FAC-SIMILE DE LE V ANGELI AIR E SLAVE DE REIMS VULGAIREMENT NOMME TEXTE DU SACRE PUBLIE PAR J. B. SILVESTRE COMMANDEUR ET CHEVALIER DE PLUSIEURS ORDRES, AUTEUR DE LA PALEOGRAPH1E UNIVERSEI.LE Traduit de Slave en latin et prčcčdč d’une dissertation en forme de preface par B. KOPITAR CONSKRVATEUR DE LA JUBLIOTHKQU E IMPERIALE ET KOVALE DE VIENNE, CHEVALIER DBS ORDRES DU MERITE CIVIL DE PRUSSE ET DE S. GREGOIRE LE GRAND, DE ROME. OUVRAGE DEDIČ A S. M. LEMPEREUR DE RUSS1E. PROSPECTUS. Aous annoncons la repupduction parfaite d’un raonument calligra- pliique auijuel ne peut manquer de s’attacher le plus vif interet. Tout, en effet, dans 1’histoire de ce manuscrit est singulier, nous allions dire merveilleux. L’opinion le plus anciennement adrnise, c’est que cet JEvangile au- rait ete donne par Anne de Russie a Roger, eveque de Glialons, quand celui-ci vint cherclier celte princesse, en 1048, pour la conduire a Plnlippe I er qu’elle epousa; dans eette supposition, Roger aurait cede ce manuscrit a 1 ’eglise de Reirns. Selon 1 ’abbe Pluclie, ce manuscrit viendrail d’Ebbon, garde de la bibliothecpie de Louis le Debonnaire, et archeveque de Reims en 81G: charge de missions diplomatiques en Saxe, en Danemark et en d’autres regions septentrionales oii Ton faisait usage du caractere slavon , Ebbon aurait rapporte de ses excursions cet antique et precieux Evan- geliaire. D’aulres erudits parlent en termes divers du manuscrit de Reims. Le voyageur anglais Fordhill, visitant la bibliotbeque imperiale de Vienne, reconnut dans un livre imprime en caracteres glagolili- ques les signes qui 1’avaient naguere frappe dans le manuscrit du tresor de N. D. de Reims. M. Charles Aller, traitant de la litterature slave, dans ses Melartges de philologie et de critique, lit a son tour 1 ’bistoire des peregrinations du celebre texte de Reims. Ce n’est plus dEbbon, comme le dit Pluclie, que proviendrait le volume, mais de Constanti- nople, par la voie des conquerants veniliens de 1204. E11 1799, 1 ’iIIustre Silvestre de Sacy s'exprimait ainsi : « Ce livre d’evangiles n’a pas ecbappe au systeme de'sastreux qui a delruit, dans un siecle de philosophie, ce que des siecles ddgnorance et de bar- barie avaient respecte et conserve. Le precieux manuscrit de Reims a disparu, el tout porte a croire qu’il a ete la proie des flammes. » Voila bien des opinions distinctes sur 1 ’origine de cet Evangeliaire. Nous en avons d’autres encore , car M. Kopitar, le savant bibliothecaire de S. M. 1 ’empereur d’Autriche, n’avait garde d’oublier ce fameux texle dans son Glagolita glozianus. II rappelle ce regrettable manuscrit, ce monument si precieux pour Reims, brule comme tant dautres en 17^2. Puis, obordant la cjucotion clc Foriginc, M. Kopitar s’exprime ainsi : « On peut reconnaitre ici le livre meme que composa saint Me- thode, 1 ’invenleur de 1 ’alphabet slave au IXe siecle : de Rome, oii ce livre avait ete porte pour confondre les detracteurs de la langue sla- vonne, il peut avoir ete conduit, on ne sait quand ni par qui, jusqu’a la cathedrale de Reims. » M. Kopitar, en faisant hommage a la bibliotlieque de Reims de son precieux Glagolita , crut. devoir solliciter quelques nouveaux details sur le lexte du sacre et son incineration supposee. Dans le meme temps, 1 ’ambassade de Russie, au nom des corps litteraires de 1’empire, recueillait ce que la bibliograpliie et la tradition locale alle- guaient a propos du celebre manuscrit. Voici la reponse cjue lit a ces diverses interpellalions le bibliothecaire de Reims : « L’Evangeliaire slavon, dit Texte du Sacre, n’a point ete brule > oublie longtemps sous des monceaux de livres mis au rebut, on a pu d’aulant mieux le croire ajamais perdu, que dans le proces-verbal du pillage auquel Notre-Dame fut livree, en vertu du decret du 14 sej>- tembre 1798, on mentionne ainsi le poids des ornements arraches a sa couverture et livres aux agents nalionaux : « Les couverts d’un texte d’evangile en deux langues, pesant trois marcs sept; onces qualregroš'. » 11 n’est point ici queslion des reliquaires, des cristaux, ni des pierres ( 3 ) precieuses qui decoraient sa reliure; cependant le desinteressemenl des patriotesune fois satisfait par cette depouille opime, le surplus, le texte, fut, avec d’autres parchemins, paperasses et bouquins, livre aux freres et amis pour en etre fait. quoi? des gargousses! « L’arret ne recul point son execution quant au texte du sacre; une main amie sut le soustraire aux auto-da-fe republicains : aujourd’hui il est sous notre garde; c’est un vohune pet it in-£°. sur velin, de (| uarante-sept feuille s, ecrites des deux cotes_ et a ae nx colonnes sur eliaque page, relie en deux ais de cbene, recouvert de cuir rose lonce. l)eux ecritures tres-distinctes partagent le volume, la premiere, composee seulement de seize feuillets, la seconde de trente et un. Les tetes de chapitres et les initiales sont simplement ornees et colo- riees pour la premiere parlie; elles sont historiees, coloriees et re- baussees d’or pour la seconde. Le travail, assez grossier, a le caractere byzantin. Depouille des saintes reliques et des precieux ornements (jui surcliargeaient sa couverlure, il est encore, pour une partie de son texte, un bieroglypbe propose aux paleograpbes du JNord. » Voici conmient cet Evangeliaire fut, dans le siecle dernier, tire de l’oubli dans lequel il etait tombe : Le aa juin 1717, Pierre le Grand passa deux heures a Reims, qu’il employa a visiter la sainte ampoule et le tombeau de saint Remi, le pilier tremblant de saint Nicaise, le portail et le tresor de Notre-Dame. On lui montra le texte slave : le czar baisa religieusement le reliquaire, et le passa aux seigneurs de sa suite : ceux-ci declarerent lire facilemenl la premiere partie du mame scrit, dans laquelle ils reconnaissaient 1’ancienne langue nationale des Moscovites. 11 n’en fut pas de m£me de la seconde partie, qui resta pour eux lettre close. Cependant, depuis le passage a Reims du czar Pierre le Grand, en 1717, la critique, souvent eveillee, en etait toujours au meme ]>oint quant a 1’apprecialion de notre manuscrit. Il etait reserve a M. J. L. Corvinus Jastrzebslu, jeune slavoniste polonais, de jeter une veritable lumiere sur ce monument tant et si vainement etudie. Apres examen, M. Jastrzebslu reconnut, dans la premiere partie, 1’idiome slave et les caracteres cyrilliens, et dans la seconde, 1’idiome slaxe et les caracteres glagoliliques ou illvriens. Du reste, suivant M. Jastr- zebski, Fanciennete du texte cyrillien, et son importance se trouvent etabliespar l’explicit de la part ie glagolitique, dont voici la traduction litterale. n L’an du Seigneur 1 3 q 5 , ces evangiles et epitres sont ecrits en « langue slavonne : ils doivent etre clianles durant 1’annee , pendant « que Fabbe officie particulieremenl. ■— Quant a la premiere partie de « ces livres, elle est suivant le rite rutbenique : elle a ete ecrite dr la « /j rop ra main de saint Procope , abbe\ et ce texte ruthenique fut offert « par feu Charles lV r , empereur des Romains, aux Slavons de ce mo- « nastere-ci, et en 1’honneur de saint Jerome et de saint Procope « Dieu veuille lui donner le repos eternel. Amen. » ( v Le bruitqu’avait fail autrefois ce celebre Evangeliaiie, et la polemique qu’en ces derniers temps il venait encore de soulever, devaient ap- peler 1’attention de 1’habile el judicieus auteur de la Paleographie universelle. Aussi M. Silvestre n’eut-il garde de l’oublier dans son grand et magnifkpie ouvrage. Deu v fac-simile furent executes ; 1’un reproduisant une page de la partie cyrillienne, Tantre, une page de ( la partie glagolitkpie. Le monde savant s’emut derecbef, et les slavo- nisles du Nord exprimerent unanimement le desir de voir executer, au profit de la Science, ud fac-simile complet du double texte de Reims. L’entreprise offraitplus d’un genre de difficultes. La premiere etail d’obtenirde 1’autorite municipale la permission de livrer a la publicite par la voie de la gravure, le precieux monument dont se glorifiait la bibliotbeque de Reims. M. Silvestre, que ses travaux calligrapbiques ont si bonorablement fait connaitre, pouvait seul esperer d’obtenir une si liaute faveur. L’administration municipale de Reims, par Torgane de M. de St.-Marceaux, maire, consenlil au cakjue, et c’est la gravure de ce ca!que que M. Silvestre offre en ce moment au public. Enfin, pour le rendre intelligible a toutes les personnes eclairees de TEurope, le celebre slavoniste, M. Kopitar, a bien voulu se char- ger de le traduire en latin, et de Taccompagner d’une dissertation en forme de preface, qui ne peut manquer d’exciter Tinteret general. M. Silvestre, a ce travail, joindra le lableau grave de tous les Alplia- bets slavons et de toutes les abreviations glagoliliques indiquees dans le Slavi n de feu Tabbe Dobrovvski. ©E 3LA S©WSAKIS. - IMPRlllERIE DE FIRMIK DIDOT FRERES , RUE JACOB, 56 .