Nazerfmgue. Il lui recommanda fortement l'éducation du jeune Na- (a) Anaverdikan, en Indouft«n , Soldat qui WtyjOjl lien fa troupe. G vj ri y 6" ■ Révolution >» bab , qu'il abandonna à fes foins Se MaUic- àccux du Nabab de Carapcn lii AufTuôt qu'Anaverdikan fe vît en podeffion des Etats qui venoient de lui être confiés, il penfa moins à les gouverner avec équité, qu'à îes piller Se à s'enrichir; fon avarice étoit infatiable. Du relie il pa, roilîoit en ufer fort bien avec le jeune Nabab , qu'il traitoit avec tout le refpeét pofTible. Sur ces entrefaites ce jeune Prince ayant été invité aux noces d'un SeigneUl? Maure de fes parens, il s'y rendit accompagné de les deux Gouverneurs Se du fils du Nabab de Cara-pen , qui étoit à peu près de fon âge. Le Nabab de Velour, après avoir fait aflafliner Sabderalikan for} beau - frère , ne cherchoit qu'une occcafion favorable pour achever d'éteindre cette famille, qui par I4 (a) Carapcn eft une foxterefle du Carnate, des Indes Orientales. i ■> 7 prifon de Chandafaheb fe trouvoit — -% alors réduite au jeune Nabab, efpé- TvJharai} rant qu'enfuite il lui feroit facilec a* > d'envahir fa fucceflion; il crut pouvoir profiter de celle-ci. A force de préfens & de promefFes il gagna douze Soldats Patanes , qui après avoir pris du Bangue, entrèrent dans l'appartement où étoient les Nababs , tuèrent les deux jeunes Princes de peur de méprife , & bleflerent à mort le Nabab de Ça-rapen. Nizam-Moulouk ne fut pas pïu- AaàvaJ^ ]-lieres â par Iefquel'es il le menaçoit de tonte fon indignation, s'il ne vui-doit au plutôt cette place. l£n même - tems pour être en état d'ap. puyer fes menaces par des effets, il donna les ordres néceffaires pour affembler fon armée. Sos lettres furent envoyées à Pondichery, o& elles engagèrent M. Dupleix à fe tenir fur fes gardes ; en conféquen-ce il envoya ordre à Madraz de fe préparer à une vigoureufe dé-fenfe. > Mofiiiités M. de Kerjean fon neveu fut la jvuavcnii- première victime de l'avarice & de ïamauvaife humeur d1 Anaverdikan. Le Gouverneur de Madraz Payant envoyé répéter, le fils du Major Général , qu'un petit Gouverneur Maure avoit arrête prifonnier fur. des Indes Orientales. j 03 route Je Pondichery , il eut ie " 11 -j4 malheur d'être rencontré par un m^J^ détachement Je l'armée du Nabab,Cha» mii- après beaucoup de mauvais ■traiumens lui annonça qu'il étoit fon prifonnier, ainfi qu'un Cjii-fei 1er du Conieil Souverain appel- *"*c lé M. Colle, qu'on lui avoit donné pour Collègue. Quelques jours après Mafoiiskan y iils aîné du Na-kab., parut a la tête de huit à dix mille hommes, dont quatre mille étoient de Cavalerie. M. de Ker-jean fut d'abord préfenté à ce Seigneur , qui l'ayant reconnu pour l'avoir vû auprès de M. Dnpleix,' lui lit beaucoup d'amitiés , fans •cependant vouloir jamais entendre à le mettre en liberté. Il propofa feulement à fes deux prilonniers de traiter avec lui de la reddition de Madraz; & fur ce qu'ils lui répondirent qu'il falloit s adreuer pour cela au Qouverneur de Pondiche- $0$ Révolution « ..... ry , il continua fa route, marchant mn*£.Ten Madraz dont il eiureprit lo çha. liège. Première M. Dupleix perfuadé que les M$&kJ* Maures ne rendroient point ie$ psrleaFjrarw^enx prifonniers , fi on ne les y obligeoit par la force, envoya on die au Gouverneur de Madraz de faire fortir de fa place un fort détachement pour tâcher de les enlever. Us étoient logés dans une maifon de campagne des Capucins à la téte de l'armée du Nabab j mais nu lieu de marcher droit vers cet endroit, M. de la Tour qui corn-mandoit le détachement , peu au fait du local de Madraz, 6V trompé par fes guides, donna précifement au corps de l'armée. Les Maures qui ne s'attendoient point à une pareille fortie , prirent l'épouvante & fe mirent en défordre au premier coup de canon qu'ils entendirent tirer ; Mafouskan lui - même ne fe des Indes Orientales. j 6j «voyant pas en état de'réfifter au —■ ■ 1 M feu (upérieur qui partoit de la pe- m^^^ «té troupe, après avoir ordonné ch*' de mettre les prifonniers en fûre-•tc& de les conduire à Arcatte , fe mit à la tête de fa Cavalerie, 6c s'enfuit à toute bride. Le relie de farmée fuivit fon Général ., aban-' donnant bagages, artillerie 6c mu-Gîtions. Les François dont le détachement n'étoît que de trois cens hommes, ne jugèrent pa> à propos de pourfuivre l'ennemi au-delà ie fon camp qu'ils pillèrent ; ils rentrèrent à Madraz, emmenant avec eux grand nombre de chevaux , de boeufs 6c de chameaux qu'ils avoient pris. M. de la Tour enleva aux Maures deux drapeaux , 6c quelques pièces de canon qu'il fit enr clouer & jetter dans des puits, par-* ce qu'elles ne méritoient pas d'être " traînées dans la Ville. Malgré cet échec, le fds du Na- 168 Fcrohulon Jt-!— bab ne fc rebuta point ; & poirf Pi». Saint - Thomé qui, comme je Pat dit ailleurs, n'elt éloigné de Madraz que d'environ deux lieues. De-ià fa Cavalerie failoit des cour-fes juiques fous les murs de cette place , & les partis détachés de ion armée couroient la campagne, maltraitant tout ce qu'ils pou.» voient rencontrer de Malabars au fervice de la Compagnie. Ils ne traitoient pas mieux les habitans Portugais de Saint Thomé, même les Millionnaires : plufieurs d'en, tr'eux moururent en prifon 3 le Capitaine commandant eut le même fort. ScerWcdé* ^e Gouverneur de Pondichery Wtede Ma- jugea qu'il étoit à propos d "arrêtée yhome. ces courfes 6V ces entreprifes des Maures ; c'efl pourquoi il commanda trois cens cinquante hommes de troupes réglées , cent ma, t'eiotg des Indes Orientales. ïèïots & deux cens Cipayes, trou- -pes du pays , qu'il tira de fa carnî- 1 7 + 6* ion pour aller relever celle de Ma- cha. draz dont il n'étoit pas content. M. Paradis , Ingénieur en Chef de Pondichery , fut mis à la tête de ce détachement. Cette petite troupe rnarchoit vers le lieu de fa destination , lorfqu'on apprit que ies Maures qui s'étoient faifis de la Ville de Saint Thomé , travail-ïoient à s'y fortifier, 8ç à la fermer d'une forte palilfade. Sur celte Nouvelle M. Paradis écrivit à M, Barthélémy Gouverneur de Madraz, pour lui donner avis de l'heure à laquelle il arriverait en pré-fence des Maures, Le priant de faire fortir de fa place un fort détachement , afin de prendre l'ennemi en queue en même-tems qu'il i'atta-buèroit de front -, 8c parce qu1 il ap-préhendoit que fa lettre ne lût in-; £erc.eptée , il lui manda la même Tome h H tjo Révolution -chofe par ■plulicurs Courïers qu'ïf ■ u!^t: {it P^lfr ruccciïivcmcnt. En con-Chu . -féqtieheé de ces avis M. Barthélémy commanda le détachement • mais foit qu'il ne crût pas qu'avec fa petite troupe M. Paradis ofâc attaquer: huit à dix mille hommes, foit qu'il s'inn.'inât cpril ne lui fe, roit pas poflibie d'arriver à Saint Thomé à l'heure qu'il marquoit il ne donna point d'ordre pour lor-tir de-la place. Cependant M. Paradis a van coït toujours du coté de Saint Thomé ; vers les huit heures du foir il arriva à deux lieues des Maures, Là il lit prendre un peu de repos àfn trou, pe, aiirr qu'elle fut- plus en 'état de Combattre le lendemain ; tk vers les trois heures du matin il fe remif en marche. Ses efpions vinrent l'a, vertir que les Maures étoient in, formés de fon arrivée > & qu'ils Vattendyient en bataille dans ie$ des Indes Orientales. fyt mes de la Ville. Sur cet avis il fit ■ faire halte, afin d'encourager fa \l£jJ£a troupe ; après quoi il continua fa ciw* * -v marche. Les François arrivèrent à Saint Thomé à la pointe du jour. M. Paradis s'étant apperçu malgré le peu de clarté qu'il faifoit alors, que l'enceinte de palilTades dont * On lui avoit parlé n'étoit point achevée , & qu'il refloit une brèche de près de vingt toifes , ne balança point à faire fon attaque de ce côté-là. II forma fa troupe fur la largeur de la brèche, &■ fondit par - là fur les Maures. Ceux - ci firent ferme d'abord , & foutinrent bravement ïes trois premières décharges ; mars à la quatrième le Soldat François ayant mis la bayonnette au bout du futil, l'épouvante fe répandit dans ies efcadrons & les bataillons ennemis : ils s'ébranlent, ils plient, fe rompent enfin & fuient en défor-dre. Les François les pourfuiyent Hij jyt Révolution * » '• l'épée dans les reins , taillent çrf 1 74r6' pièces tout ce qui fe préfente de- Plu. yant eux , & le rendent maures de trois pièces de canon qu'ils aban* donnent, parce qu'ils ne pouvoient s'en fervir. Comme les rues de Saint Thomé font fort étroites, les Inmmes & les chevaux Rembarra (Toi eut dans leur fuite ; enforte qu'il s'en fit un carnage affreux, pn&i les ennemis gagnèrent la plai-ne j & craignant encore quelque (ortie du côté de Madraz , rien ne put les arrêter : ils coururent pendant douze lieues, abandonnant 3 la diferétion du vainqueur bagages , munitions, & généralement tout ce qu'ils avoient dans Saint Thomé. Le butin fut confidéra-ble : on prit grand nombre de bêT tes de charge , 60 chameaux , <5oq I?ccufs, environ 300 chevaux, tous les drapeaux des Maures , & une g/ande quantité de marçhançiifes des Indes Orientâtes. ijig Âpres avoir fait inutilement péri- " '■' dant quelque tems tolis les efforts Ku^mcç» pofîibles pour rallier fes troupes,Chim emporte par les fuyards , Mafouf-kan (a) lui même fut obligé de cé-i der au torrent ; & comme il cou-* roit trop de rifques fur fon éléphant , il le quitta, monta à cheval, 8c s'enfuit encore une fois à tontes jambes : il ne fe crut en fureté , que' quand il eut mis entre lui 8c les François une diftance de douze lieues. II vomit dans fa fuite mille imprécations contre fon armée, déchira fes vête m eus, 8c prit pour quelque tems l'habit de Faquir (a) Ce fut à cette occafîon que les Maures & les Gentils changèrent fen nom en celui de Papouf-kan. Voye-i plus haut. (b) Les Faquirs, Idolâtres ou Mahomctans, font des efpeces de Dcrvis ou de Religieux Indien» vag.ibonds, qui font prcfefîion de pauvreté & vivent d'aumoncs ; ils vont quelquefois fails, quelquefois en troupe. Les uns font tous nnJs : d'autres n'ent pour habillement qu'un mauvais morceau de toîle , qui leur pend de la ceinture jufqu'aux genoux ; "quelques - uns font vêtus d'un haillon de plulkur» pièces , qui leur va jufqu'à mi-jambe. U y a de ces Faquùs Pénitens, dont la mortification H iij I ^ Révolution ■. ' Le bruit de l'arrivée de M. Pa- 1 7 4 6' radis étant parvenu à Madraz , M. Cfc». Barthélémy reconnut la tdute qu'il avoit faite , & Je danger que cou-roient les troupes qui venoient de Pondichery 5 aulïitôt il fit fortir le détachement qu'il avoit commandé , pour les foutenir. Il arriva à Saint Thomé au moment que les François lûrs de leur victoire fe pré-paroient à marcher à Madraz. M, Paradis fit entrer ce détachement dans Saint Thomé , & lui donna ordre d'enlever le butin que fes troupes étoient obligées d'abandonner. Elles firent leur entrée dans Madraz comme en triomphe. Ceux des Soldats qui n'avoïent point enlevé de chevaux étoient montés fur des chameaux ou fur des bœufs 5 la plus ordinaire efl de fe tenir jour 8c nuit dani «ne pofture très - gênante. Voyex à ce fujcj LWHoire générale du Cérémonies Relieipures Tnn>. VI ° J 4 des Indes Orientales. & prefque tous étoient revêtus des--3 habits qu'ils avouent enlevés aux MahiaeV Maures. Ceux-ci perdirent à cette * action près de ^oo hommes, 8c eu* rent prefque autant de blefles ; les François n'y eurent que deux SoU dats blefles légèrement. . Malgré fes pertes réitérées s Ma- clu^*eccr*' fouskan ne laifla pas quelque tems Nabab d'Aï- * carte. après d'aller au fecours des Anglois àGouJelour, lorfque les François marchèrent contre cette place. Mais le Gouverneur de Pondichery ayant trouvé moyen de mettre dans fes intérêts fon frère Mameta-hkan , qui s'étoit joint à lui avec un corps de troupes , en fe niant adroitement la difeorde entre les deux frères , il força enfin l'aîné à lui demander la paix. M. Dupleix y confentit, à condition que M, de Kerjean 8c M. Golfe qui étoient alors prifonniers à Arcatte , fe-ioient préalablement mis en liber- H iv 1 j'é Révolution ' té, Se qne Mafouekan lui - même MJÂ<\-"°'n à Pondichery éprouver jnf-*■» qu'où pouvoir aller la générofité des François. Ces conditions étoient dures & humiliantes ; mais le vieux Nabab Anaverdikan dont les finances étoient épuifées par cette guerre, ennuyé d'ailleurs de voir fon fils aîné fe déshonorer par des défaites continuelles , réfolut d'en paffer par tout ce qu'on exîgeoit de lui. Les deux prifonniers furent élargis 3 & Mafou>kan fut obligé de fe rendre à Pondichery, où il arriva au commencement de l'année 1747. H y figna la paix, 8c y jura une union confiante avec la Nation Françoife. Trois jours après il en partit fort fatisfait en appa-J rence des honneurs qu'il y avoit reçus, & fe rendit à fon camp , 014 il licentia fon armée. De-là au lieu d'aller joindre fon pere à Arcatte comme le vieux Nabab l'en follici- lies Indes Orientales» 17*7 toit vivement , il quitta fes vête- ^ men>, fes armes, fa robe & fon m^.^ turban 3 & reprenant l'habit de Fa- CU:u quïr qu'il avoit abandonne, il courut fe cacher dans Trichenapaly, honteux d'avoir toujours été battu par les François, & de s'être va obligé de faire avec eux une paix, qui ne lui étoit point honorable. Mametalikan fon frère congédiai pareillement les troupes qu'il avoit levées, & alla rejoindre fon pere. Les Anglors étoient au défefpoir de cette guerre fi heureufement terminée pour la Nation: la gloire qu'elle y avoit acquife leur faifoi* ombrage ; il n'y eut rien qu'ils ne miffent en œuvre pour attirer les Mogok à leur parti. Mais ceux- ci n'eurent gaîde d'être la dupe de ieurs fol lie nations, 6V de fe lai (Ter féduire par leurs vaines promettes. •Ils leur répondirent netier/renc qu'ils pouvoient fe tirer d'ail aire 178 Révolution " 1 comme ils I'entenclroient, 6V qu'ils Kilh^cV- étoient fort réfblus de ne plus rien il4* faire pour eux. La nouvelle de la prife de Madraz , & des victoires remportées par les François fur le Nabab d'Arcatte , s'étoit répandue dans tout Plndouilan : elle avoit pénétré non-feulement chez les M irattes„ mais encore à la Cour de Nizam-Mou-Iouk , qui en avoit informé le Grand - Mogol ; 6V elle avoit attiré au Gouverneur de Pondichery des lettres de compliment & de féiici-tation de la part de prefque tous les •Princes 6c Seigneurs de l'Inde. Voici celle que Ragogi lui écrivit à cette ooeafion. » Ragogi - Boufîoula Général » des Marattes, à M. Dupleix Gou-» verneur de Pondichery , Ram^ » Kam. » Je ne puis vous exprimer 1$ des Ind:s Orientale?. 179 «•joie que j'ai repentie , Iorfque ■» j'ai appris la nouvelle de la ré-» duction de Madraz., dont vous «» vous êtes rendu maître. Madraz , » Ville i: renommée dans l'Inde 6c » en Europe par fa force, fa gran-» deur, fa beauté & fon commet-33 ce, Ville que l'on croyoit impre-30 nable , eu égard à ia quantité de * Guerriers , d'artillerie 6c de mu-■a» nitions de guerre qui ia défen-30 doient ; cette même Ville tant •» vantée a été prife par ies Fran-?» çois en deux ou trois jours de * fiege. C'eft ce que j'ai peine à *> comprendre : je ne puis attribuer » cet événement qu'à la bravoure » de votre Nation, qui a porté » votre Pavillon , 6c qui l'a planté * fur ia téte des Anglois. Je ne » fçais de quels termes me fervir * pour vous féliciter fur un fuccès » G heureux j agréez le compliment H.vj . ] S o Révolution * 11 11 » que je vous eu fais, & qui part liuim-9 de l,endroit le Pllls fe^HbIe de CU« » mon cccur. » J'ai appris en même-tems, que >j les Soubdars du Carnatte s'étant » joints enfemble , & ayant afTeivr- » blé leurs armées comme des » troupeaux de moutons, avoient 39 eu l'audace de vous déclarer la » guerre; mais qu'une poignée de » vos courageux François, braves » comme des lions, leur ont livré a* bataille aux environs de Mélia- • pour les ont battus , leur ont » pris leurs drapeaux., beaucoup a de chevaux 8c autres équipages » de guerre , & les ont fait fuir » devant eux , l'épouvante s'étant a» mile dans leurs armées , ainli » qu'elle fe met dans un troupeau x> de moutons , lorfque quelque tx loup entre dans une bergerie. Je x« vous affùre que cette nouvelle » m'a fait le plaifir le plus feufible J des Indes Orientales. r8 r' =* je ne puis aflfez vous marquer la » » joie qu'elle m'a caufé ; je vous en 32J*L » fais mille & mille fois mon com- Ch*< » plîment. » Le foleil éclaire le monde de-» puis fon lever jufqu'à fon cou-* cher; mais quand une fois fa Iu-*» miere celfe de briller, on n'en » parle plus. Il n'en eft pas de mê-» me de l'éclat que répandent dans *> le monde votre bravoure , & la » réputation que vous vous êtes *> acquife par vos exploits : on ne *> celle jamais d'en parler ; jour & x> nuit ils font préfens à l'efprït. Le » bruit de vos viétoires efl telle-*> ment répandu dans ces contrées » & ailleurs, que tous vos enne-ii mis , de quelque Nation qu'ils asfoient, en font confternés; c'elî » de quoi vous pouvez être allure* a» Tout i'Indouftan retentit de ce » bruit. Notre Roi Savon - Raja 3» ayant appris ces nouvelles t vous. ■ ïSi Révolution » a donne des louanges infinies 3 \\ Allhainet- * ne Parlc de vorre qu'avec £h». w ia plus grande admiration. Chan- 3> dafaheb m'a toujours beaucoup » parlé de vous j mais ces derniers » fuccè- ont fait plus d'imprelïion 3> fur moi que tout ce qu'il nV.ivoit y> dit. C'eit pourquoi je vous de- 39 mande votre amitié , & vous fais » fçavoir en mème-tems, que no- » tre puiilant Monarque voulant j> que fon Pavillon foit replante » dans tous les iieux où il battoit a> autrefois, & que les Maures nos » ennemis nous ont enlevés, il m'a » ordonné de me tranfporter dans s* vos quartiers ; dans peu je comp- » te mettre fes ordres en exécu- » tîon. Auffitôt que je ferai arrivé, » je ne manquerai pas de vous en » faire part , & de m'aboucher » avec vous. Car j'ai bien des ebo-; » fes à vous communiquer tou- » chant les inflruétions de mon des Indes Orientales. 183 * puidant Roi ; & fi vous voulez * joindre vos forces aux miennes , Mablmeq 33 nous ferons des chofes dont on cikM% 35 ne pourra s'empêcher de parler 38 éternellement. Gereran Pendet » mon Procureur , qui efl auprès 33 de vous, vous dira le relie 3 il efl 33 inflruit de mes intentions. Je 33 vous fouhaite toujours beaucoup 33 de fuccès dans toutes vos entre- * prifes , & un enchaînement de » victoires qui ne puiiTe jamais fî-93 nrr. « L'infortuné Chandafaheb dont il eft parlé dans cette lettre, ne fut pas des derniers à apprendre les fuccès des François fes bons amis j & il ne manqua pas d'en féliciter M. Dupleix , le priant d'honorer de fa proteélion , ( ce font fes termes, ) fa femme & fa famille reti-* rée à Pondichery. Je ne rapporte point ici fa lettre, non plus qu'une infinité d'autres écrites de divers Révolution E endroits à ce Gouverneur furie" • 1 747* même fuiet , pour ne point en- Maluiaet- 1 c • ' • ■ Çh*. nuyer par une fade répétition de complimens à l'Orientale , qui dirent tous à peu près la même chofej Il fuffit de fçavoir, que dans ces lettres on voit par-tout des preuves non équivoques de l'eflïme, de l'admiration & du refpecl que les derniers fuccès des François leur avoient attirés de la part de tous les Seigneurs, Maures & Gentilst qui tous s'emprefloient de recherche? knir alliance & leur amitié. Par- là il eft aifé de juger combien cette guerre des François contre les Maures, néceffaire dans fon principe, a été non-feulement glorieu-fe parles fuites qu'elle a eues, mais même avantageufe à la Nation , & quel crédit, quelle autorité elle lui a conciliée dans l'Inde. La réputation des François étoit montée à fon plus haut point ; la des Indes Orientales. ~i§c* terreur de leur nom , pourmefervîr des propres termes dont tifoit dans l,7*7' r r Mah.-uuet* la lettre au Gouverneur de Pondi- cha» cliery un des principaux Officiers de l'armée de Nazerfingue , s'étoit répandue dans tout LTndounan, & il étoit à préfumer que la paix qu'ils venoient de faire avec les Maures feroit de durée. Mais Mafotiskaii auffi peu jaloux de fes fer m en s que de fa gloire , ne fe piquoit pas d'obferver fes engagemens les plus iolennels. En fe dépouillant des marques de fa dignité pour prendre l'habit de Faquir , il ne s'étoit point défait de la haine qu'il por-toit à la Nation Françoife j auffi ne cherchoit-il que l'occalion de lui en donner des marques & de fhumilier. Elle parut fe prefenter fous un point de vue très - propre à flatter -fon animofité. 1748. AU mois d'Août 1748, les Ail- Pondffhcrf glois vinrent aflieger Pondichery J^,1" î 8 6 Révolution " avec toutes les forces qu'ils purent MriàAêt- ràffemblef clans les Indes. Pour "* aflurer d'autant mieux la conquête qu'ils avoient méditée de cette place i ils entreprirent d'y intéreffer Nazerfingue fils de Nizam - Mou. louk , qui étoit alors avec une armée dans le royaume de Mlylfour. Dans cette vue ils lui envoyèrent des Députés chargés de préfms confi Jérables , & pour l'engager à prendre leur parti, ris lui firent re-préfenter que Pondichery étoit dénué de troupes , fans vaifleaux ^ fans fecours , & abfoîumem hors d'état de faire la moindre ré P. le an-ce i que de leur côté ils avoient de très - grandes forces dans Goude-lour, fans compter plufieurs vaif-feaux de guerre bien armés ; que les François feroient certainement obligés de fuccomber, & que s'il vouloit fe joindre à eux , ils officient de lui payer 3000 Rour des Indes Orientales. j%j ptes ( a ) par jour de marche , & n 2coo (/>) par campement forcé. NUkunésa Ces foiiichations, jointes à des Ch** offres conlidérables & à des pro-melfes encore plus grandes, avoient fait d'abord iilution à Nazerfingue, 8c l'avoient prefque perluadé de la facilité de l'entreprîfe : il étoit entré fans trop y réfléchir dans les Vàes qu'on lui propofoit j déjà même il avoit donné ordre aux Nababs de Canoul & de Cadapé de fe tenir prêts à partir avec leurs troupes pour aller joindre les Anglais , en attendant qu'il pût les fuivre lui - même avec fon armée, ïorfque l'arrivée de deux Cavaliers Maures au camp de ce Seigneur dérangea tous ces projets, 8c rompit toutes ces mefures. Ceux-ci voyant les préparatifs qui s'y fartaient pour le départ des troupes, 8c ayant appris quel en étoit le fu- (a ) 7:co liv. ib) 4&QC liv« i S g "Révolution -jet, ne purent s'empêcher de re-i Liitit-préfenter aux Gemîdars &aux au-"* très Officiers de cette armée qifou les trompoït, qu'on leur en avoit impofé , & qu'ils alloient fe couvrir de honte ; que la Ville de Pondichery étoit imprenable , bien fortifiée, fournie d'artillerie & de munitions de guerre de toute efpe-ce , & défenJue par une Nation, dont le courage & la valeur fur-paiïoient tout ce que Pon en pou-voit dire; qu'eux - mêmes avoient été témoins de ce qu'ils avançoïent, ayant demeuré pendant deux mois dans cette Ville ; qu'ils s'éton-noïent que des gens fénfés comme eux donnafTent dans un piège fî groiïier,& confetuifTentainfi d'être la dupe des Artgloïs qui bien loin d'être en état d'exécuter ce qu'ils pro-mettoient, n'a voient pu même em-pêcher fa prife de h plus forte & de la plus importante de leurs places dans les Indes, des Indes Orientales. r8p •Ces nouvelles femées dans le — ' m fcamp répandirent d'abord uneconf- h2A 8» ternation générale dans toute cette G{u* année • enfuite étant parvenues jufqu'aux oreilles de Nazerfingue, elles lui rappelleront un vif fouve-nir de la prife de Madraz , des dernières victoires des François, & de Ja gloire dont ils s'étoient couverts dans l'Inde, II tint confeil avec fes Généraux; & après avoir entendu îe rapport des deux Cavaliers, Se y avoir penfé mûrement, il fut réfo-lu qu'il retireroit la parole qu'il avoit donnée aux Angîois, Se qu'il renonceroit à cette entreprife. Pour colorer un changement fi prompt, Nazerfingue prétexta des affaires prenantes qui l'obligeoient de quitter ce pays ; Se ayant ainfi congédié les Députés, il donna ordre en même - tems à fon armée de prendre la route d*Aureng* t po Révolution Rebutes de ce côté - là , [es An-Ma7lumct- $ols eiirent recours à Mafouskan , Cha« qu'ils n'eurent pas de peine à ga-ils y font aner, en lui faifant entendre que joints pur les ° . . Maures. Pondichery ne pouvoit leur ré-fîllcr. Le iils du Nabab que fes pertes & fa honte n'avoient pu rendre (âge , aveuglé par fa haine Se. par fon animofité , fe laifla aife-inent perfuader : il leva fix mille hommes ; Se pour ne pas paroitre être le premier à rompre la paix, il confia le commandement de ce corps à fon beau - frère , qui pour couvrir fa perfidie , prétexta qu'ayant une vengeance particulière à tirer de la Nation Françoi-fe , il venoît fe joindre aux Anglois pour la châtier. Pendant ce tems-14 le vieux" Nabab Anaverdikan fe te-noit avec un corps de huit à dix mille hommes à dix ou douze lieues de Pondichery,fous prétexte de vouloir contenir quelques réi des Indes Orientales. j ^ r Belles. Ce nouveau renfort étonna I peu les François ; ils connoûToient 1 7 4 8* par expérience 1 ennemi qui les at- cha* taquoit , & ils étoient bien fùrs qu'il feroit plus à charge aux Au-glois , qu'utile pour avancer le fuccès du fîese. o Dans ce tems - là le Grand-Mogol , fur le récit avantageux qu'on lui avoit fait du Gouverneur de n Pondichery, voulut lui donner des marques particulières de fon elii-me. Pour cela il augmenta fes titres de ceux de Dupieix - Kan-Man-foubdar - Nabab - Mu?aferlïngue- • Badour ( a ) & du fceau artaché à cette dignité. En augmentant fon crédit & fon autorité dans Pln-douftan, elle lui concilia en même-tems l'amitié de tous les Pièces & ta) J'ai déjà expliqua ce qnc fîgnificnt les tîtrei de Nabab &de Manfoubd.n ; à l'égard des ci.uc», Kan veut dire SftUût, Mutafej fir.^ie invincible Giçrri:r, & t>adour puijj'aut. Celui i;uî a ces iitre« idr it de vit 8c de mon , <2c peut lever des uo** fes dans tout l'Empire. 'ïç-2 Révolution Seigneurs, Maures & Gentils, 8c ,7*8, particulièrement de Savon - Raia MahamaC- I I1* Roi des Marattes, qui Peu ut féliciter par Ragogi - BoulToula fou Général. M. Dupleix crut pouvoir profiter de cette occafion, & de la correfpondance qu'il entretenoit avec Ragogi, pour procurer la liberté à Chandafaheb. rriân£afa' Ce Prince malheureux étoit tou-èel. fortdcla :ours prifonnier chez fes Marattes. §>rlfon dci ) l i liarattcs. q,,} à l'infligation de Nizam - Moti-louk intérelTé à maintenir Anaverdikan dans le Gouvernement d'Arcatte qu'il lui avoit donné , per-lidoient à lui demander des fom-mes confidérabies pour fa rançon. 11 couroit de tems en tems des bruits vagues , que ce Seigneur revenoit à la tete d'une armée de Marattes pour rentrer dans fes Etats , mais ces bruits étoient faux, Se il ne fembloit pas qu'on dut pen-ifer à fa liberté pendant la vie de Nizam* des Indes Orientales. j^-y Nïzam. Ses en fan s cependant, ainïi que ceux de Barafaheb fon frère, M^çy étoient toujours à Pondichery, oùCJw-Pou avoit pour eux toutes fortes d'égards ; ils y répondoient de tonne grâce par l'atfedion qu'ils faifoient paroître pour les François , & par leur attention à marquer leur reconnoilfance au Gouverneur. Celui - ci ne pouvoit douter de la mar.vaife volonté du vieux Anaverdikan Nabab d'Arcatte, 8c de la haine de l'on fils Mafôuskàrt pour les François : ils ne ceffoient de leur en donner des marques ; 8c l'on fçavoit par expérience que tant qu'ils feroient les maîtres dans la Province , les ennemis de la France les trouveroient toujours difpo-fés à fe joindre à eux. D'un autre côté M. Dupleix connoilîoit l'attachement de Chandafaheb pour la Nation; il fçavoit les fe vices que lui & fa famille avoient rendus à la Tome I. J. 194 Révolution „ ■ Compagnie , & il étoit perfuadè i 7 4 8» qu'il en revienJroit un grand bien, Mahomet- . . - fj». ■ s'il pouvoit rentrer dans ion Gour vernement. Pénétré de ces motifs, en répondant à Ragogi pour le remercier de fon compliment, il pria ce Général de lui accorder la liberté de ce Seigneur. On demandoit auparavant pour la rançon de Chandafaheb feize Iaks de Roupies, qui font près de quatre millions mon-noie de France. Cependant fur la recommandation du Gouverneur de Pondichery on le mit auffitôt en liberté , aijiu" qne fon fils aîné qui avoit été fait prifonnier avec lui : on n'exigea de lui d'antre condition, finon qu'auflîtôt qu'il feroit maître d'Arcatte , il payât deux îafcs & demi de Roupies, ou 600 mille livres, pour la dépenfe qu'il avoit faite pendant le tems de fa prifon ; & on voulut que cette fom-me fut remife alors à Pondichery des Indes Orientales. jp ^ entre ïes mains de M. Dupleix. " ' - * En accordant la liberté à ce Mabuaê» Prince, le Roi des Marattes lui ^ donna une elcorte de trois mille hommes commandée par fon propre filsFeitilfingue qui vivoit enco-. re alors, pour le reconduire dans fes Etats, avec ordre à tous fes -Généraux de lui prêter main - forte en cas qu'il en eût befoin. Il écrivit même au Gouverneur de Pondr-.chery, pour l'invitera prendre ce Seigneur fous fa protection , & le pria de lui donner tous les fecours qui dépendroienc de lui pour le rétablir dans l'héritage de fes pères; Chandafaheb partit de Satara Ca-; pitale du royaume des Marattes, accompagné de fon fils. Il étoit fut les terres du Raja de Canara, lorf-qu'il apprit la nouvelle du fiege de Pondichery ; ce qui l'engagea à fufpendre fa marche jufqu'à ce qu'il eût reçu des lettres de M. Dupleix, 19 6 "Révolution — ■ Dans cet intervalle deux petits Ra^ .^.jasdupays qui étoient en guerre, '■'iUm s'étant adrclfés à lui pour lui demander du fecours , le plus foible engagea Chandafaheb à l'aider de fçs forces moyennant une fomme d'argent dont ils convinrent. Les deux armées étant venues aux mains , Chandafaheb perdit la bataille par la trahifon d'un des Généraux de fon parti j fon tils y fut tué avec grand nombre de fes gens : iui-n-nme fut fait prifounier j mais Je vainqueur le relâcha dès qu'il eut yù l'ordre du Roi des Marattes. Cette avanture fut fuivie d'une flutre plus gracieufe pour le Prince Mogol. Il continuoit fa route vers Je Carnate , lorfqu'il reçut un Exprès du Raja de Chiterdonrg , qui Je prioit avec initance de marchera fon fecours fans le moindre retardement, Çe Raja étoit alors cil guerre avec celui de tëedrour, enjj âes Indes Orientales^ j 8ans ce moment même le prelloit-to— vivement avec une armée compo- \J 4 8* tee de fept mille Cavaliers, quinze cha. ' mille hommes d'Infanterie, Se 70 pièces de canon. Depuis fa défaite Chandafaheb n'avoir que très - peu de fuite; enforte crue Iorfju'il reçut cet Exprès , il ne fe trouva auprès -de lui que trois cens chevaux , Se cnv'jion cent hommes de pied. Cependant il ne balança point à prendre la défer-fe du Raja ; mais quelque diligence qu'il pût faire , il n'arriva qu'au moment que fon armée commençoit à prendre la fuite. Sa préfence la raiîlira, Se arrêta l'effort du Raja de Bedrour, qui le voyant prêt à le charger, prît le parti de la retraite. Le lendemain trois mille Cavaliers de l'armée de ce Raja vinrent s'offrir à Chandafaheb , qui les prit à fon fervice : en même-tems le Raja de Chiterdourg délivré de fon ennemi, lui envoya ï 9 8 Révolution par reconnollfance s 5 00 chevaux \ Mahinct- enforte que par la jonction de ces Kb*' deux troupes avec le peu de Soldats qu'il avoit, il fe forma une petite armée d'environ fix à fept mille hommes. levée au Cependant le ficge de Pondi- ïicfrcaePon- . * dicbcry. cnery continuoit, fans que les ennemis panifient plus avancés que le premier jour. Je n'entre point dans le détail de ce fameux événement qui efl étranger à mon fujet / & dont on a vu plufieurs relations en Europe. Il fuffit de dire que les Maures qui s'étoient joints aux ennemis de la Nation , voyant la belle défenfe des François , Se ne pouvant plus fe flatter que la place fût emportée , comme ils l'avoient ef-péré d'abord, prirent le parti de fe retirer, Se furent fuivis des An-glois fix jours après. Ainli fut levé le fiege de Pondichery le 17 Odo-fcre 1748 , après trente - huit jours des Indes Orientales. V9 9 , cfc tranchée ouverte , pendant lesquels on compte que les ennemis mille bombes, & tirèrent au moins quarante mille coups de canon ; on fart monter la perte qu'ifs y firent à quinze cens hommes : à l'égard des François, ils n'y eurent que cent quatre hommes de tués , dont le plus confidérable fut M. Paradis, Ingénieur en chef & Commandant de Karical. Les écrits publics ont rendu juftice à la conduite que tint M. Dupleix pendant ce long fiege. Chekaffem Général des Ci-payes, dont il fera fouvent parlé dans la fuite , s'y fit beaucoup d'honneur: tous les Officiers François s'y fignalerent par leur zélé 8c par leur valeur ; 6V M. de la Touche auquel le polie d'iionneur étoit échu, 8c dont nous regrettons aujourd'hui la perte , s'y dillingua fur tous par un courage & une bravoure jetterent fur la Ville près de cinq ài'épreuyj 1 tv «oo Révolution " A peins la levée du liège eut étd \ 7,4 S' répandue dans l'Inde , que tous le» Mahamci- _ £Ju. Princei 6c Seigneurs qui en fureur, ïnftruits, s'emprellerent d'écrire à ]vî. Dupleix, pour le féliciter de cet heureux fuccès , & pour lui en marquer leur fatisfaâion. Elle lui attira des complimens, non - feulement de la part de Ragogi-Bouf-foula .avec lequel il entretenoit toit-jours une efpecc de correspondance , mais même de FeitilTîngue, fils de Savon - Raja Roi des Ma-jattes. Nazerfingue lui-même instruit de cet événement, lui écrivît une lettre , par laquelle après les complimens ordinaires , il lui dt-foit : » La gloire que vous vous êtes » déjà acquife par la prife de Ma-« draz, Ville renommée dans les » Indes par fa fplendeur, fa gran-» deur Se fa force , exige que la Re-» nommée publie à jamais ies hauts des Indes Orientales. 201 » faits dont elle a été fuîvie. Les —— » éloges que je pourrois faire de * vous par écrit à ce fujet, ne fuffi- Ch^* 1 » roient point pour vous exprimer » l'impreiiion que cet heureux éve-80 ne ment a fait fur moi, je pour-» rois tout au plus vous le faire *> comprendre de vive voix , tant je *» me fens rempli de vénération » pour votre perfonne. Cela joint 35 à la nouvelle qu'Iman-Saheb m'a » donnée de votre vigoureufe dé-» fenfe dans Pondichery contre ies * Anglois , qui étoient venus vous » attaquer avec des forces fupérieu-» res aux vôtres , & que vous avez *> fait repentir de leur témérité,me » donne une véritable joie. Jè ne » (çtiis ds quels termes me fervi-E «►pour vous en faire mon complï-» ment ; je fens que mille & mille » louan^eo ne feraient pas fuflifau/-» tïs pour bien vous exprimer tout S* ce cjue. je penfe- d'avanuigeux à loi E évolution J » votre égard, fi je ne vous prîoïs lubuneV » d'accepter dans mon cœur la I* » première place. Votre réputa-» tion y demeurera gravée d'une » façon à ne jamais s'effacer ; & » comme il eft à propos que je 3> vous donne des preuves exté-» rieures de la part que je prens à » ce qui vous regarde, je vous en-:» voie un bijou en pierreries, que m vous porterez à votre col comme 9> une marque d'honneur. Je vous » prie de l'accepter d'aufïi bon » cœur que je vous le préfente. » Continuez toujours envers » moi votre même façon d'agir j >» en accordant vos fecours à tous » ceux qui les demanderont de ma » part, fur - tout à Anaverdikan j xi vous ne pouvez me faire un plus x fenlible plaifir, que de vivre en » bonne intelligence avec lui. Si » vous avez fait traduire en Perfans » les Livres d'Auatomie que }e des Indes Orientales, 203 , '» vous ai demandes, je vous ferai ■ » obligé de me les envoyer, œ Je n'ai rapporté cette lettre en c Ton entier , que pour faire comprendre aux Lecteurs jufqu'où peut aller la flatterie du ftyle Oriental, quels étoient alors à peu près les fentimens de Nazerfingue à l'égard des François, combien il fe félicitoit alors intérieurement de n'avoir point embrafle le parti de ïeurs ennemis, & combien il changea de façon de penfer peu de tems après. A l'égard du vieux Anaverdikan dont il parloit à la'fin de fa lettre & dont il recommandoit les intérêts au Gouverneur de Pondichery, M. Dupleix avoit écrit très-fortement à ce Nabab auffitôt après ia îevée du fiege au furet du fecours qu'il avoit donné aux Anglois, & l'avoit menacé de toute l'indigna- o tion des François, s'il ne leur en Ivj 20$ Révolution r* ' faifoit fatisfaétion. Preffé par ces \J ,4 8\ lettres & par fes remords , Anaver- Ou. dikan* fe crut oblige de jufiifier fa conduite auprès de lui 3 il défa-voua hautement tout ce que fou gendre avoit fait} témoigna que s'il le tenoit il le punirent févere-ment, & permit au Gonverneurde Pondichery d'en tirer telle vengeance qu'il jugerait à propos. Celui, ci bien inuruit de la mauvaife foi du Nabab & de fon peu d'affection pour la Nation, crut ce qu'il voulut de fes exeufes j il diffimula cependant, attendant que le tems lui fournît une occafi on favorable de marquer au Nabab fon refTenti-ment. Révolution Une grande révolution arrivée du Mogol. alors dans les Indes la lui offrit telle qu'il pouvoit la fouhaiter. Perfonne n'ignore les malheurs de Mahamet-Cha, pere du Grand - Mogol aujourd'hui régnant ; on ferait corn- des Indes Orientales. 205 ment en 17 39 , ce Prince infortune L1 fut détrôné par ThamasKouli-Kan Via^'eg-Roi de Perfe , dépouillé de fesCha*. Etats & de fes tréfors ., enfuite rétabli fur le trône par grâce Se à des conditions telles, que fon vainqueur fuperbe ne pouvoit lui en impoferde plus humiliantes. Je ne ruerai point que ce Monarque malheureux ne fe fût en partie attiré fa difgrace par fa molleûe S: par fon mauvais gouvernement ; mais aufli n'y a - t1!! guercs lieu de douter, que ies Perfans n'euffent été attirés d':11s l'Indouflan par ce même Nizam-Moulouk dont j'ai fait mention pJufieurs fois. Cette conjecture ell d'autant mieux fondée , qu'à fon entrée dans l'Inde Thamas-Kouli-Kan ne marqua pour perfoline autant d'eflime Se de confiance que pour ce Seigneur ; Se que par un des articles du traité que ce vainqueur fit avec* Mahamet-Cha j, ilne 2o6 Révolution - lui rendit fa couronne qu'à concTr-Vbburôtîon <3ue ïe gouvernement de l'Etat » feroit entre les mains de Nizam, & qu'il feroit premier Miniflre , Ré-gent de l'Empire & comme Tuteur de l'Empereur. Ainii les Ufur-pateurs fe prêtent ordinairement la main l'un à l'autre. Ce qu'il y a de certain, eft que Nizam fut violemment foupçonné aux Indes d'avoir tramé ce projet dans la vue, difoit-on, de s'empâter du trône après la mort de l'Empereur , & de faire entrer la couronne dans fa famille. Ces foupçons étoient fondés fur ce que , comme je l'ai dit ailleurs; Nizam - Moulouk avoit époulé la nièce du Grand - Mogol , & étoit Pcrfan d'origine. Quoiqu'il en foit, après cette révolution Mahamet-Cha demeura fort afioiblî, & fon autorité ne fut plus fufflfante pour contenir les Généralise Se les Gouverneurs 3 qui afTedoient chacun des Indes Orientales. 207 flans leurs Provinces une efpeee * d'indépendance. Les Patanes, Na- m^,4^^ tion remuante & toujours prêteCh** à faifir I'occafion de fe fouiever, profitant de cette foiblelfe du Gou- . vernement , formèrent le deffein d'attaquer Dély j ils levèrent une armée de 80 mille chevaux & de 190 mille hommes de pied,& marchèrent vers cette Capitale. AuflTitôt qu'on eut appris à la DéfaiteâQ Cour la nouvelle de leur révolte, l'Empereur affembla fon Confeil, fes Min Mires , fes Généraux , & vingt - deux principaux Omrahs qui étoient alors aupiès de lui ; s'alfit fur fon trône, & leur pré-fentant un Bétel (a) de fa main, ( a ) Le Bétel eft «ne herbe fort commune aux Indes, dont la feuille < ft larpe: & d nt les indiens font un grand u-fage. On la prépare en petits paquets meice avec la mix que Ton nomme Arcque, le cardamome t le clou de gciofie , la canclle ik la chaux ; & on la mâche fans l'avaler. Elle échauffe beaucoup, confeive les dents, rend les levrej veru.i-iiles , Se d^nne à la bouche une odeur fort agréable, Elle fext suffi, * fçiùficr. l'citomacb. j ea. 20 8 Révolution t invita celui d'entr'eux qui auroli 1 7 4 8* allez de courage pour marcher à Mahamct- . ' x . i,U. l'ennemi, a venir prendre le Detcl qui lui étoit deiliné. Aucun d'eux n'ofa ou ne voulut y toucher j il n'y eut que le fiIs de l'Empereur, jeune Prince âgé d'environ dix-huit ans, qui voyant avec douleur le morne iïience qui régnoit dans Palfemblée , fe préfenta pour prendre le Detel. Son pere le lui refufa ; il repréfenta qu'il n'étoit pas convenable que dans un âge tendre l'héritier préfompiif de l'Empire fut expofé dans une occalion aulïi périïleufe, tandis qu'il y avoit tant de Généraux expérimentés plus propres que lui à rcpoulLr i'enne-mi. Cependant tous ies Grands foutinrent que puifque (on fils s'é- mâchantdc cette herbe , un Ouvrier peut travailler deux jourt de fuite fans prendre aucune nourriture , & fans avoir faim. Les Princes cV le* Grands ne peuvent faire un plis grand honneur àVJuel» au'ua, Eievatîoa tenu fi fecret qu'il ne tranfprrât. fufictrône! Vainqueur des ennemis de l'Etat, le jeune Prince que je ne nommerai plus déformais qu'Amet-Cha , étoit en marche pour rentrer dans Dely, ïorfqu'il fut inltruit de tout ce qui s'étoit palîé : il comprit toute la grandeur du péril qui le menaçoit ; & pour l'éviter, il diffimula , & mit en ufage le même ftratagême dont fon bifayeul, le célèbre Aureng - Zeb , s'étoit fervi dans une occafion différente. Il parut incon-folable de la mort de fon pere, qu'il feignit de croire être arrivée naturellement. II déchira fes vêtemerfs 8c prit l'habit de Faquir, déclarant hautement qu'il renonçoit au mon- *2 r t- Révolution " g de, & qu'il ne vouloit point entent ^jnct-cha. dre parler du gouvernement de l'Empire. Les traîtres trompes par ces apparences eurent le front d'aller à fa rencontre, & de l'alTùrer qu'ils le rcconnoiiïoient pour leur Maître & leur Empereur ; niais Prince rejetta leurs offres. » Non^ » je ne monterai point fur le tri.ne, »> leur dit - il ; un de vous fera Em-» pereui ; je renoncerai à ma cou-« ronne en fa faveur en préfenec a? de tout le Peuple. Cell - là ma a> dernière réfolution. Je me ren-» drai aujourd'hui au Palais pour j) prendre congé de ma mere. Que » chacun de vous fe retire chez a foi ; celui que j'enverrai cher-» cher cette nuit, & auquel je re-j> mettrai le (beau de l'Empire , re-» gnera , Se prendra mon nom : je a fouhaite qu'il gouverne en paix » & avec tranquillité ; du relie le » monde efl fini pour moi. « Ce des Indes Orientales. 215 ftifcours du Prince arrêta les projets " >i ambitieux de tous ces Omralis, Se Amet^g commença à caufer entr'eux une efpece de divifion, chacun d'eux en particulier ofant fe flatter d'un choix qui alioit faire un Empereur; pleins de cette agréable efpérance, ris fe retirèrent fans prendre aucune nouvelle réfolution. Auflitôt qu'Amet-Cha fut entré au Palais, il fit préparer vingt-deux chambres pour l'exécution du def-, fein qu'il méditoit, & ordonna que l'entrée en fût fort balfe ; enfuite il plaça à la porte de chaque chambre deux bourreaux vigoureux armés <ïe lacets de rotin fin ( a) , avec ordre de les palfer au cou de chacun des Minières qu'il feroit appelles Il commença par le plus considérable , qui croyant déjà voir la cou- ( a ) Le Rotin eft une efppce de jone ou d'ofïe* ^ul croît au* Inde*. On. en fait dirierens ©»s '214 Révolution ronne fur fa tête, dans le tems qu'il l^dcL. te baiiToit pour entrer dans l'appartement où il penfoh trouver le Prince, fut faifi par les deux bourreaux , & étranglé lur le champ. Ses complices eurent tous fuccefiive-ment le même fort à peu de ditfan-ce Pun de l'autre ; en moins de deux heures la trahifon fut punie, & les vingt - deux traîtres furent facrifiés à la jufle vengeance du Prince. II fit auffitôt expofer leurs corps au milieu de la place, 6c nomma d'autres Miniftres fur la fidélité defquels il pouvoit compter; Après cette exécution fanglante, mais nécefîaire , Amet-Cha fe fit voir fur fon trône dans tout l'appareil de la Majefté., & fut falué Em« pereur par tous fes Sujets. Cet aéte d'une juftice févere fît trembler tous ceux qui étoient en Charge : quoiqu'ils fuffent prefque) des Indes Orientales. 21^ tous dans les intérêts des coupa-kfes , aucun ne remua ; tout plia jinetitou fous l'autorité des nouveaux Miniftres. Deux jours après i'Empe» reur fit trancher la tête à quelques Généraux & Officiers principaux,-«jui avoient trempé dans la confpi-; ration 5 il en exila auffi quelques-uns y 8i en condamna d'autres à une prifon perpétuelle. Du nombre de ces derniers fut Cafindikan, fils de Nizam - Moulouk, aîné de NazerH fingue ; à l'égard de celui-ci, fon pere le retenoit auprès de lui dans le Decan pour veiller fur fa conduite , parce que 3 comme je l'ai dit, il s'étoit révolté contre lui. Nizam avoit auffi une fille , mariée à un Seigneur de la Cour appelle Satodoloskan (a). Elle étoit mere du Prince, qu'on verra figurer fous ïe nom de Muzaferfîngue dans la fa) Satodoloskan Cgnifie en Indouftan ifiptfoîs 216 Révolution fuite Ôe cette Hiiloire. Je parlerai ^7^^ailleurs des autres enfaus de Nizam. Après avoir rétabli l'ordre & Ie M«ita«Ni-ca^ ^anâ Ia CaPilalc » tl ne refloit team - Mcu-plQ3 ^ Amet - Cha qu'à tirer une Iouk.Nw«-f Tir» t Puguc s'cm-julte vengeance du chet même des cîcuvcrne-"Conjurés ; c'étoit ce même Nizam-»cw* JVloulouk dont je viens de parler, fi juflement foupçonné d'avoir donné entrée aux Perfans dans l'Empire. Le Prince n'ignoroit pas toutes fes intrigues, & il étoit bien informé qu'il avoit été le principal moteur de la dernière conlpiration. Il lui envoya ordre de venir à Dely, pour rendre compte des revenus des royaumes de Decan & de Golconde dont il jouiffoit , ainfi que de ceux qu'il avoit tiles de fes autres Gouvernemens , dont il n'a-voit jamais rien remis au tr for Impérial. Pour s'exeufer de paroî-tre à la Cour, Nizam voulut mettre en; ies Indes Orientales. 217 fcn pratique ce qui jufques-Ià lui " "i avoit fi bien réuffi 3. il difpofoit à Â^ctaé fon gré des Généraux Marattes, qui fe prêtoient d'autant plus volontiers â fes intentions, qu'ils profitoient du pillage quil leur occafîonnoit. Mais le nouvel Empereur étoit au fait de toutes fes rufes ,• & pour cette fois les ordres de la Cour furent fi exprès & fi précis , que Nizam-Moulouk ne crut pas pouvoir s'ex^. cufer d'obéir fous quelque prétexte que ce fût. Ce fut alors que ce vieux Général qui|,au rapport des gens de fa Nation , étoit âgé de cent fept ans pénétré du mauvais fuccès de fes intrigues , & craignant de finir des jours pleins de gloire par une mort ignominieufe, pour fortir d'embarras prit, dit-on, le parti d'ava-îer du poifon : d'autres croyent qu'il mourut du chagrin J que lui çauferent les ordres qu'il avoit re- Tome I, K, «iS Ec'ïolution - eus de Dcïy ; quelques - uns même* 1 7 4 9. foupçonnerciit-, j'ignore fi c'eft avec A™" n' fondement , qu'il avoit été em-poifonné par fon propre fils Nazerfingue. Apres fa mort, celui - ci qui du vivant de fon pere n'avoit jamais eu beaucoup d'autorité, s'empara du Gouvernement & de fes tréfors, mit aux fers trois frères qu'il avoit, fit mourir quelques-uns des vieux Confeillers de Nizam, en chaffa plufieurs autres, 8c donna leurs places à des perfonnes qui lui étoient afftdées. Enfnite fans attendre l'agrément ni les difpofitions de la Cour, il fe rendit maître de i'adminiftration de tous les Goin vernemens de fon pere , & dilpofa en Souverain de toutes les Charges & de tous les Offices miiitai- d: Mnaftr* rc5, • .i la Amet - Cha n'eut pas plutôt été Vicerovauté ■ . du Decan & inftruit de la mort de Nizam-Mou* dl Gcicon* louk & de la révolte de Nazafin* des Indes Orientales. 2Tp gue, qu'il penfa à punir la témérité " | du rébelle . & à rendre à l'héritier »1749-légitime la juftice qui lui étoit due. C'étoit le fils de Satodoloskan, petit-fils de Nizam - Moulouk par fa fille, & par conféquent neveu de Nazerfingue, c'étoit à lui que la fucceffion appartenoit fuivant les dernières difpofitions de Nizam, qui l'avoit nommé pour lui fuccé-der. Auffitôt l'Empereur appella à la Cour ce jeune Seigneur qui avoit l'honneur d'être fon coufin , lur changea fon nom en celui de Mu-zaferlingue (a) , le déclara Souba & Généralifïime de fes armées , Se l'inveflit du Gouvernement des royaumes de Decan Se de Golconde. En même-tems il lui donna ordre de marcher fur le champ contre fon oncle Nazerfingue, & de le lui envoyer prifonnieraprès lui avoir ( a ) Muxaferfingue, en Indouftsn , Invincible tiutrrier, Kij 110 Révolution P fait rendre compte des fommes jimJ-civ. confidérables que fon pere devoit au tréfor; il lui promit qu'aufïîtôt qu'il feroit maître de Golconde, il Jui donneroit le titre de Nizam, Moulouk que portoit fon ayeul : ce titre ne s'accorde qu'à ceux qui ont fournis des royaumes , Se remporté plufieurs victoires, ïl marche Muzaferfingue partit de Dely à *ers le Car-]a tête de huit mille chevaux Se de treize à quatorze mille hommes d'Infanterie -y fon armée grolTit à mefure qu'il avançoit par les nouvelles levées qu'il faifoit fur fa rou-■ te. Il traverfoit le royaume de Ca-r.ara , Iorfque Chandafaheb qui, comme je l'ai dit, y étoit alors, crut pouvoir profiter de cette oc-calion, pour faire valoir fes droits fur la Nababie d'Arcatte. Il fe rendit auprès du Souba, lui repréfenta Iajullice de fes prétentions J Se lui communiqua les lettres du Gou«- des Indêt Orientales,' eut Vernenr de Pondichery , qui lui 1 promettoic fon fecours pour le ré- Ajttc^% tablir dans fon Gouvernement. Muzaferfingue déjà inflruit de la valeur de la Nation Françoife , voyant les droit» de Chandafaheb fi bien appuyés, ne balança point à lui confirmer le titre de Nabab d'Arcatte & du Maduré au nom du Grand-Mogol, qu'il informa auffitôtde ce qu'il venoit de faire, ainfi que de la réfolution qu'il avoit prife de marcher en perfonne vers le Carnate. Il y avoit alors à la Cour de De-ïy plufieurs François, que la curio-fité y avoit attirés : ils avoient fait valoir auprès du nouvel Empereur la belle défenfe de Pondichery contre toutes les forces réunies des Anglois ; ils lui avoient vanté ia valeur des Soldats François . la ca-pacité de leurs Officiers J & la con-; duite ferme 6V prudente de leur 222 Révolution ' Chef. Amet - Cha déjà informé de wfW4-cht.ces particularités par le bruit public & par quelques Seigneurs Mogols qui lui en avoient parlé , approuva tout ce que fon Général avoit fait, confirma à Chandafaheb le Gouvernement d'Arcatte & du Maduré , l'honora du nom d'Ufen-doskan ( a ) , & écrivit au Souba de lui donner le titre d'Umbrafin-gue (b) dèï qu'il feroit rentré dans fes Etats. En même - tems il lui donna ordre, auditôt qu'il auroit fait reconnoître fon autorité dans ies royaumes de Carnate & de Maduré , de fe tranfporter à Pondichery , pour y vifiter le G ou ver-; neur de cette Ville 6c le complimenter de fa part. m A la réception de ces ordres du Prince Muzaferfingue fe mit en (a) Ufendoskan , en Indourfan, Soldat refiaw rattvr {b) Umbrafingue, Grand Général guerrier. des Indes Orientales^. 223 marche accompagne de Chandafa- 1 heb , & prit la route du Carnate. Il n'étoit pas facile d'y pénétrer. Anaverdikan & fes fils s'étoient faifis d'un défilé par où il falloitpé-cefîairement que Tannée palîàt ; ils s'y étoient retranchés, & y atteu-doient fièrement l'ennemi.. Les troupes de Chandafaheb n'étoient pas nombreufes ; 8c Muzaferfingue craignoit d'expofer les fiennes aux rifques de l'événement. Dans cet embarras ils campèrent au pied des montagnes, 8c dépêchèrent un Exprès à M. Dupleix pour l'informer de leur fituation. II n'y avoit pas beaucoup à balancer fur le parti que l'on devoit prendre dans les* circonlrances. Tout parloit en faveur de Chandafaheb ancien ami de la Nation Françoife , légitime héritier des royaumes de Carnate & de Madu- ïé, qui apportoit encore avec lui K iy 2*4 Révolution fr la confirmation du Grand-Mogoî ; ^Lct-cha. dont le propre coufin, Généralilfi- ' me de fes armées,écrivoitàM. Du-pleix qu'il étoit de la dernière importance qu'il s'abouchât avec lui pour lui communiquer les ordres de l'Empereur. Que pouvoit-on attendre au contraire d'Anaverdikari & de fes fils, Ufurpateurs d'un Etat auquel ils n'avoient aucun droite dont la mauvaife volonté & le peu de bonne foi étoient connues ? Ne1 les avoit - on pas vus contre la foi des traités par lefquels ils s'enga-geoient à ne jamais porter les ar-; mes contre la Nation Françoife; donner du fecours aux Anglois à Goudelour, & tout récemment encore fe joindre à eux pour venir aiTiéger Pondichery ? tes Fran- Après avoir pefé & examiné mû- cois fe joi- . r , fûencàiui. rement ces railons , après avoir balancé les avantages que la Compagnie pouvoit retirer de la Yifite. des Indes Orientales. 2 2 ^ du Souba & de l'amitié de Chan- ■ dafalieb , le Gouverneur de Pondi- ^me^U) cher y fé détermina de l'avis du Confeil à mettre en campagne deux mille Cipayes , cent Caflres & quatre cens vingt Soldats François , dont ii confia la conduite au fécond fils de Chandafaheb. M. d'Auteuil qu'il lui avoit donné pour adjoint dans le commandement , fe mit à la tête de ces troupes, & marcha vers Arcatte. Il apprit fur fa route qu'Anaverdikan s'étoit avancé quinze lieues plus loin dans les terres ; il nliéfita point à l'aller chercher. Il le trouva campé au pied des montagnes , ayant avec lui dix à douze mille Cavaliers, fix mille hommes d'Infanterie & deux cens vin^t éléphans. Il avoit auffi vingt pièces de canon gardées & fervies par foixante - fix Européens ra.nalfés de toutes fortes de Nations. La montagne qui K v 226 Révolution H dans cet endroit formoit une efpe-i JL7+jL ce d'anfe fur laquelle étoit bâii un petit Fort nommé Amour , cou-vroit fon camp d'un côté ; de l'autre fe préfentoit un grand lac, dont les bords étoient efcarpés : le refte étoit défendu par un large fofTé, dans lequel on avoit fait entrer les eaux du lac. Elles avoient débordé, & avoient tellement inondé les environs du camp , qu'à peine les chevaux pouvoient s'y foutenir. Auffitôt que Muzaferfingue eut avis de l'arrivée de M. d'Auteuil, il prit le parti de déboucher par un autre défilé , bien fur qu'Anaverdi-kan ne rifqueroit pas de fortir de fes retranchemens en préfence des François. Leur réfohuiou avoit en elfet troublé le vieux Nabab , il n'avoit jamais imaginé qu'ils olàf. fent s'avancer à une ii grande distance de Pondichery fans pouvoir efpérer d'autre fecours que celui des Indes Orientales. 12J tfe leur propre valeur. Ce vieux w Général qui dans d'autres guerres Amec-ciû, «'étoit toujours vu victorieux, commença alors à douter de l'événement ; & après avoir déjà fi fouvent éprouvé la valeur des François , fes deux fils fentirent redoubler leurs craintes. Leurs troupes n'étoient pas plus aflurées. Anaverdikan voyant ce découragement prefque général J ranima fes troupes abattues , monta fur fon éléphant, & donna lui-même à for* armée l'exemple d'une vigoureufe défenfe. On en vint aux mains le 3 Août ^"e^. 1740. Les François attaquèrent «'An«r«ui-le camp ennemi avec la plus grande vivacité; mais ils furent repoufTéa avec la même vigueur. Ils retournèrent une féconde fois à la charge ; Se après plus d'une heure d'un combat très - vif, ils furent encore obligés de iè retirer. Enfin JvLd'Au-&vij, 2 28 Révolution — tcuïl confidérant que fes troupes ^t étoient fort incommodées du feu de l'artillerie & de ia moufqueterie, ôc pus encore des flèches des ennemis , jugeant d'ailleurs que 13 l'on donnoit à Anaverdikan le tems de fe reconnoître 8c de le fortifier davantage, il feroit impoffihle de le forcer , tout blellé qu'il étoit d'un coup de feu à la cuille , il ranima fa petite troupe, & comman- ? da une troifiéme attaque. Elle fe fit avec tant de bravoure 8c d'intrépidité que les François forcèrent enfin les retranchemens ennemis, 8c y arborèrent leurs drapeaux. Alors ce ne fut p^us qu'une déroute générale. M.izaferfiugue & Chandafaheb qui de loin virent avec étonnement Ces prodiges de valeur > fe mirent à la pourfuiie des fuyards., & profitèrent de tout le butin , tandis que les François reitoient fous les armes. Ceux - c; des Indes Orientales; 229 reperdirent à cette action qu'un Officier Irlandois & dix Dragons; Amet-cL» ils eurent foixante blettes. Du côté des ennemis on trouva parmi les morts le vieux Nabab Anaverdi- > > kan , qui fut renversé de deffus fon éléphant de deux coups de feu qu'ii reçut, i'un dans la tête , l'autre dans la poitrine. II y eut auffi deux de leurs principaux Chefs qui relièrent fur la place, avec plus de mille Soldats ; le nombre de leurs bleffés fut très - grand. On fit prifonniers Mufouskan fils aîné du Nabab , fon oncle Mourouroude-kan (a) & dix des principaux Officiers de leur armée. A l'égatd de Mametalik m fécond fils d'Anaver- ; dikan , il fe fauva par la fuite , 8c alla le renfermer dans Trichenapaly. Muzaferfingue & Chandafaheb ne perdirent pas un feul homme, ( a ) McHirouroudcfcan , en Indouftan, Soldat très -jua?. i^o Révolution Se eu eurent fort peu de bleiïés dans irlctcL.la pourfuitc Se dans le pillage. Le premier eut pour fa part du butin quarante - trois elcphans , Se le fécond dix-neuf; ou prit aultt grand nombre de chevaux, que l'on partagea. La plus grande partie de la-Cavalerie ennemie palla au fervice de Muzaferfingue & de Chandafaheb. Les François ne le réferve-rent pour tout avantage que l'honneur de la victoire ; ce qui donna aux Maures la plus grande idée de la dilcipline Si du defintérelfement de ces mêmes troupes , dont ils venoient d'admirer ia valeur. Rétabiifle- Après lavictoiie, M izalerfingue Kdaïahcb honora le fils de Chandafaheb du. dans le oci*- j^fg je >J.jbab de Tricheuapaly : rernement _ % »' » " «•'Arcatte. en mcmc-tems il confirma au nom de l'Empereur la donation de qua-lan.e-cinq aidées ou villages de Villenoui (a) voilins de P>>n lieue- ( a ) Villcnour n'eft éloigaé de Pondichery ^u&-«l'une liewe. des Indes Orientales. '23 ï l'y, dont Je reve.iu pouvoit monter par an à foixante ou quatre - vingt mille Roupies , & dont Chandafaheb venoit de faire préfent à M. Dnpleix, qui fur le champ les céda à la Compagnie. Enfui te tout étant difpofé pour la marche de l'armée, les troupes Françoifes jointes à celles des Maures prirent la route d'Arcatte , d'où l'on dépêcha un Exprès à Pondichery , pour faire part au Gouverneur de ce qui s'étoit palfé. Selon le rapport des principaux Officiers de l'armée Mogole, le pillage pafla la valeur de deux millions de Pagodes , qui font dix - fept millions de notre monnoie. Pendant le féjour que les armées MarcnCdb combinées firent à Arcatte, Chan- MavAt^- p 11e vers Pou» dafaheb nomma un de fes Officiers dicherjv pour y commander pendant fou abfence. On mit aufii à contribution les Nababs de Velour & de \ 2^2 Révolution f Chetepel ; le premier fut obligé ctel ywcha. PaYer fept laks de Roupies , qui font près de deux millions, l'autre en fut quitte pour quatre laks Se demi. Après ccl.i on fe mit en marche pour Pondichery. L'armée des Maures étoit beaucoup groffie depuis la dernière bataille ; elle étoit alors compolée de 23 nvile hommes d'Infanterie, de quatorze mille chevaux, fix mille Arquebufiers Se Arbalétriers, 8c deux cens fix éic-phans. Ces troupes étoient fuivies, ielon l'ufage des Mogols , d'une multitude prodigieufe de gens qui accompagnoient les.bagages. Elles arrivèrent proche de Pondichery, Se campèrent hors des limites. Auflitôt qu'on y fut inftruit de leur arrivée , le Gouverneur en for-tit pour aller au - devant de Chandafaheb, qui fe préparoit à y faire fon entrée , & il fe fit accompagner dans fa marche de toutes les des Indes Orientales. \^ ,marques de diftinétion attachées à ■■' "'' fes dignités. En tête paroiffoit un Ame^ch éléphant portant un drapeau blanc, dans lequel on remarquoit cinq foleils Ça) ; enfuite venoient deux autres éléphans portant lesNabates, efpeces de timballes qui font affectées aux Nababs dans leur Gouvernement. Apres cela marchoit un quatrième éléphant, portant auffi un drapeau blanc avec un foleil brodé en or ; à fes côtés deux cha-; m eaux portoient deux autres timballes. Ils étoient fuivis d'un Officier à cheval, portant un étendart à fond blanc brodé de rouge & de verdance, & chargé d'une main d'or armée d'une épée. Cinq cens Cavaliers marchoient enfuite i'épée (a) 11 n'appartient qu'aux Manfoubdars de porter un drapeau chargé de cinq foleils. L'étcn-datt du Grand - Mogol eft blanc , avec un foleil d'or d'un côté, & de l'autre une lune d'argent. Les Généraliffimcs qui font Princes du Sang> portent le même étendart avec un croiflant feulement ; s'ils ne fout pa« Princes du Sang, ils jx'piiî droit que d'avoir un étendart rouge. '3 $4 Révolution' ...... à la main , fuivis de foixante Drà*- inetch». g°ns François qui accompagnaient le Palanquin du Gouverneur ; on portoit à fa droite deux petits éten-darts blancs ornés au milieu d'un foleil d'or. A fa gauche marchoit le Palanquin de Chandafaheb , environné de huit étendarts verds chargés de même d'un foleil d'or. Sa fuite étoit compofée d'un éléphant qui marchoit en tête , portant fon drapeau verd orné d'un foleil d'or , de trois mille Cavaliers , de deux cens Gardes marchant fépée nue, & de quatre cens Lanciers & Arbalétriers. Son Palanquin étoit entouré de douze Choupdars , ou Porteurs d'ordres, armés de leurs ïongues cannes , & de iix autres portant des malles d'argent. Cë cortège fe rendit à la Citadelle, où Chandafaheb lit au Gourvemeur fon prélent compofé d'une magnifique toque ornée d'un bouquet ou r des Indes Orientales. 235* d'une aigrette d'or garnie de dra- " * mans, d'une cabaye ou robe tiffue Amec-cha, d'or & de foie , & d'une ceinture brodée en or. Chandafaheb mit lui-même la toque fur la tête de M. Dupleix ; & cette cérémonie fut accompagnée du bruit de toute l'artillerie de la forterefîe. Le Nabab demeura trois jours à Pondichery , après quoi il fut reconduit' jufqu'à la porte de la Ville avec les mêmes cérémonies qui avoient été obfervées à fon entrée. Deux jours après le Gouverneur de Pondichery fortit au - devant de Muzaferfingue , accompagne de tout le Confeil, & avec la même fuite dont on vient de voir la def-cription. Les deux premiers Con-feillers de Pondichery furent députés avec M. Albert qui parloit la langue Indouftane , pour aller complimenter Muzaferfingue fur fa route i & -auflitôt que M. Dupleix 2 3 6 Révolution » " eut avis que ce Prince appro* IlilL c,loit > il s'avança pour Ie recevoir. Son entrée Le Souba étoit précédé de cinci & fonféiour . r .1 hans. i j 8 Révolution - fon fils alors âge d'environ nuit i/ciîch».ans » & celui de Chandafaheb. On conduifoit à fa droite un éléphant, qui portoit l'étendart nommé MaU navatte (a) & tous les petits éten-darts qui étoient les marques des Dignités dont Nizam fon grand-pere étoit revêtu. Sa garde étoit compofée de mille Cavaliers fu-. perbement vêtus , marchant Pépée nue. Il étoit environné de vingt-quatre Soubdars portant des mafTes d'argent, & de cent Choupdars armés de leurs longues cannes. On portoit devant lui un étendart à fond blanc orné d'un croifTant & d'un foleil. Douze cléph.ms fer-moient la marche, & portoient la mere , la femme & le relie de la famille du Souba dans des Chérolles (*) Mainavattc veut dire Seigneur qui châtie le a rébelles. C'eft le plus grand titre d'iionncur que le Grand - Moaol puifle accoider ; jamais il u'a été donné qu* un Prince du Sanp. C'eft lt premier Généra! q.ui porte cet étendart i côkj 4u Prince. des Indes Orientales. $ Fermées ; elles étoient gardées par - ' i cinq mille Arquebufiers, mille Lan- / 7 4 ?» . . Amcc-Chi ciers & Arbalétriers, & mille Cavaliers. Ce cortège étant arrivé à la tente de M. Dupleix précédé du déta-cli ement des troupes Françoifes; Muzaferfingue mit pied à terre, entra dans la tente avec fon fils, &: complimenta le Gouverneur delà manière la plus polie & la plus honnête. De - là ils fe mirent en marche avec toute leur fuite , & furent faînes à leur entrée dans Pondichery de tout le canon de la Citadelle & des remparts. Les Maures peu accoutumés à ce bruit , en parurent épouventés j àc comme la plupart n'avoient jamais vu la mer, ils coururent avec emprelîement Vers le port pour fatisfaire leur eu-riofité. Le foir de ce même jour il y eut lin grand fouper au Gouvernes î^ô Révolution ment ; la moitié de la table y fut .ywtcha.fervie dans le goût des Maures pour Muzaferfingue Se (a fuite, l'autre à l'Européenne pour les François. C'eft l'ufage qu'avant de fervir les mets préparés pour le Souba; fon Majordome en faffe l'épreuve, & qu'ii les mette enfuite dans une bocte qu'il (celle de fon cachet ; c'eft en cet état qu'ils font préfen-tés fur la table. Le Souba ayant reconnu le fceau de fon Officier, fait ouvrir la boéte , Se mange fans crainte ; c'eft un ufage établi chez les Maures pour éviter le poifon. Tant que Muzaferfingue demeura à Pondichery , il n'ufa de cette cérémonie que pendant ies deux premiers jours ï le relie du tems il voulut témoigner aux François, qu'il fe croyoit plus en fùrcté chez eux qu'il n'eût pu être chez fon propre frère. Cette marque de confiance frappa tous les Seigneurs Maures qui étoient des Indes Orientales. 2 41 étoient à ia fuite du Souba ; elle leur ....... parut d'autant plus extraordinaire, que Muzaferfingue avoit alors tout à craindre de Nazerfingue fon oncle & de plufieurs autres" ennemis. Ils avoient peine à comprendre, comment dans des circonfïan-ces fi délicates ce Prince pouvoit abandonner fa vie à la difcrétion d'un étranger . non - feulement en faifant ufage des mets qui étoient préparés chez lui , mais même en repofant la nuit en fureté avec toute fa famille dans la Citadelle. Muzaferfingue étoit alors un jeune homme de vingt-cinq ans , d'une taille moyenne , auffi blanc qu'un Européen, d'une figure prévenante & d'une politeffe infinie. Quelques jours après fon arrivée à Pondiche-; ry le Gouverneur le régala d'un très - beau feu d'artifice , dont le Souba qui jamais n'en avoit vû de pareil, parut extrêmement fatisfait* Tome L L 24i Révolution • II marqua avoir aulli quelque envîe J74;;: de voir un combat entre deux corps de troupes Européennes $ & on lui en donna le pluifir. Les troupes commandées étoient accompagnées de quelques pièces de campagne à la Sucdoife > qui tirent plufieurs coups en une minute. A-prè* plufieurs évolutions, elles marchèrent à l'attaque de la Citadelle , félon l'ordre qu'on leur en avoit donné. En meme-tems deux vaiffeaux d'Europe qui étoient en rade , imitèrent entr'eux un combat naval. Les Maures étoient dans J'admiration ; on entendit dire à cette occafion à Muzaferfingue lui, même, que s'il avoit à fes ordres mille Dragons François , il ne ba-lanceroit pas un infiant à aller attaquer Nazerfingue dans Golconde & dans Aureng - Abad, fans avoir befoin de fes propres troupes. Un autre jour on fit jetter en fa préfeu- des Indes Orientales. 24 j ce quelques bombes, dont les Mau- 1 res ont une très - grande frayeur. ÀJeîch,. Au milieu de ces fêtes & de ces _ Donation divertiffemens, le Souba voulant i"'n à A* t t-, . j Compagnie donner aux François des marques de Mafciiip** fol ides & efficaces de fon amitié & udcDivu'" de fon eftime, non content de confirmer la donation que Chandafaheb leur avoit faite des aidées de Villenour, y joignit toutes les terres du diftrict de Bahour, composant environ trente-cinq ou quarante aidées enciavées dans ces premières. Par - là le domaine de la Compagnie fe trouva compofé de quatre - vingt aidées des meilleures terres de Tlnde , 8c fon revenu augmenté de trente à quarante mille Pagodes. Ces préfens du Prince ' Maure furent accompagnés d'un autre beaucoup plus important, 8c d'une toute autre conféquence. Ce fut un Paravana , c'en à - dire des Lettres Patentes, qu'il fit M 244 •' Révolution -— expédier dans ia tonne la plus au- Ll^iû. antique, par lequel il aiîuroit à la Compagnie la joui fiance pleine & entière de la Ville de Mafulipatan , de Tlfie de Divi & de trente lieues de terres aux environs , avec droit d'v battre monnoie ; ce qui forme, dit - on, un revenu de 800 mille Roupies par an , valant près de deux millions monnoie de France. Comme c'eft l'ufage aux Indes de fe fervir en ces occafions du nom de celui qui commande , toutes ces concernons furent faites au nom de M. Dupleix, qui fur le champ en fit une ceffion pure & fimple à la Compagnie. Après ces témoignages non fufpeéls de fon attachement & de fa bienveillance pour la Nation , comblé d'honneurs & d'amitiés de la part du Gouverneur, & remportant avec lui la plus haute idée de la bravoure & de la po» }i;elle Frnncoife , Muzaferfingue des Indes Orientales. ± 4 < quitta Pondichery, & alla rejoin- ' ■■■ dre fon armée qui campoit à qua- rAmtîc\^ tre lieues de cette Ville. A l'égard de Chandafaheb , il Secour^quî n . «lui eft accor- rella encore quelques jours auprès dé par Us de M. Dupleix, pour régler cer-Frani°,s' tains comptes qu'ils avoient à faire enfembie , & pour prendre avec lui les arrangemens nécefîaires pour ia continuation de îa guerre. Aufîî-tôt après fon arrivée à Pondichery, ce Seigneur dont la générofité ne cédoit en rien à celle de Muzaferfingue , pour récompenler ies troupes Françoifes qui l'avoient fi bien fervi à la bataille d'Amour J leur avoit faitdiUribuerfoixante voyant ces troupes tourner autour de la place , afluroit hardiment au Roi que les ennemis avoient peur j Se qu'ils des Indes Orientales. 2 y $ cherchoient le chemin de Pondi- * chery , qui véritablement eft fitué ^et-ct* du côté où les armées combinées étoient campées. Ennuyé enfin de cette manoeu- siegedecet vrequi ne produifoit aucun effet 3 K piacc* M. du Quefne réfolut de mettre les Maures dans la néceffité d'agir avec plus de vigueur. Dans cette vû,e , après avoir eiïuyé pendant tout le jour & toute la nuit du 17 Décembre plus de cinq cens coups de canon que les ennemis lui tirèrent> & qui ne lui tuèrent pas un feul homme , le 18 à deux heures après midi il décampa, fans avoir communiqué fon def-fein aux deux Princes , marcha vers la Ville à la faveur d'un grand village qui étoit fur fa route & qui le couvroit , & alla forcer à cent cinquante toifes de la place trois grands retranchemens qui en défendoient les approches. i «; 6 Révolution ' Cette brufque attaque faite avec ■Âmw-cha.toute *a frravoui:e imaginable ne lui coûta qu'un Caporal tué 6c cinq Soldats bleffés ; au contraire les ennemis y perdirent beaucoup de monde , avec un drapeau qu'on leur enleva fur la tranchée, & qui fut envoyé le lendemain à Pondichery. Après ce premier exploit, dès le jour même M. du Qucfne fit nettoyer les trois retranchemens, & y établit à cinquante toifes de la Ville deux batteries, l'une de deux pièces de fix , l'autre de fept mortiers. En même - tems il envoya vers Chandafaheb, pour lui déclarer que de ce moment il fe re-gardoit comme devant être le maître de faire ia paix ou la guerre avec le Roi de Tanjaor 3 que fi ce Prince demandoit à entrer en négociation , il prétendoit être l'arbitre des conditions ; Si qu'il ne per-mettroit point que l'on fit aucuu des Indes Orientales. 257 accommodement avec lui , £ les "* aétes n'en étoient fignés au nom du Amet-ciïa, Gouverneur de Pondichery & de la Compagnie. Cette déclaration liere , & même un peu dure , dont il crut devoir ufer pour piquer l'indolente lenteur du Prince Maure, bien loin de choquer celui-ci, en fut reçue fort agréablement. Allure qu'il étoit de l'attachement des François pour fa perfonne, il fe promettoit bien d'être toujours le maître de modérer les accès de leur bouillante vivacité ; Se il étoit fort fur qu'à l'égard de fes intérêts , ils fçauroient les ménager mieux que lui - même. Auffi fe rendit - il auffitôt auprès de M. du Quefne, pour le féliciter de l'avantage qu'il venoit de remporter ; il vifita fes travaux & fes batteries , admira par-tout la facilité Se la diligence avec laquelle ces ouvrages avoient été perfectionnés 5c ne fe retira 2 ^ S Révolution mr!r dans fon camp, que Iorfqu'H crut Amet4-ci». que l'on fe difpofoh à faire jouer le canon & les bombes. Car quoique ces Peuples ayent comme en Europe Pufage de l'artillerie, ils ont conçu d'ailleurs une idée fi effrayante de la manière dont elle eu fervie parmi nous, que tant qu'on tira dans le camp des François, ni Mu-. zaferfmgue ni Chandafaheb n'ofe-ïent jamais en approcher de plus de deux lieues. La nuit fut afTez tranquille du côté des Affiegeans. Il n'en fut pas de même dans Tanjaor : la prîfe des retranchemens y avoit répandu îa conflernation & la terreur ; tout y étoit dans la défolation 8c dans le trouble. Ce n'eft pas que les habitans n'euffent volontiers reçu les François dans leur Ville ; au contraire quelques-uns d'entr'eux étant fortis de la place, témoignèrent ce foir-ià même à M. du Quefnc qu'ils des Indes Orientales. t^ey fc croiroient heureux de pafTer fous leur domination : ils envioient le bonheur de ceux de leurs compatriotes qui étoient établis à Karical & aux environs, 6c qui fournis à la Nation jouifTorent , difoient - ils, d'un fort au prix duquel le leur nVtoit que le plus dur efclavage. A l'égard du Roi, il ne vit pas plutôt les François à feo portes J 6c leur artillerie prête à foudroyer fes murs, qu'il fe crut perdu fans ref-fource. Ce fut alors qu'ayant fait venir Maragi - Agi, » Eh bien, lui » dit-iloù font à préfent vos An-» glois, vos Hpllandois * vos Na-» zerfingue ? Qu'ils paroi lient ; il » eft tems^ Cet ennemi que vous » méprifiez hier, le voilà aujour-» d'hui au pied de nos remparts ; » qui peut vous arrêter ? Marchez » à lui ; éloignez de delfus nos 3o têtes le coup funefte qui nous » menace, & prouvez-nous par une itSo Révolution ™ » réfolution généreufe, que ce n1efl /Let-Cha. » Paâ a t0rl n0US avo"5 mis » notre confiance dans vos pro-» mettes. « Le Brame voulut répondre qu'il le défendroit jufqu'à la mort ; mais le Roi lui ferma la bouche, en lui reprochant que c'é-toit lui qui par fes mauvais confeils l'avoit engagé dans une guerre qui alloit caufer la ruine de fon pays, & dont il ne pourroit fe tirer qu'aux dépens de fon honneur , de fes tréfors, peut-être même de fa couronne. Il le chargea enfuite de malédictions , 6V le chaflfa de fa pré-fence avec indignation & avec mépris. Le lendemain 10 dès le grand matin les Ambattadeurs*du Roi de Tanjaor parurent au camp de Chandafaheb, demandant audience , & offrant d'entrer en négociation. Mais ce Prince refufa de les entendre, 6c les renvoya au Gêné- des Indes Orientales. lf^t ïal François, leur faifant dire que M c'étoit à lui qu'ils dévoient s'adref- AmcJci* fer; qu'il étoit l'arbitre de la paix, & que de lui dépendoient les conditions auxquelles on pouvoit la leur accorder. Ils fe rendirent donc à la tente de M. du Quefne, auquel ils commencèrent par le plaindre des demandes exorbitantes du Nabab, qui faifoit,difoient-ils, monter fes prétentions jufqu'à l'excès, en exigeant qu'on lui payât quatre Courons de Roupies (a). M. du Quefne qui avoit le mot de Chan-. dafaheb , convint qu'en effet la fomme étoit un peu trop forte. II ajouta, qu'ils ne dévoient cependant pas défefpérer de fléchir le Nabab ; qu'il alloit palfer chez lui avec eux, afin de travailler à l'adoucir , & qu'il leur promettoit de C a ) On doi r fe fotivenir, qu'un lak vaut cent mille Roupies, ou 2+0 mille livres, & qu'un i.ourou vaut cent iajts , par confcquent z% millions. 2.62 Révolution les fervir efficacement auprès de Amct4cha. l«l, pourvu qu'eux-mêmes lui pro- milîent d'être fidèles à remplir les engagemens qu'il prendroit avec ce Prince au nom du Gouverneur de Pondichery Se de la Compagnie. Les Ambafîadcurs très-fatisfaits de ces promeffes , lui en firent de grands remercimens, l'ailùrant que le Roi leur maître étoit véritablement ami de Ja Nation , Se qu'en toute occafion il fe feroit un vrai plaifir de lui en donnertfes marques. De-là on fe rendit chez Chandafaheb , où il fe paffa entre ce Prince & le Commandant François une fcène, qui pour avoir été concertée , n'en parut pas moins naturelle. Eile aboutit à ces trois articles, fur lefquels tonte la négociation roula dans la fuite : Qu'en confidé-ration de la Nation Françoife, Chandafaheb voulant bien modérer fes prétentions, fe réduiroità ■ des IrtdesOrientales. 2$% un Courou de Roupies , qui lui fe- —— roit payé par ie Roi de Tanjaor; Âmeîcb Qu'en même-tems celui-ci remet-troit à la Nation le prcfent de deux mille Pagodes auquel elle s'étoit obligée envers lui pour Karical, & y renonceroit des à préfent 8c pour toujours ; Qu'enfin il feroit expédier un Paravana , par lequel il af-fùreroità la Compagnie la polfelfion de quatre - vingt une aidées, que Chandafaheb lui avoit données à la proximité & à la bienféance de cet établilTement. A ces conditions, le Nabab 8c le Général François promettoient d'accorder la paix au Roi de Tanjaor , 8c s'engageoient à le prendre fous leur protection. En renvoyant les Ambalfadeurs avec cette réponfe , M. du Quefne leur donna un Pavillon blanc, avec ordre de le remettre au Roi leur Maître, & de lui dire qu'il lui en-voyoit ce Pavillon pour marque de 2^4 Révolution ....... ■ la fufpenfion d'armes & de la pro- imciViâ. le#i°n ffii. 1™ accordoit pour le prcfent ; qu'il lui donnoit deux jours pour fe décider fur les propo-iitions qu'ils étoient chargés de lui faire ; que ii dans ce terme il ne fe mettoit pas à h raifon , il étoit ré-folu de lui enlever fa place & même fon royaume , auquel cas il ne lui répondait pas de fa liberté , nr même de fa vie ; qu'il feroit fâché de fe voir obligé d'en venir avec lui à ces dures extrémités , & qu'il lui confeilloit de les prévenir. Cette réponfe rapportée au Roi de Tanjaor le jetta dans l'embarras le plus étrange. L'argent & la remife des deux mille Pagodes qu'on lui demandait, étoient ce qui l'inquit'toit le moins; ce qui lui tenoit le plus au coeur , étoient les quatre-vingt - une aidées dont on vouloit le dépouiller,& que l'on prétendoit démembrer de fon Etat pour des Indes Orientales. à'rj-y •pour en augmenter le domaine Je» Ja Compagnie. Déjà même elle en ^ ? *s9. tavoit pris pofTeflion fur la concef. c<" fion que Chandafaheb lui en avoir faite , & ailoity commencer la récolte. Ce Prince alfembla donc tous fes Miniftres., tint plufieurs Confeils, & forma centréfoîutions fans pouvoir s'arrêter à aucune. Le$ deux jours qu'on lui avoit donnés .pour fe décider, s'étoient écoulés en délibérations inutiles ; il en fk demander un troifiérne, qu'on ne lui accorda qu'avec peine- Enfin toute la journée du n , s'étant paûee fans qu'on reçût de lui aucune réponfe , le lendemain dès le grand matin M. du Quefne fît entendre fon canon, & falua la Ville de cinquante bombes & de rrente grenades royales. La première grenade étant tombée chez le Roi, n'y caufa que peu de défordre, parce «pie fon Palais étoit bâti de pterr.es V66 Révolution * ■ Je taille ; mais deux ou trois boms linctch». Des ayant dorme" enfuite dans quelques maifons de briques qu'elles fracafferent, & ayant tué deuxBra-mes, le Prince effrayé envoya aufTi-•lôt dire au camp qu'il étoit difpofé à faire tout ce qu'on exigeoit de lui, & qu'il prioit que Ton celîât le bombardement. Ses Ambafladeurs arrivèrent aux retranchemens au moment qu'on Iançoit la dernière Jbombe ; mais comme ils n'appor-toient rien de plus précis que ce qu'ils avoient propofé d'abord, cette entrevue ne réuflît pas mieux .que les précédentes. Le Commandant François tint toujours ferme pour la ceffion des quatre - vingt-une aidées , & pour la remife des <ïeux mille Pagodes -, à l'égard de Chandafaheb , il fe réduifit à foU xante Se quinze laks de Roupies,; ffa leconduifam les Ajnbafladeurs^ 'des Indes Orientales. % M. du Quefne afleâa de fes faire paffer devant vingt échelles de bambou qu'il avoit fait faire , & leur dit qu'il comptoit aller le lendemain au foir Fouper dans la Ville avec fon armée. Depuis ce jour jufqù*au *6. les négociations continuèrent avec auffi peu de fuccès qu'auparavant ; ce qui chagrinoit d'autant plus M. du Quefne, qu'il ne pouvoit douter que les ennemis ne profitafîènt de ces longueurs pour fe mettre à couvert, Se pour tranfporter toute leur artillerie du côté du camp. II eut lieu de s'en convaincre , lorf-que le i6. au foir ayant commencé le bombardement, Se l'ayant continué pendant un jour Se deux nuits entières, les Affiegés y répondirent pendant tout ce tems par un feu très - vif de vingt pièces de canon de tout calibre; Se par une 2 c$8 Révolution » 1 — grêle de cayétoques. Maigre ce' $whfa»> grand >il étoit fi bien retranché qu'il ne perdit pas un feul homme. Il n?avoit pas moins d'ardeur pour mettre fin,à ces retardemens : vingts fois il propofa à Chandafaheb d'emporter la Place & de la lui remettre.; mais jamais ce Prince ne * youlut y confentir, dans la crainte qu'elle ne fût mife au pillage. II per-.mit feulement de continuer le bombardement ; ce qui obligea M. du Quefne, qui fentoit l'inutilité de .tous ces ménagemens , & le préjudice qu'ils pouvoient apporter aux affaires, de s'emparer d'une des portes de la Ville, comme il le fit le 28 .au foir , afin qu'ayant un pied .dansla place, il pût forcer le Roi -de Tanjaor & le Nabab lui-même .jà prendre une dçrniere réfolutioiv Ce coup .fixa les incertitudes du jFrince Gentil, & décida du paru qu'il ayoit à prendre. II voyoit Içs des Indes Orientales2 & aPrès quelques négociations qui ne tendoient plus de fa part qu'à obtenir quelque modération au fujet des prétentions de Chandafaheb , il convint de cé.. der à la Compagnie quatre-vingt-une aidées de la dépendance de Karical, de lui remettre la redevance des deux mille Pagodes qu'elle s'étoit obligée de payer tous les ans pour cet établiffement, & de donner au Nabab foixante Se dix laks de Roupies , qui font près de dix - fept millions de notre monnoie. Chandafaheb exigea de plus, qu'à cette fommc il ajoutât une gratification de 200 mille Roupies valant 480 mille livres, pour les troupes Françoîfes qui Tavoient fuivi à cette expédition, 6V pour les Officiers qui les commandoient. Ces articles furent fignés le 31 Décembre -, Si le iix du mois de Jan- des Indes OûeMales. i vier fuivant on reçut à Pondi- 1 chery les Paravanas néceiïaires pour Am^x-a^,; la cefîion des quatre^vingt - une aidées. Cette nouvelle acquifition augmenta de moitié le domaine & les revenus de la Compagnie. Il lui auroit même été facile dans les con-Jonclures de s'emparer, fi elle l'eût voulu, de tout le royaume de Tanjaor qui rapporté , dit - on , quinze millions de rente, 8c de le garder avec moins de deux mille Blancs contre toutes les forces de-PluJe. M. du Quefne au zélé & à l'activité duqusl on etoit particulièrement redevable de ces avantages , ne jouit pas du fruit de fes travaux. Excédé de fatigues 8c épuifé par la maladie, il fut obligé de fe faire tranfporter à Karical, où il arriva à l'extrémité ; il y mourut le 24 Janvier. M. Dupleix ayant appris fa mort, nomma pour le remplacer le Sr Goupil, qui partit M iv ±ji Révolution' ' "' aulfitôt pour fe rendre au camp, ou AlneVchà. il prit le commandement des troupes Françoifës., L'arrivée de ce nouveau Corn-s mandant ne dérangea rien à la fuite des projets qu'on avoit formés, & qui dévoient régler les opérations de la Campagne. Apres avoir mis à la raifon le Roi de Tanjaor, M', du Quefne avoit repris le delfein du fiege de Trichenapaly, & avoit déjà, commencé à faire les préparatifs néceiïaires pour cette expédition. En fuccedant à cet Officier^ M. Goupil fui vit les mêmes erre-mens, & fit toutes les difpofuions qu'il crutîe3 plus propres à aflurer le fuccès de cette entreprife. Tout étoit prêt pour qu'on pût marcher contre cette place j on n'étoit retenu que par les lenteurs du Roi de Tanjaor, qui fous prétexte d'im-puilîance, mais en etiet pour ga-gner.du teins, dirféroit de jour en des Indes Orientales. iyy jour de fatrsfarre aux engagemens ' *" qu'il avoit pris vis-à-vis de Chan- Amlt-ch^ dafaheb, & qui tiroit les payemens en longueur» Oétoit tantôt une> raifon , tantôt une autre qui les arrêtoit; ce Prince faifoit quelques payemens, aujourd'hui en argent ± demain en vaifïelle ou en bijoux, mais toujours en petite quantité : pn ne voyoit point de fin à fes délais & à fes reinifes. Cependant le tems s'écouloit ; & l'on perdoit la* plus belle occafion de rendre fauy ciïes toutes les forces & tous les-projets d'un nouvel ennemi qui^ s'avahçoit; Fin du Tome premier. • AVERTISSEMENT. T~\ Epuis Vimprejjion de cet Ouvra-ILS ge, un homme dyefprit & de mérite qui Va lu, a bien voulu me communiquer quelques obfervatîons qu'il a faites à ce fujet, & que j'ai cru mériter d'avoir place ici. Elles font Sautant plus importantes , qu'elles viennent d'une perfonne très-injîruite du local t ty qui ayant été fur les lieux lors de la plus grande partie des événemens dont je parle* doit être mieux informée que qui que ce foit de la vérité. C'eft ce qui m'a déterminé à les donner an Public. Elles fervir ont à éclair-iirt & même à rectifier certains faits rapportés dans cette Hiftoire, qui , malgré la fidélité des Mémoires que Von m'a fournis , ne syy trouvent pas narrés avec affe\ a"exactitude. ADDITIONS ET CORRECTIONS, Tome L PAge 9. ligne 11. 6V fuir. & page 72. lignes 2. & $. Voici au fujet du titre d'Azefia que portoit Nizam-Moulouk , l'obfervation de l'Auteur de ces Remarques. • Le nom d'Azefia donné à Nizam dans fa jeuneiîe, neferoit.il point une équivoque , à laquelle l'anecdote fuivante auroit donné lieu ? Lorfque Thamas-Koulikan quitta Dely , après avoir rendu le Trône à Mahamet-Cha fon légitime Souverain, il établit Nizam-Moulouk Régent de l'Empire& lui donna le nom d'Afeph-Cha. Nizam en conféquence fe rendit indépendant, & affecta de ne plus porter que le nom que le Vainqueur lui avoir donné. Durefte , quoique Perfan 27 6 Révolution d'origine , il étoit petit.fils d'Aureng-Zeb par fa mere. Son pere étoit Perfacr, homme plein de mérite & Favori d'Aureng Zeb, qui lui donna fa fille en mariage. Prtge i ligne 13. 6r/i«V. Ce qui eft dit ici du fameux Sévagi n'eft pas exact; voici ce que notre Auteur nous en apprend. Le? ancêtres de Sévagi étoient orfî ginairem ï'iw Souverains du Royaume de Gingy. Lorfque cet Etat fut conquis par les Mogols , le pere dé Sévagi qui étoit encore enfant, dépouillé de fa Couronne, fut porté par fa mere chez des Princes de fon fang & de fa religion qui régnoient à Sattara. Le Roi qui étoit alors fur lé Trône, le reçut à bras ouverts.vîf rfavoit point d'énfans mâles; ii fit époufer une de fes filles à ce Prince fugitif, & rinlliiua fon héritier. De ce mariage fortit ce fameux Sévagi, qui dans la fuite étendit beaucoup dès Indes Orientales. "^rj Ses Etats par droit de conquête,. On voit par ce récit 3 que. ce que j'ai dit de Sévagi & de l'origine des Marattes n'eft pas exacte Ce font d'anciens peuples de l'Inde , qui ayant Içu conferver leur liberté; à l'abri de leurs montagnes,. & gouvernés par leurs propres^ Rois, fe rendirent depuis fameux» dans l'Inde fous Sévagi, & fe firent; redouter des Mogols mêmes,. Page 19. ligne rS. & fuir. L'a* necdote fuivante fera connoître,.. quelle.étoit du tems de Tamerlan la puifiance des Patanes dans l'Jnde».-Ces peuples étoient fi bien alors les maîtres de ITndouflan, que Iorfque les fucceffeurs de ce Conquérant en. firent la conquête ,, ils fe crurent obligés de fe foumettre à une céré-» roonie qui fubfifie encore aujourd'hui. Eile confifle en ce que le principal Ra/a , defeendant de celui qui régnoit alors à Dely, fait aai ' £7 $ Révolution Grand-Mogol à fon avènement à la* Couronne une marque rouge fur le frcnt avec l'orteil de fon pied. Tant que cette cérémonie n'eft pas faite ,*: le Grand - Mogol n'eft point cenfé înveiti & reconnu. Page 50. lignes dernières. Il efl faux, quoi que je ne l'aye dit que fur la foi de nos meilleurs Auteurs ; qu'Houmayum foit remonté fur le Trône de lTndouftan aidé des fecours de la Perfe. Après la mort de fufur-pateur Cliircha , qui ne IailTa point d'enfans mâles, Houmayum fut rap-| pelle d'un commun accord par tous les Seigneurs Patanes & Mogols, qui ne crurent pouvoir rien faire de mieux pour éviter une guerre civile qui les auroit tous ruinés , & dont ils étoient menacés par les prétentions multipliées de ceux qui at piroient au Trône. Page 66. ligne 13. & fuiv. Rectifiez ce qui efl rapporté de Sévagi & des Indes Orientales* % y$-des Marattes dans cette page & les deux fuivantes, fur ce que je viens d'en dire dans la note fur la page rr. Page 69. ligne 7. & fuiv, II faut réformer ce qui efl dit ici des fils 8c fuccefleurs d'Aureng-Zeb fur i'ob» fervation fuîvante. Aureng-Zeb qui portoit fur fe Trône le nom d'Alemguir , eut trois enfans mâles ; Bahadourcha qui lui fuccéda, & mourut fans en-fans • Firacba qui fuccéda à fon frère aîné, ôc qui avoit un frère cadet nommé Mozet-dine, lequel fe révolta contre lui, 8c qu'il fit mourir. Pour étendre plus loin fa vengeance contre ce dernier, Firacha qui n'avoit point d'enfans, appella au Trône après lui Cha-Halam , fils d'une de fes fceurs, & en exclut Heroudine , jeune Prince fon neveu encore enfant, fils de Mozet-dine. Ceft ce même Heroudine qui vient de détrôner Amet-Cha ^. z8o. Révolution petitfiïs de Cha-Halam, & qaï régne aujourd'hui fur I'Indouftarj' fous le nom d'Alemguir II. Page ifMg.é.&fuiv.La. remarque fnivante achèvera de prouverque' ce fut uniquement à M. Porcher que l'on fut redevable de la concef-fion accordée alors à fa Compagnie. Malgré la protection. d'Iman-Saheb, le Nabab d'Arcate ne fe-prelfoit point de mettre à exécution* la permiffion accordée aux François par Nizam-Moulouk ; M. Dumas fe crut obligé en conféquence d'en, écrire à M. Porcher, qui fur le champ fit agir les amis qu'il avoit h îa Cour de Golconde. Nizam outré de ce qu'une affaire qu'il croyoit finie traînoitainfienlongueur,fe mit à la tête de cent mille hommes , &• marcha vers le Carnate, dans la ré-folution de dépofer le Nabaf>* Dioufhlikan qui faifoit ces difficultés. .Au feul bruit de fa marche, le; dés Indes Orientales. >yg^; Nabab envoya au plutôt à Pondichery les Paravanas néceffaires, & s'avança au-devant de Nizam avec des préfens confidérables, qui achevèrent de le calmer. Page-j%. ligne i. Remarquez que Chandafaheb defcendoitde DaounV kan premier Nahab d'Arcatte, & par-là avoit des droits iégitimes-fur le Gouvernement du Carnate.. Page j?, ligne ç» &* fuiv. Ce qui avança le plus le fuccès du fiége de-Trichenapaly-, fut que Chandafaheb-qui étoit très-bel homme a donna-dans ies yeux de la Reine jeune & jolie i laquelle fit la-même impref-fron-fur le Prince Mogol. Ainfi l'amour le mit en polfelfion de cette Place ; mais peu de tems après s'étant dégoûté de la Reine , ii la fit: enfermer, Se fe maintint dans Trichenapaly par la force. Cette Prin-célfe infortunée mourut au bout de. quelque tems, ou de chagrin, ou de.-poifon.. iS2 Révolution-' Page 1^6. ty fuiv. Ce qui efl dit ici de la mort du fils dé Sabderalikan , ainfi q.ue de Pintroduélion d'Anaverdîican & de fes enfans dans le Gouvernement du Carnate & du Madurc, n'eft pas exaét ; il fera rectifié par l'obfervation fuivante. Il efl avéré que ce fut Anaverdi-Kan lui-même, qui fit aflafïmer le jeune fils de S?bderal!i