T. Struna Berden: INTERpRÉTATIoN GÉNÉRIQuE DES INDÉFINIS FRANçAIS ET SLovËNES 61 Tatjana Struna Berden UDK 811.133.1'36'37:811.163.6'36'37 Filozofska fakulteta Univerze v Ljubljani tatjana.struna@gmail.com Interprétation générique des indéfinis français et slovènes 1 INTRODUCTION Dans le présent travail nous allons étudier l'interprétation générique des déterminants indéfinis français (tout(e/s), chaque, quelque, plusieurs, certains) et de leurs correspondants slovènes (vsi, vsak, nekaj, več, nekateri). Leur propriété sémantique commune est d'exprimer le pluriel indéfini. Nous présenterons les phrases, dans lesquelles ils ont soit une interprétation générique standard soit une interprétation générique partielle. Sous l'appellation des indéfinis nous comprenons en français les adjectifs indéfinis exprimant la pluralité (quelques, certain(e)s, plusieurs) et la totalité (chaque, tout(e), tous(tes)) et aussi les pronoms indéfinis exprimant la pluralité (quelques-un(e)s, certain(e)s, plusieurs) et la totalité (chacun, tout/s, tous(tes)). En slovène la catégorie correspondante aux indéfinis français est représentée par les pronoms adjectivaux (pridevniški zaimki) et les pronoms nominaux (samostalniški zaimki). Nous connaissons plusieurs types de pronoms adjectifs et de pronoms indéfinis. Les types qui nous intéressent ici sont les suivants : indéfini (nedoločni), indéfini totalisant (celostni) et aussi les numéraux indéfinis (nedoločni števniki). Dans ce travail nous analyserons seulement les adjectifs indéfinis et non les pronoms, il n'y aura pas question des indéfinis négatifs non plus, ni des adverbes de quantification. Les phrases avec des opérateurs de généricité tels que les adverbes généralement ou normalement seront aussi exclues de notre analyse. L'objectif de cet article est aussi d'intégrer les SN indéfinis slovènes dans les nombreuses discussions françaises sur le sujet de la généricité. 1.1 Hypothèse L'interprétation générique dans les phrases slovènes est souvent moins explicite. Le slovène n'a pas d'articles ni d'autres catégories grammaticales qui pourraient marquer la généricité comme en français. Le slovène, comme les langues germaniques (et au contraire des langues romanes) ne connaît pas l'opposition les/des (voir ex. 1, 2). C'est pourquoi nous supposons que l'interprétation générique est moins claire et moins explicite en slovène. Nous chercherons s'il existe d'autres moyens slovènes qui permettent la lecture générique d'une phrase. 298 VESTNIK ZA TUJE JEZIKE Nous essayerons d'établir une comparaison entre la généricité standard et partitive des indéfinis français et slovènes1. Nous examinerons surtout les exemples dans lesquels la quantification générique porte sur des individus en position sujet et non sur des événements génériques exprimés dans une phrase. Les indéfinis chaque et tout(e) imposent un parcours exhaustif de la classe et les indéfinis partiels quelques, certain(e)s, plusieurs normalement restreint un argument à un parcours non exhaustif des valeurs individuelles (Corblin 1987). Nous examinerons quels sont et s'il existe des contextes qui permettent une interprétation générique valable pour toute la classe. 1.2 Les phrases génériques Les phrases génériques dénotent des vérités générales. D'après la conception traditionnelle (Carlson 1982, Dahl 1985, Galmiche 1985, Kleiber 1978, Kuroda 1973, etc) les phrases génériques2 ne concernent pas des événements spécifiques, mais des états de choses généraux et habituels. Une phrase est générique si elle (Anscombre 2001): a) est vraie (en un sens qui reste à préciser) ; b) n'est pas événementielle ; c) possède un syntagme sujet générique, habituellement de la forme les N2. Les phrases spécifiques renvoient à une partie d'éléments de la classe soit à une sous-espèce de cette classe. Les phrases qui permettent une interprétation partitive ne sont pas localisables dans l'espace et/ou dans le temps. Pourtant la lecture partitive n'est pas exclue des phrases avec un prédicat spécifiant (Bosveld de Smet 1994). Dans ce travail nous nous limiterons à l'interprétation générique standard et l'interprétation générique partitive: L'interprétation générique standard s'explique normalement par le fait que la phrase est valable pour toute la classe envisagée (Anscombre 2001, Corblin 1987 et 1997, Dobrovie-Sorin et Bayssade 2004, etc.). Par contre, l'interprétation générique ne garantit pas que toute la classe des membres soit parcourue. Elle garantit seulement que la phrase est vrai quel que soit le nombre de prélèvements effectués. Dans une phrase avec l'interprétation générique partitive (Anscombre 2001 et 2012, Corblin 1987) seulement une partie de la classe mentionnée est concernée. Une phrase générique de type Certains x sont P est partitive. Il s'agit de partitives 1 La traduction slovène des phrases avec več/nekaj/nekateri est dans cet article faite séparément, car nekaj/ več exigent leur complément au génitif et le verbe à la 3ème personne du singulier, tandis que nekateri exige le complément au nominatif et le verbe à la 3ème personne du pluriel. A cause de différentes constructions syntaxiques, nous avons fait les traductions slovènes séparément pour nekaj/več et pour nekateri. 2 Anscombre (2001, 2002) parle la généricité forte et la généricité faible. Un syntagme générique est d'après lui normalement lié à un syntagme de la forme les N, un N ou le N. D'après Corblin les interprétations génériques des indéfinis sont des interprétations non spécifiques d'un genre particulier. Les indéfinis au sens étroit (un N, des N, deux N, trois N, plusieurs N et quelques N) peuvent avoir une telle interprétation même dans les phrases qui ne marquent pas explicitement la généricité. Sorin et Beyssade (2004), Krifka et alii (1995) parlent de deux types de lectures génériques : la généricité dite nominale et la généricité dite phrastique. T. Struna Berden: INTERpRÉTATIoN GÉNÉRIQuE DES INDÉFINIS FRANçAIS ET SLovËNES 63 typifiantes à priori, lorsque Certains x sont P s'oppose à d'autres partitives Certains x sont Q. Les phrases génériques partitives admettent aussi les SN spécifiques3. 1.3 Les pronoms et adjectifs indéfinis français et leurs correspondants slovènes Dans ce travail il sera question des pronoms indéfinis qui marquent une quantité qui n'est pas limitée. Pour cette raison là, il peut être souvent difficile de les interpréter par un nombre précis. Comme nous l'avons mentionné dans l'introduction, les catégories slovènes correspondantes aux indéfinis français, sont les pronoms adjectivaux (pridevniški zaimki) et les pronoms nominaux (samostalniški zaimki). Parmi eux, nous distinguons plusieurs classes exprimant la quantité indéfinie, notamment les pronoms : indéfinis (nedoločni), indéfinis qui désignent n'importe quel référent (poljubnostni), indéfinis pluralisant (mnogostni), indéfinis totalisants (celostni). D'après une théorie générale, un indéfini français qualifie normalement ce qui se présente sous un aspect général sans se rapporter à un objet ou un individu particulier et spécifiquement déterminé (Banour 1995). Les adjectifs indéfinis se joignent au nom pour marquer une idée plus ou moins vague de quantité, de qualité, d'identité,... Et les pronoms indéfinis servent à désigner, d'une manière vague ou indéterminée, les personnes ou les choses. La morphologie de la langue slovène ne connait pas la catégorie des « indéfinis » proprement dits (voir l'introduction). En slovène, il y a deux types de pronoms indéfinis exprimant la quantité; notamment les pronoms nominaux (samostalniški zaimki) et adjectivaux (pridevniški zaimki). Il s'agit des pronoms nominaux impersonnels (neosebni samostalniški zaimki) et des pronoms adjectivaux impersonnels (neosebni pridevniški zaimki), qui n'expriment pas la personne grammaticale mais ont toujours la forme de troisième personne. Tous les pronoms nominaux sont du genre masculin, mais ils ont une sous-catégorie pour exprimer les êtres vivants. ils peuvent être du genre masculin (pour désigner les hommes) ou neutre (pour désigner tout le reste : les animaux, les plantes, les objets et les notions abstraites) (Toporišič 2000). Les pronoms adjectivaux s'accordent avec leur référent en genre, en nombre (si exprimé) et en cas. Pourtant les numéraux indéfinis, qui font partie des adjectifs, n'ont qu'un seul nombre grammatical - le pluriel. C'est une des caractéristiques des pronoms indéfinis slovènes qui est parallèle à celle des indéfinis français. Ils ne désignent pas une personne ou un objet précis, mais désignent les personnes et les objets en général. 1.4 La détermination et l'indétermination en slovène Bien que le slovène n'ait pas d'article proprement dit, il y a des moyens, en slovène comme dans chaque langue, pour marquer qu'un individu est déjà connu ou inconnu, déterminé ou indéterminé, existant ou non-existant etc. 3 SN Spécifique : Certains objets n'ont pas de (couleur + dimension + ...) (Anscombre 2002). 298 VESTNIK ZA TUJE JEZIKE Les noms français ont normalement besoin d'un déterminant, ce qui n'est pas le cas en slovène. En slovène, il existe un rapport entre l'indétermination, qui est due au système grammatical de la langue écrite, et la détermination dans la langue parlée. Parmi les actualisateurs4, dont le rôle est de transformer l'indétermination du système grammatical de la langue écrite en détermination de la langue parlée, sont aussi des pronoms (Vidovič-Muha 1996). A cause de l'absence d'article en slovène un N sans déterminant peut apparaître dans un contexte défini ou indéfini. D'après Toporišič (2000) les N en slovène sont toujours déterminés, et c'est l'indétermination qui est marquée explicitement. Pourtant, dans la linguistique slovène, on trouve plusieurs auteurs qui parlent des mots fonctionnant comme des articles. Ule (1997) et Schlamber-ger-Brezar (2004) parlent de l'article indéfini en N, nek/za nek/vsaj en N (un N/ pour un N/au moins un N), dont la propriété est d'indiquer le quantificateur existentiel ou d'attribuer une spécificité indéfinie : nek N (un N), vsaj en N (au moins un N). Toporišič (1966) parle du pronom en (un comme numéral) qui, dans la langue parlée, prend la valeur de neki (un comme article indéfini). Žaucer (2007) parle aussi de ta (ce, cette) - article issu du démonstratif fonctionnant comme déterminant en slovène parlé. 2 L'INTERPRÉTATION GÉNÉRIQUE STANDARD La généricité standard exprime le passage du particulier au générique ou du moins générique au plus générique (voir aussi le chapitre précédent). La lecture générique des indéfinis pluriels du français varie en fonction du type de déterminant. Elle est soumise à des contraintes très strictes. Parmi les phrases exprimant la généricité nous pouvons distinguer la généricité définie et la généricité indéfinie, selon le déterminant qui précède le SN. La lecture générique en slovène est plus libre mais aussi plus ambiguë. A cause de l'absence d'article (in)défini en slovène, cette différence entre les deux articles français se perd souvent dans la traduction. Dans les exemples (1, 2) nous voyons la différence entre les/des en français, qui est ici liée aussi aux verbes. Le verbe aimer présuppose la totalité générique des éléments les N, que l'on aime, tandis que le verbe manger présuppose seulement une partie de la classe, donc des N, que l'on mange. Mais dans la traduction nous ne sommes pas obligés d'exprimer cette différence. Il est même difficile de l'exprimer. La différence entre (1) et (2) en slovène peut être récupérée par le contexte ou les connaissances des interlocuteurs. On aurait pu développer la phrase en précisant cette différence. Bien que l'on sache que nous ne mangeons pas la totalité des froskies existants, en slovène, on n'a jamais besoin de préciser cette partialité. C'est la valeur sémantique du verbe qui l'exprime. 1) Mon chat *mange/aime les froskies. (Ansombre 2001). 'Moja mačka je/ima rada froskije.' 4 Les actualisateurs généraux sont des articles définis et indéfinis ; les actualisateurs spécifiques sont des noms propres, pronoms, SN avec des noms propres et numéraux (Vidovic-Muha 1996:116). T. Struna Berden: INTERpRÉTATIoN GÉNÉRIQuE DES INDÉFINIS FRANçAIS ET SLovËNES 65 2) Mon chat mange/*aime des froskies. 'Moja mačka je/ima rada froskije.' La généricité standard dans les phrases avec un syntagme défini en position sujet est souvent dite distribuée. Un syntagme générique est distribué lorsque la phrase générique attribue une propriété à l'ensemble des éléments d'une classe. Normalement la généricité standard dans les syntagmes du type les N peut être illustrée par la phrase : 3) Les singes aiment les bananes. (Ansombre 2001) 'Opice imajo rade banane.' L'exemple (3) montre la généricité aussi bien en slovène qu'en français. Les singes (opice) et les bananes (banane) sont considérés génériquement sans aucune spécificité et sans faire de référence à certains singes. Bien que l'article défini français ait la tendance d'exprimer la définitude, la traduction ne la reflète pas. En slovène c'est la sémantique de la phrase entière qui donne le sens de généricité standard. C'est seulement le contexte déictique qui aurait pu permettre une lecture spécifique (par ex. en regardant cinq singes dans un ZOO manger des bananes). Une construction avec un article défini (3) exprime la généricité en français plus directement qu'un numéral cardinal (4) (Corblin 1987). Comme nous l'avons déjà dit, le slovène n'a pas d'article indéfini, de plus il ne peut non plus utiliser un numéral pour exprimer la généricité. Pourtant pour l'exprimer, le slovène préfère utiliser le nom du sujet au pluriel (želve) (4b) ou lieu du singulier (4a). Le pluriel slovène accentue la généricité, c'est-à-dire la totalité présupposée par la dénotation d'espèce des tortues. En slovène, les numéraux (5) n'assurent non plus une lecture générique. Les numéraux sont trop précis par leur valeur sémantique, pour qu'ils soient capables d'exprimer la généricité. 4) a) Une tortue vit longtemps. (Dobrovie-Sorin et Beyssade 2004) ena želva živi dolgo 'Želva živi dolgo.' b) Želve živijo dolgo. tortues vivent longtemps 'Les tortues vivent longtemps.' 5) Deux/trois tortues vivent longtemps. (Dobrovie-Sorin et Beyssade 2004) 'Dve/tri želve živijo dolgo.' L'interprétation générique standard de l'indéfini est possible seulement, si rien n'impose d'interpréter la phrase comme mention d'un fait particulier (Corblin 1987), ce qui veut dire que la proposition peut être vérifiée pour tous les membres d'une classe. Ainsi devrait-on supposer pour un énoncé générique que le nombre d'implications de cet énoncé est illimité (6). La phrase correspondante slovène peut garder l'interprétation singulière, qui peut-être traduite par vsaka družba (toute société) (6a). Dans ces phrases génériques le nombre d'extractions est illimité dans les deux langues. L'indéfini vise l'espèce entière des N. 298 VESTNIK ZA TUJE JEZIKE 6) a) Une société repose sur des valeurs (Corblin 1987:50). ena družba temelji na vrednotah '(Vsaka) Družba temelji na vrednotah.' b) Družbe temeljijo na vrednotah. L'indéfini (une) dans (4a et 6a) est normalement omis en Slovène, où bien traduit par vsaka (chaque), qui est un quantificateur universel - sémantiquement acceptable pour chaque élément d'un nombre non limité d'extractions d'individus pris séparément. Pourtant pour exprimer la généricité, le slovène préfère le sujet sociétés en pluriel (6b) (cf. 4b). Si on mettait vsaka (chaque) družba, pour avoir une phrase valable pour chaque membre de la classe des sociétés, le pluriel correspondant serait vse družbe (toutes les sociétés). La traduction avec le nom au singulier (družba) exprime dans ce cas-là plutôt la société en générale. D'après cette interprétation la société est considérée comme la société humaine, unique au monde et qui regroupe « tout le monde ». La caractéristique de cette société est basée des valeurs qui lui sont propres. La possibilité d'employer l'article indéfini ou le numéral un (en) aussi en slovène existe surtout en slovène parlé. Dans l'énoncé Ena družba temelji na vrednotah, par exemple, le mot družba doit être prononcé avec plus de force^ ce qui montre qu'on parle des sociétés en général. Il est possible d'utiliser la même structure parlée, aussi dans l'exemple (4). Dans ce cas, le résultat est la traduction du numéral. En slovène parlé nous devons accentuer želva (tortue) et non ena (une), pour montrer, que nous considérons par là toutes les tortues. (Ena želva živi dolgo.) Dans l'exemple (7) la quantification universelle impose le parcours exhaustif d'une classe (Corblin 1987) où les propriétés sont nécessairement vérifiées pour chaque individu, mais l'indéfini comporte aussi une part d'incertitude. Dans des phrases comme celle-ci, nous pouvons apercevoir le décollage entre l'idéal et la réalité. En slovène il est difficile de garder l'opposition entre l'indéfini au singulier et l'indéfini au pluriel ainsi que le même sens. Le (7) peut être interprété de façon que toutes les sociétés (vse družbe) devraient reposer sur des valeurs, pourtant chaque société (vsaka) ne repose forcément pas sur des valeurs. La différence entre les indéfinis est seulement dans le parcours de la classe. Les deux indéfinis expriment la totalité, le deuxième (toute/vsaka) parcourt tous les individus de la classe entière, mettant l'accent sur chaque individu de la classe pris séparément. C'est pourquoi l'indéfini une se traduit ici par le pluriel du nom (b) qui permet une lecture générique. Pour l'adjectif toute il n'y a pas de restrictions. Toute peut être facilement traduit par vsaka. En slovène, nous constatons que ce n'est pas le même indéfini qui est mis au pluriel: le premier indéfini prend la forme du pluriel (družbe - cf. singulier en français une société) et le deuxième est en singulier (dans les deux langues nous avons la forme singulière exprimant la pluralité). En slovène il est indispensable de mettre le premier sujet au pluriel (družbe) et de continuer avec le sujet au singulier (družba). C'est seulement cette opposition qui nous permet une lecture générique. Si nous voulons garder le premier sujet au singulier (družba) (7a) aussi dans la traduction slovène, la phrase devient inacceptable. Le sujet au singulier ne permet pas une restriction dans la deuxième partie de la phrase. T. Struna Berden: INTERpRÉTATIoN GÉNÉRIQuE DES INDÉFINIS FRANçAIS ET SLovËNES 67 7) Une société repose sur des valeurs, mais toute société ne repose pas sur des valeurs (Corblin 1987:51). a) '*Ena družba temelji na vrednotah, a vsaka družba ne temelji na vrednotah.' b) 'Družbe temeljijo na vrednotah, a vsaka družba ne temelji na vrednotah.' 2.1 L'interprétation générique de tous les N, chaque N et les correspondants slovènes Dans le même ordre d'idées nous pouvons remplacer les indéfinis ci-dessus par tous les N ou chaque N. En mettant à la place des déterminants les adjectifs indéfinis tous et chaque nous pouvons vite obtenir la possibilité d'une lecture générique de la phrase. Le nombre que tous (vsi) et chaque (vsak) présentent n'est pas un nombre grammatical mais juste le nombre valable pour un parcours exhaustif des valeurs d'une classe. Tous peut signifier « les uns et les autres sans exception ». Dans ce cas, il a un sens collectif5 et indique une somme d'unités. Il se place devant un nom au pluriel (9). Mais tous peut signifier aussi « chaque, n'importe quel ». Et dans ce cas, il a un sens distributif6 et se place devant un nom au singulier (8). En slovène un seul mot, vsak, peut remplacer tout(e/s) et chaque en français (8). Vsak, qui peut être un pronom ou un adjectif, se limite à la dénotation singulière de toutes les personnes ou de tous les objets d'une classe et garde la valeur du singulier aussi au pluriel. Il se place devant un nom au singulier. Vsi, vse, vsa, les pronoms ou les adjectifs pluriels, fonctionnent comme des numéraux indéfinis adjectivaux au pluriel et résument la totalité des objets individuels ou toutes les parties d'une unité. Ils se placent devant un nom au pluriel7. La lecture générique est facilement acceptable dans les deux langues. Il est possible aussi de traduire vsak8 par le pluriel (8b) dont nous avons parlé ci-dessus (voir ex. 4b). En mettant la phrase slovène au pluriel (8b), ce qui est la traduction la plus appropriée, on se rapproche de l'exemple français (9). Les exemples (9) et (8) envisagent la totalité des éléments d'une classe, mais avec une différence qui est due aux propriétés sémantiques des indéfinis. Il serait même possible de traduire (9) par vsaka želva (cf. 8). 8) a) Chaque/Toute tortue vit longtemps. Vsaka želva živi dolgo b) 'Vse želve živijo dolgo.' 9) Toutes les tortues vivent longtemps. 'Vse želve živijo dolgo.' Une différence entre les (8) et (9) devient plus visible, si nous continuons la phrase comme dans (8.1.) et (9.1.). Il paraît que la construction chaque/tout/vsak + 5 Plusieurs filles ont chanté une chanson. Interprétation collective : il y avait plusieurs filles qui ont chanté ensemble. 6 Plusieurs filles ont chanté une chanson. Interprétation distributive : chaque fille a chanté une chanson. 7 Le slovène connait aussi la forme duelle oba, obe qui implique la totalité des deux objets ou personnes. 8 Le pronom vsak se limite à la dénotation singulière des personnes ou des objets et garde la valeur singulière aussi au pluriel. 298 VESTNIK ZA TUJE JEZIKE N singulier accentue beaucoup plus les individus et par conséquent ne permet pas une restriction dans la deuxième partie de la phrase. Par contre la construction au pluriel tous + les N pluriel accentue la totalité de la classe, c'est pourquoi il est possible de continuer la phrase et exclure un individu de cette totalité (sauf...) considérée par toutes les tortues. 8.1) *Chaque/Toute tortue vie longtemps, sauf la tortue dans l'aquarium. *Vsaka želva živi dolgo, razen želva v akvariju. 9.1.) Toutes les tortues vivent longtemps, sauf les tortues dans l'aquarium. 'Vse želve živijo dolgo, razen želve v akvariju.' Pour une lecture générique standard en slovène et en français il n'est pas important de connaitre l'extension de la classe. La propriété exprimée s'applique à tous les membres d'une classe avec une ampleur indéterminée. Nous pouvons en conclure que tout et chaque, ainsi que vsak accentuent la caractéristique d'un individu ou bien d'un groupe générique. Vsak désigne une personne, un objet, une espèce ou une matière individuellement. Par contre, vsi (tous) désigne la totalité avec toutes ses parties et renforce la généricité du groupe. La fonction sémantique de tous ces pronoms et adjectifs est de marquer une totalité, soit la totalité en prenant compte de tous les individus particuliers soit juste la somme de tous ces éléments individuels. 2.2 Les exemples slovènes avec des indéfinis exprimant la totalité : vsi et vsak Nous avons déjà mentionné que la lecture générique slovène est plus dépendante du contexte. L'exemple (10) le montre bien : le N dans l'objet et le N dans le sujet de la phrase n'ont besoin d'aucun article ou d'un autre déterminant pour pouvoir avoir une lecture générique. La classe des pêcheurs est ouverte pour chaque individu de la classe, ce qui est valable aussi pour la classe des poissons. Dans un autre contexte et dans une situation particulière, notamment déictique, cette phrase peut avoir aussi une interprétation spécifique9. La phrase comme celle-ci est tout à fait inacceptable en français, car le français a toujours besoin d'un actualisateur devant le N sujet/objet.10 10) Ribiči lovijo ribe. *pêcheurs pêchent poissons 'Les pêcheurs pêchent les poissons.' Dans l'exemple (11) nous avons ajouté l'adjectif totalisant vsi/tous devant le N sujet (ribiči). La lecture générique devient plus explicite. Vsi (tous) comme marqueur de la totalité implique le parcours exhaustif de la classe des pêcheurs et pour cette raison permet l'interprétation générique. Il s'agit d'une phrase dont le sens est très générique, bien que l'adjectif indéfini soit placé seulement devant le N sujet. 9 Une interprétation est spécifique quand un indéfini compte des individus exemplaires (Corblin 1987). 10 Dans certains contextes, l'exemple (10) peut être traduit aussi par : Des pêcheurs pêchent des poissons. T. Struna Berden: INTERpRÉTATIoN GÉNÉRIQuE DES INDÉFINIS FRANçAIS ET SLovËNES 69 11) Vsi ribiči lovijo ribe. *tous pêcheurs pêchent poissons 'Tous les pêcheurs pêchent les poissons.' Si nous mettons l'adjectif totalisant vsi (tous) seulement devant le N objet (12), le résultat n'est plus le même. La phrase paraît bizarre en slovène. Nous pouvons la comprendre de la façon générique mais aussi comme si d'habitude les pêcheurs ne pêchaient pas tous les poissons ou bien toutes sortes de poissons. La phrase slovène est grammaticale avec un seul déterminant - adjectif (vse), à la différence de la phrase française qui a, comme dans l'exemple (11), besoin de déterminants devant le N sujet et le N objet. 12) ?Ribiči lovijo vse ribe. *pêcheurs pêchent tous poissons 'Les (Des) pêcheurs pêchent tous les poissons.' Dans le dernier exemple (13) nous avons ajouté deux adjectifs totalisants dans la phrase « nue » ; devant le N sujet et devant le N objet. La phrase peut paraître normale en français (en ajoutant les articles) ce qui n'est pas le cas pour le slovène. La phrase est toujours grammaticale mais avec l'interprétation générique elle peut paraître bizarre en slovène. Pourtant elle peut être acceptable dans un contexte spécifique où nous parlons d'un groupe de pêcheurs dont, dans cette situation, ils sont tous censés pêcher tous les poissons. 13) ?Vsi ribiči lovijo vse ribe. *tous pêcheurs pêchent tous poissons 'Tous les pêcheurs pêchent tous les poissons.' Une phrase slovène (13) ne peut pas accepter deux adjectifs totalisants, bien qu'ils marquent très bien la généricité. La raison de l'inacceptabilité de cette phrase générique se trouve dans les deux adjectifs totalisants qui sont apparemment trop forts et ont un parcours trop exhaustif pour apparaître dans une même phrase. Par contre l'exemple (10), sans les quantificateurs exprimant la totalité, est le plus générique et tout à fait correct en slovène. Dans les exemples qui suivent, nous avons remplacé vsi (tous) par vsak (chaque). Il s'agit de deux adjectifs, qui dans les traductions du français vers le slovène, sont souvent interchangeables et dépendant du contexte. Vsak se limite à la dénotation singulière des N et garde la valeur plurielle. Pourtant, dans les exemples (14 - 17), nous voyons que ces changements ne sont pas acceptables en slovène. La phrase (14) n'est pas acceptable et difficilement compréhensible en slovène. C'est la forme singulière des N sujet et objet, mais aussi la pragmatique qui ne permettent ni cette structure ni l'interprétation générique. 14) ?Vsak ribič lovi ribo. *chaque pêcheur pêche poisson '?Chaque pêcheur pêche le poisson.' La seule phrase (parmi les exemples 14-17) qui est acceptable en slovène et qui permet l'interprétation générique, c'est la phrase où l'objet est au pluriel (15). 298 VESTNIK ZA TUJE JEZIKE En position sujet nous avons vsak ribič (chaque pêcheur) qui indique le parcours exhaustif de la classe et nous avons ribe (poissons) au pluriel en position objet. Le synonyme générique serait au pluriel (voir ex. 11). De nouveau nous pouvons confirmer que la lecture générique de vsi/vsak est favorisée par un N sujet au pluriel (vsi ribiči) ou au moins par un N objet au pluriel (ribe). 15) Vsak ribič lovi ribe. chaque pêcheur pêche poissons 'Chaque pêcheur pêche les poissons.' L'exemple (16), où un pêcheur (quelconque) pêche chaque poisson, est difficilement compréhensible aussi. Le sujet slovène peut être générique (sans article) mais il ne peut pas construire un lien avec chaque poisson. Même l'exemple (17) n'est pas acceptable. L'adjectif vsak ne peut pas apparaître deux fois dans la même phrase. Bien qu'il exprime la généricité il est trop individuel et orienté vers chaque individu de la classe entière. Les exemples français ne sont pas acceptables non plus. 16) ?Ribič lovi vsako ribo. pêcheur pêche chaque poisson '?Un pêcheur pêche chaque poisson.' 17) ?Vsak ribič lovi vsako ribo. chaque pêcheur pêche chaque poisson '?Chaque pêcheur pêche chaque poisson.' A partir des exemples choisis, nous pouvons conclure que les phrases slovènes peuvent être génériques sans aucun déterminant, adjectif ou quantificateur. Si on insiste et on y ajoute un adjectif totalisant pour obtenir la lecture générique, la seule possibilité est de le placer en position sujet. Pour une lecture générique, le slovène utilise de préférence le pluriel dans la position objet. Les interprétations peuvent être relatives à la connaissance du locuteur et aussi au contexte situationnel. 3 GÉNÉRICITÉ PARTIELLE Dans ce chapitre nous nous limiterons aux indéfinis exprimant la pluralité partielle : quelques/nekaj, certains/nekateri, plusieurs/vec. Dans une phrase avec la généricité partielle, seulement une partie de la classe est concernée par la phrase étudiée. C'est pourquoi l'interprétation générique est exclue. Les phrases génériques partitives11 admettent aussi les SN spécifiques. L'acceptabilité de cette spécificité dépend aussi de l'acceptabilité sémantique de la phrase. La spécificité est le caractère propre à une espèce ou un individu. Il s'agit des individus spécifiques et précis, tandis que la partialité prend en considération une partie des individus de la classe envisagée qui ne sont pas précisés. La spéci- 11 Une phrase générique typifiante locale, qui admet une SN spécifique, est : Les singes sont amusants. (Anscombre 2002) T. Struna Berden: INTERpRÉTATIoN GÉNÉRIQuE DES INDÉFINIS FRANçAIS ET SLovËNES 71 ficité peut même faire des sous-classes de la partialité. Pourtant, cette distinction peut dépendre du contexte et aussi des locuteurs. Comme le nom l'indique, ces indéfinis « partiels » ne peuvent pas concerner la classe avec tous ses éléments. Aussi le nombre (indéfini) qu'ils impliquent est différent d'un parcours de valeurs. Les exemples dans lesquels nous avons placé quelques/nekaj, plusieurs/vec, certains/nekateri ne peuvent pas avoir les mêmes interprétations que les phrases comportant tous/vsi et chaque/vsak. L'interprétation générique des indéfinis dont l'ampleur de parcours possible n'inclut pas toute la classe, dépend fortement des contextes linguistiques. Ces contextes et la valeur sémantique des indéfinis peuvent limiter le nombre présupposé des indéfinis. Leur interprétation dépend aussi de la pragmatique, de la caractéristique des déterminants indéfinis et de leur valeur sémantique. Quelques/nekaj est employé pour exprimer une quantité peu élevée. L'emploi de plusieurs/vec signifie normalement une quantité plus élevée (Gondret 1976, Flaux et al. 1997). Il s'agit aussi d'un point du vue personnel qui peut influencer le nombre de parcours des valeurs. Dans les deux cas, il est difficile de préciser le nombre d'individus dont on parle, car cela dépend fortement des connaissances des locuteurs et aussi de la quantité totale des individus envisagés. Certains et nekateri par leur caractéristique signifient une discrimination de qualité ou d'identité. Les entités qu'ils rassemblent ont une caractéristique que les autres N de l'ensemble N n'ont pas (Leeman 2004, Gondret 1976). On emploie certains/nekateri pour désigner aussi les individus qu'on ne veut pas mentionner, mais dont on connait bien l'identité. Corblin (1987) et Anscombre (2001) n'acceptent non plus certains dans la lecture générique standard pourtant ils l'acceptent dans l'interprétation partitive. Ils disent que certains est trop caractérisant pour pouvoir exprimer la généricité. Avec la propriété caractérisante certains n'envisage qu'une classe limitée des individus, ayant tous la même propriété caractéristique. Dans la généricité partielle, exprimée par certains/nekateri, l'ensemble de départ peut être représenté aussi par la classe générique, dite aussi la classe ouverte (Corblin 2001). La classe générique/ouverte est présente dans le SN objet dans la version française et slovène (certains chiens/nekateri psi). La généricité partielle de la phrase ne se fait que par SN objet (la musique classique/klasicna glasba), qui rétrécit la classe ouverte du départ. L'effet de la partition est dû à la présence de certains N/ nekateri N et ses caractéristiques sémantiques. 18) Certains chiens aiment la musique classique. (Corblin 2001) 'Nekateri psi imajo radi klasicno glasbo. Nous avons vu que dans une phrase avec un syntagme exprimant la partition, seulement la généricité partitive est acceptable, vu la valeur sémantique de ce syn-tagme. Ces indéfinis ne dénotent pas des individus spécifiques, mais se limitent à un certain nombre d'entre eux, notamment à ceux, dont la caractéristique particulière est exprimée ou envisagée par la phrase. Dans l'exemple (19) nous retrouvons de nouveau certains et nekateri qui ne peuvent avoir que la lecture partitive. Comme certains n'est pas un quantificateur 298 VESTNIK ZA TUJE JEZIKE pur, il se montre trop caractérisant, et nekateri opère un marquage trop spécifique pour pouvoir avoir une lecture de la généricité standard. Par contre la généricité dans (20) est basé sur l'opposition singulier-pluriel, i.e. entre quelques/plusieurs et un long. Nous insistons sur la quantité et voulons exprimer qu'il est mieux d'avoir plusieurs schémas qu'un long discours. Le singulier en opposition avec le pluriel peut être en slovène accentué par le numéral en (un) ou même en sam (un seul). Ce que nous apercevons en français se reflète aussi en slovène : nekaj/več qui n'exprime pas la totalité, peut quand même avoir l'interprétation générique standard dans une phrase exprimant la généricité (20). 19) Certains dessins valent mieux qu'un long discours. (Corblin 1987) 'Nekatere risbe povedo več kot (en) dolg govor.' 20) Quelques/Plusieurs dessins valent mieux qu'un long discours. (Corblin 1987) 'Nekaj/Več risb pove več kot (en) dolg govor.' Prenons un autre exemple ou les indéfinis au sens large, comme certains, ne permettent pas l'interprétation générique. Le (21) montre que certains/nekateri implique les personnes ayant un problème avec la gouvernance (določeni ljudje, ki imajo problem z vladanjem). Il s'agit de la caractéristique personnelle de certains gens, qui ne sont pas capables de gouverner et c'est la raison pour laquelle l'interprétation générique reste de nouveau impossible ici. Certains peut être traduit en slovène aussi par določen (déterminé), ce qui accentue la spécificité de l'ensemble des éléments choisis. Pour cette raison-là certains auteurs lui confèrent aussi l'interprétation spécifique. Nous pouvons de nouveau en conclure que certains ne permet pas l'interprétation générique standard car l'identité de son référent porte le sens pas tous. 21) Certaines personnes ne peuvent s'entendre pour gouverner. (Corblin 1997) 'Določeni/Nekateri ljudje se ne morejo dogovoriti za vladanje.' Corblin (1997) pourtant défend l'idée que les déterminants indéfinis au sens étroit comme plusieurs et quelques permettent l'interprétation générique même dans les phrases qui ne sont pas explicitement génériques (22). Il s'agit d'un contexte français et slovène (kjer se večje število ljudi težko sporazume, kdo in kako bo vladal) qui permet l'interprétation générique, car nous insistons sur l'opposition entre une quantité plus et moins élevée (cf. 19). 22) Plusieurs personnes ne peuvent s'entendre pour gouverner. (Corblin 1997) Več ljudi se ne more dogovoriti za vladanje. 'Več ljudi skupaj težko vlada.' Le SN več ljudi/plusieurs personnes (22) exprime seulement la quantité, tandis que SN določeni ljudje/certaines personnes (21) est de plus caractérisant et quantifiant. Dans les exemples (19 - 22) nous avons montré que certains accepte différentes lectures que plusieurs et quelques. Nous avons montré aussi que les indéfinis en slovène dans ces cas-là partagent les mêmes interprétations. A partir de ces exemples nous pouvons voir que les interprétations de plusieurs et quelques sont plus proches. Dans les exemples qui suivent nous montrerons des cas où les in- T. Struna Berden: INTERpRÉTATIoN GÉNÉRIQuE DES INDÉFINIS FRANçAIS ET SLovËNES 73 terprétations de quelques et certains se ressemblent plus que les interprétations de quelques et plusieurs (qui d'ailleurs sont plus interchangeables). Dans (23) il est possible que plusieurs possède l'interprétation générique standard, bien que cela soit difficilement possible pour quelques (24). Plusieurs est assez libre dans le parcours des pays et permet aisément l'interprétation générique standard. L'interprétation générique slovène est également acceptable. Le SN več sosedskih držav laisse plus étroitement ouvert le nombre de pays et met en évidence le fait de se fédérer. Il est même possible qu'il s'agisse de tous les pays voisins. 23) Plusieurs pays voisins finissent par se fédérer. (Corblin 1987). 'Več sosedskih držav se na koncu združi.' Quelques et certains dans (24, 25) ont une interprétation plus proche. Le slovène semble se comporter comme le français puisque l'interprétation partitive de nekaj et nekateri est la même dans les deux exemples. L'interprétation de quelque et certains n'implique pas toute la classe de pays voisins mais seulement les pays sélectionnés. Forcement il y a ceux, qui n'ont pas la capacité de se fédérer. De là, l'explication pourquoi quelque/nekaj et certains/nekateri ne permettent pas l'interprétation générique. La seule différence se manifeste au niveau pragmatique où le (24) implique des pays quelconques, tandis que (25) présuppose des pays déterminés, qu'on ne veut pas nommer. Dans ce cas-là, il est impossible de parler du nombre de pays désignés par certains, mais il s'agit plutôt de la caractéristique des pays, dits voisins. 24) Quelques pays voisins finissent par se fédérer. (Corblin 1987). 'Nekaj sosedskih držav se na koncu združi.' 25) Certains pays voisins finissent par se fédérer. 'Nekatere sosedske države se na koncu združijo.' Tous les trois déterminants plusieurs/quelques/certains supposent que l'ensemble auquel ils s'appliquent contient plus d'un élément. Certains (26) ne peut pas s'opposer à un nombre spécifié ce qui est le cas de plusieurs et quelques. Dans ce cas, l'interprétation générique est de nouveau acceptable pour quelques/plusieurs et non pour certains. Quelques/plusieurs insistent sur la quantité tandis que certains accentue un type de piqures. Cette même explication est valable pour les exemples slovènes aussi. L'opposition entre pluriel indéfini et le singulier empêche l'emploi de certains et nekateri. Pourtant l'emploi de quelques/plusieurs et nekaj/več n'y posse aucun problème. 26) Quelques/Plusieurs/*Certaines piqures d'abeille peuvent tuer, mais non une seule. (Corblin 1987) 'Nekaj/Več/ čebeljih pikov je lahko smrtonosnih, a ne en sam.' '*Nekateri čebelji piki so lahko smrtonosni, a ne en sam.' Nous pouvons en conclure que c'est l'emploi caractérisant d'un déterminant indéfini, référant à l'identité du référent, qui empêche l'interprétation générique. Certains/nekateri peut pour cette raison-là, apparaître seulement dans l'interprétation partielle (ou spécifique). Certains détermine un parcours non exhaustif de 298 VESTNIK ZA TUJE JEZIKE valeurs. Sa valeur sémantique le limite à des référents précis, dont on parle et dont l'identité est connue mais ne veut pas être révélée. Par contre, quelques/nekaj et plusieurs/vec peuvent apparaître dans toutes les interprétations mentionnées. Plusieurs/vec peut être traité comme les autres nombres pluriels (Corblin 1987), car il exprime la proposition valable pour tout l'ensemble des individus. C'est seulement le contexte qui peut empêcher l'une ou l'autre interprétation. 4 CONCLUSIONS Dans ce travail nous avons essayé de faire une comparaison entre l'interprétation générique en français et en slovène. Nous avons pris comme point de départ les indéfinis français exprimant une quantité indéterminée, notamment la totalité et la partialité. Puis nous avons cherché quels sont les éléments qui permettent à la langue slovène de garder la même interprétation de la phrase. La pragmatique nous a permis de considérer tous ces effets comme le résultat d'emplois des unités lexicales choisies dans différents environnements sémantiques. Nous avons vu que la généricité est affaire d'interprétation, et non de forme. Cela est bien visible en slovène dont la morphologie ne connaît pas de forme spécifique pour exprimer la généricité, ni d'autres marqueurs de généricité. C'est pourquoi il est difficile de parler de syntagmes génériques proprement dits. Pour obtenir l'interprétation générique il faut supposer un opérateur, qui, par une opération de multiplication, permet un énoncé générique. Nous avons prévu que le slovène possède moins d'éléments (pas d'articles) pour exprimer la généricité. Cette hypothèse s'est avérée correcte. En slovène, il est le plus naturel d'exprimer la généricité par un nom sujet au pluriel, à la différence du français qui peut l'exprimer par un singulier. Parfois, dans la langue parlée, il est possible d'utiliser aussi le numéral un (en), sans l'accentuer. Nous avons vu aussi qu'il est impossible d'assimiler la lecture générique à l'universalité logique et la présenter par le quantificateur universel. L'interprétation générique ne garantit pas que toute la classe des membres soit parcourue. Elle garantit seulement que la phrase est vraie quel que soit le nombre de prélèvements effectués (Corblin 1987), car la propriété des indéfinis est de retirer un certain nombre d'éléments de toute la classe. Pour les indéfinis exprimant la totalité, l'interprétation générique standard ne pose aucun problème dans les deux langues. C'est la totalité sémantique des adjectifs indéfinis qui implique tous les individus de la classe envisagée et permet une lecture générique. Dans ce chapitre-là nous avons constaté la différence entre les deux langues, concernant le nombre des indéfinis totalisants dans une même phrase. Le slovène a la capacité d'exprimer la généricité sans aucun indéfini dans la phrase ou, au maximum, avec un seul indéfini totalisant, notamment l'adjectif totalisant sujet. Par contre, les N français ont toujours besoin d'un actualisateur, soit d'un article défini ou bien d'un adjectif indéfini avec l'article défini. T. Struna Berden: INTERpRÉTATIoN GÉNÉRIQuE DES INDÉFINIS FRANçAIS ET SLovËNES 75 Les indéfinis qui ne marquent pas la totalité de la classe (notamment plu-sieurs/več et quelques/nekaj) ont besoin d'un multiplicateur pour pouvoir accéder à une lecture générique. Les indéfinis non totalisants ont le caractère approximatif. Bien qu'ils ne fassent pas référence à la totalité d'une classe, ils peuvent très bien exprimer la généricité dans une phrase exprimant la généricité. Leur interprétation, soit générique standard soit générique partielle, dépend fortement du contexte. Le français et le slovène partagent les interprétations des phrases avec cer-tains/nekateri. Les deux ne sont pas capables d'exprimer l'interprétation générique standard, pourtant dans une interprétation générique partielle ils sont tout à fait acceptables. La raison en est dans leur propriété sémantique d'être beaucoup plus caractérisant que quantifiant. Certains/nekateri se bornent seulement à une partie de la classe mentionnée, c'est pourquoi ils peuvent très bien apparaître dans les phrases exprimant la généricité partielle ou même spécifique. D'après plusieurs auteurs (Anscombre 2001, Corblin 1987, Leeman 2004) nous pouvons conclure aussi qu'il existe plusieurs interprétations qui sont parfois très proches, notamment les interprétations partielle, spécifique ou taxonomique. RÉFÉRENCES ANSCOMBRE, Jean-Claude (2001) 'Les N/des N' en position sujet ou objet dans les phrases génériques : un syntagme générique ou pas?. In BLANCO Xavier, BUVET Pierre-André, GAVRIILIDOU Zoé (eds.), Détermination et formalisation, Lingvi-sticae Investigationes Supplementa vol. 23, 29-49. ANSCOMBRE, Jean-Claude (2002) La nuit, certains chats sont gris, ou la généricité sans syntagme générique, Linx 47 | 2002, URL : http://linx.revues.org/558. BAJEC et al. (1964) Slovenska slovnica. Ljubljana: Državna založba Slovenije. BANOUR, A. (1995) Dictionnaire de logique pour linguistes. Paris: Conseil international de la langue française. BOSVELD-DE SMET, L. (1994) Indéfinis, quantificateurs généralisés, lecture existentielle et lecture non-existentielle. 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V primerjavi obeh interpretacij proučujemo tudi, kako lahko položaj nedoločnega določevalnika, glede na to, ali se pojavlja v osebku ali predmetu, vpliva na končno interpretacijo. Analizirani so tudi primeri, iz katerih je razvidna nesprejemljivost ponovitve enega nedoločnega določevalnika v istem stavku, in primeri, kjer je včasih nemogoče ohraniti enako interpretacijo v obeh jezikih. Namen članka je pokazati podobnosti in razlike generične interpretacije v obeh jezikih. Kljub temu, da francoščina ima člen s katerim lažje izraža generičnost kot slovenščina, ki členov nima, pa v nobenem od jezikov ne obstajajo specifična jezikovna znamenja za izražanje generičnosti. Prikazano je, da na generičnost ne vpliva oblika, temveč v veliki meri interpretacija (konteksta in situacije) stavka. Ključne besede: nedoločni določevalniki, pridevniški zaimki, samostalniški zaimki, generična interpretacija, delna interpretacija 298 VESTNIK ZA TUJE JEZIKE ABSTRACT Generic Interpretation of Indefinite Determiners in French and Slovene This study focuses on the contrastive analysis of French and Slovene indefinite determiners, with a special emphasis on the standard generic and partial generic interpretation of selected indefinite determiners. In the study, it is examined how the semantic, syntactic and pragmatic features of tout(e/s), chaque, quelque, plusieurs, certains and their Slovene equivalents (vsi, vsak, nekaj, več, nekateri) influence the two interpretations. Within the scope of the two interpretations, it is studied how the indefinite determiners in the subject or object can influence the final result, what are the restrictions that prevent the repetition of the same quantifier in the same sentence, and why it is sometimes impossible to keep the same interpretation with the same meaning in both languages. The aim of this work is to show the similarities and differences of generic interpretations between both languages. Although the French has an article that can express the genericity more easily than Slovene, there are no special markers neither in French nor Slovene to express the genericity. It is shown that genericity does not depend on a form but on the interpretation (context and situation) of the sentence. Key words: indefinite determiners, pronouns, generic interpretation, partial interpretation