-/ r DESCRIPTION HISTORIQUE ET CRITIQUE DE L' ITALIE. DESCRIPTION HISTORIQUE ET CRITIQUE DE L'ITALIE, o u NOUVEAUX MÉMOIRES Sur l'État actuel de fon Gouvernement, des Sciences, des Arts , du Commerce , de la Population & de l'Hiftoire Naturelle, Par M. l'Abbé Richard. H&c olim rreminiffe juvabit , Ter varios cafus, per tôt difcrimina rerum. jEneid. I. TOME A DIJON, Chez François DesVentes, Monfeigneur Le Prince de Condé. Et fe trouve à PjrIS Chez Michel Lambert, Imprimeur, rue def Cordeliers , au Collège de Bourgogne. M. DCC. LXVI. s» PRÉFACE POUR LES V. et VIe. VOLUMES DES MÉMOIRES D'ITALIE. I. JLc'Orateur Ariftide qui a fait le panégyrique de Rome , & dont l'éloquence & le zélé, ont été couronnées de nouveau, par l'attention que Ton a eu de placer fa ftatue à la Bibliothèque du Vatican; a donné de cette ville une idée qui lui convient encore à beaucoup d'égards. Il en parle comme d'une ville qui répond atout l'univers , à la tête duquel elle eflplacée, & où un intérêt commun ralTem-bie tous les peuples difièrens ; il la compare à la mer, qui reçoit dans Tome V. a* ij PRÉFACE, fon fein tous les neuves. Ut folum terrai fert omnes, ha & ijia r?cipit qui de m omnes ex toto Orbe fi eut marefluvios. Commuais totius ter-rcjwn crbis pcpularis Jiatus ab wio Principe optimo regitur, om-mfque -relut in commune forum 'tonveniunty jus flium fiuguli, pro merito confseuturi. Près de trois fieclcs après Clau-dien en parle encore avec les mêmes éloges, ck en donne la plus brillante idée. Çtia iiihil in terris cojTÎplîcTitur nttius ether v :.' v. 'i :. .'V^r:in .nb ; Armorum , Legumque pnrens , quie fundit ia Htt£ Y oHOpsi'i?|'Z'îàjCHd'■ ïmperium, prhni^iie. dtdir cunabuL* jaris. Jiac cjïy exigxis aux fniluis orta, te tendit Ingernirros axe ir, panvaque à Cède prof.r..:y Dijp4?-Jît cum Joie m a nus...... Bien plus anciennement la ville de Komc droit regardée, même par les nations étrangères; comme une ■divinité digne "d'an culte folem- PRÉFACE. iij nel. Elle a voie des Temples & des Autels en Afie, lorfque Carthage fubliftoit dans tout fon éclat... 'Sinimœi;.. Seprrmos templuniur-bis jiamLjJe. M. Porcio Co??fule, magnis quidanjam PopuliRomani rébus, iiondum tamen adfîun-inum elaùs9 Jiante aàliuc punica urbe , & vaiidis per jijîani Régi" bus.,.. Tacit. An. 1. 4. Ce qui revient à Tan de Rome 550. pius de cinquante ans avant la deflrnâion de Capthage. Trente ans après d'au-tres peupîesde l'Aile, faifoient valoir ieur attachement pour Rome par ces mêmes raifons, Aiaban-denfes, tanpLum Urbis Romœ fe fccîjjh commemoraverurit, ludof-que annîvafarïos ei àivez injii-AtiffkkX Tit. iiv. I.43. ad. an. 582» ■('*) Son cuire n'y é toit pas moins iolernnel que celui de Venus. (") Al-abarjoa ville de Carie, aujourd'hui Eble-bnuda, épilcopalc fous la Métropole de Santa Ciocc, entre Mezo au couchant & Stratonique -eù levant. aij îv PRÉFACE. Cohtur, nam fanguine & ipfa More deœt nomenque loci, ceu numen habetur: Arque urbis, venetijque, pari fe culmine toi" lunt Templa; fimulgeminis adolcnturthura Deabus% Prudent. 1. I. C'efï de ces belles idées .que les amateurs érudics de l'antiquité font partis, pourfe former de Rome anrique un plan qui n'a jamais eu de réalité que dans leur imagination échauffée par ces deferip-tions pompeuf es. 11 feroit trop 1 ong de les fuivre dans tous leurs écarts à cefujet,je me contente de faire ici quelques réflexions fur ce que l'un d'eux a dit de la population de Rome. Voulus a fait un traité de la grandeur de l'ancienne Rome que probablement il neconnoifToit pas; il a dure très-gravement que cette ville feule, avant Silla, contenoit autant d'habitans que la moitié de l'Europe en ayoit de fon temsj PRÉFACE. v aflfertion gigantefque , aufli éloignée de la vérité qu'un colofle de cent pieds eit au-dcllus de la taille ordinaire. La ville de Rome étoit alors renfermée dans la féconde enceinte, que lui avoient pofée fes derniers Rois, lorfque leur domination ne s'étendoit à gueres plus de quinze milles, ou cinq lieues aux environs; elle ne renfermoit que les fept collines & une partie du Janicule au-delà du Tibre, &: dans cet efpace étoient une multitude de temples, les cirques, les bains & autres bâdmens publics très-vaues qui n'étoient habités que dans les fêtes, fpe&acles, ou alTem-blées générales. Comment loger dans une telle enceinte , quatre millions de citoyens & huit millions defclaves ! on ne peut pas douter, que ces illullres Scholiaf-tes étonnés de la grandeur Romaine s'en foient fait une idée fi mer-veilleufe, qu'il n'ont pas crû pouvoir en trop dire à ce fujet ; ils ont a iij v) PRÉFACE. été induits en erreur par les Hif-toriens même de l'ancienne Rome, qui parlent des dénombremens généraux de façon à faire entendre que les habitans des différentes ville de l'Empire qui avoient droit de porter le nom de citoyens Romains, habitoient en effet la capitale. Il faut voir Rome &■ étudier fes ruines antiques pour fe faire une idée julte de ce qu'elle a pu contenir d'habitans. Les riches Citoyens Romains avoient un grand nombre d'eiclaves, mais ils les renoient prefque tous à la campagne, où ils les employoient aux travaux domefliques & ci l'agriculture, c'eft là où on voit les reftes des Bagnes où on les enfermoit ; on retrouve fur une montagne au nord de Frafcati dans les ruines de la Villa Po cia qui a appartenu auxCatons,les vertiges de ces retraites vaiïes & profondes où l'auf-tere cenfeur renfermoit tous les PRÉFACE. vij foirs ce peuple d'efclaves qu'il pol-fedoit, que l'on fait monter à fix mille. Mais on n'en tenoità la ville que ce qu'il en falloit pour le fer vice des maifons, ce qui ne laif* foit pas d'être confiderable, chacun ayant parmi fes efclaves des artifans de toute efpece, même des-fabricjuans des étoffes qui étoient alors en ufage, & on ne voyoit dans la ville d'autre boutiques ouvertes que celle des Libraires, des Orfèvres ck des Bouchers. Les maifons étoient alors comme celles des Orientaux bornées au feul rez-de-chauffée; on les éleva enfuite fi haut que les Ediles furent obligés d'en fixer la hauteur par des Ordonnances de policejles différents étages n'étoient que de bois, ce qui rendit les incendies fi fre-quens & fi ruineux. C'eft cependant dans le tems que les maifons étoient fi balles, 6c la ville reftrainte dans des bornes fi étroites, que l'on fait mon- a iv viîj PRÉFACE, ter fa populacion fî haut. C'eft à dire dans le cinquième & le fixieme fiecledelà République, Iorfqueles mœurs publiques étoient dans le plus grand honneur , & que les Romains donnoient ces exemples frappans de vertu que Pon admirera toujours. Mais après la deftruétion deNumance &de Carthage, Iorfque le luxed'Afîefe fut établi dans Rome, alors la population diminua fenfiblement. Savior armis Luxuria incubuit s vidumque ulcifcitur orbem' Rome fe foutînt dans une état d'opulence très-faitueux & parut toujours très-peuplée;mais plus par les gens que les affaires y attiroient que par les citoyens qui y naifToient. Que l'on jette les yeux fur la fuite de fes Empereurs, il y en a peu dont la race ne fefoit éteinte très-pro mp-tement, parmi ceux qui ont laides des enfans après eux Se qui font le petit nombre : Ainfi Rome de ce PRÉFACE, i* rems là fe foutenoit à peu près par les mêmes moyens queRome de nos-jours , & dont j'ai parlé ailleurs. Ce quirendoic le pays floriffanc & maintenoit un très - grand mouvement dans la ville, c'eit que toute la campagne aux environs étoit extraordinairement peuplée, &que l'ufage des arFranchiffemens-donnoit des citoyens & desfujets à tous les états de la République &: de l'Empire ;ce qui manque en entier à préfent. A ramener donc les chofcsàleur jufte valeur ; à comparer, l'étendue de Rome ancienne avec celle de Rome moderne; le nombre des Temples avec celui des Egliies, la population fous les Empereurs, quoique plus confidérable nétoir pas hors de toute compaxaifo'n , avec fon état a&uel fur-tout fi l'on; fe rappelle que les murs de l'enceinte nouvelle furent élevés- par les ordres d'Aurelien qui régna» depuis 270 jufqu-'en 275. a v x PRÉFACE' Quant aux mœurs la corruption dans le dernier fiecle de la republique & du tems des Empereurs payens, y étoic montée à un fi haut point, qu'il ne leroit ni juite ni honnête défaire une comparai-fon de ces tems avec ceux qui les ont (uivis. On trouve toujours quelques traits généraux de reflem-blance dans le goût des fpectacles, Ja vie oiiive; U tar* nie/ite', le fen-timent de préférence, l'averfion pour tous les exercices violents , ou même de mouvement; caries Princes & Barons Romains, fem-blables aux Patriciens, ne fçavent ce que c'eit que l'exercice de la chaïTe, qui occupe par-tout ailleurs la nobleffe; ils la regardent comme une occupation iérvilc, qui ne peut avoir d'attraits, que pour ceux qui s'y livrent par intérêt ; aufîi cette partie des droits féodaux n'elt nulle part plus abandonnée que dans les états de l'Eglife de Rome. PRÉFACE. xj I I. J'ai donné ail'eurs une fuite Chronologique des Empereurs Romains d'orient & d'occident, des Rois d'Italie &: des Empereurs d'Allemagne. J'ai vft par expérience que cette nomenclature étoit neceflaie, fuivant l'ordre des dates , pour fe faire une idée jufte de mille monumens, d'ufages, & d'évenemens qui in-térertent l'Italie & que l'on eft embaraiTé de placer à propos, quand on n'a pas fous les yeux le tems &: la durée des régnes fous lefquels ils ont eu lieu. II neft. pas moins intéreffanc d'avoir une chronologie exacte des Souverains Pontifes; j'avois d'abord eu deflein de la donner en entier, mais comme pendant une longue fuite de fiecles, les Papes ont pu élever de ces monumens durables qui intérefTent encore la cu-riofité des voyageurs, que ce qui s'eli pafïé de plus remarquable, fe trouve cité à fa place. J'ai cru- xij PRÉFAC E. qu'il fu/fifoit d'en donner la fuite depuis l'extinction du grand fchif-me d'occident. A commencer à ce tems,les Papesconftamment fixés à Rome, ont beaucoup contribué à fon embellifTement : on peut même dire qu'ils l'ont tout-à-fait re-nouvellée. Depuis Paul II ,furtouc jufqu'à Benoît XIV, Rome à entièrement changé de face ; les monumens publics,les Temples, les Places, les Palais, les rues élargies ou allignées; les orne-mens même de Rome antique tirés des entrailles de la terre où ils étoient enfevelis, ont pris une nouvelle exiftence. C'eft dans cet intervalle de tems que les feiences-ck les arts fe font rétablis; on fçait combien ils doivent à la protection des Papes & à leur goût fuivi pourla décoration de Rome. II étoit donc ne*ceflairedefçavoir la date de leur élévation fur le trône de St Pierre & du tems qu'ils l'ont occupé. P R É F A CE. xii| Prefque toutes les grandes familles de Rome & les plus opulentes doivent leur fplendeur aux Papes de leurs Maifons, il faut donc encore fçavoir qui ils ont été, & c'eii ce que je n'ai pas oublié. SUITE CHRONOLOGIQUE DES PAPES, Depuis Le Concile de ConJlanCe jujquà iréfent. ARTIN V. Othon Colonna Romain , de l'illuftreMaifon de ce nom ;, élu le ii. Novembre 1417. mort le 20 Février 14J1. Eugène IV. Gabriel Condolmieri Vénitien, le 4 Mars 143.1. m. le 23 Février 1-V47, NLolas V. Thomas de Sarzane, Tof-can. le 6 Mais mort 1447. le 24. Mars 1455* Calixte III. Alphonfe Borgia Efpagnol. Le 8 Avril, 1455 m. le 6 Août 14$^ Pie II. Enéas Sil'vius Piccolornini de Sienne, le 27 Août 1458. mort le 14 Août 1464. xiv PRÉFACE. Paul II. Pierre Barbo Vénitien, le $t Août 1464. mortier Juillet 1471. Sixte IV. François de la Rovcre Génois, le j> Août 1471. le 13 Août 1484. Innocent VIII. Jean-Baprifte Cibo Génois, le 29 Août 14B4. le 25 Juillet 1491* Alexandre Vl. Rodrigue Borgia Efpagnol le 11 Août 1492. le 18 Août Pie III François Piccolornini de Sienne le 23 Septembre «503. le ib* Octobre Jules II. de la Révère le 1 Novembre 1^03. le 12 Février I5'3-Léon X. Julien de Medicis le il Mars le j Décembre Adrien VI. Adrien Florent d'Urrechr, le 9 Janvier îfzz. le 24 Septembre 1523. Clément VII. Jules de Medicis le 19 Novembre 1523. le 25 Septjmbie M 54- Paul III. Alexandre Farnèfe le 13 Octobre 1534. le 10 Novembre Jules III D A moncé, le 8 Février 15 3 o. le 23 Mars. 1 555. Marcel II. Cervin ne regua que vingt-un jours. PRÉFACE. xv Paul IV. Jean Pierre Carafte Napolitain, le 23 Mai 1553. mort le iS Août 1550. Pie IV Jean Ange de Medicis , le ip Décembre 1559. le 9 Décembre 1565. Pie V. Michel Ghifleri Milanois. le 7 Janvier iç66, le I Mai 1 tyl. GrégoireXlll. Hugues Buon Compagno' de Bologne, le 13 Mai 1571. le 7 Avril ,585. . Sixte V. Félix Peretti des Grottes de Montalce. le 24 Avril 15 S 5. le 27 Août 15 90. Urbain VII. Caftagna. ne régna que treize jours. Grégoire XIV. Nicolas Sfrondate. le ç Décembre 1590. le 15 Octobre 1 j 9 1. Innocent IX. Jean-Antoine Fachinettir ne régna que deux mois-Clément VIII. Hippolite Aldobrandin, Vénitien. le 29 Janvier I592. le $ Mars 160Ç. Léon XI. Alexandre-Oélavien de Medi-■ cis, ne régna que vingr-fept jours. Paul V. Camille B >rghcfe. le 16 Mai 1605. le 21 Janvier 1621. Grégoire XV. Alexandre Ludovi.fi. le 9. Février i6ilAc 8 Juillet 1623. xvj P R É F A C E. Urbain VIII. Marîeo Barberini. le 0 Août 1623. mon le 29 Juin 1644. Innocent X. Jean-Baptilre Pàmphili. le 15" Septembre 1^44. le 7 Janvier 16VJ. Alexandre VII. Fabio Chigi. le 7 Août lôtf. le 22 mai 1667. Clément IX. Jules Rofpiglioli le 20 Juin 1667. le 9-Décembre 1669. CleWnt X. Emile Altieri. le 29 Avril 1670. le 2 2' Juillet 1676: Innocent XI. Benoît Odeicalchi. le 21 Septembre lôjf. le li Août ro^'p. Alexandre VIII. Pierre Ottoboni. le G Octobre 16S9. le 1 Février 1^91. Innocent XII. Antoine Pignntelii. le 12? Juillet 1691 le 12 Juillet 1700. Clément XI. Jean-François Albani. le 25 Novembre 1700. le 19 Mars 172L Innnocenc XIII. Michel-Ange Conti 3 1er 7 Mai 1711. le 7 Mars 1-24. Benoît XIII. Orfmi. le 29 Mars 1724. • le 2i- Février 1730. Clément Xïl. Laurent Corfini , le 12 Juillet 1730. le 6 Février 1740. Benoît XIV. Profper Lambenini. le 17 1 Août 1740. mort le 15 Avril 17s Clément XIII. Charles Rezzonico, élu le 6 Juillet 17^. PRÉFACE, xvij III. Paul II. eft le premier qui fe foie occupé de rembellifTement de Rome ; il a fait conftruire le Palais &: l'Egaie de St Marc, dref-fé la rue du cours ck établi les courfes de chevaux du carnaval 5 l'Hiftorien Platine paroît avoir re-prefenté ce Pape au naturel, & fa vie eft très-curieufe. Nos Ecrivains François ont maltraité Jules II parce qu'il fût toujours oppofé à la nation dans les guerres qu'elle entreprit en Italie, cependant il fut un très-grand Prince plus guerrier qu'Ecclefiaftique. On ne peut pas nier qu'il n'eût pris une jufte idée de 1 état politique où il falloir que futl'Italie pour êtreheureufe& tranquille; pour cela il voulut en bannir toutes les grandes puifTan-ces, François, Allemands & Espagnols qu'il appelloit Barbares. Et s'il s'oppofa d'une manière plus marquée aux François qu'aux autres, c'eft qu'il les redouta davantage. En examinant fon fyftême on ne peut que louer fes vues qui xviij PRÉFACE, étoient celles du bien public. Le Pape Nicolas IV, très-grand Prince, Pontife fçavant & vertueux, avoir eu les mêmes idées comme je l'ai dit ailleurs. Ainfi il faut bien fe garder de confondre Jules II avec fon predeceffeur, Alexandre VI, comme ont fait quelques-uns de nos Auteurs qui ne mettent aucune différence entre eux. On fçait ce que les feiences les belles-lettres & les arts doivent a Léon X,Rome& tout TEtat Eccie-fiaftique font redevables de leur tranquillité, de leur fureté, 6c de la police qui s'y obferve, aux fages mefures & à la fermeté de Sixte V. qui tira du defpotifme monachal des principes admirablesde gouvernement & de police pour le rems auquel il monta furie trône ; il régna trop peu pour conduire à la perfection le grand ouvrage qu'il avoir commencé : mais les deîbr-dres qu'il réprima , les vices qu'il força de fe cacher, ces foins fi dignes d'un Prince jufte Se éclairé, PRÉFACE. xix doivent le faire vivre dans le fou.-venir de la pofterité plus longtems que cette belle coupole de Sd Pierre qu'il fît élever, 3c les Obelif-ques qu'il tira des entrailles delà terre pour en orner Rome dont on peut dire qu'il a voit renouvelle les mœurs. Paul V. Urbain VIII. Alexandre VII. Clément XII. par leurs travaux réunis, femblent avoir mis la dernière main à la décoration de Romeque leurs fuccefTeurs n'ont qu'à entretenir, en fuivant leurs plans ; quoique l'on voye que la flatterie qui eft de tous les pays, & de toutes les cours, & legout des inferiptions ; ont entremêlé les trophées d'armes ck les éloges de leurs fuccefTeurs de façon à faire douter, qui eft le véritable auteur de la plupart des belles constructions que l'on admire. Cette manie des inferiptions, qui font plus multipliées à Rome que jamais ; & toutes gravées fur le marbre 6k le bronze,donnera bien xx PRÉFACE. de la befognc aux Antiquaires a venirqui entreprendront de les expliquer. Quel recueil immenle en fourniroit Rome moderne. Tous les environs du Capitole en font couverts, les Confervatcurs qui fe croient au moins l'ombre des Tribuns du Peuple, font tous les ftx mois graver leur nom fur le marbre, pour e'rernifer la mémoire de leurs importantes fonctions. Une pierre qu'un Pape aura fait déplacer dans an monumenrpublicjouun feftoti qu'il y aura fait ajouter ; une fref-que qu'un Cardinal aura fait reparer dans l'Eglife de fon titre; ce que font les Marguilliers des Pa-roifles, les Supérieurs des Communautés, lesPrieurs des Confrairies, relativement à leur état, tout cela eft gravé fur le marbre; que l'on y ajoute encore les épitaphes, les mémoires particuliers , & que l'on fe faife fi l'on peut une idée de cette multitude d'infcriptions. Les murs a «Rome parlent par-tour j mais ce PRÉFACE. xxj qui intriguera beaucoup les Gru-thers avenir, ce font les ordonnances de police qui ne font pas datées; à quel Pontificat, à quel Magi-ftrat donneront-ils, ce que Moiîji-gnor Prefidaite délit Stradé ou délia Grafcia à ordonné fur l'enlèvement des boues, ou le prix des huiles. Cet ufage eft en pleine vigueur non feulementà Rome, mais dans les maifons de Campagne , le long des chemins, à toutes les bornes, aux ponts, dans toutes les villes de l'Etat Eccléfîaftique; je crois qu'à cet égard le moderne a laiffé l'ancien loin derrière lui. Ces inferiptions ne feront-elles pas un jour aufll intéreffantes :que celles fur lefquelles nos Antiquaires fe caftent la tête? J'en ai rapporté quelques-unes dans ces Mémoires pour feivir de pièces de compa-raifon. Je n'ai encore rien dit de l'ufage prefque général en Italie de, xxij PRÉFACE, comprer les heures d'une à vingt-quatre, ufage qui embarrafie tous les Ultramonrains , & donc cependant il faut être au fait fur-tout à Gènes, à Bologne, à Vé-nife, à Florence & à Rome. A JVîilan , à Turin, à'iNapîes, on trouve des gens à qui on peur parler de huit heures du matin, ou de quatre heures après midi, &" fe faire entendre; mais ailleurs on feroit auiîi étonné, qu'on pourroit l'être à Paris d'eruencl.e un? pcr-fonne en inviter une -i-utre a caner pour dix-huit heures, Viiigc, ou vingt-une heures. Il faut donc Içavoir que îa première heure commence -environ un quart d'heure après le.coucher du foleil, à r.AngeéusïonnaLntlc foir, qui marque d'ordjnaire les vingt-quatre heures du jour révolues. pe forte que depuis le premier Décembre julqu'au quinze Janvier à minuit, on compte fept heu- PRÉFACE, xxiij res, quatorze & demie au lever du Soleil, ck dix-neuf heures à midi, fi l'ufage eft de dîner à deux heures après midi, il eft alors vingt-une heures dans le ftyle Italien. Au quinze Avril, minuit à cinq heures, lever du Soleil à dix heures, midi à dix-fept. Au premier Juin minuit à quatre heures , lever du Soleil à huit heures & demie, midi à feize heures. Au mois de Septembre minuit à cinr. heures , lever du Soleil à dix heures Se demie, midi à dix-fept heures, Suivant les changemens qui arrivent dans le cours du Soleil, on ajoute des quarts ou des demies a cette façon de compter. Mais en voilà allez pour donner la clef de cet ufage, qui étonne d'abord, &: qui eft bien moins commode que notre manière ; car quand on parle en France de huit heures du" matin , foit été, foit hyver, c'eft toujours la même choie & la même heure. Mais à Rome , on doit a> xxiv PRÉFACE, ranger montres, pendules, & même affaires fur Ja hauteur du Soleil dont il ne faut pas s'écarter. Dans un Pays où tout eft d'éti-quette &: de fonctions , qui ont leurs heures fixées, cette manière de compter eft fort incommode; par exemple ; les Chapelles Pontificales qui fe tiennent en Décembre & en Janvier à dix-fept heures; en Juin & en Juillet s'afTcm-blent à quatorze, Se c'efl toujours le même tems par rapport au midi. II en eft de même pour tout ce qui a un tems déterminé, qui devroit être à un heure invariable, quia Rome, change deux fois par mois. Je n'en parle que d'après plufieurs iiluftres Romains, des Cardinaux même & autres Perfonnages chargés de fondions importantes, que j'ai ouï fe plaindre de cette gène qui les oblige toujours à compter pour ne pas fe tromper fur l'heure a laquelle ils ont affaire, & louer beaucoup l'ufage fixe & invariable de PRÉFACE, xx* de France , qui porte fur deux points égaux midi & minuit, fans aucun égard à la longueur ou à la brièveté des jours. Quant à la manière de défigner les heures, les horloges n'en frappent ordinairement que fïx ; il y a quelques cadrans qui n'en marquent pas davantage , plus communément ils en ont douze ; quant aux cadrans folaires, ils font obligés de fe conformer à l'ufage de France, & au point de midi; parce que jufqu'à préfent ils n'ont pas pu aflujettir le foleii à leurs façons, V. La partie de mes mémoires qui fuit, que j'ai annoncée comme la plus intérefTanre & la plus cu-rieufe, me paroît telle; & j'efpère que le Public en jugera de même. Rome moderne 6k les ufages , l'état a&uel de fa Cour tel qu'il eft depuis un {ïecle ou environ , & tel qu'il paroît devoir fubfifter en4 core long-tems ; les mœurs des! Romains m'ont beaucoup plus oç* Tome b * xxvj PRÉFACE. cupé que Rome antique déjà fï connue, de laquelle on a tant parlé; elle ne me (èrt ici que de compa-raifon, en rapportant ce que j ai trouvé dans les ufages modernes de femblable avec les anciens. Les beaux arts qui femblent avoir fait des efforts pour la décoration des Temples & des édifices publics &: particuliers, & qui contribuent tant, à conferver encore à Rome la qualité de première ville de l'univers, m'ont engagé à entrer dans quelques détails fur fes principales conftructions , &: fur ce qu'elles renferment de plus remarquable. Cependant il s'en faut beaucoup que j'aie parlé de tout ce qui eft à voir; de rout ce que j'ai remarqué; fJ me fuffit de n'avoir rien omis de ce qui m'a paru vraiment curieux. Ainfi après avoir parlé du moral , je parte au phyiique, dans lequel les Eglifes tiennent incontestablement le premier rang, de-là PRÉFACE, xxvij aux Palais, aux Vignes ou Jardins, où font raflemblées cette multitude de Statues antiques, qui ont été autrefois en fi grande quantité à Rome, qu'elles y formoient un fécond peuple... Romcc tantam le-gimus fui/Je Jiatuarum copiant ut alter adejje populus lapidens dice-retur.,. Ce goût qui a voit pafié de la Grèce à Rome, flattoit beaucoup la vanité. Les particuliers en faifoient ériger, comptant que la folidité même de la matière leur affuroit une efpece d'immorralité..-Plerique omnes cet e mitât i Je. corn-mendari arbitrantur , Jiatuarum Jiirrecliojie, ac eos affectant ar-dentius, ceu prxmii plus ex fig-mentis arneis fenfu carenùbus in-dcpturi, quam ex honejie gejiorum con.Jcientia.... Cœl. Rhodig. 1. 20. c. 24. {a). (a) Par raport aux ciitercntes proportions que Ton remarque dans les Statues antiques; il trié bon de fcâvoir, que l'on en dillinguoit de quatre ordres ; 'Parités} ina&rw majores> maximes. xxviij PRÉFACE. Quoiqu'il en foicdu motif; il ne me paroît pas douteux que les fta-tues tant Grecques que Romaines, qui dans tous les tems ont fait la richeffe 6c Pornement de Rome, ne la peuplent encore plus utilement que la plupart de fes habi-tans; en ce qu'elles y attirent une multitude d'e'trangers qui ne peuvent admirer ces chefs d'oeuvres Pari/es étoient de grandeur naturelle, c'eft tle ce genre qu'on en élevott aux philofophes, aux fçavans & aux particuliers. Magna avoient une demie proportion au-defTusdu naturel, on les appelloit auiïï Augujla, elles étoient le partage des Empereurs , des Princes, de; Confuls, des Généraux. Majores, elles avoient deux fois la proportion naturelle , & c'étoit celles des Héros; on en peut prendre une idée fur la ftatue de Pompée j celles érigées aux Papes font dans cette proportion ou un peu au-dellus. Maxzmœou coloiTaleSjtellesqu'étoient celles des grands Dieux, n'avoientplus de mefurcs que dans l'imagination de l'Artilte, ou la fantaific de celui qui la mettoit en œuvres. Nous voyons cependant que les Sculpteurs Grecs, ou s'en font tenus aux proportions de la belle nature pour les grands fujets, ou n'ont pas pafTc la taille des ltatues du fécond ordre pour les fujets les plus, grands & les plus ma;eltueux. PRÉFACE, xxix de l'art que dans l'endroit même où ils font fixés. On peut dire encore que les tableaux peuplenE Rome dans le même fens; ces admirables productions du génie, bien plus intéreiïantes que les fla-tues , ne font pas auffî durables, le tems les détruit alTez vite ; mais l'arc femble avoir fait un effort dans ces derniers tems pour fecou-rir le génie, en portant la mofaï-que à ce haut degré de perfection qui allure une durée prefque inaltérable aux tableaux. v Le refpedt pour l'antiquité, ne me pcrmerrra pas de paner ious fi-lence quelqu'uns de ces monumens qui font encore à Rome & dans les environs, & fur les ruines defquels ont doit jetter quelques fleurs en pafTanr. Telle eft à peu près la diftribution de la fuite de ces Mémoires, auxquels j'ajouterai quelques remarques fur la partie de l'Etat Eccléfiaûique que j'ai xxx PRÉFACE, traverfée en allant de Rome à Bologne par i'Ombrie, la Marche d'Ancone & la Romagne. xxxj TABLE DES TITRES Contenus dans le Ve. Tome, Idée du plan de Rome & de fon éten- due, i 1. Réjidence des Papes. 10 2. Choix des Papes. 14 3. Etat de la mai fon du Pape. Officiers principaux. Prélature. 20 4. Troupes de la garde du Pape. 24 5 ChapeUe Pontificale à St Pierre. 27 $ Bénëdiclion folemnelle. Publication des Bulles le Jeudi Saint. Autres Céré- monies. 3 3 7. Cortège du St Pere quand il fort dans la fille. 41 8 Audience du Pape. 44 9 Etat des Cardinaux à P^ome. 49 10. Cérémonial à Rome. 66 xxxij TABLE DES TITRES. Ii. Façade, Fête que les Cardinaux donnent à Rome à leur promotion. 6$ 11 Charge que ton appelle Cardinalices. 7 ? 15. Auditeurs de Rote, & autres Tribunaux. 79 14. Sénateurs de Rome & Conservateurs. 85 lj. Politique & Intrigues à Roirtg. In» quijîtion. 64 16. Ordre des Evêques. Cierge Séculier & Régulier. 10& 17. Population de Rome. 114 18. Princes y Barons Romain. 126 10. Fafle de la JVobleJJe à Rome. 151 20. Cmverfitions ou gren les 'Aflkmblêcs cht? les Cardinaux. i.jt 22. Autres Converjat'wns ou Ajjcni-bhes. 1 i. Idée générale des meturs & ttjéges à Rome» 1 $ 8 5. Théâtres & autres Speclacles. 167 4. Carnaval de Rome. Recuté de Çsn TABLE DES TITRES, xxxiij Spectacle. 182 2^. Coitrfcs de Chevaux. 189 26. Spectacles particuliers. 200 27. Promenade du cours. 2CJ c8. Promenades de nuit en été'. 207 29. Bourgeoise de Rome. 213 38. Peuple de Rome. Hôpitaux. 215 31. Indujlrie. Commerce. Mœurs. 225 32. Courtifanes point Souffertes à Rome. AffaJJinats Fréquents. 236 33. Tranjieverins. 244 34. CrK/*£ Religieux extérieur. Monts de piété. Meffe félon le Rit Syriaques. Reli que s. I4.J 35. Etat des Sciences & des Arts. Collèges de la Sapience & de la Propagande. Académie des Arcades. ri6j 36. Climat de Rome. Sa température. Caufes de ta dépopulation de la Campagne y moyen de la repeupler. 290 37. Eglife de St Pierre. 3 12 38. Obelifques. 3*1 xxxiv TABLE DES TITRES. 39. Dedans de f Eglife Se Pierre, Mo-Jaï que de Berne. 3.20 40. Palais du Vatican. Peintures de Raphaël. J54 41. Statues du Belvédère. 36f 42. Bibliothèque du Vatican* 3 ^4 43. »Sr Jean de Latran. 401 44. St Marie Majeure. 416 45. St Paul hors des murs. Ste Croix de Jèritfalem. 420 46. St Laurent, Sehaflicn. Catacombes. Antiques. 427 4/. Autns Eglifes , Tableaux , Statues antiques. 439 48. Temples & Cimetières antiques. 444 49. «SWre Eglifes & Tableaux. Statues moderrres. 4^1 50 Tglifes au-delà du Tibre. Monumens Antiques & Moderne. 479 Préface. I. Comparaifon de Rome ancienne avec Rome moderne. j IL Suite chronologique des Papes, xiij TABLE DES TITRES, xxxy III. Papes qui ont le plus contribué à Vembellijjement de Rome. xvij IV. Marâtre de divifer le jour & de conter les heures en Italie. xxj V. Divifion y Tomes V & VI. de cet Ouvrage, xxv Errata du Tome Ve. Ï^Ace ii ligne 4 Carmelinguc lifez Camerlingue. P. 16 I. dernière, Scot^tre 1. Svolçtrt P. 4f I. 17, Brodure 1. Broderie. P. 74 1. if Annoncé]. A>tnona. P. 118 not. 1. 8 Defpotume 1. Nepotifme. P. 1 $91. 11, qui très-peu l. tres-peu. P. i6i 1. 16 iî bien 1. bien. P. i«f not. 1. dernière Comarri 1. Cotnazzi. P. 1(7 1. s le 1. fe. P. 13 f milles 1. le* familier. P. igj yédorofijfim* 1. falorcfiffim»* MÉMOIRES M É M OIRES HISTORIQUES ET CRITIQUES SUR L'ITALIE.' ROME ET SES ENJ^lRONS^ PREMIERE PARTIE. Ufage, mœurs > fpecTacles, corn" merce. A Ville de Rome dans fon e'tat Idc'e Ja actuel peut paflèr encore pour la p!us LJ&dcfwil belle de l'Univers: l'entrée du côte' de fondue* la porte du Peuple eft d'une magnificence qui en impofe à tout étranger, qui la voit pour la première fois. Ses rues, fes places, cette multitude d'édifices publics & de palais conftruits; avec autant de folidité que d'élégance j fes obelifques & les colonnes, fes fontai-Tome * A nés décorées avec goût & noblefle, & qui fournhTent continuellement & en ; abondance d'excellentes eaux dans tous les quartiers de^la Ville j le foin que l'on a d'entretenir le pave', & de veiller'à.la propreté'des rues ; les chefs-a œuvres de fculpturë ancienne & moderne, & de peinture que l'on y con-ferve; la çlouceur de fon climat, la beauté de fes jardins , le luxe pompeux de repreTentation qui y règne, tous ces objets raflemblés forment un tableau riche & varie', & rendent cette Ville encore digne d'être regardée comme la capitale de l'Univers : on y reconnoît encore les traits avec lefquels la pei-gnoit Properce,qui vivoii dans ies beaux jours d'Augufte (i) (i) Omnia R omana cédant, miracula tcirx. Natura hic pojiiit, quidquid ubique fuit. Propert. 1. i. cleg. I. Les chefs-d'œuvre; antiques des arts, çonfe'r-vés, joints à ce qu'ils ont produit de plus parfait depuis leur rétabliflèment en Europe, auç-Hientcct encore la beauté du fpc&acle. Quant • au moral, les étrangers de toutes les Nations y vivent dans une liberté & une* tranquillité, que les Loix du pays né leur difputcnt pas, pourvu qu'ils ayciit"pour elle le rcfped exte-rrcur que la bonne police cil par-tout en droit • d'exiger. t C\l\ Ville de Rome: f Son enceinte y compris la partie qui elt au-delà du Tibre, & tout le Vatican, eli: d'environ quinze milles communs d'Italie, ce qui revient à cinq lieues' de France. Elle n'a jamais été plus confidérabie, car depuis le roi Ser-vius Tullius, qui en augmenta l'étendue, jufqu'au tems de l'empereur Aure-lien, elle ne comprenoit alors que les fepc collir.es oirmonts, Capitplin, Pa*u latin, Quirinal, Yiminal, Efqutfin,, Celius &. Aventin h on prétend que le ' C'eft la patrie commune de tous les Italiens, qui cherchent à s'attacher, à la Cour de Rome, & à y occuper tin rang. Les autres Catholiques devroient jouir également de ce droit dans la maifon du Pere commun, fi les Italiens ne s'é-tôient ligués pour les en exclure , & n la prédilection des-Papes pour leuiîs Nationnaux, n'a-voient pas trop iàvorifé ces fentimens, qui pa-roifleut avoir palTé en principe de politique. Si toutes chofes étoient en ce pays comme elles devroient y être, les Catholiques de l'Univers, auroient un bien plus grand intérêt à maintenir Rome dans fa fplendeiir , & à la regarder com-> me jleut patrie commune.. .. f^ivïtur omnigenis in partibus , haud Jecusacjt Cives congenitos conrfudat maenibus unis TTrb's parriét, arque omnei lare concilientur avito... . Prudcntius. 1.1, Il eft certain que les chofes devroient encouç être au même état. mont Janictilc étoitauflï dans cette enceinte : ce qui eit au moins douteux, attendu que le Tibre paroît avoir été Jong-tems la borne naturelle de Rome du -nord au couchant. En 271. Aurelien renferma dans l'enceinte de'la ville, tout le champ de Mars, & les collinesou monts appelles Citorio,Vaticano&Pincio,&probabIe-rîîenrleJaniçuIe. Le champ de Mars s'é-tendoit depuis le pied du Capitole &du Qulrinal jufqu'à la porte du Peuple, Se et oit borné au nord par le Tibre, & à l'orient par le mont- Pincio : il occupoit prefque tout l'efpace où foht les trois belles rues dcl Corfo , di Hipctta, Se dcl Babiiino, qui aboutirent à. la place Se à la porte du Peuple, de même que les quartiers qui les avoi/ïnent. On entre dans cette ville par quinze portes, qui font la porte dcl Popolo, à droite du Tibre en arriyant au nord, s Pi-Mciana, Salira- j au levant, Porta, piay San Lorcn^o, Porta maggiore; au npdi i Porta Sun Giovani yLaiina , San Sebafiiano, San Paolo; au-delà du Tibre au couchant. Porta portèfe, San Pancracio , Ca.aUigeri, Angdka ScCaf-iclo: ces.deux dernières font au nord. La ville n'eil entourée que d'une.Iiu> ViiledeRo fcffc f J>Ie muraille fans fofles, dépendue de quelques tours & battions que l'on a foin d'entretenir, & que le Pape Benoît XIV a fait réparer par tout où elle menaçoit ruine* Le Tibre coule du nord au couchant de la Ville, & fépare Rome proprement dite de la Cité Léonine , qui comprend Saint Pierre & le Vatican, & toute la partie appellée Tranjlevere. Ce fleuve fi. chanté par les Poètes, fî vanté par les Hiftotiens, a environ quatre-vingt toifes de largeur : on le dit très - profond, fes eaux font grifes & bourbeufes comme toutes celles qui coulent de l'Apennin 5 il eft navigable & porte encore jufqu'à Rome les plus groffes barques. On le traverfe fur. trois ponts qui communiquent d'un quartier de la ville à l'autre, qui font les ponts St Ange, Sixte, de l'Ifle St Barthelemi ou du Tibre, divifé en deux parties, appellées l'une Ponté à quatre capi; l'autre Ponté San Bartholomeo. On voit de la pointe de l'Ifle Saint Barthelemi, au couchant, les relies du Pont triomphare, que l'on appelle aujourd'hui iW/e rottOy dont deux arcades furent emportées dans l'inondation de 1 ?p8. & plus bas encore les prétendus relies du Pont Sublicius, fur lequel Horâtius Codés arrêta feul l'armée de Porfenna. Plus haut au nord, eft le Ponté molle t ou J'ancien pont Milvius que l'on traverfe en arrivant de Florence & de Boulogne à Rome.; il eft célèbre par la défaite de Maxence, par Conftantin le grand. On peut comparer la forme de la ville de Rome à un poligone ovale & irrégu-Jier; il n'y en a qu'environ un tiers qui foit vraiment peuplé, c'eft-à-dire, de la porte del Popolo au mont Palatin du nord au midi, & du mont Pincio au Tibre du levant au couchant : ce qui forme à peu près un triangle, dont la pointe eft à la porte du Peuple, & la bafe s'étend de Sainte Marie Majeure à l'Ifle Saint Barthelemi c'eft dans cette étendue que fe fait tout le mouvement de Rome, fur-tout aux environs du Qui-rinal ou Monte Cavallo, où eft le palais du Pape, &duCapitole, dans la rue du.Cours, à Ripetta ,dans les quartiers des Places Navonne, St Marc & d'Ef-pagne. Le refte de la ville eft occupé par des monafteres, de grandes eglifes, des vignes ou jardins, des ruines de thermes, cirques, palais & autres monumens antiques de la magnificence romaine, dont il fera parlé ailleurs. Ville de Roffifei (7 En comparant les plans de Rome ancienne avec ceux de Rome moderne , il paroît que le gros de la population a toujours été' à peu près dans le même quartier.; caries cirques, les théâtres, éc les autres édifices publics, dont lqs ruines lubrifient encore , les jardins im-menfes des riches Romains, occupoient une très-grande partie de l'enceinte de Rome: ainfi il eft difficile d'imaginer qu'elle ait jamais renferme dans les murs, cette immenle quantité d'habi-tans dont les anciens dénombremens font mention : ou les écrivains ont prd-digieufement exagéré, ou on doitpen-fer qu'ils regardoient comme Romains, c'eft-à-dire, jouhTant à Rome même du droit de bourgeoiiie, tous les hàbi-tans libres de la Campagne de Rome", qui dans les comices générales fe trou-voient au Champ de Mars en qualité de citoyens Romains, ôcformoient ce peuple nombreux dont la puiffance étoit fi formidable. Il n'eft pas pofiible de pen-fer autrement, en examinant le total & la forme des édifices, & fur-tout en réfléchinant fur les ufages & le luxe de ces anciens Romains, qui entretenoient une fi grande quantité d'efclaves, qui augmentaient la population & le mouve- A iv t Mémoires b'Itaiii. •ment, mais qui dans aucun tems ne fe font mêlés des affaires publiques, ôc n'ont pas plus été compris dans le dénombrement des citoyens , que les chenaux, les ânes & les bœufs qu'ils rem-.plaçoient fi fouvent. Ce n'eu" pas que je prétende comparer 'a population de l'ancienne Rome , au petit nombre des habitans de la moderne , &.que je doute que le nombre des ames vivantes n'y ait été infiniment plus considérable; mais le gouvernement de Rome païenne , totalement différent de celui de Rome catholique , exigeoit un bien plus grand nombre d'habitans, pour fe foutenir dans fon e'tat de fplendeur, & donner une idée frapante de fa puiffance & de fes forces aux étrangers qui y abordoient de toutes les parties de l'Univers. Ce fpe-clacle en impofoit aux Nations même les plus barbares ; & il étoit du plus grand intérêt de la république de le maintenir dans tout fon. éclat. Il n'en eft donc pas de même de l'empire actuel de Rome, qui étant tout Ipirituei , & ne s'appuyant en aucune manière fur la force & la violence, n'a befqin que de cette pompe néceflaireà tous les grands etabliflemens, pour fe Ville de Ro.me. 9 «concilier le refpecl: extérieur dont il doit jouir. C'eft ce. fpe&acle nouveau que je vais mettre (bus les yeux: Rome antique fi connue par fes excellens écrivains, fes monumens magnifiques-, &le bruit de fa puiflance, ne peut prefque plus rien préfenter de nouveau à un fpecla-reur inftruit. Si l'on dépeint encore fes anciennes conftructions , .ce ne doit plus être que pour les repréfenter dans l'état de dégradation auquell'injure des tems, la durée des fiécles, la fureur des révolutions, & même la cupidité particulière les ont réduites : on ne peut plus parler dë leur magnificence que fur le rapport d'autrui. Mais la Rome moderne,-moins connue., prefque toujours négligée par les voyageurs, qui d'ordinaire vont chercher dans les ruines antiques qui y restent, des objets de'curioiité peu fatis-faifans, n'a point été reprefent.ee telle qu'elle eft. Cependant je n'ai pas cru ce tableau moins intérefïant que celui de quelques ruines dégradées ; c'eft donc de fon Souverain &c de fa Cour, de fes Officiers principaux, de fes moeurs ëc de fes ufages actuels, que je vais parler d'abord dans ces mémoires. Le refpecl de l'antiquité ne doit pas détruire en nous le goût & ia curiofîté louable de connoître ce qui fe pafle fous nos yeux, &,qui nous intérefle véritablement, (a) Fifidence Je ne difcuteraipoint ici les diffé-UcsPape*. rens états par lefquels la ville de Rome a pafle avant que d'être foumife au pouvoir des Papes. En qualité de Princes temporels, ils y jouiiient d'une puiffan-ce abiolue^, & en bien des occafions leur volonté eft la première des loix. Cependant ce pouvoir eft tempéré par l'autorité du facré Collège des Cardinaux , qui dans ces derniers tems ont acquis un fi grand crédit, que l'on peut regarder le gouvernement de Rome, comme une monarchie tempérée par Tariflocratie. Le Pape fuccefïeur de faint Pierre, chef vifïble de I'Eglife catholique, & le centre d'union de tous fes membres en-tr'eux, réfide à Rome où il tient fa Cour. (6) Mon intention n'étant que d'en parler ici, comme du Souverain de cette capitale ancienne de l'Univers à («) Dînn vetera extollimus recentium incu-™°A' ^aci:. l i. ajDn, Nec omnia apudprioreS mehor.iftJ noj{ra yUotjue atûS mu[ta taudis, artium imitcmdapojleris , rutit.U. I.3. an. ' (*) Sedcs Koma Pari, yuœpajtorçlis honoris Cour- de Rome. ii laquelle on peut accorder le même titre, & des provinces qui en dépendent, je n'entrerai dans aucun détail fur fes prérogatives & fes droits comme chef de l'Eglife. La réfidence des Papes a été en dif-férens quartiers de la ville de Rome : la première étoit au palais de Latran à côté de l'églife patriarchale de St Jean qui eft le vrai fiége épifcopal de Rome, & qui doit être regardée comme la première églife de l'Univers. Elle étoit ap-pellée autrefois P atriarchium Lateraneri' fe. Ce palais fitué à gauche de l'églife, la touche immédiatement. Les Papes en habits pontificaux, y entroient de leur3 appartenons où ils s'étoient habillés 3 mais pendant la longue réfidence des Papes en France &cà Avignon, l'ancien palais de Latran tomba en ruine ; de forte que Grégoire XI, ayant trans'cré le fiége d'Avignon à Rome, en 1377-fixa fa réfidence au Vatican. ' - Mais comme à certains jours folem> nels, le Pape va tenir chapelle' '&; officier à l'églife de Latran , & qtf il étoit —-,—,-~~--—i_J—- Fatta caput mundo, quidquid nonpojffïddt uni t - mis, ' ' *v XU ) ?U9Î.-^TUpO Wli&ont ttntt. . . -i-ir - -: ^ £er# a i convenable que pour ces rems au moins"j il eût un palais où il pût defcendre & fe loger, Sixte V fit élever en 1586, le palais de Latran fur les deffeins du ca- ■ valierFontana : deux des faces de ce palais furent terminées avant fa mort, la troifiéme n'a été achevée que dans ce fiecle, fous le Pontificat de Clément XII. L'eloignement de ce palais du centre de la ville & de toutes les affaires, fut caufe qu'après la mort de Sixte V, il fut abandonné. Il refta inutile jufqu'au pontificat d'Innocent XII, qui en fit un hofpice ou confervatoire pour les pauvres des deux fexes, qui dévoient y travailler.aux différens métiers qu'il y établit. Peu après il fit transférer tous les h mmes à l'hofpice de Ripa grande, fur le bord du Tibre, & ne conferva dans le palais de Latran qu'un confervatoire nombreux de filles, qui s'y occupent encore à divers ouvrages, & qui y font entretenues juf qu'à ce qu'on trouve à les établir. Le palais du Vatican fitenfuite l'ha-bitatiqn principale des Papes: on peut juger qu'iJs eurent defléin de le rendre afiez confidérable pour y loger leur Cour & tous ceux qui auroient affaire à iux, & qu'ils n'épargnèrent rien pour Cour ï>e Rome. i? en faire le plus bel édifice de Rome, comme il eft le plus vafle; car ce palais avec fes jardins &fes dépendances, y compris l'églife & la place St Pierre , a au moins quatre milles de tour. Il n'y a rien de régulier dans le total, mais il y a des parties de détail de la plus grande beauté, dont je parlerai ailleurs. Chaque Pape y a fait ajouter quelque chofe. Comme c'eft le quartier de Rome le plus bas & le plus marécageux, quoique dans les révolutions que cette ville a éprouvées, le terrein en ait été beaucoup exhauiîé , les Papes dans la fuite des tems ont fixé ailleurs leur réfidence, & ont choifi une polition plus élevée , & où l'air fût plus fain. Paul III quitta le premier le Vatican , & vint demeurer fur le Quirinal, dans le vafte & magnifique palais, qui doit fa perfection a Paul V, 6k fon entier accompliffement à Alexandre VII & à Clément XII, qui l'ont ifolé de tout autre bâtiment, & ©nt achevé les jardins. Safituation élevée fait qu'on y a la vue de la plus grande partie de Rome & même du Vatican. C'eft-là queréfide le fouverain Pontife, à quelques jours de l'année près, pmme du mercredi faint au jour de Pàque, qu'il habite le Vatican. Les Oiiiciers principaux de la Cour de Rome ont leurs logemens marqués dans ce palais ou dans les environs, ce qui eft très-commode pour l'expédition des affaires, & même pour les Officiers, qui ont à traiter entr'eux. ChoixdesPa- 2. Je ne m'arrêterai point à parler ici de l'élection du Pape, qui fe fait par le facré Collège affemblé en conclave, & enfermé au Vatican. On trouve partout la defcription des ufages qui s'ob-fervent alors, on connoît les intrigues & les brigues qui y font en pratique, les différentes factions qui y régnent & qui fe ménagent dès que le Pape eft élu : car les chefs de parti ne font occupés que des mefures qu'ils ont à prendre pour porter tel ou tel Cardinal fur le thrône de l'Eglife, & ils y penfent dès que les cérémonies qui accompagnent & fuivent l'élection & le couronnement du Pape font finies. Il arrive très-rarement que ceux qui ont lé plus contribué à l'élection d'un Pape, foienr Satisfaits des grâces qui leur font accordées, ou des places qu'ils en atten-doient. (a) { il difoit en propres termes : » Quand nous entrons au conclave, nousfommes «tous pénétrés de lafliftànce du Saiut-Efprit, «mais quand nous y avons été pendant quatre «jours, il n'y en a pas un de nous qui n'imagine «qu'il l'a pris immédiatement pour fonfanétuai-»re. » Ce Cardinal étoit un petit homme plein de feu & de vivacité, qui difoit tout ce qui lui venoit en tête: il avoit été tréforier de la cham-bre apoftolique, fait cardinal en 1753? il prê-choit toujours mifere, palfoit pour pauvre, & cependant a laifle une fuccefnon opulente, ce qui a fort étonné Rome. Il y eut dans ce même conclave un autre Cardinal fort fingulier, qui ne voulut jamais dunner Ta voix, parce qu'il ne trouvoit perfonne digne d'être placé fur la chaire de St Pierre, fi on s'en fut rapporté à lui, onfçaitbien qui il auroit nommé.....Quand fes confrères trouvoient quelque chofe à redire au( gouvernement actuel, il ne cefloit de leur répondre, c'eil votre faute, pourquoi l'avcz-vous nommé l Je n'ai rien à rue reprocher à eft ménager des fuccès plus heureux dans l'élection prochaine, qu'ils fe plaifent à prévoir. II faut convenir que ceux des Cardinaux qui veulent être chefs de faction, ont une adrelîe merveilleufe pour venir à bout de leurs intentions, ôc c'eit la fouplefle d'efprit qu'ils acquièrent dans ce manège, qui les rend plus capables de négocier de grandes affaires; ainfï on peut dire que tout ce qui a rapport à l'élection des Papes , eft en quelque façon l'élément de la politique, & 1 é-cole ou il s'en forme une multitude de tout rang & de tout état. Ce qui met beaucoup d'embarras h toutes les mefures que l'on peut prendre , c'eft qu'il ne faut que l'oppoiition d'une des principales têtes couronnées de l'Europe, lignifiée au conclave par fon Ambafladeur, pour rendre nulle une élection conclue & arrêtée, & empêcher que l'intronifation du Pape ne fe fafïè : ce qui rompt toutes les brigues, déconcerte toutes les factions, rend toutes les précautions inutiles. Comme ces fortes de cataftrophes n'ar-yv.ent qu'après que les conclaves ont (Jéja duré un certain tems, & que les Cardinaux" ennuyés d'y être enjfermés Cour be Rome. i'f fouliaitent beaucoup d'en fortir ; alors le Pape qui eft élu avec précipitation, qui doit être au gré de toutes les puif-Tances catholiques , & qui ne doit fon exaltation qu'à la néceilité où on eft de donner un Chef à l'Eglife , ne tient plus à aucun parti, il refte le maître de difpofer des chofes à fon gré & n'a aucune créature à récompenfer, ou avec laquelle il ait pris des engage-mens d'avance, quoique les chefs de parti ne manquent pas dans ces occa-lions, de faire valoir la préférence qu'ils donnent au fujet qu'ils portent tout d'un coup à un fi haut degré d'élévation, & lorfqu'il avoit le moins de droit de s'y attendre. Cet ufage de donner l'exclufion dans le choix d'un fouverain Pontife, qui paroît faire dépendre fon élection autant du confentement des differens fou-verains de l'Eglife Catholique , que du fuffrage des cardinaux, a été établi pour prévenir les fchifmes, les menaces de dépofition,les afTemblées illégitimes des conciles, & mille autres fujets de troubles, de divifions & même de guerres opimâtres , qui ont autrefois pris leurs fources dans l'élection des fouverains Pontifes, quin'étoient pas au gré des puiffances de l'Europe, ou qui témoi-gnoient une inclination décidée pour une nation au préjudice d'une autre. Cet ufage conlidéré dans fon vrai point de vue, eft donc très-fage, & tend à maintenir la paix ge'ne'rale de i'Eglife catholique. Le Pape en eil le chef & comme pere commundes fidèles, en doit avoir les fentimens, & tenir !a balance égale entre tous fes enfans qui fe le donnent pour pere, & qui ont intérêt à être tous traités auifi favorablement les uns que les autres. Malgré toutes les précautions que Ton peut prendre à ce fujet, il eft bien rare que la balance ne penche pas plus d'un côté que de l'autre, parce que le fouve-rain Pontife, qui ne peut pas tout faire par lui-même, a des miniftres qui ont leurs intérêts & leurs pallions particulières , par les mains defquels paffent toutes les grandes affaires, & qui leur donnent la tournure qu'ils jugent à propos. Après avoir examiné de près la Cour de Rome, & reconnu le parti auquel tiennent le plus les cardinaux, il eft ai-fé de prévoir quelle tournure prendra une affaire qui intéreffe quelque prince de l'Europe, dès que l'on connoît les cardinaux qui doivent l'examiner & en décider. Depuis deux à trois ans, j'ai vu quelques affaires principales portées aux congrégations, & je ne me fuis pas trompé fur leur décilion, envoyant feulement les noms des cardinaux & des prélats nommés pour commifiaires. On fçait à Rome, quels font les cardinaux tenans aux partis dominans en Europe , quels font les prélats qui leur font attachés , & quelle eft l'inclination générale duminiftere. Tout foible qu'il puiffe être, il influe beaucoup fur les affaires générales, & en difpofe prefque toujours à fon gré, en nommant ceux qui ■doivent en décider. Ce n'eft pas qu'on rompe abfolument en vifiere à aucune puilfance catholique, & qu'on cherche à l'indifpofer , en ne donnant à traiter le* affaires qui l'intéreffent qu'à des cardinaux déclarés pour le parti contraire : il y a trop de politique & de bon fens à Rome pour faire de pareilles bévues; ainfionchoi-fit des commifiaires à peu près en nombre égal, dans les partis oppofés ; mais il y a des cardinaux Italiens peu connus hors de Rome, qui y vivent même dans une forte d'obfcurité, qui neparoiffent avoir aucune part aux intrigues généra- les, & qui d'ordinaire font entièrement de\ oués au miniftere. Ce font ceux-là qui donnent le branle aux affaires, parce ' qu'en ne les appelle aux congrégations qu'autant que l'on eft fur de leurs avis. Qusnt aux prélats, aux Afonjîgnori , chargés de l'inftruction des affaires, & d'en faire le rapport aux congrégations, ils font trop intéreffés à fuivre les vues du miniftere , pour ne pas s'y conformer en tout. Car il n'y en a aucun qui n'afpire à quelque place , qu'il ne peut obtenir que du fouverain régnant, & auquel non-feulement il faut plaire, mais encore à ceux qui ont fa confiance. Ce font ces vues continuelles d'ambition & d'intrigues, qui rendent les ef-prits fi déliés à la cour de Rome, plus encore pour les affaires particulières qui intérefîent davantage que pour les affaires générales, ïrat de la j. L'état de la maifon du Pape a la Papc°a& de PomPe convenable au rang qu'il tient f« officier dans l'Eglife & parmi les fouverains de pruicipam. l'Europe. Sa dignité de chef de l'Eglife, qui eft celle dans laquelle il eft reconnu par tous les peuples catholiques, eft annoncée par des miniftres de paix qui forment fa cour, & dont une partie lui fait .cortège, toutes les fois qu'il fe montra tn public. Les grands officiers de la cour de Rome revêtus de la pourpre , font : . Le cardinal Carmelingue.,. le cardi- prciatur«r nal Datairequi eft la charge la plus utile, & que le cardinal Cavalchini eut pour fe confoler , après qu'une lettre aexclufîon de la France,l'eut fait descendre du thrône de faint Pierre fur lequel il fe croyoit fblidement établi. . f le cardinal Chancelier , ou Secrétaire des mémoriaux... le cardinal Secrétaire des brefs.., ôc le cardinal Secrétaire d'état. Le Majordome, le Maître de cham* bre,&l'Auditeur ou confeil particulier du Pape , fontles trois premières places de famaifon, que l'on ne quitte d'ordinaire que pour le chapeau de cardinal où elles conduilent ; le facriftain ou maître de chapelle; ces prélats ont tous un titre d'évêque ou d'archevêque in parti bus. Le Maître du facré palais, place très-anciennement attachée à l'ordre de faint Dominique, qui quelquefois conduirai! cardinalat (a) (a) Le Maître du {'acre palais a la cenfurc dès livres & le droit de les approuver ; Se le Vies-gèrent la police de la librairie, & en ce çaj ■ Je fécond clt iubordonué au premier. Les Cameriers fecrets ou premiers gentilshommes de la chambre du Pape font au nombre de feize ; le premier croit en 1.762 Mon/ignor Gio Battifla Rezzonico, neveu de fa Sainteté. Le Médecin ordinaire du Pape eft compris dans ce nombre, & on lui donne le titre de Monfignor. - Les Cameriers fecrets furnumeraires (ont beaucoup plus nombreux, c'eft une faveur que le Pape accorde à qui il lui plaît, & qui lui occaiionne peu de dé-; penle. Toute cette partie de la maifon du Pape eft de prélats qui parlent par tour une certaine quantité de tems dans l'antichambre de fa Sainteté , où ils lont en camail cken rocher; lemaître de la chambre ne quitte jamais fon porte , qu'en cas de maladie , ou d'affaires prenantes avec la permiflion expreife du Pape. Viennent enfuite les prélats domef; tiques duPape , titre que prennent prefque tous les cameriers fecrets... les cameriers d'honneur ou gentilshommes ordinaires qui portent dans le tems de leur fervice l'habit long violet; ce que Ton appelle à Rome Cam cricri a onore in ha* huopaona-r^o.. . les chapelains ou aumôniers ordinaires, au nombre -de ftx \ parmi lefquels eft le porte-croix, qui de même que les autres , jouit des honneurs de la prélature. - . dans tous ces> ordres il y a quantité' de furnuméraires-pour remplacer les malades ou lesab*. îens. : - Ces différens officiers qui font au nombre de plus de deux cents, font tous prélats vêtus de noiràl'ordinaire , avec les bas & le collet violet. Les officiers ou gentilshommes laïques attachés à la perfonne & à la maifon du Pape , appelles €amtrieri fegreti di capa cdifpada, font à l'ordinaire au nombre de cinq oufix, dont le premier étoit en 1762, dom Abondio Rezzonico, neveu de fa Sainteté. Tous les nobles Romains qui n'ontpas le titre de princes & de ducs, fe font honneur de ceritre,qui eft conféré gratuitement à quantité de gentilshommes des autres états de l'Italie, & que l'on appelle Cameriers d'honneur. Parmi les premiers il y en a qui ont quelque exercice, tels que le maréchal de la chapelle pontificale , charge héréditaire dans la maifon Conti ; le grand fourrier, ckl'écuyer qui font des charges attachées authrone & non à la perfonne du Pape. ......- i4 AriMoiREs d'Italie. 4. Les chevaliers de la garde que l'on uTgar5e$d« appelle Lanyjç Spei^atté', font les offi-Papc ciers qui commandent les détachemens des chevaux légers, cuiraffiers 6c fui n'es delà garde du Pape; ils font au nombre de dix , & ont autant de furnuméraires * obliges au fervice.IIs ont une foldefixe. Il y en a ordinairement deux de garde au palais du Pape qui montent à cheval & l'accompagnent quand il fort. L'habillement de ces officiers eft le manteau ou cape , & l'habit noir à la Romaine ; c'eft-à-dire un corfelet avec un jupon ou tonnelet, des manches ouvertes qui ne defcendent pas jufqu'au coude ; ce qui refïémble à l'ancien habit appelle' paludamcntum > la grande cravate, la perruque longue avec Iépée. Us montent la garde lepiftoletà la main , & ont pour officier fuperieur le prélat com-midaire des armes. La compagnie des chevaux légers de la garde eft compofée de foixante maîtres bien vêtus 6c montés. Leur uniforme eft rouge à paremens 6c renverfures de velours bleu , boutons & boutonnières d'or, la vefte de velours bleu, galonnée d'or; quand ils font de garde , ils portent une efpece de çafaque ou de foubrevefte decarlute, chamarrée de galons galons d'or, ils marchent le piftolet haut ; l'équipage du cheval eft bleu., borde' d'or. Les cuirafllers de la garde en même nombre que les chevaux légers, ont l'uniforme bleu à paremens & renverfures rouges , boutons & boutonnières d'argent, l'équipage du cheval rouge bordé d'argent. Les fuifîes ont les longues chauffes, &le baudrier mi-partie de rouge & de jar'-.e, & l'habit rouge à paremens jaunes. Ces troupes compofent la garde ordinaire du Pape. II y a dans Pvomedeux compagnies nombreufes d'infanterie , connues fous le nom de Garde-Avigno-noife & Garde-Corfe. La première a l'uniforme rouge, paremens & renverfures bleues , & les boutons blancs ; les officiers font vêtus de rouge galonnés d'argent. La féconde a l'uniforme blanc , avec paremens & renverfures rouges & les boutons blancs. Ces deux troupes fervent à garder les portes de la ville, à prêter main-forte en cas de befoin aux commis des douanes ; elles ont quelques corps de garde établis dans les dirrérens quartiers de la ville pour fa fureté; le fervice s'y fait avec allez d'exactitude* Tome V. ? B z6 Mémoires d'Italie. Les places de chevaux légers & de cui-rafliers de la garde font prefque toutes occupées par des marchands ou des ar-tiftes auxquels on les accorde pour re-compenfe. Elles font fort utiles, à rai-fon de leur folde qui iroit à près de trois livres de France , s'ils la tiroient entière ; mais comme la plupart de ces places fe vendent, & que ceux qui les achètent n'ont pas de quoi les payer comptant, on leur retient partie de la folde juf-qu'à concurrence du prix convenu pour la vente. Ces cavaliers s'entretiennent £ la chambre apoftolique fournit le cheval & l'équipage , & elle le nourrit dans les écuries qui leur font deftinées ; il en eil de même des Gardes-Corfes & Avigno-noifes qui ont toujours beaucoup de fur-numéraires, qui payent pour l'être & pour jouir de l'expectative d'une place dans ces troupes. II y a quelqu'autres troupes à la folde de l'Eglife , répandues dans les villes frontières &les places fortifiées de l'Etat eccléfîaftiquejmais elles font un petit objet tant pour le nombre que pour le fecours que l'on en tire en cas de be-foin , à en juger par le proverbe qui court les rues de Rome, Scifoldati dcl Papa , perfeolgert una rapar* Cour de Rome. Vf Tel eft à peu près l'état de la maifon & des officiers commenfaux du Pape : pour voir tout cela dans le plus bel étalage, il faut fe trouver à Rome lorfque le faint Pere officie folemnellement à Saint Pierre, chacun y eft alors en exercice , & quelques nombreux que foient les difFérens officiers , fefpace eft afiez grand pour qu'ils ne s'embarrafient point les uns les autres, & que le fervice fe falfe avec autant de dignité que de magnificence. 5. Le Pape,comme je l'ai dit plus haut, aÇ"!T| habite alors le Vatican ; &à l'heure que saim Pic're. la Grand-Meife doit commencerai def-cend par le grand efcalier, précédé de tout fon cortège qui eft formé par un détachement de la Garde-Suiffe, qui dans ces folemnités, eft armée de pied-en-cap , avec le cafque en tête ; les Officiers font habillés de même, à l'exception du cafque ; un détachement des chevaux légers qui font en bottines, & le piftolet à la main, eniuite les domef-tiques de livrée , les maîtres de chambre & les gentilshommes de la fuite des Cardinaux. Les portiers du Pape vêtus d'une fimarre rouge avec le capuchon bordé d'hermine.La croix eft portée par le plus jeune, des auditeurs de Rotte , B ij io* Me Moin es d'Italie. ayant deux Clercs de la chambre apoft tolique à fes côtés; I.\ vient enfufte la prélature qui aux jours folemnels y eft toute raffemblée: car les gouverneurs des Villes voilincs ne manquent pas de venir faire leur cour dans ces occafîons, les protonotaires, les auditeurs de Kot-te , les évêques afîiftans du thrône , & les généraux d'ordre , les cardinaux fuivis de leurs caudataires en fimarre violette, les quatre confervateurs, les princes afiiftans du thrône ; le faint Pere en chappe, avec la mitre fur la tête, aiTîsdansun fauteuil placé fur un brancard , porté fur les épaules de quatorze valets de chambre,vêtus de rouge comme les portiers : on tient à côté de lui deux grandes ombelles , ou éventails de plumes d'autruches blanches ; le brancard eft placé fous un dais pliant , porté par huit gentilshommes ordinaires ; la marche eft terminée par les cameriers fecrets & ordinaires de cape 6c d'épee, & fermée par le refte de la gardé-fui (Te {a . {■') Un auteur ibi-difant Suédois qui vient de doiiner des oblcrvsutons fur l'Italie, parlant de la Cour du Pape &. de la pompe , ( T. 2 p z86 ) dit.... La Cour du p'u r petit électeur ceci Jîaf. tique en montre beaucoup davantage... . Daas On defcend le Pape de fon fauteuil à cinquante pas environ du grand au- les chapelles s aux conjifioires, dans toutes les occafîons où. le Pape d la tête du collège des cardinaux paroît- dans toute fa grandeur , je n'ai vu qu'un évêque ou un abbé à la tête de fon chapitre.....Elle n'a rien de plus impofant que les deux grands éventails ou émouchoirs de 'plumes, qui font une partie intégrante de la pompe papale .... Il faut convenir que la façon de voir Se de juger d'un Suédois & d'un François eft bien différente ; la pompe papale m'a paru en plusieurs occafîons avoir toute la majefté de repréfentation que l'on pouvoit y ibuhaiter, tant par rapport au nombre du cortage , qu'à la qualité de ceux qui le compofent. Quel eft l'évê-que ou l'abbé dont le chapitre, puiffe être comparé au corps de la prélature , & au facré collège des cardinaux ? Les princes & barons Romains , cette multitude de différens officiers , chacun avec l'habit de leur état , les troupes même , qui précédent & qui ferment la marche , ne font-elles pas des parties plus intégrantes de la pompe papale , que les deux grands éventails de plumes , qui font des ombelles , & non pas des émouchoirs , terme fort déplacé dans cette circonstance ? Au refte , ces obfervations , 8c la plupart des écrits qui jufqu'à préfent ont été faits fur l'Italie , font pleins d'incorrections , & fouvent d'infidélités , pour ce qui a rapport aux mœurs ou au gouvernement acîuel du pays. Ces auteurs n'y trouvent rien digne de leur attention , que certains objets qu'ils voyent tous avec les lunettes que JYliffon leur a fournies. * Cart, Tom. V. p. 2$, B ij 30 Mémoires d'Italie. tel, d'où il vient à pied jufqu'à fort thrône qui eft drefTc à gauche dans i'ef-pace qui eft entre le pavillon qui couvre le maître-autel, Se la chaire de faint Pierre qui eft au fond de l'abfide. On entoure un quarré long., pris dans ce vafte efpace, de bancs à dos Se lapiffés, où fe placent le facré collège, la prélature & les généraux d'ordre. Tous les Prélats font en carnail & en rochet ; les cardinaux , évêques cV prêtres , en chafubles blanches brodées en or, avec la mitre de drap d'argent en tête ; les- diacres en dalmatiques, &: avec la mitre;, les évoques afîiftans du thrône, font placés à gauche avec la chappe St la mitre blanches, brodées en or. Pendant que fon chante une partie de l'office du jour, on habille le Pape qui eft fur fon thrône , des habits pontificaux avec lefqucls il doit célébrer la meffe. Les princes afîiftan3 font placés fur les degrés du thrône; le neveu du Pape régnant eft fur le plus haut, Se les autres cnïuite ; les auditeurs de R.otc, le maître du facré palais , Se les protc-notaires font placés fur le degré inférieur du thrône, en auffi grand nombre Cour de Rome. 31 qu'il peut en contenir ; les autres fe mettent dans les bancs deftinés à la prélature, qui font derrière ceux des cardinaux. Les confervateurs en robe de moire , couleur d'or, bordée de velours ou de fatin cramoifi , fe tiennent debout à côté du buffet dreffé au pied de l'autel, où font les calices, î'aiguiere à laver , les vafes pour l'eau & le vin , & plu-fieurs grands plats, bafîins : toute cette cette magnifique vailfelle eft d'or , 8C m'a paru d'un beau travail. L° Pape habillé commence la meffe fur fon thrône , pendant qu'elle eft chantée par les clercs ordinaires de la chapelle , en plein-chant Grégorien figuré, qui reffemble beaucoup à ce que l'on appelle enmufique du contre-point. Ce chant eft beau & majeftueux, & ménagé de façon qu'il remplit les intervalles dans lefquels l'office fe fait en filence ; il n'y a jamais de mufique ni d'inftrumens,ni même d'orgue,quand le Pape officie , ou qu'il tient chapelle pontificale. Toutes les fois qu'il dit la meffefo-Iemnellement, on chante l'épitre & l'évangile dans les deux langues Grecque & Latine, cérémonie qui s'obferve J3 ir depuis la réunion des deux eglifes , au concile général de Florence, & on répète d'une façon marquée, le verfet du Symbole,çui ex Pâtre Filioqueprocéda. Le faint Pere defcend de Ion thrône à l'offertoire pour commencer le facrifice, il relie à l'autel jufqu'à YAgnus Oei, alors il remonte fur fon thrône, où il fait les prières qui précédent la communion, & où on lui apporte les efpeces euchariitiques à confommer. Il prend l'hoftie qu'il partage en deux, il en con-•fomme une moitié, 8c difrribue l'autre au diacre & au foudiacre qui font cardinaux , enfuite avec un chalumeau d'or il prend une partie du fang précieux , & remet le calice au diacre qui le reporte fur l'autel où il confbmme le reflc avec le foudiacre. J'avoue que cette cérémonie m'éton-na 8c me parut avoir trop d'oitentation pour être employée dans le plus augufïe de nos mylteres , pendant lequel fur-tout , tout homme eff égal devant le Dieu qui s'y offre en facrifice pour le-falut de tous. Ne feroit-il pas plus convenable que le facrifice fe confommâc fans interruption, fur l'autel même fur lequel il a été commencé ? Je fçais que c eft un ufage que les Papes les plus. Cour ï>e Rome. 33 éclairés & les plus faims ont obfervé, parce qu'ils l'ont trouvé établi ; cependant ils peuvent y déroger, 6c jamais Benoît XIII ne quitta l'autel pour remonter fur fon thrône ck y communier : il eft vrai que ce Pape, quoique de la maifon la plus illuftre , étoit vraiment pénétré des fentimens de l'humilité chrétienne & religieufe. 6. La méfie finie,!e Pape fort accom- Bénédîaîon pagne du même cortège qu en arrivant, publication on le porte fur les épaules à la grande çics bulles le tribune, ou loge qui eft au-deflus du vef- filtres cén* tibule de l'églife de Saint Pierre; là il monics. donne une bénédief ion folemnelle à la Ville & à l'univers , Urbl & orbl. Cette cérémonie fe fait avec autant de ma-jefté que de pompe. Les troupes du Pape réfidantes a Rome , font rangées en bataille des deux côtés de la colonnade , un peuple immenfe remplit fa place tk la rue principale qui y aboutit, & toute cette multitude eft dans h filence le plus refpeftueux. Dès que le faint Pere paroît, les fanfares de la mufique de fes troupes , annoncent au peuple fa préfence , & le bienfait de fa bénédiction ,.qui eft enfuira annoncée à tout l'univers par le bruit du canon du château Saint Ange, Le jeudi faint après le fervice du matin dans la chapelle Sixtine, & 1expo-iïtion du Saint Sacrement qui fe fait en-fuite dans la chapelle Pauline, le faint Pere eft porte'fur la même tribune , avec le même cortège , mais avec moins d'appareil j c'eft-là qu'on lit en Latin & en Italien la fameufe bulle , In corna Do-mini, qui excommunie les infidèles & les hérétiques, tous ceux qui attentent à la vie, mutilent ou frappent les per-fonnes confacrées au fervice du Seigneur dans l'état eccle'fiaftique, ceux qui s'emparent des biens de l'églife, & les retiennent directement ou indirectement. L'excommunication fe prononce de la manière la plus folemnelle , au fon effrayant des cloches, avec l'extinction du cierge, & lacération même de la bulle qui porte la fentcnce d'excommunication. Deux cardinaux font Ja lecture de cette bulle fur le grand balcon de la tribune. J'ai vu ces cérémonies de près, & elles ont de la ma-jefté même aux yeux des fectaires rai-fonnables. Le faint Pere fut vraiment attendri au moment qu'il prononça l'excommunication , les larmes coulèrent de fes yeux j il eft vrai que l'inftant d'après, lorfqu'il donnai bé- Cour de Rome. 3^ nédic*r.ion à tout le peuple fidèle, il fe re'pandit fur toute fa phyfionomie un air de fatisfacfion & de ferénite' qui le fit paroître tout autre. Cette* bénédiction eft annoncée comme celle du jour de Pâque , par les fanfares des troupes & le bruit du canon. Immédiatement enfuite, le Pape lave les pieds à douze pauvres prêtres pèlerins étrangers , qui font prefentéspar les auditeurs de Rotte, & les ambaffa-deurs : outre l'honneur qu'ils ont dans cette cérémonie , elle leur eft de quelque utilité. Le faint Pere donne à chacun d'eux un habit long d'une petite e'toffe blanche, un camail bordé de fatin blanc, un grand mouchoir de toile, & un bouquet avec deux médailles , l'une d'or, & l'autre d'argent, le tout enfem-blepeut valoir environ cent francs. Delà ils parlent dans une grande falle, où on leur fert un dîner fplendide, le Pape met fur la table le premier plat fur les autres, les prélats apportent les autres ; ce jour-là ci le lendemain les cardinaux dînentenfembleà une même table, fer-vis chacun par leurs officiers : il eft d'ea-quette de leur fervir de beaux efturgeons, le repas fe fait aux frais de tous ceux qui réfident à Rome, ainfi il eft rare qu'au- cun y manque. Ces différentes cérémo-nies ou fpectacles, attirent au Vatican une foule d'étrangers quand on les a vues de près, on ne peut s'empêcher de regretter la peine que l'on a eu de péné- . trer dans, la foule immenfe qui s'y trouve, maigre' les efforts des gardes-fuilfes, • pour empêcher que l'on n'y entre indistinctement. On y rencontre des étrangers de toute fecte & de tout état, (a) Le (./) Un Jeudi faint que le Pape venoit de laver les pieds aux pèlerins luivant Tufàge, il demanda au cardinal P. qui croient quelques étrangers qui aîlilloient à la cérémonie, en lui difant, qu'il ne pouvoit mieux s'adrcller qu'à lui, qui leur failoit d'ordinaire les honneurs de la ville. Le Cardinal lui répondit. ÔS. Padré fono Hollandes i chi fono venuti à Ro:na per recever du prima mano, l'excommunica dclla bulla In cena Dominit è poi vergono à pran^are dal biêlio-thecario délia Santa Chic fa.... c'etoit che7. lui. Ce cardinal avoir beaucoup d'cfprit , rrçaispeude jugement, il ne cachoit pas alfez les fentimen* iecrets fur bien des points que fon état l'obli-geoit à refpecter au moins en apparencc.il me. prifoit tous les moines : un jour on demandoit à d'eux Capucins, pourquoi ils ne manquoient jamais de faluer fes chevaux, c'cll répondit l'un deux, que Ion émunence n'auroit pas manqué de nous atteler à fon carrolfe, s'il n'y eut point eu de chevaux. Jamais Italiens n'a moins eltimé' les nationnaux que lui, par trop de prévention pour les ctrangcrs.Ilu'aimoitpaslccardiiial V..,. Cour de Rome. 37 Pape eft aide' dans la ce're'monie du lavement des pieds, par trois cardinaux en charge. Le faint Pere donne e'galement fa be'-ne'diclion les jours folemnels auxquels il officie à Sainte Aïarie majeure,ou à Saine Jean de Latran : ces e'glifes font accompagnées de grandes places où le peuple peut s'aflembler aifément; d'ailleurs il faut un efpace confide'rable pour placer •les e'quipages des cardinaux 6c de leur fuite , 6c ceux de tous les prélats , des princes & des officiers qui tout cortège au fouverain pontife dansces occafîons. Quand le Pape célèbre lamelle folem-nellementà Saint Pierre,l'autel eft pare' avec autant de noblelfeque de iimplici- fcctetàirè d'Iïtut,il fappelloit le bâcha; un jour fe tournant de fon côté pour lui donner le bai-fer de paix, il lui dit en pleine chapelle, très-haut & avec caricature , Salamalec, au lieu de Pnx tècum. Cependant le pape Benoit XIV. l'aimoit beaucoup, & lui avoitmème donné la place de fecretaiie d femblent ou dans la chapelle du Quiri-nal, ou dans quelqu'autre eglife principale de Rome ; je n'y ai vu aucun am-balfadeur, ainli je nepuis dire dans quel ordre ils s'y placent. L'ambaiïadeur de la ville & république de Bologne , dans les chapelles ordinaires , a la place marquée derrière les fieges des cardinaux en entrant. Ce-lui-lu n'y manque jamais, & c'eft une des prérogatives que cette ville fe réferva en fe donnant au faint Siège, & qu'elle conferve avec exactitude pour prouver qu'elle eft plus alliée que fujette. Ce doit même être une des principales fonctions de fon ambafladeur ; car je crois qu'il entre pour peu de chofes, dans la dit cuflîondes affaires politiques de l'Europe. 7. Le Pape actuel ne fort jamais que cortegecfa pour aller dans les eglifes de Rome où fa,nt ,,i'c" 1 r> • r> n quand il lurc le Saint Sacrement eft continuellement dans îaviiic. expofé par tour, & avec grande folemnité. Son cortège alors eft différent de celui dont j'ai parlé & plus fimple, quoi-qu'encore digne d'un Souverain.Quatre 42 Mémoires d'Italie. chevaux légers de la garde marchent en avant & font détourner les embarras des rues par où fa Sainteté' doit paffer, & de-là vont s'emparer des portes de l'égli-fe où le Saint Sacrement eft expofe'. Le cortegs eft préce'dé de deux ou trois valets de chambre à cheval, de deux chapelains, du porte-croix monté fur une mule blanche,&de deux gentilshommes ou cameriers de cape 6c d'épée. Le car-roife du corps eft attelé de fix chevaux blancs ; le cocher & le poffillon vêtus d'une côte d'armes ou habit à la Romaine, de velours cifelé, couleur de feu, tous deux la tête nue , en hyver ils portent des perruques pour fe garantir des injures de l'air; car quelque tems qu'il fafTe, on ne va jamais que le pas ; a côté de chaque cheval du carroffe eft un valet de pied vêtu comme le cocher. A la tête font deux prélats , cameriers fecrets , à cheval en habit long & manteau violets, & douze chevaux légers commandés par l'officier de garde. Un fécond carroife à fix chevaux , où font les prélats de fervice dans l'antichambre du Pape ; quelques valets de garde-robe à cheval, 6c quatorze cuiraf. fiers de la garde commandés par un maréchal des logis. Ce cortège eft ordinaj- Cour de Rome. 43 rement fuivi par les carrofles des Prélats qui font les plus affidus à faire leur cour. .Quandle faint Pere fort, il porte le camail pourpre brodé d'or & bordé d'hermines, l'étole brodée, pourpre , fa calotte de même, le chapeau rouge bordé d'un petit galon d'or, tout le refte de l'habillement eft blanc , à l'exception des fouliers ou pantoufles qui font rouges , brodées en or. Il a fur le devant de foncarroffe, fon maître de chambre ou quelqu'autre prélat qui lui fait compagnie, 6c il ne ceffe de diftribuer des bénédictions tout le long de fon chemin. Le peuple ne manque pas de courir à fon palfage pour en recevoir. Il eft même d'ufage, quand on le rencontre , de descendre de carrofie pour fe mettre à genou, ce qui fait que les cochers font très-attentifs à l'éviter. Un des grands embarras de carrofles que j'ai vu à Rome, fut un jour de fête à l'heure de la promenade. Le Pape revenant d'une eglife où étoient les quarante heures, s'avifa de paflcr par le cours , rien n e-toit plus ungulier que devoir l'empref-fement avec lequel les carroffes cher-choient à s'échaper par les rues détournées. 44 Mémoires d'Ï -f a t i t: 8. Le Pape dans les audiences folerrr* c nelies qu'il donne aux ambalfadeurs, les reçoit fur un thrône dans une fa Lie du Palais deflinée à cet effet, on nejui parle qu'à genoux , & après avoir baifé la croix qui eft brodée fur fa pantoufle. Quand l ambaifadeur nationnal n'a rien qui l'engage d'aller à l'audience du Pape, auquel les étrangers veuillent rendre leurs hommages , on lui fait demander une audience particulière, on s'adreile pour cela au maître de chambre qui donne le jour 8c l'heure. On laiife épées, chapeaux, manchons , & calottes dans l'anti-chambre : on eft annonce' par 1« maître de chambre qui ouvre la porte f &qui laiife entrer feuls, ceux pour lef-quels il a demandé l'audience. On fait une génuflexion à la porte, une féconde au milieu de la chambre, une troifieme en approchant de la perfonne du fouverain pontife ; on fe met enfuite à genou , & on s'incline pour baifer la pantoufle ; mais aufli-tôt le faint Pere nous tendis les bras fort affeélueufement 8c nous releva. Nous paffames environ une demi-heureaveclui à parler des affaires qui pouvoient nous intereffer. II met dans la converfation autant de politelfe que de bonté, ilparie aifément 8c même, gra- Cour de Rome. 4? cieufement comme tous les Vénitiens , &. a toujours des Choies polies Se placées à dire. Il me parla avec fatisfaction de la régularité du clergé de France , Se de fes connoiflances même dans le fécond ordre, & me dit en termes exprès qu'il feroit à fouhaiter que celui des autres nations & fur tout d'Italie, l'imitât, ce qu'il accompagna de chofes perfonnel-les 6e très-honnêtes il finit par nous dire fi nous n'avions rien de particulier à lui demander , nous nous bornâmes à fa bénédiction , Se nous nous mîmes à genoux pour la recevoir ; nous nous retirâmes en faifant trois génuflexions ou révéren-ces comme en entrant, à chacune def-quelles il nous donna autant de bénédictions. II étoit alors entièrement vêtu de blanc , à. l'exception de la calotte Se des pantoufles j affis dans un fauteuil, devant une table fur laquelle il y avoit un livre Se quelques papiers. C'étoient les feuls meubles qui fuifent dans le cabinet ou nous fumes reçus , les murs étoient couverts d'une ancienne tapifle-rie à bande de damas cramoifi, Se de brodure allez riche. Le Pape Clément XIII, Charles Rezzonico , Vénitien, né le 7 Mars *693 > élu pape le 6 Mars 1758 e{1 d'un^ taille médiocre , fort en embonpoint, le vifage plein & frais, prefque tout-à fait chauve, la phyfionomie pleine de douceur & de bonté', 6c les manières les plus affables ; fa conduite, dans tous les tems de fa vie, a toujours été d'une régularité édifiante, & fon élévation n'a rien changé aux fentimens d'humilité chrétienne qui l'ont animé dans fa vie privée. Les Papes depuis long-tems vivent d'une manière fi retirée 6c fe communiquent fi peu, que la critique la plus amere ne peut mordre fur leur conduite. L'ufage eil de ne les élever fur le thrône de faint Pierre, qu'à un âge où leur façon de penfer eft connue & ne peut plus changer, la décence qui règne dans leur palais eft portée au point qu'aucune femme n'y entre quand ils y fontj ils ne leur rendent jamais de vifite^ cette manière contribue à rendre leurs perfonnes plus refpeétable au peuple, qui fe familiarife très-aifément avec les objets qu'il voit fouvent 6c de près, quelque dignes qu'ils foient de fes ref-peéts. " Les principales charges de la maifon du Pape, toutes celles qui donnent un rang dans la prélature s'accordent Cour de Rome. 47 gratuitement, & d'ordinaire les cardinaux en crédit, les chefs de parti, en difpofent autant que le Pape même, ce font les créatures qu ils ont, toujours à portée de les avertir des mouvemens fur lefquels ils ont l'œil, & dont ils tâchent d'être bien inftruits pour fervir à propos leurs patrons ; mais toutes les charges inférieures , même les emplois en apparence les plus viles, fe vendent un prix aifez cher, ce qui fe fait auffitôc après l'élection du Pape , je ne me fuis pas informé au profit de quiîe faifoient ces ventes : il faut de la protection pour placer fon argent d'une manière aulîï cafuelle ; mais fi le Pape vit feulement cinq ans ces fortes de gens ont des gages fi conlidérables, & tant de profits cafuels , qu'ils retirent leur principal avec un gros intérêt, outre l'honneur qu'ils ont eu de porter la livrée du fouverain Pontife,& de jouir de tous les privilèges attachés à cet état. Quand le règne eft long, ces gens là s'enrichi-roient s'il étoit poffible qu'un homme de cette efpece penfât à l'avenir ou à la fortune de fes enfans : mais d'ordinaire leur dépenfe augmente à proporrion de leurs revenus , & n'a d'autres bornes que l'impoUibilité de la porter plus loin. Des que la femme d un valet de pied, ou d'un balayeur du palais pontifical, a«vu l'écu des armes du Pape arbore fur la porte de fon manoir, 6c fon mari avec l'habit cramoifi , alors elle fe regarde comme une efpece de princeffe, elle fe voue à l'oifiveté la plus parfaite, ne fort plus qu'avec quelque robe de la friperie, 6c un valet de louage par qui elle fe fait précéder, elle veut par cet étalage en impofer au moins aux étrangers qu'elle peut rencontrer , car fes voilines, qui en feroient autant fi elles étoient dans le même cas, ne çeiïent de tourner fa vanité en ridicule, 6c de l'accabler de leur mépris. Tous ceux qui font en place, & qui ont du crédit pendant le gouvernement actuel, font des vœux pour qu'il dure j mais comme c'eff. toujoursie petit nombre, comparé à celui qui n'a que des prétentions qu'il voudroit mettre en valeur; il s'enfuit néceflairement, que tout pontificat un peu long ennuie fort tous les Romains , qui croient beaucoup gagner à un changement. Telle à tou-jours été la façon de penfer de toutes les Cours où tout fe fait par intrigue (a), (p) Mulù odio prajentiurnt 6> cupidine mu* C'efl Cour, de Rome. 453» C'eft pour cela, que pendant que toute l'Europe faifoit des vœux pour la con-fervation du Pape Benoît XIV , le peu*, pie Romain s'ennuyoit de la longueur de fon règne, & regardoit avec fatis-faction fes funérailles qui faifoient répandre des larmes au refte du monde catholique. Dans ces occafîons il règne une licence toujours impunie, & qui dès-lors ne connoît plus de bornes. 0. Je ne m'arrêterai point ici à difcuter Erat,deîCaij comment les cardinaux de commence-Jj^*1* ment foible .& ofSfcur-, fe font élevés au degré de puifïance & de grandeur dont ils jouiftent depuis quelques fie-i des {a). Il eft certain que leur état à lationis , fuis perivulii lœtabanmr. Tac. an. /, 3' T (./) Innocent IV. donna aux cardinaux le bon» net rouge & le chapeau, au premier concile de Lyon en I245. ^cs réguliers n'avoient point le bonnet , ce que Grégoire XIV leur accorda depuis. Paul II leur permit l'afage des mitres de foie blanche, rélervécs auparavant au feuï~ Souverain Pontife, & défendit à tout autre prélat d'en porter de pareilles. Il permit que leur» chevaux ou mules cuifent la houlfe d'ccailate, & voulutqu'eux-mêmcs po.taflent l'habit rouge. Urbain VIII, au lieu du titre d'illultriiïîmc j leur accorda celui d'éminentiflime. Toutes ces prérogatives cumulées,- ont fait que ceux, cnii^ Tome V. C * Rome eft très-élevé. Ils partagent avec le Saint Pere l'autorité' fouveraine; & il, de leur feule volonté, ils n'ont pas, comme lui, droit de vie & de mort, & de déroger aux loix; ils ont tant de privilèges & li refpeclés , un crédit fi étendu, qu'ils ont quelques raifons de fe regarder comme égaux aux rois & aux Princes fouverains, qui femblentmême favorifer cette idée, en leur écrivant pour les complimenter fur leur promotion , dans les termes à peu près qu'ils s'écrivent entr'eux pour fe féliciter fur leur avènement au thrône. Plufieurs de fes Cardinaux prennent nuement à Rome le titre de Protecteur des difFérens Etats Catholiques : ainfi le cardinal Colonna il Sciarra prend la qualité de protecteur de la couronne de France j le cardinal Alexandre Aibani prend celui de protecteur de l'Empire, des royaumes & états héréditaires de la maifon d'Autriche, du royaume de .'Sardaigne & des autres états de ce Prince : il en eft ainfi des autres cardi-.natix qui ont de ces protectoreries dif. tinguées ; en cela ils ont fuccédé aux n'étoient que diacres, ibudiacres, ou même clercs, ont voulu avoir le pas au-deifus des çvê. ques; ce qu'ils ont obtenu ea eifec. Cour ï>ê Rome. 51 Sénateurs Romains, qui protégeoient les Rois, qui fe faifoient gloire d'être leurs clients , & du fort defquels ils difpofoient, Ce n'eft cependant plus ici la même chofe, leur vraie qualité, eft: celle de protecteurs des Eglifes de tel ou tel royaume, emploi auffi utile qu'il eft honorable, par les droits qui font attachés à la propofition qu'ils font en con-fiftoire des Prélats nommés pour remplir les grands bénéfices, enfuite pour l'expédition des bulles qu'ils ibllicitent eux-mêmes ; outre qr#il eft rare qu'après qu'ils ont fervi, ou fi l'on veut protégé une couronne pendant quelques tems, ils n'en foient pas récompenfés par quelque bénéfice d'un très-grand re-. venu, ce qui les met en état de foute-nir leur dignité avec plus d'éclat, & ordinairement ce font ceux qui tiennent le plus grand état à Rome ; quelques autres encore qui font riches par eux-mêmes , ou nés au rang des Princes, vivent avec repréfentation, ceux fur-tout qui aiment la fociété, ont un jour de la femaine qu'ils tiennent chez eux aflemblée ouverte que l'on appelle Oon-verfation. Les cardinaux protecteurs des cou* C ij f« Mémoires d'Italie. ronnes le mêlent peu de leurs affaires politiques, fur-tout quand elles ont un Ambaifadeur réfidant à Rome, ou un Miniftre reconnu pour gérer leurs affaires ; il eft rare que le minilîcre s'adrefie à eux pour l'expédition d'autres affaires que celles qui regardent fpécialement les Eglifes on leur recommende quelquefois de veiller aux intérêts de la Nation, de féconder les Miniftres, mais e'eft un compliment qui n'a rien de réel, il eft très-rare qu'ils aycnt le fecret des négociations. Ce n'eft pas que plufieus ne foient très-capables de les bien gérer, mais comme leur attachement aux couronnes ne peut pas être ailez connu, que d'ailleurs il eft difficile qu'ils enconnoif-fentbien les vrais intérêts, que quelquefois il feroit dangereux de leur mettre entre les mains des fecrets importans, il eft beaucoup plus fage de fe îervir de Miniftres particuliers plus connus, qui n'ayent d'autres intérêrs qu'a celui de la puiifance qu'ils ont à feryir. Je crois bien qu'un Cardinal Italien chargé des affaires d'une couronne, & qui lui eft véritablement attaché, eft fort en état de les bien faire dans tout çe qui a rapport k la Cour de Rome, &z Cour de Rome*. 51 -peut efpérer plus de fuccès qu'aucun autre Miniftre, par la connoiiTance qu'il a de la Cour même où il tient le premier rang, 6c des relions qu'il faut employer pour réuiïïr dans les entreprifes. Ainfi je ne doute pas que le cardinal Alexandre Albani, qui eft Miniftre plénipotentiaire de l'Empereur 6c de l'Impératrice-Reine de Hongrie, ne foit un très-bon Miniftre, & fort attaché aux intérêts des Princes qu'il fert. Cet homme revêtu de la pourpre romaine depuis quarante-quatre ans, plein d'efprit & defagacité, rompu dans les intrigues de la Cour, où il a toujours eu un parti dominant, ne peut que fervir très-utilement une Puiifanee à laquelle il eft attaché, & lui entretenir toujours un parti confidérable&très-nombreux dans la ville de Rome ; ce dont il eft aifé de s'appercevoir dans la manière de pen-fer des Princes & des Barons Romains. Au refte le Maifon d'Autriche réuffi-ra toujours mieux dans ce genre qu'aucune autre; le facré Collège, la Prélature , 6c prefque tous les Italiens ont toujours eu pour elle une inclination décidée. - Il feroit plus difficile à la couronne de France de trouver parmi les Cardi- C iij ç$ MiMoires d'Italie; naux Italiens, un Miniftre qui traitât fêâ affaires avec autant de fuccès & d'attachement, il faudroit que ce fût un homme d'un allez grand mérite, pour changer en quelque façon les fentimens des Romains à cet égard. On a vu les cardinaux de Polignac" & de la Rochefoucault, avoir un parti tout-à-fait dominant dans Rome, y tenir le haut bout dans les affaires, Se l'afTurer même à la Nation qu'ils y re-préfentoient : mais leur mérite fupérieur & leurs vertus avoient réduit les Romains au filence , ils n'ofoient s'op-pofer à leurs entreprifes, ni à leurs volontés qui étoient toujours juftes, ils les avoient fubjugués, Se ce qu'il y a de fingulier , c'eft que leur mémoire eft plus célèbre à Rome même qu'en France : on y parle encore d'eux avec le plus, grand reipecl^ Se il femble qu'on les regrette (a). (a) Memoria proditur Tiberium, quotiens envia egrederetur , gracis verbis in hune modurn tloqui jblitum t O homines ad fervilutem parâtes , jcilicet etiam illutn qui libertatem publi-tam nollet, tant projeta fervientium patientia zœdebat.... Tacit. an. 1. '3____Le Peuple R0, main femble être fait pour être dominé avec cm, I pire, il n'en croit rien. Cependant mille anec- Cour dë Rome. "Çj Quant aux autres Cardinaux, ceux qui poffédent les grandes charges dont dotes le prouveroient. Il eft certain que de toutes lesIMationsCatholiques, celle qui a naturel-lement le moins de crédit à Rome, & qui y eft la moins aimée , eft la Françoife. Cependant peu de Miniftres étrangers y ont eu autant de crédit que les cardinaux de Polignae & de la Rochefoucault, & M. le Duc de G.Pendant fon ambaflade, ils y dominoient abfolument, ils difpofoient des charges , régloient en quelque façon les promotions des Cardinaux, & ne fouf-froient pas que des gensdéclaréscontrelanation y fufTent compris. Ils maintenoient leurs droits avec une vigueur étonnante , & faifoicnt vraiment refpecler le nom François. On a vu les Tranftcverins ou habitans du bourg St Pierre, peuple qui vit dans une forte d'indépendance, connu par une fermeté grofliete , dans laquelle il femble que l'on retrouve quelque étincelle de l'ancienne bravoure romaine , dont ils prétendent defcendre feuls, propofer à un de ces Miniftres dont ils admiroient la nobleife & le courage, d aller s'établir parmi eux & qu'ils le feroient Roi de Rome : c'étoitle premier mouvement d'un peuple ignorant & indifcret qui préfumoit trop de fes forces, mais il fert à faire connoîtrc fon génie & la manière dont il doit-être conduit. J'ai vu que lorfqu'il fut question de donner un fucccfleur à un autre Ambafla-dcur qui avoit rempli le tems de fa million, qui avoit demandé fon rappel, on fouhaitoit beaucoup à Rome d'avoir un Prélat de l'Eglife de France, très-connu par fon génie ferme Ss- G iv $5 Mémoires dTtaeie. J'ai parlé, ont de Ja confidération parieur état même, & par leurs qualités perfonnelles, qui d'ordinaire les élèvent à ces polies diftingués, à moins que l'amitié particulière, qui fouvent eft aveugle à Rome comme ailleurs, où les droits du fang ne les y ayent portés. Les talensdes autres fe font affez con-noître dans les congrégations où ils font employés , & dans les affaires qu'ils ont à traiter. Moins ils font riches par eux-mêmes, plu> le fouverain Pontife a attention de les employer dans les affaires utiles, defquelles ils puiffent retirer dequoi fournir aux dépenfes qu'entraîne leur état. Car il faut qu'un Cardinal ait un Maître de chambre, qui eft toujours gentilhomme , deux gentilshommes de fuire qui peuvent être eccléfiaftiques ou laïques, des Chapelains ou Aumôniers., des Secrétaires , une livrée nombreufe, & au moins douze chevaux de carroffe , & ce font ceux qui font dans l'état le plus médiocre; car les cardinaux chargés des indécidé, & qui très-certainement y auroit tenu un rang tres-diftingué, &y auroit dominé, s'il s en fur tenu à faire valoir les droits de fa place & l'honneur de la nation, fans rien prétendre, de la Cou* de Rome. Cotjr de Rome. 57 térets des couronnes , ceux des grandes maifons de Rome , les Colonna , les Orfini, les Borghefe , ont vraiment un état de maifon comme des Princes fou-verains. Le cardinal Jérôme Colonna,. Camerlingue du Saint Siège, dans les grandes occafîons, avoit une livre'e brillante & nombreuse , & quatre ou cincj carroffes à fix chevaux remplis des Oirl-eiers de fa Maifon ; le cardinal Colonna di Sciarra n'a pas un état moins-brillant, il foutient la fptendeur de cardinal & de Prince Romain, avec autant de nobleffe que de magnificence^ Je ne place dans aucun rang le cardinal duc d'Yorck :' les droits de fa naif-fance, fans la Pourpre Romaine, l'a-voient mis au premier rang, qu'd foutient avec une dignité compatible avec la Sainteté de fon état, la pureté de fes; moeurs , & une folide piété- On lui don--ne le titred'alteffe royale, & le Pape-entretient toujours chez lui une gard«-d'honneur commandée par un oïïicier;- Tous les Romains en gênerai Ce croient intérefles à maintenir 1-honnetnv du cardinalat; auiîi quand lemérite éle*-ve à la Poui-pre Romaine,- quelque^ ec--cléf aftique ou quelque religieux d'unfl* tttiflance obfcure quin'aaucune reflbut*- 58 Mémoires d'Italie;. ce ni dans fa famille , ni même dans for» ordre, tous s empreflènt de fournir gratuitement ce qui lui eft ne'ceffaire pour foutenir la pompe extérieure de fon nouvel t'tat. J'ai vu le cas arriver, & l'un cnvoyoitdes chevaux,l'autre un carrof-fe: onfecotifoit pour acheter l'étoffe de la livrée, onfaifoit préfent de meubles.. Chacun cherche à fe ménager un cardinal qui ne doit fon état qu'à fon mérite qui peut le mener plus loin encore ; on a toujours l'exemple de Sixte V devant, les yeux.. Malgré tous les mauvais contes que. plufieurs voyageurs fe font amufés à débiter fur-le ton gênerai du facré collège <& fur fes mœurs, je n'ai rien vu dans fa conduite qui ne fût conforme aux règles de la décence ecclélîaftique, plufieurs même avoient des mœurs très-pures 6c portoient les vertus chrétiennes à un haut degré. La piété & la grande charité du cardinal Erba Odefcalco, vicaire du Pape, mort au mois de Mars. 17ÔY, à peine âgé de cinquante ans 4toient; connues à Rome & dans tout llEtat Eçcléiiaftique.. Sa converfation étoit honnête & édifiante, fon abord a£ fable. Ses grandes affaires 6c fes vertus. HeJerendoïent que plus humble. & plus Cour de Rome:.- 5fc> doux; j'en parle d'après ce que j'en ai éprouvé par moi-même en différentes: occafîons quej!ai eu l'honneur de le voir. Le cardinal vicaire fait les; fondions d'évêque de Rome, &-en exerce la jurif-diction dans l'enceinte de la ville: il a i'infpection immédiate fur les hôpitaux,» & tous les établiffemens de ch arite ; on; porte à fon tribunal les difficultés^ quf peuvent fe rencontrer dans la célébration des mariages; c'eft à-lui fur-tout que s'adreflent les chefs des pauvres familles que des malheurs inopinés forcent de recourir aux fecours du public. Le jeune cardinal Marc-Antoine Co--lonna, frère du connétable & de monfi-gnor Pamphile qui eft nonce en France,. eft d'une vertu généralement reconnue des mœurs les pluspures ,doux, honnête , affable, ne regardant la fplendeur' de fon nom & la dignité de fon état que' comme des moyens de faire le bien : auflî quelle fut lafatisfacfion de Rome, quand le Pape l'eut nommé cardinal vicaire ,* place très-onéreufe par elle-même &: très-fatiguante, & dans laquelle on fa-" crifîe d'ordinaire fa fanté & fon patrimoine au foulagemen't des pauvres. - Le cardinal Stopani' a rempli avec e'clat lesplus importâmes rionciarures^ G vj^ 60 Mémoires d'Italie. il eft vraiment habile & très-capable de gouverner ; il en a donne' des preuves dans fa légation de Ravenne j il connoit parfaitement les cours de l'Europe & leurs dirlérens intérêts ; il vit dans lare-traite & une grande régularité; on le rencontre quelquefois dans les conver-fations, & on y recherche avec em-preilementleplaifir de l'entendre parler fur les différens objets. On parloit beaucoup du mérite des cardinaux Spinelli, Merlini, Crivelli > Antonelli, je n'ai eu aucune occaiion. de les voir ; mais la renommée etoit pour eux: il y a une certaine licence d'écrire à Rome, & detoutfatyrifer, qui fert à conduire à la vérité même, parmi les ténèbres de la fatyre. Le cardinal Ganganelli, Mineur Ob-fervantin, fait cardinal dans la dernière promotion, palfe pour un des efpritsles plus délies du facré collège ; il alaphy-lionomie fine, & de la gaieté dans la converfation. C'eft fa feience qui l'a élevé à IaPourpre Romaine. Le cardinal Orfini, miniftre plénipotentiaire, & protecteur du royaume des deux Siciles, a un état de prince > beaucoup de politeffe & d'affabilité, &c une conduite régulière; il a été marié & Cour de Rome.. a un fils connu fous le nom de duc de Gravina. Etant refté veuf très-jeune, il entra dans la prélature & fut fait cardi*-nal à 1 âge de vingt-quatre ans. Il eft dans l'ordre des diacres, quoiqu'il ne foit que limple clerc ; comme le duc de Gravina eft le dernier mâle delà grande & ancienne maifon des Urfins, on prétend que s'il venoit à mourir fans enians,. le cardinal quitteroit la Pourpre Romaine & l'état eeclefiaftique pour fe remarier. Il y a encore à Rome un marquis Orfini peu riche, & que l'on dit être de la même maifon. Il ne faut pas s'étonner fi dans le nombre des cardinaux, il s'en trouve quelques-uns dont la régularité ne foit pas aufli exacte. Placés dans une très-grande élévation , nés avec des paillons vives qu'ils ont mille moyens de fatisfaire3 dans un pays où les moeurs publiques font fi peu refpec"tées, eft-il furprenant que quelques - uns ayent donné dans des écarts r" Encore ai-je vu par moi-même que la fatyre avoit prefque toujours groHi les objets. Les Proteftans fur-tout ne pouvant anéantir le Catholicifme, n'ont rien épargné de ce qui pouvoit donner des ridicules aux chefs de la Religion,en «schargeant, de quantité de vices qu'ilsL 1$z. Mémoires dTtaeie; prétendent être attachés à leurs places Se être d'ufageparmi eux : ce qui abeau-Goup contribué encore à répandre ces bruits, Se à leur donner quelque air de vraifemblance, ce font les propos licencieux des Romains, leurs chanfons , & leurs vers fatyriques. Il n'y a pas de peuple au monde qui fe livre avec plus d'impunité à ce genre deplaifir; les en-fans même chantent par les rues des chanfons fatyriques, où les gens en place font nommés, on affiche à leurs portes* les placards les plus infultans. De tems en tems Pafquin leur lâche les plaifante-ries les plus piquantes , quoiqu'il ait peu de pratique à préfent. De peur que les perïbnnes à qui l'on en veut, ne s'y trompent , c'eft à la porte même de leurs palais que l'on affiche lesinjures qu'on a à leur dire. Il eft vrai que l'on a le plus grand mépris pour toutes ces entrepri-fesobfcures, àmoinsquele coupable ne foit prisfurlefait,onnele recherche pas. G'eft en général le génie & le goût du: peuple Romain ; j'aiiuunefatyre atroce du dernier conclave, que l'on attribuoit. ouvertement à un cardinal de beaucoup d'efprit,mais du génie le plus mordant.. Dans tous les recueils des pièces du tems, que l'on trouve dans la plupart des • Cour de Roms. €f maifons des Romains qui fe piquent de-fçavoir quelque chofe , le nom de l'auteur eft à la tête de la pièce ; j'en ai lu une autre qui contenoit la chronique la plus, exacte, mais la plus fcandaleufe de la ville de Rome attribuée e'galement à un très grand perfonnage.La facilite' de faire desvers italiens donne lieu à ces pièces qui font prefque toutes d'un ftyle plai-fant & original, écrites avec uneaifance-qui en fait le principal mérite. Je fçais qu'on fait fort peu de cas à Rome de ces pièces, quelles ne nuifent à rien: un jeune prélat attaqué de la manière la plus fanglante, ne s'en inquiète pas davantage ; ces fatyres ne peuvent pas nuire à fon avancement; s'il a les talens nécef-faires aux différentes places qu'il fe pro-pofe de remplir, 8c des protecteurs, il va également fon chemin. C'eft fans doute cette licence qui a donné lieu à tant de mauvais bruits qui fe font répandus, & qui ont été fi fort augmentés par les ennemis de la cour de Rome ; il importe peu de fçavoir s'ils ont quelque réalité. Ce que j'ai vu, c'eft que Rome eft le pays de la liberté 8c de la tranquillité même, dès que l'on eft affez fage pour fe conformer aux ufages qui y font généralement autorifés, 8c. avoir feulement un refpect extérieur* pour tout ce quieftre'ellememrefpec'ta-bie. (a) L'habillement des cardinaux, quand le Pape tient chapelle, eil dans les tems de pe'nitence, c'eft-à-dire, de Carême • & d'Avent, la foutane violette de laine, avec cet habit ou manteau immenfe qu'ils mettent par-deifus, & dont !a queuetraînante n'a guère moins de dix aunes de longueur : ce manteau eil de moire, la queue eil portée par un eccle'- (a) T y ai vu un vieillard Francois,qui y a en-fin trouvé une retraite tranquille après une vie très-oraçeufe, dont les commencemens avoienr été fi brillans, qu'il regardoit la Pourpre Romaine, comme la récompeufe certaine de les travaux. Je parle de M. l'abbé de Monrgon, fort connu par fes Mémoires. Il vivoit à Rome en 1762, tout-à-fait défabufé du faux éclat des grandeurs humaines, nefongeanr qu'à terminer tranquillement une carrière qui avoit déjà. été fort longue, & qui étoit encore traverfee par les douleurs de ta goutte , qu'il fupp.moit très patiemment , foit que l'habitude , ou la douceur du climat en eût diminué le fentiment, comme il le difoit lui-même. Je me rappelle qu'en me parlant de toutes les ttaverfes qu'il avou éprouvées, & de l'état de repos où Û fe trouvoit, il me cita fort à propos un panade de Tacite (an. 1.11.) Deejfe nobis terra in qua y/. vamus, in qua moriamur , nonpoteJL Côvr de Romh; ej ïlaftîque en foutane & en manteau de foie violette, appelle' Caudataire, & qui dans les cérémonies eft aflîs aux pieds de fon maître. Le refte de l'année ils font vêtus de rouge, en hy ver la foutane eft de velours, en e'te' de moire ou d'une autre e'tolfe le'gere. À l'ordinaire ils portent le matin la iimarre ou habit long noir double' de rouge. L'après-dînée ils font en habit court noir doublé de rouge , 6c le manteau , avec les bas, la calotte, 6c les talons des fouliers rouges , le cordon du chapeau rouge , brodé en or. Ils ne portent jamais le chapeau rouge que lorfqu'ils font leur entrée folem-nelle à Rome , ou quand ils accompagnent le Pape dans la cavalcade qu'il fait lors de fa prife de pofléflîon. Ce que nous appelions en France, le chapeau de cardinal ou la barette, du mot italien 6iretto,eft un petit bonnet quarré d'une étoffe de laine ou de foie rouge, avec une petite houppe de même couleur , que le faint Pere envoie par un prélat au cardinal défigné. Beaucoup font très-curieux de cette commifîion, qui leur procure le moyen de voyager fans frais, (a) (•/) 13cnok XIV étoit, comme on le fçait^ 66 Mémoires d'Italie, Ifio. Le cérémonial eft une des grandes Cérémonial / j „ j . \ • \ r> 4 Rome. études des gens qui ont à traiter a Rome, qui font d'un rang à exiger des égards marqués, & qui doivent auffien rendre ; c'eft le fupplice de la plupart des ambaf-fadeurs, des cardinaux & des princes , ce n'eft pas même un objet tout-à-fait indifférent pour ceux qui n'ont rien à prétendre en ce genre j car dès qu'ils font reçus partout, il faut qu'ils fça -chent exactement ce qu'ils doivent aux différens états, & ne pas donner à l'un ce qui neconvicntqu'à l'autre , à moins qu'ils ne foient déterminés à fe charger c'unridiculelocal, qui n'eftrien par lui-même, & aux yeux de tout homme qui ne fê borne pas à la fuperficie même des chofes , mais qui eft un f ijet grave aux yeux des Romains, & qui peut leur faire concevoir desfentimens de mépris : ou. les prévenir défavorablement contre bomme à bons mots. Un Prélat dont il cftirr.oit peu la capacité, le follicitoit vivement, pour être c'.iarçé d'une de fes commiflions , ne fça* cha.it comment s'en débarrafTeriQu'il patiente, dans peu j'enverrai une mutande au Général des-Capucins, lorfqu'il fera la tournée en Efpagne,. Si il la lui portera: la plaifanterie fe répandit bien vite, & le Prélat a confervé depuis ce tems» ta Le nom de Atonjtgnor detla Aùtt.ind qui fit prêter ferment de fidélité' entre fes mains au préfet de Rome , & lui donna l'inveftiture de fa charge par un manteau : ufage qui s'eft con-îèrve' jufqu'à préfent. Cette 'place e'toit occupée en lj6z parM. EneasSiivius Piccolornini, Sie-nois , de la maifon de ce nom, qui a donné des Papes à l'Eglife, entr'autres le célèbre Pie II, plufieurs autres grands hommes & des généraux d'armée de réputation connue. Il y a vingt-quatre autres gouverneurs des principales villes de l'Etat Eccléiiaftique, poffédés par des prélats : je ne fçais pas quels en font les avantages, on m'a dit qu'ils étoient arbitraires & prefque à la volonté du gouverneur, cependant il fe garde bien d'exaélions criantes , qui le mettroient Cour de Rome. 79 dans le cas d'être dépoffedé & puni. Les petits gouvernemens font le partage des docteurs en loi, qui en jouiflent en vertu d'un bref du Pape. 1 5. Les grandes affaires qui fe traitent à de ^fea£ Rome font confiées à l'examen des au- autresTrik*-diteurs de Rote, qui en font les corn- lîau*' miffaires nés. Le roi de France a ledroic d'en nommer un, le roi d'Efpagne en nomme deux pour la Caffilleôc l'Arra-gon. Les autres font à la nomination de la cour de Rome, & ils font douze en tout. Ces prélats tiennent un rang fors diftingué à Rome. Ils font leur rapport dans les congrégations nommées parle Pape, pour décider fouverainement des affaires dont ils font chargés y 6c dans Iefquellesils ont voie délibérative. Ces congrégations font toujours compofées d'un certain nombre de cardinaux & de prélats du fécond ordre, que l'on appelle ponenti ou votantï. Il eft bien difficile d'avoir un jugement décifif dans ce tribunal : la lenteur des auditeurs de Rote à travailler leurs rapports, 6c à mettre l'affaire en état d'être jugée ; la communication qui doit en être faite aux cardinaux de la congrégation., qui pour fe mettre au fait, font faire des extraits parleurs auditeurs, qui font ordinaire* D iv ment de jeunes gens inflruits dans les ufages & le droit de la Cour de Rome, qui s'attachent à la perfonne des cardinaux, pour entrer par leur protection dans la prélature, & parvenir à des places plus importantes (a). Tous ces préalables néceffaires, occasionnent dans les grandes affaires des retardemens, des longueurs & des frais, qui dégoûtent d'entreprendre aucun (a) Les procès de divorce ne font point rares â la Cour de Rome, qui ne fe rend pas difficile pour rendre nuls les mariages entre époux qui ne fe conviennent pas. Ces fortes d'affaires qu'ils jugent en première inftance aux Officialité» de France, &c fur lcfquels les Parlemens prononcent enfuite définitivement, fe traitent à Rome pour tout le refte de l'Italie, même l'Elpagne & le Portugal, où les jugemens de la Cour de Rome, dans ces matières, que l'on regarde comme purement eccléfialtiques , ont force de Loi, même quant aux effets civils. J'ai vu uu Gentilhomme Efpagnol folliciter en perfonne une fentence de divorce depuis plusde huit ans; fa requête avoit été admife, néanmoins on ne touchoitpas au fond de l'affaire i la dernière ré-ponfe qu'il eut, fut qu'il pourroit être jugé dans quinze mois. Il falloir que fa caufe ne fut pas bien bonne, mais on n e vouloit pas le ren-Toyer, parce qu'ilfaifoit de la dépenfe à Rome: raifon politique pour y garderies étrangers autant qu'il eft poflible; car les affaires des Romains & des Italiens s'expédient plus vite. Cour de Rome. 8i procès de longue difcuflïon à la cour de Rome ; c'eft cependant là qu'il qu'il faut que tous les gens du comtat d'Avignon viennent plaider en dernier reffort, les autres tribunaux font plus expéditifs, &' jugent définitivement & par provifion, fauf l'appel aux tribunaux fuperieurs. Il y a plufieurs tribunaux de police, tenus fous l'autorité du Camerlingue {a) par les clercs de chambre qui y préii-dent, & tiennent leurs audiences à certains jours de la femaine dans le palais ru) Le Cardinal Camerlingue eft le premic1" Officier de la Cour de Rome: dès que le Pape eft mort, il vient & frappe à diverfesreprues fur le front du dé.unt, l'appellant par fon nom, & voyant qu'il ne répond pas, il prend toute fa fuiteà témoin de la mort du Souverain Pontife» alors il lui ôte l'anneau du Pêcheur, qu'il baife avec refpecl, & fe retire. Pendant la vacance du Siège, il régit l'Etat de l'Eglife,fait battre mon-noie à fon profit, admiuiltre la jullice, publie desédits, & marche en cahracade accompagné de la Garde Suiffe du Pape & de fes autres Officiers. C'eft le Préfidcnt ordinaire de la Chambre apoftolique, & il a parmi fes Officiers, en cette qualité, un Tréforier & un Auditeur généraux, & douze Clercs de chambre, Préfidens de différens tribunaux. Le mot Camerlingue eft tiré de l'allemand & fignifîoit autrefois le Tréforier du Pape & de l'Empereur. Voyez le ^loifaire de du Cangc. à ce mot— Dv &2 Mémoires d'Italie. qui eft deftiné à cet ufage, à monte Cito-rioyôc que fon appelleCuria Innoccn-^iana. Les plus importans pour la ville font ceux tenus par les commiilaires des approvifionnemens connus fous le nom de Prefetti de l'annona & délia grafcia. (a). Ils mettent le taux à toutes les denrées de confommation, qu'ils changent à proportion de leur abondance, ou du (rf) Cette charge fut établie par Augufte, non comme une magiftratùre fixe, mais comme un emploi extraordinairement créé pour le bien du peuple____Cajfwdore. I. 6. en décrit exactement les devoirs..... Tui ftudii ejl, ut facratidJimce urbi praparetur annona , ubiquè redundet partis copia; per ojfficinas piftorum , cibosque difi eurri s , penfum 6V ntunditiampartis exigis: car-pentum Prafecli urbis miftd glorifications confondis. Tu illi in fpeéiaculis conjunclijjimus in-•veniris.... Tu promiffor ubertatis feditiones civicas, momentané d fatisfatlione diffolvis. Seneque {de brevitate vit. c. dit fort plaifammcnt à ce Magiftrat. Cum ventre bu-mano tibi negotiumeft. Cette charge qui dans fon origine avoit eu quelque confidération, tomba r'an s .un grand diferédit____Nunc inane nomen, 6* Senatorii cenfus gravis farcina edidit. Boè- ce. I. 3. de conf phil. Prof. 4____Les fondions de cette charge font toujours les mêmes. Elle s'exerce fous l'autorité du Camerlingue & du Gouverneur de Rome. gain que veuillent faire les marchands , qu'ils favorifent trop fouvent aux dé-pens du pauvre peuple , au moins à en juger par fes plaintes. Il eft certain que les denrées, eu égard à*ieur abondance , ôc au peu d'exportation qui fe fait de f Etat Eccléfiaftique > font ordinairement à un prix trop haut ; mais il fe fait dans cette partie des monopoles fecrets difficiles à prévenir & même à empêcher , parce qu'ils font ignorés du Souverain, & tolérés par tous ceux qui pourroient lui ouvrir les yeux fur ces abus. J'ai vu tout d'un coup le prix de l'huile très-augmenté, quelques marchands riches en avoient fait un enharrement confidérable , 6c l'avoient cachée, il n'y en avoit plus dans les marchés ni fur les ports du Tibre Le peuple qui vit au jour la journée, & fans aucune proviiion, fe plaignit , demanda qu'on lui fournît l'huile qui lui étoit néceffaire pour fa confommation, & il fut obligé de là payer à un nouveau prix & plus haut, à celui que les marchands y fixèrent eux-mêmes, quoique le commerce fut libre & que la récolte d'huile eût été bonne; mais là comme ailleurs, le peuple n'eft point à l'abri des coups d'au- &f Mémoires d'Italie. tcritc que peuvent faire les Prépofcs dans un gouvernement foible, qui n'a point de principes fixes pour les parties de détail, cependant li intcrelfantes pour le peuple, qui fait par-tout la partie la plus nombreufe. Il y a d'autres Prélats chargés de la propreté de la ville, de l'entretien des pavés, de la réparation des grands chemins, de la vérification des monnoies, qui tiennent également leurs audiences à des jours marqués; c'eft encore dans ce palais de Monte Citorio où fe tiennent les Tribunaux pour les affaires civiles & contentieufes de la ville & de la Campagne de Rome, qui répondent a nos Bailliages & Séncchauflees. Pour l'expédirion de ces affaires , il y a une multitude d'Avocats, de Procureurs & d'autres gens de Loi, compris fous le nom général de Curiaux («). (a) La Confulte, Tribunal qui fc tient au palais de ce nom, par un Secrétaire ?n charge y qui y préfide d'ordinaire, connoît des plaintes du peuple contre les Gouverneurs de l'Etat Ecclé-liaAique, excepté des villes qui ont des Légats, toutes les autres envoient à Rome leurs criminels, pour y être juçés en dernier reflort. A l'égard des procès civils & criminels, la voie de lévifïon eft toujours ouverte, enfuite le recours Cour, de Rome. 85 Il ne faut pas comprendre parmi les Curiaux, les Avocats confiftoriaux, qui font Officiers de la Cour de Rome Se en charge , établis pour plaider fur les op-politions que l'on forme aux provifions des bénéfices , qui font très communes dans les pays où les élections ont lieu, Se pour cela ils entrent Se parlent dans les Confiftoires, ils font chargés encore de demander le Pallium pour les Archevêques Se les Métropolitains , ils propo-fent les caufes de la canonifation des Saints. Ils font au nombre de douze, dont fept font appelles anciens & cinq furnuméraires. Il y en a un qui eft chargé particulièrement des caufes des pauvres bénéficiers, qui ne font pas en état de faire les frais néceffaires pour obtenir leurs provifions. Ces places font importantes & mènent fouvent aux premières dignités, plufieurs Papes les ont exercées avant que d'être revêtus de la pourpre Romaine. C'eft parmi les Avocats confiftoriaux que l'on choifit le Promoteur de la foi, le Recteur du Collège de la Sa- au Pape, qui y a égard s'il le juge à propos, &• qui par uu chirographo régie tout fur f à feule volonté fouveraine. Ce chirographo repréfente la Loi royale dont je parlerai ailleurs. pience; & l'Avocat du fifc ou des finances-dé l'Etat Eccléfiaftique. Senatfurde 14 La Jufticeordinaire à Rome en pré-feïvateur,0* miere infiance, fe rend au Capitoîe par Capicole. les Magiftrats municipaux de la ville qui ont à leur tête le Sénateur. Cétoit anciennement le fouverain Magiltrat de Rome, créé parle peuple, indépendant du Pape & des Empereurs. Tant que le Peuple Romain conferva une idée de ce qu'il avoit été autrefois, quoique le Sénat ne fubfifta plus, i! s'éli-foit un Magiltrat confervateur de fes droits, qui eût dû plutôt porterie nom de Tribun que celui de Sénateur. Par un traité fait environ l'an 1100, la dignité de Sénateur fut foumife à l'autorité du Pape, mais dans la fuite des tems le peuple rentra dans fes droits, & créa de fon propre mouvement un ou plusieurs Sénateurs, fuivant qu'il croyoit en avoir befoin, ou que des perfonnages puifTàns l'avoient gagné pour fe faire conférer le titre & les droits de cette place. En ïi^î , Charles comte d'Anjou, frère du roi faint Louis , fut élu Sénateur perpétuel de la ville. Etant paifible pof-felfeur du troue de Naples, il remit fa dignité k Henri prince de Caftille , qui fut reconnu en cette qualité par le peu- CorjR de Rome. 87 pie de Rome & le Souverain Pontife» En 1278 , le Pape Nicolas III fe fit élire Sénateur par Ifs peuple-, dignité, dit Platine, que l'on avoit coutume d'accorder aux Rois & aux Princes. Ce Pape étoit de la maifon des Urlins, il fut remplacé par le Fape Martin IV, François né à Tours, qui rétablit dans la dignité de Sénateur le roi de Naples, dont lesdef-cendans conferverent cette dignité, & la fitent exercer h Rome par des Chevaliers qu'ils y nommoienr.. Les Romains voulant rentrer dans leurs droits quelque tems après, élurent pour Sénateurs ou Magiftrats fouverains deux Chevaliers des maifons Colonna 5c" Orfini. Pendant le fejour des Papes en France, Rome fur dans une efpece d'anarchie, durant laquelle le Peuple Romain eût pu revendiquer Ces droits s'il eût encore exifté. Mais les Papes après leur retour, fur tout après l'extinction du grand fchifme & l'élection de Martin V, anéantirent la grande autorité du Sénateur, ils en conferverent le titre, 5c ne lui laifferent que le droit d'être à la têce de la Magiftrature municipale de Rome. Ce titre eft cependant encore très-honorable j mais celui qui en eftrevttudoit être étranger; il eft polfedé aujourd'hui par M. le comte de Bielke , Suédois. Ilrélide au Capitole, a des officiers attachés à fa perfonne, & une garde entretenue par la ville, qui l'accompagnent dans les cérémonies publiques, & lorf-cju'il va à l'audience du Pape en grand équipage. Son habit de cérémonie eft la longue robe de pourpre bordée d'étoffe d'or, qui répond à l'habillement ancien des Sénateurs Romains. Il a pour collatéraux ou premiers affeffeurs quatre magiftrats, dont trois ont le nom de Conferva-teurs, & un celui de Prieur ou député des différens quartiers de la ville : ces places font occupées par des gentilhom-mes nommés par le Pape , dont deux changent tous les trois mois. Les autres juges font des docteurs en droit reçus fur la préfentation du Sénateur -, ils tiennent leurs féances dans le palais des Con-fervateurs qui eft à main droite fur la place du Capitole, Capitole. La grande falle qui efl dans le, bâtiment principal du Capitole , eft occupée par plufieurs tribunaux particuliers , où s'expédient les affaires peu irr> portantes qui demandent célérité , & dont les jugemens s'exécutent à l'inftant qu'ils font rendus , ou fut la dépofi- tion des témoins ailignés, ou fur l'aveu mêmede celui qui eft appelle en jugemenr. C'eft le feul tribunal de Rome dont les magiftrats ne foient pas eccléiiaftiques 3 car tous les autres, même les tribunaux de juftice criminelle, font préfidés par des prélats. Il y a une très-ancienne fociété ou académie d'agriculture établie au Capitole , compofée pour la plus grande partie de princes & barons Romains, qui ont une jurifdiction qui s'étend fur la partie de la Campagne de Romeappellée Agro Roma-no ou banlieue de la ville , à dix ou douze milles aux environs jmais cette jurifdic-tion eft peu refpectée, ou elle eft bien négligente fur la partie de l'adminiftration qui lui eft confiée; car quelque fertile que foie tout le territoire,il eft inculte pour 11 très-grande partie. La juftice à Rome fe rend aflTez exactement dans les procès ordinaires , fur-tout quand on n'a pas affaire à une partie pui liante par elle-même ou par fes protections; en ce cas il n'y a fortes de lenteurs ou de chicanes que l'on n'ait à éprouver , jufqu'à ce que l'on ait abandonne fon inftance , ou accepté un accommodement toujours défavantageux , & que la pattie protégée propofe moins dans la litelTe aifee que l'on con-noît en lui: forcé de figner un bref favorable aux G. qu'il n'aimoit certainement pas: parce que le Pape irrité de fa réfîftance, le menaça de lui ôter fa charge; alors il partit furieux de Rome, fc retira à fon hçrmitagc de Frafcati , où il mourut d'apoplexie dans les 24 heures. Si au contraire il eut tenu ferme & attendu le coup dont il étoit menacé, 8c que certainement on n'au- De Cour db Rome. 97 De cette habitude à l'intrigue naît une curiolité infatiable. Le plus fouvent ils n'ont aucun intérêt à fçavoir ce qui fe paiTe -, mais il ne faut pas que l'on puilTe imaginer qu'ils ignorent rien. Au commencement de 1761 il arriva tout de fuite de France deux couriers extraordinaires : Fun à M. le cardinal de Rochechouart, l'autre au conful de France j combien ces événemens intriguèrent les politiques def-ceuvrés de Rome. Nous ne pouvions pas aller à aucune alTemblée, que nous ne fuirions entourés d'une multitude de prélats curieux,qui nous parloient de l'arrivée de ces couriers, & qui vouloient qu'il y eût du myftere. L'un étoit pour l'expédition d'une affaire particulière, 6k qui n'in-térelfoit perfonne à Rome ^l'autre avoit un objet plus relatif à Romej mais M. le cardinal avoit gardé fon fecret, & il ne tranfpira que lorfque ceux qui étoient le plus intereffés a le cacher, l'eurent rendu public (a). ïoitpasofc lui porter i fon crédit Se fa réputation y eurent beaucoup gagné; mais fa foiblef-fe & fa crainte détruifuent cette idée de fermeté qu'il avoit donnée de lui-même , Se fa mort prouva qu'il n'étoit qu'un homme fingulier; hardi, lorfqu'il n'avoit rien à rifqucr Railleurs fore femblablc aux autres. (<*) An fujet de l'affaire qui avoit fait expé-Tomc E * Il en eft de même d'autres cvénemens plus coniidcrables par rapport aux fouve-rains , mais qui ne peuvent jamais regar-der les particuliers qu'indirecteinent.fiir- dicr ce courier, on vit paroître à Rome le fon" net fuivant, qui n'cft qu'un jeu de mots, mai5 vraiment dans le goût italien. Sopra il Brève mandato du Clémente JCIII\ fommo Pontifice, al Re Chriflianijfimo, perla caufa ed indifefa de Jefuiti y Julie parole delta fieffo brève, Aut fint ut funt, aut non fint. S O N E T T O. Anch'io notai la frafê, aut fint ut funt In Gallia, al che foggiunfe, aut non fint, E vale à dire, net modo onde ora funt SianOy o altrimcnti tofio piû, non fint. Dicea il Senato, independenti funt E ben d'uopo, ché tali piû non fint j Di Regia autorita nemici, funt, Meglio é ché i lor'ftatutipiû non fint. URc volea chéfojfa detto fint, Poichèfû chi ajferi,fedeli funt, Ma feppé il vero, é dijfe anch'ci non fint." Abbandonati al Parlamento funt, E fe or' fi vuol, ché rifprmati fint, K troppo tardi, perche piû. non funjî. Cour de Rome, 99 tout quand ils fe palfent dans des régions qui n'ont aucun rapport avec le pays qu'ils habitent. Le roi de PrulTe pendant la dernière guerre,avoit peut-être plus de par-tifansà Rome qu'à Breflau. Pendant que Rome prend hautement le parti des Stuards, qu'elle entretient dans fes murs le prince infortuné qui porte le titre de roi d'Angleterre \ la maifon d'Hanovre a des partifans qui font des vœux pour fa profpérité dans l'anti-chambre même de Jacques III ou du cardinal duc d'Yorck. Le zèle politique des Romains de nos jours, eft quelquechofed'inconcevable , & quim'étonnoit à chaque inftant. Je ne doute pas que l'élection du dernier roi de Pologne ne les ait occupés très-ferieuie-ment, & qu'il n'y ait eu des paris, des partis même déclarés , pour ou contre les divers prétendans dont on avoit d'abord parlé. Cette habitude de fe travailler l'efprit fur des fujets en apparence ii peu importans pour ceux qui s'en occupent, donne unefouplelfe & une dextérité alfez généralement répandues, auxquelles tout le monde croit avoir droit, mais qui cependant n'eft pas le partage de tous. J'ai vu dans laPrélature Romaine desperfon-nages très-capables des plus grande s affai- Eij ieo Mémoires d'Italie. res , tant par l'étendue de la folidité de leurs connoilTmces, que par la force de leur génie. Il faut convenir encore que ceux qui ont ces grands ralens, font ceux qui vont le plus droit dans les affaires. Ils les traitent avec une fupériorité fur laquelle ils comptent trop, & qui échoue prefque toujours contre la fub-tilité plus raffinée de gens qu'ils ont peut-être raifon de méprrfer, mais qui cependant Remportentfur eux, non en les attaquant à force ouverte , mais en les trompanr. Car le Machiavelifme né en Italie, n'y eft pas éteint, on s'y occupe fur-tout à pa-roître, & très-peu à être, & s'il n'eft queftion que d'en impofer pour arriver a les fins,on eft fur d*y être. Combien j'ai entendu de menfonges que je fçavois erre tels , débités gravement , par des gens capables de leur donner une autorité qui ne pouvoir être que momentanée : ils ne doutoient pas que la vérité ne dût être connue très-promprennent ; mais il étoit de leur intérêt de mentir pour l'inftanr, & ils ne s'y refufoient pas. Je ne fuis point initié dans les myfteres de la politique^ je fçais feulement qu'il faut fçavoir fe taire & garder,autant qu'il eft pollible , un extérieur égal, & qui ne Cour de Rome. iot lailTe rien découvrir des fentimens intérieurs , fe tenir toujours également enveloppé dans le voile du myftere, ou prendre tel autre maintien d'habitude plus convenable au caractère & au tempérament *, mais il faut être toujours le même. Alors rien ne déconcerte autant les fcru-tateurs, des fecrets delà politique, que le maintien égal d'un homme filencieux & prudent. Ce moyen de réullir me paroît bien au-deiTus des petites finefTes, & de lafauiTetédu Machiavelifme. Voilà cependant ce que l'on appelle l'école de la politique, c'eft à cette cour, dit-on, que fe forment les politiques les plus déliés peut-être, & les plus rufés ; mais non pas les plus grands & les plus habiles. Les Prélats Romains qui fe font diftin-gués dans les nonciatures , peuvent bien avoir acquis alfez de connoilfance des grandes affaires de l'Europe,pour les bien entendre & même les conduire. C etoit fans doute là que s'étoient formés les cardinaux VaUnti & Archinto, tous deux fectetaires d'état fous le pontificat de Benoît XIV, & dont le miniftere a été brillant & s'eft fait refpecTer. C'étoit là encore que s'étoit formé le cardinal Maza-*ln \ mais alors il fe traitoit plus de grandes affaires à Rome qu'à prêtent. La répu- ici Mémoires d'Italie. tation de cette Cour en fait de politique, date encore de plus loinj il faudroit remonter au fiecle de Charles V &de François I. C'étoit alors que les fondemens de ces grands traités qui intéreifoienr toute l'Europe, fe jettoient à Rome, les papes y entroient pour beaucoup en qualité de princes fouverains j mais depuis près d'un fiecle , il n'eft plus queftion de ces grandsobjets, tout s'y borne aux intérêts de la Cour de Rome , & de ce qui en dépend immédiatement, c'eft-à-dire, ce qui a rapport au Souverain Pontife, comme centre de l'union de l'Eglife Catholique. La grande politique paroît avoir quitté la capitale de l'univers pour s'établir dans un village de Hollande. Tout ce qui eft de foi eft invariable ; mais ce qui n'eft que de difcipline peut changer ou être reformé fuivant les cir-confiances. La Cour de Rome le fçait j mais le maintien de fon autorité , un zèle apparent de régularité fait qu'elle fe refuie fou vent à des arrangemens auxquels elle pourroit accéder, ôc cme fes refus forcent à prendre , malgré elle. On fe rappellera qu'en 1761 les cendres arrivèrent le 14 Février, jour de U fête de St Mathias apôtre,pour laquelle on jeûne la veille dans prefque toute l'Italie. Dans ces circon (lances , l'Eglife de France transfère la fête au vingt-cinq, pour ne pas mettre le peuple dans le cas de violer le précepte, en l'obligeant à jeuner le mardi gras. On m'a affûté que l'on fuivoit la même règle en Efpagne & en Portugal» Le royaume de Naples qui eft pays d'obédience & feudataire du St Siège , s'adrelfa auPape,pour obtenir de lui un bref dérogatoire , en vertu duquel on transfereroit la fête au 15 : ce qui fut refufé ner. Les miniftres fâchés de ce refus auquel ils ne dévoient pas s'attendre} répondirent qu'ils feroient ce qu'ils aviferoient bon être pour l'honneur de laReiigion & le bien du royaume. Cette réponfe intrigua beaucoup les Romains, ils furent très-fâchés de leur refus. Les cardinaux même qui avoient été de la congrégation tenue à cet effet, étoient tout prêts à revenir fur leurs pas, & à donner une permifîion qu'on ne leur demandoit pas, & qu'ils firent dire fourdement que l'on accorde-roità une féconde inftance. Mais les mi-i niftres de régence plus fages & plus modérés ne voulurent plusfe compromettre, ils lailferent publier le jeune pour le jour du mardi gras, & ce ne fut pas leur faute fi dans une ville auffï peuplée que Naples, le précepte fut ouvertement violé par une E iv 104 Mémoires d'Italie. populace effrénée , à laquelle ils auroicnt ôrécette occafion de pécher, û on eût voulu les écouter. A Rome même où tout eft de ftriéte obfervance , combien n'y eut-il pas de tranfgreilîons du précepte, de propos impies & de profanations, les rues en reten. tifîbient hautement. Il eft certain que ce zèle mal entendu de régularité , nuit beaucoup plus à la Religion qu'il n'y ferr, fur-tout quand tous les ipeéfacles font ouverts , & les courfes de mafques permifes. En pareil cas le carnaval devant finir le lundi, les mafques tk les théâtres de-vroientégalement être interdits. Ce qui fâchoit le plus beaucoup de gens très-fenfés,c'étoit la crainte que la Cour ne perdît quelque chofede fon crédit de ce côté. Car en gênerai les Romains ne font point intolérans , ils fe prêtent volontiers à tout ce qui peut s'accorder avec leur intérêt j mais fouvent les vues particulières de quelques miniftres conduits par une infpiration étrangère & trop def-potique, l'emportent furies vues des plus raifonnables , fur lefquels cependant le mal retombe en partie, quoiqu'il n'ait pas tenu à eux qu'on ne le prévînt. L'Inquifition ouleSt Office à Rome n'eft point un tribunal aufli redoutable qu'on l'imagine ordinairement, on n'em-prifonne perfonne que la preuve de fon délit ne foit bien acquifej les conjectures les plus fortes ne fuffifent point, il faut des preuves politives & évidentes, mais une fois bien établies, il n'y a pas moyen de fe fouftraire à la rigueur de fesloix -, les follicitatiohs en font abfolument bannies: un juge qui a été follicité, eft obligé de déclarer en pleine congrégation , par qui & pourquoi il a été follicité. On ne dit jamais au coupable de quoi il eft accufé, il faut qu'ilconfelfe fon crime fur les interrogations qu'on lui fait. Ceux qui préviennent le décret du St Office en venant avouer eux-mêmes leurs crimes, font jugés promptement & ordinainairement renvoyés abfous , s'ils ne font pas relaps. La peine ordinaire eft la prifon ou perpétuelle ou âtems ,"fuivant la nature du délit, & l'opiniâtreté des coupables. Le fe-cret y eft inviolablement gardé , & on y traite tout ce qui a rapport aux matières de foi, &même de difcipline , quand elle tient à la foi ou aux grands intérêts de la Cour de Rome*, pour qu'on neprefcrive nulle part contre fes droits, elle fait j ugec fecrettement à ce tribunal, quantité d'affaires qui y font portées par le promoteur de la foi. Ainfi combien de gens , & mê- ' F v ic5 Mémoires d'Italie. me de corps, fur tour en France, font condamnes par les fentences de l'Inquifition, ck qui ne s'en doutent point. C'elt le parti que la Cour de Rome a pris pour fe rendre juftice à elle-même, & on feroit bien étonné de voiries regiftres fecrets du Se Office quoique le fyftême aétuel de la Cour de Rome ne foit pas l'intolérance. J'ai vu par moi-même que quantité d'ob-jets auxquels nous croyons la Cour de Rome fort attachée , ne l'ont jamais que médiocrement intéreifee. J'ai ouï un cardinal comparer à ce fujet, la nation Fran-çoifeà un corps de feu quife dévoreroit lui-même, s'il n'avoir pas un aliment continuel qui l'entretînt. Le fond de la politique Romaine eft un defpotifme univerfel , fondé fur les anciennes maximesde GrégoireVII. Pour l'entretenir, ellefeprêre aifement à accorder toutes les difpenfes 6c grâces qu'on lui demande, parce que ce font autant d'engagemens de dépendance que l'on prend avec elle. Le tems des excommunications eftpalféjon fe contente des générales que l'on prononce le jeudi faint, les particulières ne font plus en ufage, ou û rares que les ftecles fe palfent fans qu'elle les emploie-,on regrette toujours que trop de fermeté ait occafionué le fchifme d'Angleterre. Le fyftême actuel n'eft donc pas de relferrer la chaîne , mais -d'y ajouter autant d'anneaux que le befoin ■l'exige , qui l'allongent beaucoup , mais dont l'extrémité refte toujours dans la main de la Cour de Rome 3 qui y donne quelque mouvement & croit ainfi la gouverner. Syliême prudent, eu égard à la difpofition actuelle des efprits, & qui conleive toutes chofes dans l'ordre. Les officiers du tribunal du St Office, font choifis d'ordinaire dans ce que la Prélature a déplus inffruit , quoique ces places ne pafïent pas pour être de faveur (/z). (a) La Penitenceric eft le fupplement de l'Inquifitioni on y connoît &. on y abfout de tousles crimcspofliblcs. Les Pénitenciers obtiennent la permiiïion d'abfoudrc de ceux quiibut ïéfervés ipécialement au Pape fur kurfupplique, & un bref qui leur eft expédié gratis , où le .nom du pécheur eft en blanc. Cet ufage eft ■conftant. On doit juger de-lii quelle étoit la vérité des allégués contenus dans l'ancien livre ou libelle intitulé Taxa cancellarix apoflôlicd, imprimé dans le feizieme fiecle , peu après que -Luther eut commencé à dogmatilêr. Cette Juftice feerctte & qui s'exerce p^r un feul homme, fe rend dans les tiois Bauliqu" principales de Rome, St Jean de Latran, Ste Marie Majeure ,&i>t Pierte au Vatican. C'eft-là que l'on rrouve des .Confeifeurs pénitenciers de E vj io8 Mémoires dTtalii. Ordre dc$ 16. Un ordre vraiment refpe&able eft 'equcs. ceiui fes Evêques, ils font extrêmement multipliés en Italie & fur' tout dans l'Etat Eccléfiaftique, leurs revenus font bornés, ils vivent fans farte & fans repréfentation ailleurs qu'à leur Eglife j mais ils font les premiers Pafteurs de leurs troupeaux, qu'ils abandonnent peu, qu'ils vifitent fouvent, & dont ils connoilfent les be-foins. Les Cardinaux Evêques, quelque grands qu'ils foient, ne fedifpenlent pas de ce foin. J'ai rencontré de ces Evêques dans le cours de leurs vifites accompagnés d'un fecretaire & d'un feul domeftique, toutes les langues & de toutes les nations, dont la charge expreiTeeft d'affranchir de la fervkudc du peçhe, tons ceux qui s'adreiTent à eux avec les difpoiitions néceffaires pour obtenir cette grâce ; ils font là comme autant de Préteurs «ans leurs tribunaux, la baguette vindiQa à la main, dont ils touchent au front ceux qu'ils jugent dignes d'être affranchis. Pr&tor autem yindiffa, id ejl, virga quadam, fervi capizi ira-pojita, ita dicebnt, dico eum liberum ejfè more Quiritum.... Le Préteur n'avoit droit d'affranchir un efclave qu'autant que le maître en le lui préfentant, difoit.... Hune hominem liberum *Jfe volo. il y avoir deux autres manières d'affranchir, ou par teftament, ou en permettant que l'efcla. ve fe fit inferire comme libre, fur les regiftres du cens ou dénombrement. . Coua de Rome. 109 voir tout par eux mêmes , &c porter pat tout le flambeau del'inftruclion & de la charité. Ces prélats quand ils viennent à Rome , font éclipfés -par les cardinaux ; mais.ils n'en font pas moins eftimables: la plupart ont une humilité & une charité vraiment apoftoliques. On peut dire que c'eft à Rome le ton de Vépifcopat. Prefque tous font bieninftruits, & très-capables de gouverner les troupeaux confiés à leurs foins. Les examens par lefquels il faut qu'ils palfent avant que d'avoir leurs bulles , ne font point pour la forme & de pure cérémonie j la théologie & le droit canonique en font les objets. Aufti l'épif-copat n'eft pas un état fort envié en Italie , on préfère les charges de la Cour de Rome , & la vie d'intrigue, à moins qu'il ne foit queftion de quelque bénéfice d'un grand revenu, qui alors eft recherché en Italie comme ailleurs , parce qu'alors on croit avoir des prétentions fondées au chapeau de cardinal, & plus de moyen de fe ménager des créatures. Un Evêque en Italie qui a huit mille écus romains , ou quarante mille livres de rente , palfe pour très-riche ; il y en a peu qui aient autant de revenus. De tout ce que je viens de rapporter , on voit que l'on doit déjà diftinguer trois no Mémoires d'Italie. ordres différens dans la Cour de Rome, les cardinaux , le corps de la prélature 8c l'ép'.Icopat qui devroit être le premier de tous j mais comme il obligea rélidence, & qu'il éloigne delà cour, les prélats fe regardent comme dans un rang fuperieur. Il eft vrai encore que la plus grande partie de ces prélats ont le titre d'évcques ou d'archevêques in partibus : il y a eu rant de villes en Afrique, en Egypte , en Afie êc en Grèce qui ont eu autrefois des lièges épifeopaux , que l'on peut y nommer tant de titulaires qu'on le juge à propos. Il en eft de même d'une quantité de réguliers qui ont le titre d'abbés in panibus. Les grandes places de la Cour de Rome qui éloignent de fon enceinte, font les légations de Bologne , deFerrare Se de la Romagne, exercées par des cardi naux qui ont pour féconds de jeunes prélats avec le titre de vice-lcgats *, les nonciatures à Vienne , Paris, Madrid , Lisbonne, Naples, Turin, Varfovie , Venife , Bruxelles, Cologne, Florence, Lucerne : la place d'inquilïteur à Malrhe, la vice-légation d'Avignon , & la prclîdence de la légation d'Urbin (a). LaPrclature n'eft pas compofée des fculs Romains, tous les Italiens y ont part, on y vou Les canonicats des eglifes principales de Rome , relies que Se Jean de Latran , même quelques Efpagnols, des Allemands en très-petit noinbre,mais rarement d'autres Fran-\ çois que l'Auditeur de Rote de la nation. Il feroit difficile de dire quelle Province de l'Italie fournit à la Cour de Rome les fujets les plus diftingués. On voit dans la fuite des Papes de grands hommes des différentes contrées d'Italie. J'y ai vu des Napolitains que l'on pouvoit ap-peller de grands génies Se de fortes têtes; cres Milanois qui montroient les plus heureufes dif-politions pour bien gouverner; des Florentins de beaucoup d'efprit & très-déliés; des Vénitiens fages Se prudens* des Romains, fous ce tiom je comprends tous les fujets de l'Etat Ec-cléliaftique, qui avoient d'excellentes qualités, & fur-tout qui entendoient fupérieurement les intérêts de la Cour de Rome. J'en ai vu de fort inftruits, qui penfoient fàgement & d'une manière déiintéreflee : j'en ai vu d'autres plus prévenus pour les fentimens particuliers que nous appelions ultramontains j ceux-là font faits pour reuflir en Italie, & ne devroient pas en fortir. J'en ai vu quelqu'autres qui avoient faits grand bruit dans leur nonciature,& qui probablement y- avoient peu contribué d'eux-mêmes. On fe fouviendra que l'on dit publiquement dans le tems de la grande affaire du Portugal, que le Nonce qui y étoit alors, avoit formé le toefin de la révolte, Se s'étoit fortifié dans fon logement •contre le Roi; après avoir bien examiné celui qui y étoit alors, qui eft le meilleur homme , le plus doux & le plus tranquille qu'il y ait dans ii2 Mémoires d'Italie. St Pierre, Ste Marie majeure, font tous porfedés par des prélats dont la plupart font en charge à la Cour j les revenus de ces bénéfices font conliderables, on le préfère aux évêchés ordinaires, ciergéfecu- V ï a outre cela plufieurs autres ecclé* lier & régu- lîaftiques d'un rang fubalterne attachés , *IC™' foit au fervice des paroilfes, foit à celui des églifesoù ils ont des prébendes. Suivant le dénombrement fait en 1761, on comptoit à Rome deux mille fept cent quarante-deux prêtres féculiers, quatre mille trois cent quatre-vingt-un réguliers , dont huit maifons de chanoines réguliers de différentes congrégations,trente-quatre de clercs réguliers, Théatins, Somaf-ques, Jéfuites qui ont huit maifons & cinq collèges, Barnabites , Clercs mineurs, Miniftres des malades ou délia crocetta, Clercs réguliers de la Merede Dieu,Clerc$ des Ecoles pies qui ont trois collèges-Clercs de la doctrine chrétienne,de fora-toire de St Philippe de Neri, de St Jérôme de la charité j clercs appelles PU operarl; la Conr de Rome, j'ai été convaincu combien il falloit peu compter fur les bruits publics. S'il y eut quelques mouvemens féditieux de la part des Eccléfiaftiques de ce Royaume, Se qui s'ap. puyercntdc Ion nom: certainement il ne les y engagea, ni ne les y foutmt...... Cour de Rome. iij deux maifons de la congrégation de la Mif-ftonjquatre vingt-quatre maifons de réguliers des ordres de St Benoît,de St Bernard, de St Dominique qui ont fept maifons , de St François qui en ont quatorze, &c de Minimes qui en ont cinq ,* vingt quatre maifons religieufesde femmesjdouze confervatotres ou maifons dans lefquel-les on élevé les jeunes, filles j trente-trois hôpitaux , dont quinze font affectés aux nations différentes & aux pèlerins malades de ces nations que l'on doit y recevoir. Le Cardinal Vicaire dont j'ai déjà parlé, a la jurifdiction & l'infpection immédiate fur tous les corps eccléfiaftiques tant féculiers que réguliers & fur les hôpitaux. Le Vice-gérent ou Promoteur gênerai a la police générale des mœurs duclergé , 5c eft chargé de l'examen de ceux qui fe pré-fentent pour les ordinations ; c'eft lui qui approuveles confelfeurs , qui donne les permiflions aux prêtres étrangers pour dire la méfie. Il a chez lui un tribunal &c des bureaux, où fe portent en première inftance toutes les plaintes que l'on a a faire contre les eccléfinftiques. Les détails de cette charge font très-confiderables. Plufieurs autres bureaux particuliers dans la ville en dépendent. Le Vice-gérent a ordinairement le titre d'archevêque in panibus: il faut avoir des talens diftin-gués, de la fermeté, de la vigilance & de l'alîiduité au travail, pour remplir avec honneur cette place qui conduit prefque toujours au cardinalat. Outre le Vice-gèrent, il y a un Promoteur de la foi qui veille à ce qu'il ne s'élé-ve aucune erreur nouvelle, Se que l'on ne faffe pas revivre les anciennes. Il fait fes rapports au St Office. Le nombre deseccléfiaftiquesà Rome, monte donc à un peu plus de fept mille, tant pour les féculiers que les réguliers, mais qui paroît beaucoup plusconfidéra-ble dans finrérieur de la ville. Si on s'en rapporte au coup d'œil gênerai, rout y paroît être d'eccléfiaftiques, parce que plus d'un tiers de fes habiransen portent l'habit. Tous les curiaux Se gens de loi de quelque état qu'ils foient, célibataires ou mariés , les médecins Se les chirurgiens , les profeiîeurs de toures les feien-ces, les maîtres de langues , les clercs ou facriflains des eglifes , quantité de marchands , ceux fur-tout qui font en charge dans leur communauté, rous ceux même qui n'ont point d'état, portent l'habit ec-cléfiairique fans aucune marque diftincti-ve de leur état laïque,ce qui fait que dans Cour de Rome. 115 les promenades, dans les alfemblées publiques , dans les places Se dans les rues roue paroît fourmiller de prêtres: enfin l'habit noir, le collet Se le petit manteau compofent ici l'habit de goût de tous les états , ce qui n'eft pas fans inconvénient par rapport au clergé, parce que la plupart des jeunes gens qui ont adopté cet habit, s'obfervent peu, Se fe permettent fouvent des manières indécentesauxquel-les il n'eft pas à croire que des eccléfiafti-ques ofaiTent fe livrer publiquement. Les éttangers Se fur-tout les ennemis de l'églife de Rome , qui n'ont pas fait ou voulu faire cette diftinclion, mettent mot fut le compte du clergé Se déclament ainfi mal-à- propos contre l'indécence de fes mœurs Se l'on peu de refpect pour fon état Se pour le public. Je remarquerai encore qu'il' n'eft point honnête de porter l'habit long ,on ne le met qu'aux heures où on doit aller à l'églife, Se les prélats ne le portent que dans les fonctions eccléliaftiques ou civiles attachées à leurs charges. C'eft alors leur habit diftinétif, ils ont tous dans ces circonftances la foutane violette , le ro-cbet 6c le camail avec le bonnet quarré noir. On a beaucoup écrit fur le défordre du clergé féculier & régulier de Rome ; je ne prétends pas en faire ici l'apologie, & donner un démenti formel à tous ceux qui en onr mal parlé. Cependant 'ob-ferverai que ceux qui en ont le plus die à ce fujet, le connoiiîoienr peu. Ils s'en font plus rapporté aux fatyresoutrées qui fe fabriquent à Rome même , & qui ne refpectent ni les rangs, ni même la vérité, qu'à l'état réel des chofes. J'ai vu pendant le féjour que j'y ai fait des fatyres atroces écrites contre les perfonnes du premier rang, & qui acqueroient même la publicité, tant elles étoient répandues. Elles avoientquelque fondement réel; mais le plus fouvent l'exagération faifoit un monf-tre d'événemens peu considérables ou d'écarts légers , que l'on n'auroit pas remarqué Ci la fatyre ne leur eût pas donné une folemnité qu'ils ne mériroient en aucune façon i car prefque toujours fes obiers ont été fecrets dans leur principe, & eulfentdû refter couverts du voile du myf-tere , fur-tout ayant rapporta des gens en place éminente ; mais c'eft ceux que la fatyre attaque avec le plus d'acharnement, & c'eft bien parmi les Italiens qu'on retrouve la réalité de ce principe de Monta* gne fur la grandeur : Ne pouvant yattein* drey vengeons-nous à en me'dire\ ainfi Cour de Rome. 117 qu'ils ne s'en prennent qu'à eux de tout ce qui fe débite de peu favorable chez les étrangers à ce fujet, c'eft eux-mêmes qui en font les autenrs. Ils font d'une indifcrétion & d'une malignité qui n'a point d'exemples ailleurs. On fçait tout ce qui fe paire de plus fe-cret dans l'intérieur des maifons, les querelles, les jaloufîes, les inrrigues quelqu'elles foient, ne peuvent pasrelter fecrettes plus de trois jours. On débite tous les jours une gazette manufcrite , où l'on trouve tous ces détails , & dans laquelle perfonne n'eft refpeété. Le gouverneur de Rome qui a la haute police, les neveux du pape, les cardinaux, n'y font pas plus ménagés que les particuliers. Chacun y eft fous fon nom , & il n'y a que les penfées feules dont jufqu'à préfent cette efpece de gazettier n'ait pas entrepris de rendre compte. Car quelque précaution que prenne pour fe cacher quelqu'un qu'il a envie de dcmafquer, il n'eft pas poftible qu'il lui en échappe. La nuit laplusobfcure ne peut voiler aucune intrigueàfes recherches. Il détaille ceque l'on a dit, ce que l'on a fait, ce que l'on a promis , ce que l'on a payé, avec une vérité qui étonne ; c'eft un myftère que le moyen dont fe fett cet homme pour avoir 118 Mémoires d'Italie. des connoilîances fi étendues, & être Ci bien fervi. Cette feuille journalière eft féverement défendue , il y a des peines prononcées contre les auteurs & les dif-tributeurs, il n'eft pas même permis de l'avoir chez foi j & malgré cela , elle fe diftribue tous les jours, à ceux qui veulent la payer, car elle eft fort chère. On fait mieux, on l'imprime tous les quinze jours , & on l'envoie dans toute l'Italie & même dans les pays étrangers pour qui elle peut être intéreflante , moins par rapport au dérail des intrigues particulières , que parce que tout ce qui s'eft paffé de plus fecret dans les confiltoircs & les congrégations, y eft rapporté le lendemain qu'elles ont été tenues. J'ai.lu cette feuille pendant plus de trois mois de fuite, & j'y ai vu des chofes ii lingulieres & que l'on avoit pris tant de foin de cacher, que ceux-mêmes qui y étoient inrérelfés, m'ont dit ne fçavoir comment on avoit pu les découvrir. Plufieurs articles n'étoienr pas faits pour donner une idée bien avantageufe de quelques perfonnes en place j mais malgré cela elles n'annonçoient pas un délordre aufii grand , que le difent les gens mal inftruits. Il eft vrai qu'il n'y a à craindre que la première décharge de cette efpece de batterie maïquée , & il faut que l'auteur en veuille bien à un homme pour revenir à plufieurs fois fur ion compte , à moins qu'il ne change d'intrigue, Se que fon in-conftance ne faife éclat, ce qui n'eft pas ordinaire. La première bordée une fois efluyée, il eft d'habitude de lailfer chacun vivre tranquillement Se à fa fantaifie. Une paifion qui dute quelque tems, devient refpectable aux yeux du public. Si cependant on doit qualifier de pallions toutes les liaifons qui font entre perfon-nes de fexe différent, car la convenance de caractère, le goût de l'intrigue, & plus que tout le défœuvrement occafion-nent des liaifons &des afliduités qui fou-vent n'ont rien de plus criminel que la perte du tems qu'elles occafionnenr. Le Clergé inférieur eft ordinairement fi pauvre, a fi peu de con fi dération , eft fi dé-fœuvré , fi ignorant, qu'il n'eft pas étonnant qu'il foit tombé dans le mépris le plus humiliant. Vivant avec le plus bas peuple y il en a contracté les mœurs Se les habitudes. L'avidité du gain l'engage à tout faire pour de l'argent, c'eft là fon vice dominant. J'en ai vu plus d'unatren-dre les étrangers dans les rues détournées, pour leur demander l'aumône dans les no Mémoires d'Italie. rennes que peut infpirer la mifere la plus prenante , & cela fans en avoir befoinj mais c'eft un moyen démettre un inconnu à contribution, dontfans cela ils n'au-roient rien tiré, & c'eft ce qu'ils appellent parmi eux pour avoir fait une bonne coyonnerie. Il n'y a qu'à voir encore les facriftains des Eglifes qui renferment quelque chofe de curieux, & leur impôt-tunité à fe procurer quelque gratification, pour prendre une idée de ces fortes de gens (*> v__ (a) Ce qui contribue encore à tendre le clergé intérieur fi méprifablc, c'eft la quantité de Prêtres étrangers, fans aveu & fans fortune, qui ont fuit de leurs diocèfes, ou que l'on a chafîé, mendiant pour la plupart, & cependant autori„ fés à dire la Méfie. Ils vivent à Rome dans la mifere, & publient par-tout que c'eft pour leur attachement à l'Eglife Romaine, qu'ils font réduits à cet état. Les François fur-tout ne man. quent jamais de dire qu'ils ont été expulfés par les Janfeniftes, & que le royaume eft à peu de chofe près hérétique. Ce difeours tout dénué de vraisemblance qu'il eft, fait fenfation au moins dans le peuple , & leur attire quelque protection. En 1761, il y en eu quelques-uns qui fi, rent du bruit à Rome dans une partie de débau. che, la police en prit connoiffance, comme ils fe dirent François, on en porta des plaintes à M. le Chevalier Bafquiat, qui alors étoit chargé à Rome des affaires de France i il fit venir Je Je n'ai rien vu de fi bas} dans les réguliers , c'eft l'excès contraire, fiers d'avoir chez eux la nourriture & l'habillement , uniquement occupés de s'entretenir dans la confiance du peuple dont ils jouifîènt, & qu'ils n'épargnent rien pout augmenter, ils ont une vanité qu'ils nedéguilenc point,ils fe regardent folidairementconv* mêles plus fermes appuis de l'Eglife Romaine, comme les directeurs nés descon-fciences, & les feuls docteurs du falut. Il eft certain qu'ils ont un très grand cré-ditdans le peuple , 6k qu'ils ont l'empire fur le bas clergé féculier. Combien j'ai vu de pauvres prêtres bai fer humblement la manche d'un Capucin , ou le manteau d'un frère Jéfuite , qui recevoient cette marque de refpect comme un hommage qui leur étoit dû. tous les Romipetes François à fon hôtel, leur demanda ce qui Les avoit amenés à Rome, Se combien il leur falloit de tems pour finir leurs affaires » il leur donna à tous quinze jours au-delà, les fit inferire & porter leur nom au gouvernement, afin que s'ils reftoient au de-la du terme preferit, on les fît mettre en piifon, où il fe chargeoit de les nourrir. Ce fage règlement en fit décamper la plus grande partie, & contînt les autres dans la décence de leur état Se le /ilenec. Tome y. £ "h Je n'ai rien remarqué parmi eux qui maie paru plus indécent & plus à charge que leurs quêtes continuelles. On voit les frères des différentes réformes de l'ordre de St François, fe fucceder à toutes les portes, la beface fur le dos, & la bocte à la main. On ne les renvoie d'aucune maifon fans leur donner. Un collecteur des deniers royaux ne fe ptéfente pas avec plus d'alfurance. Devant la bocte où on met l'argent qa'on leur donne, eft l'image d'un petit faint qu'ils préfentent à bai-fer pour recompenfe. Ces quêteurs ont le privilège d'aller feuls, &!e droit de pénétrer jufque dans les appartemens les plus reculés des maifons , fans fe faire annoncer. Les autres religieux fortent toujours avec un compagnon, au moins jufqu'à une certaine diftance de leur couvent \ quelquefois ils feféparent, mais ilsfça-vent fe rejoindre à propos. On dit, au refte, que quand les fuperieurs s'apper-çoivent de quelques excès, ils font dans l'intérieur de leurs maifons, juftice fc-vere des délinquans. L'ordre desSt Dominique m'a paru vivre d'une manière édifiante & régulière ; on doitdire & penfer la même chofe des clercs réguliers des différentes congrégations j la plupart ont des collèges à gou* Rome. Première Part, 12J verner,font obligés d'étudier beaucoup pour remplir les places qui leur font def-tinées , ce qui les fauve des dangers du défœuvrement; j'ai remarqué le même •ordre dans le couvent des Minimes François de la Trinité du Mont. Mais en gênerai ils ont tous de la hauteur , beaucoup de prétentions , & jouif-fent d'une grande Uberré j il faut les voir avec le peuple, fur-tout avec les femmes pour fe faire une idée de l'ompire qu'ils exercent fur une nation fuperftitieufe & ignorante qui les regarde comme des demi Dieux fur tçrre. Ce fpecfacle n'eft pas un de ceux qui m'a le moins amufé à Rome. Car la plupart de ces religieux étoient hors de-là les meilleurs gens du monde j ôc fouvent les plus bornés. Mais ils ont une pratique, une fuite de propos, un extérieur affuré, qui ne leur manquent jamais, & qui leur concilient à bon marché les refpects ôc l'admiration du peuple. Ils s'intriguent pour l'un ôc pour l'autre , vantent leur crédit , font plus de promefTes qu'ils n'en peuvent exécuter, ôc donnent une grande idée de leur protection : telle eft la politique des religieux , fur tout des ordres men-dians. Mais en voilà affez fur cet article ; fi les chofes ne font pas fur un ton plus Fij ï*4 Memotîiis d'Italie." régulier, il faut s'en prendre aux ufages" tolérés dans le pays, plutôt qu'à ceux qui s'y conforment. Car un grand nombre de ces différens religieux vivent d'une manière édifiante , plufieurs s'appliquent aux fciences avec fuccès , de parviennent parleur mérite aux grandes places de la Cour de Rome, & même au chapeau de cardinal qu'ils honorent autant qu'ils peuvent en être honores (a). lation ^° comPre à Rome quatre-vingt-une de Rome. patoifTes, dont trente-huit font gouvernées par les réguliers, & les autres par les prêtres féculiers ; elles font diftribuées dans les quatorze quartiers de la ville. La plus confiderableeft celle de St Laurent (a) On aime à s'intérelfer à Rome à tout ce qui fe paiTe, même aux affaires qui femblent les plus indifférentes- On vit il y a quelques-années les principales Maifons en mouvement & prêtes à fe divifer pour l'élection du Général des Capucins. If y avoit deux fujets défignes: l'un Efpagnol, l'autre François; tous deux étoient dignes de la place. La cabale de l'Elpagnol l'emporta. Je crois bien que le P. Général n'y eut aucune part, car c'eft le plus modefte & ic plus humble des Religieux de fon ordre, q^ s'en tient à I'obfervation de fa régie, & a refuie toutes les dignités ecdéliaftiques auxquelles on a voulu l'élever, quoiqu'il foit Efpagnol & d'unç naiiTanec diilingucc. ÏIomi» Premier* Part. îtf m Lucina.^ elle avoit, fuivant le dénombrement de 1761 , onze mille fept cent dix ames. La population de la ville, fuivant le même dénombrement, montoit à cent cinquante fept mille quatre cent cinquante huit ames , dont quatre-vingt-dix mille deux cent trente-neuf mâles > foixante-fept mille deux cent dix-neuf femmes de tout âge*, dans ce nombre ne font pas compris les Juifs (a) , les maifons des ambaffadeurs , la quantité considérable d'étrangers qui fe fuccé-dent à Rome continuellement. Si l'on veut comprer pour quelque chofe le con- (a) Les Juifs quoiqu'allez, nombreux à Rome, font dans une fi grande gene, que tous ceux qui peuvent faire quelque chofe ailleurs s'en retirent. L'obligation où ris font de fe trouver aux inftruclions des famedis fous peine d'amende & de punition , efl pour eux la fervitude laplusdéplaifantc Ils ne peuvent pas faire l'ufure, la facilité qu'a le peuple de trouver l'argent dont il a befoin aux Monts de Piété , leur ôte ce moyen de s'enrichir; ils n'ont pour toutes'ref-fources que le malheureux métier de fripiers, qu'ils exercent à l'ordinaire par les rues de Rome, où on les voit & on les entend criant robe •veechiè: &: deux fois par femaine ils ont le privilège d'étaler à la Place Navone un amas de fales guenilles qui font le fonds de leur commerce. Leur Quartier ou Serragliov eft entre le Pont Sixte & l'Ifle du Tibre, ou St B.irthclcnu. F iij fi£ Mémoires »'1taiii; cours de pèlerins & de mendians, tout cela réuni enfemble, peut porter la population de Rome aux environs de deux cent mille ames, ce qui eft peu de chofe pour une ville auiîi étendue j quoique le mouvement y foit alfez marqué, eu égard à la manière dont elle eft bâtie & habitée, & dont j'ai patlé plus haur. ?rinces & Ceux qui tiennent le premier rang à larons Ro- Rome dans l'ordre civil, font lesPrin-ces Romainsafîîftans du thrône, parmi lefquels les Colonna & les Orfini font dans un ordre diftingué &"fupérieur depuis un tems immémorial j le rang même n'eft point décidé entre ces deux Maifons, il eft feulement convenu entr'elles que pour ne point avoir de difputes inutiles fur la préféance, elles ne fe trouveroient jamais enfemble aux cérémonies publiques. Ceux qui reftent établis à Rome de cet ordre , font les princes Borghèfe, de Paul V, Ludovifi, de Grégoire XV , Barberini, d'Urbain VIII, dont la Maifoa eft éteinte, & celui qui en porte le nom eft un prince de la maifon Colonna, qui a époufé la princefTe de Paleftrine, héritière de cette maifon, à condition d'en porter le nom, à la charge de la fubftitu. tion. Pamphile, d'Innocent X, Maifon encore éteinte, dont les biens ont patte aux Doria, aux Colonne Se aux Bor-ghefe. Monfignor Pamphile acr.uellem.ent Nonce en France, eft de la maifon Colonna , 5c porte ce nom à caufe qu'il eft revêtu d'une prélature ou bénéfice fondée en Cour de Rome par certe maifon Pamphile , qui étoit d'une richelfe immenfe. Elle a laiifé de très-grands biens, Se a fait des écabliffemensfompcueux dans la ville: Chigi d'Alexandre VII, Rofpiglioii de Clément IX, Altieri de Clément X , Odefcalchi, princes de Bracciano d'Innocent XI> Albani de Clément XI, Cor-fini de Clément XII, Rezzonico de Clément XIII. Les Gonti jouifloient du rang de princes à Rome , bien avant l'exaltation d'Innocent XIII, & étoient regardés avec les Orfini, les Colonna Se les Savelli, comme les quatre premières Maifons de Rome, Celle de Conti a donné huit Papes à l'Eglife, & plus de foi-xante Cardinaux. La maifon Savelli s'eft éteinte dans ce fiecle, Se fes biens ont palTé dans la maifon des Urfins, paria mere du Cardinal de ce nom , qui en croit la feule héritière. On difoit autrefois qu'auffitôt qu'un Pape étoit élu, tous fes parens étoient Princes : mais cette aflértion n'eft vraie qu'autant que le Pape les veut reconnoî- F iv tre en cette qualité, (a) & les créer Princes de l'Eglife. Il y a beaucoup de fa- (s les cérémonies publiques gardent entr'eux leur rang d'ancienneté fut les dégrés du Trône du Pape où ils font placés, quand ils jugent à propos de s'y trouver. Le plus qualifié d'entr'eux donne à laver au Pape quand il officie pontificalemenc. Leur habit de cérémonie eft l'habit noir à la Romaine, avec le manteau de l'épée; ils ont droit de fe trouver aux cérémonies publiques comme défenfeurs du Chef de l'Eglife, fuivis des Officiers de leurs Maifons de en grand équipage- Il y a à Rome une quantité d'antres P rinces qui y réfidenr, de auxquels les Papes o«t accordé ce titre, comme premiers Souverains en Italie , ou qu'ils tiennent de l'Empereur , à caufe qu*ils poftédent quelques ftefsrelevarrs de l'Empire. Ils font reconnus dans les autres Etats d'Italie , où on ne leur difpute pas leur titre , mais ils n'ont aucun rang que celui que leur donne leur mérite perfor>-nel, leur crédit & leur opulence. L'err-droit où ils font le moins confidérés* F v 130 Mémoires dTtàbie. c'eft à Venife, où les Patriciens lesrraîw tent avec un refpecr, théâtral, & qui, malgré fon férieux a l'air de la deiiuon. Pluheurs de ces Princes Romains , font décorés de l'ordre de la Toifon d'Or, qu'ils tiennent de l'Empereur , comme Souverain de cet Ordre; qui parce moyen fe ménage des créatures qui lui font très-attachées. Il y a aufli des Chevaliers de l'Ordre St Janvier, mais on n'y voit aucuns Cordons Bleux; les feuls Italiens qui font décorés de cet Ordre , font le Prince d'Ardoré, à Naples; & le Marquis de St Viral, à Parme. Le Marquis Grimaldi, Prince, de Monaco, tient li ipit à la France, qu'on peut le regarder comme François plutôt que comme étran- fer. Les marques*dc diilinélion que les mpereurs ont accordées de tems en tems aux Princes Romains, n'ont pas peu contribué à les entretenir dans cet attachement qu'ils ont pour la Nation Germanique ÔC la Maifon d'Autriche,donr le par* ti eft prefque toujours dominant à Rome. Les Princes & les autres Gentilshommes titrés qui demeurent i Rome , eVqui pour la plupart doivent leur élévation aux Cardinaux de leurs familles, font polfef. feurs de grands palais, meublés avec une magnificence faftoeufe, qui leur eft pref-. que inutile» Très-peu ont des alTemblée* chez eux, & d'ordinaire le maître de la maifon habite dans quelque entrefol reculé , où il n'y a que les meubles néceC-faires pour fon ufage. Ceux qui voient le plus les grands appartemens,-font les-étrangers qui aiment les tableaux, & qui pour fatisfaire leur curiofité, confentent à payet une partie des gages du Guar-dà-roba, ou Concierge de la maifon, qui compte là-deflus. Dans tous ces palais ou -voitune chambre d'audience avec un dais fous lequel eft ordinairement le portrait du Pape,.& celui de quelquautre Souverain , fuivant le parti que tient le maître ' de la maifon, foit par goût, foit à caufe-de quelque charge ou de quelque dignité dont il eft revêtu. Ceux qui ne font d'aucun parti, fe contentent d'y avoir le portrait du Pape, & du principal per-fonnage de leur maifon.- Les Princes de l'Eglife de famille papale confervent fous le dais le portrait du dernier Pape de leur maifon ; c'eft un rrès-grand titre pour quelques-uns d'eux. ■00' i i, _x____m .. 11 i ~ •• 11 (/?) Les Princes Se Barons, Se tous ceux qui ont des charges municipales au Capitole, mît--tent audeirus de leur porte, avec llécu/ïon de leurs aumes, &»celui du Pape, les armes de la F vj Tarte de la 1 * L'u^age à l'ordinaire on y fait grande confommation de chocolat ôc de limonade. La plus brillante ôc la plus nombreufe «toit ordinairement celle du cardinal Sciarra Colonna. Ce prince de l'Eglife d'une taille avantageufe & d'une figure fort noble , eft aimable Ôc acceuillant. Il eft naturellement gai, ôç fe fait un plai- fir de rendre fa maifon gracieufe. Il avoit plus d'égards pour les François que pour les autres étrangers, Se il faifoit profelïion d'être forr attaché à la nation & à fort fouverain. Le roi lui avoit envoyé foa pot trait dont il avoit fait un ufage qui té-moignoit fa reconnoilïance. Plufieurs cardinaux Se prélats portent la croix de Malthe , ou parce qu'ils ont des bénéfices de cet ordre , ou parce qu'ils onr exercé des charges à Malthe, ou parce qu'ils font de famille papale , en ce cas le grand maître ne manque jamais de leur envoyer la croix. Je regardois un jour la croix de Malthe du cardinal Sciarra, qui me parut plus grande qu'elles ne le font ordinairement , mais enrichie de très beaux diamans. Il s'en apperçut, ôc me tirant à part il me dit : » Vous exami-»> nez ma croix, mais vous n'en connoilTèz 35 pas le prix-,»en même-tems un relfort fit lever la plaque de diamans du milieu,& j'y vis le portrait du roi de France. || ajouta : »> Il eft encore mieux dans mon aï cœur, & j'ai regardécette faveur comme » la plus précieufe que j'aie reçue de mes » fours, a II paflbir en effet à Rome pour être fort attaché aux intérêts de la nation. L'état de fa maifon étoit confidérable Se fur un ton diftingué. Comme ces con- vcrfatioriç verfations font des aifembîées de gala , différentes anti-chambres font remplies, d'abord de la livrée, enfuite des valets de chambre , des aumôniers Se des chapelains , desfecrécaires Se gentilshommes , qui répètent le nom de celui qui entre Se le reçoivent, chacun dans la pièce qu'ils occupent, jufqu'à ce que l'on foit parvenu au maître de chambre, qui chez les cardinaux de ce rang, eft toujours un gentilhomme qualifié qui annonce Se qui préfonte j il eft vrai que quand on eft habitué à aller aux converfations , on ne fait plus autant de cérémonies pour les particuliers , qui lorfqu'tls font piéfentés pour la première fois \ le grand cérémonial ne s'obferve conftamment que pour les cardinaux Se quelques princes Romains , que le maître de la maifon va recevoir hors de la porte de la galerie oùfe tient l'afTemblée. Il eft afiis à côté de cette porte, fe levé pour tout le monde , à moins que ce ne foit des gens avec qui i! vive dans une grande familiarité, çe qui eft rare. Ils fe refpecr.enr trop eux-mêmes pour manquer à quelques égaras-Onreconnoît l'école où le cardinal M za-rin avoit appris la maxime qu'il avoir fî bien inculquée à Louis XIV. » Refpeétez-Tome IS. G * » vous , (i vous voulez que l'on vous réf. 3i pecte. Pour que ces converfations foient brillantes c\i agréables , il faut qu'elles foient Bombievfes j rien n'eif lî tnfte qu'une alfeinblée de ce genre où il y a peu de monde. Il eil vrai que j'en ai vues rarement qui ne fulfent bien fuivies. Lecardiiml ducd'Yorck rendoitlacon-veifation intcrelTànte & aimable par U façon dont il recevoir ceux qui y étoient préfentés ; il avoit même l'attention de remarquer quand on y nunquoit, & on faifoit des reproches obligeans. Les dames y venoient, parce qu'il y avoit un concert qui duioit autant que la conver-fation. Les affemblées du famedi chez le cardinal de Rochechouart,ctoicnc très-nom-breufes ; fon état decardinaî &fa dignité d'ambalîadeury ntriroient tout ce qu'il y avoit de plus diftingué à Rome, & le rinfrefeo y étoit plus magnifique & plus abondant qu'ailleurs. Les autres grandes converfations en prima fera, étoient chez le cardinal Rezzonico , Se chez le cardinal Ferroni. La princelTe Rezzonico tenoitauiîi la conversation en prima fera , il y avoit quelquefois très-grande compagnie. Son Ko m e. Première Part. 147 -état de maifon avoit de la pompe : elle avoit des écuyers &c des pages , forte de magnificence qui n'etoit pas ordinaire aux autres dames Romaines; c'étoit fans doute une diftinétion attachée à fa qualité de nièce du Pape régnant qui lui donnoic le premier rang feulement pendant la vie du StPere. Le cardinal des Urfins tenoit fa con-verfation le matin dans la galerie Farnefe peinte par les Canachcs : les dames y venoienc en petite robe , &£ même fou-vent en cocffure négligée. Quoique cette converfa:ion fiufouventnombreufe, elle n'avoit pas l'éclat de celle du foir. Les clames Romaines portent le matin une cobrfure ou voile rabatu, qui leur couvre tout le vifage les cardinaux feuls ont le privilège de le lever , de c'eft une politelfe à laquelle ils ne manquent jamais , quelquefois i'alfemblée y gagne 5 fouvent on aimeroit autant que le voile rellâc bailfé. C'eft-là où je vis une prin-celîe Romaine accompagnée de deux de fes filles mariées , qui lailTa fortir de def-fousce voile une figure qui auroit tenu fon rangparmiles antiques, aveedes cheveux chargés de poudre d'un jaune doré. Ce genre de parure me parut nouveau , 8e je crus revoir la Licé d'Horace qui tâchoic x48 Mémoires d'Italie. t de rappeller les amours qui s'envoloient M Autres con- 21. Ce que l'on peut appeller les Aimbl'écs.^g1''1"^25 & longues converfations, celles qui durent une partie de la nuit en hyver fk jufqu'aujout en été , ce font celles que tiennent les princedes Se dames Romaines: elles commencent à deux heures ôc demie ou trois heures de nuit j la compagnie eft une heure environ à s'aflémbler, enfuite on fait des parties de jeu de commerce, pendant lefquels on fert quelques rafraîcluffemens. Les jeux que j'ai vus en ufage font le reverfis, l'ombre Se le tre-fétté qui relfemble un peu à l'ancien quadrille , quoique plus difficile à jouer, attendu que pour réufîir, il faut fçavoirde-viner le jeu de celui avec qui on eft, Se qui eft du côré oppofé de la table, &quç l'on ne nomme jamais de couleur. (a) . . . Lice, fis anus & tamen fisfiormofia videri, Nec Coa. réfèrent jam tibi purpura, Nec clari lapides tempora, qu on demande pourquoi les autres n'y viennent pas, tout de fuite on fçait ce qui les occupe chez elles, & on donne le détail le plus exact, de toutes les intrigues. On ne fe cache pas pour cela, quoique les frères où les fœurs des perionnes intérelfées foient préfentes (a). (a) J'aurois dû mettre à'ia tête de tontes les Converfations, celle que tient le Saint Pere quand il lui plaît d'avoir compagnie chez lui. Mais le Pape régnant n'a pas ce goût, il fe contente de fes affaires, & de quelque focicté avec les OfEciers principaux de fa Cour, & fes Prélats domeftiques. Il eft fort fédentaire , & aime fi peu le mouvement, que quoiqu'il ait de très-beaux jardins tenans à lbn Palais de Monte Ca-vallo, les jardiniers m'ont a/îuré ne l'y avoir vu qu'une fois en cinq ans. Le Pape Benoît XIV avoit tous les jours une confervation aiîez nom-breufe, à laquelle les étrangers même étoient Couvent admis. On s'y entretenoit principalement de nouvelles littéraires, & quiconque y Rome Première Part. 157 Sur-tout ce que je viens de dire on peut fe former une idée des moeurs & des ufages, de ce qui compofe à Rome ie premier ordre dans l'Etat Ecclehaftique ÔC Civil. On pourroit porter ces obfer-vations plus loin, les appuyer par une quantité d'anecdotes $ mais je n'en ai deja peut'être que trop dit à ce fujet. Le coup d'œil général des converfations eft alfez brillant ; les jours des grandes affemblées v les femmes y iont parées avec magnificence , beaucoup de diamans & d'autres bijoux fort riches. Elles le coëffent avec foin , mais elles n'en font pas encore à l'élégance Fran-çoife. On voit qu'elles font très-curieu-fes de nos modes, qu'elles outrent fois-vent. Le rouge n'y eft point du tout en ufage, ce qui fait qu'elles paroiffent toutes fort pâles, ôc il eft rare de voir des femmes du premier rang avec un teint frais & de belles couleurs. Les hommes y font très bien vêtus , mais ils font peu de dépenfe en linge blanc , cette forte d'économie s'accorde mal avec la richelfe des habits. Dans les affemblées ordinaires on voit arriver des pouvoit apporter quelque chofe de ce génie y étoit bien reçu. femmes avec les cheveux en papillotes , elles vont de même aux fpectacles & aux promenades publiques. J'en ai vu à Venife, à Bologne & à Rome. Il paroît que c'eft une forte d'aifance , que la plupart des femmes regardent comme une diftinction à laquelle el.es font fort attachées. Tdéegsneralc 12 Les Romain3hommes & femmes , uflgSoiî comme tous ^es habitaus des Capitales, * préfèrent leurs ufages &c leurs p'aifirs à ceux de toutes les autres Villes; il eft de la politelie de ne les pas contredire. Ils croient qu'on ne vit qu'à Rome,. & qu'on végète ailleurs en s'ennuyanr.. Un excès d'attachement pour leur patrie leur donne ces idées. Un étranger trouve autant d'agremens à Naples, à Ve-nife , à Florence ou à Milan qu'à Rome. Il ne faut donc pas adopter les préjugés des Romains à ce fujer. Ils imaginent que les plaifirs de la fociété y attirent cette foule d'étrangers qui y font continuellement ; mais il y en a dans rout le refte de l Italie. On relie plus long tems à Rome qu'ailleurs, parce que c'eft la Capitale de cette belle partie du monde j que c'eft le centre où fe traitent toutes les affaires, & que l'on v trouve raflemblés des gens de tous les états diiférens. D'ailleurs la tranquillité avec laquelle on y vit, la liberté dont on jouit, la beauté de la Ville 8c fes ornemens multipliés, la douceur de fon climat, tout cela réuni, y- fixe avec raifon les étrangers plus long-tems qu'ailleurs , fur-tout ceux qui voyagent pour s'inftruire. C'eft dans les fociétés de Rome que l'on voit combien il eft agréable de fça-voir la langue Italienne , par ce moyen on eft à portée de prendre part à tout ce qui fe paife , d'y acquérir des con-noiffances, de former des liaifons c'eft même une raifon pour y être mieux reçu, par-là on prouve l'eftime que l'on fait du pays que l'on eft venu voir , êc de fes habitans avec lefquels on a pris la voie la plus fure de vivre en fociété. J'ai vu beaucoup d'Anglois à Rome, qui très-peu s'étoient foucié d'apprendre la langue Italienne, mais tous parloient François fort aifément, & ne fçavoient pas d'autre langue. La plupart de ceux qui venoient aux converfarions 0 y étoient précifément comme fpeéta-teurs. Leur coutume , hommes & femmes, eft de fe réunir par tout où ils & trouvent, de caufer enfemble, & de regarder tout le refte avec une fierté qui iô*o Mémoires d'Italie, a l'air du mépris, Se je crois que c'eut foncièrement le génie de cette nation. A la vérité , ils ne frondent rien ouvertement , mais ils ne fe compromettent pas en approuvant à la légère. J'en ai rencontré quelques-uns d'une fociué douce Se fort agréable : il eft rare d'en trouver dï ce caractère. Les Allemands (onz les meilleurs gens du monde. Ils approuvent &: louent tour indillinctement, hdè'.es à la lettre d;s deferiprions, ils ne voient que ce qui y eft annoncé , Se tel qu'il y eft annoncé. Ils croient tout ce qui eft écrit. Les Saxons font plus déliés , Se les Polonois ne manquent pas de goûr. On nous aceufe de vouloir tout ramener à nos ufages , de fronder tout ce qui n'eft pas Paris Se fes modes, de prétendre dominer partout, d'aimetles tracalferies. Il y a long- tems qu'on nous fait ces imputations odieufes, fur-tout en Italie, où l'on en charge en général toute la nation ; il faut que l'on y ait donné lieu , par l'habitude de préférer hautement nos mœurs à celles des étrangers , de blâmer tout ce qui ne fe fait pas comme chez nous. On doit convenir que c'eft affez le ton de tous les Rome. Première Part. 161 jeunes François qui voyagent: ton ridicule & qui eft celui de l'ignorance même , comme ti chaque nation n'avoir pas fes goûts ôc fes ufages , comme M cette diverlité ne rendoit pr^s le tableau général du monde beaucoup plus piquant. Ce qui fait encore que cette ra-çon de penler eft fi révoltante pour le$ étrangers , c'eft qu'il y a peu de François qui voyagent ÔC qui falfent cette dépenfeque l'on aime fur-tout en Iralie, ôc qui tourne toute à l'avanrage du pays que l'on parcoure* on voit de loin en loin quelques jeunes François qui ont imaginé, qu'ils n'avoienr qu'à fe pré-fenter pour être admirés ôc mis au premier rang ; Se qui font très- étonnés qu'on ne fe rende pa)s à leurs prétentions. Ils s'en vengent par méprifer hautement Ôc tourner en ridicule tout ce qui leur paroît nouveau ; ils ne femblent voyager qua pour retrouver par tout Paris , fes fpeétacles , fes promenades , les modes ôc fes fociétés. Pourquoi en forroient-ils, ils perdent leut tems , Ôc font caufe que l'on attribue à toute la nation des fen-timens qui ne font que ceux de quelques jeunes étourdis. Quoique je n'en aie rencontré aucun de cette efpece , ie ne fais point ici une déclamation ima- i6*2 Mémoires d'Italie. ginaire, je parle d'après ce que m'en: ont dit les plus fenfés dos Italiens qui m'ont cité tous les originaux. Les An-glois beaucoup plus fages, ne penfent peut-être pas plus favorablement de ce qu'ils voient, mais ils n'en dilent rien. Cette antipathie des Italiens pour les Frauçois, foute nue par les nouveaux griefs dont je viens de parler , eft: de bien vieille date ; il faudroit remonter jufqu'au tems où les Princes d'Anjou de la maifon de France furent appelles par les Papes au thrône de Naples, revenir au tems de Charles VIll, & a l'horrible fie de Rome fait par les Allemands à la folde de l'Empereur Charles V, aux defeendans deiquels on n'en fçaic pas le moindre mauvais gré , tandis que l'on en rejette toute la faute fur le connétable de Bourbon, Général de cette armée, qui périr dans cette expédition, & qui ne fçut rien des horreurs qui fui-virent fa mort Cependant à Rome même fon nom fert encore à faire peur aux enfans qui crient , tant la ttadition de cet événement s'y eft Ci bien confer-vce. Mais a-t-on vu dans le tems que les Calviniftes ravageoient la France, quelque Général François quoique Huguenot , porter dans fa poche un cordon d'or 6\: de foie deftiné à étrangler le Pape , comme faifoit le Colonel Mans-feld , qui à la tête d'une troupe de Luthériens, vouloir, difoir-il, dans le ftyle de fon législateur, venir mettre à fac la nouvelle Babylone, 8c anéantir la trace de fes Princes; tout au contraire prouve à Rome même les obligations qu'a le Saint Siège à la nation Françoife, qui de tout tems a été fmcercment attachée a la Religion Catholique ôc à fon chef. C'eft ainfi que je défendois un jour les intérêts de ma nation , fans cependant défavouer fes torts ; on m'écou-toit d'autant plus favorablement que je ne parfois pas pour vouloir les multi- f)lier. Aufïi convenoit-on avec moi que es François étoient eftimables , ôc que l'on ne potivoit s'empêcher de les aimer, dès qu'ils vouloient bien fupporter les autres , ôc ne pas chercher à les couvrir de tous les ridicules qu'il leur plaifoit d'imaginer. Mais le fonds de cette préférence que l'on donne aux Allemands ôc aux Anglois, c'eft la quantité que l'on en voit ; la richeffe ôc le férieux des uns , & la pefante bonhomie des autres. Les Italiens ne s'en défient point: ils n'ont pas "cette politeile prévenante, ces attsn- i6*4 Mémoires d'Italh. lions habituelles pour les femmes , cette gaieté Je caractère , cet enjouement naturel qu'ont les François , &: qui font trembler une nation toujours foncièrement jaloufe; quoiqu'il préfenteette maladie cruelle n'ofe prefque plus fe montrer à découvert. Elle ne règne plus que fourdement. Les maris paroillent laifTet à leurs femmes toute la liberté qu'elles peuvent fouhaiter j aurfi ont-elles pour la plus grande paitie un ami particulier ou ctcis'oé qui ne les quitte pas, qui fe place à côté d'elles, Se les entretient ex-clufivement à tout autre, jufqu an tems où deux tête à tête fe réunilfent pout faire une partie que chacun arrangea fa fantaifie , fan3 que la maîtrelfe de la maifon s'en mêle beaucoup (a). La ref- (.;) Les Cicifbés étoient autrefois à Rome des $rcns fans confequenec, leur confiante aflicîuité auprès de la même femme pendant nnc longue fuite d'années, les faifoit regarder par les maris même , comme des rmùs d'un caractère rare; & ils prétendoient qu'il falloir avoir l'cf. prit & le eccur gâté par les ufages de France' pour imaginer autre chofe. La mode a changé, la gazette de Rome révèle fouvent au public desfesnes violentesentre les maris & femmes qui ont pour caufe la galanterie des Cicifbés. H cil vrai qu'elles font lecrettes, & que les ir.térelTés ne peuvent trop être courroucés contre Fûidii- Home. Première Part. 16*5 &urce des étrangers eft de trouver des femmes qui n'ayent point de cicisbé, ( & il y en a à Rome ) avec lefquelles ceux qui aiment à jouer ? font leur partie 9 j'ai déjà dit que l'on n'y jouoit que des jeux de commerce. Le Pape régnant a il févèrement défendu les jeux ue ha-zard , que l'on n'en parle nulle part 7 mais ce qu'il y a de remarquable, c'eft que ceux qui font chargés par état de veiller à l'exécution de ces ordres , 8c qui aiment le gros jeu, ont porré le piquet à un fi haut prix , qu'il équivaut pour la dépenfeaux jeux de -hazard les plus forts. Ceux qui ne jouent pas trouvent d'autres gens auffi défceuvrés qu'eux, avec lefquelles ils s'entretiennent de ce qui JLur plaît. Au refte on ne tient à ces converfations qu'autant que l'on veut. crccion du gazettier. Au refte de quelque côté que vienne la jaloufie, elle n'eft pas moins incommode aux étrangers agréables & à prétention, que les Cicifbés ont (ingulièremc/uirccil, La galanterie fe traite chez les Itiliensavec une .méthode folemnclle, qui paroît être par tout la .même, p >ur s'en bien mettre au fait, il faut lire un recueil de fonricts avec leur explication mo^ raie , intitulé : Filofof.a ed amore de/ Conté &io Battijla Comarri. Jn 89. ïrento IJll. On y eft toujours reçu avec la même politeffê. A mefure que Ton fait ces vifites, on s'apperçoit qu'elles ne font pas ab-folument gratuites ; car le lendemain que l'on a été préfenté dans une maifon , on a le matin à fa porte, un député dalla, famiglia, ou des domeftiques , qui vient complimenter le noble étranger , fur l'honneur qu'il a eu de voir fon maître ou fa maîtrelfe, & recevoir en confé-quence la buona mancia, ou gratification d'ufagej on ne peut pas leur donner moins de trois paules , c'eft le taux le plus bas; cependant quand on leur a donné cette fomme dont ils font peu fatisfaits, ils n'ont rien à exiger au-delà. Ils reviennent encore aux bonnes fêtes , quand il eft arrivé quelque chofe d'heureux à leur maître: ils n'échappent aucune occalïon de multiplier leurs demandes ; cela va jufqu'à impatienter ceux qui font le moins intéreffés &c le plus en état de donner. Mais c'eft f ufage &c la famille du Pape n'eft pas plus géné-reufe que les autres, on lui doit près de trente livres de notre monnoie , toutes les fois que l'on eft admis a l'audience Je fa Sainteté. Ainlî il ne faut pas fe Hâter de voie nen à Rome gratis, que les Eglifes quand elles font ouvertes , la Villa Medicis qui elf le feul jardin vraiment public, 6c les fontaines dont on lailfe prendre librement de l'eau à qui en abcioin. Ces grandes converfations ou aifem-blées de nuit, durent jufqu'à ce que les théâtres ioient ouverts. Celles des cardinaux qui le font de meilleure heure ne font jamais interrompues zj. Les Ipeétacles publies commen- Théâtres8c cent à Rome le lendemain des Rois ôc du- c;cs. rentjufqu'au Mardi-gras inclufivement. Il y a toujours pluiieurs théâtres ouverts dont les Princes &c Barons Romains font l'en-treprife.Le plus varie eft celui d'Argentin na. C'eft-ià que l'on reprefente les grands opéra, où le Gouverneur de Rome ôc les Ambalfadeurs ont leurs loges fixées au fécond rang en face du théâtre. Toutes les autres perTonnes du premier rang, s'arrangent de la manière qui leur eft la plus convenable &c la plus commode. Ces loges fe payent plus ou moins fuivant leur poiition, celles de face même juf-qu'au quatrième rang, font les plus chères. Les Princes Romains avoit prétendu il y a quelques années, qu'il n'y avoit que le Gouverneur de Rome, comme io*8 Mémoires d'Italie. repréfentant le Souverain, donc la loge fut fixée invariablement au milieu du ie-coud rang de face; en conféquence , ils s'arrangèrent entr'eux , & tirèrent les places au fort, de manière qu'ils déplacèrent tous les Ambaffadeurs: cerre petite rufe avoit été mife en pratique pour enlever la loge de face à un Ambaffadeur de France, qui tenoit Ion rang avec une noblelfe &: une dignité qui les étonnoit; en conféquencc ceux qui avoient la direction principale du fpeétacle, lui portèrent la clef d'une loge du fécond rang, mais de coté, en lui difant, que le fore en avoit décidé ainfi; qu'ils efpcroient qu'il voudroit bien s'en contenter, pour ne rien déranger aux places qui étoient roures deltinées, fur-tout à la veille des fpeéfcacles. Je ne doute pas que ceux qui avoient imaginé ce bel arrangement, ne fe regardaient comme de fins politiques, dont les intrigues leur feroient une fois raifon de cette noble fierté qui les humi-lioit en toutes occafîons ; mais il tourna entièrement à leur honte L'Ambadadeur refufa la clef, & fans entrer dans aucune difcuffion avec les Princes directeurs du théâtre, il leur dit qu'il fçauroit fe placer. Il alla tout de fuite trouver le Cardinal Secrétaire d'ttat, auquel il reptéfen- ta Rome. Première Part, itfp ta vivement que le rang d'un AmbalTa-deur de France , & la place qu'il devoir occuper, ne pouvoir jamais être foumiiè au fort & au caprice des Romains, qu'il fçauroit les forcer à lui lailfer libre celle qu'il devoit avoir j qu'il n'avoit cependant rien voulu entreprendre fans en prévenir fon Eminence. Le Cardinal qui connoifloit fa fermeté , ne douta pas qu'il n'exécutât exactement fon projet: il n'y avoit cependant pas moyen de changer l'ordre, toutes les clefs étoient diftribuées, chacun avoit fait meubler fa logej mais par accommodement, on le pria de vouloir bien accepter la première loge de face, celle du Gouverneur de Rome, qui n'en eut point cette année. Cet arrangement dé-fola ceux qui avoient imaginé le bel expédient de tirer les clefs au fort, ils furent la rifée, & de celui qu'ils avoient prétendu mortifier , tk. de la Cour de Rome, & du peuplé. Je pourrois citer plufieurs traits, qui prouvcroient avec quelle dignité cet homme illurtre foute-noir l'honneur du Roi fon Maître , & de la Nation qu'il repréfentoit. On ne lui manquoit pas impunément, plufieurs Prélats Romains ont fçu à quoi s'en tenir. £'eftd eux-mêmes que j'ai appris tout ce Tome y% * H que je rapporte ici. Ils en parlent encore avec le plus grand relpecr. Qu'il eft heureux ôc pour le Souverain & pour les Nationnaux d'avoir des Miniftres pu-blics, qui le conduifent avec autant de dignité ! Je tais par relpecr. le nom de celui dont je parle , mais toure la France a les yeux attachés (ur lui dans la place éminente qu'il occupe , ôc le reconnoî-tra à ces traits de noblefle ôc de fermeté. Le théâtre d'Argentina a fix rangs de loges, fesornemens »'ont rien de remarquable. La perlpective de la feene eft belle, ôc allez grande pour quelque re-préfenration que ce foit. Il y a quelques décorations de bon goût. J'y ai vu représenter deux opéra férieux, celui de Zenebiay tragédie de Me-taftafio, n'eut point de fuccès \ mais le fécond Anaferfé, tragédie du même, mile en mulique paf Piccini, Maître de Chapelle à Naples , réullit au-delà de l'imagination. La mufique en étoit excellente, outre plufieurs ariettes, il y avoit des récitatifs obligés, ôc quelques feenes d'un pathétique Surprenant, ôc des morceaux de fymphonie admirables. Cet opéra eut trente repréfentations de fuite, & fe foutint jufquà la fin du carnaval* Rome. Première Part. 17* avec le même concours ck des applau* diftemens continuels. C'eft le peuple des loges 8c du parterre qui décide ici & dans toutes les Villes principales, de la fortune de* fpe-Ctacles, Naturellement comioiifeur en mulique, il n'applaudit jamais à fauxj mais quand il eft content , il s'y livre avec une forte de fureur qui dénote vraiment la palîion. Dans les premières re-préténtations de cet opéra , lorfqu'on étoit le plus attentif aux morceaux distingués, on entendoit fortir du fond du parrerre ou des fixiemes loges , des Ah caro. . . Bravo. .. Eh. viva il Maeflro. « & autres rermes de fatistaétion , que le fentimen-t même fembloit leur arracher, 8c qu'ils rerenoient à moitié, crainte de troubler le iîlence tranquille qui regnoit; mais quand le morceau étoit achevé, c'eft alors que partoit la foule des ap-plaudilfemens exprimés de routes les manières imaginables , 8c avec un fracas étonnant. Quiconque s'y trouvera, 8c qui pen-fera aux fpectacles de l'ancienne Rome, imaginera, s'il le peut, ce que dévoient faire quatre-vingt mille fpect-areurs qui applaudilfoient, 8c dont les voix étoient redoublées par les échos pratiqués exprès i7* Mémoires d'Italie. autour du théâtre. On dit que la corn, motion de l'air étoit alois li lotte, que l'on a vu tomber morts les oifeaux qui voloicntau ddïus du théâtre i & je n'ai pas de peine à le croire, fur le léger elTai que j'ai entendu à Rome. Il y eut auiîi à ce fpectacle quelques ballets aflez bien entendus , mais (i le Peuple Romain fe connoît bien en mufw que , ii.n'a point d'idée julfe de la danfe; ce qui le tranfporte , ce font les fauts forcés, les danfes outrées, fans régie ôc fans mefure, qui ne dépendent que de la force ôc de l'adrelfe du fauteur. Je l'ai vu dans l'enchantement d'une danfe hol-Iandoife très-médiocre, tandis qu'il ne faifoit prefqu'aucuneattention à un ballet de Roger ôc ci'Alcine, dont les danfes nobles ik coûtes de caractère, étoient bien compofées ôc très-expreifives (a). (<-;) Si le gros des fpcé>atcurs n'y fit aucune attention, la fatyre n'épargna pr.s le Gouverneur de Rome qui avoit approuve ce ballet, &ç lçtraira de la manière la plus cruelle > on vit cou. rit peu après une pièce de vers , où on l'ac-eufoit de profanation, d'avoir renoncé à fon Ba. ptème , &c. Voici quelques fragmens de cette pièce, qui ferviront à donner une idée du goût de la iàtyrç à Rome, 6c de la manieie dont elle s'exprime, Rome. Première Part. 175 Tout le peuple Romain eft extrêmement curieux de fpeéticle: fort goût e(l une pailion pouifée à l'extrême. Les ar-tifans, les journaliers, les mendians même fe réfutent le pain, pour payer une place au théâtre j on les voie dans une lî-xieme loge, entailés les uns fur les autres ,ie tenir pendant tout le ipeétacle, qui dure quatre heures au moins, dans k pofition la plus gênée , & c'elf de-là que parrent les iulïïages qui décident du iort de la pièce. Ceux qui ne peuvent pas être fpectateurs , tâchent de fe glifler dans les corridors, & quand ils y trou- Timidi Epicurei} io vi perdano Se il voflro ardir' non s'inoltre cot anto Era ferbato l'inudito errore Di Roma Santa, al nuovo Reggitore. Perche à Londra non vai flolto fenefe ' S'haiprorito difar' lo fpirto forte* Dun que San Pietro tifara léfpefé Perche t*unifca allé Tartarèeporté.. ®r> fingi ■> che ilpiacer' maejîro Jîa \ E dimmi poi Ion la t'ua vajia mente , Quaipuô mai fuggerir' caflo peufieré Quetf amore d'Akina é di Ruggiero% H iij vent quelque coin d'où ils peuvent entendre, ils y reftent avec la plus grande confiance. Le fpeétacle étant auflî long, & en récitatifs au moins pour les deux tiers, on s'y ennuyeroit beaucoup, fi on n'étoir pas dans l'ufage de faire des vifïtes aux perfonnes de fa connoifiance dans leurs loges, fur-tout aux Dames chez lefquelles on avoit coutume d'aller en conver-fation. C'eft une attention qui eft de devoir. On y caufe affez haut, jufqu'à l'inf-tanr der- ariettes Se autres parties connues du fpectacle qui demandent de l'attention , on y fert des rafîraîchiffeme»s , Se on y eft comme à tout autre converfation. Mais en général les loges à Rome font trop petites pour que l'on puifte y avoir des rablesdejeu, comme j'en ai vu dans quelqu'autres villes de l'Italie. On n'eft point étonné d'y voir entrer lés Prélats Se autres Eccléiîaftiques, ils: contribuent autant que le refte de la no-feleffe , à l'entretien du fpe&acle , en louant des loges où ils vont très-libre* ment. Peu d'Evêques fe permettent ce plaifîr, Se je ne crois pas y avoir vu plus de deux fois des Cardinaux : le Pape régnant tolère plus les fpecfacles qu'il ne les approuve, & ce feroit lui faire mal Rome. Première Part. 175 fa cour que d'y être aflidu , quoique l'on ait cherché à y mettre toute la décence poftible. Il ne monte jamais de femmes fur les théâtres de Rome, dans les opéra ce (ont des Cajlrais qui en jouent les- rolles. Plufieurs font de jolie figure, & ne font point déplacés: il y en a qui ont des voix Angéliques, Si d'une étendue dont il eft difficile de fe faire une idée. Le malheur eft qu'avec tou> ce« lalens, ils fentent rarement ce qu'ils difent : leur gefte eft en oppofition avec leur chant. Pour les écouter avec plus de plaifir, il faut fermer les yeux, car en général ils chantent bien Si jouent mal, fur-tout dans les grands opéra. Les bonnes baffes-tailles ÔC les rénoves font rares en Italie (a). (ri) Il y aune quantité prodigieufe deCaitiats en Italie, & fur-tout à Rome i il n'y a pas d'année qu'on en rade pluueurs pour en maintenir l'ct pece. La police qui tolère cet ufage, a ordonné que l'on nopéreroic le> enfans qu'autant qu'ils y confentiroient. On les prend à'I'àge.de dix ou on7.eans, & ce font ordinairement les parens qui les déterminent, en Leur raifa.it entrevoir les avantages de cet état, dont ils ne peuvent pas encore imaginer les defàgrémens. Ce qu'il y a de malheureux ,. c'eft qu'il arrive fouvent qu'ils perdent leur voix. Alors ils font vraiment P* plaindre. Accablés de mille incommodités' H iv On admet pas plus de danfeufes fur les théâtres de Rome que d'autres actrices, ce font déjeunes garçons qui figurent en femme, & même il y eut une Ordonnance de Police qui leur enjoignoit d'avoir des culottes noires. Tous les Acteurs font payés à un prix très-cher, la première Actrice d*Argen-rina, qui étoit un Caftrat, eut pour fix femaines mille écus romains, qui font plus de cinq mille francs de norre mon-noie. Les autres fonr payés à proportion attachés à leur exiftence , des que le premier feu de la jeunefle eft éteint, ils font fans relfource, livrés à la mifere, & à des maladies prefque continuelles, dans un état dctriftclfe infurmon. table , & d'une foiblcilc qui ne leur permet pas de gagner leur vie par le travail, la vieilIclTè fin-tout leur eft infupportable. J'en ai vu un à Gènes, âgé de cinquante à foixante ans, & dans une pofition où rien neluimanquoitdesaifances de la vie, qui m'a allure que quoiqu'il eût tou. jours vécu d'une manière fort rangée, il étoit dans un état continuel de mélancolie, de langueur & de îouftrancc. Tant qu'ils font jeunes, qu'ils ont de la voix & de la figure , ils tirent vanité de leur état, dont ils ne Tentent pas encore les inconvéniens. Plulieurs font des fortunes confidérables , & établilîent avantageufe ment leurs collatéraux. Au refte c'eft toujours l'intétèt des percs & des meres, qui facrifîcux leurs enfans aux plailîrs du public. Se aufii chèrement. Mais on ne les gâte point, on ne leur fcurfre ni caprices, ni hauteurs , ni impertinences. Les Princes Romains Directeurs des théâtres , aux gages defquels ils font, les font châtier jfévèrement quand ils manquent à leurs devoirs. Tous les habillemens appartiennent aux théâtres} on les change ou on les renouvelle à chaque repréfentation d'opéra différens. Il y en a quelques-uns de fort briilans. Il règne dans les loges ék le parterre, une grande obfcurité pendant le fpeéra-cle j il n'eft pas permis d'y avoir de lumière -, on y tolerequelques petites bougies, à l'aide defquelles on lit la pièce pendant les premières repréfentations. La fcene feule eft éclairée, ce qui la rend beaucoup plus majeftueufe & plus brillante; un grand luftre fufpendu au milieu du parterre fert à éclairer l'alTemblée, iufqu'à ce que le fpectacle commence, alors on l'enlevé. Les autres théâtres moins grands que celui d'Argentinaétoient occupéspar des comédiens Se des bouffons. L^s premiers repréfentoient des comédies de Goldonî, Les autres des petits opéra, genre cie Ipeétacle très-plaifant, où les chanteurs font vraiment acteurs, Se d'ordinaire fe H? ifS Mémoire? d'Italie.. diverrifîent en amufant le public. Les caftracs y jouent également les rolles de femme, & j'en ai vu réuffir de façon à faire illulion complette (a). Mais dans les comédies, il eft infuportable de voir le rolle d'une jeune fille repréfentée par un homme qui a la barbe longue tk la voix rauque. Ceft ce que j'ai vu dans une comédie de Goldoni,.intitulé Pa-> mêla- , prefqu'entièrement traduite du françois. L'acteur qui repréfentoit la Pamela yeune & jolie , quoique très-intelligent , étoit d'une figure fi oppofee au perfonnage qu'il faifoit, que l'on ne pou-voir s'y accoutumer: on ne fe fait pas a voir la jeuneffe, les grâces & la beauté repréfentées par une figure nervcufe, à barbe noire & épaifTe, avec de grands ( on ne dit pas ce qui la détermina à cette barbarie. Doùli detèflantur rnemoriam Semiramidi t régime, qua- te ne ro s ma- • res omnium prima caflravit.... Beroald. in Suer. Domitian. Mais cet ufage après la corruption 1 des mœurs, fut-tout du tems des Empereurs, . devint très-commun. • Heu pudet ejfari, perituraque prodere fata ! Perfarum ritu maiepubes centibus annis, Subripuere viros, exaltaque vifiera ferro, Jn ■venerem fi egere'. arque utfuga nobilis avi Circumfcripta, mordproperantes différât annos3-Qu&rit fe natura, nec invenit: omnibus ergo Scorta placent... Petron. de bel. civili. - Ces derniers mots indiquent à quoi on defti-xioit les nialheuveufes victimes de cette opération barbare. On avoit pris toutes les précautions imaginables pour qu'elle réuilit &: qu'elle lût moins dangereufe. On faifoit à Samos des couteaux dé teire cuite, fpécialeaient deftinés à-cet ufage.... Saniiu tejîd, m.uris Z>eûm Sali Vj Comme il n'ell point honnête d'aller au parterre, on envoie louer une loge cet dote ' virilitatsm amputant y nea aliter citrar per.iicie-n____Plin. I. 35. 12. Cependant da is les ficelés même tes plus cor-ronipus, 0.1 icclama publiquement onue cce a âge: No 1 vivunt contra wwiram% qui ex* feiii funt ut puer.tia fple ideat te./tpore alievo : quid fieri vel crudeliut vel mi feint potejll Nunquam vir erit y ut dih virurn pati po.Q'u— Senee. cp. 122. Domitien, ce Piince cruel & barbare, eut horréttt de cet ufage, & l'artèta par fon autorité. C'clt le feul trait de fa vie que la oofrérité a:t pu louer CdftraH morts vetuit; fpàdo.'iumqui refidut apudAlângones traitpre* t. a modérât ts eft____Sueton. iri D.mit. c 7. Martial lui donne à ce fujet le glorieux titre «Je Pere de la Patrie St d'amour à,! gellre humain- Non tulit Anfbnius taJia monfira paêer.. Idem qui teneris nuper fuccuirit ephcBist Nefaceret Jleriies feeva libido viros. Dilexere priuspueri} juvsncfque Tfenefque\ Al nu.ic infantes te quoque, de far , amant* Ep. 9.1. 9. La Loipiomalgaéeàce fujet, continua d'être ^bfervéc encore quelque tems. EtCeiforprohibetmares adultos SuppUcium fubire formée. Statius,.«Sï/v. j. Mais près de trois fiecles après, cet ufage Rome. Première Part. i8V du fécond ou du rroifieme rang , qui quelquefois eft fort chère, & fe paye avoit donné lieu à. des mariages infâmes, comre lefquels les Empereurs Confiance &c Confiant furent obligés de fcvir dans une Co iftitution expreffe. 31. au Cod. Quum vir nubit in fe-mina, viro porreclura quidautd cupiât, ubi Ce-xusperdidit locum, ubifcelu s eflidquod nonprc~ fat ciere, ubi venus mutatur in aiteram formata, ubi amor quœritur nec *idetur} jithâmus leges infurgere , Oc. Malgré cette Loi, Il paroît que Ton ne fe réforma pas entièrement fur ce genre de débauche; car Alain de l'Ifle, Théologien célèbre de l'Univerfité,. mort a la fin du treizième lïecle, cité par du Cange, au mot devirare : dit fort plaifammcnt. Quum venus in veuerem pugnans , illos faciî Mas, Quumque fui magica dsvirat arte viros... A quel tems a-t-ou commencé à leur donner le charme de la voix, qui, félon l'expreJlion des Grecs, eft la ncur de la beauté? Les anciens ne bous en apprennent rien. La beauté&la netteté de la voix des impubères &c des jeuoes filles, a Imaginé de tirer cette teilburce des eunuques, qu'il faut croire n'ayoir plus d'autre defti iationx & les a multiplias fur les th âtres, où la dépravation du goût les admire encore i car quelle differen ce entre ces belles voix de femmes que l'on entend fur-tout à Venife, & les chants forcés, fans grâces & fansame des Caftrats, qui ne plus de quinze francs, fur-tout quand le f pectacle eft fréquenté : celles du premier rang qui font prefque au niveau du parterre, font ordinairement occupées par les gens aifés du peuple, ou des femmes avec lefquelles on ne voudroit pas faire fociéré. Mais au grand théâtre, il faut néceifairement amodier une loge pour tout le tems du carnaval, que fon a, ou pour tous les jours, ou feulement de deux jours l'un; de cette façon on eft libre pour aller aux autres fpeétacles, &-c'eft ordinairement le parti que prennent les étrangers. Sur tous ces théâtres, c'eft le même genre de fpeétacles , & opéra Bouffons. Il y a des détâchemens des Gardes Corfes & Avignonoifes pour maintenir la tranquillité à tous les théâtres. Carnaval de 24. Le carnaval de Rome eft un plaifir général P™r t0"te la Ville qui y prend part. Plaifir brillant, tranquille & fur, que la Police prorege & maintient avec, la plus grande attention. Il dure huit jours francs. non compris les Vendredis, Dimanches & jours de Fête, aux- fè font remarquer que par des éclats étonnans, & des tenues d'un tems coniidérable : triite *eulprivilège de leur état. quels il n'eft pas permis de porter Iôj ma'que. Celt une affaire très importante pour une Nation qui aime les fpeétacles avec fureur. Le fomde fe mafqueroccuppe les grands &..les petits, les femmes fur tout ik celles du peuple , qui dans le cours de l'année , ne peuvent guère prendre part' à d'autre fpecîacle qu'à celui là. La cloclie du Capitole que l'on ne fon-ne jamais que dans les circonftances les plus rares, telles que la morr du Pape ou ion élection, annonce au Peuple Romain l'ouvertute de cette fête ; enfuite on tire le canon à-vingt-une heure, c'eft-à-dire, environ à deux heures & demie après midi dans notte maniete.de compter. L'affemblée & la promenade des mafques fe fait le long de la rue du Cours , . depuis la Place du Peuple jufqu'au Palais S; Marc, dans Pefpace d'une demi-lieue commune de France. Pour que la Police foit obfervée exactement, il y a des détachemens des troupes du Pape réfidantes à Rome, poftés dans toutes les places & carrefours qui fe trouvent-le long du Cours, & des Sbirres répandus par-tout, pour arrêter fur le champ quiconque y cauferoir le moindre trouble, ,ou feroit aux mafques la plus légère ' 184 Mémoires d*Italie. in fuir e aufïi les femmes 6c les itlles vont feules le placer où elles jugent à propos, fans craindre que perfonne leur parle ou les arrête qu'autant qu'il leur plaira. Les balcons & les fenêtres des P.dais Se des M ùfons dont cette rueeft bordée font garnies de tapis Se de pavillons. On loue les fenêtresd.s maifons particulières de même que les Galeries que l'on conftiuir exprès pour ce tems„enfin toute la rue eft déco:ée. A l'ouverture du carnaval le Gouverneur de Rome, précédé de fa Garde à cheval, finvi de fes Officiers Se de fa Maifon en carroffe de parade, va Se revient d'un bout de la rue du Cours à l'autre, pour voir fi tout en eft bien dif-pofé. Le Sénateur vient enfuite en même cortège avec les Confervareurs, & le Prieur Se fa garde; après quoi ils fe retirent l'un Si l'autre pour lai fier l'eA pace libre aux mafques Se aux carrofles. Ce n'eft pas exagérer que de dire qu'il y a dix mille mafques à pied, dont les uns marchent le long des banquettes qui bordent la rue du Cours , les autres font afîis fur des chai fes, ou des amphithéâtres élevés exprès 3c dont les places fe louent. Ces mafques font pour le plus grand nombre rrès-jolirrrenr habilles, les femmes bien coé'ffées, vêtues avec une propreté extérieure très-foignée. Celles qui ibnt jolies, s'ajuftent de façon à dérober le moins qu'elles peuvent de leurs agremens. Cette partie de fpe-Ûacle eft très-variée, ou par l'élégance qui règne dans la parure , ou par la diverfi-té des habits de théâtres, de nations ou de caractère. Tout y eft d'un air d'arrangement &c de propreté qui fait de cette rue une galerie immenfe, peuplée des deux côtés d'un nombre confidérable de mafques différens,qui changeantde place ôwallantd'unquartieràunautre, varient le tableau & le rendent toujours nouveau. Mais ce qui peut paroître encore au-delfus, c'eft la quantité des carroifes qui fe promènent à la file dans cette rue lur deux rangs, ( le milieu étant réfervé aux Princes Romains, qui feuls ont le droit d'y paffer) la parure des domeftiques St des chevaux. On levé les g'aces du car-rolfe, l'impériale fe partage : le devant & le derrière de la voiture le rabaiffent en dehors, ce qui lui donne une forme allongée, &c en fait une efpece de char de triomphe , où font ordinairement des mafques vetus avec gour. Comme plufieurs des Princes & Birons Romains conduiront eux-mêmes dans ce: te occafîon leurs chevaux, les cochers y font habil- lés magnifiquement, les uns en domino, les autres en Turcs ( cet habit a bonne grâce fur le liège) quelques-uns en arlequins , d'aurres en poiichinels, chacun fuivanr fon gout ; les laquais font ordinairement mafques comme les maîtres,. & fouvent les femmes dans le même goût que les hommes, celles fur-tout qui veuillent être deguifées. Les chevaux font ornés de rubans ôc de gros flors de gaze de différentes couleurs, qui leur couvre les crins, Ôc qui en voltigeant font un effet très-pittoref-que; ils ont outte cela le poitrail garni de petits tabliers de cuir découpés & changés de fonnailles, ils en ont à la croupe-& aux jambes. L'embarras de cette parure ôc le bruit leur donne un air de gaieté qui leur fair prendre part à la fête Ôc embellit le fpeélacle ; comme ils font toujours en mouvement, les fonnailles qui fe répondent les unes aux autres, font un bruit continuel qui étonne d'abord , mais auquel on s'accoutume ôc qui n'incommode point. Tl y avoit au moins deux cent carrofles, ajuftés ôc pares dans ce gout là $ beaucoup d'autres moins brillans 8c chargés de mafques; Ôc une très grande quantité de ceux qui ne. veuillent pas fe mafquer, mais qui- Rome. Première Part. 187 font bien aife de prendre part au fpeéta-cle, tels que les Prélats, les femmes d'un âge raifonnable & qui n'ont plus de prétentions, quelques Princelfes qui-ont des raifons particulières pour fe contenter du fpeétacle , fans en faire partie comme mafques, & les étrangers qui ne gagneroient rien à fe mafquer.. Tout cela réuni fait une fuite de mille carrolfes au moins, qui tournent pendant deux heures environ dans la rue du Cours, à la file les uns des autres , fans que perfonne de quelque ran^ qu'il foit s'avife de la couper ou d'en fortir, à moins que l'on ne fe trouve à l'embouchure de quelque rue par laquelle on veuille fe retirer. Tous ces carrolfes femblent ne former qu'un, feul corps, qui avance par un mouvement égal & commun à tous. Au moyen de cet ordre, il n'arrive ni embarras, ni Inconvénient. Un tas de mafques courent dans le milieu de la rue, haranguent ceux qui font dans les carrolfes, & tien» nent quelquefois des propos rrès-piquans. Il y en a d'autres qui fe placent clans des tribunes ou balcons, & qui s'adref-fent à tous les palTans en général, ou qui difputent avec un antagonifre qui eft dans une tribune oppofée, ck donnent quelques fcenes très - plaifantes, fur.- tour. qaand un des difputants vaincu par fon adverfaire eft réduit au lilence , c'eft alors que le vainqueur triomphe de la manière la plus plaifante, en adreflant au peuple le complimenc qu'il croit mériter. Quand le ciel eft ferein & que l'air eft doux, il n'y a rien de plus magnifique Ôc de plus pompeux que cette brillante aifemblée de mafques , que l'on peut même regarder comme un fpe&acle unique en Europe , ôc fort au-dellus de routes les fêtes générales qui fe font ailleurs en ce tems. Quand il pleut même , ce fpeétaclê a une autre fingularicé , ôc qui prouve la manie décidée du peuple de Rome pour les fêtes; les uns bravent les injures de l'air, les autres portent des parapluies & courent les rues, on ferme les carrolfes, & chacun va comme s'il faifoit beau ( elles commencèrent alors à fe faire, par la rue quiaboutilfoit de la Place du Peuple, à celle de St. Marc, & qui depuis a eu le nom de Cours. Ce Pape, dit Platine, délivré des grandes affaires qui l'avoient occupé, voulut rendre à la ville de Rome fes anciens plaL firs & fes jeux public1;. Ces jeux furent huit etendarts qui fe ragnoientà la courfe. Chaque jour on voyoit courrir des vieillards, des cn-fans, des jeunes yens, S: des juifs, ceux-cy coururent à part, Si chargés de cailloux, afin qu'il fulfcnt plus lents & plus lourds. Il fît courrir aufîi des chevaux, des juments, des ânes & des bufies, avec une fi sTar.de fatisfa&ioa Pour le public , que les fpectarcurs pouvoient à peine fe foutenir à force de rire. La carrière ©u le ftadivm etoit l'Arc de Domitien à la Place St. Marc. Le Pontife prenoit fa bonne part au plaifir dont il etoit le témoin, Se ii etoit, dit le même auteur, aTez magnifique pour faire diïhïbuer uu carlin à chacua des Tome K l * iî»4 Mémoires d'Italie, rrter les chevaux a la fin oe la carrière , on tend des toiles dans lefquelles les palfreniers les enveloppent, pour pouvoir leur enlever prompiement la fan-gle, à laquelle tiennent les pointes qui les tourmentent li vivement. Ces courfes de chevaux font vraiment belles ck curieuies. L'efpace qu'ils ont a parcourir eil alfez grand pour qu'ils y déploient leur force & leur vî-tetfe. L'efpece de honte & de découragement que paroiffenc éprouver ceux qui arrivent les derniers, en entendant les huées du peuple , elt à remarquer. Les feuls Princes Romains ont le droit d'envoyer des chevaux à ces courfe-;, tk. fe font un point d'honneur d'en avoir qui remporrent les prix. Le Prince C/ùgi , quoique fort économe , fait une grande dépenfe pour avoir d'excellens enfans qui avoit courrus, & étoient couvert; de bouc Mac 5* in pueros cœno oblitos pojt air. fum magrdficentia ujus) ut fingtilis carie num. ( nummi argentei, td genus eji,) condonaret. La vie de ce Pape eft: curieufe à lire dans Pla. tine, qui avoit de bonnes raifons pour rie le pas aimer— Ces courfes fe fàifoient auparavant au pied du Mont Teftaccio dans les Prés du Peuple Romain-. & plus anciennement encore de la Place Farncfe, par laStrada Giula, 6c le Pout pr, Ange jufqu'à la place du Vatican. chevaux; il fit paroître pour la première fois en 1762, un magnifique cheval blanc que l'on difoir Turc 5 il devançoit tous les autres de beaucoup , lorfqu'il eut le malheur de tomber , il reparut une féconde fois , il etoit découragé & ne fit rien. Le peuple s'in-térelîe avec fureur à ces courfes , il eft entalle à l'extrémité de la rue du cours 3 de façon à faire trembler, qu'une partie ne foie moulue par les chevaux. Ce font des cris d'impatience ou de joie , & des huées qui le fuccedent, & qui donnent une idée du bruit que faifoit l'ancien peuple Romain , aux combats d'animaux & de gladiateurs , ou aux courfes du cirque, mais' ce qui rend la chofe beaucoup plus intéreffante pour ceux-ci ; ce font les paris confidérables qui fe font pour les dirférens chevaux, ils les connoiflentek les ont vû s'éprouver, Ôi. ils fe décident en conféquence. Les parieurs fe placent ordinairement à l'extrémité du cours du côté de la Place Saint Marc. C'eft là que l'intérêt leur fait rifquer même la vie , pour affûter s'ils le peuvent, la victoire au cheval pour lequel ils ont parié. Un des intéreifés voyant palfer un cheval qui alloit trop vite à fon gré, en voulant Xf;6* MeMOITUS dItai??. l'effrayer, fut tué fur le champ d'un coup de poitrail. Le lendemain un autre parieur voulut arrêter un des chevaux de courfe, il fut renverfé , ôc ne vécut que deux heures après. J'ai éré témoin de ces violences. Il y eut quelque chofe de plus affreux , deux chevaux des Princes Corfini ôc Rojpigliofi furent poignardes dans l'endroit tii on les arrête,avec des couteaux empoifonnés ; on ne peut pas pouifer la fureur plus loin ; cependant elle eft exercée par le peuple le plus Foible Se le plus timide , mais le défef-poir d'avoir perdu dans un inftanttout ce qu'il avoit d'argent, le porte d des excès inconcevables. Ce peuple intéreffé n'aimoit pas le Prince Chigi, qui, lorfque fes chevaux avoient gagné les prix , ne lui faifoit que des cfit'lnbutions modiques de mauvais vin : mais le jour que le cheval du Prince Camille tofpigliofi eut été le vainqueur a la courfe , il étoir fou de joie, il fçavoit que le lendemain matin il y auroit à fen Palais, une ample •diilribution de pain , de vin , de viandes falées & même d'argent. En vain il propofa une fomme confidérable à celui qui feroit connoître l'aiTailîn de fon cheval, il ne put en rien décou- vrir. Le Prince Corfini avoit promis cent écus Romains une fois payés, ôc une penfion viagère de trente livres par mois à celui qui déclareroit le coupable qui avoit poignardé fon cheval, il n'a pas mieux réufli ; ceux qui fe fen-tent capables de pareilles horreurs , ne fe décèlent point les uns les autres, ÔC s'alfurent par ce moyen l'impunité. Après les courfes des chevaux finies, s'il refte encore du jour, les carrolfes ôc les mafques continuent de fe promener dans le même ordre qu'ils ont commencé. Dès que la nuit paroît chacun fe retire ; car il eft défendu , fous peine de la prifon, de porterie tnafque par les rues dans ce rems. On peut garder fon habi.tmais il faut être à vifage découvert , parce que le jour fini, les mafques ne font plus fous la protection du Gouvernement. On a vu quelquefois dans les jours de carnaval de magnifiques chars de triomphe fe promener par le cours, Ôc augmenter la beauté du fpectacle. Il y 0 quelques années que les pensionnaires de l'Académie de France exécutèrent entr'eux une marche triomphale , de la manière la plus pompeufe. Les delfeins qui en relient à Rome m'ont paru très- beaux j on verra encore à la Villa Bor-ghefe hors de la porte Pènciana, des rableaux où eft repréfemée une fête de ce goût, qui fit le tour du Palaisqui-rinal fous les yeux du Pape Paul V , avant que de fe montrer au public. Je n'ai rien vû de ce genre qu'un grand char, décoré de ferions, & chargé de Mufïciens qui exécutoient des fympho-nies ; il étoit conduit par le Prince Rofpiglio/î. A la fuite étoit un de fes carrolfes qu'il avoit abandonné aux plai-fîrs de la populace qui s'y étoit rangée de façon à former une piramide fort élevée fur l'Impériale. Les bals publics ou particuliers font très-féveremenr défendus ; le St. Pere ne veut point cjue l'on danfe. Ces fortes d'affemblées s appelloienr feftini Autrefois au fortir du cours , chacun alloit à fon affcmblée, & danfoit jufqu'a^u matin; & on pou voit corn ptet qu'alors la moitié des nabitans de Rome, danfoit. Il en réfultoit les plus grands abus ; ce peuple outré dans tout ce qui eft diverti flement & fpectacle, paffoit huit jours fans fe repofer, tomboit malade j & ceux qui ne pouvoient pas être reçus dans les Hôpitaux, mourroient de mifere & quelquefois de faim j ne s'étant pas même réfervés de quoi fe procurer du pain. Outre cet inconvénient, ces--' affemblées nocturnes donnaient lieu aux plus grands défordres , auxquels s'aban-donnoient des gens de tOut.fexe & de tout état, fans refpeét pour eux-mêmes. Le peuple qui en a été témoin , raconte encore les bridantes folies de personnages très éminens > toutes ces raifons ont engagé le Pape régnant à défendre très-févèrement les ftftini, ôc il n'y en a nulle part. Le cours fini on va fe repofer juf. qu'à l'heure du fpecfacle. Ce font ces jours qu'il fait beau voir les théâtres de Rome. Hommes ôc femmes y viennent avec leurs habits de cours, mais fans mafquej les fix rangs de loges font exactement garnis. Le parterre où l'on eft afîîs ne préfente pas un coup d'ceil moins agréable. Il eft fur-tout mêlé d'une quantité d'enfans en habits linguliers ; ces petites figures qui font toujours gracieu-fes dans les tableaux, font ici une variété qui embellit le fpectacle général. Au refte le plaifir du carnaval eft cenfé être fi bien fait pour tout le monde, qu'il eft plus lingulier de ne pas fe mafquer, que de fe mafquer. On ma affuré que les gens même auquel leur crac interdit ces fortes de divertîf-femens, les Religieux achètent du Gouverneur la permifîïon de fe mafquer , & que l'on tolère cet abus pour ne les pas expofer i être conduits aux prifons du St. Office parle Barigel, s'ils étoient reconnus, Se qu'ils ne fulfentpas nantis de la permiffion. Il eit vrai que l'on porte leurs noms an Cardinal Vicaire qui ne les décelé point à leurs Supérieurs, mais qui s'oppofe conftamment à ce qu'ils polfedenr jamais aucune charge, speftacks 26". Outre les fpeétacles publics , on pameuliers. repr guérirent-; il n'y avoit gueres moins de foixanre perfonnes. Un moment plus tard la catafrrophe eût été bien plus funefte plufieurs Princes & Prélats Romains Se des dames attendoient dans une chambre voiline que le fpecracle commençât v ôc étoient prêtes â entrer dans la falle. ' Cer événement affreux ne fit prefque' aucune fenfation d'ans Rome , les plai-firs n'en furent pas moins vifs \ on fe conrenra feulement de faire vifiter les maifons ôc les théâtres pour s'affurer de leur foliditc. Les planchers du Palais d'Allé ayant manqué', parce que les--poutres n'étoient pas infixées alfez avanc dans les nanti; Une famille entière , le pere, la mere & deux filles, dont une mariée, & fon mari y ^ périrent, de même qu'un Abbé Valenti , Avocat, connu par lbn mérite. Il mourut fans avoir été bleifé; mais le défefpoir le faifit fi prompremenr qu'il étouffa, à ce que l'on croit, dans les accès de la rage '9 car une jeune femme qui fe trouva à côté de lui, & qu'il mordit à la joue, périt de cette maladie environ quarante jours après, fans avoir aucune autre caufe de mort. Mais que penfer des gens dont je vais parler. La femme d'un Marchand & fon mari fe trouvèrent dans le même déiâftre , l'un à côté de l'autre. Cette femme ayant reconnu au taét que fon mari étoit mort, & fçachanr. qu'il avoit un billet de deux mille francs dans la poche, eut l'adreffe de le prendre , de même que fa bourfe , fa montre ôc tous les effets de quelque valeur , jufqu'aux boucles de fes fouliers. Ce lait elt très-certain , elle-même s'en vantoir. Un autre coquin, avant que de mourir, avoit volé à une jeune femme , fa bague , fon collier , fes boucles d'oreille, fa tabatière & fa bourfe , que l'on trouva &r lui lorfqu'on le retira mort. Le Marquis Spindll qui fe trouva dans cet horrible chaos, & qui eu forcit fans être bielle, difoit que fi on eût tardé encore quelque tems à le fecourir > il fentoit que fa force & fur-tout fa confiance l'abandonnoient, & le défefpoic. feul eût été la caufe de fa mort. Cependant il paife généralement pour homme ferme & de très-bonne tête. Le récit lidéle de cette aventure tragique , ferc à faire connoître le fonds du caractère, de ce peuple, & fur-tout fon intérêt qui l'emporte fur les fentimens les plus forts de la nature, & triomphe même des horreurs dune mort préiente. > 27. Après ces fpedacles brillans » ce-, . r5>m-nadÈ 1 • 1 ■ / , r- , • , , * ,'du Coûts. lui qui a 1 ordinaire mente le plus de curiofité à Rome , eft la promenade du cours les jours de dimanche & de fête ^ fur-tout quand le rems eft beau. On y voit toute la Ville de Rome raftembléc-chacun s'y étale de la façon qu'il croit la plus avancageufe pour s'attirer les regards du public. C'eft là où les Princes Romains viennent montrer leurs beaux équipages dans leur nouveauté. Mais s'il n'y avoir que la multitude des carrolfes qui fe fuivencà la file , le fped.icle f«r roit monotone & peu amufant , c'eft le peuple qui en fait tout le brillant, parce. f vj 204 Mémoires d'Italie. qu'il n'épargne rien pour s'y montrer dans fes plus beaux habits. Les femmes de cet ordre fur-tout font d'une vanité inconcevable : elles fe réfufent tout pour paroître à la promenade à pied, un jour de fête, avec une robe de louage qu'elles payent fort cher, précédées d'un valet aufîi de louage , qui marche devant elles le chapeau bas, pour leur faire faire place. C'eft une efpece de triomphe dont elles fe régalent feules, & dont le ridicule ne peur qu'amufer les fpeélareurs, car routes ces femmes font du plus bas étage , & connues de toute la ville. Mais comme elles fe méconnoiffent elles-mêmes fous la vieille robe dont elles fe font parées \ elles fe perfuadent qu'elles attireront tous les regards , qu'on ne manquera pas de les admirer , fur-tout û elles ont quelques agrémens dans la figure , & fi elles font d âge à conferver quelques prétentions. Elles tiennent à la promenade le plus long-rems qu'elles peuvent, & rentrent chez elle trèsfatis-faires, ne fongeant plus qu'au moyen de fe procurer le même plaifir le plutôt qn il leur fera pofîible. Ce qu'il y a de plus rare encore, c'eft que le mari tout en guenille, va de loin admirer fa chère moitié fous cette parure empruntée. La femme du plus mince Bourgeois craindroit de fe montrer à pied au cours, à l'heure de la promenade , •& de fe voir confondue dans la populace. Ainfi celles qui ont des moyens un peu plus étendus , fe mettent plufieurs enfemble pour louer un carrolfe , pour l'heure de la promenade feulement-, elles y fonr les premières , 5c n'en fortent qu'à la nuit j prolongeant le plaifir autant quel* les peuvent. Les hommes ne font pas tant de façon , ils vont à pied la plupart, comme je l'ai déjà dit, en habit eccléfialtique y ou celui qui eft le plus convenable a. leur état, & toujours le plus magnifique qu'il eft poifiblej car tel petit ouvrier, ou brocanteur d'effets de peu de valeur, qui d'ordinaire eft couvert d'un vieux manteau qui cache les haillons les plus fales, paroît les jours de fête à la promenade avec le vieux habit de velours ou galonné , 5c l'épée , ôc n'eft pas fâché qu'on le prenne pour un cavalier; tout ce peuple eft mêlé d'une quantité de Moines de toutes couleurs, de Pen-fionnaires des Collèges & des Séminaires en uniformes différens , qui varient le tableau & rendent le coup d'ceil plus piquant. Les fenêtres des maifons fonr 10Ô MÉMOIRES Er'ITA LIE; remplies de jeunes perfonnes qui tâchent de fixer les regards des p.ilfans. Ces dirférens- objets réunis ik. variés ,. font de cette promenade un ipeétacle , dont le moral eft tout aufti amufanc que le phyfique , qui quelquefois y eft infupportable , fur tout quand il fait chaud , ou qu'il y a beaucoup depouO-fiere. Alors on y étouffe , on a peine àr.diftinguer les objets de quelque dif-rance j inconvénient que l'on tâche de diminuer, en faifant atrofer la rue du cours , & celle qui conduit de la porr.e-du peuple à ponte molle, car en été on poutfe la promenade à près d'un mille au-delà de la porte. C^tte promenade eft encore une a Ce m-blée où tous les gens de connoiifance fe retrouvent , & (e faluent au moins s'ils ne peuvent fe parler ; car il arrive lotirent que les carrolfes s'approchent alfez , pour que l'on puiife prendre des arran-gemens pour la foirée. J'avoue que cette promenade m'a toujours fait plaifir, quoique j'aie vû plufieurs de ces agréables étrangers, qui croyent qu'il eft du bon ton de ne pas approuver les ufages particuliers de chaque pays -, trouver certe promenade aufti ridicule qu'incommode, & n'y être pas moins amV dus pour cela. La promenade publique dans les mois c'eft le rang où l'on fe trouve , la protection que l'on a, l'adreiTe à bien conduire une intrigue, & très-fouvent l'argent qui décident de la fortune &des places. Au refte c'eft ce qui fe fait par tout ail* leurs. J'ai ouï parler de tems, où des femmes du premier rang ont renouvelle avec éclat les feenes fcandaleufes des Meïïa-line & des Fauftme. On les a vues au fortir des Eglifes, dans les promenades publiques, devant tout le peuple, fe-reprocher publiquement & dans des termes que la populace même étoit étonnée d'entendre fortir de leur bouche, leurs défordres , fe difpurer la polfeftion , non pas d'hommes de leur rang , mais de muficiens, de chanteurs, de portefaix. Leur animoiitc croit (i grande, qu'elle» fembloienr prendre plaitir à s'infulrer réciproquement en public ; elles avoient porté les chofes au point, que ces fcenes ne paroilfoient plus nouvelles, quoique tout les jours elles foumilTent des anecdotes pour enrichir leur hiftoire. Les chofes ne font plus fur ce ton. Le tems a calmé ces fureurs, Il y a quelques defordres fecrets dont on parle. Mais le icandale n'eft pas public. Il femble que les mœurs veuillent prendre plus de décence. Le Saint Pere qui les a toujours eues très-pures, & le Cardinal neveu auquel on n'a aucun reproche à faire à ce fujet , &qui vivent dans la plus grande régularité, donnent un ton que l'on eft forcé de fuivre au moins extérieurement, & c eft à peu près tout ce que l'on exige. Plus de repréfenration que de réalité, plus de fuperficie que de profondeur, paroître plus qu'être; voilà le vrai fyftême des Romains. Ils ne s'en doutent pas eux mêmes j qui oferoit fe perfuader d'une vérité (i humiliante? Mais combien en voir-on fans éducation , fans connoif-fances & fans talens, qui, parce qu'ils font nés dans un rang diftingué fe regardent comme des demi-dieux, à la vérité de ceux d'Epicure \ qui ne s'embar- Rome. Première Part. 211 raffolent de rien, ôc qui nexiftoient que pour vivre dans l'oifiveté. IÎS font toujours frappés delà magnifique idée de Virgile, qui arrache l'empire de l'Univers à la dcftinée des Romains , ils fe croient nés pour gouverner le monde. Ce fimulachre de Capitole qui eft aujourd'hui l'Hôtel de ville de Rome & rien de plus, leur fait encore illulion } ils y retrouvent les ftauies des Scipions, desMarius, Silla, Pompée, Cefar, des Antonins, qui font d'un travail excellens, & qui doivent l'être pour repréfenter ces grands hommes, & conferver quelque étincelle de l'éclat dont ils ont brillé. .Quand ils entrent dans les falles où font confervés ces monumens précieux ils croyent fe rrouver au Sénat, ôc iis en fortent pénétrés d'une noble fierté qui les élevé au deflus du refte des mortels : s'ils paflent fous les Arcs de Tite ôc de Conftantin, ils croient encore triompher. Il eft vrai qu'ils jouitTent feûls de ces idées, on ne leur en difpute point le partage. Un jour que je regardois avec attention les refies du veftibule du Temple de la Concorde, où le Sénat s'alfembloit alfez fouvent; fous la colonnade , étoient quelques gueux qui demandoient Pau- mône, ici tout en efl: plein: Je dis & quelques Romains avec qui je me pro-menois, voilà où le Sénat faifoit attendre les Rois pendant qu'il prononçoit fur leurs deftinées : qu'en relte t il? Où eft l'oracle de Virgile? Et que doit-on penfer du Sénat, il ces miférables Tiennent aujourd'hui la place des Rois ? En pareil cas ils font les premiers eux-mè* mes à plaifanter,pourvu que l'on admire-leurs antiques, ôc que l'on convienne des beautés réelles qui font encore remarquables. En général ils s'y connoilfent peu , mais le fentimcnr d'admiration qu'excitent ces reiles de magnificence qu'ils regardent comme leur patrimoine, les flarre. Les femmes font plus .finceres à cet égard que les hommes. J'en ai vu fe promener parmi tous ces beaux monumens , écouter avec intérêt ce que nous endifions, ôc déplorer très-fincérement l'ufige où l'on eft de négliger fi fort l'éducation de leurs enfans. Elles ont raifon , les Italiens ont prefque tous de l'ef-prit Ôc de la pénétration , mais ils font habitués à une parefle fi forte , qu'ils n ont d'autre embarras que celui de paf-fer leur tems à ne Eien faire. R.oms. Première Part. 215 Entreianobleffe&lepeupleilya Bourgeofie un ordre moyen qui en eft tout à fait dii- de Roms, tingué, qui a fes uiàges, fes converfations . fes mœurs, c'eft ce que l'on peut flppeller la bonne bourgeoifie, qui tourne dans un cercle fort étendu. Elle eft compofée de tous les gens d'affaires de de finance, des négocians principaux, des banquiers, des plus diftingues des Curiaux ou Avocats, des entrepreneurs ou fermiers des douanes &c biens patrie moniaux de l'Eglife, de quelques Pré-fers qui font iortis de cet ordre & qui s'y retrouvent encore avec plaifir, quoique leur état les place au premier rang , des Eccléfiaftiques bénéficiers dans les grandes Eglifes de Rome, de de beaucoup d'Italiens , d'Efpagnols, dec. qui pourroient relier dans le premier rang s'ils le ju> ' geoient à propos, mais qui préfèrent la vie tranquille & particulière de la bourgeoifie. Cet ordre par-tout digne de-con-iîdération, n'en mérite pas moins à Rome qu'ailleurs.Quoique fa lantaifie foit d'imiter la Nobleiîe dans le fafte des équipages & des appartemens , que l'on y remarque le goût des tableaux, des marbres , & de mille autres inutilités de ce genre, que les femmes y ayent beaucoup de vanité j c'eft cependant où il y a le zi4 Mémoires d'Italie. plus de décence & de mœurs, d'intelligence ôc d'activité; c'eft là le centre du mouvement utile à Rome. On y voit des familles acquérir de grandes richefîes, ôc fe mettre en état de montet plus haut ôc d'arriver au premier rang, fi le mérite d'accord avec la fortune élevé l'un des leurs à la pourpre romaine. L'aifanceoù vivent ces gens , leur fair acquérir tous les jours quelque partie de la magnificence des Palais * dont ils décorent leurs maifons particulières. Souvent même ils mettent les grands dans leur dépendance , par le befoin qu'ils ont de leur argent; les plus fins fe foucient peu d'acquérir du crédit à pareil prix. Je les ai fouvent entendus dire ce qu'ils en pen-foienr. Ce que j'ai vu & éprouvé, c'eft que les fociétés de cet ordre onc beaucoup d'agrément, on y trouve plus de fran-chife ôc de vérité qu'ailleurs. C'eft-là en-coroKiù fe plaifent le plus les gens à talens diftingués,qui y font reçus avec les égards qu'ils méritent, fans avoir rien àeftuyec des hauteurs ôc de la contrainte où ils font avec les grands, plus en Italie qu'ailleurs, où la noble (fe du premier ordre ne defeend jamais de la fublimité de fon rang , avec fes compatriotes quelque mente qu'ils puiflent avoir. Si donc on peut reprocher quelqu choie à cec ordre, c'eft le gout d'imiter en tout la haute Noblelîe oc de faire en pure perte une dépenfe faftueufe , qui ne lui attire aucune confidération réelle: c'eft moins la faute des hommes que des femmes, que cette petite vanité occupe beaucoup. Toute cette bourgeoifiea le plus grand refpect extérieur pour route la haute no-bielle Se les grands ds la Cour de Rome ; Une vilite d'un de ces grands eft pour eux un événement forruué Se glorieux , qui ne s'oublie point, qui excite l'envie de leurs égaux, qui s'en vengent pat quelques pîaifanteries,en attendant avec impatience, qu'eux-mêmes en fournif-fent le fujet à ceux dont ils fe moquenr. Mais cela ne les empêche pas de vivre fort bien enrr'eux. 50. Quant au peuple ou plutôt à la p populace de Rome, c'eft un corps de Rome, toutes fortes de membres difparares, fortuitement raffemblés, qui n'ont d'autre relfemblance entr'eux que l'engourdiife-mentgénéral où ils font les uns Se les autres. Car il n'y a point, ou très-peu, de familles anciennement établies à Rome. Prefque tous les marchands Se lesartifans font étrangers. Le relie eft compofé en me Memoi-rés d'Italie. partie de la nombreufe quanrité de gens ■de livrée, de domeftiques, que l'on peut dire appartenir au public, c'eft-à-dire, au premier qui veut les louer, de gens de la campagne qui viennent s'y établir, 8c y faire le métier de portefaix ou de journaliers. Quand le Pape n'eft pas né Romain, chaque changement de Souverain y attire de nouvelles familles qui lui font attachées ,& qui viennent s'établir à la fuite de fa Cour, il femble que cette caufe feule devroit beaucoup augmenter la population. Cependant depuis très-long-tems elle s'y fourient à peu près fur le même pied. Ce qui prouve que cette ville n'eft entretenue que par les gens qui y ont affaire, tk point du tout pat une population qui lui foit propre. Dès que quelque caufe extraordinaire arrête le concours des étrangers , le nombre des habirans de Rome diminue fen-fiblement. Les démêlés de cette Cour avec le Portugal ont enlevé à la population de Rome fix à huit mille perfonnes, jÔc ont appauvri la ville de Rome de près d'un vingtième de fon revenu ordinaire ; car ce n'eft point Rome qui nourrit les étrangers qui y réiîdent, Ôc qui ne fout pas à la charité du public, ce font ces étrangers qui s'y entretiennent à leurs dépens. Je Je ne mets point au nombre de la populace de Rome, cetre foule de pèlerins & de mendians de routes les nations del'Europe,qui y abondent en tout tems, & qui y feroient encore plus nombreux, fi leurs dcfordres ne forçoient la Police de les expulfer de tems en tems. Les dif-tributions journalières qui fe font dans cette grande ville, & qui fuffifent à les bien noutrir, y multiplietoient à l'excès cetre race fainéante ôc inutile , û on n'y prenoir garde. On parle beaucoup de la charité des Hôpïaw; Orientaux j mais je ne crois pas qu'il y ait chez eux autant de beaux établilfe-ment pour les malades, les vieillards, tes infirmes, les incurables, l'éducation des enfans orphelins ou abandonnés des deux fexes, qu'il y en a dans toutes les villes principales d'Italie , ôc fut-tout à Rome où ils font extrêmement multipliés. La dévotion fréquente des anciens pèlerinages a porté la plupart des Nations Catholiques, à y fonder des hôpitaux pour leurs malades ôc leurs pèlerins. On ne peut rien voir de plus magnifique que le grand hôpital di San Spirito in. SaJJia^ pour le diftinguer des autres; il a le titre Archiofpedale. Il doit fon TomtP\ K * établiffement au Pape Innocent III en 1198, depuis ce tems, les Souverains Pontifes jufqu'à Benoît XIV, en ont eu un foin particulier-, fes édifices font très-vaftes , fes revenus immenfes & fervent à entretenir à L'ordinaire plus de deux mille malades &c tous les enfans trouvés que Ton y préfente. Il y a outre cela des hôpitaux pour les fc*ux. Les incurables, pour les différentes efpéces de maladies, les fractures 6c les plaies , pour l'extraction de la pierre, Se fi la Cour de Rome pouvoir fe perfuader que l'inoculation eft vraiment utile au bien de Fhumanité , qu'elle ne tend point à pré-venir les tems marqués par la Providence fur le fort des hommes, je ne doute pas que bientôt on n'y établit un hôpital à cet ufage . & féparé des autre» \ car quoique le climat foit très- tempéré à Rome Se dans tout le refte de l'Italie, la petite vérole y fait beaucoup plus de ravage qu'en France. Cet efprit de charité fi généralement répandu, qu'on peut le regarder comme celui de la nation , ne conduit cependant pas les particuliers , fur-tout parmi le f>euple. Ces gens ne femblent attachés es uns aux autres, que par les liens de l'intérêt, ou du plaifir j ils ne s'aimenç pas 5 ils ne fçavent point fe foulager réciproquement. On a vu des malheureux ifolés , tomber malades fubitement Ôc nioutir de mifere, abandonnés ôc fans fecours, fans que perfonne s'attendrit fur leur fort, & s'intéreffa même à les faire tranfporter dans un hôpital, où ils auroient été reçus ôc traités favorablement. Le voifin voit tomber fon voifin , 6c ne croit pas devoir le relever. J'ai ouï attribuer la caufe de ces mal-Heurs fi fréquens au peu de foin des Curés des Paroilfes , qui négligent la connoif-fance de leurs ouailles , ôc qui n'exercent pas à leur égard , fur-tout à celui des pauvres, cette police extérieure, dont la charité & la Religion même ont dicté les Loix. Il s'en faut beaucoup que cet ordre du miniflere eccléfiaflique foit aufïï bien rempli en Italie qu'en f rance. On n'y trouve pas de ces hommes pleins de l'el-prit ôc de la fcience de l'Evangile, qui par leur vigilance, leur zélé, 6V: leur charité vraiment paternelle , font autant d'honneur à l'humanité qu'à la Religion. Ceux de nos villes font connus; mais combien y en a t-ilà la campagne, dont i'éminente vertu eft ignorée hors des bornes de leurs Paroi (fes. Ce peu d'uBioa & de charité de la po- Kij pulace, a forcé en partie à multiplier les hôpitaux, & les autres établiflemens de charité , où le peuple trouve tous les fe-cours fpirituels & temporels, dont il manqueront s'il reftoit chez lui. En général tous les habitans de Rome & de l'Etat de l'Eglife, fur-tout de la Campagne & du Patrimoine , craignent le travailj il n'y a que la nécefîité feule qui les oblige à emploier leurs forces <5c à cultiver leurs terres; ce font les habi-rans de l'Abruzze & des frontières de la Tofcane,qui defcendent au printemsdans la plaine, & y font quelques ouvrages qu'on leur paie fort cher. Si on voit quelques payfans des environs de la ville travailler aveccourage, c'eft qu'Us s'ennuient de leur mifere , Se qu'ils veulent amaf* fer promptement quelque fomme qui les mette en état de venir s'établir à Rome : Dès qu'ils le peuvent, ils n'y manquent pas, & commencent par y faire quelque petit commerce , comme de revendre de vieux effets, métier commun à Rome, que l'on appelle Rigauieré, au moyen duquel ils comptent pouvoir vivre Se jouir tranquillement du plaifir d'habiter ïvome. Dès qu'ils y ont été quelque-tems, iîs fe croient de dignes defeendans du peuple Romain , ils en prennent tout Rome. Première Part. 121 l'orgueil ; ils ne vendent plus leur mar-chândifes que quand il leur plaît. Aux heures qu'ils deftinent à leurs repas, ils ne daignent par même répondre à ceux qui heurtent à leurs boutiques, & leurs ô-ifent de revenir à une autre heure ; il en eft de même lorfqu'ils font la méridia-na en été; avec cet efprit le commerce eft bientôt ruiné. Leur relfource eft de tâcher d'avoir un habit de livrée qu'ils achètent Couvent de ce qu'ils ont fauve du naufrage de leur petite fortune. Cette redource leur fournit à peine les moyens de vivre , mais ils ne font rien. Ils vieil-liflTent, le maître meurt; que feront ces prétendus Romains accoutumés à une noble oifiveté ? Ils deviendront voleurs ou mendians plutôt que de fe remettre à l'ouvrag?. Aulfi les rues & les Eglifes font pleines de cette efpece incommode. Les prifons regorgent de criminels, Sc-on ne fçait à quoi employer dans les-potts de l'état E:cléiiaftique la quantité de gens condamnés aux galères que l'on y conduit. Il n'eft prefque pas pofîïble d'imaginer qu'un Ecat compofé de pareils f ijets puiffe fublifter long-rems. Rome ancienne fuccomba fous le poids de fa propre grandeur, que les divifions inteftines 8$ les caprices infenfés de fes Empereurs la* rendirent incapable de fuporter. Si rems les Souverains Catholiques n'étoient pas intérelfés à conferver Rome moderne , fi elle n'étoit pas encore l'honneur & la gloire de l'Italie, elle éprouveroit quelque grande révolution, où elle ne joue-roit aucun rôle , ne pouvant plus ni fe nourrir elle-même, ni fe foutenir. Il eft étonnant combien ce pays dépérit tous les jours. Chaque année la population de la Campagne de Rome diminue, ôc l'agriculture décroît à ptoportion. Le faite des grandes maifons, les. Moines, & les étrangers, donnent un air vivant à Rome, qui ne lui eft point naturel, Ôc qui s'annéantiroit, fi la fource des ri-chelfes étrangères à Rome, qui y coulent v il ne fe fait qu'avec les étrangers. Mais il amené beaucoup d'argent comptant a Rome, fans y diminuer la quantité de ces monumens précieux qui embelliffent cette Ville , & y attireront toujours ceux qui auront le goût des beaux arts, & le défir de voir ce qu'ils ont produit de plus parfait dans tous tes genres. Les ftatues principales, les tableaux les plus célèbres n'en fortiront jamais que par des révolutions que l'on ne peut prévoir. Elles appartiennent au public ou à des maifons qui fe deshonoreioient en quelque forte en vendant ces richeffè* K v j célèbres dans tour l'univers, où elles fervent à les faire connoître autant que la grandeur de leur nom & de leur rang. Les productions fameufes des Artilles de l'Antiquité, feroient d'un prix immen-fe. La plupart de celles de Michel-Ange, de l'Algardi , de Jean de Bologne & du JRernin , feroient peut-être encore plus chères. Il eft très-rare à préfent de trouver des tableaux du Guide , du Guer-chin , ou des Carraches, quoique ces maîtres ayent beaucoup travaillé, & qu'il foit forti de leurs écoles une multitude de tableaux qui palfenr pour être de leurs mains. On n'en a de véritables qu'autant que les propriétaires trouvent le moyen de les vendre fecretement , en faifant fubftituer des copies aui originaux, précautions qu'ils prennent pour voiler l'efpece de honte qu'il y a de fe défaire de ces morceaux précieux $ ces marchés fecrets font ceux qui font les moins difpendieux. Les tableaux des peintres modernes 5 tels que Càrlo Maratta, Ciroferrl Giu-Jejtpc CAiari , le Pajfari , font d'un prix exceflif ; les Peintres vivans , & qui ont quelque réputation , ne donnent pas leurs ouvrages à meilleur marché. Et fi la. Peinture fe rétablilfoit a. Rome avec quelque fplendeur, les Atriftes s/y en-richiroient plus que nulle part ailleurs, parce que le goût des tableaux y eft généralement répandu, Sa que les étrangers iroient les y chercher, fans qu'ils le donnaffenr eux-mêmes la peine de faire tranfporter leurs ouvrages hors de chez eux pour en avoir le débit. Malgré cela il v a d'heureux hazards dans ce genre , fur-tout quand on a quelques connoiffances , &c que l'on ne fe lailfe pas éblouir par les éloges verbeux que les revendeurs font de leurs marchandifes, ni étonner par le prix exorbitant qu'ils en demandent. Avec eux il faut tout de fuite réduire les chofes à peu près à leur valeur , & au prix que fon veut y mettre, & fut tour fe conformer aux circonftances. Dans les tems de carnaval, de Pâques , & des fpectacles publics, ils font prelTés de vendre & ce n'eft qu'auprès des étrangers qu'ils peuvenr trouver de l'argent. Alors on eft harcelé par la quantité des marchands , & des effets qu'ils propo-fent à vendre, tableaux, médailles, pierres gravées , marbres , mofaïques, de£-feins , eftampes, on trouve de tout, il ne faut que fçavoir choifir & ménager fan argent,. En autre tems, ils ne font pas fi aifée en affaire , parce qu'ils fçavent fe priver & attendre que la néceflïté les force abfolument à vendre -, fai vu à la place Navonne un Marchand de ce genre qui avoit fait une fortune confiderable j quelques morceaux antiques , rares Se bien confer ;és qu'il difoir tirer de bonne fource, lui avoient donné la vogue , Se lui avoient procuré la vente de quantité de pièces contrefaites Se de peu de valeur, ce qui cependant l'avoit fort enrichi. J'ai vu Se examiné fes deux c ibi-nets où il y avoit peu d'effets remarquables. Les eifampes ne font pas chères à Rome , celles à l'eau forte font les plus précieu-fes. Le Piranefe a donné un beau recueil des vues de Rome, il n'a pas fi bien réulîi dans quelques comportions d'hiftoire Se dans les portraits qu'il a entrepris. Il pouvoit cependant palfer pour le meilleur Graveur de Rome, cet art s'y perfectionne tous les jours. La fculpwre fe borne à copier l'antique Se à quelques ornemens de décoration j il y a peu d'Artiftes à Rome qui puiffent fe faire un nom dans ce genre Se nos François depuis long-tems &ht en polTeflion de les furpaiTer $ aini Rome. Première Part. cette branche des beaux Arts eft de peu d'utilité à la Ville de Rome pour l en--richir. Les étrangers font plus curieux d'acquérir quelques bas reliefs antiques-ou des ftatues reftaurées, que des ouvrages modernes. La Librairie eft un commerce fort négligé & peu utile. Les-Italiens qui l'exercent, l'entendent mal ils ne connoilfent même pas le prix de leurs livres, & ne vendent que par fan-taille j tel livre qu'ils ont vendu un jour trois ou quatre fequins, n'eft payé le lendemain , qu'un ou deux. Souvent on trouve les livres les plus rares à très-grand marché. Il faut cependant en excepter les ileurs Bouchard ôc" Gravier , Libraires François, établis au cours y mais qui font plus de commerce avec les Etrangers qu'avec les Romains. Toutes les denrées de confommation ordinaire font abondantes à Rome, d'excellente qualité & à un prix très-médiocre , plus pour les Etrangers que pour le Peuple : car l'habitant de Rome qui n'a aucune provision chez lui, eft obligé de tout acheter du détailleur , ce qui lui devient fort onéreux à caufe de la variation des prix. Er comme il vit au jour la journée , Se dépenfe autant qu'il a la facilité, de trouve* tgut de, fuite ce qui lui convient, l'engage fouvent à dépen> fer plus qu'il ne devroir.-Ces détailleurs font établis dans tous les quartiers de la Ville,où ils vendent à toute heure les comeftibles, cuits 6c préparés. Le vin eft ce qu'il y a de plus médiocre , & cependant ce qui abonde le plus j car tout ce qu'on appelle vignes ou maifons de campagne dans les environs de Rome, eft effectivement planté de vignes pour la plus grande partie. Les fruits n'y manquenr pas, il y a des grandes plantations , d'oranges, de citrons, Se même de cédrats qui les rendent très-communs-, les grands jardins de l'intérieur de la Ville, en fourniffent prefque allez pour fa confommation; les oranges y font d'une qualité inférieure à celle de Naples & de la côte de Gênes. Le jardinage en tout tems y abonde , y eft de bonne qualité, & d'une grande ref--fource pour la nourriture du peuple. Ce peuple à l'ordinaire vit très-frugalement , & d'une manière à ne pouvoir pas fournir à un grand travail j il aime toutes les boitions chaudes & les préfère au vin & à l'eau-de-vie, qu'il trouve trop violente & trop active. Avant que de commencer fon ouvrage il va dans un caffé & prend une taflè de cette boiiTon , ou plutôt de quelqu'autre graine brûlée qui fait une décoction noire & amere ; communément pour épargner fon argent, ou parce qu'il n'a pas de quoi faire mieux , il la boit fans fucre r mangeant une croûte de pain qu'il tire de fa poche 5 le régal n'eft pas grand , mais il a un certain appareil qui fatis-fait la vanité du plus miférable habitant de Rome. Dans les commencemens de mon fé-jour dans cette Ville, j etois fort éronné d'entendre des femmes du plus bas étage , fe demander réciproquement le matin fi elles avoient bû leur chocolar. Un tel luxe ne me paroilToit pas s'ac-eorder avec toutes les apparences de la mifere^ mais ce n'eft entre elles qu'un propos de convention qu'une voiiine tient à fa voifine, pour fe donner un air de magnificence dans l'efprit d'un étranger qu'elle voit palfer , & à qui elle eft bien aife de donner l'idée d'un bien-être dont elle ne jouit pas. Il en eft de même de la fantaifie qu'onr les jeunes remmes & filles de cet état de fe montrer à leurs fenêtres, les cheveux en papillottes , fans doute pour fe préfenter fous un air important, &c~ faire croire , fi elles le peuvent, qu'elles font priées *54 MÉMOIRES d'ItALI2. à quelque fête ou à quelque afTemblcé" ds coniéquence : mais tout fe borne à montrer les papillottes aux paffans. J'en ai obfervé plufieurs dans les quartiers où je paifois le plus fouvent toujours a leurs fenêttes, la tête chargée de papillottes , dans le deshabillé le plus négligé & probablement fans chemifes; car la toile étant fort chère à Rome , on ménage beaucoup le linge, & il n'eft pas toujours d'ufage d'en porter. C'eft une chofe dégoûtante de voir même desgenS de diltinéfeion, vêtus magnifiquement, avec du linge très-fale. Dans le peuple la plupart des hommes ne portent que des bouts de manche, aulîi malgré la douceur du climat, les Romains font toujours exactement boutonnés. Toutes les femmes du peuple font glorieufes, volontaires &c fainéantes, ce qui eft occafionné, & par la folle jaloufie de leurs maris qu'elles fe plaifent à tenir en inquiétude, quoiqu'elles en fouffrent les premières, & par la facilité qu'elles ont de trouver des dots pour fe marier. A toutes les fêtes folemnelles on fait des diftributions de dots aux f>auvres filles, foit pour fe marier félon eur goût, foit pour prendre le voile & l'habit de religion j celles qui font def- tinces à l'Etat Religieux, font voilées & couronnées de fleurs ; les autres font habillées à l'ordinaire. La plûparr de ces filles ont été élevées dans les conferva^ toires, où elles font plus accoutumées a la fainéantife qu'au travail, difpofi-tion qu'elles coniervcnt & qui eft entretenue même par leurs maris, dans les commencemens du mariage, où la dot fe confomme noblement, & fans que l'on fonge à en faire aucun profit, Ces gens comptent pour leurs enfans fur les relfources qu'ils ont trouvées eux mêmes. Ainfi ces établiffemens de charité fi admirables en apparence, ont leur inconvénient en ce qu'ils perpétuent la fainéantife. Il y a plaifir à entendre parler les femmes entr'elles , leur langage eft affez pur, elles ont une forte de politeffe & de plaifanterie qui leur eft particulière & toujours d'ufage. Quantité de maris de cet ordre font ttès-jaloux , tk il arrive quelquefois des fcenes fanglantes qui n'ont aucune conféquence, fur-tout fi le mari peut prouver qu'il a averti la femme & le galant de finir un commerce qui lui déplaifoit, ou qu'il a puni les coupabUs trouvés en flagrant délit.-Les familles établies à Rome très-ancien- ij£ Mémoires d'Italie. nemenr, font, dit-on, plus fujettes à cette manie eue les autres. Coortifanej Les courtifannes ne font point fouf- Eini Rom":fer^ â Rome> bien }oin d'y ctre au-AfTaffinatifrc-torifées, comme on fa écrit. Dès que ^UCû5* le Gouvernement s'apperçoit que quelque fille tient une conduite fcandaleufe, il la fait chaifer de la ville, ou enfermer dans une maifon de force. Cetre loi s'obferve avec exactitude. J'ai été témoin de la permiflion que le Barigel vint demander à un Miniftre étranger , pour enlever dans fon voifinage & fa fran-chife . quelques filles qui s'y étoient raf-femblées dans l'efpérance d'y vivre plus librement. Ainfi on obvie autant qu'on le peut à ce que le défordre foit général ; on empêche qu'il n'y aitdes lieux publics de proftirurmn , au moyen def-quels l'efprit de libertinage fait des progrès plus rapides par la facilité que l'on trouve à s'y livrer (a). f.) D'après cet expofé conforme en tout à la vérité, on doit ;ugcr combien (ont peu fidèles les p.étcnducsobfèrvationsdequelquesEctivains très-modernes, qui n'ont pas rougi de dire que les filles qui veuillent s'abandonner au public, vont faire une forte de profe.Tion devant le Car. «final Vicaire, en difant qu'elles veulent Far' Uvorare il terreno. Cet plaifauterie que Milfoa Rome. Pr^i ère Part. 257 Ce n'eft pas que les mœurs foient plus pures à Rome que dans les autres Villes de l'Italie. A en croire les gens qui fe difent au fait de la chronique fecrette & fcandaleufe , il y a rant d'intrigues particulières & connues , la gazette journalliere publie rant d'aventures, que toutes les précautions que l'on prend ne tendent qu'à diminuer la publicité du fcandale. En général ce peuple eft vif & impétueux dans fes pallions , les obftacles ou la jalouiïe le rendent furieux; il ne fonge plus qu'à les furmonter en les anéantiffant. On voit des gens du plus bas étage le poignarder mutuellement avec la réfolurion la plus déterminée. Ils nc fçavent pas fe battre autrement. Ils femblent qu'ils craignent plus les gour-mades que le ftilet. Dans ces fortes d'oc-cafions chaudes, ils commencent par fe couvrir réciproquement des injures les plus piquantes. Ils font à ce fujet d'une éloquence iinguiiere. Il femble alors que tous les traits de leur vifage fe démontent à chaque inftant, & quecha- même n'auroit pas adaptée, n'eit fârement connue à Rome que du plus bas peuple, fi routes lois elle en çft connue. que injure excite en eux , une paflion nouvelle , tant les changemens y font fubits. Quand le fang eft à un certain degré de fermentation, alors le plus irrité porte la main au ftilet, qui ordinairement eft un couteau long & pointu fans relfort , avec une efpece de garde* Comme pendant le dialogue qui précède lacataftrophe, ils font nés à nés, & s'obfervent avec attention , aucun de leurs mouvemens réciproques ne leur échappe , ôc ils ont le ftilet à la main en même-tems. Celui qui frappe le premier eft ordinairement le vainqueur, ôc s'il n'eft pas blelfè, il fe rerire tranquillement le nés dans fon manteau , avec autant de flegme que s'il for toit du plus grand recueillement. Les fpecta-reurs portent le blelfé à un Hôpital , ôc rourefl fini , à moins que par aventure, il ne fe trouve point d'Eglife dans le voifinage, ôc que les Sbirres ne foient là pour mettre la main fur le collet du coupable. Ces fortes de fcènes fanglan-tes font très-communes à Rome, il en arriva au moins vingt depuis le mois de Décembre 1761 , jufqu'au mois de Mai 176a. En pafîant à la place delà Rotonde, je vis deux payfans qui fe querelloient réciproquement, Ôc dans Rome. Première Part, aj^ l'inftant même il y en eut un d'aftaiîiné, (ans que cet événement caufât une rumeur extraordinaire dans la nombreule populace qui y étoit. Plus j'ai examiné ce peuple , ôc plus je me fuis perfuadé qu'on devoir rapporter la caufe de fa cruauté à fa foibleife , & à fa poltronnerie. Dans le tems de la Malaria, au mois de Juillet ôc d'Août, le Gouvernement ne fait prefque aucune attention au coups de ftilet, on les regarde comme un effet forcé de la fermentation où eft alors le fang. Ce qu'il y a de plus affreux, c'eft que les femmes même en viennent en-tt'elles à ces excès d'horreur. Le Jeudi Saint de iyCfo, deux femmes avoient eu une vive querelle , ôc s'ctoient reprochées publiquement des aventures fecre-res ôc piquantes. Celles que les injures avoient fans doute plus vivement offen-fée, alla la veille de Pâques dire à fon advcrfaire que dans un n faint tems il falloir fe reconcilier & ne point conférer de rancune. L'autre qui étoit de bonne foi y confentit , ôc accéda à la propofition qui lui fut faite d'aller boire un verre de vin en ligne de reconciliation. Elle avoit un petit enfant fin? Us bras. Pendant qu'elle buvojt, celle *4° Mémoires d'Italie. qui l'avoir, invitée lui enfonça un couteau dans la gorge & la tua fur le champs Il y a peu d'exemples d'une vengeance auifi horrible , & exécutée de fang froid. Cette aventure fit grand bruit dans Rome ; la coupable qui tout de fuite s'éroit réfugiée dans une Eglife , en fut enlevée & conduite en prifon. Avec cet humeur barbare & fangui-naire , on croiroit que ce peuple ne craint pas la mort, mais s'il fçait voir tranquillement tomber fon voifin fous le poignard, qu'il lui enfonce dans le fein , s'il ofe s'empoifonner, fe précipiter même dans un accès de fureur : il fçait rarement fe déterminer à voir avec quelque réfignation, la morr qui s'approche à pas lents. Sur tour s'il n'eft pas accablé, ou tellement affoibli par la maladie, qu'il n'ait prffque plus de fenti-ment. Le il Février 1762, jour auquel commença à Rome la folemnité du carnaval, le peuple eut pour premier fpec-tacle , l'exécution d'un homme de la Marche d'Ancone, condamné à être pendu pour avoir alfafîinéune fille dont il avoit abufé. Il ne pouvoir pas fe déterminer à mourir, & pour retarder le moment de fon fupplice a il ne vouloit donner donner aucune marque de repentir j car dès qu'on lui eut annoncé fa ientence de mort, il entra dans une fureur extrême , ôc fa frayeur devint enfuite G vive qu'il s'évanouilfoitd'inftans à autres ; enfin fatigué par fes propres convulfions , ôc peut-être réfigné , il fe conlelîa ôc fut pendu, après avoir été plus de douze heures dans un état terrible d'agitation. Il eft très commun de voir des criminels mourir dans des fentimens de fureur Ôc d'impcnitence portés à l'excès j & c'eft fans doute ce qui a rendu aux Romains, même à ceux du premier rang , la mort violente d un homme ôc fes mouvemens, lorfqu'on la lui annonce , un objet digne de leur curiofité. L'ufage eft d'inlfruire les criminels de leur arrêt de mort, à minuit du jour qu'ils doivent être exécutés. Alors la prifon eft pleine de gens de tout état qui y paflent la nuit, fans autre intérêt que celui d'examiner le condamné , d'être témoins de fa fureur, de fa réfiftance, de fon défefpoir. Plus fes mouvemens font tort ôc violens, plus ils font fatisfaits, oc ils ne le quittent qu'après qu'il a été fupplicié. En général ce peuple aime les fpeétacles de fang où le lien ne court aucun rifque, On en peut ju ger par la Tome y. L * 242 Mémoires d'Italie. forte de paifions qu'ont les femmes même du premier rang , d'aller dans leurs promenades nocturnes de l'Eté , chez les bouchers, voir tuer les bœufs, dont elles fe plaifenr enfuite à examiner les entrailles palpitantes. Ce malheureux dont je viens de parler , pris fur le fait, ne put nier fon crime, & jamais il ne put en donner d'autre raifon, que la fanraifie de fe dé-fearraifer des inltances de la fille, qui lui demandoit quelque argent, fans même avoir eu recours à la juftice pour l'y contraindre. Il eft difficile de concevoir quelque chofe à la violence de la pafïîon des peuples d'Italie. Ils onr une efpece de méchanceté qui leur eft propre , elle n'a point de degrés ni de tems pour éclater. Ils femblent palfer du fein de la tranquillité même à des excès de fureur qui les rendent capables des aérions les plus déterminées & les plus noires. Il eft vrai que cette fureur ne fe montre jamais'avec plus de fracas que quand ils font perfuadés qu'ils feronr les plus forts, & que rien ne les empêchera de fatis-faire leur vengeance. Car malgré rout ce que je viens de dire, jl n'y a point de Ville au monde où les étrangers vivent auifi tranquillement ôc avec plus de sûreté qu'à Rome. Le peuple, a pour eux une forte de refpecl: fondé fur l'idée de leur force , Se la crainte d'en reffentir les effets. D'ailleurs le gouvernement intérelfé à maintenir la police rranquille *de la Ville, les pourfuivroit plus vivement pour une injure faite à an étranger, qu'à un Romain. Quoiqu'on aille beaucoup pendant la nuit , que les rues ne foient point éclairées , il y a toujours de l'ordre Se de la tranquillité, on entre aux fpectacles , & on en fort fans aucun fracas. Il m'eft arrivé quelquefois , allant à pied pendant la nuit , d'appercevoir dans des coins obfcurs quatre ou cinq hommes , quelquefois plus, le nez couvert du manteau, les uns à côté des autres , collés droits contre le mur , comme des Soldats que l'on forme. Cette rencontre m'étonna d'abord \ mais en ayant trouvé d'autres Se dans la même pofition , enfin je fçus ajue c étoient des gens de la lie du peuple, des artifans qui fe ralfembloient dans leur voifinage pour faire entre eux une efpece de converfa-tion à voix très-balfe , obferver ceux qui paifbient, refter enfemble dans une LiJ $44 Mémoires d'Italie. inaction qui avoir pour eux de l'agrément. Ces gens pouvoienr bien erre encore des efpions du Gouvernement. Un Italien qui rumine aux moyens rie vivre fans rien faire , ou qui lâche au moins de palTer le plus de tems qu'il lui eft poflible dans l'inaction , ne reftemble-t-il pas un peu à un fauvage blotti contre fa cabane ou au pied d'un arbre qui n'eft occupé qu'à digérer la viande qu'il a dévorée à moitié cuite ? au moins n'eft-il pas un fujet auiîi curieux d'obfervation ? Tranftcve- Les Traufteverins habitans du Bourg ou partie de Pvome fituce au delà du Tibre , appelîée autrefois Cité Léonine , du nom du Pape St. Léon qui fie en-rourrer de murailles le Mont Janicuie £t tout le coté du Vatican, font beaucoup plus vigoureux tte. plus entrepre-nar.s que les Romains de l'autre côté du Tibre. Je ne fçais fur quoi fondés, ils prétendent dcïcendre des anciens Romains. Ce qu'il y a de certain , c'eft que ce peuple eft difficile à gouverner. Souvent il s'eft révolté conrre les Souverains Tournes qui ont été obligés de traiter,;avec lui, cV de lui accorder des privilèges ; 'aujpurd hui encore ils fe prétendent fi bien libres , que, quand il arrive qu'un Tranfteverin a quelque démêlé avec la Juftice , il faut que les Sbirres ufent de grandes précautions pout exécuter les commiffions dont ils iont chargés contr'eux. Hommes & femmes de ce quartier, font forts ôc réfo-lus, ôc au plus petit mouvement ils fe révolteroient s'ils avoient un Chef. On les a vfi faire des ligues avec les habitans des campagnes voifines , ôc fe rendre formidables au Gouvernement. Ils continuent d'être la terreur des Sbirres qui n'ofent pas paroître devant eux, parce qu'ils les regardent comme leurs ennemis déclarés , fur lefquelles ils exercent leur vengeance des qu'ils en trouvent l'occafion ; fouvent ils en tuent ; les femmes fe contentent de les jettec dans le Tibre. Comme ces défordres ne fe commettent que par des gens attrou--pés, le miniftere eft toujours embarraflé pour les réprimer ôc punir les coupa^ bles , d'autant plus que les Sbirres ayant ete long-tems fans avoir aucune marque extérieure qui pût les faire reconnoître y. les Tranfteverins fe tiroient d'affaire en jurant qu'ils avoient été infultés ôc attaqués par des gens inconnus , ôc qu'ils' L iij, «4* Mémoires d'Italie, s'étoient légitimement défendus (a), C'eft fans doute ce qui a tout nouvellement engagé le Gouvernement à donner tin uniforme aux Sbirres. Ceux à pied ont l'habit bleu celefteavec les paremens Ôc la verte rouge j les Sbirres à cheval ont également f habit bleu, avec les pa- (a) Rome a fa Milice bourgeoife diviiec en autant de Compagnies qu'il y a de Quartiers St qui ne marche que dans les occafions les plus folemnelles, Se fort rarement. Les Compagnies tranfteverinesfe regardent comme fort fupérieu-xesauxautres,qu'ellestraitent de canailles îaifem-blces dans le rebut du refte de l'Europe. En quoi elles n'ont point abfolumeut tort ; la plus grande partie de ces Tranfteverin s font Jardiniers, Laboureurs, Vignerons, & s'eftiment comme les defeendans des premières Tribus de Home, de ces Tribus ruftiques, qui dans les Jbeaux tems de la République avoient tant de «onfidération, que lesplus illuftresdesRomains tenoient à honneur de s'y faire aggréger. C'eft fe témoignage que leur rend Varron, 1.1. De re iufticâ. Firimagni majores noflri^ non fine eau fi prœponebant rufiicos Romanes urbànis, ut ruri enim qui in villa vivunt, ignaviores quam qui in agro verfantury in aliquo opère facitndo, fie qui in oppido fedent, quam qui rura colerent defidiores putabatu.... Pline n'en parle pas avec moins d'égards. 1. l8 c. 3. difti/iÛio, honojque civitatis non aliundc eraty Rufiicte Tribus lauda-tiffïmœ erant. Urbanœ viro in quas transferri y ignominie effet} defidiœ probro. remens & la vefte jaune. Ils parurent dans cet uniforme à l'ouverture du carnaval de 1764. 34. Si le Moral de Rome préfente Cuite fctf» un ipeûacle Ci peu fatisfaifant $ que UJewâRÔÏ* culte extérieur v a de magnificence & de Monade Pifc-Jolemnitel On na rien épargne pour lon le r tc gL, donner aux temples confacrés au fervice tiaque. Rdi' du vrai Dieu , ck aux adt es de Religion , tous les Cardinaux y viennent en grand habit rouge accompagnés de leur maifon. La cérémonie eft terminée par. la bénédiction du St Sacrement que donne l'un d'eux. Il eft d'ufage d'entretenir dans ces Eglifes pendant une partie du matin Se de f après-dîner, une très-grande mufique , dont la curiofiré & l'aftluence du peuple fait un fpectncle profane, car il ne s'occupe que de la mufique, & falue à peine en entrant l'Autel principal où le Sr Sacrement eft expofé, Se la foule y eft ft grande qu'il eft prefque impcfiible que la décence s'y conferve. En général, par- tout le culte extérieur eft d'une magnificence frappante , Se qui devroit élever lame à fon augufte Auteur, fi on étoit moins fenfible au fpec-tacle qu'à l'efpritmême du culte. Par-tout on verra encore que l'ufage des Sacremenseft très-fréquent. Les Pénitenciers à St Pierre, à Ste Marie Majeure, & à St, Je-fn de Latran p ne quu> t$4 Mémoires dTtaete. tenc pas leurs Tribunaux. Les Réguliers des différens Ordres fe livrent au befoin1 des peuples avec un zélé admi table. Tout-ce fpeétacle ne peut être que très-édi-fianr, mais il ne fe fait remarquer qua> l'Eglife, & dans le tems même des actions les plus faintes, le fruit en paroît entièrement réfervé, & borné pour ce rems. On peut voir ce que j'en ai déjà dit dans les Obfervations générales du difcours préliminaire. Il y a des établilTemens de piété ou cérémonies annuelles faites exprès pour contenir le peuple dans des fentimens de religion, les jours même où il eft le plus fujet à fe livrer à des excès de diiîï-pation &c de débauche-, la grande dévotion du Jeudi Saint eft de viliter les fept Eglifes Nationales de Rome, qui font St Pierre , Ste Marie Majeure , St Jean de Latran , St Paul hors des Murs, Ste Croix de Jérufalem, St Laurent hors des Murs , & St Sébaftien; comme elles* font foit éloignées les unes des autres, il faut ou s'y prendre de bonne heure, ou employer prefque toute la journée à faire ces Stations, qui font de plus de quinze millesde chemin que l'on doit faire a pied. Ceux qui les entreprennent promettent aufli de ne pas fe mafquer pen- Rome. Première Part 25$ dant le carnaval. En conféquence pour ralfembler tous ces dévots îtationnairea^ & donner au peuple un fpeélacle édir fiant, & qui lui fut de quelque utilité, St Philippe de Nery qui avoit établi les Stations , fonda en mème-tems un dîner pour cinq mille perfonnes, que j'ai vu fervir de la manière fuivante. On avoit choili pour cela les Jardins, de la Villa Mathti : on donne dans chacune des Eglifes aux ftarionnaires, un billet qui prouve qu'ils s'y font préfenrésf, ils remettent ces billets à la porte de l'endroit où ils doivent dîner avant que d'y entrer. Ils s'y rendirent tous à peu près à la même heure, environ midi. Tous les efpaces vuides du Jardin Ma-theî, étoient remplis d'une multitude de cannes plantées en terre , chacune traverfée d'une bande de papier de différente couleur, qui fervoit à marquer les divifionscY l'ordre du fervice. En entrant chacun lave fes mains à une grande fontaine qui eft à la porte principale. Delà ils vonr fe placer rrois enfemble autour des cannes donr j'ai parlé. Car on imagine bien que pour pareil repas ft n'y a ni table ni lièges. Ils font tous fervis également & des mêmes chofes. Le fervice fe fait à chaque canne, dans une i qu'ils mettent en état de foutenir leur commerce dans les pertes qu'ils peuvent faire par accident. On m'a allure que les effets ne s'y perdoient jamais, & y étoient confervés avec foin dans de grands ma-galins qui occupent une partie du bâtiment ou Palais où fe tient le Mont de piété > au quartier ds laRegola \zns\c voifi-nage du Tibre, il faut voir la Chapelle de ce palais revêtue de beaux marbres,&deco-rée de ftatues 6c de bas-reliefs dont le plus beau eft celui qui repréfente Tobie recevant fon argent de Gabelus. Il eft de Legros fculpreur francois. C'eft ici le lieu de parler d'un lèrvice folemnel que j'ai vu faire par des Religieux Syriaques Maronites, qui ont un Collège à Rome 6c une Eglife de Saint Jean Baptirte, dans le quarrier de Trevi, au-delfous de Momt Cavalli. Le fervice fe fak iout-à fait dans le rit fyriaque; ce qui n'arrive que rrois fois l'année, les jours des Rameaux, de tv. Jean-Baptifte, & de St Maton Abbé, Inftituteur de cet ordre Religieux. Le Prêtre couvert d'une chnppe, entre a l'Autel, accompagné d'un Prêneaflif-tant, du Diacre 6c du Soudiacre revêtus de tviniques à manches ferrées, qui def-ceudent jufqu'aux. talons, 6c font ratra* 36o Mémoires d'Italie. chces d'une ceinture,. Après avoir ôté la chappe au Célébrant, on lui donne a laver, enfuite il commence à chanter des prières qu'il continue en s'habillant des ornemens à l'ufage de l'Eglife Romaine dans la célébration de la Meife. Il met le vin & l'eau dans le calice, fait beaucoup d'encenfemens ôc de bénédictions, & defeend au bas de l'Autel, où il m'a paru qu'il faifoit fa confeiiion. Comme rout ce qui fe chante & fe lécite eft en fyriaque ou chaldaïque ; je n'ai rien compris qu'aux Amen & aux Alléluia qui font très fréquents; le livre refte toujours du côté de l'Evangile. Le Célébrant & l'Affiliant ne ceifent d'y lire & d'y chanter. Les encenfemens , & les bénédictions fe répètent fouvent. Le Prêtre chante l'Evangile dont le livre eft pofé fur un pupitre, tourné du côté du peuple. Après quoi le chant du chœur &z des Prêtres recommence. Le chœur eft formé par quelques jeunes Clercs Maronites, qui ont à leur tête un maître de chant qui les dirige. Ils ont tous fur l'épaule gauche un efpece d'école. Enfin vient le moment de la Confé-cration , dont les paroles fe chantent avec un .accompagnement d'inftrumens antiques d'airain, que font raifonnet les- jaunes Clercs Maronites, & qu'ils con-duifent avec précifion; car on fent qu'il y a dans leur chant une mefure marquée. Ces inlfrumens font de petits boucliers que l'on frappe en mefure l'un contre 1 autre, & qui rendent un fon fort aigu, des cimbales ou efpeces de tambour de bafque garnis de grelots , emmanchés ou attachés à une pique , furmontée d'un Petit étendard taillé en flammes, & que ' on fait raifonner en frappant de la main fur le manche même. Le Timpanum qui relfemble à une coupe de méral, ou « l'on veut au timbre d'une groiïe pendule, fur lequel on frappe en melure avec un petit marteau, de dont on tire différens fons, fuivant l'endroit ou la force avec laquelle on frappe. Cette mufique finguliere, tk que la cérémonie à laquelle elle fert rend ma-jeftueufe, fe répète à l'adoration qui fe fait long-tems après la Confécration, 6c" à la Communion qui fe fait à deux fois , Je Prêtre ne prenant que la moitié des efpeces à chaque fois, avec un intervalle de prières & de chants allez con fidé-rable. La bénédiction des Palmes fe fit après & fur fuivie d'une proceflion , pendant laquelle la muiique fut continuelle. La manière de fe fervir de ces inlfru- i6i Mémoires d'Italie. mens, & leur forme, fut aifémenr reconnaître leur origine dans la plus haute antiquité î mais en vieillilfant ils fe font bien annoblis. Ce Collège des Maronites a été fondé en IÇ84 par Grégoire XIII, qui y attacha des revenus lurfifans pour élever quinze jeunes Syriens, qui vont faire leurs études au Collège Romain. Pendant ce tems ils font promus aux Ordres facrés, quelques-uns même fonr élevés à l'fpif-copat, & retournent enfuite au Mont Liban, où eft leur établilfement principal en Syrie, 6c où ils confervenr le dépôt de la foi dans fa pureté, parmi les Schifmatiques 6c les hérétiques Nefto-riens 6c Jacobites dont ils font environnés. Je dois dire quelque chofe du culte folemnçl des Reliques, & de l'authenticité de celles que l'on tire des catacombes, ou cimetières des Martyrs. Quiconque a vu ces monumens refpecrables dont je parlerai plus en détail à l'article des édifices principaux de Rome, ne doutera pas de leur ancienneté. Les tombeaux des premiers Chrétiens ne relfem-blent en rien à ceux de 1 anriquiré profane ; ainfi il n'eft pas poflible de les confondre. Plufieurs de ces rombeaux revêtus d'infcriptions & de dates , ne lailïent aucun lieu de douter de la vérité des reliques précieufes qu'ils renferment. On y trouve les marques caraétériftiques du martyre des Fidèles j fouvent même les inftrumens de leurs fupplices : des éponges teintes de leur fang, des fioles dans lefquelles les premiers Chrétiens le ramalfoient, ils ne vouloient rien perdre des précieux reifes de ces héros de la Religion. Ce font là les marques auxquelles on reconnoît les reliques des Mattyts. Les corps qui n'ont ni inferiptions, ni marques de marryre, relient dans l'endroit même où ils avoient été d'abord placés & on ni touche plus. Je parle de ce que j'ai obfervé avec attention. Il faut ajourer encore que Pon ne di£ tribue ces reliques qu'avec les plus grandes précautions, & à ceux feulemenr qui font cenfés devoir en faire un bon ufage. Ce font les Prélats les plus refpectables de la Cour de Rome, qui fonr chargés de cette diftribution. Les témoignages les plus folemnels affurent qu'elles ont été tirées des dépôts facrés où on les con-fetve. Que l'on voie avec quelles attentions & quel refpecl; on en alfure l'authenticité : cette quantité de fignatures »54 Mémoires d'Italie. & de fceaux mis exprès pour empêcher qu'on ne les multiplie, Ôc qu'on n'en fubltitue de faillies aux véritables. Toutes ces fages précautions devroient en im-pofer à l'incrédulité même, Ôc donner au moins aux reliques la même autorité qu'ont tous les auties monumens de l'antiquité qu'ils ne révoquent point en doute. D'autant plus que l'intérêt feul de la religion engage la Cour de Rome à féconder la dévotion des Catholiques qui demandent ces reliques ; car tout fe fait gratuitement dans ces occasions, il n'y a abfolument aucun droit à payer, quelques légers qu'on les imagine- ôc fous quelque prétexte que ce puilfe erre ; le fcrupule, dans ces derniers teins, a été porté jufqu'à prononcer la peine d'excommunication contre ceux qui exige-roient ou recevroient la moindre rétribution. Les parcelles du Bois de la vraie Croix, moins multipliées que les reliques , le font cependant encore allez pour donner ces foupçons à ceux qui ne jugent des chofes que fuperfîciellement , ôc qui s'imaginent que cet Arbre Sacré n'a pas pu fournir à tant de reliquaires; mais qu'ils examinent le peu que l'on en accorde à la dévotion des Fidèles, Ôc ils verront verront qu'il pourroit y en avoir beaucoup plus fans que fou pur douter de leur vérité. D'ailleurs on a la plus grande peine à en obtenir àpréfentà Romf, il faut de la protection 6c du crédit pour Cn avoir. Je fçais qu'il s'eft fait des fraudes dans ce genre, mais elle ne fonr jamais venues de la part de ceux qui ont le foin de ces dépôts, 6c ces reliques fuppofées ne font pas revêtues de leurs authentiques. Au refte ce n'eft pas à nos jours que les hérétiques ont commencé a attaquer la vérité des reliques 6c la légitimité de leur culte. Vigilantius hérétique né dan* la Gaule Narbonnoife, au pied des Pi-rennées, ofa s'élever dans le quatrième fiécle contre cet ufage pieux. On peut voir dans le petit Traité que St Jérôme écrivit contre lui, avec quelle force il rend témoignage à la foide l'Eglife fur ce fujet. Elle n'a pas changé depuis ce tems, ï-a croiance a toujours été la même ; ainfi les armes qui ont terraffé Vigilantius , ont *a même force pour vaincre ceux qui Marchent fur fes traces. Tous ces différens objets raffemblés, w générofîté avec laquelle le peuple le plus interrelfé de l'Europe, 6c le plus pareireux, donne jufqu'à fon néceflaire Tome * M p»our entretenir le culte religieiix dans la lplendeur qu'il doit avoir, me paroiffenc une nouvelle preuve de la vérité de la religion à laquelle il eft difficile de fe refuser- On petit reprocher à la plupart de ces gens qucjeur cœur eft loin du Dieu qu'ils adorent, &--qVils font efdaves de toutes leurs pallions. Ce font ces défauts même , qui rendent leur zele pour la pompe de la Religion, une preuve plus frappante de fa force fur les cœurs même les plus corrompus. Les illuminations les plus brillantes, ce font celles qui annoncent les fêtes annuelles , chacun fefait une affaire importante de les folemnifer. J'ai vu des quartiers confidérables de Rome, illuminés avec autant de magnificence que de goût, Se tout cet appareil brillant étoit pour annoncer la Fête annuelle de la ParoifTe où il fe faifoit. Les differens particuliers fe chargent de ce foin, avec tant d'intelligence , que toute l'illumination paroît arrangée par une même main. Ce fpedracle ne peur que rappelîer i Dieu & à la Religion, des cœurs vrai-ment chrétiens ; il paroîtra peut-être trop extérieure fuperficiel; mais qu'on n'oublie pas qu'il eft l'effet de la dévotion I Rome. Première Part- 267 d'un peuple qui donne tout au dehors", & qu'il faut bien fe garder de rompre ou d affoiblir des liens qui le tiennent attaché à la Religion : Car ce refpeét extérieur, Pempreifement avec lequel on s'y livre , ce qu'il en coûte même pouc fe fatisfaire dans ce genre, font autant de moyens qui reftreignent les pallions dans des bornes plus étroites, qui con-fervent à la Religion &aux vertus qu'elle infpire, une autorité qui n'a pas tou~ jours fon effet, mais qui fubfiffe, 6V que fon ne peut méconnoître : ce qui eft toujours un bien réel. 35. Les fciences à Rome ont depuis Etat det plufieurs fiecles des établilfemens fixes, science* «c-des \ 1, , , , . , l'tri Arcs, CoUcg-, ou elles ont ete cultivées avec difterens delà fapieace fuccès. Les Souverains Pontifes n'ont &tlei? rien néglige de ce qui pouvoir contri- demie des ac* huer à leurs progrès. L'étude de la Re-cadcfc ligion a fait l'objet principal de leurs foins. Et pour former des fujets dignes de porter au loin les flambeaux qu'ils auroient allumés à ces fources pures de lumière, & qui pulfent conferver dans le centre même de la catholicité le précieux dépôt de la foi-, ils établirent cette quantité de Collèges tenus par des Pro-feffeurs choifis, qui jamais ne fe font écartes des vérités qu'ils dçvoient enfei-*ner* M ij Long-rems la crainte de la nouveauté cjui avoit donné lieu à des erreurs fi per-mcieafes, a été caufe. que l'on s'y tenoit à d'anciennes méthodes, que fou peut dire n'avoir été bonnes qu'autant de tems que l'on a rien connu de plus parfait & de plus lumineux: Mais on s'eft enfin aguerri contre cette crainte frivole; la raifon éclairée par la foi a pris le deffus ; on ofe fe fervir des dépouilles des Egyptiens pour orner le Temple du vrai Dieu. Leibnitz & Newron font refpeéfés. au Collège de la Sapience, fans avoir rien fait perdre à St Thomas de fon autorité & de fon crédit dans les écoles. Outre la Théologie, l'étude du Droit y eft en honneur, la Médecine & toutes les parties, la Philofophie , les belles lettres, ôc les Langues Orientales fur-tout y font enfeignéesavec d'autant plus de fuccès, que les Profeffeurs en font choifis parmi les naturels même des pays où on les parle. Les différens Collèges de Syriens, de Grecs, de Maronites & d'autres Orientaux établis à Rome, four-niflènt des fujets , dont les plus diftin-gaés renoncent volontiers à leur patrie , pour s'attacher à la Cour de Rome, &C parvenir aux dignités, qui font prefque toujours la récompenfe de leur mérire* Le premier Collège de Rome, celui ue Ton doit regarder comme le centre de l'Univerfité, eft le Collège de la Sapience, qui a pris fon nom de la dévife qui fut gravée très-anciennement fur le frontifpice de la Maifon qui lui fut alignée. Initium fapientiœ zirnor Uomini. Le bâtiment magnifique occupé aujourd'hui par ce Collège , commencé fur les delfeins de Michel-Ange, par les ordres du Pape Léon X ; continué par Sixte V & Urbain VIII, & fini par Alexandre Vil ; peur palfer pour un des ornemens diltingués d'une Ville li fameufe par la beauté de fes édifices publics. Quoiqu'on puifle faire remonter fon origine aux premiers tems, où les Papes furent alfcz puilfans pour faire de leur utorité des embelliffemens utiles à l'étu-e de la Religion & des Loix. Cependant cette Univérfité ne date que de fan 1144, auquel le Pape Innocent IV rétablit à Rome , l'étude du Droit canonique 6c civil. 13oniface VIII, en 1195 » fonda des chaires publiques pour cette érude. En 131 o , le Pape Clément V , y établit des Profelfeurs des langues hébraique, grecque, arabe & fyriaque. Eugène IV affeéta les gages de ces Profefleurs fur le profit de la douane : ce qui fut confirmé Miij 270 M i m o i r e s gDrï T a l i e; par le Pape Clément VU,, ôc a été maintenu jufqu'à préfent avec beaucoup de foin. Cette Univerfité a huit Piofelfeurs en Théologie, dont trois pour la Scholafti-que,un pour l'Ecriture Sainte, deux pour la Dogmatique ou pofttive , un pour la Morale, & un pour l'Hiftoire Eccléfiaf-tique. Six Profelfeurs pour le Droit civil Ôc canonique, dont un en particulier pour la Pratique criminelle. Huit Profelfeurs de Médecine, dont deux pour laBjtaniqne, un pour TAnaromie, Ôc un autre pour la chymie. Cinq Profelfeurs de Plùlofophie , dont deux pont les Mathématiques, un pour la Logique, un pour la Phylîque expérimentale , 6c un pour la Morale. Un l'rofefieur de belles-lettres ; ôc quatre Profelfeurs des Langues Hébraïque, Grecque,Syriaque, & Arabe. Le Collège de la Sapience eft fous la protection des trois Cardinaux Chefs d'Ordre , 6c fous l'adminiftration des Avocats confiftoriaux, dont un a le titre de Recteur. C'eft dans la Salle principale que fe confère le Bonnet doctoral à ceux qui ont fini le cours de leurs études. Les Avocats confiftoriaux l'accordent aux Docteurs en Droit civil & canonique, Ôc Rome. Première Part. l7f les Profelfeurs des autres Facultés à ceux qui ont affilié à leurs leçons. Je ne dirai rien des études de Théologie ôc de Droit, ce n'eft pas en voyageant qu'on peut prendre des idées sûres de lJétat des autres fciences dans une ville telle que Rome. Elles font comme on le peut croire très ortodoxes, ôc conformes en tout aux droits & prétentions de la Cour de Rome. La Philofophie y eft entièrement débarralTée des épines de la fcho-laftique, la méthode que l'on fuit actuellement eft nette ôc lumineufe. La Physique s'appuye fur les grands principes de Newton ôc des auttes aftres de ce rang. La Morale & la Métaphy fique font débar-ralfées de toutes les diftinclions ôc les faillies fubtilités des Peripateticiens; la Logique n'y eft plus que l'art de raifon-ner ou de mettre de l'ordre dans fes pen-fées. On peut en juger par l'excellent ouvrage latin que le P. Jacquier, Minime François rendent à Rome , qui occupoit en ij6i la chaire de Lecteur en Phyh> que expérimentale au Collège de la Sa* pience, & celle deProfelfeur de l'Ecriture Sainte au Collège de la Propagande, a fait imprimer à Rome en ij61 ôc 1762. Cet habile homme jouilfoit d'une grande réputation à Rome , ôc la méritoit au- M iv tant par fon génie, que par lesagrémens-que l'on trouvoit dans fa fociété. Je l'ai beaucoup fréquenté pendant mon féjouf à Rome , & j'ai toujours admiré la fagay cité de fon efprir, & Tordre qu'il met-toit dans fes idées, quelques étendues & variées qu'elles fuffenr.. Le P. Lefueur, aulîi Minime François , Profelfeur de Mathématiques à la Sapience, ck de Théologie morale à la Propagande, ne mérite pas moins d'éloge, ces deux illuftres François, l'un de Virry, l'autre de Rhétel font honneur à leur nation, &fontaupre-mierrang parmi les Sçavans les plus diftin-gués de Rome. J'ai connu encore deux autres Profelfeurs de laSapience,'e P. Pozzi, Abbé régulier de l'Ordre des Olivetains a Profelfeur de Mathémetique; il efl difficile d'avoir plus d'efprit, de vivacité 6c d'agremens qu'en a cet homme , qui eft du commerce le plus aimable; & l'Abbé Staï, Profelfeur d'éloquence & d'hiftoire Romaine, excellent Poète latin , aujourd'hui en Prélature , & Sécretaite des lettres latines. Ces hommes d'un mérite dilfingué, font très-capables de donner aux étrangers une grande idée de l'attention avec laquelle on choiûr les Profcffeurs de ce premier Collège de Rome , où les écu- des doivent être excellences, s'ils trouvent des fujets qui répondent aux foins qu'ils prennent pour les inftruire. On ne parle pas auffi avantageufement de la Faculté de Médecine, que de celle de Théologie, de Droit Se des Arts; j'ai eu occafion de voir quelques Médecins praticiens répandus dans Rome, dont la méthode m'a paru obfcure & embarraf-fée. Ces gens vont toujours tâtonnant, peu fûrs de l'anatomie dont ils n'ont qu'une médiocre connoiffance , ôc fort portés à l'empirifme, ôc aux remèdes violens que fournit la chymie. Quant à la Chiringie, il s'en faut de beaucoup qu'elle foit au point où elle a été portée en France ôc en Angleterre aulïi n'eft-elle en aucune conlidération à Rome , quoique tous les jours on en fente futilité & la nécelîïté. Il y a plufieurs autres Collèges aggregés à celui de ia Sapience, dont les élevés vont y recevoir le Bon-ner de Docteur. Le Coliége delà Propagande fondé en ï6n, par le Pape Grégoire XV; augmenté Ôc doté par Urbain VIII, en 1627; outre la Congrégation des Cardinaux qui y eft établie ôc y tient fes féances, pour toutes les affaires qui ont rapport £ la propagation de la Foi 9 à plufieurs i74 Mémoires d'Italie. Profelfeurs qui y font des leçons publiques de Théologie, de Philofophie , de Belles-Lettres, & de Langues Orientales pour l'inftruction des jeunes Eccléfiafti-ques que l'on deftiné aux Millions étrangères , & que l'on y élevé en allez grand nombre. Les Indes, l'Abiffinie , la Syrie, l'Arménie &la Grèce y fournilTent plufieurs fujets, que les Evêques Catholiques répandus dans les pays infidèles ,N y envoyent pour y être inftruits , & venir enfuite les féconder. Cetre inftitution eft d'autant plus belle,qu'elle forme des fujets tirés des pays même où ils doivent retourner & porter les lumières de la Foi. On parle très-avantageufement des ProfelTeurs en Langues Orientales de ce Collège, qui font prefque tous d'Afie. Les Collèges principaux pour l'éducation de la jeune lie, font le Collège Romain tenu parles Jéfuites, & qui eft fréquenté par un très grand nombre d'éco-liersjle collège Clémentinfous ladireétion des Clercs Réguliers Somafques j & ce* lui de Nazareth fous celle des Pères des Ecoles pies. Ces deux derniers ont été fpécialement fondés pour l'éducation de la jeune Nobleffe, & font ceux de Rome qui ont le plus de réputation. On verra au Cgliege Clémentin plufieurs monu,- rx.i mens de la reconnoiffance du Pape Benoît XIV , qui y avoir été élevé. Je ne fçais pas quelle eft la méthode d'inltruction que l'on y fuie j mais au fortir de ces Collèges, peu de jeunes Nobles qui y ont été élevés, confervent pour les feiences le goût & l'inclination qu'on a probablement tâché de leur inf-pirer, à moins qu'ils n'entrent dans l'étac eccléfiaftique ; alors ils poulfent plus loin leurs études ; ils fe rappellent &c font fructifier les principes qu'ils ont reçus dans leur première jeuneffe , & fouvent ils fout de très- grand progrès. On peut en juger par la réputation brillante dont joniffoient dans toute l'Europe fçavante les Cardinaux Quirini, Pallionei, Tam-bourini, &; Orfi ; & plus anciennement lesNorris,les Cafanatté , &c tant d'aurres dont le mérite a illuftré la Pourpre Romaine. Le Sacré Collège & la Prélature ne manquent pas de fujets qui marchent fur les traces de ces grands hommes, &c que l'on peut mettre au même rang. L'étude de l'Hiftoire, de P Antiquité , des Belles-Lettres, delaPoëfie latine &c Italienne eft florilfanre à Rome. On trouve dans les converfations de très-habiles geus dans ces matières ; ils fçavent beau- 176 Mémoires d'Italie. coup de faits, mais on s'apperçoit aufÏÏ qu'ils manquent de critique, qu'ils adoptent les faits les moins affûtés avec autant de confiance que les mieux confiâtes; qu'ils aiment le merveilleux. C'eft le gode du pays, il y a tou j ours dominé; c'ell peut-être le plus folide appui de la prééminence que les Italiens affectent fur les autres nations de l'Europe. Il y a fi long-rems qu'ils en font en poffeffion, qu'il y auroit de la mauvaife humeur à vouloir la troubler. La vraie critique s'établira difficilement, fur-tout à Rome. Il faut trop y refpecler les anciens uiages & certaines idées que l'on doit admettre telles qu'elles y ont été reçues originairement. Le Muratori même, quelque vafte que fût fon érudition, quoiqu'il rînt peu à la Cour de Rome , étoit fi bien accoutumé à ce joug, que l'on voit dans la plupart de fes ouvrages qu'il n'a pas ofé le fecouer. L'inquifition eft d'une exactitude fe-vere fur ce point, & les Auteurs Italiens fouffrent avec peine que leurs ouvrages foient mis à l'index.. La Chronologie de Baronius eft la feule qui foie d un ufage public & autorifé; on étudie peu la Géographie, quoique les Mathématiques foient cultivées avec fuccès a Rome , Se qu'il y ait d'excellens Géomètres. L'éloquence eft peut être de toutes les parties des Beaux Arts , celle qui y a fait le moins de progrès. Ce n'eft pas quelegéniedes Italiens foit an-deftbus de celui des autres nations. Mais cela dépend en partie de la tournure de leur eiprit, Si de la façon dont ils voient les chofes, en partie même de la langue. Habitués aux intrigues fecrettes de leur politique, ils fe foucienr moins d'exprimer leurs penfées avec force & no blefle, que de les déguifer, de façon qu'on n'en connoilfe rien que ce qu'ils jugent à propos d'en montrer; les tems font paffés ou l'éljquence d'un orateur décidoit du fort des plus grandes affaires y j'ai lu quelques difcours prononcés par des Cardinaux célèbres dans les con-fiftoires, il y a du feu & de la fubtilité dans les raifonnemens , mais peu de ma-jefté. On voit qu'à l'ordinaire on faifit les idées avec plus de finette que de force, que l'on s'attache plus à la fu-perficie qu'au fonds même des chofes : on ne cherche point à s'exprimer avec précifion (a). X<*) U faut *oir à ce fojet un recueil imprimé Les vrais Italiens, ceux qui ne le font point formés hors de ce délicieux pays, & qui fe mêlent d'écrire, cherchent à être volumineux pour être clairs ; ils craindroient que trop de précilion ne les rendît obfcurs. Ils tournent & préfen-tent la même idée fous toutes fes faces, ils ne fe font pas encore apperçus que cette abondance vicieufe n'étoit qu'une vaine enflure. Le peu de folidité de leur poëfie leur gâte le goût, ils en portent les concetti, les petites grâces d'élocu-riori dans leurs compoîitions férieufes , dans leurs pièces d'éloquence , où le pathétique & le fublime ne fe rencontrent prefque jamais. Quelques Ecrivains ont fenti ce défaut, & ont cherché à l'éviter. Alors la force qui règne dans leurs écrits, tient plus à leur caractère par- âVenife, je crois en 1761, qui comprend les difeours prononcés en Confiftoire, au fujet de la propoiition qui fut faite de béatifier le Cardinal Bellarmin; Se lire fur-tout celui du Cardinal Paftionei. On y trouvera une grande connoiifan-ce du fujet, delafinefle, de l'efprit, mais des longueurs inutiles, & peu de traits d'un véritable orateur. Ce recueil eft d'autant plus curieux qu'il fert à donner une idée jufte de la manière dont on procède à la Béatification, & dont on difcute les actions des Serviteurs de Dieu, que l'on ycut ûonoi-er o>a culte publac, ticulier qu'à l'ufage marie de s'exprimer. Cela vient,comme je l'ai déjà dit , du peu de progrès que cette nation a fait dans l'art de la critique , Se de la gène où font les efprits ; beaucoup de perfonnes parlent bien 6c avec grâce , Se très-peu font éloquentes. Il eft même rare d'entendre des Orateurs dans les chaites chrétiennes \ on n'y trouve d'ordinaire que des difeoureurs prolixes, dont quelques-uns difent les chofes hardiment SC telles qu'elles font, fouvent avec dureté, n'épargnant même pas les peifonna* lités ; d'autres font plus plaifans que férieux , tous en général font ce qu'ils peuvent pour captiver l'attention de leurs auditeurs (a). Pcndans le Carême & l'Avent, les Cardinaux rélidans à Rome font obligés de fe trouver a un Confiftoire ou Congrégation fecrette, dans laquelle le Prédicateur en titre du facré Collège leur fait des fermons de morale, ou leur rappelle leurs obligations, & fouvent leur dit les vérités de la manière la plus dure. C'étoit en ï^ôx un Capucin chargé depuis plufieurs années de cet emploi, & qui connoilloit très-bien fon auditoire, à en juger par les traits qu'en rappor-toient les Cardinaux eux-memesdans les converfations particulières,& quicnplailantoient.Laré-compenfe ordinaire de ce Prédicateur, eft un Evc-«fié en Italie ; aulh les Caidinaux difoicin-ils^ Mais le talent général, le goût dominant , c'eft celui de la poëfie. En ce genre les Italiens ont plus d'un chef-d'œuvre moderne à oppofer à l'antiquité, fur-tout dans le genre épique; on connoît leurs poèmes les plus célèbres ; peu après le rérabliliément des lettres, ils donnèrent quelques bonnes pièces de théâtre; la plus connue de ce fiecle eft la Me-rope du Marquis Scipion Majfci. L'Abbé Mctajlajie s'eft fait une réputation brillante par fes Opéra Tragédies. Le Gol-donidans la nombreufe collection de fes pièces, en a quelques-unes qui pafferonr àla pofterité; il doit beaucoup à Molière &aux autres bons Auteurs François qu'il a fouvent imités. J'ai lû quelques antres pièces de théâtres , mais fi froides, fi peu variées , que le charme même de la nouveauté ne les rendoient pasfupporta-bles... Ils ont eu d'exceliens traducteurs, le Virgile tfAnnibal Caro & le Lucrèce de Marcketti pallcnt parmi eux pour des traductions qui ont des beautés originales. La poëfie latine y eft encore en hon- q»'il s'cixnuyoit de fon état de Capacin, qu'il avoit de l'humeur, & que fâché de-Tctrè fi long-tems, il prétendoit les réduire au même ordl-.naire & aux mêmes obligations. Rome. Première Part. 281 neur, ôc conferve fon droit d'aîneffe fur la poëfie Italienne. Celle-ci plaifanre & vive, donne au public à chaque inftanr des production» nouvelles, fur tous les événemens qui frappent le Verfificateur. Et combien y en a-t-il l Combien de Chanfons, de petits Poèmes, de Sonnets, de Satyres Ôc d'Odes paroilfent tous les jours ! La Langue Italienne offre des facilités aux Poëces , qu'ils ne trouveroient dans nulle autre. lis ne font jamais plus piquans 6c plus ingénieux que dans la Satyre qui d'ordinaire y eft forr libre , ôc y jouit d'une forte d'impunité qui lui permet d'aitaquer indiltinctement les perfonna-ges les plus illuftres comme les plus obfcurs. Les Odes des Poètes ordinaires, ne font qu'une imitation empoullée du ftyle pindarique , & une foule d'idées prétendues fublimes, fouvent mal aiïem-blées , & qui n'ont aucun rapporr au fujet que l'on rraite, ou à celui que l'on veut louer. Auffi la plupart de ces Poèmes font reçus très-froidement de ceux auxquels ils font adreffés; mais la même plume qui les a loués la veille , & qui n'a pas été recompenfée, faiyrife le lendemain, le même objet qu'elle avoit chanté. aSi MÉMOIRES ÎjTtàIiE* Ces pièces ont quelque utilité poil* les étrangers qui peuvent les lire dans la langue dans laquelle elles ont été écrites, en ce qu'elles mettent au fait de toutes les intrigues de la Ville & de la Cour de Rome. Car malgré la charge ( la caricatura ) fous laquelle les objets font repréfentés, on retrouve les traits principaux quiles font reconnoître.C'eft fur-tout dans le temsdes conclaves, & immédiatement après , que ces pièces font plus curieufes , quand ceux qui ont été témoins de ce qui s'y eft palfé, fe mêlent d'en rendre compte. En général le peuple Romain eft porté à la fatyre 6V à la plaifanterie, Ôc perd un tems considérable à fatisfaire Ion goût à ce fujet. Je me rappelle d'avoir vû parmi plufieurs effets à vendre d'un Peintte de Rome, dont le nom étoit, je crois, le Cavalier GAe^i, un recueil fingulier de portraits défîmes à la plume, tous en caricature, de Cardinaux, Ambafîadeiirs, Princes, Princef-fes, Prélats, & autres perfonnages vi-vans à Rome de fon tems, ils y étoient repréfentés de la manière la plus ridicule, & cependant reconnoilïables. Les noms étoient au bas de chacun ; il y en avoit une fuite de plus de quatre cent €n deux volumes. fvoME. Première Part. iSy L'Académie ou afïemblée des Arcades a beaucoup plus de réputation dans les pays étrangers qu'à Rome même ; les membres qui la compofent ne fe donnent point le titre d'Académiciens , Se affectent de ne fe fervir que des termes conformes à la qualité qu'ils prennent de bergers ou pafteurs d'Arcadie. Dans leurs délibérations, lettres d'aggrégation ou certificats, il ne fe qualiftenr que par ces rermes.. la piena Adunan^a délia noflra letteraria republica. Cependant cet établiffement mérite aulfi bien le nom d'Académie qu'aucune autre affemblée de ce genre, qui foit en Italie, puifque fon but eft d'entretenir une noble émulation parmi les Poètes Se ceux qui cultivent les autres parties des Belles-Lettres. Le lieu deftiné à fes affemblées eft fur le Mont Janicule , dans un jardin qui a la forme d'un théâtre grec, dont les décorations Se les feenes font marquées par des pahffades de lauriers. Les fïeges font de gazon, Se le fond de la perfpeébive repréfmte en grand la flûte à fept trous attribuée au Dieu Pan. C'eft'dans ce théâtre ou jardin que fe tiennent les grandes affemblées des Arcades, qui fe palfentà réciter les vers Italiens , que les membres ont a&j Mémoires d'Ït a l i e; compofé. Le tems desféances n'eft point fixe. Il n'y a gueres moins de deux mille perfonnes de tout état, de tout fexe , & de tout rang, aggrégées à l'Académie ou affemblée des Arcades j on voit fur fon catalogue les noms des Rois, des Souverains Pontifes, des Princes, des Cardinaux, ôc de tous les gens de lettres de l'Europe. Il fuffit que l'on foit connu par quelque ouvrage, ou que l'on ait un nom Se un rang à décorer le catalogue , pour y être admis & recevoir des Lettres d'Aggrc^ation. Un Berger Arcade en crédit à Rome , peut y faire admettre même des étrangers, pourvu qu'il les préfenre & réponde de leurs talens. On a prétendu que le Cuftode de 1 Arcadie , qui eft le Chef de l'Alfemblée, & qui en aie fceau , faifoit un commerce utile de ces Lettres d'Aggtégation • je nJat rien vîi qui puilfe me le faire croire. On me propofa étant à Rome de m'y faire aggréger , & je reçus quelques tems après la Lettre d'Aggrégation, fans avoir fut aucune follicitation , ni rien débour-fé pour l'obtenir. Cette Lettre adrelfée par le Cuftode Général au Récipiendaire , dit que N. Berger ayant fait rapport à l'Alfemblée Ko m e. Première Part. 2SJ du goût que l'on a pour les Belles Lettres & les Arts, & de l'eltime particulière que l'on fait de l'Inltitut Paftotal de l'Arcadie. La pleine Afferoblte de la République Littéraire ayant égard aux vertus rares , aux bonnes mœurs , &c. déclare Berger Arcade, avtc le nom de N. tiré au fort, & le droit & l'honneur de venir réciter vers on pièces de fa composition dans le Bofco Parrhafio» Il eft dir enfuite qu'après un an on pourra demander une campagne à habiter ; mais on déroge rout de fuite à cette loi des Arcades en faveur des étrangers (lus d'herbe Se de meilleure qualité que es pâturages ordinaires, 6k qu'ai-nfi pendant l'hiver , les troupeaux y trouve-roient une nourriture plus abondanre. Enfuire le nombre des cultivateurs s'aug-menteroit, le bétail s'y multiplieroit à proportion , ôc en peu de tems feroit au point de fournir à la confommation de Rome. Premier ePàr t. 30* Rome, tout ce qui luiYeroit néceffaire , fans avoir befoin d'en tirer des Provinces étrangères. Ainfi-quant a cette pat-tie, l'avantage doubleroir, en ce que le même bétail qui fervlroit à cultiver les terres, engraiffé enfuite du produit inutile de ces mêmes terres , tourneroit en entier au profit des cultivateurs. Outre cela ils s'habitueroient aifément à préparer des fromages d'aufîi bonne qualité que la plupart de ceux qui fe tirent delà Lombardie , & dont la confbmmation eft très-grande à Rome. Ainfi l'agriculture rérablie, & les terres mifes en valeur, la Campagne de Rome produiroit des grains en abondance, du bétail de toute efpece, & des fromages. Les grains y font de la première qualité parmi ceux de l'Apennin , ce qui pourroit en faciliter l'exportation (a). Mais ce n'eft pas Il ny a pas long-tems encore que ces campagnes fourniffoient al fez de grains non (calcinent pour nourrir l'état, maispour en fournir aux étrangers. Mais la chambre s'etant en quelque forte approprié rout le commerce desgrains, & du bétail à titre de privilège exclufif > fous prétexte qu'elle feroit tout le profit de ce commerce qui deviendroit très-utile au Souverain , le particulier qui s'eft vu réduit à la condition d'un colon efçlaYCjSc quincpouyoitplusdptrçj. joi Mémotres d'Italie. encore ce qu'il faut entreprendre , il faut d'abord nourrir le pays. Enfuire combien de côreaux couverts de forts impénétrables, de brouffailles Se d'épines , s'ils étoient défrichés feroient d'une fertilité étonnante. Les oliviers Se les vignes y réuffiroienc à merveilles ; ces campagnes en ont jadis été couverres, car ce n eil pas aux étrangers que Varron Se Columellc (a) adreffoient les préceptes qu'ils donnoient fur la manière d'élever ces arbres Se de les. conferver. On n'en voit plus aucun en pleine campagne , on y trouve point de mûriers blancs, ar- aucun bénéfice de fes travaux, s'eft dégoûté & a celle de cultiver & de nom nr. Je fçais très-certainement, que cette administration à laqnelle la cour eft a&uellcmcnt fort attachée, a été caufe en partie de la grande difette que Rome a éprouvée en 1764,6cque file commerce des bleds eut été libre, on en auroit trouvé dans le pays plus que l'on n'en a tiré. (tf) V. Columel 1. 5. c.0. De feminariisoliva-rum faciendis/ Il a écrit & parlé pour tous les tems & tous les lieux , tant fes inftruCtions font nettes, précités & aifées à mettre en pratique. Cet admirable ouvrage fur l'économie ruftique, de même que ceux de Varron & de M. Caton, font trop négligés, Se cependant feroient. même à préfent de la plus grande utilité, fi Oû vouloir-les confulter. bre qui croît fi aifément par-tout, dans les terreins bas Se aquatiques, & c'eft le défaut de ces plantations qui rend le peuple de Rome Se de la Campagne fi* tniférable, parce qu'il eft de néceilité i tirer de l'étranger, Se à grands frais, les denrées de première confommation , celles que les bleds, les vint, les huiles, le bétail, Se les fromages ; tandis qu'il poutroit en avoir à revendre. La culture du chanvre Se du lin n'y eft pas moins négligée ; il femble à préfenr que ces graines ne produiroient rien, tant on fe foucie peu d'en femer. Cependant que l'on confulte encore le même Columelle , qui a fi bien connu le pays, & les différentes qualités de fes terroirs ; il apprend où il convient de femer le chanvre , comment il faut préparer la terre; il entre dans les plus petits détails. Qu'il feroit utile pour toute la Campagne que Ton y fuivit encore fes inftruc-tions 1 Quiconque connoît Rome, fçait combien la roile même la plus commune y eft chère, tandis qu'elle pourroit y être à aufti bon prix que dans aucune autre Yille du monde. Ces prés même, 6V ces pâturages auxquels les Romains font fi fort attachés , »î leurs rendent pas à beaucoup près 504 Mémoires d'Italie; tout ce qu'ils pourroient en tirer. La plupart font mouileux ôc ne produifent que peu d'herbes , parce qu'ils auroienc befoin d'être rompus ôc renouvelles, le terrein en deviendroit plus vigoureux ôc" plus fertile : mais on croiroit changer le pré de nature. D'ailleurs cette façon exlgeroic d'abord quelque dépenfe que l'on retireroit dans l'année même, Ôc que l'on ne veut pas faire, tant l'habitude de laiffer les chofes dans l'état où elles font, eft; fortement enracinée. Il faut convenir encore que les grands propriétaires Se ceux qui gèrent leurs affaires, n'entendent absolument rien à l'économie ruftique ; ils croiroient même fe deshonorer, en s'occupant des dérails dont les plus illuftres des anciens Romains onr taie une étude .férieufe* Que ne fe font-ils gloire de les imiter, en travaillant à rendre heureux ôc riche le pays qu'ils habitent, au lieu de contribuer à fa ruine en en tiranr la fubf-tance, fans lui procurer aucune répara*-tion. Le foin des abeilles n'y eft pas moins négligé que le refte , Se la confomma-tion de la cire eft plus grande à Rome que dans aucune autre Ville du monde. Cependant où reufliroient elles mieux 9 même dans l'état actuel des chofes; La campagne quelque abandonnée qu'elle foit, eft couverte dès le mois de Mats , de plantes odonféiantes & de fleurs de toute efpece , & par tout il y a des four-ces d'eau vive. Dans le Milanois & dans la Tofcane , chaque cultivateur ou propriétaire de campagne eft obligé d'entretenir un certain nombre de ruches j ils font libres d'en avoir au-delà de la quantité fixée, parcequ'on peut les multiplier fans aucun inconvénient au moins qui foit connu : & qu'elle eft l'Eglife de Rome , où la Maifon Religieufe qui dans la régie de fes biens à la campagne, ait penfé à ce foin économique , dont cependant elles devroient fentir tous les jours la nécefïîtéi II en eft de même de tous les autres objets d'économie ruftique x qui par-tout font négligés au point d'êtte abfoiument inconnus^ non-feulement dans les environs de Ro-» me, mais dans la plus grande partie de la campagne, & du patrimoine de St Pierre. Mais d'où tirer des cultivateurs , l'espèce manque? Je fens que c'eft la difficulté , qui retardera encore long-tems le bonheur de ce pays, fi l'on continue de s'en tenir à la Spéculation, 6c que l'on ne mette pas en pratique, les pro» jets que l'on forme pour fon amélioration. On peut fuivre l'exemple qu'ont donné tant d'autres nations. La Veftpha-lie régorge de malheureux habitans qui n'ofenr pas même penfer qu'ils font hommes , tant leur efclavage eft dur , ôc commence à leur paroître insupportable. Il faut les inviter à venir s'établir dans le pays du monde le plus fertile ; leur afturer la liberté , ce droit précieux de l'humanité ; leur donner quelque propriété , ôc ces gens naturellement laborieux ôc Couples, feront de fidels cultivateurs attachés à leurs Maîtres , dans lefquels ils trouveront une protection confiante, ôc dont ils feront traités en hommes. IU contribueront à la population , ils élèveront une race d'hommes forrs ôc actifs, qu'ils formeront en par* tie des enfans même du pays qu'on leur donnera à nourrir. Car à quoi fervent à l'état tous ces enfans trouvés ôc abandonnés que l'on cleve dans les Hôpitaux? Que deviennent-ils ? En quoi contribuent-ils à la population ? Rien cependant n'eft plus beau, plus honnête, plus dans l'ordre de la religien, que de veiller à la cou-fervation de ces petites créatures infor- Romï. Fremiiri Part. 307 lunées ^ c'eft de-la d'où il faut tirer un nouveau peuple des cultivateurs. Dès que ces enfans peuvent fe fourenir, qu'on les envoie à la campagne où ils pren-* dronr de bonne heure une éducarion ro-bufte, ou la bêche & le hoyau feront les jouets de leur enfance, où ils s'accoutumeront à connoître & à conduire le bétail, à fuivre leurs inftituteurs dans leurs travaux ruftiques , à les imiter, à vouloir même les féconder. L'émulation & la gloire font de tous les âges & de tous les étars. Le feul Hôpital du St Efprir pourroit envoyer rous les ans au moins trois cent enfans des deux fexes à la campagne j il commenceroir d'abord par en peupler les nombreufes polfeflions qui lui appartiennent. Que l'on continue pendant vingt ans à fuivre cette méthode, qu'une moitié de ces enfans vivent & viennent à l'âge d'être mariés, & on établit uinze cent familles de cultivateurs nés. ans le pays même. Que le Gouvernement tienne la main à ce qu'on leur accorde de préférence; certenombreufe quantité de dots qui fe diftribuent dans la Ville, & qui au lieu d'entretenir une vanité ridicule, la pareffe & les vices qui l'accompagnent, ferour employées à acquérir du bétail, les inftrumens du labourage Se quelques meubles néceflat-res. Alors on verroit la campagne de Rome renaître de fes propres ruines , fe peupler Se devenir Aurifiante. Peut être y auroit-il moins de Religieux des deux fexes j mais qu'importe à l'honneur de la religion , aux intérêts de la vertu Se de l'humanité qu'il y en ait un fi grand nombre. Eft-il nécelfaire que le Couvent d'Araccli foit peuplé de quatre cent Cordeliersî Le quart ne fuf-firoit-il pas pour remplir les charges de cette maifon , Se occuper les ruines du Temple de Jupiter Capitolin ? Il en eft de même de tous les Ordres mendians qui font extrêmement multipliés, Se vraiment à la charge du peuple. Avant qu'ils n'exiftaftent , la chaire de St Pierre étoit folidement établie, Se les états de PEglife étoient plus fertiles Se plus peuplés. Il paroît que la plus grande dépenfe feroit de bâtir des habitations pour ces nouveaux cultivateurs, des écuries , des granges , Se tout ce qui eft nécelfaire au ménage de la campagne. Mais on trouve par-tout dans la campagne de Rome des matériaux épars, qui coûte-roient peu à ralfembler, & qui font des Rome. Première Part, sep-preuves de fa grande population dans des tems plus reculés. On y voit même des demeures toutes conftruites , quantité de touts abandonnées , de voûtes encore folides, de monumens absolument dégradés, ferviroient à ces ufages j d'ailleurs les bâtimens deftinés aux lim-ples cultivateurs, font peu difpendieux dans un climat aulli doux. Ceux que leur économie ôc leur application au travail mettroient en état de devenir propriétaires , pourroient dans la fuite fe donner plus d'aifances. Quant à la manière de commencer cette population , elle doit fe faire de ptoche en proche \ c'eft-à-dire, joignant les métairies & habitations plus voilines de Rome, en s'étendant enfuite dans toute la campagne & jufqu'à la mer. On s'aguerrira infenfiblemenr contre la crain» te du mauvais air, ou peut-être il y a autant d'idéal que de réel, 5c un rerrein ne paroîtra pas plus dangereux à habiter qu'un autre. Les champs qui avoilinent le Tibre au nord de la Ville, entre le Vatican & Ponrémolle, qui font tous habités & cultivés, ne rendent peut-être pas des exlialaifons plus favorables que les terres abandonnées, qui fonr à iept ou huit mille de-là au couchant & au nord , fur-tout après les inondations -de ce fleuve que l'on fçait être très -fréquentes. Croit on encore que route la parcie qui eft entre les portes Pinciana & Pli & le Teveroné qui eft bafte $C aquatique , qui cependanc eft peuplée d'une multitude de vignis habitées par les propriétaires Romains, une partie de l'année, foit beaucoup plus faine, que les hauteurs que l'on trouve entre Rome & Oftie, à cinq ou fix mille de la Ville. D'ailleurs dans la conftruétion de ces nouvelles habitations,on prendroit garde de difpofer les fenêtres de façon que les vents pufTent rafraîchir & changer l'air librement, on ménagerait des ouvertures fur-tout du côté du nord j on les entourreroit d'arbres, qui, fuivant Columelle & Varron , garantilfent des mauvais vents , enrretiennent une fraîcheur falutaire, & contribuent beaucoup à la falubrité de l'air. On multi-plieroit les atbres fruitiers. L'orme tk, le peuplier fi utiles pour les conftruc-tions , s'éleveroient dans les terreins bas, 6c embelliroient la perfpeétive ; enfin on renouvelleroii ce pavs,enlui rendant fa première exiftence (a) {") J'ai vu à la Pilla Madama qui appartient On s'étonnera qu'un étranger s'in-terefle Ci vivement an bonheur & à la richelfe d'un pays où rien ne Panache : mais je crois qu'il fuffit de l'avoir vù dans l'état où il elt, pour être touché d une forte de compailion , fur la nonchalance de ceux qui l'habitent. Dans fes fré- â la fucceflion Fatnefe, fur le Monte Mario, dans les bofqucts qui l'environnent,des lauiicrs francs de quatre-vingt à cent pieds de hauteur, dont un exactement mefuré avoit trois pieds de diamètre; que l'on juge par la grofleur de cet arbre, avec quelle force la végétation fe laie dans tous ces terreins Si dans ces campagnes abandonnées on multiplioit les peupliers d'Italie, qui fuivant les nouvelles ob.ervations fur cet arbre imprimées en 1764 ; croulent ii promp. tement, qu'en trois ans, une bouture de douze pouces de longeur fur un pouce de circonferen» ce produit un arbre de dix-huit pied de hauteur; qui une fois arrivé àcepoints'éleveen douzeansà la plus grande hauteur, fur un diamètre de vingt-fept pouces. Quelle rclfource ne trouveroit-on pas dans cet arbre feul pour toutes les constructions de la campagne, le chauffage, les charbon? Oà croîtroic-il plus heureufement & plus vite que dans toutes les terres abandonnées & incultes dout j'ai parlé qu'il embdliroit merveil-Hcufemcnt. Ceux qui ont vu les belles allées des Parcs de la Vénerie ôc de .S'tupinigi en Pie-lîontjlcs environs do Mélanges bords de la Bien» ta, peuvent mger de la beauté de cette arbrç quand il eft à un certain point de hauteur. |fî Mémoires d'I t a t t e. quentes courfes Ôc promenades que j'ai faites aux environs de Rome , j'ai été occupé de ces idées ; combien j'ai vu de fituations délicieufes , dans les plus beaux points de vue, arrofées de fontaines abondantes , où les plus belles plantes croilfoient volontairement, qui ne demandoient que de l'intelligence 5c du courage, pour y former des habi-rations charmantes j combien j'ai fou-haité d'y travailler moi-même , maigre les exagérations des Romains fur les qualités daogéreufes de l'air que l'on y refpire. J'avoue que leurs craintes ne me touchoient pas , & que j'ai toujours crû qu'avec epelques précautions, il feroit aifé de s en garantir , & fur-tout d'y trouver de ces retraites tranquilles , dans lefquelles on pourroit jouir de Taccom-pliiîement des vœux que la Philofophie Ôc la raifon faifoient former à Horace. Hcc erat in votis modus agri non ita magnust Hortus ubi G> teclo vicinus, jugis aqua fonst Et paulum fylvee fuper his..., Sat. Vt Saint Saint Pierre de Rome. Palais du Va tic an. BafiLiques & autres Eglifes. Tableaux , Statues , antiques ejr modernes. 37- iLûES détailsque je viens de donner J$flZÏ£ iur Rome moderne, pourront paroître intéreflans à ceux qui veulent fe former Une idée vraie du Gouvernement de cette Cour Eccléfialfique, toujours célèbre dans le monde catholique, & des mœurs actuellesde la Ville. C'eft cependant ce qu'on y va le moins examiner. On le contente de quelques idées que l'on en a prifes dans des relations fouvent idéales ; on y arrive avec des préjugés que l'on y conferve, Se que l'on en rapporte, tant ces objets paroilfenc peu intérelfans. Il femble que l'on ne doive aller à Rome que pour en conférer le fpectacle extérieur & les beautés phyfiques. Elles y font à un degré de perfection que l'on ne trouve point ailleurs ; ainfi il n'eft pas étonnant qu'elles emportent toute l'attention des voyageurs. Tome V. O * Je n'entrerai poinr dans un détail exaét, de tout ce que les Arts depuis leur rétablilTement y ont produit de merveilleux je parlerai de ce qui m'a le plus frappé , de ce que j'ai examiné avec le plus de foin, pour continuera mettre dans ces mémoires l'exactitude à laquelle je me fuis alfujetti jufqu'à préfent. Rien au monde ne peut être comparé à l'Eglife deSt Pierre de Rome , pour l'érendue ôc la beauté des proportions , la richelfe ôc l'élégance des ornemens , le foin ôç la propreté avec laquel/e elle eft entretenue ; il faut la voir plufieurs fois avant que d'en connoîtrc les beautés , Ôc l'examiner dans un grand détail, pour juger de la grandeur du delfein , de la hardielîe de l'entreprife, Ôc de la perfection avec laquelle elle a été fuivie. Cet édifice fut commence en içotf, fous le Pontificat de Jules II qui en pofa la première pierre le 18 Avril. Bramante en étoit l'Architecte , & fon deflein étoit de faire une Eglife en Croix Latine. Le veftibulc ou portique devoit être porté par trente-fix colonnes, dans le goût de celui du Panthéon , ôc à peqt près dans les mêmes dimenfions. Le Bu- Rome. PremiirePart. 31$ mante, en fix ans de travail, éleva les quatre piliers fur lefquels la coupole de* voit être appuyée jufqu'à leur entablement circulaire , Se partie de la branche orientale de la Croix. Le Bramante étant mort en , Léon X fuccelfeur de Jules II, confia la continuation de cet édifice à Jules de Sangallo, YvaGloconJo de Veronne , Sç à Raphaël d'Urbin. Ces trois Arriftes vécurent peu , aucun d'eux n'exiftoit à la fin de 1520 , Se ils n'eurent que le tems de forrifier 3c de revêtir les quatre pL-liers que le Bramante avoit élevés. Antoine Sangallo frère de Jules Si Bal--tazar Peruzzi, furent chargés de fuivre cette conftrucYiou fur le même plan , que le Peruzzi réforma en plufieurs parties , le reitreignant à la forme d'une Croix Grecque. Il ajouta quatre petites coupoles à la grande , qui font à chaque .canton de la Croix , il ne fit rien exécuter de ce plan , il continua feulement la branche orientale de la croifée. Adrien VI qui fuccé^a à Léon X fans goût pour les Beaux Arts , lailla le Teni-ple comme il l'avoir trouvé ; il régna peu. Les malheurs de la guerre & le fac de Rome, fous le Pontificat de Clément VII, fufpendirent Se arrêtèrent les pto- %\6 Mémoires d'Italie. grès de l'édifice ; & Antoine Sangallo qui en étoit lefté le feul Aichite&e fous Paul III, ne fit que le modèle en bois que l'on voit encore dans une des falles du Vatican. Il mourut en 1546. Le Pape fit alors venir à Rome Mi-ehcl-Ange Buonarotti auquel il laiffa la conduite de tout l'Edifice. Cet habile homme , fans faire un plan nouveau réforma le premier qui lui paroilîbit gigantefque , Se préféra la Croix Grecque de Peru-^i y à la Croix Larinede Bramante , relfreignit la grandeur des branches, renfonça les piliers de la coupole, couronna les quatre arcades d'un entablement circulaire, fit élever les branches du côré du nord Se du midi, Se avança Tellement l'ouvrage , qu'en i$$7 les grandes voûtes & le tambour de la coupole étoient finis, & tout le refte ^e la conftruétion revêtu de pierres vives, car le maffif n'eft que de briques. Michel-Ange mourut en 1 $66, ne laif-fant plus rien d'elfentiel à conftruire , ■que la grande coupole ; il avoir eu pour fécond Jacques Baro^io dit Vignola , qui lui fuccéda , & auquel on donna pour adjoint Pirro Ligorio bon Artifte , mais préfomptueux, qui voulut faire plufieurs changemens au plan de Michel- ftoME. Première Part. 317 Ange , cSc qui fut renvoyé pour cela par le Pape Pie V. Vignola ne s'occupa qu'à revêtir l'extérieur du Temple de pierres travertir nés dans la forme que l'on voit encore aujourd'hui. Il laitfa les deiTeins des quatre petits dômes, Ôc mourut en 1575. L'édifice languit fous le Pontificat de Grégoire Xîll, qui commença cependant à décorer l'intérieur. Mais Sixte V , étant monté fur le thrône de l'Eglife en 1585 , fon premier foin fut d'imaginer comment il pourroit faire terminer ce magnifique édifice. Il nomma Dominique Fontana pour adjoint, à Jacques de la Porte qui avoit travaillé fous les yeux de Vignola dont il étoit l'Elevé, & leur ordonna de conftruire cette formidable coupole qui fembloit avoir été Pécueil du génie de tous ceux qui les avoient précédé. L'efprit hardi Ôc entreprenant du Pontife , anima les Artiftes d'une noble audace j ils formèrent leur plan , ôc cette mémotable voûte fut commencée le 15 Juillet 1588. Six cens ouvriers excités par un Souverain abfolu y travaillèrent jour ôc nuir, & l'ouvrage alla fi vite, que la dernière pierre bénite par le Pape après une Melfe folemnelle , y fut placée le 14 Mai 1500, au bruit de l'Artillerie du Châtean St Ange. Au mois de Novembre fuivant , le couronnement fut achevé, ôc le dôme misau point où il eft encore. Le Pape Paul V ayant été élu en 160 Ç, nomma Charles Maderne, Architecte de l'Eglife de St Pierre , & fongea à porter ce magnifique édifice à fon degré de perfection. Ce fouverain Pontife qui a beaucoup contribué à l'embelliftement de la nouvelle Rome, voulut avoir la gloire de mettre la dernière main à un monument qui devoit furpaffer tout ce qui avoit exifté de plus oeau dans ce genre. Mitkel-Ange pour faire un édifice vafte ôc dégagé de toutes parts , rempli de l'idée des beautés antiques fur lefquelles il avoit formé fon goût, avoit négligé cerraines pièces d'un ufage habituel Ôc néceffaire dans les remples du chriftianifme. Il n'avoit défigné dans l'inrérieur aucun endroit pour le chœur des Chanoines , la Sacriftie , ôcc. ( on ne peut pas trop dire où le Bramante les auroir placés ) il n'en avoit pas plus ménagé dans l'intérieur; il vouloitque fa bafilique fût ifolée, & que de tous les côtés fes contours fulïent réguliers , toujours en fuivant le goût des plus Rome. Pré\fiere Part. belles conftrucrions antiques. Mais enfin il falloit que ce Temple lût de manière> non feulement à erre le plus bel édifice que l'on eût encore imaginé, mais encore à pouvoir y faire le fervice divin* Pour cela il fallut réformer quelque chofe au plan , ôc on en revinr aux premières idées de Bramante. On allongea la branche orientale de la Croix Grecque de trois arcs. Il fallut démolir l'ancien portique, & en conftruire un nouveau j ce qui fut exécuté fur les delfeini de Châties Moderne, dans l'état où on le voit aujourd'hui. Dans le delfeirt de Michel-Ànge on devoir avoir la vue de tout le dehors du Temple, & des extrémités circulaires des deux branches de la grande Croifée \ mais dans le nouveau plan le portique ayant été fort allongé de même que la branche orientale de la Croix, pour y placer les deux campaniles qui couronnent cette pattie \ le corps de l'édifice & tous fes contours furent mafques par ces conftruélions nouvelles. Elles furent achevées en 1614, ^ élevées à la hauteur où elles font à pré-fent à quelques ornemens près qui y ont été ajoutés. Le frontifpiçe eu égard à la grandeur Oiv 520 Mémoires d'Italie. du Temple , paroît un peu bas , la rai-* fon en eft qu'il eft prefque quatre. Le Maderne lui donna cette forme pour ne rien mafquer des campaniles Ôc de la grande coupole. C'eft à quoi n'ont pas fait attention ceux qui difent qu'il n'eft pas d'une proportion alfez majef-tueufe pour le refte de l'édifice. Il eft compofé d'un grand ordre fur-monté d'un attique terminé par une gallerie fur laquelle fonr placées les fta-tties du Sauveur ôc des Apôtres d'environ douze pieds de proporrion. Celles de St Pierre ôc de St Paul font au bas de l'efcalier du perron qui précède le vefti-bule. Les ornemens de fculpture des meilleurs Artiftes du rems, y font dif-pofés avec goût. Ce grand ouvrage fut achevé dans l'efpace de fix ans , ainfi que l'apprend l'infcription qui eft fur la frife entre l'architrave Ôc l'attique. In honorent Principis Apofîolorum : Paulus , Burghejîus romanus , Pont> Maxim. Anno%M D C XII, Ponti-ficatûs VII. La magnifique colonade qui entoure la place de Sr. Pierre, ôc qui forme de chaque côté un grand demi-cercle, fe- roit peut-être au-delfus de tout ce que l'antiquité a jamais eu de beau dans ce genre fi elle étoit exécutée en marbre, quoique la pierre que l'on y a employée foit d'un beau choix. Elle forme une grande gailerie couverte qui tourne autour de la place , & qui elt foutenue par quatre rangs de grolfes colonnes , avec des corps avancés & des frontons aux deux extrémités, & au milieu de chaque demi-cercle. Tout l'ouvrage eft couronné par une baluftrade fur laquelle font placées cent trente fix ftatues des Saints Martyrs & Fondateurs d'Ordre , Se d'efpace en efpace les trophées d'armes des Souverains Pontifes qui ont fait travailler à l'Eglife St Pierre. Le Pape Alexandre VII pofa le n Août 1661 , la première pierre de cette belleconftruc-tion qui fut exécutée fort promptement fur les delfeins Se fous les yeux du Cavalier Bernin. 38. Le Pape Sixte V avoit fait ériger obéiifquw le grand obelifque qui eft au milieu de la place (a). C'eft le feul que l'on ait (a) Ces Obélifques font un des ornemens les plus précieux de Rome, & les relies les plus remarquables de fon ancienne magnificence. Ces luafles ényrmcs faites d'un feul bloc de pierre ont O v 321 Mémoires d'Italie. retrouvé entier ; dans l'emplacement oû eft aujourd'hui la Sacriftie de St Pierre , {■té travaillées dans la haute Egypte. On voit à Tebé & à Situé les carrières d'où elles ont été tirées. On appelle cette pierre ou marbre, granité rouge d'Egypte. Elle eil extrêmement dure Hc pefante, d'un grain très-fin, & prend bien le poli, mais avec peine. 11 y a une autre efpece de granité aufli dur que le porphyre: qui prend un "poli aufli éclatant, & dont les parties ont la même configuration. Le porphyre eft rouge foncé marqueté de taches blanches: ce granité eft bleu foncé marqueté de petites taches blanches à peu près égales. On l'appelle granité oriantal, & il eft mis au rang des marbres les plu^7pré-cicux. Il eft plus rare que le porphyre; les plus grands morceaux que j'en aie vu font les deux tombeaux qui font dans la Chapelle des Medicis â Florence. On ignore où eu étoient les carrières. Les Obélifques qui font àRomc, font cfegranité rouge d'Egypte. Il y a quelques colonnes de cemêmemarbre précieux; mais la grande quantité de colonncsquel'onappelledegranite, font d'un marbre d'Egypte-fortdur,rouge mclédepeti-te« taches noires, parmi lefquelles font des crif-talifations prefqu'aufli dures que le diamant. Ce franite reflcmblc beaucoup à celui de l'Ifle 'Elbe, mais les couleurs en font plus éclatantes & le orain plus fin. Ces Obélifques n'ont point été taillés dans le tems des Romains, ni même fous le règne des Rois d'Egypte venus de l'Afièj II eft probable qu'Us font de la plus hante antiquité, du qui étoit autrefois occupé par le cirque de Néron. Il eft plus gros que les autres tems des premiers Rois Pafteurs de l'Egypte, plus de mille ans avant que les Aflyriens n'y pé-nétraffent. Car dans le tems des Rois Asiatiques on avoit perdu l'idée de cette ancienne magnificence; les Romains étonnés de la beauté de ces monumens, les firent tranfporter à Rome, &" en décorèrent les Places publiques, les Cirques Se autres lieux où ils fe plaifoient à étaler leur fbmptuoh'té. Voici ce que Pline en dit : 1. 3 a huir ou dix pieds de diamètre. Nous y montâmes fëpt ou huit perfonnes enfemble , & nous nous y rangeâmes forr à notre aife. Le vrai tems pour faire cette vifite, qui eft longue & fatiguante , eft un beau jour d'hiver à Rome. Dans le printems l'ardeur du foleil n'y feroir pas fuportable ; au mois de Décembre je fentois très vive-vement les rayons du foleil qui frappoient la boule. On prétend qu'en clé ©n y éya-Aouiroit tout de fuite. L'Eglile de Saint Pierre , que l'en peut regarder comme la merveille du monde, que l'on ne fe laiTe jamais de voir, parce que l'on y trouve Toujours de nouvelles beautés à remarquer j fur laquelle on a déjà écrit tant de volumes, 6c que l'on n'a pas encore affez louée, n'étonne pas au premier abord*, rout y eil fi bien proportionné , fi parfaitement à fa place, que fa grandeur n'a rien de frappanr , fes ornemens n'éblouilfent pas, fa ri-chelfe paroît narurelle; le premier fen» timent qu'elle infpire eft celui du refpecl; & de l'admiration. On fe fent pénétré de la Majefté même du Dieu au culte duquel elle a été confacrée. C'eft fon Temple , c'eft le lieu dans lequel on doit l'a-dprer. J'en parle d'après ce que j'éprouvai en y entrant pour la première foisj Je n'y remarquai rien , pour avoir trop de chofes à voir, 6c pour vouloir tout examiner en même-tems. Ce n'eft donc qu'après de fréquentes vifites , & en confidérant tout par détail, que l'on peut fe former une ^idée de ce magnifique édifice, que les deferiprions mêmes ne peuvent pas donner. Pour éviter les redites, je ne parlerai que de ce qu'il y a de plus frappant. Les marbres les plus précieux t le bronze & Mémoires d'Italie. l'or forment fa décoration & y éclatent de toute part. Le pavé répond ci la beauté des revêtilfemens , & les plafonds des voûtes, travaillés en ftucs par compar-timens , & dorés, couronnent avança* geufement l'intérieur de ce magnifique édifice. Trois inferiptions placées au-dedans de l'Eglife , au-delfus des portes principales , dans des cartels très ornés, apprennent : la Ie. que Paul V acheva en entier cette Eglife commencée par Jules IL On peut remarquer à ce fujet que la première pierre fur pofée en i Ç05 y cent ans avant l'exaltation de Paul V, qui dans l*efpace de fix ans , fit plus qu'aucun de fes prédécelïeurs. La II. que le Pape Urbain VIII confacra l'Eglife après avoir élevé le pavillon qui eft au delfiis de Laurel, ou confefiion de St. Pierre , ôc ajouté plufieurs autres or-nemens. La III. qu'Innocent X fit le re-vêtiffement des bas côtés qu'il orna de colonnes de marbre choifis, ôc fit pofer le magnifique pavé à grands deiTeinsde marbres de rapport. Cette partie fur-tout eft du meilleur goût de décoration aufii riche que folide. La nef principale ôc les croifées font décorées de plufieurs grandes ftarues des Rome, Première Part. 333 Saints Fondateurs d'Ordre , placées dans de grandes niches , 6c de plufieurs médaillons en marbre des premiers Papes. Les tableaux des autels qui étoient de la main des meilleurs Maîtres , & que l'humidité commençoit à altérer j ont été remplacés par des copies exécutées en mofaïque , de même grandeur ôc de même proportion, dans le même goût de delïein , & le même ton de couleurs que les originaux. Par ce moyen on leur a aiîuré une durée inaltérable. La Mofaïque invention précieufe , connue des anciens fous le nom d'Opus Mufivum, Vermiculatum, ôc perpétuée à Rome depuis les beaux tems de la république , jufqu'à nos jours, a été portée depuis foixante ou quatre-vingt ans, à un point de perfection qu'il ne paroît pas polfible de pouffer plus loin. Il n'y en a qu'une feule Fabrique établie à côté de l'Eglife de St. Pierre , ôc qui lui appartient. On y a le fccret de compofer des émaux li variés ôc Ci propres à imiter toutes les nuances les plus délicates de la Peinture , que l'on reconnoît dans ces copiés, les finelTes ôc le goût particulier a. chaque Maître. Ces émaux, tels que je les ai vus à la Fabrique du Vatican , doivent leurs qualités à la chimie. Ils jn'onc pacu compofés de matière vitrifiée , Ôc de couleurs tirées des métaux & des minéraux, fondues enfemble à un feu très vif; car chaque morceau des différentes couleurs eft épais fouvent de plus d'un pouce , ôc paroît avoir é:é di-yifé en parties, au fortir du creufet 3c après avoir été refroidi. Cetre vitrification eft plus douce Ôc moins caffante que celle des faulfes pierres coloriées qui fefont avec l'émail ôc le verre unis enfemble ; elle n'eft poinr rranfparente comme ces pierrcs*avec lefquelles on ne pourroit pas imiter le coloris de la nature; ôc je crois que le fecrer de la compoûtiou de ces émaux eft de les avoit rendus de belle couleur, fans être tranf-parens ôc alfez bien unis enfemble pour être divifés en telle partie que Ton veut avec le tranchant d'un marteau , fans qu'ils fe brifent irrégulièrement. Cette matière eft très-folide , j'en ai vû une bocte alfez bien travaillée , qui por* toit une monture d'or qui lui étoit folî-dement unie. Les tableaux de Mofaïque, outre leur éclat & leur fraîcheur inaltérable, ont line (oliciiré que l'on ne peut pas imaginer , à moins qu'on ne lésait vus cora-pofer; les grands tableaux, comme celui Rome. Première Part. 33j de la transfiguration par Raphaël, la Ste petronille du Guerchin , la communion de St Jérôme du Dominiquin , ont pour fonds de grandes bandes de pierres ap-pellées de Piperino , qui en ont toute la largeur , c'elt-à-dire , quinze à feize pieds, fur un peu plus de quatre pieds de hauteur j, de forte que pour ces tableaux qui ont environ vingt-fix pieds de hauteur, il faut fix bandes de pierre qui ont chacune dix-huit pouces d epaif* feurs. On applique fur cette pierre gro£ fièrement taillée, un maftic épais» qui s'y Unit exactement en fe durcifl apt, & dans lequel on fait entrer à petits coups de marteau les différens morceaux d'émail. ne travaille jamais d'après, les originaux même, mais on fait une copie la plus exacte qu'il eft pofîible du tableau que l'on veur imiter, afin d'avoir fous jies yeux le coloris dans toute fa fraîcheur. Ces copies ne fe reçoivent pas indifféremment f elles font compatées avec les originaux 6c jugées par les Artiftes 6c les Ouvrier? en Mofaïque. Souvent les meilleurs Peintres y échouent» 6c voyent Jcurs ouvrages rebués, que par dépit ils abandonnent alors à très» grand marché. Le Pçintce ou plutôt le Çompofiteuf 336 Mémoires d'Italie. en Mofaïque a donc devant lui les quartiers de pierre de Piperino fur lefquels il doit arranger fes émaux, vis-à-vis le tableau à imiter, il eft placé entre l'un '& l'autre , & toujours a la hauteur de la partie qu'il copie; il faut que le jour éclaire égalemenr les deux côtés, afin qu'il ne donne ni ombres, ni nuances fauifcs. Il a devant lui uncalfetin , partagé en différentes cafés , garnies des diverfes couleurs qui lui lent nécef-faires. L'habitude de mettre en œuvre , & la connoilfance qu'il a du deflein &c de la Peinture , fait qu'il ne fe trompe pas fur l'étendue du morceau qu'il doit employer, & qu'il place à l'aide d'un petit marteau fait comme celui d'un Couvreur , tranchant d'un côté pour tailler l'émail, & plat de l'autre pour l'enfoncer d.ms le maftic. Il change de caf-fetins pour les différens fujets qu'il a à traiter, foit draperies, foit figures , foit païfages, où il y a un ton de cou. leur dominant. Quand le rableau eft fini, il paroît d'abord fi brur, il y a ranr d'inégalités , qu'à peine y diftingue-t-on quelque chofe. Alors on démonte les diverfes bandes de pierre qui en forment le fonds; on les porte dans un autre attelicr où on les couche Roms. Première Part- 337 couche horizontalement fur de grandes pièces di bois ; cett-li qu'on leur donne la dernière main, quand on fçait que le maftic a acquis allez de folidité pour fouffrir l'opération néceffaire pour polir le tableau. Cequife fait avec des pierres de grais plâtres, 6c du grain le plusfinque l'on peut trouver, attachées aune maciiinede bois que l'on fait palier d'un mouvement égal 6c doux fur toutes les parties de l'émail qu'elles unifient 6c polilfent en rongeant celles qui excédent lafurface.Quandle grais court également par-tout, ce qui fe funt au tact, alors on lave la pattie qui a été polie avec une éponge, & on voit fi le grais n'a rien enlevé, fi l'émail a par-tout réûfté au frottement, & on répare rout de fuire les parties qui ont été emportées*, cette opération finie , il n'y a plus qu'a placer le tableau dans l'endroit qui lui eftdeftin'é, &: allurerles bandes dù pierre entre elles avec des crampons de ter ; j'ai vu travailler en même-rems au tableau de la transfiguration de Raphaël , & à celui de la réfurrection de Tabithe. Cette manière de peindre ou d'imiter la peinture , n'eft vraiement faite que pour les grand fujets, & ne rendroit pas fi heureufement les fintifes 6c les 7W K P * 358 Mémoires d'Italie. grâces du pinceau de l'Albane, quand aux délicareflcs des compoficions Flamandes des Breughel, & autres Peintres de ce genre, on ne pourtoit pas l'y employer. Mais elle eft excellente pour les portraits ou autres grandes figures. J'y ai vû faire un portrait du Roi de Pologne, Duc de Lorraine, que l'on rendoil tout-à fait reiïcmblant à la peinture originale que l'on imitoit. Ces ouvrages font très-chers : les émaux coûtent beaucoup à compofer, & la main dteuvre eft d'une grande dépenfe; un tablerai de la grandeur de celui de la transfiguration revient à plus de foi-xante & dix mille livres , quand il eft mis en place. Les petits tableaux ne m'ont pas paru proportionnellement auiîï chers. Le portrait du Roi de Pologne ne devoir ccre payé que douze cent livres. On peut avoir à cette manufacture des petits tableaux déliais des jeunes At-riftes, qui fouvent font très-heureufe-ment imités, pour cinq ou fix cent livres; il eft difficile d'y rien acquérir à meilleur marché. J'ai vû une Porcie très-bien exécutée , dont on vouîoit avoir quatre-vingt fequins , ou environ neuf cent livres de notre monnoie. C'eft une des chofes les plus curieuies que l'on Rome. Première Part. 339 puilîe acquérir à Rome, & fur la durée de laquelle on doive le plus compter. Il n'y a que la pefanteur même des ta-bleaux , & la difficulté du tranfportqui puifTe arrêter quelqu'un en état de faire cette dépenfe. On bâtit les petits tableaux fur des tables de lavagna, ou des plaques de fer , entonnées d'un cercle de fer bartu, qui fert à contenir les émaux infixés dans le maltic. Cette manière d'imiter la Peinture , eft infiniment au delfus de celle de Florence, quoiqu'elle foit moins difpen-dieufe , & que l'on n'y emploie pas des matières auiïï précieufes èc aufli difficiles à mettre en œuvre , ainfi qu'on le verra en comparant le procédé de la Mofaïque de Florence dont j'ai rendu compte , avec celui-ci. D'ailleurs le travail de Rome eft beaucoup plus prompr, on y copie avec fuccès les plus grands tableaux, ce qui feroit prefque impofli-bie dans la manière uluée à Florence. La Mofaïque de Rome eft encore plus fupérieure à l'antique. Celle-ci étoit très-folide , parce qu'on n'y employoit que les couleurs naturelles des différens marbres & albâtres, ainfi qu'on le peut voir dans le tableau de l'enlèvement Pij 54° Mémoires d'Italie. d'Europe qui eft au Palais Barbçrill, & dans les Mofaïques que le Cardinal Fui-rietti a trouvées plus nouvellement à Tivoli. Souvent on reuiîiilcit heur eu fe-ment dans les comportions qui n'exi-geoient pas une grande variété dans les couleurs, comme on peut en juger par le tableau du C. Furietti , où font repré-fentées deux colombes polèes lur le bord d'un, vafe de bronze où elles boivent ; le coloris en eft li foible , qu'il reiîem-ble plus au clair obfcur qu'à la peinture ; mais le deftein en eft parfait. Un autre grand morceau de ce genre qui peut fervir de comparaifon entrele moderne Se l'ancien, eft le pavé d'un fallon que l'on prétend avoir tait partie de la maifon de Ciceron à Tufculum , & que l'on a rerrouvé au-detlus de la maifon des Jéfuires à Frafcari. Cette grande pièce de Mofaïque a pour lu jet principal un grand médaillon de Minerve entouré de fleurs Se de feuiiijs en grands enroullemcns. Le choix des pierres coloriées avoic été alfez heureux, elles ont plusd'éclat que n'en ont d'ordinaire les Molai'ques anciennes j mais le coloris eft dur, les couleurs (ont tranchâmes, Se les nuances ne le-fondent pas imperceptiblement les unes dans les autres, comme dans la Mofaïque actuelle. Il falloit cependant que l'art fût alors à toute la perfection que fon pou-voit efperer , pour avoir fçû tirer des marbres feuls , rant de couleurs différentes 6c li vives. Il faut encore obfer-ver que routes les petites pierres que les anciens employaient , étoit de même échantillon dans l'ouvrage , 6c de forme □narrée -, ce qui croit un obftacle réel à la pureté du Ityle 6c à l'agrément des contours *, obftacle qu'évite la manière moderne,-en taillant les pièces conformément au deflein qu'elle doit imiter, en quoi l'ufage guide fûrement les Ouvriers qui fe trompent rarement fur l'é-pailfeur qu'ils doivent donner à la pièce d'émail qu'ils emploient. On peut voir dans les magafms de la Fabrique qui eft à côté de la perire porte de l'églife St Pierre, la quantité de couleurs 6c de nuances différentes que l'on emploie dans la peinture, par le nombre des tiroirs différens où font les émaux , qui va au moins à trois mille. Cet Art, malgré toutes les révolutions qu'a éprouvées la Ville de Rome, au milieu de la défolation des Barbares & des ténèbres de l'ignorance, s'y eft toujours confervé; on voit par-tout des Mo- 34* Mémoires d'Italie. faïques très-anciennement employées i la décoration des Eglifes, à remonter jufqu'au cinquième fiecle; mais quel goût, quel delfein ; ce font d'ordinaire de grandes figures mal proportionnées ôc roides, pofées fur un tonds doré, travaillées dans la manière antique , ôc qui fervent à prouver combien peu on étoit fenfible aux beautés de la nature que l'on imitoit fi mal. Après ce que j'ai dit plus haut du prix des tableaux de Mofaïque , on peut juger de la richelTeimmenfe de l'Eglife de St Pierre, quanta cette partie; cette vafte coupole qui a plus de quatre cent pieds de tour, de même que l'intérieur de la lanterne, en eft entièrement revêtue i ce qui eft d'aurantplus riche que tout l'ornement & les figures , font fur un fonds dJor qui ne peut être que très-cher; car ce font des chriftaux ou verres dorés au feu. Ce qui fe préfente d'abord à la vue en entrant dans l'Eglife, eft le magnifique pavillon ou baldaquin qui couvre l'autel & la confeflion de St Pierre -, il eft foutenu fur quatre colonnes torfes de bronze doré, entourrées de ferions de pampres qui s'élèvent jufqu'aux chapiteaux d'ordre corinthien, ÔC femées pat tout d'abeilles , qui étoient dans les armoiries du Pape Urbain VIII, dont on voit réculTbn à la bafe de chaque colonne. Les groupes d'anges qui loutien-nent la Tiare, les clefs &c hs auires marques diftinétives du fouverain Pontificat , font d'après les delfeins de François Duqucfnoy, dit le Flamand, de même que les grandes figures d'anges qui font à chaque coin du pavillon qui tiennent des guirlandes de fleurs qu'elles jettent fur le refte de l'ouvrage. Cette ad-mitable compolirion exécutée par le Cavalier Bernin , fous le Pontificat d'Urbain VIII &: par fes ordres, eft faite des bronzes mêmes qui furent enlevés de la voûte & du périftile du panthéon ; on y en employa i86jpz livres. Le Pape feul aie droit d'officier fur cet autel principal qui eft tourné à l'orient, fuivant l'ancien ufage. Si quelque Cardinal vouloir y dire la melfe , il faudroir qu'il lut au-torifé par un bref exprès du Pape, qui fe relâcheroit de fon droit en fa faveur pour une fois feulement. Au fond de l'Eglife , au rond point du choeur , eft le fuperbe monument appelle la chaire de St Pierre ,t exécuté fur les delfeins du Cavalier Bernin. On peut regarder cette compofition comme l'une des plus nobles productions de fon génie j 6k je ne crois pas qu'il y ait rien à Rome que l'on puilfe comparer à la grandeur & à la fublimité de fon idée. Quatre ftatues des Pères de l'Eglife Larme & Grecque, St Auguftio & St Am-broife , Se Jean Chrifoftôme & St Atha-nale , hautes chacune de douze pieds , élevées fur de grands pieds d'eftaux décorés d'écuifons , foutiennent un plafond fur lequel eft placée une magnifique chaire furmontéede deux génies qui por-rent la Tiare & les clefs de l'Eglife, & accompagnée de deux grands génies qui paroilfent la garder -y au-deffus eft une grande gloire au milieu de laquelle eft le Sr Efprit fous la forme d'une colombe. Cette gloire vraiment radieufe eft entourée de nimbes chargés de dif-férens génies , fymboles des grâces & des vextus des fouverains Pontifes , dont ils porrent les attributs. Les rayons de cette gloire s'étendent par les côtés à une très-grande hauteur, & font éclatans, parce que l'ouvrage eft en entier de bronze doré, & qu'il eft éclairé par derrière par des verres ' jaunes qui redoublent l'éclat de la dorure. Ce monument élevé par les ordres d'Alexandre VII, renferme une ancien- ire chaire de bois incruftée d'ivoire avec quelques ornemens de fculprure que l'on prétend être celle qui fervit à Si Pierre même, & dans laquelle il a été long-tems d'uiage de placer les Papes lors de leur intronilation ; on en voit un modèle que Ton dit être tout-à-fait femblable dans les appartemens du Vatican. Au-deffous de la chaire eft un autel quarré fort jfimple, fur lequel on dit la m elfe , lorfqu'il y a Chapelle pontificale à St Pierre , Se que le St Pere n'officie pas. Aux deux côtés de ce monument font les tombeaux d'Urbain VIII 6c de Paul III , faits fur les delfeins, le premier , du Cavalier Bernin , & le fécond,-de Guillaume de la Porte. Les eftampes-en font fort connues. Un pe.u plus loin eft celui du Pape Alexandre Vil. La manière dont il a été conçu par le Bernin , eft vraiment poétique. Le Pape eft repréfenté revêtu? de fes habits pontificaux , les mains jointes 6c à genoux fur un riche tapis de marbres d'Afrique, qui couvre la mort que ce Pape redoutoit beaucoup, qui femble faire effort pour fe débarra (fer & fe montrer à lui. Les ftatues de la vérité Se de la charité fe préfentent pour le rafTurer. La ftatue de la vérité P v 340* Mémoires d'It a l i i. croit autrefois abfolument nue. Le Pape Innnocent XI donna ordre qu'on la couvrir, à caufe de i'indifcrétion fcandaleufe d'un Efpagnol, qui comme un nouveau Promethée, s'étoit pris de belle patiion pour cette ltatue (a). Au pied des quatre grands pilaftres qui foutiennent les arcs fur lefquels porte le tambour de la coupole, font quatre chapelles décorées des ftatues de St André, Ste Hélène, Ste Véronique , & St Lon-gin. Ces ftatues de taille cololïale, & toutes d'une belle exécution, font dans des niches faillantes faites des plus beaux marbres; mais le St André qui tienr fa Croix, fculptée par le Flamand, eft fore au-delfiis des autres; cette ftatue eft traitée avec la pureté de ftile & les beautés d'expreflion de l'antique le plus parfait; on y voit la réfignation & la joie de l'Apôtre, qui alloit au fupplice avec une fatisfaCtion dont fon cœur étoit pénétré, parce qu'il é;oit fur le point de fe réunir a fon divin maître. La drapperie eft excellente , on peut la comparer avec tout ce que l'on connoît de mieux dans ce (a) Lucien dans le dialogue des amours , raconte une aventure fort lemblableàcelle de cet efpagnol; on peut en lire les détails qui doivent avoir été à peu près les mêmes dans les deux occafîons. genre, foit antique foit moderne, tant pour la vérité de la forme que la (implicite des plis, fous lefquels le nud paroît autant qu'il doit, mais fans affectation , fans que comme dans quelques antiques ont ait pris à tâche de taire paroître toute la forme des membres à travers la draperie. Le Se Longin eft du Cavalier Bernin, qui a donné le delfein de ces uatre chapelles, qu'il a fait exécuter, e même que les tribunes qui font au-deflus, defquelles on monrre au peuple les reliques aux jours folemnels. Au-delfous de ces autels font des ef-caliers par lefquels on defeend dans les grottes anciennes Se nouvelles, qui font i l'endroit même où étoit bâtie la première Bafilique, elles renferme plufieurs monumens d'anriquités eccléfiaftiques , Se même quelques anciens morceaux de peintures Se de fculpture dignes de cu-riolicé. On y lit gravée fur le marbre une-partie d'une bulle du Pape Grégoire III, 6c des décrets d'un Concile qu'il tint contre les Iconoclaftes. Trois anciens tableaux de mofaïque repréfentant le Sauveur, St Pierre Se St Paul, qui tient trois clefs au lieu de deux, fingularité qui a patu fi avantageufe à la Cour de Rome, que dans des tems bien pofté- P vj 348 Mémoires d'Italie-. rieurs, elle a fait repréfenter St Pierre avec les mêmes attribues, au fond de la grande gallerie du Vatican. Ces tableaux-f ai foient partie de la décoration du tombeau de l'Empereur Othon II, mort en 083. La flatue du Pape Boniface VIII, & fon tombeau, où fon corps fut trouvé entier plus de deux cent vingt ans après fa mort, lorfque l'on dérruiut Tan» cienne Bafilique de St Pierre pour conf-rruire la nouvelle. Il ne lui m an quoi t que le nés & les lèvres a). Un bas-re- (d) Ce Pape avoit été long-tems chanoine de St Pierre. Il a établi, au rapport de Platine, l'ufajre des excommunications publiques qui fe prononcent le Jeudi faint, & qu'il lança fpecia-Jemeiit contre le Roi de France Philippe le Bel, & les Colonnes. Ceux-ci s'en vangerem au dc-là de leur cfpcrance ; car le Sciarra ayant lait ce Pape prifonnicr à Anagni, le ramena à Rome, où il mourut de douleur & de race, trente-cinq jours après fa prife, Mcritur autem hoc modo Bonifaciusille(dit Platine )qui lmperatoribus Regibus y Principibus, Nationibus, Populis ,. Zerrorem potius quam rc/igiouem injicere cona-batur: quique dare régna G» au ferre: pcllere ho-mines ac reducere, pro arbitrio anirni conaba-tur. Aurum undique conquifitumplufquam dici porcjl fitiens, Difcant itaque hujus exemplo Principes omnes tam religioji quam fuculares : prœeffe Clçro & populis non fuperbe & contu-. mcUosè.,, Sed. fancl'e & rnodejiè ut Chrijlus rex Rome. Première Part. £4-5? lief ancien en marbre , qui repréfente Néron ordonnant le fupplice de St Pierre & de St Paul. Deux Anges en mofaïque par le Giotto. Partie de l'acfe de-donation faite par la Comtefle Mathilde-au S. Siège, gravée fur le marbre. Un-tombeau de Félix Diacre de Rome, more en 45 J. Une urne de granité oriental qui a fervi à mettre les os du Pape Adrien IV. Celui d'Adolphe de Vignacourt, Grand Maître de l'Ordre de St Jean de Jerufalem. De la Reine Chriftine de Suéde. Un très-beau bas-relief qui repréfente le Jugement dernier, & qui a-été enlevé du tombeau de Paul II. Le tombeau de Junius Baflius Piéfect de Rome, mort en 559. Ces grottes font très-étendues, & occupent une grande parrie de l'efpace fous la croifée (a). Mais cequi eft plus digne encore d'être 'tofier; Cr malinl à populis amari quam timeri, unde tyrannorum pcnncies oriri merito fol et, (n) Il y a anathême prononcé contre les fem-nicsqui entreront dans ces giottesen autres tems que le lendemain de la Pentecôte , jour auquel U n'eft pas permis aux hommes d'y entrer-Cette fan-tion eu gravée fur une plaque de marbre àl'enirée. Hae mulicribus ingredi non licet nifi unico die lunx. pofl Pentecofiem , quo viciffim ingredi viri pmhibentur. Qui feus faxint^ anathema funt*. ifo Mémoires d'Italie. vu, c'eft la Chapelle fouterraine ou la Confellion de St Pierre, qui eft immédiatement au-delïous de l'Autel principal, on y defcend par deux efcaliers qui font entourés d'une baluftrade de marbre qui eft chargée au moins de cent lampes d'argent toujours ardentes , po-fées dans des cornes d'abondance de bronze doré; elle eft revêtue des plus beaux marbres, parmi lefquels on remarquera le noir, le verd , &c le jafpe antique : les ftatues de St Pierre tk de St Paul , les Anges & les guirlandes de bronze doré font d'un travail fini. A côté dans une petite voûte oblongue décorée de mofaïque , tk fermée d'une porte de bronze , eft confervée la partie des reliques de St Pierre tk de St Paul qui eft reftée dans l'Eglife du Vatican , fous une lame d'argent infixée dans le pavé. C'eft là où on dépofe pendantquel-ques tems les Palîiurn. que le Pape envoie aux Patriarches & Archevêques de l'Eglife Catholique. Outre les tombeaux dont j'ai déjà parlé, tk plufieurs autres encore exécutés avec la plus grande magnificence ; on verra avec quelle richelTe l'Eglife & le Chapitre de St Pierre, ont fait élever les maufoiées de Chriftine Reine de Sue-. de, enrichi de fon porrraic en médaillon de bronze. De Clémentine Sobieski, femme de Jacques III, Roi d'Angleterre, avec fon portrait en belle mofaïque. De la ComtefTe Mathilde. Le bas-relief qui repréfente St Léon arrêtant Attila; d'une beauté d'expref-fïon iînguliere , exécuté par l'Algardi. Une Pieta par rVlichel-Ange. Les cin-quante-fix médaillons placés.dans les pi-lattres de la grande nef & des croifées, par Salé Sculpteur François > fur les def-feins du Bernin. Parmi les ftatues des Fondateurs d'Ordre, celles de St Dominique , par le Gros, & de St Bruno , par Slodtz, qui doivent être mifes au premier rang. Aux deux premiers pilaftres en entrant, les enfans groupés qui fou-tiennent les coquilles de marbre antique à mettre l'eau bénite, & faits pout rendre plus fenfible la belle proportion qui règne dans ce vafte édifice & fes orne-mens, ils paroiifent de la taille de leur âge, mais en les mefurant on trouve qu'ils ont plus de fix pieds de hauteur. Contre le pilaftre a main droite au haut de la grande nef, eft une ftatue de bronze de St Pierre aftis tenant les clefs de l'Eglife, faite a ce que l'on dit du tems de St Léon I, du bronze même de tfz Mémoires d'Italie. la ftatue de Jupiter Capitolin, en mémoire de ce que par la protection du St Apôtre, la ville avoit été délivrée des fureurs d'Attila. Le Pape Paul V la fit expofer à la vénération du public, ÔC elle eft actuellement l'objet de la dévotion des pèlerins qui vont tous lui baifer e pied. Les grandes Chapelles de cet Eglife , font celles du chœur où fe fait i'Olfica Canonial par trente Chanoines qui ont rang dans la Prélarure, trente-fix Bénéficierez) u fécond ordre, quatre Chapelains d'Innocent XI, & vingt-fix Clercs bénéficiers, non compris les Chantres, Muficiens, ck Sacrilfains attachés à ce Chapitre. Il a pour Supérieur un Cardinal Archiprêtre de St Pierre, qui nomme pour fon Vicaire un Prélat Evcque ordinairement Chanoine de cette Eglife. Vis à-vis eft la Chapelle du St Sacrement, dont l'Autel eft enrichi d'un magnifique Tabernacle de lapis lazuli & de bronze doré , au-defïus eft un tableau précieux de pierre de Corinne, qui représente la Ste Trinité, à droite eft le tombeau de bronze de Sixte IV, peu élevé au-deffus du pavé, autour de la ftatue font plufieurs bas-reliefs allégoriques aux feiences. Comme il feroit inutile d'entrer dans le détail des magnifiques peintures qui font dans TEglife de St Pierre, & que l'on connoît par mille relations, il fufîira de les rapporter dans l'ordre à peu près où elles font placées, un St Pierre au-def-fus delà Porre Sainte, par Ciroferri. Le Martyre, de St Sebaftien, par le Domi-niqum. La Communion de St Jérôme, par le même. Le Martyre des SS, Procès Se Martinien , par le Valencin. Celui de St Erafme, par le Pouiïin. St Michel par Jofeph d'Arpin. Sre Petroniïle, par le Guerchin. La barque de St Pierre, par le Lanfranc. L'incrédulité de St Thomas, par le Pailignani. Le crucifiement de St Pierre, par Subleiras. La Transfiguration par Raphaël. La mort d'Ananie Se de Sa-phire, par le Roncaîli. L'AiIomprion r par P. Bianchi- La Préfentation de la: Vierge au Temple, par le Romanelli.Le Baptême de Jelus-Chrift, pat Carlo Ma-ratta. le baptême du Centenier, par Camille Procaccini. La fontaine qui fortit miraculeufement pour ce baptême, par Jofeph Palfari. Tous ces grands Se magnifiques tableaux font copiés en mofaïque , de même que les peintures des coupoles Se des voûtes des Chapelles, qui font des meilleurs maures des différen- Mémoires d'Italie. tes écoles d'Italie, & de plufieurs bons Peintres François, cet ouvrage eft exécu-ré avec tant de precifion, qu'il eft très-aifé de fe faire une idée de la manière, du coloris & de la compofirion du peintre fur ces copies, auxquelles il ne manque que quelques finelles de delfein. Palais du 40. Le Palais du Vatican contient une "1 .'s ''déP r a • i i"" 1 » e n fi t é de chofes dignes d'être remar-pluëL qnées, dont il n'eft pas pofîible de donner un détail, & qu'il eft même difficile de voir & de connoître, tant il y en a. Son étendue peut fe comparer à celle d'une grande ville. On afture que l'on y compte quatre mille quatre cent vingt-deux chambres ou galleries, &c vingr-deux cours, avec les vaftes jardins qui l'entourrenr ; ces conftruétionsfont l'ouvrage de différens Papes, à remonter à plus de trois fiédes (a). [,:) Le Fatican n'étoit autrefois qu'une montagne ou colline (ituée au-delà du Tibre, inhabitée; & qui ne faifoit point partie de la ville. Le nom de V arican lui fut donné. A Paticiniis qua ri ne inftinftu eju.s Dei, in eo agro fieri folita ejfent. Aul. Gel. I.l6 c. 17. Ce fut fur cette colline que les Romains, après avoir chafle les De-vins Etrufqucs dont ils avoient reconnu les fourberies, trouvèrent des Augures ou Devins qu'ils conlukent dans leurs affaires obfcures & La première pièce eft la falle des Suif-fes , qui eft à main droire de la place , embahalTées. Varron cité par Aulugelle donne Une autre étiniologie au nom de Vatican. Pa-ricanus Deus nonuntitux pênes que/a ejfent vocis humaua initia, quoni.im pueri fimlti arque par-ri funt , eamprimam vocem edunt, qua prima in Paticano fillaka ejl. ldcirco vagire dicirur, ex-primente vcrbo fonum vocis recentis. Sur quoi St Auguftin remarque avec raifon qu'il falloir appeller le Dieu qui préfidoit à cette montagne Kagitanus, & non Paticanus. Pline, 1. 36. dit que l'on y voyoit un chêne verd plus antique que la ville, dans lequel on avoit infixé très-anciennement une infcription , en caractères Etmfques, en bronze. P~etuftior urbe in fTtaticano ilex, in quû titulus areis litteris etrufcist rtligione arborem jam tune dignum fuiffe figni-feat. C'eft de-là, dit-on, qu'elt ve;iu l ufage de gtaver des caractères fur les arbres, qui aoiC-foient avec eux & duroient autant. Teneris rneos, incidere amores Arboribus, crefeent illa3 crefeetis amores* Virg. Eclog. 10. C'eft à ce fujet qu'Ariftenete a dit fi élégamment. 1. I ep. 10. Utinam G» mens, vobis arbores y (S* vox effet, hoc unum dicîitaretis Cy-dippe pulchra, velcorticibus inferiptas ferretis, hoc ipfum teflantes litteras. Synimaque, ep. 2.0. f 4. fait mention d'un ufage ancien fort remarquable. Mailem Aboriginutn more, diéiio-nem falutis, alterna ligno aut corticibus feri- j <'6 Mémoires d'1 t a l i e. enfuire le magnifique efcaher fait fur IeS delTeins du Cavalier Bernin, la voûte eft foutenue de deux rangs de colonnes de marbres , & revêtue de ftucs, d'un beau travail tk d'un excellent goût de deffein, comme les pins grands hommes n'imaginent pas tout d'eux-mêmes, on verra dans le palais Spada, une petite gallerie du Borromini, qui a donné au Bernin l'idée de ce grand efcalier. Il conduit à une très-grande faile qui bere. Il n'indique point des tablettes de bois & d'écorce, mais une formule de falut, que l'on adreiloit à celui qui devoit palier auprès d'un arbre, & qui y etoit gravée, auquel il répondoit de la même manière ; cet ulâgc etoit une marque publique d'amitié ou de déférence. On voioit autrefois au pied du Vatican le maufolée de 6'cipion l'Alriquain, bâti dans le goût de celui de Ceftius. Les reftes en ont été détruits pour bâtir l'Jfgfife de St Pierre. Pline a donné à cettepetite plaine le nom de Cirque de C. Calcula, 6c de Néron j parce qu'ils s'y exer-çoient en particulier à conduire des chars, pour paroître enfuite avec plus d'avantage aux jeux publics, ce qui prouve que cet emplacement, étoit vague & inhabité, & dans un quartier fépa-ré de la ville. Tous ces monumens de la grandeur de Rome ancienne , font remplacés par des eonftruétions infiniment plus précieuics, &c où }cs beaux arts fe montrent dans tout leur éclat. Rome. Première Part. 357 fert de veftibule aux Chapelles Sixtine Se Pauline revêtue en partie de ftucs dorés, en partie de grands tableaux dont les fujets ont rapport a Thiftoire de l'£gliiesev des Papes, parmi lefquels J'ay vu avec éton-nemenr, l'aifailinat de l'Amiral de Coli-gny j le malfacre de la St Barthelemi j 6c Charles IX à la tête de fon Confcil, approuvant la mort de l'Amiral. Trois tableaux peints par le Vafari. La Chapelle Sixtine bâtie par Sixte IV, eft celle où les Cardinaux s'affemblent dans le tems du Conclave pour aller au fcrutin. On y verra même à main droite l'endroit où ils brûlent les billets de fcrutin ; mais c'eft moins cette cérémonie Se celles qui s'y font pendant la Semaine Sainte qui la rendent célèbre, que le fameux tableau du Jugement par Michel-Ange, qui occupe tout le fond de cette Chapelle, depuis la hauteur du plafond jufqu'à cinq ou fix pieds du pavé. Cetre compofitiou immenfe eft bien propre à donner une idée du génie vafte Si hardi de ce grand Artilfe : elle eft connue par Peftampe Se les defcriptions que l'on en trouve par-tout j le coloris en eft fombre Se allez monotone, moins par les injures du tems que par la manière de pein-de Michel-Ange. Il y a de grandes in- corrections de delïein, 6k une bifarreric d'idées remarquable, l'enfer du Dante en avoit beaucoup' fourni à Michei-Ange , qui fe renouvellerent lorfqu'il fut chargé de compofer ce tableau. Les Prophètes tk les Sibilles du plafond qui font de la même main ôc dans le même ton de couleurs, font bien au-delTus pour la beauté de l'expreffion tk la régularité du deflein. Michel-Ange étoit excellent pour repréfenter les figures de grand caractère, dans lefquels il pouvoit placer à propos toute la fierté de fes idées. On en peut juger par le Moïfe qui eft au tombeau de Jules Il, à St Pierre in Vin-coli. L'antiquité n'a rien à oppofer à ce morceau fublime. C'eft dans cette Chapelle que j'ai vu en 1762 de très-médiocres Artiftes occupés à couvrir de draperies les plus belles figures nues^dn tableau & du plafond. Les autres peintures qui fonr autour de cette Chapelle, font de Maîtres plus anciens que Michel-Ange, tk fort effacées. La Chapelle Pauline bâtie par ordre de Paul III, a deux grands tableaux de Michel-Ange, l'un de la Converfion de St Paul, l'autre du Martyre de St Pierre, qui font dans le même goût de force & de {insularité. Ce font les derniers ouvrages de Rome. Première Part. 3^9 ce Maître, qu'il fit âgé de 7Ç ans. On verra dans cette Chapelle deux très-belles colonnes antiques de porphire qui portent des torchères. C'eft; là que commence le premier Dimanche de l'Avent l'expofition folemnelle du St Sacrement pendant les quarante heures, & qui fe continue pendant le refte de l'année dans les autres Egliles de la ville. Cérémonie ou fonction qui fe fait avec beaucoup d'appareil par le Pape, accompagné des Cardinaux & des Prélats de fa Maifon ; je me fuis fervi du terme de fonction , car l'ufage à Rome eftd'appeller de ce nom toutes les cérémonies d'appareil,facrées ÔC profanes, dès qu'elles fe font en public. De cette falle dont j'ai déjà parlé, on entre dans la gallerie qui eft au-delfus du veftibule de l'Eglife de St Pierre , où fe donnent les bénédictions générales, où fe prononcent les excommunications, & d'où le premier Cardinal Diacre vient annoncer au peuple l'élection du Souverain Pontife, & le nom qu'il a adopté. On traverfe en fuite les appartenons où fe tient le Conclave , qui font les mêmes où le Pape fait le lavement des pieds. Eu tirant au nord, on trouve une cour entourrée de trois ordres de galleries ou de loges les unes au-delfus des autres, il faut voir iur-tout la gallerie qui eft au lecond rang, Se que L'on appelle la Bible de Raphaël , parce qu'il a tiré de l'Ancien Teftament, Je fujet des peintures principales de cerre gallerie, dont il n'a cependant donné que les delfeins, mais qui ont été exécutés par fes meilleurs élevés, Jules Romain , Perrin Del-vaga, François; Penm, dit ilsFattore9 Se Jean da Udïné. Cette magnifique gallerie dont les peintures font encore fraîches , eft partagées enrreize arcades. Dans la première eft peinte l'hiftoire de la création , du ftile le plus fublime -, on dit que Raphaël a travaillé aux tableaux de cette première diviiion, pour donner à fes élevés le ton de couleur auquel ils dévoient fe conformer, îa figure de Dieu le Pere ponce dans le vague de l'air au deffus des eaux, à toute la no-bleffe Se la Majefté que l'on peut imaginer dans le Dieu Créateur de l'Univers ; on ne pouvoit pas mieux peindre, le Spi-ritus Z)ei ferebatur fuper aquas. Et l'on peut dire que les idées de Raphaël. Eran' con lui, quando Camor divino Mojfè da prima quelle cofé belle, Dans un des tableaux de la féconde arcade, on voit le Créateur fa main appuyée fuies fur l'épaule d'Eve, qui a encore toutes les grâces de l'innocence fur la phifionomie. Elle eft de la plus grande beauté, d'une élégance & d'une pureté de delTein lî parfaite,qu'on la croit de la main de Raphaël, quoi qu'à Rome l'on allure que cette arcade eft toute de Julefs Romain. Adam eft aflis qui admire fa compas gne d'un air riant, qui lui montre l'endroit d'où elle a été tirée, 5c la cote dont elle a été formée. Cette compoiîtion eft pleine d'agrémens. Dans un autre tableau de cette arcade, le malheureux Adam eft placé dans la plus belle campagne, mais obligé de la cultiver pour en tirer fa fubfiftance. Eve quoique toujours belle «ft trifte Se occupée du foin de pourvoir a la fubfiftance de deux petits enfans qui jouent autour d'elle. Les figures de tous ces tableaux ont enviton deux pieds de proportion. Adam dans ce dernier tableaux tient une bêche de fer; ce que Salvator Rofa a vivement cririqué dans une faryre intitulée la Peinture. E corné compatir, feu far' potiamo Un Rafaël' p'ittor' raro ed efatto Far" diferro una ^appa in man' d'AdamOi A la quatrième arcade.. Abraham dans Je magnifique païfage de la vallée de Tome y, * Q ^6Z MÉMOIRES E>T talï Ej mambré , voit venir les Anges à lui, fe profterne & les adore ; Sara cachée derrière la poire , rit de leur promeife , tout y eft excellemment caraétérifé, rien n'eft plus noble & plus beau que les figures des trois Anges : on peut appliquer à chacune d'elles, l'idée que le Dante donne de la beauté même. A noi -venin la crtatura bella Jiianco vejlita, ènella faccia, quale Par, tremolando mat .tinn Jlella. Cette arcade eft de Francifco Penni» La fixieme a été peinte par Pelle-grinde Modene j on voit dans un paifa-ge agréable, un puits ouvert fur le bord du tableau, & des troupeaux qui vien» nent s'y abreuver. Deux jeunes filles d'une beauté raviftante,fe tiennent par la main,avec toute la gaieté & la vivacitéde leur âge *, un jeune homme s'approche d'un air honnête , & leur adreite la parole. C'eft la rencontre de Jacob Se de Rachel au pay.s d'Aran. Il femble qu'il aille lui dire.... Dell bella donna chi à raggi d*amore Ti Scaldi, s'i' vo' credere à Jambiantf Çtè. foglion ejfere teftimon, delcorer La onzième arcade de Perrin dei Koace. Première Part. Vaga, repréfente dilférens traits de l'hif-toire de Dav.id. Le I. la défaite de Goliath. Le IL l'mitant où Samuel lui donne l'onction fainte de Roi des Juifs. Le III. David triomphant fur un char à la Romaine, précédé d'une longue fuite de gens chargés des dépouilles des ennemis , Se fuivi de prisonniers dont quelques-uns font attachés à fon char j toute cette pompe eft admirablement peinte, mais tout-à-fait contre: le Coftume. Le IV. qui repréfente Bethfabéedans le bain, Que & fe peignant les cheveux , placée de façon que , non feulement elle eft à la vue de David , mais encore de toute l'armée , qui eft en mouvement. Au refte pour louer les beautés que renferme cette gallerie, il faudroit parler de tous les tableauxciter les trophées d'armes, détailler l'élégance ôc le beau choix des grotefques, (a) faire ua («)Vitmvfl jL7.dc Arch; c.$. dit quec'eilde foja tems, fous le règne d'Augufte, que l'on in-veata les aiabefques. Ils furent tout d'un coup fi fort à la mode, que les gens les plus distingués ne voulurent plus avoir d'autres peintures dans-leurs apartemens II parle avec beaucoup dindignation de ce caprice général qui tendait * détruire le ytai goût des arts, & l'imitation de ia nature i comme les artsétoicm alors à leue Qij ouvrage exprès pour annoncer tour ce que l'on y doir admirer.... Jo non pojfo ridir* di futto appieno P croche jî mijlringe il Ivngo tema Che moite volte alfatto , il dif -vien' menai Un aurre grand objet de curiofîté eft L'apparremenr peint par Raphaël, il eft compofé de quatre grandes pièces , dont les tableaux font (i connus que je ne ferai que les indiquer en paiîanr. La première falle appellce de Conftantin ? parce que fes peintures repré-fentent les principaux traits de la vie de cet Empereur... fon baptême... la donation de Rome... le difcours qu'il adreife à fon armée avanr la baraille , perfection, les aiabefques de ce tems font trés^ bien traités, ainfi qu'on peut le voir' dans quelques antiques À Tivoli, & au tombeau d'Agrip-pine à Baies. La mode des aiabefques ne s'établit à Rome qu'à la date que Vitruve afiïgnc, mais ils fontbeaucoupplusanciéns, on en a trouvé dans les ruines de Perfepolis & des plus anciennes villes d'Egypte & de Grèce, le nom de gtotefque eft moderne & tire fon étimologie des grottes antiques que l'on ouvrit dans le tems de Michel-Ange & de Raphaël, & où on trouva de ces fortes de peintures, auxquelles la plupart des ornemens gothiques reilémbloicut beau> CQup. 1 Rome. Première Part. tn conféquence de la Croix qui lui étoit apparue.. ♦ la défaite de Maxenee dans les champs qui bordent le tibre à Ponté Molle. Cette falle a été peinte par Jules Romain & François Penni, fur lesde£ feins de Raphaël ôc après fa mort. Les trois pièces fuivantes font toutes de là main de Raphaël. Dans celle qui fuit$ font les hiifoires d'Heliodore & d'Attila 4 Se du côté des fenêtres, le miracle d'Or-»-viette ou la meffe, ôc la prifon de St Pierre j ce dernier rableau mérire d'au^-tant plus d'attention , que c'eft une des productions les plus frappantes du génie de Raphaël, ôc dans laquelle l'Art de la Peinture eft porté au plus haut degré* C'eft un effet de nuit qui a trois lumières différentes, d'un côté la lune éclaire un efcalier fur lequel dorment les Gardes de la prifon ; cette partie eft rendue avec la vérité de la nature même ; tout y eft dans le repos le plus parfair ; de l'autre côté eft un garde qui ayant vu une lumière extraordinaire dans la prifon , eft allé allumer un flambeau, ÔC eveille fes camarades auxquels il montre ce qui fe paffe ; on voit que la lueur du flambeau leur fatigue la vue 3 ôc qu'ils ne font pas encore pasfairement éveillés. Ces deux parties du tableau, occupent Qiij les deux côtés de la fenêtre , & les figures fonr pofées fur les deux efcaliers qui conduisent à la prifon , qui eft cenfée êtreiurun plan plus élevé, au haurde la fenêtre même ; c'eft-là que Ton apper-çoit un rroifieme effet de lumière, plus remarquable que les deux premiers, en ce qu'il eft furnaturel, & que le Peintre a fçn le rendre tel qu'il l'imaginoit;il ne fe confond point avec les autres, les parties de la prifon en interceprentl'éclat, il fort au dehors par la grille de fer y h travers laquelle on apperçoit l'Ange de bout qui éveille St Pierre, & qui lui ordonne de le fuivre. Ce bel effet de lum;ere angelique eft répété une féconde ibis dans ce même tableau, & d'une manière encore bien fupérieure à la première y lorfque St Pierre eft repréfente tors de la prifon, précède de l'Ange qui le conduit au bas de l'efcalier, à côté du foldat qui tient la torche allumée & qui éveille fes camarades \ c'eft-là où les rrois effets de lumière font réunis fi parfaitemenr que la nature même ne pourroit rien préfenrer de plus vrai ; dans cette occafion Raphaël étonne , fon génie paroît au-delfus de la portée de l'homme -, l'éclat imprévu de cette torche frappe ces folda:s à demi Ko me. Premier e Part. %$f éveillés , qui cherchent à en éviter l'éclat en fe cachant la vue , Se cependant tous ils fe tournent de fon côté. Lahro forge' înpieiifè nelf aprir gli oecki fonnachiofty mal potendo fofffire in faccia la rampa, délia torcia fi riparalavifia con la mano fopra la fonte; 6c ce qu'il y a d'admirable, c'efl: que ces mêmes figures éclairées 6c fatiguées par la lumière de la torche x réflechilfenr par derrière l'éclat de la lune dont les rayons viennent frapper fur leur armure j il n'y a que le pinceau de Raphaël qui puiiîè rendre dignement l'idée qu'il avoit conçue de l'Ange j loTfqu'il conduit St Pierre hors de la prifon y en effet il eft fi beau , fi brillant, que l'on voit bien que c'eft une figure celefte y compofée , comme le dit Bellori 3 d'air Se de lumière, fans aucun poids..... UAngelico fpirito in lucida. vefle dïgU-ria yfcintillante da ogni canto , irradian-do la prigione , rifulge , è trafpare in fe fteffo compoflo di aria è di luce, fen^a mortal pefo, La figure de S. Pierre contrarie admirablement avec celle de l'Ange qui le tien: par la main 6c lui montre le chemin : on voit le chef de l'Eglife moitié éveillé, moitié endormi, qui fuit fon guide d'un pas chancelant & incertain. Sorprefo fra la vigilia e V fonno fe- ]68 mémoires d'Italie; guc la fcoria conpajfo incerto è dubbiofs'. Ce tableau eft à mon gré la plus belle compofition , la plus hardie, ôc la plus fçavante qu'ait jamais imaginée aucun Peintre jaulîi perfonne n'a-t il ofé l'imi-ler. J'ai oui beaucoup parler de la fa-meufe nuit du Correge (c'eft ainfi que l'on appelle fon tableau de la Nativité qui appartient aujourd'hui à l'Electeur de Saxe ) j'en ai examiné l'eftampe avec attention j j'en aivû en Italie descopies faites par de bonnes mains; l'enfant qui vient de naître, couché fur la crèche, éclaire en entier la figure de la vierge quil'embrafte -, lalumierefe répand de-là fur tout le refte du tableau , avec l'intelligence de la nature même; mais il n'y a qu'une feule a&ion , une feule lumière , c'eft un bel effet de nuit, éclairé furnaturellement; mais ici l'art, la nature , Ôc l'éclat angélique contraftent enfemble, ont tous trois leur effet, ôc ne femblent mis, en oppofition que pour faire juger de leur différence par des yeux mortels qui ne fembloient pas être faits pour les comparer. La troifieme chambre dire de la Signature, a les fameux tableaux de l'école d Athènes ou de la Philofophie, de la Théologie ou de la difpute du 5t Sacre- mène de l'Euchatiftie3 la jurisprudence, la poëfie ou le parnaife. Dans la quatrième font l'incendie du Bourg Saint Pierre arrêté par les prières de St Léon £ la victoire du même St Léon fur les Sarraiins au port d'Oftie, la juftifica-tion du Pape Léon III , Ôc le couronnement de Charlemagne. On remarquera encore des traits de génie admirables dans le tableau de l'incendie. Je ne m'arrêterai pas à parler des divers appartenons des Papes qui com-pofent la totalité du Palais du Vatican. La defeription en feroit trop longue ÔC trop monotone ; il y a dans tous, des peintures de bons Maître \, & quelques meubles précieux.j la vue ôc lefprit fe fatiguent à les parcourir, que feroit-ce dêtre obligé de les décrireî 41 Ainli j'abandonne cette multitude sratnes à$ cVappartemens ralfemblés, à la curiollté Belvédère, de ceux qui voudront s'en occuper ; je ^alfe par un grand corridor qui a cinq cens pas de' long, & qui a éré conftruit pour joindre là hauteur du Belveder à celle du Vatican , ôc je vais droir à la ftatue antique de Cleopatre qui orne une fontaine qui eft au fonds de ce corridor. Elle eft colo/fate trois fois grande Qv 370 Mémoires d'Italie. comme nature , d'un excellent travail grec, & toute morte qu'elle eft , elle conlerve encore des traits de cetre beau» té qui avoit fubjugué le vainqueut de l'univers. Deux grandes inferiptions , l'une de Baltazar Caftiglione , l'autre d'Auguftin Favoritus, toutes deux en vers Hexamètres , & gravées fur le marbre, expliquent fhiftoire de cette Reine infortunée tk la caufe de fa mort} je citerai quelques vers de la première... Marmorc quijquis in hoc^favis ad morja colu* bris 'JBrachia S» aternâ torpsntia lumina notle Afpicis, invitant, ne crede occumbere Letho..i- Sedulitas ,pulchraque necis generofa Cupiddy ficitvira ignominiam , injidiajque Tyranni* dLibertas nam rapta nec ejl, nec vincula fenfi t X7mbraque tarrareas defeendi Aibera ad undas Quod licuijjfe mini, indignaïus perfidus hofiis, Savitia infanis ftimulis exarjlt, Cr ird; Namque triumphali inveclus Çapitolia curru Injigncs inter titulos, gentefque Jubaclas, JExtincHa infelix fimulachrum duxit <5* ameni Speiiacu/o cxplevit crudelia Inmina inani. Neu facH3 longava verufias ,famam abol-ertf^ Aut f tris meafors ignota nepotibus ejfct EJftgzcm excudi fpiranù è marmore }iiffity Tejlari 6* fatum cafâs miferabite nofiri.... Sans doute que la fontaine celTa de couler peu après qu'elle eut été décorée *, car le Poète après avoir mis dans la bouche de Cléopatre un magnifique éloge de Léon X, lui fait demander le rétabliifement de fes eaux, qu'elle dit être fes larmes;. Parvapeto lachrymas. Pater optimet redde, JRedde, oro, fletum; fletUs mihi muneris inflars'-lmproba quando aliud nil jam fortunà reliquitt. • • • .... ■ • . P~ixifine crimine^Jî non Crimen3amaretvocas '.fletus folamen amantum efii •Adde quod ajjliélis, nojlrœ jucunda voluptas Sunt laerymtz , dulcefque t. invitant murmure fomnos. (a) A côté de la grotte où eft placée cette' ftatue, eft un efcalier qui monte à la partie la plus élevée du Belvédère où font les célèbres ftatues dé l'Apollon y> de l1 Antinous, du Laocoon,6cc r (a) Pour comparer la poëfie latine avec lâ.; poëfie italienne fui le même fujet. Je vais rapporter un Sonnet gravé à la fuite des deux poèmes dont j'ai parle. <2V) 372 Mémoires d'Italie; L'Apollon eft à côté de la porte e» entrant à gauche. Il eft du plus beau marbre Parien, & de la grande taille naturelle. Le vifageconfervé en entier, a toute la beauté que doit avoir le Dieu? du jour, Ôc en même tems quelque cho- Sopra la Cleopatra del Vatican©,, S ONETTO Di Monjignor Bernardino Balhl dit Utbino, Abaté di Guafialla, le, eut gia tanto lietn, // n'do accolfe-, Quam1 or mtfla e dolente tl Tebro mira ; Dit Latir? vincitore iifajlo e lira Fuggenâo al mio fin* corfi, c non men dolfc- 11 mio eollo rcat foffrir non volfé Catcna indegna, onde il vit tri ché fpira Langue, ché al nudo mio freddo s'aggira Kmgra-no, e lei, chyindi il mio (lame fiiolfei Non puo tuto chi vince. Il fuo fuperbo Trionfo non ornai, bcnchl egli il bianco Marmo intaghaffe ch'il mio vero adombra, Libéra fui Regina, e' l fato actrba Liberia non mi tolfe , onde fcefi anca Sciolto fpirto ail' infemo, e liber' ombrât w de grand tk de terrible ; mais fans dureté les proportions du corps font excellentes } il paroît fort fans aucun traie de groiïïereté, il aies bras dans i'atitude où ils étoient dans-l'inftant qu'il eut décoché la flèche dont il tua le ferpenc Pithon j on voit encore dans fa main gauche le refte de Parc ,. il porte fon carquois fur fes épaules, & une légère draperie qui s'étend de l'épaule au bras gauche fur lequel elle eft retrouflée , le refte du corps eft nud. Les jambes ont été brifées j comme on n'en a pas retrouvé tous les morceaux, elles ont été reftaurées en partie en ftucs , par un Ouvrier mal-adroit, il n'a plus qu'un feul doigt à la main gauche. Malgré tous ces accidens caufes par l'injure des rems, cette ftatue eft encore l'une des plus belles que l'on connoilTe : on prétend que c'eft la même qui étok au Temple de Delphes , qui rendoit des oracles ,. & qu'Au-gufte fit tranfporter à Rome quand elle fut devenue muette. On l'a trouvée i *Tettun les ferrent tous les trois.. . L'expreffion de ce grouppe eft admirable; mais le pere fixe tous les regards, à peine fait-on quelque attention aux fils, quoique celui' qui eft à la gauche, foit dans un état affreux de douleur, l'un des ferpens commençant à lui déchirer les entrailles. Michel Ange regardait ce groupe comme un miracle de l'Art. Il eft l'ouvrage de trois Sculpteurs Rhodiens , Agefan-dre, Athenodore tk Polidore. Quelques Antiquaires ont prétendu que ce Lao-coon n'étoit pas celui dont parle Pline L. 2.6". c. if," à caufe qu'il dit qu'il étoit d'un feul bloc de marbre (« ; mais n'a- f ) Sicut in Laacoonte qui eji in Titi domo » opus , omnibus & pi Aura & ftatuaria artis, antt ftrendum; ex uno lapide eu m & liberosy draconu*» mirabiles ncxus, de ConfiliiJ'ententiâfecert fumnû artifices) Agcfander^&Polidorus &A(hea«dorUi RhodiU 370* Mémoires d'Italie. t-il pas pu fe tromper , car les deug morceaux font fi bien joints, qu'il a falu la fagacité de Michel-Ange pour les reconnoître v avant lui on avoit cru ce groupe d'une feule pièce. Je fcais qu'après l'avoir bien examiné , je n'y aurois rien reconnu 3 fi je n'avois pas été prévenu. Or Pline le regardoit en ffiitorien ôc non en Artifte. Le Cardinal Sadolet qui vivoit lorfqu'il fut retrouvé, en avoit failï parfaitement l'idée, ôc en a fait la plus belle defcriprion dans un petit pocme latin qui eft regardé comme un de fes meilleurs ouvrages (a) Quidprimum fummumvt loquarl Mlferumne parentenï Etprolem geminam t An flnuatos flexibus angues Terribili afpetîu ,caudafque irafque draconum^ Vulneraque, & veros, faxo moriente, dolores. Horret adhtsc animas, mutdqut ab imagine pul-: fat, Peelora, nonparvo pietas commixta tremori. .. • *........• ; ' fix ocuîi fujferre valent ; crudele tuendo Exitium , cafufquc firos , micat aller & ipfum JLaocoonrapetit, totumque, infràque, fupràque jmplicar, 6» rai)do tandem ferit Ma morfu. Les autres ftatues du Belvédère font l'Antinous du plus beau ftyle Grec. Le bras droit & la main gauche ont été emportés. La cuiffe droite , la jambe gauche & les deux pieds avoient été fort endommagés; mais ils ont été heureusement reftaurés aVecles morceaux même de la ftatue. On voit dans les traits du vifage, & route l'atitude du corps , une beauté molle &: efféminée, de forte que l'on peut dire de l'original avec Aufone» Ep. 105, Ditm dubitat natura^ tnarm f.iceretne pneUant^ Faffus es dpulcher, pêne putlla, puer. Commode couronné de laurier, revêtu de la dépouille du Lion, avec le petit Hylas fur fon bras. Ce Prince nerveux comme Hercule 7 n'employa fa force qu'à fe deshonorer en faifant le métier de gladiateur aux combats du Cirque. Cette inclination fi indigne d'un Empereur, eft peinte fur fon vifage qui refpire la férocité. Venus s'enveloppan\t d'une draperie Connexum refugit corpus, lorquentia Jl/e Membre, latufqttc retrb Jînuofum à corporc ccr* nas,.,„ i'adolcths, in Laocoontc, 57» Mémoires d'Italie:. avec Cupidon à fon côté , que l'on croît avoir appartenu au Temple de Venus bâti dans les jardins de Sallufte , à en juger par l'inlcription qui eft gravée fur le piedeftal. Vcricri fellcl facrum. Sallufiia. Helpidus. D. D. Un autre Venus qui fort du bain Se qui tient devant elle une draperie, qui pend jufqu'à fes pieds. Au milieu de la cour eft une ftatue coloflale du Nil, de marbre d'Egypte que Ton croit avoir été autrefois à Rome dans le temple de la Paix. Seize enfans, la plupart mutilés , dont l'un eft placé au-defius d'une corne d'abondance ; marquent la hauteur à laquelle ce fleuve devoit s'élever pour fertilifer l'Egypte (*)... vis-à-vis la ftatue du Tibre de même grandeur. (v) Il eft difficile de douter que ce ne foit la même ftatue qui étoit au Temple de la Paixj fi on la compare à la defeription que Pline en a donnée, 1. ^6 c- 8. Invertit eadem AZgyptus in uEthiopia, quemvocantbafaltem, ferre i coloris atque duritite. Numquam hic major repertus eft quant in templo Pacis, ab Imperatore Fefpa-Jtano A"uguflo dicatui augmento nili, fexdecim liieris eirco-ludentibusper quos lotidem cubiti Aur deux angles des urnes anriques , chargées de bas relief d'un beau travail "Crée. La plus remarquable ferc de baffin * une fontaine, Ôc les figures fonr couvertes en partie de moufles Ôc d'écume* defïechées qui les gâtent beaucoup. On voit fur le devant un Empereur altîs fur fon thrône , & une femme qui lui présente un enfant, ôc qui paroît implorer fon fecours. Quelques efclaves font amenés devant le Prince qui eft couroné par la victoire. La conformité de ces figures avec quelques-unes de celles qui font fur l'arc de Severe , a donné lieu de conjecturer que ce monument eft du tems île cet Empereur, qui y eft repréfente , recevant les hommages des Parthes vaincus* Au-defïus des murs de la cour, fous la frife, font infixés des mafques antiques de forme colloffale que l'on tlit avoir été enlevés du Panthéon. Sous un petit bâtiment de charpente qui paroît avoir fervi d'attelier à quelques Sculpteurs, eft le fameux torfe antique ou tronc d'Hercule , ouvrage de fummi incrementiaugentisJe amnis ejus, intelli-guntur. Ce même paflage apprend encore ou étoient les carrières de ce ba faite ou marbre noir, fi dur, qu'il approche beaucoup de lafo-lidité du fer. 3$o Mémoires d'Italie? l'Athénien Apollonius, ainfi que l'apprend l'infcription qui eft à la bafe. Ce torfe étoit l'admiration de Michel-Ange , il l'avoir étudié toute fa vie , Ôc difoit que l'Art n'a voit rien produit d'aufti parfait. On dit même que dans les derniers tems de fa vie, cetilluftre Arcifte fe faifoit tranfporter au Belvédère , pour avoir le plaifir de voir & d'admirer ces ftatues,dans lefquelles il découvroittoujours de nouvelles beautés. C'eft le plus grand éloge que l'on puiftè en faire.« De-là on peut defcendre dans le jardin feciet du Vatican , pour y voir la grande pomme de Pin , Ôc les Paons antiques de bronze que l'on dit avoir fervi «le couronnement au tombeau d'Adrien. Dans un des apparremens du Palais voifin, font une quantité de modèles des principales conftruclions de Rome, tels que, de l'Eglife de St Pierre, fur les delfeins du Bramantede la grande coupole , relie que Michel-Ange la vou-loit faire exécuter... du grand pavillon, de la chaire de St Pierre, & de la colonnade de la place par le Bernin... du Palais de Montecavallo.. . il y a mille autres curiofités dans ces apparremens, fur-tout des tableaux de tous les diffé-rens fiecles de la peinture , depuis fon fétabliiTement, jufqua nos jours 5 mais a mon gré l'un des morceaux les plus curieux, eft le portrair de St François ^ic de fon tems par un Peintre de laïques dont le nom eft au bas du tableau. « eft peint fur une planche plus longue que large. Le coloris en eft encore frais, la robe eft de même couleur que celles Quepottent encore \esZoccolantl ou Cor-deliers à Rome , d'un gris d'ardoife clair. Le capuchon eft rond & jufte au vifage, moins long que celui des Capucins , & terminé par une petite pointe ou corne. Si l'Inftituteur de la réforme des Capucins eût eu çonnoiftance de ce tableau, il n'eut pas eu des difputes il vives avec les autres Francifcains, fur la forme que devoir avoir le capuchon pour reftembler à celui de St François. Une pièce très-curieufe à voir , eft la grande gallerie du Vatican, entièrement peinte d'un bout à l'autre par de très-bons Maîtres. Les grands panneaux font occupés par les cartes géographiques de tous les états différens qui compofent l'Italie , à la prendre dans toute fon étendue du Var , jufqu'au détroit de Sicile > °n y a joint le plan de toutes les Villes principales &c des Ports de mer. he plafond de la voûte eft orné de cUffçrens 58z MemoIr.es d'Italie. tableaux coloriés , & entre les cartes? géographiques , il y a quelques bas reliefs feints de bronze, de très-bonne exécurion. Au fonds eft un St Pierre en Mofaïque , por rant trois clefs, pouc marque de la puiflance (ans bornes que les Grégoire VII Se les Boniface VIII fe font attribuée. Idée copiée d'après un très-ancien monument que l'on voie dans les grottes de St Pierre , à laquelle le foin de la renouveller , prouve que la Cour de Rome eft fort attachée; mais pure idée, Se qui n'aura jamais fon exécution (a). On ne peut trop fe promener (a) Mufivtim opus imaginent prœ aliis refe-rens B. Pétri très claves gejlantis t quitus am-plijjima potejlas Kcmano Pontijicitradita de-fignatur. Collocatum hic fuit Clémente XI Pont* Max. A. S. 1711. Cette infeription ôc ces trois clefs qui donnent la plénitude du pouvoir aux Papes, méiitcnt quelqu'attcntion. N'eft-ce pas abufer du droit de le faire des titres, que d'en chercher même dans l'imagination d'un Artifte ignorant, qui par pur caprice, a mis trois clefs dans la main de St Pierre, au lieu des deux, qui lignifient la puiflance de lier & de délier accordée à l'Eglife & à fon Chef II eft important cPobfcrver dans quel tems & fous quel Pape ce monument a été renouvelle, pour ne pas douter que les prétentions de la Cour de Rome, ne foient toujours,les mânes depuis uiic langue fuif e deikcles. dans cette gallerie (V1 pour y prendre une idée de l'Italie. Diflérenres infcrip- (d) Voici une de ces inferiptions qui en fera connoître l'utilité, ltalia falubn cœli temperie folique ubertate, incolarum humanitate acfoler-Ùdy urblum frequentiâ Cr fplendore excellent', ponufffo littorum gremio t & facili undique ac-ceJfu, cunedis gentibus commercio, hofpitioqae patens. Ejus longitudo ab Augujld Pretoria ad Leucopetram M. P. DCCC.Latitude varia eft; maxima inter P'arum 6> Arjiam flumina, M. P* CCCCX. Minima inter Hipponiatem V'iathematis vinculo colligatus ejlo3 à quo-quam, prceterquàm Rom. Pont, ne abfolvatur. Tome f^, * R Pontificat de Paul la féconde, fous celui de Clément XII. Mais il s'en faut beaucoup qu'elles égalent pour la magnificence tk le goût, la gallerie de Sixte V , dont toute la décoration eft du choix le plus heureux, 'I T A L I E. dans des armoires proprement travaillées , hautes d'environ icpt pieds , mais exactement fermées, & contre lefquelles la cunolité va fe brifer, de façon que l'on ne peut même pas connoitre les livres de vue comme en toute ancre Bibliothèque j d'ailleurs quand on voyage, c'eft moins pour étudier que pour voir & acquérir les idées des choies que fon ne connoît pas, ôc qui fe préfentent fous la vue. Or une colleét.on de livres n'eft pas un objet de euriofité première ; àiniî orrfe conrenre d'admirer la propreté extérieure de celle du Vatican , les beautés qui font faites pour être vues , quelques parties de dérail rares Ôc curieufes, âe on ne demande pas aux Gardes d'ouvrir les armoires > à moins que l'on ne fça-che que dans quelques unes d'elles, il y ait des livres que l'on ait befoin de confulter 5 encore comment le deviner. On n'y voit donc que quelques manufcrits curieux qu'il eft d'ufage de montrer à. tous les voyageurs, & dont j'ai retenu des notes exactes... Une Bible Hébraique d'une prodi-gieufe groifeur, qui palfe pour être très-ancienne , quoique le P. de Montfaucon en afligne la dite à l'an 1294, on ne manque pas de diie que les Juifs, de. Rome. P r e m t e il e Part.- fp f. Venife ont voulu l'acheter au poids de l'or, elle leur auroit coûté cher , car elle eft fi lourde, qua peine peut-on la tourner alternent... Les quatre Evangiles manufcrits du neuvième fiecle, que l'on dit avoir appartenu à Charlemagne, les caractères font quarrés & tiennent du Gothique. Il eft écrit a deux colonnes, chaque colonne entourée d'une vignette différente , il y a beaucoup d'or Se des cou* leurs fort éclatantes... Le fameux manuferir deTerënce que l'on dit du neuvième fiecle , il eft écrit d'un caractère rond, net & rrès-lifible , avec quelques feoliesou variantes entre . les lignes. A la tête de chaque pièce font les mafques de théâtre qui fervoient anx Acteurs , & au commenrement de chaque feene fonr peints les Acteurs mêmes. Les figures ont environ- trois pouces de hauteur, clans l'attitude principale , avec leurs habillemens & le maf-que de la feene. Ge livre eft propre à donner une idée de l'ancienne repié-fentation* on voit quelques pièces des feenes ou décorations peintes, comme' des portes de chambre , des pièces de maifon , des Acteurs qui parlent de la porte ou de-la fenête. Tout cel^fe rap- R y 3<;4 Mémoires d'Italie. porte parfaitement aux idées que lailfe le théâtre Olympique de Viccnce. Le nom du Copifte du Terence étoit 11. RODGARIUS. Un Virgile que fondit du cinquième fiecle , en lettres onciales , avec plufieurs vignettes où l'on remarque encore quelques relfes de bon goût parmi beaucoup d'incorrections. On croit que ce manufciit a appartenu à l'Abbaye de St Denis en France , fur ce qu'on lit au quatrième feuillet, ifle liber ejl B. Dio-nijii, ôc au foixante ôc feixieme. . . . Vechi corne les gens lefquiex e'toient en la mer , étoient tourmentés pour le pechiéd'une feule c'eft t à fçavoirjuno. Ces mots font écrits à coté de ce pafia-ge du premier livre de l'Enéide. . . . {Senti velut agmine faHo qua data porta, ru un t. . . Un autre manuferit de fragmens du même poète in 40. que l'on dit d'une glande ancienneté, les caractères font majufcules, petits ôc nets, le deflein des vignettes colorées, eft bon & prefque toujours exact j la compofition ref-femble beaucoup à celle des bas reliefs antiques. On remarquera qu'il n'y a point d'étriers aux Celles des chevaux. Un manuferit de Pline le Naturalifte du treizième fiecle environ , d'un beau caractère , avec les figures des animaux . peintes d'après nature & fort exactement. Un Milîel que l'on dit du tems du Pape St Gelafe. L.e Dante d'un beau caractère , avec les plus belles vignettes, où font repié-fentéesles idées fingulieres de ce Poète j on en voir dans le Paradis qui font de la compofition la plus gracieufe, tant pour le deflein que pour le coloris, elles paroilfent être de différentes mains ; cel-du Purgatoire fur-tout font d'un tout autre goût, & fort inférieur à celles de l'Enfer & du Paradis. La ftoriadi gironimo mutio giuftino-politano dé fatti di federico monte feltro Duca d'Urbino, avec des vignettes peintes par D. Jules Clovio. Le caractère de ce livre eft excellent, égal & très-net. Les mignatures ne font pas toutes de la même correction que celles du livre d'heures qui eft dans le cabinet du Roi de Naples à Capo di monte. Il y en a cependant d'excellentes, entr'auttes celles du frontifpice où eft le portrait du Duc d'Urbin. Le manuferit otiginal du livre com-pofé par Henri VIII, Roi d'Angleterre , contre Luther, qui a pour ritre defepiem R vj 3<;ô* Mémoires d'Italie. S'icrameniis, & ad r elfe au P..pe Léon X,, par ce Roi lui-même, avec cer envoi ligné de fa main... Anglorum , JJenricus, Léo décime, miitit hoc opus O fiieitejlem & amicitice. Signé , Hcn-ricus. La vérité de cette ïignature eil prouvée par un recueil de lettres écrites, de la main de ce Roi, à Anne de Boulen, avant qu'il l'eût époufée, d'un ityie naïf & très-amoureux. Ce manuferit eft encore au Vatican.. . J'ai vû quelquts aunes manufciits oriencaux en papier d'Egypte ou fur foie , très-bien confervés. Contre le pilallre du fonds , fous une plaque de bois de inarquetterie fermc'e. a clef, eft un calendrier, félon le rit des Grecs , à l'ufage des Eglifes Mofco-vites; il eft en forme de Croix & dif-tribué par mois. A chaque jour la figure du.Saint, ou la représentation du Myf-îpre, en pérîtes figures d'environ un pouce de hauteur, peintes fur un fonds cfpr. Le rems à noirci les couleurs ; mais le deflein qui eft dans la manière Grecque moderne ,eft bon: toutes les figures ioix diftinguées & finies avec foin... Au fonds de la grande gallerie eft une gfande.cplonne d'albaftre oriental tranf-parent, cannelée en fpirale , haute d'en-^riton dix pieds, trouvée près de la voie Rome, Première Part. 39.7 appienne , ee qui fait croire qu'il eft difficile qu'elle aie fervi au petit temple de. Venus oui étoit dans les jardins de Sal-iufte. A côté eft un grand Sarcophage antique, de marbre rouge r bien coniervé , trouvé en ijoi .hors de la porte majeure ; il y avoit dedans un alfez grand drap-de toile d'Amiante , dans lequel étoit des cendres jfcune partie de crâne qui n'avoit point été confumé par le feu. La toile que j'ai fort examinée eft d'un gris f aie 3 les fils en font aufti gros que ceux de la plus greffe toile d'emballage. Elle fe blanchit au feu , fans rien perdre de fa ftibftance, expérience que j'ai vu faire. Gn a fondu de la cire fur un des côtés de la toile j on a mis enfuite pnr-deiïbus une bougie allumée, que l'on y a tenue jufqu'à ce que la cire fondue, fe foit enflammée j elle a brûlé alfez long tems j & quand l'aliment du feu a été confumé, la toile eft reftée entière, & beaucoup plus blanche dans la partie qui avoit été expofée à la flamme que dans le refte. Cette toile, quoique dure au tac 3 ne paroît point calfante , ce que je remarque parce que l'on a prétendu qu îl n'étoit paspoffible de filer l'amiante Se d'en faire de la toile, fans le mélanger de chanvre , de laine , ou de quelque autre matière fouple: on a été jufqu'à douter que les anciens s'en fuflent fervi pour envelopper les corps que l'on por-toit au bûcher, fur ce qu'on a fouvent trouvé dans les urnes des charbons mêlés avec les cendres 6k les relies d'os ; mais je ne crois pas que l'on puifle rien objecter contre la preuve de fair que préfente la toile donr je viens de parler , & qui démontre que l'on a filé l'amiante fans y mêler aucun corps étranger j car après l'expérience que j'ai rapportée , j'examinai avec foin fi la partie qui avoit été fi long tems dans la flamme , n'avoit fourfert aucune altération , Se certainement les fils étoient tous aufli gros que ceux qui n'avoient point été expofés à l'action de la flamme, 6c la toile étoit aufli ferrée. On trouve de l'amiante dans les Ifles de l'Archipel , dans les Pirenées, Se même dans les montagnes voifines de Montauban. On a ,ou perdu ou fort négligé le fecret d'en fabriquer, de cette toile dont on faifoit rant de cas. Dans les deux autres ^aliènes il y a une collection aflez confidéïable d'antiques en bronze Se en marbre , qui a été faite en grande partie par les ordres de Benoît XIV, beaucoup de grands vafes éttufques bien confervés, une belle fuite de médaillons antiques en bronze, Se plufieurs autres curiofités de ce genre. C'eft-là encore que font les archives fe-cretes de l'Eglife.. . Au-deflTous delà Bibliothèque eft l'Arien al du Vatican, où il y a des fufils Se d'autres armes pour dix huit ou vingt mille hommes d'infanterie, & quelques équipages pour la Cavalerie ; ce que l'on ne manque pas d'y faire remarquer, eft l'armure du connétable de Bourbon , au bas de laquelle on voit encore le trou que fit le petit boulet qui lui caifh les reins Si. le tua. Sans doute que les Allemands font abandonnée par mégarde , car les Romains ne peuvent pas la regarder comme un trophée qu'ils ayent remporté fur leurs ennemis. Les'jardins du Vatican font vaftes Si bien entretenus ; plufieurs parties font garnies de plantes utiles Se d'ufage journalier j en général les plantations d'orangers , de lauriers, de mirthes., les grands bofquets, & les belles eaux les rendent très-agréables , il y a des exportions fi heureufes, que j'y ai vû le jzimin en pleine 3eur au mois de Décembre. On verra au 4ÛO MÉMOIRES d'I T A L I Ë. milieu du grand jardin, un petit édifice bati fous le Pontificat de Pie IV , par Pirro Ligorio , fur un modèle antique , qui fait d'autant plus de plaifir, que l'on y prend une idée de la manière dont les anciens étoient logés. Sous la colonnade qui elf au devant, que l'on appelloic larariurtv ■> où on plaçoit les images des Dieux domeftiques; eft une très-belle ftatue antique de Cibele allife, St couronnée de tours. Statue fore rare ôc qui probablement a fervi dans quelque Temple public. Ce bâtiment a été décoré autrefois de belles peintures que le tems Se l'humidité ont prefque entièrement détruites., J'ai d'abord parlé de l'Eglife de St Pierre, parce que c'eft la merveille de Rome ôc du monde ; cependant elle n'eft oue la troilieme dans l'ordre des Bafili-ques ou Eglifes principales de Rome ; St Jean de Latran ôc Ste Marie Majeure la précédent, ôc St Paul hors des murs eft au quatrième rang. Ces quatre E^U fes ont chacune la Porte Sainte dont l'ouverture ne fe fait que dans les années du Jubilé; celle de St Pierre , par le Pape -, celle de trois antres Eglifes, par des Cardinaux qu'il députe à cet effet, Rome. Première Part. 401 43* Saint Jean de Latran (a)eitlapie- Saîm 7 miere Eglife Patriarchale d'occident , deLatna, celle qui a la primauté fur toures les autres Eglifes de l'univers , & qui eft vraiment le Siège du Souverain Pontife fuccefleur de St Pierre , qui en va prendre poliéiîion, en cavalcade folemnelle, après fon élection. Elle fut bârie parles ordres de Conftantin, environ l'an 324 , fur les ruines du Palais de Latran qui appartenoit aux Empereurs,& donnéeà 1 Eglife de Rome. («) Tout le quartier de Rome où eft lituée cette Bafilique, portoit & conferve encore le nom de Latran (Luteranus) fon ancien pofl'ef-feur, que l'on dit avoir été de famille Patricienne, & Sénateur fous l'empire de Néron. Le Maine Rupert, 1. 9 c. 16 de Div. Gif. lui donne une autre étimologie. Nomen ipfum quod dicitur ad Laterunax, antiqua proBra fpurei Neronis accu fat, qui dedecorosè , potionibut ufus maleficis, illic utfertur Latens ranas evo-fiuit... Cette origine me paroît bien hazardée. Quoiqu'il en foit, il n'eft pas douteux que les Empereurs n'ayent eu dans ce quartier un Palais dès le troifieme fiecle.... La prétendue donation de Rome faite par Conftantrn au Pape St Silveft' e, quoi que faufTc, cil cependant une pièce très-a icienne. Elle parle en cestermesdu Piila s de Latran. Palatium Imper,i noflri La-teranenfi quod omnibus in totv orbe terrarunh pr&fertur atque prceceiUt pa/atiis. Le Pape St Sylveltre la confacra ayec les cérémonies qui depuis ont étéd'ufac^e en pareilles occafîons, elle fut dédiée au Sauveur. On lui donna dèflors la même étendue qu'elle conferve encore , car quoique dans la fuite des tems elle ait beaucoup fourfert de divers accidens. Sur-tout de l'incendie du quatorzième fiecle, il ne paroît pas qu'on l'ait agrandie ni diminuée. Suivant quelques mémoires que j'avois raffemblé , je trouvois la date de cet incendie , fixée au 5 Mai 1308. Le Pere de Montfaucon dans fon Journal d'Italie , place cet accident au 21 Août 136*1. Voici ce qu'il en rapporte d'après un Auteur anonime qu'il croir avoir écrit fous le Pontificat de Sixte IV. » Les Inten-» dans de l'Eglife montèrent à neuf heu-j> res fur le toit pour y faire racommo-» der quelques lames de plomb. Le foir r> à l'heure de Vêpres , lorfque les Cha-r» noines chanroient Magnificat, l'un »> d'eux vit une planche du plafond qui » étoit ardente, jufqu'alors on ne s'étoit » appercu de rien ; mais il n'étoit plus » tems d'y porrer du fecours , tonte » la charpente fut brûlée , trois des co-J5 lonnes de l'Eglife furent renverfées. » L'Autel &z quatre colonnes de jafpe » qui foutenoient le baldaquin , furent » fort endommagées.... D'autres mémoires qui attribuent la même caufe à cet incendie , difent qu'il commença par la Sacriftie, gagna le roir de la grande Nef qu'il brûla prefque en entier , de même que les bâtimens d'alentour tk les logemens des Chanoines, il ne relia dans cette partie que la Chapelle nommée le Saint des Saints qui étoit voûtée. Le Tabernacle d'argent qui couvroir le grand Autel, fut fondu , tk l'Autel même fur lequel on dit que St Pierre a offert le Saint Sacrifice, qui n'eft que de bois en forme de coffre rempli de précieufes reliques, eût été infailliblement btûlé, fans le courage de quelques Prêtres de cette Eglife , qui le tirèrent des flammes ; il fut dépofé dans la chapelle de St Thomas, fceîlé du Sceau de trois Cardinaux, tk c'eft celui que l'on conferve encore aujourd'hui fous l'Autel de pierre, dans l'endroit même où il avoir été placé pat St. Sylveftre , lors de la Dédicace de l'Eglife. Depuis ce tems cette Eglife, quoique réparée; portoit encore plufieurs trilles marques de cet incendie, jufqu'à ce que les Papes Innnocent X tk Alexandre VU , TeulTent fait rétablir dans l'état où elle eft, furies delîeins- de Borromini. A chaque pilier delà grande Nef font les ftatues cololfales des Apôtres dans de grandes niches ornées de colonnes de verd antique. Celles de St Pierre ôc de St Paul font de Manot , Sculpteur François 5 celles de St Barthelemi ôc de St Thomas, de Legros. Dans des tableaux ovales placés au-defins de ces ftatues s font repréfentés les Prophcres par les meilleurs Peintres du tems, on y remarquera leJeremie de Sebaftien Concha s le Baruc du Trevlfanl, le Daniel d'André Procaccirà, i'Amos de Na/ïniv ôc l'Ab lias de Giufeppé C iari, Ces peintures ont du mérite , quoiqu'on n'y retrouve pas la fublimiré dexprtfilon, la fierté du deflein, ôc la nobleiîe du coloris que l'on a-dmire dans les mêmes fu-jers rraités par l'Efpagnolet à la Char-treufe de Naples. Au milieu de la nef, à quelque élévation au-delfus du pavé, eft le tombeau de Martin V, en bronze. Le Maître Autel fait fous le Pontificat d'Urbain V, eft décoré d'un pavillon de marbre cifelé à fonds d'or, d'un travail gothique, fou-tenu de quatre colonnes de porphire. Il fut élevé peu après l'incendie dont j'ai Rome. Première Part. 405 parlé. C'eft fous ce pavillon que font placés les deux riches baltes qui renferment les Têtes de St Pierre ÔC de St Paul. La Chapelle du St Sacrement qui eft au ronds dé la croiiée au midi, eft d'un goût de décoration aufli noble que riche, quatre grandes colonnes cannellées de bronze doré foutiennent l'architrave ÔC un pavillon de même. Le Tabernacle enrichi de pierres précieufes eft pofé fur un bas-relief d'argent qui repréfente la Cène, tenu par deux grands Anges de bronze doré j quatre ftatues de marbre , Moïfe , Elie, Aaron ôc Melchifedech , accompagnent cet Autel qui eft en tout d'une grandenchelfe, duquel cependant on peut dire encore Matcriam fuperabat opus. Mais ce qui eft vraiment digne de curiofné dans cetre Eglife , c'eft la Chapelle de la Maifon Corfini^ qui eft en entrant à gauche. Le Pape Clemenr XII de cette Maifon, la fit conftruire fur les defTeins d'Alexandro Galilti, Architecte Florentin. L'Autel a pour ornement un tableau en mofaïque qui repréfente St André Corfini, copié d'après l'original peint par le Guide, le cadre de bronze doré eft fur un fond d'albâtre orienral, accompagné de deux colonnes de verd 4o6* Mémoires d'Italie. antique , à tufes 6V: chapiteaux de bronze doré. Au-dellus eft un grand bas-re* lier" en marbre blanc, quia pour fujet un miracle du Saint Titulaire de la Cha- Felle '9 accompagné de deux ftatues de innocence ôc de la pénitence*^ A main gauche eft le magnifique tombeau du Pape Clément XII , donc le corps eft dans une urne antique de porphyre , qui a été long-tems fous le pot-tique du Panthéon, & que l'on croit avoir renfermé autrefois les cendres d*A-grippa. Au-delTus eft la ftatue en bronze de ce Pape, de dix pieds de proportion ,jaffife & dans l'attitude de bénir, accompagnée des deux ftatues de l'abondance & de la magnificence. Vis-à-vis eft un autre monument élevé à la mémoire du Cardinal Neri Corfini, oncle de Clément fXlI. Les quatre verrus cardinales, la Prudence , la Juftice,lia Force & la Tempérance; font repréfentées par autant de ftatues de marbre placées dans des niches, au-delfus des monument deftinés à la mémoire des Prélats ou grands hommes à venir de la Maifon Corfini. Les ornemens, les vafes facrés & autres meubles deftinés au fervice de cette Chapelle font de la plus grande ri--chefTe & d'un très-bon goût. Ce monument de la piété tk de la ma* gificence de Clément XII, mérite autant d'être vu & loué, que beaucoup de ruines antiques devant lefquelles on s'exta-fie , tk où les bonnes règles n'ont pas été mieux obfervées. Le portail de cette Eglife pafle pour être le plus beau de Rome. Il a été élevé fous le Pontificat de Clément XII , fur les deffeins d'Alexandre Galilei. Il eft décoré d'un grand ordre de colonnes tk de pilaftres qui foutiennenr une frife , fur laquelle eft en très-grandes lettres, Pin£ cription fuivante. Çlemens XII , P. M. A. V. Chrijlo Salvatori , in honorent SS. Joan. Bapt. es Evang. A. M. DCC. XXV. On a confervé dans le haut du fronton , une rrés-ancienne mofaïque qui repréfente le Sauveur, & qui étoit dans la première façade de ce Temple. A la poinre du frontifpice eft une ftatue du Sauveur refufcité de plus de vingt deux pieds de haut, accompagné de celles des •SS. Jean-Baptifte tk Evangelifte ; des Pères de l'Eglife Latine & de l'Eglife Grecque, & dans le retour font celles des SS. Eufebe de Verceil , Thomas «l'Aquin , Bonaventure , & Bernard. ^.oS MÉMOIRES dT t a l I e. Toute cette décoration eft noble ôc ma-jeltueule. Le corps de l'édifice eft de pierre travertinej ôc les ornemens de très- b.aax marbres. Sous le portique eft la ftatue de Conk tantin, faite du tems de cet Empereur ôc que l*on confervoit au Capitoie ; elle piouve que l'art commençoit à fe perdre. Vis-à-vis eft celle d'Henri IV , Roi de France, que le Chapitre de cette Eglife a fait ériger en reconnoilfance de ce que ce Monarque a réuni à perpétuité à la manfe, la tiche Abbaye de Clairac en Angoumois. Toas les ans le treize de Décembre jour de Ste Lucie, le même Chapitré chante une grande Meifefolemnelle fondée par ce Prince, à laquelle aflifte 1 Am-baifadeur de France , avec ceux des Princes amis ou alliés , ôc les Cardinaux attaches à la Nation: après laquelle i Am-baliadeur donne un dîner fplendide au nom du Roi, aux Ambaffadeurs ôc Cardinaux qui ont alfa té à la Meife, 4 tout le Chapitre de St Jean de Latran, & à beaucoup de Prélars. C'eft une fête nationale à laquelle ordinairement font les François qui tiennent quelque rang à Rome. Sur la frife de marbre qui règne autour Rome, Première Part. 409 d\i portique, on a rétabli cette ancienne infcnption en vers Léonins. Bogmate Papali datur 6> Jîmul Impériale Quod Jim cunilarum, Mater, CaputEccleJiarum* Hinc Salvatoris, celejlia régna datoris •domine fhnxerunt, cum cuncla peraéia fuerunU Sic nos ex toto, converjî fupplice voto, Nojlra quod htsc œder, tibi Chrijle fit inclit» Sedes. Il efl; étonnant que Ton aïe confervé, ou plutôt que l'on ait donné une nouvelle exilfence à cette inferipeion, qui femble prouver que le concours des deux puiffances allure à l'Eglife de Latran fon droit de primatie fur toutes les autres Eglifes du monde : on ne peut point douter au moins que ce ne hit le fentiment du feptieme ou du huitième fiecle; tems auquel on n'avoit pas encore imaginé de donner à St Pierre trois clefs, pour défi-gner cette immenfité de pouvoir attaché à l'Eglife Romaine. Dans la facriflie de St Jean de Latran, le tableau de l'Autel efl une Annonciation deilinée par Michel-Ange, & coloriée par Marcel de Mantoue. La Vierge y eftrepréfenréedebout&dansun fî grand , étonnement qu'elle tomberoit à la ren-Tomt V. S * verfe, Ci une efpece d'Autel qui eft par derrière ne la loutenoit. Ce tableau eft parfaitement éclairé par la gloire dans laquelle parou St Efprit fous la forme d'une colombe, & le coloris bien meilleur que s'il étoit de Michel-Ange , eft traité avec beaucoup d'intelligence. On y voit aufli un grand carton en crayon noir, de la main de Raphaël lui-même, qui repréfente la Vierge , l'Enfant, ôc le Petit Se Jean. Il eft de la féconde manière ôc du plus beau caractère de délie in. Parmi les antiquailles qui font dans le cloître des anciens Chanoines Réguliers de Latran, font les deux fameufe chaifes percées, fur lefquelles Millon a tant fait de contes abfurdes. En les examinant bien , on ne voit pas comment auroit pii fc fnire l'opération indécente à laquelle il prétend qu'elles éroient deftinées. Il y n grande apparence que ce font de ces chaifes que les Anciens appelloicnt Sel-/: Stercomriœ; elles font l'une &: l'autre d'une pierre ou marbre rougeârre qui ne relle-mble point au porphire comme l'a dit Millon ; cette pierre eft d'une couleur plus claire ôc moins dure. Ces fortes de chaifes étoient encore d'un ufage commun dans les bains, ôc leur forme indique à quoi elles fervoient. A la manière donc Olimpiodorus parle de celles qui étoient en très-grand nombre dans les bains d'Antonin, ces deux chaifes pour-roient bien en avoir été rirées. On y voit une autre chaife ancienne de marbre qui n'eft point percée. Ces monumens anri-ques, eu égard à leur folidité & leur forme , font les mieux confervés. J'en ai vu plufieurs fur l'efcalier & dans les galle-ries du Palais Marhei à Rome. Les plus fimplesparroiftenr avoir fervi à des bains, les autres ornées de bas reliefs ont décoré des jardins, elles font faites comme de petits fauteuils à dos fort bas, & de forme circulaire. A côté de l'Eglife de St Jean de Latran , eft le Baptiftere de Conftantin appelle San Gio in fonte. L'édifice eft de forme octogone, décoré dans la partie fuperieure de plufieuJs tableaux d'Andréa Sacchi, qui ont pour fujet quelques traits de l'Hiftoire de la Ste Vierge & de Se Jean Baptifte, Les peintures à frefque qui font au bas, font de différents Peintres ; on y remarquera fur-tout la def-tru&ion de l'idolâtrie, figurée par le ren-verfement des idoles. Cette compofition de Carie Maratte, eft d'un très bon ton de couleur. Le Baptiftere proprement dit, eft la partie centrale de rédifLe, féparée du refte par huit colonnes antiques de porphyre d'ordre compofitej qui fou-tiennent une architrave circulaire aufli de marbre antique. Comme les colonnes au-roient été trop courtes pour la proportion que Ton vouioit donner à cet ornement, r Architecte a très-heureufement imaginé de les faire fortir d'une bafe char-gée de grandes feuilles en enioulemens, tk par ce moyen il leur a donné la hau-reur convenable. On defeend par quelques degrés dans le Baptiftere , au milieu duquel eft la fontaine ou réfervoir d'eau de marbre d'Es;ypte avec un couvercle de bronze doré. Les Romains de notre tems, je ne fçais fur quelle autorité, di-fent des chofes admirables de la première rithefïe de ce Baptiftere. ils prérendent que fur chaque colonne éroit un grand vafe d'or qui fervoit à porter une lampe, où brûloit continuellement un parfum ou huile précieufe; que fur la fontaine il y avoit un agneau d'or qui jet-toit de l'eau , entre deux ftatues d'argent l'une du Sauveur, l'autre de St Jean-Ba-prifte , chacune du poids de 170 livres. Il ne relie plus rien de ces anciennes ri-cheftes. Le petit édifice par lui-même eft d'une conftruétion élégante tk s'il eft aulîî ancien qu'on le dit, iï a fervi de modèle rvoME, Première taUt. 41$ à la plupart des baptifteres qui ont été confirmes dans la fuite. Il eft plusque douteux que l'Empereur Conftantin air été baptifé dans cet endroit par Saint Silveftre. des Auteurs contemporains d'une autorité refpeéla-ble,- St Athanafe entr'autres , aiîiirent qu'il fut baptifé par Etifebe Evèque de Nicomedie, peu de tems avant fa mortj qui arriva à Achiron pics de Nicomedie le 11 Mars 3 37. Il y a donc grande apparence que cette édifice fut élevé par fes ordres, & deftiné à la cérémonie folem-nelle de fon Baptême, qui n'eut pas lieu. Vis-à-vis de St Jean de Latran, & de l'autre côte de la Place elt la Scala San-cèa formée de vingt-huit degrés de marbre 4 les»mêmes qui éroienr à la Maifon de Pilate à Jérufalem , fur lefquels le Sauveur des hommes pafta plufieurs fois dans le tems de fa Paflion, on ne peut les monter qu'à genoux, & il y a de grandes Indulgences attachées à cette dévotion ; de chaque côté font deux autres ef-caliers par lefquels on monte à la Chapelle appellée Sancta Sanâorum, qui eft au-defiiis, où l'on conferve une image miraculeufe du Sauveur, qui y eft en grande vénération. Mais l'ornement le plus apparent de S iij la place de Latran, eft le grand Obélifque placé en face de la rue qui conduit à Ste Marie Majeure. Conftantin le Grand après avoir bâti fa nouvelle ville, voulut avoir un obélifque pour la décorer ; il fie chercher avec foin s'il n'en reftoir point encore en Egypte ; enfin on en trouva un à The-bé dans la haute Egypte, plus beau que tous ceux qui étoient à Rome, Se le feul qui refta entier ; car on prétend que Cambife après avoir conquis l'Egypte , les avoit fait renverfer & brifer. Conftantin donna ordre que l'on conduifit par le Nil cette malfe énorme jufqu'à Alexandrie s où elle refta plufieurs années. Conftance fon fils Se fon fuccelfeur, ayanc admiré la magnificence d« Rome , Se la beauté de fes édifices publics Se de fes ornemens, fir tranfporter cet obelif-Cjue d'Alexandrie à Rome, où il le fit élever dans le grand Cirque, afin de les mettre en paralelle avec le plus magnifique que l'on eue vû, jufqu'à celui-ci, & le faire admirer davantage-, mais dans les révolurions auxquelles Rome fut expoféede la part des Barbares, tous ces ornemens fuperbes furent renverfés ôebrifés: ils réitèrent couverts de ruines jufqu'au tems de Sixte V, qui les fit dé- couvrir & tirer de terre où ils étoienr à la ptofondeur de plus de feize pieds. Celui-ci etoit rompu en trois pièces, mais de fa çon à pouvoir fe rajufter aifément, ce que le Cavalier Fontana. entreprit par les ordres du Pape. Cette malfe énorme folidement réparée 9 fut élevée avec grande folemnité, le 10 d'Août 1588 , pofée fur un pied d'eftal folide, tk dédiée à la Croix du Sauveur. Le pied d'eftal, le fuft de l'obelifque & la Croix de bronze^doré qui eft au-deffus, ont enfemble environ 14-3 pieds de hauteur dont l'obelifque feul en a 115 (a). (d) Aux quatre faces dupiédcftal de cet obe-lifque font autant d'infcriptions dont voici les deux principales. Fi. Conjiaritius. Aug. Conftantini. Aug. F. Obelifcum à. pâtre, loco. fuo. motum. diuquc. Alexandrie, jaceutem. trecentorum Kemigum. impojitum. navi mirandœ. vafiitatiu per. mare. Tiberimque. magnis. molibus, Rornam. convec-tum. in. circo. max. poneudum.S. P. Q.R.D. D Sixtus. V. Pont: Max. Obelifcum. hunc.fpe de. exirnid. temporum. calamitate. fractum. circi. max. à ruinis. humo. limoque. alte. de-merfum. rnulta. impenfa. extraxit. hune. in. locurn. magno. labore. tranftulit. formaque. prijlinœ. accurate. reftitutum. Cruci. i'iviàif fim*. dicavit. A. M. D.LXXXV 111. Font. IV. Siv Sainte Ma- 44. L'Eglife de Ste Marie Majeure, fï-tic Majeure. tuee fût la partie la plus élevée du Mont Efquilin , eft la féconde dans l'ordre des Balîliques de Rome, elle doit fon origine à une petite Eglife qui fut bâtie en 353 , fous le Pape Libère. L'hiftoire du miracle qui y donna lieu eft connue. En 442, le Pape Sixte III la lit rebâtir, l'agrandit beaucoup & lui donna â peu près l'étendue qu'elle a. La façade principale à été élevée en 1743 , fous le Pontificat de Benoît XIV. Elie eft d'un goût fimple, on y a confervé les huit colonnes de marbre antique qui foutenoient l'ancien portique, & qui décorent encore (le nouveau, fous lequel eft la ftatue en bronze de Philippe III, Roi d'Ef-pagne. Le même Pape a fair rétablir le pavé Se le plafond de cette Eglife, répolir les colonnes, dorer tous les flucs , malgré cela, elle n'a rien de majeftueux ni de frappant, le plafond qui eft trop bas, & la multitude d'ornemens trop brillans, lui donnent plutôt l'air d'une très-grande falle d'aftemblée, que d'un Temple. Il faut voir dans la belle Chapelle Sixtine le maufolée du Pape Sixte V, exécuté fur les defleins de Dominique Fontina; il eft formé par quatre colonnes de verd ami- Rome, Première Part. 417 c|ues, i Paris. Derrière le chœur de l'Eglife, dont la conftruction eft très-belle de ce côté, Sixte V fit placer en 1587, un obelifque trouvé au Porc de Ripetta, qui avoit fervi d'ornement au tombeau d'Augufte. H eft fans hiérogliplies ; ce qui fait croire que ce Prince ^l'avoit fait tailler exprès dans les carrières d'Egypte. Le piedeftal 4io Mémoires d'Italie.' iôbeliiquea & la Croix ont environ foî-xante pieds de hauteur (a). saint Paul 45. St. Paul hors des murs, quatrie-î^cS"* ™ Bafilique , ou Eglife Patriarchale de Jérufalem. Rome; cet édifice l'un des plus beaux de l'antiquité chrétienne, conltruit à la fin du quatrième fiecle , ainfi que l'ap-prend l'infcription en mofaïque, placée fur l'arc qui fépare la Nef principale de la Tribune. Theodofius cepit, perfecit Honorius aulnm, Dotions mundi t facratam Corporc Pau/i. A cinq Nefs foutenues par quatre rangs de colonnes, de. vingt chacun , celles "de la Nef du milieu font les mêmes qui ont fervi à la décoration du tombeau d'Adrien ; elles font de marbre de Grèce , cannelées avec des chapiteaux d'ordre Corinthien, d'une groffeur énorme ôc parfaitement confervées -, celles (d) On lit cette Infcription à la bafe. Sixzus Pont Max. Obelifcum. Atgypzo. adyeftum. Augufio. in. ejus. maufoleo. dicatum. everfuta deinde. (y. in. plures. confraiium. partes, in via. ad. Sanclum. Rochum. jacentem. in.prlftir nom. faciem. rejlitutum. (alutifer.au CrucLfeli-cius. hic. erigi. julfit À\t. M. D. LXXXVII. jP, II. des bas côtés font de granité d'Egypte , rouge & noir. La longueur de la Nef, jufqu'à la tribune où eil l'Autel principal, eft d'environ 250 pieds, fur une largeur bien proportionnée. La croifée eft élevée de deux marches au-delfus du niveau de la Nef, ôc fa voûte eft fou-tenue par dix colonnes de granité les plus grorfes qui foient à Rome } les Autels du fonds ôc des croifées font décorés de grandes colonnes de porphire > l'Autel Patriarchal fous lequel font partie des reliques de Sr Pierre ôc de St Paul , eft placé fous un- petit pavillon terminé par un ornement gothique de forme piramidale, ôc foutenu fur quatre colonnes de porphire. On ne trouve dans aucun autre édifice de Rome, autant de ces colonnes de marbre précieux qui fervoienr à. la décoration de Rome antique, qu'à St Paul. Le pavé de l'Eglife eft prefque entièrement compofé de marbres chargés d'infcriprions antiques dont la plupart font imparfaites. Sur la frife qui règne autour de la grande Nef ôc descroifées, font peints tous les portraits des Papes , fuivant l'ordre chro-nologique le plus exact; cet ouvrage commencé dès le tems de St Lcon I, «etoit prefque entièrement.effacé. Il a été réparé , & continué jufqu'à ce tems fous le Pontificat de Benoît XIV, & par fes ordres. Dans la croifée àdroireeft une bonne ftatue de Lucine, Dame Romaine, mife au rang des Saintes ; il eft prouvé par les aétes des Martyrs , que pendant les dernières perfections, elle recueilloic avec foin leurs piécieux reftes qu'elle faifoit enterrer dans un cimetière placé dans fa maifon même, & fur lequel l'Eglife de St Paul eft bâtie en partie. A gauche eft la Chapelle dans laquelle on conferve le Crucifix que l'on dit avoir parlé à SteBrigite, Reine de Suéde. Cette Chapelle eft revêtue des plus beaux marbres , travaillés d'un goût gothique avec autant de foin que de patience. Le grand cloître eft fouteu par des petites colonnes torfes , couplées, in-cruftées de mofaïque. Ste Croix de Jerufalcm , Eglife fort ancienne que l'on croit avoir été bâtie par Conftantin pour fatisfaire la dévotion de fa mere Ste Hélène , à la Croix du Sauveur. Elle a été rétablie dans l'état; où elle eft à préfent , par le Pape Benoit XIV , dont elle étoit le titre de Cardinal. Le veftibule , quoique très-orné, eft de petice manière, de relfem- ble plus à une décoration théâtrale qu'à Pentrée d'un temple ; il eft compoféde plufieurs rangs de colonnes qui forment une efpece de labirinthe, tk qui fou-tiennent une coupole. La nef de l'Eglife étoit féparée des bas côtés par deux rangs de magnifiques colonnes de granité bien confervées, & des plus belles qui fullent à Rome. Mais l'Architecte que le Pape employa, voulant imiter celui qui avoit rétabli l'Eglife de Sr Jean de Latran , à mafqué de lourds pilaftres de briques tk de chaux, revêtus de ftucs, dix de ces belles colonnes , a fort rétréci l'Eglife, & en a caché le plus bel ornement. L'Architeéte de St Jean de Latran fut obligé de couvrir les colonnes qui foutenoient le plafond de l'Eglife , parce qu'elles avoient été fort gâtées par un incendie , & qu'il n'y en reftoit prefque pas une qui ne fût altérée; ainfi la né-ceffité l'obligea à former des pilaftres qui étant plus élevés tk d'un meilleur goût de décoration , ornent la grande Eglife où ils font placés ; mais ceux de Ste Croix ne font pas fupportables, fur-tout quand on fçait qu'ils cachent des colonnes magnifiques. Dans le Choeur il y a plufieurs peintures à fiefque du pinturrkhio, qui re- 4^4 MÉMOIRES D*ÏTÂLÏ'é. préfentent différens Martyrs qui ont fubi le fupplice de la Croix; dans la demie coupole qui termine le Chœur , eft: une grande frefque du même Maître , qui a pour fujet l'invention de la Croix par Ste Hélène ; il y a dans ce tableau deux figures admirables , celle de l'Impératrice qui élève les mains jointes à la vue du mort qui réfufeite par l'attouchement de la Croix , qui étoit la marque à laquelle on devoir reconnoître la véritable, & la diftinguer des deux autres qui furent trouvées en meme-tems, tk celle d'un vieillard qui eft vis'-à-vis dans la-plus grande admiration. A l'entrée de la Chapelle fouterraine où fonr confervées les reliques , tk tout ce que l'on a pû enlever de la terre du Calvaire , eft une excellente ftatue en marbre blanc du Cardinal Befocci, Milanois , de l'Ordre de Cîteaux ; dans la gallerie par laquelle on monte à là Sacriftie, font deux tableaux , l'un du Sauveur affis après la flagellation , l'autre de l'élévation duChrift en Croix , on les dit tous deux de Rubens , ils font cependant plus dans le goût de l'école Vénitienne. Dans la bibliothèque de cette maifon qui eft nombreufe & rangée dans un bel ordre , on voit un des meilleurs tableaux de Caries Maratte , qui a pour fujet la conférence de Si Bernard , avec le Pape Innocent II tk le Cardinal de Léon anti-Pape fous le nom d'Anaclec, qui condamne l'élection de celui-ci. La figure de S. Bernard tk. celle de i'anriPape font de belle expreflion , tout le tableau eft du meilleur tonde couleur tk bien deiii-né. .. visa vis eft une famille fainte par François Mancinl, fi bien imitée de Raphaël, que l'on pourroit s'y tromper. J'ai vû dans cette maifon un antique vraiment Egyptien trouvé depuis peu de tems dans les fondemens d'une nouvelle conftruction que l'on faifoit dans cette maifon , il eft de bafalte noir d'Egypte, & repréfente un anubis d'environ trois pieds de hauteur. Il eft entier. On a confervé différentes inferiptions antiques , dont quelques-unes font in-cruftées dans les murs... j'y ai remarqué celle-ci. . . anial ingratius homlne nul-lum ejl. L'Eglife tk le Monaftere qui la joignent font inconteftablement bâtis fur les ruines du Palais Seflôrien ; rout ce quartier de Rome avoit le même nom , & étoit rempli d'édifices alfez importans , pour qu'Aurelien fit faire un coude à la nouvelle enceinte des mun qu'il élevoit pour n'y rien déranger. Par derrière l'Eglife dans la vigne qui y. eft contigue, font les relies d'un an-cien Temple que l'on croit avoir été celui de Venus & de Cupidon, ou de la Venere Génitrice , élevé par Cefar pendant fa dictature avec la plus grande dépenfe , ôc enrichi des marbres les plus précieux, qu'Ouide a déligné dans ces vers. Ubi rnuneribus nazi, fua muaera mater Addidit, externo marmore dives opus. L. I. de Art. A. Le Nardini eft d'un avis contraire , ÔC prétend que la demie coupole & la partie des murs qui la joignent, font les reftiS du Palais Seftbrien. J'ai plufieurs fois examiné cette conftruélion antique , ÔC j'en fuis toujours revenu per-fuadé qu'elle avoit été un Temple dont il ne refte plus que la carcailè de briques , encore tres-folide, rout le revêtif-femenr en ayant été arraché, ainfi qu'il eft aifé de l'appercevoir. Au midi du Monaftere on voit les refres d'un amphithéâtre encore décoré de trois ordres de pilaftres, & dont les murs d'enceinte font entièrement con-fervés ; on fe difpofoit a faire dans l'a- Rome. Première Part. 417 rené de cet amphitéâtre une plantation d'orangers & d'autres arbres de cet ef-pece qui y feront dans la lîtuation la plus favorable. - Iaau 46. St Laurent hors des murs , Eglife ^ ancienne , bâtie par Conftantin environ baftien.cîta-», *, \ combes ant»- I an 330. Il paroît que 1 on joignit cette qucle Eglife à un Temple antique confacrc à ce que l'on croit, à Neptune, ôc qui en forme actuellement l'arriére-chœur. II eft foutenu par huit grolfes colonnes de marbre , cannelées, d'ordre corinthien , qui portent une frife chargée d'à-rabefques en bas relief bien travaillés ; fur cette frife font pofées dix colonnes cannelées de marbre Ôc de même ordre, qui fouriennent des arcs fur lefquels porre une voûte alfez hardie. Les groiïes colonnes font cachées jufqu'àux deux tiers de leur hauteur, & fans doute pourfatisfaire la curiofité des voyageurs, on a creufé une efpece de puits qui en découvre une jufqu'à la bafe. En général toute cette Eglife paroît conftruite de matériaux tirés de Temples antiques qui fubiîftoient encore lorfquelle fut bâtie. Au» haut de la nef font deux chaires , l'une vis-à-vis de l'autre, 6c faites de marbre ôc de porphire ; celle dcTEvêque ou du Prêtre principal qui eft à droite à deux degrés, & un foubalTemenr qui paroît avoir été la frife du veilibule d'un Temple antique ; car on y voit en relief plufieurs inllrumens des anciens facri-iices, rels que le bonnet du flamine ( Alboagkrus ) le couteau facré ( Secef-pita ) l'encenfoir, tk le petit vaifiéau ou navette acerra ) où 1 on mettoic les parfums ; le vafe d'eau luftrale tk l'af-perfoir... la pins petite a un pupitre de marbre en forme de livre ouvert , il paroît que c'étoit celle où montoit le Diacre ou le Lecteur qui lifoit le fujet de l'inftruôion tiré de l'écriture fainte fur lequel l'Eve que faifoit enfuite fon homélie. Le Sacriltain de cette Eglife fait voir une partie du gril fur lequel St Laurent étoit couché lors de fon martyre , tk une pierre blanche alfez tendre fur laquelle il aifure que fut jette le corps du Saint quand on le retira du feu; cette pierre a des taches que l'on dit avoir été faites par la grailfe fondue tk le fang ; ce qui effectivement y relTembie beaucoup. On y voit aufli plufieurs de ces gros cailloux noirs tk pefans que l'on attachoit dans la prifon aux pieds des Martyrs. A côté de la porte, à main droite en entrant, eft une grande urne antique de tvoMEj Premiers Part. 42^ marbre blanc, ornée d'un excellent bas relief bien confervé , qui repréfente l'appareil d'un facrifice dont les viétimes font un bélier ôc un porc. Le couvercle plus haut qu'ils ne le lont ordinairement, eft chargé de plufieurs rigures à cheval qui paroilfent former quelque marche triomphale, où repréfenter ces efpeces de joutes ôc de courfes qui fe faifoient aux funérailles des grands ; le travail en eft excellent ôc du meilleur ifyle grec. Cette belle urne fert de tombeau à un Cardinal de Fiefque , neveu du Pape Innocent IV , ainfi que l'apprend une infcription gothique tracée furies bords. Il y a beaucoup de peintures à Frc-fque dans cette Eglife, & quelques mofaï-ques peu confïderables , parmi les premières on remarquera , le Pape Honorius III qui bénit folemneilement Pierre de Courtenai, Empereur Titulaire de Conf-tantinople, & fafemmmelolande , qu'il avoit couronnésdanscette Eglife en 12.17. Je n'ai pas vû les grottes ou cimetières antiques qui font fous cette Eglife j elles nous parurent (i humides Ôc Ci malpropres, ôc le Sacriftain nous alfura fi pofitiveinent qu'il n'y avoit rien de curieux a y voir, que nous l'en crûmes fur fa parole. 43© Mémoires d'Italie. St Sébajlien hors des murs , Eglife bâtie, à ce que l'on croit , lous i'empire de Conftantin , & dédiée à St S'éoaltien, Préfet des Cohortes Prétoriennes, mar-tyrifé dans la perfécunon de Diocle-tien. Elle eft delfervie par des Feutllans qui n'y habitent que l'hyver, & qui l'abandonnent en été à caufe du mauvais air, & iituée à deux mille de Rome fur le bord de la Voie Appienne , dans l'emplacement même du cimetière de Caiixte û connu dans Phiftoire des Martyrs. Cette Eglife eft célèbre par fes catacombes qui font des voûtes fouterraines creufées, en partie dans le roc, en partie dans un terrein folide où fe retiroient les chrétiens dans le tems des perfécu-tions J elles font à une allez grande profondeur fous terre , 5c on y defeend par un périt efcalier écroit 6c difficile. Elles font formées par différenres gal-leries , rues ou boyaux, comme on voudra les appeller, qui fe coupent & fe recroifent dans tous les feus, & qui compofentun labirinthe étendu , & dont on fe tireroit difficilement fans un guide expert, 8c qui les connûr pour les avoir long-tems fréquentées; je fçais que le Religieux Feuillant qui nous fervoit de guide fans doute dans l'efpérance d'avoir Rome. P r e mie re Part. 431 la manda qu'il parut recevoir avec fa-tisfaction , ne voulut pas s'y engager bien profondément, quelquesinftances que nous lui Hifions • il nous dit qu'il n'étoit pas fur d'y pénétrer au-delà du terme qu'il lui plût de nous fixer, fur-tout à la fuite de l'hyver, que fouvent il fe faifoit des éboulemens qui fermoienc le retour, que plufieurs perfonnes avoient été les victimes de leur curiofité & de leur dévotion indifcrere ; qu'un Romain de diftinébion qui y avoit voulu aller ttop avant avec toute fa famille auffi pieufe que lui, n'avoir jamais reparu ; que des voyageurs après y avoir erré long-tems , ne s'en étoient tirés qu'avec grande peine , & parce qu'ils avoient eu le bonheur d'entendre des Ouvriers qui par hazard y travailtoient j tous ces acci-dens ont éré caufe qu'on les a fermées à quelque diftance de l'ouverture , on en a feulement lailfe alfez pour fatisfaire la curiofité des voyageurs fur leur forme Se l'arrangement des tombeaux. Ces catacombes dans leurs différentes coupures , font garnies de tombeaux dans toute leur étendue & leur hauteur, creu-fés dans le roc Se dans le rerrein , de la longueur Se profondeur néceffàires pour y placer un corps ; du côté qui regarde l'ouverture, eft ordinairement infixée une petite urne ou fiole oblongue de terre cuite ou de verre, que l'on appelle urne lacrimatoire j elles font communes , & on en trouve par-tout. Si elles font de verre , & que l'on apperçoive dans le fonds quelque fédimeqt ou teinture rouge, c'eft prefque une marque décidée que le corps a été celui d un Martyr j on n'en doute pas fi dans le tombeau, on trouve des éponges ou des linges teints de fang , ou quelque partie des inftrumens de fon fupplice j les lampes fépulchrales font aufti placées en différentes fituations, foit au haut, foie au bas , foit à côté du tombeau de tems en tems on trouve des cabinets quarrés , dans lefquels les tombeaux font placés à di (lances égales , & dans un ordre plus régulier que dans les voûtes ordinaires il paroît que ces endroits étoient Spécialement deftinés à la fépulture des perfonnes diftinguées, & que les autres étoient abandonnés au peuple. Dans tous les tems les hommes ont affecté de la diftinefion les uns au-delfus des autres même dans ce qui leur eft commun à tous, dans ce qui les humilie tous également. Les ouvertures des tombeaux étoient fermées par de grandes briques jointes jointes avec du ciment, quelques-uns, mais fort rarement, par des tables de marbre j fur plufieurs d'entr'ellcs ou lit le nom 6c la qualité par rapport à la religion, comme de N. Martyr, N. Néofite, N. Prêtre, ou Diacre} ces noms font accompagnés de fymboles ; on croit qu'une fleur défîgnoit la virginité , une palme le martyre , une branche de chêne la force & la confiance ; ces courtes inferiptions étoient ordinairement décorées du monograme chrétien. On en voit beaucoup qui ont été raflemblées fous le porche qui def-cend à l'Eglife de Ste Agnès hors des murs. Ainfi cette infeription , Petronia Ncofita , avec le monograme entre les deux mots , & une palme à chaque extrémité , paroît déiigner clairement une fainte Martyre, comme celle-ci. Re-quievit Zofîmus Chrifli famulus annorum novemdecim. . . déiigne le corps d'un jeune Chrétien qui eft mort lorfque l'Eglife étoit en paix , ou qui n'a pas couru les dangers de la perfécution. Par une ancienne habitude on trouve encore à la tête de ces inferiptions les deux lettres D M qui lignifient toujours Diismanî-bus, & non pas Deo maximo. Prefque tous les tombeaux qui font à l'entrée Tome F. T * des catacombes font ouverts & vuides ; mais en pénétrant plus avant on en voit plufieurs qui font encore intacts , & fur lefquels on trouvera les preuves de tout ce que j'ai avancé. Avant que d'entrer dans les catacombes même, on palfe par une cfpece de falle ronde, alîez vafte, au milieu de laquelle eft un Autel de pierre élevé dans l'endroit même où la tradition eft que les SS. Apôtres alfembloient les fidèles , & célebroient les faints Myiteres} derrière cet autel eft un excellent bufte de St Sebaftien dans la manière antique, que l'on dit de l'Algardi, ôc c'eft le feul ornement que l'on y voie, autour de cette falle font des reftes de fieges ou de banquettes taillées en partie dans le roc, fur lefquelles on s'aifeioit dans le rems des alfemb'ées. Ces fortes de monumens font aufti refpectables que curieux, en ce qu'ils nous rappellent la naifiance même de l'Eglife , ôc les vertus héroïques des Saints qui ont défendu fa foi avec tant de zèle ; mais ils n'ont rien de remarquable Ôc font rrès-négligés. C'eft-là où étoit la chaire de pierre de St Etienne Pape & Martyr , que le Pape Innocent XII envoya au grand Duc de Tofcane, ôc que Ton conferve à Pife Rome , Primiirï Part. 43$ flans l'Eglife de l'Ordre établi fous la proredtion de ce Sainr. On peut comparer ce que j'ai dit de* catacombes de St Gennariel à Naples, avec le récit que je viens de faire, & on ne doutera pas que celles de Naples comme celles de Rome, ne foient 1 ouvrage des premiers chrétiens. Rien ne m'a para digne d'attention, dans l'Eglife de St Sebaftien que la ftatue de ce Saint fculptée en marbre blanc par un Elevé du Bernin & dans fon goût. Le Martyr eft repréfente mort ÔC couché, dans la Chapelle où on confer-ve fes reliques. Ste Agnès hors des murs , environ £ un mille de la Porta fia, Eglife an-* cienne que l'on dit encore bâtie par Conftantin, pour farisfaire la dévorion de la Princeffe Confiance fa fille qui depuis a été mife au rang des Saints , les feize colonnes de granité à chapiteau» Corinthiens , dont quelques-unes font cannelées, ( ouvrage fort rare à caufe de la dureté de cette pierre,) qui fou-tiennent la ga lerie tournante autour de cette Eglife , fonr d'une feule pièce. Il y a au maître-autel deux colonnes d'al-baftre oriental. On defeend dans cette Bglife par un porche alfez lon<* fous le- Mémoires d'Italie. quel eft un efcalier de marbre de quarante-cinq marches, revêtu en partie, âinfi que les repos, & les murs d'anciennes inferiptions fépulchrales des premiers llecles du CHiïftianifme, partie .grecques , partie latines , Ôc toutes fort laconiques. A cent vingt pas environ de cette Eglife au couchant, eft l'ancien Temple de Ste Conftance. Les avis font partagés fur le tems de fa fondation ; les uns la mettent au tems du paganifme ; les autres prérendent qu'il fut bâti par Conftantin le grand pour fervir de baptiftere à fa fœnr tk à fa fille toutes deux du nom de Conftance ; il eft abfolument de forme ronde terminé par un petit dôme , & -foutenu de vingt-quatre colonnes couplées de granité d'Egypte, avec les chapiteaux d'ordre Corinthien. Le travail qui prouve que la perfection de l'art commençoit à fe perdre par la négligence avec laquelle les ornemens font finis , la manière même de la conftruc-tion très-légère &peu folide, ne relTem-ble en rien à la façon dont bâtiffoient les Artiftes des beaux tems de l'antiquité , qui fembîoient travailler pour l'éternité ; ils n'appuyoient fur des colonnes légères que la partie de la voûte Rome, Première Part. 437 la moins lourde; la malfe de l'édifice étoit portée par des murs forts & épais , Se ici ce font les colonnes qui foutien-nent le poids le plus fort^ je citerai toujours pour exemple le petit Temple anrique que j'ai admiré à Pouzzols ; les colonnes qui étoient au centre, ne fou-tenoient qu'une partie de coupole fort légère , le refte de l'édifice portoit fut des murs foiides fur lefquels la voûte avoit fon principal point d'appui. Cette conftrucfion ne lailfe pas que d'avoir de l'élégance, & de frapper ceux qui jugent de la beauté , fans examiner fi elle eft régulière Se folide. Au milien eft un autel afiez (impie, fous lequel font les reliques de Ste Conftance Se des Stes Attique Se Artemie. • Mais ce qui eft admirable dans cette petite Eglife, eft l'ancienne urne ou far-cophage de porphire appelle le tombeau de Bacchus, parce qu'il eft décoré d'un bas-relief qui repréfente une vendange. Dans des ornemens en volute , font placés des petits amours, dont les uns cueillent des raifins, les autres les mettent dans des paniers, ou dans des vaiffeaux où ils paroilfent vouloir les fouler. Ce bns-relief eft traité dans le goût des Ara-befques ; mais avec plus de vérité qu'à l'ordinaire , les figures y font placées fur un poinr d'appui alfez folide pour les porter ; les oifeaux & les animaux qui font entremêlés , font dans une position naturelle \ tout l'ouvrage, malgré la dureté du porphire, eft d'un fini précieux , ôc d'une pureté de ftyle digne des meilleurs Artiftes de la Grèce. Si l'on peut rapporter ce monument au tems d'Adrien , ce fut fans doute le chef-d'œuvre de quelque Artifte célèbre, & une entreprife hardie de fa part d'exécuter un ouvrage aufli correct & aufli élégant fur le porphire ; le couvercle de l'urne qui eft confervé comme le refte dans fon entier, fans la moindre altération, eft chargé de mafques qui fervent à rattacher des guirlandes de Ciprès. Ce magnifique monument à fept pieds cinq pouces de longueur par le haut , cinq pieds deux pouces par le bas, cinq piects de largeur, trois pieds dix pouces de hauteur, non compris le couvercle qui a environ deux pieds de hauteur. C'eft le plus beau monument de ce genre qui exifte à Rome. Dans la même enceinte , entre le couchant Ôc le nord, font des veftiges de murs anciens que l'on croit avoir fervi de clôture à un hyppodrome ou manège. Ko me, Première Part. 43$ 47. SanPietroin vincoli, ou St Pierre ^"^JjJ* aux-liens. C'eft, dit-on , la plus ancienne sàw» "ntï» Eglife de Rome , celle que St Piene dé- *iu«« dia au Sauveur, & qui fut brûlée dans l'incendie que Néron fit allumer. Cette tradition eft au moins refpectable, & donne lieu de conjecturer qu'il y a eu dans le voifinage quelque oratoire con-> facré par St Pierre. Ce qui eft de plus certain, c'eft que cette Eglife eft actuellement bâtie dans une partie du terrein qu'occupoient les bains de l'Empereur Trajan , qui avoienr fervi à Vefpafien & à Titus, & qu'Adrien avoir embellis. La plupart de fes matériaux en ont été tirés. La première conftruction de cette Eglife, dans l'état où elle elt, doit être placée environ au milieu du cinquième fiecle, dans le rems qu'Eudoxe , femme de l'Empereur Theodofe le jeune , revint de la Sirie où elle avoir érévifiter les fainrs lieux. Juvenal , Patriarche de Jerufalem , lui donna les chaînes dont le Roi Herodes avoit lait lier St Pierre dans fa prifon. Elle les envoya à la Prin-ceffe Eudoxe fa fille qui époufa Valen-tinien , Empereur d'occident. Celle-ci en fit préfene à Sr Léon le grand alors Pape, qui voulanr confronter ces chaises avec celles dont avoit été lié à Rome TiY '44© Mémoires d'Italie. le Prince des Apôcres, il arriva qu'elles s'unirent d'elles-mêmes miraculeufe-ment, ôc qu'elles ne formèrent plus que la même chaîne, qui eft confervée aujourd'hui dans cette Eglife. Elle eft fou-tenue par vingt-deux colonnes de marbre Parien, bien confervées ôc de très-bon goût. Dans le fonds du chœur eft une belle chaire antique de marbre blanc, qui probablement a été tirée des bains voifins. Cette Eglife avoit été le ticre de Jules II , lorfqu'il fut promu au Cardinalat j ÔC il avoit eu deflein de s'y faire enterrer, pour cela il ordonna à Michel-Ange de faire le deflein du monument qu'il deftinoit à être fon tombeau, ôc de l'orner de ftatues. Il fie cette figure de Moï-tfe, fi connue qui en eft le principal ornement, ôc l'un des plus célèbres ou-» vrages de Michel-Ange. Moïfe eft afîis, les tables de la loi pliées fous le bras droit ,.,.il eft dans l'attitude de parler au peuple qu'il regarde fièrement', ôc dont il femble qu'il ait à fe plaindre : on peut dire que dans l'exécution de cette ftatue , Michel-Ange s'eft livré à toute la force & à la fublimité de fon génie , qui a produit un chef-d'œuvre unique auquel rien n'eft comparable , ni dans l'antique, ni dans le moderne pour l'exprellion j les dérails font traités avec un foin & une vérité qui étonnent dans une compétition (i relevée ; les mufcles Se les veines du col, des bras Se des jambes, font rendus avec tant de précilîon , qu'ils pourroient fervirà une démonftration d'anatomie. Les deux, ftatues-de la vie contemplative Se de la vie active , font traitées avec plus de délicatefle cependant avec beaucoup de noblelfe ; le refte du monument n'eft pas de Michel-Ange, qui, occupé à d'autres ouvrages, l'abandonna après la mort de Jules IL Dans la petite Chapelle qui eft à côté, eft Un excellent tableau de Ste Marguerite , pat le Guer-chin, le coloris fur-tout en eft précieux ck encore très-frais. Le pavé de l'Eglife eft formé en partie de pièces de marbres, chargées d'infcriptiôns prefque toutes mutilées ; dans un des bas côtés a gauche, j'ai lu ce refte d'épitaphe d'un Cardinal Gafcon. Prancia me docuit, tellus Aquitana creavit Roma caienarum prœpofuit titulo , Religione fui tenuis, terrena fequendo,,,* Sic Praxede très-ancienne Rome , rétablie dans le neuvième fllfcle v 442 Mémoires d'Italie. par le Pape Pafchal I. Le fonds de la tribune où eft le maître-autel, eft otné de mofaïques de ce tems. La nef du milieu eft foutenue par des pilaftres &C des colonnes antiques de granité. Au milieu, près de la porte d'entrée, eft un puits fermé d'une grille de fer où Ste Praxede cachoit les corps des Martyrs, & les éponges teintes de leur fang. Sous le maître-autel eft une chapelle fouterraine autour de laquelle on alfure que font en terrés les corps de 2500 Martyrs. Dans une chapelle obfcure d'un des bas côtés à droite , on conferve fous une grille de fer , une partie de la colonne à laquelle le Sauveut fut attaché dans le tems de fa flagellation elle a environ deux pieds & demi de hauteur ; elle fut apportée dJorienc en 1223 par le Cardinal Jean Colonna, Légat du faint .Siège. La voûre de la chapelle Olgiatï qui eft de l'autre côté de l'Eglife, eft couverte de peintures à frefque de Jofeph d'Arpin, qui font d'une grande manière , elles repréfenrent les Prophètes & les quatre Pères de l'Eglife latine. Dans la chapelle fuivtfnte font trois tableaux qui ont rapport à l'hiftoire de ^.rn£'!!arles Borromée ; celui du maître-a^ai peint par Parrocel, a pour fujet Imitant où la pefte ceffa à Milan , il eft Rome, Premiers Part. 443 de belle couleur & très bien delîîné. Le tableau du grand autel eft un crucifix dans le goût gothique accompagné de deux pèlerins à genoux , d'une fraîcheur & d'une beauté de coloris dignes de Rubens. Dans la Sicriûie on voit un tableau de la flagellation admirablement defliné , le Chrift eft noble , quoique dans la douleur, les bourreauxlontbien placés tk point fovcés d'attitude. Le ton de couleur eft celui des commencement de l'école Romaine. On le dit de Jules Romain. St Antoine Abbé, Eglife Françoifede Religieux Antonins. J'y ai vû dans une chapelle deux grands morceaux d'ancienne mofaïque travaillés d'un goût différent de l'antique connue ik de la moderne, dans chacun des morceaux eft repréfente un tigre qui étrangle un taureau. Le tigre eft formé de petites pièces de marbre iaune tk verd , & le taureau de marbre blanc tk noir. Sur un mur folide &z épais qui divife les greniers de cette maifon, (ont des mofaïques totit-a-faie femblables ; y montai, parce que l'on m'alfura que j'y reconnoïrrois les vertiges d'un ancien Temple de Bacchus dont on ne s'apperçoit pas dans lé bas de la maifon. Mais je n'y vis absolument Tvj 444 Mémoires d'Italie. rien que ces mofaïques, & un commencement d'arc , qui a été détruit pour placer une charpente. Vis-à-vis de cette Eglife étoit un monument érigé en 1595 , pour conferver la mémoire de l'ablolurion accordée à Henri IV, par le Pape Clément Vllf. Il tomboit de veuille , & Benoît XIV, l'a fait rétablir en 174$ , & l'a dénié à la Vierge, en y confervant les armes du Roi de- France, celles du Dauphin & de Clément VIII, quifontpofées aux quatre faces du piedeftal avec les tiennes. Le fuft de la croix étoit anciennement un canon , & fur Porle de la bouche on avoit écrit, inhoc/ignovinces , ailufion aux victoires d'Henri IV, & aux principales caufes'de fa-réconciliation que l'on n'avoir pas ofé lui refufer. Trmpics h 48.Ste Blbiane, ancienne Eglife bâtie mécicrcsan- ^ • par Oiimpina, dame Romaine, & rétablie en 162^5 P-ir ordre du Pape Urbain VIII, fur les delfeins du Cavalier Bernin. La ftatue de la Sainte qui eft au Maître Autel', eft de cet illuftre Artifte, & un de fes meilleurs ouvrages, l'air de tête en eft très-ncble, & la draperie en eft excellente , elle eft d'une légèreté & d'une vérité qui frappe: on la prend pour un étoffe qui a la couleur & l'éclat du Rome, Premeire Part. 44c. marbre. La belle urne de porphyre où font les Corps de Ste Bibiaue 3 de Ste Pémetrie fa fœur Se de Ste Dafrole leur mere, eft du même Maître. L'hiftoire du martyre de ces Saintes, a été peinte à frefque au-:our de cetre Eglife par Pierre de Cortone , en plufieurs tableaux , qui onr été gravés avec foin, Se dont les eitampes doivent être imfes au rang des plus précieufes que Ton trouve à la cal-cogrnphie. Sous cette Eglife Se fes environs eft l'emplacement du cimetière de St Anaftafe, Pape Se Manyr, qui étoic établi à côté du Palais de Licinius , dans le quarrier appelle Orfus Piiearus, qui conîerve encore le même nom a). ( on voit d'autres difent qu'Auguftc le fit conftruire pouc honorer la mémof e de Caius Se de Lucius fes petits fils i quclqu'uns prétendent que ce fut un Panthéon élevé & confàcré fpécialement à Mi-nerva Mcdica, dans la Région Efquiline, où ces ruines font effectivement fituées. Pline dit que le Temple de Brutus fut bâti de briques, alors le luxe n'étoit pas aifez bien établi à Rome pour vouloir par-tout des rcvêtillemens de marbre, Se c'eft Augufte qui rendit cet ufage général; ainfi je crois que l'on peut accorder tous ces fentimens., & que ce Temple confàcré dans fon origine à Hercule, fut décoré fous le règne d'Augufte, à l'intention d'honorer la mémoire de fes petits fils,& converti enfuite en Panthéon par la facilité que donnoitla forme même duTempie, d'y placer beaucoup deftatues... Sous le Pontificat de Jules ÏII, on trouva dans la vigne même où eft ce Temple, la plupart des ftatues dont probablement il étoit décoré. Une Pomone de marbre noir qui avoit eue la tete, les mains & les pieds de bronze, & qui ne fe retrouvèrent pas... Efculape.. Adonis... Deux Louves.. Hercules... Venus... La Minerve Hi-gia ou Medicu, Antinous, & le beau Faune que l'on voit encore au Palais Farnèfe. Toutes ces ftatues étoient plus grandes que nature, & de très-bonne main. L'Antinous fert à prouver que par la fuite des tems, on avoit fait de ce Temple un Panthéon, dans lequel on plaçoit différentes ftatues, fuivant la dévotion ou le goût des Empereurs. Ou trouva en meme-tems deux un ours de petite taille , gros environ comme un loup , coëffé d'un bonnet, marteaux ou maffes d'armes telles que s'en fer-voient les Peuples du nord, un côté plat, l'autre pointu & perçant, ces fortes d'armes font connues; & les Barbares s'en étoient fervi pour détruire ces monumens antiques, car on voioit fur quelques-unes de ces fiâmes l'empreinte du marteau dont elles avoient été frappées. Ce fait peu connu eft une preuve certaine de la fureur avec laquelle la ville de Rome fut ravagée. Dan cette même vigne font deux cimetières anciens ( Palumbarii\bitn confervés, & encore garnis de petites urnes où l'on mettoit les cendres des morts après qu'ils avoient été brûlés. J'y ai rrouvé encore des cendres, des charbons & des os brûlés. L'un paroît avoir été deftiné à enterrer d'honnêtes Bourgeois; il eft plein de petits monumens fepaiés les uns des autres, de formes aflc élégantes Se variées, divifés en petites cafés qui fervoient à recevoir les cendtesdes différentes perfonnes de la famille. Celles des chefs font diftinguées de celles des enfans. La voûre étoit ornée de peintures & d'arabc.'qucs, en (tues, de bon goût, l'humidité a prefqu'en* fièrement détruit les peintures, il refte quelques parties des arabefqucs, qui fe confervent parce qu'ils ne font pas expo (es à l'air; car à la fuite de l'hyver, lorfquc je lésai vu, ils étaient a mollis comme de ia pâte. Ils reprennent un peu plus de folidité pendant les îecherefTes. L'autre n'a fervi qu'à des artirans Se à des gens du bas peuple, les traus ou cafes à placerlc cendres ibat difpofes comme les txous des colombiers,. m 4^3 Mémoires d'Italie. il eft antique, & cette enfeigne, ou lî Ton vent cette ftatue avoit donné très-anciennement fon nom à tout le quartier que l'on appelle encore Orfo pilea-to. Car autrefois comme aujourd'hui, un objet de peu de conféquence donnoit fon nom au quartier où il fe trouvoir, il fu(fifoit que le peuple pûc le remarquer. Ainfi le pied d'une ftatue colofiale {Pie di marmo) un portefaix, qui tient un baril d'où fort l'eau d'une fontaine, (/7 facklno) un linge, ( il babuino ). Le rorfe ou tronc appelle Pafquin , tous ref-tes de ftatues qui peuploient l'ancienne Rome, donnent aujourd'hui leur nom aux diffcrens quarriers où ils font placés. StEu'ebe, Eglife des Céleftins. Elle eft d'une architecture face, execucée fur les deffeins d'Antoine Fontana. Le pla- & font formés par quatre briques, plufieurs font ouverts, queiqu'uns font fermés d'une petite plaque de marbre, avec le nom du défunt, & celui de fa profeflion, comme Lucius Ctrdo. Le Temple dont j'ai parlé plus haut , qui a été fi magnifiquement décoré, fert à préfcnt en partie à retirer du bétail, Se les pailles des graines qu'on recueille dans les environs. On a jdus de refpeét pour les Palumbarii, qui font allez profondément enterrés, & fermés exactement par les Jardiniers, qui en retirent un profit afluré en y conduifant les étrangers. Romi, Premiem Part. 44$ fond, nouvellement peint par Meinjf Peintre Saxon, eft l'un des meilleurs tableaux qui ayant été faits dans ce liécle, il a pour fujet l'Apothéofe de St Eufebe> Evêque de Verceil, grand Défenfeur de la divinité du Verbe, ce qui eft marqué par l'infcription «ftîuirtos r'è xi-r^ écrite fur un livre que tient un Ange placé à coté du Saint. La gloire fur tout en eft belle tk bien penfée, tk le coloris en général eft excellent.. Cette Eglife eft bâtie dans l'emplacement-même delà prifon où mourut Ste Eufebe , fous le régne de Conftance , partifan déclaré d'Arius. Les caves de cette Maifon que l'on peut voir, ont été d'anciens cimetières qui étoient autrefois fi tués hors de l'enceinte de la Ville, c'eft là qu'étoit le Palais des Gordiens, dont Julius Capitolinus, Auteur du troilième fiecle fait une ii belle defeription. . . JDomus Gordianorum etiam nunc extatt quam ifie Gordianus pulclurrime exor-navit : Q villa eorum via prcsne(linay duzentas columnas in TETRASTILO habens t quarum quinquaginta caryjlea, quinquaginta claudianœ, quinquaginta numidicA pari menfura funt in qua Bafdica centenariœ très , estera huic eperi convenient a, & tAerm* quales. 5 prceter urbcm ut tune, nufquant in orbi terrarum. . . La fituation de l'Eglife ôc du Monaftere de Se Eufebe, la quantité de marbres que l'on a trouvés dans les environs ,' s'accordent avec l'indication que donne Julius Capitolinus j j'ai vû plufieurs belles colonnes de marbre d'Afrique couchées dans la cour qui précède l'Eglife, ôc deftinées à fon em-bellilîemenr, qui avoienr été nouvellement tirées de terre. Ces monumens fi folides feroient encore dans leur entier fi les Barbares ne s'étoient pas acharnés à les détruire, on en a une preuve bien cerraine dans ce que j'ai rapporté un peu plus haut au fujet du Temple de Minerva Medica. St E enne le Rond. Ce monument antique eft l'un des mieux confetvés de Rome , il a foixante pas communs de diamètre dans œuvre , & eft foutenu par cinquante neuf colonnes de granité entières, mais avec des chapinux de differens ordres i il y a deux fentimens fur fa première deftination. les uns di-fent que c'eft un Temple élevé par Agrippine, à la mémoire de l'Empereur Claude, d'autres difent que ce fut on des trois Temples confacrés au Dieu Faune ; quoiqu'il en foie, les murs en font encore folides, & dans cette manière de conltrudion que l'on appelloit epus reticulatum. Il y avoit un veftibule compote de deux rangs de colonnes cannellées d'ordre Corinthiens , qui a été détruit en partie, pour orner la Chapelle des Saints Martyrs Prime & Félicien -, on a élevé deux grands arcs qui porteur fur des colonnes d'une groflfeur prodigieufe, & qui foutien-nent un plafond de charpente faite fous la voûte-même , & qui en empêchent la vue; fe crois qu'elle éroit à peu près dans la manière du Panthéon & éclairée par le haut : les additions modernes font de nés mauvais goût, & rendent cet édifice obfcur , qui d'ailleurs eft tenu avec peu de foin. Il fut confàcré en 468 par le Pape Simplicius & dédié a St Etienne, premier Martyr ; il y a apparence que cer édifice qui avoit fouffert de la violence des Barbares, fut alors réparé de roures forres de pièces de rapports, comme dans la fuite on a Jugé à propos de placer un Autel dans le milieu - même de la Rotonde, on a élevé cette charpente ridicule pour le couvrir. 49. Aux Capucins dans la première Cha- s""" de« Mémoires d'Ïtàlie* Egliff j & t*- Pe^e en entranc à droite. Le magnifia bienu. sutucs que Tableau de St Michel par le Guide : modernes. ]a figure dg i'Archange eft il en fait le portrait d'une convulfioi'.aire . dont le fpellacle étoit rêferve, dit-il, au dix-huitieme fiecle: & tout cela pour faire quadrer fon idée avec cette citation de Virgile, dont il vouloir enrichir fa relation, Non vultus, non color unus, Non compta manfere cornet; fedpeûus anhclum Et rabie fera corda tument. 1 C'eft la première fois que l'on ait trouué quelque rciîemblance entre Sainte Therefe Se une oibille. L'idée eft nouvelle, mais la corrw-paraifon eft abfohiment lauiTe. Tome V. V * repréfente St Jofeph dormant, & l'Ange qui lui apparoir en fonge, ce groupe eft bien traité j le Guidi avoit du mérite & eft connu à Rome par plufieurs bons ouvrages *, mais il a eu tort de fe mettre en oppofition avec le chef-d'œuvre du Bernin, & il ne foutient pas la comparai Ion. St André du Noviciat des Jé fui te s à Monte-Cavallo , petite Eglife de forme ovale, conftruite fur les delfeins du Cavalier Bernin ôc fous fes yeux , entièrement revêtue des plus beaux marbres ôc pavée de même, fi bien décorée qu'on l'appelle le bijoux de Rome. Le Tableau du Maître - Autel qui repréfente le martyre de St André, eft de Guillaume Courtois, dit le Bourguignon î celui de la Chapelle de Saint Staniflas JCofca, eft de Caries Mararte, la Ma-donne qui eft dans une gloire ôc qui apparoir à ce Saint, eft l'une des plus agréables componctions de ce maître. Dans l'intérieur de la maifon, on voit ia chambre qui a été occupée par St Stanillas, dont on a fait depuis un Oratoir/ë, elle eft décorée d'un des plus beaux morceaux de fculpture qui foient à Rome j c'eft la ftatue de ce Saint, couché & prêt à expiter. Elle eft de grandeur naturelle, la tête, les pied8 & les mains font de beau marbre blanc, la robe de Jéfuite eft de marbre noir, Le lit eft de marbre de Sicile de différentes couleurs. Toute cette composition eft de Legros Sculpteur François , qui a repréfente avec autant de fcience que de vérité, un jeune homme expirant à la fleur de fa jeunelfe dans les fenti-mens d'une piété confommée ; quelques Artiftes mettent cette Statue en parallèle avec la Ste Thérefe du Bernin. Elle eft difent-ils, d'une fi belle ex-preflion ôc fi vive, il fort tant de feu de fon vifage, tk en même - tems on remarque tant de charmes dans la défaillance extatique où elle eft, que fa figure femble à plufieurs, plutôt volup-tueufe que dévote fur-tout en conu-dérant le génie qui eft vis-à-vis d'elle, ôc qui relfemble plus à l'amour qu'à un efprit célefte. Le St Staniflas a moins d'agrémens, mais il eft d'une fagelfe ôc d'une vérité qui étonnent. C'eft un jeune homme qui fait le facrifice de fa. vie avec la plus humble réfignation , mais en même tems avec courage ; l'abbatement de la maladie laiffe paraître ces fentimens dans toute leur force y ils augmentent le refpecl: que Y ij ^60 Mémoires d'Italie. l'on a pour le Saint que l'on voit dans la chambre , fur le ht-même où il fie fon facrifice , l'art devient véritablement rival de la nature. Ces circonftances ralfemblées font caufe que quelques Artiftes hélîtent fur la préférence entre l'oiwrage du Bernin 6k celui de Legros. Cependant tous aimeroient mieux avoir fait la Ste Therefe que le St Staniflas, les défauts qu'on peut lui reprocher, font des beautés & une ardeur de len-rimens qu'il n'appartenoit qu'au Bernin de faire fortir du marbre. Cette Maifon eft riche, elle a recueilli la fucceflion d'un des Princes Pamphile , Neveu d'Innocent X , fes jardins bien entendus, propres 6V: ornés de belles eaux, méritent d être vus. J'y ai remarqué un palmier d'une grolfeur confidérôble. S ta. Maria in aracceli^ Eglife de Fran-eifeains qui occupe tout un côté de la montagne du Capitole. Elle eft bâtie dans la même place où étoit le Temple de Jupiter, Capitolin. ra) Il y a appa- {a) Le Temple de Jupiter Capitolin, commencé par Tarquin l'ancien, achevé par Tar-quin le îupeibe, avec toute la magnificence que les arts pouvoicut donner aux édifices de ce tems, Rome, Première Part. 4^1 rence que les colonnes qui foutiennent le plafond dont partie font cannelées & de marbre Parien , parrie de Granité - eut beaucoup à fouffrir dans les différentes révolutions qui agitèrent Rome, fur-tout pendant les guerres civiles. Céfar l'avoir fait rétablir dans un état de folendeur qu'Un avoit jamais eu avant lui. Mais dans la guerre civile de Vitel-lius, il fat ptefqa'entièrement détruit ainfi que le Capitole. Un des premiers foins de Vefpafien quand il eut rendu à l'Empire fa tranquillité, fut de rétablir ces monumens publics de la grau-deur Romaine. Talittantajue cum fuma in ur-be:n reverfus , atlo de Judaïs Triumpho. Nihil habuit antiquius quam prope Jiffiiclam nutan-temque remp. (iabilireprimo, deinde £• ornare. Ipfe reflitutiovem Capitolii aggreffus, ruderi-im purgaadis , manusprimus admovit, ac fuo coUo quidam ab'Julit. Suer, in Vcipafîano. c. 8. Je cite ce pailage d'autant plus volontiers, que l'on f;ait qu'il y a des Auteurs qui ont traité de petitclle ridicule, la dévotion qu'eut Confiant'n , d'enlever lui-même douze c jrbeil-les de terre des fondations qu'il faifoit creufer lorfque l'on éleva le Temple de St Pierre au Vatican. Quelques-uns même ont nié le fait. Mais l'exemple de Vefpafien apprend que cette dévotion ne peut être que trcs-louablc dans les Princes qui veullent encourager leurs fujets à concourir à la c mlhuction des ouvrages publics deftinés à PcmbelluTement de la patrie, & à 1 honneur du culte religieux ; ce zélé même ne doit être regardé dans un Prince que comme \effet d'une politique très-louable. V iij ont fervi à ce Temple (i fameux ; derrière le Maître-Autel eft: un bon tableau de la Ste Famille que l'on dit être de Raphaël, mata ce n'eft qu'une excellente copie de l'original que j'ai vu chez le Roi de Naples à Capo di» monté, à laquelle il paroît que Jules, Romain, a travaillé : au deifus de la croifée à main gauche, on voit un petit autel ifolé de forme ronde, avec une architrave foutenue par des colonnes de porphyre ôc de bronze doré, bâti à ce que l'on prétend, dans la même place où Augufte fit élever un Autel au vrai Dieu , fous le titre d'Ara pri~ mogcniti Dei, déterminé par les prodiges extraordinaires qui étonnèrent Rome à la naillance du Sauveur \ on monte de la place à cette Eglife par un large efcalier de cent vingt-deux degrés de marbre blanc que l'on dit avoir été tirés du Temple de Jupiter Quirinus , bâti fur le Quirinal ; d'autres difenr que ces marbres faifoient partie du perron qui précédoit le Temple de Jupiter Capitolin, & qui l'entourroir. Les Jéfuites ont plufieurs Maifons , & de belles Eglifes à Rome ; les deux principales , font celles de St Ignace ou du Collège Romain, ôc du Jejfu novo) ou de la Maifon Profelfe où rélîde le Général... Toute deux font mifes au' rang des plus belles de Rome, la façade de la première eft des ordres Corinthiens &: comporte fur les delfeins de l'Algardi. On a fuivi Tordre Corinthien dans l'architecture intérieure , le bas-relief de la Chapelle de St Louis de Gonzague, fculpté par Legros, eft d'une très-belle exécution. Sous un portique qui fait face à un des bas côtés, eft le' tombeau de Grégoire XV , exécuté par le même Attifte. La ftatue de ce Pape Se l'urne de porphyre fur laquelle elle eft placée font entièment de fa main. L'Eglife du Jefu a quelque chofe de plus grand Se de plus hardi dans fa conf-truétion que celle du Collège Romain. La Chapelle de St Ignace qui occupe le fonds de la croifée à gauche , eft d'une magnificence Se d'une richeffe que rien n'égale, ni à Rome ni ailleurs. La figure du Saint, haute de dix pieds, eft d'argent doré , les habits facerdoraux dont elle eft revêtue, font entièrement couverts de pierres précieufes de différentes' couleurs. Elle eft placée dans une grande niche garnie de bandes de lapis lazuli & d'albâtres antiques, foutenues par des .filets de bronze doréj au-deffus eft une V iv gloire d'argent , au milieu de laquelle eft le nom de Jefus, les quatre grandes colonnes qui foutiennent le fronton donc eft couronne l'Aucel, font revêtues dans toute leur hauteur de lapis kzuli ; le globe que tient le Pere Etemel placé fur le fronton, eft le plus beau morceau de cette pierre précieufe que l'on con-noifte, les marbres , les bronzes dorés , les ftatues &les ornemens de cette Chapelle, répondent à cette magnificence qui a coûté des fommes immenfes. Je ne dis rien de la Gallerie ou Muf-eurn du Collège Romain, elle a été décrite tant de fois que l'on peut fe difpen-fer d'en parler encore, ce que j'y ai vû de plus rare de ce dont on a le moins parlé, ce font des curiofîtés apportées de la Chine. La partie des antiques paroît peu confîdérable quand on a vû les col-leétions de Naples 3c de Florence. Il y a quantité de petites frefques faites dans le dernier fiecle, dans le goût antique, &C que l'on vendoit pour telles à un très-Jaaut prix. Le cabinet du Marquis Caponi, qui a été réuni à cette Gallerie, eft ce qu'il y a de plus riche en médailles, camées , & pierres gravées. La Bibliothèque eft nombreufe 8c bien compofée, j'y eus long-tems la conver» fation d'un Jéfuite François, homme de beaucoup d'efprit, & d'une pénétration étonnante ; qui long-tems avant que la la Cour & les Pariemens de France neuf-lent rien prononcé fur le fort de la fo-ciété, me fit dans le plus grand détail, l'hiftoire de tout ce qui eft arrivé dans la fuite. Je crus que la crainte lui grof-îifloit les objets ; mais il m'affura qu'il n'étoit pas homme à s'effrayer mal-à-propos , qu'il voyoit la main levée, Se le coup inévitable, Se fur-tout les mefures les mieux prifes pour la deftruction de fon ordre en France. St Louis, Eglife appartenante à la nation Françoife , défervie par une fociété de Prêtres François qui y vivent en communauté , des revenus de la fondation faite en partie par la Reine Catherine de Medicis. C'eft la Paroilfe de PAmbaifa-deur Se des autres Miniftres de la Nation réftdantsà Rome ; qui y jouiifent de toutes les franehifes de leur état, & des privilèges Se libertés de l'Eglife Gallicane. J'ai oui dire à Rome à des perfonnes inftruites Se au fait des intérêts delà France , que cet établilfement égalemnt beau Se utile , fe décruiroit inîenfible-ment, fi le miniftère n'avoit l'œil fur l'adminiftration, qui étoit devenue en V v quelque force arbitraire , Se qui tournoir toute au détriment de la fondation. L'Eglife a été nouvellement décorée en entier, les pilaftres ont été revêtus de marbres de Sicile, les corniches, les chapiteaux Se les ornemens de la voûte Se de la coupole , ont été dorés, on y a-ajouté quelques fculptures, le tout enfemble eft plus brillant que folide. Le tableau du Maître-Autel eft une atïomption par François Bajfan , un peu noirci ; c'eft la plus noble compofition de cet Artifte que j'aie vu. On verra à la première Cru-pelle en entrant à droite, un bon tableau de St André Se de St Jean-Baptifte, par Lanfranc.. A la féconde une copie de la Ste Cécile de Raphaël, qui eft à Bologne, faite par le guide ; de chaque côté deux grandes frefques du Domini-quin j l'une repréfente la fainte, diftri-buant fes biens aux pauvres, l'avidité des mandians, leur jaloufie mutuelle , Se leur méchanceté fiftit peintes dans ditférens groupes d'après la nature-même, & combien on trouve à Rome de modèles de ce genre ; la féconde a pour fujet, la fainte après fon martyre. Ces deux grandes & belles comportions font déjà fore gâtées. La première eft une excellente élude pour les jeunes Peintres. Dans la Rome, Premiers Part. 467-fâcriftie eft un grand tableau , de Jean-Miellé, Peintre flamand, qui a pour lu--jet, unEvêquequi guérit un aveugle, le coloris ôc le deflein en font bons, l'expreflion fans avoir rien de noble, eft; de la plus grande vérité, fur-tout dans l'a* veugle qui eft à genoux, la femme qui' îe préfente &les deux Miniftres en fur-plis qui accompagnent l'Evêque, dont la' figure eft celle d'un St homme qui agir avec la confiance que donne une foi vive ôc lincère. . . Ste Marie fur la Minerve, (a) Eglife, Monaftere &.Collége, pour la Philofophie & la Théologie, tenu par les DorrrinU-quains. L'Eglife a trois nets ôc eft vafte : it y a une très-belle Statue du Sauveur qui: tient fa Croix, par Michel-Ange.. La-Chapelle de St Dominique a été magnifiquement décorée dans ce iiède, par le Pape' Benoît XIII, qui y avoir choifi fa fépul--ture ; la Statue de ce Pape y eft accom--pagnées de celles de l'humilité & de la' Religion, qui caraétérifent véritablement (.7) LegrandPompéc après avoir fini la guérie de trente ans, &c avoir en les honneurs du; triomphe, fit bâtit un Temple à Minerve, qui fut magnifiquement décoré , & où l'on av )it peint tout ce qui s'étoit pailc de plus confidéra-We en orient pendant ce tems; Pline, l y c.zG',. V vj, ce fouverain Pontife qui dans la plus haute élévation avoit les fentiroens d'humilité, de piété &r de fubordination qui Pavoienr animés lorfqu'il n'étoit que finv ple Religieux dans cette Maifon ; il por-toit à l'ordinaire fon habit de Domini-quain, &ne prenoitles marques extérieures 6V. diftindtives du fouverain Pontificat que dans les occafîons où il étoic obligé de repréTenter. Le cloître bien éclairé , eft entièrement peint à frefque par des Artiftes du dix-feptième fiècle. La Bibliothèque de cette Maifon eft publique Se ouverte tous les jours, foir Se matin ; le Cardinal Cafanate l'a fort augmentée , Se a laiflé un fonds confidé-rable pour fon entretien. On l'a dir com-pofée de Soooo volumes. J'y ai vu toutes les meilleures éditions des grands ouvrages, fur-tout des Pères de^l'Eglife Se des Hifloriens de l'Empire, ce qui n'eft pas commun dans les Bibliothèques d'Italie , il y a quelques manufcrits dans un cabinet féparé au nombre defquelson m'a fait voir.. Un Pontifical de l'Eglife de Capouc, que l'on croit du neuvième ftècle, il eft curieux fur-tout pour le goût du deflein Se des peintures de ce rems-là. . . Les lettres de Séneque fur Velin, d'un excellent caractère, comme Rome, Première Part. 46? ce qui eft confervé de plus beau, du VIe fiecle.. . Un Dante & un Pétrarque du tems-même de ces Auteurs... Le livre très-rare qui a pour titre, Décor puellarurtiy imprimé à Venife, in-8°> 1462, par Nicolas Jenfon... Un recueil en douze volumes in-folio , de plantes , collées fur papier, tant propres à l'Europe qu'exotiques, fort bien confervées. Il a été formé avec beaucoup d'intelligence ik de foin par un Médecin de Rome j fur le morceau de papier qui attache chaque plante à la grande feuille, eft cité le pàllage de l'Auteur qui en a parlé. Les couleurs des feuilles ëc des fleurs,. confervent encore quelque éclat , quoiqu'il y ait déjà du tems que ce recuiel ait été formé.... Des mémoires, manufcrits fur les Arts, en quatre volumes in-folio, avec les machines bien defîinées & coloriés, tant par parties de détails, qu'enfemble; qui ont pour titre, Pina-roll Polyanthéa Tkecnica inedita. . Dans cette Bibliothèque au fond , vis-à-vis de la porte, eft une très-belle Statue du Cardinal Cafanatte, fculptée par JLegros. Au milieu delà place de la Minerve, on voit un petit obélifque d'environ feize pieds de haut, placé fur le dos d'un éle» phant de marbre, fculpté par Ercole fer-rata. Il avoit fervi autrefois de décoration à ce quartier où étoient les temples d'Ifis, deSerapis, & de Minerve. Alexandre VII, le fit élever en 1667 , ainfi que l'apprend la première infcriprion. La féconde eft conçue en ces termes. . . Sa-pientis. JEgipti. Jnfculptas. Obelifco. Figuras. Ab. Eléphant e. Belluarum. For* liflima. Gejlari. Quifquis. Hic, Pides. ïntellige. RobuJÎJi Mentis. EJfe. Soli-dam. Sapientiarrz. Suflinere. Se. Andréa délia v'allé, grande Eglife d'un goût d'architecture fort noble, 6V: bien éclairée. Elle a été bâtie par Charles' Maderne. Le portail d'une belle décoration ,e ft co m pofé de deux ra n gs d e colonn es ' l'un au-delfus de l'autre, il paroîr fingu-lier que l'Archireéfce ait employé le même ordre dans tous les deux. On connoit au moins par les eftampes, la magnifique coupole & le fonds de la tribune peintes à l'envi, par le Dominiquin & le Lan-franc , où ces deux grands Artiftes ont. réuffi parfaitement le coloris en eft encore vif 8c brillant. . Les trois grands tableaux qui occupent le fonds du chœur1 depuis ta corniche en bas , font du Cojfét Calabrois, le fujet en eft le martyre de' St André, il y a beaucoup d'intelligence. dans la composition , mais le coloris en eft obfcur Se crifte, fur-tout comparé avec les tableaux eclatans du Dominiquin qui font au - àeCfas. Il y a dans cette Eglife quelques Chapelles très-bien décorées.. Celles des Ginettï, ornée fur les deiTeins de l'Algardi a un grand bas relief en marbre , le fujer en eft l'Ange qui ordonne d St Jofeph de partir pour l'Egypte. ... Des Strozzi conftruite fur les-defleins de Michel - Ange on y voit quatre grandes ftatues.de bronze , & une Piéca aufiï en bronze , placée au pied de la Croix , & quatre grandes urnes de pierre de Parangon de forme antique , ce mélange de marbres noirs & de bronze, eft d'une beauté fombre, mais très-m a-jeftueufe... des Barberins, revêtue de marbres précieux , & décorée de ftatues. de marbre blanc la plupart de bonne main.. dans un enfoncement obfcur de-cette Chapelle, brûle une lampe au-deftus de l'endroit-même du cloaque ou on prétend que. le corps de St Sebaûien fut jette après fon martyre. La pluparrde ces Chapelles méritent d'autant plus d'attention , que fi elles avoient exifté, dans le tems de Rome antique, leur grandeur , Se la rilxccfïe de leurs décorations, les auroiént fait 47* Mémoires d'Italie. compter au rang des temples-mêmes, 6Y, leur auroient allure une réputation immortelle. .. La petite Eglife de St Ro^uald des Camaldules à un des plus célèbres tableaux de Rome , peint par Andréa Sacchi. H a pour fujet, le Fondateur de cet ordre, placé dans une vallée agréable des Apennins, qui explique à fes fo-litaires, la raifon qu'il a eu de quitter le monde, & leur monrre cette échelle miraculeule qu'il vît en longe, fort fem-blable à celle de Jacob , à la différence qu'au lieu d'Anges, ce font des Camaldules qui montent ôc defeendent. Tout refpire dans certe compofition, la paix Se les douceurs de l'état que St Romuald avoit embralfé, ôc qui fait fans doute le fujet de la converfation entre lui Ôc fes difciples ; l'action eft: fimple , il n'y a point de variété, toutes les figures font habillées de même, ôc l'expreflion de ce tableau fait un vrai plaifir à l'ame plus qu'aux yeux, fi l'on peut s'exprimer ainfi ; quoique le ton de couleur foit celui de la nature-même, &que fa douceur ôc fon égalité foient propres à donner une idée de la tranquillité qui de-voit régner dans cetre heureufe retraite. Çe tableau a été alfez bien gravé à Ro- me, les copies n'en doivent pas être rates , les Anglois fur-tout en ont fait faire beaucoup. St Jérôme de la Charité', petite Eglife qui appartient àj une Confrairie deftinée à foulager les pauvres malades. On y voit fur le Maître-Autel, le célèbre tableau de la communion de St Jérôme, par le Dominiquin , dont la copie en Mofaïque eft a St Pierre. Ce tableau eft trop connu pour rien ajouter aux éloges qui en onrété laits , il eft encore très-bien confervé tk d'un excellent ton de couleur.la Chapelle SpaÇb. en entrant a main droite ; ornée fur les delfeins du Borromini d'un goût fimple & piquant, eft en quelque façon lhiftore de la maifon dont elle porte le nom. La ftatue en habit long, tk plulieurs médaillons font d'Ercolé Ferrata. On prétend que cette Eglife a été bâtie dans l'emplacement-même de la Maifon de Paule , Dame Romaine, chez laquelle St Jérôme logeoit pendant fon féjour à Rome, St Philippe de Néri a demeuré lone-tems dans ce même endroit ôc y a commence fon inftirut. St Thomas des Anglois, Eglife tk Collège des millions de cette nation , rebâtie en 1575, par le Cardinal de Nor- folck d'un gode ancien & peu agréable , on y voit quelques peintures à frefque , très - médiocres, qui ont pour fujet les violences exercées par Henri VIII contre les Moines. . Lemaufolée de Thomas d'Erham, Chevalier Baronnet, mort à Rome en 1739, exilé de fa patrie, tk qui a vécu dans le célibat, dans la crainte d'avoir des enfans qui fuftenr autant tourmentés pour leur religion , qu'il l'avoir été. . . St Laurent en Damafo, Eglife très-ancienne à Rome. La rorme de l'architecture en eft fort fimple , c'eft un grand quarré long fans pilaftres ni colonnes, précédé d'un porche, ou atrio, fous lequel font deux Chapelles trèsornées 5 l'une à droite en entrant a un très bon tableau de Sébaftien Coucha , qui repréfente la Vierge dans une gloire, avec St Philippe de Néri , & St Nicolas au bas. L'autre à gauche eft d'architecture moderne, très-bien entendue & revêtue de beaux marbres. . . Près du Maîtte-Autel, on voit une ancienne ftatue de marbre blanc, en habit long qui tient du Confulaire, êVque l'on dit être une copie de celle de St Hipolite , qui eft à la Bibliothèque du Vatican. On voit auiîî dans cette Eglife, le tombeau d'Ànnibal Caro, célèbre Poëte, très-connu par fa belle traduction de Virgile, en vers Italien , né en litrie, & mort à Rome en i$66. St Nicolas des Lorrains, petite Eglife de cette nation ornée avec gout , on y voit deux bons tableaux, de Corradi , Peintre Napolitain , élevé de Solimene ; ils ont pour fujet les miracles de St Nicolas. La manière eft riche ôc animée ; le coloris eft alfez frais, ôc tient beaucoup de celui de Sébaftien Concha. . Sancla Maria in Cavipitelli, Eglife bâtie dans le dernier fiecle , d'un goût fort noble. On y révère une image mi-raculeufe de la Vierge, fort ancienne, en relief fur un grand faphire ovale mêlé de filets d'or , de fix à fept pouces de longueur. Cette Eglife a plufieurs Chapelles magnifiquement ornées, en-tr'autres celle des Altieri, où font deux maufolées de famille avec des buftes placés fur de belles urnes de porphire, l'un d'un homme qui n'a d'autre épita-phe que ce mot ni Ail , l'autre» d'une femme avec le mot timbra, La Trinité du Mont , Eglife de Minimes François qui doivent leur établif-fement à Rome , aux inftances de St François de Pauie leur Inftituteur , ôi 476* Mémoires d'Italie. a la libéralité de Charles VILI, Roi de France. Cette maifon n'eft habitée que par des François , tk chaque Province a ie droit d'y en avoir au moins deuxj celles qui veulent en entretenir davantage, en font les frais. Dans cette Eglife eft le fameux tableau de la defeente de Croix, peint à frefque par Daniel de Voîterre, on l'a compté long-tems parmi les chefs-d'œuvres de peinture de Rome ., tk on va le voir plus fur fon ancienne réputation?, que fur fa beauté actuelle ; le coloris qui en a toujours été fort fombre, eft noirci en plufieurs endroits , tk a perdu tout fon éclat-, le delfe'in en eft encore correct , & c'eft la partie dont on peut le mieux juger: quant à l'expreflion , on ne voie dans le Sr Jean placé fur une échelle , qu'un jeune Ouvrier qui eft plus occupé a faire paroître fon adreffe en defeen-dant le corps du Sauveur de la Croix , que de la douleur dont le devoit pénétrer une (i trifte occupation. Le groupe de femmes qui eft en bas, au milieu def-quelles eft la Vierge qui s'évanouit, a été l'une des plus belles parties du tableau , ôc celle qui a été peinte avec le plus de foin; il paroît qu'une des femmes cherche à faire fortir la Vierge de fon évanouiilement, en lui approchant du nés un mouchoir imprégné de quelque odeur force , fingulanré qui ne convient point au heu où elle fe palfe. Cette Eglife eft: pleine d'epsraphes de François de tous les états tk de tous les rangs qui y ont été enterres ; on y voit celle du célèbre M. Maigret des millions écran-gères, Evêque de Coron K tk Vicaire Apoftolique à la Chine, qui éprouva tant de contrariétés dans l'exercice de fon miniftere (&}'. Sancto OnofriT, au-delà du Tibre, fur la partie orientale du Janicule, Eglife de Hieronimites. Sous la gallerie qui eft: au devant de l'Eglife , on voit trois belles peintures à frefque du Dominiquain , qui ont pour fujet quelques traits de la vie de Sr Jérôme. La première eft fon baptême, elle eft bien confervéé, la composition en eftfçavante & gracieufe. La féconde eft fort effacée tk a quelque rapport à fon féjotir à Rome. Dans la troifieme il eft repréfente l'efprit occupé des délices de Rome qui lui reviennent («) Le célèbre Antoine Muret, mort en l6t> 5 , y eft encore enterré, de même que Marc Antoine Muret fon neveu. Et le fameux Païfa-gifle Claude Gelée, dit le Lorrain. 478 Mémoires d'Italie. à l'imagination, telles qu'il les avoit goûtées pendant la jeunefle, dans la fo-ciété des femmes de cette Ville, qui font repréfentées dans le lointain, fous la figure de trois jeunes filles agréables Se leftes. Ces idées fe préfentoient à lui dans le teins même qu'il étoit dans la iolitude la plus horrible , & qu'il n'avoir, ainii qu'il l'écrit lui-même j d'autre compagnie que celles des bêtes les plus féroces Se les plus dangereufès. Ce fujet quoique férieux , forme un tableau d'une exécution très-agréable où le coftume fur-tout eft exactement obfervé ; le St Jérôme eft rendu avec tout l'efprit polli-ble , on voit contrafter ces différentes idées avec fon caractère ferme Se décidé ; c'eft fous le pincepu de ces grands Peintres que l'Art deviendroic fuperieur a la narure s'il étoit pofîible. A côté de la porte principale à main gauche , eft le tombeau du Tajfe, Se Ton portrait au-delTus en mofaïque (a). (a) Le TaiTe né en i ? 44, mourut à Rome en 1595 , âgé de 51 ans. Voici fon épitaphe. Torquati Taffi [Heu quantum in hoc nomine eelebritatis ac laudum) ojfa hue tranjlulit, hic eondidit Cardinalis Beyilaqua , ne qui vo/itae vivus per ora virutn, ejus reliqua parum fplen~ dido loco ejfent. Admonuit virtutis amorf ad- Sur la partie la plus élevée du Janicule, eft l'Eglife de St Pierre in Montorio , dans laquelle on conferve le premier ra-bleau du monde, le plus bel ouvrage qui foit forti des mains de Raphaël, pour tout dire en un mot le célèbre tableau de la Transfiguration -y loué par tous les connoiffeurs ôc les Artiftes , ôc comparé toujours à fon avantage avec tout ce que les plus grands Peintres ont produit de plus parfait. Il eft placé fur le maître-autel, bien confervé Ôc prefque toujours couvert. Le Cardinal Jules de Medicis lavoir fait faire dans Is deflein de l'envoyer en France > mais Raphaël étant mort très-jeune, on détermina le Cardinal à ne pas priver l'Italie ôc la Ville de Rome de la peinture la plus précieufe que l'on connut, ôc le tableau fut placé où il eft encore. Celui de l'autel de la première chapelle à main droite , eft de Sébaftien del Piombo Peintre Vénitien , qui, comme je l'ai dit ailleurs , débuta avec une réputation qui fembloit tapnuit adverpis patriœ aUimnum , advcrfus parentum amicum , pie tas- yixit an. LI. natus magjioflcrentijdlmija.culi*bono, A. M. D. XLIV. yivet kaudfallimur œternum in hominum me-moriâf admiratione ' cuitu. devoir balancer celle de Raphae'1 ; l'éclat de Ton coloris avoit fait illufion , ôc on prétend que Michel- Ange jaloux des talens fupeneurs.de Raphaël , avoit laie venir expiés Sétaft.en à Rome, dans l'efpérance que l'aidant fecretemenr, il pou.roit lui faire partager les applaudik lernen* dont Raphaël jouilfoit feul, ôc qu'amfi il refbroit le premier Artille du monde: Pour réullir dans fon projet, il traçoit les efquilfes des tableaux que Sé-b;ft;en devoir peindre , les corrigeoit en fui te, mais il n'en vint pas à bout j le Vénitien malgré féclat de fon coloris , & les foins de Michel-Ange , ne ht pas iliulion long-tems ; & Raphaël, fans intrigues ôc même fans jaloufie, fe vit délivré de ce rival qui le retira à Venife. Michel Ange auroit pu trouver à Florence fa patrie , un concurrent bien plus digne de Raphaël , & bien fuperieur à Sébaftien del Piombo , dans la perfonne de fra Bartholomeo délia porta. Le tableau dont je parle , eft une flagellation d'un grand caractère de deflein, Ôc encore, d'un très beau coloris. Dans une cour au-delTus de cette Eglife , eû un petit temple rond a la manière antique, décoré au dehors de feize colonnes de granité , Ôc en dedans de de quelque ftatues de demie grandeur. L'architecture en eft excellente &c comparable à tout ce que cet Art a produit de plus parfait. Cet ouvrage du Bramante a été élevé au-deiTus d'une petite chapelle fouterraine que l'on prétend bâtie dans l'endroit même où St Pierre fut crucifié. Les Francifcains de St. Pierre in Montorio , ne doutent pas de la vérité de cette tradition, quoiqu'il foit prefque démontré que le Prince des Apôtres fouffrit le marryre au pied du Vatican , à peu près dans l'endroit où eft la branche occidentale de la croifce de l'Eglife St Pierre. S.inta Maria in Tranjleverc , Eglife Collégiale bârie fur les ruines de la Ta-berna Meritoria : *) des Romains. Ce bâtiment ayant été abandonné, les chrétiens obtinrent un refeript de l'Empereur Aiexandre-Severe, qui leur permettoit d'y conftruire un oratoire , & de s'y auèmbler pour les exercices de leur religion. Il fut dès-lors dédié à la Vierge; («) La Jaberna Meritoria, etoit un Hôpital ou Hofpice militaire, dans lequel les foldats que l'âge ou leurs bleffures metroient hors d'état de continuer leurs fervices,étoient logés, nourris & entretenus aux dépens de la République. Tome V% X * mais les perfécution fuivantes les en privèrent, jufqu'à Tan 340 que le Pape St Jules fit rétablir l'Eglife. Les mofaïques dont le chœur eft orné, de même que le pavé de l'Eglife qui eft beau & bien confervé, font du douzième fiecle. La grande nef eft foutenue par vingt-deux colonnes de granité. Au milieu du plafond eft un irès-be.iu tableau de l'Af-fomption , par le Dominiquin. On voit à main droite au-devant du chœur , une grille de fer qui couvre une petite voûte d'où la tradition eil , qu'il fortit une fontaine d'huile qui coula jnfqu'au Tibre, lorsde la nailfarce du Sauveur. Au-delîus de cette voûte on lit l'infcription fuivante. In hacprima Dei fi'atris 'de , taberna olim meritoria. 3 olei jons è folo erumpens, Chrijîi crium portendit. J'ai vû fouiller allez profondément dans cet-Eglife, pour réparer la fondation de la bafe d'une des colonnes , il eft étonnant combien on en tiroir de pièces de marbre brifé, de débrf de ftatues , mêlés confu-fémenten terre. On ne.trouva rien d'ailleurs qui pût mériter une attention particulière Sainte Cécile, Eglife de Bénédictines, bârie rrès-nneiennement dans remplacement même de la maifon de cette Sainte, on voit en entrant dans une Chapelle un peu obfcure à droite, la chambre des bains dont on a confervé la forme & tout le plan de conftrucfion antique , c'eft là quelle fut martyrifée. Le grand autel revêtu des marbres les plus rares , a un ornement encore plus précieux ; fous la table de l'autel eft la repréfentation de Sainte Cécile en marbre blanc , par Etienne Maderne, elle n'eft couverte que d'une tunique légère attachée d'une ceinture. Cet ouvrage eft de la plus grande délicateffe & approche de la beauté du ftyle grec. La figure eft de la taille de la Sainte, qui éteùt médiocre, &C dans la même attitude où le corps fut trouvé. Elle eft appuyée fur le bras gauche , la face tournée du côté de la terre , pofition finguliere qui eft un peu gênée ; malgré cela on ne fe latTe pas deconliderer cette ftatue . tant le travail en eft parfait , & imite exactement la nature. Le corps de Sainte Cécile eft confervé en entier dans une Chapelle fouterraine qui eft au-delfous. de l'autel. St Chrifogon , Eglife très-ancienne , bâtie fous le Pqntificat de St Silvéïtre , il faut y voir les belles colonnes de granité qui foutiennent la grande nef, & celles de porphire fur lefquelles eft ap- 484 Mémoires d'Italie. puyé l'arc de la tribune , qui font d'une grolfeur ôc d'une hauteur coniîdérables. Le tableau du plafond qui repréfente St Chrifogon, eft du GuercAin 9 très-frais de couleur ôc bien compofé. San Francefco a Ripa , dans la Chapelle à main gauche du grand Autel, la ftatue couchée de labienheureufe Louife Albertoni, par le Bernin : elle eft dans le goût antique , ôc de très-belle expref-iions j on voit dans cet ouvrage avec quelle facilité le Bernin avoit feu s'approprier , ce que les anciens avoient de plus beau dans leur manière, ôc qui pouvoir convenir au tems & aux circonftan-ces où il fe trouvoir. Que de chofes il y auroit encore ri dire , fur toutes les beaurés que les Eglifes de Rome dont je ne parle point, renferment , tant en architecture que peinture ôc fculpcure j j'aurois dû citer encore la magnifique Eglife. de St Charles AlCorJoy ôc le tableau de Catle Marâtre, que Ton voit au fonds du chorur,'celui qui commença à fe placer au rang des grands Peintres j jufqu'alors il n'a voit peint *|ue des tableauxde chevalet, ôc on ne le regardoit que comme un Peintre dont le talent étoit de peindre avec déli-catelfe, des maclonnes , qui ayant en-tr'elles un air de famille étoient une preuve du peu d'étendue des idées de rArtifte ; ce grand tableau deflilla les yeux fur fon mérite, tk lui ouvrit la carrière heureufe de l'opulence tk de la confédération dans laquelle il défefpéroit de ■ jamais entrer.. Il a pour fujer, la Vierge dans une gloire , tk Sr Charles à genoux, porté fur un nuage tk très-près de là gloire donr il eft environné en partie 5 au bas du tableau eft St Ambroife en habits E-pifcopaux, qui paroît adrelier fes prières à la Vierge tk à Sr Charles, donr l'une eft cenfée être dans la gloire célefte , tk l'autre rout prêt à y entrer, tandis que le Se Docteur de l'Eglife eft encore fur terre.. Cette idée avoit tellement choqué Benoît XIV, qu'il vouloir faire enlever ce tableau d'où il étoit j mais combien, ne trouve-ton pas de ces défauts contre le coftume & la vérité de l'hiftoire dans les tableaux de Lanfranc, de Sébaftien Concha tk des derniers Peinttes de l'école de Bologne tk de Venife. Les premiers, ceux qui fuivirent de près Raphaël , le Titien , tk les autres grands Reftaurateursde l'Art, plus fçavaus que leur Succelfeurs & plus attentifs ; gardèrent prefque Toujours les régies de la vraifemblance , tk ne fe prêtèrent pas aux idées de ceux pour lefqueh ils fai- Xiij foient les peintures. Car le Maratte tra-vailloit pour des Lombards , qui ne con-noilfant rien au-delfus de St Charles, avoient exigé fans doute qu'il fut placé dans la gloire. .. A San Carlo à Catinari, il y a plufieurs tableaux précieux , parmi lefquels, la mort de Ste Anne, par Andréa Sacchi, de la plus grande vérité d'expreiîîon, quoique le coloris en foit fort aftoibli... L'Annonciation par le Lanfranc. ... Se Charles par Pierre de Cortonne. L'Eglife de Ste Agnès à la place Navonne, en forme de croix Grecque, eft de la plus belle conftruélion , les marbres les plus précieux ont été employés à fon revêtiflement \ la façade d'une architecture plus riche que régulière eft avantageufement couronnée, par une coupole &c deux campaniles d'une manière fort élégante. Il faut la voir fur-tout un jour de Fête folemnelle parée de fes ornemens précieux } où l'or, l'argent & les pierreries éclarent de toutes parts, le feul oftenfoir a coûté dit-on , fept cent mille livres à la maifon Pamphile, à qui cette Eglife appartenoit en propriété & qui l'avoir fait conftruire dans l'état brillant où elle eft. Au-doflus de la porte d'entrée, eft le maufoléedu Papj Inno- cenc X, au-defTbus de i*Egiife dans une petite voûte antique, eft une ftatue de Ste Agnès, par l'Algatdi, elle eft repré-fentée prefqu'emièrement couverte de fes cheveux, qui crurent tour d'un coup lorsqu'elle fut expofèe nue par l'ordre du Préfeét de Rome, à la brutalité des foldats Prétoriens. Cette voûte faifoit patrie d'un lieu public (Fornix) ou les femmes débauchées fe proftituoient, fous la protection du Gouvernement. S. Maria in Cofmedin, overo Jcuola Greca \ é Bocca délia verita , Eglife très-ancienne bâtie à ce que l'on prétend, fur les ruines-mêmes du Temple que Virginie érigea à la pudicité conjugale, (a). (a) Virginia , fille d'Aulus Patricien , qui avoit époufé le Conful Volumnius Plcbeïen, s'étant préfentée pour facrifier avec les autres Dames Romaines, dans le Temple de Pudici-zia Patricia, en fut exclue fous prétexte qu'elle s'étoit mefallice en époufant un Plébéien. Elle foutint fes droits avec autant de forcé que d'ef-prit. Elle repréfenta qu'elle étoit Virginie, née Patricienne, femme d'un feul mari qu'elle avoit époufé vierge, (celles qui avoient padé en fécondes noces ét dent exclues par leur état de ces fortes d'affemblées;) qu'elle n'avoit à rougir ni de fa conduite, ni des actions de fon mari, dont elle pouvoir, à bien plus juïre titre, fe glorifier. Elle foutint cette belle rëponfe par Elle eft appellée l'Ecole Grecque, fur la Tradition qui a (Turc que l'Empereur A-drien , avoit établi dans cet endroit une Académie où St Auguftin a occupé une chaire d'éloquence. C'eft ce qu'apprend Tinfcription fuivante , gravée for un marbre à l'entrée de l'Eglife... (TtmpLum une action où il y avoit autant de pieté que de nobleife; elle retrancha de la maifon qu'elle ha-bitoit in vico longo, afTez d'efpace pour y ériger un petit Temple Se un Autel, Pudiciria Plebeia. Ayant convoqué tomes les matrones de fon rang, elle fe plaignit à elle de l'injure qu'elle avoit reçue de la part des Patriciennes, Se leur dit que pour n'avoir plus rien à démêler avec elles, & pouvoir librement facrificr à la Pudeur Conjugale. Hanc ego Aram Pudicitic* Plebeitz dedico: Fofque, hortori ut quod certa-menvirtutis , viros in hdc civitate tenet, hoc pudicitiœ inter matronas fit : detifque operam ut hac Ara, quam illa yfi quid potejî,fanclius '& à caflioribus coli dicatur. Ce nouvel établif-fement mérita pendant long-tems le refpecl du public t il n'y avoit que les femmes d'une pudi-cité reconnue Se époufes d'un feul mari qui euf-fent droit d'y facrifier ; mais il ne fe foutint qu'autant que la vertu Se les bonnes mœurs furent en honneur dans Rome. A^u/gata dein Re~ ligio à podutis, nec matronis folum fedomnis ordinis feminis, poflremo in oblivionem venit. Tir, Li». 1 10 c 0.3. An. 457. hoc per vetujîum .. . pudicitU plebeït. . A gentilitate dicatum. Anno Domini CCLX1.. S. Dionifio fummo Pontifice.. Sanclœ Mariai in Cofmedin., Chrifliana pietas... in. Templum commutavit in ejus aulâ. ■ Hadriano imperatore.. fub nomine Athencei... Schola Grceca.. Anteà nun-cupata .. Sancium Augujlinum... Rheto» ricam pofl modum docuijje... ex vtterum traditione habeiur.. cujus rei memoria... ne oblitione tepefcat... Archi-presbïter & Canonici... roc in marmore apponi... curarunt anno Jubilai.. M.D.CLXXV. Quanta la qualification de Bocca délia verita qui accompagne toujours le nom de cette Eglife \ elle a été donnée pat le peuple a une pierre rouge , ronde d'un fort grand diamètre Se alTez épailfe , taillée à peu près en mafque ColoiTal, dans lequel le nés, les yeux Se la bouche font percés. Elle a été trouvée dans le Toro Romano dans l'emplacemenr où étoit f A utel d'Hercule, les témoins pour affirmer la vérité de leur dépofition met-toient la main dans la bouche de ce mafque j Se regardoient les fermens faits dans cette fotme comme inviolables. Quoiqu'il en foit de la vérité de cet ufage Se de fon antiquité $ on croit que cette 490 Mémoires d'Italie. pierre, eu égard a la manière donc elle eil percée 6c a la forme j a plutôt fervi à fermer l'ouverture par où les eaux d'un remple s'écouloient dans le puits perdu qui étoit au-deflous \ une pierre taillée de même, qui fert à cet ufage dans une des cours du Palais de la Chancellerie, te que l'on croit antique, donne lieu de former cette conjecture. Linfçriptiqn qui eit au-deifus de cette pierre dans le portique de l'Eglife où elle eft placée, dit à peu près la même chofe , ( a ). (rf) Simulachrum hoc Bucca -veritatis nuncu-patum, in Templo Jovi Ammonio éib Hercule dicato , prope Aram maximam t in qua ritu graco vana gentilitas facrijïcium perxgebat} fuiffe dicitur 3 ae tradu temporis in tali habi-lurn vencratione, ut Jî qui r maximum requireret juramentum, manu intra os pefira, folemniter jurare cogeret. Impiisfiperjlitionibus Deorum Gentium fublatis, hic jacet dejedum , ut ejus fui fa religioproflrata, in Templo jam Pudicitia * Plcbeïa iprifeis temporibus conjirullo afpicia-tur} in quo pojl generis reparationem, fub titu-lo Sau&œ Mariée in Ce fmedin, quod Sacerdo-xum ornamentum forint, Deipara femper f^irgi-ttist memoria colitur atque veneratur, * Dans cette infeription & la précédente, j'ai fubfti-tué le terme de PUbeïx à celui de Patrititt , fur l'autorité de Tire Live , qui n'eft point équivoque ainfi qu'on l'a ru dans la note précédente. L'Eglife de Santa Maria in Cofmedin, fouienue par deux rangs de colonnes antiques, à deux chaires ou ambons, fem-blables à celles que l'on voit à St Laurent hors des murs, & à St Clément; leur polition apprend comment dans la primitive Eglife le peuple fe plaçoit pour être â portée d'entendre les instructions qui lui étoient addrelfées, fans que pour cela le Clergé fut mêlé avec lui. De quelque coté que l'on fe tourne à Rome, quelque monument que l'on examine , quelque quartier que l'on parcoure , par-tout on trouve des preuves de fon antique fplendeur, par-tout on y voit les belles productions des Artiftes modernes, unies aux chefs d'oeuvres de l'antiquité. Rome nouvelle le difpute encore en magnificence à Rome ancienne. Tous ces objets raflemblés ' en quelque forte , fous un même point de vue , forment le fpeétacle le plus curieux & le plus intérefïant, en ce qu'ils réunifient les beautés de tous les âges, ce qui a le plus flatté la vanité des hommes j ces monumens célèbres à l'aide defquels ils ont cherché à s'affurer une immortalité, qui a toujours été le terme de leurs prétentions les plus chères. On peut appli- quer A la Rome de nos jours ce qui autrefois ccoit écrie fur le fronrifpice du Temple de Bellone.. Roma vetufla fui, fed nunc nova Roma voca. bor, Eruta ruderibus , culrnen ad afîra fero.. Fin du Tome cinquième. TABLE DES M ATI ERES DU CINQUIEME TOME. A Cadfmie des Arcades. 283 ---De Saint Luc. 2.88 ---De France. Acteurs à Rome, comment traités 17 Albertoni (Labienh.) là ftatue. 486 Amballadaus rélidans à Rome. lu ---De Jiolognc, la place dans les Chapelles. 41 Agnes (Ste) chapelle & ftatue , 488 ---Hors des Murs. 43f Anglois, Idée de leur caractère 140. Antoine (Saint) Eglife de François. 441 Argentina Piemier Théâtre de Rome. 170 Argent monnoé rare à Rome. 224 Aflaflinats fréquents à Rome. 237 Audiance du Pape. 44 Auditeurs de Rote. 79 Avocats c mfiftoriaux. 85 Autel de Saint Pierre de Rome. 37 & 342 B 13 air.LiAcE de Rome ou Juftice de Monte-Ci torio. liais ou danfes défendues à Rome. 108 Banchieri (Cardinal) fon idée fur le Conclave. a4 Baptiftere de Conftantin. 411 Bénédiction folcmnelle du Pape. 33 & 37 Bibianc (Ste) ftatues &: tableaux 444 Bibliotéque du Vatican. 384. Ses peintures. 386 Livres & manufcrits. 391 Bibliotéques publiques à Rome. 2.87 ---Des Dominicains. vfJQ Bourgeoise à Rome. 2.13 Bulles, leur publication le Jeudi Saint. 34 Bouche de la vérité & Ecole Grecque. 489 C \ arles Maratte, Peintre. 454 Camerlingue , fes droits. 87 Campagne de Rome inculte & dépeuplée. 295. Négligence des Propriétaires. 300. Idéespour la repeupler. 305 Capitole, fes Tribunaux. 86 Cardinaux leur autorité. 40. Protecteurs des Couronnes, en quel fens. 50. Sçavent traiter les affaires. l6, 52. Etat de leur Maifon.' 56. Idée de quelques-uns d'eux. 57. Leur habillement. 64 Portent la Croix de Malthe. 144 Cardinal P. fes fingularités. 36 Carnaval de Rome, fa folemnité. 182. Son fpe. aacle- 185 Caftrats, leur emploi à Rome. 175. Quond on en a fait. Si pourquoi. jj^ Catacombes ou Tombeaux des Martyrs 430 Cécile (Ste) fa ftatue. 485 Cérémonial à Rome, il importe de la connoî-trc. 66 Chaire de St Pierre. 343 Chaifes antiques percées à quoi elles ont fervi. 410 Chambre Apoftolique. 74 Champ de Mars. 4 Chapelles Sixtiue Se Pauline au Vatican. 357 Se 358 Chapelle Pontificale à St Pierre. 27. Sa pompe Se (on bel ordre. 29 Charges & Offices de la Maifon du Pape. 47 --■— Cardinalices. 73 Cicilbés à Rome. 164 Cimetières antiques. 447 Clément XIÎI Pape, fon portrait. 45 Clercs de Chambre. 81 CLrgé feculier & régulier à Rome. 112 Clergé inférieur de îlome. I14 Climat &e température de Rome. 290. Douceur de l'hyvcr. 292 Collège de laSapience.269. Ses ProfelFeurs. 271 ---De la Propagande. 273 >---Autres Collèges. 274 Colonnade Se Place St Pierre. 321 Colonne antique à Ste Marie Majeure. 410 Commerce de Rome. 11% Comédies , comment repréfentées. 178 Confulte, Tribunal. 84 Conduite politique de la Cour de Rome. 16 Converfations ou grandes Aflcmblces de Rome. 142. Cérémonial qui s'y obfervc. 145. Autres Allemblées de nuit. 148. Converiations du fécond ordre. 151. Entretiens ordinaires des Converfations. 153. Coup d'ceil des Converfations. 157 Cortège du Pape quand il va dans la ville. 41 San habillement, 43 Courfes de chevaux. 189. Prix des vainqueurs. 19a. Par qui établis 193 Les feuls Princes Romains peuvent les faire courrir. 194. Paris du peuple à ce fujet. 195 Courtifànnes point fouflertes à Rome. 236 Ciimcs impunis. 90 Criminel condamné , fon fpectacle. 240 Culte religieux extérieur. 247 Curés des Paioiffes à Rome. 219 Curiofité des Romains. 97 D D ataire, Cardinal. 2,1 Denrées à Rome, chères. 83 Divorce (procès de) communs. £0 JlLccléstastiques à Rome, leur nombre & leur état. 114 Eglifes du Collège Romain & du Jefu. 465 Eloquence & Orateurs à Rome. 277 Epitaphes fmgulieres. 477 ----Du TafTe. 478 Etabliflement de Piété. 254 Etat Eccléfïaftique, nécedité d'y rétablir l'induf-trie. 223 Evêques ( ordre des) à Rome. 108 Eufcbc (St) Eglife & antiques. 448 Expolition folemnelle du Saint Sacrement. 251 , açade, Fêtes que donnent les Cardinaux 3 leur promotion. 68 DES MATIERES. 4# Fontaines de la Place St Pierre. 327 Fontaine d'huile. . 484 Français, ce que l'on en penfe à Rome. i6q G ALANTERIE, comment elle fe traite en Italie. 165 Galleries peintes par Raphaël. 35c/ Gazette manuferite de Rome, très-licentieule. 117 Gouverneur de Rome. 75 Granité d'Egypte, les efpeces. 32.6 Grottes anciennes Se nouvelles de St Pierre. 347 H H opitaux de Rome. 117 I J ardins du Vatican. 399 Images miraculeufes de la Vierge.. 4y Inquifirion à Rome. 10j Inferiptions anciennes à Ste Agaés. 443 Intrigues de Rome. 04 Inflruction des enfans. 248. Italiens fenfibles aux revers, oj. Leurgoût pour la politique, oo. Généreux pour la parure des des Eglifes. 265 Juifs de Rome, leur pauvreté. 125 Juftice, comment adminiflrée à Rome. 89 .L* atran (Palais de). ii Larement des pieds par le Pape. 35 TABLE Luxe de Rome tout extérieur. 135 M M AChiaveLisme régne encore en Itaiie. ICO Maifon du Pape, fes Officiers. ao, 23 Marais Pontins. Leur dcfTêchcmcnt. 103 Maronites (Collège des). 262. M elfe dans le rit Maronite Syriaque. 259. ïnfhumens antiques dans leur mufique. 261 Michel (St) tableau du Guide. 4>2 Milice bourgeoife de Rome. 246 Minerve (Ste Marie de la). 469 MceursdesRomains. 157,209.Leur vanité. 210 Moi e , ftatue de Michel-Ange. t 440 Montagnes ou Collines de Rome. 3 Monts de Pièce. 2-57 Mofaïque antique. 339 Mofaïque de Rome. 333. Manière de la travailler. 335 &fuiv. N EPotismï de Rome. 128 O N O belïsQ.ues à Rome. 321. Leur antiquité. 323 1 1 .. De St Jean de Latran. 414 ■ - De la Minerve. 472, Onolïio (6t. ) 474 Oratoire du Pere Garavita, 151 Ordres Religieux 122 & fuiv. DES MATIERES. JL al aïs SeiTbrien. 415 Papes, leur réfidence à Rome & leur pouvoir. 10. Leur vie retirée. 46 Paroilfes de Rome. I24 Penitencerie. 187 Peuple Romain, 21 J. Ce que c'eft: 3 prêtent. 132. Son goût pour les Ipectacles. 173. Vanité, pareiïe, frugalité. 237. Vif dans fes paf-fïons. 237. Vanité des femmes. 234 Piccini Maître de Chapelle. 170 Plans de Rome antique & moderne. 7 Poëlie fort cultivée. 280 Politique Romaine. 106. Ses embarras 102 Portes de Rome. 4 Praxedc (Ste) Eglife* 441 Prélatt de la Cour de Rome. 101 Prélature, comment distinguée. 104 Princes & BaronsRomains. 126. Leur farte. 232 Promenades du Cours- 203 ' ■" De la Place Navonne. 207 1 De la nuit en été. 208 uartiérs de Rome, leur noras anciens. R Q futçubs , leur culte. 262 Repas de dévotion. 255 Rome, fa beauté actuelle. i. Son enceinte. 3. Son éloge. Ibîd. Sa forme. 6. Population comparée. 8 Romains, idée générale de leur caractère. 153 5co TABLE Aiment le changement. 48. Vcullcnt être dominés. 54. Lear goût pour la fatirc. 6a. F.pnr-gnans chez eux. 137. Dépcniént à la Campagne. 138. Se connoiiîent en muliquc. 14a. Peu charitable entr'eux. ai 8. Cnricux de fpc'-étaclcsde fang. 141. Vifs dans leurs pallions. 24a Romuald (St), Tkblcau célèbre d'Andréa SâÇ-chi. 475 S S ACREMtNS ,leur ufage fréquent I Rome. a$? Saint Jean de Latran première Eglife de Rome. 401. Ses ornemens. 404. Son portail. 408 Sainte Marie Majeure, Eglife Pntriarchale.416. Mofaïque ancienne. 418. Obelifquc. 410 Saint Pierre de Rome. 313. Sa conftruction. 314. Dimenfions. 319, Vdtibulc. 3a7. Beautés intérieures. 331 Saint Pierre , in Montutio. 481 - —Aux Licn9. 439 Saint Paul hors des Murs. 42Ô Saint André du Noviciat. 46a i--Délia Vallé, fes peintures. 473 •Sainte Croix de Jérufalem. 4aa. Peintures Se Bibliothèque. 4a4 Saint Jérôme de la Charité. 47J Saint Laurent in Damafo. 476 Saint Laurent hors des murs. aa7 Se fuiv. Saint Louis. Eglife de François. 467 Sainte Marie à la Minerve 469 Sainte Marie in Tranftevere. 483 Saint Sébaftien hors des murs. 430 Saint Charles al Corfo & Catinari, Eglifes & leurs tableaux. 486, 488 Sarcophage antique Se toile d'Amiante. 347 ---De Bacchus. 437 fD E S MATIERES. Satire impunie à Rome. 62 Sbirres, leur uniforme. 246 Scala Santa. 413 Sciences à Rome. 267. Etude des belles-lettres. 275. Eloquence. 277 Sénateur de Rome. 86. Ses droits. - &8 Sermons 6c millions à Rome. 249 Société d'agriculcure 89 Sonnet fur le renvoi des J. 98 Souverains Catholiques, leur pouvoir dans l'élection des Papes. 15 Spectacles publics à Rome/ 167. Comment on ( s'y arrange Itid. Avanture des Princes Romains à ce fujet. 198. Applaudiifemcnt du Peuples. 171 Spectacles particuliers. 2C0. Evénement tragique. 201 T 'Tableaux, leur cherté. 228. Quand il faut en acheter. 229 Tabl eaux en mofaïque à Saint Pierre. 353 ---Un Jugement par Michel-Ange. 357 Temple antique de Vénus. 426 ■---De Jupiter Capitolin. 462 -,---jjc Minerva Medica. 44$ ---De Sainte Conftance. 43^ Thercfc (Ste ) ftatue du Bcmin. 459 461 Tiare Pontificale, 34 Tibre fleuve, fes ponts. 5 Tombeaux d'Urbain VIII, de Paul III, d'Alexandre VII. 345. Des Reines de Suéde & d'Angleterre. 350. De Thomas Derham. 476. Du fa lie. 48° Transfiguration , tableau célèbre de Raphaël 481. Tranrteverins difficiles à gcuycrner. a.44 Trinité du Mont Eglife de Minimes François. 47» Troupes de la Garde du Pape. 14 V V ATtCAN. 12. Palais & Montagne. 354 Virginie bâtit un Temple A la Pudeur, 486 Victoire (.Eglife de la) & ltatues. 455 Yilitcî, on paye à Rome le droit d'en faire. 166 Fin de la Table des matières du Tom. V• APPROBATION. J'Ai lu pat ordre de Monfeigneur le Vice-Chancelier, un Manulc rit intitulé» Mcmoues HijlurujUt C" Critique i fur l'aat ail ne l (tu Gouvernement, des Sciences , des Arts , du Commerce , de la Population , C de t'Hiftufre Naturelle en Italie , recueillis dans un voyage fuit en 1761 , 17151 : Se je n'y ai rien trouvé qui m'aie paru pouvoir en empêcher l'impreflion. A Paris ce premier Décembre T7