revus (2014) 24, 1 15-140 115 Guillaume Tusseau* La théorie des normes de compétence d'Alf Ross Alf Ross propose une théorie juridique qu'il veut "véritablement" réaliste, c'est-à-dire susceptible de dissoudre les problèmes auxquels se heurtent la théorie normativiste de Kelsen et la théorie réaliste américaine et de reconstruire leur discours de manière scientifique. L'originalité de Ross réside dans son concept de norme de compétence que Ross analyse, avant d'autres et notamment Searle, comme des règles constitutives. Contrairement à ce que de nombreux commentateurs ont soutenu, ce concept de norme constitutive ne contredit pas la théorie réaliste de Ross. Éclairées à la lumière des premiers écrits de Ross, les normes de compétence sont des rationalisations capables d'exprimer la prédisposition des destinataires des normes à reconnaître certains faits comme droit. Ross peut dès lors apparaître comme un précurseur du postpositivisme. Mots-clés : validité, prescriptions, force, règles constitutives, règles régulatives, empirisme, réalisme, postpositivisme « Ainsi se précise l'objet d'une philosophie critique du droit. Il doit consister justement dans cette interprétation nouvelle des représentations de validité, puis dans la solution, rendue ainsi possible, des antinomies de la théorie du droit, et enfin dans la reconstruction des catégories juridiques fondamentales. » Alf Ross (2004 : 26) « Le pouvoir n'est pas quelque chose qui se tient 'derrière' le droit, mais quelque chose qui fonctionne à travers le droit. » Alf Ross (1958a : 58) 1. Elève de H. Kelsen, A. Ross a mesuré toute l'importance du concept de norme afin d'appréhender les phénomènes juridiques.1 Héritier d'A. Hägerström puis du Cercle de Vienne, il a également été sensible à la critique de la dimension métaphysique des idées de valeur, de devoir-être et de validité, ainsi qu'à la volonté de bâtir une science du droit sur le modèle des sciences empiriques.2 Fort de cette double filiation,3 le juriste danois présente une théorie juridique originale. * guillaume.tusseau@sciences-po.org | Professeur des Universités à l'Ecole de droit de Sciences Po, Membre junior de l'Institut universitaire de France. 1 V. spéc. Kelsen 1911. 2 V. Hägerström 1953. 3 Pour des éléments biographiques, v. Millard (2004 : 3-4). revue de théorie constitutionnelle et de philosophie du droit PEVIIS (2014) 24 116 LE RÉALISME SCANDINAVE DANS TOUS SES ÉTATS Celle-ci a pour point de départ l'étude du « concept de droit présent dans la conscience commune».4 La majorité des juristes conçoit le droit simultanément comme un phénomène observable dans le monde des faits et comme une norme pourvue d'une force obligatoire dans le monde de la morale ou des valeurs, comme étant à la fois physique et métaphysique, empirique et a priori, réel et idéel, comme quelque chose qui existe et comme quelque chose qui est valide.5 Ce dualisme expose la pensée juridique à des antinomies qui vicient l'ensemble de ses raisonnements. La première antinomie mise en évidence se présente de la manière suivante : Thèse : La validité du droit en tant que droit est déterminée en fonction de certains phénomènes historiques pertinents. Antithèse : Les phénomènes historiques pertinents sont déterminés en fonction de la validité du droit en tant que droit.6 Conformément à la thèse, les juristes considèrent que le droit consiste en normes résultant d'actes de volonté historiques. Le positivisme traditionnel attribue ces actes au législateur ou à l'Etat, tandis que le réalisme américain les impute aux juges. Mais l'identification de ces actes n'est pas immédiate. Seuls ont la propriété de créer du droit les actes des individus revêtus d'une certaine compétence. Or la compétence qui permet de délimiter les faits historiques qui créent le droit est elle-même juridique, de sorte que s'opère un passage à l'anti-thèse.7 Réciproquement, considérer le droit comme le pur produit d'un pouvoir de fait efficace conduit progressivement à une antinomie, dans la mesure où, pour une large part, la force de ce pouvoir provient précisément du fait qu'il se présente comme fondé en droit.8 Deux orientations radicales se présentent afin de surmonter ces difficultés. La première, incarnée par H. Kelsen, repousse toute approche sociologique du droit. Elle situe le phénomène juridique dans le seul domaine, idéal, du Sollen. Mais la norme fondamentale qui permet de clôturer sur lui-même le monde juridique n'est pas postulée à propos de n'importe quels phénomènes. Elle ne se rapporte qu'à un ordre juridique globalement efficace. L'idéalisme affiché renoue de la sorte avec des considérations factuelles.9 La seconde, incarnée par le réalisme juridique américain,10 repousse tout spiritualisme et toute normati-vité. Elle conçoit le droit comme un ensemble de faits, et s'intéresse aux causes qui permettent d'expliquer et de prévoir le comportement des juges. Mais il est 4 Ross (1946 : 32). 5 Ross (1946 : 11 ; 1929 : 233-234, 254-257 & 263-269). Sur ce thème, v. p. ex. Wedar 1985. 6 Ross (1946 : 57). 7 Ross (1946 : 57-62, 65, 127-129 & 133-136 ; 2004 : 27-28). 8 Ross (1946 : 62-63). 9 Ross (1929 : 258-269 ; 1946 : 43 & 127-129 ; 1958a : 70). V. p. ex. Kelsen (1920 : 94-101 ; 1925 : 18-19 ; 1962 : 266, 270-271 n. 1 & 294). 10 V. spéc. Frank 1949. rBVUS revue de théorie constitutionnelle et de philosophie du droit (2014) 24 La théorie des normes de compétence d'Alf Ross 117 nécessaire aux réalistes d'expliquer pourquoi ils s'attachent spécifiquement aux juges. Ceci impose de se référer à des éléments qui se situent au-delà de la définition du droit qu'ils proposent. En effet, l'importance du juge est due au fait que sa décision sera exécutée. La spécificité de sa situation est strictement juridique. Elle tient au fait que celui-ci détient une compétence. Dès lors, définir le droit comme les décisions des tribunaux présuppose de savoir ce qu'est le droit qui établit les tribunaux. Ces règles juridiques ne sont pas uniquement des prédictions théoriques. Elles appellent le respect et l'exécution de la part de leurs destinataires, ce qui est l'une des causes décisives du comportement des juges.11 Dès lors, éléments factuels et idéels sont à nouveau associés. Face à ces apories, A. Ross propose une théorie juridique « véritablement » réaliste, qui soit en mesure de dissoudre les problèmes auxquels se heurtent les théories traditionnelles et de reconstruire leur discours de manière scientifique. La validité et la réalité sont toutes deux nécessaires dans le concept de droit. Il est impossible d'éliminer l'une ou l'autre, car ces deux points de vue se reflètent et s'appellent mutuellement.12 Il est donc nécessaire de démontrer qu'elles ne sont pas irréductibles et exclusives. Cette démonstration passe par le refus de l'idée que la validité puisse être conçue comme une sphère d'existence coordonnée à la réalité. Elle doit donc être réduite à des éléments empiriques. A. Ross analyse alors la validité comme la rationalisation et l'objectivation d'impulsions psychologiques. Il s'agit d'expériences purement subjectives et irrationnelles selon lesquelles des individus ressentent la force obligatoire de certaines prescriptions, et adoptent en conséquence des comportements déterminés. Ces impulsions sont réifiées et présentées comme des entités dotées d'une existence idéelle propre. Les idées de validité, de valeur et de devoir doivent donc être comprises non comme ce qu'elles se prétendent, c'est-à-dire une sphère de réalité spécifique, mais comme des symboles désignant un ensemble d'expériences psychologiques. Le principe de dissolution [des antinomies de la pensée juridique] consiste donc à introduire au lieu de la 'validité' au sens de catégorie radicalement distincte de la réalité, les expériences de validité (au sens d'attitudes comportementales réelles) sous-jacentes à cette rationalisation et symbolisées par elle.13 Ainsi, le dualisme est réduit à une interaction de composantes du phénomène juridique. La vision traditionnelle du droit repose sur trois éléments : (1) un élément de réalité défini essentiellement comme la coercition ; (2) un élément de validité ; (3) une interdépendance entre les deux premiers éléments. La reconstruction du juriste danois décompose le droit en (1) des attitudes com- 11 Ross (1929 : 5-6, 52-63, 111-112, 180-181, 222-223, 227 & 229 ; 1946 : 49 & 68-73). 12 Ross (1946 : 76). 13 Ross (1946 : 77). V. de même Ross (1946 : 12 ; 2004 : 25 ; 1947 : 46-54 & 80). Auparavant, v. Ross (1929 : 263-269, 278 & 288-289). revue de théorie constitutionnelle et philosophie du droit PEVIIS (2014) 24 118 LE RÉALISME SCANDINAVE DANS TOUS SES ÉTATS portementales intéressées, déterminées par la peur de la coercition ; (2) des attitudes comportementales désintéressées, résultant de la suggestion familiale et sociale et de l'habitude, et prenant l'apparence de la validité ; (3) une interaction inductive réelle entre les deux, de sorte que l'un et l'autre se stabilisent et se causent réciproquement.14 Sur le plan épistémologique, l'idée qu'il n'existe qu'un seul monde implique la possibilité de le connaître au moyen d'une méthode scientifique unique : l'empirisme.15 2. Contrairement au « scepticisme envers les règles »16 qu'affiche le réalisme américain, A. Ross ne renonce donc pas au concept de norme en vue de rendre compte des phénomènes juridiques. Celui-ci constitue en effet l'unité fondamentale dans laquelle le droit peut être décomposé.17 Il fonde sa démarche sur l'idée que les normes gouvernent l'emploi de la force par les tribunaux.18 Le phénomène empirique qui leur correspond est donc le comportement des juges. C'est pourquoi un système juridique national peut se définir comme l'ensemble des normes qui, étant ressenties comme obligatoires, opèrent effectivement dans l'esprit des juges.19 Le test de la validité d'une norme est la possibilité que donne l'hypothèse de la validité de cette norme de comprendre les actions des juges comme des réponses intelligibles à certains stimuli, et de les prédire. La spécificité de ce réalisme tient à ce qu'il s'intéresse non seulement au comportement extérieur des juges, à l'instar du réalisme américain, mais également à leur vie psychologique. Il formule donc l'hypothèse qu'une certaine idéologie, et notamment « une expérience de la validité »20 consistant en sentiments d'approbation, de désapprobation, d'obligation, de correction ou de violation, motive leur action.21 Le concept de norme doit donc être élaboré en considération de deux idées fondamentales : celle selon laquelle les normes sont connectées à une forme d'usage directif du langage;22 celle selon laquelle le concept doit rendre possible des assertions aux termes desquelles des normes existent. Il doit donc associer des phénomènes linguistiques et factuels.23 14 Ross (1946 : 308-311 ; 1958a : 53-56 & 358-377 ; 1968 : 38-43, 63 n. 3 & 82-92). 15 Sous l'influence d'un kantisme qui s'estompera rapidement, Ross (1929 : 270-278) a admis deux types de connaissance. Sur sa théorie postérieure de la science du droit, v. p. ex. Villa (1990 : 59-77) ; Guastini (1994 : 249-264). 16 V. Michaut 2000. 17 V. Ross (1929 : 416-422). 18 Ross (1929 : 275-280, 308, 311-312, 417, 419, 420 & 422 ; 1958a : 34, 52, 59). 19 Ross (1929 : 365-366 ; 1946 : 76-124 ; 1958a : 35, 37, 52-58, 104, 160 & 364 ; 1968 : 41-43, 84-88, 104 & 117). 20 Ross (1933 : 429-447 ; 1946 :76-124 ; 1958a : 52-58, 160 & 364 ; 1968 : 41-43, 84-88, 104 & 117). 21 Ross (1958a : 37, 71-74 & 104 ; 1968 : 87-88). 22 Sur le discours « directif », c'est-à-dire destiné à influencer le comportement, en général, v. Ross (1968 : 34-77). 23 Ross (1968 : 78-105). rBVUS revue de théorie constitutionnelle et de philosophie du droit (2014) 24 La théorie des normes de compétence d'Alf Ross 119 Suivant une démarche semblable à celle de H. Kelsen,24 A. Ross considère que toutes les normes sont adressées aux juges.25 Elles leur prescrivent dans quelles conditions ils doivent ordonner l'emploi de la force.26 Il estime que s'il est établi qu'une disposition contient une directive adressée aux tribunaux, alors il n'est pas nécessaire de donner aux individus des instructions supplémentaires sur leur conduite. /.../ L'instruction adressée aux individus est implicite dans le fait qu'ils savent à quelles réactions de la part des tribunaux ils peuvent s'attendre dans certaines conditions. /.../ Ceci montre que le véritable contenu d'une norme de conduite est une directive adressée au juge, tandis que l'instruction adressée aux individus n'est qu'une norme dérivée.27 Si les deux types de normes semblent exister d'un point de vue psychologique, seul l'un d'eux est logiquement nécessaire. 3. Parmi les normes qui composent un système juridique, la question des normes de compétence présente un enjeu particulier. Outre son importance générale dans la pensée juridique, elle revêt une place essentielle à l'intérieur de la théorie du juriste danois. La notion de compétence est précisément le lieu où se noue toute la problématique du dualisme du fait et de l'idéal. Ici s'opère la critique des thèses normativiste et réaliste américaine. Là s'entrelacent les éléments factuels et idéels du phénomène juridique, se décide l'irréductibilité du droit à l'un et l'autre et en définitive son originalité, telle que la perçoit un point de vue réaliste. En effet, la production du droit ne peut être réduite à une norme de compétence d'où émaneraient des normes indépendamment de tout comportement humain réel. Elle ne peut davantage être expliquée sous une forme purement comportementale, puisque seul un acte juridiquement qualifié est en mesure de produire du droit. La norme de compétence est précisément l'élément décisif qui fait du comportement d'un individu déterminé une source de droit et de la création du droit une activité humaine terrestre. Ici se joue donc l'un des apports décisifs du réalisme scandinave à l'analyse des phénomènes juridiques. C'est pourquoi cette question est centrale pour A. Ross. Il est donc essentiel de comprendre comment cet auteur appréhende les facultés de produire des normes, comment il leur ménage une place dans son schéma explicatif du monde juridique, comment le concept de norme de compétence s'insère dans le concept de norme proposé de manière plus générale, et comment ce concept prend place dans sa vision de l'ontologie du droit et de l'épistémologie des sciences juridiques. L'importance de la question, d'un point de vue interne à l'ambition de la théorie juridique d'A. Ross, le conduit à proposer des réflexions particulière- 24 V. Kelsen (1911 : 206, 233-235 & 253 ; 1997 : 111-115 & 192). 25 Ross (1958a : 35, 52 & 158 ; 1958b : 143 ; 1968 : 90-92). 26 Ross (1958a : 33, 170 & 208). 27 Ross (1958a : 33). V. également Ross (1958a : 52 ; 1968 : 91-92 & 126). revue de théorie constitutionnelle et philosophie du droit PEVIIS (2014) 24 120 LE RÉALISME SCANDINAVE DANS TOUS SES ÉTATS ment originales.28 Plusieurs années avant la parution de The Concept of Law d'H.L.A. Hart, où se trouve particulièrement argumentée la distinction entre « règles primaires » et « règles secondaires »,29 avant la défense du concept de norme permissive offerte par G.H. von Wright,30 avant l'Allgemeine Theorie der Normen de H. Kelsen qui proposera de retenir quatre types de normes - pres-criptives, permissives, d'habilitation et d'abrogation -,31 le juriste danois offre une réflexion détaillée et systématique à propos du thème des normes de compétence et avance deux manières de les concevoir (1). Ces deux thèses présentent l'une et l'autre des avantages et des inconvénients en vue de l'analyse concrète du droit positif. Cette critique externe de la théorie d'A. Ross, qui tient à la possibilité de la mettre en œuvre de manière pertinente dans le cadre du travail quotidien des juristes, ne sera pas abordée ici.32 Seule sera présentée une analyse interne de la pensée du juriste danois. Celle-ci tentera de comprendre comment les deux thèses qu'il avance concernant la manière dont les normes de compétence doivent être comprises s'harmonisent entre elles ainsi qu'avec l'ensemble de son arrière-plan théorique (2). 1 LA DOUBLE THÉORIE ROSSIENNE DES NORMES DE compÉTENCE Diverses thèses existent au sein de la littérature juridique au sujet des normes de compétence.33 Deux d'entre elles sont explicitement illustrées par certaines réflexions d'A. Ross. La première nie l'autonomie conceptuelle des règles de compétence et propose de les réduire à des normes prescriptives (1.1). Au contraire, la seconde leur confère un statut original et irréductible aux normes de conduite (1.2). 1.1 La thèse des prescriptions indirectes Bien qu'elle soit clairement affirmée par A. Ross, la thèse selon laquelle les normes de compétence se réduisent à des prescriptions formulées de manière indirecte (1.1.1) ne s'accorde pas avec certaines des réflexions qu'il formule par ailleurs (1.1.2). 28 En ce sens, du point de vue de l'histoire de la pensée juridique scandinave, v. Stromberg (1984 : 564) ; Jensen (1988 : 16). 29 Hart (1976 : spéc. 44-61 & 103-125). L'identité de la distiction entre règles primaires et règles secondaires, d'une part, et entre normes de comportement et normes de compétence, d'autre part, est affirmée par Ross (2004 : 184). 30 von Wright (1963 : spéc. 71, 85-92 & 192-194). 31 Kelsen (1965 : 57-70 ; 1996 : 1 & 125-150). 32 V. à ce sujet Tusseau (2004 : 110-117 & 166-181). 33 Pour un exposé complet, v. Tusseau (2004 : 63-296). rBVUS revue de théorie constitutionnelle et de philosophie du droit (2014) 24 La théorie des normes de compétence d'Alf Ross 121 1.1.1 Une approche réductionniste des concepts juridiques Les normes de compétence ne font pas exception au modèle de norme élaboré par A. Ross. Elles semblent intuitivement s'adresser aux autorités de manière plus évidente que les « normes de conduite ». Mais c'est précisément en raison de la possibilité de les réduire à ces dernières que A. Ross les appréhende comme des prescriptions adressées aux tribunaux.34 Selon lui, dans On Law and Justice, d'après leur contenu immédiat, les normes juridiques peuvent être divisées en deux groupes : les normes de conduite et les normes de compétence ou de procédure. Le premier groupe comprend les normes qui prescrivent un certain comportement /.../. Le second comprend celles qui créent une compétence (pouvoir, autorité). Ces dernières sont des directives à l'effet que les normes produites conformément à une procédure prévue doivent être considérées comme des normes de conduite. Une norme de compétence est donc une norme de conduite exprimée de manière indirecte /.../. Elle prescrit de se comporter selon ce que prescrivent les autres normes de conduite qui apparaissent à travers la législation.35 L'apparente dualité des normes juridiques est donc immédiatement réduite à l'unité. A. Ross procède de la même manière dans un autre ouvrage, où il affirme que tout système juridique /.../ contient non seulement des normes de conduite, qui prescrivent comment agir, mais également des normes de compétence, qui prévoient comment de nouvelles normes valides et obligatoires peuvent être créées en réalisant des actes juridiques. Les normes de compétence sont logiquement réductibles aux normes de conduite de la manière suivante : les normes de compétence obligent à agir conformément aux normes de conduite créées selon la procédure quelles prévoient.36 Dans la mesure où toute norme est adressée au juge, une norme de compétence prescrit au tribunal de n'ordonner l'emploi de la force que conformément aux normes produites selon la procédure quelle fixe. Sa théorie empiriste des normes juridiques permet à A. Ross de développer une analyse originale. La thèse des prescriptions indirectes, qu'il est le premier à formuler de manière aussi claire, a en effet connu une fortune considérable.37 Cependant, la réduction des normes de compétence à des prescriptions indirectes heurte d'autres aspects de sa réflexion. 34 Ross (1958a : 33). 35 Ross (1958a : 32). 36 Ross (1968 : 118). 37 V. p. ex. Kelsen (1996 : 348-349) ; Ziembinski (1970 : 24-29 ; 1988 : 164, 165, 167-168 & 171-179) ; Raz (1980 : 21-23 & 166) ; MacCormick (1992 : 68 ; 1998 : 503-504 & 506) ; Bobbio (1998 : 129) ; Nino (1985 : 86-87 ; 1986 : 44 & 48) ; de Béchillon (1997 : 179-180). revue de théorie constitutionnelle et philosophie du droit PEVIIS (2014) 24 122 LE RÉALISME SCANDINAVE DANS TOUS SES ÉTATS 1.1.2 Les ambiguïtés du réductionnisme d'A. Ross Cinq types de difficultés apparaissent dans la théorie rossienne des normes. En premier lieu, conformément à une méthodologie empiriste, A. Ross estime que les propositions de la science du droit doivent être vérifiées. Contrôler la vérité de la proposition selon laquelle une norme de compétence est valide consiste à examiner la probabilité que les normes de comportement produites en vertu de cette compétence soient appliquées par les tribunaux.38 Une telle procédure de vérification peut être mise en œuvre dans deux hypothèses. Soit la violation d'une norme de compétence a pour effet une annulabilité, de sorte que les tribunaux ont l'ordre de n'appliquer que les normes créées conformément à la norme de compétence. Soit la violation d'une norme de compétence par un acteur entraîne la mise en jeu de sa responsabilité devant un juge. A. Ross note que si une norme de compétence n'a aucune de ces conséquences, il est impossible de la comprendre comme une norme de conduite formulée indirectement. Tel peut être le cas de certaines règles constitutionnelles.39 Il donne l'exemple d'une norme exigeant trois lectures pour produire une loi. Selon lui, elle n'est pas « valide » au sens de sa théorie. Il s'agit d'une règle imparfaite qui ne donne aux tribunaux aucune directive sur l'usage de la force. Elle n'est dite appartenir au droit qu'en raison de sa force morale ou idéolo-gique.40 Ces réflexions semblent incompatibles avec d'autres thèses d'A. Ross. A première vue, le droit constitutionnel se présente bien comme du droit au sens d'idéologie agissante dans l'esprit des juristes et des juges.41 Il souligne d'ailleurs lui-même que refuser le nom de « droit » au droit constitutionnel va à l'encontre des conceptions communes.42 En refusant de tirer cette conclusion, A. Ross semble admettre un type d'entité juridique dont la nature n'est pas spécifiée, mais qui n'est ni une norme de conduite ni une norme de compétence. Il limite ainsi la portée de sa thèse réductionniste. En deuxième lieu, étant donné le lien nécessaire qu'il établit entre droit et coercition,43 le juriste danois estime que les normes dans leur ensemble concernent l'emploi de la force.44 Il s'oppose à l'idée que le droit soit un ensemble de règles dont chacune s'appuie sur la force. Premièrement, adopter cette dernière thèse impliquerait que toute norme repose sur une autre norme qui sanctionne 38 Ross (1958a : 51). 39 Ross (1958a : 51). 40 Ross (1958a : 51). 41 Ross (1968 : 90). 42 Ross (1958a : 53). 43 Ross (1946 : 111-112). 44 Ross (1958a : 52-53). V. de même Ross (1968 : 89-90). rBVUS revue de théorie constitutionnelle et de philosophie du droit (2014) 24 La théorie des normes de compétence d'Alf Ross 123 sa violation, cette deuxième norme étant également associée à une troisième, ce type de relation entraînant une régression à l'infini. Deuxièmement, A. Ross estime qu'adopter une vision différente exclurait du droit les normes de compétence, qui ne sont pas soutenues par la force. A deux titres, ce dernier argument s'accorde mal avec sa théorie des normes. Il présuppose tout d'abord l'irréductibilité des normes de compétence aux normes de comportement. Il contredit donc la thèse réductionniste. Il offre ensuite le moyen de maintenir le droit constitutionnel, dont la juridicité est parfois mise en doute, dans le domaine du droit : si l'on estime que le droit constitutionnel n'est pas un ensemble de normes sanctionnées, il est tout à fait acceptable de considérer en revanche qu'il se rapporte à l'usage de la force. A. Ross tire d'ailleurs précisément cette conclusion dans Directives and Norms.45 En troisième lieu, il souligne le fait que son concept de droit est caractérisé par deux traits. Tout d'abord, le droit est conçu comme un ensemble de règles concernant l'usage de la force. Ensuite, il consiste non seulement en normes de conduite mais également en normes de compétence.46 Si ces dernières ne sont que des prescriptions indirectes, pourquoi insister sur cette distinction ? Pourquoi, surtout, faire de leur présence l'une des caractéristiques du concept de droit ? La thèse réductionniste est incompatible avec cette définition. En quatrième lieu, selon A. Ross, une norme de compétence détermine une procédure pour produire des directives juridiques. En elle-même, la norme de compétence n'est pas immédiatement une directive. Elle ne prescrit pas cette procédure comme une obligation. C'est un modèle d'action en un sens différent des normes de conduite, car elle indique uniquement le modèle qui doit être suivi pour produire des directives valides. En elle-même, la norme de compétence ne dit pas que la personne habilitée est obligée d'exercer sa compétence. C'est pourquoi les normes de compétence ne peuvent pas être 'appliquées' directement par les tribunaux. Seules les normes de conduite le peuvent. Les normes de compétence peuvent uniquement acquérir une signification indirecte lors d'une action juridictionnelle, en tant que présupposés pour la question de savoir si une norme de conduite valide existe ou non.47 Mais si les normes de compétence n'étaient que des normes de conduite indirectement formulées, comme il le prétend par ailleurs, il n'y aurait aucun obstacle à leur mise en œuvre par les tribunaux. Il serait notamment possible qu'un tribunal fasse directement respecter une norme de compétence en n'appliquant pas une norme créée en violation de ce qu'elle prévoit ou en engageant la responsabilité de son auteur fautif. Or le juriste danois ne tire pas cette conséquence. 45 Ross (1968 : 90). 46 Ross (1958a : 59). 47 Ross (1958a : 207). V. de même Ross (1946 : 111). revue de théorie constitutionnelle et philosophie du droit PEVIIS (2014) 24 124 LE RÉALISME SCANDINAVE DANS TOUS SES ÉTATS En cinquième lieu, A. Ross suggère dans ce passage que les normes de compétence guident la conduite d'une manière particulière, distincte des prescriptions. En dépit de la possibilité logique de réduire les normes de compétence aux normes prescriptives, une analyse soucieuse de la manière dont le droit influe sur la conduite, pourrait donc au contraire conduire à les en différencier nettement.48 Il apparaît ainsi qu'A. Ross entretient une vision des normes plus riche qu'il ne semble à première vue. De manière imprécise et implicite, au prix de multiples contradictions, certaines réflexions le conduisent à admettre l'irréductibilité des normes de compétence aux normes de comportement. En dépit de l'adoption expresse d'une thèse réductionniste, il éprouve le besoin de recourir à d'autres concepts afin d'appréhender les phénomènes juridiques que recouvre l'idée de compétence. 1.2 La thèse des règles constitutives En dépit de ses affirmations réductionnistes, le juriste danois admet par endroits l'existence de deux types de règles radicalement distincts (1.2.1). Les normes de compétence se trouvent ainsi dotées d'un statut propre et original (1.2.2). 1.2.1 La distinction des règles régulatives et des règles constitutives La distinction des règles régulatives et constitutives est associée à la philosophie du langage de J.R. Searle.49 Celui-ci estime que [premièrement, parler une langue, c'est réaliser des actes de langage, des actes comme : poser des affirmations, donner des ordres, poser des questions, faire des promesses, et ainsi de suite, et, dans un domaine plus abstrait, des actes comme : référer, prédiquer ; deuxièmement : ces actes sont en général rendus possibles par l'évidence de certaines règles régissant l'emploi des éléments linguistiques, et c'est conformément à ces règles qu'ils se réalisent.50 La structure et les effets de chaque acte de langage est fonction des conventions qui le gouvernent. J.R. Searle consacre en conséquence une étude importante à ce thème. Il oppose des règles dites « régulatives » et des règles dites « constitutives ».51 Selon un premier critère de distinction, les règles régulatives gouvernent des comportements qui existent indépendamment d'elles. Au contraire, les règles 48 V. spéc. en ce sens Hart (1993 : 136) ; Raz (1980 : 159-171 & 228-229) ; MacCormick (1998 : 493-506) ; Atienza & Ruiz Manero (1998 : 66-71, 108, 139-140 & 169-170). 49 V. spéc. Searle (1964 : 55-56 ; 1965 : 223-224 ; 1972 : 72-82 & 91-94). 50 Searle (1964 : 52). V également Searle (1964 : 48, 53 & 59). 51 Searle (1964 : 55 ; 1965 : 223-224 ; 1972 : 72). Le parti a été pris, conformément à un usage répandu, de s'écarter de la traduction française, qui emploie l'expression « règle normative » au lieu de « règle régulative ». rBVUS revue de théorie constitutionnelle et de philosophie du droit (2014) 24 La théorie des normes de compétence d'Alf Ross 125 constitutives définissent de nouvelles formes de comportement.52 Ainsi, les règles d'un jeu ne se limitent pas à réguler le déroulement des parties, mais « créent pour ainsi dire la possibilité même d'y jouer. »53 Deux conséquences s'ensuivent. Indépendamment de l'existence ou de l'inexistence d'une règle ré-gulative, il est tout d'abord possible de donner la même description du comportement qu'elle régit. Ainsi l'action de se laver les dents peut être décrite de la même manière, qu'elle soit soumise ou non à une règle qui la rend obligatoire. Au contraire, une activité régie par une règle constitutive, tel un match de football, peut recevoir des descriptions qu'il serait impossible de donner si cette règle n'existait pas.54 Elle s'avère ainsi non un simple « fait brut », mais un « fait institutionnel ».55 Ensuite, « les règles constitutives ne comportent pas toutes des sanctions. /.../ On ne voit vraiment pas comment même on pourrait violer la règle qui définit l'échec et mat aux échecs. »56 Selon un second critère de distinction, les règles [régulatives] se présentent typiquement sous la forme de tournures impé-ratives ou peuvent être paraphrasées sous cette forme /.../. Certaines règles constitutives prendront une forme tout à fait différente, par exemple : 'un roi est échec et mat lorsqu'il se trouve attaqué de façon telle qu'il ne peut ni se défendre, ni fuir'.57 J.R. Searle souligne que ces règles ont un caractère quasi tautologique, car il semble que l'apport de la 'règle' soit seulement une partie de la définition de 'l'échec et mat' /.../. Que de telles affirmations puissent être interprétées comme des affirmations analytiques est l'indice qui permet de considérer la règle en question comme une règle constitutive.58 La forme caractéristique d'une règle régulative est du type « Faites X » ou « si Y, alors faites X ». Une règle constitutive a pour schéma « X revient à Y », ou « X revient à Y dans la situation S ».59 Selon J.R. Searle, parler une langue n'est autre que se conformer à des ensembles de règles constitutives.60 Apparemment,61 c'est pourtant indépendamment de cet auteur qu'A. Ross parvient à une analyse similaire et oppose les règles régulatives et les règles constitutives. Il distingue deux types de relations entre les règles et l'activité hu- 52 Searle (1972 : 73 ; 1964 : 55 ; 1965 : 224). 53 Searle (1972 : 72). 54 Searle (1972 : 74-75 ; 1964 : 52-53). 55 Searle (1964 : 52-55 ; 1972 : 77 & 91-93). 56 Searle (1972 : 81). 57 Searle (1972 : 73). 58 Searle (1972 : 73-74 ; 1965 : 224). 59 Searle (1972 : 74 ; 1965 : 224). 60 Searle (1972 : 76 ; 1965 : 225). 61 V. Ross (1968 : 53 n. 1), précisant qu'il avait rédigé ce passage avant la parution des travaux de J.R. Searle. revue de théorie constitutionnelle et philosophie du droit PEVIIS (2014) 24 126 LE RÉALISME SCANDINAVE DANS TOUS SES ÉTATS maine sur laquelle elles portent.62 Des « activités naturelles»63 sont logiquement indépendantes des règles qui les gouvernent. Il est ainsi possible de garer son véhicule indépendamment de l'existence ou de l'absence de norme juridique. D'autres activités, tel le jeu d'échecs, consistent à entreprendre des actions selon des règles. Indépendamment des règles, le déplacement d'une pièce de bois sur une planche bicolore n'a aucun sens particulier. Il n'est possible d'y voir un « mouvement » d'un « jeu » qu'au regard de certaines règles. Les règles des échecs définissent le jeu comme une institution et fournissent les conditions logiquement nécessaires pour réaliser les mouvements. Elles revêtent les actions de leur signification particulière de mouvements, intègrent les différents mouvements en un tout cohérent. Il est ainsi possible d'opposer les règles régulatives et les règles constitutives. Dans la mesure où elles définissent le jeu, les règles des échecs ne peuvent être violées. Ne pas les respecter n'est pas à proprement parler les violer, mais simplement ne plus jouer aux échecs.64 Ensuite, à la différence des commandements, ces règles ne sont pas suivies en raison de la crainte de sanctions. Nombreuses sont les règles juridiques constitutives. Légiférer ou établir un testament ne sont pas des actes naturels, mais des actes constitués par des règles.65 Son concept de règle constitutive permet précisément au juriste danois d'offrir une nouvelle vision des normes de compétence. 1.2.2 Les normes de compétence comme règles constitutives La plupart des normes juridiques apparaissent à la suite d'actions humaines. Mais une aptitude naturelle est insuffisante à faire advenir une norme. Il est nécessaire que ces actions soient réalisées suivant des règles, qui les « constituent » tout comme les règles des échecs « constituent » les mouvements du jeu.66 Ces règles, dites « règles de compétence », posent les conditions nécessaires et suffisantes de validité des actes normatifs.67 Toute norme de compétence définit un acte juridique, c'est-à-dire indique les conditions pour produire du droit valide. Ces conditions peuvent être divisées en trois groupes déterminant respectivement (1) l'organe compétent pour réaliser l'acte juridique (compétence personnelle), (2) la procédure (compétence formelle) et (3) le contenu possible de l'acte juridique (compétence matérielle).68 Selon le juriste danois, 62 Ross (1968 63 Ross (1968 64 Ross (1968 65 Ross (1968 66 Ross (1968 67 Ross (1958a 53-57). 53). 54). 56, 136). 130-131). 79 ; 1968 : 96 ; 1972 : 209). 68 Ross (1958a : 204). V. de même Ross (1968 : 96 & 130 ; 2004 : 205 & 170 ; 1972 : 210). rBVUS revue de théorie constitutionnelle et de philosophie du droit (2014) 24 La théorie des normes de compétence d'Alf Ross 127 une norme de compétence institue (constitutes) une autorité définie par la somme des conditions nécessaires et suffisantes pour l'édiction de règles juridiques. En ce sens, nous pourrions également dire que l'autorité est une personnification de l'ensemble du processus d'édiction du droit, défini par des règles concernant les conditions tenant à l'auteur, à la procédure, et à la matière.69 Dans cette perspective, il est possible d'estimer que les normes de compétence correspondent au concept de norme constitutive. Elles semblent créer tantôt la compétence elle-même,70 tantôt le type de norme ou d'acte juridique produit dans l'exercice de la compétence,71 tantôt de nouvelles formes d'activité,72 tantôt des autorités.73 Elles établissent parfois les conditions dans lesquelles une promulgation a force de droit ou une nouvelle norme est créée.74 A. Ross suggère toutefois que ces éléments vont nécessairement de pair.75 L'expression la plus claire de cette conception se trouve dans Directives and Norms. A. Ross y écrit que la compétence est l'aptitude juridiquement établie de produire des normes juridiques (ou des effets juridiques) à travers et en accord avec des énonciations à cet effet /.../. La norme qui établit cette aptitude est appelée 'norme de compétence'. /.../ Les normes de compétence sont, comme les règles de jeu, constitutives.76 Ainsi s'explique l'idée que les normes de compétence ne sont pas des directives au sens propre, de la même manière que les normes prescriptives. Dans la mesure où elles définissent les modalités de création d'une nouvelle norme, « si une tentative de légiférer ne satisfait pas ces conditions, le résultat est dit invalide ou nul et de nul effet. »77 C'est pourquoi, à strictement parler et à la différence des règles qui ordonnent ou interdisent des comportements naturels sous peine de sanction, les règles de compétence ne peuvent pas être violées.78 Puisqu'une norme de compétence indique les conditions pour la création d'une norme, il est tautologique d'affirmer qu'une tentative d'exercer cette compétence ultra vires (hors du champ de cette compétence) ne parvient pas à créer de norme juridique. On exprime cela en disant que l'acte juridique projeté est invalide ou que le fait de ne pas se conformer à une norme de compétence aboutit à une invalidité.79 69 Ross (2004 : 206). 70 Ross (1958a : 32 ; 1968 : 96). 71 Ross (1958a : 76 & 204 ; 1968 : 56). 72 Ross (1968 : 131). 73 Ross (1958a : 80-81 ; 2004 : 206). 74 Ross (1958a : 79, 81 ; 1968 : 96, 130-131). 75 V. p. ex. Ross (1929 : 357 & 360 ; 1958a : 204 ; 2004 : 226). 76 Ross (1968 : 130-131). 77 Ross (1968 : 96). V. de même Ross (1968 : 131 ; 1972 : 210). 78 Ross (1929 : 302-303 ; 1968 : 54). 79 Ross (1929 : 131). revue de théorie constitutionnelle et philosophie du droit PEVIIS (2014) 24 128 LE RÉALISME SCANDINAVE DANS TOUS SES ÉTATS A l'instar de J.R. Searle, A. Ross établit ainsi le caractère de règle constitutive des normes de compétence. Les éléments textuels au soutien de l'idée qu'A. Ross défend la thèse selon laquelle les normes de compétence doivent être comprises comme des prescriptions indirectement formulées semblent donc tout aussi nombreux et tout aussi probants que ceux qui accréditent l'adoption de la thèse selon laquelle, les normes de compétence faisant partie des règles constitutives, elles sont irréductibles aux règles de comportement. La présence de ces deux thèses apparemment antagonistes contraint à un examen approfondi de la cohérence interne de sa démarche. 2 les incertitudes DE LA théorie RossiENNE des normes de compétence La double théorie rossienne des normes de compétence invite à s'interroger, au-delà de cette question circonscrite, sur l'architecture générale de la pensée du juriste danois. Du point de vue d'une critique interne, l'analyse doit se développer à deux niveaux. Il est tout d'abord nécessaire de tenter de comprendre comment les deux thèses relatives à l'analyse des normes de compétence sont susceptibles de s'articuler l'une avec l'autre (2.1). De manière plus fondamentale, il convient de s'interroger sur la place de la réflexion d'A. Ross sur ce thème au sein de son projet de fondation d'une science juridique réaliste (2.2). 2.1 La conciliation des deux thèses relatives aux normes de compétence Différentes démarches se présentent afin d'expliquer la présence de deux thèses relatives à la manière dont il convient de concevoir les normes de compétence. Les lacunes des tentatives d'explication courantes (2.1.1) invitent à proposer un autre type d'analyse (2.1.2). 2.1.1 Les tentatives d'explication existantes Selon la reconstruction dominante, le juriste danois aurait, dans un premier temps, conçu les normes de compétence comme des prescriptions indirectes, ainsi qu'en témoignerait On Law and Justice. Il aurait ensuite, dans Directives and Norms, rompu avec cette approche, et conçu les normes de compétence en termes de règles constitutives.80 Il est possible de formuler deux séries de critiques à l'encontre de cette lecture. Tout d'abord, A. Ross n'a pas renié la théorie 80 V. p. ex. Bulygin (1991 : 491) ; Gascón (1997 : 141-142) ; González Lagier (1995 : 378-379) ; Mendonca (1992 : 148). rBVUS revue de théorie constitutionnelle et de philosophie du droit (2014) 24 La théorie des normes de compétence d'Alf Ross 129 des prescriptions indirectes dans l'ouvrage paru en 1968. Il maintient presque à l'identique plusieurs passages d'On Law and Justice. Ensuite, dans ce dernier ouvrage publié en danois en 1953, il est fait mention à plusieurs reprises de l'idée que les normes de compétence sont des règles constitutives. Dès lors, l'hypothèse d'une évolution de sa pensée ne résiste pas à l'analyse.81 Il est ensuite possible de minimiser l'importance réelle qu'aurait eue dans la pensée du juriste danois l'une ou l'autre des deux thèses. Telle est notamment l'approche de G. Carcaterra. Celui-ci considère que la thèse constitutiviste est négligeable. Alf Ross n'est pas parvenu à tirer profit de ses 'constitutives rules' dans le domaine juridique. /.../ Il avait posé là les prémisses d'une théorie capable de concevoir les actes normatifs et les normes en termes de performatifs et de règles constitutives. Mais ces prémisses sont demeurées sans conséquence, car ces considérations dans Directives and Norms représentent un discours incident. Elles ne sont pas employées dans la suite de l'ouvrage, lorsque Ross affronte et résout en termes prescriptivistes le problème de la norme juridique.82 Une telle reconstruction ne rend pas justice aux affirmations répétées et aux argumentations détaillées qu'offre A. Ross. De plus, en disqualifiant l'une des branches du problème à affronter, elle esquive la difficulté d'interprétation que recèle sa pensée. De ce fait, elle ne permet pas d'expliquer la présence simultanée de ces deux thèses. Seul J. Ferrer Beltran a véritablement prétendu concilier les deux thèses en offrant une reconstruction charitable de la pensée de A. Ross.83 Il envisage deux possibilités. Un premier moyen de réconcilier ses écrits consiste à considérer que les catégories de règle constitutive et règle régulative ne sont pas exclusives l'une de l'autre. Alors, une norme de compétence peut à la fois être une prescription indirecte et une règle constitutive. Mais aux yeux de J. Ferrer Beltran, A. Ross oppose trop nettement règles régulatives et règles constitutives pour que cette hypothèse soit retenue. C'est pourquoi il propose de comprendre l'idée selon laquelle les normes de compétence sont des normes de comportement indirectement formulées de la manière suivante. Il s'agirait de règles qui établissent indirectement ce qui doit être fait. Elles auraient pour fonction d'identifier les normes de conduite qui établissent directement les obligations. « Il s'agirait [en d'autres termes] de reconduire l'interprétation du premier modèle des normes de compétence vers le second modèle exposé. »84 Selon le juriste espagnol, dans la mesure où les normes de compétence ne prescrivent aucun comportement aux autorités, elles ne peuvent être directement appliquées par elles. Celles-ci 81 De même, v. Ferrer Beltran (1996 : 547 ; 2000 : 86 & 94). 82 Carcaterra (1988 : 74). 83 Ferrer Beltran (1996 : 547-550 ; 2000 : 94-97). 84 Ferrer Beltran (1996 : 548 ; 2000 : 95). revue de théorie constitutionnelle et philosophie du droit PEVIIS (2014) 24 130 LE RÉALISME SCANDINAVE DANS TOUS SES ÉTATS n'emploient les normes de compétence qu'indirectement, à travers l'application des normes édictées en vertu de ces compétences. Il conclut alors à l'opportunité d'exclure A. Ross des théories prescriptivistes. Si cette reconstruction ne manque pas de séductions, elle appelle toutefois plusieurs remarques. Sur le plan méthodologique, la conclusion est tout d'abord démesurée au regard des prémisses de l'argumentation. J. Ferrer Beltran procède en effet à une reconstruction charitable de la pensée d'A. Ross. Il souligne lui-même que d'autres appréciations sont possibles, tel, au premier chef, le constat d'une incohérence.85 Dès lors, il ne semble pas légitime de fonder sur cette argumentation l'exclusion de A. Ross des auteurs proposant une théorie prescriptiviste des normes de compétence. Ensuite, cette tentative de reconstruction ne se fait qu'au prix de l'abandon de l'une des deux thèses rossiennes. Il ne s'agit donc pas d'établir une cohérence, mais de faire prévaloir l'un des deux termes d'un antagonisme insoluble. Le contenu de la reconstruction proposée par le juriste espagnol appelle également des réserves. Elle repose en effet sur un élément que J. Ferrer Beltran a par ailleurs critiqué. L'une des interprétations possibles de la théorie des normes de compétence de A. Ross consiste à les appréhender comme des normes prescrivant aux tribunaux de considérer les directives créées d'une certaine manière comme des normes de conduite. Or aux yeux de J. Ferrer Beltran cette thèse « s'avère très insuffisante, dans la mesure où ce comportement est une attitude [strictement] psychologique (considérer une norme comme une norme de conduite) »86 définie de manière trop vague. La seule différence entre cette vision, qu'il exclut, et celle qu'il adopte tient au fait que dans la version critiquée, les normes de compétence prescrivent une identification, tandis que dans la reconstruction, elles identifient elles-mêmes. L'éventuelle différence semble extrêmement ténue, de sorte que la critique initiale de J. Ferrer Beltran devrait également porter contre sa propre reconstruction. Pour sa part, l'argument selon lequel les normes de compétence prescriraient de considérer certains éléments - qu'elles constituent - comme des normes de comportement s'avère, sur le plan d'une reconstruction cohérente de la pensée d'A. Ross, plus satisfaisant. Il revient toutefois à faire des normes de compétence des règles simultanément régulatives et constitutives, en dépit de l'opposition qu'établit entre elles le juriste danois. Il apparaît dès lors extrêmement difficile de reconstruire une théorie cohérente des normes de compétence qui ménage les différentes affirmations d'A. Ross. L'hypothèse d'une contradiction semble de ce fait la plus solide. Il est toutefois possible de suggérer une autre lecture de sa réflexion. 85 En ce sens, v. p. ex. Carcaterra (1988 : 80 n. 19). 86 Ferrer Beltran (2000 : 88). rBVUS revue de théorie constitutionnelle et de philosophie du droit (2014) 24 La théorie des normes de compétence d'Alf Ross 131 2.1.2 L'hypothèse proposée Le fait qu'A. Ross défende, de manière aussi détaillée, deux thèses aussi fortes, ne permet pas d'écarter l'une au profit de l'autre. Il semble difficile de les réconcilier dès lors que l'on considère qu'elles ont pour fonction de rendre compte d'un même objet à des fins scientifiques identiques. Il est possible de proposer une voie de réconciliation, consistant à situer la pertinence de chacune des deux thèses sur des plans distincts. De ce fait, chacune se voit conférer une utilité déterminée, dans un cadre circonscrit. La théorie des obligations indirectes se situe sur le plan de l'économie des concepts. Elle autorise, sinon la construction d'une logique des normes,87 pour le moins à enrégimenter le langage juridique au moyen de concepts présentés, à la suite de W.N. Hohfeld, comme fondamentaux à trois titres. Ils sont tout d'abord compréhensifs en ce que toutes les positions juridiques peuvent être exprimées à travers eux. Ils sont ensuite suffisants en ce que toutes les positions juridiques peuvent être exprimées à travers eux seuls. Ils sont enfin irréductibles en ce qu'ils ne peuvent être fragmentés en rien de plus élémentaire.88 Cet appareil conceptuel est formé des huit concepts d'obligation, prétention, permission et non-prétention, d'une part, et de sujétion, compétence, immunité et inaptitude, d'autre part. Ils permettent d'appréhender et de décomposer toutes les situations juridiques. Tous se ramènent ensuite, selon une technique qui pour sa part rompt avec la perspective de W.N. Hohfeld, au seul concept d'obligation ou de norme prescriptive.89 Cette démarche participerait donc de la réduction analytique du langage juridique.90 Elle fournit une norme de rigueur afin d'appréhender de manière uniforme et rigoureuse tous les énoncés juridiques et de les convertir les uns dans les autres jusqu'à les réduire à une donnée fondamentale, qui concorde avec les intuitions les plus basiques à l'égard des phénomènes juridiques : l'obligation et la coercition.91 Elle assure également la réduction du nombre d'entités métaphysiques qui peuplent l'univers courant des juristes. Présenter l'ensemble du droit sous une forme unique, simple et intuitive autorise une science réaliste à décrire son objet de manière aisée. La théorie des règles constitutives se situe davantage dans la perspective d'une étude du point de vue des acteurs du droit.92 Il serait ainsi possible de 87 V. spéc. sur ce thème Ross (2004 : 39-59 ; 1968). 88 Halpin (1985 : 436). 89 Ross (1958a : 162 ; 1968 : 120). V. également, Ross (1947 : 26-28, 192). 90 Sur cette dimension de la réflexion « logique » d'A. Ross, v. spéc. Champeil-Desplats (2002 : 29-41). 91 V. en ce sens Ross (1968 : 116-120). 92 Sur la distinction entre point de vue interne et point de vue externe, largement anticipée par Ross, v. spéc. Hart (1976 : 114, 124, 129-136). V. également à ce sujet les remarques de Ross (2004 : 186-188). Au contraire, Hart (2000 : 47-50) conteste ce rapprochement. revue de théorie constitutionnelle et philosophie du droit PEVIIS (2014) 24 132 LE RÉALISME SCANDINAVE DANS TOUS SES ÉTATS rejoindre une dimension importante de la théorie d'A. Ross : l'adoption d'une approche introspective de l'action du droit sur ses destinataires.93 L'une des dimensions de la réalité des règles juridiques tient précisément à l'expérience qu'en ont les acteurs.94 Les normes sont valides en ce qu'elles sont effectivement suivies, et suivies parce qu'elles sont ressenties socialement comme devant être respectées.95 Chez lui, en effet, dans une certaine mesure, la norme est un construit gnoséologique (un modèle théorique, un schéma d'explication) qui permet aux sciences sociales d'expliquer l'effectivité sociale /.../ d'une directive (modèle pratique, schéma d'action /.../ imputable à l'existence d'un ordre conventionnel.96 Le concept de norme constitutive permettrait ainsi, de manière empathique, de rationaliser l'expérience d'activités normatives à l'intérieur de schémas préordonnés.97 Il s'agit de comprendre le « droit en mouvement », l'activité humaine et notamment les sentiments, la psychologie, le raisonnement des juges lorsqu'ils produisent du droit. De ce point de vue, les normes de compétence sont présentées comme constitutives de nouvelles capacités d'action et de nouvelles formes d'activités. Telle est bien la manière dont il est possible de rendre compte de leur appréhension dans l'idéologie des juges qui produisent du droit, respectent leurs conditions sauf à produire une norme qui encourt l'annulation. Ces normes sont donc bien des modèles de conduite spécifiques.98 Dans la mesure où il s'agit de règles constitutives, les individus se les appliquent à eux-mêmes sans que la coercition soit nécessaire. En effet, ainsi que l'a mis en évidence H.L.A. Hart,99 ces normes portent en elles-mêmes leur « sanction » puisque faute de les respecter, le résultat normatif projeté n'est pas atteint, tout comme aux échecs le coup projeté n'est pas réalisé. Il n'est donc pas nécessaire de leur adjoindre une mesure coercitive spécifique. Ces normes se présentent comme inviolables et seule la volonté de réaliser les mouvements du jeu en question ou de produire une norme - et non la peur d'une éventuelle sanction - conduit les joueurs à les respecter. La théorie des obligations indirectes et celles des normes constitutives représenteraient alors deux grilles de lectures indépendantes des phénomènes juridiques, ceux-ci étant envisagés sous des angles différents, autorisant une complète appréhension réaliste du droit. 93 V. p. ex. Ross (1958a : 15). 94 Ross (1958a : 16). 95 Ross (1958a : 18). 96 Savoini (1982 : 402-403). Sur ce thème, v. également Pattaro (1984 : 103-146). 97 Pollastro (1983 : 244-247). 98 Ross (1958a : 207). 99 Hart (1976 : 44-61, 92-94, 290 ; 1993 : 131-133). V. de même Alchourrón & Bulygin (1991 : 439-463) ; Bulygin 1991. rBVUS revue de théorie constitutionnelle et de philosophie du droit (2014) 24 La théorie des normes de compétence d'Alf Ross 133 En s'appuyant sur les diverses dimensions de son projet, il apparaît dès lors possible de réconcilier les deux thèses relatives aux normes de compétence que propose A. Ross. Il n'en demeure pas moins nécessaire de préciser si sa théorie du pouvoir de créer du droit l'autorise à surmonter les critiques qu'il adresse à la doctrine juridique régnante. 2.2 Le succès de la théorie des normes de compétence dans le projet réaliste Le reproche essentiel qu'adresse A. Ross aux théories usuelles tient au fait qu'en dernier ressort, elles sont conduites à choisir le fait ou la norme comme fondement ultime du droit, ce choix les contraignant immédiatement à adopter l'autre branche de l'alternative, dans un processus simultané de cercle vicieux et de régression à l'infini. Il est nécessaire d'examiner si la forme de réalisme proposée par le juriste danois, appuyée sur sa théorie des normes de compétence, permet véritablement d'échapper à cette aporie. Les incertitudes ne manquent pas en la matière, puisqu'en repoussant tour à tour la doctrine traditionnelle, sa radicalisation normativiste et sa radicalisation réaliste américaine, A. Ross semble s'exposer aux difficultés des unes et des autres (2.2.1). Il est cependant en mesure de les affronter s'il renoue avec les sources de son projet théorique (2.2.2). 2.2.1 Les incertitudes de la voie médiane entre normativisme et réalisme américain Le problème que rencontre le réalisme d'A. Ross est énoncé avec une force particulière dans son article « A propos de l'auto-référence et d'une énigme du droit constitutionnel».100 La norme de compétence, où se joue la solution des antinomies de la pensée juridique, peut résulter elle-même de l'action d'une autorité particulière. Pour ce faire, cette dernière doit avoir mis en œuvre une norme de compétence, émise par une autre autorité. La perspective d'une régression à l'infini se profile alors : Puisque la série d'autorités ne peut pas être infinie, la conclusion inévitable qui s'ensuit est qu'il doit exister une autorité supérieure à toutes les autres, dont la compétence n'est dérivée d'aucune autre.101 Deux solutions se présentent : soit cette norme de compétence ultime, adressée à l'autorité ultime, est édictée par cette autorité elle-même ; soit la validité de cette norme ne repose sur aucune autre norme, et constitue en conséquence un fait originel ou une présupposition pour la validité des autres normes du 100 Ross (2004 : 205-226). 101 Ross (2004 : 206). revue de théorie constitutionnelle et philosophie du droit PEVIIS (2014) 24 134 LE RÉALISME SCANDINAVE DANS TOUS SES ÉTATS système.102 Ces solutions sont inacceptables à ses yeux. C'est pourquoi A. Ross considère dans ce texte que la norme qui institue la plus haute autorité n'est pas la norme fondamentale du système. Celle-ci est une norme dont l'existence est supposée et qui confère sa compétence à l'autorité ultime. Ce retour à la théorie kelsénienne, alors qu'au même moment H. Kelsen rompt avec sa théorie initiale et considère la norme fondamentale comme une simple fiction103 ne manque pas de surprendre. Il conduit à donner la primauté à l'élément « validité » des phénomènes juridiques et expose de ce fait A. Ross à sa critique du normati-visme. Il repousse également une autre solution, qu'il a un temps adoptée. Dans On Law and Justice, il écrivait en effet que Le schéma précédent a montré qu'une certaine autorité était la plus haute, et que les normes qui constituent cette autorité ne pouvaient en conséquence avoir été produites par une autre autorité, mais devaient exister comme une idéologie présupposée. Cela signifie qu'il n'existe pas de norme supérieure pour déterminer les conditions de son édiction valide et sa modification.104 Une idéologie partagée dans la société serait alors la source du pouvoir des autorités ultimes. K. Olivecrona, l'autre grand disciple d'A. Hagerstrom, soutient vigoureusement cette thèse.105 Il présente le droit comme prenant son origine dans une attitude généralisée de respect envers la constitution. Les acteurs que cette dernière établit ont accès à un mécanisme psychologique complexe. S'ils commandent certaines conduites selon certaines formes, alors la généralité des citoyens percevra ces modèles de comportement comme doués d'une validité objective et s'y conformera. Cette attitude générale envers la constitution fonctionne donc comme une immense source de pouvoir que les acteurs juridiques peuvent mobiliser. Elle ne se maintient que si la constitution est effectivement mise en œuvre et si le pouvoir est exercé selon ses règles, dans une relation de conditionnement causal réciproque.106 Cette solution est expressément repoussée par A. Ross en 1969.107 Cette hésitation au sein du réalisme scandinave témoigne d'un embarras vis-à-vis de la question du pouvoir de produire les normes ultimes du système, ce qui n'est autre que la question de la primauté des éléments réels ou des éléments de validité au sein des phénomènes juridiques. 102 Ross (2004 : 207). 103 Kelsen (1964 : 583-586 ; 1996 : 339-346). 104 Ross (1958a : 81). V. également Ross (1958a : 80-83 ; 1929 : 359-364). 105 Olivecrona (1939 : 50-74 ; 1971 : 86-114). V. la contribution de Faralli 2014. Plus récemment, ce raisonnement est repris dans l'une des tentatives les plus approfondies pour élucider le concept de pouvoir normatif, Ruiter (1993 : 205 ; 1998 : 486). 106 Olivecrona (1939 : 50-61). 107 Ross (2004 : 210). rBVUS revue de théorie constitutionnelle et de philosophie du droit (2014) 24 La théorie des normes de compétence d'Alf Ross 135 A cette première difficulté s'en ajoute une seconde. La validité du droit se constate à l'examen du comportement des juges. Or ceux-ci ne sont définis que juridiquement. Examiner leur comportement afin de déterminer la validité du droit suppose dès lors que le droit soit valide et permette d'identifier les juges, de sorte qu'A. Ross s'exposerait à sa propre critique du réalisme américain.108 Conscient de la difficulté, il prétend échapper dans On Law and Justice à ce cercle vicieux. Il nie alors l'existence d'un point archimédien à partir duquel la réflexion devrait commencer.109 Selon lui, le système juridique est un tout intégré, dont la vigueur est testée de manière générale. Il est donc impossible de vérifier la validité d'une partie du droit sans celle du reste. La validité est donc attribuée au système en tant que schéma d'interprétation global qui permet simultanément de comprendre la manière dont agissent les juges et le fait qu'ils agissent en cette qualité. Cette théorie s'avère de compréhension difficile et suscite des appréciations divergentes. O. Weinberger considère ainsi que le problème se pose et le résout en considérant que la validité du système est strictement sociologique, et consiste en son effectivité, tandis que la validité de chacune des normes qui le compose s'apprécie en fonction des modalités de leur production.110 D'autres auteurs considèrent qu'en dépit de ce qu'affirme A. Ross, le problème a bien une solution dans le cadre de sa théorie. Selon E. Pattaro,111 c'est dans l'application des normes concernant les citoyens que l'attitude des juges peut être considérée comme le point archimédien, c'est-à-dire le premier moment de la vérification de l'assertion sur la validité, d'abord de ces normes et consécutivement des normes qui ont institué les tribunaux. Le point archimédien afin de vérifier les assertions sur la validité des normes juridiques est constitué des normes qui ordonnent aux juges d'appliquer la sanction dans certaines conditions. Si ces normes sont valides, les normes adressées aux individus le sont aussi, et les normes de compétence qui s'intègrent aux prescriptions adressées aux juges le sont aussi. La validité des normes de compétence est vérifiée avec celle des normes de conduite produites selon ce qu'elles prévoient. Mais il est possible de s'étonner de ce que la validité des conditions de production d'un objet soit vérifiée avec la validité de cet objet lui-même. De plus, l'idée que les normes de compétence s'intègrent aux normes de conduite adressées aux juges ne semble pas conforme à la pensée d'A. Ross. D'autres commentateurs considèrent enfin que l'apparente circularité de la pensée de A. Ross se dissout aisément. Selon R. Hernández Marín, le pseudoproblème peut être reformulé de la manière suivante : pour déterminer l'inten- 108 V. p. ex. en ce sens Miedzianagora (1961 : 92-121) ; Videtta (1968 : 337 & 343-346). 109 Ross (1958a : 36). V. également Ross (1929 : 286, 308-311, 331-333). 110 V. p. ex. Weinberger (1991 : 104). 111 Pattaro (1990 : 386-390). revue de théorie constitutionnelle et philosophie du droit PEVIIS (2014) 24 136 LE RÉALISME SCANDINAVE DANS TOUS SES ÉTATS sion de « droit danois », il faut savoir ce qu'est un juge danois et pour savoir ce qu'est un juge danois, il faut savoir l'extension de « droit danois ». Il s'agit donc, pour savoir l'intension de « droit danois », de connaître l'extension de « droit danois ». Or ceci ne présente pas la moindre circularité. Un tel procédé est même parfaitement courant. Ainsi, pour savoir ce qu'est la vie, c'est-à-dire l'intension du terme « vie », il faut savoir quels sont les êtres vivants, c'est-à-dire l'extension d'« être vivant ».112 Dans la théorie d'A. Ross, pour connaître l'intension de « norme juridique danoise », il faut savoir ce qu'est un juge danois et pour identifier un juge danois, il faut connaître l'extension de « norme juridique relative aux conditions pour être un juge danois ». Ces difficultés d'interprétation, qui vont jusqu'à faire encourir à A. Ross les critiques qu'il adresse à la doctrine juridique, peuvent être surmontées si l'on renoue avec les sources de son projet. 2.2.2 Pour un retour aux sources scandinaves de la pensée réaliste d'A. Ross D'un point de vue réaliste, l'analyse qu'autorisent certains passages de la Theorie der Rechtsquellen de 1929 et surtout de Towards a Realistic Jurisprudence, dont l'original danois date de 1934, s'avère prometteuse. Elle se fonde sur des relations de causalité entre les différentes composantes des phénomènes juridiques. Or de telles relations ont pour propriété de n'avoir ni point de départ ni point d'arrivée.113 C'est pourquoi ces divers éléments - système de coercition, attitudes comportementales intéressées, attitudes comportementales désintéressées, décisions réputées valides de certains acteurs - interagissent les uns avec les autres.114 Toute idée de cercle vicieux est alors nécessairement exclue. Dans ce cadre, les normes de compétence ne sont rien d'autre que des manières rationalisées d'exprimer la prédisposition des destinataires des normes à reconnaître comme droit certaines choses.115 Ceux-ci sont prêts à se conduire selon les expressions qui seront émises d'une certaine manière par certains acteurs. L'idée de validité est ainsi insérée dans des relations causales. L'hypothèse d'une circularité devient alors fructueuse. Il est tout d'abord possible d'expliquer que les acteurs soient de cette manière limités par les normes qu'ils suscitent eux-mêmes, de sorte que la question aporétique de la primauté du fait ou de la norme ne se pose plus. L'hypothèse de la circularité permet de comprendre la mécanique du droit de la manière suivante, suggérée 112 Hernandez Marin (1982 : 261-262). 113 V. Kelsen 1982. 114 Ross (1946 : 88-89). 115 Ross (1946 : 79-83, 93-95). rBVUS revue de théorie constitutionnelle et de philosophie du droit (2014) 24 La théorie des normes de compétence d'Alf Ross 137 par certaines réflexions d'A. Hagerstrom.116 La prédisposition au respect envers la constitution fonctionne comme une source de pouvoir. Mais cette norme de compétence n'est valide que si et dans la mesure où elle est effectivement et régulièrement mise en œuvre. Or afin d'influencer la conduite des citoyens, les autorités suprêmes doivent se plier aux normes constitutionnelles de compétence auxquelles, à la fois, elles sont soumises et auxquelles, à travers leur action, elles donnent leurs contours précis et leur validité. Les présenter comme fondées sur une norme de compétence préexistante permet à ces autorités de justifier leurs décisions, et de stimuler ainsi l'obéissance de leurs destinataires. Il est donc possible d'assister à un renforcement auto-entretenu du système juridique. Celui-ci fonctionne précisément de manière circulaire, légitimité et coercition s'ap-puyant l'une sur l'autre et se stabilisant mutuellement.117 C'est pourquoi il est indispensable au juriste de comprendre comment le législateur conçoit et « met en scène » sa propre fonction. C'est en ce sens que les normes de compétence peuvent agir sur l'idéologie des producteurs de normes, au premier rang desquels les juges. Elles peuvent ainsi être dites « valides », dans la mesure où elles sont partie intégrante du raisonnement des acteurs.118 La science du droit peut alors se fonder sur cette idéologie relativement stable de respect pour la constitution qui intègre les comportements des différents acteurs dans une grille de lecture cohérente afin de vérifier ses propositions de droit de manière strictement empirique.119 Ensuite, cette reconstruction éclaire l'épistémologie juridique réaliste. R. Guastini reproche à A. Ross de ne pas préciser la méthode par laquelle peut être connue l'idéologie des juges.120 Il est possible de répondre de la manière suivante. Selon le juriste danois, Lorsque l'étude doctrinale du droit décrit certaines normes comme du droit valide, elle décrit certaines réalités sociales, un certain contenu d'idées normatives en tant quelles sont réellement ressenties et effectives.121 Cette masse de représentations agissantes doit être découpée en unités d'appréhension aisée, puis présentée de manière ordonnée par la science du droit. Il s'agit pour A. Ross de donner des phénomènes qui se présentent comme juridiques une narration cohérente, fondée sur certaines présuppositions, relatives notamment à l'idéologie des acteurs. Cette présentation repose sur des concepts qui permettent d'en organiser et d'en rationaliser les divers éléments. Son utilité se mesure à titre essentiel, selon le juriste danois, à la possibilité de prévoir 116 V. spéc. Hagerstrom (1953 : 30-35, 44, 250-256). 117 Ross (1929 : 115, 296-297, 308, 331-333, 355-359, 365-366 ; 1946 : 82-83). 118 Ross (1958a : 42). 119 Ross (1958a : 75 ; 1968 : 88-89). 120 Guastini (1994 : 264). 121 Ross (1958a : 10 n. 4). revue de théorie constitutionnelle et philosophie du droit PEVIIS (2014) 24 138 LE RÉALISME SCANDINAVE DANS TOUS SES ÉTATS le comportement futur des acteurs. Si les hypothèses sur lesquelles elle repose ne permettent pas de rendre compte de cette pratique ou n'autorisent pas des prévisions suffisamment fiables, de nouvelles hypothèses sur la reconstruction de l'idéologie des acteurs doivent être formulées. Dans cette mesure, la science juridique devient empirique, formule des propositions de droit qu'il est possible de tester, et admet la critique et la révision de sa propre démarche.122 Il est en conséquence possible de repousser la thèse selon laquelle A. Ross serait un tenant d'une épistémologie d'inspiration « néopositiviste » surannée.123 Il apparaît au contraire comme un précurseur du « postpositivisme » qui tend à considérer que les sciences - y compris les « sciences de la nature » - formulent des narrations possibles, relatives et révisables, qui reconstruisent une trame d'événements intelligible à partir du flot indifférencié des perceptions. A travers la théorie des normes de compétence d'A. Ross, il est donc possible de comprendre comment l'épistémologie et la formation des concepts juridiques ont partie liée124 et à quel point cette forme de réalisme peut s'avérer fructueuse. Bibliographie Carlos E. ALCHOURRÓN & Eugenio BULYGIN, 1991 : Análisis lógico y Derecho. Pról. Georg H. von Wright. Madrid : Centro de estudios constitucionales (El derecho y la justicia ; 24). Manuel ATIENZA, Juan RUIZ MAÑERO, 1998 : A Theory of Legal Sentences. Trad. angl. Ruth Zimmerling. 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Rossova izvirnost tiči v njegovem pojmu pristojnostnih (ali kompetenčnih) norm, ki jih je pred vsemi drugimi (vključno s Searlom) obravnaval kot »konstitutivna pravila«. V nasprotju s trditvami mnogih komentatorjev takšen pojem konstitutivnih norm ni neskladen z Rossovo realistično teorijo prava. V luči njegovih zgodnjih zapisov je mogoče kompetenčne norme razumeti kot racionalizacije, ki lahko izrazijo nagnjenost naslovnikov norm, da določena dejstva prepoznajo kot pravo. Zato je mogoče Rossa šteti za prehodnika postpozitivizma. Ključne besede: veljavnost, predpisi, moč, ustavna pravila, urejevalna pravila, empirizem, realizem, postpozitivizem Tako se določi predmet kritične filozofije prava. Vsebovan mora biti v novi razlagi veljavnosti, nato v rešitvi nasprotij v pravni teorij, ki postane mogoča, in na koncu v rekonstrukciji osnovnih pravnih kategorij. Alf Ross (2004: 26) Oblast ni nekaj, kar obstaja v ozadju prava, ampak nekaj, kar deluje skozi pravo. Alf Ross (1958a: 58) 1. Kot učenec Hansa Kelsna je Alf Ross v celoti dojel, kako pomemben je pojem norme za razumevanje pravnih pojavov.1 Kot duhovni dedič Axla Hagerstroma in dunajskega kroga je bil enako dovzeten za kritiko metafizične razsežnosti pojmov vrednosti, najstva in veljavnosti, prav tako pa je imel željo oblikovati pravno znanost po modelu empiričnih znanosti.2 Na teh dveh temeljih3 je danski pravnik izoblikoval izvirno pravno teorijo. * guillaume.tusseau@sciences-po.org | Profesor Pravne šole Inštituta za politične vede Science-sPo in mlajši član Francoskega univerzitetnega inštituta. 1 Glej predvsem Kelsen 1911. 2 Glej Hägerström 1953. 3 Za biografske elemente glej Millard (2004: 3-4). revija za ustavno teorijo in filozofijo prava revus (2014) 24 142 VIDIKI SKANDINAVSKEGA REALIZMA Njegova pravna teorija za izhodišče vzame študij »pojma prava, kakršnega najdemo v skupni zavesti«.4 Večina pravnikov dojema pravo hkrati kot pojav, ki ga je mogoče opazovati v svetu dejstev, in kot normo z zavezujočo močjo v svetu morale ali vrednot, ki je kot taka fizična in metafizična, empirična in apriorna, realna in idealna, ter nekaj obstoječega in veljavnega.5 Zaradi te dvojnosti je pravna misel izpostavljena protislovjem, ki vsa njena sklepanja postavijo pod vprašaj. Prvo očitno protislovje je predstavljeno na naslednji način: Teza: Veljavnost prava kot prava je opredeljena na podlagi določenih pomembnih zgodovinskih dogodkov. Antiteza: Pomembni zgodovinski dogodki so opredeljeni na podlagi veljavnosti prava kot prava.6 Pravniki menijo, v skladu s to tezo, da je pravo sestavljeno iz norm, izhajajočih iz dejanj, ki so posledica pretekle volje. Tradicionalni pozitivizem pripisuje ta dejanja zakonodajalcu ali državi, medtem ko jih ameriški realizem pripisuje sodnikom. Vendar prepoznava teh dejanj ni takojšnja. Samo dejanja pristojnih posameznikov imajo moč ustvarjati pravo. Pristojnost, ki omogoča razmejitev pravoustvarjajočih zgodovinskih dejstev, je sama po sebi pravna. Tako pridemo do antiteze.7 Hkrati pa pojmovanje prava kot gole tvorbe neke dejansko učinkovite oblasti postopoma vodi v protislovje, če moč te oblasti izhaja iz dejstva, da je ustanovljena s pravom.8 Za rešitev teh težav se ponujata dve skrajni usmeritvi. Prva, ki jo je razvil Hans Kelsen, zavrača vsakršni sociološki pristop k pravu. Pravni pojav postavi na eno samo področje, na področje idealnega, na nem. Sollen. Vendar pa se temeljna norma, ki dopušča samozaprtje pravnega sveta, ne nanaša na katere koli pojave. Nanaša se le na splošno učinkovit pravni sistem. Omenjeni idealizem se na ta način zaplete s presojanji dejstev.9 Druga usmeritev, ki jo je razvil ameriški pravni realizem,10 zavrača vsakršni spiritualizem in normativnost. Pravo razume kot skupek dejstev ter se zanima za vzroke, ki lahko pojasnijo in napovedo obnašanje sodnikov. Vendar morajo realisti razložiti, zakaj dajejo tolikšen pomen predvsem sodnikom. Takšna razlaga pa zahteva, da se upoštevajo prvine, ki presegajo z njihove strani predlagano opredelitev prava. Dejansko je pomembnost sodnika posledica dejstva, da bo njegova odločitev izvršena. Posebnost njegovega položaja je strogo pravne narave. Navezuje se na dejstvo, da se sodniku pripisuje pristojnost. Zatorej opredelitev prava kot skupka odlo- 4 Ross (1946: 32). 5 Ross (1946: 11; 1929: 233-234, 254-257 in 263-269). O tej temi npr. Wedar 1985. 6 Ross (1946: 57). 7 Ross (1946: 57-62, 65, 127-129 in 133-136; 2004: 27-28). 8 Ross (1946: 62-63). 9 Ross (1929: 258-269; 1946: 43 in 127-129; 1958a: 70). Npr. Kelsen (1920: 94-101; 1925: 1819; 1962: 266, 270-271, št. 1, in 294). 10 Glej predvsem Frank 1949. PEVUS revija za ustavno teorijo in filozofijo prava (2014) 24 Teorija pristojnostnih norm Alfa Rossa 143 čitev sodišč predpostavlja poznavanje prava, ki sodišča vzpostavlja. Ta pravna pravila pa niso le teoretične napovedi. Svojim naslovnikom narekujejo, da jih spoštujejo in izvršujejo, kar je eden od odločilnih vzrokov za delovanje sodnikov.11 Tako so dejanski in idealni elementi znova povezani. V luči teh protislovij Alf Ross ponudi »pristno« realistično teorijo prava, ki je sposobna razrešiti težave, s katerimi se srečujejo tradicionalne teorije, ter obnoviti njihove razprave na znanstveni način. Tako veljavnost kot dejanskost sta potrebni pojmu v pojmu prava. Nemogoče je izločiti eno ali drugo, saj se vidika medsebojno povezujeta.12 Zato je treba dokazati, da pojma nista nezdružljiva in da se medsebojno ne izključujeta. To zahteva zavrnitev ideje, da je veljavnost mogoče razumeti kot področje obstoja, usklajeno z dejanskostjo. Dokaz pa je treba omejiti na izkustvene elemente. Ross analizira veljavnost kot racionalizacijo in opredmetenje psiholoških vzgibov. Pri teh gre za popolnoma subjektivne in iracionalne izkušnje, na podlagi katerih se posamezniki počutijo zavezane spoštovati nekatere predpise in posledično ravnajo na predpisani način. Ti vzgibi se konkretizirajo in združijo v sestavne dele, ki imajo svoj lastni idealni obstoj. Pojme veljavnosti, vrednosti in dolžnosti je treba torej razumeti ne kot tisto, kar se zdi, da so, torej neko področje posebne dejanskosti, temveč kot simbole, ki označujejo skupek psiholoških izkustev. Načelo ločitve [protislovij v pravni misli] pomeni, da namesto »veljavnosti« v smislu skrajno nasprotne kategorije od dejanskosti uvedemo izkušnje veljavnosti (v smislu dejansko obstoječih vedenjskih nagnjenj), na katerih racionalizacija temelji in s katerimi je simbolizirana.13 Tako je dualizem omejen na medsebojno delovanje sestavnih delov pravnega pojava. Tradicionalni pravni pogled temelji na treh elementih: (1) elementu dejanskosti, ki je opredeljen predvsem kot prisila; (2) elementu veljavnosti; (3) medsebojni odvisnosti med prvima dvema elementoma. Poustvaritev danskega pravnika pa razčlenjuje pravo na (1) interesna vedenjska nagnjenja, do katerih pride zaradi strahu pred prisilo; (2) brezinteresna vedenjska nagnjenja, ki izhajajo iz družinskih in družbenih vzorcev ter iz navad in prevzemajo videz veljavnosti; (3) dejanski induktivni medsebojni vpliv prvih dveh elementov, ki se vzajemno utrjujeta in povzročata.14 V epistemološkem smislu nakazuje ideja, po kateri obstaja le en svet, na možnost, da tega spoznamo skozi enotno znanstveno metodo: tj. skozi empirizem.15 11 Ross (1929: 5-6, 52-63, 111-112, 180-181, 222-223, 227 in 229; 1946: 49 in 68-73). 12 Ross (1946: 76). 13 Ross (1946: 77). Glej tudi Ross (1946: 12; 2004: 25; 1947: 46-54 in 80). Pred tem Ross (1929: 263-269, 278 in 288-289). 14 Ross (1946: 308-311; 1958a: 53-56 in 358-377; 1968: 38-43, 63, št. 3, in 82-92). 15 Pod vplivom kantizma, ki je hitro zgubljal vpliv, je Ross (1929: 270-278) priznal dve vrsti spoznanja. O njegovi kasnejši teoriji o pravni znanosti na primer Villa (1990: 59-77) in Guastini (1994: 249-264). revija za ustavno teorijo in filozofijo prava PEVIIS (2014) 24 144 VIDIKI SKANDINAVSKEGA REALIZMA 2. V nasprotju z »dvomom o obstoju pravil«,16 ki ga izkazuje ameriški realizem, se Ross ne odpove pojmu norme, da bi razložil pravne pojave. Norma je osnovna enota, v katero lahko razčlenimo pravo.17 Rossov pristop temelji na ideji, da norme urejajo sodno uporabo prisile.18 Empirični pojav, ki ustreza normam, je torej obnašanje sodnikov. Zato lahko nacionalni pravni sistem opredelimo kot skupek norm, ki jih sodniki dejansko uporabljajo, ker jih dojemajo kot obvezne.19 Preizkus veljavnosti neke norme je na predpostavki njene veljavnosti zasnovana možnost, da sodniška dejanja razložimo kot jasne odzive na določene dražljaje in da ta dejanja napovemo. Posebnost tega realizma je, da se ne zanima le za zunanje obnašanje sodnikov, kot je to pri ameriškem realizmu, ampak tudi za to, kar se dogaja v njihovi notranjosti. Ross zato oblikuje predpostavko, da njihovo delovanje motivira neka določena ideologija, zlasti »izkušnja veljavnosti«,20 sestavljena iz občutkov odobritve, zavrnitve, obveznosti, pravilnosti ali kršitve.21 Zato je pojem norme treba oblikovati ob upoštevanju dveh temeljnih idej: tiste, po kateri so norme povezane z neko obliko usmerjevalne rabe jezika,22 in tiste, po kateri mora pojem omogočiti zatrjevanja, da norme obstajajo. Pojem norme mora tako združiti jezikovne in dejanske pojave.23 Sledeč pristopu, ki je podoben Kelsnovemu,24 Ross meni, da so vse norme naslovljene na sodnike.25 Tem predpisujejo, pod katerimi pogoji morajo odrediti uporabo prisile.26 Takole pravi: Če določba vsebuje usmeritve, naslovljene na sodišče, potem dodatne usmeritve posameznikom za njihova ravnanja niso potrebna. /.../ Usmeritve posameznikom so implicitne, saj posamezniki vedo, kakšne reakcije sodišč lahko pričakujejo v določenih okoliščinah. /.../ To kaže, da je resnična vsebina norme ravnanja usmeritev, naslovljena na sodnika, usmeritev, naslovljena na posameznike, pa je le izvedena norma.27 Če se s psihološkega vidika zdi, da imamo obe obliki norm, pa je logično potrebna samo ena izmed njiju. 16 Glej Michaut 2000. 17 Prim. Ross (1929: 416-422). 18 Ross (1929: 275-280, 308, 311-312, 417, 419, 420 in 422; 1958a: 34, 52, 59). 19 Ross (1929: 365-366; 1946: 76-124; 1958a: 35, 37, 52-58, 104, 160 in 364; 1968: 41-43, 84-88, 104 in 117). 20 Ross (1933: 429-447; 1946: 76-124; 1958a: 52-58, 160 in 364; 1968: 41-43, 84-88, 104 in 117). 21 Ross (1958a: 37, 71-74 in 104; 1968: 87-88). 22 O »usmerjevalnem« govoru, namenjenem vplivu na vedenje, na splošno, glej Ross (1968: 34-77). 23 Ross (1968: 78-105). 24 Prim. Kelsen (1911: 206, 233-235 in 253; 1997: 111-115 in 192). 25 Ross (1958a: 35, 52 in 158; 1958b: 143; 1968: 90-92). 26 Ross (1958a: 33, 170 in 208). 27 Ross (1958a: 33). Glej tudi Ross (1958a: 52; 1968: 91-92 in 126). PEVUS revija za ustavno teorijo in filozofijo prava (2014) 24 Teorija pristojnostnih norm Alfa Rossa 145 3. Med normami, ki sestavljajo pravni sistem, poseben izziv pomeni vprašanje norm o pristojnosti. Poleg splošnega pomena, ki ga ima v pravni misli, ima pristojnost ključni pomen v teoriji danskega pravnika. Pojem pristojnosti je tista točka, kjer se izoblikuje problematika dualizma dejstva in ideala. Tukaj poteka kritika normativističnih tez in tez ameriških realistov. Prepletajo se dejanski in idealni elementi pravnega pojava, odloča se o nezvedljivosti prava na ene ali druge ter na koncu o njegovi izvirnosti, kot jo dojema realizem. Dejansko ustvarjanja prava ne moremo omejiti na neko normo o pristojnosti, iz katere bi norme izhajale neodvisno od dejanskega človeškega vedenja. Prav tako pristojnosti ni mogoče izraziti v izključno vedenjski obliki, saj je zgolj takšno dejanje, ki je opredeljeno kot pravno, sposobno ustvarjati pravo. Prav pristoj-nostna norma je ključni element, ki vedenje določenega posameznika naredi za vir prava, ustvarjanje prava pa za tuzemsko človeško dejavnost. Tukaj leži odločilni prispevek skandinavskega realizma k analizi pravnih pojavov. Zaradi tega je za Rossa to vprašanje osrednje. Pomembno je torej, da razumemo, kako ta avtor dojema zmožnost ustvarjanja norm, kako jih umesti v svojo pojasnjevalno shemo pravnega sveta, kako se pojem norme o pristojnosti vključi v splo-šnejši pojem norme ter kakšno mesto ta pojem zavzame v njegovem pogledu na ontologijo prava in epistemologijo pravnih znanosti. Pomembnost tega vprašanja je Alfa Rossa, z notranjega vidika njegove pravne teorije, napeljalo k posebej izvirnemu razmišljanju.28 Več let pred objavo Hartovega The Concept of Law, kjer najdemo še posebej dobro argumentirano razliko med »primarnimi pravili« in »sekundarnami pravili«,29 pred uvedbo pojma dopustitvenih norm, ki ga je ponudil Georg H. von Wright,30 ter pred Kelsnovo Allgemeine Theorie der Normen, ki predlaga pojmovanje štirih vrst norm - predpisovalnih, dopustitvenih, pooblastitvenih in razveljavitvenih31 - ponuja danski pravnik podroben in sistematičen razmislek o pristojnostnih normah ter predlaga dva načina, kako jih razumeti (1). Oba načina imata z vidika konkretne analize pozitivnega prava tako prednosti kot slabosti. O tej zunanji kritiki Rossove teorije, ki se navezuje na možnost njene uporabe v okviru vsakdanjega dela pravnikov, pa tukaj ne bomo razpravljali.32 Predstavili bomo samo notranjo analizo misli danskega pravnika. Poskušali bomo razumeti, kako se tezi o načinu razumevanja pristojnostnih norm, ki ju Ross postavlja v ospredje, dopolnjujeta in povezujeta z njegovim teoretičnim zaledjem (2). 28 V tem smislu s stališča zgodovine skandinavske pravne misli glej Stromberg (1984: 564); Jensen (1988: 16). 29 Hart (1976: posebno 44-61 in 103-125). Ross je potrdil razlikovanje med primarnimi in sekundarnimi pravili z ene strani ter med normami ravnanja in kompetenčnimi normami z druge strani (2004: 184). 30 Von Wright (1963: posebno 71, 85-92 in 192-194). 31 Kelsen (1965: 57-70; 1996: 1 in 125-150). 32 O tej temi glej Tusseau (2004: 110-117 in 166-181). revija za ustavno teorijo in filozofijo prava PEVIIS (2014) 24 146 VIDIKI SKANDINAVSKEGA REALIZMA 1 ROSSOVA DVOJNA TEORIJA PRISTOJNOSTNIH NORM V pravni literaturi obstajajo različne teze glede norm o pristojnosti.33 Dve izmed njih sta izrecno ponazorjeni v nekaterih Rossovih razmislekih. Prva zanika avtonomijo pojma pristojnostnih norm in predlaga, da se ta zvede na predpisovalne norme (1.1). Nasprotno pa jim druga podeljuje izvirni položaj, ki ga ni mogoče izpeljati iz norm ravnanja (1.2). 1.1 Teza o posrednih predpisih Čeprav Ross jasno pritrjuje tezi, po kateri so pristojnostne norme omejene na posredno izražene predpise (1.1.1), je ta teza v neskladju z nekaterimi razmišljanji, ki jih avtor predstavi drugod (1.1.2). 1.1.1 Redukcionistični pristop k pravnim pojmom Glede na model norm, ki ga je razvil Alf Ross, norme o pristojnosti ne pomenijo nobene izjeme. Zdi se, da so te bolj očitno usmerjene k oblasti kot »norme ravnanja«. Vendar jih Ross obravnava kot predpise, namenjene sodiščem, prav zato, ker jih je mogoče zvesti na norme ravnanja. 34 Po njegovem mnenju, izraženem v On Law and Justice, lahko pravne norme na podlagi njihove vsebine razdelimo v dve skupini: norme ravnanja in pristojnostne ali postopkovne norme. Prva skupina obsega norme, ki predpisujejo določeno vedenje /.../. Druga pa obsega tiste norme, ki ustvarjajo pristojnost (moč, oblast). Te pomenijo usmeritve, da naj norme, ustvarjene v skladu s predvidenim postopkom, obravnavamo kot norme ravnanja. Pristojnostna norma je torej norma ravnanja, ki je izražena na posredni način /.../. Predpisuje določeno ravnanje v skladu s tem, kar predpisujejo druge norme ravnanja, ki se porajajo skozi zakonodajo.35 Navidezna dvojna narava pravnih norm je torej takoj preoblikovana v enotnost. Ross na enak način nadaljuje v neki drugi knjigi, kjer pravi, da vsak pravni sistem /.../ vsebuje ne le norme ravnanja, ki predpisujejo določeno obnašanje, ampak tudi norme o pristojnosti, ki določajo, kako se lahko z izvrševanjem pravnih dejanj ustvarijo nove veljavne in zavezujoče norme. Pristojnostne norme je mogoče logično zvesti na norme ravnanja na naslednji način: pristojnostne norme nas zavezujejo k delovanju v skladu z normami ravnanja, ustvarjenimi po postopku, ki ga pristojnostne norme predvidevajo.36 33 Za popolno obravnavo glej Tusseau (2004: 63-296). 34 Ross (1958a: 33). 35 Ross (1958a: 32). 36 Ross (1968: 118). PEVUS revija za ustavno teorijo in filozofijo prava (2014) 24 Teorija pristojnostnih norm Alfa Rossa 147 Če upoštevamo, da je vsaka norma naslovljena na sodnika, potem pristojno-stna norma predpisuje sodišču, da to lahko naloži uporabo prisile le v skladu z normami, ustvarjenimi po tistem postopku, ki ga same določajo. Rossu njegova empirična teorija pravnih norm omogoča izvirno analizo. Teza o posrednih predpisih, ki jo je prvi tako jasno oblikoval, je bila dejansko zelo uspešna.37 Vseeno pa se njegovo zvajanje norm o pristojnosti na posredne predpise ne sklada z nekaterimi drugimi vidiki njegovega razmišljanja. 1.1.2 Dvoumnosti v redukcionizmu Alfa Rossa V Rossovi teoriji norm se pojavi pet različnih vrst težav. Prvič, v skladu z empiristično metodologijo Ross meni, da morajo biti trditve pravne znanosti preverjene. Preverjanje resničnosti trditve, da je neka norma o pristojnosti veljavna, zajema preučitev verjetnosti, da bodo sodišča uporabljala norme ravnanja, ustvarjene v okviru te pristojnosti.38 Tak postopek preverjanja se lahko izvaja pod dvema predpostavkama. Bodisi ima kršitev neke norme o pristojnosti za posledico razveljavitev, tako da sodišča ne smejo uporabljati norm, ki niso bile ustvarjene v skladu s normo o pristojnosti. Bodisi nekogaršnja kršitev neke norme o pristojnosti vodi k njegovi odgovornosti pred sodiščem. Ross ugotavlja, da če pristojnostna norma ne predpisuje nobene od teh posledic, potem jo je nemogoče razumeti kot posredno izraženo normo ravnanja. To se lahko zgodi pri nekaterih ustavnih pravilih.39 Ross navaja primer norme, ki za sprejem nekega zakona zahteva tri branja. Pravi, da ta norma po njegovi teoriji ni »veljavna«. Gre za nepopolno pravilo, ki ne daje sodiščem nobene usmeritve v zvezi z uporabo prisile. Del prava je zgolj zaradi svoje moralne ali ideološke vrednosti.40 To razmišljanje pa se zdi v neskladju z drugimi Rossovimi tezami. Na prvi pogled je ustavno pravo vsekakor pravo v smislu ideologije, ki ima v duhu pravnikov in sodnikov določen vpliv.41 Poleg tega Ross poudari, da zanikanje pojmovanja ustavnega prava kot »prava« nasprotuje večinskemu stališču.42 S tem ko zavrne ta zaključek, pa dozdevno priznava določeno obliko pravne tvorbe, katere narava ni podrobneje oprede- 37 Glej npr. Kelsen (1996: 348-349); Ziembinski (1970: 24-29; 1988: 164, 165, 167-168 in 171179); Raz (1980: 21-23 in 166); MacCormick (1992: 68; 1998: 503-504 in 506); Bobbio (1998: 129); Nino (1985: 86-87; 1986: 44 in 48); de Bechillon (1997: 179-180). 38 Ross (1958a: 51). 39 Ross (1958a: 51). 40 Ross (1958a: 51). 41 Ross (1968: 90). 42 Ross (1958a: 53). revija za ustavno teorijo in filozofijo prava PEVIIS (2014) 24 148 VIDIKI SKANDINAVSKEGA REALIZMA ljena, ki pa vendar ni ne norma ravnanja ne pristojnostna norma. S tem Ross omeji domet svoje redukcionistične teze. Drugič, glede na nujno vez, ki jo vzpostavi med pravom in prisilo,43 danski pravnik meni, da norme kot celota zadevajo uporabo prisile.44 Nasprotuje ideji, da je pravo skupek pravil, kjer bi se vsako pravilo opiralo na prisilo. Če bi sprejeli to tezo, bi to, prvič, pomenilo, da vsaka norma temelji na neki drugi normi, ki kaznuje kršitev prve, ta pa bi bila povezana tudi s tretjo, kar bi seveda vodilo v neskončno regresijo (lat. regressus ad infinitum). Ross, drugič, meni, da bi sprejetje drugačnega pogleda pomenilo izključitev pristojnostnih norm, ki niso podprte s prisilo, iz pravnega sistema. Ta, zadnji argument pa je v neskladju z njegovo teorijo norm iz dveh razlogov. Najprej predpostavlja, da pristojnostnih norm ni mogoče zvesti na norme ravnanja, s čimer nasprotuje redukcionistični tezi. Poleg tega pa ponuja način za ohranitev ustavnega prava, katerega pravni status je včasih vprašljiv, v polju pravnega. Četudi namreč predpostavimo, da ustavno pravo ni skupek norm, katerih kršitev predvideva sankcijo, je po drugi strani povsem sprejemljivo trditi, da se to vendarle nanaša na uporabo prisile. V Directives and Norms Ross pride do prav takšnega zaključka.45 Tretjič, Ross opozarja tudi na dejstvo, da ima njegov pojem prava dve značilnosti. Po eni strani je pravo pojmovano kot skupek pravil o uporabi moči. Po drugi strani pa pravo ni sestavljeno le iz norm ravnanja, ampak tudi iz norm o pristojnosti.46 Zakaj bi bilo sploh treba vztrajati pri razlikovanju, če so pristoj-nostne norme le posredni predpisi? In predvsem, zakaj bi obstoj pristojnostnih norm pomenil eno izmed značilnosti pojma prava? Redukcionistična teza je s to opredelitvijo v nasprotju. Četrtič, po mnenju Rossa pristojnostna norma določa postopek za nastanek pravnih usmeritev. Pristojnostna norma sama po sebi še ni usmeritev. Omenjenega postopka ne predpisuje kot obveznega. Gre za drugačen model delovanja kot pri normah ravnanja, saj nakaže samo model, ki mu je treba slediti, da bi ustvarili veljavne usmeritve. Pristojnostna norma sama po sebi ne določa, da je pooblaščena oseba dolžna izvajati svojo pristojnost. Zato sodišča ne morejo neposredno 'uporabiti' pristojnostnih norm. Neposredno lahko uporabljajo le norme ravnanja. Pristojnostne norme lahko v nekem sodnem postopku pridobijo le posreden pomen kot predpostavke pri vprašanju, ali neka veljavna norma ravnanja obstaja ali ne.47 Toda če bi bile pristojnostne norme zgolj posredno izražene norme ravnanja, kot Ross med drugim trdi, potem ne bi bilo nikakršne ovire za njihovo 43 Ross (1946: 111-112). 44 Ross (1958a: 52-53). Enako prim. Ross (1968: 89-90). 45 Ross (1968: 90). 46 Ross (1958a: 59). 47 Ross (1958a: 207). Enako Ross (1946: 111). PEVUS revija za ustavno teorijo in filozofijo prava (2014) 24 Teorija pristojnostnih norm Alfa Rossa 149 uporabo s strani sodišč. Povsem mogoče bi bilo, da bi sodišče nepristojnostno normo neposredno upoštevalo s tem, da ne bi uporabilo neke norme, ustvarjene s kršitvijo tega, kar narekuje norma o pristojnosti, ali pa s tem, da bi sprožilo odgovornost avtorja napačno ustvarjene norme. Vendar danski pravnik takega sklepa ne naredi. Petič, Ross v zgornjem odlomku nakaže, da pristojnostne norme usmerjajo ravnanje na drugačen način kot predpisovalne norme. Kljub logični možnosti zvedbe norm o pristojnosti na predpisovalne norme bi skrbna analiza načina, na katerega pravo vpliva na ravnanje, lahko nasprotno vodila v jasno razlikovanje med njima.48 Posledično se zdi, da ima Ross bogatejši pogled na norme, kot se to kaže na prvi pogled. Nekatera razmišljanja, ki so pogosto nenatančna in nedoločno izražena, ga za ceno več nasprotij vodijo k priznanju, da norm o pristojnosti ni mogoče zvesti na norme ravnanja. Kljub izrecnemu sprejetju redukcionistične teze Ross dokazuje, da se je treba zateči k drugim pojmom, da bi razumeli pravne pojave, ki obsegajo pojem pristojnosti. 1.2 Teza konstitutivnih pravil Kljub svojim redukcionističnim trditvam danski pravnik na različnih mestih priznava obstoj dveh povsem različnih vrst pravil (1.2.1). Norme o pristojnosti tako pridobijo lasten in izviren položaj (1.2.2). 1.2.1 Razlikovanje med urejevalnimi in konstitutivnimi pravili Razlikovanje med urejevalnimi in konstitutivnimi pravili je povezano s Searlovo filozofijo jezika.49 John R. Searle meni, da [p]rvič, govoriti jezik pomeni izvrševati govorna dejanja, kot so postavljati trditve, dajati ukaze, postavljati vprašanja, obljubljati in tako naprej, in na bolj abstraktni ravni dejanja, kot sta sklicevati se, napovedovati; drugič, ta dejanja so na splošno mogoča zaradi nekaterih pravil, ki urejajo uporabo jezikovnih prvin in v skladu s katerimi se dejanja izvršujejo.50 Struktura in učinki vsakega govornega dejanja so funkcija konvencij, ki ga urejajo. Zato je Searle tej temi posvetil pomembno raziskavo. Pravila je razločil na tista, ki jim pravimo urejevalna, in druga, ki jim pravimo konstitutivna.51 48 Glej v tem smislu posebno Hart (1993: 136); Raz (1980: 159-171 in 228-229); MacCormick (1998: 493-506); Atienza in Ruiz Manero (1998: 66-71, 108, 139-140 in 169-170). 49 Glej posebno Searle (1964: 55-56; 1965: 223-224; 1972: 72-82 in 91-94). 50 Searle (1964: 52). Glej tudi Searle (1964: 48, 53 in 59). 51 Searle (1964: 55; 1965: 223-224; 1972: 72). Odsek je bil uporabljen v skladu s splošno znano rabo, z namenom oddaljiti se od francoskega prevoda, ki uporablja izraz »normativno pravilo« namesto »urejevalno pravilo«. revija za ustavno teorijo in filozofijo prava PEVIIS (2014) 24 150 VIDIKI SKANDINAVSKEGA REALIZMA Glede na prvi kriterij razlikovanja urejevalna pravila vodijo ravnanja, ki obstajajo neodvisno od njih. Nasprotno pa konstitutivna pravila določajo nove oblike ravnanja.52 Tako se pravila neke igre ne omejujejo na urejanje poteka igre, ampak »ustvarjajo možnost igranja«.53 Iz tega sledita dve posledici. Ne glede na obstoj ali neobstoj urejevalnega pravila je kot prvo mogoče povsem enako opisati ravnanje, ki ga pravilo ureja. Tako lahko dejanje umivanja zob opišemo na enak način, ne glede na to, ali obstaja pravilo, ki zavezuje k umivanju zob ali ne. Nasprotno pa se lahko neka dejavnost, ki je urejena s konstitutivnim pravilom, kot na primer nogometna tekma, opiše na načine, ki ne bi bili mogoči, če to pravilo ne bi obstajalo.54 Ta dejavnost se tako izkaže kot ne le »golo dejstvo«, ampak kot »institucionalno dejstvo«.55 Nadalje, »konstitutivna pravila ne določajo vseh sankcij [za njihove kršitve]. /.../ Pravzaprav ni jasno, kako bi sploh lahko kršili pravilo, ki določa šah in mat pri šahu.«56 Glede na drug kriterij razlikovanja, se [urejevalna] pravila običajno pojavljajo v obliki imperativov ali pa so lahko para-frazirana v to obliko /.../. Nekatera konstitutivna pravila pa prevzamejo popolnoma drugačno obliko, na primer: 'kralj je v šahmatu, ko je napaden na način, ki mu ne dopušča niti obrambe niti bega'.57 Searle poudarja, da so ta pravila skoraj tavtološka, saj se zdi, da je to, kar 'pravilo' doprinese, le del opredelitve 'šahmata' /.../. Možnost, da takšne trditve razlagamo kot analitične trditve, je znak, ki dopušča, da zadevno pravilo obravnavamo kot konstitutivno pravilo.58 Značilna oblika urejevalnega pravila je »stori X« ali »če Y, potem stori X«. Konstitutivno pravilo pa ima vzorec »X je enak kot Y« ali »X je enak kot Y v situaciji S«.59 Po Searlovem mnenju govoriti neki jezik ni nič drugega kot podrediti se skupku konstitutivnih pravil.60 Neodvisno od Searla pride Ross očitno61 do podobne ugotovitve ter urejevalna pravila postavi nasproti konstitutivnim. Med pravili in človekovimi dejavnostmi, na katerih temeljijo ta pravila, razlikuje dve vrsti odnosov.62 52 Searle (1972: 73; 1964: 55; 1965: 224). 53 Searle (1972: 72). 54 Searle (1972: 74-75; 1964: 52-53). 55 Searle (1964: 52-55; 1972: 77 in 91-93). 56 Searle (1972: 81). 57 Searle (1972: 73). 58 Searle (1972: 73-74; 1965: 224). 59 Searle (1972: 74; 1965: 224). 60 Searle (1972: 76; 1965: 225). 61 Glej Ross (1968: 53, op. 1), ki navaja, da je napisal ta odlomek pred objavo Searlovih del. 62 Ross (1968: 53-57). PEVUS revija za ustavno teorijo in filozofijo prava (2014) 24 Teorija pristojnostnih norm Alfa Rossa 151 »Naravne dejavnosti«63 so logično neodvisne od pravil, ki jih urejajo. Tako je mogoče parkirati vozilo ne glede na obstoj ali neobstoj pravne norme. Druge dejavnosti, kot na primer igra šaha, pa zahtevajo, da dejanja izvajamo po pravilih. Neodvisno od pravil nima premik kosa lesa na dvobarvni deski nobenega posebnega pomena. V njem je nemogoče videti »potezo« neke »igre«, razen če na to pogledamo v luči nekih pravil. Šahovska pravila opredeljujejo igro kot institucijo in podajajo logično potrebne pogoje za izvajanje potez. Potezam dajejo poseben pomen in različne poteze povežejo v celoto. Na ta način je mogoče urejevalna pravila postaviti nasproti konstitutivnim. V obsegu, v katerem določajo igro, pravila šaha ne morejo biti kršena. Nespoštovanje teh pravil ne pomeni kršitve v pravem pomenu besede, ampak preprosto pomeni, da ne igraš več šaha.64 Poleg tega se, drugače kot zapovedi, teh pravil ne spoštuje zaradi strahu pred sankcijami. V pravu obstajajo številna konstitutivna pravila. Izdajati zakone ali napisati oporoko ni naravno dejanje, ampak dejanje, določeno s pravili.65 Ravno njegov pojem konstitutivnega pravila danskemu pravniku omogoča, da ponudi nov pogled na norme o pristojnosti. 1.2.2 Pristojnostne norme kot konstitutivna pravila Večina pravnih norm nastane kot posledica človeških dejanj. Toda neko naravno dejanje še ne zadostuje za nastanek norme. Človeška dejanja se morajo izvršiti kot posledica upoštevanja pravil, ki jih »konstituirajo«, prav tako kot šahovska pravila »konstituirajo« šahovsko igro.66 Ta pravila, ki jih imenujemo pristojnostna pravila, pomenijo nujne in zadostne pogoje za veljavnost normo-dajnih dejanj.67 Vsaka pristojnostna norma opredeljuje neko pravno dejanje, z drugimi besedami, podaja pogoje za ustvarjanje veljavnega prava. Te pogoje lahko razdelimo na tri skupine, ki določajo (1) organ, pristojen za izvršitev pravnega dejanja (osebna pristojnost), (2) postopek (formalna pristojnost) in (3) možno vsebino pravnega dejanja (materialna pristojnost).68 Danski pravnik razlaga, da pristojnostna norma vzpostavlja (angl. constitutes) oblast, opredeljeno z vsoto vseh nujnih in zadostnih pogojev za ustvarjanje pravnih pravil. V tem smislu lahko prav 63 Ross (1968: 53). 64 Ross (1968: 54). 65 Ross (1968: 56, 136). 66 Ross (1968: 130-131). 67 Ross (1958a: 79; 1968: 96; 1972: 209). 68 Ross (1958a: 204). Enako Ross (1968: 96 & 130; 2004: 205 & 170; 1972: 210). revija za ustavno teorijo in filozofijo prava PEVIIS (2014) 24 152 VIDIKI SKANDINAVSKEGA REALIZMA tako trdimo, da oblast pooseblja celoten postopek ustvarjanja prava, opredeljen s pravili, ki zadevajo pogoje, nanašajoče se na avtorja, postopek in vsebino.69 S tega vidika je mogoče reči, da pristojnostne norme ustrezajo pojmu konstitutivnih norm. Zdi se, da včasih ustvarjajo pristojnost samo po sebi,70 včasih vrsto norme ali pravnega dejanja, ki je posledica izvrševanja pristojnosti,71 včasih nove oblike dejavnosti72 in včasih oblastne organe.73 Včasih postavljajo pogoje, v katerih ima neka razglasitev moč prava ali v katerih se ustvari nova norma.74 Vendar Ross meni, da so te prvine nujno povezane.75 Najjasnejši izraz tega predloga najdemo v Directives and Norms. Ross piše, da je pristojnost pravno vzpostavljena sposobnost ustvarjati pravne norme (ali pravne učinke) s pomočjo in v skladu z izjavljanji, ki imajo ta namen /.../. Norma, ki določi to sposobnost, se imenuje pristojnostna norma. /./ Pristojnostne norme so, kot pravila igre, konstitutivne.76 Na ta način lahko razložimo misel, da pristojnostne norme niso usmeritve v njihovem pravem pomenu besede, kot so to predpisovalne norme. Če opredeljujejo načine ustvarjanja novih norm, je »rezultat poskusa neke uzakonitve, ki ne zadostuje tem pogojem, neveljavnost ali ničnost«.77 Zaradi tega pristojnostna pravila strogo rečeno in drugače od pravil, ki pod grožnjo sankcije zapovedujejo ali prepovedujejo neko naravno dejanje, ne morejo biti kršena.78 Ker pristojnostna norma vsebuje pogoje za ustvarjanje norm, bi bilo tavtologija pritrditi, da poskus izvrševanja te pristojnosti ultra vires (tj. zunaj njenih meja) ne vodi v nastanek pravne norme. Isto povemo, če rečemo, da je poskušano pravno dejanje neveljavno ali pa da je neveljavnost posledica nepodrejanja normi o pristojnosti.79 Tako kot Searle tudi Ross torej zatrjuje, da imajo pristojnostne norme naravo konstitutivnih pravil. Besedilne podlage v podporo misli, da Ross zagovarja tezo, po kateri morajo biti pristojnostne norme razumljene kot posredno izražena pravila, so torej prav tako številne in prav tako prepričljive kot tiste, ki jamčijo za sprejetje teze, po kateri pristojnostnih norm, ki spadajo med konstitutivna pravila, ni mogoče 69 Ross (2004: 206). 70 Ross (1958a: 32; 1968: 96). 71 Ross (1958a: 76 & 204; 1968: 56). 72 Ross (1968: 131). 73 Ross (1958a: 80-81; 2004: 206). 74 Ross (1958a: 79, 81; 1968: 96, 130-131). 75 Glej npr. Ross (1929: 357 & 360; 1958a: 204; 2004: 226). 76 Ross (1968: 130-131). 77 Ross (1968: 96). Glej tudi Ross (1968: 131; 1972: 210). 78 Ross (1929: 302-303; 1968: 54). 79 Ross (1929: 131). revus (2014) 24 revija za ustavno teorijo in filozofijo prava Teorija pristojnostnih norm Alfa Rossa 153 zvesti na norme ravnanja. Prisotnost teh dveh tez, ki sta si po naravi nasprotni, zahteva poglobljeno proučitev notranje skladnosti Rossovega predloga. 2 negotovosti rossove teorije pristojnostnih norm Rossova dvojna teorija pristojnostnih norm nas vabi, da se, onkraj opisane problematike, osredotočimo na celotno strukturo misli danskega pravnika. Z vidika notranje kritike se mora raziskava opraviti na dveh ravneh. Najprej je treba razumeti, kako se tezi o pristojnostnih normah povezujeta druga z drugo (2.1). Veliko bolj temeljno pa je vprašanje umestitve Rossovih razmišljanj na to temo v njegov projekt oblikovanja realistične pravne znanosti (2.2). 2.1 sprava tez o pristojnostnih normah Obstoj dveh tez o tem, kako bi bilo treba pojmovati norme o pristojnosti, je mogoče razložiti na različne načine. Pomanjkljivosti obstoječih poskusov razlag (2.1.1) zahtevajo predlog drugačne razčlembe (2.1.2). 2.1.1 Obstoječi poskusi razlag Po prevladujočem dojemanju je danski pravnik pristojnostne norme najprej razumel kot posredne predpise, kakor priča On Law and Justice. Zatem je v Directives and Norms ta pristop opustil. Razumel je, da so pristojnostne norme konstitutivna pravila.80 Oblikovati je mogoče dve vrsti kritik takšnega dojemanja. Kot prvo, Ross v knjigi iz leta 1968 ni zanikal teorije o posrednih predpisih. Več izsekov je ohranil skoraj enakih kot v knjigi On Law and Justice. Poleg tega v slednji, ki je v danščini izšla leta 1953, večkrat omenja, da so pristojnostne norme konstitutivna pravila. Zaradi tega hipoteza o spremembi njegovega razmišljanja ne drži. 81 Kot drugo pa je mogoče zmanjšati vpliv, ki naj bi jo v razmišljanju danskega pravnika imeli ena ali druga hipoteza. Tako meni Gaetano Carcaterra. Po njegovem je teza konstitutivnih pravil nepomembna. Alfu Rossu se na pravnem področju s svojimi 'konstitutivnimi pravili' ni uspelo uveljaviti. /.../ Izoblikoval je osnovna načela teorije, ki je zasnovala normativna dejanja in norme v smislu performativov in konstitutivnih pravil. Ampak ta osnovna načela so ostala brez posledic, saj se zdijo njegova razmišljanja v Directives and Norms zgolj 80 Glej npr. Bulygin (1991: 491), Gascón (1997: 141-142), González Lagier (1995: 378-379), Mendonca (1992: 148). 81 Enako Ferrer Beltrán (1996: 547; 2000: 86, 94). revija za ustavno teorijo in filozofijo prava PEVIIS (2014) 24 154 VIDIKI SKANDINAVSKEGA REALIZMA postranske narave. V nadaljevanju knjige niso uporabljena, saj se Ross spopada s problemom pravne norme kot predpisa in ga rešuje.82 Takšno dojemanje ne upošteva ponavljajočih se trditev in podrobnih argumentov, ki jih ponuja Ross. Še več, s tem ko izključi eno izmed strani problema, s katerim se je treba spoprijeti, zanemari težavo razlage, ki vodi Rossova razmišljanja. Zaradi tega tudi ne daje razlage za hkratno prisotnost obeh tez. Le Jordi Ferrer Beltran si je resnično prizadeval uskladiti obe tezi z dobrohotno rekonstrukcijo Rossovega razmišljanja.83 Pri tem je ponudil dve možnosti. Prva možnost za uskladitev Rossovih pisanj je v predpostavki, da se kategoriji konstitutivnih pravil in urejevalnih pravil ne izključujeta. Zato je lahko norma o pristojnosti hkrati posreden predpis in konstitutivno pravilo. Toda po mnenju Ferrerja Beltrana Ross preveč jasno zoperstavlja urejevalna in konstitutivna pravila, da bi lahko ta hipoteza vzdržala. Zato predlaga, da bi se Rossova misel, po kateri so pristojnostne norme posredno izražene norme ravnanja, razumela na naslednji način. Šlo naj bi za pravila, ki posredno določajo, kaj je treba storiti. Za namen naj bi imele identifikacijo norm ravnanja, ki neposredno določajo obveznosti. »[Z drugimi besedami] naj bi šlo za poskus pripeljati razlago prvega modela pristojnostnih norm k drugemu prikazanemu modelu.«84 Španski pravnik meni, da če pristojnostne norme oblastem ne predpisujejo nobenega ravnanja, potem jih te ne morejo neposredno uporabljati. Te oblasti uporabljajo norme o pristojnosti le posredno, prek uporabe norm, ki so jih izdali na podlagi svojih pristojnosti. Ferrer Beltran sklene, da bi veljalo premisliti o izključitvi teorije Alfa Rossa iz kroga predpisovalnih teorij. Četudi je takšna rekonstrukcija zelo mamljiva, pa je treba dodati več pripomb. Prvič, z metodološkega vidika je zaključek nesorazmeren glede na osnovna načela dokazovanja. Ferrer Beltran pravzaprav podaja dobrohotno rekonstrukcijo Rossovega razmišljanja. Sam poudarja, da so možne tudi drugačne ocene, predvsem tista, ki sklepa na obstoj neskladnosti.85 Zato se nam ne zdi upravičeno, da se na podlagi takšnega dokazovanja utemelji izključitev Rossa iz kroga avtorjev, ki zagovarjajo predpisovalno teorijo pristojnostnih norm. Nadalje se takšen poskus rekonstrukcije opravlja z vednostjo, da se s tem opušča ena izmed dveh Rossovih tez. Ne gre torej za vzpostavitev medsebojne povezanosti med navidezno nezdružljivima kategorijama, ampak za to, da ena prevlada nad drugo. Vsebina rekonstrukcije, ki jo predlaga španski pravnik, pa poziva tudi k zadržkom. Dejansko temelji na sestavini, ki jo je Ferrer Beltran sicer kritiziral. Po eni od možnih razlag Rossove teorije pristojnostnih norm gre te razumeti 82 Carcaterra (1988: 74). 83 Ferrer Beltran (1996: 547-550, 2000: 94-97). 84 Ferrer Beltran (1996: 548, 2000: 95). 85 V tem smislu glej npr. Carcaterra (1988: 80, op. 19). PEVUS revija za ustavno teorijo in filozofijo prava (2014) 24 Teorija pristojnostnih norm Alfa Rossa 155 kot norme, ki predpisujejo sodiščem, da obravnavajo usmeritve, ustvarjene po določenem postopku, za norme ravnanja. Kljub temu se po mnenju Ferrerja Beltrana ta teza »izkaže kot povsem nezadostna, saj je to obravnavanje [strogo gledano] psihološka nagnjenost (imeti neko normo za normo ravnanja)«,86 ki je kot taka opredeljena preveč ohlapno. Edina razlika med tem pogledom, ki ga sam izključuje, in tistim, ki ga sprejema, je dejstvo, da v različici, ki jo kritizira, pristojnostne norme predpisujejo neko identifikacijo, medtem ko pri rekonstrukciji identificirajo same sebe. Morebitna razlika je zelo šibka, tako da bi se morala tudi začetna kritika Ferrerja Beltrana obrniti proti njegovi lastni rekonstrukciji. Ferrer Beltran meni, da je v smislu rekonstrukcije, skladne z Rossovim razmišljanjem, bolj zadovoljujoč argument, po katerem bi pristojnostne norme predpisovale obravnavo nekaterih elementov - ki jih same konstituirajo - kot norme ravnanja. Toda kljub razlikam, ki jih med urejevalnimi in konstitutivnimi pravili dela danski pravnik, se Ferrer Beltran vrača k mnenju, da so pristoj-nostne norme hkrati urejevalna in konstitutivna pravila. Po vsem povedanem se zdi, da je zelo težko podati neko skladno rekonstrukcijo Rossove teorije pristojnostnih norm, ki bi zajemala njegove različne trditve. Hipoteza o protislovju se zato zdi trdnejša. Kljub temu pa je mogoče ponuditi drugačno razlago njegovih razmišljanj. 2.1.2 Predlagana hipoteza Dejstvo, da Ross na tako podroben način brani dve tako močni tezi, še ne dovoljuje, da bi eno raztegnili na račun druge. Uskladiti ju se zdi težko, vse dokler menimo, da je njuna naloga obravnavati isti predmet z enakimi znanstvenimi cilji. Njuno skladnost pa je mogoče utemeljiti na trditvi, da sta tezi postavljeni vsaka na svoji ravni diskurza. S tem ima vsaka od njiju svoj pomen, čeprav v omejenem okviru. Teorija neposrednih obveznosti se nahaja na ravni pojmovne ekonomije. Ta dovoljuje, če že ne izgradnje logike norm,87 vsaj razgradnjo pravnega jezika na nekaj pojmov, ki so po Hohfeldu temeljnega pomena iz treh razlogov. So vse-obsežni, saj lahko z njimi izrazimo kateri koli pravni položaj. Poleg tega so tudi zadostni, saj lahko z njimi samimi izrazimo vse pravne položaje. Končno pa so tudi osnovni, saj jih ni mogoče zvesti na enostavnejše dele.88 Ta pojmovni aparat je sestavljen iz osmih pojmov: obveznost, zahtevek, dopustnost in odsotnost zahtevka na eni strani ter podrejenost, pristojnost, nedotakljivost in nepristojnost na drugi strani. Ti omogočajo razumevanje in razčlenitev vseh pravnih položajev. Na koncu se združijo na način, ki je drugačen od Hohfeldovega, v 86 Ferrer Beltran (2000: 88). 87 Posebej na to temo glej Ross (2004: 39-59; 1968). 88 Halpin (1985: 436). revija za ustavno teorijo in filozofijo prava PEVIIS (2014) 24 156 VIDIKI SKANDINAVSKEGA REALIZMA en sam pojem obveznosti ali predpisovalne norme.89 Ta pristop naj bi torej pripomogel k analitični redukciji pravnega jezika.90 Ponuja nam vodilo, da bi na usklajen in strog način razumeli vse pravne izjave in jih pretvorili eno v drugo, dokler jih ne bi zvedli na osnovo, ki se sklada z najbolj temeljnima pravnima pojmoma: obveznostjo in prisilo.91 Prav tako zagotavlja tudi zmanjšanje števila metafizičnih enot, ki prežemajo trenutno pravniško vesolje. Zmožnost predstaviti celotno pravo na enoten, preprost in neposreden način, omogoča realistični znanosti opisati svoj predmet brez večjih težav. Teorija konstitutivnih pravil se najbolje umešča v študije, ki k preučevanju pristopajo z vidika pravnih igralcev.92 S tem naj bi bilo mogoče zadostiti pomembnemu vidiku Rossove teorije: tj. da se znotraj discipline preučuje, kako pravo vpliva na naslovnike.93 Ena dejanskih razsežnosti pravnih pravil je ravno izkušnja, ki jo imajo z njimi naslovniki.94 Norme so veljavne, če se jih dejansko upošteva, upošteva pa se jih, če so družbeno dojete kot obvezne.95 V Rossovi teoriji je pravzaprav na neki način norma spoznavna tvorba (teoretični model, razlagalna shema), ki omogoča družbenim vedam, da pojasnijo družbeno učinkovitost /.../ neke usmeritve (praktičnega modela, sheme delovanja /.../), ki jo je mogoče pripisati obstoju nekega konvencio-nalnega reda.96 Pojem konstitutivne norme naj bi tako omogočal tudi, da se na prijazen način racionalizira izkustvo normodajnih dejavnosti znotraj vnaprej določenih shem.97 Gre za to, da se razume »pravo v gibanju«, človeško dejavnost in zlasti čustva, psiho in sklepanja sodnikov, medtem ko ustvarjajo pravo. S tega stališča pristojnostne norme konstituirajo nove možnosti za ravnanje in nove oblike delovanja. Na takšen način je možno opisati razumevanje pristojnostne norme znotraj ideologije sodnikov, ki pravo ustvarjajo ob spoštovanju njenih pogojev, da ne bi ustvarili norme, ki bi bila kasneje preklicana. Te norme so torej posebni modeli ravnanja.98 Če gre za konstitutivna pravila, jih posamezniki uporabljajo sami, ne da bi bila potrebna kakršna koli prisila. Prav kakor je očitno poka- 89 Ross (1958a: 162; 1968: 120). Glej tudi Ross (1947: 26-28, 192). 90 Glede razsežnosti tega »logičnega« razmišljanja Alfa Rossa glej predvsem Champeil-Desplats (2002: 29-41). 91 V tem smislu glej Ross (1968: 116-120). 92 Glede razlike med notranjim in zunanjim pogledom, ki ga je predpostavljal Ross, glej predvsem Hart (1976: 114, 124, 129-136). Glej tudi Rossove pripombe na to temo v Ross (2004: 186-188). Nasprotno se Hart (2000: 47-50) s tem pristopom ne strinja. 93 Glej npr. Ross (1958a: 15). 94 Ross (1958a: 16). 95 Ross (1958a: 18). 96 Savoini (1982: 402-403). Na to temo glej tudi Pattaro (1984: 103-146). 97 Pollastro (1983: 244-247). 98 Ross (1958a: 207). revus (2014) 24 revija za ustavno teorijo in filozofijo prava Teorija pristojnostnih norm Alfa Rossa 157 zal Herbert L. A. Hart,99 te norme pravzaprav same v sebi nosijo »sankcijo« za njihovo kršitev, saj v primeru, da se ne spoštujejo, ne dosežemo predvidene normativne posledice, tako kot pri šahovski igri ne izvedemo zamišljene poteze. Zato ni treba, da bi tem normam dodali poseben prisilni ukrep. Takšne, kot so, ne morejo biti kršene in zgolj volja narediti neko potezo v igri ali ustvariti neko normo - ne pa morebitni strah pred možno sankcijo - vodi igralce k temu, da se jih držijo. Teorija posrednih obveznosti in teorija konstitutivnih norm potemtakem pomenita dve neodvisni bralni shemi za pravne pojave, ki se kažejo pod različnimi zornimi koti, s tem pa omogočajo vseobsežno realistično razumevanje prava. Z upoštevanjem vseh teh razsežnosti Rossovega projekta je torej mogoče uskladiti obe ponujeni tezi o pristojnostnih normah. Kljub temu pa ni nič manj pomembno pojasniti, ali mu njegova teorija pravodajne oblasti dopušča preseči kritike, ki jih namenja prevladujoči pravni misli. 2.2 Uspeh teorije pristojnostnih norm v okviru realističnega projekta Glavna kritika, ki jo Ross nameni običajnim teorijam, se nanaša na to, da morajo na koncu vedno izbrati med dejstvom in normo kot končnim temeljem prava. Takšna izbira jih takoj prisili k prevzemu alternativne rešitve, kar vodi hkrati v začarani krog in neskončno regresijo. Zato bo nujno raziskati, ali se oblika realizma, ki nam jo predlaga danski pravnik in ki se naslanja na njegovo teorijo pristojnostnih norm, resnično izogne temu protislovju. V tem pogledu negotovosti ne manjka, saj se z odmikanjem od tradicionalne doktrine na eni strani ter od njenih radikalnejših oblik (normativizma in ameriškega realizma) na drugi Ross vsaj dozdevno izpostavlja težavam tako enih kot drugih (2.2.1). Toda s težavami se je zmožen spopasti, če se poveže z izviri svojega teoretičnega projekta (2.2.2). 2.2.1 Negotovosti srednje poti med normativizmom in ameriškim realizmom Problem, na katerega naleti Rossov realizem, je posebej močno nakazan v njegovem članku On Self-Reference and a Puzzle in Constitutional Law.100 Pristojnostna norma, ki je namenjena odpravi protislovja v pravni misli, je sama lahko plod delovanja določene oblasti. Da bi se to zgodilo, mora dotična 99 Hart (1976: 44-61, 92-94, 290; 1993: 131-133). Glej tudi Alchourron & Bulygin (1991: 439463); Bulygin 1991. 100 Ross 1969 in (2004: 205-226). revija za ustavno teorijo in filozofijo prava PEVIIS (2014) 24 158 VIDIKI SKANDINAVSKEGA REALIZMA oblast uporabiti pristojnostno normo, ki jo je ustvarila neka druga oblast. V tem pa se že nakazuje neskončna regresija: Ker število organov ne more biti neskončno, mora obstajati neki organ, višji od vseh ostalih, katerega pristojnost ne izhaja iz nobenega drugega.101 Možni sta dve rešitvi: ali najvišjo pristojnostno normo, ki je namenjena najvišjemu organu, izda ta organ sam ali pa veljavnost te norme ne izhaja iz nobene druge norme, zato pomeni neko izvorno dejstvo ali predpostavko za veljavnost drugih norm v sistemu.102 Ti rešitvi sta za Alfa Rossa nesprejemljivi. Zato Ross v omenjenem besedilu zapiše, da norma, ki določa najvišjo oblast, ni temeljna norma sistema. To je norma, katere obstoj se predpostavlja in ki podeljuje pristojnost najvišjemu organu. Ta vrnitev h Kelsnu - medtem ko se je Kelsen sam razšel s svojo prvotno teorijo in menil, da temeljna norma ni nič drugega kot fik-cija -103 preseneča. Vodi namreč k temu, da se prednost daje »veljavnosti« pravnih pojavov, s tem pa izpostavlja Alfa Rossa njegovi lastni kritiki normativizma. Ross prav tako zavrne neko drugo rešitev, ki jo je pred tem zagovarjal. V On Law and Justice je dejansko zapisal: Prejšnja shema je pokazala, da je bila neka določena oblast najvišja in da norm, ki so vzpostavljale to oblast, zato ni mogla ustvariti neka druga oblast, ampak so obstajale kot splošno sprejeto dejstvo. To pomeni, da ne obstaja neka najvišja norma, ki določa pogoje svojega veljavnega nastanka uzakonitev in sprememb.104 Izvor oblasti najvišjih organov naj bi bil zato v neki ideologiji, ki jo družba deli. Karl Olivecrona, še en veliki učenec Axla Hagerstroma, goreče zagovarja to tezo.105 Meni, da je izvor prava v splošno razširjenem nagnjenju k spoštovanju ustave. Igralci, ki jih ustava vzpostavlja, lahko vplivajo na zapleteni psihološki mehanizem. Če zapovedo določena ravnanja na določeni način, potem bo večina državljanov te modele obnašanja sprejela kot objektivno veljavne in se jim bo prilagodila. Takšno splošno nagnjenje k spoštovanju ustave deluje kot neizmeren vir oblasti, ki ga lahko uporabijo pravni igralci. Ohranja se le, če se v tem odnosu vzajemnega vzročnega vplivanja ustava dejansko spoštuje in če se oblast izvršuje v skladu z njenimi pravilu.106 Ross je leta 1969 to rešitev izrecno zavračal.107 Takšno omahovanje v skandinavskem realizmu priča o zadregi glede vprašanja obstoja oblasti z močjo ustvariti najvišjo normo v sistemu - kar pa 101 Ross 2004: 206. 102 Ross 2004: 207. 103 Kelsen 1964: 583-586; 1996: 339-346. 104 Ross (1958a: 81). Tudi Ross (1958a: 80-83; 1929: 359-364). 105 Olivecrona (1939: 50-74; 1971: 86-114). Glej prispevek Carle Faralli (2014) v tej številki. Nedavno je bilo to sklepanje ponovno sprejeto v enem bolj podrobnih poskusov obrazložitve pojma normativne moči: Ruiter (1993: 205; 1998: 486). 106 Olivecrona (1939: 50-61). 107 Ross (2004: 210). PEVUS revija za ustavno teorijo in filozofijo prava (2014) 24 Teorija pristojnostnih norm Alfa Rossa 159 ni nič drugega kot vprašanje prednosti bodisi dejanskih bodisi veljavnih prvin pravnih pojavov. Tej prvi težavi sledi druga. Veljavnost prava se ugotavlja s preučevanjem vedenja sodnikov. Toda sodniki so opredeljeni zgolj pravno. Preučevanje njihovega vedenja, da bi se ugotovila veljavnost prava, predpostavlja, da je pravo veljavno in dovoljuje prepoznavo sodnikov, kar Rossa izpostavlja njegovi lastni kritiki ameriškega realizma.108 Težave se je zavedal, zato se je v On Law and Justice poskušal temu začaranemu krogu izogniti. Tako je zanikal obstoj nekakšne Arhimedove točke, v kateri naj bi se razmislek začel.109 Po njegovem mnenju je pravni sistem združena celota, katere vplivnost se preizkuša na splošno. Zato naj bi bilo nemogoče preveriti veljavnost enega delca prava, ne da bi preverili tudi druge. Veljavnost se torej pripisuje sistemu kot splošni razlagalni shemi, ki omogoča hkratno razumevanje delovanja sodnikov in dejstva, da nastopajo v tej vlogi. Ta teorija je težko razumljiva in vzbuja različne komentarje. Ota Weinberger vidi v tem problem, ki ga razreši z razumevanjem, da je veljavnost sistema nekaj strogo sociološkega in sloni na njegovi učinkovitosti, medtem ko naj bi veljavnost posamičnih norm, ki sestavljajo sistem, ocenjevali glede na način njenega nastanka.110 Drugi avtorji pa menijo, da je možno problem kljub trditvam Alfa Rossa rešiti v okviru njegove teorije. Enrico Pattaro111 meni, da se lahko v uporabi norm, ki se nanašajo na državljane, obnašanje sodnikov razume kot Arhimedova točka, tj. kot prvi trenutek preverbe trditev o veljavnosti najprej teh norm samih, nato pa tudi norm, ki so vzpostavila sodišča. Arhimedovo točko preverjanja trditev o veljavnosti pravnih norm sestavljajo norme, ki v določenih pogojih sodnikom zapovedujejo uporabo sankcij. Če so te norme veljavne, potem so veljavne tudi norme, naslovljene na posameznike, nadalje pa tudi pristojnostne norme, ki spremljajo predpise, naslovljene na sodnike. Veljavnost pristojnostnih norm se preverja skupaj z veljavnostjo norm ravnanja, ki so ustvarjene v skladu s tem, kar prve določajo. Vseeno pa se je mogoče čuditi temu, da se veljavnost pogojev ustvarjanja nekega predmeta preverja z veljavnostjo tega predmeta samega. Še več, zdi se, da misel, da pristojnostne norme spremljajo norme ravnanja, ki so naslovljene na sodnike, ni v skladu z mišljenjem Alfa Rossa. Drugi komentatorji menijo, da se lahko krožnost Rossovega razmišljanja razreši z lahkoto. Rafael Hernández Marín predlaga reformulacijo tega namišljenega problema. Da bi določili pomensko vsebino (ali intenzijo) »danskega prava«, moramo vedeti, kdo je danski sodnik, in da bi vedeli to, moramo po- 108 V tem smislu glej npr. Miedzianagora (1961: 92-121); Videtta (1968: 337, 343-346). 109 Ross (1958a: 36). Tudi Ross (1929: 286, 308-311, 331-333). 110 Glej npr. Weinberger (1991: 104). 111 Pattaro (1990: 386-390). revija za ustavno teorijo in filozofijo prava PEVIIS (2014) 24 160 VIDIKI SKANDINAVSKEGA REALIZMA znati polje nanašanja (ali ekstenzijo) izraza dansko pravo. Gre torej za to, da se pomenska vsebina danskega prava spozna prek polja nanašanja tega izraza. To ne pomeni krožnosti. Še več, takšna metoda je povsem običajna. Tudi ko želimo vedeti, kaj je življenje, torej kaj je pomenska vsebina izraza življenje, moramo vedeti, kdo so človeška bitja in torej poznati polje nanašanja izraza živo bitje.112 Da bi, po teoriji Alfa Rossa, spoznali vsebino danske pravne norme, moramo vedeti, kaj je danski sodnik, in da bi prepoznali danskega sodnika, moramo poznati polje nanašanja izraza »pravna norma, ki postavlja pogoje za to, kdo je danski sodnik«. Te razlagalne težave, ki Alfa Rossa izpostavljajo prav tistim kritikam, ki jih sam namenja pravni misli, se lahko preseže, če se vrnemo k izvirom njegovega projekta. 2.2.2 Vrnitev k skandinavskim virom realistične misli Alfa Rossa Z realističnega zornega kota se razčlemba, ki jo dopuščajo nekateri deli Theorie der Rechtsquellen iz leta 1929 in predvsem Towards a Realistic Jurisprudence, katere danski izvirnik je iz leta 1934, izkaže za obetavno. Temelji na vzročni zvezi med več sestavnimi deli pravnih pojavov. Za takšne zveze je značilno, da nimajo niti začetne niti končne točke.113 Prav zato vsi ti različni elementi - sistem prisile, zainteresirana vedenjska nagnjenja, nezainteresirana vedenjska nagnjenja, odločitve, ki so veljavne le, če jih izdajo nekateri igralci - medsebojno vplivajo drug na drugega.114 Predpostavka o začaranem krogu je zato izključena. V tem okviru niso pristojnostne norme nič drugega kot racionalni način izražanja dovzetnosti naslovnikov norm, da določene stvari priznajo kot pravo.115 Naslovniki so se pripravljeni ravnati v skladu s tem, kar bodo določeni igralci izjavili na neki določeni način. Pojem veljavnosti se torej vpisuje v vzročne zveze. Hipoteza o krožnosti zato postane plodovita. Kot prvo, dopušča razlago, da so igralci na ta način omejeni z normami, ki jih porodijo sami - s čimer se problematično vprašanje, ali je primarno dejstvo ali norma, ne postavlja več. Hipoteza o krožnosti dopušča razumeti mehanizem prava na naslednji način, ki ga je v določenih razmišljanjih predlagal Hagerstrom.116 Vnaprejšnja nagnjenost k spoštovanju ustave deluje kot vir oblasti. Vendar je pristojnostna norma veljavna le, če se učinkovito in redno uporablja. Z namenom vpliva na ravnanja državljanov se morajo vrhovne oblasti ukloniti ustavnim normam o pristojnosti, ki so jim hkrati podrejene in katerim s svojimi dejanji dajejo podrobnejše 112 Hernández Marín (1982: 261-262). 113 Glej Kelsen 1982. 114 Ross (1946: 88-89). 115 Ross (1946: 79-83, 93-95). 116 Predvsem Hagerstrom (1953: 30-35, 44, 250-256). PEVUS revija za ustavno teorijo in filozofijo prava (2014) 24 Teorija pristojnostnih norm Alfa Rossa 161 okvire in veljavnost. Rekoč, da te temeljijo na že prej obstoječi pristojnostni normi, oblastem omogoča, da svojim odločitvam dajo utemeljitev, naslovnike pa spodbuja k ubogljivosti. Zato je mogoče prisostvovati nekakšni samokrepitvi pravnega sistema. Ta dejansko deluje krožno, saj se legitimnost in prisila medsebojno dopolnjujeta in se vzajemno utrjujeta.117 Zato je za pravnika nepogrešljivo, da razume, kako zakonodajalec pojmuje in »udejanja« svoje naloge. Na ta način lahko pristojnostne norme vplivajo na ideologijo ustvarjalcev norm, med njimi pa predvsem sodnikov. Rečemo lahko, da so pristojnostne norme »veljavne«, če so sestavni del sklepanja pravnih igralcev.118 Pravna znanost pa se lahko nasloni na to relativno trdno ideologijo spoštovanja ustave, ki združuje obnašanja različnih pravnih igralcev v neko skladno razlagalno shemo s ciljem, da bi preverila svoje propozicije o pravu na strogo empirični način.119 Kot drugo, ta rekonstrukcija osvetljuje realistično pravno epistemologijo. Riccardo Guastini meni, da Ross ni natančno pojasnil metode, po kateri je mogoče spoznati ideologijo sodnikov.120 Na to lahko odgovorimo, kot sledi. Danski pravnik meni, da [k]adar se pri doktrinarnem proučevanju prava opisujejo določene norme kot veljavno pravo, tedaj se opisuje določena družbena dejanskost, torej določena vsebina normativnih idej, ki so dejansko občutene in učinkovite.121 Pravna znanost mora to množico delujočih predstav razčleniti na lahko dojemljive sestavine in predstaviti na urejen način. Za Rossa to pomeni, da pojave, ki se predstavljajo kot pravni, povežemo v skladno pripoved, utemeljeno na določenih predpostavkah, ki se nanašajo zlasti na ideologijo igralcev. Takšna predstavitev temelji na pojmih, ki omogočajo ureditev in racionalizacijo različnih elementov. Po mnenju danskega pravnika se njena uporabnost meri predvsem z možnostjo, da se napovedo bodoča ravnanja igralcev. Če hipoteze, na katerih temelji, ne omogočajo pojasniti prakse ali ne dopuščajo dovolj zanesljivih napovedi, potem je treba oblikovati nove hipoteze za rekonstrukcijo ideologije igralcev. S tem pravna znanost postaja empirična, oblikuje propozicije o pravu, ki jih je mogoče preizkusiti, in dovoljuje kritiko in preverbo lastnega delovanja.122 Zato lahko zavrnemo tezo, da je Ross zagovornik epistemologije po zgledu zastarelega »neopozitivizma«.123 Nasprotno, je predhodnik »postpozitivizma«, ki zagovarja, da znanosti - vključno z »naravnimi znanostmi« - ponujajo mogoče, 117 Ross (1929: 115, 296-297, 308, 331-333, 355-359, 365-366; 1946: 82-83). 118 Ross (1958a: 42). 119 Ross (1958a: 75; 1968: 88-89). 120 Guastini (1994: 264). 121 Ross (1958a: 10, op. 4). 122 Glej npr. že Ross (1929: 197, 371-372, 270-275, 281). Za spoznanja tega nauka glej Popper 1973 in 1985. 123 Glej Villa 1990. revija za ustavno teorijo in filozofijo prava PEVIIS (2014) 24 162 VIDIKI SKANDINAVSKEGA REALIZMA relativne in preverljive pripovedi, ki iz neopredeljenega toka zaznav poustvarijo skupek razumljivih dogodkov. Na podlagi teorije pristojnostnih norm Alfa Rossa je torej mogoče razumeti, kako sta epistemologija in oblikovanje pravnih pojmov povezana124 in za kako obetavno se lahko izkaže ta oblika realizma. Iz francoskega izvirnika prevedli Katarina Emeršič in Tjaša Bobek* Seznam navedenk Carlos E. ALCHOURRÓN & Eugenio BULYGIN, 1991: Análisis lógico y Derecho. Uvodnik Georg H. von Wright. Madrid: Centro de estudios constitucionales (El derecho y la justicia; 24). Manuel ATIENZA & Juan RUIZ MANERO, 1998: A Theory of Legal Sentences. Angl. prevod Ruth Zimmerling. Dordrecht, Boston, London: Kluwer Academic Publishers (Law and Philosophy Library; 34). Denys de BÉCHILLON, 1997: Qu'est-ce qu'une règle de droit ? Pariz: Editions Odile Jacob. Norberto BOBBIO, 1998: Essais de théorie du droit. Fr. prevod Michel Guéret, Christophe Agostini. Uvodnik Riccardo Guastini. Pariz: L.G.D.J. & Bruselj: Bruylant (La pensée juridique). Eugenio BULYGIN, 1991: Sobre las normas de competencia. 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Amsterdam: Rodopi (Poznan Studies in the Philosophy of Science and the Humanities; 11). PEVUS revija za ustavno teorijo in filozofijo prava (2014) 24 synopses, keywords, and biographical notes 215 Synopsis Guillaume Tusseau La théorie des normes de compétence d'Alf Ross SLOV. | Teorija pristojnostnih norm Alfa Rossa. Alf Ross je želel izoblikovati »pristno« realistično teorijo prava. To pomeni, da naj bi bila ta sposobna po eni strani razrešiti probleme, s katerimi sta se soočali tako Kelsnova normativistična teorija kot teorija ameriških realistov, po drugi strani pa poustvariti njihove razprave na znanstveni način. Rossova izvirnost tiči v njegovem pojmu pristojnostnih (ali kompetenčnih) norm, ki jih je pred vsemi drugimi (vključno s Searlom) obravnaval kot »konstitutivna pravila«. V nasprotju s trditvami mnogih komentatorjev takšen pojem konstitutivnih norm ni neskladen z Rossovo realistično teorijo prava. V luči njegovih zgodnjih zapisov je mogoče kompetenčne norme razumeti kot racionalizacije, ki lahko izrazijo nagnjenost naslovnikov norm, da določena dejstva prepoznajo kot pravo. Zato je mogoče Rossa šteti za prehodnika postpozitivizma. Ključne besede: veljavnost, predpisi, moč, konstitutivna pravila, urejevalna pravila, empirizem, realizem, postpozitvizem ENG. | Rossian Theory of Norms of Competence. Alf Ross wanted his legal theory to be a "genuinely" realist one, i.e. capable, firstly, to dissolve some problems of both Kelsenx's normativist theory and the American realist theory and, secondly, to reconstruct their discourses in a scientific way. The originality of his attempt lies in his concept of norms of competence which he analyses, before others (and including Searle) as "constitutive rules". Contrary to what many commentators claimed, such a concept of constitutive norm does not contradict his realist theory. In the light of his first writings, norms of competence can be considered as rationalizations able to express the predisposition of the addressees of norms to recognize certain special facts as law. Consequently, Ross can be seen as a precursor of postpositivism. Keywords: validity, prescriptions, force, constitutive rules, regulative rules, empirism, realism, postpositivism Summary: 1. The Dualism in Ross'Theory of Competence Norms. — 1.1. The Thesis of Indirect Prescriptions. — 1.1.1. A Reductionist Approach of Legal Concepts. — 2. The Ambiguities of Ross' Reductionism. — 2.1. The Thesis of Competence Norms as Constitutive Rules. — 2.1.1. The Distinction Between Regulative Rules and Constitutive Rules. — 2.1.2. The Competence Norms as Constitutive Rules. — 2. Some Doubts About Ross' Theory of Competence Norms. — 2.1. Reconciling the Two Theses About the Competence Norms. — 2.1.1. Past Interpretations. — 2.1.2. A New Hypothesis. — 2.2. The Success of the Theory of Competence Norms Inside Ross' Realistic Jurisprudence. — 2.1.1. Looking For a Third Way Between Normativism And American Realism. — 2.1.2. Back to the Scandinavian Sources of Ross' Legal Realism. Guillaume Tusseau is a Professor of public law at Sciences-Po and junior member of the Institut Universitaire de France (IUF) | Address: École de Droit. Sciences Po. 13 rue de l'Université. 75007 Paris, France. E-mail: guillaume.tusseau@sciences-po.org. journal for constitutional theory and philosophy of law PEVIIS (2014) 24