che dans 1’efprit des autres,
41.
II peut aufil 1’appeller en duel, s’il nepeut
pas autrement fauver fon honneur.
Cenfure.
La doStrine renfermee dans ces Propofitions
eft faujfe , fcandaleufe , contraire au Droit
Divin fy* Humain , tant Canonique que
Civil , mme au Droit Naturel.
IX.
S24 Censure de l’Assemble’e cu
I X.
SUR LA CHASTETE'.
42.
I] paroit fi clair que la Fornication de
foi n’enferrae nulie malice, & n’eft man-
vaife que parce qu’elle eft ddfendue, &
qu’il femble que le contraire eft tres-oppO’
li '& k la raifon.
43 -
Le commerce avec une Femme maride,
lorfque le Mari y content, n’eft point un
adultere; c’eft pourquoi il fuffit, en s’en
confeflant, de dire qu’on eft tombd dans
la Fornication.
Cenfure.
La doctrine contenue dans ces Propo/itions
eft fcandaleufe fi? pernicieufe ; elle bleffe let
vreilles cbaftes fi? pieufes; fi? elle eft erronee.
44 -
Dans la violence , dans la crainte de
1’infamie & de la mort dont Sufanne dtoit •
menacde, elle pouvoit dire, je ne confent
point au crime , maitje le fouffrirai & je me
tairai , de peur que vous ne me diffamiez , fi?
que vous ne m'expoftez d la mort. Peut-dtre
qu’elle ne favoit pas cela, ou qu’elle *’y
penfoit pas. Car c’eft ainfi que des Filles
chaftes & honndtes fe croient coupables,
comme fi elles confentoient en effet k
leurs Corrupteurs, quand elles ne leur rd-
fiftent
Clerge’ de France &c. ftzy
fiftent pas par leurs cris, par leurs addons,
& par routes fortes d’efforts. Suzanne au-
roit pu, dans un fi grand pbril d’infamie
& de mort, demeurer d’une maniere paffi-
ve, & s’abandonner a la paffion de ceux
qui la follicitoient, pourvu qu’elle n’yefit
point contend par un adle intgrieur, rriais
qu’elle l’eflt eue en horreur & en execra¬
tion; parce que la vie & la reputation font
un plus grand bien que la chaftetd; & ain-
fi il eft permis d’expofex celle-ci , pour
fauver les deux autres.
Cenfure.
Cette Vropnfition eft timeraire & fcandat
leufe , elle (ffenfe les oreilles chaftes, elle eji
erronie & contraire d la Loi de Dieu.
. X.
SUR LE VOL, SUR LE GAIN SOR-
DIDE, ET SUR LA CORRUP¬
TION DES JUGES.
4 I'¬
ll eft permis de voler, non feulement
dans I’extrdme ndceffitd , mais auffi dans
un grand befoin.
Cenfure.
Cette Propofition , entant qu’elle permet
le larcin dans un grand befoin , eft faujje#
temeraire , pernicieufe au Bien Public.
4 < 5 .
Les Serviteurs & les Servantes domefti-
ques peuvent prendre en cachette de ledrs
Tome IV. P Mat-
22 6 Censure be l’Assemble’e du
Maitres dequoi rdcompenfer le fervice
qu’ils leur rendent , lorfqu’ils le jugent
plus grand que les gages qu’ils en resol¬
vent.
Cenfure.
Cette Proposition ejt fauffe , elle own k
cbemin au vol, e? elle renverfe la fidelite des
Gens qui fervent.
47 -
Une Femme peut prendre h Ton Mari de
1’argent, mdme pour jouer, fi elle eft de
telle condition , que le Jeu b fon egard
pafle pour auffi neceflaire que font les ali-
mens & la nourriture.
Cenfure.
Cette Proportion eft temeraire & fcanda-
leufe , £? elle trouble la paix des families.
Mais ce au’on ajoute du Jeu, en le mettant
en parallele avec des oilmens, ne fait que
foindre d Vinjuftice du larcin de tres-mau-
vais artifices pour tromper , introduit
dans la vie bumaine , des necefiitez tres-op ■
pofees a la SimpUcite & d I’Honnetete Cbre-
tienne.
48.
Nul n’eft tenu , fous peine de pdch£
mortel , de reftituer ce qu’il a pris par
de petits vols , quelque grande que foit
la fomme totale.
Cenfure.
Cette Propofttion eft faujfe £? pernicieufe *
Ceerge’ de France &c. 227
£? elle approuie les larcins mime confident *
hies.
49 -
Celui qui porte ou induit un autre h faire
quelque grand dommage & un tiers, n’eft
point oblige & reftituer ce dommage que
le tiers a fouffert.
jo.
Quoiqu’un Homme a qui l’on a fait une
donation, connoifie qu’on la lui a faite a
deffein de fruftrer les Crdanciers, il n’efl
pas oblige a reftituer, a moins qu’iln’ait
perfuade cette donation, ou qu’il n’y ait
induit le Donateur.
Cenfure.
Ces Propojitions font fciujfes temerai-
res, elles favorifent les Vols iS les Fraudes ,
cf elks font contraires aux regies de la Juj-
tice.
Ji.
Les Enchanteurs , & tous les autres
Trompeurs, les Magiciens, les Gens qui
font profeffion de l’Aftrologie Judiciaire,
les Devins,& les Faifeurs de Predictions
& d’Horofcopes, cherchant a gagner par
toutes fortes de mauvais artifices , peu-
vent en confcience garder ce qu’ils ont
acquis par ces moyens.
Cenfure.
Cette Propojition entendue des faktffes a-
dreffes & des artifices trompeurs dont il y
eft parli, ejl faujfe, temiraire , £? propre
P 2 «
22g Censure de i/Assemble’e-^u
d fomenter les illufions rneme du Demon.
5 a.
Qaand deux Perfonnes qui plaident font
fondles fur des opinions dgalement pro¬
bables, un Juge peut recevoir de 1’argenc
pour juger en faveur de l’une plutdt que
de 1’autre.
Les Juges peuvent recevoir des prefens
des Parties , & ne font pas obligez de
reftituer ce qu’ils ont recu pour juger in-
juftement.
Cenfuve.
Ces Propojitions font faujjes ,pernicieufes,
contraires a la Parole de Dieu, & portent les
Juges d fe laijfer corrompre.
X I
D E L’QSURE.
54 -
Le Contradt appelld Mohatra , c’efM-
dire celui par lequel on achette des marcban-
difes d'un Marchand a un plus grand prix ,
qui doit itre paye dans un certain terns &
fur le champ fans deroger a cet achat , on les
revend a moindre prix argent comptant, eft
permis nidrae a l’dgard de la mdrne perfon*
ne; & quoique le Vendeur ait fait un pac-
te expr£s , qu’on lui revendroit la mdme
marehandife, dans l’intention qu’il a d’y
gagner.
Clerge’ de France &c. 229
55 -
Comme l’argent comptant eft plus efti-
me que celui qui ne l’eft pas, & n’y ayant
perfonne qui ne fade plus de cas d’une
fomme prefente, que d’une fomme qui ne
doit dtre payde que dans la fuite, eelui
qui prdte peuc exiger de celui qui emprun-
te quelque chofe au-deli du Principal, par
cetce raifon n’dtre pas coupable d’Ufure,
5<5-
II n’y a pas d’Ufure a exiger quelque
chofe au-delA du Principal, comme dft
par un motif d’amitid ou de reconnoiflan-
ce, mais feulement A l’exiger comme du
par juftice.
57-
I! eft permis a celui qui prdte , d’exiger
quelque chofe au-dela du Principal , s’il
s’engage a ne point redemander le Princi¬
pal jufqu’a un certain terns.
58.
II eft autant permis de prendre une rente
annuelle d’un bien qui n’eft alidnd que
pour quelques anndes , qu’il eft permis
d’en prendre d’un bien qui feroit abend
pour toujours.
Cenfure.
Ces Proportions dans lefquelles en chan -
geant feulement le mm de pret £? d’ufure ,
mais dans un fens qui revient au mime , on
elude la force de la Loi de Dieu par defauffes
ventes & alienations , par des Societis Si-
mulees, & par d’autres artifices & fraudss
P 3 de
230 Censure de l’Assemble’e du
de ceite nature, contiennent une doEtrine
faujfe , fcandaleufe , captieufe , pernicieufe
dans la pratique , propre d pallier let uju •
res, contraire d la Parole de Dieu ecriteft
non ecrite, reprouvee dejd par le Clerge de
Prance , Eft fouvent condamnee par les De-
crets des Conciles Eft des Papes.
59 -
Quoique l’Ufure ftk ddfendue aux Juifs,
elle ne l’a pas cependant ete aux Chretiens,
la Loi Ancienne ayant.etd abolie par J. C.
quant aux preceptes judicieux.
Cenfure.
Cette Proportion eft contraire a la Parole
de Dieu , cletruit la perfection de la Nouvelle
Loi , Eft de I’union fraternelle de toutes les
Nations qui font reunies en J. C.
X I I.
SUR LE FAUX TEMOIGNAGE , SUR
LE MENSONGE, ET SUR LE
PARjURE.
60.
Quand on a quelque raifon de jurer , il
eft permis de jurer fans en avoir intencion,
foit que la chofe done il s’agit foit peu
importance, ou qu’eile foit confiddrabie.
61.
Celui qui n’a pas intention de jurer,
quoiqu’il jure cl faux, ne fait pas un par-
jure; il fe rend cependant coupable d’un
autre
Clerge’ df. France &c. 231
autre pdchE, comrae feroit quelque men-
longe.
6 2.
Celui qui promet avec ferment de faire
quelque cho(e, avec intention de ne pas
s’y obliger, n’y eft pas effedtivement obli¬
ge en vertu de fon ferment.
Cenfure.
Ces Propofitions font temeraires , fcandtt-
leufes, pernicieufes , fe jouent de la Bonne
Foi } if font contraires au Decalogue.
63 -
Si quelqu’un jure n’avoir pas fait une
chofe qu’il a vEritablement faite, foit que
jurant il foit feul ou en prefence de quel-
ques autres perfonnes, foit qu’il ait parle
de fon propre mouvement, foit qu’il ait
fait le ferment pour fe divertir ou pour
quelque autre fin, il ne ment point en ef-
fet, & n’eft point parjure, pourvu qu’il
entende en lui-meme quelqu’autre chofe
qu’il n’ait pas faite, ou quelqu’autre endroit
que celui oh il l’a fait, ou queiqu’autre
circonftance veritable qu’il ajoute.
64.
On a une raifon lEgitime de fe fervir
de ces Equivoques toutes les fois qu’il
eft nEcefiaire ou utile pour conferver la
fante, le corps, 1’honneur, les biens, ou
pour pratiquer queiqu’autre adte de vertu,
en forte qu’il paroifle alors expedient &
avantageux de cacher la vErite/
P 4
Cen-
Censure de l’Assemble’e du
Cenfure.
Ces Proportions font timiraires , fcanda•
leufs , pernicieufes , illufoires , erranks ,
frayent k cuemin aux menfonges , aux jrau-
dts & aux purjures, & jont contraires aux
Sa.in.us Ecrituxes.
65.
Celui qui a dtd d!eve & une Magiftratu-
re, ou & une Charge Pubhque, par des
lecommandations , ou par des prefens,
pourra avec une reftndhon meDtale prdter
le ferment qu’on a coutume d’exiger par
ordre du Roi, de ceux qui parviennent k
ces Digoitez, fans avoir dgard a 1’inten-
tion de celui qui exige le ferment, parce
qu’il n’eit pas oblige de declarer un crime
cachd.
Cenfure.
Cette Propofition eft fcandaleufe , perm-
eieufe , favorife l’ambition des bommes, ex-
cuje les parjures , rififte d la Puijjance
Publique centre I'ordre de Dieu.
66.
Non feulement les Hommes Julies &
Saints , mais les Patriarehes, les Prophe-
tes, les Anges, & J. C. lui-mdme, le font
fervi d'equivoques, ou d’amphibologies,
& de reltridtions mentales.
Cenfure.
Cette Propofition ejt fcandaleufe , temerai-
re , confond avec des actions ordinaires , ce
qui
Clerge’ de France &c. 233
qui a ete dit ou pajje fous Jilence par myjle-
re , par prophetie , par parabola, ou par une
fage mconomie , pour infinuer la verite d’une
inaniere plus profonde plus relevee ; tour -
ne en ridicule les adtions des Saints Peres;
ejt injurieufe aux Anges mtme; 6? a regard
de f. C. elle eft outrageufe £? impie.
XIII.
SUR LA CALOMNIE.
t
67.
II eft probable que celui-la ne pbche pas
mortellement, qui pour d^fendre fon inno¬
cence & fon honneur , impofe a un autre
un crime faux ; & ft cette opinion n’eft
pas probable , k peine y en aura-t-il une
probable dans toute la Theologie.
Cenfure.
La doCtrine de cette Proportion eft fait jje ,
temeraire , fcandaleufe , erronde , ouvre une
grande porte aux Calomniateurs §? aux im-
pojleurs , decouvre clairement combien font
m&charites les maximes qidon introcluit fous le
mm de Probability
XIV.
SUR CEUX QUI AIDENT A COM-
METTRE DES CRIMES.
68 .
Un Serviteur qui avec connoiflance aide
P j fon
2,34 Censure de l’Assemble’e du
Ton Maitre , en lui prdtant fes 6paules
pour raonter par une fendtre , a deffein
d’abufer d’une Vierge , & qui lui fere plu-
Ceurs fois en portant une dchelle, en ou*
vrant une porte, ou pour quelqu’autre mi-
niftere femblable, ne peche pas mortelle-
ment, s’il fait cela par crainte d’un dom-
mage confiddrable; par exemple , de peur
d’dtre maltraitd de ion Maitre, de peur
d’en btre regarde de travers , ou d’etre
chaffd de fa maifon.
Cenfure.
Cette Propofition ejl Jcandaleufe , pernicieu-
fe , ouvertement coniraire aux paroles de notre
Seigneur & de VApotre , beretique. Car
par quel bchange 1’homme pourra-t-il ra-
cheter fon ame ? Et non leulement ceux
qui font ces fortes de crimes font dignes
de more , mais encore ceux qui font de
concert avec les perfonnes qui les font.
X V.
SUR LA SIMQNIE ET SUR LA COL.
LATION DES BK’NE’FICES.
bp.
II n’efl: pas contra lajufticede ne pas con-
fdrer gratuitement les Bdndfices Eccldfiaf-
tiques; parce que le Collateur qui les con-
fbre pour de l’argent, n’exige pas cet ar¬
gent pour la collation du Bdndfice , mais
en quelque manidre pour l’avantage tem-
porel,
Clerge’ de France &c. 235
porel, qu’il n’etoit pas oblige de vous pro*
curer.
70.
Donner le temporel pour le fpirituel ,
ce n’eft pas une fimonie , quand le tempo¬
rel ne fe donne pas comme prix , mais feu-
lement comme un mocif de conferer, ou
de faire une chofe fpirituelle, ou memo-
quand ]e temporel eft une compenfadon
purement gratuite du fpirituel, ou au-con-
traire quand le fpirituel eft une compenfa-
tion purement gratuite du temporel.
71 -
Ce n’eft pas non plus une fimonie, quoi-
que le temporel foit le principal motifde
donner le fpirituel , quand bien meme il
feroit la fin qu’on fe propofe , en recher*
chant la chofe fpirituelle , en forte mdme
qu’on eftimat davantage ce temporel que
la chofe fpirituelle mdme.
Cenfure.
Ces Proportions font temeraires , fcanda-
leufes,pernicieufes, erronees ; & introduifent ,
en changeant feulement de nom , par une di¬
rection trompeufe de penfee ou d’intentioh ,
Vherefie des Simoniaques , condamnee par VE-
criture Sainte , par les Canons , £? par les
Conjlitutions des Papes.
72 - ^
Lorfque le Concile de Trente a dit,que
ceux 1&, en participant aux pdchez des au-
tres, pechent mortellement,qui n’dlevent
pas au gouvernement des Eglifes ceux qu’ils
jugent
13<5 Censure de l’Assemble’e du
jugent les plus dignes, ou qu’ils croient les
plus utiles a 1’Eglife. Le Concile,ou bien
en premier lieu ne paroit vouloir figni'fier
autre chofe par les plus dignes , que ceux
qui font dignes de ces emplois, en prenant
]e comparatif pour le pofitif; ou bien en
fecond lieu , par une maniere de parler
moins exadte , il n’a mis les plus dignes
que pour exclure les indignes, & non pas
pour exclure ceux qui font {implement di¬
gnes; ou enfin, il ne parle que dans lecas
du concours,
Cenfure.
Cette Propofition eft contraire au Concile de
Trente, d Vutilite de VEglife, & au falut des
Ames , qui depend principalement du cboix des
Fajteurs,
XVI.
SUR LE SACRIFICE DE LA MESSE,
ET SUR LA SAINTE COMMUNION.
73 -
Celui-li fatisfait au Prdcepte Eccldfiafti-
que d’entendre la Mefle , qui entend tout
^ la fois deux , ou mdme quatre parties
de Mefle cdldbrdes par diffdrens Prdtres.
Cenfure.
Cette Propofition eft abfurde , fcandaleufe ,
illufoire , 6? revolte le fens commun des Chre¬
tiens.
74 *
Clerge’ de France &c. 237
74 >
On fatisfaic a ce mdme Precepte par un
refpeft purement exterieur , quand m£me
on auroit l’efprit volontairement attachd
a des penfees etrangeres, ou mdrae mauvai-
fes.
75 -
On fatisfait au Precepte de la Commu¬
nion annuelle, par une Communion facri-
lege.
Cenfure.
La doctrine contenue dans ces deux Propofi -
tions eft temeraire, fcandaleufe , erronee, fa-
mrife I’lmpieU & les SacriUges, fejoue-
des Commandemens de I'Eglife.
% 76 -
La Confefiion& la Communion frdquen-
te eft une marque de Prddeffination, meme
dans ceux qui vivent d’une maniere toute
Payenne.
Cenfure.
Cette Propofition eft temeraire-, fcandaleu~
fe, erronee, impie, & contraire aux Saintes
Ecritures.
XVII.
SUR LA MESSE DE PAROISSE,
77 -
Perfonne n’eft obligd en confcience d’af-
fifter a la Paroifle, de faire confeffion an-
nuelle, d’aller aux MeflTes de Paroiffe, d’en-
tendre
238 Censure de e’Assemele’e du
tendre la Parole de Dieu , la Loi Divine,
les Elbmens de Ja Foi, & les Regies deMo*
rale, qu’on y expofe, & qu’on y enfeigne
dans les Cat6chifmes.
78 .
Dans cette matidre , ni les Eveques, ni
les Conciles foie Provinciaux foit Nation-
naux, ne peuvent porter une telle loi , ni
punir ceux qui y manqueroient d’aucunes
Cenfures Eccldfiaftiques.
7 9 -
On ne fauroit en vertu du Concile de
Trente obliger le peuple par desPeines &
des Cenfures Eccleflaftiques , d’aller ii fa
Paroifle les jours de Dimanche , pour y
entendre la Mefle, e’eft-d-dire la Meffe de
Paroiffe. •
Cenfure.
La do&rine de ces Proportions eft fanjfe ,
timeraire, fcandaleufe, condamnte dejd tres~
Jeverement par le Clerge de France , con-
traire aux Saints Canons , ait Concile de
Trente, & d la Tradition Apojlolique , fui-
vant ce que dit 1’Apdtre: Ne nous redrons
point de nos Affembldes,comme quelques-
uns one coutume de faire.
XVIII.
SUR LA CONFESSION SACRAMEN-
TELLE.
8o.
On n’eft pas obligd de declarer, dans les
Con-
Clerge’ de France &c. 239
Confeffions fuivantes, les pdchez qu’on a
omis ou oubliez, & caufe d’un danger pref-
fant de la vie,ou pour quelqu’autre raifon.
Cenfure.
Cette Proportion eft timer air e , erronie ,£?
deroge d I’integrite de la Confeftion.
81.
Celui qui fait volontairement une con-
feffion nulle , fatisfait au Prdcepte de l’E-
glife.
Cenfure.
Cette Propofition eft temeraire , erronie ,
£? favorife le Sacrilege , & ft joue des Pri-
ceptes de I’Eglife.
82.
LaLoi de fe confeffer au-plut6t, quele
Concile de Trente a portde pour un Prd-
tre, qui dtant enetat de pdchd mortel, fe-
roit obligddecdldbrerles Diviiis Myfteres,
eft un Confeil & non pas un Precepte.
Cette parole au-plutot s’entend du terns
que le Prdtre a coutume de prendre pour
fe confeffer.
Cenfure.
Cette Propofition eft faufte, pernicieufe , &
renverfe un Decret clair~& formel du Con-
die de Trente.
83.
( On n’eft pas oblige d’avouer 1’habitude
d’un peche , lors • in erne que le Confeffeur
nous interroge la-defflis.
84.
II eft permis de donner l’abfolution fa-
240 Censure de e’Assemblee du
cramentelle k ceux qui n’onc fait que la
moidd de leur confeffion , a caufe d’un
grand concours de Pdnitens, tel qu’il peut
arriver, par exemple , un jour de grande
Fdtei
Cenfure.
La doStrine contenue dans ces deux Pro •
positions eft faujje , temeraire , induit en ef-
reur , favorife les Sacrileges , & deroge d la
Simplicity Cbretienne ,d la puijjance judicial-
re des Miniftres de N. S. J, C. d l'integri¬
ty de la Confeftion , d la fin & d I’inftitur
tiori du Sacterhent meme.
X I X.
SUR LES DISPOSITIONS DU PE’NI-
TENT, SUR L’ABSOLUTION, SUR
LES OCCASIONS PROCHAINES.
85.
II eft probable qu’une Attrition naturelle
fuffit, pourvu qu’elle foie appuyee fur un <
motif honndte.
Cenfure.
Cette Propojition eft heretique.
86 .
L’Attridonqui n’a pour motifque lacrain-
te de I’Enfer , fuffit mdme fans amour de
Dieu, fans aucun rapport k Dieu offenfd;
parce qu’une telle Attrition eft honn^te &
furnaturelle.
Cierge’ de France &c.
Cenfure.
Cette Proportion,par laquelle on exclut det
difpofitions necejjaires d I'abfolution tout rap¬
port a Dieu offenfe, ejt temeraire , fcanda-
leufe , pernicieu/e , Ift conduit d I'berejie.
87 -
Le Concile de Trente a ddfini ft expref-
fdmenc, que l’Attricion qui ne vivifie pas
Fame, & qu’on fuppofe dtre fans amour de
Dieu , fuffit pour Fabfolution , qu’il pro¬
nonce anathdme concre ceux qui difent le
contraire.
Cenfure.
Cette Propofition eft faujje , temiraire y
contraire au Concile de Trente , induit en
Verreut.
88 .
On ne doit ni refufer, ni diffdrer l’abfo-
ludon a un Pdnitent qui fe trouvedansl’ha*
bitude de pdcher contre la Loi Divine, Na-
turelle ou Eeclefiaftique, quand mdme il
ne parottroit aucune efpdrance d’amende-
ment , pourvu qu’il dife de bouche qu’il
eft f&chd d’avoir pechd, & qu’il fe propo-
fe de fe corriger.
Cenfure.
Cette Propofition eft erronee , (ft conduit a
l'impenitence finale.
89 -
On peut quelquefois donner I’abfolution
a celui qui fe trouve dans une occafion pro-
cbaine de pdcher, qu’il peut, & qu’il ne veut
Tome IV. Q dvi-
24-2 Censure de l’Assemble’e du
dviter , & meme a celui qui la chercheroiE
de propos ddlibere, & qui s’y mettroit de
lui-meme.
90.
On n’eft pas oblige de fuirl’occafion pro-
chaine de pecher, quand on a quelque rai-
fon honndte ou utile dene la pas fuir. C’eft
pourquoi il ne faut pas obliger un Concu-
binaire a chaffer fa Concubine, ft elle dtoit
d’une trop grande utilitd pour la fatisfac-
tion du Concubinaire, qui pafferoit une vie
trop trifle fans elle , qui feroic degofttd &
l’excbs des viandes apprdtdes par toute au¬
tre , & qui auroit trop de peine & trouver
une autre Servante.
91.
II eft permis de rechercher dire&ement
l’occaiion,prochaine de pdcher, dans lavue
de nous procurer k nous, ou k notre Pro¬
chain, un bien fpirituel ou temporel.
Cenfure.
Ces Proportions font fcandaleufes , perni-
cieufes, heretiques , Mdemment contraires an
Precepte de J. C. qui ordonne de couper, fc?
de jetter la main , le pied , & meme I'osil
droit , qui feroit pour nous une occafion de
fcandals.
X X.
DU JEDNK
92.
Celui qui rompt le jeftne de 1’Eglife au*
que!
Clerge’ de France &c. 245
quel il eft oblige , ne pecbe pas mortelle-
ment, 11 ce n’eft qu’il le fafle par mdpris,
ou par desobbi'ffance, en ce qu’il ne veuc
pas fe foumettre au Prbcepte.
93 -
Celui qui dans un jour de Jedne mange
k plulieurs reprifes peude choles ne rompc
pas Ion jedne , quand mfime il fe trouveroic
qu’il eut a la fin mange confidbrablement.
94.
Tous ceux qui dans la Rbpublique font
des travaux corporels, font difpenfez de
l’obligation du Jedne , & ne font pas obli-
gez de s’accufer, fi leur travail eft compa¬
tible avec le Jedne.
95 -
Ceux-ld font abfolument difpenfez du
Prbcepte du Jedne, qui voyagent a cheval
de quelque manidre que ce lbit , quand
mdme le voyage ne feroit pas neceflaire,
ou qu’il ne feroit que d’un jour.
Cenfure.
La doctrine contenue dans ces quatre Pro-
pojitions eft faujfie , timeraire , fcandaleufe ,
pernicieufe , introduit la negligence de: Com-
mandemens de VEglife , elude la Loi du
Jedne par de mauvais artifices,
XXI.
SUR L’lMTEMPERANCE.
$ 6 .
Ce n’eft pas un pdchb de manger & de
Q 2 boire
544 Censure de l’Assemble’e du
boire julqu’4 dtre plein ,dans la vue du feul
plaifir, pourvu que la fantd n’en foit pas al*
tdrde , parce qu’il eft permis 4 l’appdtit
naturel de joui'r de fes aftes.
Cenfure.
Cette Propofition ejl temeraire , fcandaleu -
fe, pernicieufe , erronee , fif doit etre renvoyei
d I'Ecole d’Epicure.
XXII.
SUR LES HEURES CANONIALES.
97-
La loi de reftituer impofde par Pie V.
aux Bendficiers qui ne recitent pas leur Of¬
fice , n’oblige pas en confcience avant la
lentence declaratoire du Juge , parce que
cette reftitution eft une peine.
98.
Celui qui ne peut pas rdciter Marines &
Laudes , mais qui pourroic rdciter les Pe-
tites Heures,n’eft obligd 4 rien,parce que
la plus grande partie attire a foi la plus
petite.
Cenfure.
Ces Proportions font fauffes , timhaires ,
cuptieufes , & font un jeu des Prlceptes Ec-
clefiajliques.
99-
Celui-14 fatisfait au Prdcepte, quivolon-
tairemtnt prie feulemenc des Idvres, &
con
Clerge’ de France &c. 145-
Son pas de J’efpric. . . Je repons, que j’ai
rbcitb l’Office Divin pendant une femaine,
un mois, un an, fans pbchb vbniel,& j’en
fuis fi certain, que je pourrojs 1’affirmer par
ferment. . . Je fuis homme. . . je n’bvite
pas les diftrabtions. 11 m’arrive mille fois
d’en avoir d’involontaires,quelquefois mb-
me j’en ai de volontaires, & cependant je
ne fuis tourmentb d’aucun fcrupule: je n’ai
paslemoindredoute, parce que je fuppofe
prudemment que je ne fuis pas oblige a une
attention intbrieure qu’il eft bon d’avoir ;
mais qu’il n’y a pas la moindre faute & ne
la pas "avoir, & que je fuis feulement obli¬
ge k lire avec une attention extbrieure.
Cenfure.
Cette Propo/iticn eft abfurde, contraire a la
Parole de Dieu, & introduit I’bypocrifte con-
damme par J. C. & les Propbftes dans ces
paroles : Ce peuple m’honore des levres,
mais fon coeur eft bien bloignb de moi.
X X I 1 I.
SUR LA JURISDICTION, ET SUR
LES RE’GULiERS.
100.
Les Curez peuvent fe choifir pour Con-
fefieur un fimple Prdtre , qui n’eit pas ap-
prouvb par l’Ordinaire.
246 Censure de l’Assemble’e du
Cenfure.
Cette Propofttion eft faujfe , temeraire, con-
traire au Concile de Trente.
101.
Les Religieux Mendians peuvenc abfou-
dre des cas rbfervez aux Eveques, fans en
avoir obcenu d’eux le pouvoir.
102.
Celui qui fe prbfente h un Religieux Re-
gulier qui a 6te prefentd a l’fivdque , mais
qui en a dtd incitement refufb , fatisfait
au Precepte de la Confefiion Annuelle.
103.
Les Religieux peuvenc, dans le For de
la Confcience , fe fervir de ceux de leurs
privileges qui one btb expreflemenc revo-
quez par le Concile de Trence.
104.
Les Evdques ne peuvent pas l’imiter,ni
mettre dereftridtion aux approbations qu’ils
donnenc aux Rbguliers , les revoquer pour
caufe , & mdme les Religieux des Ordres
Mendians nefonc pas obligez d’obtenirces
fortes (^approbations; & li les Evdques les
refufent, ce refus vaut autant que l’appro-
bation.
Cenfure.
La doCtrine contenue dans ces Proportions
ejl faujfe, ttmeraire. fcandaleufe , erronee,
tendante a VHerefie &? au Schifme , contraire
m Concile de Trente , detruit la Hitrarcbie
EecUfiajlique , ouvre la parte aux Confeffions
nulles,
i Clerge’ de France &c. 247
miles, & a ete deja autrefois condamnk par
les Souverains Pontifes £? par le Clerge de
France.
IOJ.
L’approbation de l’Ordinaire eft requife
dans le Miniftre du Sacrement de Peni¬
tence. . . Cette approbation peut dtre li-
mitde,mais elle ne peut pas dtre rdvoqude
fans caufe.
106.
Un Confeffeur approuve dans un Dioce ;
fe , quand mdme il auroic fa jurifdi&ion
immddiatement du Pape , ne peut pas ce*
pendant confefler dans un autre Diocefe.
fans l’approbation de l’Evdque Diocdfain ,
au moins'dans le lieu oh eft cet EvSque Dio-
cefain.
Cenfure.
La doStrine continue dans ces Proportions ,
entant qu’elle nie qu’une approbation puijje e-
tre revoquk fans caufe , fif qu’elle fait necejfaire
dans un lieu oil I’Eveque Dine fain ne refi.de
pas, ejlfaujfe, temeraire , & donne atteinte
aux droits des Eveques.
107.
En vertu du Concile de Trente, 1’appro-
batiori d’un feul Evdque fuffit pour toute
1’Eg life, e’eft-a-dire,, un Prdtre approuvd
par un Evdque peut abfoudre par-tout,
pourvu qu’il ait ia jurifdidlion : & pour
avoir cette jurifdiftion , il fuffit (en vertu
du Concile de Trente) d’dtre approuvdd’un
feu! Evdque.
Q 4 10S,
248 Censure de l’Assemble’e du
108.
Les Religieufes exemptes peuvent rece-
voir l’abfolution d’un Pretre qui n’eft pas
approuvb par 1’Evdque , foit que ce Pr£tre
foie S4culier, foit qu’il foie Rbguiier.
Cenfure.
Ces Proportions font fauffes , temdraires ,
oppofees d l'intention du Concile de Trente , £?•
contraires d la Jurifdiction des Eveques & 4
Difcipline Ecclefiujtique.
XXIV.
SUR LES LOIX DES PRINCES. ET
SUR LEUR POUVOIR.
109.
Le Peuple ne peche pas, quand mdme
il rejetteroit fans raifon une Loi publide
par le Prince.
no.
Les Sujets peuvent refufer le payement
des Impofitions legitimes.
Cenfure.
Ces Proportions font feditieufes, & combat*
lent manife/lement les paroles de notre Seigneur *
& la dodtrine de I'Apftre »
XXV
Clerge’ de France &c.
XXV.
SUR L’A M O U R.
hi.
A peine trouverez-vous dans les Sdculiers,
mdme dans les Rois, quelque chofe de fu-
perdu k leur dtat; & ainfi a peine y a -1 - il
quelqu’un qui foitobligb a l’aumdne, fi Ton
n’eft oblige & la faire que de ce qui eft fu*
perdu & fon dtat.
Cenfure.
Cette Propojition eft temiraire, fcandaleufe,
pernicieufe, erronee , aneantit le Pricepte dt
I’Evangile fur I'Aumme.
XXVI.
SUR LES ENDURCIS.
112 .
Si les Pecheurs d’une malice confommde
be fentent point de remords deconfidence,
& n’ont point la connoiflance du ma! qu’ils
font lorfqu’ils blafphdment , & qu’ils s’a-
bandonnent au crime , je foutiens avec
tous les Thdologiens , qu’ils ne pechenc
point en faifant ces a&ions-R.
Cenfure.
Cette Propojition eft fauffe , Umiraire ,per-
•nicieufe, corrompt les Bonnes Mosurs, excufe
les Blafpbmes £? les autres pecbez , £? comme
Q j telle y
150 Censure be l’Assembee’e bu
telle , a dejd ete condamnee par le Clerge de
France.
XXVI I.
SUR LE PECHE’ PHILOSOPHIQUE.
113.
Le Pbchd Philofophique, ou Moral, eft
an afte humain, oppoft a la Nacure rai-
fopnable & A la droite Raifon; mais le Pd-
che Theol-ogique & Moral, eft une trans-
greffion libre de la Loi de Dieu. Le Pd-
ehd Philofophique ,quelque grief qu’il foie
dans celui qui ignore Dieu, ou qui ne pen-
fe pas adUiclie-ment a lui, eft un grand pe-
che ; mais il n’eft pas une offenfe deDieu,
ni un pechd mortel, qui rompe l’amicidde
Dieu, ni qui merite la peine bternelle.
Cenfure.
Cette Proportion eft fcandaleufe, timeraire t
offenfe les oreilles pieujes , £? eft erronee.
XXVIII.
SUR LE PECHE’ MORTEL.
114.
La plupart des pdchez , dont I’Apdtre
dit que ceux qui les commettent , ne pof-
fdderont pas le Royaume de Dieu, & qui
font expreffeitienc contraires aux Prdceptes
du Ddcalogue,-peuvent ecre appellez mor¬
sels ; parce qae ceux qui en font coupa-
bles,
Clergr’ de France &c. 151
bles, ont perdu tout fendment de charitd,
ou en confervent peu, de forte que la cu-
piditd domine entieremenc en eux.
U5-
Cela pourroit cependant s’entendre avec
ce tempdramment, que s’ils les avoient
commis avec une entiere repugnance, &
comme entrainez malgre eux par la vio¬
lence de la paffion , ou par la crainte de
quelque grand mal dont ils dtoient meDa-
cez , enforce qu’echappez de ces extrd-
mitez ils fuflent faifis d’une douleur vive
pour le pechd qu’ils auroient commis, on
ne pourroit pas affurer 11 pofidvement
qu’ils eftffent perdu la grace , ou qu’ils
eM'ent encouru la peine de la damnation;
parce que, quoique la cupiditd ait domind
pendant ce moment, cette domination a
pu etre une domination courte & paffage-
re, par laquelle la difpofition intirae de la
volontd n’eft point changde. Ce tempd-
ramment femble fuivre naturellement la
dodrine de Saint Auguftin.
Cenfure.
Ces Proportions qui enfeignent ou declarent
que l’habitude, de la cbaritd divine peut etre
compatible avec les pechez centre le Decalo¬
gue , £? dont I'dpotre dit que ceux qui les
qommeitent ne pojjederont pas le Royaume de
Dieu , font faujjes, pernicieufes , erronees ,
contraires d la Parole de Dieu. Car quelle
union peut-il y avoir entre la juftice &
l’iniquitd. . . . ? Ou quel accord de J. C.
avec
2 fa Censure de l’Assemble’e du
avec Bela] ? Elies oument le cbemin d exes*
Jer toutes Jones de peebez, ou d en diminuer
toute la gravite , £p elles impojent d taint
/lugujiin•
XXIX.
SUR LES PENSE’ES OU SUR LES
DELECTATIONS MOROSES.
1 16.
Del& nous devons concJure, que le con-
fentement qu’on donne aux mauvaifes fug-
geftions , n’eft , fuivant Saint Augullin,
qu’un pdchd veniel, lorfqu’il tend au plai-
fir de penfer feulement a une chofe ddfen-
due; par exemple, a venger une injure,
quoique l’afte mdme de vengeance dont
1’efprit s’occupe avec plaifir dans la pen*
fde,foit cres-mauvais, & tr&s-certainement
up pdchd mortel.
Cenfure.
Cette Propojition, qui, rigulihrement pan
lant, impute feulement d peche veniel toutes
les penfees & les delegations qu’on appelli
jnorofes, eftfaujfe, temeraire , fcandaleufe,
pernicieufe dans la pratique, fomente la con •
cupifcence , induit dans la tentation dans
les peebez les plus griefs, £? eji contraire 6?
injurieiife a Saint Auguftin.
XXX.
Clerge’ de France &c, a5|
XXX.
SUR LA REGLE DES MOEURS ET
SUR LA PROBABILITE’.
H7-
Je crois que tout elt aujourd’hui mieux
examine, & c’eft pour cela qu’en touce
forte de matidre , & principalement en
matibre de Morale, je lis & je fuis plus vo-
lontiers les Auteurs recens , que les an-
ciens.11 faut chercher la do&rine
de la Foi dans les anciens Auteurs, &. cel-
le des Moeurs dans les plus nouveaux.
Cenfure.
Cette Proportion eft ttmiraire , fcandaleu-
fe,pernicieufe, erronee,injurieufe aux Saints
Peres 6? aux anciens Dodteurs, rend arbi¬
trage la Tbeologie Morale, en meprifant 1’au¬
torite 6? I'interpretation de VEcriture £? de la
Tradition, qui eft nicejjaire pour regler les
moeurs des Chritiens , fcf ouvre le chemin d
I'etablijfement des DoStrines Traditions
Humaines defendues par J. C.
118.
On peut fuivre dans la pratique une opi¬
nion fur l’autorite d’un feul Auteur , quand
mdme on la jugeroit par des raifons in-
trinfeques faufle & improbable,
up
CetteThefe (il faut pour la Probability,
le fentiment de feize Auteurs) n’eft pas
pro-
Censure de e’Assemble’e du
probable. Si feize fuffifen t, quatre fuffiront.
Si quaere fuffifent., un fuffira.... Quatre
Auteurs fuffifent pour faire une opinion
probable. . . Or quatre Auteurs, & mS-
me plus de vingt, prbtendent qu’un feul
iuffit. Done un leul Auteur fuffit effe&ive*
menc pour faire une opinion probable.
Cenfure.
Ces Proportions font faujjes , fcandaleufes ,
pernicieufes , decident les queftions de Morale
par le nombre des Auteurs , fans avoir egard
ala verite, ouvrent la porte a des difeor-
des fans nombre.
120.
Une Opinion doitdtre cenffie probable,
quand elle fe trouve dans le Livre de quel-
que Auteur moderne, pourvu qu’il ne foit
pas conftant qu’elle ait btb rejettee par le
Saint Siege, comme improbable.
121 .
Des Opinions ne doivent point pafler
pour fcandaleufes ou erronees, des-la que
1’Eglife ne les corrige pas.
Cenfure.
Ces Propositions , entant qu'elles prennent
le filence £*p la tolerance de I’Eglife ou du
Saint Siege pour une efpece d'approbation ,font
faujjes , fcandaleufes , nuifibles au Jalut des
Ames , autorifent les plus mauvaifes opinions
qulj'e debitent de terns en terns avec temerite,
& ouvrent le cbemin a etouffer la verity de
I’Evafigik par d'mjufies prejugez.
122 .
Ceerge’ de France &c. 255*
122.
G6n£ralement parlant, on agit toujours
avec prudence,quand on agit fur une Pro¬
bability, foit intrinfdque, foie extrinftque,
quelque Idgere qu’elle foit, pourvu qu’oa
ne forte pas des bornes de la Probability.
Cenfure.
Cette Proportion eft faujje , timer aire ,
fcandaleufe , pernicieu/e , £? etablit , au grand
danger des Ames , une nouvelle regie de Mo¬
rale, & une nouvelle efpice de Prudence ,fans
aucun fondement dans I'Ecriture ef dans la
Tradition.
123.
Si quelqu’un veut qu’on lui donne con-
feil, felon I’opinion de toutes la plus favo¬
rable, on pbche en le confeillant autre-
ment que fuivant cette opinion.
Cenfure.
Cette Propofition qui enfeigne d exiger con-
tre le droit, fcp d donner centre la confcience
des confeils reldchez & fiatteurs, eft faufte,
temeraire , fcandaleufe , pernicieu/e dans la
pratique , c? ouvre la porte a beaucoup de
tromperies.
124.
II n’efl pas illicite dans l’aclminiftratioa
des Sacremens, d’abandonner l’opinion la
plus fure pour en fuivre une probable tou-
chant la valeur du Sacrement, a moins que
cela ne foit defendu par quelque loi, ou
par quelque convention, ou qu’il n’y ait
25?> Censure de l’Assemble’e du
pdril d’encourir un grand dommage. Cell
pour cela qu’il n’eft pas permis de fe fer-
vir d’une opinion purement probable dans
radminiftrarion du Batdme, ni dans 1’ordi*
nation des Prdtres & des Evdques.
125.
Je crois probablement, qu’un Juge peut
Juger fuivant l’opinion meme la moins
probable.
12 ( 5 .
Un Infidele qui ne croit pas , ne fera
pas coupable d’infidelitb , s’il s’appuye
fur une opinion moins probable.
127.
Ce n’eft pas pdcher mortellement, que
de recevoir le Sacrement de Pbnitence a
Particle de la mort avec une Ample attri¬
tion, quand mdme on omettroit de pro-
pos deiibdre un adte de contrition: car il
eft permis a tout le monde de fuivre une
opinion moins probable, en abandonnane
la plus probable.
Cenfure.
La doctrine contenue dans ces Proportions,
eft refpetrtivement faujfe, abfurde, pernicieu-
Je, erronee, & doit etre regardee comme un
tres-mecbant fruit de la Probability
Declaration sur l’Amodr de Dieu ,
REQUIS DANS LE SaCREMENT DE Pe’-
NITENCE
Apr&s avoir achevd la Cenfure des Pro-
pofi-
Clerge’ de France &c. 257
pofitions, reftent quelques Pomts, done
i’importante demande qu’on les expofe
phis clairement, & qu’on les tire de leurs
principes, pour les mectre dans tout leur
jour. Et pour De pas omettre ce qu’il
eft nbceffaire de favoir touchant l’Amour
de Dieu , qui eft bgalement requis dans
le Sacremenc de Batdme pour les Adulces,
& dans le Sacremenc de la Penitence,
qui eft un Bacbme laborieux, nous avons
cru devoir fur-tout avertir & inftruire de
deux chofes priles du Saint Concile de
Trente. La prbmifere , que perfonne ne
doit regarder comrae une difpofition nb-
eeffajre & l’un & a l’autre de ces Sacre-
mens , une contrition qui feroit encibre-
ment formee par la charitb , qui avec le
vteu du Sacrement reconcilie Vbomme d Dieu,
avant qu'il l'ait aStuellement refit. Et la
feconde, que perfonne ne fe doit croire
en furete , ft dans ces deux mbmes Sa*
cremens , outre les abtes de foi & d’ef-
pbrance, it ne commence pas a aimer Dieu
comme la fource de toute jujiice.
En effet, on ne peut fuffifamment exr
bcuter la refolution nbceffaire a ces deux
Sacremens , de commencer une nouvelle
vie & d’obferver les commandemens de
Dieu, ft le Pbnitent ne fait aucun cas du
premier & du plus grand de tous les
commandemens, qui eft d’aimer Dieu de
tout fon cceur, s’il n’eft du-moins dans
la difpofition d’efprit de s’exciter & anit
mer lui-mdme & accomplir le, commam-
Tome IV. E de-
2f8 Censure de l’Assemble’e du
dement avec le fecours de la Grace Di-
vine.
Il faut aulfi que les ConfefTeurs fe don-
nent bien de garde de fuivre dans I'admv-
nifiration du Sacrement de la Penitence , non
plus que des autres Sacremens , une opinion
probable touchant la valeur du Sacrement , en
abandonnant la plus Jure ; & ils ne doivent
pas cefler d’avertir ceux qui leur confient
le foin de leurs ames , qu’ils doivent en-
trer dans la pdnitence par un amour de
Dieu au moins commencb ; parce que
c’eft le feul chemin qui foit fdr,& qu’ils
pbcheroient grievement dans une occaiion
oil il y va du falut ,dh-ld mime qu'ils prefi •
reroient Vincertain au certain.
De l’Usage des Opinions Probables.
A Dieu ne piaffe que nous approuvions
l’erreur de ceux qui prdtendent, qu’il n'efi
pas permis de fuivre entre les Opinions Proba¬
bles, celle qui eft la plus probable de toutes.
Mais pour faire un bon ufage des Opi¬
nions Probables, nous reconnoiflons les
rbgles fuivantes, dtablies par le droit. La
prdmibre eft , que dans les doutes oil il
y va du falut, lorfqu’il fe prdfente a l’ef-
prit des raifons dgalement fortes de part
& d’autre , il faut fuivre la plus fure ,
c’eft-i-dire, ce qui eft dans ce cas-la uni-
quement ffir;& que nous ne devons point
regarder cela comme un confeil, mais
comme un prdcepte , fuivanc ce que dit
l’Ecri-
Clerge’ de France &c. 259
1’Ecriture: celui qui aime le peril, y perira .
VoM la premiere rdgle.
La feconde, c’eft qu’a 1’dgard des fenti-
mens probables rouchant laDodtrine Chr£.
tienne, nous fuivons ce que le Concile
Oeucumdnique de Vienne a determine
touchaneles venus infufes par le bacdme,
tant dans les Enfans,que dans les Adulces,
voici fes paroles. Nous avons cm devoir
cboijir cette opinion, comme la plus probable
& la plus conforme aux paroles des Saints ,
£? d la Tbiologie des DoSteurs modernes. Ee
il eft d’autanc plus conftant que le juge-
ment du Concile doit s’appliquer & regler
la Morale , que la faintete & le falut des
Fidelles depend plus de ce reglement.
II s’enfuit done de cette rbgle. Prdmie-
rement, que dans les matures de Theo-
logie qui regardent la Foi ou les M'ceurs,
nous devons k la vdritd dcouter les Thdo*-
logiens , mdtlie modernes ; mais fuppofe
qu’ils enfeignenc des fentimens conformes
k ceux des Saints P£res. Seeondement,
que desle moment qu’ils s’en ecartent, il
faut empdeher le cours de ces opinions,
bien loin d’y avoir aucun dgard, ou de
leur donner aucune autorite. Enfin 3 qu’il
n’eft permis a perfonne de fuivre un fend-
ment qu’ii ne jugera pas le plus conforme
3 la vdritd.
Ainfi, qu’il 1 nous foit permis dans la pra¬
tique de fuivre un fendment que nous-md-
mes ne jugdons pas devoir dtre fuivi com¬
me le plus probable. C’eft une propofi-
R 2 cion
z 6 o Censure de l’As^emble’E do
tion nouvelle , inoui'e , avancee dans Ce
dernier'fiecle par de certains Auteurs bien
connus, & donnde par eux. comme la re¬
gie de la Morale , mais qui rdpugne a
cet axi6ine des Peres, qu’on ne doit ad-
mettre que ce qui ell approuve, en tout
terns, en tons lieux, &? par toutes fortes de
perjonnes , & qui par conldquent ne peut
avoir le mdrite & la furetd d’une regie vd-
ritablement Chredenne.
Les confdquences de ce principe, & la
fuite des terns , ont bien fait voir, que
q’avoit etd-la le commencement des mal-
heurs, & la fource de tous les relache-
mens dont on vient de parler. Nos Predd-
cefleurs, remplis de zele & d’amour pour
la Religion , avoient dbjd cenfure cette
nouveaute: on l’a fouvent reprife, & on
la reprend encore aujourd’hui , fans que
perfonne s’y oppofe, & au contraire avec
Papprobation de tous les gens de bien ,
comme on n’en peut difconvenir.
C’eft pour ces raifons qu’apres avoir tout
bien examine, nous avons cru , & nous
croyons qu’il faut dviter avec grand foin,
& eondamner ces nouveaux fentimens,
dangereux dans ce qui regarde le falut.
Godtons plutdt cette prudence qui nous
fait conferver, & mettre, avant toutes
chofes , l’unique necejjaire ; & accomplif-
fons ce que dit notre Seigneur , Soyez pru-
dens comme des Serpens dont le propre
dan< le pdril, eft d mettre d’abord & cou-
tert ce qu’ils ont de plus prdcieux , qui
Clerge’ de France &c. 26r
efl: leur tdte; & que perfonne dans un dou-
te oh il y va du faluc, ne fe determine h
agir, qu’aprds avoir ddpofd fon douce,non
pas par le caprice de fa volonte, ou par le
mouvement de la cupiditp , mais par la
droite raifon,' fuivant ce que die 1’Ecritu-
re, que le fervice que vous rendez a Dieu foit
raifonnable; & ailleurs, le Sage craint & J'e
detourne du mal ; I’infenfe pajje par-dejfus t
& fe croit en furete. Enfin dcoucons cetce
maxime de l’Apdcre : Eprouvez tout ,
retenez ce qui eft bon: & encore, tout ce qui
n'eft pas felon la loi, c’eil-a-dire, fuivant le
tdmoignage de la confcience, ou la per-
fuafion interieure , eft peebe: enfin, leur
confcience leur en rendant timoignage, non
pas par la confcience des autres, mais la
leur propre.
A VERTISSEMENT
E T j
CONCLUSION.
A U refte nous aveniffons tous ceux d’en-
tre nos Confreres dans le Sacerdoce,
foit Sdculiers, foit Rdguliers,qui fous l’au-
toritd des fivdques prdchent la Parole de
Dieu, ou adminiflrent les Sacremens, de
ne jamais foufFrir, que la voie du falut que
Dieu, qui eft la fupreme vMti, cLont les pa¬
roles demeurent d jamais , a declare etre etroi-
te, foit jamais (largie d la perte des aims , ou
R 3 pur
2.62 Censure de l’Assembles du
pour parier plus jufte, qu’elle foil pervertie;
mais de travailler au contraire a ramener dans
le bon cbemin ceux des Cbritiens , qu’ils trou-
veroient engagez dans la voie large & fpa-
cieufe, qui conduit k la perdition. Nous
fouhaitons & nous prions que ces paroles
de J. C. inculqudes par Aiexandrie VII.
foient profonddment gravees dans les ef-
prits; & nous efpdrons dans le Seigneur,
que ceux qui jufqu’ici auroient enfeigne
ces fentimens rejachez , fans avoir autre
raifon que l’aiftoritd de ceux, qui fe font
fuivis les uns les autres , cefferont enfin
de les enfeigner, les Evdques, & les Juges
mdmes les ayant condamnees;les Hdreti*
ques les imputant a l’Eglife, & lui en fai*
fant un crime fuivant ieur coutume, mais
trds-injuftement & trds-mal & propos ; &
les Enfans du Sidcle s’en mocquant, com*
me de chofes vaijnes. Ayant done un
grand eloignement & une grande averfion
pour cette fauffe Dialeftique , odieufe a
Dieu & aux Homines,qu’ils s’approchent
de la vdritd, afin, comae dit Saint Jdr6-
me, que ceux qui trompoient auparavant le
peuple par de vains adouciffemens, lui impri-
ment a Vavenir une crainte falutaire, en lui
annongant la verite , & le ramenent par-id
a la voie droite ; £jp que ceux qui avoient ete
caufe de leur erreur , commencent d guerir les
blejjures qu’ils avoient faites, (f foient par*
U une occajion de f 'ante.
Clerge’ de France &c. 263
Donnd au Palais Royal de Saint-Germain,
dans l’Affemblde Gendrale du Clergd de
France, le4 jour du mois de Septem-
bre , l’An 1700, ainli fignd d l’Origi-
nal.
h- A. Cardinal de Noailles, Archevdque
de Paris, Prdfident.
Charles M. Archevdque Due deRheims.
Anne, Archevdque d’Auch.
Armand, Archeveque de Vienne.
Ldon P. P. Archevdque de Bourges.
Armand, Archevdque de Bourdeaur.
,. Bdnigne, Evdque de Meaux. '
' ienri, Evdque de Challons.
t ean Baptirte, Evdque de Rennes.
Charles Evdque de Marfeille.
Henri, Evdque de Montauban.
Henri Evdque de Cahors.
Charles Evdque de Glanddve.
Jofeph Ignace, Evdque d’Apt.
Louis Evdque de Seez.
D. Franqois Evdque de Troyes.
Jean P. de Cailus.
Roger de BuiTy Rabutin.
C. Maurice de Roquepine , Abbd de St.
Nicolas d’Angers.
Henri Charles Arnauld de Pompone, Ab¬
bd de St. Mddard.
Jean Franqois Paul de Caumartin , Abbd de
N. D. du Puzay.
Jean de Catellan.
R 4 Ja*
z64 Censure de l’Assemble’e &c.
Jaques Bdnigne Boffuet , Abbd de Sa«
vigny.
Louis Armand de Gourgue.
Frangois de Thomaffin de Saint Paul.
Claude le Mazuyer.
C. L. de Biet de Maubranches.
J. Francois Petit de Ravanne.
Flodoard Moret de Bourchenu, Prdpofd
de l’Eglife de St. Andrd de Grenoble.
Frangois Profper Choart de Buzanval.
H. de Beaujeu.
Camille le Tellier de Louvois.
Charles Maurice Colbert de Villacerf, ci-
devant Agent Gbndral & Promoteur.
Gabriel de Cofnac, Agent General pour
les Affaires du Clergb.
Charles Andrault de Langeron - Maule-
vrier, Agent General pour les Affaires
du Clergdi
Vincent Francois Demaretz, ci-devant A-
gent pour les Affaires du Clergd, A-prd-
Pent Secretaire.
I N»'
INSTUGTIONS
CATHOLiaUES
TOUCHANT LE SAINT SIEGE.
Motif be l’Ouvrage.
L Orsque pour le malheur de l’Eglife,
il arrive des Ddmdlez entre les Papes
& les Rois de France , comme il en
arriva fous les Regnesde Philippe-Augufte,
de Philippe le Bel, & de Louis XII. & de-
puis encore fous Henri III. & Henri IV. par
la faveur publique que les Pontifes donne-
rent h la Ligue, pour 6ter de concert avec
I’Efpagne la Couronne aux ldgitimes Suc-
cefleurs , fous un faux prdtexte de Reli¬
gion , il fe trouve dans l’Etat de trois for¬
tes d’Efprits. Les uns , imbus du poifou
de l’Hdrdfie ou du Libertinage, n’ont au-
cun refpeft pour le St. Siege , & par une
haine inconfiddrde contre Rome ddnient la
Jude autoritd qu’ont les Papes, tant de droit
Divin que de droit Pofitif. Les autres tout
oppofez, & laches Efclaves de Rome, foit
par fimbdcillite d’une confcience trop ti-
ffiorde, foit qu’ils fe foient laiffez prdvenir
des illufions de la Doctrine des Canoniftes
znodernes, au que des intdrdts partieuliers
VL R J les
266 Instructions Catholiques
les attachenc crop fervilement au Pape, fe
ferment de mauvais fcrupules pournepoinc
entrer dans les bons fencimens, & donnenc
au Sidge de Rome beaucoup plus qu’il ne
lui appartient. 11s confondent les attributs
du Chef Minifteriel qui eft le Pape , avec
ceux du Chef Eflenciel qui eft Jdius-Chrift.
Enfin , la croifidme forte d’Efprits font les
vdritables Chrdtiens & les fages Politiques,
qui prennent le milieu entre ces deux ex-
trdmitez , & qui renferment la plenitude
de Puiftance du St. Sidge dans les bornes
Idgitimes que Dieu lui a donndes , & fans
fe departir des profonds refpedts qui font
dfts au prdmier des Evdques, auSucceffeur
de la Chaire de St. Pierre, au Chef Minif-
tdriel de l’Eglife ; s’oppofent avec vigueur
aux entreprifes injuftes que la coldre, fin*
tdrdt, la vengeance, & les autres paflions
humaines lui infpirent quelquefois pour
faire un abus vilible de fon autorad.
II eft done hdeeffaire dans ces tarns f£-
cheux d’inftruire les Fiddles des Vdritez
qu’on doit tenir, afin que les Libertins & les
mauvais Catholiques foient rappellez au
Idgidme refpeft qu’ils doiventau Pape, que
les confcienees trap foibles foient raflu-
ydes, & que ceux qui font dans les bons &
vdritables fentimens y demeurent de plus
en plus confirmez, en apprenant les rai-
fons fur lefqueiles eft fondde la Doftrine
Orthodoxe qu’on a toujours inviolablement
senue en France, & par laquelle nous fam¬
ines attaches. infdparablement au St. Sid*
ge,
TOUCHANT LE St. SlEGE. 267
ge, non pas comme de timides Efclaves*
mais comme les veritables Enfans de L’E¬
glife.
CHA PITRE I.
Ce que c'ejl que le Pape. Deux qualitez
qui font en lui.
A Vant touteschofes il faut favoir ce que
c’eft que le Pape, & diftinguer en lui
deuxgrandes & illuftres qualitez, dont jqt
confuflon eft la fource de toutes les er«
reurs oh l’on peut comber en parlant de
fa puiffance. L’une, qui eft la plus fubli-
me & la plus dminente, eft celle de prd-
midr Vicaire de J. C. Succeffe'ur de St.
Pierre, & Chef de l’Eglife. Je dis pre¬
mier Vicaire ; parce que tous les au-
tres Eveques ne font pas moins les Vi*
caires du Sauveur que le Pape , qui n’a
que la Primautd entre fes egaux. L’autre
qualite , beaucoup moindre quoique trds-
grande, eft celle de Souverain Temporei
du Patrimoine de St. Pierre , qu’il tient
de la libdralitd des Rois de France.
L’une de ces qualitez eft toute Spiri-
tuelle, & lui eft commune avec tous les
Evdques a Ja Primautd pres. L’autre eft
toute Temporelle, & lui eft commune a*
vec tous les Souverains & les Rois de la
Terre. L’une lui met en main l’ufage des
Clefs de l’Eglife , dont il eft le principal
Adminiftrateur. L’autre lui donne le Droit
de
j?68 Instructions Catholiques
de faire pour la confervation de fes Etats
la Paix & la Guerre, des Traitez , des Li-
gues & des Alliances. Et enfin, l’une fait
ce que nous appellons le St. Si£ge, que Dieu
a dtabli une efpece de Monarchic Spirituel-
le, conduite par le Gouvernement Arifto-
cradque des Conciles. Et I’autre fait ce
que nous appellons la Cour Romaine, com-
polBe, comme routes les autres Cours, d’un
grand notnbre d’Officiers, de Soldatefque,
& de Courtifans , que la fortune attache &
la fuite de Ieur Maitre, & au milieu def-
quels le Pape eft un vrai Souverain Tem-
porel , fuj'et & tous les mouvemensque 1’in-
tdvdt & la confervation de leur Couronne
infpire aux autres Rois de la Terre.
Quiconque ne concevra pas ces deux dif¬
ferences qualitez dans le Pape , s’abufera
dans tous les'raifonnemens qu’il en voudra
faire. L’une n’a rien de commun avec I’au¬
tre. Quand il n’auroit niPatrimoine, ni
Etats, ni Souverainetb, & qu’il feroitdans
la pauvrete Apoftolique de St. Pierre, fon
autoritd Paftorale n’en feroit pas moindre,
& cette autoritd Paftorale n’ajoute rien k
fa dignite Royale pour le Temporel. Mais
dans Tune & dans l’autre de ces qualitez,
on doit avoir pour la perfonne du Pape de'
tres-grands egards; puifque l’une demande
une foumiffion Filiale de tous ceux qui fe
difent Enfans de l’Eglife ; & l’autre exige
le mdme refpedl qui eft ehiverfellement
dft aux Tdtes Couronndes. Mais il faut
bien prendre garde que l’union de ces deux
Gran-
touchant iE St. Siege.
Grandeurs ne nous dbloufffe pas, pour
j’dlever au-deffus de ce qu’il eft en l’une
& en l’autre de ces qualitez ,que les Papes
& leurs Flatteurs s’efForcent perpdtuelle-
ment de confondre.
Car fi I’on examine bien a fond la coii-
duite de tous ceux qui fe font fervis de
leurs foudres contre les perfonnes facrdes
des Empereurs &. des Rois, Ton verra
clairement qu’ils n’ont employd des Ar-
mes. Spirituelles que depuis qu’ils fe font
enorgueillis de la Puiffance Temporelle,
& qu’ils en ont fait l’inftrument de leurs
paffions, fuivant les mouvemens que l’in-
tdrdt de leur Monarchie leur infpiroit ,
foit pour l’agrandir,foit pour la foutenir,
foit pour la deffendre , & pour appuyer
les Ligues & les Traitez dans lefquels
comme Princes Temporels ils entroient a-
vec les autres Princes,
CHAPITRE II.
De la Puiffance Temporelle du Pape „
C Oinme la qualite de Pontife Romain
&, de Prdmier Evdque eft le princi¬
pal objec de ce petit Traitd, il faut eft
rdferver 1’examen pour le dernier, & com-
mencer par Tdcablilfement de la Souverai-
netd Temporelle que poffedent aujourd’hui
les Papes , en montrant quand & de qui
ils Pont eue. ■
Qui que ce foit ne revoque en doute
la‘
270 Instructions Catholiques
la pauvrete de St. Pierre , & de ce grand
nombre de SucceiTeurs , qui jufques au
terns de Conftantin ont donnb leur fang
pour l’dtabliffement & l’afFermifTement de
la foi de J. C. comme ils avoient enco¬
re prdfentes k Tefprit ces paroles de leur
Divin Maitre: Mon Royaume n’ejl pas de
ce monde : les Princes des Nations leur do-
minent , mats il n'en eft pas ainfi de vous.
Ils fuyoient avec foin les richefies , &
toute cette vaine pompe qui fuit la Gran¬
deur Mondaine. Mais enfin la pietd des
Chrdtiens vainquit par fes liberalitez ce
faint ddtachement des Biens Temporels,
on enrichit les Eglifes; & les Fideles per-
fuadez qu’il dtoit de l’honneur & de futi¬
lity de la Religion que les Prdlats etifient
dequoi foutenir avec dclat la dignity de
leur Caradtbre , les Evdques participbrent
aux grands biens dont les Eglifes furent
dottees , & les fatigues de l\ApoftoIat fe
trouverent foulagees par la joui'ilance des
biens Temporels qu’on y attacha, & qui
furent ddpofez entre leurs mains pour des
ufages pieux.
Comme ces liberalitez furent univerfel*
lement communiquyes aux Eglifes, il ne
faut pas trouver dtrange que Rome, qui
eft le prymier Sidge Epifcopal, s’en foit
encore plus reffentie que les autres; & il
n’y a peut-dtre pas eu moins de fagefie
que de pidtd dans les Donations immen-
fes que nos Rois ont bien voulu faire k
1’Eglife de Rome, afin que le Pape, dont
le
TOUCHANT IE St. SlEGE. 271
le Miniftere s’etend unfverfellement fur tou-
tes les Eglifes particulieres de la Chrdtien-
td unies a elle com me ^ fon Chef, efic
dequoi fournir non feulement k fes ddpen-
fes ndceffaires, mais encore au foutien de
fa dignitd de Grand Pontife. Voyons main-
tenant k quel titre les Papes poftedent cet-
te Souverainete.
CHAPITRE III.
De lafaujfete de la Donation deConftantin.
C ’Eft une vdrite dont toutes les perfonnes
detachdes de prevention conviennent 9
qu’il n’y a rien de plus faux que cette ima-
ginaire Donation de Rome & de 1’Empi¬
re d’Occident, qu’on fuppofe avoir dtd fai-
te par l’Empereur Conftantin au Pape Syl-
veftre I. Et quand il n’y auroit que l’abandon*
nement qu’en a fait le Cardinal Baronius
dans fon Hifioire EccUJiaJtique, ce feroit une
preuve fuffifante de la fauiTetd de cettePidce.
Celui qui s’eft avifd de compofer cette
fable , s’eft trahi & ddmenti lui-mdme par
le mauvais tiffu qu’il en a fait , par les
achronifmes dont elle eft remplie, &
par les ignorances groffidres qu’il y a fe-
mdes. II fuppofe que Conftantin dtant en¬
core dans les tdndbres du Paganifme , fuc
attaqud d’une lepre , & qu’ayant rdiola
pour la gudrir de fe baigner dans le fang
d’un grand nombre d’Enfans ramaiTez &
prdcs d’etre dgorgez , il vit en fonge St.
Pierre
INSTRUCTIONS CATHOLIQUtS
•Pierre & St. Paul , qui lui ddfendirent Ce
carnage, & lui commanderent de rappeller
lefPape Sylveftre qu’il avoit exild , & qu’il
recevroit de lui fa gudrifon. Que ce Pape
etant rappelld b&tifa cet Empereur , & par
une impofition de mains gudrit fa lepre.
Qu’en reconnoiffance de ce bienfait mira-
culeux, Conftantin lui donna tous les droits
de l’Empire fur 1’Occident, & la predmi*
minence fur les quatre Patriarchats d’An-
tioche, d’AIexandrie , de Conftantinople
St de Jerufalem , & enfuite fe retira lui-
mdme & Conftantinople, oil il dtablit le fie*
ge du refte de l’Empire qu’il s’dtoic confer*
vd; & datte cette Donation du quatridme
Confulat de Conftantin & de Gallican.
La fauifetd de cette impofture fe prouve
par une infinitd de raifons invincibles &
fans replique.
La premidre, c’eft le filence profond de
tous les Auteurs contemporains qui ont
dcrit la vie dd Conftantin , ou prononce
fon pandgyrique, & qui parmi les louanges
qu’ils donnent avec profufion a ce pieux
Empereur, dont ils rapportent jufqu’aux
moindres libdralitez , n’auroient pas ou-
blid une circonftance ft importante. Eufe-
be, qui vivoit dans le mdme terns, n’en a
pas dit un feul mot. Et l’on ne doit pas
croire que St. Jdrdme , St. Auguftin, St.
Ambroife, Bazile ,Grdgoire de Nazianze,
1’Hiftoire Tripartite, le Pape Damafe,Bd*
de , Orofe , & tous les autres Auteurs les
plus anciens, & qui out dcrit de 1’Hiftoire
c cant
TOUCH ANT LE St. SlEGE. 273
tftht Prophane qu’Ecclbfiaftique, auroienc
tous omis un point de cette confequence.
La leconde eft le iilence des Papes eux-
memes, qui dans les grands dbmdlez qu’ils
ont eu avec IesPatriarches de Conftantino¬
ple, n’ont jamais avance ce droit, queieur
eftt inconteftablement affurd cette preteu-
due Donation , li elle avoit ete veritable;
puifqu’en termes ex'pres , elle porte la fu-
perioritd de Rome fur Conftantmople.
La troifieme fe tire de l’ignorance grof-
ftere de celui qui a fabrique cette Piece ,
& de plufieurs fauffes circonftances qu’il y
a infdrdes. Car n’eft-ce pas d’abord un ana-
chrocifme effroyable , de dire dans cette
Pancarte que Rome aura la preeminence fur
le Patriarchat de Conftantmople ; puilque
Conftantinople ne fuc bdtie par Conftan¬
tin, & honorde de fon nom & du litre de
Capitale de l’Empire, que fept ans apres le
Concile de Nice , fous le Confulat de Pa-
catian & d’Hilarian , dix-fept ans apres le
quatrieme Confulat de Conftantin , duquel
cette faufle Piece eft datdeP
La quatrieme eft que dans cette Pidce
ridicule l’Eglife de Conftantinople eft qua-
lifide du litre de Patriarchat, & cependant
ce titre ne lui a etd donndque dans le Con¬
cile qui y fut tenu plus de cinquante ans a-
pves la date donnee a cette Donation.
La cinquidme eft que jamais Gallican n’a
dtd Conful ni vdritable ni honoraire avec
Conftantin, coirnne le porte cette date.
La ftxidme eft que Conftantin partagea
Tome IV, S fon
274 Instructions Catholiqiies
fon Empire avantfamort entrefes trois fils,
Conftantin, Conftantinus & Conftans j qui
one gouvernd, ou leurs Succefleurs , pen¬
dant cenr foixante ans l’Empire d’Occident
jufqu’ci 1’Empereur Auguftule Que cet Em¬
pire fat ddtruit par Odoacre Roi desHeru-
les 1’an 47 6 , depuis lequel Rome fut fous
fa puiflance , & enfuite fous celle de Thdo-
doric & de neuf Rois Oftrogots, dont Tdias
fut le dernier, qui fut ddfaitpaiTEunuque
Narfes fous l’Empire de Juftinien, qui fut
tellement Maftre & Souverain de Rome,
qu’il en exila le Pape Sylvdrius ; que fes
Succefleurs continuerent de pofleder cette
Souverainetd de Rome , & gouvernerent
long-tems ce qui leur reftoit dans l’Empire
d’Occident, par des Exarques qui faifoient
leur rdfidence A Ravenne, & qui avoient
fous eux El Rome des Gouverneurs fous
le nom de Dues, qui non feulement avoient
1’adminiftration de tout ce qui concernoit
la guerre, mais y rendoient aufll la juflice
au nom des Empereurs.
La feptidme raifon eft que les Papes eux-
rndmes ont depuis cette prdtendue Dona¬
tion reconnu la Souverainetd des Empe¬
reurs Grecs dans Rome; puifque Boniface
IV, voulant confacrer au vrai Cultede Dieu
le Pantheon , en obtint la permifiion de
Phocas. Que St. Gregoire avant lui avoit
appelld PEmpereur Maurice fon Seigneur,
& s’dtoit nommd fon ferviteur , une pouf-
fiere &, un ver. Ego indignus pietatis vej~
tree famulus Dominis mis loqwns y quis Jum
touchant le St. Siege. 27^
tiiji pulvis & vermis ? Et que le Pape Ho*
norius , voulant enlever la couverture de
bronze qui dtoit fur le Temple de Romu¬
lus pour en couvrir 1 ’Eglife de St. Pierre,
en demanda permiffion a l’Empereur Hd-
raclius.
La huitieme eft que les Papes Succefteurs
de Sylveftre poffedoient ft peu cet Empire,
que, fuivant le rapport de Gregoire de
Tours, le Pape Gregoire le Grand, prelTd
d’indigence &de pauvretd,dcrivit plufieurs
Lettres k la Reine Brunehaut , pour obte-
nir d’elle une Terre d’un revenu mddio-
cre pour fournir ii fa fubfiftance.
La neuvidme eft que cette Pifece ridicule
dit que cette Donation de la moidd del’Em-
pire fut faite & l’Evdque de Rome par Conf-
tantin , du confentement & de l’agrdment
de tout le Sdnat. Or il eft certain que le
Sdnat dtoit entierement Payen, & que jul-
qu’au terns de Valentinien les Sacrifices du
Senat fe faifoient aux Fauftes Divinitez.
Comment done auroit-il etd poffible que
tant de Payens, tout-puiflans dans une Mo¬
narchic EleQive , efiffent confenti ii une
Donation qui auroit paffd dans leur efprit
pour une pure extravagance, & que tantde
Payens auroient fouffert le ddmembrement
de la moitid de l’Empire au profit d’unpau-
vre Prdtre , qui ne penfoit it rien moins
qu’aux grandeurs de la Terre?
Hofpinien , Laurent Valle, & quantitd
d’autres Auteurs cdlebres prouvent encore,
par une infinitd d’autres raifons, la faufle-
S 2 t6
s7<5 Instructions Catholiques
te de cette Donation fuppofee , & que lei
Papes n’ont inventde que pour eflayer de
diminuer indireftement la grandeur des
bienfaits qu’ils ont requs aes Rois de Fran*
ce, de qui feuls-ils tiennent tout le Patri-
moine & la Souverainetd dont ils joui'flent.
I! faut done voir maintenant de quelle ma-
niere les Rois de France one repandu fur
eux avec profufion Jeurs exceflives libdra-
litez.
CH A PITRE IV.
De la Domination des Lombards en Italie.
Q U AN D Narffes, l’an 552, eflt detruit
_Tdias Roi des Oftrogoths, & rdtabli
dans Rome & dans l’ltalie I’autoritd des
Empereurs Grecs,i! s’dlevafeize ans apres
dans I’ltalie, & par l’intrigue de ce General
difgracid , une nouvelle Puiflance fatale a
l’Empire.
Ce fut la Monarchic des Lombards qu’Al-
boin fonda fan 568, en ie rendant mat*
tre de cette partie de I’ltalie qui eft entre
les Alpes & les deux Mers , & etabliflant
le fiege de fonnouvel Etatdans Pavie. CeS
Rois Lombards ferendirent fi puiflans pen¬
dant deux fiecles, qu’enfin ils ne laiflbrent
plus aux Empereurs que quelques places
dans la Pouille , & une ombre d’autoritd
dans Rome, qui ne confiftoit prefque plus
qu’en l’honneur qu’on Ieur faifoitj de dater
les expeditions par I’anndede leur Empire.
Aftolfe 3
TOUCHANT LE St. SlEGE. 277
Aftolfe , Roi des Lombards , ayant en-
levd l’Exarcat de Ravenne & laPentapole
fur Eutychius,le quatorzieme & le dernier
des Exarques quigouvernerent i’ltalie pour
les Empereurs Grecs.
Apres qu’il efic fait cette conqudte , il
ne penfa plus qu’a reduire le rede de I’lta¬
lie fous fa puilfance, ce qu’il e 0 c fait aifo¬
ment, s’i 1 eilt pu fe rendre maitre de Ro¬
me ; & il fe flatta d’en venir ii bout , vo-
yant que les Empereurs d’Orient etoient
engagez dans des guevres bloignbes , &
nonfeulement hors d’btatde donner du fe-
cours aux Romains , mais brouillez avec
eux pour l’Hbrbfie il laquelle ils s’btoient a-
bandonnez.
Pour comprendre la fource du chagrin des
Papes contre les, Empereurs de Condanti-
nople, & du mepris qu’en faifoient leslta-
liens, il faut favoir que Lbon Ifaurique b-
tant tombd dans I’Hbrefie des Iconoclades,
il envoya un Edit enlcalie pour yfaire bri-
fer les Images. Get Edit anima tellement
les peoples qui redoient encore fous fa do¬
mination, que tous ne penfbrent plus qu’a
fecouer le joug. Aftolfe,qui ne cherchoit
que 1 ’oecafion de fe rendre maJtre de Ro¬
me & d’en envahir la domination , fit fes
efforts pour profiter des difpofitions dans
lefquelles il voy^oit toutp l’ltalie contre
l’Empereur; mais Gregoire II, qui etoit
alorsPape, s’oppofa vjgoureufement a fen-
treprife du Roi des Lombards. Sa piete
1’avoit anitnb d’qn faint.zele contre Leon,
S 3 pour
27B Instructions Catiioliques
pourempdcher comme il fit l’exdcution de
fon Edit impie ;&il alia mdme jufqu’a pro-
noncer 1’anatheme centre cet Hbrdtique.
Mais s’il dtoit pieux , il n’dtoit pas moitis
politique ; & aimant mieux avoir un Mai-
tre Temporel en Grece,qui ne l’btoit qu’en
peinture , que d’en avoir un a fa porte tel
que le Roi des Lombards , il fe montra
auffi bon Sujet que fbvdre Evdque; & tan-
dis qu’il excommunioitl’Empereur comrae
hdrbtique, il travailloit k maintenirles Peu-
pies dans l’obei'fiance qu’ils lui devoient
comme & leur Souverain. C’elt le tbmoi-
gnage d’Anaftafe, qui dit que les Romains
voulant dlire un autre Empereur, le Pape
les exhorta de ne point manquer a la fidd-
litd qu’ils devoient & leur Souverain ; &
Paul Diacre dit que les Italiens auroient
dlu un autre Empereur, fi le Pape Grdgoi-
Te ne les en efit empdehez.
Cependant, comme Aftolfe dtoit puif-
fant,& que lesPeuples animez contre l’im-
pidtd de l’Empereur pouvoient s’dchapper
malgre lui, ce Pape vit bien qu’il ne pou-
voit pas longtems refifter a la puiflance &
aux intrigues du Lombard, & qu’k la fin il
feroit fored d’y fuccomber: e’eft ce qui l’o-
bligea d’implorer le fecours de Charles
Martel , qui fous le com de Maire du Pa¬
lais gouvernoit la France, & le pria de pren-
'dre la qualitd de Patrice de Rome , e’eft-ii*
dire Protedteur du St. Sidge & du Peuple
Romain, & Vicaire-Gdneral de l’Empire.
Martel accepts cette qualitd, &fon def-
fein
TOUCHANT LE St. SlEGE. 279
fein dtoit de palfer en Icalie avec une puiflan-
te armbe pour reprimer i’ambition d’Altolfe :
mais ce deffein fut rompu, parceque dans
eette meme annee, qui fuci’an 741, Char¬
les Martel, l’Empereur Leon , & le Pape
Grbgoire II, moururent. Ce dernier euc
pour Succefleur Zacharie, & enfuite Etien¬
ne. Conflantin Copronyme fuccbda k Lbon,
& Pbpin prit la place de Charles Martel.
CHAPITRE V.
De quelle maniere Pepin Charlemagne con -
quirent & 1 donnerent aux Papes le Patri-
tnoine de St. Pierre.
f Es chofesbtantdanscetbtat, Aftolfecon-
tinua fes perfecutions & les entreprifes
fur la Ville de Rome , dont il vouloit ab-
folument ufurper la domination ; & les E-
vdques de Rome, fuivant la politique de Gr 6-
goire ,s’y oppofoient de routes leurs for¬
ces : c’efi: ce qui obligea Etienne de venir
en France en l’an 754 , pour implorer le
fecours de Pepin, que fes vertus & fes in¬
trigues avoient blevb dds Pan 752 fur le Tr6-
ne des Frangois , du confentement unani-
me des Etats , par Pabdication du jeune
Childbric Hgb de 17 ans, & qu’onrenferma
dans un Cloitre, en le fuppofant incapable
du Gouvernement, quoiqu’il n’eftt d’autre
defaut que la foiblefle de fon age, & la
puilfance exceflive de fon premier Mi-
niftfe.
S 4
Etiea-
s8o Instructions Catholiques
Etienne fit la Cdrdmonie du Sacre de Pe¬
pin , dont l’elevation etoit devenue legiti¬
me par la mort de Childdrie, qui ne furve-
cut qu’un an & fa Tonfure , & en qui fut
eteint !e fang de Merovde. Apres cette Ce-
rdmonie du Couronnement, ou plutdt du
Sacre de Pepin, le Pape, au nom duPeu-
pie Romain , lui offrit & lui dbfera ia qua*
litd de Patrice , qui lui donnoit dans Ro¬
me, corame Lieutenant de 1’Empereur, la
fuprdme autorite , afin de Pinciter par fon
propre interdt a la protedlion de cette Ca-
pitale du Monde, & & celle du Sr. Siege,
qui non feulement n’avoit alors aucune Sou*
verainete dans Rome , mais qui ne pofle-
doit pas mdme le moindre Village de tout
le grand Patrimoine dont il joui't aujour-
d’hui.
Pepin, fe voyant paifible Roi de Fran¬
ce par Textindtion de tout le fang de la
premiere Race , & en mdme terns reveru
de cette qualitb de Patrice de Rome,pafIa
en Italie avec le Pape Etienne, fit la guer¬
re a Aftolfe , le vainquit, & l’obligea de
faire la paix avec les Romains. Mais il fe
rdvolta l’annde fuivante , ce qui obliges
Pepin de retourner une feconde fois en Ita¬
lie, ou il vainquit encore le Roi des Lom¬
bards; & 1’ayant ddpouille de I’Exarcat de
Ravenne , & de la Marche d’Ancone ap¬
pellee alors la Pentapole, il donna de l’un
& de l’autre le Domaine utile au Pape, mais
non pas laSouverainete, quiappartenoitaux
Empereurs de Conftanunople avanc quo
TOUCHANT LE St. SlEGE. 281
jes Lombards s’en fuffenc emparez, & qui
de ce moment appartint a Pbpin , tant par
droit de Conquete , que par fa qualitb de
Patrice.
De cette ample & premibre Donation
Ton en voit a Ravennelesglorieux veftiges,
fur une Pierre ou ces mots fontgravez :Pepi-
nus pius , primus amplificandce Ecclefice viarn
(iperuit, & Exarcbatum Ravenna cum ampUJJi-
mis... C’eft-a-dire Pepzra lePieuxaete lepre¬
mier qui a ouvert le cbernin a Vagrandijjement
del’Eglife, en lui dormant VExarcat.de Ravenne
apse de tres-amples .... Le refte' a bte
efface par l’injure des terns, ou par la ma¬
lice de quelque envieux de la gloire de la
France: mais le mot de primus y eft remar-
quable, & fart a ddtruire la fable de cette
pretendue Donation de Conftantin , que
j’ai aflez refutee.
Ce monument parut meme fi vbnerabled
Leon X , qu’ayant fait peindre la Sale du
Vatican , & reprdfenter cette Donation de
Pepin , il fit berire au bas ces mdm.es pa¬
roles tirees de la Pierre antique de Raven¬
ne. F.n effet voili le premier Domaine
que les Papes ont pofibdd en Italic: & pour
faire voir que Pepin n’en avoit donne
que le Domaine utile & non pas la Souve-
rainetb , il ne faut que lire la Lettre du
Pape Paul Succefieur d’Etienne, qui fe plaint
des troubles que lui fait Didier Roi des
Lombards Succefleur d’Aftolfe. Le Roi des
Lombards , dit-il, pajjant par les terres de la
Pentapok que vms avez donnees d St. Pierre
S 5 pour
282 Instructions Cathoeiques
pour le grand foulagement de votre am , a
confume par le fer & par le feu toutes les moif-
Jons , c? toutes les cbofes qui font utiles a la
vie des bommes ; & ainfi, au grand mepris de
votre Regne , il a defole les territoires de Spo *
lete 6? de Benevent , quife font joumis a vo¬
tre puijjance , que Dieu conferve. Etenim,
dit-il, Longobardorum Rex Pentapolen-
fium per civitates tranjiens , quas heato Petro
pro magna animce vejtrce mercede contulijtis ,
ferro & igne omnia fata & univerfa qua
ad fumptus bominum pertinent confumpfit ;
Jicque Spolentinum & Beneventinum, qui
fe fub vejlrd a, Deo fervata potejlate contu-
lerunt , ad magnum dejpeclum regni vefiri
defolavit.
Charlemagne , maitre de Rome comme
fon Pdre en cette meme qualite de Patri¬
ce, paffa en Italie Pan 774, pour delivrerle
Pape Adrien des oppreflions de ce mdme
Didier. II 1’affidgea dans Pavie, le pric, &
I’envoya prifonnier en France avec fa fem¬
me & fa fille; & s’dtant ainfi rendu maitre
par droit de conqudte de tout le Royaurne
de Lombardie, il fut a Rome , oil non feu-
Jement il confirma la Donation de fon Pd-
re, mais il y ajouta le Duchd de Spoldte
guxmdmes conditions, c’eil-a-dire en don-
nant le Domains utile, & s’en rdfervant ia
Souverainete.
Ce fut dans ce premier voyage il Rome
qu’il y convoqua un Concile de cent cin-
quante-trois Evdques ou Abbez ; & c’eil
dans ce Goacile que Gratian , fur le rap¬
port
TOUCHANT LE St. SlEGE. 203
port de Sigdbert, fuppofe contre la verite
que le Pape & les Peres donnerent a Char¬
lemagne le droit de nommer l’Evdque de
Rome; puifqu’au contraire, fuivanc le te-
moignage de Sigonius approuvd par le fa-
vant Pere le Coiute , Charlemagne , qui
avoit ce droit comme Patrice, le remit au
Peuple. Charles , dit-il , par une grande
moderation d’ame remit aux Romains le droit
A'Hire un Pontife, confentit que l’election
fe feroit felon Vancien ufage par le Clerge £?
le Peuple ajfemblez, pourvu qu’elle fefit fans
tumulte .& fans brigues. Carolus, dit-il,
eximia animi moderatione ufus, Romanis jus
legendi Pontificis remijit; atque, ut antiqua
ratione comitia per Clerum ac Populum modo
fine tumultu ambituque baberentur , ultra af-
fenft.
L’an 781 Charlemagne fit un fecond vo¬
yage a Rome, oh il fit facrer par Adrien
i'es deux fils, Pepin Roi d’ltalie, & Loui's
Roi d’Aquitaine, & donna encore auPspe
tout le Territoire de Sabine. Territorium
Sabinenfe integrum.
L’an 787 il fit un troifieme voyage & Ro¬
me, & ayant vaincu Arigize Due de Bene-
vent, il donna Capoue au Pape avec plu-
fieurs autres Terres de ce Duchd.
L’an 795 Adrien mourut, & Ldon III.
lui ayant fuccddd , le vieil Annalifte de
Lauresheim dit que le Pape Ldon envoya
par fes Nonces les elds du tombeau de
Saint Pierre, & l’dtendard de Rome avec
plufieurs autres prdfens, 6c le pria d’en-
voyer
484 Instructions Catholiques
voyer quelqu’un des Grands delonRoyau*
me pour recevoir du Peuple Romain le
ferment de fidelitd & de fubjedtion. Per
Legatos fids Leo claves confejjtonis Sancli
Petri , ac vexillum Romance Urbis cum aliis
muneribus Regi mifit , rogavitque ut aliquem
de Optimatibus Romani mitteret, qui Popu-
him Romanum ad J'uam jidem atque fubjec-
tionem per J'acramenta firmaret. Ce qui eft
une preuve manifefte que le Pape recon.
noifloit que la Souverainete dans Rome
appartenoit & Charlemagne; puifqu’il le
prie d’envoyer un des Grands de fon Ro*
yaume pour recevoir le ferment de fidelitd
& de fujettion du Peuple Romain. Fidem
atque fubjeSlionem.
Toutes les equivoques que cherche Bel-
larmin pour binder un paflage ft clair & ft
net, & pour dire que Lbonlll. s’adrefla k
Charlemagne afin qu’il lui fit preter a lui
Pape le ferment de fidblite par les Ro-
mains, font des raifonnemens qui n’ont ni
fond ni fo!idite,& que la Grammaire feule
pourroit confondre; puifque le mot,fuam,
ne peut fe rapporter qu’a celui qui enyoie
le Grand Seigneur, & non pas a celui qui
le demande: raifonnemens qui font entie-
rement dbtruits par Tegan, qui die qu’E-
tienne IV, SucceiTeur de I.bon, fit preter
paries Remains le ferment de fidblitb &
Loui's le Debonnaire: Qui Jlatim pojlquam,
dit-il , Pontificatum fufeepit , juffit omnem
Populum Romanum fidelitateni cum juramen-
te promittere Ludovico. Dans lequel mot
TOUCHANT LE St. SlEGE. 185
Bellarmin ne peut imaginer d’equivoque.
En l’an 800, fous le Poncificat de ce
mdme Leon III, Charlemagne, comble de
vi&oires & de triomphes, ajouta & tous
les titres glorieux le nom d’Empereur
d’Occident, qui ne lui donna rien qu’il
ne poffedHt deja ; puifque par fes armes
il ecoit Roi de prefque toute l’ItaHe,que
fon epee avoir unie a la Couronne de
France par la deftruftion du trdne des
Lombards , & dont dix-neuf ans aupara-
vant il avoic fait couronner Roi Pepin
fon fils-aind; & qu’en qualitd de Patrice,
& en vertu de fes conqudtes, il etoit re-
connu dans Rome pour unique Souverain
abfolu , non feulement par l’autoritd de
la Juftice qu’il y exferqoit , mais par la
Monnoie qu’on y frappoit i fon coin,&
dont il refte des monumens dans les Ca¬
binets,- prerogative qui n’appartient qu’aux
veritables Souverains.
Paul Diacre nous en fournit mdme une
preuve fort authentique,parce que dbdiant
le Livre de Pomponius Feftus a Charle¬
magne, dans le terns qu’il n’dtoit encore
que Roi: Vous trOuverez, lui dit il, dans
ce Lime les noms des rues, des portes , des
montagnes , 6? des tributs■- de votre villa
de Rome. Civitatis veftrce Romuled via-
rum , portarum, montium , locorum, Iribuum-
ve vocabula diferte reperietis. Et il eft conf-
tant que lorfque cette Epltre Dedicatoire
lui fut adreffde, il n’dtoit que Roi & non
pas Empereur; puifqu’elle s’adreffe Domi -
nd
28(5 Instructions Catholiques
no RegiCarolo Regum J'ublimiJJim , au Roi
Charles le plus grand des Rois. Done il
bioit Souverain de Rome avanc que d’e¬
tre Empereur.
Les Papes, lors de Felevation de Char¬
lemagne h 1’Empire , n’avoient done en¬
core aucune Souverainetb dans l’ltalie,
qaoique par fa liberalite & cede de Pd-
pin fon Pere , i!s y poffedaffent deja le
Dorhaine utile d’un tres-ample patrimoi-
ne. L’on poarroit mdme en cirer une
preuve du tdmoignage de deux Auteurs
Grecs, d’autant plus irreprochables fur ce
fait , qu’on fait la jalouiie que la Procla¬
mation de Charlemagne donna aux Empe-
reurs de Conftantinople. Cependant ces
deux Auteurs, qui font Zonare & Thdo-
phane, difent nettement que Charlema¬
gne, du moment de cette Proclamation,
acquit la Souverainetd de la Ville de Ro¬
me , qu’ils prdtendoient Sere jufqu’ii ce
jour demeuree a Ieurs Empereurs. Tevo^hva
TPjS Pupey; air' exehs xsapov viro TVjS eifiucluv
tSv ^pdymv, dit Theophane : Rome depuis
ce tems-ia, , dit-il , mint en la pojjejjion des
Francois. Et Zonore dit: y, Pwfivj uzdrSe^pdy-
muz eyyeveto tS XctpoKs rervi&HevTog zapor ts
Asovtos vial B«ct/A£ms P a^ulav ovo/cdabevTog:
Rome-vint , dit-il, en la pojjejjion des Fran •
pis , Charles etant couronne par Leon S’
nomme Empereur des Remains. . Et plus bas,
vial tmC » IruKtuz r.davfi Hat rvjs Pw/xvjff dvrol
iy.vpisutruv : par ce moyen, dit-il, Us furent
maitres de toute I'Jtalie.
It
TOUCHANT LE St. SlEGE. Zg?
II eft vrai que ces deux Auteurs fe trom-
pent, en difant que Charles ne fut maitre
de Rome que du jour qu’il fut proclamd
Empereur , puifqu’il l’etoit auparavant;
mais leur tdmoignage fert toujours pour
montrer que les Papes n’y avoient alors
aucune Souverainetd.
CHAPITRE VI.
Des Libiralitez de Louis le Debonnaire.
L Ooi's le Debonnaire ayant fuccddd &
Charlemagne, voulut enchdrir fur les
libdralitez de fon Pere & de fon Ayeul;
& pour cet effet l’an 817, non feulement
il confirma au Pape Pafcal toutes les Do¬
nations qu’ils avoient faites au Saint Siege,
mais il y ajouta la Ville de Rome, avec
tous les Droits de Domaine, de Juftice &
de Principautd, hors la Souverainetb di-
refte & fuperieure , dont il fe rdferva &
dont il exerqa toujours, & lui & fes Suc-
ceffeurs , la jouilfance. Ego Ludovicus ,
dit le titre, ftatuo & concedo per boc paEtum
confirrnationis nojlrai tibi Beato Petro Princi-
pi ApoJtolorum , & per te Ficario tuo Domi¬
no Pafcbali Summo Pontifici ac Univerfali
Papce fif Succejjoribus ejus in perpetuum civi-
tatem Roman am , £?c. Moi Louis, dit- il ,
je donne par cet adte de confirmation k
vous Saint Pierre Prince des Apdtres, &
par vous a votre Vicaire le Seigneur Pafcal
Souverain Pontife & Pape Univerfel, &
a fes
2.8§ Instructions CaTholiqu£s
& fes Succeffeurs a perpetui'te, la Ville de
Rome, &c. Et enfuite: Has ornnes fupra •
diElas proviricias, urbes, civitates & oppida
atque cajUlla, vkulos & tefritoria , Jimulqui
£? patrimonia jam dicta Ecclefice tux, beats
Petre Apojlule , £ 5 * per te beato Vicario tuo
Jpirituali Domino Pafchali Siwimo Pontifzi
UniverJ'ali Papx ejufque Succefforibus ufque
in finem fxciili eo niodo conftrniamus ut in j'uo
detine,at jure , principatu ac ditione : Touces
ces fufdites Provinces , Vfiles, Citez,
Bouvgs, Chateaux, Villages & Territoires,
& tous ces Patrimoines iufdits, j’en allure
le don a votre Eglife, 6 bienheureux Saint
Pierre Ap6tre, &"par vous ii votre bienheu¬
reux Vicaire Spirituel notre Pdre le Sei¬
gneur Pafcal Souverain Pontife & Pape U-
niverfel, & a fes Succeffeurs jufqu’a la fin
des fiecles.en forte qu’ils le poffedent en
Droit utile, en titre de Principautd & en
Juftice.
Voiiii de quelle majfiere ce Roi de Fran¬
ce Empereur accrut de la ville de Rome
& d’un titre de Principautd les Donations
de fes Pkres; & quoique les Italiens difenc
que ce titre n’eft qu’une Ample confirma¬
tion de ce qui leur appartenoit dejH a cau-
fe du mot confirmamus , il eft vrai que ce
n’eft qu’une confirmation a I’egard des Do-
maines utiles que fes Prddeceffeurs avoient
deja donnez au Saint Siege,-, mais c’eft une
Donation nouvelle ii l’dgard de Rome,
& du titre de Principaute accorde fur le
TOUCHANT LE St. SlEGE. 28p
J’ai dit qu’en donnant au Pape ces Etats
en Domaine, Juftice & Principaute, cet
Empereur s’dtoit retenu le droit de Souve-
rainete diredte, qui confiftoit a faire bat-
tre monnoie dans Rome, confirmer 1’d-
leftion du Pape, envoyer des Commiflai-
res pour reformer la Juftice, & publier
des Loix & des Ordonnances: c’eft ce que
porte expreftement ce meme titre par ces
mots, Salva nojtrd in omnibus dominations
illorum ad nojtram partem fubjeciione ,
lauf en tout notre domination & la fujet*
tion qui nous appartient. Et ce que dit
une Conftitution qui fe trouve dans les
Capitulaires de VEmpereur Lothaire, par
laquelle il ordonne que les Loix de Char¬
lemagne & de Louis le Ddbonnaire feronc
bbfervdes par tous fes Sujets du Royaume
d’ltalie, & par ceux de la Saints Eglife.
Jufques-!a que des plaintes ayant dtd
portdes h cet Empereur de quelque entre-
prife faite a Rome fur fon autoritd , voici
les mots d’une Lettre que le Pape lui ecri-
vit. Nos fi incompetenter aliquid egimus , £?
in fubditis jujlce legis tramitem non conferva-
vimus veftro ac mijforum veflrorum cun£ta vo-
lumus emendari judicio. Si j’ai fait quelque
cbofe incompitemment , que je ne me fois
pas renfermd dans les voies de la juftice que
j’ai fur mes fujets , je me foumets d la correc¬
tion de votre jugement., ou de celui de vos
Commifaires.
Voila la fource veritable des grands biens
que pofledenc auiourd’hui les Papes , &
Tome IN. T Louis
290 Instructions Catholiques
Loui's le Dcbonnaire leur ayant accordd
la Juftice dans de cercaines bornes,& le ti*
tre de Principautd ddpendante ndanmoins
de fa Couronne, il leur a bed facile dans
rabaifiement de la race de Charlemagne*
& dans les revolutions de la Monarchic
Fran§oife, & de PEmpire paflfd en diffe¬
rences families, de profiter de ces change-
jnens pour dtendre leur puiflance, & fe
donner enfin une Souverainetd abfolue fur
Rome &, fur le Patrimoine de Saint Pier¬
re, & e’eft ainfi qu’ils ont joint peu & peu
la Principautd temporelle 4 l’dminence du
Sacerdoce.
Je n’entrerai point dans la queftion, de
lavoir fi cette Puiflance temporelle qui a
mis le luxe & les richefles, & par confe-
quent 1’orgueil & 1’ambition dans la Cour
Rotnaine , s’accorde parfaitement avec
3’Evangile qui ne prdche que la pauvretd:
il fuffit quej’aye moncre que lapidtdRoya*
le de Pdpin, de Charlemagne & de Loui's
le Debonnaire envers le Saint Sifege, eft
digne d’une dternelle lodange,& d’une re-
eonnoiffance immortelle de la part des
Papes. Si les Evdques pour foutenir leur
dignitd pofibdent des Biens temporels, des
Fiefs, des Comtez, des Duchez, & s’il
y en a mdroe en Allemagne qui du ddbris
de la Couronne des Enfans de Louis le
Ddbonnaire ont joint le Sceptre k la Hou-
lette, la Couronne h la Mitre, la Sonve-
rginetd S I’Epifcopat, comme lesEle&eurs
4 aucres Princes Eccieftaftiques, pourquoi
TOTJCHAKT EE St. SlEGE. 2
quence ndeeffaire que l’Eglife ait l’Autorit£
Souveraine de juger par-deffus le Pape .-car
il feroit contre le bon fens,que celui qui
peut faillir ffit au deflus de ce qui eft in¬
faillible : e’eft le cinquieme Point 4 exa¬
miner.
Bellarmin, qui eft le plus folide Arcbou¬
tant de l’Autoritd du Pape, & qui a con-
facre toute fa profonde Erudition k foute-
nir la plenitude de fa Puiflance, a fait un
petit Traitd Italien contre les XII. Con-
liberations de Gerfon; oh apres avoir fou-
tenu de toutes fes forces 1’Autorite du Pa¬
pe fur le Concile, il en tire une conclu-
fion qui n’avoit jamais ni propofde ni
imaginde; qui eft de dire que I’Ecriture ne
donnant aucune autoritd a l’Eglife fur le
Pape, mais bien au Pape fur l’Eglife, oil
ne peut pas du Pape appeller au Concile,
mais bien du Concile au Pape. Ne fequita,
dit-il, cbe non Ji pub appellare d’al Papa al
Concilio , ma Ji bene d’al Concilio al Papa.
Qui
TOUCHANT LE St. SlEGE. 353
Qui eft ane propofition furprenance, cho-
quant le Bon Sens, ia Raifon , & la Doftine
des Pbres de tous les fiecles.
En effet, foit que j’examine 1’Ecriture
Sainte, cette fource pure de la Veritd, j’y
trouve prbcjfement 1’autoritd de l’Eglife
dtablie au-deifus de St. Pierre. Si je m’at-
tache k la Raifon, je conqois que le tout
eft fupbrieur a ce qui ne fait que partie du
tout. Et ft je confulte les Peres, je trouve
parmi une infinitd d’autres un St. Grdgoi-
re, qui avec une profonce foumiftion met
les Decifions de 1’Eglife en parailele avec
l’Evangile. Ainfi la Propofition de Bellar-
min etant infoutenable , la confluence
qu’il en tire eftfaufle & fans aucun fonde-
ment. C’eft ce qu’il faut montrer le plus
bridvement qu’il fera poflible.
CHAPITRE XXIII,
Que la Propofition de Bellarmin eft faujje.
B EUarmin, pour etablir cette faufle pro¬
pofition , fuppofe temdrairement que
Jdfus Chrift en nul endroit de. I’Evangile
n’dtablit l’autoritd du Tribunal de i’Eglife,
& qu’au contraire il y dtablit prdeifement
en beaucoup d’endroits celle de St. Pier¬
re : mais il eft furprenant qu’un Dodleur
d’une aufli profonde penetration, n’ait pas
remarqud que le Sauveur dtant interrogd
par fes Difciples par la bouche de St. Pier¬
re, le renvoie au Tribunal de l’Eglife; Die
Tome IV. Z Eccle*
354 Instructions Cathouques
Ecclejice , dit le Sauveur, Va le denoncer h
VEgliJ'e. A qui parle Jdfus-Chrift , & St.
Pierre luimdme, au premier des Apdtresj
& celui dont Ies Papes font SuccefTeurs?
Et a qui le renvoie-t-il? A VEglife. Done
Jdfus-Chrift a dtabli le Tribunal de l’Eglife
au-deflus de St. Pierre.
11 eft bon de remarquer que fur cet inci¬
dent de l’Evangile, le Miilel antique por-
toit ces mots: Refpiciens Jefus in Difcipu -
los fuos dixit Simoni Petro, Ji peccaverit,
f fc. Jefus regardant fes DiJciples dit a Si •
mon qui etoit appelli Pierre , fi votre frere,
fcpc. Mais depuis peu, les Papes voyant
bien que cette parole adreffde il Pierre *
& qui le renvoie au Tribunal de l’Eglife,
senveffoit la nouvelle Dodtrine des Cano-
niftes, ont cru trouver une grande fubtilitd
x de corriger ce Miflel, & d’dter ces mots,
Simoni Petro, pour faire croire que ce n’eft
5 as St. Pierre que Jdfus-Chrift renvoie au
'ribunal de fon Eglife. Mais ce change-
ment n’dte rien a la force de 1’argument
que je tire de ces paroles; puifque fans-
contredit le Sauveur parloit & tous fes A-
pfitres , du nombre defquels dtoit St. Pier¬
re qu’il n’en excluoit pas.
Bien loin done que Jdfus-Chrift n’dta-
bliffe point dans fon Evangile le Tribunal
de l’Eglife j comme le fuppofe Bellarmin,
il etablit au contraire fort clairement dabs
ce Paflage les trois differens Tribunaux
qui f ; rencontrent dans l’Eglife, & qui font
fsbordonnez les uns aux aucres.
Poaf
TOUCHANT IE St. SlEGE. 355
Pour premier Tribunal infdrieur & tous,
il marque celui de l’Evdque feul, • Corripe
inter te & ipfum folum. Reprens - le feul d
feul. Pour lecond Tribunal il dtablit une
Aflemblee Synodale particulidre, en difant,
Adbibe tecum mum aut duos. Prens avec toi
un ou deux Fidelles. Et enfin pour fouve-
rain Tribunal par defius tous, & fur lequel
il n’y en a plus d’autre, il nomme celui de
toute l’Eglife , Die Ecclefice , afin qu’elle
juge fouverainement; & alors, Si Ecclefiam
non audierit , fit ut Etbnicus: S’il ne dtfere-
pas au jugement de I'Eglife , qu'il te foit com-
meunPayen. Voilii l’anathdme fouverain
dont Jdfus-Chrift donne toute l’autoritd 4
ion Eglife, & au-deflus de laquelle il ne
met aucun Tribunal; puifqu’il ne dit point,
Si Ecclefiam non audierit die Retro. S’il ne
fe foumetpas a I’Eglife dis-le a Pierre, pour
etablir ce monftrueux appel du Concile au
Pape que Bellarmin 6fe propofer.
Mais comme il s’eft dpuifd pour raflem-
bler toutes les raifons qui peuvent flatter
cette fauffe opinion de la fuperioritd du
Pape lur I’Eglife Univerfelle, il nous fauc
examiner par ordre tout ce qu’il dit, & le
rdfuter ; & enfuite nous ajouterons les
preuves invincibles de notre fentiment Or-
thodoxe, qui eft que le Concile Oeucu-
mdnique eft par-defius le Pape, & qu’il
peut le juger & le ddpofer; que 1’Appel de
fes Bulles, Fulminations, Decrets, & au-
tres Jugemens, eft juridiquement portd au
•Souverain Tribunal de I’Eglife aflemblde
Z 2 ea
3f6 Instructions Catholiques
en Concile Univerfel ; & que croire le
contraire, c’eft s’ecarter de la puretd des
fentimens des Pdres, &dela Ddcifion des
Conciies.
CHAPITRE XXIV.
Reponfes aux Raifons que Bellarmin tire de
I'Ecriture.
nrRois diffdrentes preuves font proposes
■* par Bellarmin, I’Ecriture, les Conciies
& la Raifon , & je lui repondrai par la Rai-
fon, par les Conciies & par I’Ecriture ; &
afin de fuivre fon ordre, commemjons par
les contorfions qu’il donne a I’Ecriture
pour la tirer & fon fentiment.
Le premier PalTage qu’il rapporte eft du
XX. Chapitre des Adtes des Apdtres, qu’il
a tronque d’un mot en difant, Qiie Dieu a
mis les Eveques pour gouverner VEglife.
Done , die il, le Pape , qui eft le premier Evi-
que, eft au-dejjus de I'EgliJe.
Pour comprendre le veritable fens de ce
PalTage, & la fupercherie dont Bellarmin
s’eft lervi pour lui en donner un tout con¬
traire, il ne faut que le reftituer en fon
entier. St. Paul adreflant la parole aux
Evdques d’Afie qu’il avoit affemblez & Mi-
let, leur dit: Attendite vobis, univerfo
gregi in quo FLKRERtTicus est : & de m£m e,dit-
il, que le Concile de Calcedoine a tire de
l’Ecriture Salute cequ’ilprononcej demdme
touciiant ie St. Siege. 375
aufii le Concile de Conftance a til'd de la
mdme Ecriture le point dont nous parlons;
& comme 1’un eft de foi Catholique l’autre
1’eft aufti, & qui croit le contraire de l’un
ou de 1’autre eft Hdrdtique
Et plus-bas il ajoute : Eft igitur ex fide
Catholicd hcec veritas , eamque omnes ampledti
debent, cui qui refiftitpertinaciter Hxreticus
accenfendus eft ; nee durum alicui videatur
Hcereticum did, qui Generalis Concilii autori-
tati derogat. Cette vdritd, dit-il, eft done
de foi Catholique , que tous doivent em-
bralTer; & celui qui y refifte avec obftina-
tion , doit dtre mis au rang desHeretiques:
& il ne faut pas trouver dur qu’on nomme
Herdtique, celui qui refifte a l’autorite d’un
Concile Gdndral.
La feconde Objedlion eft encore plus
frivole, puifque tous les Peres qui ont
dtd'prefens au Concile de Conftance , &
qui en ont dcrit,n’ont jamais rdvoque en
doute que ce Concile n’ait entendu par-
ler des vrais & ldgitimes Papes, & il n’y
a eu que des Canoniftes gagez depuis le
Concile de Bafie qui ayent imagine ce
pitoyable faux-fuyant. Il ne faut pour les
confondre que le temoignage de ce md-
me Pie II. qui fous le nom d ’JEneas Syl¬
vius fut Secretaire de ce Concile de Bafie,
par lequel celui de Conftance fut confir-
md. Il eft vrai qu’ayant dte depuis dleve
au Pontificat, il crut par intdrdt devoir
changer de fentiment: mais les retradta-
tions qu’il a faites par un motif interefle,
A a 4 n’em*
37 quid obftat quominus banc ejfe veri-
tatem fidei Catholic A a 5 cher-
378 Instructions Catholiques
chercher pour aucune adminiftration de
fon Pontificat. Ec dans la Selfion 39. il
commande aux Papes futurs d’aflembler
]e Concile dans de certains tems prefcrits.
Ge que Martin V, Pape ldgitime, exdcu-
ta , & obcit. Et le terme mdme dont fe
fert le Concile eft remarquable , tenean *
tur, qu’ils foient tenus, ce qui eft un ter¬
me d’autorite & de commandement.
Quant & la troilieme Objection,que ce
Concile fans Pape btoit un Corps Ace-
phale ( ou fans Chef) qui ne pouvoit dd-
eider les Dogmes de Foi ,non feulemenc
cette chicane tombe par la confirmation
du Pape Martin, laquellen’dtoit ndanmoins,
comme je l’ai ddja die, d’aucune ndcelfite;
mais par la condamnation des Herdfies de
Wiclef & de Jean HulT, a laquelle Bel-
larmin fans y prendre garde donneroic
par fon faux raifonnemenc une dangereu-
fe atteinte. Car fi ce Concile ne pouvoic
pas ddcider des Dogmes de Foi , il ne
S ouvoit done pas condamner ces deux
[drdfiarques. Mais comme Bellarmin ne
peut pas nier qu’il n’ait eu l’autorite de
les condamner , il faut done qu’il avoue
qu’il pouvoic decider des Dogmes de
Foi.
Audi n’eft-il pas vrai qu’un Concile fans
Pape n’en foit pas moins Eglife & Corps
parfait, ayant toujours fon Chef efientiel
qui eft Jefus-Chrift. Ainfi e’eft une im-
pidtd & on blafphdme de dire,que quand
elle eft fans Pape, elle eft fans Tete, le
TOUCHANT LE St. SlEGE. .379
Pape n’etant qu’un Chef Minifteriel: au-
tremenc , d chaque more de Pape il n’y
auroit plus d’Eglile parfaite, & elie auroic
cefle quelquefois plufieurs annees entie-
res: ce qui feroic de la derniere tdmdritd
a propofer, puifque 1 ’Eglife allemblee Ians
Pape, & mdme fans fon aveu s’il refufoit
de la convoquer dans les befoins de la
Religion, n’eft pas rnoins une Eglife en-
tiere & parfaite; etant certain que les pre¬
miers Conciles Qeucumeniques, & grand
nombre qui n’onc pas ce fublime caradtere,
quoiqu’ils foient requs de toute 1 ’Eglife ,
one ete convoquez par les Empereurs ou
autres Puiflances; & qu’a quelques-uns me-
me, comme a celui d’Ephefe, on pretend
que le Pape n’y a ete prefent ni en perfon-
ne ni par fes Ldgats.
De forte que le Concile de Conftance
confirme par ceux de Bafle & de Pile, ayanc
ddtermind canoniquement cette quefhon,
c’eft fuivant le fentiment de Pie II. lui-md-
me une Herdfie de foutenir l’opinion con-
traire. Sur quoi l’on peut ajouter les paro¬
les du Concile de Calcedoine: Regula eft
ut ab bac ele£ta Synodo non liceat appellare.
Hcec eft fides Patrnm: qui prater bac Japit y
Hareticus eft.- C’eft une Regie, qu’il n’eft
pas permis d’appeller de ce faint Concile.
C’eft la foi des Peres, & qui a un fend-
ment contraire eft Hdretique. Et cepen-
dant, contre les anathdmes de ce Concile,
Bellarmin dit que du Concile on peut ap-
peller au Pape.
SSo Instructions Catiioliques
Quid non mortalia peStora cogis,
OJtri facra fames!
A quoi ne nous porte point le defir de
Ja Pourpre Sacree!
Difons done que par l'Ecriture, par les
Conciles, & par les raifons que j’ai rdpan-
dues dans toutes mes reponles aux Objec¬
tions de ce Canonifte, il eft clairement
prouvd que le Pape en toutes chofes eft
inferieur au Concile, & que e’eft une er-
reur de croire autrement. Et quand, fie-
Jon le fentiment de Bellarmin, il feroit
vrai que le Pape ffit le Majord6me de la
Mai ion de Dieu, Jbfus-Chrift avoit trop de
juftice pour prbferer fon Majofdome d fou
Epoufe; d cette Epoufe bien-aimde, qui,
felon les termes de l’Ecriture, fera toujours
pette j puiflapte armde rangde en bataille,
pour terrafler les ennemis de la Foi, &
foutenir jufqu’a la fin des fiecles le Regne
glorieux de fon Epoux.
Sentiment de VEglife de France promt par le
Concile General de Bajle.
Une preuve confirmative de celle du
Concile General de Conftance, fe tire de
celui de Bafle, dgalement Oeucumdnique,
aflembld Pan 1431. par Eugdne IV. Suc-
cefieur de Martin V.
Le Concile de Bafle renouvelle done &
ponfirme dans la 2. Sefiion les Deci¬
sion des Stances 4. & 5. du Concile de
Conftance : & met comme Regie certain?
&
TOUCHANT EE St. SlEGE. jgr
& invariable, que le Concile eft au-dellus
duPape, & que le Souverain Pontife eft
oblige de lui obdir,du moins en trois cho*
i'es. Savoir.
I. Dans ce qui regarde la Foi.
II. Dans ee qui regarde l’Extindtion du
Schifme.
III. En ce qui concerne la Reformation
des Mceurs, l'oit dans le Chef, foie dans
les Membres.
Ces definitions font conftantes & decifi-
ves pour la Supdriorite du Concile. Mais
Eugene voyant que par-la on reprimoit fon
ambition, & qu’on reduifoit fon autoritd
dans les plus juftes bornes, voulut la faire
valoir & la mettre au-dellus de celie du
Concile. Malgrd toutes fes pourfuites &
fes raifons, il fue decide derechef dans la
Seffion 6. que le Concile de Balle repre-
fentoit 1’Eglife Univerlelle , & que par
confequent fon autoritb dtoit Pupdrieure ^
celie du Pape.
Les inquietudes d’Eugene l’engagerent
4 publier trois Bulles confecutives, pour
laffer & annuller tout ce qui s’dtoit fait au
Concile de Bafle. 11 y decida mdme que
le Pape dtoit au-dellus du Concile General.
Son obftination proauifit de fort mauvais
effets, & 1’on alloit rentrer dans le fchif-
me & dans les troubles d’oii I’on dtoit for"
ti. C’eft ce qui engagea le Pape Eugene k
fe rapprocher du Concile, & a publier le
16. Ddcembre de l’an 1433. une quatrieme
Bulle, qui revoque non feulement les trois
£82 Instructions Cathoeiques
prbcbdentes , raais qui regarde merae le
Concile de Bade cornme Oeucumbnique,
done il approuve tous Jes Decrees. Voici
fes paroles: Decernimus fif declaramus, prat-
fatum Generate Concilium Bajileenfe a tempore
pnediBcs ineboationis Juce, legitime continm-.
turn fuijfe fif efje , profecutionem femper ha•
buijjfe, continuari , ac profecutionem habere
debere ad prcedibla (il s’agifloic delacondam-
nation de l’Hbrefie , de J’extintftion du
Schifme, & de la reformation de l'Eglife
dans le Chef & dans les Mem fares) fif per -
tinentia ad ea, perir.de ac Ji nulla diffolutio
faSta fuijfet; quin immo preefatam diJJ'olutio-
nem irritam fif inanem de conjilio fir ajjenfu
ftmili (Cardinalium) declarantes , ipfum Ja-
crum Concilium Generate Bajileenfe, pure >
Jimpliciter fif cum affetdu ac omni devotione
fif favore profequimur fif profequi intendi -
mus. . . quidquidper nos,aut nojtro nomine,
in prcejudicium aut derogatiotiem prcedi&i fa-
cri Concilii Bafileenfis, feu contra ejus auc•
toritatem factum , fif attentalum feu ajjertum
ejl , cajfamus , revocamus, irritamus fif an-
nulamus, nullas fif irritas fuijfe fif effe de¬
claramus . . Nos autem deinceps a novi •
tatibus fif gravaminibus , feu prcejudiciis in-
ferendis ipji Sacro Concilio... realiter fif cum
ejfeEbu defifiemus.
11 eft done certain par la decifion de l’E-
glife Umverfelie affemblbe a Bafle, recon-
nue & avoube par le Pape Eugene IV.
que le Concile eft au-defius du Pape. Tel
a etb & tel fera non feulement le Senti¬
ment
touchant ie St. Siege. 3§3
ffient de l’Eglife de France, mais encore
la Dodrine conftante & invariable de 1’E-
gliie Univerfelle.
CHAFITRE X X Vli
Sixie’me Point.
Du Pomoir de convoquer les Conciles.
Q Uand le Concile de Conftance efit dd*
_termind far les Paffages formels de
la Sainte Ecriture, que le Tribunal de l’E¬
glife Univerfelle affemblee au nom de Je-
fus-Chrift etoit au-deffus du Pape, & comr
mande aux futurs Pontifes de convoquer
des Conciles dans les termes prefcrits,
Martin V. obdit ponduellement auxordres
fouverains de ce Concile , & convoqua
cinq ans apres celui de Pavie, qui du con-
fentement des Pdres fut transfere k Sienne
a caufe de la contagion, & fept ans aprds
il convoqua celui de Bade , & mourut a-
vant qu’il fftt ouvert.
Eugene IV. qui lui fuccdda, & qui fut
un elprit inquiet & remuant, plus propre
a la guerre qu’au gouvernement de la Bar¬
que Apoftolique,confirma d’abord le Le-
gat envoye par fon prdddcefieur pour
prdfider a ce Concile : mais ayant vu
que des la a. Seiiion les Peres , apres
avoir confirme les Deciiions du Concile
de Conftance , y ajouterent que le Pape
ne pourroit le transfdrer fans leur con-
3$4 Instructions Catholiques
ientement , parce que la tranflation 6*
toit un moyen indirect pour parvenir a
fa rupture , ou en tout cas un moyen
Evident de prolongation ; ce Pape qui vit
que par ce Decree fa prbtbndue fouverMne
& independante Autoritb Pontificate rece-
voit de la diminution, refolut de rompre
entierement ce Concile. Ce qui fit que
dans la 3 . Seffion , les Peres avertis
de cette entreprife, determindrent que !e
Pape ne pouvoit point le difl'oudre.
Cette dbcifibn btant faite, le Cardinal
Julien,Ldgat & Prefident du Concile, ddri-
vit au Pape une Lettre grave, & les Peres
ayant fommb les CardinauX de Cour de fe
rendre inceffamment a Bade, Eugene en*
voya quatre Deputez au Concile, qui fu-
rent admis dans la 6 . Sefiion , oil ils
defendirent de leur mieux la prbtendue
Autorite du Pape : mais le Concile lui
ayant fait une Rdponfe fort jufte & vigou-
reufe par une Lettre Synodale, ce Pape,
qui ne voyoit plus d’autres moyens pouf
foutenir fa pretenfion contre la Idgitimd
dutoritb du Concile qu’en brouillant tout,
convoqua k Ferrare un autre Concile dd
fes adhdrens , qui fut enfuite transfdre &
Florence. De quoi les Peres de Bafle,
juftement offenfez, lui firent trois citations
canoniques d’obbl'r; & !e voyant perfifter
dans fa contamace , ils !e depbferent, &
elurent canoniquement Amedde de Savoye,
qui prit le nom de Felix V.
Eugene, pour fortifier fon parti, fit une
nom*
TOUCHANT LE St. SlEGE. 3§/
iidmbreufe creation de Cardinaux affidez,
& entr’autres deux Grecs, qui avoient ma¬
nage une paix fourrbe entre ies Eglifes d’O-
rient & d’Occident, pour donner plus d’b-
clat a Ton Concile de Florence, lequel 6-
tant conclu, & enfuite celui de Bafle, ce
Pape m'ourut dans ce fchifme qu’il avoic
caufb.
, II eut pour Succefleur Nicolas V. done
j’efprit doux gagna le cceur de tous les
Princes: de forte que pour appaifer le fchif-
me on tint le Synode de Lyon, oh toutes
chpfes furent amiablement pacifibes: &
Felix, qui n’etoit pas d’un naturel moins
doux que fon Concurrent, quita volon-
tairement le Pontificat, a condition qu’il
demeureroit Cardinal avec une ample Le¬
gation perpetuelle, & que les Cardinaux
qu’jl avoit creez feroient incorporezaceux
de Nicolas: de forte que tous btant con-
tens, le fchifme fut bteint, l’ble&ion dou-
teufe de Nicolas fe trouvant ratifibe par le
confentement univerfel de l’Eglife, & de
fon Compdtiteur; & ce Pape donna en fa-
veur du Concile de Bafle une Bulle de
Confirmation dont il n’avoit pas befoin.
Les chofes mifes fur ce pied par le bon
Pape Nicolas j ceux qui le fuivirent prirenc
des fentimens tout oppofez,& ne pouvant
fouffrir que les Conciles mfflent une bar-
rihre A cette autoritb fouveraine qu’ils vou-
loient poflbder inddpendamment , ils fe
firent un capital d’abroger per defuetidinem
cette divjne inftitution: & pour empdeher
Tome IK B b que
3 So Instructions Catholiques
que les Princes Temporels ne les obliged
lent de les convoquer , ils appliquerent
tout leur efpric b fufciter & b fomenter des
guerres continuelles entre les Chretiens,
afin que durant les troubles & les divi-
fions, Pautoritd du Pontificat pftt de plus
en plus ctre affermie.
En effet, dans toutes les guerres qui ont
affiigd l’Europe depuis le fchifme dteint,
on a toujours vu les Papes,ou les allumer,
ou les fomenter fecrdtemenc, ou y pren¬
dre pu'bliquement parti, fans que pendant
tout un fidcle ils ayent parle d’affembler
aucun Concile; de forte que Jule II. ce
Pape ennemi du repos, & qui pour pren¬
dre l’epde de St. Paul jetta, comme on
dit, les Clds de St. Pierre ; ce Pape, dis-
Je, aprds avoir change de parti dans les
guerres d’Italie,autant de fois que fon in*
teret particulier ou fon caprice le lui in-
fpiroient, s’anima enfin d’une haine irrd-
conciliable contre le bon Roi Louis XII.
ce Pdre du Peuple, qui fit tenir fous fon
autoritd un grand & plein Concile Natio¬
nal en la ville de Tours, oh il fut rdfolu
qu’on ddputeroit au Pape pour 1’obliger de
convoquer un Concile General: & fur fon
refus les Princes Chrdtiens en convoqud-
irent un it Fife, transferd & Milan, & de-li
& Lyon, qui fut fans fruit ni conclufion,
par les adrefles & les intrigues de ce Pape
Gdnois, qui favoit admirablement le fecret
de defanir fes enhemis , & qui mourut
sniff dans le trouble 5 apres avoir indigud
TOrCHANT LE St. SlEGE'.
un autre Goncile d Rome dans l’Eglife de
Latran, pour contrebalancer celui de Pi-
fe.
Sa mort, & l’dlevation de Ldon X. aui
Pontificat, fit difloudre le Concile que
les Princes avoient convoqud; parce que
l’on efperoit que celui qu’il tiendroic h
Latran feroit Oeucumdnique: mais Ldont
X. qui avoit joint la, Politique.Florentine
d la Romaine, &: que l’attache qu’il avoic
au luxe & aux plaifirs n’empdchoit pas
d’dtre l’un des , plus, habiles • & des plus
rufez Princes de la Terre, fe garda bien
de tenir un Goncile Gdndral , & ne fic
qu’une Afiemblee d’Evdques prefque tous
Italiens, & des environs de Rome, atta¬
che?, a fa Cour & ddvouez a fes intdrdts 5
de forte que Pori nty propofa & ddcida
que des chafes qui concernoient l’utilitd
particuliere de ce.Pohtife , qubne pen-
foit qu’a fatisfairc les inclinations qu’il
avoit pour la magnificence, le plaifir &
la libdralitd. ; <
Enfin, apres une infinitd dfinftances, &
I’Eglife gdmiflant & foupirant pour un
Goncile Gdndral, afin d’y condamner les
Hdrdfies de Luther,& de Calvin, que Pin-
terruption de ces AfTemblees Univerfelles
avoit 1 aid’d naftre & croitre jufqu’d une puif-
fance formidable, le Pape Paul III. cent
cinq ans apres la conclufion de celui de
Bafle, indiqua celui de Trente en l’annde
1547; mais fon adreffe & celle de fes Suc-
ceffeurs en prolongea la conclufion jufi-
B b 2 qu’en
358 Instructions Catholiques
qu’en 1564, apres l’avoir transfdrd a Ba*
logne , rappelld a Trente , & refufe les
honneurs dtis aux Ambafladeurs de Fran¬
ce ; afin que nos Rois ofFenfez de ce re-
fus ffiflent obligez a ne point envoyer £
ce Concile les Eveques du Royaume, &
qu’en leur abfence lesltaliens, dont lenom-
bre prdvaloit infiniment, eftlfent la libertd
de faire pafler fans obftacle des Ddcifions
Morales contraires aux anciens Canons, qui
fervent de fondement aux Libertez dans
lefquelles i’Eglife Gallicane s’eft mainte*
nue.
Voili le dernief Concile que l’Eglife a
vu, & depuis cent vingt-fept ans qu’il a
£td conclu d’une manidre qui n’en permet
pas en France la reception, les Papes n’onc
pas feulement penfd & la convocation d’au-
cun autre; & ainfi en deux cens trente an-
ndes il n’y a eu qu’un feul Concile, encore
n’eft-il pas recevable. Et fi les Princes
Chrdtiens ne donnent la main, comme il
eft de leur autoritd & de leur devoir, au
rdtabliflement de cette Difcipline, par l’e-
xdcution de celui de Conftance, qui en a
ordonnd la convocation de dix en dix ans,
les Papes feront de 1’Etat Eccldfiaftique ce
S ue Jule-Cdfar fit de la Republique de
.ome.
v m
r
TOUCHANT IE St. SlEGE. 38^
CHAPITRE XXVIII.
Ce que les Papes orit pratiqui pour Je ren-
dre mattres des L'onciles.
C Omme les Italiens, majs furtout ceux
qui compofent la Cour de Rome,font
dlevez & nourris dans les artifices & les
adrefles de la Politique la plus rafinde, il
n’y a point de ddtours qu’ils n’ayent ima.
gind pour rendre les Papes maitres de ce
Souverain Tribunal, en le faifant ddpen-
dre de leur volontd.
Pour y arriver, ils ont fait foutenir k
leurs Dofteurs trois fuppofitions. L’une,
que le Droit de convoquer les Conciles ap«
partient au Pape , & ce premier Chef fe-
roit juftement pour en abolir abfolument
1’ufage en ne les convoquant jamais. Leur
feconde fuppofition ell, que les rdfiolu*
tions y doivent dtre concertdes avec lui
avant que les Peres y prononcent; & par
ce moyen en cas qu’ils fftflent obligez de
les convoquer, ils fe rendroientles mai-
tres abfolus des Ddcifions, & de les pro-
longer tant que bon leur fembleroit: c’eft
la conduite qui fuc tenue au Concile de
Trente, & qui leur fervit a le fipre durer
dix-fept ans entiers. Enfin la troifieme
eft, que le Concile n’a, difent-ils, d’au-
toritd que quand il eft confirmd par le Pa«
pe; & par ce dernier moyen ils ie donne-
roient le pouvoir d’andantir tout ce que
Bb 3 W
|'po Instructions Catiioliques
I’Eglife auroit prononce contre leurs in¬
tentions.
II faut montrer que toutes ces fuppofi-
tions font faufles, contraires 4 la raifon,
& 4 la pratique de l’ancienne Eglife.
CHAPITRE XXIX.
Que fuivant la Raifon & la Pratique de I’E-
glij'e , ce n’eft pas aux Papes , muis
aux Princes Temporels d convo-
quer les Conciles.
I L eft aifo de concevoir par la feule lu-
midre du bon fens, que le Droit de con-
voquer les Conciles ne doit pas appartenir
au Pape. La raifon manifefte eft, que le
Concile eft le feul Tribunal auquel les
Princes Chretiens peuvent s’adrefier pour
avoir juftice des entreprifes trop frequen-
tes que les Papes font fur PAutoritd Tem-
porelle: de forte que n’etant comptables
de leur Conduite qu’4 cette Affemblde Ge¬
nerate de l’Eglife, leur laifier la pleine li-
bertd de la convoquer ou non, & ne don-
ner d'autorite au Concile que quand ils
i’auront confirme, ne feroit-ce pas rendre
illufoire cette Inftitution Divine, & ce
Souverain Tribunal indiredtement inferieur
4 l’autoritd du Pape?
Mais quant a la pratique de l’Eglife, il
faut diftinguer trois terns differens. Le
premier contient l’dtat de 1’Eglife depute
jefus-Chrift jufqu’4 la profeffion publique
: : : ' que
TOUCHANT LE St. SlEGE. gpj
que Conftandn fic de la Religion Chrdden*
ne. Le feconddepuis l’Empire deConftan-
tinjufqu’au neuvieme fidcle, que l’Eglife
Grecque a etd enderement fdparde de cel-
le de Rome, & que les Empereurs de
Conftantinople ont achevb de perdre tou-
te leur puiflance en Occident. Et le troi-
iieme depuis le rbtablifiement de cet Em¬
pire d’Occident en la perfonne de Charle¬
magne jufqu’a-prefent.
Pendant le premier dtat qui dura trois
fibcles, il eft vifible que les Conciles n’onc
pu dtre affemblez par l’ordre des Empe-
reurs, ni d’aucuns Princes Temporels; puifi-
qu’ils etoient encore tous dans l’aveugle-
ment du Paganifme, & que felon les ne-
ceffitez qui furvenoient en chaque Provin¬
ce, le Concile Provincial ou National s’af-
fembloit de 1’autoritd du Patriarche ou du
Mdtropolitain, chacun dans leur reflort,
& fort fouvent fans la participation de 1’E-
▼dque de Rome, cpmme il fe voit par la
Lettre Synodale des Evdques d’Afrique ,
qui dcrivoient au Pape qu’il ne doit pas
xecevoir k fa Communion ceux que le
Concile d’Afrique en a fbparez,
Les Eglifes etoient alors partagdes en
quatre Patriachats, favoir deRome, d’A?
lexandrie, d’Andoche , & de Jdrufalem,"
& toutes les Provinces foumifes k un Pa¬
triarche, le reconnoifloient pour Chef. A-
lexandrie avoit 1’Egypte, la Lybie, & la
Pentapole d’Afrique. Andoche avoit la
Syrie 9 la Cdlefyrie, la Mdfopotamie, &
Bb 4 Ice
Instructions Cathoiiques
les deux Cilicies. Jdrufalem avoit la Palef*
tine , l’Arabie, & la Phenicie. Et Rome
avoit tout le refte de 1’Orient, de l’Occi-
dent, & de J’Afrique, comme la prdmi^re
& la priucipale. •
Le Concile de Nicde parle expreifd-
ment de l’autoritd de ces quatre Patriar-
chats: Antiqui mores Jerventur in JEgypto ,
iLybid, fif Pentapoli, ut Alexandrinus Epif-
copus borum omnium habeat.potejlatem, quail-
doquidem Epifcopo Romano hoc ejt confuetum:.
Jimiliter in Antiochid fef aliis Provinces
fua privilegia , ac fuce dignitates Jerventur
•Ecclefiis in JElid (c’eft-li-dire Jdrufalem)
EpiJcopus habeat honoris confequentiam , Me-
zropoli propria dignitate Jervatd: Que les ari-
ciennes coutumes foient obfervdes dans
l’Egypte , dans la Lybie, & dans la Pen-
tapole ; en forte que l’Evdque d’AIexan-
drie ait puiflance fur toutes ces Provinces,
ainfi qu’il fe pratique pour 1’Evdque de Ro¬
me: Que de la rndme forte les privileges ,
Jes dignitez & les autoritez foient confer-
yees aux Eglifes dans Antioche & dans les
autres Provinces qui en dependent: Etque
dans Jdrufalem l’Evdque ait l’hohneur qui
]ui eft dii, en confervant au Metropolitain
fa dignitd.
Mais depuis leConcile deNicde, la Ville
de Conftantinople , qui n’dtoit qu’un petit
Evdchd d’une Bourgade rui'nde avant que
Conftantin y eftt transfdre le Sifege del’Em-
pire , obtint cinquante ans apres le titre
de Patriarchat fur la Thrace , le Pont, &
x ■ rAfic;
TOUCHANT LE St. SlEGE. 393
FAfie Mineure , qui furent demembrez du
Pacriarchat de Rome: ce qui dans la fuite
a Ste la prSmiSre fource du fchifme , &
par le Concile de Conftantinople confir¬
ms par celui de Calcedoine, on lui attri-
bua le fecond rang immSdiatement aprSs
l’ancienne Rome.
Comme done avant Conftantin route la
ChretientS Stoit divifSe en quatre Patriar-
chats, quand un Concile Provincial ou
National s’aflembloit, c’Stoit, comme je
Fai die, & la diligence du Patriarche ou
du Metropolitan. Or comme pendant les
trois premiers GScles il ne s’Stoit affem-
bid depuis les Apdtres aucun Concile Ge-
nSral , il n’y a qu’& voir le nom de la
Ville oh ils le font tenus, & cotter pour
certain que FEvSque de Rome n’a eu au-
cune part h la convocation de ceux des
trois autres Patriarcbats , & que mSme
fous fon Patriarchat il s’en eft aftemblS
quelques-uns fans fon autoritS , comme
celui de Sinueife qui fut de trois cens E-
vSques , qu’on pe peut pas croire avoir
StS convoquez par Marcellin, puifque c’S^
toit pour le condamner.
Le fecond Stat de 1-Eglife commence
avec le quatriSme fiecle, lorfque l’Empe-
reur Conftantin fe fit ChrStien: & ce fut
le grand Triomphe de la Religion , qui
par cette profeftion publique du grand
Monarque de la Terre vit cefler les per-
fScutions de l’Eglife, Slever des Temples
m vSritable Dieu, pour y cSISbrer publi-
Bb j que-
§94 Instructions Catholiques
quement & en furetb fes faints Myfl£res s
& fermer ceux oh l’on offroit au Demon
des facrifices profanes & criminels.
L’Empire & la Religion Chrbtienne eu*
rent alors prefque les mdmes bornes; &
tout ce qui profeffoit la Foi de ]. C. 6-
toit, ou peu s’en falloic, fous la Domi¬
nation de l’Empereur.
L’Hdrdlie d’Arius ayant alors attaqu£
avec la derniere impidtd le fondement le
plus folide de la Religion , c’elM-dire la
Divinitd du Verbe qui s’etoit fait Chair,
cette H6r6fie s’infmuoitinfenfiblement dans
beaucoup d’Efprits, par des raifonnemens
afiez conformes a l’btendue bGrnee de la
conception humaine, dont la foibleffe fe
perd dans les abimes du myftere de la
Trinity, & elle s’appuyoit fur le mauvais
fens qu’on pouvoit aifbment donner a la
lettre de quelques Paffages de I’Ecriture
qui paroilfent Equivoques. Le poifon fai-
foit un progres terrible dans le Patriarchat
d’Alexandrie , oil il avoit pris naiffance :
il fut jugd a-propos d’en arrfiter le cours
par un Concile Oeucumdnique qui fut con-
voqud h Nic£e , non pas de I’autorite du
Pape , mais par les ordres fouverains de
.l’Empereur Conftantin: & les Patriarches
y aiMerent, celui de Rome par fes Legats,
& les autres en perfonne. Que les Cano-
niftes nous montrent la moindre ombre de
preuve quele Pape ait convoqud ni ce Con¬
cile , ni pas un des fept autres Oeucumdni-
cues qui font fuivi. 11$ ne le peuyent fai-
TOUCHANT LE St. SlEGE. 395
?e, puifque mdme il eft conftant que celui
d’Ephdfe fut tenu fans fa participation ,
& qu’ii n’y aflifta pas meme par fes Ld-
gats.
Mais que repondroient-ils au Concile de
Sardique ? Athanafe, ce grand Saint , cec
illuftre Ddfenfeur de la Confubftantialitd
des Trois Perfonnes Divines, futchafldde
fon Siege d’Alexandrie parun Conciliabule
d’Ariens aflemblde a Antioche. jule Eve-
que de Rome aflembla fans l’autoritd de
1’Empereur un Synode de cent feize Evd-
ques, dans lequel il prononqa le rdtablifle¬
ment de St. Athanafe , & ecrivit aux Evd-
ques d’Orientfa Lettre Synodale imprimde
au premier Tome desConciles. Mais ces
Eveques ne' voulurent- point reconnoitre
ce rdtabliflement fait de 1’autorite du Pa„
pe: & ayant, de celle de 1’Empereur, con-
voqud un Concile dans Sardique compofe
de trois cens Evdques, ils prononcerent
le rdtabliflement de ce grand Saint, qui
fut reftitue dans fon Siege Patriarchal d’A¬
lexandrie, non pas en vertu de la Sentence
du Pape Jule, mais en vertu du Concile de
Sardique , non in vim Sententics Julii , fed
Decreti Concilii Sardicenfis.
Que peuvent rdpondre ces mdmes Cano-
niftes h l’anathdme que le Pape Innocent
prononqa contre 1’Empereur Arcadius ,
parce qu’ii refufa d’aflembler un Concile
-pour abfoudre le grand Chryfoftome ? Si
le Pape fe fflt cru en droit d’aflembler ce
Concile, auroit-il demandd cette Aflembleq
i l’Era-
39 6 Instructions Catholiques
& l’Empereur, & employd jufqu’a l’anathd-
ne pour l’y obliger?
Les fept & huici£me Conciles Oeucumd*
niques convoquez a Conftantinople dans
les fept & neuvidme fiecles, n’ont-ils pasdtd
conftamment aflemblez par les ordres des
Empereurs Conftantin Pogonat & Michel,
fans que le Pape y ait eu d’autre part finon
d’yenvoyer fes Legats, qai n’en rappor-
toient pas toujours la fatisfaftion qu’il eta
plperoit ?
CHAPITRE XXX.
De 1’eta.t prefent de VEglife pour la Convs •
cation des Conciles.
M Ais venons au troifikme terns, qui eft
celui da rdtabliftement de l’Erapira
d’Occident dans la perfonne de Charlema-
gne , & examinons fes changemens juf*
qu’au Cede oil nous fommes prdfente-
raent.
Quand l’Eglife de Conftantinople eut en¬
ticement fait Schiftne , & que les Seca¬
teurs de la Loi de Mahomet eurentddtruif
les Eglifes foumifes aux Patriarchats d’A-
Jexandrie , d’Antioche & de Jdriftalem ,
l’Evdque de Rome demeura feul Patriarche
dans fa Communion. C’eft ce qui commen-
qa d’infpirer aux Papes cette idde de Mo¬
narchic Spirituelle abfolue, qu’ils ont voulu
s’arroger fous pretcxte d’une Primauc6
qu’og
TO'ECHANT LE St. SlEGE.
qu’on ne leur difpute pas; & parce que leur
qualitd d’ancien Patriarche n’avoit plus de
Concurrens, & s’dtendoit alors fur l’Uni-
verfalitd de l’Eglife Orthodoxe.
11 ne reftoit de puiffant Monarque en
Occident que le feul Charlemagne , qui
ayant joint auRoyaume de France lesCon-
qudtes d’Efpagnej d’Allemagne & d’ltalie*
y ajouta encore le titre d’Empereur. J'ai
montrd de quelle maniere fes libdralitez &
celles de Pepin fon Pere , & de Louis le
Debonnaire fon Fils,eleverent les Papes it
la Grandeur & k la Souverainetd Tempo*
relle qui les met aujourd’hui au rang des
Princes du Siecle: cependantiieftconftanc
que le prdmier Concile qui fut convoqud k
Rome fous fon Empire fut aflembld par
fes ordres, lui prdfent , & pour recevoir
l’accufation formde contre le Pape Ldon.
Tandis que l’Empire fut dans la Maifon
de France,nos Rois n’ont point laifle ufur-
per aux Evdques de Rome ce droit decon-
voquer les Conciles : mais enfin les Def-
cendans de Charlemagne ayant partagd fes
Etats , & enfuite ddgdnerd de la vertu de
ce grand Prince, l’Empire, qui n’dtoit qu’un
nom prefque fans puiffance, fut ufurpd par
la Maifon de Saxe, & pafia aux Allemands.
Les Conqudtes au-delk du Rhin furent dd-
membrdes, & partagees entre une infinitd
de petits Princes & Prelats, qui fous l’au-
toritd de la Build d’Or d’Henri l’Oifeleur ,
& d’Othon fon Fils, ufurpbrent chacun uni
Fleuron de la Couronne; plufleurs autres
par*
398 Instructions Catholiques
partagdrent l’ltalie favorifez par les Papesi
qui aimoient mieux pour voifin un Beren-
ger Ci ) ou un Albdric, qu’un Roi de Fran¬
ce leur Bienfaiteur : tout ce qu’on- avoit
conquis au-dela des Pyrenees fut ]e pre¬
mier perdu: & enfin la Race de ce grand
Conqudrant fut meme ddpbuillde du Scep¬
tre, qui pafla dans les mains du grand Hu-
gues Capet , dont la Poftdritb le pofledera
avecla grace de Dieu jufqu’a la confomma-
tion des fidcles,
Dans toutes ces Revolutions il fut ai«
fd aux Papes d’empidter peu & peu des
Droits qui ne leur appartiennent pas. Ce
fut la fource de ces longues guerres entre
les Empereurs Allemands & les Evdques de
Rome , qui fous le nom de Guelfes & de
Gibelins partagerent non feulement l’Alle-
magne & l’ltalie , mais divifdrent les Pro¬
vinces, les Villes, & les Families : & com-
me la Divifion des Etats Chrdtiens entre
plufieurs Princes qui ont toujours des intd-
rdts oppofez , ne leur permet pas de con-
courir unanimement h la gloire de l’Eglife,
& fon Ordre , & k fa Difcipline , qui ne
peuvent fe maintenir que par la frequente
aflemblde des Conciles, chaque Prince ne
pouvant pas en particulier obliger les Evd-
ques des autres Etats de fe rendre en un
lieu
(i) Bdrenger i. Roi On Tiran de 1 ’Italie, comments
I’an 888 ; & apres bien des revolutions il fut tue l’an
ft 4; 8: Be'renger II , autre Roi d’ltalie, ne comments
qua i’an 9So* & tegna feulement deux ans,
TOUCHANT LE St. SlEGE. 399
lieu indiqud, comme le pouvoientfaireles
Empereurs de Conftantinopie qui etoienc
les Maitres du Monde, il femble qu’en cet
Etat il foit plus naturel & plus aifd que la
Convocation en foitfaite parle Pape, done
I’Autoritd Spirituelle s’etend fur tout le
Chriftianifme ; & que les Princes Chre¬
tiens , par le Droit qu’ils ont de tenir la
main a J’exdcution des Conciles, faflene
leurs diligences pour obliger le Pape de le
Convoquerde dixans en dix ans, pourcor-
riger les abus qui fe gliffent ou dans la Foi
ou dans les Mceurs. Etant conftant que
jamais les H£r£iies de Luther & de Calvin
n’eMent fait le progrhs prodigieux avecle-
quel elles ont corrompu la moitid de l’Eu-
rope , C l’on avoit affembld un Concile
tous les dix ans depuis celui de Basle.
Mais il faut tenir pour vdritd tres-conC-
tante, que ce n’efi: ni la convocation ni la
confirmation du Pape qui fait la validity
du Concile Qeucumdnique, & quedequel-
que autorite que les Peres foient aflemblez 9
foit S6culihre, foit Eccl6fiaftique, pourva
qu’ils le foi ent au nom de J. C. fes Ddci-
lions font infaillibles; & tousles Fiddles,
mdine le Pape comme meinbre de l’Egli-
fe , font obligez fous peine d’anathdme d’y
obii'r. Puifque felon le temoignage deSt.
Grdgoire, on ne doit pas moins rdvdrer les
Ddcifions d’un Concile Gdndral que 1’E-
vangile mime ; & que quoique les quatre
premiers grands Conciles ayent conf-
tamment convoquez par les Empereurs, &
4*o Instructions Cath cliques
que jamais ils n’ayent dtd confirmez par
les Papes , il ne laifle pas d’avouer, tout
Pape qu’il eft, qu’il n’a pas moins de ve¬
neration pour eux que pour le Texte Sa-
ere.
Et ne doit-on pas avouer que ft Ton peutj
stiam Papa invito, malgrd le Pape lui-
mdme, affembler un Concile, lorfque par
exemple il s’agit de prononcer contre lui,
comme le Goncilede Pife futaflemble mal-
grd Gregoire XII. & Benoit IX & depuis
encore l’autre Concile de Pife malgrd Jule
II. & contre lui , k plus forte raifon on
n’a pas befoin de leur confirmation pour
les valider?
Voilk pour ce qui concerne les Conciles
Gdndraux qui s’affemblent, ou pour deci¬
der fouverainemenc un Point de Dodtrine
dttaqud par quelque Hdrdfie, ou pour re¬
former les Mceurs & la Difcipline de I’E-
glife, tant dans le Chef que dans les Mem*
bres, auxquels les Papes font eux-mdmes
foumis. 11 n’y a que les Conciles Oeucu-
mdniques qui ayent le droit & le pouvoit
de conftituer des Canons inviolables qui
fervent de rhgles pour la conduite de l’E-
glife Univerfelle, & qui donneht cette md-
me autorit£ aux Ddcifions des Conciles
Nationaux, lorfqu’ils les ont requs & ap-
prouvez; Car comme les Princes Tempo-
r.els ont 1’autorite de faire obferver dans
1’etendue de leur Domination les Conftitu*
tions Canoniques des Conciles ; Qua enim
ad publicam Bifciplinam fpedtmt, Regum ejl
TOUCHANT LE.ST. SlEGE. 4res contra omnes viri-
iittr nos tueri. Seem autem credentes fatuts Fy dementis re-
TOUCHANT LE St. SlEGE^ 415
ta tres-grande folie. Ce Pape outrd d’arro-
gance, apres s’dtre montrd en public re-
vdtu des Habits Imperiaux contre le paifa-
ge de la Lettre du Pape Nicolas, dont j’ai
parld ci-defliis, declara par fa Bulle extra¬
vagance , Unam SanSlam , que tout le
Genre Huriiaiu lui dtoit foumis. Mais con¬
tre une entreprife ft dereglde, l’Eglife Gal-
licane & tous les Etats du Royaume, ind-
branlables dans la puretd de la foi qu’ils
devoient a Dieu & & leur Monarque, s’op-
pofdrent vigoureufement k cet attentat, &
rappel interjette au futur Concile, fut affi-
chd k la Porte du Vatican; apres quoi ce
Pape brouillon & inquiet ne fut pas long-
tems fans porter la peine des troubles qu’il
avoit fi mal-Apropos caufez , & prevint
par fa mort la ddpofition que Philippe le
Bel avoit entrepris de pourfuivre. Mais
Clement V. cafla & revoqua tout ce que
ce Pape avoit fait contre la France & con¬
tre fes Libertez , & flechit le Roi, qui par
une juftice qu’il fembloit devoir it fon Etat
& a toutes les Couronnes, vouloit, mdme
apres
putamus. Datum Parifiui 8cc. On volt par cette Lettre
tres-energique & trcs-viye, de quelle maniere on peut
corriger & reprimer les exces d'un Pape qui fort des
homes de ion devoir a l’egard des Teres Couronnees ,
fans neanmoins manquer de refpedt au St. Siege. Louis
XI. Louis XII. Henri it. & Henri IV. ont bien ifu £e de-
fendre contre les infultes qui leur ont ete faites par
quelques Papes. Ils ont empeche que i’on ne pottat de
l’argent a Rome pour les Difpenfes & les Benefices. C’effi
le feul moyeft de reduire les Romains: ils ne font tots-
Chez que de la privation des fubfides pecuniaires,
4i 6 Instructions Catholiques
apres la more de Boniface, faire prononcet
fa condamnation.
Jule II. Gdnois, homme extrdmement
turbulent, & qui fembloic n’dtre nd que
pour la guerre , mic toute l’Europe en
armes, endoffa lui-mdme la cuiraffe , en-
tra par la brdche dans Cologne , com-
manda en perfonne le Siege de la Miran-
dole ; & aprds s’etre fervi de l’Epee de
St. Paul plus que des Clds de St. Pierre,
& avoir fufeied par fa mauvaife conduite
tous les Princes Chrdtiens contre lui, il
tut caufe qu’iis convoqudrent le Concile
de Pile oil il fut citd. Enfin , tournant
toute fa haine contre le Roi Louis XII.
ce fage & vertueux Monarque , dont la
pidtd & la bontd feront en dternelle vend-
ration, il lui fit reffentir les vjolens & vains
efforts de fa paffion, en abufant des fou-
dres de TEglife, & enveloppa dans cette
Excommunication frivole Je Roi de Na¬
varre, dont il eut 1’audace de mettre le
Royaume en interdit, & de le faire enva-
hir par le Roi d’Efpagne, qui fous ce vain
prdtexte ufurpa la meilleure partie de ce
Royaume, qu’il redent encore aujourd’hui
fans droit, fans raifon & fans juftice; Hen¬
ri d’Albret & Antoine de Bourbon ne s’b-
tant jamais trouvez en etat de pouvoir les
recouvrer, mais ayant laiffe k de puiffans
Monarques, leurs Succelfeurs,le droit per-
petuel d’y rentrer quand ils le jugeront k
propos.
Sixte V. & Grdgoire XIV. ont eu la tnd-
irie
TOUCHANT LE St. SlEGE. 417
me tdmbritd d’attenter au Temporel dc la
France, dont ils ont voulu renverfer les
Loix fonclamentales, pour fomencer la re¬
bellion des Ligueurs, & favorifer ouverte*
ment les entreprifes de la Maifon de Gui-
ze, qui avoic formd le deflein'd’dter la
Couronne a la Maifon de Bourbon, fous
un faux pretexte de Religion, & par l’ap-
pui du Roi d’Efpagne. Mais Dieu jufte a
toujours protdgd nos Rois contre les diffe¬
rences attaques des Papes, qui ont dchoues
l’un apres l’autre dans leurs deffeins perni-
cieux, toutes les fois qu’ils ont voulu at-
tenter quelque chofe contre la France.
CHAPITRE XXXIV.
Des Cinq Exemples apportez par Bellarmin
pour autorifer la pretendue PuiJJance des
Papes fur le Temporel des Rois , £?
Refutation du l.Exemple.
B Ellarmin, dont le Livre a dtd condam-
ne par Arrdt du Parlement de Paris
du 26. Novembre 1610. comme fdditieux,
& contenant des maximes faufles & ddtef-
tables, & des propofitions tendances k la
fubverfion des Puiflances Souveraines: Ce
grand Adulateur des Papes cite cinq exem¬
ples pour autorifer la pretendue Puiffance
Temporelle du Pontife fur les Rois Chrd-
dens. Celui de Grdgoire II. contre Ldon
Iconoclafte ,• de Zacharie contre Childd-
ric; de Grdgoire VII. contre l’Empereur
Henri IV; du Concile de Latran tenu en
Tome IF. DU saitf.
418 Instructions Catholiques
1216. par Innocent III; & d’Innocent IV,
au Concile de Lyon.
On peut !ui rdpondre d’abord *en gene¬
ral, qu’il ne s’agit pas de citer ce que les
Papes ont entrepris; mais qu’il faut prou-
ver qu’ils ont. dte bien fondez k l’entre-
prendre, & qu’on a foufcnt & approuvi
leurs entrepril'es. Car ce feroit de mdme
que fi pour prouver qu’il eft permis aux
Frangois de fe rebeller, & de fedonner d’au-
tres Rois que ceux qu’ils ont de la main de
Dieu , l’on apportoit pour exemple que
Cabocbe, miferable Ecorcheur dans Paris,
& le nommd Legras Marchand de Draps
a Rouen , ont fouffert pendant le terns af-
freux d’une ledition populaire, que des
Bouchers & des Artifans les ayent traitez
de Rois, donnant a l’un des Gardes, &
promenant l’autre fur un Chariot, & que
dela on voultit inferer que ces Bouchers &
les Artifans de la Harelle de Rouen ont eu
droit de difpofer de la Couronne.
N’a-t- on pas vu pendant les fureurs de la
Ligue & la chaleur des entreprifes de la
Maifon de Lorraine, un infame Bufly le
Clerc , l’un de leurs plus zelez fuppdts,
Ample Procureur, & l’un des feize, pro-
noncer un jugcment de mort contre le
Prefident Briflon, & le faire exdcuter avec
deux Confcillers du Parlement, & atta-
cher leurs corps a la Greve? Eft ce & dire
qtfe ces feditieux Quarteniers ont le droit
de juger a mort un Premier Prdfident du
Parlement?
On
TOUCHANT LE St. SlEGE. 419
On peut dire par comparaifon la mdme
chofe des Papes, cum Regna nofira fom¬
niant , lorfqu’ils. revent que les Royaumes
de la Terre font & leur difpofition; & tou-
tes les entreprifes qu’ils ont formdes pour
exciter & fornenter les rdvoltes des Peu-
ples contre Jeurs Souverains legitimes , ou
provoquer des guerres injures, ne font
pas des preuves qu’ils ayenc eu droit de le
fa ire.
Maisaufond, il eft fort aifd de rdpon-
dre a ces cinq exemples, & de faire voir
que Bellarmin les cite mal Apropos, puif-
qu’il ne peut en tirer aucune confluen¬
ce pour appuyer fes proportions tdmd-
raires.
A l’dgard du premier, il faut ou n’avoir
pas lu l’Hiftoire, ou prendre plaifir a la
ddguifer, pour dire que Grdgoire II. en-
treprit fur le Temporel de l’Empereur
Ldon; & en voici la vdritd. Cet Empe-
reur, infatud de l’Hdrefle des Iconoclaftes,
entreprit de faire brifer les images dans
toute l’dtendue de fon Empire, & envoya
un Edit en Italic pour exdcuter cette im-
pidtd. Le Pape exhorta fortement le Peu-
ple k ne point defdrer k cet Edit impie,
& ne procdda contre Ldon que pour le
Spirituel , & pour condamner fon Hdrd-
fie-.
Mais bien loin d’entreprendre quoique
ce foit fur le Temporel de la Gouronne
Impdriale, au contraire, comme il vit que
le Peuple animd vouloit fe rdvolter contre
Dd 2 Ldon,
420 Instructions Catholiques
Lbon,& lui fubftituer un autre Empereur,
en renongant au ferment de fidelity qu’il
lui avoic prdte, ce bon Pape employa tou-
te fon autorite Paftorale pour les contenir
dans i’obei'flance; fur quoi Platine dit, en
parlant de 1’obftacle que ce Pape apporta
par fes exhortations a l’exdcution de la
Bulie de cet Empereur: Qua cobortatione
adeo animati junt Italics populi, ut paulum
abfuerit quin alium Jibi deligerent lmperato-
rem , quominus autern id fieret autoritate fua
Gregorius adnixus eft: Les Peoples d’lta-
lie, dit il, furent tellement animez par les
exhortations de ce Pape, qu’il s’en falue
peu qu’ils n’euffent un autre Empereur;
mais Grbgoire par fon autoritb les empd-
cha de le faire. Ainfi, bien loin que ce Pa¬
pe, fage &z£lb pour la Religion, fe foie
laiiTd emporter a aucune entreprife fur le
Temporel de 1’Empereur, comme le fup-
pofe Bellarmin, il a au-contraire mainte-
nu fon autoritd, tout Hdrdtique & Difcole
qu’il etoit.
CHAPITRE XXXV.
Reponfe au 2 . Exemple de Zacbarie a I'egard
de Childeric.
Q Uant au fecond exemple, ce qu’on al-
Jegue entre Zacharie & Pdpin pour
1’abdication de Childdric, eft entieremenc
fuppofd. Et parce que cette Fable infame
de la prdtendue rdponfe du Pape fur la
Con-
TOUCHANT LE St. SlEGE. 421
Confultacion que I on die fauflement lui
avoir btb faite, a trouvb quelque crbance
dans l’efprit de piufieurs ignorans, qui
n’ont pas approfondi cette injure enorme
qu’on fair k la vertu de ce bon & fainc
Pontife; & que d’aiileurs cecte abdication
de Childbric, & l’elevation de Pepin an
Trone des Franqois, qu’il ufurpa contre
tout droic & juftice fur le lbgitime SucceF-
feur, eft un point des plus importans de,
l’Hiftoire mal connue & mal berite par la
plupart de nos Hiftoriens. II faut m’bten-
dre un peu davantage fur cet article, pour
dbfendre l’honneur du Pape, & confondre
1’infame impofture dont Eginhard & d’au-
tres aprhs lui ont voulu ternir fa memoi?
re.
CHAPITRE XXXVI.
Hijioire de VUfurpation de Pepin fur Chil-
diric fan Roi ligitime.
T Es Maires du Palais, fous les Rois de la
prbmiere Race, btoient quant au pou-
voir, ce que font aujourd’hui les Grands
Vizirs dans I’Empire Ottoman, Chefs de
la Juftice , des Armes & des Finances:
leur autoritb etoit mdme beaucoup plus
grande, en ce que non feulement ils n’b-
toient pas expofez aux facheufes deftinees
que la cruautb & la barbaric des Turcs a
rsndues ft familibres parmi ces Miniftres,
Dd 3 mais
4&2 Instructions Catholiques
mais parce qu’ils fe rendoient ce Majorat
herbditaire.
Leur puiffance s’accru't exceffivement
apres le Regne de Clovis II. depuis le-
quel prefque tous les Rois vinrent a la
Couronne en bas age , & la poffederent
peu de terns ;de forte que les Mairesmon-
terent a un tel point de grandeur , que
pour fe maintemr dans cette Dignite, ils
dferent bien faire entr’eux de fanglant.es
Guerres Civiles , tandis que les Rois par
leur enfance & leur foiblefle etoient hors
d’etat d’agir pour les reprimer.
C’eft ce qui a donnb lieu ii tant d’im-
pertinentes fables qu’on a ddbitdes tou*
chant leur prbtendue fainbantife, qui font
routes impoftures & fuppofitions ; ces
Rois n’ayant manqub de fe foutenir que
par le ddfaut de l’age ; & cette montre
ridicule de leur perlonne fur un char tire
par des Bceufs , n’etant qu’un menfonge
effronte de l’impofteur Eginhard fans veri-
tb ni Ians fondement.
Le Majorat etant tombd a Ebroi'n, horn-
me mechant, fuperbe, cruel & ambitieux,
11 fe vit expofb a d’etranges changemens
de fortune; puifque de Maire de la Neuf-
trafie, il fut enfermb dans un Cloftre, &
du Cloitre dtant rentrd dans le Miniltere, -
enfin, apres une infinite de traverfes, il
fut afiaflinb par le Comte Hermenfroi, qui
fachant qu’Ebroi'n avoit toujours eu pour
ennemi capital, St pour rival d’ambibon,
Ebpin
TOUCHANT LE St. SlEGE. 423
Pdpjn Hdriftel Maire d’Auftrafie, fe rdfu-
gia prds de lui.
Ce Pepin etoit un Prince adroit, politi¬
que, grand Homme de Guerre, & d’une
naiffance illuftre, puifqu’il defcendoit di-
reftement en ligne mafculine de Ferrdol
(1) Prefer du Pretoire,& Gendre de J’Em-
pereur A vitus. 11 ne manqua pas de profi¬
ler del’incident de la mort de fon Rival;
& pas un Francois n’dtant en etat de fe
croifer avec lui, il reunit en fa perfonne
Jes deux Majorats de Neufirafie & d’Aut-
trafie, qui etoient feparez depuis quelque
terns.
11 avoit epoufd Ple&rude, & en avoit eu
Drogon & Grimoald; & mdlant aux enga-
getnens de ce mariage les amours de la
belle Alpai's , il en eut Charles Martel &
Childebrand, & mourut Pan 7f4. fous le
Kegne de■ Dagobert III. A pres que Dro¬
gon fon fils-aine fut mort , & que Gri-
rnoald qu’il avoit ailocid au Miniildre efic
dte tud,ne laiffant qu’un fils nommeTheo-
dald, qu’avant fa mort il fit declarer Mai¬
re du Palais.
Charles Martel, fils d’Alpais, avoit alors
24.
(1) L’Auteur donne ici dans la fable au fujet de la
genealogie de Charles Martel. Il fuffifoir de fuivre les
Auteurs les plus cxa&s, qui font defcendre nos Roi*
Carlovingiens, de St. Arnould Eveque de Metz, qui eut
pour fils Anchife , pour petit fils Pepin de Heriftel,
pour arriere petit-fils Charles Martel, & ce dernier eut
pour fils Pepin ie Bref, qui fut pere de Charlemagne*,
c’eit tout ce qu’on peut dire de moins equivoque.
Dd 4
4M Instructions Catholiques
24. ans, & Pledtrude le tenoit enferme
dans une etroite prifon , de crainte qu’il
n’ufurp&t le Majorat fur fon neveu : mais
eomme Theodald etoit fort jeune & fans
experience, un nommd Rainfroi, profitanc
de la foibiefle du Mini fire, & de lajeuneffe
du Roi, excita une Guerre Civile , & n’a-
yant pas eu de peine a vaincre Theodald,
il s’etablit Maire du Palais.
Dagobert mourut incontinent apres a
Page de vingt ans, & ne laiifa qu’un fils
dans le berceau ndmm6 Theodoric; & dans
ce mdme terns Martel s’etant echappd de
prifon , leva des troupes contre Rainfroi,
qui pour fe donner contre lui un appui plus
fort que celui d’un Roi au berceau , tira
du Cloltre un Prince du Sang nomme Da¬
niel , coufin germain du Pere de Dagobert,
& lui ayant fait prendre le nom deChilpd*
Tie III. il l’dleva fur le Trdne, & fit la guerre
a Martel & a Pledtrude , qui eurent la pru¬
dence de fe reunir pour rcfifter & leur en-
nemi commun.
Martel, qui avoit une valeur extraordi¬
naire , prenant le pretexte de foutenir les
droits duRoi Idgidme contre Daniel, com-
battit & vainquit enfin Rainfroi, & l’ayant
oblige de fe contenter du Gouvernement
de 1’Anjou , fous le nom de Comte d’An¬
gers , il demeura maftre de toute la Fran¬
ce.
Daniel etant mort durant cette guerre
des deux Miniftres , qui dura cinq ans ,
Martel fit reconnoitre pour Roi le petit
Thdo-.
TOUCHANT LE St. SlEGE.
Theodoric, qui n’en avoit que fix;& lous
pet enfant gouverna la Monarchic avecun
pouvoir abfolu , qu’il fut poulfer jufqu’au
plus haut point d’autorite, par I'adreile de
fon efprit,& paries grandes vidtoires qu’il
remporta fur les Sarrazins.
Pour corable de fortune pour ce MiniF
tre puiffant, le Roi Thdodoric fon Mai.re
btant raort h l’age de 23. ans, Fan 737. ne
lai/fa qu’un fils au berceau , nomme Chil-
deric. Martel, qui mbditoit deji d’ufuro¬
per la Couronne , ou d’en frayer a fes fils
la poffeflion, ne fit point faire pour Chil-
deric la vieille Cdrbmonie de la Proclama¬
tion ; & laiffant la France dans une anar-
chie capable d’accoutumer les peuples k ne
plus reconnoitre leur Roi , il ne faifoit
dater les Adtes publics que par ces mots
Anno &c. pojl mortem Tbeodorici, l’An tel
apres la mort de Theodoric. Et les inti-
tulant de fon nom il y prenoit la qualite
de Maire, Due & Prince des Franqois, &
quelquefois celle de Subregulus , comme
on voit que lePape la luidonne dans quelr
ques Lettres.
Ayant ainfi gouvernd la France avec une
puifiance fouveraine & abfolue, il mourut
pendant cette anarchie Fan 741, & parta-
gea le Majorat entre fes deux fils Carloman
& Pdpin, qui pendant deux ans continue-
rent de gouverner fans faire reconnoitre
le Roi ldgitime , & prirent comme Martel
}e nom de Princes des Franqois.
Il ne faut pas douter que des-lors Pepin,
D d 5 beau-
4.16 Instructions Catholiques
beaucoup plus ambitieux que le bon &d£-
voc Carloman Ton frere, ne ddfirac paffion-
nement de monter fur le Trdne ; mais les
affections du people n’etant pas encore
difpofees k la revolution qu’il tramoit, &
]a vercu imegre de fon frere lui etant peut-
dtre un obftacle inmrmontable, il fe fitune
Ligue des plus Grands du Royaume en fa-
veur du petit Childeric; & quandte de Sei¬
gneurs, qui erivioienc la puiffance exceffi-
ve des deuxfreres, done jamais on n’avoit
pu troubler Turnon , entrerent dans cette
Ligue, & ayanc raalgre eux affemble les
Etats, ils y proclamerent Roi le jeune Chil¬
deric agd alors de 8. ans.
L’Anarchic dtant ainli finie ,Pdpio &Car<
loman continuerent leuradminiftrationfous
le nom du Roi; snais cinq ans apres, e’eft*
si-dire Tan 748 , Carloman pouffd d’une ve¬
ritable piete quita toutes les Grandeurs
Mondsines, & s’etant fait Moine au Mont
Caffin laiffa par fa retraite fon frere Pepin
feul Mairc du Palais, & feul Arbitre de la
Monarcbie Frangoife ; De forte qu’ayant
peu a peu pendant ces cinq annbes gagne
ceux qu’il croyoit les plus contraires a fes
deffeins , & la vertu de Carloman ne fer-
vant plus de contrepoids a fon ambition,
il relblut d’accomplir le projec qu’il avoit
depuis long-tems forme.
I! employa encore qustre anhees a difpo-
fer & amenager.les.plus fortes Tdtes de I’E-
tat. Enfin Tan 752. voyant que Childeric,
qui reftoit feul de tout le fang de Merovee,
avoit
touchant le St. Siege. 427
avoit 17. ans,& qu’aprochant del’age pro-
pre au mariage il pouvoit par la naiffance
d’autres Princes lui apporter de nouveaux
obftacles, il fc rdfolut de ne pas carder da.
vantage a franchir le pas , & ayanc faic af-
ferabler a Soiffons des Etats done il avoit
gagne les fufFrages, le malheureux Childd-
tjc, qui n’avoic d’aucres defauts que celui
d’une jeuneffe opprimee par 1’autorite d’un
SujeccroppuifFant,futinjuflement ddpouil-
Je de Pa Couronne , & renferme dans un
Cloitre, 011 l’annde fuivante il mourut; &
cotnme il etoit, ainfi que je l’ai dit, 1’uni-
aue Prince qui reftoit du Sang de Clovis,
Pepin par cecte more devint d’Ufurpateur
Roi legitime de la France, n’y ayanc plus a-
pres cecte more aucun Prince vivanc qui fife
en droic de luidifputer la Couronne, que les
fufFrages du Peuple lui avoient donnde.
C H A P I T R E XXXVil.
Que ce qu’on impute au Pape Zacbarie fur
le .fuietde Cbilperic , elt uue impoiiiire
manifejte.
I L ell done conftant, & l’on ne peut pas
difeonvenjr que cecte entreprifede Pepin
ne fdc trds-criminelle, & qu’il n’ait etd un
Ufurpateur, quicontre touc droit & juftice
avoit enjeve la Couronne a fon Maitre.
Voyons maintenant ce qu’on impoFe fauf-
femenc au bon Pape Zacharie pour le ren-
dre complice dece crime, & de quelle ma-
nidre
428 Instructions Catholiques
mere on a tilTu cette impertinente calom*
nie,qui noircit la mOmoire d’un Fapedont
la vertu Ocoic incapable de l’infame Rdpon-
fe qu’on fuppofe qu’il a faite fur ce fujet:
& ce qui eft dtonnant , c’cft qu’une fable
fi groilidre ait trouvd des Efprits fi crd-
duies, que les Iiiftoriens Frangois l’ayent
avalee comme l’eau ; & que des Theolo-
giens mdme donnans dansce piege, s’alam"
biquent l’efprit a ergoter dans les Ecoles,
pour chercher des folutions & des inter¬
pretations a ce faux trait de Pofitive, com¬
me fi effe&ivement ce Pape avoit fait cec¬
te rdponfe , dont il eft bon qu’enfin une
fois tout le monde foit defabufe, & qu’on
fache que ce n’eft qu’un menfonge impu¬
dent.
Voici de quelle maniere on conte cette
ridicule fable. On dit qu’en Tannde 749.
Burchard Evdque de Wirtzbourg, & Fulrard
Chapelain , c’eft- k - dire Grand Aumdnier
de France , furent envoyez & Rome pour
interroger le Pape Zacharie, favoir , De
Regikus in Francid, qui illis temporibus non
habentes Regalem potefiatem , fi bene fuif-
fet an non: Pour 1 'interroger , dit cefotAn-
ualifte, toucbant les Rois de France, qui dans
ce tems-ld n’avoient pas la puijjanoe Royale ,
Ji cela etoit bien ou non. bur cette deman-
de impertinente, qui n’a ni fens ni raifon,
& indigne d’dtre faite a un Pape , on fait
fairea ce Pape unerdponfe la plus ridicule &
la plus deraifonnablequi ait jamais dtd faite.
Melius ejje Regem apud quern fumma Potef-
tas
TOUCHANT LE St. SlEGE. 429
tas confijteret. Qu'il eft mieux que celui-Id
Joit Roi cbez lequel refide la plus grande auto-
riti: ou comme dit 1’Annalifte, Ut melius
ejjet ilium Regem vocari qui poteftatem babe-
ret , quarn ilium qui fine Regali poteftate ma -
neb at , ut non conturbaretur or do : C’eft
dire , que pour ne point trouhler I'ordre , il
valoit mieux maimer Roi celui qui en avoit
la puijjance entre les mains , que de laijjer Roi
celui qui ne pojjedoit pas la puijjance Roya -
le.
De bonne foi, un Pape peut-il pronon-
cer une maxime fi contraire a la juftice &
au bon fens? Eft - il poffible que des Ecri-
vains qui ont une once de jugement,&que
Bellarmin, qui d’ailleurs avoit de la raifon,
aitdtd capable d’imaginer, ni qu’on ait ja¬
mais fait une pareille demande & un Pape,
ni qu’un Pape aufll fage , auffi bon chrd-
tien, & aulli dquitable & faint qu’dtoitZa-
charie , ait dtd capable de repondre une
chofe G depourvue de juftice & de bon
fens?
Car enfin,G ce qu’on fait dire a ce Pa¬
pe dtoit une maxime recevable,il ne fau-
droit plus de Rois Succeffifs, la porte fe-
roit ouverte a la violence d’un Ufurpa-
teur; & des-qu’un Roi, ou par fon enfan-
ce, ou par une infirmitd qui peut lui fur-
venir , telle que fut celle de Charles VI.
n’auroit plus pour lui que le nom de Roi &
fon droit , & qu’un Sujet pufffant auroit
ufurpd une autoritd abfolue, il faudroitfui-
yant la rdponfe de ce Pape ddgraderle Roi
430 Instructions Catholiques
legitime, & placer au Trdne le crime qui
fe feroit rendu le plus fore. N’eft*il pas
horrible de faire prononcer a un faint Pape
cette raaxime abominable , & fur laquelle
il n’y a point de Miniftre ambitieux qui ne
foit en droit de detroner fon Maitre? Point
de Gendre appuye d’un Peuple Rebelle qui
ne depouille avec juftice fon Beaupdre:
Point de Guillaume de Naftau qui n’ait rai-
fon de femettre a la place dejaques Stuart;
puifqu’il n’y auroit qu’a rbpondre comme
Zacharie, - melius eft ilium Regem vocari qui
potejlatem babet, ut non conturbetur ordo.
Pour delTtllcr une fois les yeux a tous
ceux qui fe font laiflez abufer par cette fa¬
ble , il faut remonter a la fource, & cher-
cher qui en eft le premier auteur, & quels
motifs Pont engagb a l’inventer. 11 ne faun
point s’amufer a rdfuter les Modernes , ni
mdme nos Hlftoriens Franqois les plus fa-
Hieux , qui fans jugement ni reflexion ont
aveuglement donnd dans cette fuppoftion :
car comme ils n’ont parld qu’apres les An-
ciens que cite BeHarmin, & mdme que tous
ces Anciens qu’ii cite au nombre de feize,
ontpuifd cette Fable dans Eginhard & dans
I’Annalifte de Loifel qui ont ecrit fous Char¬
lemagne , en rdfutant Eginhard ont refutd
tous ceux qui ont dcrit fur fa bonne foi.
Eginhard etoit Chapeiain!& Crdaturejde
Charlemagne, dont il a ecrit la Vie. Tou-
te fon attache n’a dtb que de fuppofer fauf-
fement une infinite de fables pour abaif-
fer les Rois de la Race Mdrovingienne 5
qu’ii
TOUCHANT LE St. SlEGE. 431
qu’il a fait malicieufement pafter pour des
laches & des faindans, afin de colorer &
d’excufer autant qu’i! feroit poffible 1’at-
tentat crirainel de 1’Ufurpation de Pdpin.
Celt dans cette vue queparune ignoran¬
ce ridicule il donne de la barbeadesEn-
fans de 8. ans, & des Enfans a ceux qui
n’etoienc pas nds , & qu’il noircit d’op-
probres de jeunes Princes qui n’ont eu
pour tout defaut qu’une vie trop courts
pour faire connoitre leurs vertus. C’eft
par cette meme malignite d’efprit qu’il a
invente cette ridicule Promenade des Rois
dans un Char tird par des Boeufs le prd-
mier jour de Mai, & leur retraitc obfcu-
re dans le Chateau de Mamaca qui n’a ja¬
mais etd ; puifque dans le terns qu’il en-
ferme ces Rois dans cette folitude ima-
ginaire , on fait voir par les Auteurs Con-
tefnporains qu’ils dtoient a la tdte de leurs
armdes, ou dans d’autres opdrations telles
que leur age le pouvoit pennettre.
Cette malice d’Eginhard regne vifible-
ment dans tout le cours de fon Ouvra-
ge; mais quand il a voulu parler de {’ab¬
dication de Childeric , il a cru qu’il dif-
culperoit entierement Pdpin s’il rendoit le
Pape complice de fon attentat , & il l’a
fait avec fi peu de circonfpe<3:ion,& avec
un anachronifme fi rempli d’ignorance ,
qu’il dit que Childdric fut ddgradd par le
commandement du Pape Etienne : Juffa
Stepbani Romani Pontificis exauctoratus : &
cependanc Pdpin etoit proclamd Roi avant
qu’E-
432 Instructions Catholiques
qu’Etienne fut Pape ; puifqu’il n’a dtd Pa¬
pe, dlu dans Rome , qu’ii la fin du mois
de Mars de Pan 752 , & que la proclama¬
tion de Pepin fu l faite des le premier de
Mars.
II efi mdme fi mauvais Chronologifte,
quoique prefque contemporain , qu’il dit
que Pepin regna 15. ans depuis que Chil-
ddric fut tondu. Or Pepin mourut au mois
de Septembre Pan 768 , &fut proclamd au
mois de Mars Pan 752 , qui font feize ans
& demi. Ainfi l’on voit le peu de creance
que mdrite cet Auteur fabuleux. Et com¬
ment diroit-il quelque chofe de certain du
Regne de Childdric & de Pdpin , lui qui
s’avoue fi ignorant & fi peu verfd dans la
le&ure , qu’ayant entrepris d’ecrire l’Hif*
toire de Charlemagne , il dit qu’il ne dira
rien de fon enfance ni de fajeunefle;parce
qu’au moment qu’il bcrit, il n’y a p’us de
perfonne vivante qui pflt lui en rien dire?
JVec quifquam modo fuperejje invenitur , qui
horum fe dicat habere notitiam. Qjii que ce
/oit, dit-il, ne fe trouve qui puiJJ'e dire en
avoir connoijfance . D’oh 1’on peut juger
fur quels beaux Mdmoires il avoir comp’Id
fon Hiltoire, & parld des chofes anterieu-
res.
Ces remarques fuffifent pour montrer le
peu de foi que mdrite Eginhard fur le fait
de cette abdication, non plus que l’Anna-
lifte de Loifel, qui quoiqu’il l’ait copid ne
l’a pas ndanmoins fuivi dans le contretems
d’Ecienne. Mais examinons maintenant
cette
touciiant ie St. Siege. 433
Cette prdtendue reponfe du Pape par elle-
mdme, pour en montrer l’impertinence, le
ridicule, & la fuppoficion.
CHAPITRE XXXVIII.
Examen de la pretendue Reponfe du Pape Za -
cbarie par elk-mime.
T ’Inventeur de cette fable die qu’on en-
voya des Ambafladeurs pour interroger
le Pape touchant les Rois de France qui
n’ont pas une puiffance Royale , Si cela,
etoit bien ou non ; fi bene fuiffet an non. Sup-
pofe qu’on eht fait au Pape cette demande
ridicule, qu’eft-ce que le Pape , ou tout
autre homme de bon fens , eftt repondu?
II auroit dit farrs-doute non bent fuijjes, que
cela n’itoit pas bien ; parce qu’il elt contre
1’dquite que les Rois n’ayent pas 1’autoritd
Royale. VoilA la rdponfe d’un Chrdtien,
d’un Pape, d’un Juge,d’un homme de bon
fens, d’un homme fage, d’un homme jufle
comme dtoit Zacharie. Mais que lui fait-
on rdpondre? une rdponfe de fou , d’in-
fenfd, d’homme inique, fans raifon, fans
jugement: Pour ne pas troubles I'ordre , lui
fait-on dire , ne conturbaretur ordo, il vaut
mieux nommer Roi celui qui en a ufurpe Ice
puijjance fans aucun droit , que de laiffer Roi
celui qui en a le droit 6? qui n’en apas l'autorite.
Melius ejje ilium, vocari Regem qui poteftatem
haberet , quam ilium qui fine Regali potefiate
manebat. Y eut - il jamais rdponfe fi im-
Tome IV. Ee per-
434 Instructions Catholiques
pertinence, (I inique,fi contraire auxLoix
Divines & Humaines? —
Pour ne pas troublerl’ordre, dit-il. Quel
eft l’ordre? C'eft ce me femble de confer-
ver h chacun ce qui lui appartient de droit,
& de laiflef la Couronne & celui & qui le
Sang & ia Loi de 1’Etat l’ont donnde. Ce-
pendant on impofe a ce bon Pape d’avoir
dit, que pour conferver 1’ordre il faut 6ter
la Couronne a qui de droit elle appartient,
& la dorner a celui qui abufant du basage
de fon Roi en a ufurpd Pautorite. Peut-
on noircir un Chrdtien d’une calomnie plus
horrible que celle qu’on impofe & ce bon
Pape?
Mais Gratian & fa Glofe qui ont enchdri
fur l’Annalifte & furEginhard,ajoutentune
calomnie bien plus impertinence,lorfqu’ils
difent que cette Ambaffade fut envoyde au
Pape pour lui expofer que Childdric d*
toit un homme corrompu de debauches,
& perdu avec les femmes , DiJJolutus cjirn
mutieribus £? effceminatus. Or l’Annalifte
dit que cette Ambaffade fut envoyde&Za-
charie en l’an 749 , & en Pan 749 Childd-
ric n’avoit que 14. ou 15. ans tout au plus,
Peut-il done tomber fous le fens qu’un Roi
etant dans un Age ft tendre , un Peuple
g uiffe former une pareille accufation, qu’un
apel’aitdcoutee,& que fans oufr ce jeune
Prince dans fes juftes ddfenfes ,il l’ait con-
damnd & jugd digne de perdre fa Couron¬
ne , parce qu’on lui dit qu’k Page de 14.
ou 15 ans diffolutus erat cum muHeribus,
TOUCHANT LE St. SlEGE. 435
il dtoit diffolu avec les femmes ? N’eft-ce
pas fe moquer da Peuple, da Pape, & de
route la Pofterite , d'dfer dcrire des i'otti-
fes de cetce nature? C’eft cependant Gra-
tian, c’eft fon Gioflateur , 6c c’eft aprds
eux un Baronius & un Bellarmin, hommes
d'erudition , qui ont donne cette rdverie
pour une preuve decifivede leurfentiment;
parce qu’ils ont cru qu’elle flattoit ce droic
imaginaire du Pontife fur les Couronnes;
& ils ne feignent point de deshonorer
un faint Pape, pour donner un foible appui
a une mdchante caufe.
Mais ce qui confond abfolument cemen-
fonge, c’eft le filence des Hiftoriens con-
temporains qui ont dcrit la vie du Pape
Zacharie, Anaftafe lui-meme I’a dcrite en
Profe , Flodoard l’a derite en Vers , de fa-
vans Benedictins les ont commentdes, &
cependant pas un feul ne dit un mot de
cette prdtendue Ambaflade, ni de cet ini-
que jugement par lequel on veut qu’il ait
condamne un jeune Roi prefqu’enfant a
perdre une Couronne qui lui appartenoic
par le Sang, par la Nature, & par la Loi
de l’Etat , pour la faire pafler a un Sujet
dont le Pere & l’Ayeul avoient etd plus
d’une fois accufez de crime d’Etat & de
confpirations pour ufurper le Trdne. O'u
eft la Juftice, oil eft la Religion? Souffrez
Bellarmin, fouffrezque nous appellions de
cette calomnie, ii la prudence, k la pidtd,
& it la faintetd de Zacharie, incapable d’a-
voir fait une pareil'e chute.
II
43 6 Instructions Catholiques
11 ne fauc done point rejetter fur ce Pa¬
pe ce crime d’Etat, il n’en a jamais dtdle
complice; &l’on n’en doit accuferque l’am-
bition dePdpin, qui confomma ce que fan
Pere & fon Ayeul avoient projettd. 11 fe
voyoit dans un age floriffant de 38. ans,
il avoir deux enfans de grande efpdrance,
fon frere Carloman s’dtoit retire dans un
Cloitre,la France etoit paifiblepar fes vidtoi*
res, & par celled de fon Pere. Childdric for-
toic a peine de l’enfance , & n’dtoit point
marie, & c’dtoitle feulPrincequi reftoitdu
Sang de Mdrovee. Il poffddoit de Pdre en
Fils la principale Charge de l’Etat, qui lui
en dOnnoit la fuprdme adminiftration. Il
avoit acquis par plufieurs grandes adtions,
non feulement beaucoup de gloire , mais
les affedtions de tout le Peuple. Il ne lui
manquoit plus que le nom de Roi. Il crut
done qu’il dtoit terns de franchir le pas ,
& que le Roi avangant en dge,fe mariant,
& ayant des enfans , il pourroit ddtruire
fon projet. C’eft ce qui lui fit confommer
l’entreprile par les fuffrages des Etats qu’il
avoit corrompus: mais cela fe fit fans au-
cune participation du Pape.
Je me fuisun peu dtendu fur cette fecon-
de preuve rapportde par Beilarmin ; parce
que ce fait eft fi important pour 1’Hiftoi-
re de France , que je n’ai pas cru devoir
le patter legdrement ; & qu’il eft une foi*
necefiaire d’inftruire h fond les Frangois
touchant cette fuppofition , dans laquelle
une
TOUCHANT LE St. SlEGE. 437
une infinite de perfonnes ont donne tdte
bailfde & fans reflexion.
CHAPITRE XXXIX.
Reponfes dux 3.. autres Exempies citez par
Bellarmin.
P Our ce qui eft du troifikme exemple qui
concerne Gregoire VII,fa conduite eut
des fuites fi funeftes , & fon entreprife eft
ft univerfellement bl&tnde, qu’il ne fautque
lire le Livre Be Difcordid Regni & Sacer-
dotii , & l’Epitre du Clergd de Libge au
Pape Pafchal (1), pour voir en quelle exe¬
cration doit 6tre A toute la Chrdtientb la
mdmoire de ce Pape aufli brouillon & aufli
turbulent.
Quant au Concile de Latran tenu par In¬
nocent III. les bons Hiftoriens demeurent
d’accord qu’il fut dilfous avant que d’y rien
conclure. Platine lui-mdme dit : Venire
multa in confultationem, nec decerni quicquam
aperlk potuit. L’on mit plufieurs cbofes en
deliberation, mais rien ne fut conclu. Ainfi
ce ne fut point en vertu de ce Concile que
Edmond Comte de Touloufe Prote&eur
des Albigeois fut depouilld de fes Etats ,
xnais il le fut par 1’autoritd & par les armes
de Philippe-Augufte.
Et
(1) Nous avons cru devoir joindro cette Lettie a la fin
de ce Volume , comme des plus beaux monumens du
XII. Siccte.
Ee 3
438 Instructions Catholiques
Et pource qui eft du Concile de Lion,
dans lequel Innocent IV , de la Maifon des
Comtes de Fiefque , dbclara l’Empereor
Fredbric H. dbchu del’Empire,il eitconf-
tanc que ce ne fut qu’une paffion pardcu-
Jiere , Saint Louis qui fe trouva au Con¬
cile ayant fait fon poffible pour ajufterce
differend. L’Hiftoire dit, quod cum Papa
■ ereSta cervice rcfutaftfet , Rex Francorum
iratus L? indignatus eft, e'o quod bumiliia-
tem quam Jperavercitin Jervo fervorum Dei
-non reperiftet: Que le Pape en ayant avec
orgueil refufe les proportions, le Roi en
fut irrite & indigne, ne trouvant pas dans
le Scrvitenr des Serviteurs de Dieu l’humi-
lite qu’il efpdroit.
Mais une raifon invincible que les Pa¬
pes n’ont aucune puiflance diredte ni in-
diredle fur le Temporel des Rois par la
yoie de leursFoudres fpirituels, c’eft qu’il
faut faire un railonnement egal , & tirer
de parodies confluences des Excommu¬
nications des Evdques a celles du Pape.
On doit comparer les Biens propres des
Particuliers avec les Etats qui font poffb-
dez par les Princes a titre de fucceftion
ou autrement; parce que l’effet de l’E^j
communication eft bgal, tant a i’bgard des
fevbques qui font bgaux aux Papes dans
le pouvoir de lier & de delier , qu’a re¬
gard des Rois & des Sujets qui font bga-
lementChrdtiens: Nulla enim eft apudDeum
acceptio perfonarum: Parce que Dieu ne dip-
tingue point les qualitez des Ur bonnes. Or
TOUCHANT LE St. SlEGE. 439
les Canomftes n’ont jamais die que les E-
vdques foient en droit de difpofer duTem-
porel ni des Princes, ni d’aucun Particu-
lier. Done le Pape, qui n’eft pas plus E-
vdque que le moindre de tons les EvS*
ques, ne peut point le faire. Car demd*
me que le dernier des Prdtres confacre le
Corps de J. C. avec autant de realite &
de dignite que fi le Pape le confacroit ,
& que le dernier des Pretres confere !e
Batdme avec autant de graces que le Pa¬
pe le confdreroit; auffi le moindre Eve*
que lie & ddlie avec autant de puiffarree
que le Pape , puifque J. C. a donnd une
puiffance digale de Her & de ddlier a tons
les Apdtres. En forte que fuivant la de-
cifion des Peres d’Afrique au Concile de
Carthage, & leur Lettre au Pape Cdleftin,
nul Evdque, non pas meme le Pape, ne
peut recevoir a fa Communion celui qu’un
autre Evdque en a iepard ; parce que le
Corps de j. C. & celui de fon Eglife n’e-
tant qu’un, on ne peut pas y dtre admis
d’un cote & exclu de l’autre. Si done
I’Excommunication d’un Evdque a autant
de force que celle du Pape , fi St. Am¬
brose a excommunid i’Empereur Thdo-
dofe avec autant de puiifance que le Pa¬
pe Grdgoire excommunia FEmpereur Ldon
Iconoclafte , il e(l d’une confequenCe in*
dubitable que comme un fimple Evdque
renfermd & circonfcript dans le Spiritual
n’a point d’autoritd fur le Temporel ni
d’aucun Prince, ni d’aucun Particulier, le
Ee 4 Paps
440 Instructions Catholiques
Pape n’en peut pas non plus avoir ni fur
les Couronnes des Rois , ni fur. les Biens
des Sujets.
CHAPITRE XL.
Riponfe d deux autres Pajjages de VEcrituri
citez par Bellarmin.
F JN dernier Argument ridicule qu’appor*
te Bellarmin aprds Boniface VIII , &
ies autres Canoniltes, c’eft la mauvaife ap¬
plication de 1’incident des deux dpdes dont
les Apdtres s’etoient munis lorfqu’ilsfurent
manger la Paque avec le Seigneur : ils in¬
terpretent ces deux epees du glaive Mate¬
riel & du glaive Spirituel , pour chercher
du myllbre dans une chofe oil l’Eglife n’en
demande point.
Si les Canoniftes avoient trouvd dansI’E*
vangile queSt. Pierre efitmis ces deux glaR
ves afon cdtd,que d’argumens n’en auroient-
ils point tird en faveur du Pape? Maispar
malheur pour leur raifonnement,ces deux
glaives dtoient egalement matdriels; & non
feulement il paroit vifiblement par l’Ecri-
ture que St. Pierre n’en porta qu’un au Jar-
din des Olives , & que l’autre etoit portd
parquelqu’autre Apdtre; mais on voit qu’a-
yant voulu s’en fervir pour frapper un mi-
fdrable Valet du Pontife, Jdfus lui recom-
manda de remettre ce glaive matdriel dans
le fourreau, & lui en ddfendit l’ufage par
la menace de la peine du Taliom Ainfi
ten?
TOUCHANT LE St. SlEGE. 44 s
tout ce que Boniface & fes Canoniftes ga-
gnez ont voulu dire fur ce prdtendu myitb-
re des deux glaives n’eft que des chimeres,
dtantde la dernidre impertinence des’ima-
ginerquej. C.leur a donnb le droit d’exer-
cer c'ontre les Rois ce glaive matdriel, lorf-
qu’il n’a pas voulu que St. Pierre l’exerg&t
contre le Domeftique de Cai'phe.
Quant au Paflage de Jdrdmie , Confiitui
te bodie fuper Reges cf Regna , dont Boni¬
face a voulu appuyer & a chamarrb fa Dd-
cretale Extravagante, Unam SanElam , &
toutes les autres autoritez de l’Ecriture qui
attribue a J. C. un empire abfolufur tout
1’Univers , il y a bien de la tdmdritd d’en
faire l’application au Pape , par une confu-
fion impie du Crdateur & de la crdature ,
de la Majeftd Divine & de la baffeife hu-
maine, de J. C. Dieu & Homme impecca¬
ble, & du Pape pur & Ample homme, &
fouvent trbs-grand pdcheur. Ainfi tous ces
Paffages , Ego conflitutus fum Rex ab ceter -
no , Je fuis dcabli Roi de toute dternitd :
Dabit ei Dominus fedem David , Dieu lui
donnera le Siege de David : Regnabit in
csternum , il regnera dternellement; tout
cela ne s’applique qu’au feul J. C. le Roi
des Rois, & le Maitre abfolu du Monde;
mais nullement au Pape, dont la puifTan-
ce fubordonnde h celle de 1’Eglife fe rdduic
purement au Spirituel.
442 Instructions Catiioliques
CHAPITRE XL I.
'Recapitulation de ce qu’ejl le Pape fpiritueU
lement 6 ? temperellement.
D E tout ce que je viens de dire &
prouver, I’on peut en tirer une con'
not/fance parfaite de ce qu’eft le Pape cant
au Temporel qu’au Spirituel, &. quelle eft
en l’une & en l’autre ue ces qualitez l’eten-
due de fa Puifiance.
Quant au Temporel e’eft un Prince qui
pofiede fouverainement des Etats contldd-
jables, qu’il dent uniquement de la libe-
ralitd des Rois de France, qui par confe-
quent ont fur la Ville de Rome, &. fur le
Patrimoine de St. Pierre, un droit de Patro¬
nage & de Protection qui les diltingue de
tous les Potentats Chretiens, coaime je le
ferai voir tout prdfentement.
Et A 1’egard du Spirituel, il eft fans-pon-
tredit le premier des Evdques & le Chef
Miniftdriel que Jdfus ■ Chrilt a mis a la
tdte de cet Etat Ariftocratique pour en
marquer 1’Unitd; mats il n’a pas plus de
part a l’Epifcopat que les autres Eveques
les freres, qui font dgalement les Vicaires
de Jefus-Chrift, les Succefleurs des Apo-
tres, les Palteurs des Quailles , les Fonde-
mens de 1’Edifice, & les Ddpofitajres des
Cles, qu’ils tiennent du Chef Effentiel de
i’Eglife & non pas de fon Chef Miniftdriel,
ainfl que leur Miffioa & leur Autorird,
TOUCHANT LE St. SlEGE. 443
independamment da Pape, fi ce n’eft pour
en reconnoitre la Primautb.
On voit auffi que les Bulies du St Sib-
ge ne font point abfoiument nbcelTaires
pour autorifer les Elections (1) ou Nomi¬
nations des Evbques. Que le Pape comme
Pape n’elt point perfonnellement infalli¬
ble ni en Fait ni en Droit, & que 1’infail-
libilitb a dtb donnee a 1’Egliie i'eule legi-
timement affemblee au nom de Jelus-
Chriil. Que le Concile eft inaubitable-
ment fupbneur au Pape. Que c’eft un Ar¬
ticle de F 01 decidb par le Concile deConf-
tance, que le Pape doit obeir It l’Eglifo,
* ■ qui
(1) Quand les Fapes refnfent en France de donner das
Bulles aux Eveques, on fait prendre des mefures pour
letnediet a cer inconvenient. Henri II. fe defifta pout
un terns du Concordat. Henri IV. notnraa des Econo-
mes temporels, & le Chapitre des Vicaires Generaux.
Mats feu Mr. le Due d’Orleans fit bier, mieux. Quand
il vit que le Pape au commencement de fa Regence
vouloit refufer des Bulles, il ne fit pas autre cliofe que
de nommei des Dues Sc Pairs Sc des Matechaux de
France pour examiner les voies qu’on pourroit prendre
pour fe pallet des Bulles de Rome. Le Pape, qui vie
qu’on allott traiter militairement une tnatiete Ecciefiaf-
ttque, ne fe le fit pas dire deux fois, Sc envoys auffi-
rot les Bulles qu’on lui demandoit. Mais un moyen
bien court en cette matiere, leroit qu’a la mort d’un
Eveque , le Roi , pout la prochaine Elefiion feule-
ment, (e defiftat du Concordat, qui eii un Contrail fait
uniquement en fit faveut pout retablir pour cette fois la
Pragmatique ou le Droit d’Ele&ion, en recommandanc
neatimoins ie Sujet Eligible. Comme c’eft une voie Ca-
nontque, il n’y a point d’Eveque qne ne facrat le rtou-
vel Elu. Et J’on vertott que Rome ne tardetoit point
a env. yer des Bulles, tant elle ctaiut le retabliflcmeiK
des Elcftions.
444 Instructions Catholiques
qui eft etablie de Dieu un Tribunal Sou.
verain pour recevoir l’appel de les injufti-
ces, & qui pent le corrjger & mdme le
ddpofer. Que foutenir le contraire, c’eft
au fencimedc du Pape Pie II. lui-mdme,
dtre Herddque formel. Que le Pape doit
adminiftrer les _Cles conformdment aux
Canons de 1’Eglife , dontil ne peuc chan*
ger un leul Ioca, ft le Concile ne lui en a
referve les Difpenfes en certains cas. Qu’il
ne lui appartient pas de droit de convo*
quer les Conciles, mais que ndanmoins en
1’dtat que font aujourd’hui les Principautez
Chrdtiennes, il eft plus convenable & plus
aifo que la convocation s’en faffe en fon
nom, non pas de droit, mais pour la com?
moditd publique ; & que c’eft aux Princes
h les demander, & a obliger le Pape de les
convoquer de dix ans en dix ans, & eux*
mdmes de concert les alTembler s’il refufe
ou ndglige de le faire. Que le Pape ne peut
.ni transfdrer, ni prolonger , ni diffoudre
un Concile affemble, & que fa confirma¬
tion eft inutile pour 1’autorifer. Que les
Princes Temporeis ont droit de tenir la
main & l’exdcution des Conciles, auxquels
ils doivent afllfter en perfonne, ou par
Ambafladeur. Et qu’enfin le Pape n’a aucun
droit ni diredt ni indirect fur les Biens
Temporeis des Princes, ni d’aucun Pardcu-
lier, fi ce n’eft pour la levde des Impdts
dans les Etats qu’il poffode en Souveraine-
td : mais c’eft en fa qualitd de Souverain
somme ies, autres Rois fur leurs Sujets,
TOUCHANT LE St. SlEGE. 445
& non pas en qualite de Papes & d’Evd-
ques.
CHAPITRE XLII.
Du Droit de Francbife du Qiiartier qui ap •
partient au Roi de France , d I'exclufion
des autres Potentats.
L E Pape dtant ainfi connu dans les vdri-
tables circonftances de Ton pouvoir, il
eftdtonnant qu’Innocent XI. ait entrepris,
cotnme Prince Temporel & Souverain de
Rome , d’bter aux AmbaiTadeurs du Roi
de Prance un droit d’honneur dont ils font
en pofftfllon de terns immemorial, & qui
de droit & par titre autemique appartient
a cette Couronne, privativement k tous les
sutres Potentats du Monde.
Je dis en vertu d’un Titre autentique,
& non pas par une fimple Poflefiion; puiF
que le Roi de France eft Patron du Patri-
moine de St. Pierre, comme l’ayant don-
nd gratuitement & libdralement au St. Sid*
ge, tant en Domaine qu’en Principautd,
par les bienfaits de Pdpin, de Charlema¬
gne & de Louis le Ddbonnaire, qui par le
titre de Donation & de Confirmation s’efl
expreflfdment rdfervd le Droit de Patrona¬
ge, en fe rdfervant la protection particu-
liere du St. Siege & des Biens donnez, &
xdfervd en termes exprds ce Droit de Fran- 1
chifes a l’egard de ceux qui dtant pourfui-
vis par la Juftice du Pape auroient recours
au
446 Instructions CatHoliques
au Roi de France, & fe jetteroient entre
fes bras, pour implorer l'on interceflion:
ce qui ne pourroic dtre execute, li la Mai-
fon de fon Ambafladeur n’dtoit un azile
impenetrable aux Officiers prdpofez pour
arrdter ceux que l’on pourfuit comme cou-
pables.
Ilnefaut point ici que les Flatteurs du
Pape, ou ceux qui n’ont pas penetre ce
Droit de Franchifes, prennent ce que je
dis pour un paradoxe, lor/'que j’avance que
ce Droit eft etabli par bon titre: & afin
qu’on voie que je n’impofe point lorfque je
1’avance, voici fur ce fait important les
propres termes de ce grand & illuftre Ti¬
tre , confervd dans le Vatican, rapporte
par Baronius, par Baluze (i), & par une
infinite d’autres cdlebres Auteurs.
Et premierement a regard de la rdferve
du Droit de prote&ion particuliere du St.
Siege, voici ce qu’il dit: Omnia qua fupe-
rius leguntur , id eft Provincial, Civitates ,
Urbes , Oppida , Caftella , Territoria , Pa-
trimonia, atque Infulas , Cenfus , & Penfto-
nes Ecclefice Beati Petri Apoftoli & Pontifici -
bus in Sacratiftimd illius Sede in perpetuum
reftdentibus, in quantum pojjumus defendere
ms promittimus. Toutes ces chofes ci-defius
expliquees, c’eft-a-dire ces Provinces, Ci-
tez,
(i) Cette 1 ‘iece eft imprimee par !e Cardinal-Baromus
Tom. IX Anr.alium Eccleftaft. ad Annum 817, n. 10. &V.
& par Mr, Balufe Tom. I. Capitular. Reg. Franc. Columni
591. £re.
TOUCH ANT LE St. SlEGE. 447
tez, Villes, Bourgs, Chateaux, Territoi-
res, Patrimoine , lies, Revenus, & Pen-
lions donnbesa l’Eglife du BienheureuxSt.
Pierre Apdtre, & anx Pontifes qui rdfide-
ront a perpetui'td dans fon trds-facre Sie¬
ge , Nous promettons de les difendre autant
qu'il nous Jera pojjible.
Et enfuite il explique comment ce Droit
de ddfenfe & de protection s’etend fur les
Sujets du Pape qui auront recours & fon
interceffion, & qui cherchent un aziie en-
tre fes bras, ce qui eft le Titre forme! qui
dtablit a perpetuite la Franchife de l’Hdtel
de 1’Ambaftadeur. Voici les termes de ce
Titre, que le LeCteur peut examiner avec
attention; tous ceux qui fe font mdlez de
parler jufqu’ici de ces Franchifes n’ayant
point remonte a leur fource, Sc ne s’etant
amufez qu’& l’dcorce, c’eft-a dire i la Am¬
ple polfeflion.
Si quilibet bovio, dit ce Titre, de fupra
diftis civitatibus ad •vefiram Ecclejiam perti -
nentibus (c’eft Louis le Debonnaire qui
parle au Pape Pafcal dans le Titre , Ego
Ludovicus) ad nos venerit fubtrahere fe ce /era me-
me quelqu'un de votre maifon qui me vengs -
ra. En effet, ce fut Abfalon qui exbeuta
cette vengeance, lorfqu’il s’empara de Je-
rufalem. & qu’il en chaffa fon Pere. Mais
Abfa-
be Liege &c. 469
Abfalon parvint-il par cette a&ion & la J£-
rufalem Celefte ?
Dieu die encore par Ifai'e : Malheur a
V AJJyrien l C’efi lid qui /era la verge & le
baton de ma fureur , j’armerai fa main de
man courroux , je I’enverrai fairs la guerre a
une Nation perf.de, & a un Peuple qui s’eft
rendu I'objet de ma coUrc: je ltd commande-
rai de ravager tout , & de mettre tout au.
pillage, Pourquoi done Dieu charge-
t-il I’Affyrien de malediction , puifque s’il
a fait du mal , il ne l’a fait quo par fon
ordre ?
Malheur au monde d caufe des fcandal.es,
dit Jefus-Chrift: II eft necejjaire qu’il arrive
des Jcandales , mais malbeur d I’honme par
qui le fcandale arrive. Sur quoi void 1’ex-
preffion de St. Jdrdme. Encore, dit ce Pe-
re, qu il foit necejjaire que des Jcandales ar-
rivent, malbeur ndanmoins d celui qid. par
J'a faute , eft caufe que ce qui ejl nkejjaire
arrive.
II feroit inutile d’apporter d’autres exam¬
ples fembiables. Voila cependant les ac¬
tions qu’un Pere preferit a fon Fils , com-
me les exploits d’une julte guerre ; voila
les movens qu’un Pape propofe a un Soldat
du Rof du Ciel , pour arriver a lajerufa-
lem Celefte, en l’exhortant de ravager l’E*
glife de Dieu.
Pafchal pourfuit, & remereie Robert de
ce qu’il a executd fes ordres dans la Pro¬
vince de Cambrai. Mais pent- on penJer
a la defolation & aux extremes miicres de
47© Lettre de l’Egeise
l’Eglife de Cambrai, fans en dtre pdndtrd
de douleur ? Pour moi qui fuis Fille de
l’Eglife de Rome , je compatiifois aux pei-
nes de celie de Cambrai , parl’affedlion que
je portois h ma Sceur : mais apprenant au-
jourd’hui que ces ravages s’exerqoient par
i’ordrede ceiui qui occupe le Siege Apof-
tolique, je foufFre encore davantage; parce
quej’apprdhende pour ma Mere, & que
je crains qu’elle n’dprouve ce queditDieu
par la bouche d’lfaie : Malbeur a ceux qui
cornmandent I'iniquite , S qui font des or-
donnances injufles , pour o pprimer les pau-
ot dans le jugement , pour accqbler les
foibles de mon peuple fans avoir igard d la
jujlice de leur caufe , pour devorer les veu¬
ves S en faire leur proie , pour dipouiller
les orpbelins , Sc. Qui auroit cru qu’une
fi horrible defolation d’uneEglife, qu’une
oppression fi derange d’une quancirb d’Or-
phelins & de Veuves , que des vols & des
pilleries fi cruelles , & ce qui eft encore
plus fort, que des meurtres commisfurdes
Gens-de-bien comme fur des Mdchans;qui
auroit cru , dis-je, que ces chofes, & d’au«
tres encore plus funeftes, eMent dte l’effet
d’un ordre donrd par le Pontife Romain ,
s’il ne nous en aifuroit par fa propre bou¬
che ?
Je ne parle point id de la divifiOD de
I’Evdchd de Cambrai, autorifde par l’Egli-
fe de Rome, je ne dirai pas non plus com¬
ment Walchere, qui avoit dte approuvd a
Rome, & qui avoit etb ordonnd ie pre¬
mier
d e Liege &c. 471
mier, da confentement & de l’autoritd da
Pape , fe trouva coat d’un coup depofe &
excommunid , & comment on en mit un
autre en fa place. Si ces chofes fe font,
faites avecjuftice, ou autrement, Dieu cn
fera le juge. Je n’ai pas envie de m’ele-
ver contre J’Oint du Seigneur , qui eft
chargd du foin de toutes les Eglifes. Mais
lorfque je vois que le Pape lui meme s’at*
tribue tous ces defordres , & qu’il applau-
die k celui qui a ravage 1’Eglife jufques k
lui en faire des coimplimens, je ne fai s’il
y a plus de fujet d’en dtre furpris, ou de
s’en affliger. Je doute que 1’on puiffe aifd-
ment ddcider s’il y a plus & craindre, de la
part de Dieu, pour celui qui a commandd,
que pour celui qui a obdi'.
Quant a nous , dans Fbtonnement oti
nous fommes d’une. nouveautd ft derange,
nous ne faurions comprendre un dvdne-
ment qui eft fans exemple ; & comment
celui qui eft etabli pour prdcher la paix,
veuille lui-meme qu’on fafte la guerre , &
qu’on la faffe mdme a 1’Eglife. Les Canons
permettent &-la-verite aux Clercs de pren¬
dre les armes pour la defenfe de la Patrie
& de l’Eglife , contre les attaques desBar-
bares & des Ennemis de Dieu; mais nous
ne trouvons nulle part que Ton ait jamais
fait la guerre k EEglife par 1’ordre des Pon-
tifes. je cherche & je detnande ld-deffus
ce que je ne fai pas, &. je dis ce que je
fai
Jdfus-Chrift prcche la paix , les Apdtres
Gg 4 &
472 Lettre de l’Eglise
& les Hommes Apoftoliques la prechent
de-mdrne. Us reprennenc, il ell vrai, les
Pdcheurs, ils les exhortent, ils les prient,
ils les menacenc; mais c’eft toujours enles
inftruifant paifiblement & patiemment. St.
Paul veut qu’on reprenne fortement les
Defobei'/Tans; & Jdfus-Chrift nous apprend
la maniere de les reprendre avec force ,
quand il nous dit : Si votre frere a piche
centre vous , reprenez -le premierement entre
nous £? lui: Reprenez -le, en fecond lieu $ en
prtfence de I'Eglife: Et s’il n’ecoute pas I'E-
glife , qu’il foit a votre egard comrne un Pa-
yen & un Publicain. St. Auguftin faifanc
reflexion fur cesdernieres paroles dejdfus-
Chrift , dit qu’elles ont quelque chofo de
plus terrible pour les Defobdi'fTans , que fi
on les condamnoit k mourir par 1’dpee, a
pdrir dans les flammes, ou a dtre expofez
aux bdtes feroces : car Jefus Chrift ajoute
au meme endroit: Je vous dis en verite,
que ce que vous liirez far la Terre , J,era aujji-
IU dans le del. Par oh il nous fait entendre,
que quand il femble qu’on laifle ainfi un hom-
me fans le punir , fa punition en cela me-
me eft plus grande, que fi on le condara-
noit k quelque peine fenfible. St. Auguftin
expofant ainfi l’oracle de Jefus-Chrift, y
a-t-il quelque homme aflez hardi pour en-
cherir fur la vengeance divine, en ajoutant
de nouvelles peines k celles que Dieu a
preferites ? Que celui done qui perfdcute
encore une perfonne que Dieu a frappee,
it qui ajoute de nouvelles plaies a celles que
d e Liege. &c. 473
la main de Dieu lui a faites, tremble 6c
prenne garde a la malbdidtion que ceDieu,
qui s’eft chargb de nos iniquitez, 6c qui a
fouffert pour nous dans la perfonne de je-
fus-Chrift, prononce contre ceux qui en
ufent ainfi: Ajoutez , dit-il , iniquitez fur
iniquitez, & Je refte.
Que fi quelqu’un oppofe, pour la dbfen-
fe de Pafchal, que Ton doit, & qu’il efl
jufte d’exterminer une Eglife dont l’Evd-
que eft excommunie , qu’il apprenne le
contraire par un exemple, 011 Fefpece oc
les perfonnes font toutes femblables. Du
terns de Gregoire I. FEvdque de Salone
etant mort, 6c St. Gregoire ayant ordonne
que Fon dtablit Honorb a fa place, un
certain Maxima s’empara a main forte de
1’Eveche de Salone, & fe fit ordonner par
d’autres Evdques. St. Gregoire excom-
munia cet intrus; 6c quoiqu’aprbs fon ex*
communication, il ne laifiat pas de ce!e-
brer laMeffe, ndanmoins St. Gregoire ne
fe fervit pas d’autres armes pour le rbduire
que des armes fpirituelles. 11 n’ordonna
pas Iionord, afin de prendre la place de
Maxima; il n’envoya point de brigands,
pour ravager l’Eglife de Salone: mais il fe
contenta de le reprendre avec patience,
pendant fepc ans; & Fayant enfin engagb
a fe reconnoitre, 6c a demander pardon
de fa faute, il ne le dbpofa ni ne le rbor-
donna; mais apres l’avoir requ favorable-
ment, il lui donna meme le Pallium d’Ar-
chevdque, qu’il n’avoit point encore. Puis
G g s done
474 Lettre de l’Eglise
done que la caufe de Salone eft toute fem-
blable a cede de Cambrai, pourquoi l’ii-
glife de Rome dans une caufe pareille por-
te-t*elle un jugement ft different?
L’exemple de St. Martin , Evdque de
Tours, devroit fuffire pour empdeher Paf-
chal de plus opprimer les Innocens. L’E-
vdque Prifcilien ayant dte excommunie
par !e Pape Damafe a caufe de fon herdfie,
f’Ernpereur Maxime , excitd par Ithacius
auffi Evdque, le fit mettre & mort, & or-
donna que 1’on traitat de-mdme tous ceux
de fa Sefte par-tout oh on les trouveroit.
St. Martin & les autres Evdques priverent
Ithacius de la Communion, & le condam-
nerent pour avoir donnd occafion a la
mort d’un homme , quoique de peu de
confiddration. Maxime cependant fit alors
tous fes efforts aupres de St. Martin, pour
Pobliger de communiquer avec Ithacius;
& St. Martin de fon cdte tra vailloic & fai-
foie fes offices auprds de Maxime pour fau-
ver la vie aux Prifciliianiftes, de crainte
qu’on nesfit auffi pdrir en mdme terns des
Catholiques; mais il n’auroit jamais obte-
nu ce qu’il demandoit a Maxime, ft par
condefcendance il n’eftt communiqud pen¬
dant quelque terns avec Ithacius: & ce fut
en fe faifant ainfi en quelque forte anathd-
me pour fes Freres , qu’il arrdta le bras de
f’Empereur, & qu’il les ddlivrade la mort
qui leur eroit inevitable.
Si celui qui condamna Ithacius, pour a-
voir donnd lieu k la mort d’un Hdrdtique,
vivoic
d £ Liege &c. 475
vivoit aujourcfhui, il n’approuveroit pas
fans-doute la conduite d’un Pontife qui
fait pdrir par fes ordres un fi grand nora-
bre de perfonnes dans l’aft'aire de Cam-
brai: & celui qui rifqua prefque le faluc de
fon ame pour fauver la vie a des Hereti-
ques, pourroitil, fans une extreme dou-
leur, voir rant d’lnnocens opprimez & en-
veloppez avec les Coupables? Je ne fais
jci que comparer les chofes paffees avec
les prdfentes, & remarquer la difference
des conduites : mais les pauvres Peuples
de Cambrai accablez de mifdres die vent
leurs voix plaintives, & crient a Pafchal,
comme faifoient autrefois les Ifraelices a
Moi'fe: Vous nous avez rendu odieux d Pba-
raon , 6? vous lui avez mis I’epee d la main
pour nous perdre. Dieu le connoit , qu'il en
foit le juge.
Cependant Pafchal ordonne que 1’on faf-
fe les memes traitemens aux Liegeois qu’&
ceux de Cambrai. Nous vous commandons ,
dit-il a Robert, de ne pas plus epargner les
Liegeois , qui font de vrais Excommumez
6? de faux Clercs: car il ejt jufte que ceux
qui fe font eux-memes feparez de I'Eglife Ca -
tbolique , foient dipouillez des biens de I'Eglife
par la main des Catboliqaes.
C’eft ici que je reffens des tranchdes
comme une femme qui eft dans l’enfante-
ment; je fuis meme forcde de crier & de
dire a haute voix, Que mes douleurs fur-
padent les fiennes. Car enfin j’ai vdrita-
blement engendre les Liegeois dans la vie
47.6 Lettre de l’Eglise
Spirituelle , je les ai nourris du lait de
la Foi, je les y ai confirmez par le pain
de la parole de Vdritd, & ils fembloient
y avoir acquis la force d’un ageviril. Je
m’applaudilfois rndme , & je me tenois
heureufe, de ce que les voyantdeurir dans
la Cour du Prince de mdme que dans l’E-
glife, iI me paroiflbit qu’il ne leur man-
quoic rien de ce qui pouvoic les rendre
heureux, foit quant au corps, foit quant
£ i’ame. Mais je m’appercois bien qu’il
u’y a point de bonheur parfaic a attendre
en ce Monde. Car au moment que je les
crois heureux, la Sainte Eglife Romaine,
ma propre Mere, les charge d’infamie ,
& les traite d’excommuniez: & non con-
rente de ccia, elle ordonne qu’on les paP
fe au tranchant de I’dpde, & qu’on les
fade mourir. La deflus mes entrailles de
Mere font dechirees , par un exces de
douleur qui m’dce 1’ufage de la pa role.
Mais ils font en ige, qu’ils parlent eux*
memes, & qu’ils difent ce qu’ils penfent
fur cec ordre etrange du Pape: Nous or-
donnons qu’on traite les Litgeois ,ces Excom-
niuniez fe? ces faux Clercs , cormne on a traite
ceux de Cambrai. Ilsdiront fans-doute qu’iis
ont appris de la Sagelfe meme, qu’une
balance doit dcre julle , & qu’autrcment
elle n’eft pas bonne, & ils auront raifon
de le dire. Car peut-on comparer notre
caufe avec celle des Cambraifiens, pour
nous faire fouffrir les memes calamitez
qu’ils ont fouffertes? Nous avons ada-ve-
be Liege &c.. 477
ike compHti a leurs malheurs, mais nous
ne penfions pas avoir fujet d’en apprehen-
der de femblables. Ceux de Cambrai ea
ajoutant fautes fur fautes, & en fubftituant
un fecondEvdque £ un premier, one peut-
dtre pu s’attirer un traitement fi rude, &
comrae une double punition. Mais quanE
a nous autres Liegeois, qu’avons-nous faic
de femblable ? Et pourquoi done nous
traiter d’excommuniez ? Pourquoi nous
vouloir exterminer ? Avons-nous fait quel-
que chofe contre les Loix Ecclefiaftiques
ou Divines, qui merite l’excommunication:
ou lamort? Nous avons, graces 4 Dieu,
tous btb batifez dans le mdme Efprit, &
pour ne faire qu’un meme corps ; & nous
vivons dans fa maifon parfaitement unis,
& avec les mdrnes fentimens. St. Paul
conjure les Fiddles au nom du Seigneur de
bannir les Schifmes, & de n’en point fouf-
frir. Quand eft-ce qu’on s’eft plaint a 1’E*
glife de Rome, qu’il y efit quelque divi-
fion parmi nous? Nous avons tous le md-
me langage; il n’y en a point parmi nous
qui difent: Je fuis a Apollos; d’autres qui
difent, Je fuis a Cephas; & d’autres qui
difent, Je fuis a, Jefus-CbriJl. Eft-ce a
caufe de ce confentement unanime que
l’on nous traite d’excommuniez ? Eft-ce
parce que nous fommes foumis, & que
nous obeiflons aux Puiflances qui veillent
& notre furete, ainfi que St. Paul l’ordon-
ne? Que peut-on done objedler is des per-
fonnes qui obfervent religieufement la Lai
* de
478 Lettre de l’Eglise
de Dieu ? Void notre crime. Ils nous
bldment de ce qu’en obfervant la Loi de
Dieu, nous ne fuivons pas leur nouvelle
Tradition.
Mais Dieu les reprend eux-mdmes , &
leur dit: Pourquoi tranfgrejjez-vous ma Loi
pour fuivre vos Traditions ?
Jdfus-Chrift commande, de rendre a Ce-
far ce qui appartient a Cefar, de rendre
a Dieu ce qui appartient a Dieu.
St. Pierre & St. Paul fuivent en cela
1’exemple & la dodtrine de leur Maftre.
Craignez Dieu , dit St. Pierre, 6? bono-
rez le Roi. Serviteurs foyez founds d vos
Maitres avec toutes fortes de reJ'peSl & de
crainte , non feulement d ceux qui font tons
& modirez , mais a ceux qui font rudes
& fdcbeux ; car c'ejt ce qui eft agreable a
Dieu.
Que toutes perfonnes , dit St. Paul, foient
foumifes aux Puijfances fuperieures. Qui-
conque s’oppofe aux Puijfances , refijte A
I’ordre de Dieu.
Celui qui fait ce eommandement k tout
le monde , excepte-t-il quejqu’un de la
foumiffion que l’on doit aux Princes de
la Terre ? Quoi done , parce que nous
honorons notre Prince, & parce que nous
obdi'ffons & nos Supdrieurs , non pas par
une crainte fervile , mais dans la fimpli-
citd de notre coeur , nous ferons pour
cela des excommuniez?
On nous objedtera peut etre, que nous
fomraes des Sjmoniaques. Mais au-con-
trairs
d e Liege &e. 479
traire nous dvitons les Simoniaques, au-
tant qu’il nous eft poffible ; & nous ne
les toierons, que quand, par la ndceflitd
des terns ou des lieux, nous ne pouvons
pas faire autrement: car nous favons trds-
bien , que Jdfus-Chrift fit un fouet des
cordons meme de femblables Pdcheurs,
pour les chafler du Temple: nous favons
qu’il renverfa les tables de ceux qui ven-
doienc des Pigeons , & qu’il jetta par
ter re l’argent des Changeurs. Nous dvi-
tons, dis-je, les Simoniaques autant qu’il
nous eft poffible *, & nous n’avons pas
moins d’averfion de certaines gens , qui
couvrant leur avarice par de beaux prd-
textes , vendent effedtivement, fous pre-
texte de charitd , ce qu’elles fe vantenc
de donner gratuitement ; & qui, comme
des Montaniftes , ont l’adrefle de tirer
des prdfens pour fe dddommager de leurs
oblations.
Mais nous ne pouvons cefter d’admirer
dans notre douleur,& parmi nos pleurs,
comment on peut nous traiter d’Excom-
muniez. Car enfin , par qui & pourquoi
avons nous dtd excommuniez? Ce n’a pas
dtd par notre Evdque; ce n’a pas dte non
plus par l’Archevdque de qui notre Evd-
que eft Suffragant, il ne nous a rien pa-
ru de cela. Nous ne pouvons pas nous
imaginer que q’ait dte par le Pape ; car
nous favons qu’il n’ignore pas ce que die
Nicodeme : Selon notre Loi, nous ne ju-
geons perfonne fans V avoir entendu ; & Dieu
48o Lettre de l’Eglise
lui-meme n’auvoic pas condamne les ha-
bitans de Sodome, s’il ne fftt auparavant
defcendu , pour voir s’il dtoit vrai que
par leurs oeuvres abominables, ils etHTent
donne lieu aux clameurs que la Terre
avoic pouflees jufques au Ciel. Ainfi,
qui croiroit qu’un Pape qui n’a jamais
oui parler de nous , & qui n’a bte inter-
pelld ni par notre Eveque , ui par notre
Archevdque , de fevir contre nous , ait
pu nous excommunier ? Jacob vit autre¬
fois des Anges qui montoienc & qui def-
cendoient par une dchelle , dont le haut
touchoit jufques au Ciel. Et Jefus-Chrilt
die a fes Difciples : Je nous dis en norite
que nous nerrez le Ciel ouvert , & des An -
f es qui monteront & qui defeendront J'ur le
"ils de l'Homme. II "ne die pas, iur les
Fils de i’Homme, c’elM-dire fur les En-
fans d’Adam ; parce que e’etoit de lui-
mdme dont il parloit. Le Ciel de l’E-
glife ell ouvert & tout lemonde, les Bons
& les M dchans y entrent avec libertd.
Les Prdlats de l’Eglife font les Anges de
Dieu , ils doivent monter vers nous par
certains degrez , & nous devons de md-
me monter vers eux par autant de degrez.
Par Je premier degrd nous montons a no¬
tre Evdque ; par !e fecond nous montons
a notre Archevdque; & par ces deux de¬
grez nous montons h un troifieme, c’elt-
S-dire au Pontife Romain, Quant aux
Prdlats, ils defeendent fur le Fils del’Hom-
me, lorfqu’ils s’abaiffent en compatilTane
D e Liege &c. 481
ii la miiere des Pauvres ; & ils montenc
au-defius du Fils de l’Homme, quand par
leurs inftruftions & leurs bons exemples,
ils portent les Foibles & les dRvent juf-
ques dans le Ciel.
Je m’attens que Ton dira que nous fom-
mes des excommuniez ; parce que nous
demeurons attaches a notre Evdque, qui
fuit le parti de l’Empereur Ton Maitre.
V'oila juftement le premier fujet de nos
douieurs , & voila ce qui les renouvelle,
voyant le Demon dechaxnd parcourir la
Terre, & femer la divifion entre 1’Empire
& le Sacerdoce,- & parce que ce Malin
Efprit vient h nous plein de colere & de
fureur, nous avons recours k notre Pere
Celefte, & nous lui demandons particulie-
rement de ne nous pas expofer a la tenta-
tion , & de nous delivrer de la cruelle
dpreuve qui nous menace. Pendant que
nous dtions endormis , FEnnemi a femd
de l’ivraie dans le Champ de l’Eglife: nous
attendons que les Anges, les Moiflonneurs
de Dieu, viennent , & qu’ils faffent des
bottes de cet ivraie, pour les jetter au feu.
Eft-ce par-la que nous meritons d’dtre ex¬
communiez? O combien de poignees de
froment a ddja arrache celui qui prdcipi-
tamment, & avant le terns de la moiffon,
entreprend de lbparer l’ivraie du froment
& du bon grain 1
Mais ennn, qui peut raifonnablemenc
bldmer un Evdque, de ce qu’il garde a fon
Roi la fiddlite qu’il lui a jurde, en ne l’a-
Tome IP". Hh ban-
482 Lettre de l’Eglise.
bandonnant pas ? II n’y a perfonne qrn
doute que le parjure ne foit un trds-grand
crime. Dieu feul jure fans jamais s’en re-
pentir, parce que fa fagefle infinie l’em-
pdche de fe parjurer. Mais parce qu’il
n’en eft pas de meme de nous, & que fou-
vent nousavons fujet de nous repentir de
nos fermens, c’eft pour cela qu’il nous eft
dbfendu de jurer tbmerairement. Si ce-
pendant il arrive que l’Homme foit obligd
de jurer, Dieu lui ordonne de tenir fes
fermens. II n’y a perfonne qui ne fache
routes ces chofes: elles ne font pas mdme
inconnues a ceux qui mettent aujourd’hui
le divorce entre le Sacerdoce & l’Empire,
& qui fondez fur des Traditions routes
nouvelles, ainfi que Ton en juge, ne font
pas difficulte de promettre l’abfolution
k des Sujets qui violent les fermens qu’ils
ont fait b leur Prince; ne faifant pas refle¬
xion 4 ce que le Prophete Ezechiel, in*
fpire de Dieu, a dit au fujet d’Ezdchias,
qui avoit manque de foi a Nabuchodono-
for fon Roi. Celui , dit le Prophete, qui
a rompu un traite qu’ii avoit jure , penfe-t-
il ecbapper a la jujlice de Dieu ? Sur quoi
St. Jdrdme fait cette belle rdflexion. Nous
apprenons de-ld , dit ce Pere, que la foi doit
etre gar dee meme entre les Ennemis , £? qu'il
nefaut pas regarder a qui , mais par qui l’on
a jure. Ainfi celui qui s'eji fii dtoi, d caufe
du nom de Dieu que tu avois atteJU , & que
tu as neanmoins Idcbement trompi , a ete juge
plus bomme de bien que toi , qui t’etois Jervi
t> e Liege &c. 483
du nom de la Majefie Divine, pour tendre
plus furenient des pieges d ton ennemi , £5*
bien plus, d celui qui etoit devenu ton ami.
Mais pourquoi fe mettre en peine de
chercher des exemples pour montrer que
Ton doit dviter le parjure? N’avons-nous
pas le troifieme prbcepte du Decalogue,,
qui eft forci du cceur & de la bouche de
Dieu, & qu’il a dcrit de fon doigt? Ce
precepte ne nous dit-il pas ? Tu ne prendras
pas le nom du Seigneur ton Dieu en vain; car
le Seigneur punira celui qui prendra le nom de
fon Seigneur en vain. Les trois premiers
preceptes du Ddcalogue regardent le
Culte de Dieu. Mais ft on examine la
chofe de pres, on trouvera que tous les
autres prdceptes font en une maniere ren-
fermez dans celui-ci : car quand on faic
ce que Dieu ordonne, & qu’on ne fait pas
ce qii’il defend, on le fait ou on ne le fait
pas, afin de ne pas prendre en vain le
Nom de Dieu, qui commande & qui de¬
fend. Or qui eft-ce qui prend plus formel-
lement le Nom de Dieu en vain, que celui
'qui viole le ferment qu’il a fait en emplo-
yant le Nom de Dieu? Dieu me dbfend
de jurer , ni par le Ciel, ni par la Terre ,
ni par ma propre tdte, de crainte que je
ne me parjure. Si c’efl: done un crime de
feparjurer lorfque l’on a jurd par une Crea¬
ture, quel plus grand crime ne fera ce pas
de fe parjurer "quand on a jurd par fon
Createur.
De-la il s‘enfuit vifibletnent, qu”un Su¬
fi h z jsc
484 Lettre de l’Eglise
jet qui ne rend pas a Cefar ce quiappar-
tient a Cefar, fuivant l’Oracle Divin; oa
qui n’honore pas fon Roi, ainii que l’or-
donne l’Apotre ; ou enfio qui en fe par-
juranc prend en vain leNom de Dieu,par
iequel ii avoit jure d’dtre fidele a fon
Prince; ii s’enfuit, dis-je, qu’un tel Sujet
eft trbs-coupable, & ne mdrite pas moins
que la nrort.
Voila pour ce qui regarde le fujet de no-
tre excommunication.
Mais pourquoi nous traiter encore de
faux Clercs , nous qui vivons r^guliere-
ment, & qui par la qualite de nos oeuvres
mdriterions plutot d’dtre appellez de bons
Ecclbfialliques? En vbrite, en verite, que
celui qui nous veut ainfi exclure de l’heri-
tagedeDieu, prenne garde lui-mdme de
n’y avoir aucune part. Non , non, l’E-
gli'fe, notre bonne Mere, ne nous a pas
donnb une education qui permette que
l’on nous traite de faux Clercs , elle ne
nous a pas abandonnb a nos mauvais pan¬
chans, & ainfi nous ne feronspas non plus
le fujet de fa confuflon.
On a peine & comprendre oh Fafchal a
pu ramafler une ft prodigieufe quantity
d’injures. II faut qu’il ait trouvd des gens
qui lui en ayent fourni & bon marchb, pour
en repandre contre nous une ft grande
abondance. Car tantdt i 1 nous appelle
Excommuniez , tantot il nous traite de
faux Clercs; & cela de fon mouvement,
& d’une volontd gratuite. II fortit du
cceur
de Liege &c. 4gj*
cceur du Roi David de bonnes paroles;
mais Pafchal ne vomit que des injures grof-
fieres, & femblables a celles que les Vieil-
les & les Fileufes ont coutume de fe
chanter.
St. Pierre recommande aux Prdlats, de
ne -point affedter de domination fur le Clerge.
St. Paul bcrivant aux Galates qui btoient
en faute, les traite avec tendrefle. Mes
petits enfans , leur dit-il, que j’enfante une
feconde fois au Seigneur. Que Pafchal ecou-
te de ii pieux &: de fi lages Confeiilers,
plutot que de fe laiffer conduire par d’in-
fames Calomniateurs. 11 nous maudit, &
il nous reproche que nous fommes des E'x-
communiez: mais nous apprdhendons bien
plus la malddidfion que prononce le Pfal-
mifte, quand il dit: Maudits font tons ceux
qui s’ecartent de la voie de tes commande-
mens.
Nous ne nous mettons gueres en peine
de cette nouvelle efpece d’excommunica-
tion, dont on n’avoit point vu d’exemples
avant Hildebrand, Oudard, & ce troifie-
me-ci, que Ton a vu en ufer avec beaucoup
d’indifcretion: mais nous refpedtons l’au-
toritd fainte des anciens Peres, qui en fui-
vant les mouvemens du Saint Efprit, &
non pas leurs caprices, ont quelquefois
diffimule les fautes des Puilfances, quel¬
quefois ils fe font contentez de les repren-
dre, & d’autres fois mdme ils les ont to-
Jdrez pour empdcher de plus grands def-
ordres.
Hh 3
On
48 6 Lettre de l’Eglise
On objedte pour toutes raifons, que no-
tre Evdque communique avec l’Empe-
reur fon Roi, £ qui ii a fait ferment de
fiddlitd, a caufe des Rbgales qu’il tient
de lui.
Mais cette conduite fe ddfend par fon
antiquite: & plufieurs faints & vdndrables
Evdques ont vdcu & font morts dans cec
ufage, rendant a Dieu ce qui appartenoit
ii Dieu, & a Cdi'ar ce qui appartenoit a
Cefar.
St. Ambroife en interpretant St. Luc, fe
fait cette queftion. Pourquoi no tre Sei¬
gneur, qui n’avoitpas Vimage de Cefar, lui
paya neanmoins le tribute Et il repond,
que notre Seigneur paya le tribut, non pas
de ce qui lui etoit propre, mais qu'il rendit
au monde ce qui etoit du monde. Apres quoi
il ajoute: Si done vous ne voulez rien devoir
a Cefar, ne pojfedez rien de ce qui eft. du
monde: mais fi vous voulez poffeder quelques
ricbeffes du monde , vous etes des-lors tribu-
taires £? fujets de Cefar. Ne voulez-vous
rien devoir aux Princes dela terre ? renoncez
d toutes les pojjeffions de la terre, & fuivez
Jefus- Cbrift.
St. Auguftin s’explique de la m£me ma-
niere fur St. Jean. L’Jpotre, dit ce Fere ,
veut que Von bonore les -Rois. Honorez le
Roi, dit-il. Ne dites done pas: Qiiel compte
ai-je d rendre au Roi? Car on vous repondra ,
gue vous ne devez done rien poffeder, puifque
Von tient ce que Von pojfede de la main des
Rois ; c? que c’eji par leur miniJUre que
Dim
d e Liege &c. 4§j.
Dieu diftribue les liens temporels au Genre
Humain.
Que les Evdques qui font fujets & rede-
vables a des Princes a caufe des Regales
qu’ils en ont reques, falfent done atten¬
tion a ces paroles des Peres , & qu’ils
prennent garde a ne les pas tuer de leur
propre epde , e’eft-a-dire , a ne pas fe
fervir de leurs bienfaits pour leur faire la
guerre & pour les perdre.
Si apres cela, par le refpedl que l’ont
doit au Saint Efpvit, on veut examiner les
Ecritures tant de l’Ancien que du Nou¬
veau Teftament, & faire rdflexion fur les
chofes qui fe font pafiees dans l’Eglife; on
trouvera que les Rois & les Empereurs ne
peuvent dtre excommuniez, ou au moins
que tres-difficilement ; foit que l’on ait
egard h Pdtimologie de leurs noms, foit
que l’on s’en tienne aux termes ordinaires
de PExcommunication. Et e’eft une quef-
tion qui n’eft pas encore bien ddcidde.
On convient que des perfonnes fages &
diferetes peuvent bien les avertir de leur
devoir , & quelquefois mdme les repren-
dre avec force: mais pour les juger ou les
condamner, e’eft ce qu’il femble que Je-
fus-Chrift,le Roi des Rois,fe foit refervd,
en les dtablilfant fur la terre pour y tenir
fa place,
Voilk done pourquoi on nous traited’ex-
communiez. On nous traite ainfi, parce
que nous fuivons les traces des Saints &
des anciens Peres, dont nous tdchons d’i-
Hh 4 miter
488 Lettre de l’Eglise
miter la moderation, autant qu’il nous eft
poffible : car nous faifons profeflion de
fuivre la Tradition ancienne; & c’eftpour
cela que nous demeurons attachez k notre
Evdque, k notre Archevdque, & aux de¬
finitions du Synode de notre Province , qui
dtant faites fuivant les Ecritures Saintes,
nous fervent de regie ; la coutume n’etant
de rapporter k Rome que les affaires diffi-
ciles & embarraffees, que l’on ne trouve
pas moyen de decider par I’autoritd de
i’Ecriture.
Quant aux Legats d Latere , que Ton
voit venir de la part des Evdques de Ro¬
me, & qui courent les Provinces pour s’en-
richir de leurs depouilles, nous eftimons
que l’on doit s’y oppofer, comme firenc
autrefois les Conciles d’Afrique du terns
de Zozirne, de Ceieftin & de Boniface.
Et pour entrer dans ce fentiment, il ne
faut que voir quels font les fruits ordinai-
res de ces Legations: car au lieu de fervir
a corriger les moeurs & a faire des gens de
bien,elles donnent fouvent occafion & des
meurtres, & font ordinairement caufe de
la rui'ne & de la defolation des Eglifes.
Eft-ce done parce que nous demeurons
attjehez a ces Rdgles anciennes, & que
nous ne nous laiffons pas emporter k tou-
tes fortes de vaine Dodlrine, qu’on nous
traite d’excommuniez?
Mais Pafchal a t il plus de raifon de-nous
traiter de faux Clercs? Les faux Apdtres
que blame St. Paul dans fes Epitres, font
ceus
d e Liege &c. 48 $
ceux qui alterent & qui corrompent la
Parole de Dieu. Or on ne peut pas dire
que nous la corrompions; mais graces au
Seigneur nous confervons la Foi Catholi-
que dans fa purete , & nous en faifons
les cauvres felon Dieu- Nous refpe&ons
les Regies Canoniques que nous avons re-
ques par tradition de nos Peres; & c’ell
l'uivant ces Regies que nous vivons, que
Ton nous punit,ou que Ton nous abfout.
Nous ne nous ingerons pas dans le Con-
feil des Rois & des Empereurs , & nous
ne nous mdlons pas de ce qui s’y palTe:
c’eft l’affaire des Puiffances qui nous gou-
vernent , & qui fauront bien s’en acqui¬
rer, en fuivant les exemples des Princes
qui les ont prdcedez. Pourquoi done
Pafchal veut-il nous faire payer ce que
nous n’avons pas ufurpd? Pourquoi nous
traiter de faux Clercs, lorfque nousfuivons
les veritables Regies?
Ne feroit-il pas mieux, en fe ddfaifant
de cet efprit d’orgueil & de prefomption,
de repaffer un pe'u ferieufement avec les
gens de fon Confeil, de quelle manid«
re les Papes , depuis Sylveftre jufques a
Hildebrand , ont ete dlevez fur le Sidge
de Rome? Quels maux inoui's ont produit
les brigues que Ton a employees pour y
parvenir, & comment les conteftations ar-
rivees a ce fujet ont ete decidees par l’au-
toritd des Empereurs & des Rois,qui ont
juge & fait ddpofer les faux Papes , &
dont les Decrets avoient en ces occafions
H h 5 bien
490 Le TTRE DE l’Eg LISE
bien plus de force , que les Excommuni¬
cations d’Hildebrand, d’Oudard, ou de
Pafchal.
Notre Seigneur dit de lui-mdme dans
l’Evangile : Si j’ai vial parle, rendez temoi -
gnage du mal que j’ai dit. Et l’Apdtre St.
Paul ne refifta-t-il pas a St. Pierre le Prin¬
ce des Apotres? Pourquoi done, fans s’ar-
rdter aux vaines pretentions de Rome,
n’aura-t-on pas la iiberte de reprendre &
de corriger des Papes qui font coupables
de crimes fcandaleux & notoires ? Celui
qui ne veut point etre repris ni corrige,
mdrite le nom de faux, foit qu’il foit Clerc,
foit qu’il foit Evdque. Mais par la mifdri-
corde deDieu,nousne lommesnidefobdi'f-
fans, ni incorrigibles. Nous ne voulons
point de Schifmes, nous avons horreur de
la Simonie, &nous dvitons dans notre con-
duite tout fujet d’excommunication , ainfi
que la bonne Raifon le demande, &;le St.
Efprit nous 1’ordonne.
Les Rois & les Empereurs , au rapport
de St. Auguftin , ont fait des Loix pour
empdeher que les Herdtiques ne pofled&f-
fent quelquechofeencemonde. Mais puif-
que nous ne fommes pas des Pleretiques ,
& que cela eft du droit des Empereurs ;
pourquoi Pafchal ne fe conterrte-t-il pas de
ion glaive Ipirituel; & pourquoi envoie-t-
il Robert, fon Executeur, ravager les
champs & les poflefiions des Eglifes ? Quand
de pareilles hoftilicez auroient a s’exercer,
ce ne pourroit dtre que par les ordres des
Rois
d e Liege &c. 491
Rois ou des Empereurs, qui pour cela lont
armez d’une epee. Mais ctpendant voila
Satan dechaine,le voila en grande colere:
ne tremblera-t-il done pas lous la puifi'ante
main de Dieu ?
Apres tout, il ne faut pas nous allarmer
ft fort de ce qu’il femble qu’on nous enve-
loppe avec des Excommuniez. Nous a-
vons fujec d’efperer que nous en ferons ex-
ceptez, fuivant mdme les intentions de Ro¬
me. Car Hildebrand,qui eft l’auteurde ce
beau Schifme, & qui le premier a levd la
lance Sacerdotale contre le diaddme des
Rois, avoit autrefois inconfiderdment ex-
comniunid toutes les perfonnes qui fui-
voient le parti d’Henri: mais reconnoifiant
fon exeds & fa faute , il en excepta ceux
qui dtoient attachez a l’Empereur par une
liaifon , & par une fujettion ndeeftaire, &
non pas k deftein de faire mal, ou de nui-
re a quelqu’un. Il ddclara cette exception
par un Decret public.
Voici neanmoin? comme s’explique Paf-
chal en parlant a Robert. Ce n’ejl pas feu -
lenient dans cette Province que vous devez
faire la guerre d Henri le Cbef des Hereti-
ques & d fes Fauteurs , & que vous devez
les combattre de toutes vos forces ; mais cefi
gineralement par~tout oil vous pourrez lesjoin-
dre. Car il eft certain que vous ne pouvez
faire un facrifice plus agteable a Dieu , que
d'abbattre celui qui s’ejl eleve lui meme contre
Dieu , qui s'efforce de ravir a I'Eglife la Sou-
verainete qui lui ejt fropre, qui a place l’ido~
4$2. Lettre de l’Eglise
le de Simon dans le lieu faint , & qui a Hi
cbajfe de la maifon de Dieu paries faints Apo-
tres , &? par leurs Vicaires , autorifez du ju-
gement du Saint Efprit meme.
Lorfqu’Alaric, Roi des Goths, dtoit au¬
trefois en chemin pour alier prendre Ro¬
me, un Serviteur de Dieu 1’avertit de s’ab-
ftenir de cette entreprife, qui alioit caufer
de G furieux maux , & il lui repondit: Ce
n’eft pas de ma volenti , c’eft malgri moi qut
fevaidRome; vouiant lui marquer qu’ii y
etoit porte par un inftinft divin. C’eft ap-
paremment fur cet exemple que Pafchal
porte Robert, fon Grand Ecuyer, a rava-
ger un Royaume ; quoique cela ne puiife
s’exdcuter que par les meurtres & le car¬
nage , & qu’en defolant les Eglifesde Dieu.
Alaric montra quelque efpece de clemen-
ce , en ce qu’ayant pris Rome il bpargna
les Eglifes, & donna la vie aux Habitans:
mais ici on envoie Robert, avec ordre de
tout ravager, fans rien excepter,- & on ne
borne pas fa commiffion a la rui'ne feule-
ment des Cambraifiens & des Lidgeois, mais
on veut qu’ii n’dpargne aucune des Na¬
tions. Qui pourra s’dcrier avec Ifai'e: Qu’ii
fait beau voir fur les montagnes , les pieds de
ceux qui annoncent le falut! lorfque celui
qui doit dtre 1’Ange de la Paix, emportd
par un zele qui le ddvore, declare lui-md-
me la guerre aux Amis de la Paix? Car tel
que fut autrefois le zele de St. Pierre, quand
il abbatit l’oreille & Malcus (nom qui figni-
fie Roi) tel eft aujourd’hui celui du Vicaire
D e Liege &c. 453
de St. Pierre , cn vou!ant,pour ainfi dire,
abbattre l’oreilie d’un Roi herdtique, con-
tre lequel il s’emporte a 1’exces. En effet,
quand il le qualifie de chefdes Hbrbriques,
de rdvolte contre Dieu, jd’ufurpateur de la
Souverainete, d’adorateur de l’ldole de Si¬
mon ; c’eft comme autant de coups qu’il
porte les uns fur les autres , & comme au¬
tant de plaies qu’il fait ^ fon ame ; en forte
que s’il n’dtoit ferme dans la foi , e’en fe-
roit afiez pour le jetter dans le defefpoir.
Que celui qui veut imiter St. Pierre en
frappant, l’imite done aufli en remettant
fon dpde dans le fourreau ; car celui qui
guerit l’oreille de Malcus, peut auffi gud-
rir 1’oreille d’un Roi herdtique.
S’il etoit vrai que notre Roi ftit hdrdti*
que (ce qu’a Dieu ne piaffe!) ce feroit un
vrai fujet de douleur pour nous , & nous
ferions obligez de le plaindre. Nous ne
difons rien prefentement pour fa defenfe;
mais nous foutenons que quand mdme il
feroit tel , nous ne lailferions pas cepen-
dant d’dtre obligez de lui obei'r comme k
notre Prince ; parce que ce feroit en pu-
nition de nos pdchez, que nous aurions un
tel Maftre. Ainfi quand nous ferions obli¬
gez d’avouer que notre Prince eft tel qu’on
le veut faire paffer, il ne nous feroit pas
permis pour cela de prendre les armes ,
pour en fecouer le joug.
Moi'fe,en combattant 1’opinidtretd de Pha-
raon dont le cceur dtoit endurci , faifoit
fondre fur 1’Egipte des gi;enouilles , des
mou-
49+ Lettrede l’Eglise
mouchesjdes fauterelles, de la grdle;maia
quand il s’agifloit de ddtourner ces fleaux,
il ne le pouvoit qu’en priant , & qu’en le¬
vant Jes mains vers le Ciel. St. Paul de-
mande avec inllanee que 1’on prie pour les
Rois, & pour les Perfonnes elevdes en di-
gnitd, encore que les Rois de ce tems-
14 pour lefquels il demande que Ton
prie, ne fuflent ni Chretiens ni Catholi-
ques. Et Baruc , Secretaire de Jdrdmie ,
dcrivant aux Juifs que le Roi de Babi-
lone tenoit captifs, leur dit. Priez pour la
confervation de la vie du Roi Nabuchodono-
for & de Balthazar Jon fils , que Jes jours
foient feniblables aux jours du Ciel, & que
Dieu nous fortifie de fa grace nous Mat¬
te pour pouvoir vivre foils la protection de
Nabucbodonofor fif de Balthazar fon fils ,
pour pouvoir les fervir long■ terns , fif meri-
ter leurs bonnes graces par nos fervices. St.
Paul apporte la raifon pour laquelle on doit
prier mdme pour les mauvais Rois. C’cfl ,
dit-il . afin que nous vivions tranquilement
£? paijiblement fous leur rlgne.
Il feroit du devoir d’un Homme Apofto-
lique d’imiter un Apdtre, & de celui d’un
Homme Prophetique d’imiter un Prophd-
te: mais il arrive ici pour nos pechez, que
celui qui tient la place des Ap&tres & notre
dgard, au lieu de prier pour le Roi , qu’il
fuppofe pdcheur , afin que nous puiffions
vivre paifiblement fous fon rdgne , empd-
che lui-mdme par la guerre qu’il excite,
que
d e Liege &c. 495
que nous ne vivions en tranquilite & en
oaix.
Puifque l’Apotre & Ie Prophbte convien-
nenc en ce point, je demanderois volon-
tiers, avec toute humilitb , & comme une
Fille a fa Mere ; je dematederois, dis-je, a
l’Eglife de Rome, d’o'u Iui vienc cette au¬
torite , d’ufer non feulement du glaive fpi-
rituel, mais de porter la main a un autre
glaive, & de repandre Ie fang de ceux qui
la reconnoiflent pour leur Maitreffe ? Je ne
plaide pas ici la caufe de raon Roi , mais
je parle pour l’intbrdt de la Mere des Egli-
fes, dont nous fommes les Filles , & pour
laquelle nous avons fujet de beaucoup ap-
prdhender. Car fi David ne merita pas
d’edifier le Temple , parce que c’btoit un
homme de fang ; comment le Souverain
Pontife, en ayantune feule goute fur fes vd-
temens,pourra-t-iI entrer dans le Sanftuai-
re, & y offrir le fang de Jblus-Cbrift, tant
pour fon ignorance que pour celle du peu-
ple ? O pltit a Dieu que non feulement il
lavat fes mains avec Pilate, en difant com¬
me lui, Je fuis innocent du fang des Juf-
tes ; mais qu’il dit avec St. Pierre , Sei¬
gneur , lavez - moi non feulement les pieds ,
mais les mains & la tete ! Les Juifs qui
crucifierent Jefus-Chrift, par leurs langues
& la troifidme heure,& par les mains^des
Gentils k la fixieme , n’eurent pas pour-
tant leurs mains nettes du fang de Jdfus-
Chrift. Et Pafchal penfera dire avec St«
Paul 3
4S>6 Lettre de l’Egl isz
Paul, & en s’excufant, Je fids pur £? in-
nocent du fang de vous tons.
Mais aucun des Pontifes Romaics at-il
jamais etabli dans fes Decrets, qu’il faille
tirer l’epde conrre les pbcheurs, & que
l’on doive les cofriger par la voie des ar-
mes? Gregoire I. fait voir dans la Lettre
qu’il bcrit au Diacre Sabinien, quel a btb
li-delTus le fentiment des Papes qui Pont
prbcbdb , & quel doit etre celui de tous
ceux qui viendroient apres iui. Faites en¬
tendre doucement, lui dit-il,d nos Serenifft-
mes Seigneurs , que Ji moi qui fuis lew fer-
mteur, j'avois voulu feulement prendre quel-
que part d la defaite des Lombards, la Na¬
tion des Lombards n’auroit de I’beure qu’il
eft , ni Rois, ni Dues , ni Comtes , qu’elle
fe trouveroit dans la derniere confufion: mais
parce que je crains Dieu , j’apprebende aujji
de me rendre complice de la mart d’aucun
bomme, quel qu’il puijfe etre.
Depuis Gregoire 1. les Papes qui l’ont
fuivi fe reglant fur cet exemple , s’btoient
contentez de fe fervir du glaive fpirituel
jufques a Grdgoire dernier, e’eft-a-dire
jufques a Hildebrand , qui le premier a
pris l’bpbe au cdtb, & a donne Pexemple
a fes Succeffeurs, de faire 1st guerre aux
Empereurs. Hbliud favoit mieux que nous
a qui il appartient de juger les Rois, lorf-
qu’il dit dans le Livre de Job , que c’elt
Dieu qui fufeite des Rois impies, & qui
fait regner des hypocrites , a caufe des
pdchez du peuple. Et Sc. Gregoire expo-
d e Liege &c. 497
fant cet endroit de Job: Que celui, dit ce
Pape , qui gemit fous la domination d’un
mauvais Maitre, ne s’en prenne point d ce
Matt re , if mais d foi-meme qui fe I’ejl attiri
par fes pechez. S’il a done d fe plaindre ,
qu’il accufe fa meebante vie , if non pas
Vinjufte conduite de celui qui le gouverne. Car
Dieu dit dans I’Ecriture , Je leur donnerai
des Rots dans ma fureur. Pourquoi done
blamerons - nous ceux qui nous gouvernent ,
puifque e’eft la jujle col ere de Dieu qui nous
les donnel Etpour montrer que la quality des
Rois que Dieu donne, fe mefure par la difpoft-
tion des Sujets, e’eft que fouvent il arrive que
ceux qui paroijfoient bons avant que d’etre
mis en place, ne font plus les mimes quani
ils viennent a gouverner, ainji qu’ilparut dans
Saul depuis fon elevation. Et la conduite
mime des Princes depend Ji fort de la qualiti
des Sujets, que Dieu permet quelquefois que
des Princes, dont la vie d’ailleurs eft innocen »
te , commettent des fautes pour punir la malice
des Peuples. Enfin il eft certain qu’il y a
une telle convenance entre les moeurs des Prin¬
ces if les moeurs des Sujets , que fouvent les
rniebans Rois font les meebans Sujets, if que
les mechans Sujets font les meebans Rois: mais
parce que les Rois ont Dieu feul pour Juge ,
les Sujets doivent Je donner de garde de bid -
mer temerairement la conduite de leur Prince.
Ces paroles de St. Grdgoire font admi-
jrablement pour nous, comme elles font
contre ceux qui ufurpent un jugemenc qui
n’appartientqu’4Dieu, fit qui ne font point
Tome I'V, I i aflfez
49 S Lett re de l’E g l i s e
afiez d’attention aux paroles du Prophete
Amos, qui leur parle , quand il dit; Mal¬
heur cl ceux qui defirent le jour du Seigneur.
Car ddlirer !e jour du Seigneur , c’eft juger
contre les rdgles, c’eit juger tdmerairement
'& h contre-tems, & vouloir prdvenir le ju-
gefnent de Dieu.
Nous ne demeurons pas pour cela d’ac-
dord que riotre Empereur foit un hypocri¬
te; mais lious fommes furpris que ceux qui
]e dennent pour tel, ferment les yeux aux
raifons pour Iefquelles Dieu fait rdgner un
hypocrite. Qu’on fade ceffev les pdchez,
&. on ne vevra plus de, chatimens.
- Que dirons-nous a ces autVes paroles de
Pafchal, qui djt: Que Henri ejl excommunie
par les Apotres .partesHomm'es Apojloliques,
& pur le jugment du St. Efprit ? On pour-
toit d’abord lui faire remarquer que c’eft
tfaiter trop'Sndignement ce Prince, de ne
lui donner ni la qualitd de Roi ni le nom
d’Empereur. Mais enfin , qui pourra de¬
cider ici entre l’Empire & le Sacerdoce? Si
la paix de Dieu qui pafletoiite intelligen¬
ce, n’unit ces deux Puiflknces par la pierre
angulaire de la Concorde , on doit apprd-
hender que l’Edifice de l’Eglife ne foit d-
bratde fur'fes propres fondemens. Comme
l’on juge de la juftice ou de I’injiiftice du
gouvornemem des Princes , par les motifs
qui les font agir, & par l’ufage qu’ils font
de leur puiflance; de mdme Ton juge de la
conduite des Prdlats, par les motifs qui
les remuent, & par la maniere dont ils u-
fent
d b Liege &c. 49^
fent du pouvoir de lier & de delier. D’oti
vient que St Clement tdmoigne que St.
Pierre lui avoit dit: Tu lieras cequ’il faut
lier , tu dilieras ce qu’il convient de delier .
Celui qui eft propofe pour gouverner les
autres, doit faire 1’office d’un MddeCin * &
lion pas s’emporter comme une Bdte fu-
rieufe. Que celui done qui doit faire i’offi¬
ce d’un Medecin, dcoute ces belles paro¬
les de la Sagefle : La me de tous cBUx qui
gomernent ejl courte. Une maladie longue Q*
opini&tre fait le fupplice du Medecin , au lieu
qu’il guerit aifement une indifpojitim pajjagk-
re. /Unjiun Roi ejl aujourd’hui, cf demain
il n’ejl plus.
Puifqu’il n’y a rien qui ne recommande
la moderation ii un Prelat, d’oh vient que
des Papes qui fe fuccddenc les uns aux au¬
tres., femblent auffi hdriter les uns des au¬
tres l'envie de faire la guerre , & d’inful-
ter par des excommunications indifcretes
un Prince qui eft leur Roi f & k qui par
cette ,raifon ijs font tenus d’obdi'r ? On
avoue que quiednque eft excomrnunid par
le jugement du Saint Efprit, doit etre chafte
de la Maifon de Dieu : mais peut-on dire
que celui-l& foit exdommunid par le jugd-
meht du Saint Efprit J qu’un PrdlAt excom-
munie, ou par quelque intdrdt particulier,
ou eri haine de fa perfonne ? . Vous nous
direz peut-dtre avec Stl Gregoire, que dd
quelque manidre qu’un Pafteurli-e, leTrou-
peau doit en apprdhender le lien. Mais
nous vous rdpondrons avedle mdme Saint:
li 2 Que
5*00 Lettre de l’Eglise
Qiie ce Pajteur-la fe prive du pouvoir de Her
& de delier, qui lie ou qui delie fes Ouailles
fuivant fon caprice, £? fans qu’elles miritent
d'etre lUes ou deliees. Vous nous direz enco¬
re que de quelque maniere qu’uneperfonne
foit excommunide , fi elie meurt en cet
dtat, elle eft damnde. Mais l’Eglife de
Rome nous fournit de quoi vous repondre:
car St. Gregoire a laifie par dcrit, & il a
fait voir par fon exemple, qu’un Pape peut
abfoudre une perfonne qui a dtd injufte-
ment excommunide par un autre Prdlat.
Si cela eft au pouvoir d’un Pape, qui dou-
tera que Dieu ne puifle auffi abfoudre ce-
lui qui aura dtd injuftement excommunid
par le Pontife Romain? Car enfin une per¬
fonne ne peut dtre juftement punie par une
autre, qu’elle ne fe foit rendue digne de
punition par quelque faute.
Pafchal pourfuit,& dit k Robert en l’ex-
hortant a nous perdre: Vous nefauriez cer-
tainement offrir un facrifice plus agreable a
Dieu.
Souffrez,ma chbre Mdre 1’Eglife Romai-
ne,fouffrez que je vous demande comment
rien ne peut dtre plus agrdable & Dieu que
ce facrifice ? Car enfin aucun facrifice ne
petit dtre agrdable & Dieu, qu’il ne foit
tout-i-fait pur ; & la Loi ancienne n’or-
donnoit d’offrir & la Pique un Agneau fans
tache , qu’afin que ceux qui l’offroient
ffffient auffi purs & fans tache. Com¬
ment dont cette guerre que Pafchal ordon-
ne que Ton nous faffe, peut ■ elle dtre un
be Liege &c. for
crifice agrdable a Dieu ; puifqu’elle ne fe
peuc faire fans couvrir fes Auteurs de mille
pdchez & de mille fouillures; & que felon
Malachie, c’eftmdme un pdchd,que d’of-
f'rir & Dieu un animal qui loit boiceux , a-
veugle ou invalide ? Le Pape qui prefcrit
ce facrifice fanglant a Robert fon fils, veut
apparemment rappeller le zdle de Phinees,
& imiter la conduite de Moi'fe , qui con-
facra Ies mains des Ldvites dans le fang de
leurs freres. Les fils d’Aron pdrirent au»
frefois pour avoir offert un feu dtranger.
Que Dieu ddlivre d’un femblable malheur,
celui qui lui offre encore aujourd’hui un feu
Stranger ; qui ne lui offre pas le feu que
Jefus-Chrift eft venu jetter fur la Terre
qu’il veut qu’on y allume.
Mais encore une fois, comment Dieu
peut-il avoir pour agrdable un facrifice qui
n’eft ni pur ni fans cache ? Quoi! ddpouil-
ler les Pauvres de leurs biens fera un facri¬
fice agrdable a celui qui rejette les chofes
ddrobees qu’on lui offre en holocaufte!
Les larmes qu’on arrache des yeux des Or-
phelins & des Veuves , par les calamitez
d’une guerre fanglante, ne font pas non
plus un facrifice qui puiffe fitre agrdable k
Dieu ; puifqu’au contraire , Jdfus Fils de
Sirach affure que Dieu eft fenfible aux gd-
miffemens de 1’Orphelin & de la Veuve 2
Les larmes de la veuve, dit cet Auteur Sa-
cre, ne defcendent-elles pas fur fes joues, £?
de fes joues ne montent-elles pas jufques ait
del? Or Dieu qui les voit, en fera touchL
1 i 3 Les
j-oa Lettre de l’Eglise
Les Eglifes oppriraees feront- elles quelque
chofe de plus agrdable ,, & qui puiffe dtre
oftert a celui qui a die ; De qui eft - ce que
faurai compajfton , finon du miferable , de
i'afflige , & de celui qui tremblerg, fousmes
erdres ? Mais combieu parmi ceux qui fe¬
ront opprimez dans cette guerre Papale ,
y aura t-il d’innocens done Dieua dit i^wf-
conque vous toucher a-, touchera a la prunelle
de men ceil*i Enfin ce feroit une chofe fur-
prenante , qu’un facrifice tout fouillb du
fang humain, pfit dtre agrdable ti celui qui
a dit 5 Je vengeful votre lang fur les betes £?
fur les hommes qui I'auront repandu.
Jefus Chrjft a compris ceci prefque en
trois mots dans l’Evangile, quand il a mar¬
que les conditions du Sacrifice. Tout Sa¬
crifice ateur , dit Jdfus Chrift , ferafale avec
le feu , & la T'iclime J,era [alee avec le fel.
On ne pouvoic expliquer plus nettement
quel eft le Sacrificateur qui eft agrdable h
Dieu, & quelle eft la Vidtime qui lui plait;
car fi le Sacrificateur eft fale par le feu du
Saint Efprit, la Vietime fera auffi falbe par
le fel de la Sagefie : & Jefus-Chrift allant
encore plus avant, & penetrant jufques aux
intentions du coeur, ajoute : Le fel eft bon ,
•mais ft le fel s’affadit, avec quoi I’ajfaifonnerez-
vous? Ayez. du fel en vous , 6? gardez lapaix
tntre vous. Rien ne juftifie mieux ces pa¬
roles de l’Evangile, que ce qui fe pafle &
qui fe voit aujourd’hui. Nous ne pouvons
avoir la paix entre nous , fi nous n’avons
du fel en nous; & ainfi parce qu’il n’y a
point
D E LlE .G E. &C. - 503
poiqt de fel en nous p nous tfavons pas
auffi la' paix entre nous.
Pafchal conclut enfin fon Bref par ces
paroles : Voild ce que nousvous ordormoris ,
£? ce que nous impofons a vos Solddts, comnie
le moyen d'obtenir la remijjlon de v'os p&bez,
de meriter les bonnes graces du Siige Apojloli-
que, & d’arriver enfin par ces travaux , e?
par ces triompbes, d la ferujalem Celejie. Ju£
ques-il-prdfent nous avons traitd les matu¬
res, en nous appuyant fur les tdmoignages
des Evangdliftes, des Apdtres & des Prp.
phetes, ou fur des exemples autentique's.
Mais ici je ne fai que dire , & ne v'ois pas
par 011 m’y prendre. Car fi je parcours
tout l’Ancien & tout le Nouveau Teftament,
fi je confhlte tous les Commentateurs des
Ecritures, je ne trouve ni veftige, niexem-
ple d’aucun prdcepte femblable k celui que
Pafchal indme ici k Robert & h fes Sol-
dats. Hildebrand eft le feul & le premier
qui paflant par-deflus les Canons, ordonna
h la PrincefTe Mathilde de faire la guerre k
Henri , afin d’obtenir la remiffion de fes
f idchez; & nous ne voypns pas fur quoi, ni
ui ni ceux qui rimitent, . peuvent fe fon¬
der: nous favons feulement,& nous avons
appris , qu’aucun Prdlat ne peut ufer du
pouvoir de liet & de ddlier, qu’avec beau-
coup de difcrddon, & qu’en gardant bien
des mefures.
Jdfus-Chrift lui- mdme, revdtu de touts
aotre humanitd a 1’exception du pechd *
I i 4 ea
504 Lettre de l’Eglise
en donne l’exemple dans l’Evangile, Iort
qu’il veut reflufciter Ie Lazare: car voyant
que tous les Afliftans pleuroient cette
mort, il frdmit en Ton efprit, il fe trou-
bla lui-mdme, il verfa aufli des larmes ;
& fremifiant encore enlui-mdme lorfqu’il
approcha du fepulcre, il commanda qu’on
6tlt Ja pierre qui Ie couvroit, & levant
les yeux en haut, il pria, & cria h haute
voix , Lazars fortez dehors. Le Lazare
fortit & l’inftant, ayant les pieds & les
mains liez de bandes, & le vifage enve-
loppe d’un fuaire , & Jdfus commanda a
fes Difciples de le delier.
Voili dans Lazare la figure du Pdcheur,
& nous voyons dans Jefus-Chrift le mo-
dele du Miniftre. Autant done de mou-
vemens paffionnez que J6fus-Chrift fait
paroitre a la rdfurredtion de Lazare, au¬
tant le Miniftre en doit - il montrer en
rendant la vie k un Pdcheur. Si done Ie
Pdcheur , ou fi le Miniftre en gdmiflant
pour le Pdcheur s’eft trouble lui-mdme
par des fentimens de penitence , s’il a
pleurd, s’il a crid au Pdcheur: de l'e-
tat oil tu es, confeffe tes pechez ; s’il a
Jevd la pierre de-defius fon cceur endur-
ci ; qu’alors en obdi'flant 4 Dieu, il dd-
lie les liens de l’excommunication , qu’il
6te de-deflus fon front le trifle fuaire
de la penitence, & qu’il le metre en li-
bertd.
C’eft a ce fujet que St. Grdgoire dit;
Que
I r
d e Liege &c. 505:
Que celui'qui condamne un jujte donrie la
mart , mais en apparence , a celui qui
ne meurt pas pour cela ; de meme que ce¬
lui qui penfe delivrer un coupable du Jup -
plice qiCil mirite, s’efforce en vain de don-
ner la vie d un mart qui ne rejjufcitera
pas ; I’abfolution du Minifire n'dtant ve¬
ritable , que lorfqu’elle fuppofe la Sentence
du Juge eternel. Ainfi Us Difciples delierent
celui a qui Jtfus- Cbrijt avoit .rendu la vie ;
& s’Us Vavoient delie dans le terns qu’il etoit
encore mort, leur pouvoir fe J'eroit termine
a en decouvrir & a en faire fentir la
pmntur. Voila comme parle St. Grd-
re.
Vous aviez coutume d’en ufer ainfi ,
notre chere Mdre la Sainte Eglife Ro-
maine, en ne liant, & en ne dbliant les
Pdcheurs , qu’avec beaucoup de difcrd-
tion; vous nous ordonniez mdme de fui-
vre en cela votre exemple. D’oii vous
eft done venue cette nouvelle autoritd ,
d’accorder a des Pdcheurs fans confef-
fion & fans penitence, l’impunite de leurs
pdchez , & en leur donnant la libertd
d’en commettre d’autres ? Quelle porte
n’ouvrez-vous pas a la corruption , & &
la malice des Homines ? Que Dieu , 6
notre chdre Mere , vous deiivre de tous
les maux qui vous menacent ! Que Jd-
fus-Chrift foit votre porte, & votre por-
tier ! Que Dieu vous ddfende , vous &
v.ptre Pjfdlat, des rufes & des artifices de
' : 1 I i 5 ceux
fo 6 Lettre de l’Egljs,? &c.
ceux qui fdduifent fon Peuple, qui le de-
vorent de leurs dents., pendant que leurs
langues prdchenc 1 a paix; & qui enfin d’a-
bord que queiqu’un ne donne pas dans
leur fens, ne raanquent pas aufll - t6t de
lui declarer la guerre, & cela fous prdtex-
te de Religion!
EPIS-
EPISTOLA
EC CLESIi
LEODIENSIS,
SCRIPT A OCCASIONS
brevium Litterarum Pafchalis II. ad
Robertum Flandrenfium Comitem.
MNIBUS bonce voluntatis bomi-
nibus , Leodienjis Ecclejia verita•
tern fidei catbolicam unanimita -
tem inconcuffb tenons. Stupendo
6? gemendo exclamo cum Efaid
XXL qui onus deferti maris exaggerans, ex-
clamat: Sicut turbines ab Africa veniunt, de
deferto venit , de terrd borribili vifio dura
nunciata eft mibi. Qui incredulus eft, infi-
deliter agif, &jqui depopulator eft , vaftat.
Qui ba&enus non intelligebat loquendo ,
quid fit Defertum Mare, nunc intelligat vi-
dendo, quod per Defertum Mare fignificetur ,
non folum Babylonia , fed etiam Mundus &
Ecclejia. Quamvis enim ut Mare undis , fie
Mundus Ecclejia affluant populis : tamen
jure vocantur Defertum Mare , quia Mun¬
dus videtur ejfe defertus ifapientium Princi-
b »- pm
foS Epistoea Ecclesi®
pum gubernaculo. Ecclefia gemit fe defertm
d J'ano Pra'fulum confilio. Qua enim major
olim confufio fuit in Babylonia,, quain bodie
ejl in Ecclefia, ? In Babylone confufa funt
lingua gentium Gen. II. In Ecclefia dividun-
tur lingua mentes credentium. Ait Petrus
in Epifiold fud t. Cap. V. Salutat vos Ecclefia,
qua efi in Babylone cplleEta. HaSlenus inter-
pretabar idea voluijfe Petrum per Babylonem
fignare Romani , quia tunc temporis Roma
confufa erat idololatrid omnifpurcitid. At
nunc dolor mens mibi interpretatur, quod
Petrus prophetico fpiritu dicens Ecclefiam in
Babylone collectam, pravidit confufionem dif-
fenfionis qua bodie fcinditur Ecclefia• Nam
quamvis Ecclefia fit in Babylone mundi , ta~
men debet ejfe collect a per frater mm unanimi -
tatem. Qui fint turbines, ab Africo difcimus
patiendo magis qudm legendo. De terra bor-
ribili, a Romand fcilicet Ecclefia vifio dura
hunciata eft mibi: inde turbo ut tempeftas
venit ab Africo. Romanus enim Praful,
Pater omnium■ Ecclefiarum , litteras contra
nos mittit Roberto Flandrenjium Comiti , qua-
rum exemplar tale eft.
PafcBalis EpilcQpus fervus fervorum Dei,
dilefto filio Roberto Flandrenfium Comiti,
falutem & Apoftolicam benediftionem.
Benediftus Domirius Deus Ifrael, qui in
te virtutis lute efficaciam operator , qui
reverfus ab Hierufalem Syria;, in Caelorum
Hierpfalem jufise militise operibus ire con*
tendis. Hoc eft legitimi militis, ut fui
Regis hoftes inftantitis perfequatur. Gra-
Leobiensis &c. 509
tias ergo prudenti® tuas agimus, qubd
prasceptum noftrum in Cameracenfi Paro-
chia executus es. Id ipfum de Leodienfi-
bus excommunicads Pfeudoclericis pratci-
pimus. Juftum enim eft ut qui femetipfos
k Catholic^ Ecclefla fegregarunt, per Ca-
tholicos ab Ecclefiae Beneficiis fegregen-
tur. Nec in hac tantum parte, fed ubi-
curaque poteris , Henricum Hasreticorurii
caput, & ejus fautores pro viribus perfe-
quaris. Nullum profefto gradus Deo fa-
crificium offerre poteris, quam ft eum op-
pugnes, qui fe contra Deum erexit, qui
Ecclefias Dei regnum auferre conatur, qui
in loco fandto Simonis idolum ftatuit, qui
& principibus Dei fandtis Apoftolis, eo-
rumque Vicariis de Ecclefiffi domo, SanCti
Spiritus judicio , expulfus eft. Hoc tibi
ac milidbus tuis in peccatorum remifiio-
nem , & Apoftolicte Sedis familiaritatem
prtecipimus, ut his laboribus & triumphis
ad Cceleftem Hierufalem , Domino prxU
tante, pervenias. Datum Albani XII. Ka.-
lendas Februarii.
Super his litteris cujus lumbi non replean-
tur dolore ! Super bis me obftupefecerunt tt-
nebrce,nec tantdm pro horrorepericuli , quan¬
tum pro borrendd rei novitate, quod turn Id-
chrymabiles litterce potuerunt fcrihi d matte
contra filias fuas qmmmspeccantes. In judi¬
cio Salomonis 3. Reg. III. expreffa eft magni¬
tude maternce pietatis, quandh judicante Sa-
lomone , ut infans pro quo contendebatur t
gladio divideretur , maluit mater filiumfuurh
fxo Eprs TOLA Ec CLES I IE
fub attend muliere vivere, qudm gladio judi•
cis dividi. Dicit Efaias Cap. XXI. Babylon,
diletta mea , verfa eft mibi in thiraculum. At
ego dico : Roma dileSta mea mater verfa eft
mibi in miraculum. Quid enim tam mirabi -
le, imb quid tam miferabile ! Uidit olim Da¬
vid 2 . Reg- XXIV. Angelum Domini ftantem
extento gladio fuper Hierufalem : nos flics
Romance Ecclefice ecce videmus Romanum Free-
fulem, qui eft Angelas Domini, extento gla¬
dio fuper Ecclefiam. David orabat, ne popu-
lus occideretur : Angelas nofter, porrigens
Roberto gladium , orat ut occidamur.
Unde ifte glaftus Angelo nojtro ? Jubente
Jefu difeipulis , Luc '. XXII. Ut venditd tuni¬
ca, emant fibl gladium, dicunt difeipuli, Do-
mine ecce dud’gtadii hie. Et Jefus , Satis eft.
Ut ex Patrum diStis colligimus , eft unus gla-
dius fpirittis, qui eft verbum Dei, de quo
Jefus ait Mattb'.X. Non venipacemmittere,
fed gladium. Et Propbeta, Jerem XLVlII.
MalediStus qui probibet gladium fuum d fan-
guine. Hunc gladium diftringit Jefus magis
contra carnales affeStus, qudm contra mundi
ajfidtus. Eft 6 ? alter gladius fpiritualis, quo
mortificatis vitiis carnis, emitur corona mar-
tyrii. Cum ergo duos tantitm gladios a Domino
Apojloli babeant , unde ifte tertius Apoftolico
gladius , quern in nos porrigit Roberto armige-
ro fuo? Forte recurrit ApoJlblicus ad Ezechie-
lem Prophetam ,ut de manu ejus tertium arri-
piens gladium , vadat ad dexteram five ad
finiftram , ccedendo bonos & malos. Dicit
mint Deus Ezecbieli Propbetcs Cap. XXL
ut
Leodiensis &c. 511
ut duplicetur 6? triplicetur gladius inter-
feElorum. Puto , non dabit Propbeta ter-
tium gladium Apoftolico. Propbeta namque
duos Evangelii gladios oftendens , per duos
unius gladii ufus, gladium Apoftolico dan-
dum duplicat dicens •. Gladius' exacutus eft &
limatus Ezecb. XXL Exacutus , ut cadai
viStimas : limatus , ut fplendeat. Exacutus
tjl, quia, ut ait Hieronymus (Lib. 3. Com¬
ment, in Ezecbiel.) qui malos percutit, in eo
quod mali funt, & babet gladium interfedio-
nis ut occidat pejfhrtos , mihifter Domini ift.
Limatus ejt , ut fincere preedicetur verbum
Domini Triplicato gladio dr mat Propbeta
interfeStores , quia (ut ait, Paulus Rom.
XIII.) non fine caufd judex gladium port at.
Hie eft gladius inierfeaidnis magnee, qui me
turn Ezecbiele obflupefcere facit. Quem enim
non faciat corde tabefeere.,. quod Apoftolictts
ad vivificandum unEtus , dccinghur in nos ter-
tio gladio interfectorum ? O utinam placatus
dicat Deus etiam nunc Angelo percutienti, 2.
Reg. XXIV! Suffiiit nunc , contine manum
iuam,
Nibil dico in Cbriflwn Domini, fed vicem
noftram doleo. S ednifi Cbrijlus Domini ve-
niens ad caulas ovium intrajjet in fpeluncam
purgare ventrem , non pmcidiffet David oram
cblamydis ejus. Si quis eft David 1. Reg.
XXIV. inveniens bunc Cbrijlum Domini dor-
mientem, omnefque milites ejus dormientes,
non mittat manum in Chriftwtn Domini, fed
tanturn toUqt haftam ejus tft'fiypbum aquee ,
qui oft ad caput ejus- dortmeniis. Hanc haf¬
tam
5i2 Epistola Ecclesije
tarn quam 4 . Reg. XXVI. contra nos erexit ,
oftendo cunStis: bunc fcypbum aquce, qui eft
ad caput ejus dormientis , porrigo cunctis ad
guftandum, utfapiant omnes , quam infipida
fit auEloritas legis ejus f quia difirinxit gladios
Laicorum in cervices Clericorum. Si liceret
dicere (/aha Apojlolica Dignitatis reveren¬
tial ipfe nobis videtur dormiviffe. Dormie-
runt cum eo omnes Confiliarii ejus , quando
conduxit fiibi vaftatorem Ecclefiarum Dei.
Prcecipit Paulus (l. ad Tim. 111. ad Tit. I.)
ut verbum Epifcopi fit Janum irrepreben-
fibile. Nos ergo non infirmamus aut repre-
bendimus verbum Epifcoporum Epifcopi : fed
quia Apofiolicus non debet deviare ab Apoflo-
lo , qucsrimus bumiliter per Jingula, utrum
bcec Apoftolici verba pint per omnia gravita¬
te Apoflolicce aucloritatis fana £? irrepreben-
fibilia.
Ecce ut pater diledtofilio falutem mittit, o’
Apojlolicam benediStionem promittit.
Sed ut multis videturnon ea illi opera in-
dicit , quibus falutem £? benediEtionem d Deo
promereri pojjit.
Benedicit Deum qui in eo efficaciam fucs
virtutis operatur quod Ecclefiam Dei debellat
& depopulatur, ac per hoc coelefiis Hicrufa-
lem aditum eipollicetur. Num redid via di -
leEtum filium dirigat, ipfe Pater nobifeum
videat. • '
Ut utanmr verbis Auguftini fummatim col-
leElis, Deus qui dixit: Ego Deus facien-s
pacem & creans malum Efai. XLV, ficut ce¬
tera fuaviter dijponit , ita hoc etiam difponit,
ut
Leodiens is &c. 513
utbonum pads per bonos faciat, malum vero
belli per mcdos creet.Utens enim Deus animis
bominumpro voluntatibus £? mentis eorum ,
digna dignis opera imponit, at digna dignis
prcemia rependat, bonis bona pro bonis , mails
mala pro malis. Quis unquam populum Dei ,
quit unquam Ecclejiam Dei impundperfecutus
ejl ? Quoties peccabant filii Ifrael, fufcitabat
Deus hojies qui contererent peccantes. Cafti-
gabat Deus quos amabat : & damnabat illos ,
qui vitio fuo tales erant, ut per eos mala■ ma¬
lis inferret.
Dicit Deus per Propbetam Danielem: Vo-
cabo ab Aquilone fervum meum Nabucbodo-
nofor, qui faciet omnem voluntatem meam.
Quam voluntatem , niji ut peccantes difper-
dat , 1 Reg. XII. Hunc fervum fuum , Deus
pro merito fervitutis in bovem convertit. 2
Reg. XVI. XVII
Peccanti David ait Deus. Ecce ego indu •
cam malum fuper te de domo tud. Hoc malum
executus Abfalon, fugato patre fuo , invajit
Hierufalem. Nunquid per hoc meruit cosleftent
Hierufalem ?
Per Efaiam, Cap. X. dicit Deus: Vce Af-
fur, virga £? bacillus furoris mei ipfe. In
manu ejus indignatio mea. Ad gentem fad-
lacem mittam ilium, 6 ? ad populum furoris
mei. Mandabo illi , ut auferat prcedam fef di-
ripiat fpolia , & reliqua. Cur Deus inten-
tat vce Afjur, quia mala qua fecit, eo man-
dante fecit ?
Dee mundo ab fcandalis dicitDominus, Mat.
XVIII: Neceffe eft ut .veniant fcandala, vce
Tome IV. Kk tmm
5GJ. Epistola Ecclesi/e
tavien Mi per quern fcandalum venit. Hoc
Hieronymus (Lib. 3. Comment.') fie exponit,
dm neceffe fit quidem ut veniant fcandala,
ixb tamen bomini, qui, quod neceffe efi ut in
mundofiat, facit fuo vitio, ut per fie fiut.
Qjiid multis opus ? Ecce > opera jujice mill•
tint , quibus pater filiitm , Papa ccelefiis Re¬
gis uiilitem imbuit, per qua pojfit contendere
ad cceleftem Hierujalem, impugnando fcilicet
Ecclefiam Dei.
Gracias , inquit, prudenti® tux agimus,
quod pr£eceptum rsoftrum in Cameracenfl
Provincia executus es. Qiialis Efi quanta
fit vajlitas , Efi contritio. Cameracenfis Eccle -
fice , quis recolit fine dolors ? Ego quidem fi¬
lm Romance Ecclefice, condolebam Cameracen-
fibus pro affeStu germanitatis. Nunc ‘verb, au-
diens hcec mala inferri ex prcecepto Apoftolicce
AuEtoritatis, jam amplius doleo, qiiia.tvm.eo
inatr'i mece, ne in earn redunclet ilkid, quod
Deas dicit per os Efaice , Gap. X: Hcs, qui
condunt leges iniquas, Efi feribentes injujti-
tiam ferip/erunt , ut opprimerent in judicio
pauperes , Efi vim facerent caufee humilium
populi mei, ut ejjent Pidm proeda eorum, Efi
pupillos diriperent ; Efi reliqua. Tantum
Ecclefite defolationem , tantam paicperum Efi
viduarum oppreffionem, tantam preedarum Efi
rapinarum mimanitat'em , Efi quod gravius
eft, promifeuambonorum Efi malorum occifio-
nem, htec Efi pejora bis prcecepto Apaftvlici
faEta effe quis crederet, nifi ipfe fuo fe ore
prodidiffet ?
Taceo Cameracenfem Epifcopatum in duos.
' efe
L.EODIENSIS &C. 5T5
effe divifum judicio Roman# Ecclejits: taceo
tUalcherum, qui Apojtolici confenju £*? au -
tboritate probatus, & prior orainatus fuit,
jubito exordinatum , excommunicatum,
alium ei fabordinatum. Hcec jufia Jint, nec
ne, in Dei pendet J'ententid. Non invebimur
in Cbrijlum Domini , ad quern pertinet folli-
citudo omnium Eclejiarum Sed quia Apojto-
licus bcec malafibi adfcribit, cj? Ecclejice vaf-
tatori per gratiarum aStionem applaudit, fu-
per bis mirandum, an magis Jit dolendum %
nefcio. Cui hoc magis Jit periculofum , ju-
benii , an obedienti? cui hoc magis Jit damno-
Jum, facienti, an patienti; quis homo dif-
cernet ?
Nos attoniti bdc novitate rerum, qucerimus
unde Jit hoc novum exemplum, ut prcedicator
pads, fuo ore & alterius manu inferat Ec -
clejite helium . Contra barbarorum & inimi-
corum Dei ajfultus, concedunt Canones etiatrt
Clericis arma addefenjionem Ur bis & Ecclejice.
Bella verb indici Ecclejice per auttoritatem ca•
nonicam nufquam legimus. Qiicero quod nef¬
cio , dico quod fcio. 2. Tim. 1 U.
Pacem Jefus, pacem Apojioli, pacem Apof-
tolici Uiri prcedicant ,peccantes arguunt, ob-
fecrant, increpant in omni patientid & doc-
trim. Inobedientes jubet Paulus , Tit. I. du¬
re increpari. Quomodo dure increpantur ino¬
bedientes , dicit Jefus, Matth. XUlll : Si pec-
caverit intefrater tuus, corripe ilium, pri-
mb folum folus , fecund'o cum duobus aut
tribus tejlibus; tertib cum Ecclejid. Si Ec-
clefiam non audierit, fit tibi ficut Etbnicus
Kk 2 £?
j-16 Epistola Ecclesiae
& Publicanus. Hinc ait Augujlinus : lllud
quod ait Jefus , Si Ecclefiam non audierit,
Jit tibi ficut Etbnicus & Publicanus ; gra¬
vies eft quam ft gladio feriretur, ft flammis
abf umeretur, fi feris fubjiceretur. Nam, ibi
quocjue Jefus Jubjunxit , Mattb. XVIII.: A-
men dico vobis , qua ligaveritis in terra, li-
gata erunt & in ceelo, ut intelligeretur, quod
graviiis fit punitus, qui velut relidtus eft im-
punitus. Sic fententid veritatis expofita ab
Auguftino, quit divines vindidiee humanam
vindiPtam fuperponat ? Qid ilium perfequi-
tur, quern Deus percujfit& Juper dolorem
vulnerum Dei addit , videat quid imprece•
tur illi Deus, qui iniquitates & dolores nof-
tros in per fond dominici bominis portavit ,
Pfalm. LXV 11 I. Apponite iniquitatem fuper
iniquitatem illorum; & reliqua.
Si quispro Apoftolico dicat, merit'odepopu-
landam Ecclefiam cui incumbat excommuni-
catus Epifcopus; audiat exemplum, in qm
caufa caufce , & perfona perfones refpondet ,
Lib. 7 . Regift. cap. 129 . Tempore primi
Gregorii Papes , defunSto Salonitanes urbis
Epifcopo, citm decrevijjet Gregorius ut pro
to Epifcopus ordinaretur Honoratus, Maxi¬
mus quidam auxilio militaris manus mvadens
EpiJ'copatum Salonitanum , & ab Epifcopis
confecratus, d Gregorio excommunicatus eft ,
6 ? tamen miJJ'as celebrare preefurnebat. Hunc
Gregorius, non aliis quam facer dot alibus ar-
mis debellans, non fuperordinavit ei Honora-
tum , non immijit Ecclefice vaftatorem, fed
tamdiii peccantem arguitj donee feptimo ex -
com -
Leodiensis
regni invaforem, Simoniaci idoli adoratorem,
ab Apoftolis & Apojlolicis excommunicatum
meat , quafi tot iEtus ittibus addidit , If tot
vulnera animee ejus infligit , ut fi infirmus
in fide effet, de/perare poffet. Sed qui in feu
riendo Petrum imitatur, etiam in recondendo
gladio Petrum imitetur. Qui enim fanavit
Tame IV. L 1 ««*
5jo Epistola Ecceesi.®
auriculam Malcbi, poteft etiam fanare auri-
culam Regis bceretici.
Si talis eft {quod dbfit) If pro nobis dole -
mils , If ipfi Domino noftro condolemus. Ni¬
hil modo pro Imperatore noftro dicimus , fed
hoc dicimus, quod, etiam ft, talis ejjet , tamen
eum principari nobis pateremur : quia ut talis
nobis principetur , peccando meremur. Efto ,
concedimus vobis inviti,eum talem ejje, qua-
lem dicitis. Nec talis d nobis repellendus eft
Jet armis contra, eum fumptis , fed precibus
ad Deurn ftufis.
Contra Pbaraonem , Exod. VIII. IX. X.
cujus cor contra Deum induruit , Moifes ra-
nam, mufcam, locuftam , grandinemque in-
duxerat: has tamen plagas , non nift orando
extenfis in ccelum manibus avertere potuit,
Et Paulus, x. Tim. II: Obfecro, inquit t pri¬
on b omnium fieri orationes pro Regibus , If
If pro omnibus qui in fublimitate funt conft
tituti. Reges illius temporis, pro quibus Pau¬
lus orari obfecrabat , non Catbolici , non
Cbriftiani erant. Baruch, Cap. /. quoque ex
ore Hieremice , fcribit Judceis d Rege Babylo-
otis captivatis: Orate pro. vita Nabucbodono-
for Regis, If Balthazar filii ejus , ut Jint
dies ejus ficut dies coeli fuper terrain , If det
Dominus virtutem nobis , If illuminet oculos
noftros , ut vivamus ftub umbra Nabucbodono «.
for Regis Babylonis, If Balthazar filiiejus,
ut ferviamus eis multis diebus , If invenia-
onus gratiam in confpeRu eorum. Cur pro ma¬
ils Regibus orafi debeat, Paulus die it ; Jcilicet
ut trunquillamvitam qgarnus.
L E O D I E It S I S &C. 5£l
' EJJet Apojtolicum imitari Apojiolum, i. Tim.
II. EJJet Propheticum, imitari Propbetam. Sed
peccatis nojtris merentibus Apo/tolicus , qui
etiam modo orare deberet pro Rege quamvis
peccatore , ut tranquillam c? quietam vitam
agamus , agit bellando , ne tranquillam c?
quietam vitam agamus.
Ciim ita Jibi confonent Apojlolica , cf Pro -
phetica verba , quaro humiliter ego /ilia d ma-
tre mea Sanctd Remand Ecclejia , unde bcec
aucioritas Apojlolica , ut prater fpiritualem
gladium, exerat in J'ubj echos alterum occifimis
gladium ? Non ago pro Rege , fed pro Eccle-
Jiarum matre , cujusparti timemus nos ejus
Jilice. Si enim David i. Par. XXII. XXVIII.
non meruit adificare templum Dei , quia vir
fanguinum erat , Summits Pontifex ,fi vel JliU
la janguinis vejlem ejus tetigerit ,'qubmodb in
San eta Sanffiorum introibit cum/anguine Chrij-
ti , quern offer at pfojud'ff pro populi igno-
rantia. O utinam non cum Pilato, Mattb.
XXVII. tantum lavet mantisfuas,dicens: Mun-
dus ego fum d /anguine innocentum ,/ed etiam
cum Petro dicat, Joan. XIII. ■Domine lava
non tantum pedes meos , fed & manus fc? ca¬
put. Judcei, Marc. XV. non excufaverunt
manus fuas d /anguine Chrijti , quem ipji
bora tertid Unguis Juts , bord fexta manibus
Romanorum crucifixerunt. Apoftolicus verb
fe excufans, dicit cum Paulo , A£t. XX. Mun -
dus ego fum a,/anguine omnium vejlnlm.
Quis Pontificum Romonorum (Lib. VII. Re-
gift. cap. i.) Juis unquam decretis autlorifavit ,
ut debeat Pontifex gladio belliin peccantes uti?
Gregorius primus"ejus nominis Papa ,' quid
L 1 2 om-
5J2 Epistola Ecclesije
cnines ante fe Papa fuper hoc fenjerint , &
quid omnes poji Je /entire debeant, ojlendit,
Jcribens Sabiniano Diacono. Unum eft quod
bumiliterfuggeras ferenijfimis Dominis noftris:
quia Ji ego fervus eorum , in mortem vel Lon-
gobardorum me mifcere voluiffem , bodie Lon-
gobardorum gens nec Regem, nec Duces, nec
Comites baberet , atque in Jummd confuftont
ejjet. Sed quia Deum timeo, in mortem cit -
jufibet bominis me mifcere formido.
Hoc exemplo omnes d primo Gregorio con-
tenti , utebantur folo gladio fpirituali, ufque
ad ultimum Gregorium , id eft Hildebrandum y
qui primus fe er fuo exemplo alios Pontifices
contra Imperatorem accinxit gladio belli. Quis
poftit Regem arguere ? Melius nobis intellexit
Heliu, qui in libro Job, Cap. XXXIV. de
Deo ait: Qui vocat duces impios, cf qui reg-
nare facit bypocritam propter peccata populi.
Quod Gregorius , Moral, lib. 25. cap. 20. ex-
ponens : Nullus, inquit , qui talem reStorem
patitur, eum, quern patitur accufet: quia ni-
mirum fui fuit meriti, perverji rectoris fub-
jacere ditioni. Culpam ergo proprii magis ac~
cufet operis , qudm injuftitiam gubernantis :
Scriptum namque eft 0 fece XIII. dabo tibi
Reges in furore meo. Qidd ergo illos nobis
prceeffe defpicimus, quorum fuper nos regimi-
na ex Domini furore fufcepimus> Sic ergo fe-
cundum merita fubditorum tribumtur perfona
regentium, ut fcepe, qui videntar boni, ac-
cepto mox regimine permutentur, Jicut Saiil ,
1. Reg. XIII. qui cor cum dignitate mutavit .
Sic ergo pro qualitatibus fubditorum difpo-
nuntur
L. EODIENSIS &C. 5U
TMTitur a£ta regentium, ut Jape pro malo gre-
gis, etiarn vera boni recloris vita delinquat.
Certum verb ejl , quod ita Jibi invicem fc?
reElorem 6? plebium merita conneStantur , ut
/ape ex culpa reclorum deterior fiat vita ple-
bium, £? Jape.ex merito plebium mutetur vita
reStorum. Sed quia reel ores habent judicem
Deum , magna cautela fubditorum eft non
tsmeri judicare vitam regentium.
Hcec Gregorii verba agunt pro nobis , quod
vos Deo judicium fuum tollatis, nec attenda-
tis quod dicit Amos Propbeta Cap. V: Vos
dejiderantibus diem Domini.- Diem Domini
defiderat, qui injufte vel importune, vel intern•
peftive de fubjeEtis judicat , vel voto cordis
judicium Dei praoptat.
Non dicimus Imperatorem noftrum ejje by -
pocritam, fed vos, qui eum babetis pro bypo-
critd, miramur , quod non attendatis, qud
cau/d Deus regnare faciat bypocritam. Si
enim cejfarit caufa peccati , ce/fabit & pana
peccati, Job. XXXIV.
Quid de eo dicimus, quod Henricum ab A-
poftolis & Apoftolicis viris excommunicatum
Sancti Spiritus judicio dicit ? Nimis ilium
deteftatur, quern nec Regis, nec Imperatoris
nomine dignatur. Quis poterit difeernere cau-
Jam Regni a caufa Sacerdotii. Nifi pax Dei ,
Philip. IV. qua exuperat omnem fenfum , co-
pulet regnum £? facerdotium uno angulari la -
pide concordia , vacillabit ftruStura Ecclefia
fuper fidei fmdamentum. Utpoteftatem regni
probat vel improbat caufa modufque regendi ,
fee poteftatem Jacerdotii probat vel improbat
L1 3 cauftt
53+ Epistola Ecclesi^
caufa modufque ligandi & folvendi. Nam
Clemens, EpAJi. i. ad Jac. fcribit dixijje Pe-
Irum: Ligabis quod oportet ligari, & folves
quod expedit folvi. Qui pr mais
point le troifieme (le Temporel ) que les Papes s’arro-
gent. 4S4. Paflage d’Ezechiel dont on abufe au lujet de
ce Glaive-ci. 463.
Epicure. Son fentiment fur le Souverain Bien. 44 -
Escobar. Extrait de Propofitions dangereufes tire'es
de fa Thcologie Morale. 17$.
EvEquES. Le Pape peut les appeller Freres 8c Coeve-
ques, mais point Fils 17. La raifon. 326. Quels font
ceux qui foutiennent mieux la dignite de leur caraftere.
17. Note. 11 s ont leur pouvoir immediatement de J. C.
,j2o. Mot de St. Cypricn a ce fujet. 321. Ils font
appelleZ egalement Chefs de l’Eglife dans uneEpitreat-
tribuee A St. Jaques. 322. En quoi leur miffion confif-
te effentiellement. Ibid. L’Eglife Univerlelle a de tout
terns reconnu leur pouvoir. 323. Sem'ores, nom qui leur
a ete donne. Ibid. Sur quoi eft fonde.Sc fur quoi n’ell
pas fonde l’ufage des Bulles qu’ils prennent a Rome.
32S. Raifons qui prouvent que les Rois de France peu-
vsnt les nommer. 3*7. Source de Tautoiite que les Pa-
DES MATIERES
pes fe font donnee de les obliger de prendre leiir inveP
titure du St. Siege. 329. V. Papes.
Eugene IV. Cara&ere de ce Pape. 383. Eft depo¬
se. 384-
Eutichius. Dernier des Exarques qui gouvemerent
l’ltaiie pour les Empereurs Grecs. 477. Par qui depouil-
ie de Ion Exarcat. Ibid.
Ezechiil. V. Epees.
F.
F Aineans. Ce qui a donne lieu a donner ce nom aux
Rois de France de la premiere race. 422.
Felix. Son cara&ere, 8c lous quelle condition il qui-
tale Pontificat. 38}.
France. V. Sixie V.
Franchise DU qjjartier. V. H°is de France.
G.
G laives. V. Epees.
GibElins. V- Guelphes.
Guelphes 8c Gibelins. Source des guerres entre les
Empereurs Allemands 8c les Eveques de Rome delignez
par ces noms. 39s.
Guigues. Exclamation de ce Gene'ral des Chartreux
fur le Dogme de la Probability, iji.
Guize. Deflein de cetteMaifon contre celle deBour-
bon. 417.
Gregoire II. Stile de fa Lettre a l’Empereur Mauri¬
ce. 410. Juftifie contre Bellarmin fur 1 ’entreptife qu’il
lui attribue fur le Temporel de l’Empereur Leon. 4.9.
V. Maxime.
Gregoire VII. Son cara&ere. 437.
Gregoire XIV. Son entrepiife lur le Temporel de la
France. 416.
H.
H Enri IV. V. Unties. H/rsaa. Per fen.
Hereau (le Perej enfeigne a fes Difciples des
Tropofirions prejudiciables 88. Tiois Requttes prefentees
au Parlement de I’Univerfite de Paris a ce lujet 89.
MecontentemenC du Roi contre ce Pere. Ibid■
Hildebrand. Le premier Pape qui ait leve la lance
'irnr.e IV. I>£iS_ . Sa»
TABLE
Sacerdotale cor.tre le Diademe des Rois. 471,
Honorai. V. uAugujtiu .
I.
J EromE (St.) Son mot celebre au fiijct des Opinions
Probables. 14s. Ses belles paroles touefaant les Sen-
timens relzchez. 262.
Infaillible. V. P apes.
Innocent 111 . Son entreprife confre Philippe-Auguf-
te & Philippe le Bel. 413.
Innocent XI. Son entreprife fur un droit d’honneut
que les Rois de France poffedent de terns immemorial.
44>. V. Lmuriin. Morale.
Inquisition. Lettre fur lTnquliition qu’on veut eta-
blir en France. 1. orc. Ses facheufes co/ife'quences pour
bien des Families. 3. &c. Queries que f-a feule idee oc-
calionna en 1565. dans les Pais-Bas. is- Note.
Jour du Seigneur, Ce que e’eft que le defirer.
49 s -
ITHACIUS. V. P rifcilien.
Jugemkns. Que les Jugemens temeraires &crimine!s
en matierede Foi font tres-communs. zs. Leurs four-
ces generales, ou deux erreurs a eviter la-deftus. 29 ike.
V- ■Av.gujtm.
Juls II. Caraftere de ce Pape. 3S5. Son entreprife
contre Louis XI. tk Henri d’Albret. 416.
L.
L AmV. V. Des Bois.
Lavamin. Attentat d’Innocent XL contre eet Am-
balfadeur de Fiance a Rome. 162.
Leg ATS A LATERE. Pourquoi if faut s’oppofer 4
ceux qui vieiinent de la part des Evequ'e's de Rome. 4S8.
LegrAS. V. Caboche.
Le Noble. V. Noble.
Leon X. Caraftere de ce Pape. 387.
Libelee. Replique des Curez de.Rouen a la %eponfe
d 9 t*n Theologicn attx Proportions txtraites des Leltres de Jan-
Jenim. 107 ike.
LibeRte’s Gallicanes. Ce qui en eft la fource.in-
violable. 403.
Liege. Lettre de l’Eglife de Liege au fujet d’un Eref
de pafehat II, contr’elle. 4)3. are. Peife'cntee. 475.
Li-
D E S MATIERES,
LtvrvS. V. ^duguftin.
Livres Fenitentiaux. Comre lefquels I’Eglife de
France s'eleva dans le IX. Siecle. ijg. See.
Lombards. Origine de leur domination cn Italic.
276. See.
Louis lf. DebOnnaire. V. Papes.
Lucrece. Ce qu’il penfoit de l’Ame. 44.
M.
M Aires du Palais. Leur pouvoir fous les Rois
de France de la premiere race. 421.
Maistre (Mr. le) V. Sacy.
Majordome. Le Pape l’eft de l’Eglife felon Beliar-
min 360.
Mal. Exemples de la vengeance que Dieu tire de
ceux oui font du mal. 468.
Mahichx’ens. bn de ieurs principaux artifices pour
decrier la Religion Catholique. 39. V. AogulHr..
Mariana. Auteur d‘un Livre dangereux, 14, Note.
Marth (Evequede Touts.) Sa vigoureufe mais faga
condnite envers 1 ’Eveque Ithacius. 474. V. Priftilien.
Maxime. S’empare a main forte de I’Evtcbe de
Salone , & fage conduite de St. Gregoire a Ion egard.
A73-
Maxime. (Empereur) V. Prifdlien.
Mechans. Paroles de |. C. one St Auguftin trouve
plus ternbles pour eux, que la moit ou l’on pourroitles
-condamner. 472.
MascArenhaS. Cenfure de quclques-unes de fes pro-
poiitions. 172.
MeR Deserte e’Isaie. Ce qu’on peut entendre
par la 400.
Mil.hard. Son Livre intitule , La Grande Guide des
Cures.. 88.
Missed. Mots qu’on cn a retranchez. 374.
Moderation. Exemples de ceite vertu. V. Martin,
t.iauime.
morale. Comment traitez ceux.qui s’oppofent a la
Morale corrompue. .202. Paroies d’Alexandre VII. con-
tr'elle. 204. Et d’lnnocent XI. 205.
MonArchiE. Ses differentes efpeces. 298. See. Tour-
quoi l'Etat Monarchique eft le plus noble, & l’.Arifto-
cratique le plus conforme a Ja liberte Sc it la raifon,
302.
Mornav. (Du Plefils.) V. Perron.
Mm 2
N,
TABLE
N.
N Oblf. ( Mr. lc ) Quel Livie on Iui attribue com*
munement. 341. Note.
O.
O pinions Probables. Quand e’eft qu’on peut en
iaire ulage, 258. V. Probability.
Ofiat. Cara£tere de cet Eveque. 68.
P.
P Apes. S’ils font infaillibles. 18. Leur pouvoir born£
en France. 19. On veut bien les y confulter.. 2 r.
Note. Papes done l’un degrade l’autre. 76. Trois fa-
50ns de penler 1 leur fujet, quand il arrive des demeiez
entr’eux & les Rois de France. 265. Etabliffement de
]a Souverainete Tempordle qu’ils pofledent aujour-
d’hui. 269. Sur quoi l’on fonde la donation faite par
l’Empereur Conflantin au Pape Silveftre I. 271. Freuves
de la fauflete de cette donation. 272. Source du cha¬
grin des Papes contre les Empercurs de Conftantinoplc.
277 - Pepin, en qualite de Patrice de Rome vient au fe-
cours du Pape contre Aftolphe Roi des Lombards 8c
d'italie, qu’il depouille de l'Exarcat de Ravenne & de
la Marche d'Ancone, dont il donne Je domaine utile
au Pape , s’en refervant a lui-meme la Sonverainete.
2S0. Didier, Succefletu d’Aftolphe, vaincu par Charle¬
magne, qui confirme la donation de Ion Pete (la pre¬
miere qui ait ere faite au St. Siege) & y ajoute le Du*
che de Spolete , avec la meme relerve. 2J2. Enfuite
tout le Territoire de Sabine, & Capoue avec plufieurs
auires Terres de ce Duche, apres avoir vaincu Arigize
qui en etoit Due. 283. Louis le Debonnaire a ces do¬
nations de fes Peres ajoute la Ville de Rome, aulli a la
Souverainete pres. 287. Sentiment des Uitramontains
& de FEglife de France touchant le Pape.. 291. 8ec. Pa¬
pes dont on ne pent lire qu’avec horrent les exces de
Jeurs entrepriles. 294. Primaure du Pape reconnue par
1 ’Ecriture, & par tous les anoiens Peres. 295. &c. Ce
qu’emporte cette Primaure. 29S. 8cc. Comparaifon du
l'ape avec le Doge de Venife. 299. Comment on doit
gdininiftrer l’ufage des Cles. 300. A qui elles ont ere
doc*
DBS M A T I E R E S.'
donnees. 307. Trois Paffages de l’Ecrituie pour prouvef
que St. Pierre eft ieul Chef de l’Eglife. 307. Repon-
fe au premier. 3 ° 9 . Rep. au fecond. 314. Rep. au noi-
lieme. 31S. Papes qui ont lefufe Je litre d’Eveques
.Umverfels. 330. En quel lens on pent ie leur donner,
& en quei fens point. 332. Que Trnfaillibiiite ne leur
appartieut point, mais a l'Eglile. 333. Temoignages
de St. Paul & des Peres contte i’lnfaiilibilite des Papes.
339. Papes qui out end. 340. Reponfe aux paffages
des Ultramontains pour ce Dogme. 341 Preuves con-
tre, tirees du Droit Canon. 34s- Autres preuves titees
du tejnoignage meme de divers Papes. 347. lnepte dif-
tinftion des Ultramontains a ce fujet. 346. Qu’un Con-
cile Univerfel legitimement affemble eft au-dellus du
Pape 352. Bellarmin contraire a cela. ibid. Sa fauffe
fuppofttion pour foutenit fou fentimer.t. 353. Il alle-
gue lesConciles 8c l’Ecriture. 356. Rep a fa preuvetiree
de l’Ecriture. Ib’d. 8cc, Rep. a celle qu’il tite des Con-
dies. 3. 8cc. Au Concile de Conftance, qui lui eft
contraire , il objefte tro.s chofes. 373. Rep. a la pre¬
miere. Ibid. Rep. a la feconde. 37s. Rep. a la trojfie-
me. 378. Trois Papes depofts a la fois. 360. Le Con¬
clude Bade etablitqae le Pape eft oblige d’obeir au Con-
cile du moins en trois points. 3 8 °. Quand e’eft que les Pa¬
pes commencerent a empieter des droits qui ne leur ap-
partiennent pas. 398. Qu’ils n’ont aucun pouvoir liar le
Temporel des Rois , prouve par 1 ’Ecriture. 404. 413.
Par les anciens Ieres. 407. Par les Conciles, & par des
Papes memes. 408. Fauflete du pouvoir, au-rr.oins in-
direift, que Bellarmin leur donne la-deffus. 409. Papes
qui ont enttepris fur le Temporel des Rois. 413. &c.
Cinq exempies rapportez pat Beilarmm pour autorifer
ce pouvoir des Panes. 417. Reponie geuerale a ces
exempies. 418. Refutation du premier exempie 419.
Du fecond. 420. Des trois autres. 437. Raifon invin¬
cible contre ce pretendu pouvoir. 438. Reponfe i deux
autres Paffages de l’Ecriruie alleguez pat Bellarmin a cc
fujet. 440. Recapitulation de ce qu’eft le Fape fpirituel-
lement & temporellement 442. &c, S’tls peuvent em¬
ployer le Glaive Temporel. 465. 495. Exempies de
moderation qu’ils devroient luivre, 473. 474. Qu'on
peut les repiendre quaud ils font en fame. 45,0. V. Bar.
nifdce Vlil. DiJpenjes. Eglifc. Epee. Evcques. Lregairc i I.
& XIV. Hildebrand. Mnjordome. Parlsment de Paris. Upts
de France,
Mm 3
Par,
T A B I E
TaRjure. Qu’il faue l’eviter. 482.
Parlement de Paris. Redoutable au Pape , auxr
Eveques & sux Jefuites. 2. Note. A toujours, comme
les autres Parlemens, foutenu I’autorite des Roiscontre
les entrepriles de la Cour de Rome. .22. Note. Que les
Parlemens Tout les juges miturels des queltions de Fait
dans les Matieres Ecclefiaftiques. 2 s.
Paschal II. V. L'ige.
PenitentiAux. V. Livres.
Ff.pin. V. Childctic. Papes.
Pepin Heristkl. Sa naiffance , fes emplois , fon
caraftete, Sc hiftoire de fes Enfans. 423. See.
Perron (le Cardinal du) attaque du Pleffis-Mornay,
& ce qu'Henri IV. ordonne a ce fujer. 25.
PersF.cuteuRs. Plus a plaindre que ceux qu’ils per-
fecurent. 79. Si l’on peur perfecuter une Eglife dont
1 'Eveque eft excommunie. 473. V. Cambras. Canz.
Liege.
Philippe le Pee. V. Boniface VIII.
Pierre. (St.) V. Papes.
Plectsude. V. (buries-Martel.
Priscilirn & Priscilianistes. Excommunication
de cet Eveque par le Pape Damafe ; & arret, de mort
eontre lui Sc fes Seftateurs par l’Empereur Maxime, y
incite par l’intolerant lthacius. 474.
Probabilite’. Comme elle nair Sc ctoit, Sc comme
on traite ceux qui la comfcattent. 743. Les Jeliiires eux-
memes n’en diffim.ulent pas la nouveaute. 144. Ses fa-
dieufes confluences pour l’Etat. ijj See Explique'e
par Caramuel. 137. Quatre maximes dans l’union def-
quelles confide Ion venin. 159. See. V. Gnigues. Jerome.
Opinions Probables. Thomas.
Propositions qu’011 ne peut fouffrir dans la prati¬
que. 19S. See.
U artier. (Eranchife du) V. Rois de France.
R.
R A ineroi. Excite une guerre civile, Sc fe fait Maire
du Palais aux de'pens de Theoba'd. 424,
Reguliers. Plaintes de I’Archeeeque de Malines con-
tre ceux de la Compagnie de Jelus. J93. See,
Ri-
DES MATURES,
Richelieu (le Cardinal de ) y. ^Appels comme d’almi.
Robert ( Comte de Flandre ) exhorte par Pafclial II.
a ravager l’Eglife de Liege. 461. Remercie de I’avoit
fait a Cambrai. 469.
ROis. Qu’on leur doit une jufte foumiffion. 478. Si
l’on peut les excommunier, 487. Qu’on doit prier pour
ceux meme qui font heretiques. 494. Sur le Tempore!
des Rois. V. Papes.
Rois de France. Qtie le Droit de Franchife du
Quartier a Rome leur appartient, a l’exclufion des au-
tres Potentats. 44s. Ce qu’ont fait les Papes pour abo-
lir indiredlement ce Droit. 4J0. I'reuve de la Souvcrai-
iiete' des Rois de France fur Rome. 489. &c. Pourquoi
Dieu do.une iouvent de mauvais Rois. 497. V. Clerge.
Candles. Evecpues. Pain cans. Innocent XI. Papes. Parlement
de Paris.
Rome. V. ^ilaric, Papes. 'Pais de Prance .
S.
S acrifice. Conditions du Sacrifice, joo. 8cc.
Sacy (Mr. le Maiftrede) Sa Lettre contre l’Jnqui-
fiticn qu’on veut etablir eu France. 1. ike. Particular!.'
tea concernant cet habile homme. Ibid . Note.
Salomon. Application a 1 ’Eglile de Rome du juge-
ment de ce Roi-Prophete entre deux Meres qui le diipu-
toient uu Enfant 4S3.
Salone. V. Maxime.
Serpens. Leur prudence. 260 .
SfondratE. V. Celeilin Sfonctrate .
Silvestre I. V. Papes.
Si xte V. Son infolente Bulle contre un Roi de Fran¬
ce. 410. Son entxeprife fur le Temporel de la France.
416.
T.
T EmporEl. V. Papes. Ttois. Slxte V.
Theobald. V. %ainfroi.
Thomas. Lieu de St. Thomas qui dclaircit la matiere
de la Probabilite'. 1S1.
T rente. V. ConctUs.
Tribunaux de Conscience. ]. C. en etablic trois
inferieurs. 35s.
V.
TABLE DES MATIEB.ES.
U.
u Niversite* df. Paris. V. Here an.
W.
W Alchere (£veque de Cambrai) depo/e & ex com-
( munie. 470. 1
Z.
Z Acharie (Pape) juftifie contre Bellarmin fur I’en-
/ rreprife qu'il lui artiibue a Pegard de Childexic,
420. See.
Tin de h Table du Tome IF-
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