LA CÉRAMIQUE DACE PEINTE DE LA C1TADELLE DE PIATRA CRAIVII (ROUMANIE) I on B erciu, Vasile M oga M uze ul Regional, Alba Julia Les recherches archéologiques pratiquées ces derniers temps en Roum anie ont abouti, entre autres résultats, à la découverte de nouveaux établissements daces, dont certains de grande importance, qui ont contribué à mieux faire connaitre l’histoire et la culture géto- daciques. En dehors du complexe de citadelles de la zone des Monts d’Orästie, on a identifié, à proximité d’autres fortifications,1 nombre d’établissements ruraux2 appartenant à la phase classique de la culture matérielle et spirituelle des Daces, phase qui se situe au Ier siècle av. n. è. et au Ier siècle de n. è., avant la conquéte de la Dacie et sa transformation en province romaine. A l’analyse du mobilier de ces établissements, ce qui frappe en premier lieu c’est la variété du matériel céramique, dont les différentes catégories et téchniques d’exécution ont fait l’objet de plusieurs études.5 Il convient ainsi de souligner — ne fùt-ce qu’en passant — qu’à còté de la céramique commune faite à la main en une paté pieine d’impuretés, on rencontre dans presque tous les établissements une céramique fine, fagonnée au tour avec soin, aux formes variées et souvent élégantes. C ’est de cette catégorie de vases que fait partie la céramique peinte, objet de la présente communication. Teiles que les choses se présentent, il est permis d’affirmer dès l’abord que la céramique peinte mérite d’ètre considérée comme l’un des produits les plus raffinés des potiers daces. Elle peut, dans les grandes lignes, étre divisée en deux categories:4 a. Céramique peinte utilisant comme décor les motifs géométriques. Ces motifs consistent en lignes droites, courbes ou brisées, ainsi qu’en cercles, peints sur une mince couche d’engobe habituellement de couleur rose ou blanc-jaunàtre. Les vases sont de forme ovoidale ou sphérique et comprennent souvent les types spécifiques pour la poterie géto-dacique, à savoir la tasse, la fruitière, le pichet. Cette catégorie est présente dans presque tous les sites daciques fouillés systématiquement. b. Céramique peinte à motifs végétaux et zoomorphes, stylisés pour la plupart, cé­ ramique que jusqu’à ce jour n’est apparue qu’à Sarmizegetusa-Regia, la capitale de l’Etat dace. Etant donné qu’elle est, dans le stade actuel des recherches, unique en son genre, on en a conclu qu’il s’agit d’une céramique de luxe, spécialement exécutée pour la cour durant la dernière période de liberté de la Dacie.6 Les recherches effectuées par le Musée d’histoire d’Alba Iulia dans le domaine de la culture matérielle et spirituelle des Daces se sont soldées par des résultats remarquables à la suite de la découverte, au lieu-dit Piatra Arheološki vestnik 26 (1975) 77 Craivii (com. de Cricäu, dép. D ’Alba), d’une im portante fortification dace, juchée sur un m assif rocheux de 1083 m d’altitude. Dans ce vaste site archéologique, on a établi l’existence de onze terrasses habitées, d’une enceinte fortifiée et de deux sanctuaiies destinés à la po­ pulation de l’oppidum .6 Le riche mobilier que l’on y a récolté consiste en poterie, outils métalliques, objets de parure, monnaies, etc. lei aussi, on est frappé par la richesse et la variété de la poterie. Parmi les formes géto-daciques spécifiques, citons des exemplaires entiers — ou pouvant ètre reconstitués — de fruitières noires ou rouges en pàté fine, des coupes, différents types de vases au décor caractéristique pour la poterie autochtone et des vases à provisions en pàté rouge-brique. L’existence de ce matériel atteste amplement le niveau économique élevé auquel était parvenue la tribù dace des Appuli, dont faisaient partie les habitants du site.7 Parmi les m atériaux recueillis, on relève les fragments de vases appartenant à la caté­ gorie de la céramique peinte à motifs géométriques. Soulignons à ce propos que, autant à Piatra Craivii que dans les autres sites où la céramique peinte est apparue, on n’a jam ais trouvé de vases entiers de cette catégorie, mais seulement des tessons dont les dimensions et les profits varient. M entionnons de mème qu’à Piatra Craivii on n’a découvert de poterie que sur une seule des terrasses habitées, où se trouvent également les traces d’un grand sanctuaiie rectangulaire. Les fragments de céramique peinte sont apparus à oòté d’autres matériaux céramiques spécifiquement autochtones. Le fait qu’ils se trouvaient sur l’em- placement d’un édifice à caractère religieux pourrait constituer, tout du moins en ce qui concerne le site qui nous occupe, une indication précieuse quant à l’usage réservé à cette catégorie céramique. Voici une description sommaire des fragments peints, com prenant les formes et les types les plus intéressants : I . 2 3 4 I. Lèvres de vases du type fru itiè re , pichet et écuelle 1. Fragment de céramique peinte (n° d’inv. 2905, dim. 12,5 x 5,5 cm), représentant la lèvre Iargement évasée d’une fruitière fagonnée au tour en une pàté fine de couleur blanc jaunàtre. Motif géométrique consistant en étroites bandes marron tracées à 1,5 cm de distance. Mème peinture sur la paroi intérieure (fig. 1 ,1). 2. Pied de fruitière, creux (n° d’inv. 3505, haut. 6 cm). Pàté fine, mème technique d’ exécution au tour. Par-dessus l’engobe de couleur brique est peint un motif ornemental consistant en un cercle. Sur la paroi extérieure du fragment on relève un second motif, fait de bandes parallèles de couleur marron. 3. Lèvre évasée et arrondie (n° d’inv. 2906, dim. 20 X 3 cm). Couche mince d’engobe rose jauna- tre recouverte d’une couche compacte de peintur- brun rougeätre. 4. Lèvre évasée d’une écuelle (n° d’inv. 3504, uim. 4,5 x 3 cm). Mème technique, soigneusement exécutée. Motif géométrique consistant en bandes étroites de couleur marron, probablement paral­ lèles. II. P aro is de vases du type eruche et pichet 1. Fragment de vase ovoidal, bombé (n° d’inv. 2912, dim. 22 x 9 cm). Fait au tour en une pate rouge cuite uniformément, par-dessus laquelle on a appliqué une mince couche d’engobe blanc, puis on a peint d’étroites bandes parallèles de couleur marron-brique. 2. Fragment de paroi d’un vase peint (n° d’inv. 2911, dim. 7,5 x 3 cm), fait selon la mème technique, d’aspect fin. Par-dessus l’engobe blanc sont peintes deux bandes parallèles, motif géométrique qui se répète sur la face intérieure. Le mème décor se retrouve sur un autre fragment de paroi (n° d’inv. 4028, dim. 7,5 x 7 cm). 3. Paroi d’un vase peint (n° d’inv. 2910, dim. 5,5 x 5 cm), fa?onné au tour, d’une ligne élé- gante. Sur la mince couche d’ engobe blanc tirant sur le marron sont peints deux motifs géométri­ ques distinets: une étroite bande rectiligne et deux demi-cercles conjugués. Il a probablement existé une autre bande droite, parallèle à la première, au-dessus des demi-cercles. 4. Fragment de paroi d’un vase (n° d’inv. 3737, dim. 7 x 2,5 cm). Mème engobe recouvert d’une couche compacte de couleur marron. Mentionnons, dans certe mème catégorie de parois de vases, un exemplaire (n° d’ inv. 3969, dim. 9,5 X 6 cm) qui semble avoir été destinò à ètre peint, car il présente la mème couche mince d’engobe blanc applique sur la pàté, mais le motif peint de couleur marron fait ici défaut. 5. Fragments peints faqonnés au tour, faisant partie d’un mème vase (n° d’inv. 2909), qui con­ served par-dessus l’engobe rougeätre quelques bandes parallèles peintes en un rouge plus foncé. 6. Base annulaire d’un vase (n° d’inv. 3694, dim. 11x3 cm). Motif peint consistant en bandes alternant avec la mince couche d’engobe blanc jaunàtre. Il ressort de cette description sommaire des fragments de céramique peinte récoltés à Piatra Craivii que celle-ci était exécutée en une pate fine, sans autre mélange ou dégraissant ; elle était modelée au tour, avec soin. Autant que Ton peut en juger, tout le processus de fabrication, depuis le choix de l’argile jusqu’à la peinture, était exécuté par le potier lui- mème. Dans l’ornementation de cette catégorie céramique, on relève deux phases distinctes: a) application sur la pàté d’une mince couche d ’engobe; b) exécution du décor peint, aux motifs géométriques, végétaux ou zoomorphes, de couleur m arron rougeätre. C ’était là, du reste, un procédé universellement en usage, qu’il s’agisse des produits découverts dans les établissements géto-daces ou de ceux d’autres peuples de l’ouest et du centre de l’Europe, à cette seule différence près que la céramique peinte celtique, gauloise, ibérique, grecque et rom aine date des phases anciennes de l’époque La Tène,8 alors que celle des Géto-Daces appartient à la phase classique de la civilisation autochtone, qui se situe au Ier siècle av. n. è. et au Ier siècle de n. è. L’analyse du matériel céramique recueilli dans une sèrie d’établissements autochtones atteste de fagon certaine la présence de la céramique peinte dans un grand nombre de sites, aussi bien dans la zone des Monts d’Orä?tie — à Costedti, G rädijtea Muncelului, F ata Cetii — que dans le centre de la Transylvanie — à Piatra Craivii, Cäpilna, Sighi§oara, Gu$terita — et qu’en dehors de l’arc carpatique — à Bìtca Doamnei et Poiana en Moldavie, à Pope§ti dans la piaine du Danube.9 Les exemplaires de Piatra Craivii consistent pour la plupart en tessons décorés de motifs géométriques simples — bandes horizontales, rec- tilignes ou courbes, cercles ou demi-cercles conjugués, plus rarement des losanges — pe­ ints sur un fond d’engobe blanc ou rose jounàtre. Dans l’étude de la céramique peinte, le problème essentiel est d’en établir l’origine, c’est-à-dire de déterminer s’il s’agit d’un produit d’im portation ou d’une création des potiers autochtones. Si l’on passe en revue la littérature consacrée à ce sujet, on constate que certains chercheurs ont incliné à voir dans la céramique peinte de Dacie un produit d’importation, venu du monde celtique ou méditerranéen.1 0 Or aujourd’hui, quand l’exten- sion de l’aire des recherches consacrées à l’histoire et à la culture daces d’avant la conquète rom aine a fait apparaitre des quantités appréciables de céramique peinte, l’analyse appro- fondie de ces matériaux méne à la conclusion qu’il s’agit d’une production autochtone, puisque les formes de céramique peinte correspondent exactement aux formes non peintes, réalisées au tour en une pàté fine exempte d’ingrédients. Dès lors que ces types de vases — fruitière, écuelle, pichet, tasse — sont spécifiquement daces, il est logique de considérer comme également autochtones les fragments peints appartenant à ces mémes types. La quantité relativement réduite de céramique peinte par rapport à la poterie fine non peinte s’explique aisément par le fait que les potiers géto-daces ne sont arrivés que plus tard, durant le période comprise entre le Ier siècle av. n. è. et le Ier siècle de n. è., à appliquer la technique nouvelle, qui a eu pour résultat le modelage soigné des vases et la décoration peinte de leur surface. Cette nouvelle technique a été déterminée, pour stìr, par les contacts avec le monde celtique1 1 et gréco-romain, dont les influences se sont fait sentir aussi dans d’autres domaines de l’art et de la civilisation daco-gétiques, tels que la métallurgie et la frappe des monnaies.1 1 Il est bien naturel que ces influences se soient fait sentir également dans le domaine de la céramique, où ils se sont exercés directement, avec leurs motifs géométriques, végétaux ou zoomorphes, sur les créations autochtones, donnant lieu à une manière propre. 1 M. Macrea I. Bercili, La citadelle da- cique de Capiina, Dacia, N. S. 9 (1965) 201—232. M. Macrea, O. F loca, N. Lupu, I. Berciu, Cetàti dacice din sudul Transilvaniei (Forteres- ses daciques du Sud de la Transylvanie), Bucure§ti 1966. I. Berciu, A. Popa, H. D aicoviciu, La forteresse dace de Piatra Craivii, Celticum 12 (1965) 115—146. N. G ostar, Cetätile dacice din Moldova §i cucerirea romana la nordul Dunärii (Les citadelles daces de Moldavie et la conquéte romaine au Nord du Bas-Danube), Apulum 5 (1964) 137—149. H. D aicoviciu, Addenda la »Ajezarile dacice din Muntii Ora§tiei«, Act a Musei Napocensis 1 (1964) 111—125, passim. 21. H. Crisan, Ziridava, Apulum 5 (1964) 127—137. Aussi les travaux du Symposium »Dadi, istoria $i civilizatia lor«, Crisia I (Ora- dea 1972). 3 La plus complète moncgraphie sur la céramique dace est: I. H. Crisan, Ceramica daco-geticà, cu privire specialà la Transilvania (La céramique dacique, avec l’àpergu spécial sur la Transylvanie), Bucuresti 1969. 4 1. H. Crisan, Ceramica, 179—201 on discute tous les problèmes concernant la céra­ mique dacique. 5 C. D aicoviciu, Santierul Gradi$tea Mun- celului (Le chantier de Gràdi$tea Muncelului), SCIV 4 (1953) 153—220. H. D aicoviciu, Dacia de la Burebista la cucerirea romana (La Dacie de Burebista à la conpuète romaine), Cluj 1972, 270—271. I. H. Crisan, op. cit. 201—202. I. G lodariu, Importurile elenistice tji romane in Dacia, see. I l t. e. n. — l e . n. (Les imports héllènistiques et romains en Dacie), rezumat al tezei de doctorat (Cluj 1973) 23. 6 L Berciu, A. Popa si H. D aicoviciu, op. cit. 115—146. I. Berciu, Piatra Craivii, Apou- lon?, Fasti Archaeologici 11 (1963) 411. I. Berciu, V. M oga, Contributia Muzeului de Istorie din Alba Iulia la cunoasterea culturii dacice (Contribution du Musée d’histoire d’Alba Iulia à la connaissance de la civilisation dacique), Crisia I (1972) 65—78. 7 A. Popa, Nivelul dezvoltärii economiei dacice in lumina descoperirilor de la Piatra Craivii ?i Capiina (Le niveau de développement de l’ économie dace à la lumière des découvertes de Piatra Craivii et de Capiina), Apulum 9 (1971) 271—281. 8 Nous donnons une bibliographic selective concernant la céramique peinte: R. P érichon, La céramique peinte dans la piaine du Forez et du Roannais, Celticum 9 (1964) 147—168. Idem, La céramique peinte gauloise, Cahier d'archéologie de Roanne 1 (1970). J. J. J ully, Pour une datation plus précise de la poterie peinte de La-Tène II et de La-Tène III à própos du Sud de la France, Celticum (1961) 219—228. F. Maier, Zur bemalten Spätlatenkeramik aus dem Oppidum von Manching, Germania 39 (1961) 360—368. Idem, Zur bemalten Spätlaten­ keramik in Mitteleuropa, Germania 41 (1963) 259—269. B. Benadek, Die Spätlatenzeitliche Siedlung von Zeplin in der Ostslowakei, Ger­ mania 43 (1965) 63—91. J. R osen-Przeworska, Quelques aspects de l’implantation celtique en Pologne, Celticum 9 (1954) 45—60. J. R. Collis, The Dacian Horizon — Settlements and Chronology, Slovenska Archeologia 20 (1972) 313—316. 9 1. H. Crisan, op. cit. 198—199. 1 0 Idem, op. cit. 199 avec ses notes. 1 1 R. T antàu, Meste^ugurile la geto-daci (Les métiers chez les Géto-daces), avec la bibliographic des pages 64—66. SLIKANA DAČANSKA KERAMIKA Z UTRJENE NASELBINE PIATRA CRAIVII Povzetek V zadnjem času so arheologi v Romuniji odkrili več novih dačanskih naselij. Poleg mnogih gradišč so na področju pogorja Orästie ugotovili več podeželskih naselij iz časa med 1. stol. pred in 1. stol. po n. e., preden je Dacija postala rimska provinca. Na teh najdiščih je lončarstvo zelo zanimiv proizvod in to ne le grobe, marveč tudi zelo fino izdelane keramike. Del te fine keramike, je poslikan in se deli v 2 skupini. Prva ima geometrijski ornament, druga je okrašena z rastlinskimi Il, 6 II, 4 a I Lèvres de vases — robovi posod 1 Fruitière. — Skleda 2 Le fond du vase. — Dno posode 2a Pied de fruitière (parai exterieure). — Noga sklede (zunanja stena) 3 Lèvre de vase. — Rob posode 4 Lèvre d’une ecuelle. — Ustje kuhinjske sklede II P aro is de vases — ostenja posod 1 Fragment de vase ovoidale. — Odlomek jajčaste posode 2 Fragments. — Odlomka 2a Fragment. — Odlomek 3 Fragment de parois. — Odlomek ostenja 4 Fragment. — Odlomek 4a Fragment de parois. — Odlomek ostenja 5 Fragments. — Odlomki 6 Base annulaire d’un vase. — Prstanasto dno posode in živalskimi motivi. Zdi se, da so jo delali za dačanski dvor (op. 5). Na Piatra Craivii so raziskali velikansko naselje na 11 terasah z obzidjem in dvemi svetišči. V naselju je bilo mnogo zelo raznolike keramike. Tudi tu so našli fino keramiko, ki priča, do kakšnega blagostanja so se povzpeli Appuli, dačansko pleme, ki je prebivalo v deželi. V sestavku je opisana keramika, poslikana z geometrij­ skimi vzorci. Žal še nikjer niso našli celih posod. Zanimivo je, da so našli slikano keramiko v Piatra Craivii le na terasi, kjer je bilo veliko svetišče. Tehnika in način slikanja sta enaki kot pri mnogih drugih slikanih keramičnih izdelkih istega časa po Evropi. Slikano keramiko so našli še v vrsti drugih najdišč, a ona na Piatra Craivii se odlikuje po raznolikosti motivov. Prvotno so domnevali, daje slikana keramika uvožena iz mediteranskega sveta, nova raziskovanja (op. 11) pa so dokazala, da je odraz stikov s keltskim in grško-rimskim svetom.