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A ses côtés sont, d'une part, les quatre premiers Khaliphes , et de l'autre les quatre Imams, auteurs de la législation religieuse, etfondateurs des quatre rits orthodoxes : les premiers sont armés d'un sabre ; les seconds tiennent le Courann , tous ayant également concouru à étendre la doctrine et la puissance de Mohammed, soit par la force de leurs armes , soit par la sagesse de leurs écrits. TABLEAU GÉNÉRAL D E I :EM PIRK-OTHO M AN, TABLEAU GÉNÉRAL D E L'EMPIRE OTHOMAN, DIVISÉ EN DEUX PARTIES, Dont l'une comprend la Législation Mahométane ; l'autre, l'Histoire de l'Empire Othoman. DÉDIÉ AU ROI DE SUÈDE, PAR M. DE M.*** D'OHSSON,^^^^ Chevalier de l'Ordre Royal deWasa, Secrétaire de S. M. le Roi de Suède , ci - devant son Interprèle , et chargé d'affaires à la Cour de Constanlinople. OUVRAGE ENRICHI DE FIGURES. TOME PREMIER. A PARIS, DE L'IMPRIMERIE DE MONSIEUR. M. d c c. l x x x v i i i. AVEC APPROBATION, ET PRIVILEGE DU ROI. AU ROI DE SUÈDE. Sire, Je présente à un grand Roi le Tableau ctun grand Empire. Cest sur les rives du Bosphore 7 et sous les auspices de Votre Majesté, que fai entrepris cet Ouvrage* Daignez, Sirs, en agrçer Vhommage avec bonté. Celte faveur sera la récompense la plus précieuse de mes travaux passés, et l'encouragement le plus flatteur pour ceux qui me restent encore. Je suis avec un profond respect, sire, DE VOTRE MAJESTÉ, Le très - humble et très - fidèle Serviteur et Sujet, le Ch«. de M*** d'Ohsson. DISCOURS PRÉLIMINAIRE. Rien n'est plus intéressant en général, que la eonnoissance des nations. Lear histoire , leur religion , leurs mœurs , leurs usages , l'esprit et la forme de leur gouvernement, sont des objets dignes de l'attention des hommes d'Etat, et de la curiosité des philosophes. Mais plus une nation est considérable par elle-même , plus elle figure sur la scène du monde, plus elle tient au sjs-tême politique des Empires , et plus aussi elle mérite d'être connue , surtout de ses voisins , et des Cours qui sont liées avec -elle par les intérêts de la politique ou du commerce. On admire , avec raison, les progrès rapides de l'Europe Chrétienne dans toutes les parties des sciences. Elle a Tome ï. a répandu la lumière sur les âges les plus reculés de l'antiquité, dissipé les ténèbres qui couvroient le berceau des anciens peuples , dévoilé tous les rapports de ceux qui les ont remplacés ; et cependant son flambeau n'a encore jeté qu'une foible lueur sur une nation qui, née en 1219 aux bords de la mer Caspienne, domine , depuis trois siècles et demi, sur la plus belle contrée de l'Europe , et dont les armes ont été souvent la terreur des nations les plus puissantes. Dans ce siècle éclairé, on ne commît, pour ainsi dire, de l'Empire Othoman, que son étendue , que sa position géographique : on ne s'est jamais arrêté que sur les dehors de ce grand colosse. L'œil de la politique n'a point encore pénétré, ni même aperçu les ressorts qui font mouvoir cette ma- chine immense. On ne s'est attaché qu'aux effets, sans en approfondir les causes. L'illusion et l'erreur qui résultent des aperçus lointains , superficiels et fugitifs, n'ont présenté que des fantômes aux regards de la plupart des écrivains ; et ces fantômes , pris et donnés pour des réalités, en ont imposé à l'Europe entière sur les usages, les mœurs, le culte et les lois des Othomans. Il est à la vérité , difficile de percer les nuages épais qui enveloppent cette nation peu communicative. Des préjugés religieux élèvent, entre elle et les autres peuples de l'Europe , une barrière que des causes naturelles, physiques, morales et politiques viennent fortifier encore. Pour s'en faire une idée juste, il faudroit avoir séjourné sur les lieux mômes : j'en atteste les ministres des puissances étrangères qui ont résidé ou qui résident encore aujourd'hui auprès de cette Cour : tous connoissentles difficultés qu'on éprouve , même les dangers auxquels on s'expose , lorsqu'on veut se livrer aux recherches nécessaires pour approfondir cette nation sous ses différons rapports. Cette étude d'ailleurs exige de grands moyens , même d'heureuses circonstances. Il faut vivre beaucoup avec les naturels du pays, posséder à fond leur langue , compulser leurs auteurs , interroger leurs monumens, avoir des notions préliminaires sur le génie national , et sur les préjugés , soit religieux , soit populaires , qui régnent dans l'Empire. Il faut se procurer des connoissances parmi les Grands , et entretenir des liaisons suivies avec les personnages les plus importans de tous les ordres de l'Etat. Il est essentiel enfin de se trouver dans la carrière politique, et au service d'une Cour amie , nullement suspecte aux jeux des ministres et des officiers publics : sans cela, on se flatteroit en vain de parvenir jamais à la connôissance parfaite de ce peuple et de son gouvernement. Né à Constantinople, élevé dans le pays même , et attaché toute ma vie au service d'une Cour liée avec la Porte par des relations intimes, j'ai eu plus que personne les moyens de vaincre ces difficultés, et de remplir la tâche que je m'impose aujourd'hui; heureux si de foibles talens, cultivés hors de l'Europe Chrétienne, loin de ses lumières et de ses secours , peuvent me promettre quelque succès. La lecture des historiens nationaux, et la comparaison que j'en ai faite avec les auteurs étrangers qui ont si imparfaitement écrit sur les Othomans, m'engagèrent d'abord à donner leur h istoïrc au public, en puisant à la source môme, c'est-à-dire, dans les annales de la monarchie ; mais au milieu de ce long travail, j'ai senti la nécessité de faire connoître, avant tout, la nation Othomane, par ses dogmes, son culte ? ses mœurs , son administration publique, et principalement par ce fameux code universel, qui, rédigé par Ihrahim-Halchy , et consacré sous le nom de Mukékci, forme la législation religieuse de ce vaste Empire et de tous les peuples Musulmans. Cette partie, comme on peut se l'imaginer, présentait bien d'autres difficultés que l'histoire. Pour se procurer les notions et la foule d'éclaircisscmcns nécessaires, elle exigeoit des recherches immenses et de très-grands efforts. Cependant rien n'a pu ralentir mon zèle. A l'aide d'un travail assidu, et des moyens d'instruction que me procu-roient chaque jour et l'exercice de mon emploi et les commissions particulières relatives au service direct de la Porte, et mes liaisons personnelles avec les principaux officiers de l'Etat, l'exécution de mon dessein a surpassé mes espérances. D'un côté, je cherchois à m'instruire sur toutes les parties du gouvernement ; de l'autre , j etudiois, dans les livres originaux, la doctrine et le code universel de l'Islamisme , avec le secours d'un théologien et d'un jurisconsulte très - instruits et très-considérés dans l'Empire. J'ai puisé tous les détails relatifs à l'administration publique, dans les lumières des ministres, des officiers en place , des chefs mêmes de tous les bureaux des divers départemens de l'Etat. Ils portoient leur confiance et leurs bontés pour moi, jusqu'à me délivrer des extraits de leurs propres registres : ces extraits sont dans mes mains; ils font mes titres sur l'authenticité de tout ce que j'avance ; car la vérité et l'exactitude la plus scrupuleuse sont à mes jeux le premier mérite de cet ouvrage, fruit de vingt-deux années de veilles et de travaux. Flattés de l'entreprise que j'avois faite de traduire leurs annales, et de donner à l'Europe Chrétienne une idée de la Puissance Othomane, il n'est point de marques de bienveillance dont ils ne m'aient honoré jusqu'au moment de mon départ de Constantinople ,\e g mars 1784. Les officiers mêmes du Palais m'ont fourni les notions relatives au Sérail, au Sultan et à la maison souveraine. Je dois les détails qui concernent les Sultanes , les Cadïnns et le Harem Impérial, aux filles esclaves du Sérail. On sait que plusieurs d'entre elles peuvent obtenir leur liberté après quelques années de service ; qu'alors elles quittent le Palais Impérial, pour être données en mariage à des officiers de la Cour, qui les recherchent toujours avec cet intérêt qu'inspire l'espoir de s'avancer par leur crédit et leurs sollicitations auprès des Sultanes et des dames dont elles sont les créatures. C'est par ces officiers, et par les femmes Chrétiennes , qui ont la facilité de se ménager un accès libre auprès d'elles , du moment qu'elles sont hors du Sérail, que j'ai rectifié les idées fausses et erronées dont je me nourrissois moi-même sur tout ce qui concerne les Sultanes , les dames et le Harem du Grand-Seigneur. Les observations et les discours qui suivent les chapitres du code universel, sont le résultat de ces études et de ces recherches particulières. Nous donnons ce code en entier, parce qu'il embrasse avec la doctrine et le culte , une infinité de lois morales, civiles et politiques. Ainsi aux maximes et aux principes théoriques, qui tous sont dictés par la législation religieuse, nous joignons la discipline , l'observance , la pratique, en un mot l'état actuel de chacune de ces parties ; ce qui comprend toutes les branches de l'administration publique de l'Etat, avec les mœurs, les usages et les coutumes de la nation. Ce tableau général de l'Empire offrira par conséquent celui de la Cour, du Sérail, des provinces, des finances, de Fêtât militaire, des forces de terre et de mer, de la magistrature, de l'état sacerdotal, la vie privée du Grand-Seigneur , les étiquettes de la Cour, et tout ce qui est relatif aux Sultanes et au Harem du Sérail. D après cet exposé, on voit que l'ouvrage en général est divisé en deux grandes parties absolument distinctes et séparées : l'une comprend la législation Maliométane ; l'autre l'histoire de l'Empire Olhoman. LÉGISLATION MAHOMÉTANE. Elle est partagée en cinq Codes ; Religieux , Civil, Criminel, Politique et Militaire ; et précédée d'une Introduction , où l'on voit d'un côté l'esprit de cette législation ; de l'autre tout ce qui concerne les anciens Imams, docteurs , interprètes de la loi, et fondateurs des quatre rits également réputés orthodoxes. I. Le Code Religieux embrasse trois parties ; les dogmes , le culte extérieur , et la morale» Dans la partie dogmatique on expose les cinquante-huit articles de foi rédigés par Orner Nessêfy : presque tous y sont développés par des observations historiques et politiques, où Ton donne une idée de la cosmogonie des Maho-métans, de leurs traditions sur les âges les plus reculés , de leur respect pour les Patriarches et les Prophètes, de leur vénération particulière pour la personne de Jésus-C/irist, de leur opinion sur Mohammed, sur ses disciples , sur les quatre premiers Khaliphes, sur leurs Saints, etc. : on y joint un tableau gé- néalogique et chronologique , du Prophète , de toutes les branches de la maison des Coureyschs, des douze Imams de la race $Aly , de tous les Khaliphes universels ; et un état des principaux hérésiarques nés au sein de l'Islamisme : on y expose aussi le véritable esprit de leur dogme sur la prédestination, la sagesse de la loi sur les illusions de l'astrologie judiciaire, les préjugés qui dominent encore la nation.... enfin tout ce qui est relatif à Xlmameth , c'est-à-dire , les fonctions religieuses du Souverain , ses titres, ses droits , et les qualités requises en sa personne pour être digne de régner, selon la loi canonique, sur le peuple Mahométan. On retrace dans la parue rituelle, tout-ce qui constitue le culte extérieur des Mahométans ; savoir , i°. l'esprit, la nature et l'usage des purifications, avec \ les circonstances qui forment l'état de pureté ou d'impureté légale dans l'un et dans l'autre sexe ; d'où résulte la véritable cause du fréquent usage que fait la nation entière des bains chauds; 2°. la prière Nama^ , à laquelle tout Musulman est tenu cinq fois par jour ; l'essence et ta nature de cette partie du culte extérieur; l'office public des vendredis et des deux fêtes de Bcyram; les prières particulières prescrites aux malades, aux voyageurs et aux militaires ; celles quisont consacrées pourles trente nuits du Rama^ann , pour les calamités publiques, pour les événemens extraordinaires ; les cérémonies de la circoncision , celles des funérailles, etc. : on y ajoute les pratiques qui sont d'institut ion humaine ; tout ce qui concerne l'intérieur des mosquées ; les prêches de leurs Scheykhs,- leur vénération pour différentes nuits de Tannée , et pour les reliques de leur Prophète ; 3°. la dîme aumônière imposée à toutes les personnes opulentes, sur la partie de leurs biens employée au luxe ou au commerce ; les sacrifices ordonnés à tous les citoyens aisés, les fondations ou donations pieuses ; les temples du Musulmanisme ; les divers édifices qui les entourent, et qui ont pour objet l'instruction de la jeunesse, le soulagement des pauvres, et futilité publique, tels que les hôpitaux, les hôtelleries, les écoles, les collèges, les bibliothèques ; les Wxkfs ou biens consacrés à leur entretien , comme à celui des mosquées, et des ministres qui les desservent , avec les règles de leur administration ; 40. le jeûne du mois de Rama^ann , où f on montre l'austérité de cette pénitence, qui consiste à être à jeun depuis le lever jusqu'au coucher du soleil, sans prendre même une goutte d'eau; et l'attention religieuse de la nation en général à l'observer avec la plus grande rigueur : on y parle aussi d'autres abstinences, de la retraite spirituelle . de l'illumination des mosquées en Rama^ann , et des différentes étiquettes qu'observe la Cour pendant les trente nuits de cette lune ; et 5°. le pèlerinage de la Mecque , avec toutes les lois et les pratiques qui concernent cet acte si important de l'Islamisme. Les observations qui les accompagnent roulent sur tous les événemens antérieurs à Mohammed, sur l'origine des Arabes , sur la fondation de la Mecque, de son temple et de son sanctuaire , sur les traditions qui ont donné naissance à cette profonde vénération des peuples pour le Keabé; sur le gouvernement nement aristocratique des anciens Arabes , etc. Passant ensuite à tout ce qui est relatif à la Mecque depuis l'établissement du Mahométisme, on parle de la position de cette cité, de ses révolutions' politiques, de son temple, de son sanctuaire actuel, des riches offrandes qui ont été faites en différens siècles , de la pierre noire, Hadjherul-esswed; du voile et de la ceinture extérieure du Keabé ; de la gouttière d'or ; du puits sacré de Zem^em ; des lieux de station marqués autour du sanctuaire pour les Musulmans des quatre rits orthodoxes ; des chameaux sacrés, et duSuré-Eminy,commissaire de la Porte% chargé des deniers que le Sultan envoie annuellement aux deux cités de l'Arabie; de la grande caravane des pèlerins, marchant de la. Syrie à la Mecque, sous la conduite du Pascha de Damas, Tome I. b en sa qualité d'Emir ul-hadjli y du Sché-rifde la Mecque, et du Pascha de Djid-da ; de la prééminence de la Mecque sur Médine ; du territoire sacré, Harem-Mekkc ; du sépulcre de Mohammed à Médine; de la distinction dont jouissent les pèlerins le reste de leurs jours, etc. etc. La partie morale embrasse quatre points généraux; i°. tout ce qui concerne la nourriture , les alimens mondes ou immondes; ïfcmanière de chasser ou d'égorger légalement les bestiaux ; les boissons, gibier , animaux permis ou défendus ; 2°. les préceptes relatifs au vêtement, et aux effets mobiliers, sur lesquels l'emploi des métaux précieux est rigoureusement prohibé; 3°. le travail prescrit aux hommes , d'après la loi qui leur ordonne de se livrer aux arts et aux métiers ; 4°. les vertus morales ; la charité ,' la probité , la chasteté , la pudeur, les devoirs de bienséance , l'attention d'éviter tout ce qui peut entraîner au vice, à la dissipation, à l'oubli de Dieu * tels que les jeux, les instrumensde musique ,' les images ou figures d'hommes et d'animaux. On termine ce premier Code par un Discours général , qui offre le tableau , 1 °. de tout le corps des Oulémas, depuis leMouphty jusqu'au dernier des Naïbs; 2°. des ministres qui desservent les mosquées; et 3°. de tous les Derwischs Mahométans, partagés en trente-trois différens ordres de solitaires. II. Le Code Civil est divisé en trente-un Livres , et subdivisé en plusieurs Chapitres et Articles. On y traite au mariage des Musulmans , et des non-Musulmans sujets tributaires de l'Empire ; de celui des esclaves , etc. ; du don nuptial ou douaire que le mari doit accorder à la femme ; de 1 égalité de traitement auquel le Musulman est tenu envers ses femmes ; de la légitimation des enfans ; des alimens légalement dus par le mari à la femme, par le père aux enfans, et par les en-fans aux père et mère indigens ; des répudiations parfaites, imparfaites, conditionnelles , etc., du divorce fait à la suite d'une procédure ; de l'affranchissement des esclaves de l'un et de l'autre sexe ; de l'interdiction légale ; de l'habilitation des esclaves ; de l'âge de majorité ; des droits des mineurs , des vieillards , des hermaphrodites , des muets , des bègues ; des enfans-trou-vés; des esclaves évadés, des gens égarés-; des choses trouvées ; des sociétés de commerce; des ventes et achats; de la caution ; des assignations ; de la procuration; des dépôts; des prêts ; des donations entre-vifs; des baux à ferme ou à loyer; des actes de violence; du rapt; du retrait vicinal; de l'agriculture ; de l'hypothèque ; des testamens civils; des tuteurs et exécuteurs testamentaires ; des droits d'hérédité ; du partage légal des biens meubles et immeubles ; enfin des lois sur l'administration de la justice, sur les qualités requises dans la personne des magistrats , sur les actions judiciaires, la preuve testimoniale, le serment luis-décisif, les aveux judiciaires, les arbitrages, les compositions faites par les parties, le droit d'emprisonnement, etc. etc. III. Le Code Criminel expose les peines afîlictives contre l'adultère , le vin, les injures , le vol domestique, les apostats , les rebelles, les voleurs de grand chemin, etc. On y présente aussi les lois sur le prix du sang , et sur la peine *du talion, membre pour membre , sang pour sang, etc., avec les formalités et les procédures qui s'observent dans toutes ces matières. IV. Le Code Politique présente quatre objets importans ; i°. les lois fiscales, qui embrassent les droits imposés sur le commerce des Musulmans , des sujets non-Musulmans, et des étrangers ; les taxes des terres décimales et tributaires; la capitation , à. laquelle sont soumis tous les sujets non-Mahométans ; les mines ou autres richesses découvertes ; enfin l'emploi légal de tous les revenus publics. Dans les Observations qui suivent ce Chapitre, on donne l'état des recettes et des dépenses de l'Empire; et un tableau de la Defterdarie, ou département du ministre des finances , composé de trente-quatre bureaux, tous relatifs à l'administration des fonds publics ; 2°. les lois qui concernent les sujets tributaires, les églisesCbrétiennes, etc. ; 3°. celles qui ont rapport imx étrangers demeurans en pays Mahométans, et auxMahométans qui sont en pays étrangers ; et 40. les droits du Sultan , en sa qualité cXImam suprême. On développe ici , dans un Discours général, l'état de l'Empire Othoman et la forme de sa constitution : on y voit, i°. les quatre principes généraux qui servent de base et de fondement à son administration actuelle : la législation religieuse , S cher y , la législation civile, Canounn, le droit coutumier, Adéth , et le pouvoir arbitraire du Souverain , (Surf; 2°. l'étendue de l'autorité spirituelle et temporelle du Sultan en sa qualité de Khaliphe et d'Imam suprême ; 3°. les pouvoirs du Grand-Fé^ir comme vicaire et lieutenant du Sultan; 40.l'influence du Mouphty et des principaux Oulémas sur l'administration politique de l'Etat; 5°. le tableau de la Porte, ou hôtel du Grand-Vé^ir, dans lequel on montre en détail tous les ministres , secrétaires , commis , officiers qui la composent, avec leurs emplois respectifs ; 6°. celui de tous les grands officiers, avec le titre \ l'office et les prérogatives de chacun ; 70. celui de toutes les provinces de l'Empire, partagées en Eyaleths et en Sandjeahs , avec un tableau de tous les Paschas à deux et à trois queues, et de tous les Beys décorés d'une queue , en y distinguant les gouvernemens qui sont toujours déférés à des Paschas à deux ou à trois queues , d'avec ceux qui se donnent arbitrairement aux uns et aux autres : cette partie sera accompagnée d'une Carte géographique de l'Empire Othoman ; 8°. un exposé de l'autorité de tous ces Paschas, et de l'administration municipale des provinces , des villes et des districts inférieurs; 9°. l'esprit du gouvernement en général envers tous les sujets de l'Empire, Mahométans ou non - Mahométans ; io°. tout ce qui est relatif à la politique du dehors; il0, la vie privée du Sultan, ses occupations, et ses amusemens ordinaires et extraordinaires ; 120. le tableau des officiers de sa maison ; i3°. celui des officiers du Sérail; 140. un état des princes, S chah- Zadcs, et des princesses du sang , auxquelles seules appartient le titre de Sultane ; a 5°. un état du Harem Impérial, des dames , Cadinns, et des autres femmes esclaves / qui le composent ; i6°. enfin un état de toutes les cérémonies du Sérail, des étiquettes de la Cour, et des formalités usitées à l'avènement d'un Sultan au trône, ainsi qu'à sa mort. V. Le Code Militaire parle de la guerre et de ses droits ; des captifs ; du butin légal; du partage de ce butin entre le Monarque et les guerriers, etc. On y joint un tableau général de toutes les milices de l'Empire, infanterie , cavalerie, troupes régulières et irrégulières , milices féodales, etc. ; celui de la marine actuelle, avec les règlémens relatifs à chaque corps de milice : ce qui embrasse toutes les forces de terre et de mer de la Monarchie Othomane. HISTOIRE DE L'EMPIRE OTHOMAN. Cette Seconde Partie de l'ouvrage comprend l'histoire de la maison Othomane depuis son origine jusqu'à nos jours. Elle est puisée à la source même, dans les annales de la monarchie. Ces annales, quoique écrites d'un style pompeux et emphatique, n'en portent pas moins l'empreinte de la vérité, de la fidélité et de l'exactitude. Elles ont le précieux avantage d'avoir été rédigées par les premiers personnages de l'Etat ; par des Mouphtys , des Paschas, des Reïs-Efendys , des Defterdars-Efendys , des Nischandjy-Efendys, etc. Plusieurs y ont même déposé les évé-nemens de leur temps, les uns par une suite de leur amour pour les lettres , les autres à titre d'historiographes publics. L'histoire d'une grande partie de la monarchie se trouve encore écrite par des auteurs contemporains, tous également estimés , autant par la pureté et l'élégance du style , que par la sagesse de leurs réflexions. Chaque règue y est exposé dans le plus grand détail. On y verra la naissance de cet Empire , son accroissement progressif , son établissement en Europe , la rapidité de ses conquêtes, l'éclat de ses armes , le génie des Sultans, le portrait des généraux et des ministres, le développement de divers systèmes politiques , l'origine des grandes charges et des premières dignités de l'Etat, la marche des abus destructeurs dans les différentes parties de l'administration; toutes les révolutions opérées en diffé-rens siècles , et par la politique du dehors , et par les troubles du dedans ; enfin les véritables causes de cet état de langueur où s'est trouvée cette grande monarchie. A la tête de cet ouvrage on donnera un précis historique de toutes les dynasties Mahométanes , pour montrer quel étoit l'état et la position de l'Orient à l'époque de la fondation de cet Empire sous le premier des Osmans. Ce discours , dans lequel on expose rapidement et dans un ordre chronologique tous les siècles du Mahométisme , présentera la vie du fondateur de l'Islamisme , l'histoire des Khaliphes Om-miades, Abassides, etc. et celle des dif-férens Etats élevés sur les ruines de cette monarchie réputée universelle des Arabes Mahométans. On verra donc dans ce tableau général de l'Orient 9 entre autres grandes monarchies, celles des Persans, des Egyptiens, des Om-miades d'Espagne, des Sébuktékiens, des Sddjoukiens, du célèbre Djïngui^-Khan, y compris les quatre branches de sa maison , sur - tout celle de Djoudjy, d'où descendent les Guiraihs, qui oui régné sur la Crimée depuis Mohammed-Sultan-Khan , fondateur de Bagtsché-Scraih, en 1426, jusqu a Schahhin-Gui-raih-Khan , le dernier des princes souverains de cette illustre maison. Enfin cette Description générale de l'Empire Othoman est enrichie d'Estampes, d'après une collection de tableaux exécutés dans le pays même , par des Peintres Grecs et Européens. Ils sont relatifs à des fêtes civiles et religieuses, et à tout ce que le culte extérieur, les cérémonies de la Cour, et les étiquettes du Sérail offrent de plus curieux et de plus intéressant. On y joint aussi les costumes de tous les officiers du Sérail, de la Cour et des divers Ordres de l'Etat. Tous ces tableaux se gravent à Paris , par les plus habiles artistes, sous la direction de MM. Cochin, Mo- reau le jeune et le Barbier Faîne , membres de l'Académie Royale de Peinture et de Sculpture, etc. D'après le plan et la nature de cet ouvrage, que l'on peut regarder comme le tableau fidèle de la nation Othomane , on ose se flatter que tout lecteur attentif et jaloux de s'instruire, pourra désormais -connoître cette nation et s'en former les plus justes idées. D'un côté, il verra dans les différens Codes qui composent la Législation universelle de cet Empire , ce qu'il y a de grand dans plusieurs de ses dogmes , de sublime dans la plus grande partie de sa morale , d'imposant dans son culte, de sage dans ses lois , de simple , de naturel/dans ses usages et dans ses mœurs : de l'autre , son histoire, rédigée d'après ses propres anna- les, montrera les hommes de génie qui ont brillé sur le trône , ceux que la nation a produits dans les difTérens Ordres , les ressorts puissans de son administration, et les ressources de son gouvernement. On sera sans doute étonné de voir une nation, toujours isolée des autres, et par-là constamment privée des avantages qu'ont les Européens de s'entre-communiquer leurs lumières , leurs découvertes , leurs sciences____ être à son origine ce qu'elle est encore aujourd'hui , et ne devoir qu'à elle-même ses connoissances , ses principes et les fbn-demens de sa constitution. Mais ce qui frappera davantage , c'est de voir que presque totis les maux publics et particuliers qui affligent les Oihomans, n'ont pour principe ni la religion ni la loi ; qu'ils dérivent des préjugés populaires , laires , de fausses opinions et de régle-mens arbitraires dictés par le caprice, la passion, l'intérêt du moment, tous également contraires à l'esprit du Cour-'ann et au dispositif de la loi canonique. D'après cela, on se persuadera aisément que la correction de ces abus et le changement de cet Empire ne présentent point des obstacles insurmontables, quelque lente que soit d'ailleurs la marche des révolutions morales et politiques, qui ne sont jamais que l'ouvrage du temps, et du génie. Pour réformer les Ochomans, il ne faudroit donc qu'un esprit supérieur, qu'un Sultan sage, éclairé, entreprenant. Le pouvoir que la religion met dans ses mains , l'aveugle obéissance qu'elle prescrit aux sujets pour tout ce qui émane de son autorité , en ren- Tome I. c droient l'entreprise moins hasardeuse, et les succès moins incertains. Par la disposition textuelle de la loi, le Souverain a le droit, la force, la puissance de changer à son gré les ressorts de l'administration civile et politique de l'Empire, et d'adopter les principes que pourroient exiger les temps, les circonstances et l'intérêt de l'Etat. Tout dépend, comme on voit, d'une seule tête. Qu un Mohammed II, qu'un Sclim I, qu'un SuuymanI, montent encore sur le trône; qu'ils soient secondés par le génie puissant d'un Khaïrud-dïnn Pascha, d'un Sinan-Pas- cha , d'un Kuprulï, etc.....; qu'un Mou- phty animé du même zèle et du même esprit, entre dans leurs vues ; que ce chef des Oulémas veuille, de concert avec eux, faire tourner au bien de sa nation l'influence que lui donnent et la dignité de sa place et l'opinion des peuples, alors on verroit ces mêmes Othomans, jusque là si concentrés dans eux-mêmes , et si tyrannisés par l'empire des préjugés populaires , entretenir avec les Européens des relations plus intimes , adopter leur tactique et leur système militaire, se livrer aux découvertes nouvelles , cultiver les sciences et les arts, élever leur administration sur des principes différens , enfin changer absolument la face de leur Empire. Ces idées, qui semblent tenir du paradoxe, seront éclaircies dans le cours de cet ouvrage. On y développe les vrais principes de la doctrine Mahomé-tane, et les fausses opinions qui, toujours dominantes, entretiennent dans plusieurs branches de l'administration publique, et dans diverses classes de c ij la nation, cette foule de vices et de préjugés funestes , d'autant plus aisés à détruire, qu'ils sont contraires au véritable esprit de l'Islamisme. Mais quelle que soit la destinée de cette nation, on laisse aux politiques à la juger, et à voir si, même dans son état actuel, elle mérite qu'on Ja taxe absolument d'ignorance et de barbarie» Si ces épithètes lui ont été prodiguées en Europe , c'est sans doute que les écrivains qui nous ont transmis son histoire, abusés eux-mêmes par leurs préventions , étrangers à ce peuple, trop peu versés dans la connoissance de ses usages, ont confondu les mœurs publiques avec les mœurs privées; les lois avec les abus ; les principes avec les opinions; les maximes du gouvernement avec les passions de ses mandataires ; des faits isolés , quelques coups d'autorité, commandés par les circonstances , avec les règles de l'administration générale. Trouve-t-on un ministre ignorant, un juge prévaricateur , un ofîicier vénal, un gouverneur inique , un sujet sans principes, sans vertus, sans morale,----c'en est souvent assez pour généraliser tous ces faits, et pour apprécier l'esprit , le caractère, les mœurs publiques de la nation, son gouvernement et ses lois. Le costume des Otho'mans, leur barbe , leur habit, leurs politesses mêmes , et leur manière de saluer ; tous ces usages, si étrangers aux Européens, et si différens des leurs, ont sans doute contribué à fortifier et accroître encore les idées défavorables qu'on s'en est peut-être trop facilement formées. Sans faire ni l'apologie, ni la censure de la nation Othomane, on se bornera à la montrer sous toutes ses faces. On exposera dans le plus grand détail, et avec la fidélité la plus scrupuleuse, tout ce qui la concerne ; ses vertus, ses défauts , les ressorts de sa politique, lès avantages et les abus de son administration. Par-là tout lecteur , qui , s'élevant au dessus des préjugés ordinaires , ne se proposera dans ses recherches que de connoître cette nation, et de f étudier dans elle-même, pourra établir un parallèle entre elle et les peuples civilisés de tous les âges , déterminer saposition actuelle , et fixer le rang qu'elle doit occuper dans l'ordre civil, moral et politique des nations Européennes , etc.... AVERTISSEMENT. N o u s croyons devoir observer à nos lecteurs que l'ouvrage en général ayant été puisé aux sources mêmes, et que d'ailleurs étant nécessaire de bien développer toutes les parties relatives à la doctrine et au culte des Mahométans , nous n'avons pu nous dispenser de suivre l'esprit , et même d'adopter quelquefois le style des auteurs originaux. On ne doit donc pas être étonné si, dans l'exposé du texte comme dans nos observations et dans nos discours , on rencontre les mots de Prophète 9 $ Apôtre céleste , Autel 7 de sacré , de Prière Dominicale , de Reliques i d'Eglise Mahométane , de Pontife Musulman , etc. Il eût été difficile de remplacer ces locutions par d'autres qui n'auroient eu ni la même clarté, ni la même énergie. Nous observerons encore que nous avons jugé nécessaire de rectifier tout ce qu'il j'a de fautif dans les noms propres , défigurés par la plupart des auteurs Européens. Nous les rendons tels qu'ils sont : ainsi , au lieu tXAlcoran, de Mahomet, de Soliman, de Tamcrlan , de Tanare, etc., nous écrivons Courann , Mohammed , Suleyman 9 Tnnour, Tatar, etc. Enfin nous prévenons que la lettre s, qui termine les mots cVOulé/nas > de Sunnys, de Schiys, etc. indique le pluriel , et ne doit par conséquent pas être prononcée. On doit lire, Ouléma , Sunny 9 Schïy , etc. INTRODUCTION. introduction. L a législation religieuse des Mahométans date du second siècle de l'hégire. Avant cette époque, il n'existoit d'autre loi écrite que le Cour ami. Ce livre, joint aux lois orales de Mohammed, à ses maximes, à ses conseils, à ses pratiques , servit de règle et de conduite aux Khaliphes des deux premiers siècles du Mahométisme. L'Imam A^am-Ebu-Hanifê , mort à BaghdadYsm 15o (767), futle premier des docteurs et des jurisconsultes qui, à la 'suite des diverses hérésies élevées dans Y Islamisme, écrivit sur les dogmes, sur le culte, et sur différentes lois de l'administration civile et politi que : bientôt une foule de docteurs suivirent son exemple ; et comme chacun donna essor à son imagination, à ses idées, à ses vues ambitieuses , il en résulta une variété étonnante d'explications sur Tome I. A le Courann, comme sur les préceptes et sur les maximes du Prophète. Delà naquirent une infinité de sectes et de rits au sein de l'Islamisme. Les dissentions civiles , les guerres de religion élevées dans l'Etat par le fanatisme et l'intérêt, la faute politique que commit Mohammed lui-même , en négligeant d'établir un ordre de succession invariable et permanent au Khaliphat, concoururent également à ébranler, dans sa naissance, une Monarchie qui menaçoit de donner des fers à l'univers entier. Ces deux causes suspendirent d'abord les progrès, aussi étonnans que rapides , de la doctrine du Courann et du glaive de son auteur: elles déchirèrent le Khaliphat; d'électif qu'il étoit, le rendirent héréditaire ; le firent passer, par des fleuves de sang, de la maison &Aly à celle de Muawiyé > de celle-ci à la maison d'Ahas, et le bouleversèrent enfin , après l'avoir successivement démembré. Sur les débris de ce grand colosse, on vit s'élever plus de cent Royaumes et Etats divers, dont les chocs violens et continuels, durant plus de neuf siècles, inondèrent de sang l'Arabie , l'Asie , l'Afrique, et même une partie de l'Europe. De ce chaos d'opinions, de sectes, d'hérésies, la plupart encore existantes, Y Islamisme ne consacra que quatre rits, également envisagés comme orthodoxes, parce que leurs fondateurs, quoique divisés sur plusieurs points du culte , de la morale, et de la législation , sont absolument d'accord sur les dogmes, sur tous les articles de foi. D'après les statuts de ces quatre rits, des docteurs postérieurs ont travaillé à la formation du Code universel ; et nous donnons aujourd'hui ce livre, sur lequel repose toute la législationMaho-métane. Pour le rendre plus clair, plus intelligible et plus instructif, nous exposerons dans cette Introduction: i°. l'esprit de ce Code ; 2°. le tableau des quatre Imams fondateurs des quatre rits orthodoxes , et des Imams Mudjhuhhids ou interprètes sacrés ; 3°. la rédaction du même Code par Ibrahim Halèby ; 40. les variantes entre les quatre Imams fondateurs ; 5°. les variantes entre les Imams même du rit Hanéfy, qui est le dominant ; 6°. les différens caractères des lois positives et prohibitives , les unes plus obligatoires que les autres, sur plusieurs matières relatives au culte et à la morale; 70. la distinction que fait la loi des diverses nations, des diverses religions et des diverses conditions de l'homme; et 8°. les différentes collections de fethwas ou sentences légales, rédigées par les Mouphtys les plus célèbres de Constantinople. §. Ier. De ! Esprit du Code universel. Ce Code est regardé dans l'Empire comme un recueil de lois théocrati- ques, toutes appuyées sur quatre livres, qui sont la base et les sources uniques de cette législation. Ces livres sont consacrés par la religion ; sous le nom générique à'Edillé-y-erbéa, ce qui signifie les quatre argu-mens ou les quatre preuves démonstratives (1) , savoir : I. Le Courann, vulgairement dit Al-coran : c'est le recueil de toutes les lois réputées divines. Nous parlerons de ce livre plus bas , dans la partie dogmatique. I I. Le Hadus ou Sunneth, qui est le recueil des lois prophétiques. Il embrasse : i°. toutes les paroles , tous les conseils , toutes les lois orales du Prophète , cawli 2°. ses actions, ses œuvres, ses pratiques, fyl ou sunneth,• et 3°. son silence, takrir > sur différentes actions des hommes , ce qui emportant une (i) Ils s'appellent encore EdïlU-y-scheriyâ; Edillé-y-semïyé, et Edïllé-y-nakïiyé : c'est-à-dire , les orgvimens canoniques ou les témoignages de la tradition. A iij approbation tacite de sa part, désigne leur légitimité et Jeur conformité à sa doctrine. Ces lois prophétiques se partagent en quatre classes différentes, selon le degré de créance et d'autorité qu'on accorde à chacune d'elles. Ce sont : i°. Les lois orales d'une notoriété publique et universelle , Hadiss-mute-wciiirè, parce qu'elles ont été généralement et également connues, avouées et enseignées dans les trois premiers siècles de l'hégire ; siècles réputés les plus heureux duMahométisme, comme tenant de plus près à sa naissance. Cette opinion est fondée sur cette parole même du Prophète : » Mon siè-» cle est le meilleur, le plus heureux » de tous les siècles; le second le sera » moins, et moins encore le troisième, * qui sera suivi de la propagation du =» mensonge et de l'erreur (1). « (i) Khayr ul-couroun-ï camy, sutnel-le^tnéyclouneh'ou sum'd-le^iné yclounefiou, sum'é'ycfschi-ulki^b. 2°. Les lois orales d'une notoriété publique, Hadiss-meschhouré. Ces lois, quoique connues dans le premier siècle, n'ont cependant été enseignées et reçues que dans les deux suivans. 3°, Les lois orales privées , Khaber-wahhid, comme ayant été peu connues dans le premier siècle, et moins encore dans les deux autres. Et 40. les lois orales de foible tradition , Hadiss-mursell, parce qu'elles ont été presque ignorées, et que l'enseignement en a été rare dans les deux derniers siècles, plus encore dans le premier , leur tradition n'ayant pas , comme celles des trois premières classes , un fil suivi et non interrompu , qui remonte jusqu'au Prophète. Toutes ces lois orales s'appellent Ehadiss - nebewiyê , ou Ehadiss - scherifé ; c'est-à-dire , les préceptes du Prophète ou les saints coramandemens. Le recueil en fut fait par les principaux de ses disciples , appelés communément A iv Asshhabs ou Sahhabê , ou Sadr-ewel, et par un grand nombre d élèves de ces derniers , appelés par cette raison Ta-biin. Mais parmi tous ces auteurs canoniques , les plus universellement estimés sont Boukhary , Sunenny-Eby-Da-voud , Termidy, Nisayi , îbn - MadjetJi ul-Ca^mny et Sahhih-Musslim. Les collections de ces six auteurs , appelés Miiîiaddiss, portent le nom de Kuttubsit-té-y-mœuteberé; c'est-à-dire, les six livres révérés. Celui de Boukhary y tient le premier rang. Tous les docteurs du Musulmanisme le regardent comme le premier des livres saints après le Cou-rann. C'est par cette raison qu'on l'appelle Boukhary-y-scherif ', ou Boukhary le sacré. III. Uldjhma-y-ummeth , qui est le recueil des lois apostoliques. Il contient les explications , les gloses et les décisions légales des apôtres et des principaux disciples du Prophète , sur-tout des quatre premiers Khaliphes, sur dif- férentes matières théologiques, morales, civiles, criminelles, politiques, etc. Ces gloses, qui passent pour être unanimes et œcuméniques, sont par-là même aussi respectées que les préceptes du Courann et les lois orales de son auteur. Et I V. le Kiyass 9 qu'on appelle encore Mâkoul. C'est un recueil de décisions canoniques, faites par les Imams Mudjhtehhids ou interprètes des premiers siècles du Mahométisme. Toutes ces décisions sont dans l'esprit des trois premiers livres; c'est pour cela qu'elles sont appelées Kiyass , qui veut dire, décisions de comparaison, de similitude , ou sentences d'imitation , d'assimilation. Comme les deux premiers de ces livres renferment les principes (1) de la doctrine et de la loi Mahométanes, ils sont consacrés sous le nom de Katlyé, ou livres primitifs et fondamentaux; et ( 1 ) Cawaid oussoul. les deux deraiiers, comme émanés des premiers, auxquels ils servent de glose, d explication et de supplément (i),sont appelés Idjhtihhadiyé, qui veut dire , livres secondaires ou livres explicatifs. . s- 11. Des Imams fondateurs des quatre Rits orthodoxes, et des Imams Mudjhtehhids ou Interprètes sacrés. Ces Imams sont les docteurs et les pères de la religion Mahométane. Le nombre en est grand. Ils sont tous rangés en sept Classes distinctes et séparées , comme on le voit dans le Taba-kath-foukaka, ou tableau des jurisconsultes de Kemal-Pascha-Zadé Ahmed Ibn KemaL Première Classe. C'est celle des quatre Imams , tous également reconnus pour primitifs, (i) Ahk eam y Fourou. canoniques et orthodoxes" , quoique fondateurs de quatre rits différens , savoir : 1. L'Imam A^am-Ebu-Hanifé (îj. Ce grand homme naquit l'an 80 (699), sous le Khaliphat d'Abd'ul-Melikl, et étudia \eCourann et la doctrine Musulmane sous le célèbre Hamad Ibn Suley-man, dont les lumières théologiques, dit l'auteur, lui furent successivement transmises par une tradition non interrompue des premiers fidèles (2). Ebu-Hanifè puisa ensuite les dogmes du Musulmanisme et les lois orales du Prophète dans les écoles de six des principaux disciples qui vivoient encore de son temps (3). Il ajouta encore à ses (1) Il s'appelle proprement Imam A^am-Ebu-Hani-feth'uL Kitify Nôman l'on Sabith ; c'est-à-dire , Noman , fils ckvSabith , père de Hanifé , de la ville de Kiufe , surnonmié Imam Azam, ou le grand Imam. (a) Suivant le même auteur, ce sont Ibrahim Ibn Tc^id'ul Nakhy , Alkamc-Eby Esswed, Schourayhh, Aly , Orner, et IbnMessoud. Les trois derniers ont été instruits par le Prophète lui-même. (3) C'étoient Eness Ibn Malik, Abd'ullah-lbn Dju^y, lumières par les conversations fréquentes qu'il eut avec la vénérable Alsché-Bimé-Aadjerd, Tune des femmes, ajoute 1 le même auteur, les plus pieuses et les plus savantes de son siècle. Ce docteur étoit l'un des partisans zélés de la maison cVAfy, dont plusieurs princes , sur-tout les frères Mohammed et Ibrahim Ibn Abdallah faisoient, de son temps, dans l'Arabie et dans l'Irak, les plus grands efforts pour renverser la puissance des Abassides établis à - Bao-hdad. Ildéclamoit hautement contre l'usurpation et les tyrannies de cette maison , prêchant et excitant les peuples à reconnoître les droits justes et légitimes , disoit-il , de la maison d'Aly, qu'il appeloit la maison de Mohammed, la famille du Prophète, ATi Mohammed. Le Khaliphe Ab'ullah II , quoique vainqueur de ses rivaux, et ne respi- Zubeydy , Abd'ullah .Ibn-Eby-Wefa , JVassib-Ibn Ass-Kda , et Muakul-Ibn-Ycssar. rant que vengeance contre tous leurs partisans, respecta cependant la doctrine , l'érudition et les grandes vertus de cet Imam , contre qui il n'osa pour lors rien entreprendre. Mais cinq ans après , il le sacrifia à son ressentiment pour une affaire infiniment moins importante. L'histoire rapporte que les habitans de Moussoul avoient , au mépris de leurs engagemens, violé la foi de la capitulation , et méprisé l'autorité des lieutenans du Khaliphe dans cette ville. Abd'ullali II, indigné , assemble ses Oulémas, et les consulte sur la résolution où il étoit de faire pj^ir ces rebelles et de confisquer leurs biens ; peine à laquelle ils s'étoient eux-mêmes soumis par serment, en cas de nouvelle désobéissance aux ordres de ce Khaliphe. Tous les Oulémas y souscrivent , excepté l'Imam A{am, qui s'élève hautement contre cet arrêt, comme étant injuste et illégal. Il se fondoit sur ce qu'un engagement tel que celui qu'avoient contracté, les habitans de MoussouL , étoit en lui - même inadmissible , puisque nul homme n'étoit le maître de disposer à son gré d'une existence qui n'appartient qu'au seul créateur et maître de l'univers. Abd'-ullah II en fut tellement irrité, ajoute l'histoire, qu'il lui fît donner en secret un breuvage empoisonné. Telle fut la fin déplorable de ce docteur , mort à BaghdadTan i5o (767). Son tombeau J reçoit continuellement les visites et les pieux hommages des Musulmans Hanéfys, qui suivent sa doctrine. 2. l'Imamatchajiy. Il naquit à Gha^é en Syrie, l'an i5o, la même année de la mort de l'Imam A\am , et termina ses jours en Egypte , l'an 204 (819), sous le Khaliphat àAbd'ullah III, dit Mee-mounn. Son corps est déposé à Courafa-y-safra. 3. L'Imam Malîk. Ce docteur mourut à Médine en 179 (79.^) , sous le Khali- phat de Harounn I, dit Reschid, et fut inhumé à Baky. C'est l'auteur de Mu-wetta , qui traite des lois orales du Prophète , l'un des ouvrages les plus estimés en ce genre , après les six premiers livres Kilttub-sittè-y mozuteberé, dont nous avons parlé plus haut. 4. ISImam. Hannbel. II vivoitdu temps des Khaliphes Abdullah III et Mohammed III, tous deux réputés hérétiques, à cause de leur opposition au dogme relatif à la nature du Cour'ann, que Ton regarde généralement comme incréé et éternel. Il fut du nombre des proscrits , pour s'être élevé contre cette hérésie , et Mohammed III le fit même fustiger en sa présence. Il mourut à Baghdad , en odeur de sainteté , l'an 241 (855) , âgé de quatre-vingts ans. Ces quatre Imams sont les fondateurs des quatre rits orthodoxes , Meyahib-erbéa , qui existent encore aujourd'hui dans le Musulmanisme. Aussi sont-ils distingués de tous les autres Imams , par le nom cT} Asshab-y-me\ahib, ou fondateurs de rits. Leur doctrine est absolument la même, quant aux dogmes et aux points théologiques. Ils ne varient que sur les pratiques du culte extérieur, la morale et quelques parties de l'administration civile et politique. On en verra le développement plus bas. De ces quatre rits , quoique tous réputés canoniques , celui de l'Imam A\am-Ebu-Hanifé , qui a été le plus généralement suivi par les Khaliphes Abassides , et par tant d'autres Etats élevés en Orient sur les ruines du Khaliphat, est aussi le plus dominant à la Cour, comme dans tout le reste de l'Empire Othoman. On doit encore ranger dans cette classe des quatre premiers docteurs de l'Islamisme , deux autres Imams , également fondateurs de rits, envisagés aussi comme orthodoxes. Ce sont l'Imam Sufyann Ibn Sdid-ul-sewry , mort à B essora en 160 (776) , et l'Imam 0 Davoud D avoué Tayi-Eba Suleyman 9 mort en i65 (781 ), à Kïufé, l'ancienne capitale des Khaliphes Abassides: mais comme ils n'ont eu l'un et l'autre qu'un certain nombre d'adhérens, leurs opinions particulières s'évanouirent presque à leur naissance. Seconde Classe. Elle comprend un très-grand nombre de docteurs , dont les plus estimés sont l'Imam Ebu Youssouph , l'Imam • Mohammed, l'Imam Zufèry l'Imam Me^ny et l'Imam Buwcyty. Ils sont presque tous disciples de l'Imam A^am, dont ils suivirent l'esprit dans l'explication des différens points de morale et de pratique , à la réserve de quelques-uns , sur lesquels ils débitèrent des opinions opposées : une partie de ces variantes fut même adoptée par les juristes postérieurs, dans leurs codes de jurisprudence , ainsi qu'il sera expliqué plus bas. Tome I. B Troisième Classe. Les docteurs les plus notables de cette classe sont les Imams Khassaf, Tahhawy , Hassan-Kerkhy , Schemsul-Eymet ul-hœulwany, Es-Serakhy , Fakhr-ul-lsslam , Pe^dewy , Fakhrud-dinn , et Ca-fi-KIwnn. Ils sont tous partisans et observateurs fidèles de ce qui a été généralement établi et statué par les Imams de la première classe, et expliqué par ceux de la seconde. Ils n'ont fait qiféclaircir et résoudre plusieurs questions omises jusqu'alors, en les développant d'après l'esprit et les décisions des quatre premiers Imams. Ainsi cette classe de docteurs, n'ayant rien donné de son propre fond , est 9 par cela même, désignée sous le nom de Tabaca-y-sufla , qui signifie classe inférieure. Quatrième Classe. Ony distingue, entre autres, Kerkhy, Raçy'et Asshab'y. Ils portent la déno- mination particulière cYAsskab-Takh-ridjh , pour désigner que ces juristes se sont bornés, d'un côté, à donner de l'extension aux points déjà expliqués et éclaircis par les Imams des trois premières classes, et de l'autre, à en tirer des conséquences absolument dans le même esprit. Cinquième Classe. Les Imams les plus distingués de cette classe, sont Eby - Hassan-Coudoury et Sahhib-Hidayé. On les appelle Asshab'y-Terdjihh , parce que leur principal mérite est d'avoir compulsé les ouvrages des précédens Imams , discuté leurs variantes , et fixé , par leur choix , celles qui dévoient avoir la préférence. Sixième Classe. Sahhib-Ken^ , Sahhib'id-Mukhtar, Sah-hib-ul-Medjhmâ et Sahhib-Wikayê , sont les plus estimés de ces docteurs. Tout leur travail se réduit à exposer leur B ij opinion particulière sur le mérite des œuvres et des décisions canoniques des Imams de la quatrième et cinquième classes. Septième Classe. Elle contient tous les Imams postérieurs qui ont écrit sur le culte comme sur la jurisprudence, d'après l'esprit et l'opinion de ceux des six autres classes. Tels sont les fameux ouvrages de Tatar-Khanijé, de Hindiyé, cXEUul-Léyss, de Medjhma-ul-B aîihréynn y $Ebul-Cassim , de KirahlyetKul-Fetawa, etc. etc. On donne généralement à tous ces écrits le nom de Mutawelath, parce qu'ils sont très-volumineux, et qu'ils traitent fort au long de toutes les matières relatives à ces lois canoniques. Cette dernière classe est censée comprendre aussi tous les docteurs et tous les j uriscon suites qui étudient la science du droit , comme sont , dit le même auteur , les Oulémas de nos jours, dé- corés, à l'égal des anciens Imams, des titres de Meschaykh , de Foukahha , et d'Ou/éma, c'est-à-dire,anciens juristes, docteurs ; mais jamais de celui de Mud-jhtehhid, ou interprètes sacrés. §. m. De la Rédaction du Code universel. Cette immensité de livres canoniques , enfantés par le zèle et la piété des plus doctes Imams des premiers siècles du Mahométisme , formoit autrefois les sources communes et arbitraires où les magistrats , ainsi que les jurisconsultes , étudioient le droit et puisoient les principes de leurs décisions légales sur toutes les matières de théologie et de jurisprudence. Mais sous Mohammed II, Molla Khoussrew , l'un des docteurs les plus érudits de son siècle, rassembla, en 875 (1470), ces matières , et en forma un code général , dont les lois , réputées sacrées , renferment les pratiques religieuses, B iij et tout ce qui est relatif à l'administration publique. Ce code fut intitulé Durer, c'est-à-dire , Perle , par allusion à tout ce que cet ouvrage renfermoit de précieux pour les jurisconsultes. Cependant , comme plusieurs points de pratique et de morale n'y étoient pas suffisamment expliqués , selon l'opinion des anciens Imams , Scheykk-Ibrahim Haleby , dont l'érudition ne cédoitenrien à celle du premier juriste , forma , sous Suley-man Iun autre code, où il embrasse, avec les textes, tout ce qui est statué par les Imams des trois premières classes. Il rapporte aussi les opinions , les explications et les commentaires des docteurs des quatrième , cinquième et sixième classes , sur les mêmes textes. Ce travail est fait avec une clarté et une précision qui mettent rarement les jurisconsultes dans la nécessité de recourir aux anciens livres canoniques , sur lesquels le nouveau code est entièrement calqué. Ibrahim - Haleby , depuis si célèbre, étoit natif cYAlep. Elevé en Egypte , il passa ensuite à Constantinople , où , agrégé dans le corps des Oulémas , il remplit tout à-la-fois les fonctions cYImam, de Khattib et de Muderriss dans la mosquée Sultan-Mohammed , et mourut, en o56 ( 1549) > revêtu de ces grades, âgé de plus de quatre-vingt-dix ans. Il donna à son ouvrage le titre de L Multeka-ul-ubhhur. Cette inscription pompeuse, qui revient à celle de confluent des mers, fait allusion à l'immensité de livres dont le sien étoit le résultat et la quintessence. Ce code, qui tient en même temps lieu de droit canon, est presque le seul livre de jurisprudence observé dans l'Empire. Il embrasse, avec toutes les pratiques du culte extérieur , les lois civiles , criminelles , morales , politiques, militaires , judiciaires, fiscales, somptuaires et agraires. Il est divisé en cinquante-sept livres , et subdivisé en différens B iv chapitres. Cependant il existe peu de méthode dans la rédaction de ces lois : la plupart des matières y sont confondues. Pour les rendre-plus claires et plus intelligibles, on s est permis de les présenter dans un autre ordre, de retrancher les répétitions fréquentes qui s y rencontrent, et de leur donner, par de simples transpositions, plus de fil, plus de liaison, plus de cohérence: on l'a donc divisé , comme on fa vu plus haut, dans le Discours préliminaire, en cinq grandes parties ; i°. en code religieux, 2°. en code civil, 3°. en code criminel, 4°. en code politique, et 5°. en code militaire : enfin ce corps de doctrine , qui renferme toutes les i lo is sacrées du Mahométisme, excepté la partie dogmatique , contient encore les diverses opinions des Imams fondateurs des quatre rits orthodoxes , et celles des principaux Imams Hanefys , qui suivirent la doctrine de l'Imam A7Lam-Ebu- Hanifè\ S-1 v. Des Variantes entre les quatre Imams fondateurs des quatre Rits Orthodoxes. Les variantes entre ces quatre Imams, ne regardent que différens points relatifs à la morale, au culte extérieur, et à l'administration publique. Au reste, ces docteurs sont absolument d'accord sur la partie dogmatique ; et c'est pour cela que leurs ouvrages , en général , sont réputés d'une égale orthodoxie , et qu'il est permis à leurs adhérens respectifs , de se conformer, chacun en son particulier, à l'avis de Y Imam qu'il a choisi pour maître. Ils peuvent, en conséquence, faire les purifications , la prière dominicale , et d'autres actes religieux, selon les statuts de leur chef ; mais cette liberté cesse dès qu'il s'agit du culte public. Dans toute l'étendue de l'Empire , excepté à la Mecque, l'exercice en est toujours réglé suivant le rit domi- nant de l'Imam A^am-Ebu-Hanifê. Il en est, de même des matières de jurisprudence. Les opinions particulières des trois autres Imams , Schafiy , Malik et Hannbel, n'y sont point admises. Les lois civiles , criminelles , politiques et militaires, sont toutes dirigées d'après les maximes et les statuts de l'Imam A^am-Ebu-Hanifé, de ses disciples , et des docteurs attachés à sa doctrine , tous distingués par-là sous la dénomination commune tXImams Hanéfys. §• v. Des Variantes entre les Imams , même du Rit Hanéfy. Après l'Imam A^am-Ebu-Hanifé, les principaux de ces docteurs sont, l'Imam Ebu-Youssouph , l'Imam Mohammed , et l'Imam Zufer. Ils sont rangés dans la seconde classe des Imams Mudjhtehhids ou interprètes sacrés. Quoique tous disciples de l'Imam A^am-Ebu-flanifé, ils è ont cependant, sur plusieurs points , des opinions contraires : quelques-unes d'entre elles ont même été préférées à celles de Y Imam leur maître , par les docteurs de la cinquième et sixième classes, ainsi qu'on le verra dans diffé-rens articles de ce code. Cette diversité d'opinions entre tous ces docteurs primitifs, sur une infinité de points , dérive , selon les juristes modernes , de l'obscurité de quelques passages, soit du Courann, soit du Ha-dïss, susceptibles d'interprétations arbitraires ; de la contrariété même de ces passages , sur-tout des lois orales du Prophète , sur des points , tantôt conseillés et même pratiqués par lui, tantôt omis et négligés ; de la diversité d'opinions des disciples, Asshabs , sur la vérité et la réalité de certains préceptes prophétiques attestés par les uns et combattus par les autres ; de la foible authenticité de quelques-uns de ces préceptes, avancés et soutenus seule- ment par un petit nombre de disciples, ou même par un seul, dont le témoignage ne peut être légalement admis comme suffisant : l'imperfection même de la langue arabe, qui, quoique belle, riche et majestueuse, a cependant une infinité de mots qui sont susceptibles de différentes significations et acceptions , soit dans le sens propre et littéral, soit dans le sens figuré et métaphorique , augmente encore cette diversité d'interprétations. C'est donc le choix de cette multiplicité d'opinions, fait par les Imams des cinquième et sixième classes, qui forme proprement le code Multeka. Les variantes des autres Imams, Ha-néfys ou non Hanéfys, sont également rapportées dans ce code , qui, depuis l'époque de sa rédaction sous Suley-man Ier, est presque le seul livre de jurisprudence à l'usage des Ca^iaskers, des Mollas, des Cadis, des Naïhs, enfin des Tribunaux et des Cours de justice dans toute letendue de la Monarchie Otho— mane. Cependant ces magistrats sont obligés, sur tous les points où les Imams Hanéfys diffèrent de sentiment, de suivre celui qui a prévalu parmi les Imams postérieurs. Cette rè^Le est même prescrite d'une manière formelle aux Cadis, dans leurs lettres d'attache , où le Sultan , en leur déférant les pouvoirs de la judicature , leur enjoint de suivre toujours dans l'administration de la justice, l'opinion la plus (1) dominante des Imams Hanéfys. Quoique cet ordre ne soit pas si explicite dans les provisions des Mollas , ils ne sont pas moins tenus de s j conformer. Il y a néanmoins des exemples, quoique en très - petit nombre , qui prouvent que ces magistrats, soit intérêt, soit cupidité , soit conviction particulière, ont quelquefois, dans les provinces , prononcé sur des matières civiles et criminelles, d'après les opinions (1) S-ymê-y-Harifinin assahh cawly uçré. des autres Imams Hanéfys ; et comme elles sont également canoniques , la décision judiciaire en devient toujours irrévocable , sans laisser à la partie qui seroit lésée \ aucun recours d'appel. Mais les opinions des Imams non Hanéfys sont décidément inadmissibles sur toutes les matières relatives à la jurisprudence. Et parmi les magistrats, s'il en est qui suivent le rit, ou de l'Imam Schafiy, ou de l'Imam Malik, ou de l'Imam Hannbel, ils n'en sont pas moins obligés de se conformer absolument, dans l'exercice public de la justice et de la religion , à la doctrine des principaux Imams Hanéfys. Enfin le code Muiteka, le sommaire et l'abrégé de toutes les lois sacrées du Mahométismc , offre néanmoins , dans la plupart de ses préceptes, des nuances et des caractères différens, qui influent sur leur observation. §• VI. Des différens Caractères du Code universel. Les lois qui forment ce code sont plus ou moins canoniques, et leurs dispositions plus ou moins obligatoires. Ces divers caractères sont même expressément marqués pour toutes les matières qui concernent le culte extérieur et l'ordre civil. Ils*sont distingués par autant de mots que la loi a consacrés à ces objets. Ainsi toutes les pratiques du culte, comme les lois morales, civiles et politiques , sont, les unes d'obligation divine, les autres d'obligation canonique, d'autres enfin de pure pratique imitative. I. Les articles d'obligation divine sont désignés par le nom de Far^ : sous ce mot, la loi comprend tous les préceptes du Cour afin.' On les divise en six classes; i°. en Far^-katy, ou préceptes absolus, lesquels sont d'une obligation indispensable, d'après l'opinion et la >ion unanime des Imams ; 2°. en Farr-Tanny 9 ou préceptes non absolus , dont l'observance est d'une obligation moins stricte, vu le défaut d unanimité et de concert dans l'opinion de ces Imamsi 3°. en Far^ayn,qui sont'les préceptes imposés à chaque fidèle en particulier , tels que la prière , le jeûne, la dîme aumônière, le pèlerinage, etc.; 4°. en Fa/j-kifayeih. Ceux-ci obligent tout le corps des fidèles en général; c'est la guerre, la prière funèbre, l'établissement d'un magistrat et d'un Imam prêtre dans une ville, etc. : ces devoirs, remplis par une partie des Musulmans, sont censés l'être par tout le corps de la société politique; 5°. en Far^-Itikady, qui sont les préceptes relatifs à la croyance , aux dogmes , etc. ; et 6°. en Far^-amely, qui embrassent tout à-la-fois le culte, la morale , l'ordre civil, et l'ordre politique. I I. Les articles d'obligation canonique sont indiqués sous le nom de Wadjib. Wadjib. Cette dénomination comprend tous les préceptes renfermés dans les trois autres livres sacrés, et qui, étant donnés par les Imams primitifs, comme des lois positives et canoniques, sont, par-là même, d'une obligation presque aussi absolue que les lois réputées divines du Courann. III. Ceux de pratique imitativesont spécifiés sous le nom de S-innèth. Ils embrassent tout ce qui est relatif, non pas aux préceptes ni aux lois orales du Prophète , mais à ses œuvres et à quelques actes religieux pratiqués par lui-même, ou par ses disciples, ou par les quatre premiers Khaliphes. Leur autorité, en quelque sorte obligatoire, dérive de l'opinion établie par ces Imams 9 que tout fidèle doit se conformer , autant qu'il est en lui , à la vie et aux actions civiles et religieuses du Législateur et de ses apôtres. Cette doctrine est fondée sur ce que la pratique ou l'omission volontaire de ces mêmes Tome I. C œuvres est regardée comme une source de mérites ou de démérites pour l'éternité. Ces pratiques se divisent encore en absolues et non absolues , Sunneth-Muekkedé et Sunncth-ghayfy-muekkedé ; en constantes et non constantes \ Sunen-y-huda et Suneny-^ewaïd. Les premières ont pour base une tradition plus ou moins authentique ; les secondes, l'exercice plus ou moins fréquent, que le Prophète et ses apôtres ont fait de ces pratiques civiles et religieuses. Indépendamment de ces lois, dont On vient de développer les trois principaux caractères , il en est encore de moins obligatoires. Les unes portent le nom de Musstahhsenn , c'est-à-dire, actes louables : ce sont les positives ; les autres portent celui de Mekrouhh, c'est-à-dire,actes blâmables, ou répu-gnans aux yeux de la religion : ce sont les prohibitives. De ce nombre sont presque toutes les lois morales. Enfin on j voit d'autres pratiques exercées par les Musulmans , et regardées par la loi, ou comme méritoires , Séwab , ou comme surérogatoires , Tetawu , Nafdéy ou comme indifférentes , La-béess. La loi qui , dans ses dispositions , établit des différences aussi marquées entre tous les objets sur lesquels elle prononce , d'après l'esprit des quatre livres sacrés , les emploie encore dans leur application aux diverses nations, religions et conditions de l'homme. | y il De la Distinction que fait la loi dans ses prononcés , entre les différentes Religions de la Terre , les Nations elles-mêmes, et les diverses Conditions de l'Homme. Ces distinctions sont ou générales ou particulières. Les premières em brassent toutes les nations du monde ; les autres ne comprennent que les Musulmans ou les peuples soumis à leur domination. Les distinctions générales ont pour principe ou la religion de Mohammed 9 ou le peuple arabe, ou les rapports politiques des autres nations avec les Musulmans , ou les divers cultes du monde. I. Sous le premier rapport, la loi partage toutes les nations en deux grands corps politiques, sous les dénominations générales de Musslim et de Keafir. Musslim, dont le duel est Musulman, et le plurier Musliminn, est le nom par excellence de tous les peuples qui professent la foiMahométane, sans distinction de rits, de sectes, d'hérésies ou d'opinions différentes. Outre ce nom de Musslim > qui signifie l'abandonné, le résigné à Dieu, ils portent encore ceux de Mohammedy 9 Ma-hométan , de Mumininn, fidèles , con-fians, vrais croyans, et de Mawahhidinn, qui signifie , adorateurs de l'unité. Keafir, dont le plurier est Kuffar ou Keferé, est aussi le nom générique sous lequel on comprend tous les peuples de la terre qui n'admettent pas la mission prétendue divine de Mohammed.- Ce mot, d'où dérive, par corruption, celui de Keavour, signifie un infidèle , un blasphémateur , un homme dans les ténèbres , dont les jeux sont fermés à la lumière et à la grâce divine. On les appelle encore Muschrikinn, qui veut dire , polythéistes ou adorateurs de la pluralité. Cette qualification , qu'ils ne donnoient autrefois qu'aux Arabes païens , et qu'ils ont depuis appliquée indistinctement à tous les non-Musulmans , pensa devenir funeste , en 665 (1266), à tous les sectateurs de Mohammed établis dans les Etats de Capla-Caan, descendant de Djingui^Khan , et qui régnoit alors dans le Khatay. Ce prince se rendit célèbre par ses armes, par ses exploits , et plus encore par la fondation de Khann-B&ligh, qu'il rendit la capitale de son Empire : il en C iij fit une des plus belles, des plus grandes et des plus commerçantes villes de l'Orient, au moyen d'un superbe canal qu'il ouvrit, depuis cette ville jusqu'à Bahhr-Zeytounn, dans les Indes, sur une étendue , dit l'histoire , de quarante journées de chemin. Il étoit idolâtre comme ses aïeux : il protégeoit et per-sécutoit tour-à-tour les Mahométans soumis à sa domination. Sa politique entretenoit à sa Cour deux Vhirs, ministres de ses volontés , l'un Païen , l'autre Mahométan. Celui-ci, nommé Ahmed Benakety , eut l'adresse de se concilier toute la confiance de ce Monarque, de renverser la fortune de son collègue, de se maintenir seul en place, et de protéger hautement le Musulma-nisme dans les Etats de son maître. La faction païenne alarmée , et craignant queCapla-Caan lui-mêmen'inclinâtvers l'Islamisme , se servit d'un de ses favoris pour lui inspirer de la défiance contre les Mahométans , et même de l'horreur contre la doctrine du Courann. On se contenta de lui montrer un passage de ce livre, où il est dit : « Tuez ( 1 ), » exterminez tous les Muschrïkinns. » Capla-CacLn lit ces mots avec une indignation mêlée d'effroi , et regardant dès-lors tous ses sujets Mahométans comme dss ennemis domestiques , il exerce contre eux ses fureurs, les persécute avec cruauté , et emploie le fer et la flamme pour les forcer à l'abjuration de Mohammed, et de sa loi. Il déli-béroit même de les faire tous égorger, lorsqu'un docteur Musulman nommé Hamidud'ima Semercandy , eut le bonheur de désarmer ce Monarque idolâtre. Il détruisit dans son esprit le dangereux effet de ce passage du Courann > en lui prouvant, par le secours de divers commentaires conformes à son opinion et à son système , que le mot Muschri-hinn n'étoit relatif qu'aux Arabes païens, mais nullement aux nations étrangè- (i) AktcVul Muschnkinc Keafeth'enn. C iv res, qui ne reconnoissoient pas la doctrine de l'unité enseignée par le Prophète. Capla-Caan , ajoute l'auteur Ma-hométan, ainsi ramené aux lumières de la raison , de l'humanité et de la politique, cessa ses persécutions contre les Musulmans , et combla d'honneurs et de présens ce sage docteur, à qui il devoit le salut d'une grande partie de ses sujets. Cependant l'extension de cCtte épithète est un point tellement reçu parmi les Musulmans, que dans tous les livres canoniques, comme dans tous les diplômes qui émanent de la Chancellerie Othomane , les sujets tributaires, comme les étrangers de toute nation quelconque, sont généralement désignés sous les noms de Keafir et de JMusch; ikinn. Cette distinction principale entre Muss.in et Keafir, a donné naissance à cet axiome si commun dans la bouche des Mahométans : Elkufru MUletfi-unn-Wahhidéth, c'est-à-dire , tous les infidè- les ensemble ne font qu'un seul et même peuple. Elle sert encore cîe fondement à la loi pour partager toute la terre en deux grandes parties : en Dar-Isslam , qui veut dire , maison de l'Islamisme ou pays Mahométan, et en Dar-Harb, qui signifie , maison de guerre ou pays ennemi. Par ce mot générique, on entend toutes les nations étrangères y même celles qui sont en paix et en liaison d'amitié avec les Etats Musulmans. I I. Sous le second rapport , qu'on peut appeler distinction nationale, la loi sépare également en deux corps politiques tous les peuples de la terre , sous les noms généraux d'Areb et d'Ad-jém. Areb est le peuple Arabe , que la loi distingue de tous les autres , Musulmans ou non-Musulmans , par différentes prérogatives, comme on le verra dans le cours de cet ouvrage. Nous observerons en passant, qu'elle établit encore une différence entre les Arabes citoyens ou bourgeois, et les hordes nomades qui vivent sous des tentes, en pleine campagne , et que Ton appelle Aarab ou Bedewy. Adjém , désigne, d'un côté, les Perses , et comprend de l'autre généralement toutes les nations de la terre, par opposition aux Arabes. Cette distinction , qui répond à celle de Juifs et de Gentils , de Grecs et de Barbares, est relative à la position géographique et politique des Perses, qui, du temps du Prophète, furent presque le seul peuple limitrophe de l'Arabie. C'est d'après ce principe, que les Sultans Othomans , depuis la soumission de l'Arabie sous Selim /, ont ajouté aux titres pompeux dont ils se décorent, celui de Sultan ul- Areb-vél-Adjém, qui veut dire, Sultan des Arabes et des Perses , pour désigner une monarchie universelle sur tous les peuples du monde. III. Sous le troisième rapport, qui présente une distinction polit iqu e, tous les habitans de la terre sont rangés en quatre classes : les Musslims 3 les Zimmys, les Mustéeminns et les Harbys. Les Musslims sont, comme on l'a dit plus haut , tous les peuples qui professent la foi de Mohammed. Les Zimmys sont tous les sujets, Chrétiens , Juifs ou Païens , asservis à la dominationMahométane, et par-là soumis à la capitation, D\i^ijé ou Kharadjh, qui n'est jamais imposée que sur les non-Musulmans. Les Mustéeminns sont les étrangers cjui se trouvent dans l'Empire , sous la foi des traités ou du droit des gens, soit comme passagers ou voyageurs , soit comme habitans ou domiciliés. Le mot même de Mustéeminns , signifie , hommes qui ont demandé grâce , pour désigner par-là, ou les sujets des Puissances qui ayant plié sous la force Mahométane, en ont obtenu la paix, ou de simples particuliers qui, quoique d'une nation non amie, entrent sur les terres Mahométanes par droit de quartier censé obtenu sur les frontières. Dans tous les actes publics ou judiciaires , dans tous les Fcrmans ou édits de Isl Porte,les étrangers de quelque nation que ce soit, ne sont jamais indiqués autrement que sous ce nom de Mustée-minn. La loi l'applique encore aux Musulmans qui voyagent ou qui demeurent en pays étranger , sur la foi du droit des gens. Ces objets , si instructifs et si inté-ressans pour les Puissances Européennes , seront traités plus au long dans le code politique. On y verra les dérogations faites à cette loi comme à plusieurs autres, par l'autorité des Sultans, en qualité à"Imams suprêmes , d'après la liberté que leur donne expressément la législation religieuse , de suivre , dans les affaires publiques , ce que les temps et les circonstances peuvent exi* ger pour le bien de l'Etat et l'intérêt général du peuple Musulman. Les Harbys, mot dérivé de Harb, qui veut dire, guerre , désignent les ennemis des Mahométans , ou plutôt les nations qui ne sont pas liées avec eux par des traités d'amitié. La loi les envisage alors comme en guerre ouverte avec les Musulmans. Cette qualification de Harby s'étend même jusqu'aux sujets de toutes les Puissances amies. La loi n'en excepte que ceux qui habitent les Etats Musulmans , en les distinguant, comme on vient de le dire, parle nom de Mustéeminn , et même par les privilèges qu'elle leur accorde , soit dans l'ordre civil, soit dans l'ordre politique. I V. Sous le quatrième rapport, qui dérive de la diversité des religions , la loi range tous les peuples en sept classes , dont les Mahométans forment les deux premières, et les non-Mahométans les autres. Ce sont ; 1°. Les Sunnys , qu'on appelle encore Eliiil-Sunneth ou Ehhl-Hakk. Ce nom comprend tous les Musulmans des quatre rits orthodoxes, qui sont cependant distingués entre eux sous les noms particuliers de Hanefy , Schajïy, Malihy et Hannbely , qui répondent à ceux des Imams fondateurs des quatre rits orthodoxes. Ce nom collect&Ê deSunny, qu'ils portent tous indistinctement, signifie les imitateurs du Prophète ou ceux qui marchent dans la même voie, tant à l'égard de la doctrine, qu'à l'égard des pratiques religieuses les plus essentielles. 2°. Les Schiys. Ce nom désigne, d'un côté, les sectateurs particuliers d''/Jfy , qui ne reconnoissent pas la légitimité des trois premiers Khaliphes , et embrasse de l'autre tous les hétérodoxes nés au sein de l'Islamisme. Nous donnerons dans la partie dogmatique un exposé rapide de cette distinction fondamentale parmi les Musulmans, et des convulsions terribles que ces schismes et ces hérésies ont occasionnées clans les différens siècles du Mahométisme. 3°. Les Kitabys ou Ehhi-K itabs. Ce sont les peuples favorisés avant Mohammed , des grâces de la révélation, par des livres divins ; savoir, le Pentateu-que , le Pseautier et l'Evangile. Ces livres , quoique sacrés aux jeux de l'Is-lamisme, sont cependant réputés inférieurs au Courann , en lumière , en grâce et en perfection. Les Kitabys sont donc les Hébreux et les Chrétiens , que la loi distingue des Idolâtres dans plusieurs de ses dispositions. Par exemple, elle exclut ceux-ci de toute alliance de sang avec les Musulmans ; au lieu que les autres j sont admis, avec cette restriction cependant, que les seuls mâles Musulmans peuvent se marier avec les femmes Chrétiennes ou Israélites , et nullement les Chrétiens ni les Juifs avec les femmes Musulmanes. Au reste , tous les Chrétiens en général sont appelés Isscwy ou partisans de Jésus , Nassrany ou adhérens au Nazaréen; et les Juifs, Yehkoudy ou Beno-Yehhoud, enfans de Juda. 40. Les Medjeoussys. Ce sont les igni-coles ou les sectateurs de Zoroastre , que la loi distingue aussi des autres peuples dans l'application de quelques-unes des lois civiles et criminelles. 5°. Les Abedé-y-Ewsann- Adjéms. Ce sont les Idolâtres de toute nation quelconque, excepté celle des Arabes. 6°. Les Abedé -y- Ewsann - Arebs. Ce sont les Arabes païens. Et 7°. les Munedds. Ce sont les apostats qui abjurent la foi Mahométane. La loi ne leur fait jamais grâce, non plus qu'aux Arabes païens, dont la soumission même à la capitation , en qualité de Zimmys ou sujets tributaires , ne peut jamais les rédimer. Il n'y a point de milieu à leur égard, entre le Courann (ij ou le sabre. Quant aux- distinctions particulières ; (l) lmm'cl-Seéïf ve Imm'el-hslam. on on en remarque trois, l'une naturelle , l'autre civile, et l'autre morale. I. La première regarde l'état des citoyens , que la loi distingue,, les uns par la condition franche, Hurriyith , et les autres par la condition serve , Rik-kïyéth, sans égard ni à la nation, ni à la croyance des uns et des autres. Ainsi tous les citoyens , ou plutôt tous les peuples soumis à la domination Maho-métane, sont divisés en nommes libres, Hurrs, et en serfs ou esclaves , Rikks. Ceux-ci sont encore subdivisés en neuf différentes conditions , relativement aux lois religieuses , civiles et criminelles qui les concernent. Cet article comprend encore huit ordres de citoyens , qui , distingués déjà par la nature , le sont également par la loi, dans une multitude de cas différens. Ce sont les majeurs , les mineurs , les hommes sensés , les insensés , les enfans légitimes , les enfans naturels, enfin les hommes dont l'ex- Tome I. D traction est connue, et ceux dont elle est ignorée. 11. La distinction civile divise en quatre classes tout le corps social et politique de l'Etat. Dans la première son t les Schérifs ou Emirs, descendans de la race de Mohammed , et les gens de loi, Foukaltha , qui, d'après les dispositions du code, devroient tous occuper le premier rang dans l'Empiré? Dans la seconde sont les Rououssa ; c'est-à-dire , les ministres , les grands et tous les officiers constitués en charge et en dignité dans les différent ordres de l'Etat. Dans la troisième, que l'on appelle Ewsath Soukiyé, sont les bourgeois, les citoyens, et tous les particuliers Musulmans , qui n'ayant aucun office public , vivent de leur industrie, ou de leur fortune. Dans la quatrième, Hissas, sont compris , le bas peuple , les hommes de condition serve, et \esZimmys ou sujets tributaires non - Musulmans , exclus , pour cause de religion, de toute dignité et de toute charge publique. Enfin les citoyens , soit voyageurs , soit domiciliés , et les personnes aisées ou non , forment, en quelque sorte, une cinquième division, vu la différence des lois qui les concernent. III. La distinction morale divise les citoyens en deux classes. Les hommes vertueux , Salihhs, qui, dans les cas de témoignage juridique, sont désignés sous le nom de Schouhkoud-OudouL% ou témoins dignes de foi, composent la première. Les hommes vicieux et irréligieux , Fassiks , forment la seconde. La loi leur interdit quelques-uns des actes civils , et leur témoignage n'est admissible qu'en certains cas. A cette classe appartiennent encore ceux qui ont des défauts naturels ; les aveugles, par exemple, ceux qui se sont rendus infâmes par les vices que la loi Dij condamne , ou qui ont subi des peines afHictives. Le témoignage des uns et des autres n'est recevable que pour les seuls actes matrimoniaux. Telles sont les distinctions de la loi canonique sur tous ces points, ainsi qu'on l'observera dans presque tous les articles de ce code universel, qui a servi de base et de principe aux collections de Fethwas , rédigées par les Mouphtys les plus célèbres de Constantinople. §. VIII. Des différentes Collections de Fethwas. Les Fethwas sont des décisions prononcées dans le même esprit que celles des anciens Imams. Plusieurs Mouphtys les ont rédigées en forme de sentences , pour faciliter l'étude et l'application de la loi dans les tribunaux de justice. De tous ces recueils les plus estimés sont ceux de Zekeriya- Zadé-Yahya Efendy , mort en 1041 (i63i ) , SOUS MouradIV; de Yeny Scheherly Aly- Efendy, déposé en 1097 (a686), sons Mohammed IV; cYAnharewy Mohammed Eminn Efendy, mort en 1098 (1687), sous le même règne ; cYEsseyid Fei{-ullah-Efendy , massacré à Andrinople en 1115 (1708) , sous Moustapha II ; et de Behhdjé Abd'ullah Efendy , déposé en 1143 (1730), sous Mahmoud I. Ces collections écrites dans l'idiome Turc, embrassent toutes les matières contenues dans le code universel ; même ordre , même méthode: L'esprit de la loi y est développé dans toutes ses applications. Les objets, quoique plus ou moins détaillés dans les uns que dans les autres , y sont traités par demandes et par réponses. Comme on ne s'est proposé, dans le recueil de ces décisions, que d'instruire le peuple, et de diriger les juges dans l'administration de la justice , il n'est point de tribunal dans l'Empire qui n'ait avec le code Muhéka deux ou trois de ces collections, sur- Diij tout la dernière du Moupkty Behhdjé AbcTullah Efendy. Nous avons jeté une grande partie de ces Fethwas dans nos observations, pour mieux développer les dispositions de la loi sur cette immensité de matières qu'embrasse la législation universelle de l'Empire. Le juriste Ibrahim Haleby , qui en fut le rédacteur, en recommande l'étude , non-seulement aux gens de loi, mais à tout Musulman. » L'étude du droit, dit-» il dans sa préface , les connoissances » des lois sacrées, et l'exercice de la juris-» prudence Mahométane, font la partie » la plus noble, la plus excellente, la » plus auguste du culte et de tout Feu-» semble des pratiques religieuses. * C'est, ajoute-t-il, la première de tou-» tes les sciences , une doctrine sainte » et lumineuse, un lien fort et sacré « entre Dieu et l'homme. C'est même » le don héréditaire et le patrimoine (1) ( i ) Mirass'ul-Erzbiya v'el Murselinn. » le plus précieux des Prophètes et des » Envoyés célestes. « Enfin ce code est écrit en Arabe, comme le sont généralement tous les livres canoniques. Il a été traduit en langue Turque , par Mohammed Mew-coufaty. Cette version commencée sous Ibrahim I , fut achevée sous Mohammed IV, à qui elle fut dédiée. Le traducteur dit, dans son avant-propos , n'avoir entrepris un travail aussi pénible, et aussiutile au peuple Musulman, que sur l'invitation miraculeuse qui lui en avoit été faite en songe , par l'Imam Â^am Ehu- Hanifé lui-même. Nous avons divisé ce corps de législation universelle en cinq codes relativement aux matières qu'il contient. Nous commençons par celui de la religion , parce qu'elle a été le premier glaive du fondateur de l'Islamisme, et qu'elle a servi de base à l'édifice de sa puissance, de celle des Khaliphes ses successeurs , et de tous les Monarques H iv Mahométans. C'est sur elle que roule encore aujourd'huitoute la constitution de l'Empire Othoman. Les Souverains , respectés comme successeurs légitimes à l'ancienne puissance des Khaliphes, y réunissent les deux glaives, les droits du sacerdoce et ceux du pouvoir suprême. Ils n'occupent le trône pontifical et ne régnent que çlaprès les lois canoniques, toutes dictées et sanctionnées par la^religion. Les matières de ce code n'offriront peut-être pas un égal intérêt à la plupart de nos lecteurs : mais le devoir d'écrivain exact nous interdit scrupuleusement de rien retrancher de cet exposé, qui forme l'essence de la morale , des dogmes et du culte extérieur de la nation Othomane et de tous les peuples qui suivent la doctrine de Mohammed. Au reste, nous nous flattons qu'on sera amplement dédommagé de la sécheresse de quelques - unes de ces matières, par le reste de l'ouvrage. TABLEAU GÉNÉRAL D E L'EMPIRE OTHOMAN. CODE RELIGIEUX. IN o u s divisons ce Code en trois parties ; savoir, Partie Dogmatique, Partie Rituelle, et Partie Morale. SECTION PREMIÈRE. PARTIE DOGMATIQUE. Les dogmes de l'Islamisme forment un ouvrage séparé du code universel Multéka. Les Imams fondateurs des quatre rits orthodoxes, ont donné des traités immenses sur cette matière , indépendamment de toutes les autres qui forment l'ensemble de la législation religieuse. De tous ces ouvrages purement théo-logiques , le plus estimé est celui de l'Imam Azam-Ebu - Hanijé. Il est intitulé : Fikh-Ehber, c'est-à-dire, la haute théologie, ou plutôt la haute jurisprudence. D'après les principes de cet Imam ? des docteurs Sumiys se sont étendus davantage sur cette partie qui regarde les dogmes. Les plus renommés parmi eux sont Mohammed Scheyhh Ebu ■ Mensour Maluridy et Eb'/il-Hassaii îdEsch'aty. Le premier étoit du rit Hanéjy , le second du rit Schafly. Ils moururent à Baghdad, l'un en 333 (946), l'autre en 324 (986 ). C'est dans les ouvrages volumineux de ces deux grands théologiens que le célèbre Ned-jhm'ud-dinn Orner Nesséjy > mort en cette ville l'an 537 c11^)» sous ^e Kh&liptett de Mohammed IX , puisa tous les dogmes du Mahométisme. Il en donna l'esprit dans un ahrégé qui'tient lieu de catéchisme aux écoles publiques et aux collèges Médresscs, où étudient la doctrine et la loi, tous ceux qui se CODE RELIGIEUX. 5o vouent à la noble et vaste carrière des Oulémas. Cet abrégé eut différons commentateurs. Le plus accrédité estSad'cd-dinn Tcftazany, mort -a.Bouli.hara en 808 ( 1405). Ce docteur y développe presque tous les articles ; il en appuie l'authenticité sur plusieurs passages des quatre livres réputés sacrés, sur-tout du Cour'ann et du Hadiss. Indépendamment de tous les points de controverse etdes différentes opinions des soixante-douze sectes hétérodoxes qui y sont rapportés, sur-tout des Mœutezilés f des Rafazysy des Imamîyés, etc., on y voit encore les sentimens des philosophes ou des partisans de la religion naturelle , qu'il combat et réfute par les mêmes autorités, et par une foule d'argumens scholastiques. Nous omettons cette partie, comme étrangère à notre sujet, pour nous en tenir'uniquement à ses explications. Elles sont toutes séparées et distinguées du texte par la lettre initiale C. Ces commen-mentaires furent encore expliqués par d'autres docteurs , sur-tout par Khayaly, dont les gloses sont également respectées par tous les gens de loi. 60 CODE RELIGIEUX. Enfin cet abrégé cl 'OrnerNesséfj j se réduit à cinquante-huit articles de foi, qui sont, pour ainsi dire , l'ame et l'essence de la doctrine Musulmane. Il est conçu en ces termes : La science en général a pour base la vérité et la réalité des objets. Donc les amis de la vérité doivent admettre l'existence de toute chose vraie et réelle. On parvient à les connoître par trois principes différens : les sens sains et parfaits , Hawass'us - Selimeth , la tradition constante et véridique , Kha-berus - Sadik , les lumières de la raison , Akl. Les sens sont les cinq facultés physiques de l'homme, l'ouïe, la vue, l'odorat, le goût et le tact ; organes par lesquels l'esprit saisit en réalité et en vérité la substance et les qualités de toute chose. La tradition est ou humaine, Kha-berul ■* Mutewatir , ou prophétique , CODE RELIGIEUX. 61 Khaberur - Ressoul. La première , fondée sur le rapport commun et unanime de toutes les nations de la terre, a pour objet des événemens publics et remarquables; tels sont, par exemple, l'existence passée ou présente de tels princes, de tels souverains , de telles villes, de tels royaumes, etc. La seconde comprend les vérités révélées par les Prophètes et les Envoyés célestes, dont la mission divine est constatée par des œuvres miraculeuses ; à l'aide des argu-mens démonstratifs qu'elles peuvent fournir lorsqu'elles sont authentique-ment établies, elles deviennent l'une et l'autre le fondement d'une véritable science, ou naturelle comme la première , ou purement théologique et céleste comme la seconde. Les lumières de la raison sont les facultés par le secours desquelles on aperçoit les rapports des êtres. Les connoissances ac- 6s CODE RELIGIEUX, quises par cette voie, sont d'une certitude égale à celles qu'on se procure par les deux autres. L'esprit y découvre des principes dont l'évidence lui est démontrée comme celle de cet axiome : » Le & tout (1 ) est plus grand queses parties. « Ces trois principaux fondemens des connoissances humaines sont les seuls qui conduisent à la science. L'inspiration , Ilhham , n'est pas admise au nombre de ces principes. Il est donc de vérité, de science certaine, et par conséquent de foi , i°. Que le monde, Alem , a été créé avec toutes les parties qui le composent (2) ; qu'il est formé de substances et d'accidens. La substance est une chose qui existe par elle-même. On l'appelle corps si elle est composée ; ma- (1) Bi inné kulïusch-scheyin a{amun mïnn dju^ïhy. (2) Vd dan bi d]er.:y edjçaikà'y meuhhdcss'unn. \ CODE RELIGIEUX. 63 tière si elle ne Test pas. Par matière on entend des élémens simples , qui, par conséquent, ne sont susceptibles d'aucune division. L'accident n'est qu'une manière d'être qui n'a rien de réel. Il n'existe pas par lui-même , mais il emprunte son existence du corps auquel il est uni. Telles sont les couleurs, les odeurs , et les autres propriétés accidentelles. C. Tout corps a nécessairement les trois dimensions, longueur, largeur et profondeur: ses propriétés accidentelles sont la réunion, la séparation, le mouvement, le repos,etc. Observations. La doctrine, le culte, les lois morales et civiles de Mohammed, tout prouve que ce législateur ne se proposa d'abord dans son entreprise , que de détruire l'idolâtrie dans sa nation, de la ramener à l'unité, à l'adoration du vrai Dieu, en rétablissant chez elle les principes de la loi naturelle. Dans cette vue, il 64 CODE RELIGIEUX, prit pour modèles de son culte et de sa législation , tous les Patriarches de l'antiquité, Adam, Noé, Abraham > Ismaè'lj etc. dont le culte, disoit-il, étoit l'Islamisme; nom sous lequel il consacra également sa doctrine èt sa religion. Il puisa toutes les maximes analogues à son système, les unes dans l'ancien et le non-veau Testament, et les autres dans les diverses traditions généralement respectées chez les peuples Arabes. Ces opinions servirent de hase à son édifice; et pour lui donner un caractère plus sacré, il eut recours à ces prétendues révélations dont l'objet, d'une part, fut de mettre le sceau à ces mêmes opinions, et de l'autre, de faire respecter les changemens qu'il crut nécessaires au succès de son ouvrage. Il est sans doute important de connoître ces traditions, qui, consacrées de siècle en siècle chez les Arabes, adoptées par leur Prophète, dirigées par le même esprit, sont devenues la source de la doctrine et de presque toutes les pratiques extérieures de l'Islamisme. On en trouve l'exposé dans plusieurs écrivains Mahométans, mais sur-tout dans un abrégé abrégé de l'histoire universelle de l'Orient, par Munedjim - Baschy Ahmed Fjendy j homme de loi, et premier astronome de la Cour Othomane sous le- règne de Mohammed IV. Ce grand ouvrage , presque unique dans son genre, contient le sommaire des livres historiques et canoniques les plus anciens et les plus estimés parmi les Arabes et les Perses. L'auteur les cite tous dans son Introduction : il ajoute que les événemens des premiers âges du monde sont appuyés sur les livres sacrés, l'ancien et le nouveau Testament, sur les révélations des Patriarches et des Prophètes, et sur les traditions constantes qui, de génération en génération, furent transmises à tous les peuples de l'Orient, et particulièrement aux Arabes. Cet ouvrage est partagé en histoire ancienne et moderne. La première s'étend depuis la création du monde jusqu'à 1^1 égire; la seconde depuis l'Hégire jusqu'à nos jours. L'histoire ancienne est encore divisée en sacrée et profane. La première comprend six époques. Tome I. E . i°. Depuis la création jusqu'au déluge, en 2242. 20. Depuis le déluge jusqu'à la naissance & Abraham , en 3323. 3°. Depuis la naissance Abraham jusqu'à la mort de Moïse , en 3868. 40. Depuis la mort de Moïse jusqu'à celle de Salomon , en 4443. 5°. Depuis la mort de Salomon jusqu'à la naissance de Jésus-Christ ^ en 5584. 6°. Depuis la naissance de Jésus-Christ jusqu'à l'Hégire , en 6216 , dans la cinquante-troisième année de la naissance du Prophète, et la treizième de son prétendu apostolat. Telle est la chronologie des Orientaux, qui présente une différence de quinze cents quatre-vingts ans, en plaçant, selon nos meilleurs chronologistes , la naissance de Jésus-Christ à l'an 4004 de la création. Nous donnei onj ici, d'après le même auteur, un précis historique de la cosmogonie, du déluge , et de la dispersion des enfans de Noé. Nous suivrons non-seulement la description, CODE RELIGIEUX. 67 mais encore l'esprit de l'écrivain Mahométan -on y découvre ce que les traditions fabuleuses , si respectées chez les Arabes anciens et modernes , mettent de différence et de variantes entre leurs auteurs et nos historiens sacrés. » Dieu tira le monde du néant et le créa en » six jours. » Le premier, il forma lescieux et la terre, « et sépara la lumière des ténèbres: il appela »> la lumière, jour, et les ténèbres, nuit. » Le second, il établit le firmament, qu'il » appela ciel , et en sépara les eaux de celles » de la terre. ' » Le troisième, il rassembla dans un même » espace toutes les eaux qui étoient sous la » voûte des cieux. Il les appela mers, et donna » au continent le nom de terre, en la couvrant » de verdure, de Heurs et de fruits. » Le quatrième, il créa deux astres lumi-» neux , le soleil et la lune., l'un pour éclairer » le jour, et l'autre la nuit. Il les destina tous » deux à servir de guide et de direction aux » hommes, et à régler les jours , les mois et » les années. Sa parole toute-puissante fit aussi » les étoiles pour briller darfs les ténèbres de » la nuit. » Le cinquième, il donna la vie et le mou-» vement aux poissons dans la mer, aux oiseaux » dans l'air, et aux animaux sur la terre. Il les ■» bénit et leur ordonna de se multiplier. » Le sixième, ce Dieu très-haut et très-puis-» sant di t : Créons l'homme et faisons-le à notre » image et à notre ressemblance. Il prit de » la terre, et en forma l'homme. Il lui donna » l'être et la vie par son souffle divin, et l'ap-» pela Adém > Adam ; être vénéré depuis par » toutes les générations, comme le pur en » Dieu, Safiy-TJUah j comme le premier père* » des hommes , Eb'ul- Bescker j comme le » premier des Patriarches et des Prophètes, »> EweVid-Enbiya s et comme le premier des *» Khaliphes ou vicaires de Dieu sur la terre, » Khalife y-Ekber. Aussi fut-il adoré par •>■> toute la légion des anges. « C'est par cette raison que l'Islamisme met le genre humain au dessus du genre angélique. » L'Eternel ayant jeté Adam dans un som-!»> meil profond, tira de sa côte un os dont il CODE RELIGIEUX. 69 » forma la femme, qu'il appela Ilmva, Eve, » nom qui signifie un être qui tient son exis-» tence d'un être vivant, et qui la donne à » d'autres. Dieu plaçant la femme à coté de » l'homme , lui dit que c'étoit l'os de ses os , » qu'ils ne faisoient ensemble qu'un seul et » même corps, et que l'homme devoit quitter » son père et sa mère pour suivre sa femme. » Il les bénit, et leur dit : Croissez , multi-» pliez , remplissez la terre, commandez aux » poissons de la mer, aux oiseaux du ciel, aux » animaux comme aux fruits et à toutes les >> productions de la terre. « C'est la création A'Adam et d'Eve le sixième jour , qui, dans le Musulmanisme, fit consacrer le vendredi (1) au culte public de l'Eternel, par la prière Salâth'ul-Djuma , qui*a lieu en commun dans toutes les grandes mosquées. » Le paradis où Adam et Eve furent créés, » étoit placé au milieu des délices $Adn, et » arrosé d'un fleuve merveilleux, la source des (1) On remarquera que chez ces peuples, la semaine commence toujours le dimanche. E iij » quatre grands fleuves de l'Orient, le Dji-» hounn jXeSihhoumi y le Tigre et ï'E/iph rate. »> Dans le centre même du paradis, Dieu » planta deux arbres; l'un étoit l'arbre dévie, » l'autre celui de la science du bien et du mal. » Dieu permit h. Adam et à Eve de manger de » tous les fruits que produisent ce jardin déli-» cieux ; mais il leur détendit de toucher à ces » deux arbres , sous peine d'un changement » en eux de la nature immortelle en mortelle. » Cependant Eve se laissant séduire par le » serpent, instrument du démon, et alors un » des plus beaux animaux de la terre, désobéit » à Dieu, et mangea du fruit de l'arbre dé-» fendu. Elle en fit aussi manger à Adam. » On croit que le premier fruit dont Adam » et Eve goûtèrent dans le paradis, étoit du » raisin frais , et que le fruit défendu étoit le » froment, qui alors formoit un grand arbre. » La transgression d'Adam et d'Eve à la loi » de l'Eternel, leur fait aussitôt perdre leur » innocence. C'est alors que connoissant leur » nudité, ils se couvrent de feuilles de figuier, » et que saisis d'effroi à la voix du Seigneur CODE RELIG I E U X. 7i » ils courent se cacher derrière les arbres. Ils » paroissent ensuite devant l'Eternel, tous deux » confus, consternés, tremblans. Adam s'ex-» cuse sur Eve et Eve sur le serpent. Dieu » irrité , lance sur tous les trois les foudres de » sa colère et de sa proscription. Il maudit le » serpent ; il soumet la femme aux douleurs » de l'enfantement ; il condamne l'homme à » gagner son pain à la sueur de son front, et » les chasse du paradis, i «C'est-là l'époque funeste de la chute » & Adam, Houbouth , le sixième jour de sa » création, et de l'établissement de ce premier » des hommes sur la terre, c'est-à-dire, sur la » montagne de Vassem , à l'orient de notre » globe. Eve fut bannie au lieu depuis appelé » Djiddé , qui signifie première des mères » ( c'est le fameux port de Gedda sur la côte » d'Arabie). Le serpent fut jeté dans les déserts » les plus affreux de l'Orient, et l'esprit tenta-» teurqui l'avoit séduit, sur les côtes d'Eblehh. » Cette chute de notre premier père est suivie » de l'infidélité et de la sédition de tous les es-» prits, Djinn , qui étoient répandus sur la E iv » surface de la terre. Alors Dieu envoie contre » eux le grand Azazil > qui, avec une légion » d'anges , les chasse du continent, et les dis-» perse dans les îles et sur les différentes côtes » de la mer. Quelque temps après, Adam } » conduit par l'esprit de Dieu, prend le chemin » de l'Arabie, et pénètre jusqu'à la Mecque. » Ses pas portoient de tous côtés l'abondance » et la fertilité. Créé avec une figure ravissante, » la taille haute et le teint brun , la chevelure » épaisse , longue et frisée, il eut alors de la » barbe et des moustaches. Après une sépara-» tion de cent ans, il rejoignit Eve sur le mont » Arafaih -j près de la Mecque j événement »qui fit donner à cette montagne le nom » àAtr/Jd/k ou Arëj'é, c'est-à-dire, lieu de re-» connoissance. Cette grâce de l'Eternel fut » accompagnée d'une autre faveur non moins » éclatante. Par ses ordres , des anges prirent » une tente , Khajmé, du paradis, et la dres-» sèrent sur le sol même où dans la suite on » éleva le Keabé. C'est le plus saint des taber-» nacles et le premier des temples consacrés à » l'adoration de l'Eternel par le premier des m hommes et par toute sa postérité. » Adam reçut du ciel dix feuillets sacrés , » qui contenoient la grande doctrine de l'unité » de Dieu; les devoirs de son culte imposés à » l'homme ; le précepte de la prière Namaz> » avec des inclinations et des prosterna-» tions , etc. ; la proscription du porc , du » sang et de toute bête morte, dans la nour-» ri turc des hommes. » Ces lois célestes données au premier père, » étoient écrites en caractères de mille langues » différentes, et Adam eut, par inspiration » divine, le don de l'écriture ; don qui ne fut » transmis à sa postérité que par le Prophète » Enoch. Adam s'adonna ensuite à l'agricul-» ture. Cabil et Hahil (Caën et A bel') furent » ses premiers enfans. Ils naissoient jumeaux, mâle et femelle. Il eut ainsi (YEve , en cent » vingt couches deux cents quarante enfans. ■>■> Ils s'allioient entre eux ; les frèresépousoient » leurssœurs, mais jamais leur jumelle. Caè'n, » qui étoit laboureur comme son père, voulut >> épouser la sienne , Abd'nl- MougJiiss , à » cause de sa grande beauté, et la disputer à » Abel, qui étoit berger. Adam alarmé, rc- 74 CODE RELIGIEUX. » met leur querelle au jugement de Dieu, et » leur ordonne d'offrir des sacrifices. Le feu » du ciel dévore aussitôt celui à'Abel. C'étoit » à Mina? aux environs de la Mecque ; et ce » lieu fut dès-lors consacré aux holocaustes , » aux sacrifices qui ont lieu à l'époque du pé-*> lerinage , dans les fêtes Id-Adhha ou Cour-» bann-Beyram. » Caè'n dans sa fureur tue Abel d'un coup » de pierre, enlève sa sœur, s'enfuit dans YYc-» men, et se cache dans un vallon à l'orient » d'Adenn. Adam instruit de ce fratricide, » cherche le corps à'Abel, et voyant que la » terre avoit bu son sang, la frappe de malé-» diction ; dès-lors elle resta couverte de ron-» ces et d'épines. » Dieu touché de la douleur d'Adam, lui » accorda la même année une nouvelle faveur, » par la naissance de Schiss 3 Seth ; ce mot » signifie don. Il étoit le plus beau de tous les » enfans d'Adam } et celui qui lui ressembloit » le plus. C'est par lui, c'est par sa branche » qnAdnm fut destiné à être le père et la tige » du genre humain. Seth est le fondateur du » sacré Keabé : il éleva au même lieu où les »■ anges avoient dressé la tente céleste , un » édifice en pierres; qu'il consacra au culte de » l'EterneL A l'âge de deux cent-cinq ans, » il eut Enousch , et peu après Saby , la sou-» che des Sabéens , adorateurs des astres. » Enousch âgé de cent quatre-vingt-quinze » ans, eut Caynan y qui engendra Mehhlail, » père de Berd. Adam couibé sous le poids » des ans , touclioit à son dernier terme. A ce » moment il désira les fruits du paradis. Une » légion d'anges assista à son dernier soupir, » et reçut son ame par les ordres de l'Eternel. » Il mourut un vendredi 7 d'avril , Nissan » à l'âge de neuf cent-trente ans. Les anges » lavent et purifient son corps ; c'est l'origine » des lotions funéraires. L'archange Michel » l'enveloppe dans des linceuls avec des par-» fums et des aromates ; et l'archange Gabriel, » remplissant les fonctions de Xlmamelh , fait, » à la tête de toute la légion des anges et de » toute la famille de ce premier des Patriar-» ches, leSalath'uï-Djenazé j qui a donnénais-» sance à la prière funèbre. Le corps iïJdam » fut déposé à Ghar'iil-Kcnz ( grotte du tré-» sor), sur la montagne Djebcl-Eb'y-Coubeyss, » qui domine sur la Mecque. II laissa une » postérité de quarante mille ames. » Berd j issu de la branche de Seth , naquit » trente-cinq ans après la mort d'Adam , et » eut, à 1 âge de cent cinquante-sept ans , le » Prophète Khanoukh } Enoch. Cet homme » merveilleux , d'une taille et d'une beauté >» extraordinaires, étoit imberbe et couvert de » petites taches blanches. Son grand amour » pour l'étude des vérités éternelles, des lois » divines et des pratiques de l'Islamisme, $zt-» nén'j-lsslamy , lui mérita le surnom » d'Idriss y studieux. Favorisé de révélations » surnaturelles, il reçut du ciel trente feuillets » qui, entre autres matières sublimes, conte-V noient les principes de l'astronomie et de la » médecine. Dieu lui révéla aussi beaucoup de » mystères, mais en lui ordonnant de ne pas » chercher davantage à pénétrer son essence » et sa grandeur, parce qu'il étoit infiniment » au dessus de la conception et de l'intelligence » humaine. Ce Prophète fut le premier qui \ ' » se servit de l'écriture , et qui exerça l'art de » la navette. Jusqu'alors les enfans à?Adam ne » setoient vêtus que de peaux d'animaux. Sa » piété égaloit ses connoi|pancës, et ses bonnes »> œuvres balaneoient celles de tout le reste » des humains. Aussi fut-il enlevé vivant au » ciel, à l'âge de trois cents soixante-cinq ans. »> Entre autres enfans il laissa Metouschalhh, » Métusalem, qui avoit neuf cents cinquante-» cinq ans lorsqu il périt au déluge avec le » reste des enfans d'Adam. » Lamek son fils engendra Nouhh , Noé. » Il fut d'abord appelé Sikenn. Ce mot indi-» quoit qu'en sa personne se concentroient la >> génération passée et la génération future. » Il eut ensuite le nom de Nouhh \ dérivant de » Newliha , qui signifie gémir, se lamenter, à » cause de ses larmes et de ses gémissemens » sur les iniquités et la corruption générale » des hommes. Ce Patriarche, vénéré comme » le second père du genre humain , Kb'tiP-» Bescher-Sanj , étoit d'un caractère dur et » sévère. 11 exerçoit le métier de charpentier. ♦> A l'âge de cinquante ans il reçut du ciel » des ordres pour prêcher les peuples , les » rappeler à la foi et les exhorter à la péni-» tence. Mais son zèle , ses prédications, ses » efforts furent inutijgg. Le monde étoit plongé » dans la corruption et dans l'impiété. Ses » conseils et ses menaces ne produisirent qu'un » soulèvement général ; on alla même jusqu'à » frapper ce Patriarche. Noé désespérant de » la conversion de ces infidèles, demanda leur » perte à l'Eternel. Ne permettez pas > o mon » Dieu , s'écria-t-il, qu'aucun d'eux continue » à vivre cl à marcher sur la surface de la » terre. Sa prière fut exaucée. Il eut ordre de » construire l'arche. Ce vaisseau , lon les eaux, s'arrêta sur la montagne ûeDjoudy » en Arabie. » C'est là que Noé en sortit avec sa lamille, » et qu'il rendit des actions de grâces au ciel, » en immolant des victimes. Alors Dieu bénit » sa postérité, lui renouvela ses lois, et lui » donna l'arc-en-ciel pour signe de sa grâce et » de sa réconciliation. Noé se fixa en ce lieu » avec Sam , Kham , Yafess , ses enfans , et » le reste de sa famille , au nombre de quatre-vingts personnes, ce qui fit appeler cette » habitation CariyéL-us-Semaninn , le village » (les Quatre-vingts. Le premier soin de Noé » fut de remettre le corps d'Adam dans la » même grotte de la montagne Djebel-Eb'y-» Coubeyss. » Ce Patriarche vécut encore trois cents cin-» quante ans , et mourut comblé de prospéri-» tés , à 1 âge de neuf cents cinquante. La » postérité de ses trois enfans repeupla la terre. » Celle de Sam se partagea en dix-neuf bran-» ches ou tribus ; celle de Kham en dix-sept; » celle de Fafiss en trente-six , faisant en tout » soixante-douze tribus; elles parloient toutes » la langue Syriaque , qui étoit celle d'Adam » et d'Evey la première de toutes les langues » de l'univers, jusqu'à l'époque de la construc-» tion de la tour de Babel, Sarrhh. Cet édifice » mémorable, qui devait s'élever jusqu'aux » deux, et garanti? les hommes des désastres h d'un nouveau déluge , étoit un monument » de la défiance criminelle de ces soixante-» douze tribus clans les promesses de l'Eternel. » On avoit déjà construit autour de ce bâtiment » soixante-douze bastions, d'où les chefs de « ces » ces soixante-douze tribus dévoient diriger et » presser l'ouvrage, lorsque le Très-Haut, qui » se plaît à confondre les projets insensés des » hommes, confondit leur langue. C'est de là » que tout ce pays prit le nom de Babilj Baby-» lone, qui signifie confusion. Aabir, Heber, » descendant de Sam , le seul dont le cœur ne » fut pas souillé de cette défiance impie, fut » aussi le seul qui conserva sa langue dans toute » sa pureté. La confusion de Babil entraîna » la dispersion de tous les enfans de Noé. Ceux » de Sam , qui avoit pour mère Salib } seta-» hlissent en Syrie, en Arabie , en Grèce, en » Asie, et deviennent les pères des Perses, des » Arabes, des Grecs, des Hébreux, des Amalé-» cites, etc. Ceux deKham^ qui avoit Tahhléb » pour mère, se fixent aux Indes, en Egypte, » en Nubie , en Nigritie , etc. ; et ceux de » Yafess ; dont la mère s'appeloit Nessimé , v> se répandent vers le nord et l'occident de » l'Asie , et donnent naissance aux Chinois , » aux Tatars , aux Moghouls, aux Yeédjcoud-» jes-Meédjeoudjes (Gog etMagogjj, etc. » Le reste de cette partie historique des tra-TOME I. F 82 CODE RELIGIEUX, ditions Mallométanes, où l'on trouve également l'origine et les principes de la doctrine , du culte , et des pratiques extérieures de l'Islamisme , sera développé en ses points les plus essentiels dans les observations suivantes. 2°. Que (i) le créateur de ce monde est Dieu, Allah, et que ce Dieu est unique et éternel ; qu'il vit, qu'il est tout-puissant, qu'il sait tout, qu'il entend tout, qu'il voit tout ; qu'il est doué de volonté et d'action ; qu'il n'y a en lui ni forme, ni figure , ni bornes, ni limites , ni nombres , ni parties, ni multiplications , ni divisions , parce qu'il n'est ni corps , ni matière ; qu'il n'a ni commencement ni fin ; qu'il existe par lui-même, sans génération, sans demeure, sans habitation , hors de l'empire du temps ; incomparable dans sa nature comme dans ses attri- ( i ) Vel Mtuhhdïss l'il-Além Huw'allah'u. CODE RELIGIEUX. 83 buts, lesquels , sans être hors de son essence , ne la constituent cependant pas. Ainsi Dieu est doué de sagesse, de puissance, de vie, de force, d'entendement, de regard, de volonté, d'action, de création , de dons et de parole. Il possède la parole; cette parole éternelle dans son essence, est sans lettres, sans caractères, sans sons, et sa nature est l'opposé du silence. 3°. Que (1) le Courann est la parole de Dieu incréée ; qu'il est écrit dans nos livres , gravé dans nos cœurs , articulé par nos langues , et entendu par nos oreilles, dans lesquelles est reçu le son de la parole , et non la parole elle-même , qui est éternelle et existante par soi. rann Kdam'alîah'u tcala ghayr-i-Makh- louk'-inn. Fij Observations. On sait que le Cour'ann est regardé chez les Musulmans, comme le recueil des lois divines promulguées par Mohammed. Courann veut dire lecture par excellence. On l'appelle encore Kitab > ou Kitab'-ullah , le livre , le livre de Dieu ; Masshhaf, le code suprême ; Furkann celui qui marque la distinction du bien d'avec le mal, du vrai d'avec le faux ; et Kelam-Scherif, la parole sacrée. Les Mahométans croient que ce livre est tiré du grand livre des décrets divins, et qu'il est descendu du ciel feuillet par feuillet, verset par verset. Leur législateur s'en servit pour éclaircir chaque fois ses assertions, appuyer ses prédications, et résoudre les différens pro-hlêmes dans Tordre politique. C'étoit presque toujours dans les momens de perplexité et d'embarras où il se trouvoit, que ces feuilles lui descendoient du ciel. Elles répondoient exactement aux diverses circonstances de sa vie et de sa doctrine, puisqu'il les publioit à mesure qu'il étoit question d'autoriser un projet, d'approuver ou de rejeter une action, d'absoudre ou de condamner quelqu'un , de confirmer ou d'abolir différentes lois, établies même par des versets précédens, Ayath-Mensouhhay etc. Ce livre est donc le recueil des dogmes et des préceptes de la religion Musulmane. Il contient cent quatorze chapitres , Surrés > six mille six cents soixante-six versets, Ayéths, et trente sections ou cahiers, Djuz'y. L'ordre de leur rédaction n'est cependant pas celui dans lequel Mohammed les a reçus et promulgués. D'après les meilleurs auteurs nationaux qui ont écrit l'histoire de ce législateur , sa prétendue mission lui a été révélée en songe, dans la quarantième année de son âge, par l'archange Israfil y la nuit du 19 de Ramazan 6208, qui répond à l'Ere Chrétienne609, treize ans avant l'Hégire , Hidjrélh, qui est l'époque de sa retraite delà Mecque à Médine. Dès cet instant, Mohammed , saisi d'unesainte frayeur, se voue à une vie solitaire. Il se retire dans une grotte de la montagne de Hira> qui domine sur la Mecque. Il y passe les jours et les F iij nuits en jeûnes, en prières et en méditations. Au milieu d'une de ses extases profondes , l'ange Gabriel lui apparoît, et lui ordonne de lire. Mohammed répond qu'il ne sait pas lire. L'ange le prend dans ses bras, le serre, Je presse avec force , lui renouvelle le même ordre pour la seconde et troisième fois, en le serrant toujours davantage, et lui met enfin dans la bouche ces paroles : Ihra bi issm'i- rebbihc----» Lis au nom de ton créateur, etc. « Ce premier des chapitres du Cou/'ann, inti-txûéAlakj l'union des deux sexes, est cependant le quatre-vingt-seizième du livre rédigé.* Peu de jours après , étant en oraison sur la même montagne de Hira, Mohammed voit encore apparoître l'ange du Seigneur, qui, assis sur un trône éclatant, au milieu des nues, lui récite ces paroles : Y a eyyuh'el mudes-sir'/i : » O toi qui es couvert d'un manteau » céleste ! lève-toi et prêche. « Ce second des chapitres forme le soixante-quatorzième du livre. C'est ainsi que l'ange Gabriel, disent lès mêmes écrivains, remit, par ordre de l'Eternel , à son Prophète, dans les vingt-trois dernières années de sa vie, feuillet par feuillet, chapitre par chapitre, tout le livre du Cou-r'ann. Ce grand ministre des volontés du Seigneur , ajoutent-ils, qui avoit apparu douze fois à Adam , quatre fois à Enoch, cinquante fois à Noé, quarante -deux fois à Abraham, quatre cents fois à Moïse , et dix fois à Jésus-Christ y honora de sa présence le dernier et le plus auguste des Prophètes vingt-quatre mille fois. Il ne lui apparoisspit jamais que le visage resplendissant de gloire et de lumière; ilexha-loit autour de lui les parfums les plus odo-riférans , et s'annonçoit par un bruit sourd , Salsalé , semblable au son des petites cloches. Sa présence jetoit toujours l'effroi dans l'ame du Prophète ; une sueur froide couvroit tout son corps. Il eut aussi, continue le même auteur, très-souvent l'apparition de l'ange Israjil dans les trois premières années de son apostolat. Mohammed , par son exemple , inspiroit à ses disciples la vénération la plus profonde pour le Cour'ann. » La lecture du sacré Cou-» rann, disent les auteurs nationaux, opéroit F iv » toujours en lui une espèce d'extase. Il s'agi-» toit, se levoit, se calmoit, se passionnoit, » s'attendrissoit, etc. selon l'esprit et le carac-» tère de chaque verset, de chaque passage de » ce saint livre. *----Révéré comme le recueil des lois divines , il est l'objet des hommages les plus profonds de tout Musulman. On n'y touche jamais sans être en état de pureté légale , et sans le baiser et le porter au front avec les plus grands sentimens de respect et de dévotion. Les Souverains Othomans ainsi que les premiers de l'Etat, à l'exemple des anciens Khaliphes, se font ordinairement un devoir de faire garnir leur Cour'ànn en or et en pierreries. On sait que ce livre ne fut rédigé, que dans la treizième année de l'Hégire, et la seconde'de'la mort de Mohammed, par les ordres du Khaliphe Ebu-Bekir. Il y préposa Zejd Ibn Sabith, qui en recueillit toutes les feuilles éparses , et en forma un livre , qui fut solennellement déposé chez Hajza fille d'Orner et veuve du Prophète. Ce livre, si remarquable d'ailleurs autant par l'élégance et la supériorité de son style que par son em- CODE RELIGIEUX. 89 pire sur l'opinion publique , est cependant peu intelligible. Il manque de méthode et de cohérence dans ses préceptes et dans les différentes matières qu'il embrasse : l'intelligence n'en devient facile qu'à l'aide des commentateurs appelés Mirfessirs. Ils sont en grand nombre; mais le plus estimé et le plus généralement suivi, est Cazi-y- Beîzawy. Les principaux de ces commentateurs ont fait des gloses qui passent pour infidèles et impies. Il y eut même, sous le Khaliphat d'Osman, plusieurs éditions du Cour'ann, et une infinité d'exemplaires débités dans le public, dont le texte étoit altéré et falsifié. Cette circonstance , qui remplit l'Arabie, la Syrie et tout Y Irak de disputes et de controverses , ébranla, disent les mêmes auteurs, généralement tous les esprits sur les vérités de la doctrine de Mohammed. C'est alors qu'Osman alarmé, arrêta l'an 3a (6Ô2), dans une assemblée des disciples, Asshabs? de faire tirer un grand nombre de copies du livre original qui se trouvoitdéposé chez la veuve Hafza , de les répandre dans le public, et de condamner au feu tous les autres exemplaires qui occasionnoient cette effervescence. Le même Khaliphc ordonna en même temps que les explications et les commentaires fussent toujours en termes Courcyschs j dialecte Arabe qui est celui du Cpur'ann. Un siècle après,c'est-à-dire l'an 12,8(740) , sous leKhali-phat de Huschamï> la sainteté de ce livre, bu plutôt son prétendu caractère de divinité, fut ouvertement attaqué parDjeab Ibn Dirh-hem. Cet hérésiarque rejetoit l'opinion généralement reçue que ce livre étoit incréé et éternel. Chose étonnante ! cette hérésie (i)> quoique étouffée dans le sang de son auteur et d'une infinité de ses adhérens , fut réveillée , l'an 211 (826) , par le Khaliphe Abd'ullah III > qui l'embrassa ouvertement, et qui , après sept années de controverses , força même la pluralité des docteurs de sa Cour et de son Empire à l'adopter. Tous ceux qui sy refusoient, étoient disgraciés, persécutés , jetés dans des cachots affreux. Un (1) Kkoulky Courann. tribunal érigé dans Baghdad pour ce seul article de foi, causa la désolation et la ruine d'une infinité de familles. Ces malheureux , sur-tout les Oulémas , furent traités avec encore plus de rigueur par MohammedIII3 frère et successeur Abd'ullah III. Ce Khaliphe déploya contre e*ux en 218 (834) la plus grande sévérité : il en fit fustiger plusieurs jusqu'au sang. De ce nombre fut le célèbre Imam Ahmed Ibn Hannbel, fondateur du rit IJannbeby : l'œil sec et tranquille , et le silence morne et respectueux avec lesquels ce docteur pieux et éclairé voyoit se détacher de son corps des lambeaux de chair, étonnèrent MohammedIIl lui-même,qui futtémoin de son supplice. Plusieurs même de ces docteurs furent misàmort. Ce prince, dont l'histoire ne parle qu'avec horreur , poussa la barbarie jusqu'àprêter les mains aux bourreaux pour écorcher vif l'un de ces Oulémas, Ah-mcd-Ibn-Nassir, qui avoit eu le courage de combattre en sa présence cette opinion impie, qui enlevoit au Courann le caractère de céleste, d'incréé et d'éternel. Cette persécution ne cessa qu'en 227 (842), sous le règne de Harounn II, fils et successeur du tyran MohammedIII. L'événement, dit l'auteur, le plus heureux et le plus remarquable du règne de ce Khaliphe humain, lettré et géné- , reux, fut l'abolition de cet affreux tribunal érigé par l'impie Abd'ullahlII > son oncle. On en fut redevable à la réflexion judicieuse d'un vieux Scheykh } qui, arrêté pour cette cause et traduit devant ce tribunal, objecta à l'inquisiteur Ahmed-Ibn-Davoud , en présence du Khaliphe, le silence de Mohammed lui-même sur un point de cette importance. » Ce silence de notre Prophète , demanda-t-il » au juge , étoit-il l'effet de son ignorance sur » la nature du Cour'ann, ou d'un mystère dont » il vouloit dérober la connoissance aux hom-» mes ? » Le magistrat répondit que le Prophète , pour qui rien n'étoit caché, ne pouvoit pas avoir ignoré le caractère de ce saint livre ; mais qu'il n'avoit pas jugé nécessaire de le révéler aux hommes. » Si donc notre saint » Prophète, repartit le vieux Scheykh , n'a >> pas jugé nécessaire d'en rien dire aux mor- » tels, de quel droit vous érigez-vous en in-» terprète et en juge duCour'ann, en établis-»» sant, par le fer et le feu , des dogmes sur » lesquels Mohammed lui-même a gardé un » silence respectueux ? « Ce discours , dit l'auteur, prononcé avec toute la chaleur d'un esprit éclairé et convaincu des vérités de l'Islamisme , fait sur le Khaliphe une si vive impression, qu'il sort aussitôt de l'appartement, renvoie le Scheykh avec une bourse de ducats, abolit le jour même ce tribunal, et défend dans toute l'étendue de son Empire, de jamais parler de la nature du Cour'ann. Cependant cette opinion fut réveillée dans les siècles postérieurs , et c'est encore aujourd'hui l'une des. hérésies de la secte des Schiys ou Rafazys y qui est la plus dominante en Perse. 4°. Que la création, Tékwînn, estime vertu éternelle dans l'essence même de Dieu, et que cette vertu a créé et produit le monde avec toutes ses parties, non dans l'éternité, mais'dans le temps. 5°. Que la volonté, Iradéth, est dans 94 CODE RELIGIEUX, l'essence de Dieu, et que cette volonté est éternelle et existante par sa nature même. 6°. Que la vue jde Dieu , Rouyèth, est un article de croyance conforme tout à-la-fois et aux lumières de la raison, et aux vérités établies par la tradition et lesargumens (1) démonstratifs, qui promettent aux fidèles de voir Dieu dans l'éternité ; mais cette vue, cette contemplation sera exempte de lieu , de côté, de face , de distance, entre le fidèle contemplateur et Dieu. 70. Que les infidèles, et les pécheurs parmi les fidèles , éprouveront des tourmens dans leurs tombes, et que les justes y goûteront des délices spirituelles. C. Les Schiys sont rangés clans la classe des infidèles. (i) Ce sont les quatre livres sacrés , Kitab, Sunneth , ldjma-y-umméth, et Kiyass. Voyez l'Introduction. Observations. Ce nom de Schiys désigne d'un côté les sectateurs particuliers d'Aly qui ne recon-noissent pas la légitimité des trois premiers Khaliphes , et comprend de l'autre généralement tous les hétérodoxes nés au sein de l'Islamisme, par opposition aux Sunnys , mot sous lequel on désigne tous les Musulmans des quatre rits orthodoxes. On appelle encore les Schiys , Sahhib-Heiva , ou EhhV ul-Ehh-wa, Ehhl-bid-ath , Ehhl-Zalaleth , Rafazy , Mulhhidy , etc. par où l'on entend les contro-versistes , les égarés, les novateurs, les impies , etc. Tout le monde sait que la doctrine de Mohammed, qui, de son vivant, avoit été combattue avec tant de chaleur par sa propre nation , et même par plusieurs de ses proches, essuya des attaques noir moins vives ni moins sanglantes après sa mort. Ebu-Behir, son successeur , et le premier des Khaliphes, employa ses armes et ses premiers efforts contre une foule d'imposteurs qui , s'élevant contre le Mahométisme , vouloient rétablir l'ancien culte, ou débiter de nouvelles rêveries dictées autant par le fanatisme que par l'ambition. Les entreprises $Essived-Ana , dit Zul-Khi-mar, qui passoit pour un grand eabaliste; de Talhha - Ibn - Khouweyled , beau - frère du Prophète ; de Mussellemé-Kezzab ; de Sed-jeahh-um-Sarlr , l'une des magiciennes les plus célèbres de son siècle; enfin mille dissentions civiles , mille disputes religieuses , élevées, pour ainsi dire, sur les cendres de Mohammed, ont désolé le Yémen , le Beahhrcyn, le Yemamé, Vllidjeaz y et ébranlé de tous côtés les esprits sur les dogmes de l'Islamisme. Une multitude de citoyens et de tribus nomades abjurent ouvertement la nouvelle doctrine, et retournent à leur ancien culte. Ils se ré. crioient contre les préceptes du Cour'ann , sur-tout contre la dîme aumônière imposée sur les biens et les propriétés des citoyens. L'aumône, disoient-ils , doit être volontaire, et non forcée par la loi. Le feu de cette sédition presque générale, se communique jusqu'à la Mecque} elle eût peut-être peut-être renversé l'édifice de l'Islamisme, et opéré uiie nouvelle révolution dans l'Arabie * 6ans l'habileté et le courage de Suhheyl Ibti Amir y l'un des chefs de cette cité. Placé à la porte du sanctuaire, Keabé> il assemble les Coureyschs > et leur tient un discours si animé, si touchant, si alarmant sur les désastres dont ils étoient menacés, qu'il les entraîne à son ayis, fixe leurs perplexités/et les raffermit dans leur foi* Les armes d'Ebu-Bè&ir achèvent son ouvra* ge ; mais pendant huit mois , elles ensanglam tent toute l'Arabie. Sa Cour et tout Médine , le premier siège du Khaliphat, furent dans le même temps agités par une vive contestation * la première qui s'éleva entre les disciples du Prophète, au sujet de son apothéose : les avis étoient partagés et combattus avec la plus grande chaleur. Ce schisme auroit également entraîné les plus funestes suites * sans la fermeté d Orner , qui, tirant son sabre dans Une grande assemblée, jura, en frémissant de colère, de frapper le premier qui oseroit encore parler d'apothéose, de la nature et des Tome I. G qualités divines ou humaines du Prophète. Nonobstant tous ces orages élevés dans le sein du Khaliphat, sur-tout après l'usurpation de cette dignité sacerdotale par les Ommiadea sur la maison SAly , le Mahométisme fut dans le calme près d'un siècle, durant lequel sa propagation suivit les progrès de la puissance Khalipbale, dans presque toutes les contrées de l'Orient. Mais bientôt divers hérésiarques naissent du milieu de l'Islamisme, et troublent la religion et l'Etat. Les principaux d'entre eux , ceux qui ont débité les maximes les plus contraires au Courann, qui ont eu le plus de partisans et qui ont le plus contribué à déchirer et à bouleverser enfin Je Khaliphat, sont : i°. Abd'ultahlbn Wehehb, fondateur en3o (659) de la secte des Kharldjys, c'est-à-dire, les forains, les externes , ceux qui sont hors de l'Islamisme. L'une de ses opinions réputées hétérodoxes, étoit que les péchés énormes font perdre la foi, laquelle ne peut se trouver dans l'homme sans la pratique constante des bonnes œuvres. Le zèle qu'Aly déploya contre Ces sectaires, lui fit perdre la vie. Il fut ce-1 pendant seul victime de cette odieuse conspiration , dans laquelle dévoient également succomber Muawiyt: I', etAmrlbriulAss, alors gouverneur d'Egypte , et auteur de la révolution qui fit passer le Khaliphat dans la maison des O mm la de s. 2°. Moughairé Ibn Saïd> Ce magicien fameux , dans la doctrine qu'il débita l'an 119 (<7^7j^ sous le Khaliphat de Huscham I, présentoit Dieu comme un être corporel, avec autant de membres qu'il y avoit de lettres dans l'alphabet Arabe. 3°. Ghajlann Ibn Younouss - Cadry qui, sous le même règne, attaqua divers dogmes et plusieurs des pratiques du culte Musulman. 40. Djead-Ibn Dirhhem > le premier qui, l'an 12.3 (741) » s'éleva hautement contre l'opinion reçue sur la nature du Cour'ann, généralement respecté comme un livre incréé et éternel. 5°. Ebu-Mussllm. Ce fameux capitaine, la terreur de l'Orient ,1e destructeur de la maison G ij des Ommiades , et l'auteur de la fortune des Abassides, fut injustement sacrifié l'an l'Sy (75ô) à la haine du Khaliphe Abd'ullahll, jaloux desa gloire et de ses hauts faits d'armes. Le peuple du Khorassan , où il commandoit, 1© béatifia , comme un homme surnaturel et comme un Prophète, en le plaçant même au dessus de Mohammed. Par cette opinion, plus encore que par ses principes particuliers, il devint odieux à l'Islamisme, et fut rangé dans la classe des hérésiarques. Cet homme extraordinaire étoit d'une sévérité sans exemple ; il punissoit de mort la moindre faute. Il fit périr des milliers d'hommes par la main des bourreaux, soit dans les armées, soit dans les provinces soumises à son commandement. Il étoit d'ailleurs d'une continence et d'une austérité de mœursétonnantes: .il ne voyoit sa femme qu'une fois l'an ; il disoit que l'acte conjugal étoit un acte de folie, et que c'étoit assez pour l'homme de faire le fou une fois dans l'année. 6°. Ahmed-Rawendy. Il débita en 141 (7S8) une nouvelle doctrine sur la métempsycose, Tenassoukh. Cet esprit extravagant déi-fioit tous les hommes, et soutenoit que lame ÏÏAdam passant de corps en corps, setrouvoit alors dans celui du Khaliphe Abd'ullah II, à qui il vouloit rendre, lui et tous ses sectaires, des honneurs divins. 70. Ata-Hakem> dit Mucanna. Cet imposteur, natifde-i&en*' dans le Rkorassan } étoit borgne; pour mieux jouer son rôle il mettoit un masque d'or> ce qui lui fit donner le surnom de Mucanna. Sous ce masque, il débitoit dans sa patrie les rêveries les plus absurdes , jusqu'à s'attribuer un caractère de divinité. Il prétendoit que l'esprit de Dieu avoit habité dans Adam3 le premier des hommes, et que passant successivement dans Noé et dans tous les Prophètes des siècles postérieurs , il se trouvoit alors résider en lui dans toute la plénitude de la grâce et de la puissance céleste : en conséquence une foule d'aventuriers lui renvoient des honneurs divins; mais après deux ans de carnage et de dévastations dans tout le Khorassan, ce séducteur, réduit aux abois en 109 (775), dans Sam , par les armées du Khali- G iij phe Mohammed I, met le feu à Ja ville, ïa réduit en cendres avec toutes ses richesses, et se précipite lui-même dans les flammes, en s'écriant avec enthousiasme : » Je pars pour le »ciel ; quiconque veut participera ma félicité, » n'a qu'à me suivre. » Ces paroles échauffent tellement les esprits, que sa femme, ses en-fans, et grand nombre de ses sectateurs s'empressent de l'imiter avec un héroïsme qui sembloitau dessus de la nature. C'est sous le Khaliphat de ce même MohammedI^que les anciennes erreurs de Manès , Mani-Zindick , qui avoit d'abord été protégé en Perse par Schapourll, et ensuite proscrit et mis à mort Y>arBehhramIIj firent les plus grands progrès parmi les Musulmans. MohammedI exerça contre ces nouveaux Manichéens le9 plus grandes rigueurs , et Se fit même un devoir d'assister à leur supplice avec un appareil aussi pompeux qu'effrayant. 8°. Babik-Haremj. Il établit de nouveaux principes sur la transmigration des ames. Sa doctrine fit les plus grands progrès dans YAzcr-bajdjeann, clans l'Arménie et dans toute 1$ CODE RELIGIEUX. io3 Perse. Il la soutint les armes à la main, à la tête de plus de cent cinquante mille hommes, tous partisans de ses opinions. Il résista de tous côtés, pendant vingt ans, aux généraux des Khaliphes , et répandit la terreur de son nom et de sa secte jusque dans Baghdad. Ce fut an milieu des flots de sang qu'il succomba , l'an 222 (837) , sous les efforts du Général Ibn Keaipouss, qui le défit dans une action, la poursuivit à perte d'haleine, et se saisit enfin de lui et de toute sa famille dans Beded, le boulevard d'où il avoit tant de fois bravé toute la puissance du Khaliphat. Il fut mené à Bagh-dadawec un de ses frères, ses dix-sept enfans, ses vingt-trois femmes, et trois mille trois cents de ses prosélytes. Le jour de son entrée dans cette ville, où on le conduisit monté sur un éléphant, fut une fête publique pour tout Ylrak. Le Khaliphe Mohammed III, qui avoit mis sa tête à prix pour cinquante mille ducats, et promis le double à quiconque le livreront vivant, lui fit couper bras et jambes, et laissa son corps exposé à la vue du peuple pendant plusieurs jours. L'entreprise de cet G iv hérésiarqne coûta cher au Khaliphat; plus do deux cents cinquante mille hommes périrent sous ses drapeaux , et un grand nombre de ses sectateurs chassés du pays , se retirèrent sur les terres de l'Empereur Grec, qui , à J'aido des circonstances, et des liaisons secrètes qu'il entretenoit avec ce fameux rebelle , avoit en même temps formé les entreprises les plus hardies contre les Etats Mahométans, 9°, Wassel-lbn Ala , fameux chef en 240 (854), de la secte des Mœutezilés , qui veut dire , schismatiques, Son hérésie principale étoit de penser comme Djead-lbn Dirhhcm, sur la nature du Cour'ann* io°, Caramalh, Cet esprit, aussi ambitieux que fanatique , élève , en 277 (890) , sous le Khaliphat d'^/z/we^//, une nouvelle secte, dont les principes combattoient ceux de l'Islamisme. Altérant toutes les pratiques du culte extérieur, les purifications, la prière dominicale, le jeûne, etc,, il prêche contre le pèlerinage de la Mecque , permet l'usage du vin et du porc , s'attribue le quint de la dîme aumô-niçre, etc. etc. Sa secte lait des progrès encore ; plus rapides et plus alarmans que ceux de Babik-Haremjy. En moins de dix ans le parti de ce Caramath est si puissant, qu'il porte le fer et la flamme, d'un côté jusqu'aux portes de Damas , et de l'autre jusqu'aux murs deBas-sora. Il eut des sectateurs dans toutes les classes des citoyens et dans toutes les provinces du Khaliphat. Ses successeurs se décorant du titre dCImam , font, entre autres conquêtes, celle deHadjren Arabie, d'où ils insultent à toute la puissance des Khaliphes de Baghdad. En 319(931), ils portent leurs dévastations et leurs fureurs jusque dans la Mecque même. Ils forcent cette ville, y égorgent plus de trente mille citoyens, commettent toutes sortes d'impiétés contre le temple et XeKeabé, enterrent trois mille morts dans l'intérieur de la mosquée, comblent le puits de Zemzem et enlèvent la pierre noire consacrée par l'Islamisme à la vénération des peuples. Cette désolation suspendit pendant huit années l'acte de pèlerinage , pun des plus grands préceptes du Courann j et le Khaliphe Mohammed FUI Se vit forcé à payer tous les ans vingt - cinq io6 CODE RELIGIEUX, mille ducats d'or à ces fanatiques, pour qu'ils permissent le libre exercice du culte dans ce premier des temples du Musulmanisme. II» ne rendirent la pierre noire que vingt ans après, en déclarant qu'ils l'avoient enlevée par un ordre exprès du ciel, et qu'un ordre semblable la leur faisoit rendre. Ces dévastations des Caramalhes> qui désolèrent une infinité de provinces , furent pendant deux siècles le fléau du Khaliphat. Ebu Fezid. L'an 36o (970) cet imposteur s'érige en Prophète, déclame contre le Cour'ann, débite une nouvelle doctrine , et remplit l'Afrique de séditions et de troubles. 12.0. Hassan-Ibn-Aly-Huméyry. C'étoit un Scheykh séducteur qui, après avoir prêché en Perse et en Syrie en faveur des Fatimithes d'Egypte contre les Abassides de Baghdad finit par débiter de faux commentaires sur le Courann} et par élever en 483 (1090) une nouvelle secte, qui le mit bientôt en possession ftElmewth , près de Cazwin , et peu après de tout le Couhhisstann. Ses sectateurs, appelés de sonnom Jïaméyris , portèrent encore celui \ de Fedajisà cause de l'enthousiasme avec lequel ils exposoient leur vie en marchant sous ses drapeaux. Ses deseendans, enflés de leurs succès, prirent le titre d'Imams, et résistèrent pendant un siècle et demi à toutes les armes des Khaliphes et des princes circon-voisins. i3°. Mohammed Mehhdy Ibn Tumeréth. Il se donnoit pour Mehhdj , le douzième des Imams de la race &Aly. Sous ce nom imposant il attaque l'an 5i4 ( 1120) plusieurs principes du Courann prêche une nouvelle doctrine , et s'établit sur les montagnes de Semlil en Afrique. Il y attire un grand nombre de sectateurs, et bientôt maître de tout le Magh-rib? il y érige une souveraineté qu'il transmet à ses deseendans. L'unité de Dieu faisant l'ame de sa doctrine comme de celle de Mohammed, il composa sur ce point un traité assez savant, intitulé Ilm-Tewhhidla science de l'unité. C'est de là que ses disciples ne portèrent jamais que le nom de Muwahhi-dinns , c'est-à-dire, adorateurs de l'unité , et que ses successeurs se décorèrent du titre ÏÏEmir-ul-Muwahhidinns 3. princes des adorateurs de l'unité. Ils se maintinrent pendant un siècle et demi, malgré tous les efforts des Fatimithes, qui régnoient alors en Afrique et en Egypte. 140. Khand-Hassan. Ce fameux hérésiarque , le troisièmedes Imams Humeyrys établis dans le Couhhisstann, renchérit encore sur les erreurs de Hassan Ibn-Alj , et devint à son tour le fondateur d'une nouvelle secte plus odieuse que les autres aux yeux de l'Islamisme. Comme il se disoit descendant de Fatima et d'A/y , il choisit en 5ÔQ ( ii63) , le dix-septième jour du Ramazann où fut assassiné ce quatrième des Khaliphes , pour publier solennellement ses opinions. Placé sur une chaire au milieu d'un vaste champ couvert d'un peuple immense, il exposa dans sa prédication que la foi seule, la conviction intérieure , la vie contemplative, Batinn , faisoient lame et l'essence de la religion, et que tous les exercices relatifs au culte extérieur, Zah-hir, n'étoient que des pratiques vaines et. inutiles. D'après ce principe il déclara que les purifications, le jeûne, le pèlerinage, la continence , la défense du vin, du porc, etc. étoient de pures chimères. A la fin de son discours, voulant appuyer ses prédications par l'exemple, il but du vin , mangea devant tout le peuple qui étoit à jeun à cause du Ramazann , invita cette multitude à l'imiter, lui conseillant avec chaleur de s'interdire toute mortification, et de satisfaire ses goûts, ses penchans, ses désirs, tous dictés , disoit-il, par la nature même. Le peuple répond par de grandes acclamations ; et Khand-Hassan consacre ce jour sous le nom iïld-Kiyam} qui signifie feteactive, fête célébrée sur pied ; ce qui fut l'époque d'une Ere particulière pour cette secte, qui abjura jusqu'à l'Hégire de Mohammed. La politique de cet hérésiarque , qui déga-geoit en même temps les sujets de l'obligation de payer les charges publiques, lui attira un grand nombre de prosélytes appelés Batin-nijrés y contemplatifs. L'Islamisme les désigne sous le nom de Mulhhidys , qui se prend dans l'acception d'impies , de blasphémateurs, d'athées, etc. On doit encore ajouter à ces sectes principales celles des Imamiyés , des Zindihiyés , des-Zeydiyés , des Mubahhiyés, des Mussaive-riyés, etc. etc. qui ont le plus opiniâtrement com ba ttu 1 es doctimrsSumiys dans divers points de la doctrine et du culteMahométan. Elles f op. ment, en tout, soixante-douze sectes appelées Schia ou Firka , nombre que plusieurs Imams comparent aux soixante-douze tribus de Noé , lors de la confusion de la tour de Babel, et delà dispersion des enfans d'Adam. On les partagé en six classes générales , chacune de douze sectes, et sous les dénominations particulières de Rharidjiyé , Hajaziyé , Djebriyé, Ca-driyé , Muschebbehhé et Muatlalé. Cependant la plus considérable de toutes, celle dont les suites ont été les plus funestes à l'Islamisme et au Khaliphat, fut la secte des Schiys proprement dits. Son origine remonte à l'époque de la division du Khaliphat, et dé son usurpation par les Ommiades sur Aly y Tan 37 de l'Hégire. Les entreprises d'une foule de princes deseendans d'Aly, désolèrent pendant plus de six siècles cette vaste Monarchie, Différentes branches de ces Alewys , vulgairement dits Alides , ont régné sous des dénominations particulières et sous les titres d'Emir, d'Imam, àeSchériJ', et même de Khaliphe, sur diverses parties de l'Empire; tels que les Beno-Uk-haydar , les Beno-Moussa , les Beno-Kitadé à la Mecque, lesBeno-Taba-Taba dans l'J^e-men supérieur, les Beno-Zejad dans XYémen inférieur, les Beno-Idriss à Maroc , les Fati-mithes en Afrique et en Egypte, etc.etc. Leurs sujets, leurs partisans n'étoient connus, aux yeux de l'Islamisme et des Khaliphes universels, soit Vmmiades, soit Abasssides , que sous le nom de Schiys , mot qui a le sens de factieux et de séditieux. Le principe de cette nouvelle révolution et des troubles qu'elle occasionna, fut l'opinion qu'ils s'étoient formée de la légitimité des droits d'Aly et de ses deseendans, au Khaliphat , à l'exclusion des Ommiades et des Abassides. A cette opinion purement politique 9 se réunirent bientôt des idées hétérodoxes. Ils donnèrent à Aly un caractère de sainteté et de prééminence an dessus de tous les autres compagnons et disciples du Prophète , pat-conséquent au dessus des trois premiers Khaliphes , Ebu-Bckir , Orner et Osman, qu'ils regardoient comme des intrus sur la chaire de Mohammed. Ce point admis par eux comme un article de loi, convertit alors cette dispute politique en une dispute de religion* L'enthousiasme échauffant les esprits plus que jamais, augmenta de tous côtés les partisans des Aleiiys j et les entreprises successives de ces princes mirent le Khaliphat dans le plus grand danger vers la fin du second siècle de l'Hégire. AbdhillahlII', quioccupoitalors le siège de Baghdad, en fut si ébranlé que, soit effroi, soit politique, soit conviction, il résolut de substituer la maison d'A/y à la sienne propre. En conséquence , il nomma solennellement à sa succession, l'an 201 (816), le prince A/y Ibn Moussa, le huitième Imam de cette race, le décora du surnom de Riza, l'agréable, et lui donna en mariage sa fille Umm'ul-Fazl. Il quitta le noir , qui étoit la Couleur de sa maison et de sa Cour, pour le vert, CODE RELIGIEUX. n3 vert, que portoient les Aleuys, et ordonna le même changement à tous les officiers de son Empire. Mais bientôt cette politique , qui appaise les troubles suscités par les Aleipys , en élève d'autres par le mécontentement des princes Abassides exclus du Khaliphat. Au milieu de ce nouvel orage, AJy-Riza meurt empoisonné , et Abd'itllah III se voit forcé à reprendre le noir, à abandonner son projet de succession, et à employer tour-à-tour les négociations et les armes contre les princes Aleuys, qui, plus animés que jamais, fomentoient de tous côtés des troubles et des séditions. Abd'utlahlII, après avoir eu la foiblesse de sacrifier les intérêts de sa maison, trahit encore ceux de son culte. Il adhéra publiquement, en 2,11 (826), à l'opinion de la sainteté et de la prééminence à'AIy sur tous lesautres disciples du Prophète. Cet événement, qui étonna tout l'Empire, fut un nouveau frein à l'ambition des Alewys et aux fureurs des Schiys, leurs partisans. Mais vingt-un ans après, en s3s (847), le Khaliphe Djeaferl y petit-fils du même Abd'u/Iahl II, Tome I. H ii4 CODE RELIGIEUX, censure hautement cette conduite hétérodoxe de son aïeul, et se déclare l'ennemi le plus implacable des Alewys. Se jetant dans une erreur opposée et également contraire à l'esprit de l'Islamisme , il fait lancer dans toutes les mosquées des anathêmes contre la mémoire à'AIy et de Hussein , ordonne même la démolition de leurs tombeaux, et défend à ses sujets, sous les peines les plus sévères, de jamais visiter ces lieux , qu'il fait déclarer profanes et abominables. Ses courtisans, jaloux de lui plaire, s'empressent de composer mille chansons impies sur Aly y dont la vie, les mœurs et le sacerdoce deviennent des sujets de railleries et d'amusement pour Djeafer I y au milieu de ses divertisscmens et de ses repas. A cette profanation se joignoient les poursuites les plus cruelles et les plus sanglantes contre tous les princes de cette maison infortunée, et contre tous les Schiys leurs partisans. Elles ne se terminèrent qu'après quinze années de règne de ce Khaliphe Anti-Alidey l'horreur de ses peuples par ses tyrannies et ses débauches, mais plus encore par ses impiétés. Aussi fut-il la victime d'une conspiration tramée par Mo-hammedjSon fils et son héritier, que la liberté avec laquelle il s'élevoit contre les excès de son père, mettoit en danger de perdre la vie et la succession au Khaliphat. Elevé ainsi par un parricide au siège sacerdotal , le premier soin de ce Mohammed IV fut de relever en 247 (861 ), les tombeaux d'Aîy et de Hussein de rétablir la sainteté de leur mémoire si cruellement outragée par Djeajer I, de supprimer les anathêmes lancés contre eux dans toutes les mosquées de l'Empire , et de témoigner les plus grands égards pour tous les princes du sang A leny. La sagesse de ce Khaliphe imitée par ses successeurs, ralentit les fureurs des Schiys pendant un siècle, jusqu'à l'époque de l'usurpation de la souveraineté temporelle de Baghdad par Miùzzud-Dewleth , de la maison de Bouyé. Ce tyran, qui ne respectoit plus dans lesKha-liphes que les seuls droits de la suprématie et de l'autorité spirituelle, s'attacha à la secte des Schiys j et eîi devint l'un des plus puissans protecteurs. En 334 C 94° ) ^ f°rma même le H iij projet de disposer du Khaliphat en faveur des Aleivysj ce qu'il eût exécuté, sans les conseils et les vives remontrances d'un de ses ministres , qui l'arrêta par des considérations politiques, et par la crainte d'opérer le rétablissement de toute la puissance des Khaliphes, vu le grand nombre desSc/iiysrépandus dans tous les Etals Mahométans, la vénération des peuples pour le sang dA/y, et leur respect pour les droits de sa maison sur le Khaliphat. C'est ce même Muizz'ud-Dewleth qui, de son autorité , et contre le gré du Khaliphe Fazllinstitua en3o2 (963), la fête Yeivm-Aschoura , depuis si célèbre dans toute la Perse , et consacrée au 10 de Mohartém. C'étoit un jour de deuil et de tristesse, en commémoration du martyre de l'Imam Hus-seyn fils d'Aly , tué dans l'affaire de Kerbcla, l'an 60 de l'Hégire. Toute la Cour et le peuple prenoient l'habit noir. Il n'étoit permis à personne de travailler ce jour-là; boutiques, magasins, marchés publics, tout étoit fermé. Les femmes en pleurs parcouroient les rues, le visage couvert, les cheveux épars, faisoient retentir l'air de leurs gémissemens, de leurs sanglots, et ofFroient le spectacle le plus triste, le plus lugubre, le plus effrayant. C'est alors que les disputes et les haines entre les Sunnys et les Schiys éclatèrent plus que jamais dans Baghdad, comme dans tous les Etats soumis aux Aleuys , et à tous les usurpateurs qui s'étoient élevés sur les ruines de la puissance Khaliphale. Ces deux grands partis, qui s'ana-thématisoient mutuellement au milieu de leur culte public , s'abandonnèrent à toutes les fureurs du fanatisme , et ensanglantèrent l'Orient pendant plus de trois siècles. Les débauches et les rigueurs du Khaliphe A bd'allait VII, mirent, en 645 ( 1247 ), le comble à cette désolation générale, et entraînèrent la ruine du Khaliphat de Baghdad. Ce pontife Musulman , lassé des dissentions perpétuelles qui s'élevoient tous les jours entre lesSunnys et les Schiys , et livré à des conseils perfides et fanatiques, proscrit ces derniers par un édit sévère, les chasse de Baghdad et du reste de ses foibles Etats : il permet aux Sunnys de piller leurs biens, de démolir leurs H iij maisons , de ravager leurs terres, de traîner même en esclavage leurs femmes et leurs enfans. Cette conduite atroce attire sur Baghdad les armes de Hélakeou. Ce prince Tatary est invité par le ministre même du Khaliphe. Mueyycd-ud-dinn-Alcamy , professant en secret la doctrine des Schiys } vouloit venger sur son maître et sur tous lesSunnys de Baghdad cette calamité de ses frères. Hélakeou marchant vers cette ville en 656( i ^58), à la tête de deux cent mille Tatars, massacre dans son camp l'infortuné Abd'ullah VIIy avec presque toute sa maison et tous les grands officiers de sa Cour, également trompés par les perfidies du même ministre. Il livre ensuite la ville aux fureurs de son armée. Baghdad nagea dans le sang de ses citoyens. Le massacre dura quarante jours, et plus d'un million d'ames , hommes, femmes, enfans , vieillards, y périrent sous le fer de ces barbares. On sait que Hélakeou étoit petit-fils du cé-YekreDJiiigniz-Khan, par la branche àeTouly, et le fondateur de la dynastie llkhanienne qui occupa pendant un demi-siècle le trône de Tebriz dans Ylrann. Ce prince, quoique païen comme ses aïeux, et d'un naturel féroce, étoit cependant grand amateur des lettres et des sciences. Il avoit sur-tout le goût de l'astronomie , de l'astrologie et de l'alchimie. Il n'ad-mettoit à sa familiarité que des gens instruits, des savans , des docteurs, des prêtres de toute nation et de toute religion indistinctement, parce qu'il n'en avoit aucune lui-même , dit Ahmed-Efendy. Il paroissoit cependant , ajoute le même auteur, incliner vers le Christianisme , que sa femme professoit publiquement. Cette princesse, respectable par sa piété et par ses vertus, et qui avoit beaucoup d'ascendant sur l'esprit de Hélakeou , faisoit retentir le camp du son des cloches, et porta même son époux à faire élever dans tous ses Etats de superbes églises et de grands couvens. Elle n'oublioit rien pour faire embrasser sa religion à Hélakeou et à ses sujets, lorsque ce prince mourut subitement à Meragha, l'an 663 ( 1264): son corps fut déposé , suivant l'ancien usage des Talars Moghouls, dans une sorte de cha- H iv pelle sépulcrale, Dakhrné, où l'on enferma quarante jeunes filles bien parées, et avec des vivres seulement pour trois jours. Cette pratique barbare, observée depuis tant de siècles parmi cette nation, ne fut abolie que sous le règne du fameux Ghazan-Khan, lé premier prince de cette maison qui embrassa le Musulmanisme , l'an 694 ( 1294 ). C'est le destructeur de la puissance Seldjukienne, sur les débris de laquelle s'éleva la maison Othomane. Le jour que ce prince fit solennellement la profession publique de la foi Mahométane , son frère Khouda-Bendé , tous les seigneurs de la Cour , et plus de quatre - vingt mille Talars Moghouls embrassèrent l'Islamisme. C'est ainsi que la religion de Mohammed s'établit alors universellement dans Ylrann , dans le Deschth , dansrie Kliataj , enfin dans tous les Etats de ce Monarque, dont le zèle fanatique détruisit par-tout les églises des Chrétiens et les temples des Païens, pour élever sur leurs ruines de grandes et de superbes mosquées. L'histoire présente ce prince comme l'un des plus célèbres de sa maison par sa piété, ses vertus , et ses connoissances littéraires. L'Islamisme respecte sa mémoire ; on le regarde même comme un saint, parce qu'il fut le fondateur du Mahometisme dans ces vastes contrées, et qu'il vit en songe deux fois le Prophète , et une fois Alj , qui le combla de caresses et de bénédictions. Cette vision le rendit très - favorable à tous les Emirs deseendans cVAly qui étoient établis dans son Empire, et qu'il distingua toujours du reste de ses sujets par des bienfaits, des honneurs et des largesses considérables. Cependant Khouda - Bendé Mohammed-Khan , son frère , qui lui succéda en yo3 (i3o3), embrassa ouvertement la secte des Schiys , supprima du Khouthbé les noms des trois premiers Khaliphes, et ajouta à celui à'Aly ceux de tous les Imams de sa race. Ce changement de culte , ouvrage de deux de ses ministres, excita la plus grande fermentation dans les esprits, ce qui entraîna , quelques semaines après, la disgrâce de ses auteurs, et la conversion du Monarque. Il abjura publi- quement ses erreurs , et rentra dans le Mu-sulmanisme, dans le sein, dit l'auteur, de la doctrine des Sunnys } selon le rit de l'Imam Azam Ebu-Hanijc. Tous ces Tatars des différentes hordes ou dynasties , qu'on peut regarder comme les fléaux plutôt que comme les conquérans de l'Orient, ont aussi détruit, soit pendant leur idolâtrie , soit après leur conversion à la doctrine Musulmane, une grande partie des sectes hétérodoxes qui désoloient l'Islamisme. Ils éteignoient dans le sang des peuples et des nations leurs hérésies et leur culte. La secte des Schiys ensevelie, pour ainsi dire , sous les ruines de Baghdad, ne reprit naissance que deux siècles après, dans les différentes contrées de la Perse , sur-tout du temps du Schah Ismaïl-Erdebily , le fondateur de la maison àesSophis. Devenu le protecteur des Schiys , ce prince en répandit les dogmes dans tous ses Etats ; il lança des anathêmes et contre la mémoire d'Aïsché, la femme la plus chérie du Prophète , et contre celle des trois premiers Khaliphes. Les Schiys traitoient la première de prostituée, et regardoient les autres comme des intrus au sacerdoce, qui, selon eux, ne pouvoit appartenir qu'à Alj et à ses deseendans. Enfin les fureurs de ce prince contre les Sunnys allèrent jusqu'à faire détruire leurs mosquées, démolir les tombeaux de leurs saints, et exercer les plus sanglantes persécutions contre les Sunnys ses sujets, qui refusoient d'embrasser sa doctrine. Ce schisme qui depuis lors a séparé les Otho-mans des Perses, fut la principale cause de ces guerres sanglantes qui ont si long-temps désolé l'une et l'autre monarchie. Le Sultan Selim I fut le premier à prendre les armes contre Schahlsmàd, d'aprèsxmFetlnva signé du Mouphty et des principaux Oulémas de son temps. Ce décret portoit que non-seulement la guerre étoit légitime , mais que c'étoit encore un devoir indispensable pour un Monarque Musulman et pour tous les Crqyans, d'éteindre des opinions impics et abominables dans le sang de tous ceux qui s'écartoint de la doctrine du Cour'ann. Nous croyons devoir rapporter ici la lettre que Selim I écrivit de sa main en Persan au Schahlsmdil j c'est une espèce de manifeste ou plutôt de sommation. Elle fut expédiée du camp de Maltepé, près de Scutarj, en mai i5i4, deux jours après son départ de Constantinople à la tête d'une puissante armée. On y voit l'esprit du siècle, le style oriental, le génie particulier et l'érudition de ce Sultan, l'un des premiers héros de sa maison. LETTRE DE SELIM I" AU SCHAH ISMAlL. A A » « L'Etre suprême , qui est l'arbitre sou-»verain de la destinée des hommes, et la » source de toute doctrine et de toute science, » dit dans la sainte Ecriture , que le vrai culte » divin est dans la seule religion Musulmane, » et que celui qui se soumet à toute autre » croyance , loin d'être exaucé et sauvé, sera, » au contraire , du nombre des réprouvés au » grand jour des jugemens. Il dit encore, ce » Dieu de véri té, que ses conseils et ses décrets » sont immuables, que toutes les actions des » hommes doivent se rapporter à lui, et que » celui qui se détourne de la vraie voie, sera » condamné au feu de l'enfer et aux tourmens » éternels. Mettez-nous, Seigneur, au nombre » des vrais croyans qui marchent dans la voie » du salut, et qui s'écartent soigneusement de » celle de l'infidélité et de la perdition : que » les bénédictions les plus pures et les plus » saintes soient sur Mohammed-ul Mousta-» pha,\e prince des deux mondes, le coryphée » des Prophètes, ainsi que sur toute sa posté-» rite et sur tous ses disciples. » Le Monarque des Othomans, le maître » des héros et des valeureux du siècle , qui » égaleFéridoun (i) en force et en puissance, » Alexandre le Grand en majesté et en gloire, » et Key-Khoussrew (2) en équité et en clé-» mence ; l'exterminateur des infidèles et des » idolâtres, le destructeur des ennemis de la » foi orthodoxe , la terreur des tyrans et des » Pharaons du siècle, qui humilie les princes » injustes et orgueilleux , qui brise les scep- (0 Le sixième des anciens rois de Perse de la dynastie Pischdadienne. (a) Le quatorzième roi de la même dynastie. » très et les couronnes des plus grands poten-» tats de la terre , le glorieux Sultan Selim-» Khan, fils du Sultan Bajezid-Khan , fils du » Sultan Mohammed-Khan , fils du Sultan » Mourad- Khan , adresse gracieusement la » parole à toi, EmirIsmàïl (qui es le domi-» nateur de la Perse, le Sipehsalar ou le » commandant en chef des forces de ce royau-» me, le Bahhak ( i ) de l'Orient, VEjras-» siyab (2) du siècle , le Dara (3) de nos » jours ), pour te faire savoir que les ouvrages » sortis de la main du Très-Haut ne sont pas » de frêles productions du caprice ni de la dé-» raison , mais qu'ils renferment une infinité » de mystères impénétrables à l'esprit humain. » Dieu lui-même le dit dans son livre saint, » par ces paroles sacrées : Nous n'avons »pas créé la terre et les cieux (1) Le cinquième roi de la même dynastie, usurpateur et grand tyran. (2) Le neuvième roi de la même dynastie, aussi méchant qu'infortuné, (3) Le dernier roi de la même dynastie : c'est Darius Codomanus , défait par Alexandre le Grand. »pour en faire un jeu (i). L'homme, » qui est la plus noble et la plus excellente des » créatures, et l'abrégé des merveilles de Dieu, » est par conséquent, sur la terre, l'image et » le représentant de cet adorable créateur, » comme on le voit par ce sacré passage : I l »nous a constitué ses l1eutenans » sur la terre (a), et cela parce que joi-» gnant les facultés de l'ame à la matière du » corps , l'homme est le seul des êtres créés » en état de connoître les attributs de laDivi-» nité, et d'en adorer les immuables perfec-» tions. Cependant l'excellence de cette qualité »> de l'homme, et l'acquisition desconnoissan-» ces sublimes, ne se trouvent que dans la doc-» trine Musulmane et dans la soumission à la » loi sainte du prince des Prophètes, qui est le » vrai Khaliphe, le Lieutenant par excellence » du Dieu des miséricordes. Ce n'est donc que » dans la pureté de cette sainte religion que » l'homme peut prospérer dans ce monde , et » acquérir dans l'autre la gloire éternelle. (1) Ve ma Khalcanas-Semewath v'el ar£ U ib'inn. (2) Ve huv'el-leçy djeal- Kum Khalaïf-il-ar{. » Mais, Emir Ismail, une pareille félicité ne » sera jamais ton partage, parce que tu as » détourné ta face de la sainteté des lois di-» vines, parce que tu es sorti de la voie du » salut et des saints commandemens, parce » que tu as altéré la pureté des dogmesMu-» sulmans, déshonoré, avili, détruit le vrai » culte de Dieu , et usurpé les domaines de » l'Orient par des voies injustes ettyranniques ; » parce que, sorti de la poussière, tu t'es élevé » par des moyens odieux, à un siège de gran-» deur et de magnificence ; parce que tu as « ouvert aux Musulmans les portes de la »» tyrannie et de l'oppression; parce que tu as » joint l'iniquité, l'infidélité, le blasphème à » l'exercice d'une secte impie ; parce que, » couvert du manteau de la fausseté et de » l'hypocrisie , tu as semé de tous côtés le » trouble et la sédition; parce que tu as levé » l'étendard de l'irréligion et de l'hétérodoxie; » parce qu'en te livrant enfin à tes caprices, à » tes passions , à tes infâmes déréglemens, tu » as eu l'impiété de délier le nœud sacré des » lois Musulmanes , en permettant le liberti- >» nage » nage et la profanation des vierges , le mas-» sacre de nombre de personnages vertueux » et respectables, la destruction des temples » et des chaires sacrées , la démolition des » sépulcres de tant d'ames ridelles et saintes » le mépris des Oulémas , des docteurs, et des » Emirs issus du sang du Prophète , l'avilisse-» ment des livres sacrés du Cour'ann , et les » anathêmes prononcés contre les Khaliphes » légitimes et vénérables {Ebu-Bekir, Orner » et Osman j. Ainsi, comme il est du devoir, » et de tout prince zélé et pieux en particu-» lier, et de tout peuple Musulman en géné-» ral, d'observer ces paroles sacrées : O vous » fidèles ! ô vous croyans, soyez «les exécuteurs des volontés du » Très-Haut c0 • nos Oulémas, nosho-» norés docteurs ont conséquemment , tous » d'une voix unanime, prononcé sentence de >> mort contre un impie et un blasphémateur » comme toi, en imposant à tout vrai Musul-» man l'obligation de s'armer de zèle et d'ar- (i) Ya eyyuh'd-Leçiné amenoukevnou enssar allah'u. Tome I. I i3o CODE RELIGIEUX. » dcurpour la défense de la religion, et pour » détruire l'hérésie et l'impiété dans tapersonne » et dans celle de tes fauteurs et de tes par-» tisaus. » Animés de l'esprit de ce Felhuui conforme » au livre sacré qui est le code des préceptes » divins , et enflammés du saint désir ( tel que h nous l'inspire notre zèle à remplir avec di-» gnité tous les devoirs du trône) d'affermir » d'un côté, le Musulmanisme, et de l'autre >» de délivrer de ton joug les peuples, les » nations, les foibles créatures qui gémissent » sous le poids de ton impiété et de ton op-» pression tyrannique, nous avons résolu de » quitter nos ornemens Impériaux, pour nous » revêtir de la cuirasse et de la cotte de mailles, >) ,4e déployer nos drapeaux toujours heureux » et triomphans , de mettre sur pied nos ar-» mées invincibles , de tirer nos armes glo->> rieuses du fourreau de notre colère et de » notre indignation, et de faire marcher nos » troupes, dont le sabre ne lait grâce à per— » sonne, dont la lance porte des coups mortels, » et dont la flèche atteint l'ennemi jusque dans » la constellation du Sagittaire. En consé-» quence de cette résolution noble et ferme, » nous sommes entrés en campagne, nous » avons déjà traversé le canal de Conslantino-» pie j et marchant sous les ailes de la pro-» tection et de l'assistance du Très-Haut, nous » espérons aller bientôt t'abaltre le bras de » méchanceté et de tyrannie; t'ôter de la tête » ces fumées de grandeur et d'héroïsme qui » te causent d'affreux étourdissempns ; déli->> vrer les foibles et les opprimés du joug » cruel de ta domination ; fetoufïer enfin dans » ces mêmes tourbillons de flammes et de » fumée que vomissent de toutes parts les in-» cendies de tes projets pervers et séditieux ; » vérifiant par-là sur ta personne le proverbe »quidit; Celui qui sème des épines, »ne peut moissonner que des a f-» fl1ctions et des amertumes ( i ). » Cependant, pour nous conformer à l'esprit" » de la loi de notre saint Prophète, nous vou-» Ions , avant que d'en venir aux armes, te (1) Men Zereal-ihann fiassed'd-mihann. î32 code religieux. » présenter , au lieu du sabre, le sacréCour'-» ann, et t'exhorter ainsi à embrasser la Foi » orthodoxe : c'est pourquoi nous t'écrivons la » présente Lettre Impériale. » Tout homme a un naturel différent ; et » l'espèce humaine est comme les mines d'or » et d'argent. Il est des hommes dont le carac-» tère pervers forme en eux une seconde na-» ture, et les rend incorrigibles. Ce sont des » nègres qu'on s'effbrceroit en vain de blanchir. » Il en est d'autres qui se corrigent, qui re-» viennent de leurs erreurs et de leurs égare-» mens ; mais chez eux le mal n'est pas invé-» téré, parce qu'attentifs sur eux-mêmes, ils » mortifient les sens, et répriment les inclina-» tions vicieuses de la nature. Le moyen pour-» tant le plus efficace de se guérir des maux » de cette espèce , et de faire un heureux » retour sur soi, est d'ouvrir les yeux sur ses » propres iniquités, et d'en demander pardon » au Dieu des miséricordes, dans les sentimens » profonds d'un vrai repentir et d'une douleur » amère. Nous t'exhortons, en conséquence « à rentrer en toi - même, à renoncer à tes » erreurs, et à marcher d'un pas ferme vers » la voie du salut. Nous te mandons en même » temps de te désister de la possession des » terres qui étoient ci - devant annexées aux » domaines de la monarchie Othomane ,• de » renoncer sur elles à toutes tes prétentions » injustes, et de les faire rentrer en notre » pouvoir, par la main de nos lieutenans et » de nos officiers : résolution que tu dois pren-» dre sans délai, pour concourir toi-même à » ta conservation et à ta félicité. Mais si, pour » ton malheur, tu persistes dans ton égare-» ment, et qu'enivré de l'idée de ta grandeur, » de ta puissance , de ta folle bravoure , tu » t'obstines dans ta conduite aveugle, inique » et perverse , tu verras bientôt ces vastes » plaines qui sont dans ta main de tyrannie et » d'usurpation , toutes garnies de nos tentes » et de nos brillantes enseignes, et toutes couvertes de nos armées victorieuses. Ce sera » là que s'exerceront la valeur et l'intrépidité , » et que s'accompliront les décrets arrêtés •» dans le conseil secret du Très-Haut, qui est » le Dieu des armées, et le souverain juge in; » des actions humaines. Au reste, salut à qui *» suit la voie du salut. « Cette Lettre, à tous égards digne de remarque , se trouve dans les anciennes annales de la monarchie, rédigées par le Mouphty historien , Je célèbre Sad-ed- dinn Efendy. Le Schah Ismail y répondit dans un style plus laconique et moins étudié, mais d'un ton ni moins fier ni moins arrogant. Personne n'ignore les événemens de cette première guerre entre les Othomans Sunnys et les Persans Schiys. La fameuse journée de Tschaldirann entraîna, dans les campagnes suivantes, la dispersion successive des armées de Cansou - Ghawry et de Touman - Boy , alliés du Schah Ismail > la conquête de la Syrie et de l'Egypte entière, et la soumission de la Mecque et de Médine avec tout le Hidjeaz. Telles furent les révolutions opérées en diffërens siècles et dans plusieurs Etats Mahométans , par les schismes, les controverses et les disputes de religion. Les guerres qui éclatèrent dans les siècles suivans entre la Porte CODE RELIGIEUX. i35 et la Perse, furent poussées avec un acharnement inconcevable. L'animosilé du soldat Othoman étoit toujours soutenue par im Fertilisa , dans lequel les Oulémas déclaroient, de concert avec le Mouphty, qu'il y avoit plus de mérite à tuer un Persan Sckiy que soixante-dix Chrétiens ou autres ennemis de la foi Mahométane. C'est ce décret canonique qui porta les Rois de Perse sur - tout le fameux Schah Abas , le fléau des Othomans sous Mohammed III et Aluned I , à traiter avec la plus grande rigueur tous les gens de loi qui tomboient en leur pouvoir : on leur rasoit d'abord la barbe, pour les couvrir d'ignominie ; ensuite on leur arrachoit les entrailles, on leur coupoit les parties naturelles , on les faisoit enfin expirer au milieu des plus horribles supplices. Ce qui prouve que toutes les guerres qui ont si'cruellement désolé ces deux vastes Empires, n'avoient pour cause principale que le fanatisme religieux , c'est que, dans tous les traités de paix , la première condition qu'exigeoitlaCour de Constant'uwple de celle dlssjahann étoit de cesser les anatbênics I iv contre les trois premiers Khaliphes, et d'accorder à tous les Sunnys de la Perse le libre exercice de leur culte. Cette partie relative aux schismes qui pendant tant de siècles firent le malheur de l'Orient, sera plus amplement développée dans le Discours général qui embrasse toutes les dynasties Mahométanes , comme dans l'histoire de l'Empire Othoman. 8°. Que tous les morts subiront également dans leurs tombes un interrogatoire , Soual, par les anges Munn-kér et Néklr. C. Ces anges, qui sont noirs et bleus, entrent dans la tombe, et demandent au mort quel est son Seigneur, sa religion, et son Prophète ; à quoi les fidèles répondent : Dieu est mon Seigneur, l'Islamisme est ma religion, et Mohammed est mon Prophète. Tous les morts en général , ceux qui meurent de mort naturelle, ceux qui périssent par des accidens ou par là main de la justice, les enfans , les Prophètes eux - mêmes , subissent également cet interrogatoire , etc. Observations. D'après ces septième et huitième articles de foi, il est d'une opinion commune parmi les Mahométans, que tous ceux qui meurent hors de l'Islamisme , éprouvent dans le sépulcre même des tourmens affreux jusqu'au jour du jugement dernier ; que les deux anges chargés de les interroger , Munnkér et Nékir, que l'on appelle encore Melekéïnn Essivedëinn, c'est-à-dire, les anges noirs , annoncent aux non-Musulmans comme aux Musulmans morts dans l'impiété, leur damnation éternelle, en les frappant sans cesse avec des massues ardentes, et que les corps de ces derniers restent incorruptibles dans la tombe comme une marque visible de leur réprobation; que ces mêmes anges annoncent aussi aux Musulmans morts dans la foi , leur béatitude éternelle , en distinguant cependant ceux qui sont en état de grâce de ceux qui sont chargés de péchés et de prévarications. Quant aux premiers, il est reçu que leur arae jouit aussitôt des prémices de la félicité , dont le corps lui- même ressent dans le tombeau les salutaires influences : à l'égard des autres , l'on pense communément que leur corps éprouve des angoisses continuelles , jusqu'à ce que leurs péchés soient expiés , et leur a>me épurée par le feu de l'enfer. 90. Que la résurrection des morts est réelle et certaine. C. Les élus seront jeunes et frais, et les réprouvés difformes et monstrueux (i). io°. Que la balance, Wê^n, est réelle et certaine. C. Ce Wézn est la balance où seront pesées les bonnes et les mauvaises actions des hommes, etc. il0. Que le livre Kitab est réel et certain. C. Ce Kitab est le livre particulier de tout (i) Plusieurs docteurs prétendent que tous les morts ressusciteront jeunes , les hommes à l'âge de trente-trois ans et sans barbe, et les femmes à lage de seize ans. homme , où les anges éciivains, Kiraménn-Keatibinn , enregistrent ses bonnes et ses mauvaises actions : ce livre , an jour du jugement, sera remis dans la main de chacun , dans la droite pour les fidèles, dans la gauche pour les infidèles, ou par derrière leurs épaules, etc. 11°. Que l'interrogatoire $ Soualy est réel et certain. C. Cet interrogatoire sera subi par tous les hommes au jour du jugement. Dieu , qui couvre les fidèles de sa robe de miséricorde, leur demandera s'ils n'ont pas commis tels et tels péchés ; et sur leur aveu , il leur dira qu'il a usé dans le monde de miséricorde envers eux, et qu'il en use encore en ce grand jour de ses jugemens : alors une voix terrible adressant la parole aux infidèles et aux réprouvés : Voilà , dira-t-elle, les rebelles à Dieu ; que la malédiction de Dieu soit sur les rebelles , sur les impies, sur les êtres médians. i3°. Que le bassin, Hawoui-Kewscr, est réel et certain. C. Ce bassin est rond et a une étendue de 140 CODE RELIGIEUX, trente journées de marche ; son eau est plus hlanche que le lait, son odeur plus agréable que le musc : les coupes qui sont tout autour, égalent en nombre les étoiles du firmament, et ceux qui s'en abreuvent, n'auront plus de soif ; elle sera étanchée en eux pour l'éternité. 140. Que le pont Sirath est réel et certain. C. Ce pont est dressé au dessus de l'enfer; il est plus fin que le cheveu , plus affilé que le sabre : les élus le passeront avec la vitesse de l'éclair, avec la vélocité du vent; mais les réprouvés y glisseront et se précipiteront au milieu du feu éternel. î5°. Que le paradis et l'enfer sont réels et certains, qu'ils ont été créés, qu'ils existent, qu'ils sont éternels, et ne périront jamais, ni eux, ni leurs habitans. C. Le paradis embrasse dans sa grandeur les cieux et la terre ; c'est le lieu de l'éternelle félicité , et la demeure de nos premiers pères Adam et Eve. CODE RELIGIEUX. 141 Observations. La doctrine Musulmane admet aussi huit degrés de béatitude au paradis, et sept classes de souffrances en enfer; montrant par-là que la miséricorde de Dieu surpasse d'un degré ses justes vengeances. Les degrés de béatitude portent les dénominations de Dar'ul-Carar, Dar-Isslam , Méewa, Naïm } Khould, Fir-dejvss ? Wessiléy et Adnn. Celui-ci est le plus élevé. Les sept classes de l'enfer sont appelées Djchhennem y S air y Houtimé y Djeahhim y Sakar y Leza et Hawiyé. Ce dernier est le plus profond de ces domiciles ténébreux. On sait que le Cour'ann parle de quatre grands fleuves qui arrosent le paradis; l'un roule du lait, le second du miel, le troisième du vin céleste, le quatrième une eau pure et délicieuse , Mai-Màinn. Tous les docteurs parlent encore d'un grand fleuve qui traverse l'enfert et dont les eaux sont bouillantes, amères et venimeuses. Dans les relations de batailles que donnent les historiens nationaux , le fanatisme leur fait souvent comparer le sang des Musulmans tués à la guerre, aux eaux douces et lim- pidcs du fleuve Maï-Maïnn du paradis , et celui des ennemis aux eaux après et bourbeuses de ce fleuve de l'enfer appelé Zahoum-IJamim. L'Islamisme admet aussi le purgatoire sous le nom d'Arqf, lieu mitoyen entre le paradis et l'enfer, censé destiné aux Musulmans ou non-Musulmans qui naissent et qui meurent dans un état d'imbécillité ou de démence, Djounounn, sans avoir pu connoître, embrasser et professer aucune religion. Ceux des Imams Sunnys qui refusent le ciel aux enfans non-Musulmans morts en bas âge, font aussi de cet A rafle lieu de leur demeure éternelle. Mais l'opinion la plus dominante sur cette matière, est celle de Caziy-Bey-zauy _, qui , dans ses commentaires sur les fameux ouvrages théologiques intitulés, Fir-hann-Schërij et Kenz'ulEssrar, dit que VAraf est le partage de six classes d'hommes ; savoir , i°. des martyrs Musulmans qui de leur vivant auroient manqué de respect et de soumission à leurs père et mère; 2°. des enfans naturels, comme étant les fruits d'un commerce illégitime ; 3°. des Musulmans en qui les bonnes œuvres n'excèdent ou ne surpassent pas les mauvaises ; 40. des enfans nés dans l'infidélité , c'est-à-dire, hors du Musulmanisme, et morts en bas âge avant que d'avoir atteint celui de la majorité; ô°. des Monarques infidèles, des Souverains non-Musulmans, mais-doués d'équité et de vertus, tels que le célèbre Roi de Perse Nouschrewann, etc. ; et 6°. d'une légion d'anges ou d'êtres spirituels. Ce sont là, ajoute le même docteur, les seuls êtres que la religion regarde comme prédestinés à expier leurs fautes , et à se purifier de leurs taches dans le purgatoire. Il ne détermine cependant rien ni sur l'état d'une véritable réprobation individuelle à l'égard de ceux qui sont rangés dans ces six classes, ni sur l'éternité de leurs souffrances, ni sur la grâce qui seroit réservée à quelques-uns d'entre eux de participer ou non, après un certain temps de supplices, à la félicité du ciel. Ce sont autant de points soumis à la justice comme à la miséricorde de Dieu , dont les mystères , dit le même docteur , sont incompréhensibles , et dont les volontés sur cet article du purgatoire 144 CODE RELIGIEUX. n'ont pas été révélées au dernier des Prophètes. i6°. Qu'il est de grands péchés (1), et que ces péchés , quoique graves et énormes, n'effacent pas dans le fidèle le caractère de la foi, et ne l'excluent pas du sein de l'Islamisme pour le jeter dans celui du non-Islamisme, de l'infidélité ; que de tous les péchés énormes , il n'est d'irrémissible auprès de la justice de Dieu que celui du polythéisme , Schirk, qui attaque son unité ; qu'il ne dépend que de la volonté de Dieu de pardonner entièrement ou de punir les grands péchés comme les moindres , pourvu toutefois qu'il ne s j mêle aucune impiété, laquelle con-sisteroit à regarder comme licite ce que la foi condamne , le défaut de (i) En général les prévarications contre la loi sont distinguées en grands péchés , Kebaïr, et en petits péchés, Siighaïr. croyance CODE RELIGIEUX. 145 crojance seul emportant par lui-même le caractère d'infidélité. | C. Il y a douze péchés graves ; savoir, i°. le polythéisme ; 2.0. l'homicide (t) ; 3°. l'injure ; 40. l'adultère (2) ; 5°. la désertion des com-battans qui fuient devant l'ennemi ; 6°. la magie ; 70. l'usurpation du bien des orphelins ; 8°. la désobéissance des enfans envers leurs pères et mères Musulmans; 90. les hostilités commises à la Mecque, ou sur son territoire sacré, Harém-Meké, comme aussi toutes les fautes dont on s'y seroit rendu coupable ; ■ io°. l'usure et tout gain illicite ; 11°. le vol, et 12°. le vin. Toute action contraire à l'esprit de l'équité et de la justice, toute prévarication contre les lois divines ou humaines, sont également des péchés énormes : de ce nombre sont encore les fautes légères , lorsqu'elles sont commises avec persévérance et sans amendement. Il est enfin de foi que le repentir, l'acte (1) Le suicide y est censé compris. (2) Il renferme encore la fornication, l'inceste, et tout crime d'impudicité. Tome I. K (le componction , efface ou plutôt diminue 1 enormité du péché. Que les Prophètes et le4s mues bienheureuses intercèdent en faveur des fidèles coupables de grands péchés. iu°. Que ces fidèles ne resteront pas éternellement au feu de l'en fer. C. Ils n'y resteront pas, quand même ils mourroient sans aucun acte de componction , parce que la moindre des bonnes œuvres sera récompensée dans l'éternité , et que la foi est la première de toutes les œuvres méritoires. Observations. On voit ici qu'avec la foi seule, ou peut obtenir le ciel. C'est l'opinion générale de tous les docteurs Suwiys. Ainsi ils ne donnent aux bonnes œuvres d'autre mérite que celui d'acquérir au Musulman, dans la béatitude éternelle, un degré de félicité toujours proportionné à la nature et au nombre de ses œuvres. D'après ce principe, quiconque meurt dans la foi Musulmane , est sûr de gagner le CODE RELIGIEUX. 147 ciel. Est-il chargé de péchés, a-t-il transgressé la loi, a-t-il négligé le culte et la pratique des bonnes œuvres , il ne s'expose qu'à des peines toujours soumises à la volonté suprême du Créateur, qui est le maître de pardonner entièrement les plus grands crimes , comme de ■ punir sévèrement les moindres fautes. Or le Musulman pécheur venant à être rangé, disent les mêmes docteurs , dans la classe des enfans rebelles qui ont encouru les châtimens du Père céleste, éprouve les tourmens qui lui sont destinés pour l'expiation de ses péchés. Ainsi purifié par le feu de l'enfer, il se trouve en état de paraître devant la face de son créateur , et de jouir dans la société des élus, du bonheur qui leur appartient. Ces mêmes Imams néanmoins foudroient dans leurs écrits les hommes vicieux, les pécheurs, les prévaricateurs, en leur rappelant sans cesse les peines de l'enfer. Quoique passagères pour ceux qui meurent dans la foi, ces peines peuvent cependant s'éterniser par la transgression constante et réfléchie de la loi , qui entraîne toujours avec elle le crime d'impiété et d'infi- Kij délité. Ces Imams se fondent sur cette parole du Prophète , qui déclare que tout pécheur impénitent se précipite dans l'impiété, et par-là dans l'éternelle réprobation. De ce principe, que la foi seule suffit pour mériter le ciel, il s'ensuit que la béatitude éternelle est également réservée à tous les enfans morts en bas âge, soit Musulmans, comme nés au sein de la vraie foi, soit non-Musulmans , comme venus au monde avec une disposition naturelle et une inclination puissante Vers l'Islamisme, d'après cette parole même du Prophète : Tout enfantai ) ne naît qu'avec le caractère de l'Islamisme j et ce sont ses père et mère qui lui font embrasser ou le Judaïsme , ou le Christianisme, ou la Pyro-lâtrie. Les hétérodoxes des soixante-douze sectes réprouvées , sur-tout les Mœutézilés , diffèrent sur ce dogme, comme sur bien d'autres, des Musulmans Sunnys. Outre la nécessité ( 1 ) Ma menn mewloucf ïnn Ma vekad youled' u ala fitreth 'ul-Isslam summè ebvahh'u ychhoudandiu. vc you-nassiraniKu ve yumcdjessaneh'u. CODE RELIGIEUX. 149 de la foi pour être sauvé, ils exigent encore le mérite des bonnes œuvres, et regardent comme certaine la réprobation de ceux qui en sont destitués au moment de la mort. Quant aux enfans qui meurent en bas âge , même ceux des Musulmans , ils croient que privés pour toujours de la vue de Dieu , ils habitent un lieu mitoyen entre les élus et les réprouvés, le paradis et l'enfer. Le célèbre théologien Esch*ary étoit né Mœutézilé } et étudioit sous le Scheykh Aly Djubayi docteur fameux de cette même secte. On lit-dans sa vie que ce dogme fit un jour le sujet d'une discussion scholastique entre le maître et le disciple. Esch'ary demanda à Djubaji si l'innocence des enfans ne devoit pas, selon la doctrine des Sunnys , leur faire mériter auprès de la justice et de la clémence divines , la félicité du paradis. Ils n'y ont pas droit, répond le Scheykh , parce qu'ils n'ont ni le mérite des œuvres ni celui des pratiques religieuses. Ce défaut, reprit le disciple, peut-il donc leur être imputé à crime, puisqu'ils ne disposent pas de leur existence , et qu'ils ne K iij peuvent mériter le ciel qu'autant que l'Etre suprême les laisse vivre sur la terre , et y observer les lois du Musulmanisme ? Comment expliquer ce mystère? Je l'explique, reprend le Scheykh : Dieu abrège leurs jours par un eflèt de sa miséricorde, puisque sa prescience voit en eux des enfans indociles et rebelles qui , en grandissant , seroient des hommes vicieux et pervers, enclins à l'infidélité , et exposés par-là à se perdre éternellement. Telle sera, ajouta-t-il, la réponse de l'Etre suprême, si au jour du jugement ces enfans se plaignent d'avoir été enlevés du monde dans leur bas âge. Et si alors , repartit le disciple, les hommes qui meurent chargés d'iniquités et sans bonnes œuvres, reprochent à la miséricorde et à la prescience divines d'avoir prolongé en eux sur la terre périssable, une vie pleine de foi blesses , de vices et d'erreurs , et de ne les avoir pas fait mourir enfans, pour les dérober au feu de l'enfer et aux peines de l'éternité, quelle sera la réponse de ce grand Dieu juste et miséricordieux ? Le Scheykh, frappé de cette objection, ne put y répondre, et garda un CODE RELIGIEUX. i5i morne silence. Esch'ary le quitta aussitôt, et embrassa le même jour la doctrine des Sunnys , suivant le rit de l'Imam Scliafiy. Quoique ce dogme, qui consiste à. regarder la foi comme étant la seule vertu nécessaire pour mériter le ciel, soit très-dangereux par lui-même, chez des peuples sur-tout peu civilisés et peu instruits, ses influences ne sont cependant pas toujours aussi puissantes sur les mœurs et les passions qu'elles pourroient l'être. C'est sans doute l'effet de la sagesse des Imams commentateurs, et desScïieykhs prédicateurs, qui ne cessent de fulminer contre les vices et les crimes, en menaçant, comme on l'a déjà dit, les pécheurs et les transgresseurs de la loi, des peines temporelles et spirituelles , quelque passagères qu'elles soient d'ailleurs pour ceux qui meurent dans l'Islamisme. Cependant les esprits les moins religieux et les plus enclins à la dissolution , ne manquent jamais de s'appuyer sur ce dogme pernicieux pour justifier leurs excès. L'histoire des anciens Khaliphes et celle des Sultans Othomans n'en offrent que trop d'exemples. Plusieurs des K iy Monarques, des ministres , des officiers, des simples particuliers, ne se sont permis des atrocités et des barbaries que d'après cette croyance, que Dieu pardonne tous les crimes, et que la foi seule suffit pour acquérir la béatitude éternelle. On voit dans les annales de la monarchie, que Bayezld I ne se livra à la débauche et aux plus sales voluptés, que d'après les insinuations perfides du Grand-Vézir^//P^^c/z«. Ce ministre , clans la vue de gouverner seul l'Empire, ne cessoit de répéter à son maître qu'il pouvoit s'abandonner sans réserve à tous ses goûts ; que ses devoirs se réduisoient à trois points , à croire tout ce qui est de foi et de doctrine , à rendre la justice aux peuples, et à faire la guerre aux ennemis de l'Islamisme ; que tout le reste lui étoit permis, plaisirs, voluptés , jouissances ; que tout devoit plier au gré de ses vœux et de ses penchans ; qu'enfin Dieu étoit bon, miséricordieux, et que l'eau de la pénitence lavoit généralement tous les crimes. Il appuyoit ces principes abominables, ajoute le Mouphty historien Sad' ed-diny, Efendy, sur ces paroles du Cour'annj Certes ! (i) Dieu pardonne tous les péchés. Cet auteur relève avec autant de vérité que de sagesse la licence effrénée de la vie et des mœurs de Bayezid I , k laquelle il attribue absolument tous les désastres de son règne, de sa maison et de son Empire. Ce dogme coûta la vie à un homme de loi très-célèbre sous Suleyman I. Cette anecdote est digne de remarque. Cabiz Efendy , déjà très-avancé dans le corps des Oulémas , esprit singulier , mais très-instruit, et possédant à fond la science du Cour'ann et celle de l'Evangile, aimoit les Chrétiens , les admettoit chez lui, et se plaisoit à parler de la pureté des dogmes et de la sublimité de la morale chrétienne. Il disoit ouvertement à des Oulémas même, que Jésus-Christ étoit très-supérieur à Mohammed, et l'Evangile fort au dessus du Cour'ann. Il combattoit encorediff'érenspoints de la religion Mahométane, par des passages de l'ancien et du nouveau Testament. Cette conduite fit le plus grand bruit dans Constante) înnallah'i yaghfer'ul-Zunoub'i djemidnn. tinople. Tous les Oulémas se soulèvent ; ou arrête le nouvel hérésiarque; on le cite au Divan dans le Sérail même , le7 Safer q33 (i5 Nov. i5s6) , pour y subir un interrogatoire devant I'e Grnnd-Véz'ir Ibrahim Pascha et les deux Cazi-ashcrs qui sont les premiers magistrats de l'Empire. Le siège de Eoumilie étoit alors occupé par -Fenai'izadé Meuhhy'-cd-dinn Efendy > et celui d'Anatolie par Cadry Efendy. La naissance et la faveur soutenues par une grande fortune , faisoient tout le mérite de ces deux magistrats: ils n'avoient qu'une foible teinture du droit et de la théologie. Us commencent l'interrogatoire en ordonnante l'accusé d'exposer sa foi et sa croyance. Cabiz Efendy s'en acquitta du ton le plus ferme et le plus assuré. Il parla des principaux dogmes de l'Islamisme comme contraires au Cour'ann 3 dont il cita une infinité de passages, auxquels il donnoit une interprétation bien différente de celle des Imams commentateurs : il prétendoit que tout avoit été falsifié, et que le Cour'anny fondé, en grande partie , sur la Bible et sur l'Evangile , respectés par l'Islamisme même comme des livres divins, s'écartoit de l'esprit de ces deux premiers codes , qui contenoient également les eomman-demens de Dieu pour tous les peuples de la terre. Les deux juges, hors d'état de réfuter les assertions si savamment et si hardiment exposées par Cabiz Efendy > le déclarent, sans autre examen , infidèle et impie , et comme tel, le condamnent à mort, et accompagnent ce jugement de mille injures et de mille imprécations. Cette procédure frappa tout le Divan d'éton-nement et d'indignation. Le Grand- Vézir alors, prenant la parole, dit aux magistrats» d'un ton courroucé, que la violence n'appar-tenoit pas à leurs augustes fonctions; que la doctrine et la loi étoient pour eux les seules armes avec lesquelles ils dévoient combattre les sophismes et les erreurs de l'accusé, et que, suivant la loi, personne ne pouvoit être condamné à mort, qu'il n'eût été convaincu juridiquement de son crime. Les Cazi-ashers interdits remettent au lendemain l'examen de la procédure. Suleyman j , qui assistoit au \56 CODE RELIGIEUX. Divan, c'est-à-dire, derrière la jalousie placée au dessus du siège du Grand-Vézir, entendoit tout, mais d'une manière confuse. Au sortir du Divan , le Grand- Vézir ayant passé, selon l'usage , dans l'appartement du trône, suivi des sept Coubbé-Fézirs , qui , en ce temps-là , formoient une espèce de sénat, en rendit un compte exact au Sultan, qui, non moins, indigné et de l'ignorance et des procédés des deux Cazi-ashers , ordonna que cette affaire fût poursuivie le lendemain par le Mouphty lui-même et par Y Istambol Cadissy. II jugea qu'elle étoit assez importante pour mériter cetie dérogation aux règles constitutives de l'Etat et aux formalités des procédures ordinaires; car ni le Mouphty, quoique chef de la loi et de la magistrature Othomane , ni Ylstambol Cadissy , qui occupe le troisième tribunal de l'Empire , n'assistent jamais au Divan. Ce fut une espèce de délégation ou de commission extraordinaire en faveur de ces deux magistrats, et au grand déshonneur des deux Cazi-ashers en place. La Cour et tout Constantinoplc furent frap- pés d etonnement de voir, le jour d'après, le Mouphty Kemal Pascha Zadé Schems'/id-dinn Ahmed Efendy , et l'Istambol Cadissy Sady Efendy se rendre au Divan du Sérail. Ils avoient l'un et l'autre la plus profonde érudition. Le premier se mit à côté du Grand-Vézir} le second se plaça sur un fauteuil, devant ces deux premiers personnages de l'Empire. Cette nouveauté fit tant de sensation sur les esprits, que leCazy-asherde Rou-milie cédant à la honte et au dépit tout ensemble, quitta sa place et se retira brusquement. Cabiz, Efendy soutint devant ses nouveaux juges un nouvel interrogatoire , auquel il répondit avec la même fermeté et la même assurance que la veille. Il exposa derechef sa foi et sa croyance, avec les autorités et les explications qu'il avoit déjà données aux differens points de la doctrine et du culte de l'Islamisme. Le Mouphty les combattit tous, article par article , réfutant les principes de Cabiz Efendy , et appuyant son assertion sur differens passages du Cour'ann et de la Bible, et sur les gloses des commentateurs les plus estimés de la loi Mahométane. La vérité , dit ici l'auteur national, soutenue par la science et par l'éloquence de ce célèbre Mouphty , ne put enfin que triompher de tous les sophismes de ce nouvel hérésiarque, qui, la veille invincible, fut alors terrassé et réduit au silence. Ainsi , ajoute le môme auteur, convaincu légalement et théologique-ment de ses erreurs, le Mouphty l'exhorta à les abjurer, à en demander pardon à Dieu, et à rentrer sincèrement dans le sein de l'Islamisme , en renouvelant la profession de foi. Mais rien ne fut capable d'ébranler Cabiz Efendy. Ferme clans ses principes, il déclara qu'il ne trahiroit jamais sa croyance et sa conviction; sentimens dans lesquels il vouloit vivre et mourir. Après de nouvelles tentatives , également inutiles de la part àxiMouphty? ce chef suprême de la loi , dont la dignité n'exerce jamais aucun pouvoir judiciaire , signi fia à X Islamhol-Cadissy qu'il pouvoit user des droits de son autorité magistrale , et prononcer formellement la sentence de mort contre l'accusé , comme impie , infidèle et apostat de la foi Musulmane. L'arrêt signé fut à l'instant mis à exécution ; et l'infortunéCV^ù Efendy eut la tête tranchée clans le Sérail même. Dans cette anecdote si remarquable , la politique , plus encore que le fanatisme , porte l'auteur à donner cet apostat Mahométan pour un homme perdu de débauches, et dont l'esprit s'étoit égaré par un commerce fréquent avec les Chrétiens. Environ un siècle après en 1011 (1602), le règne de Mohammed III offrit un nouvel exemple à-peu-près de la même nature. C'étoit également un homme de loi, déjà très-avancé dans le corps des Muderriss , très-instruit, mais d'ailleurs sans conduite et sans mœurs. Il s'appeloit Nadady Sa/y Abd'ur-Rahhmaiw, Efendy : A ne croyoit ni au Mahometisme ni au Christianisme; c'étoit un impie qui tràitoit de fable le paradis , l'enfer , le jugement dernier , le mérite des bonnes actions comme le démérite des mauvaises. Il en parloit hautement ; il invitoit même ses parens et ses amis à adopter ses principes. Il fut enfin arrêté et cité au Divan, où les Cazy-askcrs Akhi-Zadé Efendy et Ess'adEfendy ) après avoir savamment combattu ses erreurs, et tenté inutilement de le ramener à l'Islamisme , le condamnèrent à mort , et le firent exécuter en plein Divan. 19°. Que la foi, Imann, consiste dans la croyance et dans la profession de tout ce qui a été révélé de la part de Dieu. Observations. La foi dont il est ici question, est celle des dogmes dont la croyance explicite et formelle est nécessaire au salut. Ils consistent en six articles, qu'on appelle les statuts de la foi, Schouwulh-Imann , et que l'on regard® comme les fondemens de la religion. Tous sont compris dans cette formule : Je crois en Dieu ( 1 ) y en ses anges > en ses livres , en ses Prophètes , au dernier jour du jugement, et (l) Ament'u iïdlah'i vc mcUïketliii vc kut kuJiu ve ?us-suluh'u v'el yewm 'ul-akhir vc b"d-:air khaîrih'ivt sch;r-rifii. a CODE RELIGIEUX. 161 à la prédestination divine , soit pour le bien soit pour le mal. Les interprétations des docteurs sur ces points donnent, i°. à Dieu les qualités les plus sublimes et l'unité pour le premier de ses attributs; 2,0. aux anges un nombre indéfini, en rangeant dans la plus haute classe de ces esprits célestes , les quatre archanges, Gabriel, Michel, Azraïl etlsrqfîij 3°. aux livres célestes le nombre de cent-quatre, dont les plu^s distingués sont, le Pentateuque, le Pseâutier, l'Evangile et le Cour'ann ; 40. aux Prophètes celui de cent vingt-quatre, mille, dont le plus grand et le plus auguste est Mohammed , qu'ils regardent comme le consommateur des prophéties et des mystères éternels ; 5°. au jour du jugement les particularités les plus singulières et les plus effrayantes pour l'humanité; 6°. enfin à la prédestination ou aux décrets divins, les effets les plus immuables sur la destinée spirituelle des hommes. On voit dans le recueil des Fethwas du Mouphty Behhdjé Abd'ullah Efendy , qUe la connoissance et la confession de ces six arti-TOME I. L m CODE RELIGIEUX, cles de foi est suffisante pour constituer dans l'homme le caractère de l'Islamisme. Tout Mahométan qui les ignoreroit, seroit obligé, au moment de son instruction, de renouveler sa profession de foi, et même son mariage, puisque dans cet état d'ignorance , la religion ne l'envisage plus comme un membre de la société Musulmane. On verra plus bas le développement de tous ces points. 20*. Que les bonnes œuvres sont susceptibles d'augmentation, mais que la foi n'est susceptible ni d'augmentation ni de diminution. 2i°. Que la foi et l'Islamisme sont une seule et même chose ( 1 ). C. L'Islamisme signifie un abandon total, une résignation entière et parfaite aux vérités révélées. C'est un édifice sacré, élevé sur cinq articles du culte public, qui en sont comme les colonnes principales, selon cette parole du Prophète -.L'édifice de l'Islamisme est appuyé (i) V'd Imann v'el Isslam wahhid. sur cinq points (i); savoir, i°. la profession de foi ; 2.0. la prière, Namaz "j 3°. la dîme au-mônière ; 4°- le jeûne canonique , et 5°. le pèlerinage de la Mecque. Observations. Ces cinq articles, qu'on ne doit pas confondre avec les dogmes dont on a parlé ci-dessus, sont relatifs au culte extérieur. On les appelle Schourouth-Islam , les statuts de l'Islamisme. La profession de foi , Teschehhud (2), consiste en ces paroles : Je confesse qu'il n'y a point de Dieu sinon Dieu , et que Mohammed est son serviteur et son Prophète. Une autre formule encore plus précise est celle-ci : II n'y a point de Dieu sinon Dieu , et Mohammed est le Prophète de Dieu (3). Ces paroles , disent les docteurs , sont celles que proféra l'ange Gabriel pour imprimer au Prophète le caractère de l'islamisme , lors de (1) Benly 'ul-hslam ala Khamss'ïnn. (1) On l'appelle encore Kelïméy - Schehhadéth , ou KeLiméy- Tewhhid. (3) La ïlahy ilV allah ve Mohammed ressoul 'ullah. î64 code religieux, sa première apparition dans la grotte de la montagne de Dira, où il lui enseigna le premier des chapitres du Cour'ann. Pendant les treize premières années de sa mission, jusqu'à l'époque de sa fuite de la Mecque à Médine où il prit les armes contre ses ennemis, Mohammed avoit borné ses prédications à ces paroles : Il n'y a point de Dieu sinon Dieu j je suis le Prophète de Dieu. C'est pour cette raison que l'Islamisme consacra ces mêmes paroles , qui servent de profession de foi dans tous les cas où un Mahométan est tenu de la renouveler par obligation légale et religieuse. A l'égard des étrangers qui embrassent cette doctrine, ils sont encore tenus de confesser que la religion de Mohammed est la seule véritable , et que généralement toutes les autres sont fausses. Ces cinq articles, tous relatifs au culte extérieur , forment la partie rituelle de l'Islamisme, comme on le verra plus bas. 220. Que le fidèle et l'infidèle, l'homme religieux et l'homme impie, peuvent réciproquement perdre et recou- CODE RELIGIEUX. 160 vrer la foi (1); que cet état de changement est dans Tordre des vérités de la religion ; mais qu'il n'en est pas de même des élus et des réprouvés, dont le sort est arrêté dans les décrets de l'Eternel, attendu que la prédestination est dans l'essence de Dieu , et que Dieu et son essence sont immuables. C. C'est l'état où se trouvent les hommes au moment de leur mort, qui met le sceau à leur caractère de fidélité ou d'infidélité. Quelle qu'ait été leur vie passée , elle n'y influe pour rien. Ainsi quiconque auroit vécu toute sa vie infidèle , s'il se convertit, est dès-lors réputé fidèle; de même celui qui auroit toujours vécu dans le sein de la foi , s'il se pervertit à ses derniers momens , sera réputé infidèle. Le dogme de la prédestination des élus et des réprouvés est appuyé sur cette parole du Prophète : L'élu (2) comme le réprouvé, sont (0 V'ts-sa'id cadyouschca v'esch-schaky cadyouss'ad-(2) V'cssaïd tnén sad'c ji bain ummefiu vesck-Scfiaky mêtr Sch.ika fi batn ummcKu. Liij •prédestinés au bonheur ou au malheur éternel } étant encore l'un et Vautre dans le sein de leur mère. Observations. On voit ici que l'Islamisme admet d'un côté le libre arbitre, et de l'autre les principes d'un des!in immuable. La loi envisage l'état religieux du Musulman sous deux points de vue généraux , relatifs , l'un à l'état temporel, l'autre à l'état spirituel. Sous le premier rapport, l'homme qui est attentif à ses devoirs et à tout ce que prescrit la législation religieuse pour le culte, pour la morale, pour les lois civiles et politiques, est désigné sous le nom de Salihh , vertueux, ou Ehhl-taathj observateur de la loi. Mais celui qui néglige ou viole ses obligations, est appelé Fassik , vicieux , ou Assj ■> prévaricateur. Sous le second rapport , le Musulman qui a la foi, seule vertu nécessaire pour mériter le ciel, est qualifié du nom de Saïdqui veut dire, heureux, fidèle, élu. Celui au contraire, qui en est dépourvu , est appelé Schah y ou Keafir} c'est-à-dire , pervers , infidèle , ré-» prouvé. CODE RELIGIEUX. 167 La doctrine de ta prédestination n'est relative qu'à ce second état de l'homme. D'après ce principe, le fatalisme , chez les Musulmans, se réduit à ces trois points généraux : savoir > i°. que la prédestination ne regarde que l'état spirituel ; 2,°. qu'elle n'embrasse pas tout le genre humain, mais seulement une partie des mortels prédestinés, même avant leur naissance , à être du nombre des élus ou des réprouvés ; 3°. qu'elle n'a aucun rapport à l'état moral, civil et politique , parce que dans les principes de cette religion, l'homme n'est jamais privé de son libre arbitre dans aucune de ses actions. Telle est l'opinion des Mouphtys et de tous les docteurs de la loi. Appuyés sur l'autorité des anciens Imams , ils déclarent d'une manière positive, que quiconque nie le libre arbitre, Ikhtiyar-Djuz'y, en attribuant les actions humaines à la seule volonté de l'Etre suprême , pèche contre la religion, et que s'il persiste dans son erreur, il est réputé impie, infidèle, et à ce titre, digne de mort. Ce point si important se réduit donc à cette opinion commune parmi les gens de loi, que dans toutes les circonstances de la vie et dans tontes les entreprises publiques ou particulières , on doit d'abord implorer les lumières célestes, par l'intercession du Prophète et de tous les saints du Musulmanisme ; ensuite réfléchir , délibérer, consulter ses propres lumières , en usant de tous les secours que peuvent suggérer la prudence, l'expérience et la raison. Ce n'est qu'après avoir employé ces moyens, que l'on peut attribuer aux décrets éternels les événemens humains, auxquels on doit alors se soumettre avec une résignation absolue. Malgré ces sages explications des docteurs, et les dispositions textuelles de la loi qui restreint le dogme de la prédestination à la vie future, un préjugé toujours dominant dans les esprits, en étend les influences jusqu'aux actions civiles et morales de l'homme. Presque toufe la nation se tient au principe d'un destin immuable arrêté dans les décrets du ciel, et n'admet que foiblement l'exercice et les effets du libre arbitre. Le peuple, les esprits vulgaires parmi les Grands, les Monarques CODE RELIGIEUX. 169 eux-mêmes en sont imbus ; il influe sur les actions particulières de chaque individu, comme sur les oj3érations générales et publiques du corps social. Delà cette espèce d'engourdissement léthargique où vit la nation Musulmane, et cette résignation parfaite avec laquelle elle supporte , sans trop d'examen, les événemens fâcheux, les accidens particuliers , les malheurs publics. Attribuant tout à la volonté suprême de l'Eternel , à une main céleste et invisible, qui dirige impérieusement et les pas de chaque mortel , et la marche générale du corps politique, elle néglige les ressources de la raison, de la prévoyance, et des saines combinaisons de l'esprit. Cette fatale opinion enchaîne les bras du Gouvernement sur les mesures que dicteroient le bon sens et l'exemple des autres Etats, pour prévenir les ravages si fréquens des incendies , le rléau presque continuel de la peste, etc. Le Musulman qui voit sa fortune réduite en cendres ou enlevée par une main avide, l'individu frappé de la contagion, le marin qui périt au pied d'un rocher par l'inhabileté du 170 CODE RELIGIEUX pilote, le malade victime de l'ignorance d'un empirique, le sujet enfin qui se voit écrasé sous le poids d'une autorité arbitraire, tous se soumettent à leur malheureux sort avec une éjale résignation. Le moindre murmure est taxé d'irréligion , d'attentat, de doute criminel contre les décrets célestes. Ils regardent leur meurtrier , l'auteur de leur infortune, comme un instrument entre les mains de la Providence , qui exerce sur eux l'arrêt irrévocable de leur destinée , arrêt, disent-ils, écrit sur leur front dès avant leur naissance, et dont l'événement est par-là même au dessus de toute sagesse et de toute prévoyance humaine. Ce fatal isme est consacré sous le nom de Takdir ou Kissméth ; dans tous les événemens de la vie, heureux ou malheureux, ces mots sont toujours dans la bouche des Musulmans de toutes les classes et de toutes les conditions. Cependant les influences de ce système désastreux sont plus ou moins puissantes sur l'Etat en général, selon le génie, les lumières et les préjugés plus ou moins dominans sur l'esprit des Monarques et des ministres qui CODE RELIGIEUX. 171 sont à la tête de l'administration. Quelques-uns des Khaliphes et autres princes Mahométans se mirent au dessus.de ce préjugé, pour ne consulter que leurs lumières, conformément au dispositif de la loi. On lit dans l'histoire des premiers, qu'Orner marchant contre la Syrie, l'an 8 de l'Hégire, lorsqu'il eut appris sur la frontière, que la peste désoloit cette contrée, s'arrêta tout-à-coup avec son armée, remit son expédition à l'année suivante, et reprit le chemin de Médine, le premier siège du Khaliphat, au gand étonnement, au scandale même de toute sa Cour. Notre Khaliphe, di-soit-on , fuit les arrêts immuables du destin. Ebii-Œubejdé, l'un de ses plus intimes con-fidens , lui rapporte ces propos, en lui témoignant aussi quelque surprise sur un procédé si contraire, disoit-il, au dogme de la prédestination. » Vous êtes dans l'erreur, lui dit » Orner ; vous ignorez, sans doute, le pro-» nonce de notre saint Prophète, qui, inter-» rogé sur ce point, déclara que celui qui se » trouvoit déjà au feu devoit se résigner à » Dieu , mais que celui qui étoit hors du feu, >> ne devoit pas s'y exposer. « Bayêùd II suivit cet exemple que l'Islamisme a consacré, ainsi que tous les préceptes et toutes les pratiques observées par les quatre premiers Khaliphes , comme disciples et vicaires immédiats du Prophète. On voit dans l'histoire de ce Sultan , que dans un voyage qu'il fit kAndriiiople l'an 89Ô (1490), ayant été informé près de cette ville, que la peste commençoit ày faire des ravages, il s'arrêta aussitôt, et demeura plusieurs semaines à Ipsala et à Kumuldjené. Deux ans après, revenant de son expédition d Albanie, comme le même fléau désoloit alors la capitale, il alla droit à Andrinopleyy passa le reste de la belle saison, et ne rentra dans Constantinople qu'au commencement de l'hiver, après l'entière cessation de cette cruelle épidémie. Ce Sultan ne consulta encore que sa prudence, dans un tremblement de terre qui, en oiô (i5oo), renversa une grande partie de Constantinople. Il quitta ses appartemens du Sérail, campa sous des tentes dressées au milieu de la seconde cour du Palais ; et les secousses continuant encore, il sortit de la ville quelques jours après, et alla demeurer à Démotica, dans un édifice de bois, jusqu'à ce que le sol se fût entièrement raffermi. Ces exemples, appuyés d'ailleurs sur les vrais principes de la loi, seraient une arme puissante dans la main d'un Sultan éclairé et entreprenant , pour détruire dans les esprits les fausses opinions d'où dérivent une grande partie des maux physiques et politiques qui désolent constamment l'Empire. Si donc les Othomans ne se précautionnent pas contre les ravages affreux et presque perpétuels de la peste , s'ils n'établissent pas des Lazarets à Constantinople et dans les autres grandes villes de l'Empire, s'ils ne construisent pas des maisons de pierre pour, se garantir plus sûrement de la désolation des incendies ; en un mot, s'ils n'adoptent pas dans l'administration civile et politique, les sages maximes des Européens, ce n'est ni la religion ni la loi qui s'y opposent, mais bien ces funestes préjugés sous lesquels gémit la nation entière, d'autant plus aisés à détruire, qu'on peut les combattre le . Cour'ann à la main. Il ne faut pas croire d'ail leurs que les Musulmans ne s'écartent jamais de ce principe; rien de si opposé que leur conduite journalière avec ce dogme du fatalisme : ceux-mêmes qui l'adoptent d'une manière absolue, ne laissent pas de recourir à toutes les ressources de l'art, de la science , de l'intrigue , de la protection, etc. pour trouver du soulagement dans leurs maux, pour avancer leur fortune, seconder leurs vues ambitieuses, etc. Les Khaliphes et les Sultans qui ont fait mettre à mort tant de princes collatéraux , dans la seule vue, ou de prévenir des troubles, ou d'assurer le trône à leurs propres enfans, n'ont assurément pas consulté les principes de la prédestination en prononçant ces arrêts barbares. Au reste ces opinions ne captivent les esprits au point d'y étouffer les saines lumières de la raison, que sous des princes efféminés ou im-bécilles, et sous des Vézirs foibles ou bornés. Le défaut de lumières , de nerf, de génie , si nécessaires pour bien gouverner et soutenir avec éclat le poids des affaires publiques, leur fait ordinairement attribuer aux arrêts du ciel CODE RELIGIEUX. i75 e sort de l'Etat en général ; ce qui n'est pas toujours l'effet d'une conviction intime de la vérité du principe , mais bien celui d'une adroite politique. Ce système leur sert souvent de bouclier contre les mécontentemens ou les fureurs du peuple dans tous les événemens fâcheux qui naissent, et des vices de la constitution, et des abus du Gouvernement, et du manque de prévoyance dans la marche même ordinaire des objets politiques. Ainsi, d'un côté , ce préjugé caressé par des ames foibles et indolentes , qui l'envisagent comme un oreiller sur lequel ils posent la tête et s'endorment , sert, de l'autre, d'arme tranchante dans des mains habiles et vigoureuses pour exécuter , sans plainte et sans murmure, tous les projets de la politique ou de l'ambition. Les grandes entreprises, les actions éclatantes de divers Khaliphes et de plusieurs princes Mahométans , sur-tout des premiers Souverains de la maison Otbomane , depuis Osman I jusqu'à Selim II > secondés par les hommes célèbres qui se formèrent dans leurs conseils et dans leurs armées, prouvent la vérité de cette assertion. Des esprits élevés , des génie* supérieurs tirent ordinairement parti de tout, et loin de se laisser enchaîner par des préjugés ou des opinions vulgaires, ils s'en servent au contraire, selon les circonstances, comme d'autant de moyens propres à favoriser leurs entreprises, sur-tout lorsqu'elles ont pour objet le bien de l'Etat et l'intérêt public. Sous ce point de vue, on doit convenir que ces mêmes préjugés, quelque funestes qu'ils soient, produisent souvent d'heureux effets : ils donnent au cœur et à l'esprit de puissans ressorts, et à l'Etat de grands avantages. Ils soutiennent et relèvent la valeur de la nation, naturellement belliqueuse , et garantissent quelquefois l'Etat de ces convulsions que les malheurs publics entraînent ordinairement après eux ; en un mot, c'est à cette opinion du fatalisme , et à la loi qui ordonne de marcher contre les Chrétiens , pour la défense et la propagation de l'Islamisme, comme aux promesses que fait la religion de couronner du martyre ceux qui meurent les armes à la main , que l'on doit principalement attribuer ces exploits exploits héroïques qui, en tant d'occasions , ont signalé le courage et l'intrépidité des nations Mahométanes, sur-tout des Arabes > des Tatars et des Olhomans. Ces matières seront encore plus amplement développées dans le corps de l'ouvrage. 23°. Que la mission des Prophètes est un mystère; que ces hommes miraculeux , envoyés par Dieu même pour annoncer au monde ses miséricordes., ou ses vengeances, et l'instruire dans les choses du temps et de l'éternité , ont prouvé leur mission par des prodiges ou des événemens qui dérogent aux lois de la nature. C. Les Prophètes sont des médiateurs entre Dieu et les hommes. Us consolent les fidèles et les observateurs de la loi, en leur promettant les récompenses du ciel ; et foudroient les infidèles et les prévaricateurs, en les menaçant de l'enfer et des peines éternelles. 24°. Qu'Adam est le premier et Tome I. M i78 CODE RELIGIEUX. Mohammed le dernier des Prophètes ; que tous ont été des ames droites et saintes, chargées par l'Eternel d'ins-- truire les hommes et de leur annoncer • ses vérités; que leur nombre, quoique marqué en differens passages du Ha-dis s , n'est cependant pas un article révélé par Dieu lui-même ; qu'ainsi il est de la prudence de ne pas le déterminer d'une manière absolue , crainte d'y admettre ceux qui n'en sont pas , ou d'en retrancher ceux qui pourroient en être. C. Le nombre des Prophètes, selon la parole de Mohammed, est de cent vingt-quatre mille. 20°. Que ( 1 ) Mohammed est le plus éminent et le plus excellent des Prophètes. ( i ) efiaFul-ennbiya Mohammed '«« alàfiis-Selam. C. Tous les Prophètes, à commencer par Adam , ont été doués des grâces de la révélation, Wahhj} en vertu desquelles ils ont promulgué des lois positives et des lois négatives. La mission de tous a été également constatée par des prodiges, sur-tout celle de Mohammed. Les miracles infinis qu'il a opérés pendant les vingt-trois années de son apostolat, les vertus et les qualités éminentes dont il fut décoré, tant avant qu'après l'époque de sa mission divine, les faveurs spéciales dont il a été comblé par l'Etre suprême, la grâce que le ciel lui a faite de triompher de tous ses ennemis, de recevoir le Cour'ann , de promulguer une doctrine sainte , d'établir une religion qui est au dessus de toutes les autres religions, et qui, selon les promesses de l'Eternel , se perpétuera et se conservera jusqu'à la consommation des siècles, le placent à la tête de tous les autres; enfin Mohammedy le dernier des Prophètes , la gloire des nations, et le prince par excellence des enfans d'Adam , a été envoyé non-seulement aux Arabes y mais à tous les peuples de la terre, aux êtres spiri- Mij i8o CODE RELIGIEUX, tuels (i) comme aux êtres corporels. Jésus-Christ lui-même, qui viendra vers la fin des temps, ne fera que suivre sa loi, sa doctrine, ses pratiques, et il exercera les fonctions d'Imam en qualité de Khaliphe de ce coryphée des Prophètes; Mehhdj (2) , inférieur à Jésus-Christ > le suivra dans ses fonctions et dans l'exercice de son Imamélh (3). Observations. Après avoir vu quelle est la doctrine de l'Islamisme sur son fondateur, comme sur les anciens Prophètes, il n'est peut-être pas moins intéressant de connoître aussi le langage et les opinions des anciens Imams, tels qu'on les retrouve dans le même auteur Ahmed-Efendy, Tous les docteurs distinguent, parmi les Prophètes appelés Nébj , les Envoyés de Dieu, Ressoul y comme étant les seuls favorisés des livres célestes et des grâces de la révélation, (1) Djinn ve Inns. (2) On verra plus bas ce qu'est ce Mehhdy. (3) Cet Imaméth est relatif au sacerdoce, à l'exercice des fonctions religieuses et spirituel]es. ce qui est censé mettre leur caractère fort au dessus de celui des simples Prophètes. Us appuient cette opinion sur la parole môme de Mohammedqui a déclaré que dans les cent-vingt-quatre mille Prophètes , on devoit distinguer trois cent treize Ressouh ou Envoyés célestes, par l'organe desquels l'Etre suprême a révélé aux hommes les mystères de ses volontés éternelles. Ainsi la religion Mahométane range dans la classe des Prophètes tous les Patriarches et tous les Saints de l'ancienne loi ; elle honore la mémoire de tous, et consacre même quelques-uns d'entre eux par des dénominations distinguées. Elle appelle Adam le pur eii Dieu , Safî'y-Ullah j Seth l'envoyé de Dieu, Ressoul'-Ullahj Enoch l'exalté en Dieu, Refiy'-UI/ahj Noé, le sauvé en Dieu , Nedjiy*-Ullali} Abraham, l'ami de Dieu , Khalil' - Ullah ; Ismaël , le sacrifié en Dieu , Zebiy'-UUah j Jacob , l'homme nocturne de Dieu, IsràiV-Ullahj Joseph, le sincère en Dieu, Sadik'-Ullah ; Job, le patient en Dieu , Sabour-Ul-lah j Moyse , la parole de Dieu , Kelam'-Ul- M iij \m CODE RELIGIEUX. lah j David, le Khaliphe ou Vicaire de Dieu, Khalijet'-Ullah j et Salomon, l'affidé de Dieu, Emin'-Ullah ; etc. Jésus-Christ est distingué au dessus de tous; il est appelé l'esprit de Dieu, Rouhh'-Ullah , puisque l'Islamisme admet sa conception immaculée dans le sein de la sainte Vierge ; enfin Mohammed , vénéré comme le plus grand des Prophètes, porte, entre autres noms sublimes, plus généralement ceux de prince ou de coryphée des Prophètes, Seyyid-ul Ennbiya, et d'intercesseur au jour du jugement, Schéjy-rouz-djeza. Le même auteur décrit aussi les vertus miraculeuses, que la tradition Mahométane , mélange bizarre de fables et de vérités, attribue à plusieurs des anciens Prophètes. On y lit qu'Abraham , Ibrahim, jeté par Nemroud dans une fournaise ardente , s'y promenoît comme dans un bosquet de rosiers, en louant et bénissant l'Eternel. Après Adam et Seth , ce Patriarche est regardé comme le fondateur duKeabé de la Mecque j l'instituteur de la circoncision, à laquelle il se soumit le premier, à l'âge de quatre-vingt-dix-neuf ans; et le père des Arabes, c'est-à-dire, de la tribu appelée MusstaribéouMutéaribé , à cause de l'alliance d'Ismaël avec la maison de Djerhhem , fondatrice de la. Mecque, et d'où descend Mohammed. Enfin c'est à ce Patriarche que l'on attribue l'origine des pratiques essentielles de l'Islamisme , telles que les purifications, le pèlerinage, etc. Il passe aussi pour le premier des hommes qui eut des cheveux blancs, qui fit usage de ciseaux sur les moustaches, et de rasoir pour les autres parties du corps ; pratiques scrupuleusement observées par les Mahométans. Moyse, Moussa, est qualifié de libérateur et de législateur du peuple d* Israël. Il étoit marqué d'une verrue au nez, et d'une autre au bout de la langue. 11 reçut du ciel la Bible, dans laquelle l'Eternel lui révéla ses mystères et ses lois. David, Dawoud, qui de berger devint Prophète et Roi de Jérusalem, reçut aussi du ciel le Pseautier en cent cinquante chapitres qui contenoient des mystères ineffables , beaucoup de préceptes de morale , l'annonce de tous les M W désastres des Juifs et de tout ce que cette nation avoit à souffrir de la tyrannie du Roi Na-buchodonosor, Boukhth'un-Nassr. La douce mélodie de sa voix avoit la vertu d'enchanter les oiseaux, d'amollir le fer , d'aplanir les montagnes , etc. Salomon , Sulejman , est regardé comme le plus grand , le plus magnifique et le plus glorieux de tous les Monarques de la terre. Dieu soumet à sa puissance l'Orient et l'Occident. Presque tous les Rois du monde rendent hommage à sa grandeur par les plus riches et les plus superbes présens. Belkyss, cette Reine célèbre de Y Yémen , va en personne à Jérusa-salem admirer la sagesse de ce Roi Prophète. C'est à lui que le ciel avoit réservé le bonheur d'élever le fameux temple de Jérusalem , consacré sous le nom de Beyth'ul-Moukad-dess, la maison sainte. Ce temple, qui étoit le centre du culte public des Israélites, et le dépôt des monumens les plus précieux de l'antiquité , éprouva, quatre siècles après, le sort le plus funeste. Il fut réduit en cendres par l'impie Nabuchodonosor, le destructeur de 'érusalem} et le fléau du peuple ^Israël. ifférens princes de la suite de ce tyran se artagèrent les dépouilles et les ornemens crés du temple. L'Empereur grec Sultan-oum eut la veste (i) d'Adam et le bâton (2) e Moyse j celui d'Antioche > le trône (3) de a Reine Belbyss } celui à?Arménie , l'éme-aude (4) de Zoulcarneynn ; et celui à'Es-agne, la table d'or (5) de Salomon. Cette able, ajoute l'auteur, fut trouvée dans Y Andalousie , lorsque le célèbre Moussa-Ibn-Jassir en fit la conquête. Ce Général l'envoya n Syrie ? d'où les Khaliphes Ommiades la firent transporter à la Mecque. Elle a servi depuis à garnir la porte du sanctuaire Keabé. Esdras, Œuzeyry est honoré comme l'un des plus grands Prophètes. Echappé des fers de Nabuchodonosor? il retourne à Jérusalem ruinée. La perte de la Bible mettoit le comble C 1 ) Hillé-y-adétn. ( 1 ) Assa-y-moussa. (3) Arsch-belkiss. (4) Yakoutè-y-^pulcarnèynn. ( 5 ) Maïdè-y-suleymann. 186 CODE RELIGIEUX, à la désolation de cette ville; mais Esdras , éclairé de l'esprit de Dieu, s'assied sous un arbre, et retrace sur le papier tout ce saint livre. Peu de temps après, une femme le retrouve dans un souterrain : on confronte les deux livres , et l'on n'y aperçoit aucun mot de différence. C'est alors que l'impiété des hommes alla jusqu'à donner à Esdras la qualification de fils de Dieu. On parle de Salih comme du premier des Prophètes Arabes. On lui attribue, entre autres prodiges, celui de la chamelle céleste , Nakath'ullah , qu'il fit sortir , avec un cha-melon, du sein d'un grand rocher. Ce miracle, opéré dans le Hidjeaz , au milieu d'une fête païenne , entraîne la conversion d'un grand nombre de ces idolâtres ; mais peu après ils retombent dans leurs erreurs , et Ahmer-Se-moud a l'impiété de couper les jarrets à la chamelle. Les cris et les hurlemens du cha-melon attirent sur eux la colère de Dieu, et une voix effroyable , tonnant sur toute XArabie , frappe de mort tout ce peuple, connu alors sous le nom de Semoud. Ce nom fut de- uis en horreur parmi tous les Arabes qui omparent encore aujourd'hui toute action ique ou sacrilège à celle de l'impie Semoud* e trait du chamelon est également conservé, ans la mémoire des Arabes , comme une hose mystérieuse. Jamais les désastres publics e s'annoncent que par ces paroles : C'est le ri fatal du chamelon céleste. Khidir et Elle occupent aussi un rang dis-ngué dans cette légion des Prophètes. Le om du premier signifie verdoyant, par allu-ion à la vertu qu'il avoit de faire naître par* out sous ses pas une verdure agréable et char-ante. Us sont regardés comme les protec-eurs et les dieux tutélaires des voyageurs; le remier sur mer , le second sur terre, qu'ils arcourent sans cesse l'un et l'autre pour cet objet. On croit que dans leurs courses rapides t constantes , ils se rencontrent une fois l'an Mina, aux environs delà Mecque, le jour de la station des pèlerins. Le s3 avril v. s., fête de S. George, est un jour consacré par l'Islamisme , sous le nom de ces deux Prophètes, que l'on appelle vulgai- rementKhidrellèz. Il est, chez les Othomans, une époque fixe pour différentes opérations civiles, politiques et militaires; telles sont le départ de l'escadre ordinaire destinée à croiser dans X Archipella sortie des troupes de leurs quartiers en temps de guerre ; celle de tous les chevaux du Grand Seigneur, lorsqu'on les envoie à la prairie ; la livrée d'été que prennent tous les Tschocadars du Sérail et de la Cour, etc. Il sert encore d'indication pour le printemps , de même que le 2,6 octobre v. s., fête de S. Dimitri, que l'on appelle Cassim , indique le retour de l'hiver, etc. L'Islamisme place notre divin Rédempteur à la tête de tous ces Prophètes. Voici comment l'auteur Mahométan s'énonce sur la naissance, la vie et la mission de notre Seigneur : » Jésus , fils de Marie , est né à Bethléem, » Beyth'ul-lahhm , qui veut dire , maison des » viandes ou marché du bétail. Marie, fille » d'Amrann et d'Anne, descendoit, comme » Zacharie et Jean-Baptiste, de la tribu de » Juda, Yehhoud, par Salomon. Jésus-Christ, » ce grand Prophète, naquit d'une Vierge par CODE RELIGIEUX. 189 le souffle de l'archange Gabriel, le 2,5 dé- > cembre 5584 » sous *e règne d'Hérode , et l'an 42, & Auguste , le premier des Césars. Il eut sa mission divine à l'âge de trente ans, » après son baptême par S. Jean-Baptiste dans > les eaux du Jourdain, Erdénn. Il appelle les » peuples à la pénitence. Dieu lui donne la vertu d'opérer les plus grands miracles. Il » guérit les lépreux, donne la vue aux aveu-» gles, ressuscite les morts, marche sur les » eaux de la mer; sa puissance va jusqu'à ani-» mer par son souffle un oiseau , Khajasch , » fait de plâtre et de terre. Pressé par la faim, » lui et ses disciples, il reçoit du ciel, au milieu » de ses angoisses et de ses ferventes prières, » une table couverte d'une nappe et garnie d'un » poisson rôti, de cinq pains, de sel, de vinai-*> gre, d'olives, de dattes, de grenades , et de » toutes sortes d'herbes fraîches. Us en man-» gent tous , et cette table céleste se présente » dans le même état, pendant quarante nuits * consécutives. Ce Messie des nations prouve » ainsi son apostolat par une foule de prodi-» ges. La simplicité de son extérieur, l'humi- iqo CODE RELIGIEUX. » lité de sa conduite, l'austérité de sa vie, la » sagesse de ses préceptes, la pureté de sa mo-» raie , sont au dessus de l'humanité : aussi » est-il qualifié du nom saint et glorieux de » Rouhh'Ullah , l'esprit de Dieu. Il reçoit du » ciel le saint livre des Evangiles , Indjil-» Schérif. » Cependant les Juifs corrompus et pervers » le persécutent jusqu'à demander sa mort. » Trahi par Judas, et près de succomber sous » la fureur de ses ennemis, il est enlevé au » ciel, et cet apôtre infidèle, transfiguré en la i> personne de son maître, est pris pour le » Messie, et essuie le supplice de la croix avec » toutes les ignominies qui étoient destinées à » cet homme surnaturel, à ce grand Saint, » à ce glorieux Prophète. Ainsi Enoch , Khi-*> dir, Elle et Jésus-Christ , sont les quatre » Prophètes qui eurent la faveur insigne d'être » enlevés au ciel vivans. Plusieurs Imams » (ajoute le même auteur), croient cependant » à la mort réelle de Jésus-Christ, à sa résur-» rection et à son ascension, comme il l'avoit » prédit lui-même à ses douze apôtres, chargés CODE RELIGIEUX. 191 | de prêcher en son nom la parole de Dieu à » tous les peuples de la terre. « Après Jésus - Christ, l'Islamisme n'admet plus de Prophètes jusqu'à la naissance de Mohammed. Cette période de six cents trente-deux années lunaires , suivant la même chronologie , est par-là même , appelée Eyyam-* fetréth, qui signifie un interrègne spirituel ou prophétique. Ceux, continue ïe même historien, qui, durant cet intervalle, s'arrogèrent la qualité de Prophètes et d'Envoyés célestes, furent des imposteurs. Ces siècles, dit-il encore , appelés temps d'ignorance, Wakth-djehhaléth destinés à la préparation et à l'annonce d'un Prophète plus grand encore que Jésus-Christy n'ont produit que des Saints, Soulehha, tels que i°. les Asshab'-ul hehhj'? qui, fuyant les persécutions de l'Empereur des Grecs, s'enfermèrent à Tarsousy dans une grotte, où ils vécurent pendant trois cents neuf ans, toujours dans les gémissemens et les larmes ; 20. Hunnzala y qui s'attira par ses saintes prédications une mort cruelle à Has-soura j 3°. Djirjiss } S. George, qui , livré dans Moussoul au dernier supplice , mourut et ressuscita trois fois ; 40. KhaliLIbn-Senann > qui, avec son bâton mystérieux , éteignit les flammes dévorantes , Jiéda 'j qui désoloient toute la campagne entre la Mecque et Médine , et dont personne ne respecta les prédictions qu'il fit sur sa mort et sa résurrection, pas même ses parens, qui se refusèrent à ouvrir sa fosse le troisième jour de son décès, comme il l'avoit demandé par son testament, etc. L'imagination la plus exaltée semble avoir tracé l'histoire de la mission de Mohammed. Mohammed j dit cet auteur, la lumière du monde, la gloire des nations , le dernier et le plus grand des Prophètes , naquit à la Mecquele 10 delà lune Rcbi'ul-Ewel 6i63. Il étoit fils ÏÏAbd'ullah et à'Eminé., et des-cendoit, de père et de mère, de Fihr-Cou-reysch, la souche de la tribu la plus illustre parmi les Arabes , et dont les deseendans des diverses branches occupoient alors les dix dignités de Schérifs, qui formoient le gouvernement aristocratique de la Mecque. Son apostolat , continue le même écrivain , fut reconnu, confessé confessé et annoncé par les Prophètes et les Envoyés célestes qui ont pièché les hommes dans tous les âges et dans tons les siècles écoulés avant lui. Tous les peuples de la terre, tous les enfans d'Adam , depuis la création .du monde jusqu'à la fin des temps, sont censés réunis dans un corps de nation, en lui seul, comme leur chef, leur conducteur, leur lumière, et le consommateur des prophéties et des mystères éternels. Il existoit avant Adam , selon ces paroles sacrées : Adam ( i ) éloiù encore entre le corps et Vesprit, entre Veau et la terre , que fétois Prophète. Adam > à peine créé, eut le surnom d'Eb'u Mohammed j c'est-à-dire, le Père de Mohammed. En ayant demandé l'explication, Dieu lui ordonna de lever les yeux , et ce premier père des hommes vit le saint nom de Mohammed écrit dans l'empirée sur le trône même de l'Eternel, Arsch, couvert du voile étince-lant de la lumière prophétique, Nour-Mo-hammedy. Adam, en extase, entendit alors (i) Kuntu nebiycnn ve adem '« beyn er-rouhh vel djes-sed, bcynel ma vet-ùnn. Tome L N 194 CODE RELIGIEUX. , ces paroles divines : Cette lumière est celle (Yun Prophète qui naîtra de ta race , et dont le nom aux deux est Ahmed , et sur la terre y Mohammed. Sans lui, je n3'aurois crééni toi , ni la terre y ni les deux. Ainsi Mohammed est le Prophète des Prophètes, Nebiy'ul-Enbiya. Tous se placèrent sous lui, sous son Imameth, la nuit de son enlèvement aux cieux , et tous se rangeront sous sa bannière sacrée , au grand jour des jugemens. Sa naissance et sa mission divine, ajoute le même auteur, se trouvent encore annoncées avec les caractères les plus visibles et les plus évidens dans tous les livres célestes, et dans la Bible et dans l'Evangile. Il est écrit dans le livre de Moyse, que Dieu dit à Abraham : Certes! j'ai exaucé tes vœux pour Ismaël. Je l'ai béni; j'ai multiplié et exalté sa racej il aura douze enfans y qui formeront un grand peuple. Onj7 lit encore : Dieu a paru à Sina ; il s'est montré à Sair, il s'est manifesté àFarann, paroles qui désignent évidemment , la Bible donnée sur le mont Sina l'Evangile sur le mont Sàir> et le Cour'ann ur Farann, nom générique de toutes les mon-agnes qui couvrent et enveloppent la Mecque. 1 est marqué dans unautre chapitre, que Dieu it à Mojse : En vérité , j'élèverai en gloire et n merveilles, au milieu du peuple ^Israël, un d'eux , un de leurs jrères , un Prophète comme toi} dans la bouche de qui je mettrai ma parole. Jésus-Christy lui-même, dit dans sonEvan-ile : Si je ne m'en vais pas le Paraclyte ne viendra pas. Dans un autre passage : Certes, le Paraclyte est cet esprit de vérité que mon Père vous enverra en mon nom ; c'est lui qui vous instruira sur toutes choses. »Le Messie dit encore : En vérité> leJils de l'homme est destiné à partir j mais après lui le Paraclyte vous révélera les mystères célestes , vous expliquera toutes choses , et rendra témoignage de moi comme je rends témoignage de lui. En vérité , je vous ai parlé en Jigures , en paraboles ; c'est lui qui vous les expliquera. Enfin, après son apostolat, Mohammed , éclairé de l'esprit de Dieu, a déclaré lui-même que, cinquante-mille ans avant la création du monde , l'Eternel avoit tout arrêté dans le grand livre des destins, où, entre autres objets mystérieux, il étoit dit, Que Mohammed seroit le premier et le plus auguste des Prophètes. Cet arrêt divin étoit même imprimé en caractères mystiques sur ses épaules sacrées, ■A la suite de ce récit enthousiaste, l'auteur appuie encore la mission du prétendu Prophète sur une foule d evéncmens extraordinaires et merveilleux qui ont annoncé, accompagné et suivi sa naissance , son apostolat et sa mort. Il parle des prédictions des devins et des cabalis-tesles plus célèbres du siècle ; des acclamations et des cris d'alégresse de toute la légion des génies et des êtres spirituels; des songes et des extases de plusieurs ames saintes; de la révélation qu'eut Eminé sa mère, au commencement de sa grossesse, du bonheur qu'elle avoit de porter dans son sein le plus glorieux des Prophètes ; de l'ordre céleste qu'elle eut en songe de lui donner le nom de Mohammed qui signifie le Loué ; de la lumière dont il étoit couvert en naissant, et qui, répandue dans tout l'univers, embrassa à-la-fois l'Orient et l'Occident ; du miracle de sa formation, parce qu'il étoit né circoncis, et sans cordon ombilical; du don de la parole qu'il possédoit au moment même de sa naissance , ayant très-distinctement proféré ces mots Rahmek-Vllah, Dieu te fasse miséricorde ; du mouvement qu'il fit l'instant d'après, en élevant la tête et les yeux vers le ciel; des feux célestes qui éclatèrent de toutes parts, et qui chassèrent les esprits impurs du haut du firmament, où ils al-loient découvrir les secrets de la nature , pour les communiquer aux mages et aux devins de la terre ; du bouleversement du fameux Keoschh ou belvéder des Cosroës de Perse; du dessèchement subit et étonnant du lac de S are j de l'extinction du feu sacré des mages, qui brûloit depuis près de mille ans, sans interruption ; de l'événement miraculeux qui sauva la Mecque et son sanctuaire de l'entreprise impie à'Ebrch , Roi de Y Yémen, cinquante jours avant sa naissance; enfin de l'opération de l'ange Gabriel, qui, à l'âge de trois ans, lui ouvrit le sein, purifia son cœur, et le remplit de la lumière céleste, etc. etc. n iij ; Cet auteur relève aussi , dans le même esprit, les prétendus miracles de Mohammed, etc. Il parle de la marche active de la nature, qui, soumise à sa voix , l'avoit fait grandir dans un âge où les hommes sont encore dans l'enfance ; de l'horreur naturelle qu'il avoit pour les idoles, dès son bas âge ; de cette lumière céleste dont il étoit enveloppé, et qui faisoit disparoître son ombre , lorsqu'il mar-choit au soleil; des deux anges qui le cou* vroient toujours de leurs ailes dans ses courses et clans ses expéditions militaires ; de sa parole, qui avoit la vertu de donner la vie aux arbres secs, dont les branches se couvroient, dans un instant, de feuilles et de fruits ; du respect que lui portèrent tous les animaux , aucune mouche ne s'étant jamais posée ni sur son corps, ni sur ses habits; de la manière miraculeuse dont il s'étoit sauvé des mains sacrilèges d'Ebu-Bjehhelqui, ayant, à deux reprises , attenté à ses jours, s'étoit vu, la première fois , arrêté par un fossé vomissant des feux, et la seconde, par l'aspect effrayant de deux dragons assis sur les épaules du Prophète ; des puits desséchés de Tebuk et de Hudejbijé, qui, à son ordre, se remplirent d'eau et fournirent abondamment aux besoins de son armée prête à périr de soif; de l'efficacité de ses prières sur le tombeau d'Eminé , sa mère, qui, ressuscitée, crut à sa mission et rentra dans sa tombe, l'instant d'après> convertie à la foi Musulmane; du fameux miracle de son ascension aux cieux ; de celui de la fraction de la lune, etc. Il parle aussi des effets des anathè-mes qu'il lança contre ses ennemis, et des bénédictions qu'il donna à ses disciples et à ses partisans. Il cite encore ses prédictions, celles, entre autres, qui annonçoient la mort du Cos-roësPerwizI, et du Roi d'Ethiopie, le désastre de l'imposteur Esswed-Kczab , et les maux dont son peuple seroit affligé après la mort d'Orner, etc. Enfin le même auteur rapporte les événemens miraculeux qui signalèrent la sainteté de son trépas. Il dit qu'étant à l'agonie , l'ange de la mort n'osa recevoir son ame qu'après lui en avoir demandé l'agrément ; et qu'aussitôt qu'il eut expiré, une voix céleste se fit entendre dans l'appartement, défendit qu'on Niv lui otat sa cl îemise , et donna le salut de paix et de consolation à toute sa famille. L'enthousiasme donna differens noms à cet homme fameux-: connu sur terre sous le nom de Mohammed, il porte, dit le même écrivain , dans les cieux , le nom d'Ahmed j dans le paradis, celui de Cassimj sous terre celui de Mahmoud j et dans le feu celui de Daji. On lui donne aussi differens titres : les principaux sont Muhhj, le destructeur, faisant allusion à la ruine de l'idolâtrie; Ilaschy , le réunisse ut, pour désigner la réunion de divers peuples sous les enseignes de sa loi et de sa doctrine; Akib , le dernier, s'étant lui-même annoncé pour le dernier des Prophètes et le consommateur de la loi ancienne. On l'appelle encore Eb'-ul-etamil > le père des veuves, à cause des actes multipliés de charité et de bienfaisance qu'il, fit pendant sa vie, etEb'/tl-Mumininnj le père des croyans, comme fondateur de l'Islamisme. On porte ses noms, ses $urnoms , ses titres à quatre-vingt-dix-neuf, nombre égal à celui des attributs de la Divir nité , que bien des docteurs cependant font ASSOMPTION DE MOHAMMED- CODE RELIGIEUX. 201 monter jusqu'à mille. Nous n'avons rassemblé ici tout ce qui a trait aux qualités prophétiques du dominateur des Arabes , et tout ee que le fanatisme lui attribue de surnaturel, que pour faire connoître l'empire de l'extravagance et de la superstition sur les esprits vulgaires, et n'avoir plus à parler que des faits réels et des vérités connues , dans notre Introduction à l'Histoire de l'Empire Othoman, où nous donnerons en abrégé la vie de ce célèbre Législateur. On trouve dans plusieurs ouvrages Persans les portraits de presque tous les Patriarches. On donne ici ceux d'Adam et de Mohammedy révérés par l'Islamisme, ainsi qu'on l'a vu dans le texte, l'un comme le premier, l'autre comme le dernier des Prophètes. Dans l'estampe n°. i, Adam et Eve sont représentés en costume oriental et dans le paradis terrestre , à côté de l'arbre de vie et de mort. Dans celle n°. 2, on voit l'enlèvement de Mohammed ; il est représenté au milieu des nues, au dessus du Keahé de la Mecque } monté sur le Borach y qui a un visage de femme, une queue de paon, une couronne d'or sur la tête, et un collier au cou. On ne voit de Mohammed que les pieds et le turban ; le visage et le reste du corps sont couverts des rayons célestes qui partent des mains des anges dont il est environné. Ce portrait est une copie fidèle de celui qui se trouve dans les livres Persans. 260. Que les anges, serviteurs et exécuteurs des ordres de Dieu, ne sont par leur nature d'aucun sexe. 270. Que les livres célestes sont réellement descendus du ciel, et mis entre les mains des Prophètes; qu'ils contiennent les commandemens et les défenses de l'Eternel, ses promesses et ses menaces. C. Tous ces livres sont la parole de Dieu; elle est une : ainsi leur nombre et leur diversité n'ont rapport qu'aux circonstances variables de l'ouïe , de l'expression , de l'articulation : le plus éminent et le plus excellent de tous est le Cour'ann , incomparable et inimitable dans son style ; le Pentateuque, Tewrath > tient le second rang ; l'Evangile, Inndjil, le troisième ; et le Pseautier , Zebbour , le quatrième. Observations. A ces quatre livres principaux les anciens Jmams en ajoutent cent autres appelés collectivement Kutub Erizélé, c'est-à-dire, livres descendus du ciel : ils distinguent les quatre premiers sous le nom de Mudéivenn, qui signifie réunis, reliés,comme faisant des livres complets. Les cent autres n'étant que de simples feuillets , sont conséquemment appelés Souhhouf. Selon la tradition Mahométane, dix ont été donnés à Adam, cinquante à Seth , trente à Enoch , et dix à Abraham , comme autant de dépôts des révélations faites successivement à ces Patriarches. 28°. Que l'ascension , Miradjh , du Prophète est un fait réel, et que, selon la volonté de l'Eternel, il est monté en personne aux cieux et au plus haut du firmament. 290. Que l'on doit croire à la vertu miraculeuse des Saints ; qu'elle opère des faits contraires aux lois de la nature , comme sont ceux de parcourir en un moment des espaces immenses ; de trouver dans le besoin toutes les choses nécessaires à la vie ; de marcher sur les eaux ; de voler en lair; de donner la parole aux animaux et aux êtres inanimés. Tous ces prodiges sont appelés Meudji^é, à l'égard du Prophète, et Keraméth , à l'égard des Saints : état de béatitude auquel ne peuvent aspirer que ceux qui lui appartiennent, et qui, en vérité et en réalité, croient en lui, confessent son apostolat, et suivent sa loi et sa doctrine. C. On peut citer mille faits miraculeux opérés par des Saints , celui d'Jssaf- Ibn-Berkhaya , Vézir ou premier ministre de Salomon , qui, dans un clin-d'œil, fit transporter d'un lieu à l'autre le trône de la Reine Belhiss , celui de Marie, celui de Zacharie > celui de Djeafer-Ibn-Ebu-Talib , etc. 3o°. Qu'après notre Prophète, Ebu-Bekir-us-Siddik est le plus éminent et le plus excellent des hommes : ensuite Omer-ul-Farouk, Osman Zynnourreynn , et Alf-ul-Murteda. C. La prééminence de ces Khaliphes sur le reste du genre humain ne date que de l'époque de la révélation Mahométane, en sorte qu'on ne doit pas y comprendre les Prophètes, ni Jésus-Christ, ni Elie, ni Elizée, ni Enoch, etc. Ebu-Béhir eut le surnom de Siddih , le certi-ficateur , à cause qu'éclairé par la grâce, il sacrifia soudain la raison à la foi, et fut le premier à reconnoître , certifier et confesser l'apostolat divin de Mohammed, ainsi que ses miracles , sur-tout celui de son ascension. Orner eut aussi le surnom de Farouh, le judicieux , à cause de la sagacité et de la justesse avec lesquelles il discerna le vrai d'avec le faux , le juste d'avec l'injuste. Osman doit son surnom deZyn'nourrejnn, le possesseur des deux lumières , à son mariage avec les deux filles du Prophète Roukkiyeth et Umrn-Gul-soum j et Alj celui de Murteda, l'agréable, le bien-aimé , à l'attachement des disciples, Asshabs ; et aux vœux du public en sa faveur. Observations. Ces quatre premiers Khaliphes, qui ont été en même temps les apôtres et les principaux disciples du Prohète, sont distingués de tous les autres par le glorieux nom de Tschihhar-jar} c'est-à-dire , les quatre compagnons ou les quatre favoris. L'Islamisme rend à leur mémoire des hommages particuliers; leurs noms sont toujours placés à la suite de ceux de Dieu et de Mohammed , dans toutes les mosquées et dans presque tous ïesDewr-Kha-nés , qui sont les oratoires destinés aux danses religieuses desDemischs de quelques ordres. On y ajoute ceux de Hassan et de Husseyn, enfans d*Aljr, comme les premiers àeslmams les plus légitimes. Us sont rangés dans la classe des Saints et à la tête des Martyrs du Maho-métisme. On fait aussi mention de leurs noms CODE RELIGIEUX. 207 dans les Khoulhbés, espèce de prône qui se fait solennellement dans toutes les grandes mosquées, avant la prière publique des vendredis et à la suite de celle des deux fêtes de Beyrarrij comme on le verra dans la Partie Rituelle. Ces quatre Khaliphes n'ont eu qu'après leur mort les surnoms qu'ils portent aujourd'hui. On voulut, par-là, honorer leur mémoire, et leur accorder une distinction marquée dans les fastes duMusulmanisme et des générations futures. On observera que les Arabes, ainsi que les autres peuples Mahométans , n'ont presque point de nom de famille. Dans tous les ordres de l'Etat chacun s'appelle par son nom lié à celui de son père : Ibn ou Weled en Arabe , Zadé en Persan, et Oghlou en Turc, dont la signification est fils, répondent au Son des Allemands, au JVitz des Russes, etc. Ulbn fait au pluriel, Beny ou Bcno, par où l'on désigne, comme par le mot 8AVi, une famille, une tribu, une postérité, etc. : tels que Beny^Coureyschs ? les Coureyschites ; Beny-Haschim, les Haschimites; Beno-ummeyé ou. AVl-ummejé , les Ommiacles, Bcno-Abas , ou Al'i-A bas , les Abassides ; Al'l-Osnian , les Othomans, etc. Les Arabes sont aussi dans l'usage de prendre le nom de leur premier-né, par exemple , Ebu-IIanife , père de Hanijé j Ebu-Talib , père de Talib j Ebii-Bthir } père de Bekir. Ce dernier s'appeloit auparavant Abd'ul-Keabé, le serviteur du Kcabc. Le jour de sa conversion à la Foi Musulmane, le Prophète lui donna le nom Abd'ullah , le serviteur de Dieu. Plusieurs citoyens prennent aussi le nom de la ville où. ils sont nés ; Kiujj, de Kiiijéj Bagdady , de Baghdad, Istambollj ? de Constantînople , etc. L'usage des surnoms lut encore adopté par les Khaliphes. C'étoit ordinairement la piété ou la modestie qui en déterminoit le choix : tels sont entre autres ceux de Muteivekkd~ al'a lia h, le résigné en Dieu; Cadir-b'illah , le fort en Dieu ; Multj'ullah , le soumis en Dieu ; Mœuiemed aVallah , le confiant en Dieu, etc. Ils accordoient également ces titres à presque tous les princes du sang; ceux qui n'en avoient pas, en choisissoient à leur gré, * le CODE RELIGIEUX. 209 le jour de leur avènement au Khaliphat. Lorsqu'ils négligeoient d'en prendre eux-mêmes, le public leur en donnoit un à leur mort, toujours analogue aux vertus ou aux vices qui dominoient le plus en eux, comme on le voit dans le tableau des Khaliphes Ommiades. Ahdhd-Melik Iy porte le surnom de Scheyhh-id-Hadjr, le père de la pierre, à cause de sa dureté et de son avarice ; Welid II, celui de Fassik*, l'impudique, l'irréligieux ; YezidIII, celui deNahiss, l'imparfait, le défectueux, etc. Mohammed III eut également à sa mort le surnom deMusemmenn, qui veut dire YOcta-cuple, parce qu'il étoit le huitième Khaliphe de sa maison; qu'il fit la conquête de huit places importantes ; qu'il éleva huit châteaux, qu'il eut dans son palais huit mille chameaux, huit mille mulets et huit mille esclaves de l'un et de l'autre sexe ; qu'il régna enfin, par un hasard tout-à-fait singulier , huit ans, huit mois et huit jours. Pendant les malheurs du Khaliphat de Baghdad , les milices s'étoient aussi arrogé le droit de donner des surnoms aux Khaliphes qu'ils Tome I. O élcvoient sur le trône ; tels qu''Ahmed, dit Musstàinn - b'illah, celui qui invoque l'assistance de Dieu, etc. ' Les Fathimites d'Egypte et tous les anti-Khaliphes prenoient à -peu -près les mêmes titres que les Ommiades et les Abassides. Les Souverains des différentes dynastiesMahomé-tanes en usoient de même. Plusieurs les te-noient de la laveur, et le plus souvent de la politique des Khaliphes , dont ils respCctoient la suprématie et l'autorité sacerdotale. Les Sultans Othomans n'ont pas suivi ce système. Ceux qui sont distinguésparlessurnoms dAdil, le juste ; de Rhouda- vend-Ke'ar, le grand Monarque; deYauouz, le sévère; de TVely , le saint, etc. n'en sont redevables qu'au public, qui les leur accorda après leur mort. Ce n'est qu'à la suite de grands exploits et de conquêtes éclatantes que quelques-uns ont pris solennellement le titre de Fatih, le conquérant, ou celui de Ghazy , le héros, le victorieux, etc. Les grands de l'Etat, les ministres, les généraux , comme les bas-officiers , et les simples citoyens, ne sont ordinairement connus que par des sobriquets, souvent injurieux, tels que Cara , le noir ; Codjéa , le vieillard ; Semiz, le gras ou le gros; Taivil, le long; Topai, le boiteux; Keor , le borgne ; Dely } le fou , mot qui se prend aussi dans le sens de courageux , de vaillant, etc. Ceux qui prétendent descendre de Mohammed ajoutent à leur nom celui d'Emir ou de Scyyid, noble, seigneur ; ceux qui ont fait "le pèlerinage de la Mecque , celui de Hadjy ou EL* Hadjhj ceux enfin qui meurent à la guerre les armes à la main, sont décorés du surnom glorieux de Schehhid, qui veut dire, Martyr. On peut voir ici les Portraits des quatre premiers Khaliphes, estampes nos 3, 4,5,6: ils tiennent le Cour'ann j le turban des trois premiers est blanc ; celui d'Aly est vert, couleur adoptée par tous lesEmirs ses deseendans. Il a devant lui le sabre que lui laissa Mohammed, son cousin et son beau-pere. Ce sabre à deux lames, Z'ul-jecar, fait encore aujourd'hui la principale décoration des enseignes et des drapeaux militaires desOthomans. 6ij 3i°. Que le règne sacerdotal des quatre premiers Khaliphes suit le même ordre de prééminence que leur personne. C. C'est-à-dire , la légitimité de leur élection et de leur succession au Khaliphat. 32°. Que le véritable Khaliphat ne dura que trente ans , et qu'après ce, période il n'j eut que dominations , puissances (1), souverainetés, Emarèth. C. Ce point est appuyé sur cette parole du Prophète : Le lihalipfiat après moi sera de trente années ; après ce terme il ny aura que des puissances établies par la force , l'usurpation , la tyrannie. L événement vérifia cette prédiction, puisque Aly eut la couronne du martyre la quarantième année de l'Hégire , et la trentième de la mort du Prophète ; de sorte que le vicariat des quatre premiers Khaliphes est distingué sous le nom de Kliilafétli~ (i) Puissances censées purement temporelles et séculières. Kéamilé , Khaliphat parfait, par opposition à celui des Khaliphes postérieurs, caractérisé du nom de Khilaféth-Ghaïr'jy- Kiamilé > Khaliphat imparfait. Les quatre premiers vicaires portent aussi le nom collectif de Khou-léfa-y rascliidinn , Khaliphes réels et véritables. Ce Khaliphat est censé n'avoir appartenu qu'à eux seuls ; leurs successeurs n'ont eu droit qu'à la qualité d'Imam y et ne sont, à proprement parler, suivant la parole du Prophète, qu'Emirs ou Méliks y Princes, Souverains , Monarques. Observations. Pour développer cet article religieux et politique tout ensemble, nous croyons devoir exposer ici les motifs qui ont fait établir cette distinction de Khaliphat parfait, et de Khaliphat imparfait dans le sacerdoce Musulman ; l'ordre de succession des Khaliphes universels reconnus pour les seuls vicaires légitimes du Prophète; enfin les distinctions que fait la loi dans les pouvoirs et dans les titres des Souverains qui possèdent l'un ou l'autre glaive. Oiij Le mot de Khaliphe, prononcé en Arabe Khalife , signifie vicaire, lieutenant et successeur. Mohammed , maître de Médirtc la capitale de sa puissance naissante, et le premier siège du Khaliphat, confioit toujours en son absence, le soin et la garde de cette métropole à ses principaux disciples, sous les titres de Khaliphe et de Caïmmécam , l'un religieux, l'autre politique, pour y exercer à-la-fois, les fonctions du sacerdoce et les droits du pouvoir suprême. Sad Ïbn-Œubadé fut le premier qu'il honora de ces titres, l'an 2 de l'Hégire. Mohammed, presque agonisant, autorisa aussîEbu-Bckirson beau-père à s'acquitter, en son nom et sous le titre de Khaliphe, des fonctions sacerdotales. C'est cette circonstance qui contribua le plus à l'élection de ce Prince, et qui en fit le premier des vicaires de Mohammed. Le jour même de sa proclamation, qui fut le lendemain de la mort du Prophète, il fut salué par tous \qs Asshabs, ses collègues, sons le titre de Khalifé-y-RessouV-UUah, c'est-à-dire, vicaire du Prophète de Dieu , ou CODE RELIGIEUX. 21S pour mieux dire, de l'Envoyé céleste. L'an 12 de l'Hégire, ayant été en pèlerinage à la Mecque , il laissa la garde de Médine à Osman , aussi sous le titre de Khaliphe. Après sa mort il fut arrêté dans la même assemblée qui proclama Orner, déjà solennellement nommé au Khaliphat par Ebu-BeMr, de ne pas lui décerner le même titre, comme peu convenable à un successeur non immédiat du Prophète, mais de lui donner celui ftEmir-ul-Mumininn , qui veut dire, prince ou commandant descroyans. Ce titre aussi sacré que celui de Khaliphe , fut le plus auguste que portèrent Osman et Alj , ainsi que les Khaliphes, soit Ommiades, soit Abassides , qui succédèrent au sacerdoce et à la puissance de Mohammed, lues Abassides y ajoutèrent ensuite le titre d'Imam'ul-Mussliminn , le Pontife des Musulmans. La nomination formelle ou l'élection réputée libre, des quatre premiers Khaliphes, met donc la légitimité de leur Khaliphat au dessus de celle de leurs successeurs ; c'est pourquoj la loi les distingue de ceux-ci, et caractérise leur sacerdoce du nom de Khaliphat parfait. O iv L'odieux que présente aux regards de la religion et de la loi l'entreprise de Muaiviyél, qui usurpa le Khaliphat plus encore parla ruse que par la force des armes , fait placer le sacerdoce de toute cette maison des Omrniadcs presque au rang des puissances temporelles. On sait que ce Prince ne dut son élévation sur la chaire de Mohammed qu'à l'artifice de son plénipotentiaire, Amr Ibn-ul-Ass. Alj> dans la chaleur des troubles qui suivirent le meurtre d'Osman et sa proclamation, eut l'imprudence de s'écarter du système politique de ses prédécesseurs, et de déposer tous les gouverneurs de provinces qui lui donnoient de l'ombrage par leur crédit et leurs talens : de ce nombre étoient Muawijé y gouverneur de Syrie,et Amrlbn-ul-Ass, gouverneur d'Egj'p-te , dont lui - même- avoit fait la conquête. Ce dernier passe à Damas y et porte Mua-wiyé, à profiter des circonstances pour lever l'étendard de la révolte. Sa valeur, ses richesses, sa naissance, sa qualité de beau-frère du Prophète, l'affection de ses troupes, en un mot » tout sembloit l'enhardir à donner esscr à ses vues ambitieuses. Muawiyéarme toute la Syrie, sous prétexte de venger la mort d'Osman dans la personne d'Aly , qu'il donne pour le premier auteur de ce parricide. Il échauffe l'esprit de ses milices et de tout le peuple, en leur montrant la chemise ensanglantée d'Osman, qu'il fait suspendre avec appareil sur la chaire de la grande mosquée de Damas. Il étoit déjà à la tête d'une puissante armée Ioysqvl Aly marcha contre lui avec la plus grande partie des forces de l'Arabie, de l'Egypte et de l'Irak. Les deux armées se rencontrent à Saféïn le 11 Safer '3y (28 Juil. 657 ) ; et après plusieurs journées d'une négociation infructueuse, ils en viennent aux mains et se battent avec acharnement pendant deux jours et deux nuits. Au milieu de l'action, toujours indécise , Aly propose à Muawiyé un combat singulier, pour terminer, disoit-il, comme par un jugement juridique , leur querelle personnelle devant le tribunal de Dieu, et épargner l'effusion du sang Musulman. Muawiyé s'y refuse d'abord; mais bientôt après, voyant le champ de bataille jonché de plus de cinquante mille hom- si8 CODE RELIGIEUX, mes, il a recours à un stratagème qui lui fut Suggéré parAmrlbn-ul-Ass : il fait attacher au haut de la lance de ses soldats des feuilles du Cour'ann, et ses hérauts somment l'armée dAlj de s'en rapporter au jugement de ce saint livre. A ces mots les troupes du Khaliphe suspendent le combat, mettent bas les armes, et traitent d'irréligieux leur propre Souverain , qui vouloit absolument que l'on continuât l'action. L'enthousiasme des esprits fut tel, ou Alj voulant montrer de la fermeté , et relever tout ce qu'il y avoit d'artificieux dans le trait de son ennemi, deux des premiers officiers, de l'armée, Mcss'oud Ibn Fcdek et Zëid Ibn Ilassin ,\\\\ dirent insolemment que s'il se refusoit à la proposition de Muanijé, faite sous les auspices du saint Cour'ann > ils le livreraient entre ses mains, ou lui f croient subir une destinée pareille à celle Osman. Alj ébranlé, cède aux circonstances, et fait aussitôt les démarches nécessaires pour s'entendre avec son rival. Alors Muanijé, toujours dirigé par les conseils d'Amr' Ibn-ul-Ass 3 demande que les parties aient à remettre a décision de leur cause à deux hommes également recommandais es par leur intégrité et leurs lumières. Alj s'y prête, quoique à re-ret, et nomme de son côté, Ebu Moussa 'y-scli'arj , à qui Muaji'îjé oppose le même 'mr Ibn'ul-Ass. L'un et l'autre sont consti-és solennellement Hakém > c'est-à-dire, ar-itres, plénipotentiaires, dictateurs. Us furent 11 effet les arbitres du différend de ces deux rivaux, comme de la destinée de la monarchie Mahométane. L'acte en fut dressé dans le camp à'Alj en résence des deux armées, et ces deux princes y étoient traités avec une égalité parfaite. Ce fut en vain oylEbu Moussa 'j-Esch'ary s'opi-niâtra à qualifier Alj de Khaliphe oud'Emîr-'ul-Mumininn ; son collègue tint ferme, en citant l'exemple du Prophète dans le traité de Hudéybijc , signé avec le plénipotentiaire M.ccquoh Ebu-Suhliejl, de sorte que la convention fut écrite en ces termes : » Alj fils ♦» XEbu-Talib pour ceux de Y Irak, et Mua-» irljé fils à'Ebu Sufjami, pour ceux de la » Syrie, etc. « Elle portoit que les deux armées se retireraient aussitôt ; et que les arbitres, chacun à la tête d'un parti, se réuniraient au terme de sept mois, dans la lune de Rama-zann>hDewmetli ul-Djendel, pour examiner, discuter , et prononcer définitivement sur cette grande affaire. Après la signature d'une convention aussi étrange, A/y rentra à Mé-dine , et Muawiyé à Damas. Au terme prescrit, les deux Hakems se rendent au lieu indiqué pour le congrès, accompagnés d'une foule de Seigneurs, et escortés chacun, de quatre cents soldats. Après mille discussions, et mille tentatives, toutes infructueuses , pour concilier les intérêts des deux rivaux avec le bien et la tranquillité publique, Ebu Moussdj-Esch1 arj > lassé de la fermeté et de l'adresse avec lesquelles Amr Ibn'ul-Ass soutenoit les prétentions de Muaiviyé , proposa de les destituer tous deux, et d'élever au Khaliphat le prince Abd'ul/ah fils du Khaliphe Orner. Cette proposition n'ayant pas été goûtée, il offrit alors de s'en tenir à la déposition d'A/y et de Muawiyé , et de laisser à l'assemblée, aux troupes qui formoient leur suite, la nomination d'un Khaliphe. C'étoit là que l'attendoit l'artificieux Amr bn'ul-Ass. Satisfait de cette proposition, ils ortent l'un et l'autre de la tente où ils étoient négocier , se présentent à l'assemblée, et isent d'une commune voix qu'ils étoient heu-usement d'accord sur le seul parti qu'il leur estoit à prendre pour terminer une querelle ui intéressoit autant le repos et le salut du peuple Musulman. Amrlbn'ul-Ass > feignant nsuite de vouloir céder le pas à Esch'ary3 'engage à parler le premier. Celui-ci s'avance t dit tout haut : » Sachez, ô peuple, que le parti que nous avons dû prendre d'un com-i» munaccord, AmrIbn'ul-Ass et moi, pour » le maintien de la paix et de la tranquillité » publiques, consiste dans la déposition dA/y » et de Muawiyé j et dans la nomination d'un » nouveau Khaliphe , à votre gré , à votre » choix , puisque nous vous considérons en ce » moment comme les représentans du peuple » Musulman : ainsi, en vertu des pouvoirs qui » me sont déférés, je destitue à-la-fois Alyet y, Muawiyé. C'est maintenant à vous à procé-» der à l'élection d'un nouveau Khaliphe. « A l'instant, il se retire; GtArnr Jbn'ul-Ass prenant la parole : » Vous venez d'entendre, ô «peuple, s'écria-t-il , le prononcé formel » d'Ebu Moussa 'y-Esch'ary ; il a déposé Aly » et Muawiyé j moi, je dépose aussi Aly » mais je confirme Muawiyé dans sa dignité, » reconnoissant ses droits au Khaliphat, comme » vicaire légitime d'Osman, et comme ven-» geur du sang de cet infortuné Khaliphe. « Un événement de cette nature frappe et déconcerte toute l'assemblée. La ruse et la surprise, colorées par les formalités les plus rigoureuses , sous l'autorité de la religion, captivent aussitôt tous les esprits, et les font pencher vers Muawiyé, qui prend le titre de Khaliphe , et le soutient glorieusement, autant par ses qualités personnelles que par le succès de ses armes. Aly, fixant alors sa résidence à Kiiifé , se consume en vains efforts contre l'usurpateur. Enfin un vendredi, 17 Ramaz. 40 (27 Janv. 661 ), il fut assassiné par un fanatique de la secte des Kharidjys, dans le temple même, au milieu de la prière publique* Le meurtre à'Aljr et la loi blesse de Has-~n , son fils, décident alors du sort du Kha-pbat, en faveur de Muawiyé. Hassan, prolamé Khaliphe d'une voix unanime dans Kiu-', arme contre lui, et ces deux princes se ncontrent bientôt à Sckenn, sur la frontière e Y Irak. Alors le pusillanime Hassan , saisi 'effroi à la vue de l'armée ennemie , très-upérieure en nombre, et ébranlé par difrerens ttentats commis déjà contre sa personne, se étermine à sacrifier tout à sa sûreté et au epos public. Il mande à Muawiyé qu'il est isposé à se démettre du Khaliphat, dans la seule vue d'éviter l'effusion du sang- Musulman. Il exige, pour condition , la reconnois-sance de ses droits, dans le cas où il survivroit à Muawiyé , la conservation du titre d'Imam, et la parole de Muawiyé de cesser ses poursuites en Arabie et dans Y Irak contre les partisans d'Aly , son père. C'est sous ces condiV fions que Hassan fit sa renonciation solennelle en faveur de son rival, événement remarquable qui eut lieu le sô de Rebiul-ewel, l'an 41 (3o Juil. 66r ) , appelé par-là : Senet- 'ul-djemaath , Tannée de réunion. Ainsi Je règne de Hassan ne fut que de six mois, eët qui complétoit, dit fauteur, les trente années du Khaliphat parfait et légitime, annoncé par le Prophète, qui, par cette raison , appeloit toujours Hassan le pacificateur du peuple Mahométan. Nonobstant cette prédiction si respectée dans le Musulmanismc, Hassan, dans son abaissement , essuyoit les railleries les plus insultantes de ses troupes et de ses sujets ; on l'appeloit, même en face, la honte des crqyans, Arhd Mussliminn j l'opprobre des Musulmans , Muzil'ul Mussliminn. Il répondoit avec la plus grande douceur par cet ancien proverbe Arabe , La honte doit céder au feu , El'ar'u Khair'unn min 'en nar. Hassan y rentré dans Kiufé , gouverna ainsi Ylrak , sous le titre à'imajn , au nom et sous l'autorité de Muawiyé , reconnu pour Khaliphe légitime dans toute l'Arabie et dans le reste de cette vaste monarchie. Vers la fin de son règne, Yezid , fils aîné de Muawiyé, attenta à sa vie pour s'assurer de la succession au Khaliphat. Khaliphat. Ce fut la femme même de l'infortuné Hassan Djudé de la maison de Cals s y qui, aveuglée par une ambition plus criminelle encore que celle de Yezid > eut la lâcheté d'assassiner son mari. Son mariage avec Yezid devoit être le fruit de son crime : mais ce prince , ne pouvant concevoir que du mépris pour elle, lui manqua de parole, et la laissa périr de désespoir» Telles furent les circonstances qui firent passer le Khaliphat de la maison d'Aby dans celle de Muawiyéqui le transmit à ses deseendans. Ainsi le sacerdoce des Ommiades et des Abassides leurêsuecesseurs, n'ayant point cette légitimité qui caractérisoit celui des quatre premiers Khaliphes élevés sur la chaire de Mohammed parle vœu censé libre et unanime de tous les Asshabs et de tout le peuple Musulman, l'empire sacerdotal des uns et des autres est, par conséquent, regardé comme un Khaliphat imparfait. Cependant la loi envisageant le sacerdoce àeMohammed comme indivisible, et sa puissance comme une monarchie universelle , cet Tome I. P ordre de Pontifes, devins Muajiiyé 1 jusqu'à Mohammed XII, le dernier des Abassides> forme , avec les quatre premiers Khaliphes , le seul tableau de succession, toujours réputée légitime, au sacerdoce Musulman. Nous observerons que les auteurs Mahométans, qui partagent l'histoire orientale en ancienne et moderne, ne reconnoissent que deux monarchies universelles dans cette partie du globe. i°. Celle des anciens Perses, dans laquelle ils confondent les Babyloniens , les Assyriens, lesParthes, lesMèdes, etc. depuis Keyumers le chef de la dynastie Pischda-dienne, qu'ils donnent polir le premier et le plus ancien roi de la terre, jusqu'à Yezded-jird IIIy le dernier des Cosroés de la dynastie Sassaniennc , qui plia avec toute la Perse, devant la puissance Mahométane, sous le Khaliphat d'Orner j etc. 2°. Celle des Mahométans , depuis l'Hégire,qui est l'époque de leur histoire moderne, jusqu'à nos jours. En effet, cette monarchie peut être envisagée comme universelle, puisque, en moins de trente ans, sous lestroispremiersKhaliphes, tout l'Orient 9 pour ainsi dire, et toute l'Afrique, furent subjugués et soumis aux lois du Cour'ann. Le glaive de Mohammed fut encore plus redoutable un demi-siècle après. On sait que sous WelidI > sous ce règne qui présente les plus beaux jours du Khaliphat, la puissance Arabe s'étendoit depuis le détroit de Gibraltar, y compris l'une et l'autre côte, jusqu'aux frontières de la Chine. Cet Empire même rendit hommage à la grandeur et à la puissance de ce Khaliphe : on lit dans son histoire que l'an 95 (7i3), le Général Coutejbé ibn Musslim, après avoir forcé Keaschghar , et soumis toutes les contrées limitrophes de la Chine, s'avança à la tête d'une armée de plus de deux cents mille hommes, et envoya des députés , faire à l'Empereur Chinois une sommation aussi terrible que singulière. Il lui manda que s'il ne se soumettoit au Khaliphe son maître, par un tribut annuel, il parcourrait ses Etats , le fer et le feu à la main , et n'en sortirait qu'après avoir tout dévasté, brûlé , ruiné, et même appliqué sur sa personne le Tamgha, l'empreinte de sa dépendance. La députation, composée Pij 228 CODE RELIGIEUX, de dix officiers très-instruits, avoit pour chef IIubcïré-ibn Meschmérahh /arrivés à la Cour, ils paraissent d'abord devant l'Empereur, revêtus des plus riches habits , parfumés des plus délicieuses odeurs, dans un extérieur enfin qui ne respirait que la mollesse et la volupté; ils entrent, gardent le silence, et se retirent l'instant d'après, au grand étonnement de l'Empereur , qui les avoit reçus avec des honneurs distingués. Le second jour , ils paraissent en habits moins riches , et font absolument la même chose. Mais le troisième ils se montrent en habit de guerre, armés de pied en cap, et dans la plus fière contenance. L'Empereur alors leur adresse la parole, et leur demande-le motif de leur mission et de ce changement de parure dans les trois jours qu'ils s'étoient présentés devant son trône. » La parure du » premier jour, lui dit Ilubëiré, est celle que » nous prenons lorsque nous voyons nos fem-» mes ; le costume du second jour est celui de » la Cour, et l'habillement où vous nous voyez » aujourd'hui, est celui dans lequel nous nous » montrons à nos ennemis. « L'Empereur, frappé de ce discours, et plus encore de la sommation dont ils étoient chargés , et des nouvelles qu'il recevoit à chaque instant de la frontière, où tout étoit dans les plus vives alarmes , leur fait remettre une grosse somme d'argent comme un hommage qu'il rendoit à la puissance du Khaliphat, leur témoigne les sentimens les plus respectueux pour Welid I, les renvoie comblés de présens, et les fait même accompagner jusqu'au camp de leur Général , par quatre princes de sa maison. L'élévation prompte et rapide d'un colosse aussi énorme, d'une monarchie aussi immense, est un phénomène politique dont on ne trouve pas un second exemple dans les fastes d'aucun autre peuple de la terre; il est digne sans doute des profondes méditations des philosophes. Mohammed, qui fit des Arabes une nation de soldats, un peuple de héros , eût peut-être rendu sa puissance plus vaste encore et même plus durable que celle des Romains, si, comme eux, il eût fait précéder ses conquêtes par l'établissement d'une sage admi- Piij 23o CODE RELIGIEUX, nistration, ou bien si Ses successeurs, marchant sur ses traces , eussent suivi l'esprit de son plan et adopté le caractère et les maximes des deux premiers Khaliphes , sur - tout $Omer I. Le trait suivant développe assez le génie de ce grand prince. Sur le premier avis qu'il eut des richesses qui regorgeoient dans le camp du fameux Ibn Ebu-Wehkassy à la suite de la prise de Medaïnn, résidence des Cosroës de Perse , il écrivit à ce Général que la chose la plus utile et la plus nécessaire aux Arabes étoit des terres et des campagnes pour leurs chèvres et leurs chameaux; qu'il devoit prendre garde d'altérer leurs inclinations agraires, en leur inspirant du goût pour la volupté et le luxe des Perses; qu'il devoit poursuivre ses conquêtes, afin de soumettre aux lois du Cour'ann la Perse entière et même tout l'Orient mais sans jamais songer à expatrier les héros Musulmans qui partageoient ses travaux et sa gloire, en les établissant hors de l'Arabie, dans des terres séparées par la mer, de leur presqu'île fortunée, le berceau et le centre d 'Islamisme. Osman , son successeur , fut le premier à s'écarter de ces principes. Les désordres qui éclatèrent sous les Monarques sui vans, eussent été sans doute moins funestes au Khaliphat , si ces princes avoient été moins enclins au luxe, à la mollesse, à la volupté, plus instruits dans la science du gouvernement , et plus fidèles observateurs des lois civiles et politiques rédigées par les premiers docteurs de l'Islamisme , conformément aux maximes du Cour'ann. Malgré la décadence de cette grande monarchie , dont la chute fut presque aussi rapide que son élévation, et dont les membres épars présentoient chaque jour de nouveaux trônes aux passions ambitieuses d'une foule d'usurpateurs, l'Islamisme respecta toujours les droits du sacerdoce et même ceux de la puissance souveraine dans cette succession au sceptre Pontifical chez les Khaliphes Ommiades et Abassides, les seuls réputés universels; savoir, après les quatre premiers Khaliphes, les quatorze princes Ommiades établis à Damas depuis l'an 41 de l'Hégire jusqu'à l'an i32 (de P iv 661 à 749) ; les trente-sept Abassides établis d'abord à Kiufé , ensuite à Baghdad, depuis l'an i3s jusqu'à l'an 656 (de 749 à 1208), que cette ville fut détruite par Hélakeou j et les dix-sept derniers Abassides qui ont résidé en Egypte depuis l'an 65o jusqu'à lan 923 (de 1262 à 1517), époque de la conquête de ce royaume parSelirrtl, et de la transmission du Khaliphat de la maison ôlAbas à celle des Sultans Othomans. Ainsi ces Khaliphes sont les seuls reconnus par l'Islamisme comme pontifes et vicaires légitimes de Mohammed. Nous en donnons (Planches A et AA) le Tableau généalogique et chronologique. Les Ommiades qui ont régné en Espagne, aussi sous le titre de Khaliphe , une infinité d'autres princes qui ont également usurpé ce nom, ceux des diverses branches de la maison dCAly qui ont tenté si souvent de faire revivre lenrs droits au Khaliphat , les Fathimites même , qui ont d'abord occupé le trône de Mehhdiyé en Afrique, ensuite celui du Caire eu Egypte, depuis 297 jusqu'en 56y (de 909 à 1171) > ne sont regardés que comme desanîi-. haliphes, en qui on ne respectoit que la seule puissance temporelle. Tous les droits du sacerdoce, tous les honneurs, toutes les distinctions de l'autorité Pontificale ont été constamment réservés aux seuls Khaliphes uni-ersels. Les Abassides de Baghdad et ceux d'Egypte , quoique réduits aux seuls pouvoirs spirituels, disposoient, pour ainsi dire, des-trônes et des couronnes ; et tous les princes élevés sur les ruines du Khaliphat, tenoient à honneur, autant par religion que par politique , de recevoir de leurs mains , non-seulement l'investiture de leurs Etats, mais encore des titres et des surnoms honorifiques, tels que protecteurs de la foi, défenseurs de la religion, la gloire de l'Empire, la colonne de l'Etat, etc. Les premiers Sultans Othomans rendoient également hommage à la suprématie de ces Khaliphes. On voit dans l'histoire que l'an 791 ( 1389) BajezidI envoya en Egypte une brillante ambassade au Khaliphe Mohammed XI, avec des lettres respectueuses et de riches présens , pour lui demander ses bénédictions et l'investiture, Tékallud-sallanèth , des domaines qu'il tenoit de ses aïeux. Les Souverains mêmes de Baghdad leur té-moignoient les respects les plus profonds : dans les cérémonies publiques ils leur baisoient la main ou l'anneau qu'ils portoient au doigt, et les Khaliphes nelesrecevoicnt jamais qu'assis sur leur chaire. Telle fut, entre autres étiquettes , celle qui s'observa à Baghdad, Tan 449 Cioo/0> dans une audience publique qu'Abdallah V donna au Sultan Toghronl Seldjouhy , le maître de la Perse, de Y Irak , et la terreur de l'Orient. Le Khaliphe entouré des grands officiers de sa Cour, le reçut, assis sur un trône élevé de quatorze pieds, couvert du manteau , Bardé, de Mohammed, et tenant le sceptre, Cazib, de ce fondateur de l'Islamisme. Le Sultan lui fait une profonde inclination, s'approche , lui baise la main ; et le Khaliphe se tournant vers son premier ministre , lui parle en ces termes : >> Dites au » Sultan Toghroul que sa personne nous est » agréable, que nous le voyons avec plaisir, » que nous lui déférons les terres, les domai-» nés, les Etats dont il a plu à l'Être suprême » de le favoriser, et que nous lui recomman->> dons l'équité et la clémence ainsi que les » peuples confiés par le Tout-Puissant à sa » garde et à ses soins paternels. « Après que le Vézir eut rendu ce discours, le Sultan , toujours debout, prend encore la main du Khaliphe , la rebaise, et s'en frotte respectueusement les yeux. Alors AbcPullah V lui adressant la parole, l'appela le Monarque de l'Orient et de l'Occident , Melik ul- meschrik v'el Maghrib , et le revêtit d'une robe noire en signe d'investiture. Au sortir de l'audience, Togh-roul envoya au Khaliphe à titre d'hommage et de soumission , les présens les plus magnifiques , avec cinquante mille écus d'or et cinquante jeunes esclaves Turcs, tous bien vêtus, bien armés, et superbement montés. Six ans après , le même Sultan revenant à Baghdad, épousa la fille de ce Khaliphe. L'histoire rapporte qu'à la suite des plus grandes cérémonies observées aux fiançailles et au mariage, le Sultan passa dans l'appartement de la princesse appelée Scyyidé, qui le reçut assise sur un superbe siège, et le visage couvert d'un voile à la manière orientale. L'époux, après une profonde révérence, s'approcha et répandit sur la tête de la princesse plusieurs poignées de diamans, de rubis, d'émeraudcs et de perles fines, comme un hommage qu'il rendoit à sa haute naissance : cette cérémonie fut renouvelée plusieurs fois avant que l'épouse fût conduite au lit nuptial. Les Khaliphes de cette maison établis depuis en Egypte , quoique restreints plus étroitement encore aux seuls droits sacerdotaux , jouissoient des mêmes distinctions. On lit dans leur histoire, qu'en 742 (1342) la proclamation $ Ahmed IX et l'élévation du Sultan Melih Mensour au trône eurent lieu le même jour, et que cette solennité fut une des plus augustes que l'Egypte eût jamais vues. Ahmed IX, à la suite de sa proclamation, fut placé sur le siège Pontifical : après avoir reçu les hommages du Sultan et de toute sa Cour, il se leva , récita le prône, Khoutbé, combla àe bénédictions le nouveau Monarque Egyp- CODE RELIGIEUX. 237 tien, le revêtit d'une robe noire, et lui ceignit de sa main un sabre Arabes cérémonie prati* quée pour la première Ibis à l'égard d'un prince Mahométan. Cette solennité s'observe encore aujourd'hui chez les Sultans de la maison Otho-mane, et leur tient lieu de sacre et de couronnement. A la mort de Davoud I3 l'un des Khaliphes les plus vertueux et les plus savans, le Sultan Tscliakmak lui rendit des honneurs jusque - là sans exemple. Il marcha à pied devant le corps avec toute sa maison, et porta même le cercueil quelques pas avec les principaux Seigneurs de sa Cour. Cependant ces hommages publics que les Souverains rendoient au caractère éminent des Pontifes de l'Islamisme, étoient le plus souvent adressés à des hommes qui n'avoient ni instruction ni vertus. Les excès et les horreurs que se permettoient plusieurs de ces Khaliphes font honte à l'humanité. Leur histoire n'offre qu'un tableau de noirceurs et de barbaries. Les circonstances ajoutaient sans doute à l'atrocité de ces hommes monstrueux. Leurs passions, leurs cruautés , leurs débauches ensanglantèrent et déshonorèrent plus d'une fois le siège sacerdotal. Le caractère vil et sordide de Huscham I, les folles prodigalités deDjeajerII, les crapules de Mohammed III, & Ahmed II, etc., les barbaries de Merwann II, de Djeafcr I d'Ahmed VI et à'Abd'ullah I , dit Seffah J révoltent la nature. Toute la gloire du règne de ce Khaliphe, le premier des Abassides , est flétrie par ses cruautés et par celles du prince Abd'ullah Ibn Aly y son oncle et son Général. Un jour ce monstre assembla quatre-vingt-douze princes de la maison des Ommiades , et les fit tous assommer à coups de massue : il se fit même un plaisir barbare de les couvrir de nattes, et de faire sur leurs corps un repas somptueux, au milieu desgémissemens et des derniers soupirs de plusieurs de ces malheureux. Enfin les perquisitions et les poursuites d'Abd-ulU/h I firent couler le sang des Ommiades dans toutes les provinces de sa vaste Monarchie. Suleyman, son oncle, et songou- verneur à Bassora, en fit aussi périr plusieurs au milieu des supplices, et porta la fureur jusqu'à faire traîner leurs corps dans les rues, pour être ensuite dévorés par les chiens. De toute cette maison infortunée, qui étoit très-nombreuse, il ne se sauva que \eseul A bd'ur-Rahmany fils de Huscham I, qui, travesti, passa de la Syrie en Afrique, et de là en Espagne où il fit revivre le nom des Beno-um-mejé par la fondation d'une nouvelle Monarchie Arabe dans cette partie de l'Europe. Abd'ullah II ayant fait grâce à Abd'ullak ibn Alj, son oncle, qui lui avoit disputé le trône , viole sa parole, le relègue dans le château de Médàinn , et après une prison de dix ans, il le fait périr dans un pavillon élevé sur des boules de sel qui, fondues, renversent l'édifice sur la tête de ce malheureux prince. Mais ce qui caractérise encore mieux la férocité de ce Khaliphe, c'est l'excès de sa basse jalousie contre Ebu - Musslim , si renommé pour ses vertus guerrières, au génie et à la valeur duquel toute cette famille des Abus devoit son élévation sur la chaire de Mohammed. Il fin- Mo CODE RELIGIEUX, vite à sa Cour sous les dehors de la plus grande bienveillance, et après l'avoir comblé d'honneurs et de caresses, il le fait poignarder dans son appartement et sous ses propres yeux. Il n'exerça pas moins de cruautés contre plusieurs princes de la maison à?Aly. MohammedIII punit la révolte du prince Abas son neveu , en le laissant mourir de faim dans Un noir cachot. Il avoit ordonné qu'on lui refusât jusqu'à un verre d'eau. Mohammed VI ne le cédoit pas non plus en barbarie à ses aïeux. Il aimoit à manier un javelot armé de fer, qu'il ne prenoit jamais sans tuer quelqu'un des officiers de sa maison. Dès son avènement au Khaliphat, il déploya son avarice en poursuivant cruellement les femmes et les enfans de Djeajer II > son prédécesseur, pour découvrir ses richesses. Il fit subir un supplice inouï à l'esclave mère de ce Khaliphe, ne respectant ni son grand âge, ni son état, • ni ses infirmités. Il la fait d'abord fouetter en sa présence , ensuite pendre par les pieds, le corps presque nu, pour lui arracher l'aveu de ses biens et de ses joyaux. Le trait trait suivant achève le tableau de son caractère ; victime d'une conspiration, ce prince, sur les yeux duquel on avoit appliqué un fer ardent, se voyant délivré de sa prison par un effet de la bonté àlAbd'ullah IV', alla mendier aux portes des mosquées , dans la seule vue, dit l'auteur national , d'avilir la majesté du Khaliphat. Mohammed VU fut encore plus cruel. Ayant découvert un complot tramé par le prince Ahmed, fils d'Aly II, il le fit enterrer vif dans l'épaisseur d'un mur énorme. Ces princes qui se jouaient si impitoyablement des droits de l'humanité , n'épargnèrent pas davantage la religion , dont ils étoient par état, les défenseurs et les chefs. Quelques-uns , commetbd'ullah III et MohammedIII, adoptèrent des opinions contraires à l'Islamisme sur la nature du Cour'ann , sur la prééminence du sacerdoce dAly, etc. , comme on l'a vu plus haut. C'est pourquoi ils sont regardés comme hétérodoxes. Yezid I et Abd'ul-Melih, / passent même pour impies et pour infidèles, parce que , dans les fureurs de leurs poursuites contre les anti -Khaliphes Tome I. Q 24- CODE RELIGIEUX, de la Mecque et de Médine , les armes de YezidI ont presque détruit ces deux cités, sans respecter même le sanctuaire , Keabé } et quAbd'ul-Melik I défendit à tous ses sujets le pèlerinage de la Mecque ; en y substituant le temple de Jérusalem. • Mais la mémoire de Welidll, surnommé Fassik, l'impudique, est encore plus odieuse aux yeux de l'Islamisme. Ses dissolutions et ses impiétés furent en effet l'opprobre de sa maison et du Khaliphat. Foulant aux pieds toutes les lois de la nature et de la pudeur, ilporta, l'an 125(748), ses débordemens jusqu'à épouser plusieurs des femmes et esclaves de YezidII ; son père , et même jusqu'à déshonorer sa propre fille. Il disoit publiquement que s'il alloit jamais à la Mecque, il ne se feroit aucun scrupule de boire du vin au milieu du Keabé. Voulant un jour consulter le Cour'ann, et lisant ces paroles , Issteftahou ve Kha-bé ,etc. (1), les premières qui se présentèrent (1) Les Prophètes élevèrent leur voix vers le ciel, en-Ch. XIV. CODE RELIGIEUX. 243 à l'ouverture du livre, il le jette avec fureur, et le perce de mille traits. Un autre jour, livré à ses excès ordinaires de crapule et de débauche avec l'une de ses esclaves favorites, comme il entendit l'annonce, Ezann, pour la prière publique , il donna son habit à cette femme, qui comme lui étoit dans les fumées du vin, et l'autorisa à faire , en sa place, les fonctions de 11marneth à la tête de toute l'assemblée. Aussi le quinzième mois de son Khaliphat, ce prince abominable perdit-il le trône et la vie par les mains de son peuple, indigné de tant d'horreurs. Les ministres et les généraux de ces Khaliphes sembloient renchérir encore sur les cruautés de leurs maîtres. Le Général Amr-Ibn,ul-Ass , aux artifices duquel Muauiyé 1 dut son élévation, après avoir arraché l'Egypte au prince Abd'ullah fils d'Ebu-Bekir I, qui y commandoit au nom d'Abyl, fît mettre à mort ce gouverneur, et ensuite jeter son corps , cousu dans le ventre d'une ânesse, au milieu d'une fournaise ardente. Hadjeadjh Ibn Vous-souph Tahfy , le fléau de l'Arabie, la terreur Qij 244 CODE RELIGIEUX, de l'Orient, et le principal appui de la maison des Ommiades , fit périr pins de cent vingt mille hommes par la main des bourreaux, dans les différentes provinces soumises à ses ordres, sur-tout dans Y Irak. Ebu-Musslim , auteur de Ja révolution du Khaliphat en Ynweur des Abassides , ternit l'éclat de ses armes par ses cruautés : plus féroce encore que Hadjeadjh, il sacrifia dans les provinces où il commandoit, plus de six cent mille hommes à la défense de la maison qu'il soutenoit contre les Ommiades et les Alides. Enfin le fameux général Begliay-Kebirest également cité dans l'histoire comme un monstre altéré du sang humain. La dévastation et les excès les plus horribles caracté-risoient toutes ses expéditions guerrières. En 23y (85i), ayant marché contre la Géorgie , et s'étant emparé de Tijlis , il met le feu aux quatre coins de cette grande ville , fait égorger le princeIsshak avec toute sa famille, et laisse périr dans les flammes plus de cinquante mille malheureux de tout sexe, de tout âge et de toute condition. Ainsi , depuis l'établissement du Mahomé- CODE RELIGIEUX. 245 tisme, l'Orient entier ne présente , sous tous ces Khaliphes, qu'un théâtre de carnage et d'horeurs. Le caractère féroce de plusieurs de ces Pontifes et de leurs généraux, les guerres civiles qu'allumèrent le fanatisme des hérésiarques et l'ambition des trois maisons qui se disputoient la chaire de Mohammed y le démembrement du Khaliphat , sur les ruines duquel s'élevèrent successivement tant de royaumes , enfin les irruptions des Tatars Moghouls , sous le célèbre Djinguiz-hhan y ses fils et leurs deseendans, jusqu'à Timour , vainqueur de Bayezid I y firent couler plus d'une fois des fleuves de sang sur ces vastes et malheureuses contrées. Dans ces temps désastreux la nature sem-bloit aussi conjurer la ruine de l'Orient ; la peste, la famine, la sécheresse, les déborde-mens des fleuves, les tremblemens de terre, enfin des calamités jusque-là peu connues en Asie , mirent le comble à sa désolation, particulièrement sous le Khaliphat des Abassides : de leur temps, et dans l'espace d'environ trois siècles, plus de sept cent milleames périrent Q iij 246 CODE RELIGIEUX, sous les ruines des maisons et des édifices publics , à Baghdad y à Bassora y Rcy , Caw-mess y Moussoul y et dans plusieurs autres villes de Y Irak , de l'Arabie, de la Syrie, du Khorassann et de Y A zerbàidjeann. Cependant les annales du Khaliphat ne présentent pas toujours d'aussi tristes tableaux. On y voit de grands hommes en tout genre, qui, doués d'excellentes qualités , firent souvent la consolation et le bonheur des peuples. Ebu-Bekir I et Orner I étoient des modèles accomplis de vertus, de zèle, et d'austérité morale. Osman Iy Aly I ? WelidljAbd*-uflahll y Mohammed Iy etc. avoient en partage la grandeur d'ame, la libéralité, la magnificence. Les lettres, les sciences et les arts eurent de puissans protecteurs dans Harojinl dit Reschid ? dans Ahmed III , Aly II y Mohammed VIII y Mohammed IX y mais sur-tout dans Mensour II y etDavoud I. OrnerII est cité comme un exemple de bonté , de douceur et de simplicité. Mais ses vertus et l'attention vigilante avec laquelle il réprimoit le luxe de sa Cour, lui devinrent funestes. Les princes de sa maison, fatigués de ses rigueurs, conspirent contre sa personne, et le font empoisonner par un de ses propres officiers. S'apercevant qu'il avoit avalé( une boisson meurtrière, il demande à ce traître du ton le plus doux et le plus tranquille, pourquoi il l'empoisonnoit : l'officier glacé d'effroi, se jette à ses pieds, et lui avoue qu'il s'étoit laissé séduire par un don de mille sequins. Va, lui dit le Khaliphe, toujours du même ton , va consigner cet argent au trésor public et sors de ce Palais sans que personne entende parler ni de toi ni de ton crime. Il mourujgpeu de jours après, avec une fermeté d'ame et une résignation au dessus de l'humanité. La sensibilité de YezidII-9 son successeur, offre un trait remarquable dans l'histoire. Ce Khaliphe, vivement affecté de la mort subite d'une jeune esclave favorite, Djebabé, dont il étoit passionnément amoureux , s'enferme avec le cadavre dans un appartement, où il reste trois jours et trois nuits sans prendre ni nourriture ni repos, sans voir personne, pleurant , gémissant , se lamentant au point Q iv / 44°* CODE RELIGIEUX, de succomber à sa douleur , le neuvième jour, dans la quarante et unième année de son âge. La vie d'Abd'ullah III présente encore un beau trait de clémence. Vainqueur $ Ibrahim Mubarek fils de MohammedI, qui, ayant pris le titre de Khaliphe, lui disputoitle trône, à la tête d'un puissant parti, ce prince le fit chercher en vain dans toutes les provinces de son Empire. Ibrahim Mubareh s'étoit sauvé travesti ; il menoit une vie obscure dans un village de Y Irak. Après six années de misère et d'ac£<*biement, il se décide à demander sa grâce par un placet conçu en ces termes : O prince des crojans! Emir'ul Mumininn, mon attentat est grand > mais votre clémence est plus grande encore ; ma punition seroit l'effet de votre juste vengeance j mais mon pardon sera celui de votre bienfaisance et de votre magnanimité. Abd'ullahlll', vivement touché , écrivit de sa main sur le haut du placet : O Ibrahim! je le fais grâce. Il lui tint parole, et lui assigna même un revenu considérable pour le reste de ses jours. On peut encore ranger dans la classe des princes vertueux et bienfaisans Harounn II, Mohammed VI, Ahmed IV , Abd'ullah V, Ahmed V, Hassan I , MohammedX , Ah-medXI, Ebu-Bekir II, etc.. Nous donnerons un précis de ce qui concerne ces Pontifes et leur règne, à la tête de l'histoire de la Maison Othomane : on y verra sans doute avec surprise que des soixante-douze Khaliphes réputés légitimes et universels, depuis Ebu-Bekir I jusqu'à Mohammed XII, sept furent assassinés , y compris les trois successeurs immédiats dl Ebu-Bekir , cinq autres périrent par le poison , douze succombèrent dans des émeutes populaires et sous les armes de leurs rivaux , dont ils essuyèrent les traitemens les plus durs et les plus ignominieux ; quelques-uns eurent les yeux crevés , et terminèrent leurs jours dans des cachots affreux. Après avoir donné une idée du Khaliphat universel , nous allons en exposer aussi les differens caractères. D'après les dispositions de la loi sur ce point si important, les Oulémas mettent des distinctions marquées dans les i5o CODE RELIGIEUX, titres comme clans les droits sacerdotaux et souverains des Monarques Mahométans. Us les partagent en trois classes, et sous trois difïérens titres; savoir, Khaliphe, Imam et Emir. i°. Khaliphe. On a vu que ce titre n'appartient qu'aux seuls Khaliphes universels, avec cette différence cependant que le sacerdoce des quatre premiers vicaires de Mohammed est décoré du nom de Khaliphat parfait, tandis que celui des Ommiades , des Abassides et des Othomans , leurs successeurs, n'est envisagé que comme un Khaliphat imparfait. 2°. Imam. Ce mot, dans son étroite signification , indique une personne qui, par les droits de sa place, préside un corps d'assemblée , poury exercer en chef les fonctions du sacerdoce , c'est-à-dire , la prière publique des vendredis et des deux fêtes de Bejram, à l'exemple de Mohammed lui-même et des premiers Khaliphes. Ce titre d'Imam a été affecté d'une manière particulière à Alj, à ses deux fils Hassan et Hussein , et à neuf autres princes deseendans de Hussein, qui sont les douze Imams par excellence, Eymé-y-Essna-aschr, comme ayant eu au sacerdoce un droit plus réel et plus légitime que les Khaliphes Ommiades et Abassides. Hassan, après l'abdication de la dignité knaliphale, ne se réserva que le titre d'Imam , et le transmit à ses successeurs , qui résidèrent d'abord à Kii/féj puis à Me'dine , et enfin a.Serrnen-Rejr. Presque tous, mais principalement leurs deseendans et leurs collatéraux tentèrent, pendant plusieurs siècles, et toujours inutilement , de faire revivre les droits de leur maison sur le Khaliphat. A l'exemple de ces douze Imams de la race dlAly, les Abassides furent les premiers à ajouter à leurs titres de Khaliphe et d1'Emir'ul Mum in in ?i celui d'Imam'ul Mussliminn ou Pontife des Musulmans. Cette qualification a été également déférée, i°. aux docteurs des premiers siècles du Ma-hométisme , comme étant les plus anciens Théologiens, et les premiers interprètes du Courann et des lois de Mohammed} 2.0. aux ministres de la religion qui s'acquittoient dans les mosquées des fonctions deYImameth , au nom et sous l'autorité sacerdotale du Souverain , Y Imam suprême, Y Imam par excellencei Cet usage subsiste encore aujourd'hui sous les Empereurs Othomans. 3°. Emir. Ce titre répond à ceux de Mélik et de Sultan, qui signifient Roi, Souverain , Monarque. Us n'indiquent que la seule autorité temporelîe. C'est pour cette raison que ceux des Princes Mahométans , qui, après avoir secoué le joug des Khaliphes, se ren-doient libres et indépendans, sans se soustraire néanmoins à la reconnoissance et aux hommages dus à la dignité sacerdotale, n'ont jamais pris que les titres d'Emir, de Mélik ou de Sultan. Celui d'Emir fut le seul que portèrent les sept premiers princes Ommiades, qui ont occupé le trône de Cordoue en Espagne. Us s'appeloient encore Ibn-Khalife ou fils de Khaliphes , pour désigner leur descendance des Khaliphes Ommiades de Damas , leurs aïeux. Ce ne fut çnxAbd'ur-HahhmannIII, surnommé Nassir-li-dimiillah , qui, enhardi par l'état d'abaissement où étoient alors les Khaliphes Abassides de Baghdad, se revêtit commeeux, l'an 3^7 (939), des titres de Khaliphe et d'Emir'ul Mumininn 3 qu'il transmit à ses deseendans. Les princes Mulesseminns 3 qui ont régné à Merrakcschs en Afrique, n'osèrent prendre non plus que le titre d'Emir'ul Mussliminn 3 prince des Musulmans ; comme les Beno-Haj's de Tunis, celui d'Emir'ul-Muwah-hidinn3 prince des adorateurs de l'unité, à cause de leur adhésion à la doctrine du fameux hérésiarque Mohammed Mehhdy ibn Tumerelh. Les Souverains de l'Egypte et ceux de VYémen 3 à l'exemple des anciens rois Misraïmiens 3 ne prenoient ordinairement que la qualification de Mélik : et Mahmoud- Yeminud-Dewleth 3 le troisième des rois S\ébuktékiens qui ont régné à Ghazné dans le Zâbelisstann3 fut le premier qui s'attribua le titre de Sultan. Celui d'Emir 3 qui, dans sa simple acception de Seigneur, noble, illustre, a pour synonymes Scyyid, S chéri f 3 Bey , eut sous les Khaliphes Ommiades 3 mais particulièrement sous les Abassides 3 différentes applications. s54 CODE RELIGIEUX. C'étoit le titre qu'ils donnoient aux gouverneurs de provinces. Le Généralissime portoit tantôt celui d'Emir ul-umera y ou Melik'ul-umera j c'est-à-dire , le prince ou Y Emir des Emirs y tantôt celui de Ser-asker qui signifie chef d'armée , et tantôt celui même de Sultan. C'est de-là que presque tous les généraux et les gouverneurs de provinces, chez les Perses, ont pris depuis ce même titre, qui fut aussi la qualification la plus distinctive de tous les princes du sang de la maison de Djinguiz-khany comme elle est encore aujourd'hui celle de tous les enfans , mâles et femelles , des Monarques Othomans. Cependant , sous les Abassides y le titre Emir ul-umera étoit le plus noble et le plus distingué, après ceux de Khaliphe et d'Imam. C'est pourquoi les premiers usurpateurs de Baghdad se l'arrogèrent sous le Khaliphat de Mohammed VIII y qui fut même forcé en 324(936) , de le leur décerner solennellement, et de les nommer dans \e Khouthbéy qui, comme on l'a déjà observé, est le prône des vendredis et des deux fêtes de Bejram. CODE RELIGIEUX^ 255 Ce titre qui, dans ces siècles, étoit fort au dessus de celui de Vézir y créé Fan i3s (700), par le Khaliphe Abd'ullahly en faveur de son ministre Ebu Selemehh' ul-Halal y rut même déféré à Osman I par le dernier des Sultans Seldjukiens dont il étoit le vassal et le premier défenseur. Alded-dlnn > fils aîné d'Osman I, et Suleyman y fils d'Orkhanl y n'ont commandé sous eux, en qualité de généralissimes et de ministres, que sous le simple titre de Pascha. MouradI fut, de tous les Sultans Othomans , celui qui le premier décora, en 763 ( i36s ), Lala Schahhin Pascha du titre pompeux & Emir ul-umera , lequel, devenu dans la suite inférieur à celui de Vézir} fut restreint aux Paschas à deux queues, com-mandans ou lieutenans de provinces. On les appelle encore Mir-mirann ou Beylerbey , titres qui répondent à celui $ Emir ul-umera. Les gouverneurs généraux , qui sont ordinairement des Paschas à trois queues, sont les seuls distingués sous celui de Vézir. Le simple titre d'Emir a aussi été de tout temps la qualification des deseendans de la \ 256 code RELIGIEUX. race de Mohammed : ils portent encore ceux de Sejjid et de Scherif, quoique ce dernier soit affecté d'une manière plus particulière aux gouverneurs de la Mecque , également issus du sang de Mohammed par Fatima sa fille , et par Alj. Telles sont les acceptions et les applications qui ont été faites dans les differens siècles du Mahométisme , des trois principaux titres consacrés par la loi aux divers caractères de la souveraineté. On voit que celui d'Emir , synonyme en quelque sorte de Melik et de Sultan , indique l'autorité temporelle ; celui d'Imam > l'autorité spirituelle ; et celui de Khaliphe , la réunion de l'un et de l'autre glaive. Quoique le titre de Khaliphe ait toujours été le plus éminent et le plus auguste aux yeux de l'Islamisme et de tous les Souverains qui ont prétendu hériter de la puissance de Mohammed,1a loi cependant y a substitué celui d'Imam y par une suite de ce principe qui fait envisager comme un Khaliphat imparfait le sacerdoce de tous les princes successeurs des des quatre premiers vicaires du Prophète. En conséquence ce n'est presque jamais que sous ce nom qu'elle désigne les Souverains Mahométans revêtus de l'un et de l'autre pouvoir; et c'est par-là qu'il fait aujourd'hui la première et la plus noble qualification des Monarques Othomans, qui, à l'exemple des Pontifes.z/Z'tf.y-sides , se décorent du titre d'Imam des Musulmans. Sous cette auguste dénomination, ils exercent les droits du sacerdoce, comme ils déploient ceux du pouvoir suprême sous celle de Sultan. En général , tous les Oulémas, ministres à-la-fois de la religion, de la loi et de la justice , ont grand soin d'observer ces distinctions, puisque danstous les actes émanés de leur département, et même jusque dans les Fethwas ou sentences du Mouphty > on ne se sert ordinairement que de ces seuls titres d^Imam et de Sultan, pour indiquer ou l'autorité spirituelle ou l'autorité temporelle du Souverain. Tous les autres titres des Monarques Othomans , tels que Scluih , Padischah , Schehins-chahj Khan, Khacan , Khunkear, Khouda-TOME I. R 258 CODE RELIGIEUX. ivcjidiheary etc. etc. sont autant de surnoms que le faste et l'ostentation leur ont fait prendre , à l'exemple des plus grands Monarques de l'Orient , sur-tout ceux des anciens Perses. Nous en parlerons plus amplement dans le code politique, lorsque nous traiterons de Pauto-rité, des droits et du pouvoir des Sultans. 33°. Que les Musulmans doivent être gouvernés par un Imam qui ait le droit et Pautorité de veiller à l'observation des préceptes de la loi, de faire exécuter les peines légales , de défendre les frontières, de lever des armées, de percevoir les dîmes fiscales , de réprimer les rebelles et les brigands , de célébrer la prière publique des vendredis et des fêtes de Beyram , de juger les citojens, de vider les différends qui s'élèvent entre les sujets , d'admettre les preuves juridiques dans les causes litigieuses , de marier les enfans mineurs de l'un et de l'autre sexe qui CODE RELIGIEUX. i59 manquent de tuteurs naturels, de procéder enfin au partage du butin légal. C. L'établissement d'un Imam est un point canonique arrêté et statué par les fidèles du premier siècle du Mahométisme. Ce point, qui fait partie des lois apostoliques, et qui intéresse d'une manière absolue la loi et la doctrine , est autorisé par cette parole du Prophète : Celui qui meurt sans reconnaître l'autorité de /'Imam de son temps est censé mort dans l'ignorance y c est-à-dire , dans l'infidélité (i). Il est d'ailleurs fondé sur l'exemple des premiers fidèles, qui, immédiatement après la mort de f Apôtre céleste, ont procédé, même avant ses obsèques, à l'installation d'un Imam. Cette pratique a été également observée dans la suite, à l'époque de la mort de chaque successeur du Prophète. Le peuple Musulman doit donc être gouverné par un Imam. Il doit être seul et unique ; son autorité doit être absolue; elle doit tout embras- (i) Ménn maté ve lem yarcf'u Imarn'c ^emaneh'u maté meytetènn djeahhiliyetcnn. Rij 26o CODE RELIGIEUX, ser; tous doivent s'y soumettre et la respecter ; nulle ville, nulle contrée ne peut en reconnût tre aucune autre, parce qu'il en résulterait des troubles qui compromettroient et la religion et l'Etat : et quand même cette autorité particulière et indépendante seroit à l'avantage temporel de cette ville, de cette contrée, elle n'en seroit pas moins illégitime et contraire à l'esprit et au bien de la religion, qui est le point le plus essentiel et le plus important de l'administration générale et publique d'un Imam etc. Observations. Les objets dont il est question dans cet article , se réduisent en dernière analyse , à l'unité du commandement dans la personne du Souverain, qui seul a le droit d'exercer, ou par lui-même ou par ses mandataires, le pouvoir judiciaire et le pouvoir exécutif, conformément aux dispositions textuelles de la loi sacrée, dont il est le premier dépositaire et le défenseur suprême. . Il suit de ces principes, i°. que les Etats Musulmans ne peuvent avoir d'autre constitution que la monarchique, à cause de l'union du sacerdoce ; 20. que les Souverains doivent s'interdire toute division d'autorité, tout partage de possessions, tout démembrement quel conque : aussi est-il sans exemple dans les fastes du Maliométisme , qu'un Khaliphe se soit jamais permis le partage de sa puissance ou de ses domaines, même en faveur de ses enfans ; et de tous les autres princes Mahométans , les Beno - Kytadé y qui régnent à la Mecque depuis environ cinq siècles, sont les seuls qui aient dérogé à cette loi. A la mort duSchérif Ebu-Noumyy l'an 719 (1819) , ses deux fils Bumeyssé et Humeyssé se disputèrent le trône, et ne se réconcilièrent que sous la condition de régner ensemble, en se partageant la dignité de Schérif. Les anciens Imams se sont toujours réunis dans leurs commentaires pour maintenir sans altération ce point capital du Musulmanisme, à quelque différence près qu'on trouve entre eux dans^ les explications qu'ils en donnent. Les uns déclarent qu'attendu l'unité du Kha- R iij hphal et l'indivisibilité du pouvoir suprême, tous les Etats Mahométans ne doivent former qu'une seule puissance, qu'un seul corps politique ; que si la violence opère la division de la Monarchie, les nouveaux Etats, élevés par l'usurpation et la force des armes, doivent toujours reconnaître dans l'Imam souverain l'unité du commandement absolu, en rendant hommage à sa suprématie dans l'ordre spirituel. Les autres croient que cette reconnois-sance ne suffit pas ; qu'il y faut joindre encore celle de la suzeraineté dans l'ordre temporel : ils s'appuient sur le précepte de la loi qui ordonne à tous les sectateurs de Mohammed d'être fidèles et soumis à l'Imam souverain, d'après ces paroles du Cour'ann : Soyez soumis à Dieu (i) y soyez soumis au prophète > et à celui d'entre vous qui a le commandement suprême. D'autres enfin, plus rigoristes, n'admettent la légitimité de l'érection d'un nouvel Etat, qu'autant qu'il est séparé de la monarchie khalipale , ou par les mers, ou par les domaines d'une nation étrangère. (i) EtïouV allah' Etiour-ressoul ve oui' ul-emr minnk'um. Par une suite de ces principes, tous les Souverains qui suivent indistinctement les quatre rits orthodoxes sont encore aujourd'hui envisagés , avec leurs nations respectives, comme autant de membres réunis sous l'autorité sacerdotale du Grand-Seigneur, en sa qualité de premier Imam et de vicaire de Mohammed. Les uns , tels que l'Empereur de Maroc , les princes des divers cantons de l'Arabie , des Indes et du reste de l'Orient, ne reconnoissent que son autorité spirituelle. Les autres , comme les trois régences d'Afri-que, rendent encore hommage à sa suzeraineté temporelle. On sait que l'élection des Dajis ou Beylerbcys , qui en sont les administrateurs et les chefs, et qui par-là représentent, suivant l'esprit de la loi, l'unité du commandement, est toujours soumise à la confirmation du Monarque Othoman, de qui ils reçoivent leur diplôme , avec une pelisse d'honneur en signe d'investiture. Tel est le point de vue général sous lequel l'Islamisme a toujours considéré la dignité sacerdotale , soit en elle-même, soit dans ses R iv 264 CODE RELIGIEUX, rapports avec les autres Etats Mahométans-Lapuissance temporelle deMohammcd n'ayant été l'ondée que sur la prétendue mission qu'il avoit reçue du ciel, de rappeler les hommes au culte des anciens Patriarches, à l'unité d'un Dieu> on ne doit pas s'étonner de voir partout la constitution politique subordonnée à la constitution religieuse , chez les peuples qui se gouvernent par les lois de l'Islamisme. C'est ce point de doctrine, plus encore que des considérations politiques, qui, dans la dernière guerre entre la Porte et la Russie, a fait naître les plus vives et les plus fortes oppositions au démembrement de la Crimée et a l'indépendance, de son chef. La maison Othomane, obligée de plier sous la loi impérieuse de la nécessité, ne se prêta enfin à re-connoître le prince Schahhin Guiràih pour souverain de la petite Tartarie , et à le dégager de la reconnoissance des droits de suzeraineté temporelle des Sultans Othomans , que sous la condition expresse que ce Khan rendroit toujours, lui et ses successeurs, hommage à leur suprématie spirituelle. La Cour de Constantinople se réserva même la liberté de nommer, comme auparavant, à toutes les charges de judicature de la Crimée, parce que les magistrats Mahométans, Mollas et Cadys , ne sont pas seulement les ministres de la justice et de la loi, mais encore les chefs de la religion et du culte public, sous l'autorité du Sultan. Tous ces points, si importans aux yeux de l'Islamisme, et auxquels on doi t principalement attribuer les nouveaux démêlés qui s'élevè* rent, après la paix de Càinardjé , et qui ne furent définitivement réglés que dans la convention cl' A'inaly-Cawak , signée à Constantinople le 21 mars 1779, eussent pu entraîner une nouvelle rupture entre les deux Etats, sans la médiation de S. M. T. C., et l'habileté de son ambassadeur M. le comte de Saint-Priest y dont la sagesse sut concilier, dans une négociation aussi épineuse, les intérêts de la religion d'une part , et de la politique de l'autre , entre les deux puissances contractantes. La cession absolue et postérieure de la '266 CODE RELIGIEUX. Crimée , est un événement soumis à d'autres principes. Nous en parlerons ailleurs. 34°. Que Xlmam doit être visible ; qu'il ne doit pas se dérober aux regards du public , ni être non plus l'objet de son attente. C. Ulmam doit être visible, il doit se montrer au public, soit dans les temps calmes , soit dans les temps orageux, afin de pouvoir diriger les affaires de l'Etat, maintenir l'ordre dans l'Empire , prévenir les maux , et dissiper les troubles qui pourraient l'agiter. Observations. Cet article a principalement pour objet de réfuter l'opinion des hétérodoxes Schiys , surtout des Rafazys et desImamiyés, sur la personne de Mohammed, surnommé Mehhdy, le directeur céleste , qui est le douzième et dernier Imam de la race à'Aly. Ce prince n'avoit que cinq ans lorsqu'il hérita de Ylmameth de ses aïeux; il se perdit, en 260 (873), à l'âge de douze ans dans une grotte hSermen-Rey j CODE RELIGIEUX. 267 ce qui donna lieu à différentes opinions, les unes plus enthousiastes que les autres, sur sa nature et son apparition prochaine. Les Musulmans Sutw/ys le croient destiné à venir , vers la fin des temps, appeler tous les peuples de la terre à la connoissance de l'Islamisme, assisté dans cette mission de trois cents soixante esprits célestes, RidjeaVullah. Il sera même, disent-ils, le Vicaire de Jésus-Christ dans les fonctions augustes de Vl/na-meth. Mais les Schiys , qui ne reconnoissent de Khaliphat parfait que celui d'Afry et de ses deseendans, croient que ce Mehhdy \h encore dans une grotte, ignoré du reste des hommes. Son retour fait l'objet perpétuel de leur attente. Chaque jour ils espèrent le voir appa-roître dans un état pompeux , pour faire revivre les droits de sa maison, et établir un Khaliphat universel sur toute la surface de la terre. Cette croyance fut très-funeste à plusieurs Etats Mahométans, soit en Asie, soit en Afrique , ainsi qu'à l'Empire Othoman lui-même, 268 CODE RELIGIEUX, sous ses premiers princes. Une foule d'aventuriers et de fanatiques , Derwyschs pour la plupart, tels que Djelal sous Selim Yahya Mohammed Seyyahh sousy Mourad III Ahmed - Scheykh - Sacariya sous MouradIV", etc. se servirent de ce nom imposant de Mehhdy pour former des entreprises, qui, secondées par la séduction et la crédulité, entraînèrent la dévastation et la ruine de plusieurs provinces. On croit qu'il existe encore aujourd'hui un imposteur de ce nom sur les frontières de la Perse. On donne ici le portrait de Mehhdy , planche 7 , tel qu'il a été copié dans les livres Persans.. 35°. Que Y Imam doit être issu du sang des Coureyschs , sans cependant que sa naissance soit restreinte à la branche àeHaschim ou à celle iXAly. Il suffit qu'il ne soit pas d'une autre racé. C Ce point est appuyé sur cette parole du Prophète : Les Imams (1) doivent être de la (1) El-Eymmé minn Couréysch'inn. race des Coureyschs ; mais il n'est pas absolument requis qu'ils soient issus de Haschim ou d'Aly , vu la légitimité du Kpaliphat d'Ebu-Behir, d'Orner et d'Osman, qui étoient issus de Coureyschs, par d'autres branches que celles de Haschim ou d'Aly, etc. Observations. Les Coureyschs , de tout temps considérés comme la plus noble des tribus Arabes, ont pour souche commune Fihhr-Coureysch. Les auteurs nationaux le font descendre en ligne droite d'Ismail fils d'Abraham. C'est dans cette tribu que Mohaminesprit naissance par la branche de Haschim son bisaïeul. On voit dans l'arbre généalogique de cette maison, que les premiers Khaliphes, ainsi que les Ommiades et les Abassides , descendent également de Fihhr-Coureysch , mais par des lignes différentes. ' La maison Othomane n'a pas l'avantage d'être du même sang, comme l'exige la loi canonique , pour avoir droit à Ylmameth. Cependant, selon l'opinion unanime des ju- / ristes modernes , ce droit est acquis aux Sultans Othomans, par la renonciation formelle qu'en lit, fan Q23 (i5iy) , en faveur de cette maison souveraine, dans la personne de Selim I s MohammedXII Ebu -Djeafer , dit Mutenivekil al ail ah. C'est le dernier des Khaliphes Abassides , dont le sacerdoce fut détruit du même coup quivrcnversa la puissance des Memlouhs Circasses en Egypte-Selim I reçut encore dans la même année les hommages du Schérifde la Mecque Mohammed Eiïul-Bcrekcalh y qui lui fit présenter dans un plat d'argent les clefs du Keabé par Ebn-Noumj son fils. Cette cession pleine et entière des droits de Ylmameih y faite d'un côté par un Khaliphe Abasside , et de l'autre par un Shérif de la Mecque , tous deux deseendans des Coureyschs , l'un par la branche de Haschim , l'autre par celle d'Aly y supplée , dans les Sultans Othomans, au défaut de la naissance ou de l'extraction qu'exige la loi pour exercer d'une manière légitime les fonctions du sacerdoce. Indépendamment de ces titres, ajoutent les mêmes docteurs, les droits de cette maison souveraine sont encore établis sur la puissance et sur la fortune des armes. Ils citent là-dessus les commentaires de Foussoul-Istérouschiiiy, l'un des anciens ouvrages canoniques les plus estimés, où on lit en effet » que l'autorité d'un » prince (1), qui auroit même usurpé le sa-» cerdoce par la force et la violence, ne laisse » pas d'être réputée légitime, parce qu'au jour-» d'bui ( c'est-à-dire après la révolution des » trente années que devoit durer le Khaliphat » parfait, à compter de la mort du Prophète , » comme il l'avoit annoncé lui-même) la sou-» veraine puissance est censée résider en la » personne du vainqueur, du dominateur, du » plus fort, dont le droit de commander est » fondé sur celui des armes. « 36°. Que la dignité de Ylmameth n'exige pas absolument que Y Imam soit (1) We yekeouné tahlid'ul ca^a minn es - Sultan'ul-djeabir ve ehhl'ul-begha li enn 'elbaghy saré Sultan 'enn Vil cahhr v'el-ghalebé ve fy ^emanina cl 'huktn l'il-ghalcbé. 272 CODE RELIGIEUX, juste , vertueux, irréprochable , Mdas-soum, ni qu'il soit le plus éminent et le plus excellent des êtres de son temps ; Efial ; mais bien qu'il ait les qualités requises à une tutelle parfaite et absolue, avec l'habileté et la capacité nécessaires pour veiller à l'observation des préceptes de la loi, défendre les frontières Musulmanes, et soutenir l'opprimé contre l'oppresseur. C. Que la justice , la probité , la vertu ne soient pas absolument nécessaires pour exercer légitimement les fonctions de Ylmamcth, on en a la preuve dans Ebu-Békir, le premier des Khaliphes et des Imams j qui fut élevé à cette dignité sans égard à ses mœurs et à ses émi-nentes vertus , sur lesquelles il n'y a même jamais eu de jugement légal et canonique. Les foiblesses et les imperfections attachées à la nature humaine , ne permettent pas d'ailleurs de s'arrêter à ces considérations. On ne demande pas non plus que Ylmam soit le plus excellent excellent des êtres de son temps , c'est-à-dire, , qu'il soit supérieur aux autres par ses connois-sances et ses actions (i) ; il suffit qu'il ait les qualités requises pour Ylmamclh et l'habileté nécessaire à l'administration des affaires publiques , ce qui est aussi fondé sur l'exemple d'Orner, élu auKhaliphataprèsla mort à'Ebu-Béldr, parle conseil et l'avis unanime des six principuux Asshabs de son temps , Osman , Alj- , Abd'ur-Rahman Ibn-An{f y Talhha y Zubcjry et Sâad-Ibn Ebu- PVehassy tous également puissans en sciences et en œuvres , etc. Les qualités requises à la tutelle absolue et parfaite, liYlmamethy à la souveraineté sacerdotale, sont le Musulmanisme (2), la condition franche , le sexe masculin, l'état de raison et de bon sens, l'âge de majorité.» XiJÇmmm doit donc être Musulman, attendu que l'Etre suprême n'a accordé aucun droit de supériorité à l'infidèle sur le fidèle; de condition franche, vu l'état de servitude particulière (1) Il m' cnn vc amd'enn. (2) Musslim"cnn , vc hurrenn , ve ^eherenn , ve aklï enn, vc baligh'ann. Tome I. S 274 CODE RELIGIEUX, et d'avilissement public de tout esclave ; du sexe masculin, eu égard à l'imperfection des femmes, et du côté de l'esprit, et du côté de la religion; enfin doué de sens et majeur, parce que les insensés et les mineurs sont incapables de gérer les affairesdu gouvernement. L'habileté et la capacité requises en même temps dans Y Imam , sont censées exiger de lui, de la prudence, de la sagacité, de la majesté, de la science, de la justice, du courage, de la valeur, pour qu'il soit en état de manier le glaive de la puissance souveraine contre les méchans et les oppresseurs, et de combattre les ennemis de la foi en personne, à la tête des armées Musulmanes. Observations. Telles sont les qualités naturelles et les. vertus civiles et militaires que la législation religieuse exige d'un Souverain pour être digne d'occuper le trône, d'exercer le pouvoir des deux glaives, et de régner sur le peuple Mahométan. La loi qui exclut les femmes de Ylmameth ou du sacerdoce a pour principe le fait que nous allons rapporter. Mohammed zcpvren&nt, l'an 8 de l'Hégire, le meurtre du fameux usurpateur de la Perse SchehhrijarIet l'élévation de la princesse Bourahhan Doukfuh fille de Peiwizl, surnommé Dess/h-efschar y au trône de ses aïeux, s'écria : Point de félicité (f) , point de salut pour un peuple gouverné par une femme ! Ces paroles sont devenues depuis une loi fondamentale, et une des premières maximes de l'Etat. Quoique le code ne parle que de la dignité sacerdotale, cette* disposition néanmoins s'étend encore jusqu'au pouvoir temporel de tous les trônes Musulmans, parce que, comme on l'a déjà dit, on envisage les Souverains qui les occupent comme autant de feudataires du siège Pontifical. Ainsi cette loi s'observe dans toutes les maisons souveraines qui sont soumises aux préceptes du Cour'ann. L'histoire n'offre qu'un seul exemple contraire dans la maison des Ghawrsy qui a régné (i) La teflahh'u'Cawrnenn-aleyhli'um emreéth. 276 CODE RELIGIEU X. à Dchhly près d'un siècle. L'imbécillité de Rukii'ud-di/iriFLrouz-Scfuih lui avant lait perdre sa couronne en 633 (i235), les Etats proclamèrent en sa place la Sultane Rakiyé , sa sœur, qui régna avec beaucoup de sagesse. Elle étoit toujours vêtue en homme, et ne paroissoit jamais en public que le visage couvert d'un masque. Son zèle et son courage l'engagèrent même à marcher en 6'Sy (i:2,3q) à la tête de ses armées , contre le prince de Scrhhind ; mais elle fut battue et emmenée captive. Cet événement malheureux, et l'ambition de MuùVud-dinn , son frère , qui sut en profiter, lui firent perdre le tronc. Quant aux imbécilles et aux mineurs incapables de posséder le sceptre d'une manière légale , on lit dans Fossoul-Isterouschiny ) dont on a parlé plus haut, qu'un Imam mineur n'a le droit d'exercer par lui-même aucunes fonctions relatives à Xlmameth ni de faire aucun acte juridique ; que privé de ce droit, il ne peut le déférer ni aux Khatibs et aux Imams-prêtres , pour l'exercice de la religion, ni aux Mollas et aux Cadjs pour l'administra- tion de la justice ; que dans ce cas, la nation a le droit d'élire d'un commun accord un personnage digne de gouverner l'Etat sous le nom de Waby-y-Azimqui veut dire, gouverneur suprême, régent, administrateur : celui-ci seroit alors autorisé à déférer ces pouvoirs conformément aux dispositions de la loi, et à veiller aux intérêts de la religion et de l'Etat jusqu'à l'époque de la majorité du Souverain-La nation est désignée sous le nom iïldjhmay-umincih , corps d'assemblée, ou de Rëoya^ sujets. Ce nom comprend le seul peuple Ma-hométan; les sujets non-Musulmans sont toujours désignés parla loi sous le nom de Zimmy. Par ce mot de nation, suivant tous les jurisconsultes, l'on ne doit entendre, à proprement parler, que les grands de l'Etat, les premiers des Oulémas ou docteurs de la loi, les officiers constitués en charge et en dignité, ceux enfin qui sont ordinairement admis à l'acte d'hommage, Biâath, le jour de la proclamation d'un nouveau Monarque. Cet hommage rendu par les grands, par les chefs de tous les ordres, est censé rendu par la nation entière, par tout le peuple Mahométan. S iij 278 CODE RELIGIEUX. ■ Gn voit au reste que la législation religieuse ne prononce rien de relatif à Tordre de succession : ce silence a pour principe la conduite du Prophète et des Khaliphes ses successeurs , qui n'ont rien statué d'une manière formelle sur un point de cette importance. Tout le monde sait que Mohammed mourut sans postérité masculine, et qu'il laissa à ses princi* paux disciples le soin de lui donner un successeur. Ebu-Béhir fut élu d'une voix unanime. Au moment de sa mort, il convoqua une nombreuse assemblée , et proposa Orner. Quoique ce prince ne fût pas du goût de sa nation, à cause de la sévérité de son caractère, personne cependant n'osa s'y opposer, et Ebu-Béhir alors le nomma formellement son successeur au trône. » Pardonnez - moi , ô mon Dieu, » s'écria-t-il l'instant d'après , d'avoir disposé » du Khaliphat sans un ordre exprès de votre » saint Prophète; mais vous savez, Seigneur, » que je n'ai en vue que le bien de l'Islamisme » et la prospérité de votre peuple. « Orner mit plus de réserve dans sa conduite. Le jour qu'il fut assassiné, il assembla tous les Asshabs , et leur témoigna les scrupules qu'il avoit de nommer son successeur. Sur les pressantes sollicitations qu'on lui en fit, » C'est » assez, dit-il, de m'être chargé de mon vivant » du poids du Khaliphat ; je neveux pas m'en *> charger après ma iiiort. « Enfin, ne pouvant résister à de nouvelles et de plus vives instances , il nomma six d'entre eux, qui dès-lors furent appelés conseillers ou électeurs, As-shab-Schoura y et les autorisa à choisir parmi eux seuls le vicaire du Prophète. Après bien des débats et des contestations, cinq de ces électeurs se dépouillèrent de leurs droits en faveur du sixième, Abctur-RalimanlbnAwf, gendre d'Aly > qui, loin de profiter pour lui-même de cette déférence généreuse de ses collègues, se décida pour Osman. Le meurtre de celui-ci fut suivi de l'élection à'Aly. C'est d'après toutes ces circonstances que la dignitéKhaliphale, sous ces quatre premiers princes, est envisagée comme purement élective. L'usurpateur Muamjél la rendit héréditaire; pour l'assurer à sa famille, il y nom- S iv ! ma , de son vivant, YezidI, son (ils, et le fit reconnoître solennellement à Damas par tous les grands de sa Cour. Mais les troubles sangla > s qui suî vi re □ t l'abd i c a t i o n de Muauij cl Tj fils et successeur de Yezid I, et l'imprudence qu'il commit en laissant la disposition du trône aux grands de l'Etat, firent alors passer le Khaliphat dans la branche de MérwànnJ> également descendant d'Um-meye'j la souche de cette maison des Ommiades. Ainsi les armes de Mciwawi I, alors gouverneur de Mé-dine, ayant triomphé de la rivalité de cinq autres anti-Khaliphes, qui se disputoienl le sacerdoce, ce prince ne tint que de son sabre l'investiture du Khaliphat, qu'il transmit à ses deseendans. Il eut, comme Muajrijé 1, la politique de pourvoir de son vivant à sa succession. Il nomma deux de ses enfans pour hériter successivement du trône. Son exemple fut suivi par tous les princes de sa maison et par tous les Khaliphes Abassides qui s'élevèrent sur ses ruines. HarounI surnommé Reschid, alla même plus loin : il désigna trois de ses enfans , héritiers de sa puissance, et fit Suspendre avec le plus pompeux appareil l'acte de cette disposition dans le Keabé de la Mecque. Cependant l'histoire de tous ces Khaliphes montre que chacun , durant son règne , étoit le maître de suivre ou non les volontés de son prédécesseur : les uns les respectaient ; les autres y dérogeoient, et fbrçoient même les princes déjà nommes, et reconnus pour leurs successeurs , à renoncer publiquement à leurs droits dans la mosquée, au milieu de l'office divin, dans la vue de rendre plus respectables aux yeux du peuple leurs dispositions en faveur de leurs propres enfans. Mais lorsqu'ils étoient en bas âge ou en minorité , ils déféraient ordinairement le Khaliphat à l'un des princes collatéraux. Ce choix étoit presque toujours dirigé par la bienveillance particulière, et non par les qualités personnelles du sujet, moins encore par l'âge ou le droit de primo-géniture. Mohammed V et Abd'ullah VI occupèrent le trône sacerdotal âgés de dix-neuf ans ; et le jour de sa proclamation , Djea< Jèrll n'avoit pas atteint sa treizième année. \ Personne n'ignore les malheurs qapMouam* riied IIy surnommé Eminn 9 attira sur lui-même et sur Baghdad> pour avoir imprudemment nommé à sa succession Moussa son fils, âgé de cinq ans, et déshérité son frère Mée-mounn , depuis Abdhdlah III. On voit que ce défaut d'ordre de succession au Khaliphat fut une source intarissable de troubles , d'attentats et d'horreurs dans la famille même des Abassides. Chaque Khaliphe disposoit à son gré de la chaire de Mohammed. Mais dans leur état d'abaissement, lorsque ces Pontifes perdirent jusqu'au commandement de la ville où ils résidoient, et qu'ils furent restreints à la seule dignité sacerdotale, les Souverains de Baghdad, à commencer par Ibn-Ralik en 3^4 (936) , sous le Khaliphat de Mohammed VIII> et après eux les Sultans d'Egypte, disposèrent à leur gré , non-seulement du sacerdoce, mais encore de la liberté et de la vie de ces infortunés Khaliphes. Cependant les hétérodoxes Schiys avoient sur l'ordre de succession une loi positive et formelle : elle déclaroit les seuls deseendans y des Souverains héritiers du trône, à moins que îe Monarque, avant sa mort, n'en eût disposé d'une manière solennelle, en faveur d'un prince collatéral , au préjudice de ses enfans. Les Falhimiles , qui ont régné en Afrique et en Egypte environ deux siècles et demi, sous le titre de Khaliphes , ont observé cette loi, parce qu'ils suivoient la doctrine des Schiys, dont ils étoient les premiers protecteurs. Leur histoire offre sur ce point un trait remarquable. Après le meurtre de Mensour II, dit Amir bi-ahheam 'illah , qui ne laissoit point de postérité, les grands de l'Etat proclamèrent Abd'ul MedjidIy dit Ilafiz-li-diii illah, petit-fils de MuidI, surnommé Mus-tannsir b'illah , mais sous la condition qu^ne feroit pas tort au sang de Mensour II, qu'il céderoit le trône, si quelqu'une de ses femmes ou de ses esclaves accouchoit d'un prince, et qu'alors AUul- Medjidï gouverneroit l'Etat sous le titre de régent, Wekil, jusqu'à l'époque de la majorité du successeur légitime au trône d'Egypte. Cet événement eut lieu en 524 (i i3o). 284 C ODE RE Li G I E U X. La maison Olhomajie suit fidèlement cette loi , qui garantit la Couronne et l'Etat des funestes inconvéniens de la minorité. Elle n'a cependant pas toujours respecté le droit d'aînesse parmi les princes majeurs. Osman I, le fondateur de la Monarchie, en donna le premier exemple. A sa mort il nomma pour son successeur Orhlian son second fils , au lieu iXAlaed-dinn Pascha , son aîné , qui en fut exclus à cause de son goût excessif pour les sciences spéculatives, comme pour la retraite et la solitude. Bayczidlî tint la même conduite à l'égard du prince Schehhin schah\, en lui préférant le prince Ahmed , son cadet, circonstance qui arma contre lui Selim son auwe fils, et le força en quelque soi te à abdiquer le trône en sa faveur. Les quatorze premiers Sultans , depuis Osman I jusqu'à AhmedI, ont régné successi-• vement de père en fils; mais à la mort Ahmed I > comme ses enfans étoient encore en bas âge, le Divan assemblé au Sérail proclama, d'après l'esprit de la loi, et en vertu d'un Fethwa formel du Mouphty de ce temps, Ess'âd - Efendy ? le Sultan Moustapha I , frère du Monarque défunt, et le premier des princes collatéraux qui ait été enfermé au Sérail. C'est là l'époque où l'ordre de succession au trône, fut, pour ainsi dire, interverti, et où régna avec plus d'empire que jamais cette loi politique du Sérail, si contraire à l'esprit de la législation religieuse , d'enfermer à perpétuité tous les princes collatéraux, et de condamner à mort tous les enfans de l'un et de l'autre sexe qui leur naissent pendant cet état d'emprisonnement. Cet arrêt sanguinaire , contre lequel se récrient vainement tous les gens de loi et tout l'Empire, s étend jusqu'aux enfans mâles des Sultanes princesses du sang, que l'on ne marie d'ordinaire qu'à des Vézirs ou Paschas à trois queues, qui forment le premier ordre de l'Etat. i On a soin de ne composer le Harem des princes collatéraux que de sept à huit jeunes filles esclaves, auxquelles on fait avaler divers breuvages propres à tarir dans leurs flancs les sources de la fécondité. Si ces moyens dénaturés sont insuffisans, si ces infortunées ont le malheur de concevoir, le jour de la naissance de l'enfant est en même temps celui de sa mort : la sage-femme qui le reçoit, est tenue , au risque de sa tête, de ne pas le laisser vivre. Elle n'ensanglante cependant jamais ses mains ; ce seroit un attentat contraire au respect dû au sang royal : mais elle s'interdit ses fonctions; elle ne noue pas le cordon ombilical. Tel est le genre de mort réservé à ces tendres rejetons du sang Othoman. Tous les Monarques, à leur avènement au trône , adoptent ces lois barbares. Ils ont tous le même intérêt de les perpétuer , i°. pour assurer à leurs enfans, du moins à l'aîné , la succession à l'Empire, ou plutôt l'espoir d'y parvenir à son tour ; espoir qui seroit très-éloigné , s'il existoit des branches aînées dans les princes collatéraux; 2°. pour garantir 1 Empire de ces troubles et de ces dissentions qui l'ont si cruellement déchiré sous les premiers règnes, où tous les princes collatéraux jouissant de leur liberté , ne cessoient de faire des entreprises contre le trône; et 3°. pour épargner à l'Etat une surcharge accablante, par l'entretien qu'exigeraient leur naissance et leur rang. Personne n'ignore que la seule maison des Abassides y d'après le dénombrement fait l'an 201 (816), par les ordres du Khaliphe AbdullahlII, dit Méemounn y montoit à plus de trente-trois mille ames, tant princes que princesses. Ainsi, à compter de Moustapha Itous les Sultans Othomans et tous les princes de leur maison sont nés sur le trône ; et depuis cette époque , leur histoire n'offre que dans Mohammed J/^l'exemple d'un prince qui, quoique mineur, ait succédé à son père. La raison de cet événement politique est qu'après le meurtre dHIbraliiml en io58 (1648), Mo-iiammcdlV qui n'avoit encore que sept ans ■ e trouvoit être le seul prince du sang, le seul héritier de l'Empire. Tous les autres Sultans, depuis AhmedI, n'ont eu pour successeurs que des princes collatéraux, et toujours l'aîné de la famille. Ainsi le Grand-Seigneur actuellement régnant , Abd'ul - Hamid I y quoique père de trois enfans nés comme tous les autres sur le trône, a pour héritier et successeur à l'Empire le prince Selim son neveu , fils de MoustaphalII, né le ^décembre 1761 , cpii réunit dans sa personne les droits d'aînesse, comme étant le seul prince collatéral de cette auguste maison. Nous parlerons plus amplement de ces matières dans le Code Politique. 07°. Que les vices ni la tyrannie d'un Imam n'exigent pas sa déposition. C. C'est que les vices ni les actes tyranni-ques de Y Imam ne donnent pas atteinte aux droits de sa tutelle souveraine sur le peuple, sur les serviteurs de Dieu , attendu l'exemple des Imams ou des Souverains vicieux et tyrans qui ont régné après les quatre premiers Khaliphes , et dont l'autorité a toujours été réputée légitime dans Tordre spirituel comme dans Tordre temporel. La prudence et la politique s'opposent d'ailleurs à leur destitution , pour éviter les troubles et les malheurs publics qui pourroient en résulter. Il n'y a proprement que les Caays ou les magistrats qui soient soumis à une déposition légale, pour cause de de vices et d'abus d'autorité. Leur magistrature est même envisagée comme illégitime, si elle est le fruit de la corruption et de la vénalité. 11 en est ainsi des jugemens qu'ils prononcent ; ils sont même réputés non exécutoires , si c'est l'avarice ou la passion qui les a dictés. Observations. Ce dogme , qui est le premier bouclier des Souverains Mahométans , rend leur personne sacrée aux yeux de toute la nation : il est d'ailleurs conforme aux principes de la loi, qui, comme on l'a vu plus haut, n'admet pour tous les Etats du Mahometisme que le seul gouvernement monarchique , en prescrivant aux sujets la fidélité et la soumission les plus parfaites envers leurs Souverains. Ces principes, que les préjugés du fatalisme fortifient encore, inspirent au peuple le respect le plus profond pour ses maîtres, sans égard à leurs vertus ou à leurs vices, à l'équité ou à la tyrannie de leur administration, sur-tout lorsque le Monarque réunit en sa personne l'au-TOME I. T 29o CODE RELIGIEUX, torilé spirituelle et temporelle, en qualité de Khaliphe et d'Imam suprême. Respecté alors comme le vicaire et le lieutenant du Prophète, tout ce qui émane de son pouvoir est regardé comme l'effet dune inspiration du ciel, qui exige l'exécution la plus prompte et la plus aveugle. C'est d'après cette opinion générale, que l'on appelle encore aujourd'hui les Souverains Othomans ZiWullah, l'ombre, l'image de Dieu sur la terre. Si des Khaliphes, des Monarques Mahométans, des Sultans même de Constantinople, ont été le jouet de la fortune , les victimes des conspirations ou des révoltes, ces événemens, ces révolutions ont toujours été regardés par l'Islamisme comme des entreprises odieuses, et des attentats criminels contre la personne sacrée des Souverains. Cependant quelques-uns des docteurs ont, dans leurs gloses, mis à cet article une restriction qui semble s'éloigner de l'esprit et de la sagesse des anciens Imams. Us prétendent que les vices et les tyrannies d'un Monarque Musulman ne doivent être tolérés qu'autant que ses passions ou ses injustices s'exercent dans la partie de l'administration publique qui est soumise à l'arbitraire de ses volontés , et qui l'orme proprement la législation civile ; qu'il n'en est pas de même des objets qui concernent la doctrine, le culte, la morale et les principes invariables de l'Islamisme, tels qu'on, les trouve dans le code Mulitha ; et que si jamais un Monarque osoity donner atteinte, son entreprise , taxée d'impiété et d'irréligion, ne pourroit alors que devenir funeste à son autorité. La politique des Oulémas et de tous les docteurs modernes a soin d'entretenir cette opinion, qui fait, pour ainsi dire, le seul frein à l'autorité presque despotique de leurs Khaliphes, sur-tout des Sultans foiblcs\et inhabiles. Nous traiterons plus 'amplement ces matières dans le Code Politique. Quant aux qualités et aux vertus requises dans les magistrats, on en verra l'exposition détaillée dans les Lois judiciaires qiu font partie du Code Civil. Tij 38°. Que la perversité ou les vices de ceux qui président en qualité $ Imams à la prière commune , Nama^ 9 n'en empêchent pas la validité. C. Ce point est fondé sur la parole du Prophète , de sorte que les fidèles et même les plus doctes des premiers siècles du Mahométisme ne se firent jamais scrupule de s'acquitter du Namaz, sous VImarneth, d'hommes vicieux, irréligieux et même schismatiques. Il suffit en effet que leur corruption et leurs vices n'aillent pas jusqu'à l'infidélité. Mais ce pieux exercice, nonobstant sa validité sous de tels Imams , n'en est pas moins blâmable et répugnant aux yeux de la religion, Mekrouhh, 390. Que la prière funèbre, SalatKul-djena^é, est requise pour tous les morts, soit vertueux, soit vicieux. C. Cette prière est obligatoire pour les fidèles vivans, à l'égard de tous ceux qui meurent dans la foi, dans la croyance, dans la fidélité, comme adorateurs de l'Eternel et zélateurs du Keabé de la Mecque. 400. Qu'il ne faut jamais faire mention des disciples , Asshabs, qu'en bien. C. Le fidèle commet un grand péché, s'il attaque, s'il blasphème, s'il maudit la mémoire de quelqu'un des Asshabs ou disciples du Prophète, ou de quelqu'une de ses femmes , etc. Le fidèle ne doit pas non plus ana-thématiser aucun mort, etc. Observations. Le scandale que donnoient au peuple les Khaliphes et les anti-Khaliphes qui s'anathé-matisoient mutuellement, sur-tout les Ommiades , les Abassides et les Alewys , a fait naître ces dispositions de la loi. Aly fit le premier usage des anathêmes; ce fut contre Muawiyé I, immédiatement après le congrès de Dewmelh'ul-djenndel, où le plénipotentiaire de cet usurpateur de la Syrie lui déféra, par le plus insigne artifice, le titre de Khaliphe. Muajviyé I employa aussi cette T iij 294 CODE RELIGIEUX, ressource, non-seulement pour user de représailles, mais encore pour échaufier davantage les esprits contre la personne $AIy dans les Etats déjà soumis à sa puissance: Yezid I y son fils et son successeur, renouvela cesana-thèmes contre la mémoire et la race infortunée d'A/y , à la suite de la fameuse journée de Kcrbela, si funeste à l'Imam Hussein et à toute sa maison. L'acharnement de ce prince contre tous les partisans des Aie-wys , et ses fureurs contre la Mecque et Mc-dine , portèrent, dix ans après, l'anti-khaliphe de la Mecque, Abd'ullah'IbnZubeïry à déclamer avec la plus grande indécence contre Abd'ul-Melik Iy qui occupoit alors le siège de Damas : dans tous les offices des vendredis, il le traitoit publiquement en chaire, d'usurpateur, d'infidèle, de maudit, Mel'ounn IbnMeVounn , en l'accablant de malédictions, lui, ses aïeux , sa postérité et toute sa race. Les Khaliphes Ommiades anathématisèrent Aly pendant trente-neuf ans. Ce ne fut qu'en 99 (71?) ^Orner II réforma ces procédés «•candaleux dans toutes les mosquées de Damas et du reste de son Empire: il fit même substituer aux anciennes formules des malédictions, ces paroles du Cour'ann : Certes, Dieu ordonne Féxjuitéet la bienfaisance (i). Tous les peuples, dit l'histoire, en furent ravis d'admiration, mais particulièrement les docteurs de son siècle, qui , dans des poèmes éloquens et sublimes, rendirent hommage à sessentimens et à ses vertus. Cependant ses successeurs eurent encore recours à ces moyens odieux contre les Fathimites et tous les chefs des Aleuys. Djcaferl, le plus implacable de leurs ennemis, fit revivre en s3s (8.j6) les anciennes imprécations contre la mémoire à'AIy et de Hussein j il alla même jusqu'à faire démolir leurs tombeaux. Cinquante-deux ans après , Ahmed III frappa la mémoire de Muauiyél, et de toute sa race, des plus terribles anathêmes. L'usurpateur de l'Irak , Muizz'ud-Dewleth > de la rnaison de Bouyé , les renouvela dans le siècle suivant. Attaché à la doctrine des Schiys, il (l) InnallaKïy 'entrait Vil-aaTi vel-ihhssann. Tiv 206" CODE RELIGIEUX, étoit pénétré de vénération pour la mémoire ÏÏAly , et entièrement dévoué aux intérêts des princes ses deseendans. Ce Monarque, le fléau de la maison d''Abas , et alors maître du Khaliphat comme de Baghdad, fit, l'an 351 (962), afficher dans cette ville, aux portes des mosquées, les plus ailreuses malédictions, i°. contre la mémoire de Muawiyé I> comme le premier usurpateur du Khaliphat, et le premier des persécuteurs de la maison d'A/y ; 2°. contre les possesseurs injustes du territoire de Fcdek-Baghtschessy ? appartenant en propre à Fatima et à sa postérité ; 3°. contre ceux qui s'étoient opposés à la sépulture de Vlmam 11/isscïn , près du tombeau iYA/y son père; 40. contre ceux qui avoientcontribué au bannissement du fameux Elmzer-Ghajary j et 5°. contre quelques-uns des disciples, As-shabs , qui n'avoient pas admis Abas, oncle du Prophète , dans le nombre des électeurs autorisés par OrnerI, agonisant, à lui donner un successeur. Les murmures du peuple, excité sous main par le Khaliphe Fazll, engagèrent quelque temps après , Muizzud - Dewleth à faire enlever ces affiches , pour y en substituer d'autres dont les anathêmes ne tomboient que sur MuawiyéI, et sur tous ceux qui étoient les ennemis et les persécuteurs de la race de Mohammed , al'i-Mohammed , par où l'on désignoit les deseendans dlAly. Environ un siècle après, les Khaliphes Abassides tournèrent ces imprécations contre les Fathimites d'Egypte, quoique reconnus du sang dAIy. Ce fut d'abord sous le Khaliphat dlAbd'ullah V, en 444 (io5a), en vertu d'un décret des Oulémas , qui, dans une grande assemblée , décidèrent que l'on ne devoit pas ménager les foudres du Cour'ann contre les anti-Khaliphes d'Afrique. Us les traitoient d'impies , d'infidèles , d'imposteurs , comme issus, non d'Aly , moins encore de Mohammed, mais de race Juive, et du sang des mages des Perses idolâtres. Ces anathêmes, formellement proscrits par la loi, sont censés comprendre aussi les malédictions et les excommunications réservées au seul temps du Prophète. Mohammed se servoit souvent des premiè- res contre ses ennemis , qui, au rapport fies auteurs nationaux, en éprouvaient aussitôt les tristes etïèls. ils citent, entre autres exemples, celui du Roi de Perse Kessra Pcrwiz. Mohammed ayant appris que ce prince avoit reçu ses députés avec une fierté dédaigneuse, et déchiré sa lettre avec mépris, l'accabla de malédictions : Que Dieu, s'éciia-t-il, déchire les Etats de cet impie comme il a déchiré notre lettre! paroles auxquelles on attribue tous les désastres qui accablèrent ce royaume, désolé, déva.sté et subjugué enfin par les armes Ma-liométanes, sous le Khaliphat d'Orner. Quant aux excommunications , l'histoire n'en offie qu'un seul exemple. L'an 9 de l'Hégire (63o), Mohammed, menacé d'une puissante ligue entre les Grecs et quelques tribus Arabes cantonnées sur la frontière de Syrie* 01 donna les plus grands préparatifs pour aller Surprendre ses ennemis. Mais ses finances ne pouvant suffire à tous les besoins de son armée, il s'adressa à ses principaux disciples, qui lui sacrifièrent une partie de leur fortune. » Lbu-Bekir, dit l'auteur, alla jusqu'à mettre » tous ses biens aux pieds du Prophète. Gsman » donna mille pièces d'or et trois cents cha-» meaux chargés de vivres. Tous enfin se dis-» tinguèrent par leur amour et leur dévoue-» ment pour l'Apôtre céleste. Lesseuls^Z*/'-» ullah Ibn Ubei, et deux autres disciples, » aveuglés par une sordide avarice , osèrent » se refuser à ses demandes. Mohammed se a contenta de les excommunier, et de leur » interdire tout commerce avec le reste des *» Musulmans. Couverts de cette infamie, ils » s'amendèrent quelques semaines après; et » le Prophète, touché de leurs larmes , leur » fit grâce, et les rétablit dans les droits du » Musulmanisme. « On ne voit dans l'histoire des Othomans aucun exemple de ces excommunications et de ces anathêmes, si ce n'est celui de la soixante-cinquième chambrée, Djemaâth, des Janissaires. Au milieu de l'émeute populaire qui, en io32 (i623), ôta la vie et le trône à Os-manll, un soldat appelé Altundjj-Oghlou, ayant eu l'audace de porter la main sur ce prince, en lui serrant la jambe et les cuisses, et d'insulter à son malheur, dans les rues de Constantinople } lorsqu'on le menoit au château des sept tours , Mourad IV , frère d'Osman et son successeur, punit cet attentat, en cassant toute cette chambrée, qu'il accabla d'anathêmes. lisse renouvellent encore aujourd'hui le mercredi de chaque quinzaine, au moment où l'on distribue les chandelles d'usage aux autres chambrées. L'officier chargé de ce soin , appelle par deux fois la soixante -cinquième Oda,et un autre officier répond, Sessj-bath-sinn! Que sa voix périsse } qu'elle s'anéantisse ! Enfin la loi qui interdit ces anathêmes dans Tordre politique , les permet néanmoins en matière civile et juridique, c'est-à-dire, dans les cas de divorce occasionné par l'accusation du mari contre l'infidélité de sa femme. On verra cet article dans le Code Civil. 41 °. Que les dix Evangélisés par le Prophète jouissent réellement de la béatitude éternelle. C. Le Prophète lui-même a promis le para- dis à ces dix Evangélisés , Mubeschscherés , en récompense de leur zèle et de leur fidélité. Nous devons aussi croire que Fatima sa fille, ainsi que Hassan et Hussein , enfans &Aly, jouissent de la même béatitude, d'après cette parole de l'Apôtre céleste : Certes , Fatima est la princesse des fejnmes bienheureuses j et certes , Hassan et Hussein sont les princes de la jeunesse bienheureuse. A l'exception de ces ames privilégiées, et de tous les Prophètes, on ne doit prononcer ni sur l'élection , ni sur la réprobation d'aucun mortel, parce qu'on ne peut croire au nombre des bienheureux que ceux qui meurent réellement dans leMu-sulmanisme , comme on ne peut croire au nombre des malheureux que ceux qui meurent réellement hors du Musulmanisme. Observations. Les auteurs nationaux les plus célèbres nous apprennent que généralement tous les disciples de Mohammed, tous ceux qui, de son vivant, embrassèrent sa doctrine, qui furent admis en sa présence, ou qui assistèrent à ses pré- dications , sont désignés sous le nom oXAss-hab ou Sahhabé, c'est-à-dire, compagnons ou favoris. Ils en font monter le nombre à cent quatorze mille. La plupart étoient Mecquois et Médinois : on les distinguoit sous deux différentes dénominations ; les premiers sous celle de Mehhadjir, compagnons de fuite, de désertion , ou plutôt les expatriés ; les autres sous celle cXEnssar, aides, auxiliaires. Cependant ils jouissoient tous, sans exception, du nom (YAsshab , d'où dérive celui de Mussahhib , affecté, dans toutes les Cours des princes Mahométans , à leurs favoris , à ceux qui ont les entrées libres chez eux , et qui sont admis à leur familiarité. Mohammed, qui puisa dansnos livres saints une partie de sa législation, donnoit à douze de ces principaux Asshabs le titre àellaiva-ry y qui veut dire , apôtre ou coopérateur. C'étoient Ebu-Rehîr , Orner, Osman , Aly, qui sont les quatre premiers Khaliphes; ensuite TaVhha, Zubeïr Ïbn-Auam , Sâd Jim Ebu- JVekhas , Abd'ur-Rahmann Ibn Au>fy EbuŒubejdé Ibn D/enah , S ad Ibn Zeïd, Hamza et Djcajer, tous également Coureyschs. Voyez le Tableau généalogique A. U échauflbit le zèle de tous ces Asshabs par l'excellence de ses promesses, le ciel , le paradis, et une félicité éternelle supérieure A tout ce que l'intelligence humaine pouvoit se figurer de plus ravissant. Ces promesses furent cependant énoncées d'une manière encore plus spéciale aux dix premiers apôtres. Aussi Sont-ils les seuls décorés du nom d'Aschere'y Mubcschschcrésqui veut dire, les dix Evan-gélisés, et les seuls que l'Islamisme ait béatifiés, avec Fatima et les deux enfans SAly-Ces apôtres, mais principalement les quatre premiers , lui servoient en même temps de secrétaires, sous le titre de Keatib. Il employa quelquefois aussi la plume à'Ebn' Su-jjannj celles de Muawiyé et de Yézid, après qu'ils eurent embrassé sa doctrine. Il se servit également de Zcïd-lbn-Sabi/h , le môme qui dans la suite rédigea le Cour'ami par les ordres d'Ebu-Behir; d'Abd'ullah Ibn Eeuhha , le plus grand poète de son siècle ; d'Abdallah Ibn Sàd, qui, après avoir eu, disent les mêmes auteurs , le malheur d'apostasier, et d'altérer un grand nombre de versets du Cour'ann, à mesure qu'il les transcrivoit, eut aussi le bonheur de rentrer dans l'Islamisme, le jour de la prise de la Mecque, et d'y mourir en odeur de sainteté; (YArnr- Ibn'ul-Ass , le fameux conquérant de l'Egypte, sous Orner} et de Khalid Ibn Zeïd Ebu-Ejub, de\nùsSand/eah-dar, ou enseigne du prince Yezid, et qui mourut, en 48 (668), sous les murs de Cons-tantinople, où son tombeau est encore aujourd'hui en grande vénération. Mais de tous ces Asshabs, les plus favorisés de Mohammed furent les quatre premiers Khaliphes : les liens d'affinité qu'ils avoien avec lui leur concilièrent sa familiarité et sa confiance. Dans les premières années de son entreprise il avoit marqué la plus grande prédilection pour^Ar^, son cousin et son gendre, dont le zèle, le courage et l'activité le met-toient alors au dessus de tous les autres disciples. 11 l'appeloit son frère, son compagnon , son lieutenant , Khalife, avec ordre à tous ses fidèles de lui obéir en tout comme à lui-même. CODE RELIGIEUX. 3o5 même. Il répétoit assez souvent ces paroles: Je sjAs la cité de la science ( i) , et Aly en est la porte. Mais dans la suite , sur-tout après Son établissement hMédine, il distingua par dessus tous Ebu-Bekir et Orner ses beau-pères. Ce législateur disoit ordinairement qu'il avoit quatre Vézirs , ministres de ses volontés, deux spirituels, l'ange Gabriel et l'ange Issrajil ; et deux temporels-, Ebu-Bekir l'autre dans le Bouhhara j le Scheykh Meuhyed-dinn Arc-hy y en Syrie ; Khodjca Ahmed Nessefy le plus grand saint du TurkussLanny et l'auteur de ces paroles, érigées depuis en maxime politique: Tout Souverain (i), tout ministre en place doit être Moyse au dedans y et Pharaon au dehors j Khodjea Behhay'ud - din Nakschibendy y à qui l'on est redevable de cet ( j ) hsch Moussa gutrek tasch fir'awn. adage : Il ex té rieur (i) pour le monde > V intérieur pour Dieu } TVelid Eyub , le premier de tous les Saints de Constantinople ; Schems* ud-dinn Boukhary , surnommé Emir-Sultan > gendre de Bayezid I s Ack-Schems'ud-dinn j Ack -Biyik-dédé j Sheykh Eb'ul PVefaj Seyyid Ahmed Boukhary , etc. On rend aussi les plus grands hommages à la mémoire, i°. de tous les Imams de la race à'Aly , sur-tout de*ses deux enfans , Hassan et Hussein y comme étant les chefs de îa légion des Martyrs Mahométans ; des Imams fondateurs des quatre rits orthodoxes: 3°. de tous les interprètes et docteurs de l'Islamisme ; 4°. de tous lesSchcykhs instituteurs d'ordies religieux ; 5°. enjin de tous les Khaliphes et Souverains Mahométans qui se sont distingués par leur zèle, leur piété et leurs vertus. Parmi les Sultans Othomans , les plus révérés sont Osman I , Mo/trad I , Mohammed II et Bayezid II} le seul de sa maison cependant qui ait eu après sa mort le surnom de Wely 3 à cause des sentimens de religion (i) Zahhir ba-khalkbaùnn ba hakk. Vij 3o8 CODE RELIGIEUX, dont il donna toute sa vie des témoignages écla-tans. On range encore dans cette classe quelques-uns des princes du sang , mais sur-tout Aïh-doghd/y-Bey > neveu $ Osman I y mort à la guerre, et inhumé près de Cojounn-Hissary en Asie, et Sulejman Pascha , fils d'Or-hhanl ■, dont les cendres reposent à Boulair , près de Galllpoly , etc. Une opinion constante leur attribue à tous des miracles ; et l'on croit encore aujourd'hui que les malades qui vont pieusement visiter leurs tombeaux, en faisant usage de la terre qui couvre ou environne leur sépulture, se guérissent de leurs infirmités. Chaque province, chaque ville a, pour ainsi dire, ses Saints : on leur rend par-tout de pieux hommages; on les invoque, on demande leur intercession et leurs secours par des prières presque toujours accompagnées de sacrifices et d'aumônes. Les Sultans eux-mêmes sont très-attentifs à remplir ces devoirs de dévotion : à l'époque de leur avènement au trône, et dans toutes les calamités publiques ou particulières , ils vont visiter les tombeaux de leurs ancêtres, et ceux des principaux Saints dont les cendres reposent à ConsLantinople. Tous les Monarques qui ont commandé en personne > leurs armées, ne sortoient jamais de la capitale qu'ils n'eussent solennellement imploré les secours de ces ames bienheureuses, par des offrandes, des prières, des largesses en faveur des pauvres : ils avoient pour maxime d'en user de même lorsqu'ils passoient dans une ville célèbre par les reliques de quelque Saint. Les cendres des Patriarches et des Prophètes sont encore un objet de vénération pour les Musulmans. Selim I y après avoir subjugué la Syrie, en 922 ( 1Ô16), et passé l'hiver à Damas, ne voulut pas, au retour de la belle saison , marcher contre l'Egypte sans avoir visité Jérusalem : il partit incognito, suivi de quelques officiers, arriva à toute bride dans cette ville, et alla droit, dit l'histoire, au mont Keouhh-Khalil rendre ses hommages au tombeau à'Abraham y et à ceux à'Isaac, de Jacob y de Joseph , etc. Il fit même toutes ces courses au milieu d'une forte pluie ; et après avoir satisfait à ce devoir religieux, il repartit aussitôt pour Damas. V iij Indépendamment de ce respect profond que les Mahométans portent à la mémoire de ceux qu'ils croient morts dans un état de sainteté , ils ont encore des égards singuliers pour les personnes recommandables par leur piété, sur-tout pour les Dcmischs ou autres solitaires qui, voués à une vie retirée et contemplative , passent leurs jours dans l'austérité et dans la pratique des vertus morales. Ces sen-timens sont communs aux Souverains comme à toutes les classes de la nation. Les Khaliphes les moins religieux, les princes les plus dissolus et les plus impies, ont donné dans tous les siècles des marques d'u e considération particulière pour ces pénitens. L'histoire cite, entre autres, le fameux T/mour. Ce héros Tatar, le fléau de l'Orient, lorsqu'il marcha sur Héralh, l'an 782 (i38o) , passa par Taï-bacl. Un hermite , Ebu-Beklr Zeiny ud-dinn , ^ttiroit dans ce canton la dévotion et le concours de tout le peuple. Timour eut la curiosité de le voir, et le fit prier de se rendre à ton camp. Le solitaire se refusa obstinément à son invitation. Je me j crois scrupule ^ disoit- il, de me tire le pied dans la Unie dun prince ennemi des hommes d'an observateur si peu zélé du Cour'ann et des pccept.es du Prophète. Timour} étonné du caractère ferme et décidé de cet anachorète, prit le parti de l'aller voir : il se transporta à sa cellule , et ce fameux conquérant, dit Ahmed Efendy ce prince si sévère et si impérieux, dont nul mortel ne pouvoit soutenir les regards, fut si attendri à l'aspect de ce saint vieillard, si pénétré de ses vertus, qu'il ne put retenir ses larmes. Il reçut avec la plus grande docilité ses leçons et ses conseils ; il écouta même avec une sorte de crainte les menaces qu'il lit au nom du ciel contre les princes méchans , inhumains , irréligieux , et ne le quitta qu'avec des transports d'admiration, en le comblant de présens et d'éloges. Selim I, qui joignoit à la valeur et aux qualités guerrières une grande piété et une confiance extraordinaire dans les vertus des ames saintes comme dans les sciences théurgiques, se livra plus que jamais à ces dispositions naturelles de son esprit et de son cœur pendant Viv 3ut CODE RELIGIEUX, son expédition contre les Memlouks d'Egypte. Des qu'il se vit maître de la Syrie, il fut moins ardent à presser ses préparati fs contre le Caire, qu'à connoître les Scheykhs et les Dertvischs du pays , dont il cherchoit à mériter les bénédictions et les vœux par ses largesses et ses bienfaits. Informé qu'un Scheykh nommé Mohammed Bidakhschy , vivoit saintement à Damas , dans un coin de la mosquée Beny-Ummeyé, il alla aussitôt le visiter , le salua profondément, et se tint devant lui dans la plus humble contenance ; il ne voulut pas même prendre le premier la parole; et comme le Scheykh , par respect, gardoit aussi le silence , ils restèrent long-temps l'un vis-à-vis de l'autre sans proférer un seul mot. Akhy-Tschc/eby, l'un de ses officiers ayant eu l'imprudence de rompre ce silence, Selim en fut extrêmement irrité : c'est alors que prenant la parole, il se recommanda à ce pieux solitaire, et le pria d'adresser au ciel les vœux les plus ardens pour sa conservation et la prospérité constante des armes Othomanes. Prions ensemble , dit le Scheykh j et après avoir récité differens chapitres du Cour'ann , et autres prières analogues aux désirs de Selim : » Ne »vous écartez pas, grand prince, lui dit-il, » de la vertu, de la piété et des devoirs du » trône : appuyez-vous en tout sur les secours » du ciel, sur les bras du Tout-Puissant : ayez » une entière confiance en la bonté et en la » protection de l'Etre suprême, le maître de » la vie des hommes et l'arbitre de la destinée » des Empires : alors rien ne manquera à la * félicité de votre règne et au bonheur de vôtre à auguste maison, h Assuré des vœux de cet anachorète, encouragé d'ailleurs par les prédictions des devins et des autres solitaires également respectés comme des Saints, Selim rnarcha en toute confiance à la conquête de l'Egypte. Ces sentimens dominent presque toute la nation. De tout temps les Monarques, les ministres , les grands de l'Etat, en un mot, toutes les ames dévotes ou superstitieuses ont logé et entretenu de ces prétendus Saints, dans l'espoir d'attirer sur elles et sur leur famille les bénignes influences de leurs vertus. 314 CODE RELIGIEUX. Cette confiance, cette vénération s'étend jusqu'aux imbécilleset aux (bus. On croit chez les Mahométansque danscet étatd'impcccabilité, l'ame de ces insensés est comblée des grâces du ciel, qu'elle jouit d'un commerce intime avec les puissances spirituelles, et que leurs vœux, comme plus agréables à Dieu, sont plutôt exaucés que ceux du reste des mortels. Ces idées les rendent très-charitables envers ces malheureux ; aussi n'enlérme-t-on que les fous emportés ou furieux; ceux qui restent calmes et tranquilles, jouissent d'une liberté entière ; ils se promènent dans les rues, visitent les maisons, entrent chez les principaux seigneurs, même chez les ministres d'Etat, pénètrent jusque dans leur appartement, se placent à côté du maître, qui se recommande toujours à leurs prières, et ne les renvoie jamais sans quelques aumônes. Tous, même ceux qui s'élèvent au dessus du vulgaire, ont pour eux ces égards, dans la crainte de heurter, aux yeux du public et des gens de leur maison, des préjugés si respectés dans l'Empire. Ces prétendus Saints , soit parmi les fous, Soit parmi les hommes sensés , mais sur-tout dans la classe des Schtjkhs et des Denvischs3 yont distingués sous le nom d:'Ewliya-ullah, c]ui veut dire, les Saints de Dieu. Selon les Mahométans, il existe chez les mortels une légion de ces ames saintes, toujours au nombre de trois cents cinquante-six: ds donnent à cet ordre spirituel et céleste > pour ainsi dire, la qualification de Ghaws-alem, qui signifie , refuge du monde. Les bienheureux qui le composent , sont rangés en sept classes , que l'on regarde comme autant de degrés mystérieux de leur béatification. La première est occupée par le chef ou le coryphée de cette légion, distingué sous le nom de Ghmvs-azam ou grand refuge; la seconde par son Vézir ou premier ministre, sous le titre de Contb, qui signifie pôle ; la troisième est composée de qu#.tre ministres subalternes, Eiviads, colonnes; la quatrième de trois bienheureux, Utsclilerj la cinquième de sept, Fedllerj la sixième de quarante, Klrkler, et la septième du reste de la légion, c'est-à-dire, de trois cents, appelés pour cette raison, Vtschjuzler. On croit que les six bienheureux des trois premières classes se trouvent d'une manière invisible au temple de la Mecque , dans les cinq heures canoniques du jour destinées à la prière, Namaz, qui est prescrite à tous les peuples Mahométans. Lorsque le Ghaws-azam ou le coryphée vient à mourir, il a pour successeur le premier ministre , Coutb , qui, à son tour, est remplacé par le plus ancien des quatre Ewtads } ce qui opère une promotion générale dans toute la légion ; et les vides du septième et dernier ordre se remplissent chaque fois par les ames les plus pures et les plus dignes d'être incorporées dans cette association céleste. On attribue l'origine de cette opinion singulière aux SchejJihs et aux Derwischs des premiers siècles du Mahométisme. Ce sont en effet ces ordres religieux qui soutiennent et accréditent encore aujourd'hui ces idées de béatification temporelle et spirituelle. Elles leur servent de bouclier pour maintenir dans l'esprit de la nation et du gouvernement même leurs instituts, quoique contraires aux principes de l'Islamisme, à cause de la musique et des danses religieuses qu'ils ont adoptées, contre les dispositions et les défenses formelles de la loi. Toutes les fois que la politique d'un ministre ou la rigidité d'un magistrat a proposé à Constantinople d'abolir ces ordres, le public , toujours favorable à ces anachorètes, n'a élevé qu'une voix pour leur conservation, dans la crainte, disoit-on, d'attirer sur l'Empire les anathêmes de toutes les ames saintes qui vivent dans ces pieuses retraites. Les sept classes de cet ordre spirituel dont ils parlent constamment , font allusion aux differens degrés de béatitude que l'Islamisme admet dans le paradis. On a sur ce point mille opinions diverses , qui, toutes plus absurdes les unes que les autres, sont sans doute les suites naturelles de l'enthousiasme, et d'une imagination exaltée par la solitude et les austérités d'une vie contemplative. Mais la plus dominante est celle qui règle la béatitude de chaque iudividu sur la sainteté de sa vie et de sa mort. On croit que les dix Evangélisés, mais sur-tout les quatre premiers Khaliphes, ont pour partage les régions les plus élevées et les plus enchantées du ciel; que la félicité dont ils jouissent dans ce séjour ravissant, est au dessu s d e 1 ' i n t e 11 i ge n ce h u m a i n e ; qu e l'E t er-iiel a destiné à chacun d'eux soixante-dix pavillons superbes, Cassr-ala , tout éclatans d'or et de pierreries; que chacun de ces pavillons immenses est garni de sept cents lits éblouis-sans, et que chaque lit est entouré de sept cents Hourjs ou vierges célestes. Telles sont les idées générales que l'on a sur les délices du paradis. Le trait suivant prouve leur empire sur l'esprit même des Sultans. Sous le règne désastreux de Mourad111, l'Etat ébranlé au dedans et au dehors, tou-choit au moment de sa ruine, lorsque la valeur #Œuzdemir-OghlouOsmanPascha, l'un des Coubbé-Vézirsde ce temps, arrêta, d'un coté, les progrès alarmans des Schahs de Perse, et réprima de l'autre l'esprit séditieux de Mo-hammedGuiràdi-Khan j qui vouloit secouer le joug de la maison Othomane, et se rendre CODE RELIGIEUX. 3i9 libre et indépendant. Ce Pascha, élevé depuis à la dignité de Grand- Vézir , fit , l'an 992 (i584),àla suite de ses victoires, une entrée triomphale à Cous tant inople, et reçut de MouradIII les marques les plus signalées de sa bienveillance. Le Monarque dérogeant même à l'usage et aux étiquettes de la Cour, lui donna une audience particulière, pour entendre de sa propre bouche le récit de ses exploits contre les ennemis de l'Empire. Cettte audience eut lieu un mardi , à la suite du Divan , dans le pavillon Yaly-keoschk , situé sur le Bosphore. Après l'accueil le plus flatteur , Sa Hautesse lui ordonna jusqu'à trois fois de s'asseoir sur un tapis, Ihhram', dressé devant le Sopha, et lui demanda la relation de ses campagnes en Perse et en Crimée. Osman Pascha s'en acquitta avec autant de modestie que d'éloquence : il exposa d'abord les détails de la victoire qu'il avoit gagnée contre le général Eress-Khan. Mourad en fut si enchanté, qu'il s'écria : Brave, brave, mon cher Osman ] On ne peut assez applaudir à voire zèle, à votre valeur, à votre habileté j et 32o CODE RELIGIEUX, ôtant de sa tête son plumet garni de brillans, il l'attacha cle sa propre main sur le turban de cet illustre Vézir. Le général fit ensuite la relation de la bataille non moins glorieuse qu'il avoit remportée contre le prince Schah Oghlou llamza Mirza. Mourad lui donna de nouveaux éloges; et tirant son poignard enrichi de dia-mans, il le passa à la ceinture du héros. Celui-ci exposa ensuite toutes les circonstances de la défaite du général Imam Cou/y Khan. Le Sultan l'honora encore d'un plumet aussi riche que le premier. Enfin Osman Pascha parla de ses stratagèmes et de ses opérations en Crimée contre le rebelle Mohammed Gui-ralh-Khan, et de la fin déplorable de ce prince , événement qui intéressoit plus l'Empire que tous les trophées remportés sur les Persans. Alors Mouradse livrant aux transports de sa joie, éleva les mains vers le ciel , et donna à ce Vézir mille bénédictions. Soyez » à jamais, lui dit-il, dans la grâce du Sei-» gneur ! qu'une gloire immortelle soit votre » partage , et dans ce monde et dans l'autre! » Puissiez- » Puissiez-vous, en récompense de vos talens, » de vos services et de votre zèle pour la re-M %ion et l'Etat, atteindre un jour à la félicité » du Khaliphe Osman dont vous portez le » nom , et jouir avec lui, comme avec les au-»> très disciples de notre saint Prophète , du » même rang , des mêmes pavillons, desmê-» mes lits, des mêmes tables et des mêmes » délices dans les plus hautes régions du pa-» radis ! « Pour achever le récit de cette anecdote, nous ajouterons qu'Osman Pascha , dans l'ivresse où I'avoient jeté les grâces multipliées de son maître ,' regardoit sa faveur comme au dernier période, lorsqu'il se vit conduire par le Capou Aghassj , chef des eunuques blancs , dans uri appartement du Sérail , pour faire une nouvelle toilette , et prendre un habit complet de la garde-robe du Grand Seigneur, jusqu'à la chemise et au turban même , que l'on garnit des deux aigrettes qu'il venoit de recevoir de Sa Hai//esse. Sous cette parure il l'ut reconduit au Keoschk, ou il gut l'honneur de baiser la main du Monar-TOME I. . X 322 CODE RELIGIEUX, que. A son départ il trouva dans la première cour du Palais un cheval superbement enhar-naché, avec des étricrs d'or massif, un sabre et un Ghaddaré enrichis de pierreries, et poses l'un et l'autre sur les deux côtés de la selle, à la manière des Orientaux. Le grand écuyer le lui présenta au nom du Sultan. Osman Pascha le monta , et rentra en pompe dans son hôtel, accompagné des Pejks et des So-lahs, qui sont les gardes du corps , et de plusieurs autres officiers du Sérail, tous à pied et environnant sa personne; honneurs jusque-là sans exemple , et qui frappèrent d'étonnement le Sérail et Constant inapte. 42°. Que le bain, Messhh, est cl obligation pour les voyageurs comnie pour les hommes en demeure fixe. C. Ce Messhh , qui consiste à se baigner simplement la chaussure, est un point fondé et sur les lois prophétiques, et sur les lois apostoliques, d'après l'exemple même de l'Envoyé céleste et de ses disciples, qui le prati-quoient constamment* Ce genre d'ablution est permis pour trois jours et trois nuits de suite a 1 égard des voyageurs, et seulement pour un jour et une nuit à l'égard des hommes en demeure fixe (i). 43°. Que le jus des dattes n'est pas une boisson prohibée. C. A moins qu'elle ne soit forte, et qu'elle n'ait la vertu d'enivrer (2). 440. Que les Saints ne parviennent pas au même degré de béatitude que les Prophètes. C. 11 faut distinguer les Prophètes des Saints , eu égard à la sublimité de leurs vertus, à l'excellence de leur caractère , et aux grâces particulières dont ils ont été favorisés ar l'Eternel : tels sont les dons de prophétie, de révélation , de miracles, etc. et la mission (') On verra cet article relatif aux purifications, dans la partie rituelle. (2) Cet article est compris dans les dogmes , parce que ce fut un grand point de controverse entre les Sunnys et les Schiys. x ij céleste qu'ils ont reçue pour annoncer les préceptes divins, instruire et diriger les peuples dans la voie du salut, etc. 45°. Que l'homme, quel que soit son état de perfection, ne peut jamais se soustraire aux devoirs que les lois positives et prohibitives lui imposent. C. Ce point, fondé sur les décisions apostoliques, combat la doctrine des hétérodoxes Mubahhijinns, qui croient que le fidèle parvenu à un état de perfection, à un certain degré de sainteté, par la droiture de son cœur, la pratique des bonnes œuvres, et son amour pour Dieu, peut se dispenser d'observer les préceptes de la loi, négliger les pratiques du culte extérieur, se restreindre à la seule vie contemplative, commettre ainsi tous les crimes , sans s'exposer aux châtimens qui leur sont réservés dans l'autre vie, etc. 460. Que le texte des Ecritures doit , s'expliquer et s'entendre selon le sens propre et littéral, et que c'est une im- CODE RELIGIEUX. 3i5 piété de s'en éloigner , en leur donnant , comme fout les contemplatifs ou les spiritualistes, Ehhl-batinns , un sens figuré et métaphorique. C. Ces Ecritures sont le Cour'ann et le Ha-diss : d'après la décision et l'opinion unanime des interprètes sacrés, elles n'admettent point de sens mystique et spirituel , sur-tout dans les passages où le texte est clair et évident : ainsi ceux qui s'écartent de ce principe, se rendent coupables d'impiété et d'infidélité. Observations. Jamais peut-être chez aucun peuple les docteurs et les juristes n'ont tant écrit sur la doctrine et sur les lois que chez les Arabes. Les ouvrages de leurs Imams en ce genre, forment des volumes immenses. Dans leurs compilations, les légistes rédacteurs ont toujours mis des distinctions marquées, non-seulement entre le tex'e et les gloses, mais encore dans cette foule d'explications que les docteurs postérieurs ont données sur les commentaires des anciens Imams. Tout y est classé, subdi- X iij visé et même caractérisé par des noms diffé-rens, suivant l'esprit et la nature de chacun de ces ouvrages. Le texte du Cour'ann et celui du IJadiss, recueil de toutes les lois orales de Mohammed, portent le nom de JVass , qui signifie le texte par excellence; et leurs commentaires celui de Tcjsir. Le texte de tous les ouvrages théologiques et canoniques qui ont été laits d'après l'esprit de ces deux premiers livres, s'appelle Methn / les commentairesqui les accompagnent, Scher/i h; les explications qui en ont été faites depuis, Uaschiyé , et celles qui leur servent encore de développement, Tdlikath. Le code Mul-téka, qui embrasse l'universalité de la législation religieuse, est, comme nous l'avons déjà dit, le résumé de cette immensité d'ouvrages. Ainsi toutes les matières relatives aux dogmes, au culte, à la morale, comme aux lois civiles et politiques, s'y trouvant réglées et statuéesd'une manière fixe et invariable, l'Islamisme ne permet plus nulles gloses, nulles interprétations quelconques sur aucun de ces points. Delà cet axiome si commun dans la bouche des docteurs modernes : Idjhtihhàâ capoussjr capanndy c'est-à-dire, La porte des gloses est- fermée pour jamais. 470. Que le défaut de croyance à l'égard des livres sacrés, emporte le caractère d'infidélité. Ç, C'est que la dénégation des vérités révélées dans le Courann et dans le Hadiss, emporte un démenti formel contre Dieu et son Prophète , ce qui rend l'incrédule impie et infidèle, etc. 48° Que celui qui regarde le péché, le crime , la transgression de la loi comme des choses licites , se rend coupable d'infidélité. C. Tout ce qui tend à légitimer le crime est une attaque faite à la religion, qui, dès-là même, efface dans l'homme le caractère du Musulmanisme et de la fidélité. Ainsi quiconque méprise les préceptes de la doctrine, ou qui, avec oonnoissance de cause, et de propos délibéré, donne pour licite ce qui, suivant X iv la loi , est illicite et criminel, comme seroit, par exemple , le mariage avec des parentes aux degrés prohibés , l'usage du vin, du sang, du porc, des bêtes mortes, etc. se rend coupable d'impiété. 490. Que celui qui voit le péché d'un œil de légèreté et d'indifférence , ou qui se permet des railleries sur les préceptes de la loi et du culte divin, se rend également coupable d'infidélité. C. Ce sont autant d'actions qui dénotent un esprit irréligieux et incrédule> et qui tendent, également à un démenti criminel et impie contre Dieu et son Prophète. Ainsi tout Musulman qui, par irréligion , néglige la prière Namaz , ou les purifications qui doivent la précéder, ou la posture requise vers le Kéo.hé de la Mecque durant la prière, etc., se rend coupable d'impiété : on est également impie et infidèle, si l'on se permet même des désirs sur la non e istence des lois, sur-tout de celles qui sont générales et communes à toutes ies CODE RELIGIEUX. 329 religions et à toutes les nations du monde . comme sont , par exemple, les lois prohibitives sur l'adultère, le meurtre, Je vol, etc. On est moins coupable lorsque ces désirs se bornent aux préceptes particuliers duMusul-manisme, à l'égard desquels la tiédeur du fidèle indolent ou voluptueux feroit souhaiter, par exemple, que l'usage du vin ne fût pas interdit, que le jeûne dn Ramazan ne fût pas canonique et obligatoire, etc. ôo°. Que le défaut d'espérance en Dieu est un acte d'infidélité. C. Le fidèle ne doit jamais perdre espérance en la miséricorde de Dieu. Le désespoir est le partage des seuls infidèles, etc. 5i°. Que le défaut de crainte des menaces et des châtimens de Dieu, est un acte d'infidélité. C. Le défaut de crainte de la colère et de l'indignation de Dieu , ne peut être que le pari âge des réprouvés. Observations. Tous ces articles ne sont que le développement de celui où il est question de la nécessité de la foi pour mériter le ciel. On y voit qu'indépendamment des dogmes fondamentaux de l'Islamisme, la croyance du Mahométan doit encore embrasser touf ce qui est statué par la législation religieuse ou le code Mulléka, relativement à la morale, aux pratiques du culte extérieur et à divers objets civils et politiques. D'après cette doctrine, la transgression de la loi est un péché qui, quoique grave, n'altère que la sainteté du Musulman, et peut devenir l'objet de la miséricorde comme de la justice de l'Eternel. Mais le défaut de croyance, le mépris, l'indifférence, la dérision pour les préceptes de la loi, constituent l'acte d'infidélité qui seul emporte la réprobation éternelle. Tel est le précepte de la religion relativement à l'état spirituel du Musulman considéré comme simple prévaricateur de la loi , ou comme impie. Mais dans l'ordre temporel on distingue ces crimes en secrets ou publics. Quant aux premiers, la prévarication ni l'impiété ne sont jamais soumises à l'animadver-sion des lois, parce que, disent les docteurs, ce sont des fautes personnelles qui intéressent la conscience seule, et sous ce point de vue, tout Mahométan n'est comptable de sa foi, de son culte, de ses actions, qu'à Dieu, seul vengeur de l'irréligion et de l'infidélité : quant aux seconds, la loi punit et les transgressions et les actes d'impiété ; les unes par des châti-mens sévères, les autres par la peine de mort. Sur ce point la loi est inexorable , parce que 1 impiété du Mahométan est à ses yeux un crime, en quelque sorte plus grave encore que celui de l'apostasie. Si donc un Mahométan marque en publie du mépris pour la religion, ou sil profère le moindre blasphème, non-seulement contre Dieu et Mohammed, mais encore contre quelqu'un des Prophètes reconnus par l'Islamisme, son crime est réputé irrémissible, et ne peut être effacé que par son sang. Le repentir le plus prompt et le plus sincère seroit inutile au coupable , à moins qu'il n'en eût donné des témoignages éclatans avant la procédure , et clans ce cas même, il seroit encore tenu à renouveler sa profession de foi, son mariage avec ses ferr- ■ mes légitimes, le pèlerinage de laMecqu$ s'il s'en étoit déjà acquitté, les prières Na-maz, les pratiques du culte, et généralement toutes les œuvres religieuses exercées durant sa vie, attendu qu'elles sont censées évanouies et éteintes en lui au moment de son crime. Par une suite de ce même principe, la conversion d'un Juif à la foi Maliométane n'est jamais réputée sincère et réelle,. et cela, disent les aocteurs , à cause de l'opinion des Israélites sur la personne de Jésus - Christ qu'ils rejètent de la classe des Prophètes, ce qu; seul emporte le caractère d'impiété, selon les dogmes du Musulman-sme. 52°. Qu'ajouter foi aux prédictions des devins sur les événemens occultes et à venir , est un acte d'infidélité. C. Ce point est fondé sur les préceptes prophétiques où l'Apôtre céleste réprouve et condamne tous les devins, Kehahhirm-, qui prétendent découvrir les secrets, et manifester les choses futures par la voie des sciences mystérieuses, et par un commerce intime avec les esprits , Djinns etc. Les astrologues, Munedjim > qui se livrent aux mêmes illusions, sont aussi condamnables qu'eux. II n'y a que Dieu seul qui puisse prévoir et annoncer 1 avenir par la bouche des saints personnages favorisés de ses inspirations et du don des miracles. De toutes les prédictions réputées humaines, on ne doit admettre que celles qui sont fondées sur les expériences physiques, etc. Observations. On ne peut s'empêcher d'admirer le génie du Législateur Arabe, et sa profonde politique, lorsqu'il interdit, comme contraires à la foi Musulmane , les prétendus secrets d'un art qui , de son temps, avoit le plus grand empire sur l'esprit non-seulement des peuples Orientaux, mais encore de presque toutes les nations Européennes. Dans cette proscription de l'astrologie judiciaire et des divinations, les docteurs comprennent encore la magie, la cabale, les augures, les songes, le calcul des nombres, en un mot tout ce qui a rapport aux sciences théurgiques. Selon la Mythologie Orientale et les traditions fabuleuses des Mahométans, ces mystères semblent avoir pris naissance clans l'ancienne Egypte : leur origine se confond avec l'époque de la création du monde. On y voit que Nacrawousch , fils de Missraim, arrière-petit-fils a"Adam y fut le premier prince de l'Egypte et le premier des mages ou des savans qui excellèrent dans l'art de l'astrologie et desenchantemens. Nacrawousch^dont le nom signifie chef ou conducteur, avoit aussi le surnom de Djebbar, qui veut dire, oppresseur et dominateur. Retiré en Egypte avec sa famille, au nombre de quatre-vingts personnes , il s'établit sur les bords du Nil, appelle tout ce pays Mjssr ou Missraim , du nom de son père, bâtit Essous , la plus ancienne des villes d'Egypte, et commence la première dynastie des princes Missralmiens y qui , tous également cabalistes , devins et très-versés dans l'art des fascinations, ont régné jusqu'au CODE RELIGIEUX. 335 nombre de dix-neuf sur cette vaste contrée. Mais les plus fameux furent i°. Nacrasch qui, selon la même Mythologie, est le fondateur de DjcVhha, et le premier qui représenta en figures et en images les douze signes du zodiaque; s0. Gharnak , qui eut la foiblesse de publier ces secrets mystérieux, jusque-là réservés à sa maison ; 3°. Khasslim , l'auteur du nilomètre, Mikjass ; 40. Hersai, qui se Voua au culte des idoles ; 5°. Sehhlouk, qui adora le feu ; 6°. Sourid, son fils, qui éleva les premières pyramides , Ehhram, et qui passe en même temps pour l'inventeur de ce miroir merveilleux, Aîné j-Souiîd , que les anciens poètesOrientaux ont tant chanté dans leurs vers; 70. enfin Fir'awnn, Pharaon, qui est le dernier prince de cette dynastie, et dont le nom fut depuis attribué aux plus méchans Rois de l'Egypte. Cétoit un monstre de cruautés : il baigna ce royaume dans le sang des peuples. Effrayé des prédications et des menaces terribles de Noé, il s'efforça en vain de faire périr ce Prophète , croyant prévenir par sa mort, le dé- luge universel : ily périt cependant avec toute sa maison. Le seul Ffili mounn , chef" des mages et des astrologues de son temps, eut le bonheur de se sauver de cette désolation e:é-nérale. Averti en songe de chercher son salut dans Parche de Noé, il vole enBabylonie, où il confesse la mission divine de ce Prophète, embrasse le dogme de l'unité d'un Dieu, et est reçu dans l'arche avec sa famille. Il s'allie ensuite avec Noé, en donnant sa fille à Beissar, fils de Kham. De ce mariage naquit le second Missraim , qui fonda une nouvelle monarchie en Egypte, fut la souche des vingt-six Rois de la seconde dynastie Missraimienne , et éleva la ville de Memphis, nom corrompu de Menef ou Meaf, qui veut dire, trente, parce que sa famille étoit pour lors composée de trente personnes. Ce Missraim fut encore le dépositaire de tous les secrets de la magie et de l'astrologie des premiers âges du monde, qu'il eut en héritage à'EJilimounn 5 son grand-pèrè maternel. Tous ses deseendans excellèrent comme lui dans ces sciences, sur-tout Cajtarinn, son petit- petit-iils, le premier prince de la terre qui se livra à l'idolâtrie après le déluge; le célèbre Elboud- Schir, qui surpassa tous ses aïeux dans le grand art de la cabale ; et Adim, son fils. sous le règne duquel les fameux magiciens Harouth et Marouth , appelés depuis Mf'hhïé et Mehhalé remplirent l'Orient de leur réputation : on les regardoit comme deux démons sortis des enfers. C'est sous ce règne encore que la célèbre magicienne Nédouré établit le culte de la grande idole du soleil, Saném-Schemssy. Enfin cet Adim, à qui la tradition attribue mille choses étonnantes, fut l'auteur de ce vase intarissable dont parlent tous les poètes Orientaux. Ceux de ses successeurs qui se distinguèrent le plus dans ces sciences mystérieuses, furent i°. Sdiédad, que l'on regarde comme le premier des astronomes et comme le père des signes et des thèmes célestes pris à l'aspect des astres et des constellations; 20. Mcnnca-wousch , le premier qui écrivit tous ces mystères , et en fit répandre dans toute l'Egypte des milliers d'exemplaires. Il est aussi l'auteui Tome I. Y 338 CODE RELIGIEUX, des bains chauds, l'instituteur de douze têtes religieuses en l'honneur des douze signes du zodiaque , et celui qui , par son génie seul, ayant découvert les secrets du grand œuvre, se fit un trésor immense en convertissant les simples métaux en or et en argent ; 3e. Menait ousch, qui rendit au bœuf des honneurs divins. Au milieu des souffrances d'une cruelle maladie , il avoit entendu une voix qui lui annonçoit sa mort, à moins qu'il n'eût recours aux influences bénignes de cet animal. Sous le règne de ce prince l'Egypte fut dévastée par les Aditcs , Caum-ad, les plus anciens peu-pies de l'Arabie, et soumise pendant quatre-vingt-dix ans à leur domination. C'est à cette époque que les Arabes puisèrentehez les Egyptiens les connoissances théurgiques dans lesquelles ils se sont rendus si célèbres. Ces sciences qui , toujours respectées en Egypte, y servoient de règle et de principes à l'administration publique de l'Etat, 3^ conservèrent également leur empire dans les siècles suivans, sous les Pharaons , excepté sous PVe-ïid Fir'aiinn III. Ce prince éclairé , bien différent de ses prédécesseurs, n'eut que du mépris pour elles ; mais malgré tous ses efforts , il ne put jamais détruire la manie de ces prestiges, ni proscrire absolument dans son royaume les devins , les cabalistes, les astrologues, etc. Us rétablirent leur crédit et leur empire sous le règne suivant dzRejann-Nehh-rawousch Fir'awn IV, qui est le Pharaon de Joseph. La Mythologie attribue à ces sciences toutes les cruautés de Ta/ma Firyawn VIII, le Pharaon de Mojrse. Effrayé des tristes prédictions de ses astrologues qui lui annonçaient sa mort delà main d'un jeunelsraélite, il ordonna de jeter dans le Nil tous les enfans mâles de ce peuple élu. Cet événement opéra la délivrance des Israélites - et la ruine du tyran, qui fut submergé dans les flots de la Mer-Rouge, avec toute son armée et tous les grands de sa Cour. Dans cette désolation générale, leurs veuves ne trouvant plus à qui donner le trône, le défèrent à la plus âgée d'entre elles , Déluhé , femme du ministre Meltoun. Cette reine, pour garantir l'Etat des invasions et des y ij attaques étrangères, a recours aux enchante-mens de Nédouré > la plus grande magicienne du pays. Celle-ci élève au milieu de la capitale un superbe édifice de pierre , dont les quatre portes, placées vers les quatre points cardinaux, étoient toutes décorées de figures et d'images qui représentoient de nombreuses armées. Des milliers de bras y travaillent jour et nuit avec une célérité étonnante. L'ouvrage fini : » Soyez maintenant tranquille, dit-elle » à la Reine ; votre capitale et vos Etats sont » à l'abri de tous les dangers. Si quelque en-» nemi a la témérité de vous attaquer, com-» battez-le dans les figures qui se trouvent au » côté par où il marchera ; coupez-leur la tête, » brisez-leur les bras et les jambes, crevez-» leur les yeux : la destinée de ces figures sera » celle de vos ennemis. t< En effet, continue l'histoire, la vertu de cet édifice magique tint en respect tous les peuples voisins; et l'Egypte, prospéra pendant quatre siècles jusqu'à l'époque de la destruction de ce monument merveilleux , qui, après avoir été ébranlé sous le règne de Licass, s'écroula entièrement sous celui de Caumcss. L'événement vérifia le funeste pronostic de la décadence et de la ruine de cette monarchie. Caumess ayant donné asyle dans ses Etats aux tristes restes du peuple d'Israël, subjugué et traîné en captivité par Nabuchodonosor , ce fier vainqueur, irrité des refus et des mépris du roi Egyptien , lui fait la guerre la plus cruelle , et le tue enfin dans une bataille; ce qui entraîne le massacre d'une partie de la nation, la captivité de l'autre, et la ruine entière de l'Egypte. Cette désolation du peuple Egyptien fortifia déplus en plus dans les esprits l'opinion attachée à ces sciences illusoires. Elles se perpétuèrent dans la nation, malgré toutes les révolutions politiques qu'elle essuya sous les Babyloniens , sous les Macédoniens , les Romains , Jes Perses, les Grecs et les Arabes Mahométans. On sait que l'an 19 (63$), sous le Khaliphat d'Orner I, le général Amr-Ibn'W-Ass fit la conquête de cette contrée si belle et si fertile , où régnèrent successivement les Beno-Tolounn, les Beno-Akschid , \esFatki-mites , les Beno-Ejub , les Turkmenn^Ibek , 342 CODE RELIGIEUX, et les Memlouhsdrcasses de la domination desquels ce vaste royaume passa, en 923 ( 1517), sous celle de la maison Othomane. Au milieu des vicissitudes de tant de siècles, les chimères de ces sciences se sont perpétuées en Egypte de génération en génération , avec plus ou moins d'empire et d'enthousiasme. C'est de là qu'elles passèrent chez les differens peuples Arabes , qui les respectèrent autant que les Egyptiens. Elles faisoient chez eux la partie essentielle du culte consacré aux idoles qui entouroient le Keabé de la Mecque , et occupoient l'intérieur de ce sanctuaire, de tout temps révéré comme le premier des temples de l'Arabie. Ces mystères dirigeoient même les prêtres dans les oracles qu'ils faisoient rendre aux idoles par le moyen des flèches sacrées, M dam, déposées dans le Keabé, sous la garde de l'un des Scherifs qui partageoient le gouvernement aristocratique de cette cité. Ce respect des peuples pour les mages, les astrologues, les interprètes des songes, etc. contribua beaucoup au succès de Mohammed lui-même. On voit dans sa vie les prédictions code religieux. 343 favorables de plusieurs devins très-fameux de son temps, entre autres celle de ce prêtre d'Eukeaz y qui dit à Ebu-Talib, oncle du Prophète, encore en bas âge, que tout annonçait en lui un homme extraordinaire, et qu'il devoit veiller soigneusement sur ses jours ; celle de Bouhhajra Djcrdjiss , qui, au moment où il lui fut présenté à Bassora par le même Ebu-Talib , le prit par la main, et s'écria avec transport : Voilà le Seigneur du monde } Seyyid'ul-aleminn , la miséricorde de Vunivers } Rahhmeth'ul-aleminn , titres que l'Islamisme consacra depuis à son fondateur; celle de Werca ibn-Newfely cousin de Ha-didjéy la première femme du Prophète, qui lui annonça et sa grandeur prochaine, et les persécutions auxquelles il devoit s'attendre de la part de sa nation et de sa famille même, etc. Ces présages, soutenus d'ailleurs chez les Arabes, par l'ancienne tradition qui annon-■~oit la venue d'un grand Prophète et la fausse application qu'on en fit, prévenoient d'un côté Les esprits en faveur de Mohammed y dans le temps que ses prétendus miracles élevoient de Y iv l'autre les sentimens fanatiques de ceux qui avoient déjà embrassé sa doctrine. Mais ce qui acheva de mettre le sceau à la haute opinion que l'on eut de lui et des prospérités de l'Islamisme, ce fut une vision qu'il s empressa de publier dans les premiers jours de son entreprise. 11 crut voir en songe les deux hémisphères se plier et lui présenter à découvert les deux extrémités orientale et occidentale de l'horizon. A son réveil il dit à ses disciples que c'étoient là les vastes contrées et la domination immense que les décrets du ciel réservoient à tous ceux qui, soumis au Courann, combat-troient avec foi et persévérance sous les drapeaux de la religion. Cependant Mohammed y après avoir tiré parti de ces prestiges pour affermir sa doctrine et sa puissance, les frappa d'anathème, par la crainte sans doute de laisser les mêmes armes à d'autres enthousiastes de sa nation. De son vivant, plusieurs avoient déjà tenté de s'ériger en Prophètes, et d'élever sur les mêmes fondemens leur prétendue mission. Mais l'Islamisme, qui opéra des révolutions S1 prodigieuses dans l'ordre moral et dans l'ordre politique, n'eut pas assez de force pour dissiper ces rêveries avilissantes de l'esprit humain, et Mohammed, lui-même le destructeur du culte des idoles, ne put jamais détruire les illusions de la magie, de Pastrologie, des augures, des songes , etc., tant] elles avoient fasciné les esprits: malgré la proscription formelle qu'en fait sa loi, non-seulement elles ont toujours régné en Arabie . mais elles se sont encore propagées dans toutes les contrées où les premiers Arabes Mahométans ont imprimé , le sabre à la main, le caractère de l'Islamisme et celui de leurs superstitions. On voit dans l'histoire de ces peuples combien celles-ci ont influé sur les projets des Monarques, sur les opérations politiques, sur les révolutions des Etats, sur la destinée des nations , comme sur le sort particulier des familles et des simples individus. Personne n'ignore le triste efïèt qu'eut sur les esprits l'accident du Khaliphe Osman I, lorsqu'il perdit l'anneau du Prophète , qu'il portoit au doigt, à l'exemple de ses prédéces- seurs. Les sinistres présages qu'on en tira, fomentèrent les troubles qui occasionnèrent le meurtre de ce prince, et qui Furent si funestes au Khaliphat. Le jour de la proclamation dUAly Talhha fut le premier à lui rendre ses hommages. Il étoit estropié; il avoit perdu un bras dans la journée cYUhud, sous les enseignes du Prophète. Tous les superstitieux en tirent un mauvais augure. Cette opinion s'empare de tous les esprits : on regarde le règne d'A/y comme malheureux. Ses ennemis profitent de cette circonstance pour élever des disputes sur la légitimité de son élection. De-là naissent de nouveaux troubles qui entraînent le démembrement du Khaliphat, la proclamation de Muawiyé Ij la ruine d'A/y, et tous les désastres qui depuis affligèrent sa maison et désolèrent la monarchie entière. Ces superstitions furent même encensées publiquement par cette classe de Khaliphes foibles et vulgaires, soit parmi les Ommiades , soit parmi les AbaSsides. Des prédictions sinistres, le plus souvent dictées par l'intérêt, 1 ambition et l'intrigue, armèrent la main de plusieurs de ces Pontifes contre des princes de leur sang, contre des généraux , des ministres , des provinces entières , lorsque leur horoscope annonçoit aux astrologues des vues perfides et criminelles de leur part. Plus d'une fois elles armèrent aussi les princes du sang, les enfans eux-mêmes contre la personne des Khaliphes. Enfin ces préjugés, le faux principe du fatalisme, les horreurs des schismes et des hérésies , Je défaut d'un ordre de succession stable et permanent, le manque de discipline dans les troupes, et les vices d'une constitution niai organisée et plus mal suivie encore , ont tous également concouru à bouleverser une des plus grandes monarchies de l'univers. Les désordres publics et particuliers que ces funestes opinions occasionnèrent dans l'Empire des Khaliphes , furent portés à un tel excès vers la fin du troisième siècle de l'Hégire, ou'Ahmed III mit en usage tous les ressorts imaginables pour les détruire. S'élevant par la supériorité de son génie au dessus de toutes ces sciences ténébreuses, il en défendit l'usage et même l'étude, par un édit sévère et général. Mais rien ne fut capable d'extirper des préjugés aussi anciens et si profondément enracinés dans les esprits. On voit dans l'histoire , (pie quarante-trois ans après, les débauches et les tyrannies affreuses de Mohammed VII ayant entraîné ses courtisans et ses favoris dans une conspiration contre sa personne , ni ceux-ci, ni les généraux même des mi lices, ne purent jamais parvenir à faire prendre les armes aux bas-officiers et aux soldats, par l'effroi que leur inspiroit le seul nom de Mohammed VII. Dans cette extrémité , ils eurent recours aux secrets de l'astrologie pour les rassurei et leur faire lire dans les prédictions des devins un sort plus favorable à l'Etat et au peuple Mahométan. Alors les milices pleines de confiance , se soulèvent, marchent droit au Palais, se saisissent du tyran , lui appliquent sur les yeux un fer chaud, et proclament en sa place Mohammed VIII son neveu. Ces chimériques opinions ne contribuèrent pas moins et aux succès et aux désastres de presque tous les Etats Mahométans qui s élevèrent sur les ruines .du Khaliphat. Leur histoire est pleine de ces laits merveilleux, de ces, prédictions, de ces annonces surnaturelles, qui ont été l'aine de tant d'entreprises aussi hardies qu'ambitieuses , dans lesquelles des chefs adroits ou fanatiques ont également triomphé de l'ignorance et de l'enthousiasme des peuples. Les annales de l'Empire Othoman en fournissent plus d'un exemple. Nous en rapporterons quelques-uns , parce qu'ils servent à ' mieux développer l'esprit de la nation et les causes extraordinaires qui ont concouru à la formation de cet Empire, comme aux révolutions qu'il a éprouvées dans les differens âges, sur-tout à sa naissance. Ertoghroùl , père $ Osman I et qui jeta les premiers fondemens de cette monarchie f n'eût jamais conçu un si vaste projet, sans les prédictions de deux fameux devins, Corcoud-Ata, et SchrAdi Meuh y'vd-dinii-Arebj, qui avoient annoncé à ses aïeux l'élévation pro- 35o CODE RELIGIEUX, chaîne de leur maison sur les débris de la puissance Seldjoukienne de Conya. Ses espérances se soutinrent et s'accrurent encore par de nouveaux présages. Quelques semaines avant la naissance d'Osman , il vit en songe une source d'eau vive sortir de sa maison, avec autant d'abondance que de rapidité, et former bientôt un torrent immense, qui dans son cours impétueux inonda presque tout le globe. A son réveil il s'adressa avec effroi à un vieux Scheykh} interprète des songes. Rassure-toi > lui dit ce vieillard, ta race est bénie de Dieu : il te naîtra bientôt un fils en qui tu verras le fondateur d'une monarchie qui embrassera toutes les contrées de V univers. Quelque temps après, Ertoghroul alla faire visite à un Molla célèbre par ses connoissances et ses vertus. Ayant voulu coucher chez ce magistrat, il aperçut le Cour'ann dans l'appartement qu'on lui avoit destiné : à cette vue sa piété s enflamme, il passe presque toute la nuit devant ce livre réputé divin , toujours debout, les Tnains jointes, la tète inclinée, et dans un profond recueillement. Vers l'aurore, s étant endormi , il crut entendre une voix céleste qui lui adressoit ces mots : O Erto-ghroul ! tu as honoré et respecté ma parole , aussi je bénirai et exalterai ta racej elle possédera un grand Empire , dont la gloire et la splendeur se maintiendront jusqurà la fin des siècles. Mewlana Djelal' ud-dinn Eoumy vivoit en ce temps à Conya en odeur de sainteté. Ce Scheykh , surnommé MollaHunnkear, est le fondateur de l'ordre des Mewleuys, l'un des plus distingués de ceux qui existent encore aujourd'hui dans l'Empire. Ertoghroulle visitoit souvent : un jour il lui amena Osman encore enfant, en le recommandant à ses prières. Le Scheykh le prit par la main, et lui dit : Je te regarde et te chéris comme motif ils , de même que notre Souverain le Sultan Ala 'ed-dinn regarde et honore comme son père le 'vénérable Calender, attaché depuis si long-temps à sa Cour: que les bénédictions célestes soient sur toi ! que ta fortune soit des plus brillantes , et que la prospérité de tes armes et de ta race soit aussi durable que le sera rattachement de les deseendans et de tes successeurs envers les miens. C'est là l'origine de ce respect particulier que les Sultans Othomans ont toujours eu pour cette maison de Molla Hunnkear et pour tous les Scheykhs et Derwischs de cet ordre. Osman I eut aussi d'heureux présages sur les prospérités futures de sa maison. Un Scheykh nommé Coumral Abdal, qui vivoit dans une solitude aux environs de Yeny-S'clielilier^vint un jour lui déclarer avec enthousiasme, que le Prophète Elle lui avoit apparu, et qu'il avoit ordre de lui annoncer de sa part l'heureux succès de toutes ses entreprises ; qu'il seroit le soleil le plus lumineux de l'Orient, et que sa postérité règneroit sur les sept climats, c'est-à-dire , sur toutes les régions habitées de notre globe. Osman fait mille caresses à ce vieillard; il lui offre un sabre et un vase, Meschrebé. Le Scheykh ne reçoit que le vase , et quitte le jeune prince en le comblant de bénédictions. Parvenu au faîte des grandeurs et de la puissance souveraine, Osman se rappelle un jour les prédictions de ce Scheykh s il lui envoie aussitôt aussitôt de riches présens, et ordonne la construction d'un grand couvent dans la ville de Ytny-Schehhcr , en y assignant des fonds considérables, à titre de JVakf's , qui subsistent encore aujourd'hui. Mais de toutes les prédictions en faveur &Osman, la plus remarquable est celle-ci. Ce prince, disent les annales, accoutumé par son père à ne fréquenter que des Scheykhs et des Oulémas , des hommes de lettres, de vertueux personnages, voyoit souvent un vieux Scheykli établi.aux environsd'Eshy-Schchher. 11 s'appeloit Schefhh-Eiléhaly : il étoit très-renommé par sa piété et par l'étendue de ses connoissances spéculatives. Ostnaniwoh pour ce vieillard un attachement et un respect particulier. 11 passoit souvent des journées et des nuits entières avec lui ; il goûtoitles charmes de sa conversation, et profitoit de ses leçons de morale , de religion et de philosophie. Mais ce bonheur fut bientôt troublé par un événement peu commun chez des peuples où il n'y a aucune fréquentation entre les deux sexes. Le hasard lui fait voir une fille de ceScheyhh, Tome I, Z 3£* CODE RELIGIEUX, qui étoit dune rare beauté. Osman épris de ses charmes, trouve moyen de lui faire part de son amour et de ses desseins sur elle. La pudeur et la modestie dictent la réponse de cette jeune fille, nommée Malhounn-Kha-lunn : Je suis fort éloignée y lui manda-t-elle, de me nourrir d'un espoir trompeur } la distance cpie mettent entre nous la naissance et la fortune , ne sauroil jamais permet/re à la fille d'un Scheykh , qui n'a pour lui que la doctrine et la vertu y d'aspirer à la main d'un Seigneur de votre rang. Cette réponse en- ' flamme davantage la passion ç\ Osman. Comme il n'osoit s'ouvrir ni à son père ni 'AuScluykh9 il s'adresse au gouverneur d'Eshi-Schehher avec qui il étoit intimement lié, et réclame ses bons offices auprès dlErtoghroul} pour l'engager à consentir à cette alliance. Mais il éprouve de sa part la plus noire perfidie. Sur le récit touchant qu'il lui fait de la beauté et des charmes de cette jeune personne, le gouverneur en est tellement épris , qu'il n'oublie rien pour étouffer la flamme d'Osmany et obtenir lui-rnème la main de Aialhounn-liha- tunn. Son père, ennemi de l'ambition et des grandeurs humaines, ne desiroit pour gendre qu'un homme vertueux , qui trouvât comme lui la véritable félicité dans une fortune médiocre et dans l'exercice de la piété et des devoirs du Musulmanisme. Instruit des vices qui ternissoient l'éclat de la naissance et du rang du gouverneur d'Esky-Schehher , il n'hésite pas à lui refuser sa fille. Le dépit de ce Seigneur donne alors de si vils chagrins au Scheykh Edébaly, que ce vieillard est bientôt obligé de quitter le pays. Il se retire sur les terres d'Er/oghroul, aux environs deSeugut-djik. Osman informé du motif secret de ces altercations entre le Scheykh et le gouverneur, se livre à tous les mouvemens de son indignation ; la rivalité et une haine acharnée éclatent entre lui et ce perfide gouverneur. Mais les faits qui signalèrent ce différend, et ses suites politiques , appartiennent à l'histoire Otho-mane, où nous les replacerons. Il suffit d'ajouter ici, qu'au milieu de cette guerre civile, entre le parti du gouverneur et celui d'Osman, ce jeune prince , brûlant des mêmes feux pour Malhoium - Khalunn, et toujours réservé , par la crainte de déplaire . également à Ertoghrouison père, et BMScheykh Edébaly , va visiter un jour ce sage vieillard dans sa nouvelle habitation. Après avoir épanché dans son ame les sentimens les plus affectueux et les plus élevés, il se retire dans un appartement, et y passe la plus grande partie de la nuit en prières et en méditations. Prosterné la face contre terre , il prie Dieu avec larmes et ferveur de diriger son cœur et son esprit, d'étouffer en lui tout sentiment contraire à la vertu , de ne lui en inspirer que de dignes de son nom et de sa naissance, et de ne l'engager jamais que dans des entreprises conformes à la gloire du Courann et à la propagation de la doctrine de son auteur. Endormi dans cette situation extatique, il voit en songe une douce lueur, égale à la clarté de la pleine lune, prendre sa naissance des côtes du Scheykh Edébaly , et dans sa course rapide venir se poser sur son nombril : là tout-à-coup s'élève un arbre prodigieux : sa cîme touchoitles nues, ses branches étoient innom- • trahies et toutes chargées de fruits délicieux; son feuillage épais et d'une étendue immense, sembloit embrasser l'univers; l'un de ses rameaux se distinguoit des autres par sa beauté et par son vert éclatant ; il penchoit en forme de sabre vers l'occident, du côté deConstan-tinoplc j sous l'ombre de cet arbre, on décou-vroit à perte de vue des plaines et des montagnes , des prés et des vergers, des maisons et des édifices. Des fleuves et des ruisseaux nombreux répandoient de toutes parts les eaux les plus limpides. Des peuples divers y accou-roient en foule de toutes les parties du monde, les uns pour y étancher leur soif, les autres pour arroser leurs campagnes et leurs terres, ceux-ci pour y élever des fontaines et des aqueducs, ceux-là enfin pour s'y promener, s'y récréer, s'y reposer, tous dans les transports de la joie, de l'étonnernent et de l'admiration. Frappé de ce prodige, Osman court avec la plus tendre émotion chez le Scheykh Edébaly , qui possédoit supérieurement l'art d'interpréter les songes. Au récit $ Osman, ce vieillard demeura interdit; mais reprenant ses esprits, il dit au jeune prince que dans cette vision miraculeuse tout annonçoit sa grandeur et sa puissance Futures; l'arbre qu'il avoit vu étoit l'arbre mystérieux de Touba , l'une des merveilles du paradis; le lever de la lune de ses côtes , et son coucher sur son nombril, étoient l'emblème de l'intimité et de la bonne intelligence quiréguoient entre euxpar l'union de leurs sentimens dans la loi, dans la doctrine et dans la vertu ; l'état florissant de l'arbre, ses fruits , ses branches , son feuillage , dési-gnoient la prospérité de sa maison et de ses domaines; les plaines et les montagnes, les préset les vergers, les fleuves et les ruisseaux, montraient l'étendue de sa monarchie , l'immensité de ses possessions ; le rameau penché vers l'occident et du côté de Constantinople> indiquoit visiblement la conquête de cette superbe capitale de l'Empire d'Orient, par un prince de sa race; enfin les peuples divers qui se promenoient sous l'arbre, représentoient les différentes nations qui , soumises à son sceptre et à ses lois, jouiroient dans son Em- \ CODE RELIGIEUX. 359 pire des avantages d'un gouvernement doux, équitable et prospère. Cependant le Scheykh Edébaly approfondit encore le mystère de ce songe : il croit voir dans la lumière égale à la clarté de la pleine lune, et sortie de ses côtes, sa fille alors dans sa quinzième année ; et regardant cette vision comme un avertissement céleste, il s'empresse de la communiquer à Erloghroul, qui, entraîné par la même conviction, se détermine aussitôt à former avec ce saint vieillard une alliance qui pronostiquoit en caractères si éclatans la grandeur de sa maison. Quand on supposerait que ce songe fut l'ouvrage d'une intelligence adroite entre le Scheykh et Osman } toujours eut-il un efïèt décisif sur l'esprit tfErtoghroul. Ce trait singulier se trouve dans presque tous les historiens Orientaux , et notamment dans Jdriss Bldllssy j qui égaie même sa narration par des vers ingénieux sur les amours du fondateur de la monarchie Othomane. C'est de ce mariage célébré en 673(1279), vingt-un ans avant l'époque de l'élévation $ Osman I sur Z iv les ruines de la puissance Seldjoukienne, que naquirent Alded-dinn et Orkhan J. Le Scheykh Edébaly fut le premier qui, sous le règne à'Osman son gendre, exerça l'office de Mouphty- Ce songe du jeune Osman accrédité d'abord à la Cour d'Ertoghroul, joint à tant de prédictions, d'annonces, d'augures, etc. adroitement ménagés, contribua puissamment à échauffer les esprits, à grosssir le parti de ce prince, et à le faire triompher de tous ses rivaux après la chute de la monarchie Seldjoukienne. Deux autres circonstances contribuèrent encore à ses succès : i°. l'opinion qui fait envisager le commencement de chaque siècle commeune époque heureuse ou malheureuse, d'après ces paroles du Courann : Certes, à l'époque de chaque nouveau siècle , Dieu enverra à ce peuple quelqu'un pour renouveler sa foi. On touchoit alors au huitième de l'Hégire , puisqu'on fixe l'époque de la puissance d'Osman I à l'année 699 ( 1299). Djinguiz-khan lui-même , qui parut l'an 600 de cette Ere, fut redevable de ses premiers exploits à cette opinion. 20. La signification du nom â"Os7?/an , dont Jes trois premières lettres forment le mot à'asm , qui signifie brisement d'os. Les interprètes de ce temps y Jisoient tous les malheurs que la famille de Djinguiz-hhan avoit fait éprouver aux nations Ma h orné ta nés, et regardoient Osman comme un libérateur qui à son tour brîseroit le sceptre de fer de ces princes idolâtres, et écraseroit, lui et ses deseendans, tous les rivaux de sa puissance et tous les ennemis de sa maison. Les mêmes annales attribuent également à un songe les vertus civiles et militaires de ce premier des Monarques Othomans : dans une nuit, disent-elles, il crut entendre une voix qui l'avcrtissoit d'être fidèle aux devoirs du trône et à toutes les lois du Prophète ; c'est ce qui engagea Osman , en 704 (1804), immédiatement après la conquête de Nicée , à partager le butin à ses milices, et à leur distribuer tout le territoire de cette ville, à titre de Timar ou de fiefs militaires. Une vision fit également établir, en 767 (i365), le siège de l'Empire à Andrinopfeyav 362 CODE RELIGIEUX. MouradI. Un esprit céleste, disoit ce prince, lui en avoit donné l'ordre, en lui indiquant même la place où il devoit élever son palais. Mais ces chimères n'ont pas toujours produit d'heureux effets pour l'humanité. On sait que l'apparition d'une comète, en 8o3 (i400) , fixa les perplexités de Timour, au milieu de ses démêlés avec BayezidI, et le décida pour la guerre. Cet homme extraordinaire , cette ame aussi intrépide que féroce, n'eut d'autre foible que celui des sciences occultes. Le docteur Schems'ud-dimi Malify , le premier de ses favoris , et le seul de sa Cour qui osât lui parler avec liberté, avoit d'abord combattu son inclination guerrière , et l'avoit porté à des sentimens pacifiques envers l'Empire Otho-man. En vain exposa-t-il tout ce que l'intérêt , la politique et la religion pouvaient lui suggérer de plus puissant ; il n'ébranla le fier Timour qu'en lui faisant envisager sous un aspect désastreux une comète qui venoit d'ap-paroître vers l'ouest de ses Etats. Ce prince alarmé pensoit déjà sérieusement aux moyens d'éviter une rupture avec les Othomans, lors- qu'il s'adressa à Abd'ullah Lis s an , alors le plus habile astrologue de l'Orient, pour savoir aussi son opinion sur le présage qu'il devoit tirer de cette comète. Abd'ullah Liss an , entraîné sans doute par le désir de plaire à ce conquérant, et de flatter ses goûts , lui dit que ce phénomène ayant apparu vers l'occident de ses domaines et de la constellation du bélier, son influence sinistre ne pouvoit se diriger que contre l'armée et les Etats du monarque Othoman : ces paroles rassurèrent Timour contre les craintes qui troubloient son esprit. Plein de confiance en cette prédiction, il se détermine le même jour à la guerre, se refuse à toute voie d'accommodement, et entre à la tête d'une puissante armée dans les terres de l'Empire. Personne n'ignore les suites de cette guerre entre les deux héros de l'Orient, et les désastres de la monarchie Othomane pendant les onze années d'interrègne qui suivirent la défaite et la captivité de BayezidI dans la funeste journée a"Angora. Ce Sultan n'avoit pas le même foibïe pour les augures et les prédictions. Cependant 364 CODE RELIGIEUX. Timoury qui le traita avec tous les dehors de la politesse, de la bienséance et de l'humanité , l'ayant prié deux jours après à dîner avec lui, le premier plat que l'on servit fut dujeu»//-ourlhy espèce de lait aigre très-estimé dans l'Orient, sur-tout par les Tatars Moghouls. A cette vue Bayezid parut troublé, interdit. Timour s'en étant aperçu, lui demanda s'il se trouvoit mal. Chose étrange! réponditï&ayc-zid; ce mets me rappelle un mot échappé de la bouche du Sultan Ahmed Djélaïr ; un jour ce prince me dit : Tu verras de fort près Timour , /// dîneras avec lui y et le premier plat que l'on te servira sera du yoghourth. Cet événement qui justifie sa prédiction y m'agite et me trouble. Ahmed Djélaïr étoit prince de Baghdad et de Virale entier. Dépouillé de ses Etats par Timour y il s'étoit réfugié à la Cour Otho-mane. Bayezid lui accorda sa protection , et se refusa constamment aux sollicitations du Tatar qui le réclamoit : ce fut l'un des griefs de Timour contre Bayezid y et l'un des motifs qui allumèrent la guerre entre ces deux monarques. Timour entendant le nom à'Ahmed Djélaïr, dit h.Bayezid d'un air riant, que puisque ce prince s'avisoit de faire le devin, il ne devoit parler à ses amis que de pronostics heureux ; que pour lui, loin d'admirer ses con-noissances dans un art aussi sublime, il ne vojoit en sa personne qu'un homme de très-mauvais augure, puisqu'il étoit la cause principale du désastre qui venoit de frapper la maison Othomane. Mais ce qui prouve bien davantage l'empire des préjugés sur l'esprit de ces peuples, c'est que les prédictions favorables qui accompa-gnoient presque toutes les entreprises de Timour, avoient répandu dans ses Etats une opinion de sainteté en sa faveur. On le regar-doit comme un instrument visible dont Dieu se servoit dans sa colère pour châtier les tyrans, les princes injustes, et exterminer ceux des peuples Musulmans qui, plongés dans la dissolution et l'impiété, ne suivoient pas la doctrine et les lois du Prophète. L'attention scrupuleuse de Timour à remplir toutes les pratiques extérieures de l'Isla- 366 CODE RELIGIEUX, misme, et l'habitude où il étoit de ne jamais livrer de combat qu'il n'eût la veille ordonné des prières publiques dans son camp, et passé lui-meme-presque toute la nuit en prières et en méditations , la lace prosternée coutre terre, dans un coin de sa tente, échauffbient encore plus les esprits sur les augures et les prédictions favorables qui annonçoient la prospérité constante de ses armes. On l'appeloit l'invincible par la grâce de Dieu, Mueyyed min-irid'111mh. On disoit dans son armée et dans ses Etats, que les aines les plus saintes de son camp le voyoient couvert d'une lumière céleste, qui partant, en forme d'arc-en-ciej , du sépulcre du Prophète à Me'dine , venoit se reposer sur les épaules de ce prince chéri de Dieu. Ces idées faisoient envisager toutes ses entreprises comme inspirées du ciel, et ses actions les plus atroces comme desmvstères arrêtés dans ses décrets. Le trait suivant achèvera le tableau de ce fanatisme et de ses excès. Timour, maître de la personne de BayezidIJ avant marché sur Siens, cette ville dans son effroi, envoya au devant de lui une troupe de CODE RELIGIEUX. 367 plus de mille enfans encore en bas âge, tous avec un Cour'ann sur la tète , répétant sans cesse le nom de Dieu, Allah , Allah, et faisant retentir l'air de leurs gémissemens. On espéroit, par ce spectacle touchant, désarmer la fureur de Timour} mais ce barbare ordonna de sang froid à un parti de cavalerie d'avancer, d'enlever respectueusement le Courann des mains de ces enfans, puis de les écraser tous sous les pieds de leurs chevaux. Ce trait affreux, suivi du sac dcSivas, fit sur tous les esprits la plus terrible impression; mais elle fut bientôt dissipée par l'interprétation qu'y donnèrent IvsSchej'hhset lesVemiichs entretenus dans le camp du Ta/ar. Ils prétendirent que ce monarque, exécuteur des volontés divines, ne faisoit que prêter son bras aux vengeances célestes; qu'il n'exterminoit que des races impies, dont les iniquités déshonoroient l'Islamisme; que Je triste sort de ces enfans, envisagé d'un œil mystérieux, ne présentoir dans Timour qu'une action dictée par les plus hauts senti mens de la religion et de l'humanité; que tous étant les fruits détestables du crime, de l'adultère et de l'inceste, ils ne pou-voient que marcher comme leurs pères dans la voie de la perdition , et devenir comme eux les fléaux de leurs concitoyens; qu'enfin Timour, sou tenu et dirigé par une main invisible, ne faisait que purger l'Islamisme et le corps de la société Mabométane de tous les monstres qui les avilissoient. Ces opinions captivoient d'autant plus aisément les esprits, que ces fanatiques, respectés comme des devins, des augures , des saints , opposoient à la vie austère de Timour et à ses dehors séducteurs , les débauches de BayezidI, et les dissolutions de ses enfans, de ses ministres et de toute sa Cour. En effet les historiens nationaux attribuent à ces causes, d'une part, les désastres de ce Sultan et de sa maison, et de l'autre, les prospérités de Timour, qui, considéré comme un homme surnaturel , visiblement protégé de Dieu , attiroit par-là dans son parti une multitude de brigands de toutes hordes, de toutes nations et de tout pays. Mourad II, à peine monté sur le trône, faillit faillit en être renversé par un inconnu qui, profitant des troubles de l'Etat, se donna poulie prince Màustapha mis à mort quelques années auparavant. Les premiers succès de cet imposteur lui soumettent presque toute YAnalolie , et le font triompher de tous les efforts de Mouradll, qui enfin marche contre lui, à la tête d'un corps d'environ huit mille hommes : c'étoit sa dernière ressource. Dans cette extrémité où tout sembloit annoncer la ruine de la puissance Othomane, Mourad éperdu se recommande, les larmes auxyeux, aux prières de Sehems'ud-dinn Mohammed Boukhary, surnommé Emir-Sultan et gendre de BayezidI. Ce docteur, le plus savant de son siècle, étoit alors très-avancé en âge, et vivoit en odeur de sainteté. Touché de la situation de ce prince, il adresse les plus ardentes prières au ciel, et ravi en extase, il voit le Prophète qui le rassure, et lui promet que MouradII triomphera de son ennemi. Alors Mohammed Boukhary ranime le courage du Sultan, le ceint d'un sabre, le comble de ses bénédictions, et lui annonce la défaite Tome I. A a du Unix Moustapha. Le bruit s en répand dans les deux années, il opère sur les esprits l'effet auquel on devoit s'attendre. Un affreux saignement de nez survenu au faux Moustapha , achève d'ébranler son parti : on regarde cet accident comme le pronostic de sa mauvaise destinée et de l'accomplissement de la prédiction du Saint. La marche de Mourad , qui lait halte sur la rive opposée d'Ou/oubad, vis-à-vis du camp de l'imposteur, et les démarches adroites de ses ministres et de ses généraux, entraînent la défection de tous les Bejs rangés sous les drapeaux du faux Moustapha j et bientôt la dispersion entière de son armée. On le saisit, et on l'amène aux pieds du Monarque, qui éteint dans son sang une entreprise aussi hardie que criminelle. On connoît les circonstances qui engagèrent Mourad II à abdiquer le trône, à y placer, son fils MohammedII , et à quitter ensuite sa retraite de Magnessie pour venir corn* battre cette fameuse ligue Européenne formée contre la puissance Othomane. Après la bataille de Varna ^ ce prince cédant aux près- santés sollicitations de tous les grands de l'Etat, accepta de nouveau la couronne que lui offrit en plein conseilMohammedIL, entraîné par les artifices du Grand-Vézir Khalil Pascha. Mohammed , quoique trompé, ne se soumit à sa destinée, et ne reprit tranquillement le chemin de Magnessie , son ancien gouvernement, que d'après les assurances que lui donna le Caziasker Khoussrew Efendy , très-considéré dans l'Empire par sa doctrine et par sa piété, qu'il remonteroit sur le trône, et que même cette époque n 'étoit pas éloignée. Il s'appujoit sur l'oracle même du Courann, qu'il avoit consulté, disoit-il, à la suite des prières les plus vives et les plus ferventes. L'événement, dit l'auteur national, justifia cette prédiction ; cinq ans après, Mohammed succéda à MouradII son père, dont la mort fut encore l'effet de ces mêmes superstitions. Ce Sultan étoit à la chasse aux environs d'An-drinople , le i Mob. 855 (3 Févr. 1451 ). Au déclin du jour, comme il rentroit dans la ville , un Denrisch se tient sur le pont^fc-Kuprussy , par où Mourad devoit passer; du A a ij 372 CODE RELIGIEUX, plus loin qu'il Papperçoit, il fixe ses regards sur lui, et à son approche il s'écrie d'un ton inspiré: Vous n'avez pas , auguste Monarque , de temps à perdre pour arrêter la profondeur de l'abîme que creusent sous nos pieds nos péchés et nos prévarications contre la loi sa i/We : vous touchez au terme de votre règne cl au dernier souffle de votre vie. L'ange de la mort est déjà à votre porte j ouvrez les bras et recevez avec une entière résignation ce messager du ciel. C'est la destinée commune de tous les hommes : heureux celui quiy songe et s'y prépare toute sa vie. Hâtez-vous donc} grand P rince , d'effacer par des larmes de repentir et de componction, les taches de vos péchés y pour mériter la béatitude éternelle promise aux fidèles qui marchent et meurent dans la voie des saints commandemens du Seig/ieur. Ces paroles font la plus vive impression sur Mourad et sur tout son cortège ; à l'instant il fait la profession de foi et plusieurs actes de contrition, portant ses regards alternativement sur Isshac Pascha et Saroudjé Pas* cha j qui marchoient à ses côtés : il arrive au Sérail à demi mort; ses agitations augmentent lorsqu'il apprend que ce Denvisch étoit disciple du fameux Mohammed Boukhary , qui trente ans auparavant lui avoit annoncé la défaite du faux Moustapha. Regardant alors cette démarche audacieuse du solitaire comme un arrêt du ciel, il se dispose à la mort, fait son testament, ordonne tout ce qui avoit rapport à la succession au trône y et succombe à son abattement le troisième jour, nonobstant, disent les annales, les secours de la médecine et tous les efforts de ses ministres, de, ses officiers et de ses courtisans pour guérir son imagination. Les pronostics les plus heureux accompagnent l'avénement de MohammedII k l'Empire. Les devins et les astrologues prédisent que de hauts faits d'armes illustreraient son règne : ils s'appuient principalement sur la circonstance de sa proclamation, qui eut lieu un jeudi, cinquième jour de la semaine, et sur ce qu'il étoit le septième Sultan de sa famille. On citoit ces paroles du Cotéfami: A a iij Dieu a bé/iîÇ i) Je cinquième et le septième} etc. Ces pronostics influèrent puissamment sur tous les projets de ce Monarque, le conquérant de Cous tan tinoplc > le destructeur de l'Empire grec, et l'un des plus grands princes de sa maison par son génie , ses talens et son goût pour les sciences. On sait que le jour de la prise de Constantiuople > le courage des milices Othomaues harcelées de toutes parts, ne fut soutenu que par la voix de MohammedII et des fameux Scheyhlis Ahmed Kurany etAh-Schems' ud-dinn > qui ne cessoient de répéter les passages du Cour'ann relatifs à la conquête de cette ville par les Musulmans. Ces opinions influèrent , en 860 (14Ô6)» d'une manière différente sur les armes du même Mohammed II. Le mauvais succès de son entreprise contre Belgrade où il donna tant de marques de son intrépidité, et exposa si souvent sa personne pour ranimer le courage de ses troupes, fut attribué à l'apparition de deux comètes dans les derniers _—~————îfl---—-- "Rarek-a,ilah"a fy scbtehha urc khamissehho. •il n / jours de ce siège mémorable. Les astrologues en tirèrent un mauvais augure ; il n'en fallut pas davantage pour déterminer leSultan et son conseil à abandonner cette place, dont la conquête , disoient - ils , étoit réservée , par un effet des décrets éternels, à un autre prince de sa maison. Quelques années après , Mohammed II y qui faisoit la guerre à Ouzounn- Hassan , marcha en personne vers la Perse, à la tête d'une puissante armée. Une nuit il voit en songe oxxOuzounn-Hassan , vêtu en lutteur, se promenoit dans une vaste plaine, bravant tous les héros du siècle et les provoquant à entrer en lice avec lui ; qu'à cette vue, enflammé d'une ardeur nouvelle , il avoit dans l'instant même quitté son habit pour prendre aussi celui d'un lutteur ; que marchant droit à son rival, ils en viennent aux mains, et se disputent la victoire avec le plus vif acharnement ; que la fortune parut d'abord se déclarer contre lui ; que cédant au premier effort d'Ou-zounn-Hassanil avoit ployé un genou en terre; mais que rappelant toutes ses forces, A a IV il setoit relevé à l'instant, et par un conp d'adresse et de vigueur, avoit renversé son rival , ouvert le liane du vaincu, et jeté au milieu de la plaine une partie de ses entrailles; qu'enfin O/tzonnn - Hassan , couvert de poussière et de honte, et nageant dans son sang , s'étoit enfui en faisant retentir l'air de ses cris et de ses gémissemens. A son réveil, Mohammed II parle de cette vision à ses courtisans, à ses ministres, à tous les grands officiers de l'armée. On en tire l'augure le plus heureux; le bruit s'en répand dans son camp, tous les esprits sechaulTènt; on marche avec assurance contre l'ennemi; et tous les événemens de cette guerre justifient l'opinion favorable qui avoit été attachée à ce songe mystérieux. On attribue encore à cet empire des sciences occultes toutes les entreprises hardies de Selim I. On sait que ce prince disputa le trône à ses trois frères aînés jusqu'à prendre les armes contre Bayezid II son père, qui vouloit abdiquer l'Empire en faveur du prince Ahmed, et qui finit par le céder à Selim. La confiance, avec laquelle ce jeune Sultan combattit et par les armes et par les négociations, toutes les menées des ministres et des courtisans du vieux Bayezid , étoit principalement fondée sur une prédiction très-singulière. Le jour même de sa naissance kAmassieprovince où commandoit son père du vivant de Mohammed II son aïeul , un Detwisch se présente à la porte du palais, et dit à haute voix, que l'Empire devoit se féliciter de la naissance d'un nouveau rejeton de la maison Othomane; que ce prince étoit destiné à relever l'éclat et la majesté du trône ; que son nom hrilleroit comme le soleil sur toute la surface de la terre ; que succédant un jour à Bayczidson père, il immortaliserait sonrègne par sept événemens remarquables, qui contribueraient à affermir sa puissance, et à étendre la monarchie Othomane ; qu'enfin ces événemens se trou voient indiqués et annoncés visiblement par sept taches dont ce prince seroit marqué en naissant., , Sclif/i naquit en effet le même jour : on visita son corps; ou crut y trouver les sept 378 CODE RELIGIEUX, taches prédites par leBëruûsch : on le révéra alors comme un homme inspiré, et ce solitaire, mort peu de temps après, fut préconisé par tous les habitans du pays, sur-tout après le décès de Selim I, sous le règne duquel on s'imagina voir les sept evénemens remarquables prédits par ce saint homme ; savoir , i°. l'élévation de ce prince au trône du vivant même de Bayezid son père ; a°. le succès de ses armes contre le prince Ahmed son frère, qui lui disputoit l'Empire; 3°. l'artifice avec lequel il avoit prévenu les dispositions du prince Corcoudson frère et son rival; 40. les grands avantages qu'il avoit remportés sur le roi de Perse S chah-Ismail ; 5°. la conquête de la principauté de Zoalcadcr en Asie ; 6°. la défaite de Cansou Ghaiury , suivie de la soumission de la Syrie; et 70. la défaite de 7b?/-mem - Bàih , qui entraîne la conquête de l'Egypte et la soumission de VIHdjeaz en Arabie. Cette prédiction cependant, ne dirigea pas seule le plan et la conduite de Selim pendant tout son règne. Des annonces également fa- vorables enhardirent ses entreprises et contre la Perse et contre l'Egypte. Ce Sultan marchant, en 92.0 ( 1Ô14), contre le Schah -Ismail y étoit campé à Tané Sazy > sur la frontière même, lorsqu'une éclipse de soleil porta les astrologues et les devins à faire les plus heureux présages sur cette expédition des Othomans contre l'usurpateur de laPerse. Ils déclarèrent que cet événement annonçoit de la part de Dieu les ténèbres qui alloient couvrir ce royaume, et les foudres dont il seroit frappé par les armes d'un prince qui n'avoit entrepris cette guerre que pour le soutien d'une cause céleste, pour la gloire de l'Islamisme et l'extirpation des hérésies hautement réprouvées par la loi. Trois jours après se livra la fameuse bataille de Tschaldirann , dont les suites furent si glorieuses à la monarchie Othomane. Cependant Selim I, qui fut bientôt obligé de tourner ses armes contre l'Egypte liguée avec la Perse , quoique vainqueur également de Cansou Gkawry y tué dans l'affaire deMe-ritz-Dabiky et maître de la Syrie entière, balancent à poursuivre ses succès contre le nouveau roi Touman-Baïh, qui faisoit au Caire les plus grandes dispositions de défense. Son conseil combattoit son humeur guerrière, et ne parloit que de paix. Selim indécis s'adresse à un solitaire de Damas , fameux dans l'art des divinations, et qui passoit pour un saint. Cet hermite assura le Sultan que lu victoire suivrait ses pas, qu'il triompherait de Touman-Baïh , et que le royaume d'Egypte seroit soumis à sa puissance: il déclara même que sa prédiction étoit fondée sur ces paroles mystérieuses qu'on lit dans les pseaumcs de David : Nos serviteurs sincères et fidèles hériteront de la terre après qu'ils auront fait mention etc. Cette dernière parole indiquoit, selon lui, la profession de foi Mahométane. Il assurait encore le Monarque que dirigé par les principes de sa science, il trouvoit dans ce passage les noms de Selim et de XEgypte avec l'époque d'une heureuse révolution dans cette contrée en faveur de la maison Otho-> e. Dans les transports de sa joie, Selim jrodigue ses caresses, le comble d'hon- ncurs, et se recommande à ses prières : il ne ^uiut cependant pas le quitter qu'il n'eût appris en même temps le sort et la durée de son règne. Le vieillard s'en défendit longtemps; cédant enfin à ses pressantes sollicitations, il lui fit connoître que son règne ne s'étendroit pas à neuf années entières, mais qu'il tiendroit un rang distingué dans les fastes des nations, par les événemens glorieux dont il seroit rempli. A ces paroles Selim tomba dans un morne silence, qui ne fut interrompu que par des accens de douleur, et de profonds soupirs. Revenu à lui-même, il voulut avoir encore l'horoscope du prince Sulejman son fds. Il sera heureux, répondit le solitaire ; il régnera près d'un demi-siècle y et se distinguera également par des actions éclatantes et des vertus guerrières. Ahl repartit Selim, lesyeux baignés de larmes, si le ciel eût voulu m'accorder un aussi long règne , il auroit égalé celui du roi Salomon. Cependant cet entretien avec l'hermite de Damas décida Selim à marcher contre Tounian-Baïh; et l'événement ayant répondu à la prédiction, il 382 CODE RELIGIEUX, fut dès ce moment dévoré d'un chagrin mortel , dont il ne lit part à ses favoris qu'au lit de mort, dans la neuvième année de son règne. Ce m)stère, qui accabla si long-temps son esprit, influa sans doute sur sa santé et abrégea ses jours. Malgré son génie et ses éminentes qualités, ce prince fut durant toute sa vie, victime de ces superstitions. A la suite de la conquête de l'Egypte, il fit au Caire plusieurs établisse-mens auxquels l'ostentation eut autant de part que la piété. Ce fut lui qui ordonna de décorer le nilomètrc d'un superbe Keoschk , où l'on grava ces vers Arabes de sa composition . Tous les biens, /ouïes les possessions des hommes appartiennent à Dieu seul , qui en dispose souverainementy et qui renverse à son gré les conquerans des trônes, et les maîtres des richesses du Nil : car si un seul pouce de terrain nous appartenoit en propre , ou en commun avec d'autres , la terre seroit alors censée nous appartenir en société avec Dieu. Au bas de ces vers on lisoit : Khadim' uf~ Fouhara Selim s c'est-à-dire, le serviteur des pauvres, Selim. L'ouvrage achevé, il s'y rendit dans le plus brillant appareil ; mais en entrant au Keoschk , une bague de diamant échappe de son doigt et tombe dans le Nil. Il en tire les plus funestes augures ; il croit voir dans cet événement l'annonce de la perte prochaine de toutes ses conquêtes : dans le trouble qui l'agite, il ordonne de faire tout au monde pour retrouver son anneau. Le premier plongeur qui se présente le lui rapporte, et rétablit ainsi le calme dans son ame. Selim au comble de sa joie, dit au plongeur de demander librement tout ce qu'il désirerait. Cet homme, qui étoit privé d'un œil, et d'une santé très-foible, borne son ambition à un droit d'un Para ( i ) sur chaque navire qui entremit dans le port de Boalak sur le Nil et qui en sortirait. La demande d'une grâce si modique et en même-temps si judicieuse, étonne le Sultan et toute sa Cour. Selim la lui accorde, lui fait de grandes largesses, et témoigne hautement ses regrets de ce que l'état ---_,,__-L (i) Quarante Paras font une piastre , qui équivaut aujourd'hui à quarante-cinq sols. 384 CODE RELIGIEUX, physique de cet Egyptien ne lui permettent pas de le décorer d'un office public. Suleyman I n'eut pas moins de penchant que Selim son père pour les sciences théur-giques. Son avènement au trône lut accompagné de mille présages sur la splendeur future de son règne et la prospérité de son Empire. Ces augures flatteurs étoient principalement fondés sur l'opinion que l'on attache aux nombres entiers, parce que ce Sultan étoit né l'an 900 de l'Hégire , et qu'il étoit en même-temps le dixième monarque de sa maison. Dans cette confiance, Suleyman 1 se livra à de grandes entreprises qui rendirent son règne éclatant. Ce furent en effet les plus beaux jours de la monarchie. Sous ce prince les bornes en furent reculées dans les trois parties de notre continent. Il eut dans son conseil et dans ses armées une foule de grands hommes qui secondèrent également ses projets, mais sur-tout le Grand-Vézir Ibrahim Pascha. Ce renégat fameux, qui s'étoit attaché au Sérail dès sa plus tendre jeunesse, et qui avoit captivé l'esprit de SuleymanI dans un degré extrême, extrême, s'avança rapidement autant par son mérite que par la faveur de son maître ; par-Venu enfin à la première dignité de l'Etat, il s'y maintint pendant treize ans avec la plus grande splendeur, jusqu'à prendre le titre de Ser-Asker-Sultan , exemple inconnu jusqu'alors dans les fastes de l'Empire. Quoique dans ses derniers jours il eût abusé de sa puissance au point de n'être plus qu'un tyran odieux à la nation entière, ni sa conduite, ni les intrigues de la cabale, ni les délations les plus fondées ne purent jamais dessiller les yeux du Monarque sur un ministre en qui il avoit mis toute sa confiance. Une vision cependant renverse toutes ses prospérités; elle ébranle Suleyman y et opère la perte de son Yézir. En 941 (i534), au milieu d'une guerre opiniâtre et sanglante contre la Perse , Ibrahim Pascha 9 toujours attentif à sacrifier à sa sûreté les premières têtes de l'Empire et tous ceux qui pouvoient lui donner de l'ombrage, calomnie le ministre des finances Ishendcr Tschéléby, homme d'un mérite distingué, et le fait mettre à mort. Dans Tome I. Bb la même nuit Suleyman I croit voir en songe cet infortuné ministre, qui, couvert de rayons de lumière, lui reproche avec indignation sa foi blesse à se laisser gouverner par un Vézir traître et perfide, son imprudence à précipiter ses jugemens, et sa cruauté à condamner à mort, sans examen, sans formalités, un officier innocent et vertueux , dont les talens étoient si nécessaires au service de la religion et de l'Etat. Après avoir proféré ces mots, il se précipite avec fureur sur le Sultan , et lui jette au col un cordon pour l'étrangler. Dans son effroi Suleyman pousse un cri épouvantable, il s'éveille en sursaut, regarde cette vision comme un avertissement céleste, prend sous main les informations les plus exactes sur la conduite de son ministre , et le trouvant coupable, il change en haine toute son affection pour lui, et venge sur sa tete la mort de l'innocent Islœnder Tschéléby. Trois ans après, ce Sultan, devenu la terreur de l'Europe et de l'Asie, attaque l'île de Cor-fou , appartenante à la république de Venise ; les travaux du siège étoient déjà bien avancés, lorsqu'une grêle extraordinaire fait des dégâts, dans son camp, et y blesse un grand nombre de soldatset de bestiaux. Suleyman en tire un mauvais pronostic, ordonne sur le champ la levée du siège, et se retire, malgré les vives représentations de ses généraux, qui l'assurent que l'on étoit à la veille de se rendre maître de la forteresse, soit par capitulation, soit par un assaut général. Ces opinions singulières n'eurent pas moins d'empire sur l'esprit de Selim II. Ce prince, qui d'ailleurs étoit plus que personne entiché des rttees du fatalisme, fut toute sa vie livré à la dissipation et plongé dans la crapule. En 980 (1572), la vue d'une étoile qui avoit le brillant et la grandeur de Vénus, jette l'effroi dans son ame ; ses alarmes augmentent par les prédictions des astrologues , qui croyoient voir dans ce phénomène l'annonce des calamités que des pluies excessives dévoient attirer sur l'Empire. Quarante jours après, on crut en effet, dit l'histoire, être menacé d'un déluge universel ; des pluies continuelles inondent les Etats d'Asie et d'Europe, ravagent cruel- Bb ij lement Magnessie , Kutahijé ? Andrino-pie j etc. , emportent de tous côtés des hommes , des bestiaux , des maisons, et rendent impraticables pendant plusieurs semaines les ponts et les chemins publics. Deux ans après, un autre événement achève d'accabler l'esprit de ce prince, dont le règne avoit déjà essuyé de grands désastres, sur-tout celui de la destruction entière de sa Hotte à Lépante. Le feu ayant pris aux cuisines du Sérail, les réduisit en cendres avec le bâtiment des offices, qui renfermoit des porcelaines du plus grand prix. Selim II en tire pour sa personne le plus mauvais augure ; il se rappelle que la même chose étoit arrivée à Andrinople, sous le règne de Selim I y et avoit été suivie de la mort de ce Sultan son aïeul. L'esprit frappé, il croit toucher au terme de ses jours ; il se livre à la mélancolie la plus noire, fait vœu de ne plus boire de vin, revient de tous les égaremens de sa vie, se livre à la prière , à la méditation, aux bonnes œuvres, et se prépare enfin à la mort, en rejetant et les avis de ses médecins, et les sages représentations de ses courtisans. Dans cet abandon universel de lui-même, il va promener un jour ses regards tristes et sombres dans un superbe bain qu'il avoit fait réparer et décorer somptueusement. Comme il parcouroit cet édifice pavé de marbre, son pied glisse, il tombe avec violence et se meurtrit de tous côtés. Il est pour lors saisi de maux d'estomac cruels et d'une fièvre ardente ; enfin après six semaines de souffrances aggravées par l'idée de sa mort prochaine , il termine ses jours dans des sentimens, dit l'auteur national, capables d'effacer aux yeux du Créateur ses débauches et ses excès. L'avénement de Mourad III son fils au trône, en 982, (1574), offrit un nouveau sujet d'alarmes aux esprits superstitieux. C'est une opinion régnante que les premières paroles qui sortent de la bouche d'un nouveau monarque , pronostiquent toujours le bonheur ou le malheur de son règne. MouradIII apprenant en secret la mort de son père, part aussitôt de Magnessie où il commancloit, arrive de nuit au Sérail, et reçoit les hommages de B b iij 39o CODE RELIGIEUX, tous les officiers de sa maison, qui, rangés autour du trône , attendent dans le silence et dans la crainte les premières paroles que proférerait ce nouveau Sultan : ces paroles furent : J'ai faim , que Von. me donne à manger. La frayeur s'empara de tous les esprits ; on gémit sur les maux qui, disoit-on, menaçoient le règne de ce prince. L'événement ne fit qu'accréditer cette opinion ridicule ; une famine cruelle afili^ea cette même annéeCotistanti-nople et diverses provinces de l'Empire : ce fléau fut suivi de guerres et de dissentions horribles, qui rendirent ce règne un des plus désastreux. Trois ans après, l'apparition d'une comète vers l'est de notre globe, ajouta encore aux alarmes de la Cour et de tout l'Empire. Le Mouphty de ce temps , Cazizadé Schems'ud-dinn Ffendy , qui avoit quelques cemnoissan-ces en astronomie, prétendoit que cette même comète avoit déjà apparu onze fois depuis la création du monde, qu'elle avoit toujours annoncé des événemens remarquables, les uns heureux , les autres malheureux ; que lesépo- quesdeson apparition étoient, i°. le meurtre à'A bel, 2°. le déluge universel, 3°. la persécution d''Abraham par Ncmroud, 40. la destruction des anciens Arabes, Cawm-Ad , 5°. celle de la tribu Arabe, Cawm-Sallhh , 6°. la délivrance miraculeuse de Moyse, y0, la submersion de Pharaon dans la Mer Rouge, 8°. la journée de Bedr-IIuneynn, si glorieuse au Prophète Mohammed, 90. le meurtre du Khar hphe Osman I, io°. celui du Khaliphe Alyl, et la naissance de la secte des Yezidys. Ce chef des Oulémas 3 de concert avec quelques astrologues, assuroit, contre l'avis de beaucoup d'autres, que cette douzième apparition de la même comète, indiquoit les succès des armes Othomanes contre les Persans, avec lesquels l'Empire étoit alors en guerre. Ces pronostics contribuèrent beaucoup à éloigner de l'esprit de MouradIII tout projet de paix entre les deux nations, et à prolonger une guerre malheureuse qui dura douze ans consécutifs, et dont les événemcns, toujours balancés , désolèrent également les deux Empires. Bb iv Dans cet état d'accablement où se trouvort alors la puissance Othomane, ébranlée de tous cotés par les secousses étrangères et par les troubles du dedans , l'année iooo de l'Hégire augmenta la terreur des ames foibles et crédules. Quoique les idées de bonheur ou de malheur soient également attachées à ces nombres entiers , les esprits cependant étoient trop abattus pour y voir autre chose que de sinistres présages. Mille gens inquiets et audacieux mirent à profit ces préjugés et les circonstances du moment, pour satisfaire leur ambition et leur cupidité. On tenta les entreprises les plus hardies dans différentes provinces de l'Empire, comme dans la capitale même, où le soulèvement des milices entraîna la digrace du Grand-Vézir Ferhaâ Pascha, celle du général des janissaires Salordjy Mohammed Agha, et enfanta de nouveaux troubles qui prolongèrent les malheurs de l'Empire. Divers astrologues ayant encore prédit à la nation qu'elle auroit de longues guerres à soutenir contre ses voisins, soit en Europe, soit en Asie, MouradIII, jusqu'alors généreux et bienfaisant, devint tout-à-coup un avide oppresseur. Il employa les voies les plus odieuses pour accumuler des trésors , et se mettre en état de défense contre tous ses ennemis. La main de ce prince appesantie sur la nation , ne s'ouvrit plus qu'en faveur des astrologues , des devins, des interprètes de songes, qui élevèrent des fortunes rapides par ses excessives prodigalités ; mais la plus éclatante fut celle d'unAlbanois obscur, appelé Schud-jea, qui du néant parvint au plus haut période des prospérités. Dans son enfance il se fit Derwisch de l'ordre des Ummy-Sinanns, et eut sous le Scheykh de son couvent à Conslan-tinople quelque teinture des sciences spéculatives ; mais bientôt dégoûté de cet état, il quitte l'habit de Deniisch , et se fait enrôler janissaire dans le corps àesAdjemy-Oghlanns: un trait de jeunesse l'en l'ait chasser quelques mois après : réduit à la misère et sans aucune ressource, il se détermine à se faire maçon : une querelle avec un de ses camarades l'obi ige, quelque temps après, à quitter Constantino- pie , et à passer à Magnessie j là il se fait jardinier, et après avoir servi dans les maisons de plusieurs seigneurs du pays, il passe comme vigneron dans les terres de la KèhayaCadinn y ou gouvernante du Harem de MouradIjj alors prince héréditaire, et gouverneur de cette province. Stkud/'ea qui avoit de l'esprit et de la pénétration, mène alors une vie sobre et austère , suit toutes les pratiques des Der-ivischs sans en porter l'habit, exerce l'art des divinations qu'il avoit étudié dans son enfance, chez les Ummy-Sinanns , se fait interprète de songes , acquiert une certaine considération auprès des bas-officiers du palais, et se recommande par-là dans l'esprit de la gouvernante. Cette femme , appelée Raziyé Kkalunn, re-gardoit déjà son vigneron comme un homme important et par sa science et par l'austérité de sa vie, lorsque le prince Mourad eut une vision qui inquiéta sa tranquillité. Il rêva qu'il mon toit par un escalier de marbre de vingt degrés, dans un pavillon superbe, couvert de trente voûtes qui parois-soient se perdre dans les nues; que cet édifice présentait de tous côtés des points de vue ravissans ; qu'au milieu de cet enchantement il avoit pensé aux jeunes princes Mohammed et Mahmoud ses fils , et les avoit inutilement cherché des yeux; qu'enfin quittant ce pavillon , il avoft regagné le même escalier, et qu'il n'étoit encore qu'à la quatrième marche lorsqu'il s'éveilla en sursaut. Mourad III frappé de ce songe, en parle le lendemain à la gouvernante de son Harem, qui avoit le plus grand ascendant sur son esprit. Cette dame écrit ce songe, et l'envoie à son vigneron. Schudjea l'explique, et déclare que, suivant les secrets de sa science , cette vision du prince n'annon-çoit que des événemens heureux : l'escalier, son élévation au trône ; les vingt marches, le nombre d'années qu'il devoit régner ; le pavillon décoré de voûtes superbes, la grandeur de son Empire ; l'absence des princes ses fils , qu'il avoit en vain cherchés des yeux , leur séparation prochaine de la Cour du Sultan leur père; enfin son réveil sur la quatrième marche de l'escalier, la nouvelle que l'on ver-roit sous quatre jours Mourad maître du trône de ses aïeux. Quoique ce prince n'eût reçu que vingt-sept jours après l'avis de la mort de Selim II son père, l'accomplissement de cette première partie de la prédiction rie lui laissa aucun doute sur tout le reste : dès ce moment il regarda Schudjea comme une ame sainte, le combla de pi ésens et de bienfaits, le décora du titre de Scheykh > l'emmena avec lui à Conslantino-ple, et l'admit dans sa familiarité la plus intime. Schudjea, qui soutint d'abord ces premières caresses de la fortune avec une force d'esprit étonnante , n'oublia cependant rien dans la suite pour parvenir à l'entière confiance du Sultan : il s'entretenoit des heures entières avec lui, ne parlant que des sciences spéculatives et de matières abstraites : par-là il achevoit de fasciner les yeux de ce Monarque , et de l'écarter , disent les annales , des vrais principes de la doctrine pure et sainte du Cour'ann. La première grâce qu'il demanda à son maître, fut la possession d'un grand hôtel situé dans le faubourg Aya-Capoussy , aux réparations duquel il avoit travaillé lui-même lorsqu'il exercoit son premier métier. Mou- radIIIen ordonna aussitôt l'acquisition, et le seigneur à qui cet hôtel appartenoit, sévit oblige de s'en dessaisir pour une somme qu'on lui assigna sur le trésor public. Schud/ea établi dans ce palais, y étala le plus grand faste. MouradIII alloit le voir souvent, et ne le quittoit jamais sans lui accorder une grâce qui valoit toujours à ce favori des sommes immenses. Dispensateur des bienfaits de son maître, il disposoit à son gré des premières charges de l'Etat. Tous les Seigneurs du Sérail , les grands , les ministres , les Oulémas, etc. lui faisoient assidûment leur cour et se recommandoient à sa protection. Lorsqu'il ne paroissoit pas au Sérail, il recevoit toujours un billet du Souverain, qui lui écri-voit du ton le plus familier, jusqu'à l'appeler Scheykhim y Efendim , Sultanim } c'est-à-dire, mon Scheykh , mon Seigneur, mon Sultan , etc. Parvenu au faîte des grandeurs et de l'opulence, Schudjea toujours respecté comme un Saint, fit dans Couslantinople des acquisitions considérables, forma dans son palais unllarem 398 CODE RELIGIEUX, nombreux , y rassembla de jeunes esclaves de l'un et de l'autre sexe, remplit en secret sa cave, par l'entremise d'un Juif, des meilleurs vins de l'Europe, et se livra enfin à tous les excès de la débauche. Cet imposteur avoit cependant l'adresse de se déguiser si bien aux yeux du Sultan , que rien ne put ébranler sa bienveillance et son estime pour ce premier de ses favoris. Il repoussoit constamment ceux des ministres et des officiers de sa maison qui osoient lui exposer la conduite scandaleuse de son Scheykh. Tout est faux, leur répon-doit-il , c'est l'envie et la calomnie qui parlent contre lui. Je connois Schudjea , c'est un modèle de sagesse , de doctrine et de sainteté; je lui ai donné ma confiance,etil ne la perdra qu'avec mes jours. En effet Schudjea se maintînt en faveur toute sa vie; il mourut des suites de sa dissolution , en 996 (i58B), après avoir, pendant dix ans , régné sur l'esprit de son maître, et par-là sur l'Empire entier. Mourad IIIen fut d'autant plus inconsolable, qu'il croyoit son bonheur personnel attaché à celui de son cher Schujea. Cet excès de foiblesse et de superstition le tyrannisa toute sa vie, dont il abrégea le cours. Ce prince avoit autrefois honoré de sa faveur Saatdjy-Ilassan , l'un des gentilshommes de sa chambre élevé au rang de Silikdar-Agha x ou grand-maître de sa maison. Le crédit immense de cet officier ne tarda pas à donner de l'ombrage au Grand-Vézir Codjea Sinan Pascha , qui parvint à le noircir dans l'esprit de Mourad III, et à l'éloigner du Sérail. Mais peu après il rentra en grâce, et le Sultan le revêtit du titre de Paschaen lui déférant le gouvernement du Diyarbchir. Rappelé deux ans après , ce Saatdjy-llassan Pascha eut, à son retour à Constandnople , une étrange vision. Rétabli au Sérail dans la charge de Silihdar-Agha , il se promenoit dans les jardins du palais avec Mourad III, lorsqu'on vint lui annoncer le plus fameux des prédicateurs de Constandnople, leScluyhh Emir Eschtiby : ce Prélat, après avoir salué le Monarque , s'approche, lui présente une Verge , et lui adresse ces paroles : Seigneur, c'est la même clef que vous m'avez remise j elle fia pu m'être utile à rien, il ne m'a pas été possible d'ouvrir aucune porte. Dans l'instant mvmeSuleyman Iparoît au fond du jardin : à cette vue MouradIII court à lui, montrant le plus vif empressement de l'embrasser et de lui baiser les mains; maisSuley. ' mon I le repousse avec colère et lui tourne le dos : alors le prédicateur s'avançant les mains jointes, conjure Suleyman I de ne pas chagriner Mourad III, et d'user d'indulgence à son égard si sa vie étoit répréhensible ; il tire ensuite de son sein et présente à Suley-m an I u n Kiblé-Nouma , petite planche de marbre en forme de tablette astronomique , qui indiquoit la position de la Mecque pour les cinq prières du jour. Ce prince, après l'avoir reçu , se tourne du côté de Saatdjy Hassan Pascha, et le lui remet avec ordre de l'examiner, et de voir s'il étoit bien fait. Saatdjy Hassan Pascha n'eut pas plutôt touché le Kiblé-Nouma , que cette tablette se transforme en une grande carte géographique où l'on voyoit presque tout l'Empire Otho-man , sur-tout la Hongrie, avec les places frontières frontières de ce continent. Suleyman 1 l'ayant parcourue avec attention, y montre du doigt différentes forteresses qui n'existaient pas, disoit-il, de son temps : un instant après, un des bouts de la carte s'échappant des mains de Hassan Pascha , elle se roule d'elle-même et reprend sa première forme ; enfin Mourad III accablé de tristesse , se plaignant de sa santé, et témoignant quelque inquiétude sur l'effet d'un remède qu'on lui avoit appliqué , qui consistait en une ceinture formée de plusieurs morceaux de cristal blanc , Su!ey-manl lui dit que son mal étoit incurable, et qu'il y succomberoit, à moins qu'il ne se bâtât d'immoler cinquante-deux moutons, quatre noirs , huit bigarrés , et les autres blancs. A son réveil, Saatdjy Hassan Pascha écrivit cette vision , et l'envoya à Mourad III. Ce prince en rit d'abord, et traita Hassan de visionnaire ; mais trois jours après, se voyant attaqué de maux d'estomac affreux , ce songe lui lit quelque impression; et il n'eut alors rien de plus pressé que de faire remettre une grosse somme à Hassan Pascha , avec ordre Tome I. Ce d'immoler pour lui cinquante-deux moutons, conformément au songe qu'il avoit eu. Cet ancien favori étoit versé dans l'astrologie judiciaire : il communique sa vision à d'autres astrologues , et tous sont unanimes dans l'interprétation qu'ils en donnent. Ils disent que le prédicateur représentoit l'ange de la mort; que la verge donnée pour une clef, indiquoit le Grand-Vézir Codjea Sinan Pascha , dont les armes n'avoient eu aucun succès en Hongrie ; que l'entrevue entre Suleyman I et MouradIII dans les jardins du Sérail, annon-çoit la réunion prochaine de leurs ames dans les régions délicieuses de l'éternité ; que la ceinture de cristaux de MouradIII désignait la fragilité et le néant de ce monde , ainsi que la nudité de l'homme qui, à sa mort, n'em-portoit avec lui que le prix de ses actions, bonnes ou mauvaises; que la transformation du Kihlé-Nouma en carte géographique, marquoit les vicissitudes des choses humaines; que la déclaration de Suleyman I sur les places conquises après sa mort, présageoit l'instabilité de ces nouvelles possessions, et leur CODE RELIGIEUX. 403 perte prochaine; qu'enfin le sacrifice desquatre moutons noirs étoit relatif à la destinée des quatre premiers enfans de MouradIIIy déjà parvenus à l'âge de raison ; celui des huit moutons bigarrés , à celle des huit princes puînés; et celui des quarante moutons blancs, à l'état de candeur des quarante principales Odaliks du Harem Impérial, lesquelles contentes de partager les faveurs du Souverain , et de donner des héritiers au trône, ne s'étoient jamais permis de se souiller par des intrigues de Cour et de politique. Malgré l'attention de ces astrologues à ne rien communiquer au Sultan de ce triste présage , Mourad III affecté de cette vision et de sa maladie, se crut au terme de ses jours. Au milieu des sombres nuages de son esprit, il se promène dans les jardins du Sérail, et va ensuite se reposer dans le Keoschk Sinan Pascha qui domine sur le Bosphore, que le Grand-Vézir de ce nom avoit tait construire à ses dépens quelques années auparavant, et meubler avec une richesse et une somptuosité étonnantes. C'est là que les Sultans donnent Ce ij tous les ans audience au Capoudan Pascha , soit dans le printemps, au départ de ce grand Amiral avec l'escadre destinée à croiser dans VArchipel, soit à son retour dans l'arrière saison. Arrivé à ce pavillon , MouradIII demanda de la musique , et ordonna lui-même ce qu'on y devoit chanter; c'étoit un air lugubre , dont les premières paroles sont : Je suis accablé sous le poids de mes maux f o mort! sois celle nuit toujours à mon côté, etc. (i). Au milieu de cette triste symphonie , un accident qui d'ailleurs n'avoit rien d'extraordinaire, achève d'abattre l'esprit de ce monarque : deux vaisseaux Alexandrins entroient dans le port, et comme ils saluoient le Sérail, le bruit du canon rit tomber des fenêtres du Keoschk plusieurs carreaux, dont les éclats furent portés sur le sopha et sur l'habit même du Sultan. Le canon des plus gros vaisseaux de guerre n'avoit jamais produit un pareil effet. MouradIIIy déjà ébranlé, en tira de noirs présages: il dit aux officiers de son cortège que tout annonçoit sa mort prochaine , ( i ) B'imar 'im , ey edjél, bon guidjé behlé yanim al, etc. CODE RELIGIEUX. 4o5 et qu'il ne reverroit plus ce charmant pavillon. II accompagna ces paroles de profonds soupirs, et un torrent de larmes s'écouloit de ses veux. Il rentra dans son appartement, se jeta sur un sopha, et mourut quatre jours après, dans la cinquante - quatrième année de son âge. Sous Mohammed III son fils, dont le règne ne fut pas moins désastreux, un Beuluh-Bas-chj ou officier général des Seybanns, qui font partie de la milice des janissaires, est disgracié ; il passe en Asie, où. il forme, l'an 1008 (1599), le projet le plus hardi, favorisé par les circonstances, et plus encore par la crédulité des esprits vulgaires. Cet imposteur, nommé Cara-Yazidjy-Abd'ul-Halim se donne pour un prince de l'ancienne maison desBeno-Scheddadj et publie que le Prophète Mohammed lui apparoissant en songe, l'avoit assuré que vu la noblesse de son origine, la pureté de sa religion , la simplicité de ses mœurs, il étoit prédestiné à opérer une grande révolution dans l'Empire, et à posséder toute YAna-tolie en prince libre et indépendant. Le bruit C c iij 406 CODE RELIGIEUX, de cette vision échauffe les esprits et attire sous les drapeaux de l'imposteur une foule de brigands et d'aventuriers qui Lui rendent des honneurs souverains. Bientôt maître d'Our/a et de tout le pays d'alentour, il prend le titre de Schah , se forme une cour , crée des Vé-zirs , des ministres , des officiers, etc., et expédie comme les Sultans Othomans, des Béraths et des Fcrmans décorés de son monogramme , Toughra, où on lisoit ces paroles: Halim-Schah > toujours victorieux , Daïma Muzafer. Cette entreprise coûta des fleuves de sang à la monarchie Othomane. Sous le même règne ces horribles superstitions plongèrent la famille Impériale dans un deuil universel. Un malheureux Scheylih, qui s'annonçoit comme un cabaliste consommé, captiva l'esprit du prince héréditaire Sultan Mahmoud jusqu'à lui faire accroire que s'il tardoit à occuper le trône de son père, il auroit la destinée la plus tragique. Mahmoud séduit par cet imposteur, lui permet d'user de maléfices et de sortilèges pour abréger les jours du Sultan son père. Leurs lettres sont inter- ceptées, et mises entre les mains de Mohammed III 9 qui dans les premiers transports de sa fureur , ordonne la mort de son fils, et fait jeter dans le Bosphore l'esclave sa mère, le Scheykh et trois officiers complices de cet horrible mystère. MohammedIII fut lui-même victime de sa crédulité. Un jour, en rentrant au Sérail, un simple Deruisch , que son imbécillité fai-soit révérer comme un Saint, s'écria : O auguste monarque ! ne vous endormez pas. Je vous annonce un triste événement qui aura lieu dans cinquante-six jours d'ici. Ces paroles alarmèrent MohammedIII. Quelques semaines après il tomba malade, et mourut en effet le cmquante-sixieme jour. AhmedI son fils n'avoit pas les mêmes foi-blesses ; mais sous son règne l'Empire fut menacé des plus grands désastres, par le superstitieux Grand - Vézir Nassouh Pascha. Ce ministre se laissa séduire par divers astrologues qui, attachés à sa fortune, ne cessoient de lui répéter qu'il étoit né sous une étoile heureuse, que sa prospérité seroit inébran- C c i v 4o8 CODE RELIGIEU X. lable, et que son horoscope indiquoit même dans sa personne un éclat égal à celui des tètes couronnées. Nassouh Pascha , dont l'esprit crédule s'étoit long-temps nourri de ces idées extravagantes , se livra aveuglément à une administration tyrannique, ne ménagea aucun des ministres ni des grands de l'Empire, se permit les procédés les plus indécens, et s'oublia même vis-à-vis de son propre Souverain. AhmedI en prit tellement ombrage, que sur les relus de ce Vézir audacieux de se rendre au Sérail un vendredi, il n'osa sortir ce jour-là de son palais pour aller, suivant l'usage , à la mosquée, et fit inopinément investir l'hôtel de son premier ministre par cent Bostandjys du Sérail, et par un gros corps de janissaires que conduisoit leur Agha. Le cordon fatal sous lequel il expira , fut sans doute la couronne que lui promettoient les malheureux astrologues , qui, auteurs de son aveuglement, en partagèrent la juste punition. Cet événement eut lieu en ios3 (1614). Ce même Vézir purgea Constantinople de tous les chiens errans dans les rues et dans les places publiques. Il ne les fit pas périr, mais, par ses ordres, on en rcmplLssoit des barques qui alloient les jeter à Scutary et dans les environs. On attribue également cette action singulière et bizarre à un principe superstitieux, sur lequel ce tyran garda toujours le plus morne silence. Dès la seconde année de l'avènement $ Osman II, l'apparition d'une nouvelle comète, en 1027 (1618) , et sur-tout les funestes présages dont elle fut suivie, répandirent encore l'effroi et le trouble dans l'Empire. Ces présages échauffant les esprits, donnèrent plus d'activité aux intrigues et aux cabales qui bientôt divisèrent le Sérail et la Cour sous un prince jeune , inconsidéré , sans expérience , livré d'ailleurs à ses favoris, sur-tout à son précep--teur, Khodjea Orner Efendy. Tous les écrivains nationaux parlent de ce Khodjea comme du principal auteur du projet qu'eut Osman II de faire le pèlerinage de la Mecque, dans le dessein secret de casser les janissaires, et de créer en Egypte une nouvelle milice. Les " oppositions de la Cour et de tous les Oulémas dont la voix s'unissoit aux murmures du peuple et aux cris séditieux des milices, avoient déjà ébranlé la fermeté opiniâtre du jeune • Sultan, lorsqu'un songe vint fixer ses incertitudes , et précipiter l'Empire dans un chaos de malheurs. Il se voit dans son sommeil armé de sa cuirasse , assis sur son trône, et occupé à lire le Cour'ann, lorsque Mohammed lui apparoît, et d'un air courroucé, lui ôte le livre des mains , le jette par terre , le dépouille de son armure, le frappe au visage, et le renverse brusquement sans qu'il lui soit possible de se relever et d'embrasser les genoux du Prophète. Il s'éveille en sursaut, et dans son trouble, il s'adresse d'abord à son Khodjea Orner Efendy , pour avoir l'explication de ce songe alarmant. Cet homme artificieux répond que tout annonçoit évidemment la colère du Prophète contre l'irrésolution du Sultan à aller à Médlne honorer sa cendre sacrée, et à s'acquitter en même temps du pèlerinage au* Keahé de la Mecque. Livré aux plus cruelles perplexités, Osman va le même jour , incognito, consulter à Scu-tary un fameux Scheykh appelé Ushidary Mahmoud Efendy , respecté comme un Saint, et considéré comme le premier de tous les interprètes des songes. Ce vieillard lui dit, en termes généraux, que sa vision étoit un avertissement céleste qui l'invitoit à faire pénitence de ses prévarications, et à se rendre désormais attentif aux devoirs du trône , aux préceptes de la doctrine et à toutes les pratiques de la religion. Rassuré par ce discours, Osman n'hésite plus à regarder sa vision comme un oracle céleste : il détermine son départ d'une manière irrévocable, renouvelle ses ordres , presse les préparatifs de son voyage, et rejette avec une fermeté inébranlable toutes les remontrances du Mouphty y du Grand-Vézirj enfin de tout le Divan. On sait quelle fut la triste destinée de ce jeune monarque, et les funestes suites de sa mort, qui ensanglantèrent l'Empire pendant tant d'années , sous les règnes de Moustapha I et de Mourad IV. L'imbécillité mit le premier de ces princes 4i2 CODE RELIGIEUX, à l'abri de ces superstitions; mdâs Mourad IV, malgré son génie et ses lumières , en fut tyrannisé comme ses aïeux. Un jour qu'il se promenoit kBcschiktasch , il fut surpris d'un orage qui l'obligea à s'arrêter dans un superbe Keoschk, élevé sur le bord de la mer par Ahmed I son père; il étoit accompagné de plusieurs officiers de sa maison : l'un d'eux lui présenta alors, pour le distraire, un ouvrage gai mais satyrique , .qui avoit poux auteur un certain Nef y. Mourad IVle parcou-roit avec plaisir'et en rioit avec excès, lorsque tout-à-coup la foudre frappa le Keoschk , et tomba au milieu de l'appartement. Les officiers glacés d'effroi , se jettent le visage contre terre. MouradIV croyant voir dans cet accident la colère du ciel, déchire le livre , vomit des imprécations contre l'auteur, jure de ne plus s'occuper de pareilles lectures , récite de longues prières , et ordonne en même temps des sacrifices et de grandes aumônes. Quelques mois avant sa mort une éclipse de soleil l'alarme encore, malgré toutes les assurances que lui donnent ses astrologues sur la durée de son règne et de ses prospérités. Comme il avoit lui-même du goût pour les sciences abstraites, il voulut alors consulter un livre mystérieux, Djejr-Kitaby y que Selim I , conquérant de l'Egypte, avoit recueilli dans ce royaume, avec beaucoup d'autres raretés que l'on conserve encore soigneusement au Sérail. On croit que ce livre écrit en chiffres et en caractères magiques, indique le nom et la destinée de tous les Sultans Othomans et de tous les Souverains qui régneront sur l'Egypte jusqu'à la fin du monde. Après une longue étude , MouradIV croit y trouver son nom et sa mort prochaine. Dans sa douleur il cacheté ce livre et prononce mille anathêmes contre quiconque oseroit y toucher jamais. Ses agitations deviennent encore plus cruelles lorsqu'il apprend qu'un Scheykh Mecquois, regardé dans tout Constantinople comme un devin fameux, avoit confié au SilihdarMous-tapha Pascha que la lune de Scheii'al, dans laquelle le Sultan étoit né, indiquoit, pour cette année 1049 0^4?)» Sll,e^^ue chose de 4i4 CODE RELIGIEUX, sinistre, et qu'il falloit se hâter de faire des aumônes et d'immoler des victimes pour en détourner les fâcheuses influences. MouradIV en ordonne de considérables ; il fait même ouvrir les prisons publiques et mettre en liberté un grand nombre de malheureux , excepté les assassins et les débiteurs; mais consumé de chagrin et de langueur, il tombe malade, et meurt en effet le 16 de la lune dèSchetvàl. Ibrahim I y presque aussi imbécille que Moustapha Iet aussi fointe de corps que d'esprit, après avoir épuisé toute la science des médecins, s'abandonne, par les conseils de la Validé Suit due sa mère , aux remèdes superstitieux d'un simple Softa nommé Mo lia Hussein , qui étudioit dans un Medressé de Constantinople, et dont les sophismes et les pratiques cabalistiques avoient su captiver les esprits vulgaires, sur-tout parmi les femmes. Les soulagemens Ibrahim I crut en ressentir , font bientôt la fortune de cet imposteur , qui depuis est devenu fameux dans l'histoire sous le nom de Djindjy Khodjea y c'est-à-dire, le Khodjea qui chasse les esprits mal- faisans. Apres avoir passé en peu de mois par les differens grades de la magistrature, il parvint à la dignité de Cazy-Asker , et fut, pendant tout le règne de ce monarque insensé, le premier officier du Sérail en crédit et en faveur , et le premier auteur de tous les troubles qui désolèrent alors la monarchie Othomane. Enfin ces faiblesses superstitieuses influè-rent avec plus ou moins d'énergie sur la conduite et sur la vie de presque tous les Sultans comme sur la destinée générale de l'Empire. Moustapha III lui-même n'en fut pase.xempt, malgré sa sagacité naturelle et l'étendue de son génie. Ses actions et ses entreprises furent toutes dirigées, pour ainsi dire, par les secrets de l'astrologie judiciaire. On ne croiroit pas que durant la dernière guerre entre la Porte et la Russie, plusieurs des dépêches de Constant inop/e au camp du Grand-Vézir ne roulèrent que sur les bénignes influences des astres, et sur les jours et les momens indiqués par les astrologues pour entamer des opérations ou pour faire des dispositions relatives à 416 CODE RELIGIEUX, l'attaque et à la défense contre les ennemis de l'Etat. L'expérience et les événemens n'ont que trop prouvé à ce Monarque dans ses derniers jours, l'absurdité d'un art dans lequel il avoit mis tant de confiance. Il est encore aujourd'hui d'usage et même d'une étiquette sacrée dans cette Cour, de ne déférer les premières dignités de l'Etat, surtout celle de Grand-Vézir, de ne lancer à la mer aucun vaisseau de guerre, de ne laisser sortir de Constantinople les escadres destinées à croiser dans X^Archipel, de ne jeter les fon-demens d'aucun édifice public, etc., qu'aux jours et dans les momens prescrits par les astrologues : on considère cependant ces pratiques et ces usages sous le rapport des principes astronomiques , plutôt que sous celui des calculs mensongers des astrologues. A cet effet les Sultans Othomans, à l'exemple des anciens Khaliphes , entretiennent toujours parmi les officiers du Sérail un homme suffisamment instruit dans l'une et l'autre de. ces sciences , sous le titre de Munedjim Basckjy. En cette qualité il est le chef des astronomes et et des astrologues, et en même temps l'un des membres les plus distingués du corps des Oulémas : son crédit et l'importance de sa place sont ordinairement proportionnés au degré de croyance ou plutôt de fbiblessequetémoignent les Sultans eux-mêmes pour les sciences occultes. Une grande partie de la nation est soumise à l'empire de ces funestes préjugés : les personnes même de la plus haute distinction n'en sont pas exemptes. Plusieurs entretiennent dans leurs maisons de ces prétendus savans dans l'art de l'astrologie et des divinations : elles les consultent dans toutes les circonstances qui peuvent intéresser ou leurs affaires particulières, ou les devoirs de leurs places. Les plus estimés de ces imposteurs sont ceux qui suivent les règles et les principes deMeu-liyéd-dinn Maghriby , le plus fameux de tous les astrologues Arabes. Ils ont tous pour maxime de recommander des aumônes, des sacrifices, des actes de libéralité, comme les moyens les plus propres, disent-ils, à détourner les maux et les calamités qu'ils prétendent Tome I. Dd découvrir par leurs laborieuses recherche». Dans cette vue, ils font encore usage de certains maléfices, qui consistent en des cadrans chargés de chiffres : on y trace aiï milieu , en gros caractères, le nom de la personne que l'on veut garantir ou des maux de la nature, ou des revers de la fortune. Ces écrits mystérieux se débitent sous le nom deMurebba-TFifh .-ce sont autant de ressorts qu'ils font jouer adroitement auprès de l'ignorance et de la crédulité , pour attirer à eux l'or et l'argent de leurs" concitoyens. . Toutes ces pratiques en général sont connues sous le nom iïOiûoum-Arcbiyé ou Ni-rendjeath , c'est-à-dire, sciences Arabiques ou divinations. C'est d'elles que dérive cette foule de superstitions sous le joug desquelles gémissent tous lespeuplesMahométans. Infatués de tant de prestiges et d'erreurs , ils tirent ordinairement des pronostics favorables ou fâcheux des accidens les plus naturels et des événemens les plus simples. Ces rapprochemens et ces détails sont seuls capables de montrer la distance que mettent aujourd'hui les progrès de la civilisation et des lumières entre les Orientaux et les Européens, qui pendant des siècles entiers n'ont pas été moins tyrannisés que les premiers , par l'empire de ces illusions ridicules. L'histoire de toutes les nations fournit mille exemples de ces influences malheureuses et puissantes qu'ont eu également chez elles l'astrologie, les visions, les divinations, les songes, la magie, etc. Jusqu'au dernier siècle, presque toutes les Cours Européennes n'avoient-elles pas aussi leurs astrologues? Qui est-ce qui ignore Je penchant de Catherine de Médicis , de Henri II I, etc. pour ces foiblesses de l'esprit humain ; cette opinion singulière qui attribua à un sortilège la maladie de Charles VI ; la fin déplorable de la Pucelle d'Orléans sous Charles VIIj le sort de la Maréchale d'Ancre sous Louis XIIIj la crédulité d'Edouard III, lorsqu'il fît avec la France le traité de Brét -gny , à la suite d'un orage qui lui avoit paru de mauvais augure ; enfin mille projets entrepris ou abandonnés sur l'avis des devins, sur l'apparition des comètes, des météores, etc.? N'a-t-on pas encore aujourd'hui en Europe des diseurs de bonne-aventure, et des aîma-nacbs qu i annoncent des événcmens politiques, qui prédisent la mort des princes, des ministres, etc., et qui souvent portent le trouble dans l'ame des personnes du plus haut rang? Si ces foiblesses se perpétuent avec encore plus d'empire chez les Mahométans, on doit en attribuer la cause à une imagination plus vive et plus exaltée , effet sans doute du climat qui fut le berceau de ces préjugés insensés; et à l'état de langueur où sont les lettres, par les progrès lents de l'imprimerie , qui n'existe même que dans la seule ville de Cons-tantinople , etc. On ne doit cependant pas croire que cette manie soit générale dans toutes les classes de la nation. Les esprits éclairés, les gens instruits dans la doctrine et dans la loi canonique , méprisent même ouvertement toutes ces chimères, les censurent avec indignation, et ne cessent de répéter cet axiome religieux : Kull'u munedjim 'unn keazibj c'est-à-dire, l'astrologie est une science Ifausse; tout astrologue est menteur. On applique cet adage à tout ce qui a trait aux sciences occultes, comme généralement proscrites par la loi. On observera néanmoins que l'Islamisme , d'après l'opinion des anciens Imams , admet des modifications et des règles dans la croyance et dans l'usage de différentes pratiques relatives à ces mystères. Elles consistent, i°. à consulter l'oracle du Courann dans des cas embarrassans qui pourroient intéresser le bonheur public, ou le bien particulier d'un individu ; cela s'appelle Tejéul. 2,0. A demander au. ciel, dans les mêmes circonstances, de faire connoître ses ordres par la voie des songes. L'efficacité de cette pratique, que l'on appelle Isslikharé y est censée commune à tous les Musulmans , et cela d'après ces paroles du Cour'ann : En vérité ( 1), Dieu certifie le songe de son Prophète. On lui attribue cependant des succès plus assurés, lorsqu'elle est employée par les princes et les chefs de la nation, mais sur-tout par les Souverains, c'est-à-dire, les ( 1 ) Lekad sadak' Allah'u ressoul'uh-hur-rouya. b'il- Khaliphes, les Imams suprêmes, en leur qualité de vicaires du Prophète. Delà l'opinion si générale dans l'Empire, que le cœur d'un Sultan est le sanctuaire de la grâce, de l'inspiration et des lumières célestes. 3°. A invoquer avec confiance, dans toute affaire , dans toute entreprise quelconque, l'intercession du Prophète et des Saints , morts ou vivans , du Mahométisme. 40. Enfin, à croire qu'en temps de guerre, les armées Musulmanes sont soutenues par des légions d'anges. On verra le développement de ces differens chefs dans le corps de l'ouvrage. 53°. Que le néant, que la chose non existante n'est rien. C. Ce point a pour objet de réfuter le dogme des hétérodoxes Mœutezilésy qui n'admettent point de néant ou de vide dans la nature , etc. 54°. Que les prières et les aumônes des vivans pour les morts, sont utiles au repos de leurs ames. C. D'après la parole même du Prophète, les fondations, et généralement toutes les œuvres pies, ont la même efficacité. Observations. L'opinion des docteurs sur ce point, est que les prières, les aumônes, etc. sont auprès de Dieu des moyens puissans d'intercession, qui, d'un côté, soulagent dans l'enfer les ames des Musulmans vicieux et pécheurs, en abrégeant le temps de leurs supplices ; et de l'autre, procurent aux ames bienheureuses du paradis un surcroît de félicité et de délices spirituelles. 55°. Que Dieu agrée les prières des hommes, et exauce leurs vœux. i C. Dieu agrée les prières des fidèles lorsqu'elles sont faites avec un cœur pur et dans un esprit de ferveur, de droiture et de sincérité, etc. Il agrée aussi les prières des infidèles : ce point a été vivement combattu autrefois , même par des docteurs des quatre rits orthodoxes. 56°. Que, selon la parole du Prophète , les signes qui annonceront la 4M CODE RELIGIEUX, fin du monde, seront l'apparition de TAnte-Ckrist, du Dabbetul-ar^, et des Yécdjoudjes-Méedjoudjes, la descente de Jésus-Christ sur la terre , et le lever du soleil du côté de l'Occident. C. Le Prophète a donné dix signes comme les annonces terribles de la fin du monde; savoir, i°. une fumée noire et épaisse qui enveloppera tout le globe; s°. l'apparition de l'Ante-Christ, Dedjealj 3°. celle du Dabbet-'trf-arzy qui aura dans sa main la verge de Mqyse et le sceau de Salomon : il touchera les élus avec cette verge, traçant sur leurs visages en caractères visibles le mot de Mu-minn y croyant, fidèle, et appliquera l'empreinte du sceau sur le front des réprouvés, en y traçant le mot de Keafir y infidèle; 40. le lever du soleil du coté de l'Occident ; 5°. l'avé-nement de Jésus-Crist fils de Marie ; 6°. l'apparition des Ye'ed/oudjes-Meed/oadjes y peuplades de nains issus de Japhet fils de Noé : 70. l'écroulement de l'Orient ; 8°. celui de l'Occident ; 90. le bouleversement de Y Arabie j et io°. enfin, un incendie effroyable, qui prenant sa naissance à Y Yémen > chassera devant lui les peuples, qui iront se réunir au lieu destiné à leur jugement. Observations. A ce8 differens signes , que l'Islamisme donne comme autant d'articles de foi, une opinion assez générale en ajoute d'autres. Les Mahométans croient que VAnte-Christ viendra vers la fin des temps pour pervertir les hommes, les séduire, les jeter dans la voie de perdition ; que Jésus-Christ apparoîtra après lui, et descendra d'abord à Ach-Minaré, l'une des flèches de la fameuse mosquéeBeny-Umr miyè à Damas. Ce minaret ne fut point endommagé dans l'incendie qui consuma la mosquée et presque la ville entière , au milieu du sac auquel elle fut livrée l'an 8o3 (1400), par les armées de Timour : cet événement contribua à fortifier encore dans les esprits l'opinion relative à la descente de Jésus-Christ à Ack-Minaré. \JAntc-Christ 3 ajoute-t-on , rencontrera JésuskBabyul-loud3 l'une des portes de Damas } mais il ne pourra soutenir sa présence ; à son aspect il tombera mort , et se fondra comme le sel. Jésus-Christen sa qualité de vicaire de Mohammed } invitera tous les peuples à la vraie foi, n'admettant point de milieu entre le Musulmanisme et le sabre. La mort sera le partage de ceux qui se refuseront aux lumières de la vérité et aux grâces de sa prédication. Tous les peuples de la terre seront réunis sous une seule et même croyance. La foi sera dans toute sa pureté ; les lois de l'équité et de la justice dans toute leur vigueur pendant l'espace de quarante ans : après ce terme, les hommes retomberont encore dans le péché, dans l'iniquité, dans l'impiété ; état affreux, au milieu duquel le premier son de la trompette de l'ange Issrafil fera périr tout le genre humain, qui ne ressuscitera que quarante ans après, lorsque cette trompette fatale viendra à sonner une seconde fois. Ces idées, qui remontent jusqu'à Mohammedy par une tradition constante, montrent ce que l'on a toujours pensé dans l'Islamisme sur la personne de Jésus - Christ et sur son second avènement. Révéré par tous les docteurs comme le plus grand des Prophètes avant le Législateur Arabe, comme le Messie des nations, comme l'esprit de Dieu, Rouhh'ul-lah, le Sauveur du monde, est encore regardé comme le seul des Saints prédestiné à venir dans la plénitude des siècles , rappeler les hommes à la pénitence, et les rassembler tous dans Funité d'un même culte; mais afin de présenter un système conséquent en faveur de Mohammed, dont on suit et respecte la doctrine comme l'accomplissement et la perfection des saintes Ecritures , les Imams ont subordonné cet Homme-Dieu à son autorité sacerdotale , en le déclarant son vicaire et le dernier des Khaliphes universels, qui viendra à la fin des temps exercer en son nom les droits du sacerdoce et de la puissance suprême sur tous les peuples de la terre. Les annales du Mahométisme offrent sur ce point important un trait digne de remarque. A l'époque de cette grande révolution du Khaliphat, qui, l'an i3si (749)» passa de la maison des Ommiades à celle des Abassides , Abd'ullah 1, dit Sejfahaprès avoir été solennellement proclamé dans Kit/Je , se rendit en pompe à la mosquée pour y recevoir les hommages des grands et du peuple. Il prononça d'abord en chaire un discours plein de feu et d'éloquence , où il exposa d'un côté la légitimité de ses droits au Khaliphat, comme descendant à'Abas oncle du Prophète, et tonna de l'autre contre l'usurpation des Ommiades , et contre les excès de leurs tyrannies, de leur dissolution et de leur impiété. Il s'étendit ensuite en éloges sur le zèle et l'attachement que lui montraient tous les citoyens de Kiirfé et tous les peuples de Virale : mais au milieu de son discours, ayant été saisi d'un violent accès de fièvre , Davoud son oncle, qui se tenoit à quelque distance de lui, sur les degrés de la chaire, prit la parole , et après avoir récapitulé presque tout le discours du Khaliphe: O peuple de Kiufé ! dit-il, vous ne pouvez qu'attester avec moi qu après Mohammed notre saint Prophète , aucun Khaliphe légitime nest monté sur cette chaire sacrée , sinon Aly, et maintenant Abd'uîlah SefTah , qu'il montra de la main. Le Khaliphat, par un effet des décrets divins y est réservé à notre maison , et il y restera à perpétuitéj nous en serons en possession jusqu'à lafin des siècles> jusqu'au moment que nous le déposerons entre les mains de Jésus-Christ fils de Marie. 5y°. Que les docteurs Mudjhtehhids ne sont pas infaillibles. C. Les Mœutezilés et autres hétérodoxes errent sur ce point, en donnant tous les docteurs Mudjhlehhids pour infaillibles : car tout interprète peut se méprendre dans ses opinions , relativement à la jurisprudence et aux pratiques du culte extérieur, attendu le sens mystique et figuré de differens passages, soit du Cour'ann, soit du Iïadiss} et la diversité d'acceptions dont sont susceptibles les mots, les expressions, les phrases, etc. C'est ce que le dernier des Envoyés célestes a marqué par ces paroles : Le docteur qui saisit juste l'esprit et le sens de la loi , a dix mérites j celui qui s'y méprend j n'en a qu'un : Dieu, maître absolu de la distribution des grâces et des lumières célestes, a toujours égard aux efforts que fait l'homme pour découvrir l'esprit de véri té, etc. Observations. La théologie Mahométane comprend , sous le nom de Mudjhtehhid y tous les Patriarches et les Prophètes, tous les apôtres et les disciples de Mohammed, enfin tous les Imams ou interprètes sacrés des trois premiers siècles du Musuïmanisme , comme ayant tous été également prédestinés, ceux-là à révéler les secrets et les mystères de l'ancienne loi, ceux-ci à développer l'esprit et le vrai sens de la nouvelle. 58°. Que les Prophètes humains sont au dessus des Prophètes angéliques ; que les Prophètes angéliques sont au dessus du genre humain , et que le genre humain est au dessus du genre angélique. C. La supériorité et la prééminence des Prophètes humains sur les Prophètes angéliques, ainsi que du genre humain sur le genre angélique, sont prouvées par differens passages de l'Ecriture, entre autres celui où il est dit, qu'à la création d'Adam y Dieu ordonna à toute la légion des anges de se prosterner devant ce premier père des hommes, etc. Observations. Tous les docteurs Musulmans divisent les anges et les substances célestes en différentes classes , dont la première et la pluséminente est formée de quatre archanges, que l'on regarde comme les ministres, les exécuteurs des ordres de l'Eternel, et les seuls qui aient accès auprès de son trône. Ces êtres privilégiés, que l'on appelle Melaïlœ-j-Muha rribinn , anges favoris; et Ressoul- Melaihé } Prophètes ou Envoyés angéliques , sont i°. Gebrail ou l'archange Gabriel > dont l'office est d'annoncer les ordres et de révéler les mystères de Dieu aux Prophètes humains ; 2,0. Mihaïl ou l'archange Michel y chargé de présider aux élé-mens, sur-tout à la pluie; 3°. AzraU, qui est l'ange de la mort, recevant l'ame des mortels à leur dernier soupir; et 40. Issrafil, le gardien de la trompette céleste, Borou , qu'il sonnera deux fois vers la fin des siècles, la première pour ôter la vie à tous les êtres animés , et .la seconde , quarante après , pour ressusciter tous les morts. FIN DU TOME PREMIER. T A B L E DES CHAPITRES CONTENUS DANS CE VOLUME. Discours préliminaire, page j Avertissement, xxxix Introduction, i §. Ier. De l'esprit du Code universel, 4 II. Des anciens Imams, io III. De la rédaction du Code , 21 IV. Des variantes entre les anciens Imams , *5 V. Des variantes entre les Imams mêmes du rit Hanefy, 26 VI. Des differens caractères du Code, 3i VII. De la distinction que fait la loi entre les diverses religions , nations et conditions de l'homme , 35 VIII- Des différentes collections de Fethwas, 5a PARTIE DOGMATIQUE, Qui comprend cinquante-huit Articles de foi. ' Observations sur la Cosmogonie7 63 Ibid. Sur le Cour'ann, 84 Sur les Schiys et les principaux Hérésiarques du Mahométïsme, 95 Tome I. Ee - table O b s e r V. Sur les Morts , page 1^7 Sur le Paradis et l'Enfer , 141 Sur la Damnation , 146 Sur la Foi, j6o Sur l'Islamisme , ^3 Sur la Prédestination 7 Sur les anciens Prophètes , sur Mohammed, etc. 180 Sur les Livres célestes , 2o3 Sur les quatre premiers Khaliphes , 206 Sur le véritable Khaliphat, et sur l'ordre des Khaliphes universels , ai3 Sur les droits du Khaliphat et de Y Imam souverain , 260 Sur Mchhdy, 266 Sur la naissance ou l'extraction requise dans Y Imam suprême, 269 Sur les qualités qui lui sont nécessaires , 274 Sur les droits de sa dignité , 289 Sur les Disciples du 'prophète , ; ag3 Sur les dix Evangélisés , et les Saints du Mahométisme , 3ot Sur le texte des Ecritures , 325 Sur le défaut de crainte ou d'espérance en Dieu, etc. 33o Sur l'Astrologie judiciaire, les Divinations etc. ' 333 :-L * Ériî--' jI 3 m OÏ DES CHAPITRES. 435 O B s E R V. Sur les Prières , les Aumônes , etc. page 423 Sur les Signes qui annonceront la fin du monde , 425 Sur les Docteurs interprètes de la loi, 43o Sur les différentes classes de Prophètes, etc. 431 FIN DE LA TABLE DU PREMIER VOLUME. Ee ij APPROBATION. J'ai lu, par ordre de Monseigneur le Garde des Sceaux , un manuscrit qui a pour titre : Tableau Gèiéral de l'Empire Qthoman , par M. le Chevalier de M*** d'O hsson, etc. Cet ouvrage , qui présente tous les caractères de la vérité, de l'authenticité et de la plus profonde érudition , nous donne une connoissance parfaite de la Législation des Othomans , dont nous n'avions encore que de foiblesidées, malgré toutes les peines que les Savans se sont données jusqu'ici pour nous la faire connoître. Il étoit réservé à l'Auteur de déchirer le voile qui couvroit cette nation. Vingt-quatre années de travaux, pour faire ses recherches et rédiger ses mémoires , sont bien capables d'inspirer la plus grande confiance. Par l'agrément et l'intérêt qu'il a répandu dans le cours de ses observations sur les différentes lois de cet Empire , il a su en relever l'importance, et fixer de plus en plus l'attention de ses lecteurs. Cet ouvrage d'ailleurs est écrit avec la plus grande sagesse ; et nous croyons que le Public le recevra avec empressement et reconnoissance. En Sorbonne, ce icr octobre 1787. Parent de Vassy. PRIVILEGE. LoUTS, par la grâce de dieu, Roi de France et de Navarre : A nos ames et féaux Conseillers , les Gens tenans nos Cours de Parlement , Maîtres des Requêtes ordinaires de notre Hôtel , Grand-Conseil, Prévôt de Paris , Baillifs, Sénéchaux , leurs Lieutenons civils et autres nos Justiciers qu'il appartiendra : Salut. Notre amc le Sieur Chevalier deMouradgea d1 O h s£.o n Nous a fait exposer qu'il désirerait faire imprimer et donner au public le Tableau Général de l'Empire Othoinan , de sa.composition -, s'il Nous plaisoit lui accorder nos Lettres de Privilège pour ce nécessaires. AcESCAUSES, voulant favorablement traiter l'Exposant, nous lui avons permis et permettons par ces présentes, de faire imprimer ledit Ouvrage autant de fois que bon lui semblera, et de le vendre, faire vendre et débiter par-tout notre Royaume; Voulons qu'il jouisse de l'effet du présent Privilège , pour lui et ses hoirs à perpétuité, pourvu qu'il ne le rétrocède à personne ; et si cependant il jugeojt à propos d'en faire une cession, l'acte qui la contiendra sera enregistré en la Chambre Syndicale de Paris , à peine de nullité , tant du Privilège que de la cession ; et alors , par le fait seul de la cession enregistrée , la durée du présent Privilège sera réduite à celle de la vie de l'Exposant, ou à celle de dix années, à compter de ce jour, si l'Exposant décède avant l'expiration desdites dix années ; le tout conformément aux articles IV et V del'Arrétdu Conseil du 3o août 1777 , portant Règlement sur la durée des Privilèges en Librairie. Faisons défenses à tous Imprimeurs, Libraires et autres personnes de quelque qualité et condition quelles soient , d'en introduire d'impression étrangère dans aucun lieu de notre obéissance ; comme aussi d'imprimer ou faire imprimer, vendre, faire vendre, débiter ni contrefaire ledit ouvrage , sous quelque prétexte que ce pujsse être , sans la permission expresse et par écrit dudit Exposant , ou de celui qui le représentera , à peine de saisie et de confiscation des exemplaires contrefaits, de six mille livres d'amende 7 Août 1787. . K n a p e n , Syndic. • • 1 • • * • ï i: • • :; • a*. lit M • • • « • • • • • • • » • f m * • • • ! • • • • • • • • • • • • • • • • • * ». • # ♦ • m V • . • 'Ah • • • • • • V m ••• • M • * • & .«s • • V • • • • i ;■ • * • • • • • ♦ 4 • • • ■ %>• .•■ '.'> ♦ * • * - • • •:V. • • i # • • • • • • • m ■:$> • ♦ -.'V.'- • • • m M •>> • m • • • i