i ê INTRODUCTION A LHISTOIRE NATURELLE £ T A LA GÉOGRAPHIE PHYSIQUE DE L'ESPAGNE, Traduite de l'Original Efpagnol de Guillaume Bowles , par le Vicomte de F lavi g ny. A P A R 1 S, Chez L. Cellot&Jombrt Fils, jeune j rue Dauphine , la deuxième porte cochere à droite par le Pont-Neuf, au fond de la cour, M. D C C. L X X Y L 11J é pitre dédicatoîre De M. Boules A SA MAJESTÉ CATHOLIQUE. Sire, L s contenu de cet Ouvrage prouve que les bienfaits que j'ai reçus de î^o t r je Majesté & de votre augifle Frère > ne font point tombés ni fur un ingrat ni fur tin pareffeux A mon arrivée dans ce Roy au* nie , le Mini/ire me chargea d'obfcrver la mine d:" Almaden, qui, par un incendie, ne fournijjoit plus de vif-argent pour l'exploitation des Mines de VAmérique. Far mon application, je fuis parvenu à rendre le cours a ce minéral fi précieux & fi utile au com^ mer ce de ces Royaumes avec les Indes. Ce fervice me fixa desdors à celui de cette Couronne, me fournit Poccafion d'examiner fa plus grande partie des Provinces d'Efi pagsu 0 de recueillir une multitude d'ob- 'vations fur l'IIifoire Naturelle , avec U but de les publier un jour. Àïais mon peu de .finté 249 De Madrid à Bayonne , par Valladolid 3 Burgos , Victoria , &c. 26S . De la Bifcaye en général ,< 287 De Bilbao en particulier, & de fes environs , 308 Des Oiféaux depajfage en général , & des Chimbos de Bifcaye, 317 De la mine de fer de Somorrofiro , & des autres mines de Bifcaye , 322 Des bois & des arbres de Bifcaye & de Guipufcoa , Des différentes efpeces d agarics qui croiffent aux arbres de Bifcaye y 345 De l'a montagne de Reinofa & 4* fes forêts de rouvres, 357 Des environs de Reinofa , de là fource de VEbre , & du commencement du canal de Cafille : article oït on parle par occafion de Véméri , de l'huile de hêtre & du beurre» 3 6 % D M ATIÈRES. m ^be Bayonnt a Madrid , par Ell^onfie & Parn-pelune : mine de fel-gemme de Vaidera , 368 De Pampelune à $aint-Jcah-Pied-de-Port, par Roncevaux, 381 Voyage de Madrid à Sarragoffe, 483 De la mine d'alun d'Alcagni^ en Aragon^ 3 87 De la vallée de Giflau dans les Pyrénées d'''Aragon > de fes mines de plomb y de cuivre, & particulièrement de celle de cobalt , 391 De la montagne de Monfcrat en Catalogne , 402 De la mine de fel-gemme de Cardona en Catalogne , Du Royaume de Jaën , des mines de ce pays , & en particulier de celle de Linares 410 Vvyage à Grenade par Akala-la-Réal, 417 Du S oto Je Roma , 410 Voyage de Grenade par Loxa, Ecija , Cordoue & Andujar, 415 De lEjcurial de Saint-Ildefonfe & de Ségovic ,430 De Saint-lldefonfe & de fes environs , 43 5 Des différentes pierres & des différentes terres que Von trouve aux environs de Ségovie, avec quelques réflexions générales fur le granité 9fur le marbre 9 le grais , la chaux, le fable , l'argille , & fur la faïance, 449 Sur les troupeaux ambulants & fur les laines fines de l'E (pagne, 469 De Madrid & de fes environs , 479 Du caillou de Madrid, 482 Du criflal de roche, 486 De Vafpeet de Madrid & de la nature de fon terrein , 491 De l\au de Madrid , 5oû Des pierres roulées f arrondies. 506 Fin de la Table. APPROBATION. J'ai lu par ordre de Monfeigneur le Garde des Sceaux Uïl Ouvrage intitulé : Introduction à L'Hiftoue Naturelle (s à Li Géographie Phyfique de iEjpagne , traduit de VEf-pûjtnùl G. lîowLtS , par Ai. le Vicomte de FlaviGN y ,& loin de rien renfermer qui puiffe en empêcher l'impref-fion, je n'y ai trouvé que des cliofes curieufes , utiles & iutcreiTantes fur la Phylique de l'EfpKgne, fur la partie de niiftoire Natutellé , fur la Chymie , ck principalement fur la Minéralogie. A Paris , ce 18 Avril 1776. JL O UIS, par la grâce de Dieu , Roi de France 8c de Navarre : A nos amés &. féaux Confcillers , les Gens tenant nos Cours de Parlement, Maires des Requêtes ordinaires de norre Hôtel, Grand-Confeil , Prévôt de Paris, Baillifs > Sénéchaux, leurs Licutenans Civils-, & autres nos Jnfliciers qu'il appartiendia : Sai.ut. Nos amés les fieurs JoMBERT jeune & Cellot , Libraires , Nous ont fVit expofe qu'ils defireroiem faire imprimer Se donner au Public un Ouvrage qui a pour tire : Introduction à L'Hijloire Naturelle & à la GévgrJphit Phyjïque de l'Efp.içne , traduite de VEfpayxol par 'M. le Vicomte D E FLAVlGNY,s'il Nous plaifoit leur accorder nos Lcttresde pennifïïon pour ce néceffaires. A ces Causes, voulant favorablement traiter les Expofants , nous leur avons permis & permettons par ces Préfentes , de faire imprimer ledit Ouvrage autant de fois que bon leur fcmblera, & de le faire vendre & débiter par-tout notre Royaume, pendant le tems de trois années confécutives , à compter du jour de la date des Préfentes, Faifons défenfes à tous Imprimeurs , Libraires & autres perfonnes, de quelque qualité Si. condition qu elles foient, d'en introduire d iniprenlon étrangère dans aucun lieu de notre obéif-fance : à la charge que ces Préfentes feront enregistrées wttt au long fur le Regiftre de la Communauté des Signé, D'H ERMILLY» PRIVILEGE DU ROI. ïniprlrneurs & Libraires de Paris, clans trois mois de là date d'icelles ; que Pimpreflion dudit Ouvrage fera faite dans notre Royaume , Se non ailleurs , en bon papier & ■beaux caractères ; que les Impétrans fe conformeront en tout aux Réglemens de la Librairie, 6c notamment à celui du 10 Avril 1725 , à peine de déchéance de la préfente Permifiïon ; qu'avant de i'expofer en vente , le manuferit qui aura fervi de copie à l'impreffion dudit 'Ouvrage, fera remis, dans le même état où l'approbation y aura été donnée, ès mains de notre très - cher & féal Chevalier , Garde des Sceaux de France , le [fieur Hue de Miromenil ; qu'il en fera enfuite remis deux exemplaires dans notre Bibliothèque publique , un dans celle de notre Château du Louvre, un dans celle de notre très-cher & féal Chevalier , C ancelier de France , le fieur de Maupeou , & un dans celle dudit ftcur Hue de M 1 r o m e n 1 l , le tout à peine de nullité des Préfentes ; du contenu defquelles vous mandons Se enjoignons de faire jouir lefdits Expofants , & leurs ayans-caufe , pleinement & paifiblement, fans fouf-frir qu il leur foit fait aucun trouble ou'empêchement; Voulons qu'à la copie des Préfentes, qui fera imprimée tout au longau commencement ou à la fin dudit Ouvrage, foi foit ajoutée comme à l'original. Commandons au premier notre Huiffier on Sergent fur ce requis, de faire, pour l'exécution d'icelles » tous aftes requis &ncceffaires , fans demander autre permiffion . & ron-obftant clameur de Haro, Charte-Normande ex Lettres à ce contraires : car tel eft notre plaifir. Donné à Paris , le cinquième jour du mois de Juin, l'an de grâce mil fept cent foixante-feize Se de notre règne le troifieme. Par le Roi en fort fionfeil. LE BEGUE. , Regîftrc fur le Regifire X X de la Chambre Royale & Syndicale des Libraires & Imprimeurs de Paris , a°. 638 , fil-178 » conformément au Règlement de iji^J A Paru , et P Juillet 177e, LAMBERT, Adjoint: AVIS AU PUB LI C. M . d'à s s a r a publia au mois de Décembre dernier , en Efpagnol, un Ouvrage original de M. bowles , intitulé : Introduction à VHijîoirt Naturelle & à la Géographie Phyfique dePEjpagne, dont tous les Papiers publics y François ic Etrangers , ont fait l'éloge. Le Vicomte de Flavigny, également connu de l'Auteur tk de l'Éditeur, étant à Madrid pour lors* fe décida d'autant plus volontiers à en faire la traduction littérale , que l'Éditeur voulut bien en corriger les fautes avec la plus fcrupuleufe exactitude . Depuis fon retour à Paris , plufieurs Membres de l'Académie des Sciences ont jugé l'on travail digne de leur attention ck de leur examen. Un Chymifte & un Botanifte très-inftruitslui ont prodigué fes foins , tk. le Traducteur n'a rien épargné pourfatisfaire le Public.Celui-ci trouvera néanmoins dans l'Ouvrage plus de fimplicité que d'élégance , plus de clarté que de recherches , parce que leVicomte de Flavigny s'eft particulièrement attaché aux obfervations & aux faits 9 bien plus intéreifans dans l'Introduction à l'Hif-toire Naturelle de l'Efpagne, que la partie fyllé-matiQiie. Le Traducteur ne s'efl permis ni fupprelîion ni obfervation , ni critique \ il s'eft uni que ment borné à présenter à la Nation Françoilé le premier Ouvrage fur l'Hiftoire Naturelle 6c fur la Géographie phyiique d'un Royaume qu'elle connoît peu, & qu'il lui eft cependant bien important de connaître. DISCOURS INTRODUCTION A L'HISTOIRE NA TURELLE ET )/'' A LA GÉOGRAPHIE PHYSIQUE DE DES PAG NE. DISCOURS PRÉLIMINAIRE. L E titre de cet Ouvrage , pris au pied de la lettre , annonce exactement ce qu'il eft. Je ne prétends point avoir écrit la millième partie de ce qu'il y auroit à dire fur l'Hiftoire Naturelle &: fur les Mines de l'Efpagne ; mais feulement avoir fait un eftai qui détermine quelques Savans Efpagnols à compofer, avec le fecours de mon travail, un autre ouvrage digne de l'importance Se de la curiofité de l'objet. Je prétends uniquement être le premier qui ait tenté une defeription pbyfique de ce pays. Mon ftyle a quelques droits à l'indiugence du public, parce que je fuis étranger : on doit juger favorablement l'intention qui me l'a fait réduire à la plus grande fimplicité, parce que j'ai cru que cette fimplicité convenoit à la matière que je traite. J'ai cherché encore la A l DISCOURS manière la plus concife de m'expliquer, parce que je compte fur la pénétration de mes Lecteurs , 6c que je crois qu'ils m'entendront à demi-mot. Je ferai fatisfait, fi mon livre contient peu de paroles inutiles 6c beaucoup de choies. La plus grande partie de mes dilTertations eft relative aux différentes commillions que le miniilere m'a données : or, comme celui-ci aime autant la vérité que l'exactitude, j'ai tâché de le fatisfaire à ces deux égards. Mon ouvrage contient des faits 6c des raifon-nemens. Les premiers feront toujours certains , quoique les féconds manquent de l'être quelquefois ; car tout homme eft fujet à l'erreur 6c à tirer de faillies conféquences d'un fait vrai ; aufîi le Lecteur eft-il le maître d'embrafTer ou de rejetter mes opinions , fans craindre que la vérité des faits en foit ébranlée. L'eau d'Aranjuès, par exemple , fera toujours mauvaife dans les endroits où le Tage coule entre des collines de plaire 6c de fel : elle fera toujours bonne, au contraire , quelques lieues plus bas ou il n'y a point de Semblables collines ; quand on regarderoit comme faux le fyftême par lequel je prétends que le plâtre & le fel fe réfolvent en terre 6c en eau, comme quelques expériences me le perfuadent. La conipofition & la décompofition des pierres 6c des terres de Molina pourroient bien ne pas fe faire comme je l'explique ; mais les fingularités de cette chaîne de montagnes 6c de fes pétrifications n'en font pas moins certaines. La mine de cuivre de la Platille fera toujours verte ou bleue, & il y aura des mines de plomb, de cuivre 6c de cobalt dans les Pyrénées d'Aragon ; quand mes idées fur la formation des métaux feroient des, délires de l'imagination. PRÉLIMINAIRE. 3 Par les expériences que je fis de la platine, dès 1753 , il me parut que cette matière étoitle ré-fultat de quelques volcans, Se que par elle-même elle étoit infunble à un feu de deux ou trois heures dans un fourneau de fufion ; mais j'ai trouvé qu'elle fe liquéfioit facilement étant mêlée avec quelqu'autre métal , fi toutefois on en excepte lè fer avec lequel clic fe liquéfie plus difficilement. Depuis ce tems-là, les plus habiles Phyficicns & les plus célèbres Chymilles de l'Europe, ont travaillé fur le même objet, fans avoir pu tirer aucune utilité de la platine ni en découvrir plus que moi : il fe pourroit que ma fuppofition des volcans en Efpagne fût abfurde ; mes expériences n'en fubfifîeront pas moins. La Géographie phyfique conûfte dans la con-noiffance des terres de notre globe, depuis la fuperficie jufqu'à la plus grande profondeur où les hommes aient pénétré. La mine d'Almaden a environ quatorze-cents pieds dans fa plus grande profondeur. Celles de Jacob en Claulthal , du Harts ck de Hanovre ont jufqu'à deux-mille deux-cents pieds, & c'efi la plus grande profondeur où I aie pénétré: par-tout j'ai obfervé que le terrein ' de la fuperficie, reffemble parfaitement à celui de la plus grande profondeur. Si on continuoit ces obfervations avec de bons principes , il pourroit arriver que l'on parvînt à quelques découvertes unponantes. Par exemple, fi on pouvoit creufer un puits très-profond au bord de la mer , peut-0tre trouverions-nous matière à nous détromper de l'idée où nous fommes qu'il exiffe quelques feux au centre de la terre ; & peut-être trouerions-nous la caufe de la permanence merveil-leuie des e-aux thermales ? de leur goût, de leur A ij 4 DISCOURS couleur, de leur odeur ,6k de leurs autres qualités permanentes depuis tant de ficelés. Il en feroit de même fi on creufoit un autre puits au haut d'une montagne , à côté d'une fource falée: il eft probable que nous faurions fi cette fontaine vient de la mer , ou fi Dieu l'a créé falée ; car tout ce qu'on a écrit jufqu'à préfent fur cet objet ne contient que des conjectures ou de fimples probabilités. Quant aux expériences, l'univers eft encore dans l'enfance , 6k pour en fortir, il faudrait né-ccflairement multiplier les Laboratoires, les Académies 6k les travaux. Les voyageurs devroient aider aufli à faire connoître les terres 6k les pierres différentes qu'ils rencontrent , ck nous marcherions ainfi peu-à-peu, à la connoiffance de la fui-face du globe que nous habitons. Avec quelques coups de briquet ou avec quelques gouttes d'acide, on parviendrait aifément à clavier ces pierres 6k ces terres, fans qu'il fut befoin d'entrer dans la connoiffance intime de leur matière, ce qui appartient au Chymifte. Plufieurs regardent notre planette comme un nionceau de décombres ck de ruines, formé par quelques révolutions confidérables ck univer-felles. Je n'entre pas actuellement dans l'examen de ce fyftême ; je lui trouve cependant quelques probabilités, lorfque j£*vois, dans certains pays, les effets réfultans des volcans , des tremblemens de terre , des féparations 6k des enfoncemens de montagnes ; mais je crois que dans le furplus la terre eft intacte 6k de la même manière depuis qu'elle exifte , à l'exception des combinaisons imperceptibles que «forment les corps nouveaux, comme les métaux, les pierres, 6kç, que la nature produit chaque jour. PRÉLIMINAIRE. y L'examen approfondi de ces objets n'eft point le but de mon Ouvrage ; je me contente d'y effleurer les objets qui n'ont point un rapport direct à l'exploitation des mines & aux progrès de l'Hiffoire Naturelle & des Arts. L'Efpagne>, quant à ces parties, eft. un terrein prefque vierge ; je ne connois point de Savant qui fe foit jamais appliqué à fa defcription , quoique ce terrein foit le plus riche que, je connoifTe en productions fingulieres. Quant aux pierres & aux terres ieulement , je crois que l'Efpagne en contient toutes les efpeces qui fe trouvent épar/es dans le relie du monde. Dans la Sierra Nevada, dans la Sierra Morena, 6c dans les environs des mines de Guadalcanal, on voit des roches qui paroiffent de la même nature 6c de la même couleur que les pierres à fufil. Dans les Pyrénées d'Aragon, il y a une quantité innombrable de rochers qui ne font ni argiileux ni calcaires , Se qui réduits en poudre ne fe durciffent point au feu, ne fe calcinent point, & fe difTolvent encore moins dans les acides. Dans les petites montagnes de la Manche, il y a des carrières de pierre à ai-guifer, de grain fin ; 6c à Alcaraz celles qu'on y trouve font d'un grain plus gros. U n'y a perfonne qui ne connoifTe la pierre de taille dure & cendrée ou le granit gris des montagnes Carpcntanos (1), par celle qu'on voit à Guadarrama & à l'Efcurial. A Merida il y en a de roiuTe. Les environs de Madrid font pleins de carrières de pierre à fufil,difpofées par couches( 2). (0 Carpentanos ; c'efr. l'ancien mot latin des montagnes de Guadarrama. (2) Dès ce moment , & par la fuite, cette expreffion . Par couches nous- indiquera- h fituation dans laquelle le& A iij 6 DISCOURS Les rochers du Cap-de-Gate ( 3 ) font compofés d'argille &c de fable : ils donnent du feu au briquet; mais aucun acide n'y fait imprefïion. Il y a auiîî dans des parties de la Sierra Moréna, quantité de roches argilleufes qui ne font point effervefcence avec les acides, qui ne donnent point de feu avec le briquet, fi on ne les fait chauffer auparavant. Les collines d'Àlcaraz dont nous venons de parler fontdegrais roux,dontîe fable fe diffout & iè convertit en terre argilleufe. D'autres femblables,qui font entre Murcie& Mula, fe {4) décompofent en terres grainées. Dans un grand nombre de parties de TEfpagne , & spécialement dans la vieille Caflille , il y a des collines de pierre ? toutes percées par des pholades (5 ). matières font étendues les unes fur les autres, comme les feuilles d'un livre , un peu plus ou un peu moins. (3 ) Le Cap-de-Gate eft le promontoire le plus Méridional de l'Efpagne. (4) Dans cet Ouvrage on répétera très-fréquemment îes mots décompojèr & dtcompojiùon , &c. dont les Chymlftes fe fervent. Ils ne doivent point fe prendre dans le fens ordinaire de la Langue : la décompofirion que nous entendons ici n'eft pas la divifioa ou la fépara-tion des parties d'un mixte, mais l'altération de fes parties conflitutives , d'où réfulte une fubftance différente de la première. Par exemple, quand l'effence des parties qui compofentle fable fe change &fe convertit en craie,nous difons fimplement le fable fe décompofe en craie, ( 5 ) Pholade , s'appelle ainfi du mot grec P/ioli.s, qui fignifie coquille;ce font des animaux à coquille multivalve, longue du doigt , qui dès qu'ils naiffent s'ouvrent un trou dans la pierre , & l'augmentent à melure qu'ils croifîent : ils y vivent & meurent fans fortir. En Italie on les appelle DatïUs. Us font fort favoureux pour ceux qui aiment les Poifibns à coquilles. Voyez la deferiptioa PRÉLIMINAIRE. 7 Dans prefque toutes les montagnes de l'Efpagne, il y a une grande quantité de cailloux: nous appelions les plus gros, gros cailloux ; 8c les plus petits, graviers. Dans quelques parties, comme dans le Royaume de Jaen, le gros caillou eft détaché ; dans beaucoup d'autres il forme une efpece de brèche , ap-Pellée Arniendrilla, qui eft un compofé de plu-heurs.autres cailloux,unis 6v conglutinés, comme s ds l'étoient avec du mortier : on en rencontre fur les bords de la mer, &c particulièrement aux environs du Cap-de-Gate, On y trouve auffi une grande quantité de graviers & de gros cailloux détachés , de deux ou trois couleurs, que les Antiquaires appellent Nicolos ( 6 ), dont on pourroit laire des bijoux &: des cachets. Au bord de l'eau on voit beaucoup de rochers de fable noir & ferrugineux , qui fe décompofent & qui fe ré-folvent en pur fable , que l'on vend pour les Sabliers. Ces rochers ck ces fables me font Coup-Çonner, i°. la poflibilité de trouver de la platine en roche , &c 20. qu'elle fe réfout en poudre qu'on nous apporte de l'Amérique : je ne fer ois Pas plus étonné de voir cette platine en pierre, S[ue les rochers ferrugineux du Cap-de-Gate. Quand on trouve des cailloux détachés dans les m°ntagnes ou dans l'intérieur des terres , il me paroît évident qu'elles ont été couvertes d'eau. Vers Reinofa il y a quelques montagnes d'ar-doifcs , fendues obliquement , qui ne donnent P°int de feu au briquet, qui ne font pas eifer- 9u'en fait M. de Rèaumur dans les Mémoires de l'Académie des Sciences , en 1712. . (6) Jean de Arfi, dans Ton Traité des pierres précieufes, ks appelle Nicks. A iv S DISCOURS verfcence avec les acides, ôk qui cependant fe fondent au feu. Ces iingularités devroient être vérifiées par quelques expériences que je n'ai point eu la facilité de faire , même en pratiquant tout ce qu'on peut attendre d'un voyageur qui ne fait que parcourir fon chemin. Il y a en Efpagne des montagnes entières com-pofées de pierre calcaire, telle que la montagne de Gibraltar , qu'une pluie d'acide diffoudroit affu-rément. La montagne de Moron qui fournit la meilleure chaux que je connoifTe, eft dans ce cas. Il y a auffi des montagnes entières d'un marbre, qui n'eft autre choie qu'une pierre calcaire, allez dure à calciner ; telle eft la montagne de Filabre, aux environs de Macaél en Grenade, qui eft un môle énorme de marbre blanc, depuis le fommet jufqu'à la baie, avec très-peu de fentes. Il conviendroit de faire ici une diftinction entre le nom générique de terre ou pierre à chaux, ck celui de pierre calcaire. Par le premier on doit entendre la matière calcaire mêlée avec le fable ou l'argille, ck par le fécond la pierre qu'on cherche pour calciner ck pour faire la chaux , parce que la matière calcaire s'y trouve plus nette & plus dépouillée de corps étrangers. Déformais nous entendrons ainfi ces deux expreilions , félon leiquelles on explique cet ancien proverbe Espagnol , qui dit : « où il y a du plâtre ck de la » chaux, il n'y a point de minéraux » ; ck que l'on doit entendre , félon moi, de la feule pierre calcaire , qui, comme tout le monde le fait, fait efferveicence avec quelqu'acide que ce foit, qui fe calcine parfaitement, qui attire l'humidité ck qui augmente de poids avec elle. A Valence , oit j'ai fait beaucoup d'expériences fur cet objet > je PRÉLIMINAIRE. 9 n'ai trouvé dans aucune pierre calcaire le moindre veitige de minéral, 6k j'ai vu des métaux (7) rnineraliles dans des rochers de chaux , mélangés de fable ck de craie. Les terres du Royaume de Valence font pour la majeure partie de ces rochers décompofés. Si l'on examinoit bien les différents terreins de l'Efpagne , on trouverait beaucoup d'autres çfpeces de pierres que celles dont j'ai fait mention. On devrait auffi obfer ver la manière 6k la fituation 011 on les trouve, puilqu'on voit fréquemment dans les hauteurs, ck encore plus dans le milieu, au pied 6k aux environs des montagnes 6k des collines , une variété infinie de pierres 6k de terres dures , de pierres 6k de terres molles , qui paroiffent n'avoir aucune connexité avec les matières des rochers qui compofent ces mêmes montagnes : on pourroit faire des obfervations fur la manière 6k fur les endroits où l'on trouve les terres fines* le lable, la pierre à fufil, le quartz, le fpath, la ferpentine, les marbres , l'albâtre, les ardoifes, le plâtre, le jayet, le charbon-de-terre, les craies , les terres lablonneufes ck profondes , eomme celles des pinarts, ou champs plantés de P-ns, des environs de Valladolid, mériteraient aufîi d'être examinés , de même que les terres un peu lablonneufes 6k remplies de chaux des plaines de Campôs qui font fi fertiles en bled , 6k les terres rouges de la grande plaine de Carthagene , ^ui donne foixante ck quelquefois cent pour un. (7) Mméralifés fe dit des métaux qu'on ne trouve point Pllrs dans la terre ; mais mêlés & diflbuts pour ainti dire *V£c d'autres matières. Le fouffre & l'arfénic font les ,x ingrédiens qui, pour l'ordinaire , minéralifeuc Ici. |0 DISCOURS Nous fommes très-éloignés de connoître îa îîtuation de ces fubftances dans notre propre pays, à plus forte raifon fi elles exiftent ailleurs. Par analogie,nous pouvons croire qu'elles exiftent dans les pays voiiins ou qui font à la même latitude ; mais la conféquence n'eft pas toujours sûre. En France , en Allemagne & en Angleterre , il y a des collines entières de craie (8 ). En Ef-pagne je n'en ai point vu , & nous ne favons pas s'il y en a en Amérique ou en Afie. Dans le Pérou il y a quantité d'émeraudes , folida ,friabilis. Ce font les caractères que les Naturalises donnent à la craie. On donne improprement le même nom à beaucoup de terres de différentes couleurs ; mais la véritable eft blanche & calcaire. Voyez la Minéralogie du Baron de Çrenfladt, %. 6. On ne doit point confondre la greda ou terre glaijè avec la craie ; ce font deux chofes abfolument différentes. La greda eft une terre argilleufc , graffe , purgée de fable & très-maniable. (9) Par matrice, dansl'Hiftoire Naturelle, on entend la matière qui enveloppe, & dans laquelle on trouve les corps que produit la nature , comme métaux , cryftaux , etc. c'eft proprement la pierre ou la terre dans laquelle: ceux-ci s'engendrent. PRÉLIMINAIRE. ît vera dans d'autres matières femblables , attendu qu'il eft fort ordinaire de les rencontrer dans ['endroit où on s'y attend le moins. En Efpagne u y a des jacyntes qui naiflent dans des pierres ficaires , & i'en ai vu dans des carrières de Plâtre. Nous vivons dans un fiecle où on fait de grands efforts pour exciter les Arts, &C pour parvenir a la connoiffance des matières qu'on y emploie. Beaucoup de Savants, au mépris des plus grands ttfques & des travaux les plus pénibles, ont fait *e tour du Monde pour connoître fa figure, pour «tendre le commerce &, pour rectifier la Géographie ; mais, à l'exception de MM. Banks &: Solander , je n'en cOnnois point qui fe foient propofé de faire le tour du Monde , avec le projet de faùrse des découvertes en Phyfique & de perfectionner l'Hifioire Naturelle. Je ne parle Point des voyageurs Efpagnols modernes ; je *erois prefque tenté de croire , par l'oubli mar-^é qu'ils en ont fait, qu'ils ignoroient l'exiftencc de la phyfique, en exceptant toutefois de cette claffe les deux illuftres Marins, qui, accompagnés ^'Académiciens François , mefurerent les degrés f°us la ligne. Dans la multitude des anciens Au-*eurs Efpagnols qui nous ont inondés de leurs «Crits fur la partie des Indes, on doit diftinguer Jofeph Chriftophe de Acofta , Hernandez , Monardes & Barba. Si ceux qui leur ont fuccédé euffent fuivi leurs traces , nous aurions fait actuellement de fi grands progrès dans les Sciences Naturelles f que nous en ferions furpris nous-mêmes. Si nous connoiflions bien la nature & l'afpcct ç chaque pays, nous pointions trouver, par des sz DISCOURS probabilités raifonnées, ce qu'on ne' doit maïn^ tenant qu'au hafard ; l'analogie qui exifteroit entre deux pays quelconques , quoique très-éloignés l'un de l'autre , celle qui exifteroit entre les mêmes pierres & les mêmes plantes , pourraient nous taire concevoir une juite efpérance de trouver des matières femblables dans les deux endroits. Antoine de Ulioa a oblervé que la nature fuit dans la formation des mines du Pérou un certain ordre , hors duquel il ne faut point longer à rencontrer des métaux. L'aipcct du terrein entre Madrid & Guadar-rama, eft celui qui en général relTemb'e le plus à celui des mines de Frcyberg en Saxe. Je ne con-nois point deux autres afpects auffi rcliemblans: cette conformité extérieure entre deux pays de l'Europe auffi féparés , pourra pei%êtreun jour fe réalii'er dans l'intérieur fi on creufe dans cette partie de l'Eipagne. La mine de cinnabre d!Al-maden fe forme dans le grais, de même qu'en Hongrie &. à Guancavelica. J'avertirai ici en paii'ant, que le peu de cinnabre qu'on trouva dans la pierre à chaux , près d'Aiicante, & dont nous parlerons dans la fuite , n'étoit qu'un pur jeu de la nature ; c'étoit la vapeur mercurielle , qui fe rencontra par hafard avec la vapeur fulphureuîe , qui, en pénétrant enfemhle la pierre, formèrent le cinnabre, 11 ne ferait point très-merveilleux qu'on trouvât des diamants au Cap-de-Gate ; tous les indices en annoncent. J'y ai trouvé des faphirs blancs , un peu opaques , des cornalines , des jafpes, des agates 6c du grenat"; en général ce pays paraît celui des pierres dures. Les mines de diamants de Golconde, de Vifa- PRÉLIMINAIRE. 13 pour, de Bornéo, & les autres du Levant, font toutes à trois ou quatre-cents lieues de la ligne,& celles du Bréfil le trouvent à la même latitude : la nature étant donc ridelle dans fes productions comme elle Tell régulierèment,on devroittrouver des diamants au Pérou dans la prolongation des mêmes parallèles, & fur-tout dans les endroits 011 la terre & les pierres font de la même matière que celles de Golconde ou du Bréfil ; c'eft au moins oii je les chercherais. Le vif-argent eft une matière précieufe & né-ceffaire pour diiférens ufages , tk fpécialement pour l'exploitation des mines d'or & d'argent de l'Amérique ; car fans lui nous pourrions renoncer en partie aux tréfors que nous tirons de cette partie du Monde. La mine d'Almaden donne certainement aujourd'hui une quantité prodigieufe de cinnabre;mais perfonne ne peut afîigner le tems que cette abondance durera. Il y a mille expériences de mines, qui foudain ont pane de la plus grande richelfe à la plus grande pauvreté. La mine de Guancavelica au Pérou, entr'autres, en eft une preuve fans réplique ; par cette raifon, il nous conviendroit infiniment de nous alfurer de quelqu'autre mine de mercurCdans notre pénin-fule , pour n'être pas contraints , au défaut de celle d'Almaden , d'aller chercher le vif-argent hors de l'Efpagne. Je ne comtois point de terrein plus reffemblant à celui d'Almaden que celui de la petite montagne qui fépare la Seigneurie de Molina du Royaume d'Aragon , dans la partie que traverfe le chemin de Madrid à SaragoiTe. Du côté de l'Eft, ce terrein eft à la même diilance de Madrid , que celui d'Almaden du côté de l'Oiieft ; l'une & l'autre font les points les plus 14 DISCOURS élevés de la péninfule ; les rochers qui y forment une efpece de côte , s'étendent à la vue pendant plus d'une lieue ; ils font pelés & con-tigus , 6c ils fortent de terre de vingt à trente pieds. La matière dont ils font compofés eft un fable d'un grain très-fin ; ils fe rapportent enfin fi parfaitement en tout, qu'on obferve dans les rochers d'Almaden jufqu'aux mêmes taches rondes & jaunes qui couvrent ceux de cette montagne. Ces deux terreins fe reffem-blent auflî par certaines veines de fer , par les arbres , par les arbuftes & par les plantes qu'on y rencontre; il feroit difficile de trouver une ref-iemblance auffi parfaite dans deux autres terreins. Si, après avoir creufé dans ces différents pays ; fi, après y avoir apporté toute l'attention néeef-faire, on ne trouvoit ni plomb, ni argent entre Madrid & Guadarrama , ni diamants dans le Pérou, ni cinnabre en Aragon, nous pourrions regarder les indices comme trompeurs ; mais fi, au contraire, on trouvoit ce qu'ils promettent, on feroit payé de fes peines, le fyftême des indices 1er oit confirmé ; ils ferviroient dorénavant pour chercher beaucoup d'autres richelfes de la nature. Lorfque je parle analytiquement de quelques métaux , il eft néceftaire de ne point perdre de vue que j'ai dit au commencement de cet Ouvrage , que mes idées ou mes raifonnemens pour-roient être faux ou douteux, fans que les faits en fouffriflènt la moindre altération. Je crois , par exemple, que l'or, l'argent & le mercure ne contiennent point de terre, & qu'ils font indeftruc-tiblcs , quoiqu'ils puifient pour ainfi dire changer de forme par quelques opérations. D'autres pourront avoir une manière différente de voir ? ils PRÉLIMINAIRE. if pourront parler quelquefois de terre élémentaire & de phlogiftique. Je ne m'arrête pas à préfent à ces combinaisons de principes dans les métaux , non qu'il ne puiffe y en avoir , mais parce que je ne les connois pas : comme j'ignore les premiers principes qui conftituent les métaux, ce feroit prononcer des paroles auffi vuides de fens, que fi Ton vouloit expliquer des objets par leurs qualités occultes ; mais, quand perfonne de nous n'auroit raifon , on ne laiffera point de tirer mie grande utilité des mines que je vais décrire ; quoiqu'elles ne compofent point la totalité des mines d'Efpagne, elles font en nombre fuffifant pour inftruire. Comme je décris dans le corps de l'ouvrage, ou qu'au moins j'indique toutes celles qui le font préfentées dans le cours de mes voyages^ que par cette méthode,il y en auroit quelques-unes dont je n'aurais pasoccafion déparier^ / indiquerai celles-ci dans cedifcourspréliminaire» pour qu'elles ne foient point oubliées; mais avant dé les faire connoître , je dois expliquer quelques termes de l'art. Les métaux fe trouvent purs & minéralifés dans prefque toutes fortes de pierres : j'ai vu de l'or dans l'ardoife tendre , tk de l'argent capillaire dans le marbre. J'infere de ces obfervations, que la plus grande partie des rochers, des pierres & des terres endurcies, peuvent renfermer des métaux ; mais fi cela arrive ainfi , il eft cependant plus général de les rencontrer dans le quartz , dans le fpath, dans Yhorneflein tk dans l'ardoife, °ù la blende les y accompagne très-fouvent, Les trois premières matières font très-peu fuf-ceptibles de defcription , parce que , pour les connoître , il eft indifpeniable de les voir tk de 16 DISCOURS les manier. De longs difcours ne pourroient faire comprendre les différences qui exiftent entre le jafpe , l'agate 6c la cornaline ; 6c un Naturalifte ou un Lapidaire les connoît à la première inf-pecHon, parce qu'il eft habitué à voir Se à manier. Il y a une très-grande variété dans les cfpeces de quartz; mais généralement on en trouve de trois efpeces diftinctes en Efpagne : toutes les trois donnent du feu au briquet ; aucun feu ne peut les fondre. On trouve la première efpece de quartz, renfermée dans des roches ; il paroît avoir été créé avec elles,ck il eft ordinairement l'indice d'un faux filon. La féconde efpece contient les morceaux de quartz blancs qui paroilfent hors de terre ; ils annoncent pour l'ordinaire la proximité d'une mine , comme dans Setiles ck dans la mine de la platille de Moiina d'Aragon. La troificme efpece de quartz en contient de petits morceaux , qui, quoique renfermés dans la maffe des rochers, ne s'unifient peint avec eux comme dans les bons filons : ce quartz a quelquefois un pouce de large, 6c quelquefois trois ou quatre. Il en eft, pour ain'fi dire, du fpath comme du quartz , les Minéralogiftes décrivent amplement leurs variétés. Je ne parlerai donc ici que du fpaîh qu'on voit communément en Efpagne, qui eftdel'efpece calcaire, qui forme les veines blanches dans le marbre, & qui, frappé avec le briquet, ne rend point de feu. Çe que j'ai dit du quart/ ck du fpath fèrvira peu pour ceux qui : 'ont point l'ufage de manier ces matières. La vue feule ck: l'expérience enfeignent à diftinguer un quartz commun, d'un quartz fin ; un fpath ordinaire, d'un fpath bien cryilalliié. Quant à l'ardoife , comme elle eft très-connue , nous ne nous arrêterons point à la décrire. Sur PRÉLÎMîtfAIRE. Sur Vf'ornjidn je ne luis pas plus habile que nos cékbres Mirera.ogilles ; je ne trouve point, non plus qu'eux , de tettfte pour pouvoir en parler avec exactitude, Homfltàn , traduit littéralement , Veut dire pUrtt de corne. 1 ont ce que je puis en aflurcr,c'eft que les plus habihs Mineurs donnent ce nom à toutes les petites pierres matrices des mii.éraux , qui ne io, t î.i quartz, ni lpaih , ni ardoifis , quelque couleur qu'aient ces petites pierres ; ma.s en général elles lont centrées , dàiïes 6c mires. Cette minent 'munis qu'on appelle blende § quoiqu'elle accempagne communément les minéraux , ne contient, d'après Pai.a'yie crdii aire, aucun métal, k l'exception du zinck. Elle t it ordinairement noirâtre, 6c dans celle d'Efpagne » qui eft ordinairement mate , on voit reluire quelque choie qui annonce du métal, quoiqu'il n y en ait point ; cependant nous verrous dans la fuite fi j'ai eu railon d'appeller ces différentes cfpeccs, blende d'argent, blende de cuivre, blende de plomb > blende de 1er , &c. quoiqu'elles ne contiennent aucun de ces métaux; Agricola parle des riions ; mais fes notions font plus théoriques que pratiques. Alonzo Barba obferva que les principaux liions des mines du Potofi fui voient une direction contraire aux règles qu'il établit ; car ils fe prolongent du Sud au Nord* Mais nous parlerons ailleurs plus amplement de cet objet. Il paroît que la direction & la divifiôn des roches déterminent celles des veines profondes. Ces veines plongent (qu'on me permette cettt expn fuo () directement de la fuperficie da s l'inéritur. Si i es détournent, c'eft par ce qu'elles rencontrent jg DISCOURS roches qui les obligent à s'incliner. Les filons font ordinairement fort courts, 6k il faut qu'ils foient bien riches ck le métal bien pur 6k bien net, pour qu'il foit avantageux d'exploiter une mine qui excède mille pieds de profondeur. Cette direction des filons varie beaucoup ; car, quoique pour l'ordinaire ils foient dirigés de haut en bas, fouvent ils déclinent de la perpendiculaire à l'oblique. Dans quelques endroits ils font fort étroits ; dans d'autres, larges : les uns font ramifiés ; quelques-uns font pauvres , d'autres font riches, félon l'état où on les trouve. Il m'a paru que dans quelques filons le minéral ck fa matrice ont été diffous 6k fluides , 6k que le quartz, le fpath , 6k les autres matières , font entrés par les ouvertures du rocher comme dans un moule ; 6k quand le réceptacle du filon d'une mine femblable, fe trouve enveloppé de craie ou d'autres f ùbftances molles 6k ardoif ées,les Mineurs difent que ce filon eft régulier. Ceux qui dans l'exploitation des mines procèdent avec plus d'intérêt que d'intelligence , fe réjouiffent quand ils en voient de cette efpece , 6k ils difent qu'elles Ont la tête de fer , le corps de cuivre , & Us pieds d'argent. Si cette expreftion étoit vraie, il faudrait croire que les trois métaux fe forment en trois tems différents , ou que le fer fe convertit en cuivre, 6k le cuivre en argent. Quand le minéral pur pénètre les roches, 6k qu'il eft intimement mélangé avec elles , comme on le remarque dans la pins grande partie des mines d'Efpagne, on peut conjecturer que les matières métalliques, font ainfi réunies depuis le commencement du Monde, ou que le minéral 6k la pierre le trouvèrent en état de diflblution PRÉLIMINAIRE. t$ avant de s'endurcir , ou bien que le rocher a changé par un travail intérieur oc long de la nature , lorfque la mine s'eft produite en lui. Quand on rencontre le métal de cette dernière manière , cela eft ordinairement d'un bon augure pour les Mineurs. il y a une mine en Efpagne, qui s'étend beaucoup fur la fuperficie de la terre, fans que pour l'ordinaire on y trouve ni pierres ni terres-matrices. Elle exifte dans la Manche , au bord de la rivierre Ségura , près du village de Gennave : c'eft la feule mine que je connoilfe en Efpagne qui fente de loin ; & en effet, j'en ai fenti l'odeur a quarante pas de diftance. Elle eft entièrement à la fuperficie, & s'étend en largeur de quarante à cinquante pieds : elle abonde en fouffre qui lui donne de l'odeur. La pierre eft prefqu'aunl dure que le porphyre : pour l'amollir tk. pour la travailler , il faut brûler au-deflus de cette pierre beaucoup de bois , comme on le fait en Allemagne dans les mines de Ramelsberg de Gozlar y à laquelle elle reflemble totalement. Je penfe que l'union de la terre argilleufe avec le fouffre & les différents métaux , eft caufe de cette grande dureté , oc que peut-être fa dureté même eft caufe qu'on n'y a point touché depuis tant de liecles.Quoiqu'à la vue de tout le monde, elle n'a jamais été efîayée , elle contient cependant un peu d'or , un peu plus d'argent, de cuivre, de plomb, du zinck, du vitriol verd ck blanc, oc d'autres matières qu'on trouve dans la mine de Gozlar, qui a enrichi une ville Impériale. Je dirai peu de chofe d'une autre efpece de mine, parce qu'elle eft fort rare en Efpagne ; elle eft compofée de filons réguliers, ils ne fe fuivent Bij Ho DISCOURS point ; on rencontre,au moment le plus inattendu, des morceaux de rochers arrondis, de trois ou quatre pieds d'épaiffeur. Pour paner outre,le filon eft obligé de le ramifier ; mais les rameaux le rejoignent auili-tôt que la grofie pierre eft traverfée. On infère de cette dilpofition, que la pierre eft antérieure à la mine. Il faut beaucoup d'intelligence , de pratique tk de perfévérance pour exploiter avec utilité cette efpece de mine. Toute la théorie écrite fur cet objet fert peu, fi elle n'eft unie à l'expérience , tk un Piqueur de travaux , fans favoir lire , entendra mieux fa befogne en pareil cas, que celui qui aura écrit quarante volumes. J'ai vu, & même je fuis entré dans de vaftes excavations faites près du fommet de quelques collines rondes des montagnes de Grenade , entre Ronda tk Gibraltar ; ïk j'ai remarqué que fi ces excavations, parce qu'elles font confidérablcs, prouvent que les filons étoient larges & copieux, c'eft parce qu'il paroît que ces mines avaient befoin de matières molles pour fe dilater. J'ai auffi obfervé que les filons trouvés dans de hautes montagne* pointues, font fi étroits & fi minces, qu'à peine ils ont un pouce de large , comme on le voit dans les Pyrénées d'Aragon, dans les environs de Saint-Jean de la Pena. Je crois que ces fortes de filons fe font formés depuis que les rochers exiftent ; un peu de réflexion le per-iuade. On trouve dans différentes parties de l'Efpagne, £c fur-tout à Jaen & à Linares, beaucoup de ces profondeurs ou excavations, cju'à la première v*ie perfonne ne croiroit avoir été anciennement iïs mines, parce qu'on ne trouve aucuns veftiges PRÉLIMINAIRE. iï de minéraux, de fcories ou de décombres ; mais fi on examine avec attention , on voit clairement qu'il y a eu des mines dans des rochers détachés pleins de minéraux, au milieu d'autres matières que l'on voit enfemble, fans aucune connexité ni union. Ces matières ne laiffent point d'indice de ce qu'ils contenoient ; on ne peut même plus conjecturer maintenant quel étoit le métal qu'on en tiroit: l'excavation de ces mines paroît remonter à des tems très-éloignés. Les anciens appel-loi ent châtaigne cette eipece de mines, tk difoient d'un homme qui y avoit travaillé quelque bloc : <* Il a mangé fa châtaigne> 6* déjà il n'en a plus»* On ne doit, en fait de mines, méprifer ni les proverbes, ni la tradition, ni les propos vulgaires. Un grand nombre de personnes croient, & fans favoir pourquoi, que ces cavités ont été faites par les Maures ; mais j'ai de fortes raiforts pour croire que fe font des ouvrages d'un grand nombre de ûecles antérieurs à leurs conquêtes en Efpagne. Quant à l'art d'exploiter ces mines, il en étoit peu néceffaire, par les facilités qu'offroit la fituation. On voit cuie les rochers dans lcfquels on travailloit le minerai, fuivoient la direction oc les divifions des autres rochers de la montagne , jugeant de leur direction par le vide qu'ils ont laiffé , vide qui étoit prefque toujours horizontal , fur - tout à l'entrée. En dedans l'inclinaifon eft petite ; mais les entrées y les forties tk les recoins font il largesque prefque par-tout elles ont trente à quarante pieds de largeur tk de hauteur. 11 paroît que les roches minérales ne fuivoient aucun ordre , non plus ^ue les travailleurs ; néanmoins la cavité eft affei c£ale , & quoique les Mineurs tiraffent tout ±i DISCOURS l'utile , on «e remarque point de confufion dans leurs travaux; l'ordre provenoit vraisemblablement de ce que la mine ne plongeoit point. Il y auroit b2aucoup de chofes à dire fur la formation de ces mines ; mais c'eft une trop grande matière pour ce moment. En général, je penfe que la plus grande partie des riions minéraux, font un effet de l'eau , qui les dépofe ici d'une manière » ôc ailleurs d'une autre. Les mines que nous appelions de tranf'port, font évidemment un effet de l'humidité qui covde avec lenteur, qui filtre Se qui dépofe les particules métalliques dans le terrein difpolé à les recevoir , de la môme manière que les eaux claires de la rivière Gallo dépofent, les particules de terre qui forment les incruftations. Les mines de cuivre verd & bleu, 6c celles de fer en couches' font particulièrement de cette efpece. Dans différentes Provinces d'Efpagne il y a des mines de cuivre verd Se bleu , comme dans i'EftramadQur,dans laSierra-Moréna, dans la montagne de Ségura aux environs d'Alcobendas; dans les montagnes, entre Saint Ander oc Reynofa; a Molina, St dans beaucoup d'autres partie s.Toutes ces mines font comme de beaux tapis verds 6c tiens, 6c contiennent des pierres curïeufes ; mais çe ne font pas les plus abondantes & les plus Utiles, à cauié de leur peu de profondeur. Comme le fer eft le plus utile de tous les métaux , il eft aufti le plus commun ; il n'y a point de Province en Efpagne où il n'y ait au moins une mine de fer doux,difpofée par couches. Ces mines ont été dépofées par les eaux, comme on l'a dit jci-deflus, Ce que j'ai dit jufqu'ici n'eft qu'une notion PRÉLIMINAIRE. 13 fuperfîcielle Ôc générale des mines d'Efpagne. Maintenant je vais remplir mon projet, qui eû d'indiquer dans cette Introduction celles den: je ne fais pas mention en particulier dans le corps de l'Ouvrage ; mais avant de pafler outre , je cois avertir que, s'il n'y a pas dans mes cffais une exactitude mathématique, il y a , au moins, tout ce que l'obfervation ik l'application ont pu me faire acquérir. J'avertis encore que je ne m'occupe point, dans mes deferiptions, des villes, des chemins, Ôc des objets appartenants aux Arts ; mon but eft de parler feulement de l'Hiftoirc Naturelle ; ceux qui voudront s'inftruirc fur d'autres objets, pourront fe fatisfaire en lifant le voyage d'Antoine Pons (10). A deux lieues de Guadarrama, en face du village , vers Saint-Ildefonfe, il y a une vallée profonde, 011 on trouve un filon de quartz, ordinaire, un peu ferrugineux : fans le fecours de la loupe , j'y ai vu des grains d'or ; le filon m'a paru régulier 6é ferré ; il coupe la montagne d'un coté à l'autre. Le quartz eft détaché tk n'eft point uni avec le rocher de granité ; c'eft une mine intacte. En Galice il y a des grains d'or dans les collines fablonneufes : on y eft encore iurpris des travaux prodigieux des Romains, pour réunir les fables , pour leslaver tk pour en extraire l'or. La tradition de ce Royaume prétend que ces iables précieux furent travaillés au profit de la canette particulière des trois Impératrices , Livie , Agrippine & Fauftine. Si quelque Savant vérifioit tk illuftroit cette tradition, il enrichirait l'Hiftoire Naturelle (10) Via^e de Efyam. Madrid 1772. & années fuivantes,, par DonPedro-AiU. Puante, en 6 vol. i/i-8°. }i»fcju'icu Biv. \ »4 DISCOURS ck feroit honneur à l'Hiftoire Civile. Je coanois un Mineur A-Lmaad,qiù, dans Tes moment perdus , lavoit ces tables 6c en recueil-joit l'or. On trouve dans la plupart des rivières d'Eipagne du iable mêlé avec des padlettes d'or , çk la même choie arrive dans la plupart des angles rentrais de preique tous les fleuves du monde 9 proche des montagnes ou à leur fortie, parce que le courant des eaux , dans le tems des grandes pluies , entraîne ce métal , mêlé dans la fange 6k dans le fable » 6k le dépofe dans les endroits où les eaux ont le moins de courant. Ce que nous favons de l'antiquité nous afïïire que la mine de Guadalcanal étoit aufïi abondante en argent, comme peut l'être aciuvikmcnt la plus riche de l'Amérique, Je ne çonnois point en Efpagne de mines d'argent pur ; mais je crois qu'on en trouveroit,fi on en cherchait : celle de Coi.ftantha a plus de plomb que d'argent, A propos de mines de plomb , je crois devoir avertir qu'il faudroit regarder d'un peu plus près à qui ck comment on confie le foin de les exploiter ; car la majeure partie contient de l'argent dont on ne fait point compte. Ces mines de plomb font très-communes dans toute l'Ef-pagne \ maïs elles abondent particulièrement dans Sierra-Moréna 6k dans fes environs , qui font pleins de filons vierges : c'eft à celle de Lin ares qu'on travaille aujourd'hui davantage, Le Roi y ttent un Gouverneur cjui l'adminiitre pour le compte de fa Majefté, Il y a quantité de mines de cuivre en Efpagne, auxquelles on n'a jamais touché ; celle de Riotinto PRÉLIMINAIRE. if «n Andaloufie (i i) s'exploitoit de mon tems par des Suédois pour le compte de la Compagnie de commerce de Suéde. Le cuivre de cette mine eft très-difficile à purger à caufe de Ion mélange avec le fer. La mine de cuivre de Navarre, aux environ! de Pampelune, s'exploite avec fuccès. Je vis, il y a quelques années, un gros morceau de minéral tiré de la mine d'étain de Galice dans les terres de Monterrei du Duc d'Albe : il me parut riche , 6c le hion de la même qualité que celui de Cornouaille en Angleterre. Je crois que quelqu'un entreprit de l'exploiter, 6c qu'il s'en dégoûta prefqu'auffi-tôt. Il y a apparence C[ue ce dégoût provint de la perte du filon, par ignorance ou par défaut de patience ; car les mines d'étain de cette efpece font ordinairement tres-profondes. A deux ou trois lieues d'Alcaraz , dans la Manche, il y a une mine de calamine vers le milieu de la montagne : elle étoit exploitée par un étranger, quand je la vis. Le filon avoit trois ou (i i) Cetrc mine dut être très-eftimée par les Romains, fi l'on en juge par l'infcription trouvée le 31 Ju n 1762 par les Travailleurs, à foixante pieds de profondeur, dans une galerie ancienne c< déjà prefque rebouchée par les décombres ou fcories. C'eft une dédicace à Nerva , gravée fur une plaque de cuivre de la même mine , d'environ trois pieds de long fur deux de large : J'ajoute ici l'tflfcription pour fatisfaire à la curiofité <1u Lecteur, IM - NERVAE. CAESARI. AVG. PONTIFICl. MAXIMO. TR... ... OTEST. P. P. COS. IIÏÏ ... G. LUI- PVDENS AVG.LIB. ... PROCVRATOR. ... 10. F0SY1T. 16 DISCOURS quatre pieds de large ck paroilToit dans une terre dure, 6k du jaune de îa rhubarbe ; il n'y avoit point de mélange de plomb. La calamine fe mêle ck fe fond avec le cuivre , 6k il en réfuite le laiton. Comme tout le pays eft rempli de mine de cuivre, on pourroit, en faifant le mélange fur la place même, en tirer une tres-grande utilité. Je ne dis rien maintenant de la mine de Co-balte de la vallée de Giftaw en Aragon, parce que j'en parlerai exprès. A peu de diflance de Santa-Cruz-de-Mudéla dans la Manche , au pied de Sierra-Moréna , il y a une mine d'antimoine au niveau de la furface de la terre, dans une plaine un peu inégale. L'antimoine diaphorétique que l'on fait de cette mine eft très-blanc, 6k ce qu'il y a de fingulier, c'eft qu'il ne contient point de fer comme celui d'Auvergne. Cette circonftance rend notre mine d'autant plus précieufe , que celle de Hongrie , qui fourniffoit anciennement à toute l'Europe, paroît être appauvrie ; d'un autre côté, je ne COnnois point de mine plus facile à. travailler 6k plus pure que celle de notre antimoine , qui, d'ailleurs , fe trouve dans le pays le plus abondant en bled , en vin , en viande , en gibier, ckc. Parmi un grand nombre d'expériences que je fis avec cet antimoine, il y en eut une où j'en pris un peu , que je moulus 6k que je jetai dans l'eau-forte pour examiner fon effet avec l'acide nitreux. Il produifitune chaleur exceflîve, que j'attribuai au choc foudain des deux phlogiftiques , 6k je foup-çonnai que, fi je m'étois fervi d'une eau-forte de meilleure qualité, 6k qu'elle eût été animée par le phlogiftique furabondant du fer , il en îeroit réfulté une inflammation réelle : fi cela arrivoit PRÉLIMINAIRE. Sf ainil, comme je n'en doute point, les Physiciens pourroient éproiffer fi on peut compofer quelques balances pour pefer le phlogiltique, comme on en a inventé pour pefer l'air : on le rendroit vifible enfuite dans la flamme que produifent les phlogiftiques de ces deux matières (n). (12) Il faut rapporter ici, touchant cette mine , quelques connoiffances que j'en ai prifes postérieurement. La mine exifte dans les terres d'une Chapelle que pofTede aujourd'hui D.Emmanuel-VincentdeLamo. Elle paroîtavoir ete découverte par le refultat de quelques diarrhées dan-gereufes qu'attrapperent des Laboureurs , qui burent de l'eau dont abondent fes puits. Le Médecin du pays y paffa pour faire t'analyfe de ces eaux: il trouva qu'elles con-tenoient de l'antimoine , que Ton commença d'après ces réfultats à exploiter & à conduire à Madrid, François Laguna, propriétaire de Santa-Cruz-de-Mudéla , pris la mine à terme , St parvint à en extraire une fi prodigieufe quantité , que l'antimoine ne fe vendoit que deux fols la livre à Madrid. Les trois frères Leblanc , François , prirent cette ferme depuis Laguna ; mais ils envoyèrent» de ce Royaume , en France une fi grande quantité de ce minéral, que le prix en monra d;;ns la Capitale à plus de vingt fols la livre : il arriva même que Tefpece manqua , & qu'on fut forcé de le faire revenir du dehors, en procurant aux Négociants étrangers un gain exceffif. Les trois frères ayant abandonné la m.ne , elle s'inonda, 8c refta fans utilité jufqu'en 1774, qu'Antoine Snnche , Imprimeur-Libraire , la prit pour fon compte. Il l'a def-féchee, il l'a remlfe au courant; il en tire chaque jour des morceaux de métal du poids de deux à trois-cenrs livres. Cette abondance eft nès-avantageufe pour la fonte dû caractère qui fe fait en Efpagne , depuis fur tout que Pac-croifTement de l'Imprimerie nous a procuré de bons Graveurs & des Fondeurs. Cette grande confommation de notre minéral ; la certitude où nous fommes qu'il n'exifte jufqu'à préfent que trois mines d'antimoine , dont un* eft défeefueufe & une autre détériorée & diminuée; la Réççffité indifpenfable de cette matière s font des a.8 DISCOURS La mine d'alun d'Alcaniz en Aragon feroit une fource de richeffe, li oni'exploitoit comme l'exige fon importance. Au pied de différentes collines, on trouve une terre noire, alu-mineufe, qui, de tems immémorial,fait vivre les habitans de quatre villages aux environs d'Alcaniz : ceux - ci tirent le minéral & le vendent brut tk à bas prix aux François qui le rafinent, ôc qui le revendent,.partie aux Teinturiers Efpagnols , & partie aux Étrangers, qui ne peuvent fe difpenfer de faire ufage de cet alun ou de celui de Civita-Vecchia dans les États du Pape. Ce n'eft point ici le moment de parler des mines de vitriol, quoiqu'il y en ait beaucoup en Efpagne , ni de fa purification pour les teintures: je ne dirai rien non plus du foufre dont on fait un fi grand ufage pour la poudre ; ni de i'arfénic , circonftances qui doivent faire veiller à ce qu'on admi-niftre cette mine avec autant d'économie que d'intelligence , Se qu'on prohibe l'extraction du métal brut. On ne doit permettre cette extraction que quand le métal a été travaillé ; parce moyen , 6c en prenant des précautions pour qu'à l'avenir il ne vienne point à nous manquer , nous fuivrons les fages maximes de commerce, qui preferivent de ne point confentir à la fortie des matières premières , rares Se précieufes , fans qu'elles aient été travaillées , Se fans s'être procuré ainfi le profit de l'Ar-tifte induftrieux. Le procédé des Anglois à l'égard de leur mine de Molibdene, comme nous le verrons dans la fuite , doit nous fervir de règle 6k d'exemple ; de même que la franchife avec laquelle le fer de Bifcaye Se de Suéde entre en Angleterre , pour être enfuue revendu à l'Etranger en barres d'acier , en cifeaux, couteaux ,fer' rures, Se autres ouvrages de clincaillerie ; demême encore que la profeription abfolue de l'entrée de tous ccuJt qui font travaillés hors de l'lfle. PRÉLIMINAIRE. 19 avec lequel on fabrique tout le plomb de munition ; ni des mines de charbon-de-pierre , dont on ne connoît jufqu'ici dans le Royaume qu'une très-petite quantité; ni dujayet fin qu'on trouve aux environs de Daroca en Aragon, 6k qui paffe tout à l'étranger, pour être travaillé ; ni du jayet ordinaire , dont il y a une quantité prodigieule de mines ; ni de la tourbe fiiperfïcielle qu'un étranger a entrepris d'exploiter. Tous ces objets demandent à être traites en particulier ; mais actuellement il faut, pour conclure, ajouter feulement quelques obfervations , que je n'aurai point l'occafion de faire dans le corps de l'ouvrage. Je dirai fur la tourbe (13), que j'en ai vu une efpece en Irlande, fans odeur quelconque, qui fe trouve en couches horizontales clans des terreins fangeux. En l'examinant avec une bonne loupe y je crus y découvrir des fleurs ck peu de tems après des graines. Si je ne me fuis point trompé dans mon obfervation , nous aurons une nouvelle plante , inconnue jufqu'ici, dont la végétation 6k le produit échappent à la vue natu- (13) La tourbe eft une fubftance poreufe, d'un gris noirâtre , légère, fibreufe, gratte , bitumineufe & inflam-mable,quife trouve peu éloignée de la fuperficie : elle fert à brûler comme le charbon-de-terre; mais elle n'eft pas fi bonne, parce qu'elle fait peu de flamme , & parce qu'elle répand une odeur peu agréable Suivant l'opinion générale des Naturalises , la tourbe n'eft autre chofe qu'une fubftance végétale , formée par les feuilles, les branches & les dépouilles de; herbes & des plantes , pourries & converties en maffe onctueufe & combuftible. Mais cette opinion feroit détruite, fi ma découverte fe vérifiok, 3© DISCOURS telle, Si que les Botanistes rangeront dans la clafTe qui lui convient. Si je vis affez long-tems, Se que ma fanté me permette de completter cet ouvrage, j'y ajouterai quelques diltertations fur les terres nitreu-fes , fur le falpêtre , fur le fel - gemme , fur les fontaines falées d'Efpagne , Sz fur d'autres points de la chymie. Comme j'aurai occafion de parler du phlogiftique dans différentes occafions, je veux, pour ceux qui ne font point familiarifés avec le langage chymique , expofer ici ce que c'eft. Se çe que j'entends par ce phlogiftique. Les anciens Alchymiftes qui ne fongeoient qu'à la pierre-philolophale ; c'eft-à-dire, à la tranfmu-tation des métaux , voyant qu'il y avoit dans la nature un principe ou force qui rappelle les métaux à leur état primitif , l'appellerent foufre-principe , Se quand quelques émanations ou vapeurs attaquoient les yeux ou les narines, ils l'appelloient fiufre des corps. Bêcher , qui commença à voir clair dans cette matière , appella ce principe terre inflammable ; mais le célèbre Staahl prouva , fans laiffer le moindre doute, que ce foufre-principe , cette terre ou principe inflammable , & ce phlogiftique , qui font la même chofe fous différents noms, exiftent en dofes plus ou moins confidérables, dans tous les corps qui compofent notre globe ; qu'ils font un principe invifible qui anime une terre , qui revivifie les métaux par le contact, en leur communiquant fon afpecl métallique , fa fufibilité Se fa malléabilité ; en un mot , le principe inflammable, le plus fimpie Se le plus pur de la nature, qui rend les corps plus ou moins combuftibles ou inçom- PRÉLIMINAIRE. 3f kuftibles, félon la quantité qu'ils en contiennent, L'expérience journalière des Artiftes prouve que le charbon commun contient plus de phlogiftique que toute autre fubftance : que les corps les plus noirs font ceux qui en contiennent davantage , 6c les blancs ceux qui en contiennent le moins. L'admirable Staahl démontre l'exiftence Univerfelle du phlogiftique par fes effets ; car jufqu'à préfent perfonne ne l'a vu, à moins que la Matière, électrique ne foit le phlogiftique , 6c 9\le le rayon , dont l'extrême viteiïe diifout 6C fait difparoître les métaux, ne foit de la même nature que nous le voyons dans les étincelles, Se dans les aigrettes que donnent les expériences électriques ordinaires ; mais fi cela etoit ainfi , le phlogiftique feroit le feu 6c non l'aliment du feu , comme beaucoup de Phyficiens 6c de Chymiftes le penfent. Celui qui veut fe convaincre des effets du phlogiftique n'a qu'à recueillir un peu de mi-" nium ou chaux-de-plomb, d'étain ou de fcories de cuivre 6c de fer, 6c les mettre brûler entre des charbons qui leur rendent le phlogiftique, il verra qu'ils fe convertiffent en métal, tels qu'ils étoient avant la calcination. Cette explication, quoiqu'imparfaite , pourra être de quelqu'utilité en Efpagne , oii je ne eonnois point jufqu'à préfent aucun livre fondamental de chymie. Nous avons, grâce à Dieu, °e juftes motifs pour efpérer que cette négligence fera bien-tot réparée par la prévoyance 6c les fages moyens du grand Roi qui nous gouverne ; puifque , d'après fes ordres exactement f-mplis par M. le Marquis de Grimaldy , nous soyons s'établir à Madrid un Cabinet d'Hiftoire. 5* ï> 1 S C O V R s Naturelle u riche, que, dans fa naiffance, îl peuf entrer en comparaifon avec les plus fam ux de l'Europe. Le jardin botanique s augmente , Se d'un endroit incommode on le tra^iporte à grands frais dans l'emplacement le phts agréable & le plus fréquenté. On y établira un laboratoire de Cnymie > afin que les Efpagnols profitent de Jeur pénétration & appliquent leurs elforts ÔC leur fagacitéaux Sciences naturelles , qu'on peut regarder en Efpagne comme inconnues juf qu'ici. Quelques perfonnes taxeront cet ouvrage de féchereffe , parce qu'ils n'y trouveront point l'érudition dont il paroiffoit fufceptible ; mais de quelle utilité aurois-je été , quand j'aurois effayé de prouver que Salomon envoyoit fes flottes en Efpagne; quand j'aurois copié à cet effet tous les fonges de Pinéda ; quand j'aurois répété tout ce Îiu'ont dit les Poètes & les Hiftoriens, des richef-es que les Romains 6c les Carthaginois tirèrent de l'Efpagne ; quand j'aurois rapporté ce que Morales ou le très-ennuyeux Carillo Lafo , ont dit de l'abondance de nos mines ; enfin quand j'aurois cité les Grecs & les Romains , pour prouver ce qui eft inutile ? Cette efpece d'érudition pompeufe & fuperflue n'eft point mon lot ; je vais au but, & je ne veux point que d'autres perdent le tcms que j'ai moi-même perdu à lire de femblables frivolités. Quant à la diftribution de cet ouvrage , je ne me fuis affujetti à aucun ordre, parce que les matières que je traite n'ayant aucune connexité entr'elles , je n'ai point eu de raifon pour les ranger d'une manière plutôt que d'une autre. J'écrirai la relation de mes voyages en Efpagne par fragmens t PRÉLIMINAIRE. 33 fragment, je l'interromprai quelquefois par des differtations qui en rendront la lecture plus variée. Je m'arrêterai quelquefois encore à parler de quelques mines d'Amérique , parce qu'elles font intéreiTantes pour cette Nation \ 6k parce que je les ai crues affez curieufes pour mériter place dans cet Ouvrage. Je finirai cette Introduction ouDifcours Préliminaire , en priant qu'on me pardonne une infinité de mots 6k de tours nouveaux dont j'ai ofé me fervir. Pour traiter une matière neuve , il faut nécefîairement fe fervir de termes neufs : il y aura toujours quelques perfonnes qui regarderont comme arbitraires 6k barbares les termes purement techniques ck ceux que j'ai été forcé d'adopter pour m'expliquer dans l'idiome le plus communément reçu parmi les Profefieurs des Sciences naturelles. Pour errer moins, ck pour parler avec une clarté convenable, j'ai confié mon Ouvrage à un homme diflingue par fes connoif-fances ck par fon érudition (14), Il a bien voulu prendre la peine de rectifier quelques-uns de mes brouillons , en applaniflant mille inégalités qui s'oppofoient au fuccès de cet écrit. Il m'a encore oté le refie de mes fcrupules, en m'afîitrant qu'il avoit été obligé de négliger comme moi la délica-teffe du ifyle, la pureté ck l'élégance fi difficiles à obtenir, principalement dans les matières que je traite. Plaife à Dieu quemonOuvrage n'ait d'autres défauts que ceux de l'élocution, ck que les licences cme j'ai prifes trouvent grâce auprès du Public l (M) M. d'Affara. 34 DISCOURS, &C. Par l'importance des connoiflances &c des objets que je lui mets fous les yeux, je délire mani-feïter à la Nation Elpagnole ma jufte reconnoif-fauce pour les bienfaits que je lui dois. VOYAGE DE MADRID A ALMADEN. Étant à Paris en 1752 , le hafard me fit faire connoiffance avec Don Antoine de Ulloa, Commandeur de l'Ordre de Saint - Jacques , actuellement Chef d'Efcadre & Auteur de deux Ouvrages fur l'Amérique. Il m'invita à venir en Efpagne, & ayant accepté les offres que le Mi-niitere me fit faire par fa médiation , j'entrai dans la même année au fervice de cette Couronne. Arrivé à Madrid, on me donna pour difciple ô£ pour compagnon de voyage dans la Péninfule , Don JofephSolano , qui, en 1773 , étoit Gouverneur de Saint-Domingue ; Don Salvador de Medina , qui mourut en Californie, où la Cour l'envoya pour obferver le dernier paffage de Vénus fous le difque du foleil, &c Don Pedro Saura , Avocat, qui mourut à Madrid. Les deux premiers fervoient dans la Marine 6c avoiènt Voyagé hors de l'Efpagne. Nos premiers pas fe dirigèrent vers Almaden, pour lequel nous partîmes le 7 Juillet de la même année 1752. Mais avant de parler de fa fameufe mine, je veux dire un mot des anciennes richef-fes minérales d'Efpagne. Comme beaucoup d'Ef-pagnols les ont décrites, je ne ferai qu'indiquer 36 Hitoire Naturelle, &c. quelques-unes de leurs citations. Dans le premier Livre des Machabées, il eiL queïtion de l'or que les Romains tir oient d'Efpagne. Plufieurs palTages de Tite-Live font mention des richefTes incroyables que les Gouverneurs de cette Péninfule en rapportoient à Rome. Caton remit au tréfor public vingt-cinq-mille livres péfant d'argent en barre, cent-vingt-mille en monnoies 6c quatre cents livres d'or. Helvius , Gouverneur de la feule Andaloufie , en rapporta trente-fept-mille livres d'argent frappé, tk quatre-mille livres en barre. Minucius , dans fon triomphe d'Efpagne, porta quatre-vingt-mille livres d'argent en barre ik trois-cent-mille de frappé. Fulvius Flaccus illuitra le lien avec cent-vingt-quatre couronnes d'or , trente-une livres en barre du même métal, & cent-foixante-dix-mille monnoyées dans le pays (i). Les Phéniciens, & plus encore les Carthaginois > avant les Romains , les Goths tk les Maures , fatisfîrent tour-à-tour leur cupidité avec les ri-cheffes de l'Efpagne. Les Maures, preffentant que leur domination ne feroit pas de longue durée , dépouillèrent ces Provinces tk les traitèrent avec la plus grande férocité : ils ouvrirent prompte-ment , 6c à force de monde, les coteaux , pour en tirer l'argent ; les collines fablonneufes, pour en tirer l'or. Ils brûlèrent & arrachèrent les bois; jamais ils ne plantèrent un arbre ni ne femerent ce (i) La livre Romaine croit de douze onces, & les « Gouverneurs ne reliaient pas plus d'un an en place ». Ce paragraphe eft un peu contradictoire au contenu de celui qui précède l'avanr-dcrnier du Difcours PrèTirm-naire ; mais la digreihon eft courte. de l'Espagne. 37 ton gland ; s'ils négligèrent d'exploiter un grand nombre de mines, ce fut principalement faute de charbon pour fondre les métaux. On diftingue encore aujourd'hui les mines que travaillèrent les Maures, d'avec celles qu'exploitèrent les Romains: ceux-ci conff ruifoient en ligne circulaire les tours de leurs fortereffes, pour diminuer autant qu'ils le pouvoient l'effet du bélier, & les Mineurs, ou par habitude ou par principe, faifoient également ronds les fouterrains des mines. Les Maures qui ne connoilloient point le bélier , faifoient leurs tours quarrées, ainli que les fouterrains de leurs mines. On voit encore les puits ronds des Romains à Riotinto ce ailleurs, ck les quarrés des Maures dans les environs de Linares. Revenant maintenant à mon voyage d'Almaden , je dirai que nous nous rendîmes à Tolède, enpaffant par Gétafe. En y arrivant, je trouvai que le pays changeoit d'afpect : on y revoit la pierre-de-taille grife , appellée en Efpagnol berroquena. La ville eil bâtie fur un rocher de cette pierre, qui a trois lieues de circuit. Le pavé de fes rues eft de grais rond , qui fe trouve par - tout aux environs : le Tage paffe au pied du coteau, fur lequel la ville eu fituée. Il eft très-profond aux environs de Tolède, èk fes eaux , qui font mau-vaifes à Aranjuez, parce qu'elles fe mêlent avec le plâtre ck les fels de fes collines, font très-bonnes H Tolède, ck délayent parfaitement le favon. Le terrein abonde en bancs profonds de-cailloux non calcaires ; de forte que le fleuve découvre quelques fentes verticales de plus de cinquante pieds de hauteur, E>e Tolède nous fûmes à Mora ? où l'on trouve Ciij 3 8 Histoire Naturelle, tkc. des ardoifes tk de la terre rouffe. Avant le village il y a une plaine fort bien cultivée ; elle eft terminée par une chaîne de petites montagnes en demi-lune , toutes de grais. De Mora nous fûmes à Confuegra , toujours par la plaine de terre rouffe oc de grais. En paûantplus avant par le port Lapiche (2), deux lieues avant Daimiel, la terre rouffe oc le grais finiflent ; on trouve en place une pierre blanchâtre & calcaire, femblable en tout à celle dont on fe fervit pour faire le pont d'Orléans. De Daimiel nous palïâmes à Miguel-Terra, toujours en rencontrant la même pierre, mais une terre très-foible. A trois lieues plus loin on voit une chaîne circulaire de collines fablonneufes, fans rochers ni pierres à chaux, & la terre y eft rouffe comme dans la première plaine. Après avoir traverfé cette féconde plaine, on entre dans une troifieme de terres foibles , mêlées de pierres blanchâtres, entourée d'une autre chaîne de collines de grais roux. J'avertirai en pafTant que les terres blanches font moins bonnes que les rouffes ; auffi pour l'ordinaire ne rendent-elles que quatre pour un , tandis que les autres , quoique formées de rochers fa-blonneux , produifent de douze à quinze , & même au-delà dans les plaines. Le terrein du village de Carrafcal eft bien cultivé ; mais la plaine qui le fuit eft totalement inculte tk remplie feulement de chêne verd, de cifte , qui porte le labdanum ; de thymelée, de (2.) En Efpagne on a coutume d'appeler ports les partages des hautes montagnes & des frontières, avec cette différence des ports de mer ou de rivietS , qu'on les appelle ordinairement ports fecs. de l'Espagne. 39 troefne , de romarin , d'auronne ck de genêt à fleur blanche : de - là on pâlie à Zarzuela ck enfuite à Àlmaden , dont je vais commencer l'hiftoire. Le pays change , il eft compofé de montagnes de grais. Almaden eft à quarante-une lieues de Madrid, vers l'Oueft (3). *—^"1111111 «■■■»» '^IMnai^MWBMaWIBWBBBBMWMW^ Description de la Mine de cinnabre d'Almaden, C e t t e mine eft la plus riche pour l'État, la plus inftructive par la manière dont on l'exploite, la plus curieufe pour l'Hiftoire Naturelle, ck la plus ancienne que l'on connoifTe dans le Monde. Théophrafte , qui vivoit trois-cents ans avant J. C. parle du cinnabre d'Efpagne. Vitruve , contemporain d'Augufte , en fait également mention, ck Plme dit de cette mine qu'elle eft fituée dans la Bétique, comme cela eft effectivement. Encore aujourd'hui, dans la divifion moderne des Provinces d'Efpagne , Almaden eft le dernier village de la Manche , qui eft uniquement féparé du Royaume de Cor doue par un petit ruifTeau. Les Romains crurent que le mercure étoit un poifon ; mais , non-nobftant ce préjugé , les Dames Romaines fe fardoient avec le cinnabre , Se les Peintres s'en fer voient. Pline dit positivement que cette mine fe fermoit à clef ; que le Gouverneur de la Province gardoit cette clef; que chaque fois qu'on vouloit l'ouvrir, il talloit un ordre de l'Empereur , ck qu'on la faifoit . (5) La lieue d'Efpagne eft d'un tiers plus longue que h l'eue ordinaire de France. Ciy 40 Histoire Naturelle, &c. fermer auffi-tôt qu'on en avoit extrait le cinnabre néceffaire pour envoyer à Rome. Il eft donc confiant que les Romains exploitèrent cette mine. Mais on a tant remué la terre depuis ce tems-là, qu'il eft impofiible à préfent d'y reconnoître .leurs anciens travaux. Il ne paroît pas que les Maures l'aient exploitée : peut-être la prévention , qui fubfiftoit encore alors, que le mercure étoit un poifon, en a-t-elle été caufe. Les deux frères, Marc & Chriftophe Fuggars , qui en Efpagne s'appelèrent par corruption Fucares , &: qui donnèrent leur nom à une rue de Madrid ,'prirenten ferme cette mine, avec l'obligation de donner annuellement au Roi quatre-mille-cinq-cent quintaux de mercure ; mais , foit qu'ils n'aient pu remplir ce marché, ou par quelqu'autre raifon, ils abandonnèrent dans la même année 1635 la mine d'Almaden & celle de Guadalcanal, qu'ils avoient également à ferme : ce qu'il y a de certain, c'eft que les deux frères , avec les fermes de ces mines , 8c de quelques autres d'Efpagne, gagnèrent tant de bien , qu'ils laifferent à leurs fucceiTeurs les moyens de vivre en Princes , comme ils le font aujourd'hui en Allemagne. L'Eglife, ainfi qu'une grande partie du village, qui contient plus de trois-cent maifons,font bâties fur le cinnabre, & tous fes Habitans vivent du profit de la mine. Celle-ci eft comprife dans un coteau de roches de fable , qui forment deux plans inclinés : du fommet du coteau fort une crête de roches, pelées & tachetées de cinnabre , qui naturellement fervirent d'indices auxprerruers de l'Espagne. 41 qui découvrirent la mine. Dans le refte du coteau On voit quelques,petites veines d'ardoife avec des veines de fer, qui dans la fuperficie fuivent la direction de la colline. Quelques-uns appellent filons fuperficiels ces raies d'ardoife Se de fer ; mais ils le trompent ; car il y en a dans les coteaux voifins oit perfonne ne croit qu'il y ait du cinnabre. Tout le pays abonde en mines de fer, Se même dans la mine d'Almaden, on trouve divers morceaux où le fer, le mercure & le foufre font tellement mêlés , qu'ils ne forment qu'un même corps. Ce fait détruit l'opinion commune où l'on eft, que le fer eft d'entre tous les métaux, l'unique qui foit indiffoluble par le mercure. J'ai découvert la fauf-feté de cette opinion dans les mines de vif-argent de Hongrie, où il eft certain qu'on trouve aurii un minéral mélangé de fer , Se j'ai vu dans la mine de vif-argent du Palatinat, une grande quantité de Ce même minéral martial, fervir de matrice au cinnabre. Les coteaux voifins d'Almaden, font compofés de la même efpece de rocher, que celui où ce village eft bâti : les mêmes eipeces de plantes croillent fur les uns Se fur les autres. J'en con-cluds , que la mine de cinnabre n'exhale pas les vapeurs vénimeufes qu'on fuppofe, Se que les exhalaifons mercuriellcs ne nuifent point à la végétation ni à la fan té des hommes , puifqu'un Mineur peut dormir avec fécurité fur un filon de cinnabre ; puifque j'ai compté plus de quarante plantes communes qui naiffent, croiffent, fleurif-fent Se grainent dans l'enceinte des douze fourneaux Se des tuyaux qui fervent à cuire le minéral pour en extraire le mercure. Les forçats 42 Histoire Naturelle, &c. qu'on envoie pour travailler dans la mine d'Almaden , n'y fouffrent point, ils ne font que charger les terres fur des tombereaux. Mais parmi ces forçats il y a un grand nombre de fainéants , qui feignent d'être paralytiques pour exciter la compamon, &c pour efcroquer quelque chofe à ceux qui vont les voir. Chacun de ces forçats coûte au Roi quarante fols par jour : ils fe régalent & vivent mieux qu'aucun laboureur : ils vendent la moitié de leur ration, & jouillent d'une fanté très-robufte. Par une compaffion déraifonnable, on ne les fait travailler légèrement que pendant trois heures par jour; 6c malgré tout, le vulgaire croit que leur peine efl intolérable , &c prefqu'aufïi terrible que la mort. Les Juges mêmes le croient , vraifemblablement d'auiîi bonne-foi, d'après l'atrocité des Criminels qu'ils y envoient. Mais, en vérité, ils fe trompent, & ils peuvent être aifurés que les Habitans d'Almaden travaillent volontairement plus du double , pour gagner la moitié moins de ce que coûte un forçat. Il y a deux liions qui traverfent la colline dans fa longueur : ils ont depuis deux jufqu'à quatorze pieds de large ; dans certains endroits il en fort des rameaux, félon différentes directions. Tout le monde fait que le grais eft un compofé de grains de fable, plus ou moins fins. La pierre de ces filons eft la même que celle du refte de la colline ; elle fert feulement de matrice au cinnabre , qui eft plus ou moins abondant, fuivant que la pierre qui le contient eft d'un fable plus ou moins fin. De cette différence , il arrive que des morceaux du même filon contiennent jufqu'à dix onces de vif-argent par livre , tandis de l'Espagne. 43 que d'autres n'en contiennent que trois onces. En général les deux riions principaux font accompagnés de quelques couches, qui, dans pref-que toutes les mines , féparent les filons des pierres , & les enveloppent , tantôt d'un feu! côté , tk tantôt des deux. Ces couches ou bandes , que nous appelons en France faibandes ou pontes, font à Almaden d'une afdoife noire & pourrie , dans laquelle j'ai vu quelquefois beaucoup de cinnabre, de grolTes pyrites , rondes oc plates, qui dans l'intérieur font, en les brifant à coups de marteau , jaunes tk fulphureufes : on y voit encore au-dedans quelques particules de cinnabre. Les pyrites erTleuriifent OC le diiTolvent. De cette diffofution provient l'humidité vitrio-lique, qui jaunit le linge, quand on entre dans la mine ; mais , comme ce jaune difparoît avec du jus de limon, il eft clair que ces pierres font des pyrites martiales. Il y avoit, dans l'ancien cabinet du Roi, une de ces pyrites, apportée d'Almaden, qui pefoit foixante livres. î'enramaffai quelques-unes du poids de trois livres. Indépendamment des pyrites , on trouve dans lamine d'Almaden des morceaux de quartz blanc, qui contiennent beaucoup de cinnabre : on y trouve encore du fpath léger , de quelquefois cryltalljfé, remplis l'un tk l'autre de la même matière , tantôt en forme de rubis, $C tantôt en feuilles : on y trouve aufli des ardoifes dans le même cas. Le hornftein eft pénétré de cinnabre , comme s'il l'étoitpar des pointes de clous. Enfin, °n voit le vif-argent pur oc naturel dans les fractures des ardoifes tk du grais. Suivant des Mémoires que j'ai recueillis , il paroît que quelques héritiers des frères Fucares 44 Histoire Naturelle, &c. prirent le bail de cette mine & l'exploitèrent jufqu'en 1645 , époque à laquelle tous les Mineurs Allemands fe retirèrent, parce que le Roi commença à la faire exploiter pour Ion compte. L'année fuivante, le Roi deltina quarante-cinq-mille pieds d'arbres au foutien des galeries de la mine ; mais les Mineurs les ayant employés fans intelligence, ils n'en tirèrent point un parti convenable. La même année , Don Jean-Aîphonfe de Buftamante , né dans les montagnes de San-tander , établit les fourneaux de réverbère , avec leurs aludels ou tuyaux, pour refroidir le mercure : les Allemands ne s'étoient fer vis jufques-là 3ue de rétortes : en effet , on y voit encore ans les décombres des débris de pots de terre en affez grande quantité. La direction du monticule d'Almaden eft du Nord-Eft au Sud - Oueft ; il peut avoir cent-vingt pieds d'élévation. Je parcourus toute fa longueur en vingt-quatre minutes, & fa largeur en quatorze. Ce monticule , comme prelque tous ceux de la Manche , eft compofé de deux plans inclinés qui fe réuniffent au fommet , Se" dont la réunion eft furmontée , pour ainfi dire , à pic par une efpece de crête de pierre. Cette crête n'eft pas tout-à-fait perpendiculaire , puisqu'elle forme un angle incliné de quatorze degrés. Toutes les grofl.es pierres crui compofent le monticule ont à peu près la même inclinaifon , Nous verrons bien - tôt que l'Art du Mineur dépend prodigieufement de la manière de bien obferver cette inclinaifon. La pierre de ces monticules , tant à la fuperficie qu'au centre , eft de la même efpece que celle de Fontainebleau 6c du pavé de Paris, En la d f. l'Espagne.' 45 calcinant, 6c en l'examinant avec la loupe quand elle fort du fourneau , on voit qu'elle eft corn-pofee de grains de fable , de la même forme 6c de la même tranfparence, que le fable des bords de la mer. Les morceaux de pierre énormes qui compofent intérieurement la montagne , font di-vifés par des ouvertures verticales ; 6c quoique ces pierres paroiftent pofées perpendiculairement les unes fur les autres , félon la longuetir de la colline, c'eft une apparence purement illufoire ; car elles font inclinées vers le Midi. La colline eft, pour ainii dire , coupée verticalement par deux riions de ces pierres plus ou moins remplies de cinnabre , qui, comme nous l'avons remarqué , ont depuis deux jufqu'à quatorze pieds de large. Ils fe joignent, ou, pour parler en termes de minéralogie , ils fe baifent vers la partie la plus convexe de la colline, en s étendant jufqu'à cent pieds ; de cette heureufe Union réfulta la prodigieufe richeffe du minéral u'on appela du rofaire, qui a produit des milliers e quintaux de vif-argent, & qui, de mon tems, a été la caufe de l'incendie de la mine. . Une couche de pierres non calcaires, de deux ou trois pieds de large , s'étend du Nord au Midi. En traverfant le monticule, elle coupe les deux filons , de manière qu'au-delà de cette coupure , on ne voit plus aucun indice de cinnabre. Ces efpeces de couches de pierres font appelées en Allemand cluffh: elles coupent ordinairement les filons métalliques, parce qu'elles font antérieures à la formation de la mine ; 6c comme les filons ,• qui trouvent ces couches de pierres endurcies, ne peuvent les pénétrer, ils font obligés de fe détourner de la ligne directe. Depuis ce clufft d'Al- 46 Histoire Naturelle, ckc. maden, jufqu'à l'autre extrémité de la mine , 011 trouve l'cfpace que j'ai dit avoir parcouru en quatorze minutes. Si les filons s'étendoient fans interruption, Ôk toujours en ligne droite , fur une largeur égale, il faudroit peu de travail ck moins d'art pour ies exploiter. Expliquons maintenant la manière dont on cxploitoit cette mine avant mon arrivée. Les anciens Mineurs d'Almaden ne firent jamais les excavations fuivant l'inclinaifon des filons, mais perpendiculaires ; ils y defeendoient dans des efpeces de fceaux , attachés avec des cordes , ck: cette mauvalfe méthode fut la lburce de tout le déferdre de lamine, parce que, à mefnre que les Ouvriers péi.étroicnt dans la terre , ils s'éloi-gnoientnéccfiairement des filons qu'ils perdoient. Pour remédier à cet inconvénient, ils pratiquoient à côté un autre puits , avec lequel ils n'en perdoient pas moins le filon en peu de tems : ils mul-tiplioient ainfi les puits ck les galeries , toujours avec les mêmes défauts. Outre la perte du tems 6k du travail, il réfultoit de leur impéritic une interception , prefque totale, de l'air , dans les endroits profonds , parce que l'air, qui entroit par une excavation, fortoit immédiatement par une autre, ck les Ouvriers fuffoquoient dans les profondeurs. La même choie arriveroit,quand on exploiter oit une carrière de marbre , en y procédant d'après les mêmes principes. Indépendamment des inconvénients réfultant du grand nombre de puits , ck de ce labyrinthe de galeries pleines de bois , il s'exhalo.'.t des vapeurs malignes , ck la mine rcfTembloit à une cave, dont l'air feroit dangereux, ck dont la voûte dépériroit chaque jour à vue d'oeil. de l'Espagne. 47 Pour prévenir de pareils accidents , je pro-pofai au Miniftere le projet d'ouvrir plus bas une . nouvelle mine , par un fouterrain général, creuie obliquement ce félon la direction naturelle du filon fouterrain, dans lequel on pût pofer de vingt pieds en vingt pieds des échelles pour monter 6c pour defeendre : je propofai enfuite de pratiquer deux galeries , l'une à droite ck l'autre à gauche, fur le filon même , en les étendant en proportion de la profondeur du fouterrain: je voulus encore qu'on laiflat fur le filon un efpace de trois pieds entre chaque Mineur ; de manière que leurs travaux formalfent une efpece d'amphithéâtre de gradins, qui fiffent le même effet que ce que nous appelions en France travaux en banquette. Par cet arrangement on peut faire travailler fort à l'aife, 6k: à la fuite les uns des autres, depuis vingt jufqu'à cent hommes, placés chacun fur fa banquette : on peut au furplus creufer , autant qu'on le veut , fans courir le moindre rifque*, parce que les nouvelles excavations fontfoutenues par les pierres êk par les décombres qu'on tire de la mine même. Alors les piliers font auffi foiides que s'ils étoient maçonnés, ck ils ne font pas ex-pofés aux inconvénients des étales de charpente. En exécutant la même opération dans le fécond filon, on acquéroit la liberté d'avancer les travaux à ion gré. Pour pouvoir purifier l'air , quand on parviendroit à une plus grande profondeur , je confeillai une galerie de communication d'un filon à l'autre ; parce qu'alors l'air entrant par un fouterrain , ck defeendant le long des galeries , cherchoit à fortir par l'autre. Par cette méthode fimple , on obtint dans toute la mine la circulation continuelle d'un air renouvelle , ainfi qu'on '48 Histoire Naturelle,&c. le pratique clans toutes les mines bien dirigées. Mon projet fut bien reçu par le Miniftere , & on fit venir des Mineurs Allemands qui en exécutèrent la majeure partie avec beaucoup d'intelligence. Les Mineurs Efpagnols d'Almaden font courageux, robuites, induitrieux, 6c pénétrants autant qu'il eft nécell'aire : avec le tems ils excelleront dans leur métier. Il ne leur manque que la véritable feience des mines, qui confifte dans la connoilfance des filons & dans la direction des rochers ; mais cette connoiflance s'acquiert uniquement par l'expérience. Vers ce même tems à-peu-près , la mine de cinnabre de Guancavelica commença à diminuer, après avoir fourni pendant plus de deux fiècles une prodigieufe quantité de vif-argent pour l'exploitation des mines du Pérou. La mine d'Almaden ne fourniffoit alors que celles du Mexique , qui en confommoient chaque année cinq à fix-mille quintaux. Mais le Miniftere voyant la néceffité d'en envoyer auffi au Pérou, ordonna qu'on en tirât une plus grande quantité; en confequence, on commença à en extraire d'Almaden 6c d'Alma-denejos feize à dix-huit-mille quintaux par an > qui étoient fournis pour la majeure partie par la mine des Allemands. Les frères Fucares furent les plus habiles Mineurs de leur tems : on obferve encore aujourd'hui , que leurs galeries & leurs excavations furent pratiquées d'après les meilleures règles de l'art , quoiqu'ils n'aient jamais entrepris aucun travail en grand ; ce fut peut-être parce qu'il5 confidérerent la mine comme fermiers, & nofl comme propriétaires, 6c qu'en confequence , il* viferent à en retiret au plutôt, 6c avec le moins de l'Espagne, '49 tïe frais pomble , tout le vif-argent qu'elle pou-Voit renfermer, comme s'ils eufTent prévu qu'ils feroient un jour dans le cas de l'abandonner. Ils entreprirent , d'après ces principes , plufieurs fouterrains , vers les endroits oh il leur parut crue le minéral étoit plus abondant. Quand le minerai diminuoit, ils abandonnoient ces fouterrains bien vite pour en ouvrir de nouveaux ; aulîi compte-t-on encore aujourd'hui plus de fix-cents de leurs galeries qu'ils foutenoient précairement avec des pièces de bois. Ils n'ignoroient certainement point quelles pourriroient, que les voûtes s'écroule -roient, tk qu'alors la mine s'enterreroit. Examinons à préfent les fourneaux que Dort Jean-Alphonfe de Buftamante inventa , tk qui ont été fi parfaitement conftruits , que jufqu'à préfent on n'a pas eu befoin d'y rien changer (4). La forme de ces fourneaux eft à-peu-près fem-blable à celle des bons fours-à-chaux ; mais la cheminée fe place dans la muraille du devant, afin que la flamme, qui fuit la fumée, fe répande également fur toute la fuperficie de la voûte* Dans Pendroitie plus bas du fourneau, on place une couche des pierres les plus pauvres en minéral: on pofe detîus les pierres les plus riches, tk on fait , des balayures tk des décombres qu'on foupçonne contenir un peu de vif-argent, des efpcces de gâteaux , qu'on paitritavec de l'eau, oc que l'on place dans l'endroit le plus élevé* On (4) Quiconque defirera une defcription plus détaillée de ces fourneaux , peut lire celle que le célèbre M< Bernard de Indien en a faite. On la trouve dans les Mémoires de l'Académie des Sciences de Paris j année 1719* H convient aufli de voir ce qu'en dit M. l'Abbé Jouberi «kns fon Dictionnaire des Arts & Métiers* 50 Histoire Naturelle, &c. met le feu au fourneau , un peu plus bas, avec des fagots de pin , de lentifque , de cille , de romarin, tk d'autres arbuftes dont les alentours abondent. On couvre de terre la partie fupérieure du fourneau, tk l'on y laine huit trous d'un demi-pied de diamètre , fur lefquels on pofe huit files d'aludels , lûtes exactement les uns aux autres. Ces aludels font pofés fur une terraffe un peu inclinée , oc viennent aboutir à une chambre quarrée qui eft à l'extrémité, tk dans laquelle on recueille le vif-argent. La chaleur pénètre la pierre & embrafe le foufre, au moyen duquel le mercure fe dilate ; tk comme l'un & l'autre font également volatils , ils s'exhalent enfemble tk. parlent par les aludels ; mais le foufre, étant plus pénétrant tk plus délayé, s'exhale dans la chambre qui eft au bout des aludels , oii il pénètre la matière qui les compofe, tk la terre-glaife dont ils font lûtes , pendant que le vif-argent, par fa pefanteur, fe condenfe en même tems qu'il fe refroidit dans les tuyaux , & tombe dans les tonneaux qui font à l'extrémité. Il réfulte de cette defcription, que fi les fourneaux d'Almaden font bien, conftruits, tout le vif-argent que le minéral contient doit fe rendre dans ces tonneaux, parce qu'il n'y a que deux inconvénients à craindre ; l'un que le feu ne foit pas afTez actif pour brider tout le foufre , pour raréfier le mercure tk pour le tirer des pierres qui le contiennent; l'autre, que le feu ne foit trop vif tk ne pouffe au dehors le cinnabre , en ne lui donnant pas le tems de fe condenfer, foit en pénétrant dans les tuyaux, foit par l'embouchure de ces mêmes tuyaux, lorfque e cinnabre eft encore mêlé avec le foufre. Pour m'aifurer de la perfection des fourneaux, je fis, de l'Espagne, en 1751, les deux expériences fui vantes, en pré-fence du Gouverneur tk de pluficurs autres personnes. Je fis moudre tk réduire en poudre quelques livres de pierres brûlées dans le fourneau ; je les mêlai avec du falpêtre & de la poudre de charbon, tk j'y mis le feu , en les couvrant par-delTus avec une tine mouillée, pour en recevoir la vapeur. Comme le falpêtre tk le charbon mêlés brûlent avec une extrême vitelTe , il eft évident que s'il y avoit eu dans cette pâte un feul grain de vif-ardent, il falloit qu'il fe raréfiât ik. qu'il fe condenlât fur les parois de la tine mouillée. En effet, nous trouvâmes du mercure qui s'y étoit attaché , mais en fi petite quantité, qu'à peine le diftinguoit-on avec une bonne loupe. Or , ce peu ne tire pas à confequence , puifque dans toutes les fontes de mines , il refte toujours quelques atomes de métal parmi les fcories. Pour favoir s'il ne fe perdoit pas dans l'air quelques grains de mercure , je fis mettre quatre grandes chaudières de cuivre neuf, & non étamées, dans quatre endroits différents ; l'une, fur les huit pouces de terre qui couvrent le fourneau, dont l'ouverture peut avoir trois pieds tk demi de diamètre ; une autre fur les premiers aludels qui font les plus échauffés ; une autre fur l'angle obtus des mêmes aludels, c'eft-à-dire, à l'endroit oti le mercure fe condenfe ; tk la dernière fur le haut de la cheminée de la chambre 011 les aludels aboutilTent. Comme on ne peut pas douter de la promptitude avec laquelle le vif-argent s'unit à tous les métaux, excepté au fer, s'il s'en fût exhalé par quelques-uns des points où les chaudières étoient placées, on en auroit infailliblement vu des marques fur le cuivre ; car je les laiflai m 5* Histoire Naturelle , 8zcl dans la même pofitJon pendant douze heures i après lefquelles on ne découvrit pas la moindre apparence de mercure. Il y a dans l'enceinte d'Almaden douze fourneaux , défi gnés par le nom des douze Apôtres. Chacun contient deux-cents quintaux, tant pierre pauvre que pierre de bonne mine : au bout de trois jours on trouve une quarantaine de quintaux de vif-argent dans les tonneaux. On met enfuite trois jours pour laiffer refroidir oc pour arranger chaque fourneau ; conféquemment , des douze, il y en a toujours quatre qui font remplis & allumés, excepté pendant les grandes chaleurs de Tété , qui forcent à fufpendre les travaux pendant quelque tems. En conlidérant les détails & les avantages de ces fourneaux, on doit néceffalrement en admirer l'invention, qui fait le plus grand honneur à l'Inventeur & à TEfpagne. Les Étrangers les ont imités : on extrait actuellement le vif-argent dans les mines de Hongrie, avec des fourneaux conftruits fur les deffeins de ceux d'Almaden ; ils épargnent beaucoup fur le nombre d'ouvriers qu'on étoit obligé d'employer avec l'ancienne méthode des retortes. 11 faut ajouter , à la louange de ceux qui font à la tête de la mine d'Almaden , qu'on ne fauroit accueillir avec plus de politeffe les Étrangers qui y vont. On ne leur cache rien ; on les laiffe tout examiner à leur aife ; on leur permet de prendre les plans des fourneaux ; ils peuvent voir même de quelle manière on renferme le vif-argent dans des peaux de chèvres. Cette politeffe du Gouverneur & des Habitans d'Almaden eit naturelle & fans affectation; d'ailleurs>elle peut être très- de l'Espagne. 5? utile ; car, quoique cette mine foit très-abondante» elle ne fauroit être éternelle. Il pourroit arriver un jour que nous fumons obligés d'en chercher une autre en Efpagne , ou d'avoir recours à ^ celles du Frioul ou de Hongrie, pour nous procurer le vif-argent qui nous eft indifpenfable. Il eft donc très - néceftaire que la théorie Se la méthode ufitées pour extraire le minéral du fein de la terre, deviennent générales, & qu'on n'en faiTe point un myftere, dont nous pourrions être tes premières victimes. Examinons maintenant l'ufage qu'on fait au Mexique des cinq ou fix-mille quintaux de vif-argent qu'on y envoie tous les ans. Si ma relation n'eft pas très-exacte , elle approchera au moins de l'exactitude autant qu'il eft poffible, 6c une approximation fiiffit en pareil cas. On exploite plufieurs mines de la nouvelle Efpagne par la fonte ; mais dans les endroits oit le bois eft rare, & dans ceux 011 les mines font pauvres, on les exploite en les amalgamant avec le vif-argent. C'eft aux Efpagnols que l'on doit cette découverte de 1566. Si d'autres Peuples en a voient été les inventeurs , ils s'en glorifieroient beaucoup. Quoiqu'il foit vrai qu'avant cette époque, on exploitoit les mines d'or de Hongrie en les amalgamant avec le mercure , l'ufage des Hongrois n a rien de commun avec la découverte des Efpagnols , puifque dans leurs mines d'or le métal fe manifefte à la vue, ou, tout au moins , il eft facile de l'appercevoir avec une loupe.Or, comme tout le monde favoit que le vif-areent s'emparoit de l'or Se fe mêloit avec lui, il étoit facile d'imaginer , qu'en appliquant le mercure à l'or que l'on voyoit , il feroit aifé de l'extraire par cç 54 H i s t o i r c Naturelle, &c. moyen ; mais perfonne avant les Efpagnols n'avoit eu l'idée de mêler le vif-argent avec une pierre qui contînt de l'argent invifible, diiTout ivec le foufre 6c l'arfenic , & mêlé fouvent avec le cuivre, le plomb & le fer. Les Efpagnols imaginèrent donc l'ingénieufe méthode de moudre la mat ère du minéral pauvre, de la réduire en poudre extrêmement line, d'en former une malTe d'environ vingt-cinq quintaux , & de la mêler enfuite avec du fel ou de la couperofe verte , avec de la chaux ou des cendres , le tout également réduit en poudre très - fine : quoique ces matières foient de nature oppofée , elles ref-teroient dans une éternelle inaction fans le fecours d'un diffolvant ; auffi, après les avoir fumfam-ment mouillées, les Efpagnols y jettent-ils trente livres de mercure en différentes fois, en remuant le tout, à pluiieurs reprifes, pendant deux mois. L'alcali fixe des cendres oc de la chaux s'unit à l'acide du fel de la couperofe , 6> cette action intérieure caufe une effervefeence violente & une chaleur, à l'aide defquelles le foufre 6t l'arfenic diffolvent 6c détruifent absolument le cuivre , le plomb 6c le fer ; alors les atomes imperceptibles de l'argent fe détachent de leur prifon ou de leur couche , 6c dans le même inffant le vif-argent les reçoit & s'amalgame avec eux, en formant cette pâte qu'on appelle pigna au Mexique. Voilà la méthode par laquelle on parvient à retirer une once 6c demie ou deux ences d'argent par quintal d'un minéral, qui, fuivant le procédé ufité en Europe , ne produiroit pas pour les frais. Je ne peux affurer pofitivement la quantité de vif-argent qui fe perd dans cette opération, .parce que les Mineurs ne font pas d'accord fur del'Espagne. ^ ce point. Ce qu'il y a de plus probable , c'eit qu'on perd autant d'onces de mercure qu'on retire d'onces d'argent, Se que, rendu au Mexique, une livre de mercure coûte prefqu'autant qu'une once d'argent. De toutes les mines qu'on exploite au Mexique en les fondant, je parlerai feulement, tk par di-grefïïon, de celle de Foladora. Une Mulâtre trouva quelques pierres détachées très - riches en argent vierge, (ou, fuivant fa dénomination au Pérou, en métal battu ) dans le terrein de François Furundarena, qui , fur cet indice , chercha la mine , Se la trouva enfin dans un filon de trois pieds de large a. la fuperficie des rochers, dans Un fpath gris-brun , qui s'étendoit du Nord-Oueft au Sud-Elt, fuivant la direction Se vers le milieu de la montagne. On découvrit en même-tems cinq autres grandes couches du même fpath , qui d'abord fe dirigeoient vers le filon principal , Se qui enfuite s'unifibient avec lui lorfqu'il plon-geoit entre deux enveloppes d'ardoife bleuâtre. On fe mit à travailler aux fix filons en même tems , Se l'on envoya fondre le minéral aux fourneaux des mines royales de Boca-dc-Lconcs, (bouche de lions ). Le plus riche donnoit cinquante-deux livres d'argent par quintal, le moyen vingt-cinq , Se le plus pauvre en donnoit huit. Le Bailli d'Arriaga, alors Minifire des Indes tk de la Marine , m'ordonna de faire un extrait de tout ce qu'on avoit écrit fur cette mine, Se voulut qu'on m'en remît différents échantillons , afin que je les examinafîe. On peut juger par ce que je viens de dire de la richefle de cette mine ; mais on en fera plus intimement convaincu par les déclarations du Curé de PÉglife, Se du village f 6 Histoire Naturelle, tkc. bâti dans cet endroit , qui, dès la première année, fut peuplé de Prêtres , d'Alcades , & de plus de trois-mille Habitans. Voici les propres termes du Curé, dans le compte original qu'il en rend au Vice-roi : « J'ai reçu cinquante-mille piaf-♦> très (5) que lamine a produites , pour le Saint » de mon Églife , le jour qu'on a travaillé pour » fon compte ». Il ajoute en forme de note : « Des >> fix intéreffés dans cette mine , cinq font Ha-» bitans de la ville de Satillo. L'image du Saint eft >l celle qu'on trouve à main gauche en entrant » dans mon Églife ». Toute cette grande richefle ■•' difparut comme un fonge ; car, l'année fuivante, Je Vice-roi manda que le filon étoit perdu. Je crois que ce filon ne s'eft perdu que par ignorance, & qu'on peut le retrouver en le cherchant avec intelligence. Mais avant d'expofer jnon avis, il eft à propos de détruire le préjugé 011 font plufieurs perfonnes , fur la ftructure < & fur la compofition du nouveau Monde , qu'ils croient différentes de l'ancien , & qui penfent que les montagnes d'Efpagne font d'une autre nature que celles des autres pays. Pour s'en défabufer , il fufîit de confidérer attentivement , que toutes les montagnes & les collines de l'Univers font compofées de grais, de granité , de pierres fauvages (6), de pierre-à-chaux, d'ardoife ou de plâtre (7) ; quelquefois d'une feule de ces (5) Ou 187500 liv. monnoie de France. (6) Dans tout le cours de cet Ouvrage, nous entendrons par pierre fauvage ou roche, celle qui a l'argille pour bafe & pour matière principale, ( 7 } Toutes les fois que dans cet Ouvrage on fait \ifage du mot plâtre , on doit entendre le plâtre naturel^ &X non le plâtre cuit. d f. l'Espàgn e. 57 matières, & quelquefois de toutes , mêlées les unes avec les autres. Qu'on y faffe réflexion , 6c l'on verra , qu'en Efpagne, comme dans le refte de l'Europe , ôc en Amérique, il n'y a point de variété eflentielle dans les matières ni dans la forme de leur difpofition. La finguliere montagne de Monferrate , par exemple , & toutes les pyramides qui s'élèvent de fa malle énorme, font compofées de pierres-à-chaux rondes , cendrées , roufles , jaunes , brunes & de couleur de chair, unies & conglu-tinées entr'elles par un bitume naturel: elles font de la même efpece Ôc de la même qualité que la brèche d'Egypte oc du Levant. Prelque tous les Monts Carpentanos ou de Guadarrama, font du granité ou pierre-cendrée qu'on trouve en Bretagne , oii l'on voit des milliers de maifons de pauvres payfans, bâties avec la même efpece de pierre que le magnifique Palais de l'Efcurial. Le granite-roux de Mérida eft de la même efpece que celui de Lyon : ils ne différent l'un & l'autre de celui de la Thébaïde en Egypte , qu'en ce qu'ils font moins durs. Il y a en Elpagne une infinité de coteaux de grais, de la même efpece que ceux de France & d'Hanovre. Les collines & les montagnes de Valence font de la même pierre calcaire que celles des hautes Alpes. Les montagnes de Guipufçqa , d'où l'on tira le marbre qui fervit à bâtir l'Églife de Saint Ignace d'Azpeitia, font de îa même elpece de pierre que celles de Sarrinco-lin , qui produifit les marbres d'Antin, dont le grand Sallon de Verfàilles eft orné. Le beau plâtre , jafpé de roux, de jaune & de blanc , qu'on trouve au fommet de la haute montagne d'Albarracin en Aragon, eft de la même 58 Histoire Naturelle, &c. nature que celui du Comté de Foix. Le Royaume de Grenade eft plein de cet albâtre précieux , couleur de cire épurée , dont les Romains fai-foient tant de cas , & qu'ils tiroient du Levant à grands frais. Dans la plaine de Villa-Viciofa, en Portugal, je trouvai le même marbre , tacheté comme la peau d'un tigre, qu'on trouve dans le Mont -Atlas en Afrique. J'ai vu, par quelques échantillons , que la pierre dont eft compofé le pic, prodigieux tk toujours gelé, de Chimborazo auprès de Quko , eft de la même nature que celle de la montagne du Cap-de-Gate , qui eft l'unique roche argillcufe de cette efpece ôc de cette nature que je conno;ffe en Efpagne. Mais on ne fîniroit pas, fi on vouloit entrer dans le détail de tous les rapports qui exiftent entre les terres ck les pierres de l'Efpagne tk celles des autres pays. Il fufiit d'ajouter à ce qu'on vient de dire , que cette conformité doit également s'appliquer aux pierres rencontrées dans les endroits où fe trouvent des filons métalliques. J'ai déjà dit , clans le Difcours préliminaire , que les efpeces de pierres qui accompagnent les minéraux , font au nombre de quatre, que l'on trouve fouvent unies avec l'argille ; favoir, le quartz, le fpath ( l'hornftein & l'ardoife molle. La connoiffance de ces cinq matières eft le fondement de la fcience des filons métalliques, tk fans cette connoiffance , il eft impoffible d'exploiter par principe aucune efpece de mine. Chaque matière , envifagée en particulier , ou compliquée avec les autres, joue un rôle très-important dans la direction d'un filon , puifqu'à l'afpect feul, le Mineur foupçonne , par la fuperficie de la terre, qu'il peut y avoir une mine quelconque dans un de l'Espagne. 59 endroit. Cette fuperficie lui fert comme de bouf-fole pour fuivre un filon déjà découvert, oc lui fournit feule les moyens de le retrouver, lorfqu'il eft perdu. ïi y avoit dans le cabinet du Roi plus de deux-cent quintaux de mine d'or & d'argent, qu'on avoit apportés de différents endroits du Mexique 6c du Pérou. Je les ai examinés, Se dans tous ces minéraux j'ai trouvé des quatre efpeces de pierres ci - deiTus défignées, avec de la terre-glaife. La mine d'or de Mexquital dans le Mexique eft dans le même quartz que celle de même métal, que la Reine Yfabelle Farnefe fit exploiter, d y a quelques années , dans la montagne de Ta] avéra. Je vis, il y a peu de tems, dans la Secrétairerie des Indes, de la mine d'argent contenue dans un métal noirâtre du Potofi, qui eft formé exactement dans la même pierre que la mine d'argent de Freiberg en Saxe. La mine d'argent rouge, appellée roJlcUr au Pérou , eft de la même nature que le roth-gul-dcncrti d'Andrcasberg au Hartz , 6c à Sainte-Marie-aux-Mincs en Lorraine. La mine dej cuivre de Carabaya dans le Pérou contient le même quartz, la même marcaflite 6c la même matrice d'amethifte que la nouvelle mine de cuivre que l'on travaille au vieux Colmenar , à fix lieues de Madrid. Celle de cuivre verd de Mognegua, au Pérou , eftprefquelamême que celle de Molinad'Aragon, 6c j'ai vu , il y a quelques années, un morceau de mine apporté de Sibérie, qui étoit verd, Se femblable , dans tous les points, à la mine dont fco Histoire Naturelle,&c, j'ai parlé ci-deffus, avec cette d fférence cependant , qu'il n'étoit point calcinable. La mine de cinnabre d'Almaden fe trouve dans le même grais, & contient les mêmes quartz, fpath & hornjlein , que les morceaux de la mine de Guancavelica , qui me furent donnés par Jofeph de Carvajal. Les morceaux de la pierre , la plus pauvre de la mine Voladera , que me remit le Bailli d'Ar-riaga , font compotes du même fpath cendré que j'ai vu dans les deux puits de la mine de Guadalcanal. Il eft vrai que l'or & l'argent, le cuivre & le plomb, fe trouvent quelquefois comme entaffés dans des pierres de fable de granité , de roches calcaires, d'ardoife dure, 6c de pierre argilleufe ; mais ce cas arrive très-rarement , il ne fauroit tirer à confequence : quand il arrive , il ne refte plus de règles fixes pour fuivre le filon, parce qu'en effet on n'en connoît aucune. Alors on creufe la mine comme on peut, Ô£, comme fi on tiroit des pierres d'une carrière : on procède ainfi dans la grande mine de fer de Bifcaye, ÔC dans la mine de Goflar en Allemagne. En fuppofant donc l'analogie des pierres 6c des filons qui exiftent dans les mines des quatre parties du Monde , voyons quel moyen on pourroit prendre pour retrouver le filon de la mine Voladora. Figurons-nous une montagne , formée d'un feul banc de roche, comme, par exemple, celle de Guadarrama , qui eft une maffe énorme de granité ou pierre cendrée, Suppofons qu'un connoiiTeur vît, en fe promenant, quelques petits filons de quartz, de fpath de l'Espagne; 6t ou d'ardoife molle , encaiffés dans la roche avec un peu d'argille & fuivant une direction régulière ; il foupçonneroit aufli-tôt une mine quelconque, quand même ce filon n'auroit qu'un doigt de largeur, ck qu'il ne paroîtroit pas un atome de minéral dans la pierre. Il creuferoit à l'initant, oC s'il trouvoit que le filon plongeât dans la montagne en fuivant fa première direction , cela fuf-firoit pour lui faire concevoir une certimde morale de trouver le minéral ; il fuivroit conf-tamment le filon, peut-être au-delà de cent pieds avant de le rencontrer : enfin , fuppofons le filon métallique découvert , on verroit que la petite couche de pierre, qui fervoit d'indice à la fuperficie, s'efi convertie dans la profondeur en matrice du minéral , ck qu'elle le fuivoit fidèlement ; mais, d'un autre coté, il arrivera fou vent que le minéral difparoîtra , ôk qu'il ne reliera que la pierre-matrice. Si le même filon , que nous fuppofons plein de minéral, avoit un pied de large , oc qu'il fe rencontrât avec quelque portio^ de roche plus dure que fa fuperhcie, peut - être ar-rivcroit-il l'un des quatre accidents fuivants. i°. Le filon pourroit plonger perpendiculairement devant la roche dure ou retourner en arrière. Si la dureté de la roche étoit moins confi-dérahle que la force du filon , dans quelques parties, ck non dans d'autres, le filon pénétreroit en faifant des entrées, des forties, un ouplufieurs détours , félon l'alternative de dureté ou de molleffe de la pierre ; il formeroit enfin les angles rentrants ck faillants que l'on voit faire aux rivières, à la fortie des montagnes. Ce font-la des faits notoires qui arrivent tous les jours dans les mines : félon mes foibles lumières, les 6i Histoire Naturelle, &;c. faits prouvent évidemment que les roches & les filons métalliques fe font trouvés dans un état de diflblution ou de grande molleffe, & que la coagulation , anticipée ou fimultanée de l'une des deux matières , a été caufe de l'égalité uniforme que l'on remarque dans la direction de plufieurs nions , dans l'intérieur de quelques roches , oc des irrégularités que l'on voit dans d'autres. 2°. Le filon pourroit s'écarter à droite ou à gauche de fa direction, 3°. Le filon pourroit fe divifer en plufieurs rameaux, ou fe répandre en une infinité de fibres , au moyen defquelles il pénétreroit la roche. 40. Le filon, ( & cela arrive très-fou vent ), pourroit entrer dans le rocher, & fe refierrer enfuite, de manière qu'on trouveroit peut-être, & quelquefois à plus de trente pieds, le métal comprimé & pur , comme s'il eût paffé par une de ces filières dont fe fervent les Tireurs d'or. Dans tous ces cas, il peut arriver qu'un filon très-riche foit foudain coupé & perdu; mais , lodlpie le Mineur eft habile , ces accidents ne le découragent point, rien ne l'étonné, fon expérience le foutient ; regardant avec fermeté &C avec confiance l'indice du premier filon pauvre, il le fuit en profondeur , comme il le fuivoit en fuperficie, bien affuré que cet indice le conduira au minéral. Je ne prétends parler ici que des Mineurs familiarifés avec les accidents de cette nature, & qui joignent à la pénétration néccfîaire la confiance des Mineurs Allemands , que j'ai vu dans plufieurs endroits acharnés jour & nuit, pendant quatre , & même fix ans, toujours in-fructueufement a la fuite d'un filon pauvre , fou-tenus par le feul efpoir de le trouver quelque jour chargé de minéral. df. l'Espagne. 63 Suppofons qu'on ait trouve le minéral à cent ou cent-cinquante pieds de profondeur, de PEU à l'Ouett, fuivant la cfiréÛiôn de la montagne, Se Qu'il y ait au pied de cette montagne un vallon favorable, ( comme il y en a un dans la véritable fituation de la mine de Voladora ) , le Mineur doit percer 1a montagne par le pied, du côté du vallon, en y pratiquant une galerie dirigée du Nord au Midi ; par ce moyen, il eft allure de couper le filon , qui , comme nous avons dit, eft dirigé d'Orient en Occident. Son premier fouterrain , continué jufqu'à cette galerie , y renouvellera l'air , &c les eaux s'écouleront naturellement dans le vallon. Le Vice-roi du Mexique fit examiner la mine de Voladora par des Experts du pays. Il réfulta des obfervations qui ont été faites , & qui m'ont été communiquées par le Miniftere , qu'il y a cinq rameaux qui vont fe joindre au rameau le plus riche , comme cinq ruifleaux fe réuniffent pour former une rivière : que ce tronc de minéral ( qu'on me pane le terme ) plonge dans la montagne de l'Eft à l'Oueft , en pénétrant la roche plus ou moins dure, telle qu'il la rencontre : qu'il eft compofé de fpath renfermé entre deux couches d'ardoife : qu'il paffe par le milieu de la montagne, au pied de laquelle on trouve un vallon bordé de collines baffes , terreufes & arides. De ce rapport on infère que le filon de la Voladora eft le plus régulier ôc le mieux fitué qu'on puiffe délirer , mais aufli le plus facile à perdre fi l'on y travaille fans intelligence. Suivant ce qu'en ont dit les Experts , on a opéré dans cette mine, comme s'il n'eût été queftion que de tirer des pierres d'une carrière. (>4 Histoire Naturelle, ckc. Un Mineur du Mexique, expérimenté d'ailleurs f pourroit très-bien, d'après cet expofé , acquérir allez de lumières pour faire la découverte du filon perdu ; mais, pour y parvenir , le parti le plus sûr, félon moi, feroit d'envoyer à la nouvelle Efpagne deux ou trois Mineurs Allemands , des plus entendus , qui fauroient trouver le filon à l'inftant, 6k qui indiquer oient aux gens du pays les moyens de ne plus le perdre. MlNE de cinnabre dîAlicante* O n trouve , à deux lieues d'Alicante , une montagne appellée Alcorai : cette montagne eft compofée de pierres calcaires, ck elle eft eicarpée de tous côtés , à l'exception de la partie qui s'élargit un peu vers le vallon. En creufant dans ce dernier en droit, on découvrit un filon de vif* argent minéralifé avec le foufre, avec un peu de terre calcaire , fous la forme 6k la couleur du cinnabre: mais, comme je vis que ce filon dif-paroifibit à cent pieds de profondeur , je fis fuf-pendre l'excavation. Dans une crevarTé de la roche , on trouva treize onces de fable pefant, d'une belle couleur rouife. Je fis l'efiai d'une once,6k je trouvai qu'elle contenoit du vif-argent, à raifon déplus de onze onces par livre de fable. Ce fable par fa dureté ck par fa figure angulaire reflemble au fable de la mer. A mefure qu'on le piloit > la couleur devenoit plus vive ; on voyoit que chaque grairt étoit pénétré de la vapeur mercurielle ck de celle du foufre , de la même manière que le fer pénètre le rde l'Espagne: 6$ le beau fable du Cap de Gâte , qui fert à mettre fin* l'écriture,. Sur la fuperficie de cette montagne , Se près d'un banc de plâtre rouge , je trouvai différents corps marins pétrifiés , comme des moules Se \ des morceaux de madrépores minéralifes avec du fer & avec d'autres pétrifications. A quinze pieds de profondeur environ, je trouvai des morceaux d'ambre ( dans la roche même ) de l'ef-pece de celui fur lequel Jofeph Sugnol, Médecin du Roi, fit imprimer une Differtation. Il y a de cet ambre dans les Alturies , près d'Oviédo ; mais il n'eft pas fi beau que l'échantillon que ce Médecin me fit voir. Je trouvai auffi dans le même rocher un morceau de pierre , plus gros que le poing, qui contenoit une coquille pétrifiée , un. morceau d'ambre opaque , qui rellembloit à la colophane, & une veine de cinnabre, de la finelTe d'un fil, qui les traverfoit dans le milieu. Lorfque je confidere la nature de ces matières, c'efl-à-dire, du plâtre , des pétrifications 6c du cinnabre , il me femble que ce dernier efl créé poftérieure-ment aux autres. De la Mine de mercure vierge de Saint - Philippe dans le Royaume de Valence. J E fis creufer au pied d'une montagne efearpée fituée près de la ville de Saint-Philippe , à la profondeur de vingt-deux pieds ; on trouva une terre dure , blanche \6c calcaire, dans laquelle on voyoit plufieurs gouttes de vif-argent fluide. Cette terre,ayant été lavée à une fontaine voifine, donna net vingt-cinq livres de mercure vierge %6 Histoire Naturelle,'Bccl que j'envoyai à Madrid pour le cabinet du RoïV Il eft à propos d'obferver qu'un peu au - deiîus de l'endroit où fe trouva ce mercure, on trouva des pétrifications ôc du plâtre. D e la Mine de mercure vierge de Valence, O N fait, par des recherches faites avec exactitude , qu'il y a une couche de terre argilleufe & cendrée, qui traverfe toute la ville de Valence, d'Orient en Occident. Cette couche fe trouve à deux pieds de la fuperficie : elle eft pleine de gouttes de mercure vierge ; c'eft ce que je fis vérifier en différents endroits,en faifant creufer divers puits, & fpécialement dans la maifon du Marquis de Dofaguas. A Saint - Philippe nous avons vu , dans la terre blanche calcaire, le vif-argent accompagné de pétrifications. Mais on ne rencontre point de pétrifications dans celui que nous voyons à Valence dans ï'argille. D u Cinnabre natureL S i belle que foit la couleur rouge du cinnabre naturel,il eft toujours mêlé de terre argilleufe, ou calcaire, ou de fable , & communément ces matières font empoifonnées par de l'arfenic. Le mercure vierge même, tout purifié qu'il paroît, peut être imprégné de quelque vapeur perni-cieufe ; & c'eft pour cette raifon que les Médecins qui ordonnent le cinnabre naturel , par préférence au cinnabre artificiel ou factice , fe trompent très-groffièrement. Cette erreur a pro- de l'E s p a g n e. of 'dure plus d'une fois , & produira encore des 'effets très-pérnicieux. Le cinnabre naturel devroit 'être proferk des Apothicarreries. •D 17 'Salpêtre •& de la poudre en général ; dtù fal pitre d'Efpagne en particulier. En 1754 ,'je reçus'ordic cla Miniïlre d'aller 'vifiter plufieurs fabriques de falpêtre è?c de poudre. En exécutant cette commifîion , j'ai fait afférentes obfervations & diverfes découvertes dont je vais rendre compte. Le plâtre eft une pierre molle ou une terre , comnume dans prefque toutes les Provinces de ".'Efpagne. En le diftilîant avec quelque matière graffe , comme de l'huile , du beurre, ou autres "femblables , on en retire un efprit volatil oc ful-phureux, dont* l'odeur infect e éft pénétrante comme celle qu'exhalent certaines eaux minérales. En un mot , il eft démontré que le plâtre eft une combinaifon de terre calcaire 6c d'acide vitriolique.Dansla plus grande partie des endroits d'Efpagne où l'on recueille le falpêtre , on ren-xontre auffi le plâtre , mêlé avec des terres ni-'treufes ; ou , aux environs de cette même terre, on trouve encore du fel félénite & d'Epfom (8) > 'qui fe forme de l'acide vitriolique uni avec (8 ) On Tappcllc fel d'Epfom du nom d'une fontaine qui eft à quinze milles de Londres, où on le trouve en abondance. On l'appelé auffi communément fel d'Angleterre. Ce n'eft pas ici le cas de parler de fa nature « de fes propriétés ; il y en a à Aranjuès & dans d'autre^ endroits de l'Efpagne. Eij $B Histoire Naturelle, &'c." différentes bafes calcaires. On peut également trouver du fel de glaubert ( 9 ), qui n'eft autre chofe que le même acide vitrioliqua qui chaffe le foible acide marin, pour s'unir à la bafe du fel commun. Par cette raifon on voit quelquefois de petites fleurs blanches à la fuperficie des pierres 6c des terres ; ce qui provient, tantôt du véritable fel marin , 6c tantôt de fa bafe feulement. Cette bafe de fel marin eft précifément le natrutn des Anciens ; c'eft-à-dire, le fel de la fonde d'A-licante, qui fert à la fabrication des eryftaux de Saint ~ Ildefonfe , dont la découverte eft due , fuivant Pline, à des Mariniers Phéniciens , qui brûlèrent par hafard quelques plantes marines fur du fable qui fe vitrifia. De ce qui précède il réfulte que les terres oti l'on recueille le falpêtre en Efpagne,, contiennent ordinairement trois acides différents , & que quiconque fera verfé dans l'analyfe de ces terres nitreufes d'Efpagne, pourra fe flatter de connoître bientôt FelTence de toutes les eaux minérales dtt Royaume , parce que l'on connoît déjà la figure du tartre vitriolé, 6c que l'on fait que c'eft un fel •compofe de ce même acide qui a chaffé l'acide nitreux comme plus foible que lui , 6c qui s'eft emparé de la bafe alkaline du falpêtre. Nous verrons bientôt que non - feulement le fer s'unit â ce même acide vitriolique pour former la (9) On le nomme auffi fel admirable. Il y en a di» naturel & de l'artificiel, & on le diftingue peu du fel d'Epfom. t fans la conyerfion viiible ni fenfible de l'acide vitriolique du plâtre. Ayant donc, remarqué que l'on trouve l'alkalt fixe formé Se parfait dans les terres nitreufes de FEfpagne , j'étendis mes obfervations fur les. autres fels Se fur les autres productions végétales.. Après des expériences multipliées, & une application affidue , je trouvai que de pareils alkalis, fixes , beaucoup d'huiles Se de fels neutres font les effets des combinajfons différentes de la terre * de Peau t)e de l'air avec les matières que ce dernier élément porte diffoutes en lui-même, Se que ces trois éléments , en s'élevant ou en s'abaif-. fant Se en s'arrêtant, fe combinent Se forment de nouveaux corps dans les organes de la végétation.. i°. Les Phyficiens conviennent unanimement; de l'esp a g n e." 71 fctte lé feu , l'eau , l'air & la terre , felou leurs combinaifons refpectives , conftituent toutes les fubftances ou corps de notre globe. Comment donc pourroit-on refufer le pouvoir de combiner aux organes vivants des plantes, tandis que l'on voit qu'elles ont très-fouvent la faculté de changer Se de transformer les productions des règnes de la nature ? Pour fe convaincre de ce pouvoir , il Suffit d'obferver qu'il y a des plantes cruciformes, qui , étant analyfées , donnent un alkali volatil femblable à celui des animaux , quoiqu'il la vue leur conformation foit femblable à celle des autres plantes qui contiennent des acides. 2.0. Ii y a des plantes qui ont les racines fi petites , les tiges, les feuilles , les fleurs Se les fruits fi confidérables ,. qu'il paroît impoffible qu'une auffi petite racine puiife tirer de la terre l'aliment ôc la fubftance de fesrejettons Se de fes fruits ; de forte qu'il paroît certain que l'air entre dans les plantes, ce qu'il fe combine dans les tubes de la végétation pour former les fubftances que nous y trouvons , lorfque nous les anaiylons. 3°. J'ai vu, à Séville, plufieurs melons d'eau qui pef oient chacun depuis vingt jufqu'à trente-quatre livres, tant la fubftance des fibres Se des tubes de ces fruits s'étoit enflée par l'eau qu'elle re-cevoit de Pair , Se qu'elle prenoit par une racine de deux ou trois onces. Il paroît donc qu'il y a des plantes qui tirent la plus grande partie de leur nourriture Se de leurs fruits, de l'air , de l'eau , Se d'un peu de terre combinée entr'eux par le travail imperceptible des tubes de la végétation, par des vaiffeaux aériens qui con-yertillent ces matières en différentes productions». E iy y% Histoire N a tu r e l l e , ôce. & qui leur donnent les qualités que nous voyons,, & qui nattent notre goût. 4°. Il y a une infinité de plantes qui croilTent, qui fructifient , & qui donnent des productions très-lingulieres, en ayant toujours leurs racines dans l'eau feule. 5°. Les Botanifles favent que les plantes aquatiques qui naiffent dans le fond terreux de l'eau, ont, à peu de çhofe près, les mômes propriétés dans les climats glacés du Nord tk dans les pays chauds du Midi , & que leur acrimonie , leur caulticité , leur infipidité tk leur fraîcheur font invariables. 6°. On voit des menthes, des bafdics, &ç d'au-, très plantes odoriférantes, dont les racines croif-fent dans l'eau pure oc à l'air , qui contiennent tk qui rendent le même efprit recteur tk les mêmes, huiles que celles qui viennent dans la terre. 7°. Il efl très-commun de voir fur les cheminées, des curieux des carafes d'eau pure , dans lef-quelles on met des oignons de fleurs odoriférantes , qui végètent, qui croiflent & qui fleurif-fent. 8°. Les expériences que fit Van-Helmont furie faule, en le faifant croître dans l'eau ck dans un peu de terre defTéchée tk fans fubftance, prouvent que l'eau tk l'air contribuent à la végétation, tk que le travail interne des plantes y concourt prodigieufement. 9°. On lit dans les Mémoires de l'Académie des Sciences, qu'un célèbre Chymifte démontra l'exiftence de trois fels neutres dans le fuc ou extrait de la bourachç. S'il eût été plus loin dans ïes , expériences , & qu'il eût démontré qu'il çxiftoit. un feul de ces trois fels dans la terre où e>e l'Espagne. 75 « bourache avoit été plantée, il auroit rendu un service plus effentiel à la Phyfique , 6k auroit ré* pandu quelque lumière fur l'objet que je vais traiter. " îo^Oii lit encore dans les Mémoires de la mê-me Académie , qu'un autre de fes illuflres Membres éleva un chêne dans l'eau pendant plufieurs années. Les conféquences de ce fait fe manifeitent ^Iles-mêmes. 110- Il y a des millions de pins en Efpagne, comme , par exemple , auprès de Valladolid 6k: de lortofe , qui font, pour ainfi dire, imbibés de térébenthine, ôk qui naiffent ck végètent dans Un terrein très-fablonneux , 011 il y a peu de terre , §ç dans lequel il feroit très-difficile de prouver qu'il exifte la millionième partie de la térébenthine que ces pins produifent avec tant d'abondance ; par conféquent cette térébenthine ne peut être que l'effet de l'air combiné dans les tubes de la végétation. 12°. L'abfynthe de la côte de Grenade tire l'amertume de fon fuc, de la même terre que les cannes de lucre qui font à fes côtés. . 130. Toutes les plantes que l'on cultive dans le jardin botanique de Madrid, croiffent dans un terrein de même efpece 6k de même nature ; oc ne>us voyons cependant que,de ces mêmes plantes, 11 y en a qui produifent des fucs très-falutaires , tandis que d'autres à leur côté contiennent du poifon, 6k que telle plante c[iii renfermera uu l r Xe ' *"e trouveraprès d'une autre pleine d'alcali volatil. ï4°. Plufieurs vallons , plaines 6k montagnes ^l'Hfpagne, plufieurs potagers ck jardins, font pleins de plantes aromatiques ; ck jufqu'à préfent 74 Histoire Naturelle, &c. il nem'eft pas encore revenu que qui que ce foit ait extrait, par analyfe, aucune efpece d'eau'aro-matique ni d'huile volatile, de quelque terre inculte ou cultivée que ce puiffe être. 150. Il eft certain que la variation de climat, de terrein & de culture , peut varier la forme des plantes tk changer la beauté de leurs feuilles, ainll que là bonté de leurs fruits ; mais elle ne pourra jamais altérer, ni leur effence , ni leur nature ; une preuve certaine de ce que j'avance c'eft qu'il n'y a qu'une tulipe indigène en Europe,. ( que j'ai trouvée en fleur près d'Almaden ) ; qu'elle eft petite, jaune tk laide, & qu'elle ne paroît qu'au commencement du printems. Les Jardiniers peuvent inyenter,tant qu'ils, voudront, des cultures, & mettre tous les ciimats du monde à l'épreuve , ils produiront des tulipes pin* grandes & de plus belles couleurs , mais elles feront toutes fans odeur, tk la petite tulipe d'Efpagne donnera, par analyfe, les mêmes réfultats-que les plus belles tulipes de l'Orient, dont 1% précieufe variété dans les couleurs , ainfi qu.e celle des renoncules & des autres fleurs, provient du phlogiftique qui fe trouve dans les organes de la végétation, & non du fer , comme bien ds$ perfonnes l'ont cru & le croient encore, puifquc ce phlogiftique fe manifefte dans Fanalyfe des feuilles & des fleurs: fans qu'ony ait jamais trouVe Je moindre atome ni le plus petit indice de fer. 166. Il y a beaucoup de terreins en Efpagne r qui , par leur nature , renferment le falpêtre, Ie rel marin & l'acide vitriolique ; mais les planta qui y naiffent fans culture donnent, par analyfe? les mêmes réfultats que celles de leur efpece qlU font femées dans des jardins qîi il n'y a pas, # d ê l'Espag ne; ^ 7f où il n'y a jamais eu le moindre indice de falpêtre „ ta fel commun, ni d'acide vitriolique. 17°. Que l'on faffe autant d'analyfes que l'en voudra des plantes qui naiffent.en.abondance fur. les mines de"fer , dont les racines pénètrent fou-vent dans les mines mêmes, ou de celles qui croif-fent dans des terres ferrugineufes 6k fuperficielles, & je fuis sûr que l'on ne tirera jamais de leurs Jaçihes , de leurs branche, de leurs cendres , de leurs extraits ni de. leurs huiles, plus de fer que l'on n'en tireroit du même genre de plantes, trouvées dans un terrein qui ne renfermeroit pas la Joindre apparence de ce métal. Quelles que foient les. propriétés de la culture du fumier pour engraiffe,pour remuer Se pour di vifer la tçrre par un mouvement imperceptible, & pour enrichir l'eau qui monte par les. vaiffeaux d'une plante, à l'eifetde fe combiner 6k de former, de nouveaux corps dans fes tubes, d'accroître fes tiges, 6k de donner à fes fruits le goût que nous remarquons qu'ils prennent clu terrein, 6V, que la plante perd étant tranfplantée ; les végétaux ne laiffent pas d'avoir différentes fubftances qui ne Jpnt que l'effet de la végétation ; c'eft-à-dire, de l'air ci des matières qui , difpofées en lui, s'in-troduifent dans les vaiffeaux 6k dans les canaux de la plante, ck que la Chymie cherchera inutilement dans les terreins où elles croiffent. 19°. Il y a plufieurs plantes qui font émol-uentes au printems ck en été , 6k qui font aftrin-Eentes eu automne ck en hiver. Le mucilage (iq) C10) Le mucilage eft une fybuance blanche 6k tratoî-F^.«hté qui a peu ou point de faveur, qui a de la confif-fcance, qui cft giuante t & «yj fe diffout dans, l'eau, fan» 76 Histoire Naturelle, &c.^ s'altère dans leurs vaiffeaux , 6k la combinaifori de l'eau , de la terre & de l'air y jfubftitue l'acide vitriolique ; de même que l'alkali 6k les feuilles prennent , par le phlogiftique , cette couleur roufsâtre ou tirant fur le roux. Lorfque je réfléchis fur ce que je viens de dire , je conçois comment il y a en Efpagne une aufîi prodigieufe quantité d'alkali fixe naturel formé dans les terres rfitreufes, & je crois que les anciens Alchymiftes avoient raifon de dire ? d'un ton d'adeptes ( i i ), que quelques terreins ayoient la propriété de l'aimant pour attirer certaines fubftances de l'air. Il eft donc certain que les plantes ont dés vaiffeaux propres à attirer les éléments tk à produire l'alkdli fixe naturel, tk que, dans les plantes, il y a certains principes , féparés tk ifolés, qui ne s'uniffent tk ne fe combinent que par le moyen du feu dans l'acte de la comb.iftion , pour former l'alkali fixe artificiel que les Maîtres me difoient 6k que je croyois être l'unique qui exiftât dans la nature. Il pourroit être vrai que la foude 6k le falicot viennent mieux dans l'eau falée ; mais il eft également certain que la bafe alkaline du fel commun fe trouve formée dans ces deux plantes 6k dans plufieurs autres , comme dans la. barille qiie l'on feme dans différents endroits de l'Efpagne? où l'on fait d'auffi bon favon que celui qui & donner aucun indice d'acide ni d'alkali. Les végétaux c°n' tiennent tous plus ou moins de mucilage, qui eft 'clir partie nutritive & qui nous alimente. (n) On donnoit ce nom aux Alchymiftes qui p1'"-tendoicnt avoir trouvé le fecret du. grand ceuVrC * c'eft-à-dire, de la pierre philofophale. de l'Espagne. y? fabrique à Alicante, avec la foude & le falicot , ^ui font ii renommes. Quant aux fels neutres , il y a au moins cinq Matières oii ils fe trouvent ; favoir , i°. dans les terres ; z°. dans les plantes ; 30. dans les Càux falées ; 40. dans les eaux minérales ; 5°. dans les eaux artificielles. Voyons à préfent comment on fait généralement le falpêtre , tant en France qu'en Efpagne. *e ne parlerai pas de l'Angleterre ni de la Hollande, parce qu'on n'y fabrique point de falpêtre, & que celui qu'on y emploie pour la poudre 6c pour d'autres ufages, fe tire des Indes Orientales, °ù on le trouve naturellement formé avec fa bafe alkaline ? comme en Efpagne. J'ai vu faire le lalpêtre dans ce Royaume avec des leffives de terres nitreufes, ramaffées dans des endroits où probablement il n'y avoit jamais eu un pied d'arbre ni même un brin d'herbe. Il y a à Paris , au compte du Roi , dix-fept fabriques de falpêtre : tout ce qui fe travaille , tant dans celles - ci que dans toutes celles du Royaume, fe fabrique, félon l'Ordonnance , de la manière fuivante. Les ordures 6c les décombres des vieilles maifons font tranfportés aux fabriques , oit on les réduit en poudre ; cette poudre fe met dans des cuviers , fur*le haut defquels on verfe de l'eau , qui paffe dans la matière jufqu'à ce que cette eau fe vuide par un trou cjiii efl au fond du cuvier , 6c qui n'eft touche qu'avec de la paille , afin de laiffer un paffage libre au liquide, qui emporte avec lui toutes les parties falines de la matière. Cette eau imprégnée de fel fe nomme leftive , &: ti on la *aiioit bouillir auffi - tôt qu'elle eft fortie des y% Histoire Naturelle, Sic. cuviers, elle donneroit déjà du falpêtre ; maïs ce feroit un falpêtre crud, gras, terreux Se fans force. Pour éviter cet inconvénient , Se pour perfectionner le falpêtre, les dix-fept Fabriques achètent une grande partie de la cendre du bois qui fe brûle à Paris , Se en mêlant une partie de leur leffive avec une partie de celle des ordures , elles font bouillir le tout. A mefure que l'eau s'évapore en bouillant ,1e fel commun, qui en chauffant fe cryftallife promptement, fe précipite Se tombe au fond de la chaudière ; Se le falpêtre , qui ne fe cayitallife qu'au froid , relie difTout dans l'eau. On verfe auffi-tôt cette eau chargée de falpêtre dans d'autres cuviers , Se on la met à l'ombre dans un endroit frais, oii le nitre fe cryftallife.Ce falpêtre s'appele de première cuite, parce qu'il renferme encore des parties de fel commun , de graiffe Se de terre. Pour le rafiner , on le porte à l'Arfenal, où on le fait bouillir Se cryftallifer de nouveau, une, deux ou trois fois , s'il eli nécellaire; 6c, par ce procédé , on le dépouille des parties étrangères qu'il renferment , Se il eft en état de fervir pour la poudre. En Efpagne , où un tiers des terres incultes & la pouffiere des chemins des Provinces Orientales Se Méridionales contiennent du falpêtre naturel 9 j'ai vu qu'on le fabriquoit de la manière fuivante. On laboure deux ou trois fois , en hiver 6c ail printems, les champs qui font près des villages , Se au mois d'Août on ramaffe la terre labourée, dont on forme des monceaux de vingt-cinq à trente pieds de haut. Lorfque l'on veut faire lé falpêtre, on prend de cette terre, Se on en remplit une certaine quantité de vafes de terre , de figure conique, qui font percés au fond ; &, avant d é l'Espagne. 70 ^e mettre la terre , on a foin de placer un peu d'efparte dans le tf ou , afin que l'eau feule puifte couler librement, en étendant fur l'efparte deux ou trois doigts d'épaiffeur de cendre. Après avoir placé la terre dans ces vafes, on y verfe de l'eau, en changées ; une Compagnie d'F t rangers a entrepris l'exploiiation de cette mine avec l'agrément du Roi ; mais , quoiqu'elle ait employé des capitaux confi lérables, & qu'on en ait deïTéché les puits, °n n'a pas encore pu parvenir à rencontrer le filon. M. I'owles auroit pu ajouter, qu'au commencent de 1776, elle avoit dépenfé plus de deux millonsfïms en avoir rien !i$ > que de l'eau ck des efpérancei bien feabreufes. $i Histoire Naturelle , ckc. En. dirigeant fa marche à l'Eft de Guadalcanal, on arrive , en deux heures, à Alanis , à une demi-lie tte duquel, au Sud-Oueft, on trouve une mine du même nom. On découvre le filon au milieu d'un champ : il a deux pieds de large & autant d'élévation hors de terre. Sa direction, du Sud au Nord, coupe les ardoifes dures qui fe prolongent à fon oppofé, ainfi que la pierre calcaire, auffi. très-dure, dont tout ce pays eft couvert. Cette pierre eft de couleur de plomb, oc fi tenace, qu'il faut plus de trente heures pour la calciner. Les Anciens fuivirent ce filon par une galerie du Sud au Nord, & les Modernes n'ont travaillé qu'aune de fes branches qui fe détourne vers le Couchant, A mon avis, les filons qui iè préfentent avec autant d'apparence, font ordinairement trompeurs, ■quelque grande quantité de pyrites qu'ils renferment , d'abord dans le quartz ; car plus bas ils dégénèrent ordinairement en plomb, D'Aîanis nous fûmes à Cazalîa, par des montagnes de la même efpece que celles que je viens de décrire. Je vis, pour la première fois, à l'entrée de cette ville , le pitt , efpece de grand aloès , dont on fe fert dans toute l'Andaloufie pour les haies des jardins tk pour celles des vignes. L'ancienne mine de pazalla eft à une demi - lieue de la ville , dans un endroit appelé Puerto - Blanco. On ne découvre pas le filon hors de terre ; mais, à quelques pieds de la fuperficie , on trouve une veine de terre étrangère, c'eft-à-dire, différente de toutes celles du terrein. Il y a, dans la mine, de l'argent - vierge dans du fpath , de l'argent minéralifé dans des pyrites de cuivre mêlées de quartz tk d'un peu de fer. A deux lieues tk demie de Cazalla on trouva de l'Espagne. cj$ une montagne affez élevée , que l'on appelé Fiunu de la Reyna , dans laquelle on voit une mine , appelée Conflanùna, du nom d'un village qui eu cil éloigné de deux lieues. On travailla anciennement à cette mine avec affez d'intelligence, autant qu'on en peut juger par les vefliges de fes puits oc de les galeries. Elle fut exploitée de *non tems par un Habitant de Conftantina , qui i fit en confequence deux puits 6k deux galeries dans la partie la plus élevée de la montagne. Le filon s'étend du Nord au Sud , ck traverfe la direction des ardoifes. Il a ( pour parler le langage des Mineurs ) le chapeau de fer avec des Pyrites , une blende de plomb êk de l'argent dans du fpath. Plus bas*^ elle renferme de l'argent mi-neralilé, 6k une mine de plomb par petits quarrés, en forme de treillage, ou de jaloufie, également mêlés d'argent. Ce Mineur l'abandonna, faute de moyens ou faute d'intelligence ; car, par fa bonté, elle méritoit d'autant plus d'être fuivie, qu'on avoit d'ailleurs affez de bois fous la main , ck que l'eau fe trouvoit à proximité dans un ruiffeau au pied de la montagne. On voit dans tous les environs une quantité immenfe de fcories , bien dépouillées de mçtal ; ck, s'il faut en croire les apparences , il y a tout lieu de préfumer que ces fcories font l'effet de quelque volcan. A deux lieues de Cazalla, vers le Couchant, on trouve une mine de cuivre , dans un endroit appelé Cagnada de Los Conejos. Selon les apparences, cette mine doit être riche : le filon s'étend, du Nord au Sud, dans du quartz pyriteux ; mais, Par un peu de fpath que j'y ai vu , je foupçonne que pllis bas elle changera de nature 6k fe convertira en mine d'argent. 94 Histoire Naturelle, &c. Avant de fertir de Cazalla, je fus voir une mine de vitf ol fituce à une demi - lieue dit village , dans les roches d'un coteau appelé Los Cajla-gnares ( les Châtaigniers ) par la grande quantité ce châtaignes qu'on y trouve. La pierre eft pyri-teufe ck ferrugineufe ; on y voit des taches profondes d'un jaune verdâtre ; on diftingue, entre autres, une tache qui reflemble .à de la farine blanche , & qui eft un vitriol dépouillé de l'eau de fa cryftallifation. En iortant de Cazalla, du côté du Couchant, nous traverfâmes une montagne de douze lieues de long, couverte de quatre efpèces de cyftes de térébinthes, ck d'autres arbuftes, de la nature de ceux-que j'ai trouvés dans les autre montagnes , ck nous arrivâmes à un petit ham. au , nommé le Réal de Monajierio. A une demi-lieue, je découvris une mine de plomb à delîiner , qui eft une efpece de molybdène (23) , mais non pas (23) Je ne fais comment appeler cette matière dans notre langue , parce que je crois qu'elle n'y eft pas connue. Les Naturalises l'appelent niclyb.iozna nigrica fa-bnlt . C'eft une fubftance noirâtre , qui reluit comme le plomb nouvellement coupé, fragile, micacca , 6k douce au tact comme du f;von. On l'appelé dans le commerce, en françifant le mot, crayon d'Angleterre , parce qu'il V a dans la 1 rovinee de Cumberland une mine de molybdène dont on (c fert pour faire les petits bâtons, communément appelés crayons, dont on fait ufage pour écrire & pour deffmer. Il laifle fur le papier une trace noirâtre , d'un brillant de perle ou de talk. Les Anglois font ft jaloux de certe mine, ou, pour mieux dire, ils entendent il bien leurs intérêts, 6k tout ce qui peut protéger leur in-d'.iflrie, qu'il eft défendu, fous les peines les plus ri-goiveufcs , de t.rer la molybdène de leur pays, avant qu'elle foit convertie en crayon II ne faut pas confondre cette matière avec ce que l'on appelé communément de L'espac ne. ç)C de la véritable ; car celle-ci ne fe trouve que dans des bancs de grais , mêlés quelquefois de granité. Le terrein eft caillouteux, Se produit des chênes d'une bonne efpece , dont il y a clans cet endroit un bois d'une lieue quarrée.On y trouve auffi beaucoup d'alcornogues (qui eft l'arbre dont on tire le liège ). Tous les quatre ans on le dépouille de fon écorce jufqu'à l'épiderme 9 qu'on laiffe, parce que , fi on le retiroit, l'arbre fe deffécheroit. Il en fort aufïï-tôt une liqueur qui s'épaiffit au foleil & à l'air, Se qui forme un nouveau liège au bout de quatre ou cinq ans. A l'extrémité du bois, on apperçoit un ruiffeau , paffé lequel il n'y a plus de cailloux , mais un terrein fablonneux , Se quelques rochers de la même efpece. Nous arrivâmes en trois heures de Real-Mo-nafterio au village de Callero. A un quart de lieue de cet endroit, on trouve un coteau pref-que rond Se ifolé , couronné d'une veine de pierre calcaire , qui va du Nord au Sud, Se dans laquelle on trouve la pierre d'aimant blanche, Se plombée ou grife. Le plus ou moins de couleur de cette pierre provient de ce que le fer dont elle eft compofée eft plus ou moins épars en petits grains. S'il l'eft beaucoup , l'aimant eft blanc; s'il l'eft peu, mais abondant Se compacte , de manière toutefois que l'air ait pu pénétrer lès particules, il eft roux en dehors Se gris en dedans. Dans le même endroit, il y a une mine de crayon en Efpagne , parce ;uc ce font deux chofes bien différentes. Celle-ci eft Pampélk's, pierre noire , riouce & fragile , dont on fe fett Également pour deffi ier. Elle a un gout acre , ftiptique , 8c une odeur bitum neufe , eha fe décompofe à l'air comme les pyrites fulphureufes. 96 Histoire Naturelle, &c. fer, qui n'a pas la vertu magnétique. Tout ce pays eft couvert de bois immenfes de véritables robles ( que je n'avois pas encore rencontrés en Efpagne ) & de lièges. Il y en a quelques - uns qui ont cinq pieds de diamètre ; mais , en plus grande partie, ils font creux, ainfi que les yeufes, parce qu'on leur a coupé les tiges. De Callero, nous fûmes au village de Callo , auprès duquel on trouve un bois dans un terrein tirant fur le roux ; on remarque, dans ce terrein , une efpece de blende martiale en poudre, qui brille beaucoup. En y creufant à trois ou quatre pieds, on y trouve une pierre d'hématite noire , propre à brunir , ainfi qu'une grande quantité de pierres blanches & molles , qui font de véritable caftine ( 24) ou pierre calcaire, c'eft-à-dire , de l'cfpèce de pierre qui fert à indiquer les hématites ; car, quoiqu'elles y foient tellement éparfes , qu'on ne fauroit les voir, on peut aflurcr, où il y a de ces caftines, qu'il y a également des hématites : car j'ai obfervé que ces pierres fe forment prefque toujours dans les caftines. Je n'ai remarejué, parmi les pierres noires de cet endroit , aucune hématite rouffe 7 tandis, qu'à une demi - lieue dans le môme bois <, j'en vis beaucoup de ronfles , & pas une feule noire. Après avoir parcouru ces différens endroits , nous retournâmes à Cazalla ; nous en partîmes » en traverfant des montagnes compolées de cail- (14) La caftine eft une pierre calcaire , d'un grîs blafl' châtre ; elle fert, dans les fourneaux où on fond le feu pour abforber l'acide fulphurcux qui minéralife le fe1" > &c qui le rend aigre Si fragile. loux de l'Espagne. 97 ïoux & de granités. On voit des blocs de granité , pofés les uns fur les autres, & qui font tota* lement hors de terre ; tk loriqu'on les compare avec ceux des environs , on remarque que les eaux oc le vent ont emporté le caillou détaché qui couvroit autrefois les rochers de granité qui font hors de terre , comme le font aujourd'hui [es rochers les plus profonds , qui, par la même raifon , pourront bien fe découvrir un jour. Après neuf heures de marche, nous arrivâmes à Cantiilana, ville lituée fur le bord du Guadal-quivir , à trois lieues de laquelle les montagnes de Sierra-Moréna fimifent dans le col étroit de Montégil, d'où l'on découvre les belles plaines de l'Aridaloufie. A l'extrémité de cette chaîne de montagnes, on trouve une grande quantité d'anciennes fcories, dont je pris une livre pour effai, parce qu'elles étoient folides & pelantes ; mais l'épreuve me montra qu'elles ne renfer-moient rien. En defeendant de Montégil , tk en pafTant le Guadalquivir par Cantiilana , le pays préfente un afpect différent. On n'y voit plus de thé-rébintes , de lentifqucs , de cilles, ni aucun des autres arbuffes dont on a fait mention juf-cm'ici : comme toutes ces plantes ne viennent que fur des montagnes ou dans des terreins très-éle-vés, tk que d'Almaden jufqu'ici on ne voit pas autre chof e , il eft clair que toute cette partie de l'Ef-pagne eit de la même efpece de terrein. En venant des Pyrénées au Midi, on rencontre fréquemment des chaînes de montagnes; mais le contraire arrive en allant au Nord : car , par exemple, dans l'intérieur de la France, il n'y a pas de véritables mon; 98 Histoire Naturelle, &c. tagnes.Tout le terrein y eftdifpofépar couches ou par bandes. Nous traversâmes , en cinq heures , la plaine qui conduit à Séville, dans un terrein pauvre, fans pierres, 6c couvert de palmifles qui fervent, dans toute l'Efpagne , à faire des balais. Parmi les palmifles , on trouve deux efpèces d'afperges îauvages , les unes vertes, 6c les autres blanches. Elles paroiffent n'avoir point d'épiderme ; avant d'avoir des feuilles, elles produifent une grande quantité de fleurs aufîï blanches que la neige. On voit, dans cette même plaine, plufieurs oliviers qui n'ont abfolument que l'écorce pour tronc, par la mauvaiie méthode qu'on emploie pour planter ces arbres ; car, pour cette plantation , on-prend une branche d'olivier de la groffeur d'un bras , on la fend en quatre par le bas , environ feptahuit pouces; on met une pierre dans chacune des quatre fentes, 6c on plante cette branche , à deux pieds dans terre , en pratiquant une rigole autour, afin d'y retenir l'eau, le haut de la nche étant auffi coupé ; les eaux 6c la chaleur qui pénètrent dans le pied , pourri fient tout le bois intérieur de l'arbre. Séville eft pavée en caillou. Il y vient de loin ; car il n'y a point de pierres dans fes environs. C'eft , par la même raifon , que les Ro-jnrims y pratiquèrent des murailles déterre, ou d'un mortier fi bien préparé , qu'aujourd'hui il eft prefque changé en pierre. Dans !e Château qui étoit anciennement le palais des Rois , on voit des bancs que le Roi Don Pcdre fit pratiquer pour Marie de Padilla, dans un endroit bas , Se entouré pour plus de sûreté. Malgré l'obicu-nté de fa fituation, on y trouve des orangers de d e l.'E s p a g n f. 99 ce tems-là , qui donnent encore du fruit. Le vent d'Afrique Se d'Egypte fe nomme, en Efpagne, jo-lano ; il eft très-dangerenx , tant^à Séville , que dans l'Audalouiie: il donne des vertiges , oc il enflamme le fang ; de manière que, lorfqu'il vient * fouffler , on voit des excès de toute efpece. 11 eft neceffaire de prendre jdes précautions pour en prévenir les effets, qui font plus particulièrement fenfibles parmi les jeunes gens oc parmi les femmes. Il y a dé Séville à Cadix, par Xérès, deux journées & demie de marche dans une plaine continue. Cadix eft litué dans une péninfule fur les mêmes rochers , contre lefquels la mer vient fe briler : ces rochers font compofés de différentes matières , comme de marbre , de quartz, de fpath , de cailloux ôc de coquillages amalgamés avec le fable & le bitume de la mer. Les vagues ont tant de force dans cet endroit, que l'on remarque, dans les décombres qu'on y jette» que la brique, le fable , le plâtre , les coquilles , &cc. font, au bout d'un certain tems , tellement unis & amalgamés , que la totalité paroît être un feul bloc de pierre. Je vis, à Cadix, une grande quantité d'échantillons de mines d'or ck d'argent, que les Capitaines de navire tk. les Paffagers apportent de l'Amérique , 6c qui, pour l'ordinaire , font deftinés à orner les plus fameux cabinets de l'Europe. On y voit auffi les choies les plus rares oc les plus inftructives pour l'Hiftoire Naturelle, produites dans le Mexique, dans le Pérou tk dans les Indes Orientales. Les ruines du Temple d'Hercule tk. des maifons de l'ancien Cadix, qu'on entrevoit encore aujourd'hui fous les eaux, dans un beau Gij ioo Histoire Naturelle, &c. tems, & dans les marées baffes, font une preuve que la mer s'avance de ce côté-là vers la terre , de la même manière que nous obfervons qu'elle fe retire fur la côté de Carthagene, par le terrein qu'elle laiffe à découvert. Il y a, dans le jardin des Capucins de Cadix, un arbre appelé , en cfpagnol drago,(%<Ç) & qui eff le feul que j'aie vu en Efpagne. Cet arbre diftille un fuc incarnat, qui eft le fang de dragon que vendent les Droguiftes. Le folano eft auffi dangereux à Cadix qu'a Séville ; lorfqu'il fouffle dix à douze jours de fuite , il caufe les mêmes ravages. Il fait paffer beaucoup d'acreté dans le fang, fur-tout chez les femmes ; &c il occafionne une fi grande tenfion dans leurs fibres , qu'il y en a quelques-unes qui font attaquées de fureurs utérines, dont les fymptômes ne cefî'ent que lorfque les vents contraires difîi-pent les malignes influences. Ce vent & fes effets reffemblent, dans tous les points, ;à ce qu'on éprouve, en Italie, avec tefiocco. Nous partîmes, de Cadix, pour le Port Sainte* Marie; ranciffent à l'inftant. Dans les montagnes voifincS on trouve une grande quantité de chênes , de térébinthes, de lentifques, de genièvre, d'ancnis, de ladanums , de ciftes à feuille de romarin, ck Soude comme herbe de la foude , comme cendres , ou de l'alkali fixe qu on en tire. En France nous appelons l'uno & l'autre Soude, Hij ti6 Hi stoire Naturelle, de pins à balle tige. Le romarin y croît abondamment ; 6c par rapport à cette production, le miel de ce pays efl fi excellent 6c fi eflimé, qu'on en envoie chez l'étranger, 6c fpécialement à Rome, comme une choie très - délicate. C'efl dans ce même endroit qu'on trouve des réfervoirs de neige pour la confbmmation d'Alicante. Entre Ibi Se Biar les montagnes continuent à ■être calcaires ; mais, à demi-côte, on voit beaucoup de filex dont on fait des pierres à fufil. De Biar nous fûmes , en marchant au Sud-Ell , à Villéna, Se nous vîmes , chemin faifant, plufieurs grolTes veines d'albâtre , encaiffées dans des rochers blancs calcaires. Il y a auffi, dans ces rochers, de l'ochre Se plufieurs mines de fer. Près de Villéna on voit un marais de deux lieues de circuit, d'où l'on tire le fel pour la confomma-tion des villages circonvoifins , & à quatre lieues «lu même endroit, on voit un coteau ifolé, entièrement de fel gemme, oc qui n'efl couvert que «l'une couche de plâtre de différentes couleurs. Plus loin que Villéna on rencontre une belle plaine bien cultivée jufqu'à Caudete , 6c à Fucntc la Higuera , qui efl au pied- d'une autre montagne calcaire. Je parvins , en deux heures p fur le fommet de cette montagne efcarpée , pour la reconnoître ; mais je n'y vis que des filons d'une matière fpathique , oc un champ de thlafpi épineux. Il fort de la colline de la Higuera deux belles fontaines qui forment le petit ruiffeau qu'on appelle Rambla , le long duquel on voit deux couches de terre, dont une eft blanche , 6c l'autre rouge ; dans les ravins profonds que forment les eaux} on découvre que les deux efpèces de de l'Espagne. 117 terre pénètrent Si reffortent, paroilTent Si. dif-paroilîent alternativement. En fuivant ce ruiffeau pendant quatre heures, °n arrive à Mogente, tk trois heures après on arrive à Monteffa. La montagne qui eft en face s'avance jufqu'à une pointe qui aboutit à un rocher élevé, fur lequel efl le couvent de l'Ordre des Chevaliers de ce nom. Le 13 Mars 1748, un grand tremblement de terre renvéna tk. ouvrit le roc fur lequel font affis les fondements de ce couvent, Si détruifit l'édifice de fond en comble. Un homme voulut fe fauver par la crevaffe du rocher ; mais il prit fi mal fon temps,que le rocher venant à fe rapprocher, le ferra de toute part, de manière que l'ayant retiré depuis, à peine a-t-on pu distinguer les veftiges de fon crâne, tk des autres os de fon corps. Comme les tremblements de terre font fréquents dans le royaume de Valence , ils donnent lieu à différents raifonnements. Quant à moi, fans m'amufer à donner d'avis , je me contenterai de faire les obfervations Suivantes. Pour l'ordinaire, un tremblement de terre efl précédé d'un peu de pluie : on entend des bruits fouterrains, le ciel s'obfcurcit, l'eau monte aufli-tôt dans les puits jufqu'à vingt pieds , tk baille à proportion lorfque la fecoufle finit ; quelquefois , au contraire, le ciel continue d'être ferein , l'on n'entend aucun bruit, Si les eaux font tranquilles dans les puits. Ce terrein , du côté de la mer, n'a ni mines, ni pyrites , ni d'autres pierres que des roches tk des terres calcaires ou gip-feufes, quoiqu'il V ait, dans la côte , des eaux thermales, Se des fouterrains naturels. Les tremblements de terrre font auffi, fenfibles _ Si auflj n8 Histoire Naturelle, Sec. fré uents dans les plaines que iur le haut des montagnes ; car Séville , qui eft lituée dans une plaine égale, Se baffe comme la Hollande, n'en eft pas exempte. Sur la Cordiliere oppofée à Monteffa, il y a un rocher élevé Se elearpé, fur la cime duquel on remarque un vieux fort conftruit du temps des Maures, Se que les tremblements de terre n'ont pas endommagé ; c'eft, je crois, parce que cette roche, élevée Se prefque à pic , eft d'un feul bloc, dont la racine pénètre ou plonge dans la terre ; au lieu que le rocher de Monteffa eft affis fur plufieurs couches de pierre difpofées horizontalement. En allant de Mogente à San-Felippe, le terrein s'applanit peu-à-peu , Se une lieue avant d'arriver à la ville , il eft bien cultivé, 6c planté de mûriers. Cette plantation lui donne l'air d'un jardin ; la terre qui eft calcaire , cendrée Se profonde, donne trois récoltes par année, moins par la bonté du terrein, que par l'induftrie Surprenante des cultivateurs. A fix ou huit pieds de profondeur, on trouve l'eau dans quelque point que ce foit, 6c la fuperficies'arrofe,lorsqu'on le veut, avec de l'eau de rivière. A une demi - lieue de la ville, vers le Levant, on fème une grande quantité de riz, de la manière fuivante : On laboure un champ en hiver, on y fème des fèves qui fleuriffent en Mars ; alors on laboure de nouveau, afin que la tige de ces fèves l'améliore Se réchauffe ; enfuite on le couvre d'eau jufqu'à ce que celle - ci le pénètre d'environ quatre doigts , Se , dans cet état , on laboure une troifième fois : après l'avoir labouré Se l'avoir couvert d'eau, on y fème le riz, qui, au bout de quinze jours ,a environ cinq pouces de haut;' del'Espagne. 119 on l'arrache , 6c on, en t'ait des bottes d'un pied d'épaiffeur, que l'on transporte dans un champ vodin bien préparé , 6c couvert auili de quatre doigts d'eau. Auifi-tôt plufieurs hommes placés en haie prennent chacun une botte , eu arrachent avec la main quatre ou cinq poignées qu'ils plantent dans la terre mouillée 6c boucuie, en iaifiant un pied de diftance entre chaque p'anta-tion. Ces quatre ou cinq poignées produiient de cinquante à cent-vingt epis : elles fe rejoignent de manière que les plantes le touchent. Ces plantes montent en graine avec le temps , 6c font en état d'être cueillies. Pour tirer le grain de l'épi 6c le nétoyer , il y a des moulins à eau dont la pierre inférieure eft couverte d'une écorce de liège ; la pierre fu-périeure fépare , en tournant fur Inférieure, la pointe des épis, 6c la pellicule qui enveloppe le grain, 6c cela fans l'endommager. Le riz de Valence n'eft ni aufïï blanc, ni auffi graine que celui du Levant, mais il eft beaucoup plus lain ; car celui du Levant acquiert, avec le temps , affez d'âcreté , pour qu'il foit néceffaire de le laver à différentes reprifes , pour lui ôter le goût acre qu'il n'eft jamais poftible de détruire entièrement. Notre riz de Valence n'a pas ce défaut, 6c quoiqu'il foit un peu jaune, 6c qu'il foit aifé de le blanchir en le lavant avec de l'eau de chaux , il n'eft ni néccfuiire, ni convenable de le faire, parce qu'on finiroit par le perdre. La Cordilière fcptentrionale du vallon fe termine à Monteffa , 6c pendant plus d'une lieue on rencontre différentes collines de terre jufqu'à une montagne efearpée, compolée de pierre à chaux , poiée fur une baie de plâtre mêlée de Hiv tio Histoire Naturelle,tcd fable ; ck tant à la fuperficie qu'au centre de ces pierres , il y a des cryftaux qui ont l'air d'être coupés en forme régulière. Quelques - uns de ces criftaux font fi fins , qu'il faut une loupe pour les diitinguer. Au pied de cette montagne on trouve des coquillages pétrifiés , èk fur fon fommet une couche de pierres à fufil. L'efprit humain fe perd en réfléchiftant fur le temps prodigieux qu'il a fallu pour former cette montagne ék celles dont nous avons eu occafion de parler. On voit à uhe lieue de-là s'élever, fur des collines de plâtre, une efpece de crête perpendiculaire de roche calcaire un peu fablon-> neufe ; au milieu du plâtre de ces collines, il y a une roche calcaire blanchâtre, parfemée de petits cryftaux rouges , blancs, ck noirs , qui donnent du feu avec le briquet, ck qui vraifem-blablement fe font engendrés en même temps que la roche. Il n'eft pas rare d'y voir des amé-thiftes. du quartz, 6k des cryftaux ; mais je ne Î>eux m'empêcher d'être frappé d'étonnement, orfque je trouve des cryftaux de roche dans une pierre calcaire. La vallée de San-Felippe s'élargit, parce que le fleuve l'aggrandit aux dépens des montagnes Vcifmes. A trois lieues Nord-Eft de cette ville, on remarque une très-haute montagne entièrement compofée de marbres fans raies, de quatre efpèces, de blanc , de paille, de rouge ck de jaune : ces quatre efpèces font toutes également ilifceptibles d'être polies. De cette montagne nous partîmes pour Valence. La plaine du territoire de cette ville eft corn-jpofée de deux couches d'argille, au milieu def-fejvielles il y a une terre fablonneufe. ck un fabte de l*Ëspagne; iM pur : on y trouve infailliblement l'eau au-deffous de la première couche , qui a de quinze à vingt! pieds d'épaiffeur. Comme Targille ne lailTe pas filtrer l'eau aifément, celle-ci s'infinue entre les deux couches ; & dans les endroits oii la Supérieure vient à mancjuer , le terrein fe trouve né-cclfairement inonde , parce que la couche inférieure reçoit l'humidité fans la lailfer pénétrer i c'eft-là 1 'origine de tous les lacs qu'on trouve dans les plaines. La même raifon eft également palpable pour le lac de Valence; c'eft une partie du terrein oh manque la couche d'argille iupc-rieure, qui forme un grand lac d'eau douce de quatre à cinq lieues de circuit. Les eaux du Xucar & celles de différentes fources viennent s'y décharger ; mais la quantité d'eau n'augmente pas pour cela, pafce que fa fiiperficie étant très-étendue, l'évaporation en diftipe autant qu'il y en entre ; auffi le lac fe maintient-il dans une égale profondeur de deux à trois pieds. Une grande quantité d*oifeaux aquatiques y vont chercher leur nourriture ; l'on y pêche une quantité pro-digieufe d'anguilles d'un à deux pouces de diamètre, dont on fe régale à Valence. Les excréJ tnents de tous ces oifeaux , & la corruption de tant d'anguilles mortes, ne donnent pas plus d'indice d'alkali volatil, lorfqu'on les analyfe, que les eaux de la mer, malgré la quantité de poiffons qui y meurent. Il paroît que le tout s'évapore, ou fe convertit en eau, ou en terre-Le fond du lac eft d'argille pur, & fi par hafard l'eau venoit à y manquer , & à laifier le fond à découvert , on verroit cette couche d'argille fans aucun mélange de fable , de pierres, ou de ^r ; elle y eft femblable ? à tous égards, à la terre ni Histoire N aturelle, &x. (3 b) à foulon d'Angleterre , que l'on conferve avec tant de foin dans le pays , pour les manufactures de laine. En général, nous regardons comme fmgulier de rencontrer, dans une plaine „ de i'argille formée par les dépouilles des animaux ; mais dans les montagnes elle y eft formée par la putréfaction des végétaux, oc on la trouve moins pure. Ninerola eft fituée à deux lieux à I'Oueft de Valence : on y trouve une carrière d'albâtre blanc , dont on peut voir la beauté par celui qvu fervit à faire les ftatues 6c les bas-reliefs de la maifon du Marquis de Dofaguas. De Valence à Morviedro il y a cinq lieues. Morviedro eft la fameufe 6c ancienne Sagunte : il eft utile au pied d'une montagne de marbre prelque noir, avec des veines blanches. Ce marbre y eft en couches, Se traverfe de plufieurs faulfes veines de fpath ; au fommet de la montagne il eft jaune 6c roux en brèche ; on en trouve auffi quelques morceaux bleuâtres SC blancs. Il y a, dans la même montagne, de grande* citernes très - anciennes , conftruites avec de grands carreaux minces, 6c des grais roux, tirés d'iu r.niïeau qui eft à trois-cents pas de lamon- ( 36 ) Elle fert ànétoyer& à boire l'huile dont on ert obligé de fe fervir pour préparer les laines. Quelque* perfonnes , s'imaginant que la fi ne (Te & le moelleux des étoffes d'Angleterre ne provenoient que de la nature des laines, en ont tiré par contrebande ; mais elles en ont éfe pour leurs frais, faute d'avoir de cette terre pour la pif* parer. Les A notais ont mis les mêmes peines à la fornf de leurs terres à foulon , qu'à celles de leurs laines. Puisque nous avons de cette terre dans différentes parties de 1 Efpagne, pourquoi n'en tirons-nous pas un parti plu5 avantageux i d e L'ESP A G ne.' 113 tagne. On voit encore à Sagunte pruneir? s ruines M^i prouvent fon ancienne grandeur : on en admire fur-tout le théâtre , qui, quoique détruit d'un côté , eft affez confervé de l'autre, pour qu'on puiffe s'en former une idée (37). Les plantes qui croiffent fur cette montagne de Morviedro font la guimauve , les afperges , l'opuntia ou figuier des Indes, le câprier, la juf-e Morviedro à la mer il y a une lieue de plaine dans laquelle on trouve tous les jours, en creufànt, des ruines d'édifices Romains , qui prouvent que la mer s'eft peu retirée de ce côté - là. En quatre heures tk demie on va de Morviedro à la Chartreufe,en fuivant, au Sud-Eft, la direction d'une chaîne de monticules compofés de marbre roux, de pierres calcaires , tk de grais. Les ravins, que l'on rencontre fur le chemin, font remplis de galets , c'eft - à - dire, de monceaux de pierres de différentes grandeurs , ligures tk fubftances, qui fe l'ont rompus & détachés, des grands rochers des montagnes, par la violence des eaux, des vents, ou des glaces. Ces ruptures tk ces Séparations font plus ou moins commîmes dans les brèches, félon que les petites pierres qui les forment font plus ou moins cOnglutinées, ou amalgamées, avec le bitume & le maftic naturel. L'cghfe de cette Chartreufe eft de la même pierre de brèche (38), tk a des (37) On peut voir Ci defeription & fa figure dans le voyage de Don Antoine Pons. ( 38 ) H y a jeux efpèces de brèches ; l'une eft i%4 Histoire Naturelle, &tc: veines de fpath blanc. Je defirerois favoîr, des Naturalises, fi ce fpath fe forma avant ou après la conglutination des pierres avec le bitume. H n'eft pas poftible de trouver une fituation plus agréable que celle de cette Chartreufe , en face de la mer, de la ville tk des beaux jardins de Valence. On trouve , auprès du Couvent, deutf mines de cuivre , dont l'une eft en feuilles d'ar-doife , pleine de mica blanc tk roux. A deux lieues de la Chartreufe on entre dans îa plaine de Liria , qui peut avoir environ douze lieues quarrées : la terre en eft roulTâtre au commencement , comme celle des montagnes voifines ; mais, un peu plus avant, elle devient blanchâtre & calcaire. Dans la partie qui con-tient les métairies des Chartreux , on la trouve entièrement compofée de la terre qui eft tombée des montagnes voilines. Pour y trouver de l'eau 9 il faut creufer plus de trois-cents pieds. Cette plaine , en général, 6c particulièrement la partie qui appartient aux Chartreux , produit d'excellent vin. Je crois que fa qualité provient principalement des galas ou pierres plates dont nous avons parlé ; car , indépendamment de la propriété qu'elles ont, de conferver pendant la nuit la chaleur que le foleil leur a communiqué^ dans le courant de la journée, elles empêchent compofée de pierre à chaux, comme la brèche de la Chaf" treufe, comme celle de Grenade , tk comme plufieiif* antres brèches d'Efpagne , qui ne diffèrent que par !■ variété des couleurs & par la groffeur des pierres & du gravier qui les compofent ; l'autre , comme la brèche d* Kurgos,efl corn ofée de petits cailloux, qui donnent du feu avec le briquet , & qui font féparés du mailic #■ unis avec lui, de l'Espagne; ( nç pendant le jour, fes rayons de delTécher trop la terre. A Dovéno , qui eft à quelques lieues de Liria, d y a une montagne de gipfe roux, bleuâtre 6c blanc ; ck à la jonction des rivières de Cheiva 6k de Guadalaviar, au village de Galles, on remarque Un vallon formé par des montagnes j de terre blanchâtre , jaune , rouffe ck mordorée. Cette terre calcaire 6k fablonneufe, eft compofée de pierres plates calcaires ck de pierres à aiguifer de ces montagnes. En deux heures nous vînmes de Chelva à Tuéjar , 6k nous rencontrâmes en chemin quelques montagnes de pierre à plâtre noir , ck d'autres couleurs, difpofées en feuilles Comme l'ardoife ; mais, avec cette différence, que Ces feuilles font perpendiculaires. Au Nord de Tuéjar il y a un ruilTeau , dont les eaux ont creuféàplus decenttoifes les rochers 6k les terres calcaires de fes bords ; on y obferve que les couches de terre, d'un côté , font femblables à Celles de l'autre, En fuivant le ruiffeau pendant environ une lieue 6c demie , on trouve un. amas de pyrites fulfureufes, mêlées avec un mauvais jais ou bois pourri, noir , bitumineux , que les gens du pays croient être une mine de charbon de pierre, On trouve, à peu de diftance , la jneme chofe , ck en plus grande abondance, dans le même lit que le ruilTeau. Vers fa fource, Cm trouve de petits morceaux de quartz qui roulent jufqu'au Guadalaviar , 6k fi cette rivière Continuoit de les entraîner , on en verroit à Valence. En deux heures ck demie on va, de "tuéjar à Tituagas , en traverfant des montagnes de pierre à chaux , de fable , de pins, de gp-tyCYre 6c de romarin. A une lieue de ce dernier n6 Histoire Naturelle,Sec. viliage, on me fit voir, fur le grand chemin, une mine de charbon de pierre, que je jugeai d'abord être de la même nature que les précédentes ; mais , comme on voulut que je l'examinalïe , je fis creufer, & je trouvai que le terrein étoit al* ternativement compofé de couches de grais , de bois bitumineux, de pyrites, de fable , mêlé de terre, &, dans le plus profond,de houille (39) liante comme de l'argille , qui n'eft autre choie que du bois pourri, mêlé avec du bitume. Les couches de mauvais jais fe font engendrées des racines des pins dont tout ce pays eft couvert » parce que ces arbres étendent leurs racines pref-qu'horizontalemcnt, ainfi que leurs branches. En une heure 6c demie nous vînmes, de Ti* tuégas , à la rivière qui coule du Nord au Sud , 6c qui fe mêle avec le Guadalaviar après avoir pénétré dans une montagne calcaire à plus de quinze-cents pieds de profondeur. Cette rivière fert de limites aux Royaumes de Valence 6c d'Aragon. On entre dans le dernier par la montée de Frifon , en .voyant diverfes montagnes de gyp^ roux , noir 6c blanc , parmi lefquelles il y en a de calcaires. On paffe enfuite par une chaîne de monticules ronds &c d'égale hauteur. On arrive enfuite au village d'Arcos , bâti fur une collin^ de gypfe, au pied de laquelle on trouve cette fontaine falée dont on tire , avec une efpece d<* pompe à roue, l'eau que l'on conferve dans des réièrvoirs pendant l'hiver. Quand l'été eft venu? on la met dans des marais, pour la faire évaporer au foleil & pour former le ièl. La fource de la ( 39 ) Mauvais charbon de pierre , très * mêlé & terre. de l'Espagne. 117 fontaine donne environ cinq pouces d'eau , 6c quand la roue de la machine en élevé Te au, celle qui tombe des féaux de la roue forme de belles italacïites de fel. On ne doit pas être furpris que l'acide falin corrode le fer de la machine, ni qu'il en pénétre le bois au point de le rendre incorruptible & inccmbuftible ; mais , il eft bien étonnant que la même chofe n'arrive point aux Vaiffeaux qui font toujours dans l'eau falée de la mer. On voit beaucoup d'effiorefcence (40) fur la colline de pierre à plâtre , qui eft au-dtfliis de la fontaine ; ce qu'il y a de fingulier , c'eft «lue l'eau y eft plus abondante en été qu'en hiver. Cela provient, fans doute, de ce qu'en été on arrofe le vallon , qui eft plus élevé que la fâline, 6c de ce que les eaux filtrent 6c fe mêlent , fans que la douceur des unes diminue , en aucune manière, le fel des autres. Ce phénomène provient peut - être de ce qu'il y a dans l'intérieur quelque rocher ou mine de tel; mais il ne m'a pas été pofîible d'examiner cet objet plus particulièrement. En pénétrant dans l'Aragon, on rencontre des bois entiers de cèdre d'Efpagne , dont quelques-uns font fi gros, qu'ils ont jufqu'à quatre pieds de diamètre. Ils ne font pas creux ; ils ort une odeur pareille à celle de la fabine , comme ceux qui font à la fource du 1 âge. Sur les bords de la rivière d'Arcos, on remarque un rocher de plus de foixante pieds, que les eaux ont fait tomber ( 40 ) Efflorefcence eft cette ponflîère , farine ou m°ufle qui fe forme lur 11 fur race des corps qui le dé-compofent ou qui fe ponrrilfent, aimi qu'il arrive aux fruits quand ils .ont trop mûrs. %i$ Histoire Naturelle, ckc; en creufant fes fondements. Nous parvînmes, eft une heure 6k demie , au point le plus élevé de la hauteur qu'on appelé le port de Jabalambre : on voit, fur tous ces coteaux, des rochers de pierre à plâtre, en feuilles comme l'ardoife, mais dirigées perpendiculairement. A un quart de lieue environ de ce port, le terrein change d'afpe£l; car on entre dans des montagnes de terre , coupées par des torrents que forment les pluies. Ces torrents produifent les angles rentrants èk l'aillants dont il eft tant queftion, ck dont nous avons déjà parlé, à la montagne de Ronda ; car l'eau de pluie , dont la terre ne peut point s'imbiber .„ venant à fe réunir , s'ouvre un paffage dans le terrein oit elle trouve le moins de réfiftance. Elle ferpente, par cette raifon même, en entraînant avec elle beaucoup de terre délayée , ck elle forme un vuide qui compofé le lit du torrent» Ces montagnes de terre continuent jufqu'à Teruel. Une lieue avant d'y arriver, on defcend dans un beau vallon cultivé , ck arrofé par le Guadalaviar, dont les eaux coulent lentement à travers la plaine qu'il a formée lui-même. On voit , à huit lieues à la ronde, les ravages que les eaux ont faits, ck qu'elles font encore tous les jours dans ces coteaux de terre , qu'elles dé-truifent à vue d'ceil , ck qui finiront par être réduits en une vafte plaine. Le fommet de U plus grande partie de ces coteaux étoit couronne d'une couche de pierres ; mais les eaux ? qui minoient au-delîous peu-à-peu, ayant emporté les terres fur lefquelles ces pierres étoien* aftifes , les ont fait tomber par parties , comme on le voit aujourd'hui, au pied de ces coteaux* Cette deftuiftion continue 2 ôtelle continuer* d e l'êspag n e.' ï2<5 jufqu'à ce que la totalité foit réduite eh plaine. Dans toute cette partie de F Aragon , on ne trouve ni le romarin ni les autres plantes qui croiîTent dans le Royaume de Valence ; mais on y trouve beaucoup de genêt, de genévrier ; de fange oc de lavande. Les alentours cle Teruel font allez agréables ; mais ce n'eft qu'aux yeux du Naturalise qu'ils préfentent des objets de deftruc-tion, par l'applaniiTement de ces monticules. La ville même eft fituée fur un de ces monticules , jjjui diminue tous les jours , & dont la diminution journalière caufera enfin la ruine. Le défaut , dans fa fituation , qui prouve le peu de jugement de fes Fondateurs, eft l'unique de cette efpece que j'aie vu en Efpagne. J'obferverai encore que, tandis que les monticules les plus élevés fe tlétruifcnt , ceux qui font médiocres &C plus bas fe décompofent , & fe réfolvent d'abord en pierre tendre, & enfuite en terre. Comme les torrents creufent , dans quelques endroits , oc qu'ils en emportent la terre, ils empêchent le terrein de fe niveler, 6C laiiTent aux fourccs la pente qui leur eft nécelTairc. On peut oppofer les mêmes raifonnements à la crainte générale de l'appianiftement de notre globe. La terre, entraînée par les torrents ÔC par les ruiffeaux , tombe dans le Guadalaviar , qui la porte à la mer de Valence, en laiffant, pendant un long efpace, deux bandes teintes de jaune , à droite & à gauche» Je voulus reconnoître fi cette boue fe précipitoit au fond de la mer ; pour cet effet, j'entrai dans une barque de pêcheur ÔC je fus examiner les eaux. Je trouvai, après plufieurs expériences , que cette boue n'alloit pas au fond, qu'elle reftoit mêlée avec l'eau douce qui «30 Histoire Naturelle, Sec. rapportent, & que, clans cet état, elle fe foiw tenoit fur celle de la mer. Je remarquai encore , qu'aufti-tôt que les courants du Guadalaviar n'ap-portoientplus une certaine quantité de cette terre délayée qui coloroit fes eaux , les bandes jaunes difparoifioicnt : enfin je vis que depuis tant d.e ïlècles que la rivière tranfporte cette boue à la mer, au détriment des montagnes , fon fond cil, dans tous les tems, de pur fable, fans aucun mélange de terre. Dans la haute mer , je trouvai les rochers de la même nature que ceux de la côte , lans le moindre indice ni dépôt de la boue de la rivière. Si ces rochers contiennent un peu cle terre, elle eft de la même nature que celle des champs qui font au bord. J'ignore donc ce que devient cette boue ; je me perfuade feulement, qu'étant aufti légère que l'eau douce, & nageant iurî'eâu falée , fans jamais s'enfoncer au-delà de cjualorze pouces, les ondes de la mer, qui font toujours agitées , la diffolvent entièrement. On compte cinq lieues, de Teruel à Albarracin. Cette dernière ville eft fituée entre deux grandes roches calcaires , fendues de toutes parts , 6c en tous fens, de manière que les plus gros morceaux ont deux pieds au plus. On remarque que les fentes latérales commencèrent la deftruéfion , que les perpendiculaires fuivirent, & que les unes 6c" les autres fe font enfuite fubdivifées en une infinité d'autres, dans différentes directions qui caufentune dégradation journalière 6c totale des rochers„ dont, il tombe chaque jour quelque morceau. C'eft la confequence la plus naturelle qu'on puiiïe tirer de la manière dont ils fe font fendus , JU dont ils fe fendront jufqu'à ce qu'ils tombent; t E l*E S p À g n L. ï3 x cju*ils fe diflblvent, 6t qu'Us U réduifem en terre propre à être cultivée. Auprès de ces deux rochers , il y en a un autre, dont la baie 6c le Commet font allis horizon* talcment, ôc avec foiidué: le milieu en eu claquement ôc prodigieuiement fendu , de lotte que les morceaux menacent ruine, Albarracin eft un des endroits les plus élevés de l'Efpagne* Je m'y défabufai d'un préjugé* que j'avois. Je croyois que c'étoit feulement au pied des montagnes qu'on trouvoit la pierre à plâtre , 6c j'en vis de rouffe au Commet d'une montagne eîe\ ce 6c calcaire, autour de laquelle je rencontrai jufqu'à huit efpèces de pétrifications. En fortant d'AIbarracin, du coté de l'Eil, on trouve des montagnes de grais , difpofées en couches, fendues comme les précédentes, 6c qui s'acheminent également vers leur deftruction. Il y a enfuite une autre montagne d'ardoiie , dans laquelle on trouve des pyrites rondes 6c plates. On reconnoît Qu'elles lurent fuccefli veinent ar-doife , pierres rondes 6c pyrites; il y en a quelques-unes qui commencent à fe cryftallifer. Au-près de cette montagne , on trouve une mine de fer dans de la terre calcaire , au milieu d'un grais roux. On trouve enfuite une autre mine iio ter noir, dans laquelle le métal eft en forme de grains de raifin , que nous appelons en France mine mammelonnée, avec du lpath pelant, da le même grais. Toutes ces montagnes font couvertes de romarins, de (louchas, de labdanum , de genévriers 6c de grands cèdres. Il y a anift une grande quantité de ruches, que les payfans tranfportent de nuit fur des chevaux, pour les 132 Histoire Naturelle, ckc. mettre dans les endroits où les plantes aromatiques font plus abondantes. Nous fûmes , en un jour , d'Albarracin à Mo-lina d'Aragon , en croifant les chaînes de montagnes qui féparent ce Royaume de celui de Caftille. On y trouve deux mines de fer ; l'une dans la partie calcaire de la montagne , qui donne un fer fi mou , qu'on peut le travailler à froid. On en tire , par cette raifon, une grande quantité pour les Maréchaux d'alentour. On defcend dans cette mine par une rampe très-bien dirigée : on y voit, de tous côtés, une infinité de cryftaux de roche , depuis la grolfeur d'une lentille, jufqu'à 1a grolfeur d'un pouce, La féconde mine de ces montagnes eft à une lieue de la première ; &, quoiqu'elle foit txès-intérelïsnte pour l'Hiftoire Naturelle , elle eft inutile aux Arts, parce qu'elle donne un fer très-aigre. Cette mine, qui eft dans une roche de quartz, eft plus abondante que la première. Auprès de ces mines de fer , il y en a deux autres de cuivre dans des rochers de quartz à découvert , d'un grain plus blanc &c plus fin que tout ce que je connois en Efpagne. C'eft , fans doute , la baie du véritable pétun-tzé (41), dont (41) Parmi les différents moyens que les Européens ont employés pour imiter la porcelaine des Chinois & des Jajjonois , & pour en découvrir le fecret, on employa celui d'inyiter quelques Millionnaires «à prendre des inftritftions fur la façon dont on la travailloit, &à tâcher d'en découvrir le fecret. Le P. Entrecolles, Jé-fuire , fut celui qui remplit le mieux cette commiflion. H envoya, il y a environ quarante ans, les découvertes qu'il put faire, & les échantillons des matières que les Chinois emploient. 11 y en a deux ; favoir, le pétun- de l'Espagne: 133 les Chinois fe fervent pour faire la porcelaine. Près de ces rochers de quartz, il y a encore une autre mine de mauvais ter, qui fe dégrade tk qui fe convertit en pierre rouffe tk en fafran de Mars (41 ). C'eft la raifon pour laquelle les gens du pays croient que c'eft une mine de cinnabre ; mais c'eft ce dont ils pourroient fe défabufer à peu de frais , puifqu'en faifant une raie fur la pierre avec une aiguille de fer, ils verroient que la couleur s'obfcurcit ; au lieu que, fi c'étoit du cinnabre , la couleur rouge en deviendroit plus vive. Cette expérience , aifée à faire , fupplée à. l'épreuve du feu.___ tzé 6c le kaolin. M. de Réaumur en a fait divcrfes ana-lyfes chymiques , & il eft parvenu à en découvrir la nature. On peut voir fes recherches dans les Mémoires de l'Académie des Sciences de Paris. Le peu d'étendue d'une note ne permet pas d'entrer dans le détail d'une matière auffi curieufe. Il fuffit de favoir, qu'actuellement la compofition de la véritable porcelaine n'eft plus un myfterc, qu'en Allemagne & en France on fait en fabriquer de plus ornée , d'aufli fine , Se qui réfifte au feu comme celle du Japon ; que le pétun-tzé & le kaolin font très-communs dans ces Empires, & que tous les ingré-diens qui entrent dans fa compofition font certainement trés-abondans en Efpagne. J'ajouterai feulement une particularité rapportée par Alphonfc Barba , Liv. a , Chap.' 13. a Dans l'infigne Bourg de Saint - Philippe de Auftrie «de Oruro , dit-il, il y a une veine de terre blanche « dans un petit coteau qui eft au-deflus de i'Eglife de la >» Ranchcria , dont on tire une cfpèce d'argille compacte, j» qui, après qu'on l'a fait cuire , ne le cede en rien à la s» plus fine terre de la Chine. J'ai éprouvé Se publié fon î> ufage pour les creufets , Sec. ». ( 42 ) Les Chymiftes donnent le nom de fafran à différentes préparations qui ont une couktir jaune , i-effcmblante à celle du fafran. Ils appellent particulièrement fafran de Mars la rouille de fer ,dont la couleur eft llus ou moins foncée. iiij VOYAGE d'Almaden à iVérida , à Talavera, à Mada/QÇ,, à Séville , à Antequerre , à Malaga , à Mo tril, a Alrneria , 6' au Cap de Gâte, En panant une féconde fois d'Almaden, je pris une route toute différente de la première que j'ai décrite. Je vais commencer par expofer ce que j'ai vu,de ce village , à Badajoz, En for-tant d'Almaden , j'allai, par le Nord-Oueft, à Zarzuela , & au lieu de continuer le chemin de Madrid , je tournai à I'Oueft, pour palier une chaîne de montagnes qui fépare la Manche de l'Eftramadoure. Ces montagnes font compofées de grais fin Se de quartz. La terre n'en eft point calcaire ; elle eft route couverte de romarin haut de cinq à fix pieds, d'arbouliers, de troëfnes,de ciftes, dont on tire la manne , de ciftes à feuilles de ilcechas, de ciftes à feuilles de peuplier, de ciftes à feuilles de romarin, Se de deux autres efpèces de ciftes à feuilles frifées , dont l'une eft rouf-fâtre. Il y a auJÎî quantité de ftecchas , de thim, Se deux ou trois efpèces d'heliantheme ; quoique les ciftes ne foient pas propres à nourrir les abeilles , les autres plantes leur fournirent des fucs en fi grande abondance , qu'on y élevé une infinité de ruches. On defeend de ces montagnes par des collines de grais Se de quartz blanc veiné de roux, juf-qu'au hameau de Guabaguéla , oii commencent les pâturages propres aux nourritures des bêtes à laine fine , parce que les gramen y font abon-pants Se fin». La plupart de ces collines font be l'Espagne; 135 couvertes de chênes, dont le tronc eft creux, parce qu'on les a étêtés ; cependant ils donnent quantité de glands pour les cochons, qui, dans, ce pays-là, font tous noirs. Le revenu des Seigneurs y conlifte en pâturages , en glands tk en cire ; il y en a aufîi quelques-uns qui font élever des chevaux 6C des vaches , qui , dans toute; l'Eftramadoure , font blanchâtres ouroiuTes. Des Cuabaguéîa jufqu'à Alcocer il y a fept lieues. Un peu avant d'arriver à ce dernier endroit, on ne voit plus de chênes ; le terrein eft inégal, & on l'arrofe avec l'eau de diverfes fources qu'on y trouve. D'Alcocer j'allai à Tallarrubîa. Son territoire eft uni , 6c contient de très-bons pâturages. On n'y voit point de rochers de fable 6c de quartz ; mais la furface du terrein eft couverte de morceaux détachés les uns des autres. On voit, à fleur de terre , des roches fendues perpendiculairement , en feuilles comme l'ardoife , les unes minces 6c les autres épaifles, de manière qu'on y obferve une décomposition fucceftive tk graduelle d> la roche dure, jufqu'à ce qu'elle foit réduite en terre cultivable. Les rochers de fable 6c les quartz du fommet des collines fe fendent âuftï , 6c fe décomposent comme les roches. Les rochers ardoifes (ont compofés d'argille tk de fable fin , 6c quand ils fe décompofent, c'eft d'eux que proyient le fable qu'on trouve fur les chemins tk dans les ruiffeaux dont l'eau a emporté toute la terre ar-gilleufe qui n'étoit point fixée par les racines des herbes tk des arbres. Il y a encore, dans ces cantons, quelques rochers auffi compactes ck auiti durs que le bafalte d'Egypte, de la même couleur 6c de la même nature t cependant on voit 13 6 Histoire Naturelle, Sec. , qu'ils le décompofent Se qu'ils fe convertiiTent en terre. Au milieu de ce pays , compofé de terre Se de pierres vitrifiabies, on voit, dans différents endroits, des pierres à chaux en forme de pointes de rochers.. Immédiatement après ce canton, on trouve le pâturage de la Séréna, qui a neuf lieues d'étendue , Se qui eft abfolument défert jufqu'au village de Coronada. C'eft un terrein plat, à quelques inégalités près , fans arbres ni arbuftes ; fon fol eft couvert d'herbes excellentes pour les troupeaux , comme d'afphodèle 6c de gramen. Ce terrein paroît être compofé d'ardoife dure Se d'un peu de quartz , avec des grais détachés. A l'extrémité de ce pâturage, il y a quelques rochers de quartz blanc, tacheté d'un roux un peu foncé, Se on y voit beaucoup de chênes , d'oliviers fauvages , d'afperges blanches , Se de petite chélydoine, dont les racines refTemblent à des grains de bled , Se qui, par leur relTem-blance avec les hémorroïdes externes , ont, fuivant quelques perfonnes , la propriété de les guérir. De Coronada on va en trois heures à Villeneuve de la Séréna. On entre alors dans une vafte plaine qui ne finit qu'au village de Don-Bénito ; elle n'eft compofée que de fable , Se cependant elle produit en abondance du bled, du vin, des pois chiches, des poires, des figues, Sec. Sa fertilité provient de l'eau qui fe trouve à la fuperficie de la terre, 6c qui produit des joncs par-tout. Quoique le fable , jufqu'à deux ou trois pieds de profondeur, foit détaché Se pur , il y a, au-deflbus, une couche d'autre lable plus dur Se plus compacte qui retient l'eau , làns que de l'Espagne. 137 l'argille , la terre dure, eu le rocher qui l'empêche de fdtrer foit néceffaire, comme ailleurs. Cette proximité de l'eau rend le terrein fi fertile, qu'il donne ordinairement jufqu'à trente pour tin. Il fuffit de planter une branche de figuier ou d'olivier, pour qu'elle prenne infailliblement , & pour qu'elle produile du fruit en peu de temps. Malgré fon extrême fertilité, la plus grande partie de cette plaine eft inculte jufqu'à Médellin, fitué au pied d'une colline ronde , fur le bord de la Guadiaua ; lesmaifons de ce bourg font toutes petites, baffes, & n'ont qu'un étage. Dans le milieu de l'endroit on me montra une chaumière bien digne de notre fouvenir 8c de notre vénération , puifqu'elle vit naître Fernand Cortès , le fameux Conquérant du Mexique. Le linteau de la porte de cette maifon elt de granité, de la même efpece que celui de l'Efcurial. On raconte qu'un Évoque de Badajoz, voyant cette chaumière , s'écria : quel petit nid pour un fi grand oifeau ! De Villeneuve, on va en quatre heures , au village de Saint-Pierre, en traverfant une partie de la même plaine fablonneufe, qui, à l'exception de ce que leshabitans de Don-Bénito cultivent, ne rapporte rien, parce que l'eau y eft à une plus grande profondeur ; aufti ne fert-elle que pour des pâturages. On appelle cette portion de Àa pîaine,Torre-Campos: elle a quatre lieues quar-rées d'étendue jufqu'au village de Saint-Pierre, qui eft bâti fur l'une des collines couvertes de chênes, de ciftes ( dont on tire la manne ) , de fteechas, 6c d'afperges blanches. Nous fumes, en trois heures, de ce village à ,138 Histoire Naturelle, &c. Mérida, en palîant par des collines de granits 6c de quartz. Après la première lieue, on descend dans un terrein inégal de bonne terre 6c bien cultivée, quoiqu'elle ne foit point calcaire. Plufieurs ruiffeaux traverfent ce pays, 6c vont fe jeter dans la Guadiana. La rivière 6c les ruiffeaux retient ordinairement à fcc pendant l'été, parce qu'ils paffent 6c ferpentent dans une plaine de fable qui en abforbe les eaux. D'un autre côté, ces eaux minent peu-à-peu les collines , & réduifent en fable le granité, le grais, & la roche. Auffi voit-on, dans la plaine, le gros fable, le fable fin, 6c le caillou, uécompolés dans le même ordre où ils exiftent dans les collines d'où ils defcendent; car, fi fur la hauteur il y a, par exemple, un quart de lieue de granité, on trouve, dans la plaine , une égale étendue de caillou graniteux ; fi ce quart de lieue efl, fur la hauteur, de grais, on le trouve dans la plaine réduit en gros fabîe ; Se s'il efl de roche , on le rencontre en fable fin. Souvent les trois matières font mêlées , parce qu'elles font ainfi mélangées fur la hauteur d'où elles proviennent, Mérida mérite d'être examiné par rapport & fon ancienneté, 6c à fes ruines célèbres. Un Antiquaire y trouveroit certainement matière à exercer fa curiofité ; mais, comme je n'ai d'autre objet que l'Hiftoire naturelle , je ne parierai que de ce qui y a rapport. Ce qui exifte encore de Mérida, eft fituc fur une colline baffe » & remplit une demi - lieue de circuit au bord de la Guadiana ; fes ruines font beaucoup plus étendues, 6c prouvent bien qu'elle fut la première colonie des Romains en Efpagne. Parmi les reftes des pierres qu'on trouve bn- de l'Espagne.' 139 fées fur la furface de la terre, on en remarque des morceaux qui varient par les couleurs, la dureté , le mélange , 6c par les nuances. Pour reconnoître leur nature, j'examinai les collines & les plaines des environs , d'oii on foupçonne S^e ces pierres furent tirées. Ces pierres me paroilTent de quatre efpèces primitives, qui » mêlées félon différentes combinaifons , forment toutes les efpèces de pierres qu'on y diftinguc. La première eft de couleur rouffe, tirant quelquefois fur le fang de bœuf, 6c quelquefois aufti brune que du chocolat ; elle a le grain égal, 6c elle eft mere du porphyre. La féconde eft blanche oc non grainée. Quand elle donne du feu avec le briquet, on l'appelle quartz ; quand elle n'en donne pas, c'eft du fpath. La troifième eft une pierre bleuâtre , qui tire fur le noir ; 6é la quatrième tire fur le vert. Ces quatre efpèces de pierres primitives, confidérées chacune dans leur état particulier, ne s'emploient point, ou prefque point, parce que la rouffe , la bleuâtre 6c la verte, font un très-mauvais effet, par leurs couleurs ternes 6c défeâueufes , 6c parce que la blanche feule ne reffort pas ; mais quand la dernière fe trouve mêlée avec la rouge-brune , la couleur de fang de bœuf l'anime ; 6c comme la blanche eft fufceptible du plus beau poli, elle vivifie fa couleur lugubre. Le quartz, mêlé avec la mere du porphyre, conftitue une pierre anomale , qu'on ne peut mettre dans aucune des claffes décrites par les Anciens 6c par les Modernes. On en voit de quinze à vingt livres à ta furface de la terre, 6c on préfume qu'il y en a dans le fond des bancs confidérables, parce qu'il çft naturel que les anciens en aient tiré les 140 Histoire Naturelle,'&c.' plus belles, ôc celles qui étoient plus à leur portée. Auffi, dans le cas où on voudroit avoir de cette pierre précieufe , il faudroit la chercher par des indices certains. Dans fa formation primitive , la mere du porphyre s'appropria les divers fragments du quartz blanc , depuis la groffeur d'une châtaigne ôc au-delTous, jufqu'à celle d'une noifette , & ces fragments caillèrent fes différentes nuances ÔC fes taches. Quand on trouve un morceau de porphyre roux, parfeme de particules blanches groffes comme des pointes de clou, c'eft le véritable porphyre fi eftimé des Anciens. Enfin, cette pierre anomale n'a rien qui lui reftemble dans tout ce que je connois ; par cette raifon, je voudrois l'appeller la fans pareille de Mérida. Toutes les fois que la pierre bleuâtre dégénère un peu en couleur de fuie de cheminée, ÔC qu'elle fe môle avec de petits morceaux irréguliers de pierre blanche & de mica, il en ré-fulte un granité gris ; enfin, quand la pierre ver-dâtre fe trouve mêlée avec des fragments de pierre blanche, elle forme la ferpentine, qui eft fufceptible d'un très-beau poli. Le mélange de ces différentes pierres ainft confondues Ôc amalgamées les unes avec les autres, prouve , fans réplique, qu'avant de fe pétrir oc de fe conglutiner , elles furent toutes dans un état de difîblution ou de pâte molle. Voilà le fait ; mais fi on m'en demande la caufe, quand 6c comment cela s'eft fait , je répondrai que la folution de cette queftion appartient à des connoiffanecs que je n'ai point, ôc dont j'ignore même l'exiftence. En fortant de Mérida je vins, en fept heures ? de l'Es pagne. 141 à Talavéra, en traverfant une grande plaine fa-blonneufe formée par la Guadiana, qui mine fans ceffe les collines fituées fur fes bords, ck qui rme, dans fon cours , un grand nombre d'ifles , où plufieurs troupeaux viennent paître, au riique d'être,emportés dans des crues d'eau fubites. Les Patres courent les mêmes dangers , ôk j'en ai vu quatre palier fous une des arches du pont de Badajoz , accrochés à une barraque qu'une crue d'eau avoit enlevée dans une des ilîes de la rivière , fans leur donner le temps de fe fauver. J'obfervai, en chemin, que les pierres du fom-met des collines fituées à l'un ck à l'autre bord de la Guadiana , étoient de la môme efpece que celles qui fe trouvent dans la plaine & dans le lit de la rivière ; ce qui prouve que celle - ci empiète continuellement fur ces collines. Les bords de la Guadiana font couverts de tamarife oc de lauriers rofe ;mais , dans la plaine, je ne vis point d'autre plante que la bruyère ; c'eft aufTi la feule plante qu'on trouve dans la plaine qui eft entre Talavéra ck Badajoz. Le terrein non calcaire finit à cette dernière ville, 6k les rochers , les pierres, 6k les terres calcaires commencent à reparoître. Le château de Badajoz eft conftruit fur une roche maftive 6k calcaire, fans pétrification ; le pays en entier a la môme forme ; mais les pierres 6k les terres changent de nature. L'Eftramadoure eft l'unique province d'Efpagne 011 je n'aie pas trouvé de fource d'eau falubre , ni de mine de fel gemme , ou de falpêtre ; c'eft pourquoi les habitans fe fervent du fel des eaux de l'Océan, ou de la Méditerranée. Le douze de Janvier je partis de Badajoz pour aller à Séville; je trayerfai? pendant neuf heures, ï4i Histoire Naturelle, une plaine déferte non calcaire jufqu'à Sainte-Marthe , où on rencontre quelques collines d'ar-doife dure, tk de rochers de grais fins , qui s'étendent jufqu'à Zafra. Ici le pays change d'af-peét, puifqu'on commence à voir des pierres à chaux ; mais il elt encore de la même nature que le précédent ; car, pendant un affez long efpace,les pierres fe fendent perpendiculairement tk fe décompofent par feuilles comme Fardoife* Je dois avertir ici, par rapport à ce qui fuit, que je n'ignore point que la véritable ardoife eft toujours difpofée par couches horizontales ; mais que , néanmoins , je continuerai d'appeler ardoife dure, toute roche dont je ne connoîtrai point parfaitement la nature , quoiqu'elle foit fendue perpendiculairement. Aux environs de Zafra , où commencent les roches tk les terres calcaires , le terrein eft fertile 6c bien cultivé. On y voit que la nature de la pierre à chaux recouvre fes droits ; car elle n'eft plus fendue comme auparavant : mais elle eft étendue en couches ; elle forme une pierre grife & bleuâtre , mêlée avec du fpath, tk il réfulte, de cemélangc,des marbres de différentes couleurs. De Zafra, on va à Sainte-Marthe , où les collines précédentes baiffent peu-à-peu , tk finiftent par former une plaine de cinq lieues, jufqu'à Zarza-del-Angel. En parlant par Monafterio, on arrive à Fuente-de-Cantos, où les pierres 6c les terres calcaires Uniffent , tk font remplacées par des quartz 6c des roches. La Sierra-Moréna commence à ce village ; elle eft formée de collines rondes 6c de rochers non calcaires. En avançant un peu dans les montagnes, on arrive à Saint-Qlajla j qui eft le premier village du Roy au me de de l'Espagne. 143 Séville. Son territoire efl compote de collines ck de plaines remplies de roches tk de pierres rondes de granité. On entre enfuite dans les montagnes defertes de Sierra-Moréna, ou on marche pendant dix heures pour arriver à Caftel-Blanco , en rencontrant du granité, de l'ardoife dure, de la roche fablonneiilè , du caillou graniteux , 011 de couleur de cendre, du fable, toutes les plantes qu'on trouve à Almaden ; tk en outre le ( teu-criumbœticum), le prunier fauvage,le myrthe & le romarin. Je vis auffi un terrein pierreux, rempli de véritables bafalus, parmi des pierres de granité, £k des rochers de porphyre gris , qui avoit les mêmes points blancs que le porphyre rouge. On n'y découvre ni pierre à chaux, ni rocher difpofé en couches , ni plâtre. Après avoir traverfe la Sierra-Moréna , on. defeend dans la grande plaine de Séville, compofée , au commencement, de cailloux graniteux ckde grais. J'eus le plaifir de voir en fleur 9le dix <3e Janvier , le grand afphodele , le petit lys ck la marguerite ; l'afperge blanche étoit un peu plus retardée. Séville elt à trois journées d'Antequerre, ck le pays intermédiaire en eft fertile tk cultivé dans la plus grande partie. Antequerre eft fur une colline diftante d'une lieue d'une montagne, entièrement compofée d'un bloc de marbre couleur de chair. Du fommet à la fortie de cette montagne ( qu'il faut, pour aller à Malaga, tra-verfer à cheval, par rapport aux mauvais chemins)., on trouve plufieurs fources qui tonnent "un petit ruilTeau, ck ce ruilTeau fait tourner les moulins de la ville ; mais deux collines de marbre noirâtre êk de plâtre blanc, noir > roux & bleu 'ï44 Histoire Naturelle, &c. remplies de belles veines blanches , le forcent à détourner fon cours. Auprès de la ville, Se fur les bords du ruiffeau, on trouve en fleur la pervenche ou l'herbe pucelle, avec l'iris bulbeux Se le féfeli d'Ethiopie Les rochers, Se jufcru'au plâtre même, y font tous couverts d'orleille ou li-chem (43). En descendant la montagne élevée Se efearpée d'Antequerre , on arrive , en trois heures, à un ruiffeau dont les bords font couverts de jafmin, de laurier rofe, Se des autres plantes qui croif-fent dans la montagne. A ce ruiffeau, le terrein change de calcaire en quartz , en grais, en roche Se en plâtre mêlé par morceaux avec le marbre* Les collines font rondes , couvertes de vignes, d'amandiers Se de ftœchas, qui font en fleur des les premiers jours de Janvier. Ces productions continuent jufqu'à Ma'aga. A deux lieues, à I'Oueft de cette ville , on trouve une efpece de caverne, dans laquelle l'eau forme d*énormes morceaux d'albâtre calcaire , tres-beau dès qu'il eft travaillé , comme on peut le voir dans la quantité employée au Palais de Madrid. Il y a des morceaux de cet albâtre dont le fond eft blanc , mêlé de veines de différentes couleurs ; mais ordinaire-* ment, quand il eft poli , il eft d'un gris agréable (43 ) Lichem faxatilis , tlnflorius, qu'on appelé orfellte-C'eft une efpece de plante 3 qui croît parmi les rochers» & qui, moyennant certaine préparation , fert à teindre en beau violet. Cette orfeille croit en plufieurs endroits} mais les Teinturiers de France Si d'Angleterre préfèrent celle des Canaries , comme fupérieure à routes l^5 autres. 11 en croît en Efpagne en rrés-grande abondance » & elle efl de fort bonne qualité ; mais, jufqu'à préfent, on s'en eft fervi très-peu, où, ft on l'a fait , c'a été hn* de l*E S p a gn e.' Î4Ç mêlé de clair & d'oblcur, avec des veines blanches , ou feulement d'un gris obfcur mêlé de veines d'un blanc parfait. J'en vis de petits morceaux de la groffeur du doigt, qui commcn-ÇOient à fe former dans un ou deux petits trous de «t partie fupérieure par où l'eau s'introduifoit, & par où elle dépofoit la terre , de la même manière dont fe forment les ftalactites. La caverne eft précifément au-deflbus d'un grand banc de roche de chaux , dans une plaine , à cent pas de la mer, 6c à environ cinq-cents d'une chaîne de montagnes, toutes calcaires, dont la décompoii-tion produit l'albâtre. A une heure de chemin , à I'Oueft: de Malaga * en trouve des jardins potagers à deux-centspaS de la mer, 6c prefqu'à fon niveau , entourés d'aloès ck de figuiers des Indes, dont les pointes rendent les haies impénétrables. A l'ombre de ces deux plantes, il croît deux efpèces de mauve, deux autres de tithymale, le bec-de-grue , le fouci, la buglofle, le petit afphodele avec des feuilles d'oignon , la pariétaire, une efpece d'origan (faux diclamne) , la férule qui a l'odeur d'anis ( oxa-w* feu acetofa ) , la mercuriale , le chardon-marie, la lavande à feuilles découpées , l'orvale (fclarea feu hormirnum fativum ) , l'immortelle dorée ( elichryfum ) , le gratteron (aparinc ) , la benoîte , la morelie , la bourfe-à-pafteur , la fumeterre, l'ortie 6c l'afperge blanche. Plufieurs de ces plantes croilTent auffi dans le fable brûlant des bords de la mer, comme l'afphodele, le fouci , le chardon-marie, l'afperge blanche, l'orvale 6c la morelle, que je vis en fleurs 6c en fruits au commencement de Janvier. Il y avoit aufti quantité depaYots cornus, comme ceux qui font dans 146 Histoire Naturelle, Sec. l'intérieur de l'Elpagne. J'ai rapporté en détail les plantes qui croiflent à l'ombre dans cette partie méridionale de l'Elpagne , parce qu'on s'en fert dans les Laboratoires & qu'elles font d'un fréquent ufage. J'arrivai à Malaga dans les fêtes de Noël : les petits pois y étoient déjà fi communs qu'on en vendoit à la Place. Je partis enfuite pour MotriL Sur le chemin , Se au bord de la mer , on voit croître le fenouil marin , farroche , la bardanne, la pomme épineuf e ou la linaire, la capucine , Se beaucoup de figuiers qui croiflent parmi les rochers, compofés de quartz, Se contre lefquels la mer vient fe brifer. Il y a, dans différents endroits de cette côte , en allant vers Gibraltar, plus de douze moulins à iiicre. A Motril foui , il y en a quatre , qui ont coûté au moins cent-vingt-mille livres chacun. De tems immémorial on y fait beaucoup de fucre, Se la tradition du pays prétend cjue les Maures apportèrent cette précieufe denrée en Efpagne. Comme j'ignorois fi les cannes à fucre de Motril étoient aufli greffes Se auffi abondantes en fucre que celles de l'Amérique, je m'en informai à diverfes perfonnes qui connoiflbient les Colonies, Se toutes m'affurerent qu'il n'y avoit pas la moindre différence. Le terrein de cette côte elt excellent , Se fi latitude invite à y tranfporter les plantes de l'Amérique, Se des autres pays chauds, qui ferviroient aux délices de l'Europe. Après avoir mangé des ananas, vulgairement appelés pi prias, par la reffemblance de ce fruit à celui du pin, Se d'autres fruits exotiques en Angleterre 6c en Hollande, malgré le froid de ces climats, je fus fâché de n'en point trouver dans un pays, DE L* E S P A G N E. ^ 147 'auffi tempéré ck auffi fertile que l'Andaloufie , d'autant plus que ces fruits viennent originairement des Colonies Espagnoles (44). De Motril à Alméria, on côtoie fans ceffe des montagnes , qui tantôt font de marbre , depuis le pied julqu'au lemmet, tantôt de rochers calcaires, ck quelquefois de roche. Prefque toute cette plage cil pleine de fable ; la côte n'eft prefque point efearpée, fi ce n'eft auprès d'AU méria ; mais, dans les huit lieues qu'il y a , depuis cette ville , jufqu'au Cap-de-Gatt (45 ) , Es bords de la mer varient connue le terrein de la plaine ; car , dans les endroits où il eft bourbeux , on voit l'eau, troublée par la boue, au-deflus du fond de fable. Où le terre i»: el! pierreux t on apperçoit des pierres lur les bords , ck airiiï de luite ; ce qui prouve que, ni les vents, ni la mer , ne font pas changer de place à des corps plus pelants que l'eau. A-pcu-prcs , à moitié chemin , on trouve une grande plaine, remplie de grenats , au point qu'on en pourroit charger un vaifieau. Ils abondent » plus que par-tout ailleurs, dans le lit d'un torrent formé par les imux des orages , au pied d'une petite colline , qui eft également remplie de ces pierres. Dans le lit de ce torrent , il y a auffi diverfes pierres arrondies , avec du mica blanc , qui fert de gangue au grenat. L'on reconnoît que (44) Dans les Jardins royaux même , on n'éroit pas encore parvenu à élever des ananas, jufqu'à Paul Bou-telou, Aide du Maître Jardinier d'Aranjuès , qui en a cultivé de très bons. * . ( 45 ) Bien des gens croient que le Cap de Gâte eft ainA nommé par corruption , au Heu de Cap d'Agate, M i4$ Histoire Naturelle, Sec. ces pierres proviennent de la décompofition de la colline. ' La ville d'Alméria eft fituée au commencement d'une plaine alTez ftérile ; mais , deux lieues plus avant, auprès de la maifon de campagne de l'Evoque, on entre dans une des plus dé-licieufes vallées d'Efpagne. On fabrique dans la ville du falpêtre de première préparation , qu'on envoie à Grenade pour y être rafiné par une féconde , & par une nouvelle cryftallilation, fans avoir recours à'l'alkali fixe : la terre dont on le tire ne contient point de plâtre. En me promenant un jour à environ deux-cents pas de la ville, je vis la mer jeter fur le rivage, à demi morts , cinquante à foixante vers , de quatre à cinq pouces de long, fur un de large : fous le ventre , ils avoient les reins prefque circulaires , 6c tout le corps étoit divifé par petits anneaux fuperfîciels. J'en faifis un avec la main. Il diftilla en abondance une liqueur , qui me la teignit d'une couleur de pourpre, comme elle auroit fait toute autre matière qu'il auroit touchée. Je coupai ce ver en huit parties; il en fortit de chacune la même licpieur, Se ce feul ver en produifit une bonne cuillerée. Cette découverte me rappela que trois animaux contiennent la liqueur pourprée qui produit cette couleur, fi eftimée des anciens Orientaux , qu'ils payoient au poids de l'or les étoiles pourpres. Le pourpre ordinaire , qui eft une petite huître, qui refte toujours au fond de la mer ; le pourpre ou nautile , qu'on voit fou-vent nager à la furface de l'eau , à l'aide d'une membrane qui lui fert de voile ; ck le pourpre, ou ver fans écaille, que je viens de décrire. Dans la baffe-cour d'une maifon d'Alméria, je de l'Espagne. 149 remarquai un arbre, auffi élevé & auffi touffu qu'un gros chêne. Le fruit de cet arbre , délayé dans l'eau, produit une efpece d'encre, propre à écrire. Dans le pays, on l'appelle arbre d'encre. Je crois que c'eft une efpece d'acacia, que quelques Navigateurs apportèrent d'Amérique. Son fruit me paroît bon pour développer & pour fixer les couleurs dans la teinture. Je partis d'Alméria pour aller reconnoître la fameufe montagne deFilabres. En chemin faifant, |e trouvai une grande quantité d'efparte, dont on fait beaucoup de cordages pour les barques. On paffe par différentes vallées étroites, en montant &C en defeendant une infinité de coteaux. Après dix heures de marche, j'arrivai à Filabres , qui , en ligne droite , n'eft cependant pas à plus de trois lieues d'Alméria. Pour fe former une idée exacle de cette prodigieufe montagne , il faut fe figurer un bloc de marbre blanc , d'une lieue de circuit, & de deux-mille pieds de hauteur , fans mélange d'autres pierres ni d'autres terres. Elle eft prefque plate fur le fommet, & le marbre y eft à découvert dans divers endroits, fans que , ni les eaux , ni les vents, ni les autres agents qui décompofent les roches les plus dures ,faffent la moindre impreffion fur lui. Du côté, de Macaël, qui eft un Hameau , fitué au pied de cette montagne, on découvre une grande partie du Royaume de Grenade , fi montagneux., qu'il reffemble à une mer agitée par quelque grande tempête. De l'autre côté, on voit que cette même montagne , coupée prefque perpendiculairement , reffemble à une efpece de terraffe, épouvantable par fon élévation, d'où on découvre la ville de Guadix , qu'on croiroit être très-éloignée , Se 150 Histoire Naturelle, &c\ qui cependant, à vol d'oifeau , n'en eft pas h une demi-lieue. Je defcendis dans le vallo.i pour mieux examiner cette énorme terraffe , élevée par la nature. Je vis qu'elle avoit plus de mille pieds de hauteur ; que c'étoit un bloc de marbre mu/ftf, qui avoit très-peu de fentes, tk fi petites d'ailleurs, que la plus grande n'excédoit pas fix pieds de long fur une ligne de large. Tandis que j'y fuis , je vais dire un mot de la montagne de Gador , qui eft fituée près d'Alméria. C'eft encore un bloc de marbre , élevé ôc ' prodigieux , dont on fait la meilleure chaux du monde. Ce bloc confirme la différence pratique que j'ai remarqué, dans mon Dlfcours préliminaire , exifter entre la pierre à chaux tk la pierre calcaire ; car le marbre de Gador, qui eft de cette dernière efpece , fe diffout entièrement par les acides , fans laiffer aucun réfidu d'argille , ni de quelque matière que ce foit ; au lieu que la majeure partie des pierres à chaux d'Efpagne, & en particulier celles du Royaume de Valence, font mêlées d'argille ou de fable ; c'eft donc à celle-ci feulement qu'on doit appliquer le proverbe Efpagnol que je répéterai ici , 8c qui dit que « où il y a du plâtre tk. de la chaux , il n'y »a pas Je minéral »; car en clfjt on n'en rencontre point dans les marbres tk dans les pierres calcaires de Valence. Malgré les excellentes propriétés du marbre de Gador, pour faire la chaux, on remarque une grande différence entre les nouvelles murailles, les nouvelles maifoas du village tk les anciennes. Celles-ci font d'une qualité bien fupérieure aux premières , & leur différence provient de ce que les Anciens faifoient leur mortier avec du gros del'Espagne. 151 fable de la rivière de Rambla, dont les eaux font douces ; au lieu que les Modernes , foit par pa-refte, foit par ignorance, le font avec le fable de la mer. Or, comme celui-ci conferve toujours un Peu de fel, il attire l'humidité, & il fe dilîouten ôétruifant l'union qu'il auroit dû conferver avec la chaux ; au lieu que le fable d'eau douce , fec par lui-même, fe lie beaucoup mieux avec elle. Le Cap de Gâte eft le promontoire le plus méridional de l'Efpagne, comme on peut le voir fur les Cartes géographiques. Il a huit lieues de circuit 6c cincj de diamètre ; il eft compofé d'une mafle coniiderable de roche , qui ne renferme pas un feul atome de pierre à chaux. La roche eft d'une nature très-fingulière, & je n'en ai pas vu de pareille en Efpagne. Le premier objet qui excita ma curiofité en entrant dans ce Cap, fut un rocher de plus de deux-cent pieds de haut, à cinquante pas de diftance de la mer, entièrement cryftallife en pierres grolTes comme la cuifle , de quatre ou iix feuilles, encaiffées les unes dans les autres, couleur de cendre, 6c de huit jufqu'à quatorze pouces de hauteur. Les deux extrémités de ces pierres font plates , le grain en eft gros , & elles font fufceptibles d'un très-beau poli. C'eft dans la montagne du Bujo qu'on trouve l'entrée de la caverne , où on prétend qu'il y a des pierres précieufes. Au moyen d'ime barque, j'entrai dans cette ouverture , qui paroît avoir vingt pieds de hauteur , fur quinze à feize de large ; mais je n'y vis que des pierres roulées , groffes comme les deux poings, que les flots ont arrondies à force de les brifer les unes contre les autres, 6c cela, parce qu'en haute mer, les vagues entrent avec fureur dans cette caverne. Les pierres Kiy ici Histoire Naturelle,&c. qu'on y rencontre proviennent des portions que la mer détache de la roche même de la caverne, ainfi que je le vérifiai en en caftant quelques-unes. Au dehors il y a une pointe blanche de rocher appelée, voile blanche , très-connue des Mariniers , à qui elle fert de fignal pour juger de l'endroit où ils font. Elle eft prefque ronde ; elle a un diamètre d'environ quinze pieds ; elle eft formée par un rocher mou & non calcaire, de la même matière que plufieurs autres cju'on trouve, au bord de la mer , dans ces environs. Près de la Tour-des-Gardes ( Torre de las Guardas ) , je trouvai une veine de jafpe avec un fond blanc & des veines rouges. Plus loin , vers la Tour du Nefte, je remarquai un rocher bas, fur lequel il y a une couche de cornaline blanche qui le couvre prefqu'en entier. Près de la Tour de Saint-Jofeph , il y a un fable noir qu'on vend pour les fabliers d'écritoire. Ce fable vient des rochers qui font auprès, & dont la dé-compofition eft caufée par le tems &. par la force des vagues de la mer. A quelques pas de-là, on trouve un autre fable très-fin, & moins angulaire, qui pourroit fervir à faire des horloges. Ce fable eft d'une configuration fi fingulière , que je n'en ai point vu de femblable dans toute l'Ef-pagne. Jufqu'à-préfent on a apporté ces horloges d'Allemagne ; mais on pourroit à l'avenir s'en paffer, fi on le vouloit. Dans le centre du promontoire , il y a quatre montagnes , peu éloignées les unes des autres, qu'on appelle le Sacriftain , les deux Moines , le Capitaine & la montagne blanche. A l'extérieur je n'y ai vu aucune matière précieufe ; mais j'ai dz violents foupçons qu'il y en a fous terré , parce. pe l'Espagne. r5:5 que les jafpes fanguins tk brillans, les agates, les cornalines, &c. l'indiquent. Il faut confidérer que les Carthaginois , les Romains , les Goths, les Maures , tk les Naturels même du pays , n'ont pas été affez aveugles tk imbécilles pour avoir négligé de mettre à profit tout ce qu'il voyoient de précieux fur la terre qu'ils fouloient aux pieds, 6c même ce qu'ils pouvoient retirer de l'intérieur, fans beaucoup de peine.On devroit, par cette raifon , creufer dans cet endroit, en fuivant une bonne direction. Pour moi, je n'ai eu ni le tems ni la facilité de le faire. On appelle Cap de Gâte, précifément le point qu'on appelle la voile blanche. L'autre côté du promontoire , lorfqu'on apaffé les quatre montagnes en queftion, s'appelle le Port de l'Argent. C'eft l'endroit oit les Maures ont coutume de fe cacher pour furprendre les Chrétiens 6c pour en faire des Efclaves. Auprès de ce port , on trouve la montagne des Gardes , Monte de las Guardas. C'efl un rocher, en veines étendues jufqu'à la mer , où on rencontre beaucoup d'a-méthifres, qui font plus abondantes encore dans une veine de quartz de difficile: accès , parce qu'elle efl fituée dans un précipice de vingt pieds de profondeur. J'obfervai dans ce lieu que tout cryflal de roche , foit blanc , foit d'autres couleurs , a fix faces, 6c qu'il efl plus épais par le bas que par le haut ; mais les véritables améthifies ont exactement la même figure qu'une pyramide renverfée. L'extrémité de cette montagne efl pleine de cailloux , dont plufieurs font arrondis par les ondes qui les remuent tk qui les frottent les uns contre les autres. Depuis la Tour de Ro-daiquilar les montagnes commencent à avoir le. 154 Histoire Naturelle, &c. Commet applati, &c plus loin il n'y a rien à voir de particulier au Cap de Gâte, Entre les montagnes de ce promontoire, il y a différentes petites plaines ôc vallées qui abondent en diverfes plantes ; mais la plus commune eft le lentifque,ck une efpece d'orfeille, que les Habitai! s du pays recueillent ôc vendent comme celle qui vient des Canaries ; quand elle eft préparée avec l'urine humaine putréfiée, on s'en fert pour les teintures , eu elle produit le même effet que l'orieille blanche qu'on gratte des rochers. ■ .....i1 'h iimim t" t imii'iwmwi'imwiini ii'iiium'i'iiwmiimm—wiwwmmw* Description de Faïence , de Gandie, de la Mine de fel gemme de la Mîngranilla : fource & difpantion de la rivière de Guadiana. (Quoique, dans la relation des voyages précédents, nous ayions décrit quelques particularités du royaume de Valence, il eft jufte qu'un pays aiiiïi beau ck auffi riche nous arrête un peu plus, pour confidérer ion hiftoire naturelle. La ville de Valence eft fituée fur le bord du Guadalaviar, au milieu d'une plantation immenfe de mûriers. Pour femer ces arbres, les laboureurs fe fervent d'un expédient bien fimple ; ils frottent, avec des mûres clans leur plus grande maturité, une corde d'efparte, à laquelle fe collent les graines propres pour la fémence ; ils enterrent enfuite cette corde à deux pouces dans une terre parfaitement divilée. Les arbuftes lèvent en quantité ; mais on les tranfplante,plus au clair,dans un autre terrein où onleslaiffe croître pendant deux ou trois ans. Après ce terme, on de l'Espagne. 15$ leur coupe la tige , pour les tranfporter dans les champs. En coupant cette tige , les cultivateurs font en forte que les branches s'étendent le plus horizontalement qu'il eft poffible, afin de donner une plus grande facilité pour ramalfer la feuille; & s'il manque à l'arbre quelques-unes des branches qu'il doit avoir, ils les greffent, avec beaucoup de facilité , aux endroits où il convient qu'elles foient ; ils ont foin d'émonder l'arbre tous les deux ans , pour que les feuilles foient toujours tendres. Les Valenciens prétendent que leur foie eft plus fine, plus nette & plus légère que celle de Murcie, parce que les Murciens ri'émondent leurs mûriers que de trois en trois ans ; cette méthode, à ce qu'ils prétendent, rend la feuille plus dure & plus filandreufe ; mais cette confequence eft fauffe ; car j'ai obfcrvé que les habitans du royaume de Grenade ne taillent jamais leurs mûriers, oc" qu'ils croient toutefois , avec affez de fondement, crue leur foie eft la plus fine de FEfpagne. A la vérité, les arbres de Grenade font des mûriers noirs ; ceux de Valence & de Murcie font des mûriers blancs, graine de vers à foie de ces deux derniers endroits, tranfplantée en Galice , où il n'y a pas de mûriers noirs, n'y a pas réufii, tandis que celle de Grenade y a eu le plus heureux fuccès, parce que les vers s'élèvent avec des feuilles homogènes à celles du pays. Les vers à foie pa-reffeux , qui font ceux qui, par maladie ou par caprice , ne veulent point monter fur les claies de canne pour manger, produifent des cocons malades &: des foies crues, qui ne fervent qu'à faire les extrémités des lignes où on attache les hameçons, & qu'on appelle dans le Nord herbe ïj6 Histoire Naturelle, &c. des Indes, parce qu'on les fait venir de ces cori* trées. La manière de faire ces fils fe réduit à faire ïnfufer le cocon dans le vinaigre pendant cincf ou fix jours. Le vinaigre coagule la matière qui fait la foie ; on tire enfuite le ver avec les doigts, le fil fe tord & fe forme. Les fils faits avec les cocons d'Europe n'ont que dix à douze pouces de longueur ; mais ceux qu'on fait aux Indes en ont plus du double. Je me fuis imaginé que, û on faifoit l'opération du vinaigre avec les cocons des grandes toiles de chenilles des champs , qui font une efpece de foie, on pourroit en tirer des fils plus longs que ceux qui proviennent des cocons des vers à foie , 6c qu'on pourroit en faire un très-grand commerce. Outre la prodigieufe quantité de mûriers , il y a fur cet excellent terrein une infinité de limons, de citrons , d'oranges & de cédra, dont l'odeur parfume l'atmofphere. J'y ai vu des cédra qui pefoient fix livres. Mais le plus étonnant, c'efl que l'arbre qui les produifoit n'avoit que deux ou trois pieds d'élévation, de forte qu'à peine pouvois-je en croire mes yeux. Quant aux odeurs que les fruits exhalent, on fait qu'elles fe confervent moins dans les pays chauds , que dans les pays froids, parce que les vapeurs odoriférantes fe difîipent d'abord dans les premiers , tandis que dans les féconds elles fe condenfent. Outre les arbres cités, on trouve encore quantité de grenadiers , de figuiers ôc de treilles, qui donnent les plus excellens raifins du monde ; leurs grains font gros comme des noix mufcades , & il y a des grappes cmi pefent jufqu'à quatorze livres. Le terrein qui elt entre DE l'E s p à G N E. je? les arbres eft fucceflivement planté de melons, de petits-pois , d'artichaux, de choux-fleurs 6c d'autres légumes. Toutes les Provinces de l'Efpagne produifent une abondante variété de raifins ; cependant les; Peuples du Nord, depuis un temps immémorial, n extraient que ceux de Valence & de Grenade. Us en emportent très - peu de frais, peut-être par rapport à la difficulté de les conferver pendant la navigation ; mais la quantité de fecs qu'ils en extraient, 6c qu'ils appellent pajfts, eft im-nienfe. On feche le raifin à Valence avec de la leffive de farments, dont les fels augmentent la chaleur de l'eau bouillante. On met les raiiins pour un moment dans la leffive, 6c les pores de la peau du raifin s'ouvrent de toutes parts. Le fuc fort 6c fe cryftallife par l'air extérieur ; on pend enfuite les grappes au foleil , pour les faire fécher , 6c les pajfes de leffive font faites. En les tranfportant en Angleterre, ou dans tout autre pays du Nord , le fuc achevé de fe cryftallifer par le froid du pays, en forte que chaque grappe reffembleà un morceau de fucre. Auffi peut - on aflurer que les P'ijfes d'Efpagne font meilleures en Angleterre que dans le pays même ; celles qui font faites uniquement au foleil >font préférables aux autres, parce qu'elles font d'un doux moins fade , 6c qu'elles ne demandent d'autre précaution que de pendre les grappes au foleil. C'eft ainfi qu'on le pratique dans le royaume de Grenade, 6c tant par cette raifon , que parce que le fruit y eft plus délicat, le raifin fec de Grenade eft généralement préféré par les Étrangers. Parmi la quantité confidérable d'endroits fer- î5^ Histoire Naturelle,&c\ tiîes tk délicieux qui exiftent en Efpagne, je ne crois pas qu'il y en ait aucun de comparable au territoire particulier de Gandie. Toute l'éloquence du monde ne fauroit rendre fes agrémens, qui présentent un plus beau fpectacle qu'aucun endroit de l'Europe. Quoique ce pays foit à la proximité de Valence 6c de la Méditerranée , il eft peu connu des voyageurs, parce cju'en venant à Valence, on le laiife fur la cote. Une Cordilicre prefque circulaire de petites montagnes baffes borde, du côté de la terre, ce jardin, qui a une lieue 6c demie de diamètre. Ces montagnes font compofées de pierres à chaux , qui, dans leurs fentes , contiennent beaucoup de figuiers des Indes, qui n'appartiennent à pcrfonne, tk dont le fruit eft mangé par quiconque veut le cueillir. Au fommet dj la Cordiliere ,il y a une autre plaine égale à celle du jardin ,mais de terre moins bonne, qui eft formée par le débris des autres collines voifines. La partie de ce jardin , qui eft fur le bord de la mer , eft un terrein bas 6c marécageux, de quelques lieues, qui n'eft point cultivé , parce qu'il eft fréquemment inondé , 6c que la mer y forme une plage peu profonde, fans port, ni fans endroit où on puiffe jeter l'ancre. Gandie eft la capitale du Duché de ce nom. Elle contient environ mille maifons bâties en pierre à chaux tirée des collines voifines. Du haut de la tour de l'églife , je comptai jufqu'à vingt villages fitués dans ce territoire ; 6c ces villages, au milieu de tant d'arbres & de verdure, offrent à l'œil la plus agréable 6c la plus délicieulc perfpective. Tous les arbres, les cannes à fucre, tk les plantes des Provinces méri-, r>s l'Espagne. içcj tonales d'Espagne , le trouvent réunis dans cet endroit ,& la terre noire oc fertile produit continuellement , parce qu'on la cultive & qu'on la fume avec un foin extrême. Les habitans , riches par leur travail, vivent dans l'aifaace ,Ôc~ ou y voit le contentement ôc TallégrelTe peints fur tous les vifages. Us portent lur leur tête une elpèce de bonnets de velours , appelles monteras, ôc au coudes mouchoirs de foie. La propreté ôc l'abondance régnent dans l'intérieur de le... >mai-fons, ôc tout y annonce la profpérité. Après avoir vu le jardin de Candie, je repalTaî la rivière de Xucar, pour retourner à Valence, en côtoyant l'Aibufera, qui eft un grand lac formé par les eaux du pays qui vont fe perdre dans la mer ; & de-là je fus à la montagne de Tutal, pour reconnoître une vafte caverne qu'elle renferme. Je ne trouvai rien de particulier dans cette caverne, fmon quelques coquillages ter-reftres à fpires , ou des limaçons de l'eipcce de ceux que javois vus auparavant, à quarante pieds de profondeur, dans les fondemens du palais Archiépifcopaî. Au pied de cette montagne , il y a une carrière de beau plâtre rouge avec des veines blanches. Dep uis Carthagène , je reconnus fur cette côte lix cavernes (y compris celle dont je viens de parler ) fituées toutes dans des roches de pierre à chaux. Ceux qui fe plaifent à faire des fyftèmes tireront peut -ètie de ce fait quelques conciliions générales; pour moi,qui lais com-bien peu cela eft utile ,ô£ qui me contente d'ob-ferver , je n'en conclus rien. Je remarquerai feulement, en panant, qu'on trouve aulii des cavernes fur les bords de la Méditerranée, ÔC fi6o Histoire Naturelle, &c.' qu'au Cap de Gâte, il y en a une très-grande dans une roche vitrifiable. On voit, à deux lieues de Valence, les ruines de l'ancienne cité fur les bords de la rivière ; on voit encore, aux environs, plufieurs huîtres monftrueufcs pétrifiées, comme celles que nous remarquâmes à Murcie , mêlées avec des grais arrondis ; mais on n'en rencontre point dans la rivière de Valence, ÔC je ne conçois pas comment on trouve ces grais épars dans un endroit tout calcaire , 6c parmi des amas de petits cailloux calcaires. De retour à Valence, j'en repartis encore pour aller à la carrière de marbre de Naguéra, îituée à trois lieues de cette ville. Le village eft fur une éminence, 6c la carrière eft à côté. Elle eft, à la fuperficie, difpofée en couches de quelques pouces d'épaiffeur, ôc formée, à ce qu'il paroît, par les eaux. Le fond du marbre eft d'un roux obfcur, orné de veines capillaires, noires comme celles des cornalines de Moka, qui le rendent très-beau. Quoique ce marbre fe trouve à fleur de terre , 6c que fes couches ne foient pas profondes, il eft cependant affez dur pour être employé à faire des tables fortes, folides 6c fuf-ceptibles d'un poli très - brillant. Elles font très-eftimées en Efpagne, 6c elles le feroient encore plus à Rome, où les marbres rares font très-recherchés. Toutes les maifons du royaume de Valence ont une couche de blanc, tant en-dedans qu'en-dehors. À deux lieues de la Capitale, il y a un très-beau village, qui n'a que quatre rues, dont prefque tous les habitans font potiers, 6c fabriquent une efpece defaiance, couleur de cuivre, très-belle j DE L'E SPÀGNE. l6l très-belle, qui fert à l'ufage des laboureurs ôc à l'ornement de leurs maiions. Ces ouvriers la fabriquent avec une terre argilleufe très - ref-femblante , par la couleur ÔC par fa nature , à l'argille de Valence , dans laquelle fe forme le mercure vierge. Je me perds, lorfque je cherche ■la raifon pour laquelle ces terres argilleufes le trouvent dans un pays fi calcaire. Seroit-ce le temps, ou un travail intérieur du globe, qui opé-reroit infetifiblement une transformation fi efTen-tielle dans la matière ? Les uftenfiles qu'on fabrique avec cette terre font luifans, ôc à très-bon marché : car j'achetai une demi - douzaine d'afiiètes pour cinq fols. Cette faïence nerf cependant pas la plus eftimée du royaume de Valence. La faïencerie , que le Comte d'Aranda. a établie à Alcora, ne le cède en rien aux plus belles faïences de l'Europe, ôc elle efl fupérïeure à plufieurs parla fméffe de la pâte, le brillant du vernis, par l'agrément des formes ; elle feroit parfaite en tout genre , fi elle ne fe fendoit pas, Ôc fi le vernis né s'écailloit pas fi facilement (44)» (44) Toute efpece de faïence a le même inconvénient, parce que le vernis ne pénétre point la pâte qui eft imparfaite , mal préparée & mal cuite. La véritable porcelaine eft la feule qui réfifte au feu fans fe fendre, & fans que le vernis en foie endommagé. On n'a connu en Europe , pendant plufieurs fiècles 3 d'autre porcelaine que celle qui venoit du Japon & de la Chine , & quand on commença à l'imiter, on ne fit que des pâtes fragiles & d'une matière femblable au verre. La Saxe donna l'exemple de la bonne porcelaine , &on doit aujourd'hui aux recherches des plus habiles Chymiftes la découverte «les moyens propres à la faire aulîi parfaite qu'aux Incfes: mais le peu d'étendue d'une note ne me permet pas d'ea-Ifer dajis le détail *\ç cette découverte. &&a, Hi./cmif Naturell f., &c, La ville de Valence efl: peu fujette aux inon* ■dations, par rapport aux nombreufes faignées •faites à la rivière , pour arrofer les plantations ce mûriers. Ces faignées la diminuent de manière qu'à côté de la ville , on peut la palier à pied, fans avoir de l'eau au-delTus de la cheville* Il y a cependant, pour la commodité des habi-tans , cinq ou fix beaux ponts, conftruits en pierre à chaux, à très-peu de diflance les uns -des autres. Je partis enfin de ce beau pays pour la Caf-tille. En cinqheures & demie j'arrivai à la Venta de Chiva, en montant continuellement depuis la mer, & en paflant par des terres pierreufes f. !.'£ s p a g n ï.' f6$ c£s montagnes font compofées de pierres à chaux, de grais ce de grands rochers de brèche, formés de pierres à chaux arrondies , mêlées avec d'autres pierres de quartz, dont quelques-unes font contenues dans de la pâte fablonneufc, mais en plus grande partie dans de la pâte calcaire. Les roches de ces montagnes fe font dé-truites infenfiblement par la décompofition de leur mélange, ou plutôt par celle du bitume qui les unit; de-là vient cette grande quantité ♦le pierres qui fe font détachées des rochers, oc qui, en roulant, fe font éparfes fur la fuperficie. Utiel elt à cinq .lieues du port de Bugnol; on y arrive par une defeente continuelle, mais néanmoins peu confidérable , en comparaifon de la montée de Bugnol. Le pays eft couvert d'cVi-nacca ( hériflbn ), plante ainfi appelée par la teftemblance de fes épines ayee l'animal dont elle tire fon nom ; mais dans la faifon, elle eft couverte de fleurs bleues, qui la font refîembler à une améthyftemonftrueufe. Elle forme un bafim de deux ou trois pieds de diamètre, fi ferré Se fi ferme , qu'un homme peut y monter, Se fe tenir deflus. Il n'y a qu'en Efpagne où-j'ai vu une auffi belle plante. En quatre heures Se demie j'arrivai d'Utiel à Villa-Gorda ; je continuai de monter par un terrein coupé de plufieurs torrents que forment les montagnes voifines. Au fommet de la plus haute de ces montagnes, je remarquai une carrière de marbre gris avec des veines rouges, Se au pied de cette même montagne, qui eft arrofée par la rivière Cabrial, il y a des bancs de grais durs qui fe décompofent en fable. Je trouvai encore, fur le même ibmmet, une fource d'eau Lij 164 Histoire Naturelle, &c\ falée, dont on tire le fel par évaporation. Du -plus haut de cette chaîne de montagnes, où on remarque la môme efpece de pierres qu'au bas, on defcend pour aller au village de la Mingra-nilla; ôc comme la defcente de Siete-Aguas eft peu déchoie en comparaifon de ce qu'on avoit monté auparavant, depuis Valence jufqu'à Villa-Gorda, je crois que Valence ôc la Manche font, quant à leur élévation refpeclive, dans la même proportion que l'Efpagne ôc la France» Il y a beaucoup de falincs dans la jurifdiction de la Mingranilla, dont quelques-unes font ex~ ploitées. Le fel gemme qu'elles produifent eft excellent ; il eft toujours plus ïalé que le fel produit par évaporation ; car il contient moins d'eau lors de fa cryftâllifation , ÔC conféquem-ment il n'attire que peu ou point d'humidité, tandis que le fel de fontaine fe diffout, lorfqu'il eft expofé à une atmofphère humide* A une demi-lieue du village, on defcend un peu pour entrer dans un terrein gypfeux, où il y a quelques collines ,ôc dont le circuit peut avoit une demi-lieue. Au - défions de la couche de plâtre, on trouve un banc folide de fel gemme parallèle à cette couche ; on ne connoit pas fa profondeur, parce que, quand les excavations panent cinquante toifes, l'extraction dvi fel devient trop coûteufe. Il arrive même quelquefois que le terrein s'enfonce , ou qu'il fe remplit d'eau, ôc alors on abandonne le puits, pour en ouvrir un autre à coté. Cet endroit eft compofé d'une mafte énorme de fel quelquefois mêlé avec un peu de terre gypfeufe, ôc d'autres fois puT » rougeâtre, ôc cryftallife pour la majeure partie. Quiconque n'auroiï vu que cette mine de 1*1 » de l'Espagne. i6f pourroit s'imaginer que c'eft le plâtre qui forme la totalité du tel gemme d'Efpagne ; mais il ver-roit le. contraire à Cardona, oii la mine de fel ne contient aucimes particules de plâtre , ck oit cependant le fel eft fi dur ck fi bien cryftallife, ^u'on en fait, des ftatues,. des petits autels ©C des meubles curieux. Le fel de la Mingranilla eft bien lolidc : mais il ne l'eft pas autant que l'autre ; car il fe brife comme le fpath fragile.. H eft démontré que les pluies qui ont décom-pofé ck détruit la furface du terrein, ont découvert, cette mine de fel ; car on trouve les pierres arrondies , les cadloux ckles hyacinthes epars dans les lits des torrents ck: dans les ouvertures de la terre. Tous ces corps font aujourd'hui encaiffés ck contînmes avec du plâtre ; ils for ment des roches dures, fans cm'on puifte douter que les pierres ne foient delcendues des collines, par celles qui font reliées fur le fom-met ; de manière que, tant par les pierres de chaux, que par le gros fable, ck par les bancs., de plâtre qui fubfiftent encore, on comprend cpie cette mine de fel, dans fon état primitif v ctoit difpofée de la manière fuivante :. premièrement , il y avoit des bancs de pierre à chaux ck des quartz roulés , pétris avec du fable èk avec un maftic naturel, Ces bancs étoient immédiatement fuivis d'un autre banc de gros caillou maftiqué de la même manière. On trouvoit enfuite une couche de plâtre dur, blanc ck rouge , parfemé d'hyacinthes , ck au - delfous du tout on trouvoit la carrière de fel en forme d'un dôme, qui avoit environ deux-cents pieds de diamètre. On peut donc préfumer que cette maiTe faline avoit d'abord ,au-deftus d'elle, plu$ Liij 166, H I T O I R E N'A TUREL LE , ÔCC. de huit-cents pieds de ces matières, que les eaux: ont détruites ôc entraînées du fommet dans la plaine. En brifant des pierres à plâtre, dont, la qualité elt belle, ôc qui.rellemble au marbre, on remarque beaucoup d'hyacinthes à. deux pointes, travaillées à fix faces régulières ; cette circonf-tance, jointe à la blancheur de quelques-unes , me fait croire que ce font des cry/laux de. roche couleur d'orange. Les bancs de gypfe ont des fentes horizontales, de même que les roches de caillou ôc de pierres arrondies. Dans le grand banc de pierre à plâtre on trouve quelques feuilles cryftallines ôc tranfparcntes , ôc beaucoup d'hyacinthes qui y font encajliées, de manière qu'on diroit qu'eues ont été engendrées dans ces feuilles. H y a aulfi des morceaux" de cryftal gros comme des œufs de pigeons, <*jui font calcaires, & applatis aux deux extrémités comme des éméraudes du Pérou. De Mingranilla j'arrivai, en tr%is heures ôc demie, aux grandes plaines de la Manche, que /e parcourus pendant quatre heures pour parvenir à Xara-del-Rei, ou je trouvai des pierres arrondies, du quartz ôc des grais : comme on y remarque des rochers pétris des mêmes ma-, tières, je crois que ces pierres fe font peu-à-peu détachées des rochers. Ils difparoiffent tout-à-coup à Sifante, qu on n'en voit plus aucun veftige. Un peu plus loin,le terrein change entièrement de difpofition j il eft ondé , ôc on trouve, à fleur de terre, des roches, de chaux mêle es avec des grais. Qn monte un peu en paf-fant le village de Picazo, qui eft fur les bords de la rivière de Xucar, ôç c'eft cette, élévation. d E L*r P A G N E. l6j «pli divife les eaux de là Manche & du royaume de Valence. San-Cimente à trois lieues plus loin, dans une pbine ii étendue, que fon extrémité eft « perte de vue ; elle ne co.tient ni ambres ni arbuftes, & e.'. habitans n'y brùlœnt qu'un peu de thim , d'aurône & d'abfynthe. Les pierres y font calcaires ; il n'y en a point d'arrondies, & dans toute la plaine on ne rencontre pas une-feule fontaine. A deux lieues de San-Clemente on commence à voir des joncs , qui annoncent que l'eau eft près de la fuperficie; &.en effet à Socuellamos, qui efl à deux autres lieues plus avant dans cette même plaine ,,on trouve l'eau à deux ou trois pieds de profondeur ; mais à Tomillofo, qui en eft éloigné de quatre lieues, il n'y a plus ni', eaux ni joncs , & les puits ont plus de cent pieds de profondeur; Une chofe affez fmgulïère -su fujet de ces puits., c'eft de les trouve)- inépui-iables , quoiqu'ils ne contiennent que cinq ou iix pieds d'eau. De Tomillofo j'arrivai, dans une heure, à Lugar-Nuevo , fituéfur les bords de la fameuferivière de Guadiana, & à trois lieues de fa fource. Je fus reconnaître cette fource ; je vis plufieurs étangs qui communiquoient entr'eux , qui étoient produits par des iources perpétuelles dont les eaux forment une rivière , qui, après quatre lieues de cours , difparoît dans des prairies , auprès d'Alcazar- de -Saint -Jean. Cette rivière a peu d'eau*en été ; mais en hiver il eft nécefialre, pour la palier, d'aller chercher le pont de Villarta. A quelq.ues lieues de diftance & l'endroit où elle a difparu, elle reparoît dans L iv té$ Histoire Naturelle, &c. d'autres- étangs qu'on appelle les yeux de la, Guadiana. Cette dénomination a donné lieu à une fimplicité vulgaire, qui fuppofoit à cette rivière un pont fur lequel on pourroit faire paître des milliers de moutons. Pour prendre une idée de ce phénomène, on doit fuppofer que le fol eft entièrement compofé de roches & de tas de pierres calcaires, brifées ÔC fendues à une grande profondeur, fans aucun mélange de terre forte, capable de contenir l'eau , ôc qu'à Lugar-Nuevo la rivière a déjà moins d'eau qu'à une lieue de fa fource. Dans les crues d'eau, l'augmentation s'imbibe de la même manière , ÔC toutes les cavités fe rempliffent. Cette diminution ou contamination d'eau fe fait fans qu'on connoifte ni caverne, ni cavité, ni terre fpon-gieufe. Dans la partie du terrein qu'on appelle le Pont, on a pratiqué des puits où l'eau ne tarit jamais. Les yeux de la Guadiana font de grands marais qui fe communiquent auhi en-tr'eux , ôc qui font pleins d'herbes aquatiques, Après leur réunion , la rivière fait tourner plufieurs moulins, oc elle a environ cent pieds de large fur cinquante pouces de profondeur (45). (45) A propos de cette rivière , le célèbre Don Juan deTriarte , dont TenVit & la fertilité font connus, fit la comparaison fuivante, qu'on trouve dans la collection de fes Ouvrages détachés , Art. L IX. De Guadiana f lu mine. rAles é» amnls Anas fociant cum nomine mores ; Mergitur aies aquâ ; mergitur amnis hurno, » E L5 E S P A G N t<>£ 4.nAlyse de la mine a"or de Marital ati: Mexique , dont on a ignoré jufqu à préfent la, grande, abondance d'argent. Comme on joint à toutes lescaiïTes d'échan^ tillons de minéraux qui viennent des Indes une relation de la iituation, de l'état ôc des circonfV tances de chaque mine, je trouvai dans les papiers de la mine de Mezquital, rédigés par des Experts, qu'elle pouvoit contenir une demi-once d'or par quintal de mine brute , fans mé-t lange d'argent ; mais , comme je foupçonnaï qu'elle pouvoit contenir un peu de plomb, pour m'en convaincre , je fis les expériences fuiA-vantes. J'examjnai la nature de la pierre , & je trouvai un quartz blanc mêlé avec une plus petite quantité d'autre quartz couleur de corne , qui l'un Se l'autre donnoient du feu avec le briquet. J'y vis quelques petites taches verdâtres en forme de veines , qui, examinées au microf-çope, me parurent autant de cryftaux femblables à des éméraudes engrouppe, dans l'intérieur def-qùelles il y avoit des grains d'or extrêmement uns, qu'on diftingue bien mieux , foit à la vue, foit à la loupe, en brifant la pierre : la pefan-teur fpécifique de cette pierre eft la même que celle de tout autre quartz de la même nature ; Se , par cette raifon,il feroit difficile de deviner qu'elle contient des matières métalliquesfi ce n'étoit qu'on y appevçoit, en divers endroits, les grains d'or ÔC les taches vertes. 170 Histoire Naturelle, ô:c. Je caffai cette pierre en morceaux, je la lavai & peu de jours après j'appcrçus l'efflcrefcence blanche que ce quartz produit toujours. Je crus" que cette pierre contenoit du plomb-, parce que cette efflorefcence relîèmbloità iacéruie (46)..Je lavai ces morceaux jufqu'à trois fois , tk lYrllo-refcehce paroiffoittoujours., lorfqu'ils féchoiènt A l'air : mais elle ne s'attachoit point aux doigts ( & ne tachoit point le linge. Je calcinai cette pierre, après l'avoir réduite en poudre. Je l'éloignai du feu de temps en temps, afin que, par l'alternative du chaud tk du froid ,1e foufre & l'arfenic s'évaporafTent ; mais je trouvai qu'elle ne contenoit ni de l'un, ni de. l'autre , puifqu'elle n'exhaloit aucune vapeur, ni odeur d'ail, ck qu'elle ne perdoit rien de fon poids. Je mis un morceau de deux onces de cette pierre dans un creufet que je tins , pendant deux heures, à un feu violent ; mais il ne changea ni de figure , ni de couleur ; il devint feulement friable ; il offrit, à la vue,des grains d'or , qui , auparavant, ne pouvoient être ap perçus qu'avec, la loupe, tk il parut, au ■furplus, quelques petites pailles tk fils noirâtres, tels que ceux qu'on remarque dans les mines d'argent. Fondé fur cette cbfervation, je pris huit onces de la pierre bien pilées, pour les faire calciner ; je palfai cette poudre dans un tamis , qui la ré-duifit à fix onces, tk je gardai les deux onces reliantes qui n'avoient pu palier, parce qu'elles étoient trop greffes. Je £s bouillir, dans l'eau, les. fix onces pendant trois heures, & je vis que , (46) La cérufe eft produite par le plomb difTout dans le vinaigre. Eile fert pour peindre à l'huile , &c, de l'Espagne." 171 d'un moment à l'autre, il s'élevoit une écume que je recueillis ôc que je mis à part. Quand l'eau ceffa d'en jeter, je retirai du feu le vafe, que je lailTai repofer une minute ; j'en verfai l'eau qui étoit un peu trouble ; j'y mis de l'eau nouvelle, & après l'avoir laiffé repofer deux autres minutes , je la verfai doucement une féconde fois. Je me fervis d'une troifième eau; ôc % voyant qu'elle reffoit claire , ôc que la pouffière la plus pefante le précipitoit au fond , je ceïTai d'en changer. Par ce moyen, j'obtins trois claffes de pouiîière de différents dégrés de fineffe, que je fis lécher, qui, avec les deux onces de la plus greffe pierre, qui n'avoient pas pu palier par le tamis, me compoferent quatre efpèces de pouffière. Je les examinai avec le microfeope , & je reconnus qu'elles étoient toutes d'un fable fin de différentes groffeurs, mêlé avec les atomes des grains qui s'étoient le plus décompofés ôc brifes dans le mortier , & qu'on diflinguoit très-bien des autres qui confervoient leurs pointes ôc leurs angles. J'examinai enfuite l'écume feche. Elle étoit très - douce au tact, & ne craquoit point fous la dent. Je la mis en outre fur un miroir ; je l'obfervai avec foin, en la partageant, avec un couteau, de mille manières différentes, ôc je vis que c'étoit une véritable terre. A mon avis , elle fert de maltic ou de bitume pour unir les grains de fable qui compofent le quartz dur dont on tire du feu avec le briquet. Pour ne pas faire illufion fur ce fable 8c fur ce m allie , inaîgré l'habitude que j'ai de voir ôc d'examiner ces matières, je voulus faire l'expérience fui-vitnte. Je pris du vrai fûex, je le brlfai, je lepallai au tamis, je le fis bouillir , ôc je le veriai exacte- 172. Histoire Naturelle, ôcc. ment de la même manière que la mine d'or. Je trouvai que les grains de pouftière, vus à la loupe , étoient prefque tranfparents , ck qu'ils ne reÛembloient en rien au véritable fable ; ck comme ils n'avoient pas; jeté d'écume, j'en conclus; qu'il n'y avoit aucune matière gluante. Je réitérai cette expérience avec le fpath blanc , dont chaque grain conferva la figure du même fpath , ck ne donna point d'écume., Je pilai enfin une portion, de fable fin , avec laquelle je fis les mêmes expériences , ck le fable ne produifit encore aucune écume. Je voulus.affujetrir à la même épreuve des quartz roulés, de petits corps, opaques,.ck d'autres cryftaux prefque tranfparents que j'avois ramaftésiur les bords de la rivière de Hara , auprès de San-Femando ; mais ils ne produisirent, ni fable ni écume. Diverfcs autres expériences , avec la même mine, me perfuadèrent que l'cfTlorefcence, ou poudre en queftion, n'eft pas l'écume qui unit les grains de fable, mais bien la décomposition graduelle ck infenfible du fable lui-même ; de forte que l'exiftence de l'argent dans cette mine paroît être l'effet d'un travail interne ck de la recom-pofition, Perfuadé que cette mine ne contenoit ni fou--fre ni arfénic, j'en pris deux gros que je réduifis en poudre , ôc cpie je mêlai avec deux autres gros de verre pile , ck quatre de flux noir (47); (47) En général, on appelle flux les matières falincs qu'on mêle avec celles qui font difficiles à fondre , pour en faciliter la fonte. Le flux noir, nommément s'appelle aulfi flux rédu&if, parce que , non-feulement il fond les terres métalliques 3 mais encore il rétablit les métaux. Il fc compote de deux parties de tartre 6c d'une de nitre. d e l'E s p a g n e. 173 je mis le tout clans un creufet, en le couvrant ci'un doigt de fel., en ajuftant delTus un couvercle, dont je lutai lès bords, pendant une heure dans un fourneau de fonte. Les fcories fe trouvèrent bien vitrifiées tk converties en un verre noirâtre ; mais il n'en réfulta aucune barre ni aucun grain de métal. J'y mis aufïi deux gros de la môme mine, réduits en poudre, oc je les fcorifiai avec cjuatre gros de plomb, en partant le tout par la coupelle, ïl n'en réfulta ni barre ni grain. Je lavai une once de la mine réduite en poudre ; je la palfai par le tamis : il en paffa fix gros, qui , mêlés avec le flux noir tk le verre pilé , fcorifiés comme dans la précédente opération , donnèrent le même réfultat. Je calcinai un morceau de la mine ; j'en mêlai deux huitièmes avec du flux noir , tk dans une heure de fonte ce compofé me donna une petite barre d'argent, qui m'indiqua que la mine, étant lavée., en contenoit,à raifon de trente-deux onces par quintal. Je paffai cette petite barre, à la coupelle , & elle me rendit à raifon de Jtfente-une onces d'argent fin par cmintal. Je calcinai enfuite une once de la pierre, je la lavai, & j'en paiTaï deux gros par la fcorification avec le plomb, tk ce mélange, paffé à la coupelle, me rendit à raifon de plus de trente onces d'argent fin par quintal. Je répétai cette opération avec quatre gros du fable qui étoit reflé du lavage , pour augmenter le volume de la petite barre, tk pour fa voir combien d'or contenoit chaque marc d'argent. Pour cela, je fis bouillir la petite barre dans un vafe avec de l'eau-forte, & je trouvai qu'il y avoit feÉËË ( 48 ) d'or par marc d'argent. (48) Un grain eft la foixantc-douzième partie d'un gros. i74 Histoire Naturelle, &c. Il réfuite de toutes ces expériences qu'il faut calciner cette mine pour en avoir l'argent. Ce qui me furprend, c'eft. qu'elle contienne autant d'argent fans mélange de plomb. Pour m'aifurer encore mieux de ce phénomène , je donnai un morceau de cette mine à un habile Chymiffe , en lui difant feulement que*je defirois favoir combien d'or & de plomb elle contenoit, & que dans mes effais je ne m'étois fervi que du flux noir ôc du plomb. Cet Àrtiite fit fes épreuves en calcinant & en travaillant la mine avec divers flux , & il trouva toujours de vingt-fix à trente onces d'argent par quintal de mine lavée ; mais il ne découvrit pas le moindre indice de plomb. Dissertation fur U platine & furies anciens volcans d'Efpagne. En 1753 le Miniflère me fit remettre une certaine quantité de platine : il m'ordonna de faire des expériences, & de donner mon avis fur le bon ou mauvais ufage qu'on pouvoit en faire. Le petit fac de platine étoit accompagné de la note fuivante. « Dans l'Evêché de Popayan, Suffra-» gant de Lima , il y a plufieurs mines d'or,. » parmi lefquelles il en efl une qu'on appelle » Choco. Dans une partie de la montagne qui la » contient, il y a une grande quantité d'une efpece » de fable, que les gens du pays appellent platine » & or blanc ». p De ma vie je n'avois entendu parler d'un pareil fable. En commençant à l'examiner, je trouvai que c'étoit une matière très-pefante , mélangée de divers grains d'or couleur de fuie de cheminée, d e l'Espagne. 175 'Sue j'en féparai. Les grains de la platine reiïem-Uèrent alors au grain du plomb de chatte appelé cadrée,&c ils reilembloient encore davantage, par ^ couleur , à ee demi-métal que les Allemands appellent fpeis , qui elt un régule de cobalte Souvent renfermé dans le jfafre (49). Le poids de la platine me furprit, parce qu'effectivement il excède celui de l'or de vingt karats. J'en mis quelques grains fur une enclume, ôc en les frappant à coups de marteau, je vis qu'ils s'étendoient cluq ou fix fois plus que leur diamètre , ôc qu'ils reitoient blancs, comme s'ils étoient d'argent. Ceci me détermina à les envoyer à un Batteur d'or, pour qu'il reconnût jufqu'oïi pouvoit aller leur extenfibilité ; mais en les mettant à l'épreuve entre des peaux , ils fe divifèrent aufîi-tôt. En remarquant que ce fable n'étoit malléable que jufqu'à certain degré , je voulus effayer de le fondre dans un fourneau , qu'un très - habile Suiflè employoit à la féparation de l'or par la Voie fèche. Le feu étoit fi vif qu'il fondit une partie du creufet, & les grains de la platine fe réunirent en grouppe , fans qu'aucun perdît fa couleur, ni donnât aucune marque de véritable fufion , après deux heures du feu le plus vif. Voyant les grains réunis, je penfai que la platine .pourroit contenir quelques portions de fable véritable , ôc que ce fable fe vitrificroit par le phlogillique du métal : pour m'en convaincre , je lavai un peu de platine , ÔC je la mis dans un autre creufet verniffé avec du fel marin fondu (50) au feu ardent du même fourneau. Au ( 49 ) Quand on parlera du cobalte d'Aragon, oa ▼erra ce que c'eft que le fafre. (50) Pour vernir un creufet on y jette du fel marin; ïjG Histoire Naturel le, ôcc. "bout de trois heures rien n'étoit fondu ; mais lés grains n'étoient plus auffi fortement réunis que l'a première fois ; plufieurs même réitèrent féparés. Cette obfervation me fit foupçonner qu'il pourroit y avoir quelque partie de fable ordinaire que je n'aurois pas d'abord bien distinguée. Je voulus m'en affurer ; en confequence je fis choifir par quatre enfants de huit ans une autre partie de platine lavée. Ces enfants féparèrent, chacun avec une aiguille , une bonne partie de ce qui à la vue me paroiffoit pouflière ; mais qui, vu au microfcope , paYoifToit des grains de différentes couleurs. Je dirai, en parlant, que l'idée d'employer des enfants de cet âge pour choifir cette platine, me vint par l'expérience, qui m'a démontré que la vue s'afFoiblit un peu avant l'âge de puberté. Cette vérité eit prouvée par diverfes autres expériences, tk fur-tout par celle de Fri-bourg, où on fait percer les grenats par de jeunes filles, qui, paffé cet âge, ne font plus propres à ce travail. Revenons à mon opération. La platine que je fis fi bien choifir tk laver , eut le même réfultat que celui des deux opérations précédentes , quoique le feu fût gradué , c'eff-à-dire , modéré au commencement, croilTant par degrés pendant les deux premières heures , jufqu'à I» troifième, pendant laquelle il fut très-violent. «ruand il efl déjà bien rougi su feu, & on le remue", afin que le fel s'étende , & qu'il fe fonde à l'inftant. Ce fd «lonne au creufet un vernis capable de réfider au feu te plus violent fans fe fondre, & fans être pénétré par les métaux. L'examen du vernis qu'on donne à la porcelaine ordinaire d'Angleterre m'* fuggéré la découverte de ce fecret utile* Voyant : d E l'E S p a ONE. JMf Voyant donc que-la platine étoit plus pefante «fuel'or , de vingt karats r malléable jufqu'à un certain point, ôcinfuiible quand elle étoit feule, j'cfiayaï fi quelqu'un des trois acides minéraux nyieroit pas impreflion; mais elle relia, lans laiifer appcrcevoir le moindre changement dans l'acide vitriolique tk dans l'acide nitrcux. Elle changea feulement un peu de couleur , tk elle indiqua quelque diliblution . dans l'acide marin. J'efTayai de jetter fur les acides une forte dofe de fel ammoniac, tk toute la platine fut diffoute en une matière couleur de brume. Enfin, après une infinité, de réflexions ôc d^xpériences qu'il lèroit inutile de rapporter, Ôc dont le détail feroit fatigant pour les Arti-flos, je lis, avec la platine, un véritable bleu de Prune. Ces opérations' m'ayant afTuré que la platine contient un peu de.fer , je me rappelai qii3, dans les premières expériences, une partie des grains fe réunifient en grouppe , tandis que les autres refloient ifolés , ÔC que les'grains qui fe rap-prochoient n'étoient que lupernciellcment réunis , puifqu'au :n / i:l;e coup d* marteau ils fe. fé par oient ôc le détachoiciit. les tus des autres. J'en conclus que ce n'étoit qu'un commencement de fulion qui pro vrenoit d'une couche mince de fer qui çnveloppoit les grains , ÔC que le fable métallique intérieur ne participait ni du fer, ni de la fdion. Pour me re idre ce réfumé plus évident-, je pris la platine que ■j'avois éprouvée dans la fonte, je féparai les grains qui étoient réunis, de ceux.qui étoient détachés, ÔC je les mis dans deux flacons différents avec de l'acide marin. Les grains du grouppe colorèrent la liqueur, ôc les autres ne 178 Histoire Naturelle, &c. changèrent point. Je changeai les premiers tic liqueur jufqu'à ce qu'ils ne la coloraiTent plus, ôc par ce procédé, je m'afTurai qu'il y avoit des grains de platine couverts d'une légère couche ferrugineufe , ôc d'autres qui ne l'étoient pas. Les Chymiftes favent que les vapeurs fulfu-reufès ÔC les émanations ou évaporations de certains métaux , mêlées avec l'or chaud, lui ôtent fa ductilité, ÔC que la plus petite portion de foufre , fondue avec une malfe d'or , ii confi-dérable qu'elle foit, le rend aigre ôc intraitable au marteau, parce qu'il le prive de fa malléabilité. Ceci polé, je mêlai de la platine avec du foufre. Je mis le tout d'abord à un feu lent, qua j'augmentai par degrés, jufqu'à le rendre violent ; mais la platine fortit du creufet, intacte, fans avoir rien perdu de fa couleur ni de là forme. Je l'éprouvai de même avec l'arfenic , ôc le ré-fultat fut égal. Je fondis la platine avec du plomb. Au commencement elle coupeloit très-bien , en jettant des flammes légères , ôc de petites fleurs jufqu'à la fin ; mais on n'y voyoit ni la corufeation , ni les éclairs (5 1), ni les couleurs que l'or ôc l'argent produifent toujours, quand ils font fur le point d'achever leur coupellation. Le plomb cependant ( 52) fe litargeoit, fans être aidé par (51) Les Chymiftes appellent éclair, fulguration, corufeation , ce brillant qui paroît fur l'or & fur l'argent, quand , par le moyen du plomb, ils achèvent de faire la fâparationdes divers métaux dans la coupelle. C'efl nn indice que l'opération efl finie ; c'eft-à-dire , que l'or & l'argent font parfaitement afinés. 1 (5 2) La lirarge eft le plomb qui a perdu une grand* DE l"E s PAG NÉ. 179 ^e vent des foufflcts. Le réfultat de cette ope-ration fut une barre de platine fragile ck caf-fante comme du verre. Je mis du plomb dans la coupelle, ck dès qu'il fut fondu, j'y jettai deflus de la platine , qui fe fondit auffi à l'inihmt. J'y ajoutai de l'argent, & le plomb fumoit ck fe litargeoit tranquillement, la coupelle travaillant comme fi elle eut contenu de l'or ou de l'argent fin ; mais quand , au bout de l'opération , je m'aîfendois a diflinguer la couleur de ces métaux, la pâte devint comme un gâteau fans mouvement , crifpé , noir ck caftant. Je mis cette matière au creufet, dans un fourneau à foufflet ; ôk dans Finitant elle fe fondit , & devint liquide comme de l'eau , femblable à de l'argent fin, avec la particularité qu'elle jettoit des fleurs , ck qu'elle travailloit comme elle avoit fait dans la coupelle. Je la verfai pour former la barre, ck elle redevint aigre. Je pris cette barre, 6k je la grainai pour la mettre dans l'eau forte (53) ; la diffolution produiiit une liqueur rougeâtre, ck il fe précipita (54) une partie de fon phlogiftique par le feu, & qui eft dans urt état de vitrification imparfaite. Quand on coupelle là plomb , il fe transforme en une matière ou feorie qui reffemble à de petites feuilles luifantes & à demi-rranfpa-rentes , qui forment la litarge. Je fais ufage du mot fi litargtr, pour exprimer l'action de convertii le plomb en litarge , & je dis fcorifier , pour celle de convcicir le métal en feorie. ("J?) J'appelle «rainer, l'opération par laquelle on ré* «luit les métaux en grains pour les diflbudn: t ou pour les mieux combiner avec d'autres matières - (W) Précipiterez l'opération dit dgfdnir tiuu «.mps Vun d'avec l'autre , par le moyen d'un trentième qui Mij h*8o Histoire Naturelle,&ti matière noirâtre qui bouilloit 6c fautoit. Je ver lai cette diffolution ôc laiflai fécher la matière noirâtre qui paroilToit alors une terre par ordre du Miniftre , & elles pourront fufTire pour donner une idée de h platine ; mais comme Cette fingullère matière a occupé,depuis, tous les meilleurs Chymiftes de l'Europe , & donné lieu à différentes opinions, je vais expofer brièvement l'hiftoire de tout ce qui a été fut fur la platine, afin d'engager quelque Efpagnol à l'examiner, puifque nous avons plus de facilité pour le faire que les Etrangers , & afin qu'on ne nous taxe plus d'ignorance ni de parefîe , même dans les objets qui nous font propres. Le premier qui parla de la platine fut Vood, Mérallnr-gifle Anglois, qui en apporta un peu de la Jamaïque en • 741. Il fit quelques expériences, que l'on peut voir dan^ de l'Espagne. iSi mais il ne fe forme point entr'eux une véritable liaifon ; car après avoir formé une plaque de ces deux matières, j'y ai apperçu, à la loupe, les grains de platine dans le même état, 6c, en les limant, ils ufoient plus la lime que fi c'eut été de les TranfacYions Philofophiques » années 1749 , 1750J M. Schcflfcr publia les dénués dans les Mémoires de l'Académie des Sciences , année 1751 , ck Lewis fit con-noitre (es oblervations dans les mêmes Tranfattions , année 17S4, ck dans un Ouvrage particulier qu'il com-lJofa enfuite. Margraaf a fait aiiifi une infinité d'expériences fur la platine , ainù qu'on peut le voir d?ns Cet Œuvres &. dans les Mémoires de l'Académie des Science» de Berlin , année 1757. Enfin M. Baume cv M. Maquer «ut travaillé plus que tous les autres pour connoitre lx nature de cette matière , comme on peur s'en convaincre parla leéhire du rroifième tome de la Chymie du pn mier, dans lequel il a extrait tout ce qui a été dit à ce fujet. 11 réfulte de l'opinion de tous les Chymiiles, que la platine efl un troifième métal parfait , auili fixe , aniii indeftruclible , ck autTi peu altérable que l'or ck l'argent ; qu'il eil diftinct de toutes les fubttances métalliques connues ; qu'il eft infufihle par fi nature , ck que , comme l'or, il réfifle à l'aélion de l'air , de l'eau , du feu , du foufre, des acidesfimples & des métaux voraces ; elle unit à ces excellentes propriétés la dureté que i'or n'a pas , puifqn'elle eft auifi dure que le fer. Voilà l'opinion commune qu'on s'eft-formée de la platine. Mais il s'éleva en dernier lieu, contre cette opinion, celle de l'immortel Buffon, dont l'autorité feroit feule capable, par fon nom , de décider celle de tous les Savants , fi en pareil cas l'auto ité pouvoit avoir la prépondérance fur la raifon. Après plufieurs expériences» faites en plus grande partie avec l'aimant , pour voir jufqu'à quel degré il attiroit la platine , ce grand homme conclut que ce n'eft point un métal nouveau , ni différent e l'Espagne. 1S3 vif-argent : alors les grains cle platine fe décou-vroient à la vue dans ces parties d'or , fans s'être amalgamés. De tout ceci on infère le danger qu'il y auroit, attendu la facilité des falsifications , de donner cours, dans le commerce , les matières étrangères mêlées avec elle. Ces matières lavées , léchées &. examinées à la loupe, font reconnues pour un peu de fable noir , qui fe laiffe attirer par l'aimant ; une portion de fable rouge > & tranfparent comme des grenats , qui n'a point la môme propriété magnétique ; & enfin un peu de terre line cendrée , qui paroîr être une terre mercurielle : ( ce qui induilit à erreur M. de Milly ); mais qui n'en efl pas, puisqu'elle ne tache-pas l'or. Ces deux dernières matières fe trouvent ordinairement dans l'intérieur des grains de la platine. Si mm. de Buffon & de Milly euflent pris girde à ces particularités, ils auroient trouvé la raifon des phénomènes qui leur ont fait adopter la fingulière opinion qu'ils foutiennent. La punie de fer que la platine contient, & la difficulté de l'en purger par la fonte, fuffifent pour expliquer tout fon magnétifme , & la confection du bleu de Pruffe , quand on mêle de la diffolution de platine avec l'alkdi de Pruffe , réfulte de cette portion de fer , & de celui qui eft tenu en diffolution dans cet allcali. Qu'on fane toutes les opérations qu'on voudra avec la diffolution de platiae , qu'on la mè\c avec de l'or , avec du fer , ou avec quelqu'autre matière que ce foit, elle préfentera toujours des phénomènes propres , & particuliers à un métal, différent des autres ; & dans le même mélange , on pourra diftinguer les grains de la platine de celui des autres métaux. Si, par exemple , le mélange eft d'or & de platine , on n'a qu'à diffoudre la matière dans l'eau-forte, & mêler enfuite un pen de diffolution de fel ammoniac : à L'infant il fe formera un précipité jaune; phénomène qui n'arrive point, lorfque l'or eft feul, parce que le fel ammoniac ne le précipite point, & «me le vitriol martial précipite l'or & non la platine. Si l^n éprouve les différents précipités de platine avec l'étaiu , en peinture en émail , feuls ou avec des fondants , la platine reffortira toujours avec fa couleur 184 Histoire Naturelle, &c. à un lable métallique tel que celui de la platine ,' qui le. fond fi facilement avec l'or, ôc qui eft plus peiant que lui. Dans tout le cours de ces expériences, je n'eus pas toi'jours le loifir de peler les portions naturelle, en tonnant une efpece de dentelle métallique fur la fuperficie des pièces , auxquelles clic ne donnera aucune couleur. Ces Singularités , ck mille autres, qu'on peut voir dans les Ouvrages cités ci-deffus , nie paroif-ftnt fufhTantcs pour faire croite que la platine eft un inêral fui generis , ck pour ne point conclure que c'eft feulement un mixte d'or ck de fer. Cependant, je n'ôfe aflurer ni l'un ni l'autre , parce que , quoiqu'elle ait des propriétés diftincles de tous les autres métaux connus , je vois que nous femmes encore bien loin de connoître fa véritable effenec. Quant à l'opinion du Comte de Milly , que la platine eft. un ouvrage des hommes, & le réiitiu des mines d'or, lorsque les Efpagnols ne favoient point encore bien Séparer ce métal ; le même M. de Buffon la combat, & on aie peut l'admettre , fans ignorer entièrement la méthode, conflamment fuivie dans ce travail par les Efpagnols. Au Surplus,qui eft-ce qui a apporte à foi ayan autant de kr qu'il y en a dans une montagne entière de platine? Et comment l'a t-on mêlé avec ell comme il l'cft ? Il fera peut être encore à propos d';*jouter ici quelques rotions ties endroits cù on trouve la platine, & de la manière dont elle s'y rencontre naturellement ; mais je ji'ai pas encore d'alïez amples inftruclions pour en parler, ck je les réServe pour une occafion plus favorable que celle d'une note , déjà trop longue. Je rapporterai feule-jjient ce que m'en a dit le célèbre Don Antonio de Ulloa, auquel j'ai fait quelques queftions à ce fujet. 11 prétend que la platine eft une matière qui Se rencontre Souvent dans quelques minéraux d'or, & tellement unie avec lui, qu'elle lui Sert comme de matrice ; qu'il en coûte beaucoup de peine ck d'efforts pour l'en Séparer ; de Sorte qne, fi la platine eft trop abondante , on eft forcé d'abandonner la mine, parce que l'exploitation n'en efl point avan-~geuic , les frais à faire pour puWérifer la matière » & Dt l'Espagne; ^ i$f 5«e je travaillons, parce que mon but étoit de taire des épreuves en grand, avant d'entrer, avec exaftitudc, dars un détail fi compliqué ; je dirai ^ulcmentà-préicntque, comme la platine ,ainii\ que l'or, ne te mêle pas bien avec le foufre, ni avec l'arlénic ; les Péruviens paroiiTent avoir eu railbn de l'appeler or blanc. pour en tirer l'or , étant plus c on fid érables que la valeur du métal qu'on en tireroit. C'eft uniquement dans le* r'iin<.s clu nouveau Royaume de Grenade qu'on trouve la platine , & c'eft particulièrement dans celles de Choco & de Barbacoas qu'elle abonde le plus. Une choie allez linguliçie, c'eft que hors de ce Royaume, on ne trouve ptus cetre matière dans aucune mine du Pérou , du C hili ou du Mexique. Ce peu de notions de D. A. de Ulloa éclaircira beaucoup de faillies fpéculations , auxquelles divers Savants fe font livrés , faute de les avoir. On obferve encore que la platine qui fe ttouve en pierre à Choco ou à Barbacoas , n'einj-èche point qu'elle ne s'y trouve anfli en pouffière tk en fable détaché , & que les expériences faites dans une petite quantité de platine d'une mine , ne font point' concluantes , parce que celle d'une autre mine pourra avoir des particularités différentes. Enfin , j'ajoute que la platine pourroit être envoyée à divers ufages , & qu'on pourroit en faire quantité d'uftenfiles qui ne feroient point fujets à la rouille , puilqu'on peut travailler ce métal avec divers mélanges, & même que feul on peut le forger & le fouder comme le fer. On peut voir dans M. Baume tout ce Çu'il dit à ce fujet, oc fur l'utilité qui en ré ulréroit pour l'tfat , fi, en n^-fc&ionnant les expériences , on par-Venoit à rrouveVun mélange de platine & de cuivre pour l'artillerie. Les ind ces font pour le fucc ès ; mVis faute de matière & de commodité , je ne puis exécuter les expériences néceffaires pour r n donner le procédé. Je me réduirai donc ici à manifefter le defir , vraiment patriotique , dont je fuis animé , pour exciter le Gouvernement à s'occuper férieufement des moyens qui pourroient realifçr cette idée. iScj Histoire Naturelle,&c Ce que je viens de dire pourroit iufïire pouf donner une idée de la platine, &c pour fatisfaire les personnes qui me l'avaient demandée ; mais ayant eu l'intention d'aller plus loin, ck d'eflayer cette matière singulière avec d'autres métaux \ je fondis un peu de platine avec du cuivre, & la fonte fe fit fi bien, qu'il me parut que le cuivre devenoit plus nerveux & plus fort que quand on le fond avec l'étain. Je propofai aux tondeurs de canons d'en faire l'épreuve en grand , mais ils ne voulurent point l'exécuter. Je mis un petit morceau de cuivre fondu avec de la platine dans de l'eau forte très-aéiive, &: il me parut que cet acide s'attachait à la platine pour la diffoudre , & qu'il laiffoit le cuivre ; car le morceau étoit fi criblé de petits trous , qu'il reffembloit à une pierre ponce. *Je ne donnerai certainement point mon raifonnement comme infaillible, parce que, fuivant ma façon de penfer, on ne peut jamais parvenir à une désunion parfaite des parties qui compofent un métal, quoiqu'on le dilfolve par le moyen du feu, ou par les acides. Ce qu'on appelle diffolution , n'etf proprement qu'une divifion , &C c'efl ce que je prouverai dans mon Hiftoire de l'Effai des Métaux par le moyen du feu , oit je ferai voir évidemment que, même dans la vitrification tranfparentc des corps, il n'y a point de fufion, ni de diffolution parfaSe. Je fis limer un morceau de fer que je mêlai avec de la platine ; je préfentai le tout à un feu violent; le fer devint comme pâteux, mais il ne * fe fondit point, non plus que la platine. J'avois, dans mon appartement, un fil de laiton très-gros, J'en coupai environ trois pied* de l'Espagne. 187 Q*&t je fondis en y jetant de la platine. Je vis ftuik fe mcloient ôc fe fondoient doucement. gardai la petite barre , pendant plus de quatre m°is 9 expofée à la fenêtre , &, pendant tout ce temps , elle n'effuya aucun changement, ni dans la couleur, ni dans la forme de les furfaces. Concluons donc que la platine elt un fable Métallique fui generis , qui peut être très-perni-cieux dans le monde, parce qu'il fe mêle facile-jftent avec l'or, & que, quoique, par la chymie , j' fok facile de trouver le moyen de connoître Ia fraude, & de féparer les deux métaux ; comme ce moyen feroit entre les mains de peu de perfonnes, que la cupidité eft une maladie générale, que la tentation eft féduifante, que la façon de tromper eft facile & à la portée de tout le monde, il ne pourroit y avoir qu'un grand danger à donner à la platine cours dans le commerce. Continuation du difeoursfur la platine. Obfervations fur les anciens Volcans d Efpagne. Comme le Miniftere préfère les expériences utiles à celles qui ne font que curieufes, je me fuis borné, dans la première partie de ce dif-c°urs, à e.vpofer celles qui pouvoient remplir Ces vues. Qu'il me foit à prêtent permis d'ex-Ppier mes idées & mes conjectures fur l'origine ôc fur la formation de la platine ; ces idées font indépendantes des réfultats des expériences précéd entes. 11 eft impofiible de donner une description exacte de la platine, parce qu'elle ne reffemble à rien de connu , & que conféquemment toutes compnraifons font inutiles. Je l'ai comparée au î$$ Histoire Naturelle , &c. plomb ôc au fpeis ou régule de cobalt , pouf donner une idée de fa couleur feulement ; mais cette comparaison ne fuffit point pour la connoître , li on ne voit & fi on ne manie point la matière. En obfervant que la platine contenoit du fer , ôc que le régule du cobalt eft rempli de fer ; que parmi la platine il y a beaucoup de grains d'or couleur de fuie ; que cette nouvelle efpece de fable métallique eft unique dans le monde ; qu'on le trouve en abondance dans une montagne auprès d'une mine d'or, ÔC que dans ce pays-là les volcans font communs, je formai l'hypothèfe fuiVante. Je fuppofai,i°. que la montagne contient beaucoup de cobalt,comme celle de la vallée de Giftau dans les Pyrénées d'Aragon, dont le feu du volcan avoit évaporé l'arfenic ôc formé une matière rclfcmb'ante au fpeis-. 20. Que le fpeis , contenant du fer, fe fond tk fe mêle avec l'or, ÔC que le feu de plufieurs fiecles, privant la matière de fa fufibiîité , peut avoir produit ce fable métallique, dont la pcfanteur ne peut être attribuée au mercure : 3°, Que les grains d'or , de figure irré-guiière ôc de couleur de fuie , étant aufîi l'effet du feu d'un volcan qui s'éteint, les grains de platine, que leur légère couche ferruo;ineufe faifoit réunir , étoient peut - être le rcfultat de la décompolition du fer, dans le grand nombre de fiècles écoulés depuis l'extinclion du volcan; ô£ 4°. "enfin que , fi quelques grains de platine font privés de cette couche ferrugineufe , c'eft parce qu'il ne s'eft point encore écoulé affez de tems pour opérer une fuflifante décompcfition du fer pour les imprégner tous. Ces raifonnements pa-roîtront ridicules à bien des Savants ; mais moi, )e fuis fi perfuadé que la plagie eft le produit de 'd e l'Espagne.'^ ittc)o Histoire Naturelle, &c. furieufe des laves, les éruptions, les chocs , les défaftres ; que des fources très-chaudes , pendant tant de fiècles , peuvent produire de nouvelles fubftances, comme la platine, ôcc. Je conçois que tous ces effets peuvent arriver ; mais ce qui excède mon intelligence , c'eft la raifon pour laquelle le fer, les corps combuftibles ôc" l'eau, portent fans celle la matière précisément vers le îommet d'une montagne, pour l'ordinaire la plus élevée du pays , ôc que ce phénomène doive toujours arriver ainfi, puilqu'on ne connoît pas encore d'exemple de volcan dans une plaine ou fur une fimple colline ; car on doit regarder comme fans conléquence les ouvertures accef-foires ou fecondaircs qvii pourroient s'être rencontrées dans pareilles pofitions. Je ne fuis point fatisfait quand on veut expliquer un pareil phénomène par la nature , par la légèreté même du feu. Les Naturaliftes de profeffion, & les voyageurs inftruits & curieux , ont ramatTé une grande quantité de morceaux de roche , de pierres ô£ de terres , qui donnent de véritables indices d'avoir été fondues ou calcinées. Ils en ont trouvé dans toutes les parties du Monde , Ôc dans les endroits où il n'y a point de volcan. On ne peut donc point douter qu'il n'y en ait eu en plufieurs endroits, qui depuis très-long-tems font éteints, qui peut-être l'ont été par un déluge ; car, fi ûfî peu d'eau funSt pour enflammer, fi un peu plus cauïè éruption , il eft poflible qu'une plus grande quantité éteigne absolument. J'ai trouvé des marques évidentes de l'ancienne combuftion de plufieurs montagnes d'Ef-pagne, quoique les ffcftoires "e fallènt point d e l'Espagne. t$t ^nùon de leur incendie, & que la tradition ne *u?plée point à l'hittoire. Entre Almagro ôc Corral, dans la Manche , auprès de la rivière Javalon , Ôc fur le chemin d'Almaden , on trouve es morceaux de rochers qui conlervent des marques de feu , ôc dans les champs une quan-tlt;e conlid^jable de pierres un peu pefantes , Colorées comme la fuie de cheminée en-dedans °* au-dehors. Entre Carthagène Se Murcie, près de la mer , 0ri remarque, dans une vafte montagne , un vol-63115 dont l'ouverture exille. Les gens du pays croient que c'elt une caverne enchantée. Dans je territoire de Murcie on trouve cinq cavernes Semblables ôc très-profondes. Auprès de Carthagène, enfin, on en trouve une feptième , où l'on remarque des vertiges d'une mine d'alun , avec quatre fources d'eau chaude, qui dénotent le Volcan plus particulièrement encore. 1 La terre rouge d'Almazarron , qui , il Saint-J'uephonfe , remplace le colcotar, pour donner le poli aux plus grandes glaces de l'Europe , l'ochre , rouge de Grenade, ôc la majeure partie des terres Ronges des différentes Provinces d'Efpagne, avec 1°1 quelles on frotte les brebis ôc avec lesquelles °nt poli les jafpes , les agates, les ferpentines, les ^arbres , ôtc. font des produits d'autant de volcans. A l'entrée du Cap de Gâte , il y a une mon-tague fur le bord de la mer, du côté d'Alméria , Cjui en partie elt fpécialement compofée de pierres plus groffes ôc plus longues que le bras , eryftal-bfées en plufieurs feuilles égaies , encaiffées délicatement jufqu'à une certaine hauteur, de couleur de cendre, parce que le fer, pour colorer rjoi Histoire Naturelle, &x. les quilles , leur a manqué clans la fufion , puif-que leur configuration même manifefle l'efbt d'un refroidiiTement régulier , fuivant les loix de la cryftallifation. 11 eft vrai cependant qu'il y a des mines de fer blanchâtre ôc des corps cryftal-lifés d'un blanc parfait, qui reçoivent cette couleur du fer ou du phlogiftique , Ô^qui font de la claffe des vitrifiables. Je n'en ai point vu ; mais M. Godin m'a afturé en avoir vu qui n'étoient pas entièrement cryftallifés dans la prodigieufe montagne de Quito, dont le fommeteft toujours couvert de neige , ôc dont l'intérieur eft continuellement embrafé par le feu d'un volcan épouvantable. On remarque en Catalogne, entre Gerone Se Figueras, affez près de la mer , deux montagnes pyramidales , d'égale hauteur , qui fe touchent par la bafe , Ôc qui prouvent, par les indices les moins équivoques , avoir été anciennement des volcans. Les trous, remplis de coquillages pétrifiés , qu'on rencontre au bas de ces montagnes , font des effets poftérieurs aux volcans » car , quand on trouve des pétrifications auprès des volcans , elles en démontrent l'antiquité i mais en cinq oufix-mille ans, il y a plus de tems qu'il n'en faut pour de pareils phénomènes, & même pour beaucoup d'autres plus conlidé-rables. Rien ne démontre les révolutions que notre globe épreuve comme la montagne de Monfer-rate; car les petites pierres de touche s'y trouvent fur une montagne entièrement,calcaire ôc pariai des pyramides élevées , compofées de pierres arrondies Ôc conglutinées. Les pierres cle touche noires, ôc du même grain que celles qu'on tronve de l'Espagne. 193 eh Catalogne, font toutes l'ouvrage du fern, Se eUes font de la même nature ferrugineufe que les hautes Se fingulières colonnes de la mon-tagne d'Ulfon en Auvergne. Ces colonnes de halalte fe trouvèrent fans doute en état de fufion avec le fer, quand elles fe mêlèrent avec lui. Si elles font de figure irrégulière , c'eft pour avoir éprouvé un refroidiffement graduel , comme le bafalte blanc du Cap de Gâte, s'il m'eft permis de l'appeler ainfi. Les petits grains ronds , blancs & verds des terres cultivées au pied de cette nr°ntagne d'Uffon , ont tous été de fer, puifque j en ai vu plufieurs qui contenoient encore le métal au centre , Se qu'on reconnoilloit pour avoir été auparavant de la cendrée ou grenaille de fer. On peut expliquer leur formation par le procédé des Fondeurs qui veulent faire de la grenaille de fer, Se qui prennent en confequence de grandes cuillerées de métal fondu, qu'ils jettent avec force par terre. Les mines de fer, compofées de grains ronds , font toutes produites par des éruptions de volcan, comme le font certainement les mines des environs de Ronda Se celles de Béfort : les unes Se les autres, comme celles d'Allemagne, font difpofées en couches fuper-ficielles , peu épaiffes, Se donnent un fer très*-, doux. On pourroit faire des pierres de touche avec les colonnes d'Ulfon , comme les Allemands en font avec les bafaltes de Helfe Se de Saxe, qui font des portions de pierre qui fortent hors de terre comme de groffes bornes ou limites , mais d'une figure plus irréguliere que les colonnes ^'Won, Ces morceaux de bafalte ifolés portent N 194 Histoire Naturelle, &c. des marques d'une cryftallifation faite précipî^ tamment. Le Pavé des géans, les Orgues, ôc d'autres parages au Nord de l'Irlande, font des colonnades d'un nombre infini de piliers irréguliers de bafalte , femblables, par la couleur & par la figure, à ceux d'Uiïbn, Ôc dont on fait auui des pierres ce touche. Les pierres ardoifeufes , noires ôc" tendres , qu'on trouve, en fi grande abondance, dans les Pyrénées de Catalogne , & qu'on appelle communément lapis , font auffi un produit des volcans éteints. Je crois avoir reconnu des indices d'un ancien volcan dans la montagne de Serantes fituée au bord de la mer, à l'embouchure de la rivière de Bilbao. Cette montagne reffemble à un pain de fucre , vue à quelque diftance ; ceux qui ont cru qu'elle renfermoit la mine de Somor-roltro fe font trompés: cette mine fe trouve dans une colline baffe & ondée , abfolumcnt féparée de ce pic. Pline tomba dans cette erreur, vraifemblablement parce qu'il ne vit jamais cette tnine, ÔC qu'il s'en rapporta à quelques Mariniers commerçants en Andaloufie , oit il écrivoit fon Hiftoire. Enfin je n'aurois peut-être jamais connu que le quartz de plufieurs montagnes d'Efpagne a été calciné , n je n'euffe vu auparavant à Gin-gembach , da.is la forêt Noire, en Allemagne, comment on calcine le kiejjUjlàn pour l'adoucir, pour le mêler avec le cobalt, ôc pour faire le fafre , qui produit la précieufe couleur bleue de la porweiainei Le kujjeljlc'm efl un vrai quartz dé l'Espagne. 195 k|anc, qui donne du feu après avoir été cal-ciné , comme les quartz des anciens volcans d'Efpagne; mais pour connoître Ces objets, les defcriptions font infuffifantes ; il faut les voir. & Es environs de Molina d* Aragon, de fa mine de cuivre verd & jaune , appelée la Platille. M olina eft la Capitale de la Seigneurie de ce nom. Elle eft fituee à trente - une lieues de Madrid, à droite du chemin royal qui conduit à Saragofte. La Cordilière oii elle eft fituée eft une chaîne de montagnes où règne le froid neuf mois de l'année. Elle divife les eaux des rivières; car, d'un côté , le Gallo coule jufqu'au Tage, tandis que, de l'autre, fes eaux vont fe perdre dans l'Ebre. La fource du Tage eft à quelques lieues , tk c'eft un des endroits les plus élevés de toute l'Efpagne. A une portée de fufil de Molina , vers le midi , il y a un coteau de terre & de pierre à chaux, où on remarque un rocher couvert d'une couche mince de vraie cornaline : la fubftance du même rocher eft fermée de petites cornalines de la grolfeur d'une tête d'épingle. Les rochers des alentours de Molina font de marbre blanc tk couleur de chair , partie en Dloc & partie en couches. On en voit fur les fommets des coteaux , au-delfous defquels on trouve Une pierre à plâtre rouge, cendrée tk blanche. Au pied de ces coteaux, il y a des bancs de pierres rondes tk en couches , conglutinées avec du grais ôc" du quartz. A un quart de lieue 'ïçyG Histoire Naturelle, &c. du village, près de la defcente du côté de Madrid, il y a une colline entière de marbre rougeâtre, jaune 6c blanc , qui a le grain comme le fucre ou comme le marbre de Carrare. Ce qui refte, quand on décompofe cette pierre, relfcmble à du fable : car quelle que foit la portion de marbre ■qui fe conferve, eue fait effervelcence avec les acides qui n'ont aucune action fur le fable qui réfulte de fa décompofition. Le grain de la pierre eft très-fin : mais il y en a parmi de beaucoup plus fing ,qui flottent, pour ainfî dire, dans l'air ; en forte que , fi cette colline fe décompcfbit totalement , les vents en emporteroient à l'inftant le fable , 6c ne bifferaient aucuns vertiges de la colline. A une demi - lieue de Molina, il y a une colline à la rive méridionale du fleuve , dans le fommet de laquelle on trouve des rochers de marbre en morceaux qui pofent fur des bancs 'de pierre à plâtre en couches rouftes & blanches, au-delfous defquels on voit, au niveau du fleuve , de grands bancs cle grais roux, mêlés de quartz ronds, roux 6c blancs , ramifiés 6c femblables au vrai libidar oriental (57). Tout le penchant de la colline eft cultivé, 6c on voit clairement que la terre rougeâtre qu'on laboure, n'eft autre chofe que le gypfe dégénéré en pierre â chaux. En remuant cette terre , on trouve beaucoup de colonnes de cryftal de fix furfaces égales-, dont les deux pointes font aufti parfaitement applaties que les éméraudes du Pérou* 1(57) C'eft un marbre dont il y a une plaque apportée de Rome dans un autel de PEglifc d^i Pcrcs du Sauveur de Madrid. de l'Espagne. 197 H y en a d'un pouce de long : elles font calcaires ; elles fe diflblvent dans les acides, & elles étin-. sellent, lorfqu'on les met au feu. Je crois que ces cryftaux fe font formés depuis la converfion du gypfe en chaux. Le grais fe décompofe également , &c fon fable change entièrement de nature ; car il reprend la forme d'une véritable terre argilleufe , graffe ôc rouge ,. auffi fine qu'on puiiTe l'employer pour peindre en mignature. A Molina on s'en fert pour dégraiffer les drap* ordinaires de fes fabriques. Cette transformation naturelle du marbre en, fable, du gypfe en terre calcaire, il y en a un autre Nui tyti Histoire Naturelle, &c' en couches compofées de rochers fablonneux, in-dinées,qui pofentfur un lit de quartz ronds fortement amalgamés entr'eux. Ils font de la même nature, de la même couleur 6c de la même grandeur que ceux du fommet de la colline de Molina. Le banc de quartz fuit la même inclinaifon que celui du rocher fablonneux, dans lequel on remarque beaucoup de quartz qui faifoient partie de ceux qui fe font détachés de leur grande malfe, par la deftruction de la colline. J'en infère que ces quartz font d'une origine antérieure au banc de rocher fablonneux, qui, avant d'être rocher, n'étoit que du fable détaché : il efl fi évident que les terres proviennent des pierres décom-pofées, que dans ces rochers de marbre on voit des fentes 6c des ouvertures perpendiculaires, obliques 6c horizontales , pleines de terre 6c de fable , qui font des produits vifibles de la même pierre détruite. C'efl précifément dans ces îeptes, petites ou grandes, que s'infmuent les racines des arbres 6c des arbuiles qu'on trouve dans les montagnes. 0*i remarque que la terre de ces fentes eft de la même couleur que celle des champs voifins ; 6c fi on dilate un rocher avec des outils ou de la poudre , on remarque, dans fon centre, de la même terre 6c du même fable. On y trouve aufll très-fouvent des morceaux cle pierres à moitié pourries, fi on peut s'exprimer ainfi, auxquelles il ne manque que le tems pour être réduites à leur état primitif de terre 6c de fable. En defeendant la rivière de Molina , jufqu'au village de Prados-Redondos^on rencontre un ravin profond, que l'eau forma , en minant perpendiculairement deux rochers de plus de cent-cin- de l'Es p a g ne: 199 *[uante pieds. En obiervant avec foin la coupure de ces rochers, on remarque, que la décompofi-tiou accidentelle des rochers a concouru à 1» profondeur du ravin , puifque , dans certains endroits , ces rochers fe rompent par couches, & dans d'autres par blocs irréguliers. Au-deffous de Prados-Redondos , on trouve une petite colline , près d'un moulin, qui, avec diverfes autres , forme une chaîne bafiè. Cette colline eft compolée de rochers de chaux très-inclinés, remplis d'ouvertures horizontales tk obliques de toute grandeur , depuis fix pieds jufqu'à l'épaitïeur d'une carte. Dans les feuilles 9 tômprifes dans fes ouvertures , on remarque beaucoup de dendrites ( 58 ). Je préfume que les taches noires des arbres qu'on y voit, font defc indices de l'ancienne tk première deftru&ion, dè même que les petites ouvertures en font de la dernière , qui augmente chaque jour , & qui continuera d'augmenter jufqu'4 ce que la totalité du rocher fe précipite tk fe réduite en terré Ô£ en fable. Derrière ce moulin il y a un petit coteau de rocher de chaux , rempli des pétrifications fui-vantes: des térébratules (59) rondes ? dont les (58) On appelle dendrites les pierres qui ont des empreintes de végétaux ou d'animaux. Si ce l'ont des végétaux qu'elles représentent, on a coutume de les appeler pierres herbmfées ; fi ce font des animaux, on les appelle {oomorphitej.CeWes qui viennent de Moka font les plus belles; & à Florence , il y en a de fi grandes, qu'on en fait des tableaux , qui représentent des Palais , des Payfages, &c. (59) En Efpagne les térébratules s'appellentpabmitai, parce que l'imagination a prêté improprement à ces co* ftàllfcs la fieurc d'une colombe. ïoo Histoire Naturelle, &c, fines font égales ; des térébratules rondes, dont les fines font profondes ôc inégales ; des térébratules fphqriqucs, & d'autres triangulaires tk concaves. Le cœur de boeuf, grand tk petit ; des cames,,: des tel Unes , de petites Huîtres ffriées, de petites huîtres liffes, de petites huîtres rabo-teufes, des bélemnites avec des tubes vermiçu-laires tk des articulât* ônsv Toutes ces coquilles pétrifiées font de la môme terre calcaire que la colline, à l'exception des bélemnites, qui font féléniteufes ôc cornées.On en voit beaucoup qui font éparfes fur la terre ÔC le long de la colline, parce qu'elles s'en font dé* tachées. Si ces coquilles étaient brifées,ÔC qu'on en anaïyfât la poudre, on trouveroit que cette poudre reffemble parfaitement à la terre de la colline ; mais la forme arrondie des coquilles les a préfervées de fracture ÔC les confervera plus long-tems. La plus grande " partie des coquilles foiTiles fe trouvent gravées ôc pétrifiées clans la terre, foit de fable rouge , comme dans les environs de Montmartre , où Ton voit clairement que ce fable vient d'un rocher décompofe , foit dans un rocher fablonneux blanc, comme à la Ferté-fous-Jouare , foit dans le foufre ferrugineux tk l'argille , comme les ;tellines pyriteufes de Normandie. Les gryphites -bleues de Bourgogne fe ■trouvent dans des rochers de même couleur , & les moules des'ccjnqucs lenticulaires d'Alicante , de Champagne tk- du Jardin du Roi à Paris , font d'une matière calcaire blanchâtre , comme la terre dans laquelle on les trouve. Les pierres -lenticulaires ou nummulaires de Rayonne font 'fèbîonneufe$& delà couleur du fable du pays, & de l'E S p a g n e. 101 celles de Gérona font rouges comme les rochers fablonneux de l'endroit. Il y a trois caufes qui produifent des ouvertures tk des crcvaffes aux rochers tk qui les dé-truifent; l'une eft l'humidité originaire de lama-* tiere qui entre dans la compofition de chaque atome tk qui travaille intérieurement ; l'autre eft l'humidité qui unit ces atomes, tk qui fe trouve difperfée dans tous les pores du rocher ; la troi-fième eft l'humidité epaiffe des pluies tk des brouillards. Quand ces rochers fe détruifent tk fe con-Vertiflent en terres cultivables, par le défaut feulement de la féconde humidité qui unifloit leurs parties, ils ne forment point de nouveaux corps : on a une marque certaine de cette deftruction dans les roches blanches tk calcaires , quand on les trouve couvertes d'une terre jaune , parce qu'alors le fer commence à s'y manifefter. Cette deftrucfion , comme je l'ai dcjà dit, ne produit point de corps nouveau : ce n'eft plus qu'une fimple défunion; l'humidité intérieure des atomes n'y coopère point, quoiqu'elle entre en allez grande quantité dans la malfe des rochers ; car, quand la deftruction des rochers eft parfaite , encore qu'il y manque quelques circonftances pour former un nouveau corps , on voit l'air , l'eau 6c la terre fe défunir tk fe féparer à l'inftant. Il y a des décompofitions intérieures de toute efpece -..celle delà grolfeur d'une noifette, tk celle des varies & épouvantables cavernes des montagnes, appelées excavations, naturelles, pro* viennent de la même caufe. A un quart de lieue de Caftille-la-Neuve, qui un hameau, fitué fur la rivière , à un quarjç loi Histoire NaturellE, &c\ de lieue du moulin dont nous avons parlé, Ofï trouve un champ cultivé de terre cendrée , environné d'autres champs ôt de collines de caillou non - calcaire, mêlé de quartz dans quelques en* droits, où on remarque toutes les pétrifications de coquilles qu'on trouve dans la colline du moulin , à l'exception des uni valves : on y observe encore mieux la deftruction fucceflîve SC graduelle des rochers. On y rencontre beaucoup de morceaux fans crevalTes , pleins de coquilles amoncelées, & en briiant ces morceaux, on remarque que toutes les coquilles de térébratules fe divilent ôc fe féparent en deux, ôc que la terre, en fe moulant, occupe la cavité intérieure qu'oc-cupoit l'anima. Il 3 fallu pour cela que 1a terre s'y fût trouvée en poudre extrêmement fine ; car , autrement, elle n'auroit pu s'introduire dais les coquilles, exactement fermées par l'ouverture ôC par la charnière. Cependant le travail de la terre, depuis qu'elle s'y eft introduite , a été tel, que bnfant différentes de ces pétrifications , j'en ai trouvé quelques-unes grainées, luifantes , Ôc qui donnoient des indices d'une cryftallifation future. J'en ai trouvé d'autres liftes ôc de vrai marbre graine, reuge Ôc ramifié. Le fédiment ou dépôt d'une fimple terre fine paroîtroit devoir produire une pierre lifte Ôc fine. Mais on voit que le travail ôc le mouvement intérieur produifent le grain ôc la couleur , comme on le remarque dans une coquille fermée ôc enchâffée dans un rocher dur. J'ai trouvé quelques-unes de ces térébratules, intacles ôc fans aucune altération , qui avoient encore leur vernis Ôc leur couleur , & j'en confier ve une des plus curkuies, dans laquelle on t&i r> e l'E s p a g ne. 105 marque la nature de toutes les térébratules triangulaires , à bec d'oifeau, & rayées. Elle a un côté ouvert où. manque le couvercle , tk on voit avide dans une excroilTance de matière de perle qui remplit une bonne partie de fa ca\ité. Je brifai beaucoup de ces coquilles, ôc je trou\ a'; que Pef-Pece à trois lobes ou lacunes contient trois animaux , Ôc fix parties, trois fonds 5c trois couvercles unis par une charnière commune. On trouve auffi des morceaux de rochers fendus ôc remplis de pétrifications, & dont, Pour la plus grande partie, on ne peut diff inguer ''efpece des coquilles , parce qu'elles ne con*« fervent pas entièrement leur forme, quand elles ne font pas bien encaifïées dans la partie la plus folide du rocher. Je réuffis par hafard à rompre en deux morceaux la pierre d'un gros bucardio, où il y avoit cinq petites pétrifications avec des cavités correfpon-dantes , 6c cinq coquilles naturelles qui paroif-foient des cœurs de bœuf. J'en pris une, je la brifai, & je vis dans fa cavité une petite pierre grainée $ quoique les parois de la coquille fuffent bien fermées. La plus grande partie des petites huîtres conservent leurs coquilles naturelles tk leur couleur , lors même qu'elles font fermées ; la cavité Cju'occupoit le coquillage elt pleine de la matière calcaire de la roche : je foupçonne que la terre fine ferma les deux parois de la coquille » lorfqu'elle fe deifécha, parce que je trouvai quelques térébratules exactement fermées, dont la pierre intérieure me parut, à la vue , 6c encore mieux avec la loupe, un compofé de poudre des mêmes coquilles, Il arrive dans quelque* ao4 Histoire Naturelle, &c. coquilles, qu'on en trouve même d'autres plus petites. Je rencontrai encore de gros morceaux de roche qui paroiiToient compofés de fragments de coquilles de térébratules , d'huîtres, de bélemnites pétries & conglutinées, ôc quelques-unes qui étoient entières dans différentes parties. Il y a donc des roches de marbre & de pierre calcaire, formées de coquilles , de fragments, oc de poudre qui fert à les unir , qui fe résolvent en terre calcaire, fertile, fans rien con-ferver qui annonce qu'elles aient été coquilles. On en infère qu'il y a eu nécessairement des coquilles diffoutes en poudre calcaire, pour remplir celles qui font entières & pleines de cette matière ; ôc comme , dans ces coquilles , on voit le fable mêlé avec quelques pétrifications graineufes , cryftallines ôc colorées , ou teintes de rouge, qui font fufceptibles d'un poli admirable , en vertu du fer qu'elles contiennent, il eft également néceflaire que le fer &de fable fe foient introduits dans ces coquilles, avec la poudre de ces mêmes coquilles, après avoir été diffouts par l'eau de la mer , ou bien que ce fer Se ce fable foient engendrés par quelques opérations intérieures de la nature. Si toutes les pierres ôc" les terres calcaires fe font formées des débris de coquilles , comme beaucoup de perfonnes le penfent, il s'enfuit que la plus grande partie des montagnes les plus élevées, des collines , des plaines, la pierre à plâtre, le filex, la craie, l'agate ôc la cornaline, font des productions du règne animal. Quelle étrange transformation ! quelle prodi-&ieufe convçrfion ! de l'Espagne. i0ç À une demi - lieue de Molina, du côté oii eft ntuée la mine de la Platille , il y a un ravin d'environ cent-cinquante pieds de profondeur % ©C de vingt a quarante pieds de large , formé dans une montagne de rochers de fable rouge , qui pofent fur des bancs de quartz arrondis , conglutinés avec du fable. On y trouve des ouvertures perpendiculaires qui divifent toutes les roches ; mais , en les examinant avec foin,' On voit crue les crevafîes , dans les roches de quartz , ie font faites par la décomposition du mairie , bitume ou colle , qui les unirToit : car °n en trouve quelques-uns qui font détachés, Se qui roulent au bas , au milieu du fable qui les retenoit auparavant. Au fond de ce ravin il coule un ruiffeau qui a déjà tellement creufé le coteau, que les eaux de la montagne voiline viennent fe perdre dans fa profondeur. La terre du lit du ruilTeau eft argilleufe, mêlée de fable , Se de quelques pierres qui fe détachent. Enfin , fi on examine les rives du ravin , on remarque que les bancs de grais de l'une correfpondent exactement à ceux de l'autre, & qu'il y a différentes crevafîes qui commencent, qui ont déià pouces de profondeur ôc deux ou trois lignes de large , Si qu'il y en a d'autres qui pénètrent plus avant. Il y en a qui traverfent les rochers juf qu'au tiers , plus ou moins , de leur grolfeur , & d'autres qui les divifent en éclats ; j'appellerai ces dernières crevafîes , féparations , fans avoir égard à leur petiteffe , ou à leur grandeur, ni à la direction qu'elles fuivent. Elles font toutes un effet pur & fimple de la décompofi-tion des roches, félon la plus grande ou la moindre adhéfion ÔC refiftance de la pâte qui les %o6 Histoire Naturelle, Seci ttniffoit, Au milieu de ces ouvertures, on voit le fable, ôc" la terre argilleufe, qui provient de la décompofition du fable ; plufieurs trous de rochers contiennent la même terre que le fond du ravin. Il y croît les mêmes plantes que dans les collines voifines, comme lephlomis,le flce-çhas, le thim, le genévrier , l'herbe de' Saint-Jacques , ôc beaucoup de pins, particulièrement ^ans les grandes crevaffes. Je remarque qu'en me fervant des mots raies Se fentes , ils ne rendent pas toujours exactement ce que je veux dire ; parce que fe rayer Se fe fendre fe dit, par exemple, des briques & de la faïance mal féchée, qui s'ouvrent par la chaleur du four ; du bois verd qui fe retire, èc des ouvertures qui fe font dans les terres argilleufes par la chaleur du foleil. Toutes ces fentes ôc ces crevaffes proviennent de l'évapo-ration de l'eau Se du rétreciffement de la matière : mais les féparations ôc" les divifions des rochers ne font ni des fentes , ni des crevaffes dans ce fens , parce qu'elles procèdent de la décompofition d'une portion de la maffe, 6c de la réfolution de fa fubftance , caufée par le travail ou le mouvement intérieur de la pierre , accélérée uniquement par le froid,par le chaud, Se par l'eau de pluie ou de rivière. Selon cette définition, on n'eft plus furpris de voir, dans ce ravin, des féparations depuis l'épaiffeur d'une ligne jufqu'à dix pieds de large ; car , félon les progrès que fait la décompofition, Se l'état dans lequel elle fe trouve, fa fente efl plus ou moins grande, Le ravin n'efl qu'une grande féparation, Se quand toutes les montagnes d'alentour fe feront décompofées, il refiera une grande plaine de l'Espagne." 207 de terre argilleufe oi fablonneufc : fi par hafard d relîoit au milieu cle cette plaine quelque grand morceau de rocher de deux à trois-cents pieds de haut ; on entendroit alors mille dilTer-tations curieufes fur ce phénomène , & , pour cet effet , on auroit recours à quelqu'un des fyftêmes théoriques de la terre. Selon les uns, ce feroit un volcan : félon d'autres, un tremblement de terre, un renverfement de montagne , la retraite de la mer , le déluge univerfel f °c(que fais-je ?) beaucoup d'autres fuppofitions. Perfonne n'imagineroit, peut-être, que la terre de cette plaine provînt des roches ou d'une montagne ; ni qu'un rocher décompofe par fon mouvement & par fa divifion intérieure peut ne pas occuper la centième partie de l'efpaee Se du volume qu'il occupoit avant la réfolution de fes parties, oc qu'enfin ce pic , que nous hippofons refier au milieu, ne s'efl confervé dans fon entier , que parce qu'il étoit plus dur, & qu'il avoit plus de confiitance. A proprement parler , on ne peut pas dire que les féparations horizontales des rochers forment des couches; on ne peut pas déterminer la direction qu'elles peuvent prendre, ni la matière dont elles font formées, à en juger feulement par la couleur de la pierre 3c de la terre dont elles font compofées , parce que ces modifications font de purs accidents , qui n'ont point de relation avec la fubftance ; il y a des collines ouvertes perpendiculairement jufqu'à plus de deux-cents pieds, dont la maffe eft divine en couches de pierre & de terre de différentes couleurs, comme blanches, grifes, rouges &c io8 Histoire Naturelle, Sec. jaunes , Se qui, depuis le fommet jufqu'au pied • font de pierre ou de terre calcaire. Dans les environs de Molina , il y a plus de cinquante carrières de plâtre. Quelques - unes font fituées fur le fommet des montagnes , Se d'autres au pied. Il y en a cle plus de foixante pieds de profondeur , qui ont plus de trente couches , depuis deux lignes jufqu'à deux pieds d'épaiffeur , qui paroiffent dépofées Se charriées par gradation fuccefïive , félon la couleur Se l'étendue de leurs feuilles ; mais elles n'en forment pas moins une feule maffe identique de gypfe , qui ne varie que par replacement des parties ; comme il arrive dans les marbres dont les veines Se les couleurs difparoifient dans la calcination, comme celles de la pierre à plâtre. Quelques perionnes croiront que les feuilles de marne qu'on trouve fouvent étendues fur la pierre à plâtre font de vraies couches : mais elles fe tromperont. Ces feuilles font placées de cette manière , parce que le temps de leur def-trucHon n'eft point encore arrivé. Par mes expériences avec la marne , je trouvai que c'efl un gypfe imparfait: i°. parce qu'une grande partie en efl indiifoluble par les acides, & n'eft point argilleufe. i°. Parce que le gypfe efl une terre fans un feul grain de fable, Se que les marnes gypfeufes n'en contiennent pas davantage. 3°. Parce qu'on trouve au centre de ces marnes quelques petits morceaux de gypfe ifolés, qut viennent de naître , pour ainfi dire, puifqu'en les brifant on y voit, dans le centre, la marne qui n'eiT pas encore convertie en gypfe ; Se enfin, ce qu'il y a de plus concluant, c'eit que j'ai D Ë L*Ë S F- À G N fi. 209 Yâî trouve de la marne renfermée dans la ca^ vite d'un morceau de gypfe cryftallife ^ fans le moindre indice d'ouverture ni d'entrée dans toute la fuperficie du morceau. A un quart de lieue de Molina,il y a une fontaine qui put comme un œuf pourri, parce cllie fes eaux font imprégnées de foufre & d'alcali. Selon le rapport de ceux qui les ont examinées , ces eaux font de 1$ même nature que celles qui font aux environs de Gibraltar & de Coterets en France : elles font bonnes pour les maladies de la peau. Le terrein des environs du Village eft très-propre à faire le falpêtre, fans le fecours de la bafe alkaline des plantes ; & il y a des portions de terre qui contiennent un lel très-propre à faire de bon falpêtre, par le moyen de la fimple ébullition & cryftallifation , fans qu'il foit néceftaire d'y ajouter d'autres matières. La rivière Gallo , qui pafle par Molina y abonde en truites faumonées, qui pefent depuis line demi-livre jufqu'à quatre livres : à Un quart de lieue du village, il y a, dans la même rivière , une terre blanche, fi nne oc fi délayée par l'eau , qu'elle imbibe de matière calcaire les terres tk. les plantes qu'elle touche , quoique l'eau refte claire & limpide. De la mine de cuivre appelée la Platille. E N partant dé Molina, on paffe par Un bois de pins dont le terrein eft couvert de raifm d'ours ou bulTerolle , dont la déco&ion eft très - efficace pour les maux d'urine & de pierre; ïio Histoire Naturelle, &c. ck: d'afphodele de la grande efpece , dont les cd-clions mangent très-bien les feuilles. En deux heures de marche , vers le Nord-Eft , on arrive à un coteau appelé , de tems immémorial , la Platille : ce coteau partage fes eaux entre le Tage ôc l'Ebre. On remarque dans fon fommet des rochers blanchâtres, non calcaires, nuancés de taches bleues ôc vertes. La traverlée du vallon eif d'une demi - lieue , ôc la defcente des deux côtés eft très-rapide. En y regardant attentivement , on apperçoit que , dans des tems reculés, ce vallon étoit une malle de rocher vitririable , qui, petit à petit, s'eft décompofe en petites pierres, en caillou , en fable ôc en terre , qui » avec la définition des feuilles ôc des racines des plantes , forment le lit de terre, qui aujourd'hui couvre les rochers du coteau. Lamine contient des morceaux de quartz blanc, qui fortent de terre de trente à cinquante pieds, 6i qui font remplis de crevaffes de toutes parts $c dans toutes les directions. Ils forment fur le fommet une efpece de crête , qui fe dégrade ÔC qui fe convertit en fable fin ôc en terre. Pour peu qu'on réfléchiffe , ôc qu'on compare la décompofition de ce quartz avec les phénomènes de fa transformation fous terre, on découvre clairement qu'il s'y forme de nouveaux corps, puif que, dans les galeries de la mine, on ne voit point de fentes perpendiculaires ou horizontales fuivics ; mais on en voit une multitude qui partagent les rochers, fans ordre ni règle quelconque. Chaque portion de pierre eft fubdivifée par mille fentes, dont quelques-unes font fi petites, qu'elles font prefqu'imperceptibles. Lcs'efpaces ou interfaces de ces fentes, font préçifément les points où fe dë l*Espagne. if* forme le minéral de cuivre , qui eft bleu , verd & jaune , mêlé de terre blanche calcaire. La plus grande fente a trois pouces , ôc il y en a d'aufïï Unes que des cheveux. Quelques - unes n'ont qu'une fuperficie , couverte d'une lame bleue ou verte , très-mince. Plufieurs ont une efpece de pellicule, alternativement verte & bleue, de tous les dégrés & de toutes les nuances, depuis le bleu célefte, jufqu'au lapis-lazuli , & depuis le verd-clair jufqu'au verd le plus foncé. Dans quelques parties, l'ouverture de la pierre eft totalement remplie & forme une lame égale à la largeur de l'ouverture ; mais quelle que foitl'épaif-feur de cette lame , on voit toujours qu'elle eft compofée de lames parallèles , minces comme une coquille d'oeuf, que l'eau a placées fuccefïive-ment les unes fur les autres ; ce qui prouve indubitablement que c'eft une mine charriée,formée par la décompofition des rochers voifins, la re-compofition Ôc l'humidité. Les lames ou les plaques du métal fe corn» pofent de différentes feuilles, que j'appelle primitives , ôc quelques-unes de ces feuilles primitives font toutes parfemées de granités liffes , ronds, creux, qu'on ne peut diftinguer qu'avec la loupe. A mon avis, ce font des ampoules que l'air fit au moment de fortir, quand le rocher fe décompofa, ôc lorique la barre du métal fe forma. Ces ampoules impriment leur forme dans les lames qui font placées en haut, ôc forment ces beaux grains ou pointes bleues , qui ont des ondes variées dans les lames concentriques , d'oii réfulte 1? -beauté des couleurs de la pierre , quand on lui donne le poli , beauté telle, qu'il n'y a point dp pierres orientales qui la furpafient, quelque viveg. Oij iix Histoire Naturelle, Sec. que foient leurs couleurs, & qui puffent entrer efl concurrence avec cette pierre pour faire des boîtes & des bijoux , fi la dureté répondoit à la riche variété de fes nuances. Une plaqaie d'une ligne d'épaiffeur , que j'ai examinée , etoit compofée de vingt-trois lames ou feuilles. La terre calcaire blanche fe forme de la bave du cuivre, dans le moment de la décompofition , Se la fuit toujours, en couvrant la mine dans le verd, dans le bleu ôc dans le jaune ; & quand cette terre abonde, alors la mine verte eft très-pâle. En caftant un morceau de la mine , on voit, dans le centre, des fentes pleines de matière verte ou bleue ; ôc s'il y a quelque cavité , on y voit de petits cryftaux bleus,comme des morceaux de faphirs, d'autres verds comme des émeraudes , oc de véritables cryftaux de roche bleus ôc verds. Néanmoins ce ne font ni des faphirs ni des émeraudes ; car ces deux pierres fe diffolvent avec les acides , ainfi que les parties colorantes , vertes oc bleues, de cryftal de roche; & les pierres de cette mine ne fe diffolvent pas. Je brifai un de ces cryftaux, renfermé dans le creux d'un rocher folide au dehors. Il étoit, dans le centre,verd comme une émeraude, fans avoir la moindre fente apparente à l'extérieur. En le mettant dans un acide, toute la matière verte y tomba en diffolution : le cryftal refta fain 6c net, mais avec un vuide dans le centre. Pour expliquer la formation de ce cryftal, il faut fuppofer Sue le cuivre ôc la terre calcaire s'étoient formés e la décompofition de la même roche par quelque travail interne, ôc" que la partie calcaire avoit minéralifé le cuivre, Se couvert fes atomes de de l'Espagne. 113 toutes parts, fans la participation d'aucun acide, ni d'alkali fixe ou volatil, ni de foufre ou d'ar-*puc ; car la matière calcinée ne donne pas de fumée quand on la fait bouillir , ne donne ni °deur ni goût vitriolique , 6c quoiqu'elle foit expofée à l'air pendant plufieurs années , elle ne *e décompofe point, elle ne prend point de goût & elle ne change point de couleur. Quand je trouve de la terre calcaire , renfermée dans des cavités ou fentes de rocher fo-lide , qu'une portion de cette terre efl mêlée avec le minéral, taudis que l'autre lui fert de bafe, & qu'aux environs il n'y a point de terre femblable , je conclus que la terre calcaire s'efl formée par la décompofition de la roche dans laquelle elle fe trouve. Il en efl de même quand on trouve des quartz unis avec le rocher ; car, en les caffant, on apperçoit , lorfqu'ils font à moitié brilés , de l'argille au centre de la pierre. On voit aufîi dans les excavations de cette mine différentes flala&ites, qui, en les confidérant avec attention , démontrent l'origine 6c la formation journalière du cuivre 6c la décompofition du rocher. On voit, dis-je , évidemment, que le minéral commence par être diffout 6c fluide, ou, au moins , par être dans un état de mucilage, parce que les ondes démontrent qu'il couloit ou fluoit lentement ; mais quand l'eau des pluies pénètre par les crevaffes 6c rencontre cette efpece de bave métallique avant qu'elle fe foit léchée 6c qu'elle ait pris affez de confiilance, elle l'emporte 6c la charrie, jufqu'à ce qu'elle parvienne à quelque fente ou cavité , où elle la dépofe goutte à g°utte , 6c forme les flalattites ; quelquefois , comme un petit tuyau creufé par Pair , qui ren- U4 Histoire Naturelle, ôcc ferme quelques globules ; ou , plus ordinairement , folide par la vifcofité de la matière. L'analyfe m'a fait voir que les ff alacrités , qui font du verd le plus parfait, contiennent fut huitièmes de cuivre pur 6c deux parties de terre calcaire par once. Elles font dures , liïTes , fans gout, fans odeur , 6c elles ne fe décompofent ni à l'air ni dans l'eau bouillante. Les pierres vertes -, bleues ôc jaunes de cette mine font, par un effet contraire à celui des fta-la£tites, diifolubles dans tous les acides, quelque fluides qu'ils puiffent être. Il faut obier ver que je n'appelle pas cryftal de roche ces pierres bleues ou vertes, parce qu'elles n'en font point, quoiqu'elles le paroiffent, comme on le voit par ces expériences. Je ne dis pas non plus que la pierre verte foit malachite, parce qu'on n'a pas encore décidé fi la malachite eft une pierre verte vitri-fiable. Da ^s les ouvertures que forme la décompofition des rochers, il y a beaucoup d'argille cendré 6c d'are'lie jaune , fur-tout où il y a plus de minéral. Il paroît que ces argilles précèdent la formation de la terre calcaire, blanche ôc jaune, dont la quantité eft toujours égale à celle du cuivre ; de forte que fi le cuivre abonde , on trouve beaucoup de terre calcaire ; de même que s'il n'y eft qu'en petite quantité 5 il y a également pen de terre calcaire. La terre jaune me trompa d'abord: je croyois que fon mélange avec le bleu formoit la terre verte ; d'autant plus que je me reffouvenois que les Teinturiers compofent la couleur verte en mêlant le bleu avec le jaune ; que la caufe phyfique du verd de la feuille des arbres, procède du m&- de l'Espagne. 215 ïange de ces deux couleurs, & qu'enfin il y a beaucoup de plantes, comme l'indigo , dont le fuc fe détruit par la fermentation , ôc dont la couleur bleue relie dans le marc. Je dis que je me trompai dans ce jugement, parce que la mine bleue ne fe mêle point avec la mine verte , Se parce qu'elles font d'une nature très - diftincte ; car, ayant fait différentes expériences, je trouvai que le bleu de cette mine contient un peu d'arsenic , d'argent & de cuivre , & que le réiultaî de w fonte compofé une efpece de métal de cloché; au-lieu que la mine verte ne contient pas le moindre atome d'arfénic, & que le cuivre fe mi-néralife avec la terre calcaire blanche , fans qu'il y exille la plus petite partie de fer. Cette mine de la Platille , étant une mine de tranfport, ne peut avoir une grande prfondeur; aufii n'eft-elle qu'en couches. Si les Mineurs vou-loient creufer plus bas, ils feroient trompés dans leur attente ; car , quand ils trouveroient quelques liions minces qui plongeaffent, & qui pourroient être riches dans deux-mille ans, on ne trouveroit pas aujourd'hui une quantité fuflifante de métal pour s'indemnifer des frais d'exploitation , au-delà de quarante pieds de profondeur. Les Romains exploitèrent la mine d'un coteau qui n'eft pas éloigné d'une demi - lieue de la Platille , 6c comme on fait qu'ils fe guidoient par les marques extérieures , pour chercher 6c pour exploiter les mines, on en infère qu'ils ne virent point les couleurs vertes 6c bleues de la Platille ^ parce qu'ils ne l'auroient pas laiffé intacte , tant Pour le cuivre, dont ils faifoient un grand ufage, que pour ces deux couleurs très-eftimées à Rome, parce qu'elles étoient inaltérables à l'air & à l'eau^ %i6 Histoire Naturelle, Scci ôc que leurs Peintres en faifoient grand cas.J'efl infère , que ces indices de verd ôc de bleu ne fe font montrés que depuis ce tems-là , par la décompofition des rochers, &C que ce qui en eft rcfté fans fe décompofer, confifte dans les pierres détachées, le fable , le caillou Ôc la terre, qui couvrent la montagne^ les eaux Ôç les vents ayant enlevé le refte. Siles rochers ne fe décompofoient pas journellement pour remplacer la terre , le fable , ôcc, que les eaux ÔC les vents emportent, toutes les montagnes feroient pelées comme le font effectivement celles qui font très-efcarpées, qui fe décompofent lentement , Ôc qui ne font point fituées dans des pays où l'humidité confiante produit de la mouffe , dont les racines pourries forment une couche de terre végétale. Les hommes labourent Ôc remuent la terre ; ils pratiquent des canaux ôc des puits ; ils élèvent des maifons ; ils conftruifent des chemins ; ils creufent des caves ; ils élèvent des animaux do-meftiques. De ces travaux & de beaucoup d'autres objets, il réfulte une infinité de combinaifons & de corps nouveaux, qui dépendent abfolument de ces circonftances, & fans lefquelles ils n'exif-teroient pas. On voit effectivement que ces corps ne font produits ni dans les terres vierges des montagnes inhabitées, ni dans les plaines où on n'élève point d'animaux domeftiques. Par exemple , dans les terres labourées, dans les jardins ÔC dans les campagnes de Moljna , on voit croître la denteîaire , la petite, fcrophulaire, la fcorfonaire, l'épine-.vinette , deux phlomis, dont un à feuilles de fauge, Ôc l'autre à fleur jaune ÔC velue ; le ricin ou noifette purgative , qu'on appelle com-r rnunçirient médiçinier d'Efpagne , la pafferage ^ de l'Espagne. ii? l'Héliotrope, la juiquiame , la rue tauvâge, t'ar-roche puante, la morelle des boutiques, l'aigre-moine , le trèfle odorant, le ci lie à feuilles de romarin, le baguenaudier, la jacobçe blanche, dont les racines', broyées avec un peu d'huile, conflltuent cette glu propre à attrapper des oifeaux, le pavot cornu, à fleur bleue ou jaune, Sec, Si , fur la montagne la plus élevée & la moins habitée , on confirait une chaumière , &: qu'on y cultive un jardin , on verra dans peu de tems quelques-unes de ces plantes , dont les fe-mences auront été apportées par l'effet du hafard, Quelques perfonnes croient qu'on ne trouve des mines que dans les montagnes llériles; mais c'eft une erreur, & la Platille feule prouve le contraire ; car , quoiqu'on y trouve le métal à très-peu de profondeur, la terre efl couverte de plantes. Nous avons vu qu'il en étoit de même à Almaden, oîi, dans l'enceinte même des fourneaux, il croît plus de quarante efpèces de plantes au milieu des vapeurs fulphureufes , de la même manière qu'elles croiflent dans d'autres terreins qui ne contiennent point cle mines. Quoique les filons de la Platille foient arfénicaux, & qu'ils ne foient pas couverts de plus d'un pied de terre , on y trouve des arbufles & des herbes , tels que l'yeufe , le rouvre , l'épine blanche, le genévrier, le cille , l'églantier , le phlomis , le ftœchas , la faime , le romarin , l'hélianthème , la pimpre-nelle ,1e Hachis, l'afphodele, la coronille, la campanule , la jacobée blanche, le gladiolus , le pavot cornu, la marguerite , l'orchis, l'ornithogalon ou la jacinte mufquée, le polygala, & plus de trente ctyèçes çncore qui croiflent dans les bleds, dans aiS Histoire Naturelle,&c. les près, clans les chemins, tk fur les bords de M mer. Le niveau de la terre eh1 auffi couvert de petites herbes, comme par-tout ailleurs ; elles fervent à nourrir les troupeaux qu'on élève , qu'on fait paître dans le territoire de Molina. Les mines de Sainte - Marie en France font couvertes , clans quelques parties , d'yeufes , de pins, de poiriers , de pruniers , de pommiers, de cerifiers, & d'autres arbres à fruit. Dans d'autres , il y croît des herbes propres aux pâturages , tk on laboure une portion des terres , qui produit du bled. Toutes ces productions croiflent dans un fol de deux pieds cle terre tout au plus, qui couvre les rochers arfénicaux & fulfureux des mines d'argent , de cuivre tk de plomb de l'Europe, tk plufieurs riions font même à découvert tk hors de terre. La mine de Clauflhal de Hartz - Hanovre eft contenue dans du grais. La Dorothée, la Caroline, &c. contiennent de l'argent , du plomb , du cuivre , du foufre tk de l'arfenic ; tk , malgré tout, les prés abondent fur ces mines tk fur quelques filons qui s'étendent vers le village. J'y vis un jour paître neuf-cents vaches Ôccent-foixante-dix chevaux , qui n'ont point en hiver d'autres pâturages que l'herbe cle ces mêmes prairies , fi abondantes,à la vérité, qu'elles lè/auchent en Juin & en Septembre. Les plantes que ces prés produifent font à l'infini ; mais je ne ferai mention que des principales , qui font la valériane , le caille-lait, la coronille , la marguerite jaune ou blanche, la penfée, la biftorte , le bon Henri, le mille-pertuis , l'aigremoine, le pas-d'ânè, &c. J'ai vu la mine de Freyberg , en Saxe, couverte d'orge au mois de Juin. Elle offroit alors de l'Espagne. 219 lln fpecracle très - curieux pour un étranger, qui Voyoit une multitude de Moîffonneurs travailler jùt la tête de plus de mille Mineurs occupés, fous la même terre, à faire fauter avec de la poudre des morceaux de roche , remplis d'ariénic ôt de foufre. Il eft cependant vrai qu'on trouve des mines dans plufieurs montagnes pelées ôc flériles ; mais leur ftérilité ne provient point des vapeurs mi-orales , mais d'autres caufes abfolument difTé-rei)tes, Ôc principalement de ce que l'humielité, la chaleur Ôc le froid agiffent avec plus d'efficacité fur certains rochers, que fur d'autres , pour Jes décompofer ôc pour les convertir en terres. C'eft le cas oii fe trouve la grande montagne de Ramelsberg, au pied de laquelle eft fituée la ville Impériale de Goflar. Il y a plus de neuf-cents ans que fes habitants vivent du produit de la mine de cette montagne pelée, au fommet de laquelle je remarquai des millions de fentes, depuis l'é- {>aifTeur d'un cheveu , jufqu'à un demi-pied de arge. Dans quelques endroits les rochers commencent à fe décompofer, comme le prouvent des pierres détachées, qui'fe convertiffent peu-à-peu en terre, qui produit de la moufle, un peu d'herbe , & quelques plantes. En un mot, le tems de la décompofition de la montagne de Ramelsberg n'eft pas encore arrivé; mais, félon mon opinion, il arrivera bientôt, ôc la montagne fera quelque jour auffi couverte d'herbe que celle de Claufthal l'eft aujourd'hui. 'no Histoire Naturelle, Sec. De la fource du Tage. E n partant cle Molina d'Aragon , vers le couchant , on paffe par des montagnes de rochers calcaires , qui, pendant deux lieues feulement, font remplis des mêmes pétrifications que nous avons décrites : dans îatroifième lieue il y a une fontaine d'eau falée où Molina s'approvifionne: on paffe aufîi-tôt par un bois de pins , fourré de buis & d'épines , & en montant continuellement, on arrive au village de Peralejos , fitué au bord du Tage. Le premier O&obre ce fleuve avoit, dans cet endroit, quinze pas de large & un pied de profondeur. On retrouve des pétrifications dans ce village. Le Tage paffe par une gorge , qu'il s'efl pratiquée lui-même entre deux montagnes de marbre coupées perpendiculairement , d'environ quatre-cents pieds d'élévation. Chaque montagne forme une maffe folide de pierre , fans aucune fente perpendiculaire ni horizontale , li on en excepte quelques ruptures , caufées par les blocs énormes qui fe détachent du haut, & qui tombent dans le fleuve. Du côté du Midi, les portions de rocher qui tombent, fe décompofent en terre parfaite, & comme l'eau filtre fuffifamment pour l'arrofer, elle efl très-fertile & produit beaucoup de p-lantes, parmi lefquelles on remarque le nerprun, le petit cornouiller, le forbierle lonicère, l'herbe de Saint-Chriftophe , l'eupatoire, la pim»-prenelle, & la graffette, qui fuinte un peu d'eau. Le côté du Nord eft nud , fans bois , fans humidité , fans terre, fans mouffe & fans plantes. C'eft un énorme rocher calcaire pofé fur de la de l'Espagne. 22* pierre blanche non calcaire, dont une très-grande partie fe décompofe peu-à-peu en caillou. Cette Pierre blanche pofe fur une autre couche de mar-bre, mêlé de gypfe blanc , avec des veines rouges •Ç des figures ou taches prifmatiques ôc étoilées. . La Sierra-Blanca eft iituée à trois-quarts de lieue de Peralejos, vers le Midi. C'eft une colline ifolée & la plus élevée de ces cantons : fon fommet eft couronné par des rocs calcaires : fa maffe eft de pierre blanche non calcaire, qui fe décompofe. On y trouve quelques filons de jais imparfait, d'un doigt d'épaiïïeur , des pyrites tendres, graineufes, de la couleur & de la faveur de celles qui fe rencontrent dans les argilles de Paris. Ces filons de bois bitumineux ont quelquefois jufqu'à un pied d'épaiffeur. J'en examinai particulièrement un qui avoit une direction un peu inclinée , ôc qui contenoit des morceaux de Jais, gros comme la tête, ck d'autres plus petits ; mais tous ces morceaux étoient accompagnés de Pyrites vitrioliques femées de jais dans les interfti-cesÔcdans la fubftance même. On voit ici clairement que ce jais n'eft autre chofe que du bois ; car on en trouve des morceaux avec l'écorce, nœuds, les fibres , ôc des portions qui démontrent fa nature Ugneufe , peu altérée, mêlées avec celles qui compofent déjà le jais véritable ôc dur. Ce que l'on remarque encore ici de plusmer-Veilleux , font quelques veines de mine de plomb 5lû fui vent les directions directes ou brifees des ^ntes du bois. Il y a d'autres veines de plomb 5ui traverfent directement les fibres de ce bois ; d'autres qui le traverfent horizontalement, ôc ^'Çiues petits morceaux de métal qui font en-Çaiffés dans la fubftance du même bois. En un an Histoire Naturelle, Sec, mot, on y voit en petit, & comme en migna-ture , les quatre ordres principaux eus mines ; le iilon régulier perpendiculaire , le filon qui traverfe, la mine en couche, Se la mine en morceaux. Ces mines de plomb parodient plus fingulières » quand on conf:dèrev ia manière avec laquelle le métal s'eft introduit dans le bois ; car on ne peut pas dire qu'étant fluide, il a pénétré par fes pores ou interftices , puifqu'on trouve des morceaux de bois , dans lefquels on ne découvre pas le moindre veftige de plomb à l'extérieur , Se qu'il fuffit de fendre pour rencontrer une portion de ce. minéral, qui n'a pu s'y introduire que quand la feve de l'arbre formoitle bois. Les payfans des villages circonvoifms brûlent ce jais, Se du plomb qui en coule , ils font de la grenaille pour tire? le gibier , dont le pays abonde. La fource du Tage eft à une lieue de Sierra-Blanca, dans le pays le plus élevé de l'Efpagne» puifque les eaux de ce fleuve vont fe perdre dans l'Océan , Se que celles du Guadalviar , dont la fource n'eft pas éloignée , fe perdent dans la Mej diterranée. A une lieue Se demie , on rencontre la plaine du Tage : c'eft une petite vallée , formée par le fleuve , qui fort d'une fource abondante appelée la fontaine d'Abrega. Ce ruiffeau ( car il ne mérite point ici d'autre nom ) ferpente tellement dans cet endroit, que dans uns demi' lieue on eft obligé de le traverfer quatre fois : il fournit d'excellentes truites. Beaucoup de personnes croient que le Tage prend fa fource dans la fontaine Garcia, qui eft à cinq lieues plus haut ; mais je puis afliirer le contraire. La fontaiue Garcia eft une petite fource, que je couvris avec mon chapeau , qui fe réduit à un filet d'eau de l'Espagne. 113 contenu dans le tronc d'un arbre creux pôle dans terre pour recevoir l'eau d'une petite marre de trois pas de large, qui de-là va fe perdre totalement dans la vallée voifme , en forte que pas une feule goutte de cette fontaine ne parvient au Tage. .... A une demi-lieue de la fontaine Garcia , il y a un courant d'eau falée , où fe fourniilent de lel Albaracin oc dix-huit villages de fa JurifdicYton. Tout ce pays, jufqu'à la véritable fource du Tage, forme une plaine élevée 6c un peu inégale , couverte d'herbes 6c de broulTailles qui y attirent une grande quantité de merles. Elle eft auffi remplie de grands cèdres , qui produifent des baves , comme le genévrier de la grande efpece. Si les gens du pays laiffoient croître l'herbe , & la lavoient faucher dans le tems pour s'en fervir dans l*hiver, ils pourroient élever beaucoup de vaches oc de juments ; car le terrein produiroit alors les mêmes plantes que produifent les environs de la fource de l'Ebre. Le grofeiller épineux elt commun dans ces deux terreins froids, où la neige fe conferve jufqu'aumois de Juin. Tout ce pays , qu'on appelle la Sierra , eft une cordiliere de montagnes, pleine de mille fingula-rités. Depuis Cuenca, oïl l'on rencontre de grandes cornes d'Ammon (6a) jufqu'à Peralejos , on trouve de tems en tems différentes pétrifications, quelquefois dans les rochers , 6c d'autres fois dans la terre. Si la mer les y dépofa , comme on ne peut en douter, il cil bien difficile d'expliquer (60) Les cornes d'Àmmon font des coquilles fofliles, tories comme des cornes de mouton : on ne onnoît point d'animal vivant anal^ue a cette efpece de pétrification. 214 Histoire Naturelle, &c. comment ce phénomène a pu arriver dans l'en-' droit le plus élevé de l'Efpagnc. Singulier dépôt d'os humains & d'animaux domcjiiques à Concud en Aragon. C o n c u d eft un village iltué à une lieue de Teruel. Il eft bâti fur une colline de rocher calcaire , devenu aujourd'hui terre dure, & con-fervant encore fi bien les fentes tk les féparations des couches de rocher , que, quoique le terrein foit actuellement fort inégal, on voit qu'il a été précédemment compofé de rochers , que les pluies ont minés petit à petit, tk ont décompofés plus ou moins , félon leur dureté tk leur réfif-tance. En fortant du village, du côté du Nord, on monte & on defcend trois petites collines y après lefquelles on parvient à celle de Cueva-Rubia, ainfi nommée par rapport à une efpece de terre rouge que les eaux d'un ravin ont découverte. Ce ravin a environ deux-cents pas de long, trente de large tk quatre - vingts de profondeur. Le fommet de la colline qui borde le ravin eft compofé d'un rocher calcaire gris , plus ou moins dur , tk clifpofé en couches de deux tk trois pieds d'épaiffeur. Il efl rempli de coquilles terreftres tk fhiviatiles, comme de petits limaçons , de buccins , tkc. qui paroiflent feulement être calcinés. On trouve aufîi dans le centre des mêmes rochers beaucoup d'os de bœuf , de dents de cheval tk d'ânes , aiufi que d'autres petits os d'animaux domeftiques plus petits. Plufieurs de ces os fe çonfervent comme ceux des cimetières i d'autres font d e l*E S P a g n e. îiç font calcinés (61). Quelques-uns fe trouvent Solides 6c d'autres s'en vont en poudre. On trouve des jambes ÔC des cuiifes d'homme tk de femme, dont les cavités font remplies de matière cryftal-lirie. Il y a des cornes de bœuf, mêlées avec des cuiifes & avec d'autres os de différentes articulations. Il y en a de blancs, de jaunes & de noirs, tous mêlés ôc placés de manière que, dans quelques endroits , on remarque fept ou huit jambes °u os d'hommes , rafiemblés fans ordre. Ordinairement ces os le rencontrent dans une couche de rocher , de trois pi^ds d'épaiffeur , "decompofée ôc prefque convertie en terre, mais furmontée par une autre couche de pierre dure qui fert de couverture à la colline , tk qui peut avoir de quinze à vingt pieds d'épaiffeur. La couche qui contient les os eft affife fur une grande malTe de terre rouffe , accompagnée de quelques pierres rondes .calcaires, conglutinées avec du fable rouge , de manière qu'elles forment une brèche dure. Cette maffe fe trouve également dans 1 le fond du ravin, tandis que les collines des environs font compofées de gypfe blanc. De l'autre côté du même ravin, on trouve, dans le point oii il commence, une caverne noircie par la fumée du feu qu'y font les Bergers , où on rencontre des os dans une couche de terre dure qui a plus de foixante pieds d'élévation , tk qui eft couverte de différentes couches de rocher - (62) Calciner, eft convertir en chaux la matière cal-eaire. Comme les hommes ne peuvent faire cette opération que par le moyen du feu, on l'entend communément ainfi, quand on parle de calciner. Mais la nature calcine fans feu vifible , & par des moyens qui ne font pas bis* faciles à comprendre. aï(î Histoire Naturelle, Sec. qui correfpondent, feuille pour feuille , avec" celles cle l'autre bord du ravin, en forte qu'on ne peut pas douter que la partie que le ravin a creulée ne réunît les malTes des bords du ravin & ne contînt la même matière. La chaîne de collines, qui dans cet endroit eft à cinq lieues d'Albaracin , & à huit lieues de la fource du Tage , produit l'arrête-bœuf, deux efpèces d'abfynthe, deux de fantoline , de l'au-rône , du fteechas, de la lavande , du thim , de la fauge, le chardon roland, ô£c. 6c dans quelque partie qu'on crqpfe , on rencontre des os 6c de$ coquilles terreftres & fluviatiles, en forme de morceaux de roche dure, de quatre pieds de large fur huit de long. J'ai vu des os encaiffés dans le centre d'un de ces morceaux , dont le grain étoit fi dur 6c fi liffe, qu'on pouvoit le polir comme le meilleur marbre. A une portée de fuiîl du ravin , on remarque une colline formée par des rochers qui fe décompofent peu-à-peu ô£ qui fe convertiffent en terre. On y trouve quelques os 6c une très-grande quantité de dents à un ou deux pieds de profondeur , 6t pas plus avant. Dans quelques pierres , on rencontre des os , dont la fubftance offeufe, fi on peut ainfî s'exprimer, eft entièrement détruite ; il n'y refte plus que la figure du même os transformé eii pierre dure , de même qu'on remarque les coquilles pétrifiées dans les noyaux ( 6i ), c'efl-à-dire dans la matière où on les trouve. ( 62, ) On appelle moldi: en Efpagnol , ce que nous appelions noyaux , c'eft-à dire , cette terre endurcie oïl cette pierre qui remplir & qui enveloppe la coquille fof-fde, & qui , parce qu'elle étoit dans ^n état de molleffe on dé difTolution , quanti elle enveloppoit la coquille , prend fa figure en dedans & en dehors, comme m moule» DE L'ESPAGKÈ. il? Quand on rencontre ces os dans des rochers durs, ôc" avec de fi grandes variétés dans les dégradations ou convenions de ces rochers en jerre de différentes efpèces , de diverfes couleurs, ôc difpofée par couches régulières, ôc" dans un certain ordre , on reconnoît clairement le travail & le mouvement interne de la matière ôcT la décompofition ou la recompofition des rochers» aufîi les collines ne font-elles réellement com-pofées que de deux lits ou bancs , dont l'un efl de pierre calcaire divifée en différentes couches , l'autre de pierre rouge compofée de petites Pierres rondes , amalgamées avec du fable Ôc de la terre calcaire. Il n'y a point de coquilles ni d'os dans cette dernière partie, parce que la première les contient. Les différentes couleurs que l'on y remarque font même le pur effet du hafard. îl eft tout auffi merveilleux de rencontrer des Coquilles non-pétrifiées, que de rencontrer, aux environs de Teruel des pétrifications ou des moules de coquilles ; mais, ce qui me furprend davantage, c'efl de trouver des rochers pref-qu'entièrement compofés de coquilles terreftres ôc fîuviatiles, mêlées ôc retournées confufément avec de petits os , dans un banc mince de terre noirâtre, quelquefois à plus de cinquante pieds de profondeur fous d'autres bancs de rocher, ôc de ne point rencontrer ces os ni plus haut ni plus bas. On m'alîura avoir découvert à Conciid un %iélette entier ; mais j'en doute , parce que , Quoiqu'on y trouve une aile?, grande quantité d'os bien confervés &c blancs , je n'ai pas remarqué le moindre indice de rapport des uns aux n8 Histoire Naturelle , 6cc. autres dans cet immenfe charnier. Il eft très-probable que ces os fe font fép ares de leur* Squelettes par quelques accidents difficiles à deviner , félon leur difpofition actuelle. Il paroît qu'ils ont flotté dans l'eau ou dans la boue. On apperçoit clairement qu'il y en a quelques-uns qui ont coulé horizontalement depuis trente jufqu'à foixante pieds, 6c cette obfervation détruit toute idée de tremblement de terre. D'autres font reftés à un ou deux pieds de la furface de la terre, dans une couche de boue , qui s'eft endurcie par l'effet de l'air. D'autres font reftes fur la même fuperficie , 6c fe font endurcis 6c convertis en pierre de chaux ordinaire.Enfin,beaucoup de fragments d'os, ôc de coquilles rompues ôc entières, mêlés avec la boue , fe font féchés , 6c compofent aujourd'hui la partie la plus considérable du rocher» Un fait dont je me fuis afturé , c'eft que toutes les roches de ces petites collines , à plufieurs lieues à la ronde, font très-fuperficielles, ôc que, fous leur enveloppe , tout eft terre molle ou dure, gypfe ôc pierres rondes amalgamées. Ce fait explique la raifon pour laquelle les eaux ont pu former auffi facilement un grand ravin , Se autant de petites collines plates ôc égales qu'on en trouve à Concud. Il eft vraifemblable cependant que ces terres ne furent pas anciennement aufti molles qu'elles le font aujourd'hui ; car, autrement , les eaux y auroient fait un plus grand dégât ; puisqu'il eft vrai qu'actuellement leurs ravages font fi con-fidérables , que des hommes exiftants fe fou-viennent des progrès énormes de quelques ravins, ÔC du commencement de quelques autres, qui aujourd'hui font encore peu de chofe, mais qui de l'Espagne. 2if sûrement feront un jour très - confidérables ôc ^ès-profonds. S- . ■ ■ 1 3 DES PLANT E S en général. là e peu d'inftruction, en général ; les découvertes tardives Ôc les progrès lents des Sciences & des Arts inconnus dans les fiècles de barbarie s prouvent évidemment ce qu'il en coûte à l'entendement humain pour fortir de fon ignorance , Ôc que c'eft avec bien des peines qu'on parvient, par dégrés, à perfectionner quelque chofe. L'Hiftoire de la Médecine nous apprend que les Babyloniens mettoient leurs malades dans les rues, pour que ceux qui palfoient leur donnalfent quelques herbes curatives, efficaces, ou quelques autres remèdes pour la maladie dont ils étoient attaqués. Si le malade , par exemple, touffoit, le premier Efculape qui paifoit, ordonnoit , pour lui ôter la toux, une herbe qui avoit les feuilles tachetées, un peu plus ou un peu moins, comme les poumons des victimes ÔC des animaux qu'ils mangeoient. Si le malade guérilToit, de quelque Manière que ce fut , l'herSe en acquéroit le nom de pulmonaire. Si un autre malade avoit la jaunifle , on lui ordonnoit une herbe reftèm-klante à la configuration du foie , parce qu'on voyoît, dans les victimes, que cet inteftin contenoit la bile, ôc la plante prenoit le nom d'hépatique. Un homme étoit - il trop affoibli par l'excès des plaifirs fenfuels : à l'inftant on lui °rdonnort une racine de deux bulbes ou oignons, H^i eft notre orchis teôiculata , parce que fa »3° Histoiri Natureile, &c. figure reiTembloit aux parties qui continuent la Virilité. Le malade la prenoit ÔC recouvroit quelquefois fes forces. Après deux-mille ans , nous avons appelé cette plante fatyrionSi au contraire une veftale fupportoit avec impatience les aiguillons de la chair, on fe fervoit d'une grande feuille accompagnée d'une belle fleur blanche , tirées d'une plante aquatique, parce qu'on s'imagi-noit bonnement que la racine de cette fleur emblème de la chafleté , naiffant dans l'eau , * devoit être très-froide ôc devoit calmer le fende la concupifcence : dès-lors on nomma la plante nymphœa aquatica major ( le nénuphar ). Par la même raifon ils traitoient les obitru&ions de la rate avec l'infipide faxifrage dorée ; ÔC comme ils voyoient que cette herbe avoit une couleur dorée ôc jaune, pareille à la bile qui efl dans le foie en face de la rate , ils conçluoient que la même herbe étoit bonne auffi pour les ohltruc-tions du foie. Si un glouton mangeoit au-delà de ce qu'il pouvoit digérer, Ôc de manière à ôter à fon eflomac fon reffort ordinaire, les hommes de ces tems primitifs, qui avoient fait l'épreuve de plufieurs écorces agréables au goût, pen-foient que ces écorces pouvoient être convenables, parce qu'ils voyoient, en les mâchant, qu'elles abforboient l'humidité de la bouche ôc {échoient la langue. D'après ces principes, ils les donnoient aux malades ôc ils les guériltoient ; ÔC par une fuite de cette même analogie , ils em-ployoient les écorces pour endurcir ÔC pour tanner les peaux des animaux. L'anatomie Ôc la botanique étoient entièrement ignorées dans ces tems reculés. Les Sacrificateurs ÔC les Bouchers feulement avoient une foible connoiflariçe, de la be l'Espagne. 131 première , qu'ils puifoient dans la diffection des animaux. Quant à la botanique, les Empyriques n'en iavoient que pour donner ù tâtons des recettes de quelques herbes. Les Grecs méritèrent les premiers le nom d'hommes, par cette fagacité avec laquelle ils illuttrèrent, 6c même, on peut dire, créèrent les fciences 6c les arts ; ils formèrent la botanique ; car Jls nous firent connoître environ fix-cents genres de plantes, qui font encore aujourd'hui à la tête des plantes ufuelles. Les Modernes ont découvert quelques centaines de genres, Se plus de dix mille efpèces, qui, peut-être un jour, feront de quelque utilité pour la fanté , pour les arts , Ou pour le goût : mais aujourd'hui on n'en tire d'autre avantage que celui de les connoître ; car, à l'exception de deux-cents plantes des anciens genres, ôc d'une cinquantaine, dont les nations fauvages ôc ignorantes de l'Amérique nous ont enfeigné les propriétés, ôc qui 1er-vent aujourd'hui à la médecine, toutes les autres font de pure curiofité. Téophrafte , difciple d'Ariftote , elt le premier que nous connoifiions pour avoir écrit un traité curieux fur les plantes. Diofcoride , qui vivoit environ trois - cents ans après, nous lailla un livre très-utile fur la même matière ; ôc le docte ôc élégant Pline, qui vint immédiatement après Diofcoride, décrivit ^ dans W>8 Hifloire, une multitude de plantes, dont nous connoiilbns aujourd'hui une bonne partie , mais dont les autres font douteufes ou inconnues. Il femble que l'honneur d'illuftrer-la botanique étoit réfervé au fiècle palfé, ôc encore plus au nôtre : car , dans ces deux fiècles , les Plus habiles ProfelTeurs l'ont fait fleurir par leur PlY ^3* Histoire Naturelle, Ôcc. veilles ; ils ont claffé ôc réduit en fyltême plus de foixante-mille plantes qu'ils font parvenus à connoître. Leur travail ne peut s'étendre d'avantage , parce que l'expérience de beaucoup de Savants ôc de liècles pourra feule découvrir leurs propriétés, Quelque jour on vérifiera peut-être, dans cette partie, l'ancien adage, qui dit que m nature n'a rien fait en vain. De quelques Plantes d'Efpagne. o M M E je ne fuis pas très-verfé en botanique , ôc que j'écris cet article plufieurs années après avoir fait mon voyage d'Efpagne % je ne pourrai donner qu'un extrait très-fuccindt d'une partie des plantes de cette péninfule, parce que j'ai oublié des noms ôi des efpèces de plantes. Mais on y trouve aujourd'hui d'habiles ProfelTeurs de botanique, capables de perfectionner ce qu'à peine je peux ébaucher. Il eft certain que ni Belloni ni Rauwolf ne citent aucune plante dans les environs de Jérufalem, que je n'aie vue en Efpagne. Le lentifque y eft très-commun. J'ai connu un Apothicaire d'Alicante, très-verfé dans la connoiffance des plantes , qui faifoit bouillir une grande quantité de feuilles de lentifque dans une chaudière d'eau. Il en recueilloit l'écume , la faifoit fécher , Ôc la vendoit fous le nom tens mile ; je crois que c'eft Voliban qui vient du Levant. Le piltachier, qui eft en fi grande abondance dans les environs d'Alep , eft une efpece de téré-binthe $ que l'on nomme communément corniez. de l*E s p a g n e. Ï35 iraf, Cette plante vient fans culture dans tous les pays Méridionaux de l'Efpagne; elle produit un fruit beaucoup plus agréable ÔC beaucoup plits précieux que l'aveline , l'amande 6c la noix. La Jiliqua ou Jiliquajîmm (l'arbre de Judée ou le gainier ) eft très-commun dans le Royaume de Valence : fa fleur eft comme celle des fèves, du genre des fleurs papillonnacées.Quelques-unes de fes fleurs viennent directement du tronc, ôc produifent le fruit dans des coffes. Comme cet arbre abonde aux environs de Jérufaiem , quelques perfonnes croient que c'eft celui où Judas fe pendit, ôc par cette raifon ils l'appellent l'arbre de Judas. L'ananas, dont la belle couronne annonce le roi des fruits, ne fe cultive point en Efpagne ; il eft dommage qu'on ne le voyepas dans un climat aufii homogène à celui qui le produit. Il n'eft pas douteux qu'à Candie, dans le Royaume de Grenade, ÔC dans tous les endroits 011 l'on trouve des cannes à fucre, ce fruit ne vînt naturellement y fans qu'il fût befoin d'étuves ni des autres précautions néceflaires dans les pays froids ( 63 J'en dis autant de l'indigo, que l'on pourroit cultiver dans le même fol, fans lui donner d'autres foins que de le planter* Quant aux plantes qui fervent communément aux Arts ôc aux ufages ordinaires, elles abondent en Efpagne : par exemple , lagaude pour le jaune ; le paftel pour le bleu ; la graine du nerprun pour (63) On a dit que l'Aide du maître Jardinier Paul Boutelou cultive des ananas à Aranjuès , en préfer-vaHt les plantes par des chafiis, au moyçn defquels \% fruit parvient à fa maturité. 34 Histoire Naturelle, ôcc. le jaune & pour le verd ; la garance pour le rouge , & le fumach pour tanner les cuirs. Ce dernier arbre elt très-commun ôc fe cidtive par-tout. J'ai vu dans des champs labourés, entre Barce-lonne ôc Calderas , la marguerite jaune y venir naturellement. Ses grandes fleurs jaunes donnent une belle couleur d'or, comme nous le démontre un Mémoire d'un célèbre Académicien de Paris. La majeure partie des rochers en Efpagne abonde en taches blanches, arrondies ôc unies, que l'on appelle orfeille , qui, étant gratée, fe vendroit auiîi bien en France que celle qui vient des Canaries. Ce lichen , préparé avec de l'urine d'homme putréfiée, ôc un peu de chaux , donne line très - belle couleur entre le poupre ôc le violet. Si les Teinturiers pouvoient fixer cette couleur , l'orfeille feroit une matière très-pré-cieufe ; mais il efl impoffible de fixer l'alkali •volatil de l'urine. Les hommes ont découvert cette teinture , en obfervant que l'urine des chèvres , des daims Ôc des autres animaux qui frimpent fur les rochers , changeoit ces taches lanches en violet, à mefure que la chaleur du foleil pompoit l'humidité. Indépendamment de cette efpece d'orfeille , il y en a une autre en Efpagne , qui % comme je l'ai déjà dit, eft très-commune au Cap de Gâte , ôc qui reffemble à une petite herbe. L'orcanette, qui efl une efpece de bugîoffe, fe trouve aufii en Efpagne. Sa racine infuiée com-munique,fans autre préparât!on,une belle couleur rouge aux huiles extraites fans feu, à la pommade ôc à la cire. Elle la donnera également à .d'autres matières, quand ou faura la préparer. Le pied de veau efl une petite plante , corn» de l'Espagne; %yç nui ne en Efpagne, ôc fur-tout en Bifcaye. Lorf-qu'on la mâche, elle laine une cuiflon ardente dans la bouche ; mais cette mauvaife qualité fe perd entièrement en la lailfant fécher; alors fa racine eft infipide , blanche , falutaire ôc fari-neufe. En la faifant moudre, elle peut fervir, dans des années de difette, à faire du pain, meilleur que la caffave d'Amérique, qui fe fait avec le manioc. La culture du pied de veau eft plus facile que celle du manioc. ta réglilTe eft très-commune dans tous les pays humides Ôc aux bords des rivières. Comme les racines font très-fortes, qu'elles s'étendent beaucoup , ôc qu'elles donnent de la peine aux Laboureurs pour les extirper, fpécialement aux environs d'Alicante, on la regarde comme mauvaife herbe. Cependant, comme ces mêmes racines font agréables ôc douces, elles font eftimées dans le Nord, où l'on fe fert de leur décoction pour otcx la crudité de l'eau, ÔC où l'on eft perfuadé qu'elles font bonnes pour les maux de poitrine. Le moxa qu'on nous apporte de la Chine, Se que l'on prétend être recueilli par les habitans de la fameufe Moxa, eft très-commun dans la Manche ÔC dans d'autres endroits de l'Efpagne. C'eft une matière blanche, femblable au coton en rame , que l'on trouve enveloppée dans les branches de la plante , ôc qui, je crois, provient des piquures de quelqu'inlefte. Quoi qu'il en foit, c'eft un excellent fpécifique pour la goutte; car, en bridant doucement iur la partie enflammée Une mèche de moxa, elle ôte la douleur &c fuf-Pend lès attaques du mal. Les Anglois ôc les Hol-landofc, nous l'apportent de l'Orient, ôc nous igno* r°ns que nous l'avons chez nous dans la Santoline, 136 Histoire Naturelle, &c. Du fruit de Y airelle on fait, par le moyen ordinaire de la fermentation, une efpece de vin que les Montagnards appellent vin de rafpana * du nom donné à cet arbufte dans le pays oii il abonde. En Navarre on l'appelle arandilla : il produit des grains noirs, dont le fuc eft très-îalutaire ôc très-agréable au goût. La gayuba, ou buff&rolte, eft une plante très-commune dans les bois de l'Efpagne. Un pré-déceffeur du fameux Cafimir-Gomez-Ortega dans la chaire de botanique de Madrid, prouve dans fon ouvrage, par plufieurs expériences , que la décoclion de cette plante eft beaucoup plus efficace pour les rétentions d'urine, que celle de la racine de pareira - brava, fi renommée : le même Profeffeur indique huit ou dix noms que l'on donne, dans différentes Provinces, à la bujjerolle. La même variété exifte dans les dénominations de plufieurs autres plantes ; il feroit néceflaire qu'un ouvrage de main de maître fixât leurs dénominations, de manière qu'il n'y eût pas de confufion. Quant à moi, pour ne pas tomber dans cet inconvénient, jeme fuis fervi régulièrement, dans cet ouvrage, des noms feientifiques des plantes, parce que de cette manière les Pro-feffeurs ôc les Amateurs pourront s'y reconnoître ; peu m'importe que les ignorants n'y entendent rien. La pimprenelle eft commune dans tous les Eays, tempérés $ une demi-once de cette plante, ouillie ou infufée avec des purgatifs , leur ôte le goût ôc l'odeur, ÔC ne laiffe à la décoction que celui de l'eau tiède ; de manière que le féné* la cafte, la manne, ôc même la rhubarbe, perdent leur goût défagréable, en confervant. leur* D E L*E S P À G N E. 137 facultés purgatives. Les peuples du Nord mangent de cette herbe dans leur falade. L'afphodele fe trouve dans toutes les Provinces de l'Efpagne, Son tuyau , de la grolfeur d'une plume, coupé par morceaux de cinq à *îx pouces , eft meilleur que quelque bois que ce foit pour polir l'acier travaillé , en y ajoutant un peu de fafran de Mars. J'ai vu à Valence beaucoup de cotonniers, & je ne conçois point pourquoi on ne cultive pas en Efpagne, comme on le faifoit autrefois, cette plante fi utile. L'anis & le cumin viennent abondamment dans la Péninfule. Perfonne n'ignore le goût agréable de la graine de cet anis, qui eft plus doux que celui qui vient de la Chine. La graine du cumin diftipe les vents & les vapeurs de la tête (64). Celle du carvi, qui reffemble à celle du cumin, fe mêle, en Allemagne , où on la nomme fé-rnence de Kimbel, avec les choux-croutes , ou choux aigres. J'ai vu, dans plufieurs endroits de l'Efpagne, du cumin qui vient fans être femé , de même que le fenouil commun, dont la graine refTemble à celle de l'anis commun, Se à celle duféféli de Marfeille ; mais je n'ai jamais vu d'a-nis ni de carvi venir , fans être feme ni cultivé. (64) Du tems d'Horace, on croyoit à Rome que le cumin rendoit blême ; car il dit ( Epit. XIX) que fes itateurs étoient tels , que , fi par hafard il devenoit blûme , ils boiroient de la décoction de cumin pour lui teffembler. D-ecipit exemplar v'tiis imitabïle. Quàd/t P allèrent cafu , biberent exangue cam'mum. O imitawres , ftrvum, pecus l ut mihi Japè £iitm t Japè jocum vejiri mwêrc tumultmi 13$ Histoire Naturelle,etc. On feme, dans les vergers de Valence, beau** coup de luzerne , que les chevaux aiment beaucoup ; ôc comme cette herbe a de la fubftance » & qu'elle dure fort long-temps, fans qu'il foit néceffaire de la lemer de nouveau, les Anglois la cultivent en grande abondance pour leurs troupeaux , ÔC l'appellent treffle d'Efpagne, trifolium Hifpanicum. Sa racine eft fort bonne pour faire de petites broftès pour nétoyer les dents ;'alvfu les Dentiftes la preparent-ils en confequence. Le thérebinte ordinaire eft commun en Efpagne ; un infecte le pique pour y dépofer feS ceufs, & il en réfulte une noix couleur de corail; fk. comme la noix croît, en fe prolongeant, de plus d'un demi-pouce , ÔC en prenant la figure d'une corne de cerf, on appelle ordinairement ce thérebinte cornicabra. Quelques-unes de'fes racines, qui font plus groffes que le tronc, font d'un très - beau bois blanc ôc gris , que l'on tourne ôc que l'on polit. On en fait beaucoup de tabatières qui fe vendent, tant en Efpagne qu'au dehors , ôc qui fe travaillent à Orihuéla. Il y en a fur lesquelles on remarque des animaux, des arbres , ou d'autres fingularités, comme fuf les dendrites ; cette circonftance particulière le9 rend très-curieufes. La plus grande partie des Provinces d'Efpagne, & notamment la Sierra-Moréna , font remplies de l'efpèce de cifte qui produit le labdanum. Cet arbriffeau a les feuilles longues de deux ou trois pouces , étroites, gommeufes, luifantes, 6c toujours vertes. La fleur, qui n'a pas d'odeur , eft compofée de cinq feuilles blanches de la grandeur d'une rofe ordinaire, ôc l'angle de chaque calice a une tache de pourpre qui fymmétrife avec r>e l'Espagne; 139 ks autres. Les vieilles branches diftilent une Matière liquide , que l'ardeur du lbleil épaiiïït & convertit en une fubftance blanche ÔC fucrée cornue un morceau de gomme, de la largeur ôc de * epaiffeur d'un doigt, qui forme la véritable ^anne. Les bergers & les petits enfants en mangent beaucoup. Je crois que la propriété purgative de la manne provient de fa fermentation, que, lorsqu'elle eft fraîche , elle n'a pas cette Vertu ; qu'au contraire , elle efl fort nourrif-&nte (65). Ce qu'il y a de certain, c'eft que la toanne graffe purge beaucoup plus que la manne er* larmes qui n'a pas fermenté. Plus de la moitié de l'Efpagne efl couverte d une efpece de jonc qu'on appelle efparte. On en £ùt des cordes qui ne s'enfoncent pas dans l'eau , & qui ne s'ufent pas contre les pierres, comme celles de chanvre. On en fait encore des nattes °u efpèces de tapis, ôc beaucoup d'autres chofes utiles. J'ai compté jufqu'à quarante-cinq ouvra*» ges d'efparte , qui fervent pour le befoin ou pour la commodité , Ôc qui occupent beaucoup d'ouvriers. Il étoit cependant réfervé à notre fiècle , de filer l'efparte comme le lin ôc le chanvre, Ôc d'en faire des toiles excellentes ô£ très-fines. L'Auteur de cette découverte a reçu accueil le plus favorable, ôc les plus grands té* ^oignages de bonté de Charles III, qui, non c°ntent de protéger les arts ôc les fciences , efl (65) Je me fouvîens d'avoir lu , que les Nègres qui apporrent, de l'intérieur de l'Afrique à la Côte, la gomme Pour la vendre , ne mangent, pendant plufieurs jours 3 que de cette gomme. Voyez les Voyages de M. dcBrue, Par le P. Labat. *4° Hitoire Naturel le ? &c. le premier à encourager tout ce qui peut concourir à l'induftrie 6c au bonheur de fes Sujets. Sa Majefté, en confidération d'une découverte auffi précieufe , a accordé à l'Inventeur les plu* grands privilèges , ôc lui a fait compter, de fort îréfor , une forte fomme d'argent, pour l'aider à établir fes fabriques. La plante que nous nommons pite , eft la feule efpece d'aloës qui croiffe en Europe. Comme fes feuilles font fortes 6c pointues, elle fert à former des haies impénétrables autour des biens de chaque particulier. Il en coûte peu de peine Ôc encore moins de frais pour la planter, puif-qu'il fuftit de placer dans la terre la pointe d'une feuille. On fait que toutes les plantes qui contiennent une certaine quantité de mucilage oU de vifcofité infipide , produifent des liqueurs fortes par la fermentation ; 6c comme il n'y a pas de végétal qui ait autant de mucilage fans goût que l'aloës-pite, on en pourroit extraire beaucoup d'eau-de-vie ; mais en Efpagne, où il y a tant de vin , on n'eft pas obligé de recourir à cet expédient. La pite contient des fibres dont on pourroit profiter ; mais comme ils font très-forts, 6c à moitié tordus dans la plante, on ne peut pas les filer avec la même facilité que le chanvre» néanmoins, l'aloës-pite fert à faire des cordes ôc des rênes , 6c à Barcelonne on en fabrique des blondes. L'opuntia, ou figuier d'inde, eft très-commun dans toute la partie Orientale ôc Méridionale de l'Efpagne , ôc quoique ce foit une plante origi" naire des Indes, il vient par-tout fans culture, juf* eues dans les fentes des rochers où il y a à peine de la terre pour les recevoir. Sa fleur eft de la grandeur. DE L*EsPÀONE. 441 grandeur d'un petit œillet , & beaucoup plus fondante en feuilles , d'un rouge vif oc fans ppines ; mais elles font couvertes d'une quantité de pellicules qui font velues Ôc prefqu'imper-ceptibles. A la fleur fuccède un fruit, femblable à la %ue ordinaire que l'on mange, après en avoir oté l'écorce , tk qui a un goût très-doux tk un peu fade. Ge qu'il y a de plus lingulier, c'efl qu'il rougit l'urine de celui qui en mange. On a découvert par hafard en Angleterre , que les os de Quelques cochons d'un Teinturier qui avoient mangé de la garance , s'étoient teints de rouge. Cette expérience s'eft répétée, ck a été confirmée Par l'Académie des Sciences de Paris. Aufli per-fonne ne doute qu'il n'y ait des corps ôc des aliments qui palPent fans s'altérer tk fans changer dans toute la matière animale, ôc môme à travers les vaiffeaux lymphatiques, ôcqui parviennent à teindre les os. Les figues de l'opuntia font peut-^tre le même effet que la garance. Cette plante ^appelle aufli figuier d'Inde, ou feulement figuier. On a coutume de l'appeler aufli figuier de pelle, à caufe de la configuration de fes feuilles. Son fruit eft connu fous le nom de figue d'Inde. Lapalma major, Ou daùei; vient dans toutes les Provinces méridionales de l'Êfpagne ; mais l'endroit où elle abonde davantage eft à Elche , vdlage du Duché d'Arcos, dans le Royaume de Valence. Il y a un bois où l'on en compte plus de cinquante-mille pieds, ôc les deux tiers paffent cent-vingt pieds d'élévation.Les dates qu'ils produifent font plus groffes que les olives, ôc pendent en grappes de dix à quinze livres : elles ont *e goût moins doux ôc moins fade que les dates de Barbarie, Les Laboureurs enveloppent quel- Q 242 Histoire Naturelle, Sec. ques branches de datier avec de l'elparte, oit d'autres herbes, pour les mettre à l'abri du foleil Ôc de l'air : elles blanchiffent ainfi comme le céleri ou comme le cardon. Ils les vendent enfuite dans toutes les Eglifes d'Efpagne pour les cérémonies du Dimanche des Rameaux. L'efpèce de folanum, que l'on appelle patate, vient Se croît à côté de la belladone , folanum dangereux ou mortel ; ôc les organes des deu* plantes tirent leur nourriture de la même terre ; néanmoins les racines de l'une font un excellent aliment, ôc celles de l'autre font un poifon très-pernicieux. Ce font les Efpagnols qui ont tranf-porté les patates de l'Amérique dans la Galice , d'oii elles fe font enfuite répandues dans toute l'Europe , où elles fervent de nourriture très-falutaire à des millions d'hommes. L'Irlande eft le premier Royaume où elles aient été tranfportées de Galice: elles s'y font tellement multipliçes , qu'elles font devenues, pour ainfi dire, la feule nourriture de fes habitants. Elles font très-abondantes en Andaloufie Ôc dans la Manche -, d'où on vient les apporter à Madrid. Une branche de cette plante , couchée en terre félon fa longueur , fans racine ôc fans graine , produit des patates. Ce phénomène me fait croire que la patate eft une plante polîpeufe. En coupant fes branches aufli-tôt que la fleur elt paffée , la fubftance du fruit reflue dans les racines ôc les rend plus fortes. Les vaches en aiment beaucoup les branches ôc les feuilles , qui contribuent ï augmenter leur lait, ainfi que les Bergers d'Al" lemagne l'ont éprouvé. Dans le Nord, on mêle la farine de ces racines avec celle du bled , par parties égales, ôc l'on en fait un très-bon pain-, be l'Espagne; Mî *[ui efl quinze jours iàns durcir. Enfin , la farine des patates fert à faire de l'amidon ôc de la poudre a poudrer. Les patates de Malaga font d'une autre efpèce , quoiqu'originairement elles viennent de l'Amérique j d'oîi elles ont été apportées par les Efpagnols. Ce font des racines plus grifes ôc plus longues que les autres, ôc elles ont un goût plus doux que les betteraves. Le câprier abonde dans les Provinces de Murcie,' de Valence ôc d'Andaloulie. Ce petit arbufte epineux produit une fleur large, dont le bouton e*l le fruit, qu'on appelle câpre. Lorfqu'on lailTe croître le fruit j ni qu'à k grolfeur d'une olive allongée , il fe remplit de graines, Ôc alors on * appelle groffe câpre. On met ce fruit dans le fel ^ dans le vinaigre, ôc on le vend ordinairement comme les olives. Le règne végétal ne produit pas de meilleurs plante pour faire du charbon , que la bruyère. Le maître d'une forge , qui poffede à fa proximité des racines de cette plante, peut fe regarder coinme très-heureux , parce qu'elle produit un charbon dur, ardent, ôc qui laifTe aller peu-à-Peu fon phlogiftique ou fon principe inflammable* 11 y a en Efpagne des Provinces couvertes de cette plante. Il y a trois fiècles qu'on auroit pris pour un extravagant quelqu'un qui auroit prédit que les Souverains de l'Europe augmenteroient pro-dlgieufementleurs revenus avec quatre plantes de l'Amérique ôc de l'Orient. C'eft cependant l'effet Qu'ont produit le tabac, le cacao , le thé tk le Cafe. Chaque Nation exalte celui de tous ces ob* ^ts qui lui plaît le plus» Ôc dont elle fait plus particulièrement commerce* Selon bien des gten* la Qij 144 Histoire Naturelle, ôcc. tabac en poudre ou à fumer décharge la tête, anime les elprits, Se fert d'aliment à un certain point. D'autres ne, ceffent d'exalter le chocolat Se fes propriétés. Le café a fes partifans , ainfi que le thé. Le fafran a eu le même fort, puifque chaque Nation a prôné le fien , quoiqu'il foit égal par-tout. Les Efpagnols ont toujours regardé le fafran de la Manche , comme le meilleur Se comme un grand préfervatif contre l'infection de l'air. Les François difent que le meilleur fafran eft celui du Gatinois. Les Turcs aftïïrent que celui du Levant l'emporte fur tous les fafrans de l'Univers , & les Anglois, fans rien citer, difent que leur fafran a plus de vertu qu'aucun autre. Pour moi, fans m'arrêter à parler plus long-temps des fafrans étrangers-, je me contenterai de dire , câ celui de la Manche , que fes feuilles font d'un verd clair ; que les femmes Se les petits enfants vont tous les matins en cueillir les fleurs, qui font jaunes Se qui ont un pouce de long ; qu'elles emploient enfuite beaucoup de temps pour tirer les trois filets ou ftigmates , que chaque fleur renferme, Se que ces filets font la feule partis de la plante qui fe vend. Quoique l'on recueille? en général, affez de fafran dans la baffe Manche t la meilleure récolte qui s'en faffe eft du côté de Saint-Clément. Les oignons de la plante relient quatre ou cinq ans dans la terre, Se portent des fleurs tous les ans : après quoi on les change, ôc Ie terrein oit ils ont été plantés eft excellent pour le bled; mais il faut laiffer paffer vingt ans avan{ d'y planter de nouveau du fafran. Le chanvre ôc le lin demanderoient un ouvrage particulier, pour être traités félon l'influence p^ de l'Espagne. 24^ htique qu'ils peuvent avoir pour le commerce d'un Etat, Ôcpour exercer l'induftrie de fes ha-bitans : mais cet objet n'eft pas le principal dont doive s'occuper quelqu'un qui écrit fur Fhiftoire naturelle.. Je dirai feulement, en parlant, que, pour la culture ôc les manufactures du chanvre ôc du Un, il feroit très-à-propos ôc très - avantageux de traduire en Efpagnol les Mémoires, de l'Académie de Dublin, afin de voir comment fe font établies en peu d'années, les fabriques de toile , Sni procurent d'immenfes richelfes à l'Irlande, n'y a point de Province en Efpagne qui ne produite peu ou beaucoup de chanvre ; mais il y a des terreins qui font plus favorables les. uns que les autres à fa culture. Tel eft, par exemple, l'Aragon ; le chanvre y eft d'une qualité fupé-rieure. Je vis, à Carthagène , des cables du chanvre de ce pays, fait par des cordiersEfpagnols, fous la direction du célèbre Don Georges Juan, dent la qualité égaloit celle des. meilleurs cables de toutes les fabriques étrangères.. Perfonne n'ignore que les fibres du lin ôc du chanvre font plus courtes ÔC plus fines dans les pays chauds que dans les pays froids; mais le plus grand nombre ne connoît point le parti que l'induftrie peut tirer de ces matières, quelles, que foient leurs qualités. beau linge de Ruflie, dont on admire la blancheur , eft de chanvre. En Efpagne on a, ou on peut avoir, toutes les matières premières ; mais, d faudroit lavoir en tirer parti, ou faire plus de cas. du travail ôc des lumières de ceux qui. le Savent.. 11 y a , en Efpagne, plufieurs efpèces d'yeufe. «S Catalogne , j'en ai vu une très-finguliere ; à peine avoit-eUe fix pouces de haut, ôc la totalité 146 Histoire Naturelle , &c. de l'arbre arraché ne pelbit que cinq onces. Cependant il portoit cinquante - trois glands gros comme des avelines. Parmi les différentes efpèces d'yeufe, il y en a trois ou quatre qui font les plus utiles. Par exemple, le kermès des Provençaux eft un arbre bas, dont les feuilles épineufes font foiivent pleines de kermès ou d'une efpece de ver connu fous le nom de gal-infefte , qui fert pour la teinture d'incarnat, Se dont les Anciens faifoientle plus grand cas : il en feroit de même encore aujourd'hui, fans l'abondance d'un autre infecte, appelle cochenille , que nous tirons de l'Amérique. Les Apothicaires font encore, avec le kermès, la confection que l'on appelle alker-mès. L'arbre qui produit le kermès s'appelle cofeoka. Le fuber ou chêne verd, dont on tire le liège, eft une autre efpece de chêne dont j'ai déjà parle. Ses glands font amers. Le vrai chêne verd eft un grand arbre branchu, dont le bois eft dur comme l'os. Ses racines font moins dures, Se on peut les tourner. Cette efpece de chêne produit de gros glands , ronds 6c fi doux, qu'on les mange comme des châtaignes. Il y a une autre cfpèce de ce chêne, dont les branches font plus épaiffes, les feuilles plus liftes Se plus luifantes. Les payfans connoiftent les chênes dont les glands font doux, tant à la feuille qu'à la tournure des branches ; mais cette diftinction demande une grande habitude ; car il y en a de femblables qui donnent des glands amers. L'élégant Pline, qui a été Intendant de l'Andaloufie , parle de Yefculus d'Efpagne Se de fes glands. Mais il n'eft pas aifé de deviner aujourerhui quelle eft l'efpèce de chêne qu'il entend par efçulus4 11 l'eft aulfi peu, de l'Espagne. 247 d'indiquer quels étoient les glands que l'on man-geoit dans l'âge d'or , ôc Don QuichotteVen dit rien dans le fameux difcours qu'il tint aux bergers, en chantant les louanges de cet heureux uecle. Plufieurs endroits de l'Efpagne, Se notamment les montagnes Septentrionales, abondent en rouvres excellents pour la conftrucfion des navires. Ce font le qucrcus ou rokur des Latins : ils ont Une feuille large , découpée à l'extrémité, qui tombe en hyver. Ses glands font amers. hefagus °u le hêtre vient dans les parties feptentrionales del'Efpa gne, au fommet des montagnes, ôc même da ns des endroits où les chênes ne peuvent pas Venir ; il vient également dans les plaines, Se produit un fruit triangulaire. Le juglans ou noyer efl un arbre très-commun en Efpagne. Son bois fert à faire beaucoup de meubles ; Se fi on avoit la précaution de jeter fes planches dans quelque marais fangeux où les animaux vinffent noire , Se qu'on les y laiffât pendant quelques mois , fon bois deviendroit beaucoup plus beau ; fes veines reffortiroient davantage, Se prendroient un jafpé plus brun Se plus vifible. Je ne parlerai pas des fruits de l'Efpagne, quoiqu'elle en produife de toute efpece, fruits qui font délicieux. Je dirai feulement que fes oranges douces ont été apportées de la Chine par les Portugais, °v que c'eft du Portugal que ce fruit s'efl répandu dans tout le relie de l'Europe, Enfin l'Ef-Pagne efl renommée entr'autres par fes citrons , par l'odeur douce Se agréable de fes cédras, par la douceur de fes limons ,*par fes grenades , par fes olives ? qui ont mérité les éloges du grand 248 Histoire Naturelle, ôcc Cicéron; par les amandes, l'es figues, fes raifihs ôcc. Les champignons ôc leur grande famille lont fains par leur nature ; ce n'eft que par accident qu'ils font vénéneux, c'cûVîVdire, par le terrein, par les pluies ôc par le vent. Ils peuvent être fains clans une partie ôc mal-fains dans l'autre, fans qu'on puiftè en faire la différence au coup-d'ceil, au goût, ni à l'odorat ; ôc les cuiii-niers même , qui font accoutumés à en afîai-fonner , ne peuvent en faire la diftinclion. Des milliers de perfonnes mangent des champignons , fans qu'ils leur faffent aucun effet ; d'autres en meurent. J'ai vu mourir des familles entières pour en avoir mangé ; ce qui détruit l'opinion générale où l'on eft , qu'ils font mal, par la difpofition où fe trouve l'eftomac ^puifque différentes perfonnes de divers âges, de dînèrent fexe ôc de divers tempéraments , ne peuvent avoir l'eftomac dans le même état. Il y a une infinité de plantes vénéneufes par leur nature , telles que le folanum ou belladone, dont nous avons parlé ; la jufquïame^ l'aconit, Ôcc. qui peuvent fe confondre dans les falades, par l'ignorance de celui qui les cueille. Quand, on a le malheur de manger des champignons vénéneux , ou quelques herbes nuilibles par leur nature , il ne faut pas s'amufèr à prendre de la thériaque, des huiles, des bouillons, ni d'autres remèdes ordinaires, parce qu'ils ne fervent à rien. Le meilleur remède, en pareilcas; celui qu'indique l'expérience, eft le vinaigre commun : en confequence, lorfqu'on fe fent attaqué par l'une de ces efpèces de poifon , il faut fe précautionner de fix onces de bon vinaigre, ôc en prendre wne once de trois heures en trois heures* de l'Espagne. 55 , 56& 5j. 0 n trouve continuellement les fauterelles , dont je vais parler, dans les parties méridionales de l'Elpagne , ôc fpécialement dans les pacages ôc dans les terres incultes de l'Eftramadoure ; niais on n'y fait pas d'attention , parce qu'en général il y en a peu, ôc qu'elles vivent d'herbes 1 auvages , fans toucher aux femences, aux jardins , ôc fans entrer dans les maifons. Les payfans les voient, fans frayeur, fauter ôc paître l'herbe des prés. Cette indolence leur fait perdre l'oc-cafion favorable de les exterminer tous les ans , Se ils n'y prennent garde que lorfque le dégât qu'elles ont fait n'eft plus fufceptible d'être réparé. La progéniture que ces infectes lailTent tous les ans n'eft pas confidérable, parce que le nombre des mâles excède infiniment celui des femelles. Mais, fi pendant dix ans il y avoit une génération égale des deux fexes, elles fe multiplieroient fi prodigieufement, qu'elles dévoreroient entièrement le règne végétal. Les oifeaux ôc les quadrupèdes mourroient de faim , Se les hommes finiroient par fervir de pâture à la fauterelle. En 1754 il naquit, en Eftramadoure, une fi grande quantité de femelles , que l'année fuivante elles mondèrent la Manche Ôc le Portugal, où elles portèrent les horreurs de la famine ôc de la mifere. Cette calamité ne tarda pas à fe répandre a qui, conjointement avec la liqueur qu'elle contient , décompofe ôc diffout toutes les matières» le lin , la laine, les plantes brûlantes ôc vénéneufes , ôc en extrait un aliment falutaire. L'envie de connoître la ftructure d'un animal qui caufe tant de ravages m'engagea à examiner fes parties plus en détail La tête de la fauterelle eft de la grolfeur d'un pois-chiche médiocre , mais prolongée ; le front tourné directement vers la terre, comme celui des beaux chevaux Andaloux ; la bouche grande ôc ouverte ; les yeux noirs ôc vifs ; le tout préfente une phyfionomie timide , femblable à celle du lièvre : qui pourroit croire qu'avec cette mine éteinte , cet animal puiffe être le fléau ôc la pefte du genre-humain ? Il a, dans les deux mâchoires, quatre dents inciiives, dont les pointes coupantes fe croifent comme des cifeaux, Ôc leur méchanifme eft tel qu'elles fervent à prendre ôc à couper. De cette ( 69 ) Swammerdam affûre que la fauterelle efl du nombre des animaux qui ruminent, attendu qu'il croit y avoir découvert un triple eftomaç , femblable à celui des animaux ruminants ; meis il pourroit bien s'être trompé , & avoir vu avec fa loupe une çhofç pour Tau* tre ,pu, ce qui cù plus vraifemblable , il aura examiné 4m fautif «U«s différentes de celles de l'Efpagne. de l'Espagne. 263 manière , rien ne peut réiifter à une multitude innombrable de fauterelles armées d'un million de griffes ôc de couperets, pour prendre ou détruire : ôc par ce qu'elles font capables de faire, je penfe que, fi ces infectes fe changoicnt en carnivores comme les guêpes, après avoir dévoré tous les végétaux d'un endroit, (ce qu'elles exé-cuteroient en peu d'heures ) elles avaleroient, en peu de temps, un troupeau , les bergers Ôc les chiens , comme font certaines fourmis en Amérique , Ôc les ferpents les plus cruels. La fauterelle palTe les mois d'Avril, Mai ôc Juin, dans l'endroit oii elle eft née. A la fin du dernier mois, fes ailes prennent la couleur d'un beau rofe, ôc elles acquièrent toutes les forces ôc les difpofitions dont elles font fufceptibles. Elles reviennent s'affembler en colonies pour la féconde ôc dernière fois ; c'eft alors que corm-mence leur jeuneffe, ôc que fe fait fentir le deftr ardent de perpétuer leur efpece. On remarque cette époque dans leurs mouvements : mais on obfervé que cette ardeur eft très-inégale dans les deux fexes ; car le mâle a l'air inquiet ÔC em-preffé , tandis que la femelle eft froide ôc ne penfe qu'à manger, Lorfqu'il s'approche, elle fuit Ôc fe cache , de manière que toute la fraîcheur de la matinée fe paffe à attaquer d'un côté, à fuir ôc à mander de l'autre. Vers les dix heures le foleil a feché les ailes de l'humidité de la nuit, qui leur avoit ôté l'élafticité ; alors les femelles commencent à fauter ôc à voler , pour efqiùver l'importunité des mâles, qui les pourfuivent avec plus d'ardeur ; par cet exercice, ils s'élèvent peu-à-peu en Pair jufqu'à la hauteur de quatre à cinq-cents pieds ,en formant une nuée qui in* 164 Histoire Naturelle, &c tcrcepte les rayons du foleil. Le beau ciel de l'Efpagne s'obïcurcit, tk, au milieu du printems, il efl plus noir & plus trille que celui de magne en hiver. Le mouvement de tant de mil" lions d'aifes forme un bruit fourd .femblable à celui d'un vent qui fouille dans un bois garni -d'arbres. Le chemin que prend la première de ces nues formidables efl toujours vers la partie oppoféc au vent. Si ce vent efl favorable, elle ■i'éioigne, du premier vol, d'environ deux lieues ; mais fi le temps efl calme, elles volent moins loin. Dans ces courfes fatales, elles font la plus affreufe deflruction ; la délicate ffe de leur odorat s'étend au point que,du haut de l'air, elles fentent un champ de bled ou un potager. Je les ai vu décliner de la ligne droite, pour aller ruiner un champ de bled, dans une obliquité de plus d'une demi-lieue ; & après l'avoir dévoré, fe relever & reprendre leur première direction. La def-ixuetion fe fit en un inilant. Chacun de ces infectes a quatre bras tk deux jambes, tk au bout de chacun de ces membres, trois ongles pour s'accrocher. J'ai vu des mâles monter au haut des branches des plantes , comme les Mariniers grimpent à travers des mats tk des cordes aux banderolles d'un navire. Ils ne coupent que le plus tendre des pointes ,.tk les laiilènt tomber, Stfîn. que les femelles qui font au bas les puiffeut manger. Je n'entreprendrai point d'expliquer la caufe qui excite les. mâles à cette complaifance ; car on» n'explique rien par un mot qui , comme x.ejui d'mtlinct, -n'a. aucune lignification, Si c'efl galanterie de leur part, ils ne font point payés de retour. Les femelles font des ingrates, qui » lorfqu'elles voient defeendre leurs amants du de l'Espagne; 265 haut des plantes , prennent leur vol ôc s'enfuient ; les mâles les pourfuivent, ôc le même ^rt les accompagne fans celfe , jufqu'à ce qu'ils Parviennent à quelque terrein inculte où ils affouviffent leurs defirs, ôc où les femelles dé-, pofent leurs œufs comme je l'ai indiqué. Quel affreux fpeélacle, pour un pauvre laboureur , de voir fon champ 6c quelquefois toute «t moiffon dévorée par ces infectes ! Un payfan de bon fens, comme il y en a beaucoup en Ef-Pagne , fe trouvant, comme moi, témoin d'un ae ces défaflres, ôc voyant fon champ fans épis & avec la feule paille, que les fauterelles avoient laiMée , s'écria : « fi ces maudites femelles n'a-w voient pas été auffi dédaigneufes, ôc qu'elles » eulTent accordé leurs faveurs aux mâles, dans * l'endroit de leur naiffance, nous ne ferions pas » "'.nfi malheureux ; mais cette canaille-là craint * h mort, ôc cherche, comme nous, à en éloi-M gner l'inflant; car elle fait qu'en fe laiffant ap-» procher par le mâle, elle n'a plus qu'à pondre » & à mourir ». L'hiffoire ôc la tradition nous prouvent que de temps immémorial l'apparition des fauterelles efl une pefle qui défoie les Provinces méridio-Calçs, ôc je me fouviens d'avoir lu, dans une ancienne fable Efpagnole, la demande fuivante : Quel efl l'animal qui reffemble à tous les animaux ? La fauterelle ; parce qu'elle a les cornes d'un cerf, les yeux d'une vache, le front d'un cheval, les pieds d'une cicogne , la queue d'une c°uleuvre, Ôc les ailes d'un pigeon. Quelque ridicule que foit cette comparaifon, elle n'en prouve pas moins que, depuis longtemps, les fauterelles font connues ÔC fontobfer- 266 Histoire Naturelle, &c. vées en Efpagne. Plufieurs vieillards m'ont affuré, lors de la pelle de 54, cme c'étoit la troifième dont ils avoient été les témoins ; que cette pelle exiftoit toujours dans les pacages incultes de l'Eftramadoure, d'où elle fortoit,de temps à autre, pour aller dévorer d'autres endroits. Ce qu'il y a de certain , c'eft que Pefpèce dont il eft ici «nieftion eft indigène, d'Efpagne : qu'elle eft absolument différente des efpèces de fauterelles du Nord & du Levant (70). On peut s'enaffurer, en les comparant avec celles d'un autre pays 9 confervées dans les cabinets d'hiftoire naturelle ' on verra que la fauterelle d'Efpagne eft la feule qui ait des ailes couleur de rofe ; d'ailleurs, Pob-fervation d'un grand nombre de fiècles prouve qu'elle ne peut venir du feptentrion ; elle ne peut venir du midi fans paffer la mer ; or, ce trajet lui eft impoftible par la brièveté de fou vol, & on connoîtroit en outre ce paffage » comme on connoît celui des cailles & des autres oifeaux de paffage. J'ai vu paffer , par Malaga ? une légion de fauterelles, qui s'avancèrent un cpiart de lieue dans la mer. Mais à peine com-mençoit-on à fe réjouir , dans l'efpérance de les voir noyées, qu'elles firent demi-tour à gauche ♦ ( 70 ) Il ne faut pas perdre de vue cette obfervatiofl » afin de ne pas confondre les fauterelles d'Efpagne avec celtes dont parlent d'autres Auteurs. Ce feroit ici le cas de porter .le flambeau de l'érudition fur toutes les c(" jpèces de fauterelles connues ; fur celles dont il eft &ii mention dans l'exode ; fur celles que mangea Saint Jea*1' Baptifte dans le défert j fur celles des Peuplçs Acrido* fages ou mangeurs de fauterelles Mais tout cela n'ajoi*' teroit rien au cas expofé, & d'ailleurs il en eft queuioA «lans plufieurs ouvrages de Naturaliftes. de l'Espagne. %6y Volèrent directement à terre , où elles vinrent s'arrêter pour pondre leurs œufs dans un terrein inculte entoure de vignes , dans lefquelles aucune fauterelle ne fît fon nid. Le grand nombre de fauterelles mortes que l'on voit flotter fur les bords de la Méditerranée vient de ce qu'elles fe font noyées dans les rivières qui les tranfportent Ma mer ; mais il n'y a point d'exemple d'effain de fauterelles qui ait été s'y précipiter. Nous avons expofé les maux que caufent ces infectes; il conviendroit d'en indiquer le remède. Je crois qu'il faudroit dorénavant que les Inten-dans & les Corrégidors de l'Eflramadoure oC de la Manche s'abouchaffent avec les habitants , PC fur - tout avec les Bergers , pour découvrir les endroits où les fauterelles ont dépofe leurs ceufs , afin qu'en réuniffant du monde , on eût recours aux expédients qui font en ufage pour les détruire , fans attendre qu'ils fuffent couvés ou qu'ils commençaffent à fauter ; car alorsr quelque grand que foit le nombre des deflru&eurs, ils en laifferont toujours des légions immenfes. Mais le meilleur feroit d'anéantir cette horrible plaie dans les pacages où elle prend fa fource , ci où il y en a toujours peu ou beaucoup; ce qui conduirait à en exterminer la race. J'ai vu détruire, en deux înois, à San-Clemente, peut-être plus de tuyaux qu'il n'y en a dans toute l'Eflramadoure -, puif-qu'il n'y refle que celles qui n'ont pas un grand Vol, & cependant, ce fut comme fi l'on tiroit une goutte d'eau de la mer ; car , Tannée fùi-Vante, on n'apperçut point de diminution dans le Nombre des fauterelles. Il en coûteroit moins de Peine oc d'argent pour parvenir^ cett&deflru&ion, a68 Histoire Naturelle,,ôcc. en leur faifant la guerre dans leur propre pays 5 Ôc en prévenant leur fatale irruption. D e Madrid à Bayonne, par Valladolid Burgos, \_, omme je parlerai dans un autre endroit des environs de Madrid, je pafTerai, quant à prélent, fous lilence la defcription du terrein compris entre cette Capitale ôc Guadarrama. Je commencerai ma defcription actuelle à ce village , qui donne fon nom à la montagne voifine. Cette montagne fait partie des Monts Carpentins qui féparent les deux Caftilles, On y a conftruit re magnifique chemin du Port de Guadarrama. Cette Cordilière eft prefque toute compofée de granité ou d'une efpece de pierre de taille cendrée (71)-Cette pierre fe décompofe , peu-à-peu, en une efpece de menu gravier , par la diffolution du bitume qui uniflbit fes parties , ôc les petits graviers de quartz reftent détachés infenfiblement avec des feuilles de talk ôc de fpath qui fe dé-compofent en terre parfaite ôc non en terre calcaire. Sur le fommet de la montagne oh eft le lion de marbre , on trouve de la fougère commune __ 1_' - - ._1 (71) On appelle comtmmétrtent bermque'gna la pierre grainée dont on fe fert pour-les ouvrages en pierre de taille. On la trouve dans, des roches détachées à la lu" " p perfide , ou , à peu de profondeur, dans le bas de ces montagnes. Quanta la'pierre qu'on trouve dans le* parties" élevées Si dans le fommet de ces mêmes montagnes , & qui ne peut point fervir pour bâtir , onTnp-pelle pierre.Laiivage, . ■ ■ t ■•• t Victoria 3 CVc» de l'ESPAG NE. 269 C[aii abonde fur ces montagnes , quoiqu'elle fort très-rare dans celles de l'intérieur du Royaume. Du haut du Port on voit une grande partie de la vieille Caflille qui paroît unie comme une valte rtier, 6c dont le fol elt beaucoup plus élevé que celui de la nouvelle Caftille. On defcend un peu jufqu'au pied de la chaîne ou elt fitué l'hermi-tage del Chriflo del Caloco. On remarque dans cet hermitage des marbres gris 6c bleus , tirés de la montagne voiline, où ils fe trouvent entre des pierres de quartz 6c de gravier qui roulent jufques fur le chemin. A Villacaltin il y a une grande quantité de roches de granité , hors de terre , qui fe décom-pofent tous les jours fenfiblement. La montagne finit à ce village , quoique la grande plaine ne commence qu'à Labajos, ou l'on feme des pois-chiches dans une terre fine , noirâtre 6c nitreufe ; mais ils n'y viennent pas toujours également gros 6c tendres tous les ans. 11 en arrive de même à Salamanque 6c à Zamora , parce que , quoique le fol y foit bon pour ce légume , les variations de l'air influent beaucoup fur la végétation. Au - delà de Labajos on traverfe une plaine déierte remplie de cailloux 6c de pierres de quartz, pour joindre la rivière d'Almarza (71)» «Ont les bords font garnis d'ormes , d'aunes 6c de peupliers blancs. Les terres circonvoiiines produifent beaucoup de bled , d'orge 6c de feigle. A une demi-lieue plus avant on entre dans une très-grande plaine , fans arbre, mais entièrement cultivée pour produire du bled 6c de l'orge. On (71) On vient d'y conftruire un beau Pont de pierre; fou* b direction de Don Marcos de Vicrna. 170 Histoire Naturelle, &c" trouve l'eau à deux pieds de la fuperficie, tk pat cette raifon il n'eft pas néceffaire que la charrue enfonce bien avant pour que la terre foit en état d'être enfemencée ; il fuffit qu'elle détruife les racines des mauvaifes herbes pour affurer la récolte. C'eft ainfi qu'on en ufe dans toute la Caftille , ou l'on recueille une prodigieufe quantité de bled & d'orge, fans qu'il foit néceffaire d'attendre la pluie pour femer ; car la proximité de l'eau fufHt pour fertilifer le grain dans les entrailles de la terre. Cette circonftance contribue à l'excellence du bled de cette Province, de même que l'abondance des rofées, plus copieufes que dans les Royaumes de Murcie tk d'Andaloufte, où l'eau n'exifte qu'à une très-grande profondeur. Il réfulte de cette différence , que les canaux font peut-être plus néceftaires en Efpagne que dans d'autres Royaumes , parce que , dans les endroits où l'eau fe trouve à la fuperficie , tk où la rofée abonde , comme en Caftille , les terres donnent régulièrement de fi bonnes récoltes , que les canaux feroient très-néceffaires pour en extraire les grains, tk que, comme il y pleut rarement , tk en très - petite quantité , quand cela arrive dans les Provincesméndionales, où l'eau eft enfevelie dans les terres à une grande profondeur , il feroit néceffaire d'y pratiquer des canaux d'arrofement pour tirer partie de la fertilité du fol. Je ne peux m'empêcher de témoigner ici mes regrets , fur ce que l'on a perdu en Efpagne l'ufage, tk même jufqu'au fouvenir du femoir , inventé dans le fiècle paffé par Don Jofeph Lu-catello, Gentilhomme Aragonnois , tk dont on fit l'expérience au Retire , fous les yeux de de l'Espagne, 171 Philippe IV. Sa defcription a été imprimée , 6c il n'en refte plus de vertiges aujourd'hui, tandis que les étrangers ont mis à profit la découverte, hs ont écrit des volumes à ce fujet, fans daigner cher l'inventeur d'une machine aufli utile. Ce temoir efl très-convenable aux terres délicates » comme celles de Caftille. Il ouvre la terre ; il ne rcpand pas plus de femence qu'il n'en faut; il couvre le grain en même tems qu'il égalife la (uperficie. Je ne fais pourquoi cette machine a cté fi généralement abandonnée en Efpagne ; je J16 peux l'attribuer qu'à l'entêtement avec lequel fes Laboureurs font attachés à leurs anciens Ufages. Mais cet abus, que l'on peut tout au plus tolérer dans des payfans qui cultivent, n'eft pas Pardonnable à de riches poffefleurs de terres qui ne doivent point avoir de prévention , ôc qui peuvent fupporter les frais d'une expérience. Quand l'eau eft à une grande profondeur, il çft néceffaire d'enfoncer fort avant le foc de la eharrue , afin que les racines approchent davantage de l'humidité ; il eft également néceffaire, ou d'attendre qu'il ait plu, ou d'efpérer qu'il pleuve un peu après: car, fans cet avantage, le grain refte fans germer ; il eft en outre expofé j1 être mangé par les rats, par les infectes Ôc par |es oifeaux. Les laboureurs du Nord font dans > ufage de changer de femences: l'expérience leur a enleigné que ce changement eft avantageux, quand bien même les terres d'où l'on tire les femences paroîtroient de même nature, parce qu'il y a toujours des différences très - confidérables dans des terres femblables à la vue. On obfervé qué le lin dégénère , lorfqu'on feme pendant plulieurs années de fuite dans le même pays la Histoire Naturelle, ôcc. femence qu'on y recueille» C'eft la raifon pour laquelle , en France , en Hollande ôc en Allemagne , on change tous les ans la femence que l'on fait venir de Riga, ôc d'autres endroits du Nord. On trouve dans la plaine dont j'ai parlé ci-deffus, les premières vignes que j'aie vues en Caftille. Le terrein, quoique fablonneux, produit allez de fumach, parce que l'eau y eft à peu de profondeur. C'efl aufli ce qui fait que chaque particulier a fon jardin potager ôc fruitier à côte de fa maifon. J'ai vu fur le chemin deux plantes particulières, qui font une efpece de Lichnis, ÔC le botrys. Cette plaine peut avoir huit lieues: elle efl remplie de villages affez peuplés ; mais on n'y découvre ni fontaine, ni ruiffeau. Les habitans y boivent de l'eau de puits ôc de citernes , fans en être incommodés ; ôc quoiqu'ils demeurent à la proximité, ils ne font pas ex-pofés aux fièvres tierces, parce que l'eau, bien loin d'y être dormante , comme il le paroît > coule au contraire fort près de la fuperficie, & celle qui s'évapore par l'ardeur du foleil, eft aufli - tôt remplacée par celle qui vient de plus haut. C'efl aufli par une fuite de la proximité de l'eau, que l'on voit communément tant de bonnes herbes dans la plus grande partie de la Caftille ; Ôc conféquemment le grand nombre des vaches, des oifeaux, Ôc des autres animaux domeftiques ôc fauvages.. A quatre lieues plus loin que cette plaine, on entre dans une autre plus petite, qui efl fablon-neufe ôc fertile ; ôc après un léger intervalle, on arriw à une troifième plaine lablonneufe , dans laquelle il y a des vignes d'un côté, Ôc un bois DE L'ESPAG NE. ir/j de pins de l'autre. De cette plaine à Valladolid on ne trouve plus que du fable, des cailloux , des endroits pierreux 6k plantés de pins , jufqu'à ce que l'on foit à la proximité de la ville* Alors le terrein eft uni, 6k ne confifte qu'en gravier couvert d'abfynthe verd, de thim, qui eft le beau thirn d'Efpagne, de botrys , 6k de chénopode Maritime. Valladolid eft fitué aux bords de la rivière de Pifuerga, dans une grande plaine environnée de î collines terreufes remplies de chaux, de plâtre,2 applaties par le fommet ; prefque tout le ter-rejn, jufqu'à Cabezon, eft inculte ; dans ce der* mer village, il y a beaucop de vignes dont on fait un vin rouge fort léger. On paffe la rivière fur un beau pont de pierre , ck fur la droite du chemin on trouve la dentelaire, dont on dit que les feuilles broyées font très-efficaces pour arrêter la gangrène. Plus loin que Cabezon, on traverfe une plaine de lix lieues , dont la première eft remplie de gravier ck de terrein pierreux plus ou moins fablonneux. La rivière fait des finuofités de ce côté-là, félon la ténacité de la terre qu'elle rencontre , de même que la mer détruit les terres avant de détruire les rochers , ^ perdant d'un côté ce qu'elle gagne de l'autre. Le refte du terrein eft de la même qualité juf* Sll'à Duegnas , village abondant en vignes, dont fe vin fe garde dans des celliers ou dans des caves Pratiquées dans le coteau calcaire , fur lequel Ce village eft bâti. Cette plaine conduit jufqu'à Rodrigo. On trouve dans fes environs un peu de lavande, qui *j5 *a feule plante qui, avec les deux efpèces ^phiomis à feuilles de fauge 3 ck la jacobta /i- S a74 Histoire Naturelle, &£ monh folio j croiffe dans ce terrein, La terre y eft. tellement nue 6c dépourvue d'arbres , que les habitans font obligés de brûler dans leurs fours 6c dans leurs cuifines , les farments , 1* paille, le fumier 6c le peu d'herbe aromatique qu'on trouve dans les champs. Les foyers font des efpèces d'étuves qu'ils appellent glurias, oit ils fe chauffent fur des bancs placés autour. Dans certains villages on trouve,près del'é-glife, un grand orme ou un noyer fèul 6c ifolé, qui indique , à coup fur , que l'eau n'eft pas éloignée de la fuperficie,parce que leurs racines pénètrent jufqu'à l'humidité. Ces arbres s'étant élevés d'eux-mêmes, on pourroit y en planter beaucoup d'autres , ôc rendre très-agréable un pays qui eft aujourd'hui le plus dépouillé de l'Europe ; mais il ne fera pas facile d'y parvenir % car fes payfans ont pris les arbres en horreur ; , ils difent qu'ils ne ferviroient qu'à multiplier les oifeaux qui viennent manger leur bled 6c leur raifin. Cette plaine fe rétrécit cnfinifTant, 8c à mefure que les collines fe rapprochent, les terreins pierreux, qui manquoient par intervalles, deviennent plus communs & plus étendus : les pierres, qui» à Labajos étoient de la grolfeur d'une orange, font ici du double, avec la différence encore , que les premières ne font pas rondes, 6c que celles-ci le font, 6c continuent à l'être jufqu'au fommet des coteaux , qui en font remplis. Cette circonflance, 6c la conftrucïion de toutes les collines de Caftille, ne peuvent provenir que des fix ou fept rivières qui y coulent ; mais ce qu'il y ? de fmgulier, c'eft que la nature de ces pierres, qui font d'un grain de fable très-fin, ce qui fe trou- DÈ L 'Espagne, Véit dans toute cette Province, eft d'une efpece Ôc d'une couleur entièrement femblables à celles que Pon trouve dans la Manche , à Molina d'Aragon , Se dans plufieurs autres parties de l'Efpagne» Le terrein, d'ici à Burgos, produit beaucoup de bled Se un peu de lin» On monte toujours Se infenfiblement le long de différentes collines compofées de grais conglutinés entr'eux. Aux environs de Burgos il y a une efpece de pierre compofée de graviers également conglutinés avec une matière intrinsèquement dure comme la pierre à Fufîl ; ces pierres forment une véritable brèche, qui elt fufceptible d'un beau poli, comme on peut le voir dans le chœur de la Cathédrale. Les environs de la ville font très-agréables, Se les coteaux , qui jufques-là font applatis, s'élèvent peu-à-peu , Se forment déjà un pays différent. Il y a, dans les rivières, quantité de truites , d'anguilles Se d'écfeviffes ; Se la Caftille, en général, efl le pays des perdrix, des lièvres, des lapins, des poules , des pigeons , des moutons, Sec. Le climat de Burgos efl affez froid. J'y paffai le u d'Août ; on n'avoit pas encore fait la moiffôn, Se il n'y avoit point de raifins mûrs. On rencontre, fur tous les chemins de Caftille , l'épine jaune, Se la reine des prés, qui eft moins commune. En fortant de Burgos on traverfe une vafte plaine oii on trouve un bois de hêtres, de cy fies, qui produit le labdanum Se le jiœchas, On monte enfuite fur un autre terrein inégal , où il y a tant d'hieble ôc de bardane , que tout le pays en feroit couvert, fi on ne cultivoit pas juf-ctuaux coteaux calcaires, dont les rochers fe 276 Histoire Naturelle, ôcc. après on remarque une véritable montagne couverte de bruyère, à la deicente de laquelle on trouve le village de Monafterio fitué à l'entrée d'un vallon fertile en bled. Les eaux de cette montagne fe féparent ; les unes fe jettent dans le Duero , qui tombe dans l'Océan , Se les autres dans l'Ebre, qui va fe perdre dans la Méditerranée. De Monafterio on defcend,pendant une lieue Se demie, le long d'un vallon qui a plus de trois-cents pas de large , qui efl bordé de deux coteaux calcaires , mêlé d'un gypfe cendré, veiné de blanc, Se de grais arrondis , d'un grain fin, ainfi que le grais que nous vîmes avant d'arriver à Burgos. Au commencement du vallon , il y a quelques fources dont la réunion forme un ruiffeau, qui , décompofantle gypfe, découvre, des deux côtés, les différentes couches ou bancs que contient le terrein : on remarque que les couches d'un côté répondent à celles de l'autre. Sur les bords de ce ruifTeau on voit des peupliers Se des failles ; ôc le refte du vallon eft rempli de bled bordé d'hieble ÔC de bardane. En fortant de ce vallon, on entre dans un pays ouvert ôc inégal qu'on appelle la Bureba ; ÔC après avoir côtoyé , pendant trois lieues, un autre ruiffeau qui coule à travers des collines de gypfe , on arrive à Bribiefca. Sur l'une de ces collines, je vis un champ de terre gypfeufe Ôc calcaire , que le propriétaire avoit tenté de fertilifer avec une efpece de marne blanche tirant fur le bleu (72.)- Puifque j'ai oc- (72.) Les cara&ères chymiques de la marne, fuivant ce qu'en dit Cronitedt , dans ion EfTai de Minéralogie , de l'Espagne. 277 cafion de parler de marne , fur laquelle on a tant écrit, je vais dire, en peu de mots , ce que j'en penfe. En analyfant la marne, on trouve qu'elle eft un compofé d'argille oc de terre calcaire , qui y dominent alternativement ; de ce mélange dérivent les dénominations de marne forte ôc de marne foible, qui ne fervent qu'à indiquer la proportion du mélange del'argille avec la chaux; 6c la marne eft plus ou moins propre à fertilifer un champ , félon la dofe plus ou moins forte de l'une de ces matières. La couleur des marnes ne fignifie rien ; car cette couleur n'eft qu'un effet du hafard , de même que fa ténacité ou fa rnollefle. Pour la connoître , fans être obligé de recourir aux expériences chymiques , il fuftit de s'arrêter aux qualités fuivantes : Toute terre qui, étant expofée au foleil, à l'air 6c à la pluie, contracte des fentes ou des crevalfes, 6c qui finit par fe convertir en poufïïère, eft une marne dure ou molle , quelle que foit fa couleur. On la trouve le plus ordinairement blanche , blanchâtre , cendrée ou bleue. Quand on connoît bien la nature des marnes, il n'eft pas difficile de difcerner pourquoi elles ne font pas toutes également propres à fertilifer les mêmes terres : car il eft certain que la marne font, lorsqu'elle eft crue & naturelle , de faire effervef-cence avec les acides; mais, en la calcinant, elle perd cette propriété , Si alors elle s'endurcit plus ou moins , icUm la portion d'argille qu'elle renferme : de fe vitrifier promptement, quoique fon argillc foit la plus réfracfaire : tl'ètre très-favorable à la végétation des plantes , parce quel'argille qu'elle renferme corrige la qualité dcificative tlf? la chaux: d'attirer aiférncnt l'humidité , ôc de fe décompofer peu à-peu, lorfqn elle eft calcinée. 478 Histoire Naturelle, ôcc* forte, qui renferme beaucoup d'argille,ne feroit pas bonne pour les terres argilleufes ôc fortes, comme celles de Bifcaye oc de Guipufcoa : oc que la marne foible , qui a trop de chaux , ne conviendroit pas davantage aux terres délicates Ôc fablonneufes. Une terre de chaux légère 6c fpongieufe , qui ne conferve pas l'eau, ou qui eft dégradée par des récoltes multipliées , demande à être bonifiée avec une marne argilleufe, qui lui rende la fubftance qu'elle n'a plus. Si, au contraire , c'eft un terrein neuf, fort ôc argil-leux, il conviendra de le mêler avec de la marne oîi la chaux domine , parce qu'indépendamment de la chaux ôc de l'argille, dont elle eft toujours compofée, elle contient des particules de fable, qui contribuent beaucoup à dilfoudre la terre ôc à la fertilifer pour plufieurs années. Je reviens à Bribiefca, où l'on trouve , ainft que dans d'autres villages de la Bureba, qui eft très - peuplée, des vergers , des ormes , des noyers , Ôcc, En continuant fon chemin, on pane par une plaine de quatre lieues remplie de guimauve jufqu'au village de Sainte-Marie, ou les maifons font bâties de deux fortes de plâtre, dont l'un, qui eft bleu, fe partage en feuilles comme l'ardoife , ôc l'autre, qiu eft blanc , fe trouve en morceaux cryftallifés ôc grenus. De Bribiefca à Pancorvo, on marche une lieue ôc demie entre deux montagnes calcaires, qui font partie de celles d'Oca, qui joignent les Pyrénées aux montagnes les plus feptentrionales de l'Efpagne, Le village de Pancorvo eft fitue dans le plus étroit du vallon formé par ces montagnes très-élevées : il coule le long de ce vallon un ruiffeau 2 dans lequel on pêche d'excellentes de l'Espagne, 279 Suites. Deux coteaux très - élevés, qui paroif-fent fe toucher par leur fommet, ouvrent un Paffage au chemin que l'on appelle la Gorge , qui peut avoir cinquante pas de large lur un quart de lieue de long. C'efl l'endroit le plus horrible que j'aie vu en Elpagne ; vous diriez que les rochers vont vous écrâfer ; en effet, il arrive Souvent qu'il s'en détache, du haut, des morceaux qui rendent le chemin impraticable. Les collines Ôc les terres qui font derrière ces montagnes font de gypfe en couches, ôc on les cultive autant qu'il efl poflible. A trois lieues plus loin que la gorge de Pancorvo , on fort de la Caflille , qui finit à Mi-randa de Ebro (73), pour entrer dans la Province d'Alava. Le chemin côtoie la rivière de Zadorra, prefque jufqu aVictoria,ôc on y trouve beaucoup de nénuphar. Les coteaux qui bordent cette rivière font compofés de petites pierres calcaires , rondes , de toutes couleurs, amalgamées en-tr'elles. Au bout du chemin on voit quelques petites pierres d'ardoife fans quartz, ni fpath. Les plantes que l'on rencontre fontlabufferolle, le buis, le genêt épineux , l'arrête-bœuf, beaucoup d'efpèces tforchis ou fatyrion, Ôc l'yeufe. Enfin, après avoir traverfe quelques monticules, on arrive à Vicloria , capitale de la Province d'Alava , fituée dans une belle plaine entièrement cultivée , de laquelle on a les montagnes en perfjpective. De Victoria on va à Salinas, premier village de Guipufcoa , en traverfant, (73) Le fuperbe chemin que la Province d'Alava a fait pratiquer à (es frais , jufqu'aux confins Je Guipufcoaj, commeace à Miranda^ S il ~x%o Histoire Naturelle, ôcc. pendant deux lieues, la plaine de Victoria. On entre enfuite dans les Pyrénées, qui, de ce côte font fort élevées, ôc qui font cornpofées de roches ardoifées , fablonneufes ôc calcaires. Le village de Salinas, qui elt fitué fur une montagne, a pris fon nom d'une fource d'eau falée, dont on tire du fel en la faifant bouillir. Les fources falées de France , de Lorraine ôc d'Allemagne , font ordinairement dans les plaines ou dans des terreins bas. Celles d'Efpagne, au contraire , fe trouvent communément fur le fommet des montagnes » ou du moins dans des endroits élevés. Celui dont je parle eft un coteau prodigicufement élevé » fur lequel on trouve cependant des coquillages, pétrifiés dans une efpece de marbre bleu , veiné cle fpath, ôc pyriteux dans l'intérieur. Ce coteau de Salinas eft l'endroit le plus élevé de Guipuf-çoa ; car les eaux qu'il contient vont fe perdre, partie dans l'Océan ôc partie dans la Méditerranée. De Salinas , on va en quatre heures à Mon-dragon, en descendant toujours, ôc on rencontre, en chemin faifant, beaucoup de géodes bâtardes, de pierres d'aigle , qui démontrent un travail intérieur de la matière dans ces rochers , ôc qui indiquent comment ils fe décompofent ; car ces pierres fe trouvent encaiffées dans des roches d'ardoife. Il y en a plufieurs qui font folides , ferrugineufes , ôc formées de couches rondes, tandis que d'autres,qui ont les couches intérieures d'une matière argilleufe, font déjà des géodes parfaites. Il n'en eft pas de même des premières» parce que la décompofition de la pierre ne s'y eft pas encore totalement effectuée, Dans les unes » comme dans les autres, je crois que le mélange de l'Espagne. iSi de la terre ardoifée avec le fer les difpofe à Prendre une forme arrondie. A une lieue de Mondragon il y a une mine de *er vernifle , que les Mineurs appellent fer gelé, Cette mine elt placée dans une argille rouge ck produit un acier naturel. Cette particularité elt d autant plus fmgulière , que , fuivant les alTu-rances qu'on m'a données, il h'y a pas une féconde "une pareille dans le Royaume, Si l'on doit en Croire une ancienne tradition , ce fut avec le fer de cette mine , qu'on fabriqua ces épées fi renommées par leur trempe , dont l'Infante Cathe-ririe, fille des Rois Catholiques, ht préfent à fon mari Henri VIII, Roi d'Angleterre. On en trouve encore quelques-unes en Ecofle, où l'on en fait un très-grand cas , fous le nom d'André Ferrara, Les fameufes épées de Tolède, celles du Perrillo de Saragolfe , qui font encore très -euimées, & celles qui fe fabriquoient dans d'autres villes , étoient, dit-on, compofées du fer de cette mine, qui donne quarante pour cent de «létal, mais d'un métal un peu dur à fondre. On peut en tirer de bon acier, fans beaucoup de peine, parce qu'elle eft difpofée , ainfi que beaucoup d'autres mines, à prendre, du charbon de la *°rge, le phogiftique néceffaire pour faire d'ex-cellents fabres ; mais je ne crois pas que fans ^mentation elle puifte faire de bonnes limes ni de "Ons rafoirs, Les fameufes épées dont j'ai parlé étoient c°rnmunément ou longues pour l'habillement de a golille , ou larges pour monter à cheval, &c alors on les appeloit épées d'arçon. On doit présumer que , comme au commencement du fiècle, 0n quitta tout d'un coup l'habillement de la go- 2o*2 Histoire Naturelle, ôcc; lille , on tira du dehors beaucoup d'épées garnies comme celles que l'on portoit avec l'habit qu'on adopta. Cette nouvelle mode occahonna la de-cadence des fabriques , ôc fucceffivcment leur ruine totale. La manière de les tremper s'étant perdue vers le même tems (74), on n'eft pas bien d'accord fur les procédés qu'on employoit. Suivant les uns on ne trcmpoit qu'en hiver, ôc lorsqu'on retiroitlalame de la forge pour la dernière fois,on lalançoiten l'air avec beaucoup de vitefte» à trois reprifes différentes , ôc en choififlant un jour extrêmement froid. D'autres affinent que l'on faifoit rougir les lames , jufqu'à ce qu'elles priffent la couleur que les Artiftes appellent couleur de cerife, ÔC que dans cet état on les mettoit pendant deux minutes dans une tine profonde ? remplie d'huile ou de graille. Qu'immédiatement après on les tranfportoit dans une autre tine d'eau tiède , oh on les laiffoit pendant le même tems ; après quoi on les mettoit dans l'eau froide. Toutes ces opérations s'exécutoient dans le plus rigoureux de l'hiver. Il y a des perfonnes enfin qui prétendent que ces lames fe faifoient avec l'acier naturel de Mondragon, dont nous venons de parler, en mettant une bande de fer ordinaire au milieu , afin de les rendre plus flexibles ? qu'enfuite on les trcmpoit fuivant l'ufage , mais en hiver.Telles font les différentes opinions qu'on (74) On écrivoit ceci avant lerablhTement de fa nouvelle Fabrique de Tolède , où l'on travaille pour lf militaire , par ordre & pour le compte du Roi. On m'^* fûre qu'on a trouvé la manière de tremper les armes» comme lesanciennes, & qu'elles fupportent les épreuves les plus extraordinaires j mais on ne fe fert i as du fer <*e Mondragon. de l'Espagne. 2S3 a fur les épées de fer de Mondragon , qui, à la Vérité, font excellentes. Mais, comme je l'ai obfervé ci-deflus , je ne crois pas qu'on puifle fabriquer de bonnes lames avec ce fer , fans lui donner, par la cémentation, une qualité d'acier beaucoup plus dur; ôc, pour cet effet , il con-Vlendroit d'avoir quelqu'Artifle expérimenté, Pour enfeigner aux Forgerons de Guipufcoa la panière de convertir le fer en acier 6c de lui donner la trempe convenable. L>e Mondragon on va en fix heures à Legazpia , e" paffant par une forge placée fur le bord de la ri-Jère Ognate.On mélange dans cette forge la mine deSomorroflro en Bifcaye, qui efl célèbre par la d°uceur ôc par la flexibilité de fon fer , avec une ail*re du pays, plus abondante ôc dont le fer efl Pïus dur. On grille ces fers pendant quarante Jaurès , après quoi on les fond une feule fois ^ans caftine. On tire un quintal de fer de chaque *°ute , qu'on fait , de la manière que nous indiquerons ci-après, en parlant de cette mine de Somorroflro. De cette forge on va à Ognate, qui efl un ^ourg affez peuplé ôc affez riche. Son églife, lacolonnade du collège, fes flatuesôc fes bufles, font de grais remplis de mica. Les terres de ces ^ontagnes ôc de ces vallons, qui font argilleufes fortes, font formées de la décompofition totale des grais, de l'ardoife, ôc des végétauxputréfiés. Les laboureurs, pour féparer la terre forte ^ 1 argille , ÔC pour abforber fes acides, fe fervent de la marne avec de la chaux qui abonde dans ces environs, de même que le gypfe. Je ne doute Pas qu'il n'y ait de la marne dans ce pays, mais les laboureurs ne s'en fervent pas pour améliorer 284 Histoire Naturelle, &c. leurs terres ; je crois même qu'ils ne la con-noiffent pas (75). On trouve le long du chemin, dans des roches ardoilees, des pierres d'aigle ? ou, pour mieux ciire,des géodes bâtardes. J'ai brifa* 2uelques-unes de ces pierres, & je leur ai trouve, ans le centre, une argille humide ôc pâteule, quoiqu'elles n'euffent pas la moindre crevaffe ni la moindre fente par ou l'eau ait pu s'infmuer. Ceci prouve que l'humidité primitive qui forma la pierre, eft précifément la caufe de fa décompofition. Comme prefque toutes les montagnes de ces cantons font de terre argilleufe , ôc qu*3 y a très-peu de roches pelées, il arrive que » quand on trouve, dans des roches ardoifées, quelques petites pierres d'une autre nature que les couches qui les enveloppent, ôc que ces couches fe décompofent, ces petites pierres font le même bruit que fi elles renfermoient en-dedans quelque particule détachée. C'eft ce qui arrive aux geodiï 6c aux pierres d'aigle , Ôc on peut affurer que cet effet eft antérieur aux couches du rocher ou on les trouve. De Legazpia on arrive à Villa-Franca en cinq heures ôc demie ; à la première lieue on pa^e par Villa-Réal , dont les maifons font bâties efl grais. On voit, tant fur le terrein que dans la rivière, beaucoup cle grais arrondis, Ôc plufieurs marbres également ronds , ÔC arrondis par Ie courant de l'eau. Dans tout ce pays on émonde les rouvres comme les mûriers à Valence, afin qu'ils pr°' (75) Ils la connoiffent aujourd'hui, & ils ont commencé à s'en fervir utilement dans quelques endroit àe la Province de Guipufcoa. de l'E s p a g n e. 20*5 duifent plus de branches propres à fair» du cWbon pour les forges. La coupe s'en fait tous fes huit ou dix ans , ainfi qu'en Bifcaye , comme ne>us aurons occafion de l'obferver dans peu. J'ai remarqué qu'il y avoit très-peu de fontaines dans toutes ces montagnes , quoiqu'il y Pleuve fréquemment : cela provient, fans doute, de ce que la terre y eft très-forte , ck empêche ,afiltration de l'eau. C'eft la raifon pour laquelle, ^ns beaucoup d'endroits, on boit de l'eau de ^vière qui n'eft, pour ainfi dire, que de la neige *°ndue qui vient des hauteurs. Néanmoins il eft rare que l'on y ait des goitres : cette obferva-lion contredit l'opinion générale qui attribue Cette maladie h l'ufage de pareilles eaux. Pour ^oi, je crois qu'elle vient plutôt d'une obftruc-tlQn. dans les glandes de la gorge , occafionnée P3r le défaut de tranfpiration. Les deux tiers des uabitans de Guipufcoa ck de Bifcaye paffent une êrande partie de l'hiver, jour ck nuit, au milieu ^e la fumée de leurs cuifines , qui, pour la Plupart, n'ont pas de tuyaux de cheminée. Ils Prétendent que cet ufage eft très-falutaire , en Ce que la fumée difîipe l'humidité, ck qu'elle fa-Cllite la tranfpiration, qui eft la principale caufe f leur bonne fanté. Ce qu'il y a de certain , Ceft qu'ils n'ont point de fluxions. Le chemin de ce vallon eft rempli d'ardoife , S les hauteurs font d'une bonne terre. A la fin I .cette journée on remarque des rochers ar-°lfés , bleus, en morceaux prefque folides , ^,lle l'on prendroit pour du marbre veiné : ils Jeri font cependant pas ; car leurs veines font 5e quartz , £k celles du véritable marbre font °uJours de fpath. Il y a auffi du grais en feuilles i86 Histoire Naturelle, ckcL veinées de quartz, ck, dans le plus haut des coteaux, on. voit des roches calcaires* De Villa-Franca on arrive, en trois heures, à Tolofa , l'un des trois bourgs principaux de Guipufcoa , dont les maifons font en pierres ardoifées , bleues, veinées de quartz blanc, 6k femblables au marbre, mais qui, comme je l'a1 dit, n'en font pas. Il eft bon qu'on fâche que les rocs ardoifes ck feuilles fe convertirent en blocs lorsqu'ils fe décompofent, comme on le remarque en les brifant, parce qu'alors on distingue même les couches de la première ardoife* Depuis Salinas les montagnes baiffent continuellement de diftance en diftance ; 6k particulièrement depuis Oyarzun, oii l'on voit un marbre noir veiné de fpath : il eft bon d'obferver h* que, paffé cet endroit, on ne trouve plus de marbre arrondi dans le lit de la rivière, quoiqu'elle en foit remplie plus haut, où l'eau coule avec plus de rapidité. Cette obfervation me rappela les rivières d'Aranjuès, qui m'ont déterminé à changer de fyftême fur les pierres arrondies , ainfi que je le dirai dans un difcours particulier. En continuant ma route par Hernani, je paffe1 à la vue de Saint-Sébaftien, 6k des paflages jufqu'à Irun, dernier village d'Efpagne , qui eft au bord d'un terrein marécageux rempli de tama-rife. La rivière de Bidafoa, qui fépare l'Efpagne de la France , va fe perdre dans l'Océan, prtS d'Irun. Cette rivière eft fameufe parles entrevue5 des Princes de France 6k d'Efpagne , 6k par Ie traité des Pyrénées, conclu, dans l'Ille des Faj-fans, entre Don Louis de Haro ck le Cardinal ae Mazarin. de l'Espagne. %ff j Les montagnes de Guipufcoa font belles ci Wn fourrées ; car , indépendamment des châtaigniers , des chênes , des rouvres 6k des autres arbres ck arbufles dont elles font couvertes, il y a beaucoup de noyers , de noifetiers , une grande variété de fruits ck une quantité innombrable de pommes à cidre. Le furplus du terrein efl une terre de labour, propre pour les légumes, les vergers, le bled de Turquie , les navets , le Un , ckc. Les Peuples y font très - humains ck accueillent bien les étrangers ; car, loin de leur crier (76) , comme dans d'autres endroits , les petits garçons 6k les petites filles viennent au-devant d'eux , 6k leur préfentent des fruits ck des fleurs. Leur manière de vivre ck leurs mœurs 'effemblent à celles des Bifcayens ; on en verra le détail à l'article de la Bifcaye. De la Bifcaye en général. La Seigneurie de Bifcaye efl une des trois Provinces, qui , depuis quelques années , ont formé une fociété des Arts 6k des Sciences , en prenant pour emblème trois mains , unies de bonne-foi. Sort étendue efl de onze à douze lieues d'Orient en Occident, 6k environ de huit du ^lidi au Nord. Son territoire efl couvert de montagnes de différente hauteur , féparées entr'elles Par des vallons étroits ck par quelques plaines , Hll'on peut bien ne confidérer que comme des Vallons. L'enfemble du pays offre un afpect des (76 ) C'eft une invective des Laboureurs 63c des Payfaris Efpagnols aux Etrangers, i88 Histoire Naturelle, ôcc. plus Singuliers. Quand j'y fus, je formai le projet de lever un plan détaillé de fes montagnes, de fes vallées Ôc de fes rivières ; mais n'ayant pu l'exécuter , je ferai en forte d'y fuppléer par une légère defcription de ce que j'y ai trouvé de plus remarquable, afin d'en donner une idée à ceux: qui ne l'ont point vu. Le fol porte en général fur des carrières ? compofées tantôt de roches détachées, tantôt de bancs ou de couches cachées ou découvertes dans des parties de marbres de différentes couleurs , dont quelques-uns font fort eflimés ; tel efl le gris, prefque noir , avec de grandes taches ôc des veines blanches, pareil à celui des colonnes de la Chapelle du Palais de Madrid, qu'on a tirées de Manaria. Dans d'autres endroits le terrein porte fur des pierres calcaires , fur des grais ÔC fur des mines de fer, dont la principale efl celle de Somorroflro , qui fournit à une infinité de forges, ôc dont nous parlerons ci-après. On voit en Bifcaye beaucoup de montagnes compofées ; c'eft-à-dire , placées les unes fut les autres : telle eft la montagne de Gorveya; il faut cinq heures pour la monter. On trouve fur fon fommet une grande plaine , fertile en pâturages, dont le bétail de Bifcaye ôc d'Alava fe nourrit quelques mois de l'année. Parmi les plantes qui y croiflent, j'ai vu le grofeiller ou épine noire (ribes), dont les feuilles, qui fentent le poivre, font, à ce que l'on prétend , bonnes pour la goutte. On l'appelle cafîis en France, & la montagne de Gorveya eft le feul endroit de l'Efpagne oit j'aie trouvé cet arbufte. Aux environs de Durango il y a d'autres montagnes calcaires pelées ôc difficiles à gravir , tant elles font efçarpées. de l'Espagne. efcarnées. Serantes eft une autre montagne fïmple, é-levee en pyramide , ck contiguë aux bancs de fable de )?ortugalete. Comme on la découvre de fort loin , elle fert de guide aux Marins, pour reconnoître l'entrée de la rade de Bilbao. La forme de cette montagne femble annoncer qu'elle eft l'effet de quelque volcan. Plufieurs ont prétendu mal-à-propos qu'elle renfermoit la mine de fer de Somorroftroi qui en eft éloignée d'une lieue. Il y a d'autres montagnes d'une demi-lieue & d'une lieue de longueur, couronnées de crêtes ou de pointes calcaires pelées, dont les pentes s'étendent affez agréablement pour être peuplées Ôc cultivées, comme celles de Villaro. Enfin , il y a des montagnes baffes & arrondies, couvertes couches de terre , remplies de métairies juf-tju'au fommet, abondantes en bois propre à faire s du charbon, comme en pâturages , cultivées d'ailleurs , ainii qu'on va le voir. Quoique cette bbfef vation foit très-commune ^ je ne crois point hors de propos de répéter ici que les terreins montagneux , tels que ceux de Bifcaye , ne produifent point en proportion de leur iuperfkie, mais de leur bafe ; parce que, les végétaux s'élevant en ligne droite , là terre ne peut contenir , fur une fuperficie oblique , plus d'arbres ni de plantes qu'elle n'en contiendtoit à bafe égale dans un terrein parfaitement uni ; de même que fur tin triangle, on ne fauroit élever plus de perpendiculaires qu'il n'en peut tomber fur Pétendue de fa bafe. Il fort de petites rivières 6k des ruifTeaux des Crevaffes de ces montagnes. De celle de Gorveya il en fort quatre qui grôffuTent la rivière de Bil-3 en fe joignant à la rivière qui prend f$ z$o Hitoire Naturelle,Sic. fource dans la roche d'Ordugne, ainfi qu'à divers torrents qui font tous à lèc en été , mais li impétueux en tems de pluie, que Bilbao lé trouve quelquefois en rifque d'être iubmergé , lorfque ces torrents fe précipitent dans l'embouchure de la rivière à marée haute. C'ell ce dont j'ai été témoin à trois différentes repnfes , dans l'une defquelles, entr'autres , la crife fut fi violente » que ii elle eût continué quelques heures de plus, je crois qu'elle auroit entraîné la deftruction d'une des plus jolies villes maritimes de l'Europe. Il n'eft pas rare de voir des barques dans les rues de Bilbao. A l'exception des terres qu'on laboure Ôc" du fommet des montagnes élevées , compofées de malfes de rochers pelés , tout le refte eft planté d'arbres, 6c de taillis, dont quelques - uns font naturels , comme ceux de chêne 6c d'arboufier. Les autres font femés ou plantés de bon rouvre blanc qui y vient bien. Dans les endroits ou il n'y a point de bois , 6c oii la terre a un peu de profondeur, on y trouve des touffes impénétrables de tilleuls 6c de bruyère à feuille de myrthe ; SC fur les hauteurs, où la terre efl moins profonde » on trouve delà petite bruyère. Dans les defeentes des montagnes 6c dans les vallons , il y a une grande quantité de châta:gniers entés , dont les Hambourgeois viennent enlever les châtaignes f pour les vendre aux Allemands qui en font le plus grand cas. On diroit que les pommiers y lont dans leur pays natal ; car ils y réulïiffent fu-périeurement , quoiqu'en plein champ 6c fanS culture. On recueille dans tout le pays une quantité prodigieufe de pommes de différentes efpèces; mais celles de Durango.font les plus eftimées. U de l'Espagne. 25ï ft'eft pas rare d'y voir deux ou trois fortes de reinettes, & les cerifiers y viennent auffi - bien que les ormes. Godejuele eft très-fertile en pavies, 6k ce fruit y elt fi délicat 6k fi rempli de fuc , que lorfqu'on le cueille dans fa maturité , il eft impofTible de le tranfporter à Madrid. Ce qu'il y a de fingulier c'eft qu'on ne le greffe pas 6k qu'on n'en a aucun foin particulier. Les pavies d'Àran-juès viennent originairement de Godejuele ; mais ils n'en ont jamais ni la délicateffe ni le fuc. Parmi les différentes efpèces de poires qu'on y trouve, on en compte quatre de poires fondantes , très-agréables au goût. Le beuré , le doyenné, le bon-chrétien ck la bergamotte. On y trouve aufîi des cerifes ordinaires ck des gobets à courte queue, beaucoup de noix , différentes fortes de figues ék les deux fortes de grofeille en grappe. Ce pays ne produit point de framboifes ; mais en revanche °n y trouve des fraifes de bois. Il y en a de cultivées fur les bords de quelques pofleftions ; mais celles qu'on cultive à Bilbao font les meilleures de l'Europe. Les légumes y font bons tk en grande quantité. Les oignons y font gros ck doux. On y feme beaucoup de navets, de la même qualité Sue ceux de Galice , qu'on coupe par morceaux pour donner aux bœufs en hiver.Oa en a d'autres plus petits qui font moins aqueux pour la table, fin général les bêtes à cornes y font petites , mais fortes. On y élève aufîi des chèvres , quoiqu'il fût plus avantageux de s'en paffer , par le loin qu'elles exigent pour les empêcher de détruire fes arbres. Quant aux brebis, il eft affei dimcile d'en élever, parce qu'elles fontfujettes à s'embar-raffer dans les haies 6k dans les touffes de ronces. Parlons maintenant des raifins ck du vin qu'on Tij i$i Histoire Naturelle , tkc. eh fait, & qu'on appelle chacoli. On peut y mân* ger des mulcats , auftl favoureux que ceux de Frontignan ; èc des raifins blancs, qui ont le grain petit, la peau fine & le goût aigre-doux. Pour le chacoli on plante fix ou fept efpèces de ceps. Tous les cantons ne leur font pas également favorables J'en ai vu cependant une certaine quantité dans les territoires d'Ordugne, de Bilbao j & dans plufieurs villages des encartations; ( 77 ). Quelques-uns de ces ceps forment des treilles élevées qui bordent les chemins. D'autres forment des berceaux dans des maifons de campagne, à l'ombre defquels le Propriétaire peut fe promener, 6C jouir d'avance du plaifir de boire fon chacolii.'En général, cependant, les vignes qui le produifent font compofées de ceps de trois ou quatre pieds de hauteur. Ce vin eft un des plus gros revenus des Propriétaires. Mais $ comme il fe vend à un prix fixé par la Police, ck que , jufqu'à ce qu'il foit entièrement débité, on défend l'entrée du vin étranger aux Cabaretiers du village où on le recueille , les Propriétaires ne s'attachent qu'à la quantité , fans fe mettre en peine de la qualité* qui pourroit être affez bonne ; mais qui, par ces ràifons , eft très-inférieure. On vendange avant le tems* Le vin y eft âpre, aigre ôk fans fubftance. Celui que l'on fait avec plus de foin ne manque point de montant ; mais fi on laiftbit bien mûrir le raifin , afin de donner à fon jus le tems de fe perfectionner ; fi on ne mêloit point celui qui eft ■ (77) ®° appelle encartations un certain nombre de villages des montagnes de Burgos , voifins de la Bifcaye 3 qui jouiffent des privilèges & des exemption* de cette Province, »e l*Espagne. 193 Verd ou pourri avec celui qui eft en maturité ; fi on faifoit le vin fuivant les principes adoptés dans les pays où l'on en a fait une étude particulière ôc raifonnéè, ce chacoli auroit une fermentation complette , il prendroit de la force a & fon âcreté extrême étant corrigée par la maturité du fruit, il deviendroit pétillant, & tout-à-fait femblable au vin de Champagne , qui pour *ors ne feroit plus l'unique dans fon genre , ôc a'auroit fur le chacoli d'autre avantage que le droit d'aineffe. Un phénomène allez rare dans l'Hiftoire Naturelle , feroit de voir les terres fortes ôc ferrugineufes de Bifcaye produire le même vin que la Champagne, dont le terroir eft léger , blanc ôc calcaire. Tout le vin de la Bifcaye ne fiiffit pas pour quatre mois de fa con-fommation. Lè refte de l'année on y boit des vins de la Rioja , que le tranfport rend encore Meilleurs. On prétend que les Bifcayens con-fomment en vin étranger le produit de leur fer ; c'eft ce que je n'affluerai point, parce que les Bifcayens,, n'ayant à extraire de leur pays que du fer ÔC des châtaignes, font obligés de payer, du produit de ces deux objets, le linge, le vin ,une partie du bled , ôc de la viande qu'ils consomment; car , s'il y a quelques Bifcayens qui y envoient ou qui y apportent de l'argent , il y a aufîi des gentilhommes du pays qui en tirent leur revenu. Quoi qu'il en foit, cependant, je crois que les Allemands ôc les Angloi-s font fobres, en comparaifon de beaucoup de Bifcayens que j'ai Vus. U eft cependant beaucoup plus, rare qu'ailleur* d'y rencontrer un homme ivre ; je penfe que cette différence provient de ce que les Anglois 194 Histoire Naturelle, ôcc. ôc les Allemands mangent fort peu dans leurs débauches , tandis que les Bifcayens boivent rarement fans manger en proportion. Les Bifcayens de l'un tk de l'autre fexe déjeûnent , dînent , goûtent tk foupent, Ôcfi ce n'étoient les indifpofi-tions qui réfultent quelquefois de cette manière de vivre , le peu de Médecins de Bifcaye n'y auroient rien à faire. J'obferverai cependant que les Bourgeois tk les Manœuvres n'ont ordinairement d'argent pour boire que les jours de repos. Prefque toutes les montagnes de cette Province , celles de Guipufcoa , tk une partie de celles d'Alava font d'argille ( 78 ). Les pierres fe décompofent, tk de leur décompofition il réfulte peu de terre ; ôc quoique les terres calcaires y abondent, ôc qu'on améliore les champs avec de la chaux, on y remarque peu de changement. On diroit que la matière calcaire qu'on y mêle fe convertit en fubltance argilleufe ; car , quoique la chaux foit le meilleur ingrédient, foit pour divifer les particules de la terre argilleufe qui affoibliffent les racines des plantes délicates , ôc qui les empêchent de pénétrer, foit pour abforber oc pour changer les acides d'une terre forte , pour la convertir en terre douce , où , comme difent les Laboureurs, pour échauffer les terres, celles de Bifcaye relient toujours fi fortes, que, fans une Culture extraordinairement pénible , elles ne pro- (78) A propos d'argille,ce'feroit peut-être ici le lieu de parler de la néceffité d'établir des faïanceries en Bifcaye» mais c'eft un article que je réferve pour le Chapitre ou je traiterai des argilles d'Efpagne. d e l'E s p a g n e. duiroient que des bois, des ronces & de mauvaises herbes. Voyons à préfent la manière dont on cultive ces terres. Qu'on fe figure un outil à deux branches pointues , formé de deux petites barres de fer d'environ quinze à feize pouces de long, féparées parallèlement à la diftance d'un demi - pied à-peu - près , en formant deux angles droits , avec un manche de bois fixé , non au milieu exact de l'outil , mais perpendiculairement à une de fes pointes , avec un appui au-deftus. Les Payfans le réunifient au nombre de deux, trois ou quatre , parce qu'un feul travailleront peu ÔC ne feroit que de la mauvaife befogne. Chacun prend deux de ces outils, Ôc après s'être rangé en file , il les fiche en terre devant lui ôc monte enfuite fur les appuis pour achever d'enfoncer ces outils. Chaque ouvrier remue alors, tant en avant qu'en arrière ces deux outils. Ils détachent une motte de terre , qu'ils jettent devant eux , en la retournant fens-deflus-deffous. Ils continuent cette opération tout le long du champ. Un autre ouvrier , en fuivant le même fillon, que les premiers ont pratiqué, coupe les groflès ck profondes racines-de certaines herbes; ôc après cette opération les premiers travailleurs brifent les mottes à coups de hoyau, en attendant que les gelées achèvent de les réduire. L'outil en queftion s'appelle en Bifcaye layar ôc l'action de s'en fervir s'appelle layar. Au printems on fait paffer fur la furface de la terre une herfe , à l'effet de hrifer les mottes encore davantage ÔC de les égalifer. On y fait paffer enfuite un cylindre > dont les dents, dif-pofées en triangle , retournent les mottes ; ôc , %ç)6 Histoire Naturelle, ôcc. Ci après ces deux opérations il en refte encore d'entières , on les brilè avec un maillet de bois. On pratique enfuite avec le hbyau des trous larges Ôc peu profonds, en ligne droite, à la diftance de deux pieds. Dans chacun de ces trous on jette trois ou quatre grains de maïz , quelques grains de citrouille , un peu d'aricots Ôc de pois. On remplit chaque trou de fumier, ôc on les couvre de terre. Quand une fois les plantes paroîftent, on donne un labour au champ ; ôc lorfqu'elles font montées d'environ un pied, on les couvre de terre. A mefure que les fleurs ôc les épis commencent à paroître , on coupe les rejettons les plus élevés , qu'on fait fécher , ôc qui forment pour les bœufs une excellente nourriture. Sur la fin de Septembre , ou au commencement d'Octobre , les épis muriffent , Se lorfqu'on les moif-fonnë on coupe les tiges àfleur de terre , en y laiffant les racines , dont la putréfaction contribue à l'améliorer. On ramaffe les tiges, ÔC après en avoir arraché les feuilles,qu'pn donne à manger aux bêtes , on les jette dans un endroit où les troupeaux les foulent aux pieds, ÔC ou elles fe rédui-ient enfîii en fumier. Immédiatement après cette récolte on feme le bled, fans autre précaution que de le couvrir avec la charrue. Pendant l'hiver avec une efpece de houe, longue Ôc étroite, on donne un labour léger , qu'on appelle farder, pour rompre la croûte endurcie que forme la terre. On recommence en Mai Se en Juin, afin de détruire la quantité de mauvaifes herbes qui viennent dans le bled, ôc qui l'étoufferoient, fi on ne prenoit cette précaution. On fait la moiffon à îa fin d'Août, ôc la terre en chaume fert de pâturage jufqu'à l'entrée de l'hiver où l'on recom* 0£ l'Espagne. 197 fnence à layar. Les terres qui font à la proximité des rnaifons, ÔC qui par cette raifon reçoivent plus d'engrais, ôc celles qu'on marne font fufcep-tibles de cette culture, pour ainfi dire, continuellement. Mais à l'égard des terres légères, on a Coutume de les lailfer repofer pendant un an. Il y en a quelques-unes qui font légères ôc délicates , ôc qu'on fe contente de labourer avec une charrue plus forte , ôc qui pénètre plus avant que celle dont on fe fert en Caftille ; mais dans ces dernières terres on ne feme que du froment. Comme les terres douces font en petite quantité, on fait des défrichements fur le penchant des montagnes , qui, vu le peu de profondeur du terrein, ne font point propres pour de grands arbres , ôc qui, pour l'ordinaire, font couvertes d'arbuftes fort épais, comme de bruyère , de ronces, ôcc. Pour remplir cet objet, on forme un enclos autour des morceaux de terre que l'on veut défricher. On farcie la fuperficie , en enlevant avec la pioche des mottes de terre de quatre doigts d'épaiffeur, qui emportent avec elles les racines des herbes ôc des arbriffeaux. Onlaiffe bien fécher ces mottes./Ôc vers le mois de Juillet Ôc d'Août on les amoncelé en pyramides fur quelques branches d'arbuftes , avec la précaution de mettre l'herb.e deflbus. On met le feu d'un côté aux arbuftes , ôc lorfqu'ils brûlent , de même que l'herbe , on couvre ces monceaux avec une terre légère, pour étouffer le feu ôc pour faire brûler la terre de la même manière qu'on fait le charbon, La terre brûlée , alors couleur de brique, fe répand fur le défrichement qu'on laboure ôc qu'on enfemence. Les trois premières années produifent une. récolte de bled txès-ahondante^ i9* Histoire Naturelle,ôcc La quatrième année rapporte de Forge ou cttl ieigle , ôc la cinquième produit du lin. La terre s'épuiiè , on arrache l'enclos , & on a encore un bon pâturage pendant quelque tems , ôc jufqu'à ce que la fuperficie du terrein épuifé fe couvre de mauvaifes herbes. Ce travail, quelque pénible «ju'il foit, devient indifpenfabie dans un terrein ingrat ôc de peu d'étendue , qui doit faire vivre une très-grande quantité d'habitants qui aiment à bien manger , ôc qui en ont befoin pour un exercice auffi violent, puifqu'il efl notoire que les hommes ne peuvent travailler qu'à proportion de la nourriture qu'ils prennent. Malgré toutes ces précautions les Bifcayens font encore obligés de tirer du bled de Caflille , ou d'en faire venir par mer ; mais ils donnent toujours la préférence au premier, quoiqu'il leur coûte quelque chofe de plus ; parce que , fans doute , il efl fupérieur en qualité. Les Bifcayens font également obligés de tirer du bétail de dehors , parce que , dans un pays borné, tout cultivé, planté, couvert de pois ôc de parties fourrées, il n'y a point affez de pâturages pour nourrir des befliaux , en proportion de la confommation ; néanmoins on mange la viande meilleure en Bifcaye, que dans les endroits même oii on élève le bétail, parce que les Bifcayens , avant de tuer les bœufs , les tiourriffent bien ôc les engraiffent dans l'étable. La chaffe feroit affez abondante en Bifcaye, s'il y avoit moins de chaffeurs. On y trouve néanmoins affez de perdrix, ôc c'efl la Province d'Efpagne où j'ai mangé les meilleures cailles. On trouve aufîi, dans les endroits marécageux , des canards , des poules d'eau ôc des bécaffes. Les «haumes y font couverts de merles ôc d'étourç de l'Espagne. 19$ neaux. On y voit beaucoup de pigeons ramiers ôkd! autres oifeaux qui l'ont très-bons. Les lièvres n'y font pas très-communs. Je n'y ai point vu de lapins fauvages, de cerfs , de daims ni de chevreuils ; mais on y rencontre quelquefois du fan-glier. Don Manuel de Las Calas , Miniftre de la Marine à Saint-Sébaftien , tua, dans les encarta-tions où il étoit né, un loup cervier, d'une taille extraordinaire. Les loups y font rares, parce qu'il y a peu de menu bétail, 6k qu'en outre, tout le pays étant couvert de métairies, ils font bien-tôt apperçus, pourfuivis 6k tués, les gens du pays ayant pour cet effet d'excellents lévriers qui y ont été apportés d'Irlande. A peine y voit-on un ours en cent ans , quoique ces animaux foient très - communs dans les montagnes de Léon ck dans celles des Afturies , qui forment une feule ck même chaîne avec celles de Bifcaye. 11 y a beaucoup de belettes ck de renards , au grand regret des femmes , dont ils croquent les poules. Il y a plufieurs petits Ports fur la côte ef-carpée , où , en général, on ne fait que le cabotage. La mer y abonde en poiffons excellents: celui de l'Océan eft prefque toujours préférable à celui de la méditerranée, pour le goût ck pour la délicateflè. Il n'eft pas même néceffaire d'avoir le palais bien délicat pour diftinguer un be-fugo (79) de Bifcaye d'un befugo de Valence. Je crois que les marées , emportant deux fois les immondices des habitations 6k tout ce qu'elles rencontrent fur les bords de la mer , ne (79) Poillon délicat qui fe pêche .dans les mers de Bifcaye, & qui n'a prefque point d'arrêté» %ùo Histoiri Naturelle, ôcc contribuent pas peu à engraiffer le poifTon de l'Océan, Ôc à lui donner ce goût délicat qui le fait préférer à celui de la méditerranée. En partant de ce principe on doit pêcher les meilleurs poiffons à l'embouchure des rivières , comme pn prétend que c'eft à côté des moulins qu'on pêche les meilleures anguilles. Les poiffons qu'on trouve le plus communément à Bilbao font la truite de mer, le turbot, la merluche, las cabras, /os mubks, la bonite, le congre, le petit thon, quireffembleau maquereau ôc qui n'en efl pas ; les fardines, qui font délicates & fi abondantes, que quelquefois on en donne cent pour un quart ; le faurnon, les huîtres & d'autres efpèces de teflacés. Les Bifcayens appellent Républiques les différentes Jurifdictions de leur Province , qui , à l'exception d'une ville ôc de quelques bourgs, font compofées de quartiers féparés ôc de maifons ïfolces, qui font fitués dans des terreins commodes ôc à portée des eaux. Toutes ces maifons ont un rez-de-chauffée , un premier étage ÔC des greniers. Le rez-de-chauffée efl defliné pour les écuries ôc pour les celliers. On y dépofe aufîi les outils propres axi labourage. Le premier étage fert de logement, & les greniers fervent a. garder les grains ôc les fruits. Pour l'ordinaire les planchers y font en bois. Toutes les maifons y ont leur four, leur jardin potager ÔC leur verger. Il y en a beaucoup qui ont aux environs leurs terres labourables, leurs plants de châtaigniers ôc leurs bois. Rien n'efl plus agréable que d'y voyager fur les grandes routes ; on a le plaifir de voir continuellement des maifons de côté ôc d'autre ,( ôc depuis Ordugne , jufqu'à Bilbao , qui en efl éloigné de fix lieues environ, on croit ne voiç d e l'E s p a g n e.1 501 trû'une feule ville un peu défunie. Autrefois les maifons ordinaires y étoient en bois , depuis lé plancher du premier étage jufqu'au toit ; mais * depuis long-tems , celles qu'on y répare , ainft que celles qu'on y fait conflruire % {ont toutes de pierres. Je n'y ai vu aucune maifon tombée en ruine ni qui fût inhabitée. Il y en a une infinité de nouvelles, dont quelques-unes font grandes 6k bien bâties; On peut en inférer que , quoiqu'il paroîffe impofîible que les naturels de ce pays , (011 il n'y a, pour ainfi dire,pas un pouce de terre perdu) deviennent plus nombreux, à moins qu'on n'y introduife,comme on devroit le faire,quelque nouvelle branche d'induflrie , la population augmente cependant tous les jours , malgré l'émigration confidérable de Bifcayens qui fortent de leur patrie pour n'y plus rentrer. Il fort auffi quelques femmes de cette Province ; mais il s'en faut de beaucoup que le nombre en foit aufîi confidérable que celui des hommes , ck comme il y en a peu qui ne fe marient, on peut en conclure qu'il naît plus d'hommes que de femmes. Cette population difperfée elt la plus ancienne du pays, 6k on peut préfumer qu'anciennement toute l'Efpagne de voit être peuplée de la même manière , à l'exception de quelques Capitales de Province ou de tribu : tous les anciens Efpagnols étant ou Laboureurs ou Bergers, il auroit été impofîible, s'ils euffent vécu réunis dans de gros villages, qu'ils euffent été en auffi grand nombre qu'on voudroit nous le faire croire. Ce qu'il y a de certain , c'efl que la Bifcaye doit à la répartition de fa population en tant de branches différentes , l'avantage d'en avoir une auffi confidérable dans un terrein aufîi borné 6k auffi ingrat. La plus grande partie des $o% Histoire N a tu r elle, Sic." maifons tk de leurs dépendances , eft habitée tk cultivée par des Propriétaires , qu'on appelle Eche-Jaunas, c'eft-à-dire, Seigneurs de maifons, dont leurs ancêtres ont été poffeffeurs de tems immémorial, & qui, fuivant toute apparence , doivent paffer à leur poftérité , parce qu'on y regarde de mauvais œil celui qui aliène la maifon & les biens de fes aveux. Les maifons qui appartiennent à des perfonnes riches font affermées, tk, comme pour l'ordinaire elles font à la portée des champs tk des terres, tout y eft mis en valeur , tout y eft cultivé tk planté. La Paroiffe eft ordinairement au centre de chaque République , & celles dont le reffort eft trop étendu, ont des annexes pour la plus grande commodité des habitants , dont quelques-uns s'y rendent de très-loin, quelque-tems qu'il faffc. Lesbénéfices doivent y être bons ; car le Clergé s'y tient très-décemment. La Bifcaye , ainfi que les deux autres Provinces, 6c les montagnes de Burgos , font couvertes de châteaux qui méritent la plus grande confidération , relativement à leur antiquité tk à différentes circonftances. En général, ce font des édifices avec des tours quarrecs fortes, ck d'une architecture fimple. Il y en a même plufieurs qui n'ont point de tours , foit parce qu'elles ont été détruites dans les guerres civiles, foit parce que dans les châteaux conftruits ■ poftérieurement à cette époque , on s'eft particulièrement attaché à les rendre plus commodes & plus habitables. Les anciens Seigneurs de ces châteaux s'appelloient Parhnus Mayores, Tous ceux qui en clefcendent ou qui prétendent en defcendre, les refpeclent, comme chefs de leurs familles.Quelques-uns font c e l'E 3 p a g ni. 30$ notoirement fi anciens , qu'on peut les regarder, comme antérieurs à l'établirTement du Chnftia-nifme dans ce pays ; car les familles qui les pof-fèdent ont fondé les Eglifes, y ont le droit de patronage 6k en perçoivent les dîmes depuis un tems qui étoit déjà immémorial il y a quatre fiècles. Les familles qui ne jouiffent point du droit de patronage n'en méritent pas moins de conlidération. Il y en a même une infinité qui , Quoique réduites à faire valoir elles-mêmes le peu e terre dont elles font Propriétaires , ne le cèdent en rien quanta la nobleffe. Elles prétendent que, quoiqu'une famille foit plus riche, ck par conféquent plus illuilre , toutes font égales t quand elles ont l'honneur de defeendre des anciens Fondateurs. C'efl du nom des châteaux mêmes qu'elles tirent le leur. On doit préfumer qu'elles font plus anciennes en Bifcaye que l'éta* bliffement du blafon , 6k même que celui des af ■» chives, 6k des titres, qu'on ne confervoit pas autrefois avec grand foin , ck qui n'étoient pas nécelfaires pour prouver la nobleffe, puifqu'a* lors il fuffifoit d'être poffefTeur d'un de ces châteaux , ou de pouvoir prouver qu'on defeendoit d'un poffefTeur fans interruption ; 6k, en effet, dans tous les tems, ces maifons ont produit des fujets qui fe font diflingués dans différents genres, 6k qui ont formé des établiffements plus ou moins confidérables dans le refle de l'Efpagne, tandis que leurs parents, qui font refiés dans le pays, continuent d'y vivre honorablement du revenu plus ou moins borné que leur ont laiffë leurs ancêtres , en s'occupant d'ailleurs du foin de donner à leurs enfants une éducation digne des fiècles qui ont vu naître tant de héros. Les filles 304 Histoire Naturelle,&c. particulièrement y font élevées d'après des principes bien oppofés au fyftême adopté dans les contrées où le luxe a corrompu les mœurs. Celles qui réunifient le plus d'avantages fe font un devoir d'entrer dans tous les détails du ménage , 6k d'en remplir les fonctions avec intelligence. Elles ne dédaignent pas même de blanchir le. linge , de pétrir le pain, de faire la cuifine. Ce pays me rappeloit l'idée du fiècle 6k des mœurs dont Homère nous fait le tableau. Veut-on trouver la fimplicité , la vigueur 6k la bonne gaieté ? c'eft dans ces montagnes qu'il faut les chercher : on y verra que,li, en général, les habitans n'y font pas très-riches , ils font à coup sûr très-heureux, plus attachés d'ailleurs à leur pays, ck plus indépendants des Grands qu'on ne l'eft par - tout ailleurs. Je ne pus m'empêcher d'admirer les égards avec lefquels les principaux habitants ck les plus riches traitoient leurs voifins ; mais Pefpèce d'égalité qui règne entr'eux paroît , pour ainft dire, indilpenfable dans un pays, où, par tempé-îament autant que par éducation , les gens ont dans le caractère un fond de hauteur 6k d'indé- ÎVendante incompatible avec les devoirs que 'on rend aux riches : aufti le proverbe Efpagnol qui dit que » la pauvreté n'avilit point», fe vérifie particulièrement en Bifcaye. Celui qui demande publiquement en Bifcaye y eft déshonoré , 6k quoiqu'on y voye beaucoup de mendiants , parce que les femmes y font fort charitables , il eft très - rare qu'on rencontre des Bifcayens dans le nombre de ces mendiants. En général dans les villages de Bifcaye ck dans* ceux de Guipufcoa, les hommes 6k les femmes font habillés comme en Caftille ; mais dans les Peuplades pe l'Espagne.1 305 Peuplades difperfées les Laboureurs n'ont pas encore quitté l'ancien corlurne. Leur habillement reffemble un peu à celui des Catalans. Cet habillement eft compofé d'une culotte ample ÔC un peu longue , d'un gilet rouge croifé, d'une efpece de furtoutlong ck large , d'un bonnet applati fur les côtés , qui fe termine en pointe, & dont ils ne fe fervent qu'en hiver. Ils portent quelquefois Un chapeau en été. Leur chauffure , fur-tout en hiver , elt de cuir non tanné , entrelacé avec des courroies, très - convenable d'ailleurs pour un pays montueux, ou il pleut beaucoup , tk oii le terrein efl gliffant.Toutes les fois qu'ils fortentj À moins que ce ne foit pour aller travailler aux champs, ils portent un bâton de cinq à fix pieds, qui réunit le double avantage de leur faciliter lé paffage des ruiffeaux tk desfoffés, tk de leur tenir lieu d'une arme défenfive. Pour s'en fervir, ils le prennent par le milieu, ôc alternativement dans les deux mains , placées à certaine diftance , ils le manient fi adroitement, que la meilleure épée ne leur fait pas peur. Pour l'ordinaire ils portent le manteau en hiver, ôc ils fument continuellement, autant par go ut, que parce qu'ils font perfuadés que la fumée du tabac les garantit des fuites de l'humidité du pays. Toutes ces habitudes , joint à ce que ce font des hommes robuftes Ôc agiles j leur donnent un air de vigueur , qu'on pourroit traiter de férocité , fi réellement ils n'étoientpas aufîi joyeux , affables , tranquiles ôc fociables Qu'ils le font , pourvu toutefois qu'on ne leur aonne aucun fujet de fe mettre en colère. Les femmes s'habillent comme en Caftille. Celles qui font mariées fe mettent fur la tête un mouchoir de toile ou de moiuTeline, qu'elles nouent fur le y 306 Histoire Naturel le , ôcc. haut, ÔC dont elles lailTent tomber les pointes pat* derrière. Les filles y portent leurs cheveux trèfles. Elles font hères ôc courageufes, Ocelles travaillent au champ comme les hommes. La langue qu'on parle le plus communément dans la Seigneurie de Bifcaye , dans la Province de Guipufcoa, ôc dans la majeure partie de celle d'Alava, efl le Bafque, qui efl certainement une langue mere , auffi ancienne que le pays. Elle efl très-douce à l'oreille, ôc ceux qui l'entendent affûrent qu'elle efl très-expreffive. Tous les Montagnards font très-attachés à leur patrie ; ce qui provient fans doute des biens-fonds qu'ils y poffèdent , par le partage des terres. Mais les Bifcayens ont cela de particulier, qu'ils regardent leur pays comme le meilleur pays du monde , ôc comme le fol originaire d'une Nation qui defcend des Aborigènes Efpagnols.Cette prévention efl très-avantageufe au pays, en ce qu'elle leur infpire des idées , ôc leur fait exécuter des chofes qui paroîffent au-deffus de leurs forces, dans un terrein aufîi borné que la Bifcaye , oii l'Agriculture rapporte peu , ôc oh les branches d'induflrie font en très-petit nombre. Rien ne prouve mieux ce que nous venons de dire que les magnifiques chemins que la Seigneurie de Bifcaye vient de faire conftruire pour la commodité publique ôc pour le bien du commerce, depuis la Caftille jufqu'à Bilbao , ainfi que les Prorinces de Guipufcoa Ôc d'Alava , chacune dans leur reffort , depuis la Caftille jufqu'aux frontières de France. Les moeurs ôc les ufages des Bifcayens tiennent beaucoup de ceux des ïrlandois : ce rapport femble accréditer l'opinion qui attribue une de l'EsP À G ne.' '507 •origine commune aux deux Nations. Les hommes 6k les femmes de Bifcaye vont en pèlerinage par partie de plaifir ; ils y accourent en foule de très-loin. Ils fe régalent ck fe divertiffent le long de la route, fur-tout en danfant leur carricadan\a dans les champs , ck au fon du tambourin , jufqu'à ce qu'ils foient rendus à leur deflination* Les Irlandois en font autant dans leurs foires 6k dans les fêtes de patrons Les Guiçones de Bifcaye 6k les Boulums kà*hs d'Irlande fe battent pour la moindre chofe dans ces fêtes , à coups de bâion , le tout fans rancune 6k fans tirer à coniéquence. On ne les voit jamais porter la main au poignard , ni fe fervir d'aucune autre arme courte. S'ils fe bleffent à la tête, ils font guéris promptement. Il n'en eft pas de même des bleflures aux jambes, elles y demandent beaucoup de tems , comme dans tous les pays humides 6k Voifins de la mer. Les Irlandois 6k les Bifcayens font emportés , la moindre chofe les irrite, 6k ils ne peuvent fouffrir la plus légère offenfe. Le chacoli du Bifcayen 6k le fchccbeaic-bicrc de l'Ir-landois les rend furieux 6k terribles. Tant fur terré que fur mer, ils ne refpirent que l'affaut 6k l'abordage. Les premiers fe regardent comme les meilleurs marins de l'Efpagne ; les féconds prétendent l'emporter fur tous ceux de la grande Bretagne , parce qu'indépendamment de leur Valeur, aucune Nation ne peut endurer , ainfi. qu'eux, la faim , le froid 6k le chaud* En Irlande les gens du peuple mangent au même plat , avec les doigts 6k fans fourchette , 6k ils vivent au milieu de la fumée. Les anciens brogues reviennent aux fouliers de corde des Bifcayens. L'Irlandois porte le manteau, les cheveux en long î 308 Histoire Naturelle, 6cc. les femmes fe couvrent la tête d'un mouchoir de toile blanche , 6c portent des jupons rouges. Il y en a beaucoup qui marchent nuds pieds , 6c qui portent fur la tête les chofes les plus lourdes. Elles travaillent autant, 6c même plus que les hommes, en quoi elles reffemblent parfaitement aux Bifcayennes. On dit en France que les filles doivent être de la dernière chafïeté, 6c que l'honneur d'un mari ne doit point dépendre des caprices de fa femme. Les Irlandoifes au contraire 6c les Bifcayennes , gardent inviolablement la foi conjugale ; c'efl même les offenfer que de leur faire la moindre propofition. En pareil cas, elles donnent pour toute réponfe : •je fuis mariée. Tous ces rapports font un témoignage non-fufpeét de l'identité de l'origine de ces deux Nations, ôc on ne peut nier que , foit par une fuite de cette tradition, foit par la conformité de leurs mœurs , foit enfin par celle de la religion , les Irlandois n'aient eu de tout tems un attachement fincère pour les Efpagnols. De Bilbao en particulier, & de fes environs. La ville de Bilbao , fituée au dedans des terres 6c à l'embouchure d'une rivière , efl compofée de fept à huit-cents maifons, toutes très-habitées ; cette ville efl décorée d'une tres-belle place, fituée fur la même embouchure. Les eaux y font retenues par une magnifique digue, qui s'étend, à une très-grande diftance , le long de la promenade de Y Annal. Les édifices de la ville de l'Espàcne, 309 font élevés, bons & folides. En descendant fur la droite de l'Arenal, on ne trouve que des maifons , des magafins ôc des jardins. Comme les maifons font peintes, ôc bordées de tilleuls ôc de rouvres, ceux qui s'embarquent, en remontant l'embouchure, ont une perfpe&ive fi belle tk fi. variée, qu'à chaque infiant il leur i'emble voir de nouvelles ôc cle magnifiques décorations de théâtre. Les eaux de la rivière, conduites, par divers canaux, jufqu'au plus haut des rues, qui font toutes fort unies, fervent, quand on veut, pour les laver ôc pour les rafraîchir : on les fait entrer enfuite, par des égoûts, dans les conduits fouterrains dont elles emportent toutes les immondices, Bilbao eft, par ces précautions, un des endroits les plus propres qu'on connoifTe en Europe. On ne peut aller dans la ville, ni en car-rolTe, ni dans aucune autre voiture roulante ; tk cette défenfe , qui met les pauvres à l'abri des in-f ultes de l'opulence, conferve en bon état le pavé des rues, de Bilbao, compofé de petites pierres quarrées. Les avant - toîts fail.lent de manière qu'on peut marcher dans les rues à l'abri de la pluie , fans avoir be.foin de parafol. Ainfi on va en tout tems, clans les rues de Bilbao, à pied fec, commodément Ôc fans rien craindre. Les fontaines y reçoivent l'eau de la même rivière , par Un canal magnifique ôc fpacieux, que l'on a pratiqué beaucoup plus haut en forme de terraiîe, en fuivant la direction de la rivière ; ce qui donne Une promenade auffi agréable, auffi fraîche ÔC auffi gaie qu'aucune autre promenade d'Efpagne. Parmi les.caufes qui confervent ou qui détrui-fent la fanté, l'air efl une de celles qui y influent le plus particulièrement.. Cet élément, portant Viij $ io Histoire Naturelle, tkei avec lui tout ce qu'il peut diffoudre lui-même + l'introduit dans les poumons chaque fois qu'on, refpire : il agite les organes de la digeftion ; il donne du reifort aux fibres délicates des intef-tins ; il entre dans le fang Ôc il en anime la circulai ion : tk félon que fon élafticité augmente ou diminue , tk que les fibres font plus délicates tk plus fenfibles , il fait plus ou moins d'impref-fion : c'eft pourquoi les poiffons, les oifeaux, les mouches tk les vers font les meilleurs baromètres qu'on puilTe avoir. L'air entre également dans la compofition de tous les corps, quelque durs qu'ils foient : il fe condenfe quelquefois jufqu'à perdre la plus grande partie de fes propriétés ; dans d'autres , il fe dilate d'une manière incroyable , ôc c'eft ainfi qu'il coopère en plus grande partie à la digeftion, tk qu'il produit ce que nous appelions des vents. L'air qu'on refpire à Bilbao eft toujours fî humide , qu'il moi fit les meubles dans les troi-iièrnes étages, tk qu'il rouille le fer tk le cuivre ; il diffout le fel du poilTon falé , tk multiplie les puces à l'infini. Margré cela, Bilbao eft l'endroit le plus fain que je connoiffe, ÔC les habitans y fouillent des quatre biens les plus précieux, de la force ôc de la vigueur du corps, d'une bonne fanté, d'une longue vie , tk d'une âme gaie ÔC Contente. Quoique la ville foit très-peuplée, il eft rare qu'il y ait des malades à l'hôpital ; j'ai demeuré quatre mois à Bilbao , ôc je n'y ai vit enterrer que neuf perfonnes , parmi lefquelles il y en avoit quatre qui paffoient quatre-vingts ans. On voit, dans les rues de Bilbao , des octogénaires de toutes Nations qui font encore droits, ôc qui marchent bien. A peine y connoît-on les de l'Espagne. 311 fièvres poupreufes ; quant aux fièvres tierces ôc aux fièvres quartes, elles y font très-rares. On fait qu'en général l'eau dormante eft très-perni-cieufe pour les endroits qui fe trouvent à fa proximité, ôc que les habitans y font fujets à avoir des fièvres tierces ; cependant l'air de Bilbao eft très-fain , quoique la ville foit conftruite en partie fur pilotis, comme Amfterdam. D'où peut provenir cette exception à la règle générale? C'eft fur quoi je vaishafarder mon opinion. Les montagnes des alentours foutienncnt les nues qui s'élèvent des eaux de l'Océan. Les pluies y font fréquentes , & il y règne toute l'année quelque vent de terre ou de mer. Les courants d'air , variés ôc continus , mettent en mouvement les vapeurs humides ; celles-ci continuent bien d'exifter, mais elles font dans une agitation continuelle oc qui ne leur permet pas de former les combinaifons de putrification qui réfuîtentjtant de la chaleur que de la ftagnation des eaux. D'où j'infere que la proximité de Peau falée , les pluies , ôc particulièrement les courants d'air font la caufe phyfique de la falubrité du climat de Bilbao ; de même que, par une raifon contraire, la chaleur continuelle qui raréfie les exhalaifons des rivières qui coulent lentement , Ôc celles des eaux répandues fur la fur-fare de la terre , ou celles des eaux flagnantes , ainfi que l'arrofement des jardins dans les endroits où le calme règne au milieu des chaleurs de l'été, font la caufe de la putréfaction des Vapeurs qui donnent la pefte en Afrique , ÔC qui Rendent les fièvres fi communes dans plusieurs endroits de l'Efpagne. 11 réfulte du même principe , que, dans plufieurs endroits de la Mawche, Y Lv 3ii Histoire Naturelle , tkc. où l'on trouve l'eau à deux ou trois pieds de ta fuperficie, les habitar.s font fujets aux fièvres tierces ; parce que, quoique le pays y foit plat, l'air y a peu d'agitation , fur-tout en été. Aufft la centommation du kinkina efl - elle plus confidérable dans la Manche (malgré la féche-reffe de fon terrein à la furface ), qu'elle ne l'efl en Hollande , où l'on pourrait dire que le pays, eft noyé da,:S l'humidité. Les pays humides, où Ton a cle grands bois, peuvent devenir fains en faifant ébrai-chcr les arbres pour ouvrir un paffage aux vents ; il efl dangereux de dormir dans une maifon neuve , parce que l'humidité dont les matériaux lont imbibés, ne fe diffipe pas facilement, l'air étant concentré dans l'intérieur ; -& nous voyons tous les jours que l'on dort,fans le moindre rifque , dans les plus profondes galeries d'une mine , parce que l'air y pénètre, tk peut y circuler librement. C'efl à cette heureufe agitation de l'air, qui, comme nous venons de h dire, règne à Bilbao, «qu'il faut attribuer la belle carnation , la gaieté tk la force de les habitans. Les femmes, qui, dans d'autres pays, peuvent à peine fupporter la plus légère fatigue, travaillent à Bilbao (dans la claffe du bas peuple ) encore plus que les hommes ; elles font les gagne - deniers. tk les portefaix de la ville, tk ce font elles qui chargent & qui déchargent les navires. Les forçats de Carthagène oc ceux d'Almaden font des fai-néans , en comparaifon des femmes de Bilbao. Elles vont fans bas tk fans fouliers , & elles ont toujours les bras découverts. On peut juger de leur force par la vigueur de leurs mufcles : elles ont Ar-tout dans le cou autant de force que le* de l'Espagne. ^tj taureaux ; car elles portent, fur la tête, des fardeaux fi lourds, qu'il faut deux hommes forts pour les charger. La femme ne le cède pas en force au mari, non plus que la fœur ne te cède au frère. Lorfqu'elles ont bien bu ôc qu' s font bien chargées , elles courent avec autant de légèreté que d'affurance. Sur le foir, lorfqu'elles ont fini leur travail, elles retournent chez elles, fans donner aucune marque de lafîitudc ; il leur arrive fouvcnt de danfer en chemin au fon du tambourin , en fe tenant toutes par la main. Selon la coutume des Grecs ôc des Romains , la ville, pour divertir le peuple dans les jours de fête ôc de récréation, tient à fes gages une efpece de mufique, qui elt compofée d'une flûte ôc d'un tambourin. La flûte n'a que quatre trous, dont trois dans la partie fupérieure, ôc un par-deffous, On ne laiffe pas d'en tirer une variété incroyable de fons. Les Bifcayens fufpendent le tambourin au bras gauche , Ôc ils jouent de la flûte de cette main, tandis qu'ils jouent du tambourin de la droite. Leurs danfes font très-vives, pleines de vigueur & d'agilité :mais elles font fans attitudes ôc fans lubricité. Les femmes, quoique conti-r nuellement expofées à l'intempérie de Pair, y ont le teint frais ôc coloré. Leurs cheveux font de toute beauté, ôc elles regardent la longueur ôc l'épaiffeur de leurs trèfles, comme le plus bel, ornement qu'elles puiffent avoir. Dans tous les pays , il y a des chofes qui ne dépendent ni du chaud ni du froid|, ni de la féchereffe ni de l'humidité ; tels font les fruits particuliers, les plantes extraordinaires, les animaux qui diffèrent de ceux de la même efpece, & qui- l'emportent fur eux, pour la hauteur, 514 Histoire Naturelle,ôcc: pour ïagroffeur ,pour la couleur,pour la fïgufô ôc pour la force ; ôc c'eft dans ce fens que je me fers aujourd'hui du mot climat. Par exemple, c'eft au climat que nous attribuerons la belle preftance du cheval Àndaloux, l'élégance de fa taille, la nobleffe de fon pas, fon courage ôc fa iïerté ; il en eft de même de la férocité des taureaux d'Efpagne: le cheval Anglois, qui n'a point îe pas noble comme i'Andaloux, va comme le vent; il faute ôc il s'élance comme un trait, ôc c'eft au climat d'Angleterre qu'il doit toutes ces qualités. Les fameux coqs , dont on voit les combats en Angleterre, ainfi que les dogues ou lévriers , s'abâiardiffent à la troifième généra-lion , îorfqu'on les tranfporte fous un autre climat. Les premiers perdent leur courage, ôc les féconds commencent à aboyer. Les cicognes du Pérou ont du poil comme nos chèvres ; mais ce poil eft plus doux que la foie ; ôc les Nègres d'Afrique ont de la laine comme nos moutons. Le climat influe, non-feulement fur le phyfique, mais encore fur le moral. Le caractère de l'Ef-pagnol, du François, de l'Anglois, de l'Italien , Ôc celui des autres nations , eft l'effet du climat , parce que les aliments ôc les émanations des corps conftituent les parties élémentaires de l'homme, ôc fe convertiffent chez lui en fang ôc en chair, en fe diffolvant avec les liquides, ôc en s'identihant avec les folides. Le bras d'un boucher tire fa force du fuc ôc du fang des animaux qu'il tue, ôc les vapeurs chaudes que ces animaux exhalent lui donnent cette belle carnation qu'on remarque ordinairement parmi les gens de cette profeftTon. Il y a des femmes, qui, pour avoir le teint frais, s'appliquent, pendant del'Espagne. ^ la nuit far le vifage , la chair ou le fang d'un animal récemment égorgé ; il eft vrai que cette fraîcheur n'eft que momentanée , ÔC qu'elle ne fert qu'à accélérer les rides. Les boulangers ont ordinairement la peau blanche , & cela provient des émanations de la farine qu'ils pétrifient. Enfin je pourrois citer mille exemples à l'appui def-quels je prouverois que les variétés qu'on remarque parmi les hommes tk les animaux de différents pays, font l'effet du climat dans l'acception que je lui ai donnée ci-delTus, tk de la diverfité des évaporations qui pénètrent tk qui conftituent les différents corps, LailTons cette difgreflion pour parler des autres particularités de Bilbao. La boucherie eft un édifice tofcan , fitué au centre de la ville , qui forme un enclos découvert, pour que l'air puiffe y circuler librement : on y a pratiqué une fontaine très-abondante ; on n'y voit rien qui puiffe foulever le cœur, ni qui fente mauvais , parce que tout s'y fait avec la plus grande propreté. La tuerie , qui eft en face, eft un bâtiment fort étendu,oùl'on a une grande provifion d'eau, dont on fe fert pour ôter le fang tk les autres immondices. La viande eft tenue li proprement, dans cette boucherie, que les particuliers ne font Pas obligés de la laver chez eux, comme on le fait dans le refte de l'Efpagne ; ce qui lui ôte beaucoup de fubftance tk en altère le goût. Le bœuf que l'on mange à Bilbao eft gras, tendre ôc fucculent ; le mouton de Caftille, en-graiffé avec les herbes falées de Portugalete, a un goût délicieux ; le veau y eft tendre , blanc oc agréable au goût ; les poulardes y font aufli délicates qu'à Paris, ôc le gibier abonde, dan* }i6 Histoire Naturelle,^ tous les environs, parce que le pays eft entrecoupé cle montagnes, de collines 6c de vallées fertiles, arides , humides 6c feches. Les arbres, les arbuftes & les fruits, dont ces vallées font couvertes, attirent cinq efpèces d'oifeaux de paffage, que les Bifcayens appellent chimhos ; Se qui,Iorfqu'ils font gras, iout délicieux. Je ne tarderai pas à dire mon frr.timent furies oifeauX de paffage en général, 6c particulièrement fur ces chimbos. Parmi l'énorme quantité de poiffons qu'on mange à Bilbao, l'embouchure de la rivière en produit deux efpèces particulières, que les ha-bitans aiment à l'excès: favoir, les anguilles en hiver , & les feches en été. Les anguilles relTem-blent à de petits congres , 6c remontent le long de la rivière en très - grande quantité ; elles ne font pas plus greffes qu'une plume de pigeon ; elles ont environ trois pouces de long, 6c font d'un blanc pâle; elles n'ont point l'épine oflèufe comme les véritables anguille-s ; on les prend par millions dans les marées baffes ; ordinairement on les fait frire : quelquefois on les accommode d'une autre manière, 6c on en mange quinze ou vingt à la fois. La feche eft un petit calmar que l'on appelle auffi poiflbn d'encre , à caufe de la liqueur noire qu'il renferme ôc qui reffemble à l'encre. L'os qui lui couvre l'épine du dos fert aux Orfèvres pour faire des moules. D'abord il eft mou comme de la gelée ; mais il prend enfuite de la confiftance Se devient cartilagineux : dans cet état, c'eft un très-bon manger. Il finit par durcir 6c par former au-deffbus cette matière fèche 6c tendre , fur laquelle on imprime la pièce que l'on veut couler. de l'Espagne; J'ai déjà parlé de l'abondance des fruits tk des légumes de Bifcaye. Bilbao a cela de particulier , qu'indépendamment de la quantité tk de la qualité des denrées qu'on recueille dans fes environs, on y apporte des villages les plus éloignés ce qu'il y a de meilleur en ce genre. Enfin Bilbao eft un pays oii l'on peut vivre avec beaucoup d'ai-fance ck beaucoup d'agrément,tant par rapport à fon climat, à fes fruits , qu'à l'honnêteté de fes habitants & à la fageffe de fes Loix civiles tk des Règlements relatifs au commerce. Parmi ces Loix il y en a une contre l'ingratitude » tk l'on punit à Bilbao celui qui s'en rend coupable. t>es Oifeauxdc paffage en général, & ^jChimbos de Bifcaye. Xj a tranfmigration des oifeaux de paffage , leur départ tk leur retour exa£l & périodique dans une certaine faifon de l'année , eft un lait qui paroît merveilleux; mais la plupart des hommes ,les voyant traverfer les mers ck les régions les plus varies, pour aller tk venir chercher l'air tempéré tk les aliments qui leur conviennent, tk pour fe multiplier , croient expliquer ce phénomène , dont ils ignorent la caufe, en l'attribuant a l'inftinct, mot vuide de fens tk qui ne fignifie rien. Dans mon hiftoire de la fauterelle, je prouve ^ue la majeure partie des rufes tk des opérations °es infectes, qu'on attribue également à l'inftinct, eft l'effet de la très-grande fenfibilité de l'organe de l'odorat, tk on a mille exemples qui prouvent que cette feniibilité eft commune à tous les oi- 318 Histoire Naturelle, &cJ Seaux. La Phyfique enfeigne que tous les corps » vivants ou morts, tranfpirent fans ceffe. Chaque individu des trois règnes exhale une matière, cliftincte de celle d'un autre individu. Le chien cherche ion maître , & il le trouve au milieu de mille perlonncs , par l'odeur diftincte qu'il lui a reconnue. L'agneau nouveau né, dont les yeux font encore fermés, trouve la tettine de fa mere au milieu d'un troupeau de brebis. Les troupeaux paffagers (80), qui defeendent du haut des montagnes , pour paifer l'hiver en Eitramadoure » s'arrêtent d'eux-mêmes, iorfcju'ils font arrivés au pâturage où ils avoient broute l'année précédente, & les Bergers auroient de la peine à les faire parler plus avant, quoiqu'il arrive fouvent que pendant l'efpace de plufieurs lieues le terrein foit entièrement femblable. Les émanations ou les évapora-tions des plantes &c de la terre dans cet endroit, ont caufé , clans l'organe de l'odorat de ces brebis une fenfation, qu'un laps de plufieurs mois n'a pu détruire , puifqu'on la voit fe renouveler aum-tôt que les brebis arrivent à leurs pâturages. Chaque pays, chaque champ, chaque arbre SC chaque plante exhale des émanations différentes > perceptibles pour les animaux & pour les oîfeaux:* On voit des arbres chargés de nids de choucas, au point que les branches en font couvertes , & > pour peu qu'on y faffe attention , on verra que chaque choucas vole droit à fon nid , fans qu'il lui arrive jamais de fe tromper, au milieu même (80) C'eft ainfi qu'on appelle en Efpagne les troupeaux qui palffent dans un endroit pendant l'été & dans u° autre pendant l'hiver. Ce changement influe euemielle* *m.nt fur la qualité des laines. de l'Espagne, 51^ fe ténèbres de la nuit. L'hiftoire des colombes qui fer voient de couriers en Egypte , ck que quelques perfonnes ont traitée de table, fe vérifie; en Angleterre, où cet oifeau va porter des nouvelles de Londres aux extrémités de l'Ifle. J'y aï vu lâcher une colombe , qui portoit au cou un billet, dans lequel on faifoit part de la mort d'un gentilhomme , condamné pour crime de lèle-Majellé. D'abord la colombe prit fon vol vers le ciel jufqu'à la hauteur d'une tour. Elle voltigea enfuite circulairement à quatre ou cinq reprifes, puis elle s'élança précipitamment vers l'Ecoiïe en ligne droite.On fçut après, qu'elle étoit arrivée en trois heures & demie à fa deftination, éloignée de Londres de plus de cent lieues. Mal-à-propos Voudroit-on dire que ce fut la vue qui guida cette colombe ; car elle eut à traverfer des montagnes , dix fois plus élevées que le point d'où elle avoit pris fon effor , ck c'eft de ce point même que l'on conjecture qu'elle commença à fentir la maifon maternelle ; d'ailleurs la rondeur de la terre ne permet pas de diftinguer les objets à une pareille diftance. Une infinité d'obfervations,faites en différents tems ck en divers lieux, prouvent que les oif eaux de proie fentent les evaporations cadavereufes à des diftances incroyables. Le plus mauvais pro-fioftic pour un malade feroit de favoir un corbeau perché fur le toit de fa maifon , parce que la finguliere fenfibilité de l'odorat dans cet oifeau, animée par la faim, dont il eft dévoré , lui fait diftinguer les evaporations des parties, qui, dans 5?s maladies lentes , meurent ayant que le cœur f°it attaqué. Ceci n'eft point un augure ni un conte de vieilles. Je pourrois rapporter mille 3 io Histoire Naturelle, Sec.1 autres preuves de la lenlibilîté de l'odorat dans les oiieaux, & citer, à l'appui de ce que j'avance, les fils attachés aux pattes des hirondelles &C des cicognes , qui prouvent indubitablement que ces oiieaux reviennent aux nids qu'elles avoient laiffés l'année précédente ; mais j'en ai dit allez pour quiconque voudra y réfléchir, & pour la confequence que je veux en tirer , par rapport aux oiieaux de paffage , qui, guidés uniquement par l'odorat, reviennent tous les ans à l'endroit où ils étoient l'année précédente. Enfin les cinq efpèces d'oifeaux, qui viennent tous les ans en Bifcaye,partent d'Afrique, lorfquè les chaleurs iniupportables les forcent à changer de climat , parce qu'alors les fruits fe fèchent, les ruiffeaux tariflent, & que les fourmis, délices des chimbos, fe cachent. C'efl alors que ces oiieaux paffent le détroit , qu'ils entrent dans î'Andaloufie , & qu'ils fe partagent en tribus ou en familles , pour fe dillribuer enfuite dans toute l'Efpagne , chaque tribu dirigeant fon vôl vers fa patrie. Ceux qui font nés en Andalousie & dans la Sierra-Moréna s'y arrêtent ; ils s'y accouplent & ils y font leurs nids dans les endroits oh ils trouvent des bluffons , des fruits , de l'eau & des fourmis. Ils aiment beaucoup l'ombre des bruyères; ils ont foif à chaque infiant, les graines leur tiennent lieu de pain,& les fourmis font pour eux la viande la plus délicieufe. Quand l'un & l'autre commence à leur manquer , cé qui provient toujours par la chaleur qui règne, ils volent par intervalles vers d'autres endroits plus tempérés. Ils traverfent avec rapidité les plaines de la Manche , où ils ne trouvent ni ombre, ni eau, ni la moindre chofe , 6c ils arrivent t) E L*E S P A G N Ë. jlt arrivent en Bifcaye vers le mois d'Août, qui efl le tems ou le mûrier iauvage , le troëfne , la garance , le fiireau, le chevrefeuil, le figuier, Se les autres plantes font en fruit. Ils arrivent mai* gres Se décharnés par la fatigue du voyage ; mais au bout de quatre jours ils deviennent aufîi gras que des becfîgues ou des ortolans. La Manche eft pour ces 01 féaux un défert ; comme l'Arabie Se la Bifcaye , un paradis. Quand les eaux de l'automne commencent à pourrir les grains des femences , Se lorfque les fourmis commencent à le cacher , les chimbos prennent leur vol dans une nuit, à l'exception de quelques-uns qui relient, foit par pareflè ou par maladie, & ce font ceux qui font juiqu'à trois couvées , lorfqu'ils peuvent gagner le printems. La grande fenfibilite du genre nerveux dans ces petits oifeaux, leur fait fentir Se leur fait prévoir jufqu'au moindre changement dans l'atmofphère* Je me fouviens d'avoir vu, fur la fin de Septembre , une grande quantité de chimbos. Il s'éleva le vingt-fept un vent un peu frais , Se la nuit fui-Vante ils décampèrent, après avoir tenu un con-feil général à l'mftar des hirondelles , Se ils devancèrent par ce moyen la grande pluie du vingt-neuf. C'eft ainfi que nos cinq efpèces d'oifeaux , guidés par Pimpulfion de l'odorat, vont chercher leurs aliments de climat en climat : tels on voit les Arabes , les Tartares , les Sauvages de l'Amérique, & tontes les Nations Numides, quitter leurs demeures pour, aller chercher à fe nourrir ailleurs, eux Se leurs troupeaux. Le grand partage des becaffes fuit immédiatement le départ des chimbosquoiqu'en Bifcaye , pù j'en vis deux en Juillet, il y ait quelques bé« 3^2 Histoire Naturelle, Scci caifes pendant toute Tannée. Elles font leurs nids à l'ombre, dans les crevaifes des rochers, au Nord de la montagne de Gorveya, oh il y a plufieurs f . rces , parce que la terre s'y maintient fraîche 6c molle au milieu des chaleurs de l'été, parce qu'elle elt d'ailleurs toujours remplie de vers ôc couverte d'herbe. 11 y a quelques années qu'on trouva un petit bécallèau en Angleterre : on n'y en avoit jamais vu ; aufli le regarda-t-on comme quelque chofe de fi rare , qu'on le fit defîiner, ôc qu'on le grava, comme une fingula-rité digne d'être confervée dans les faites de l'Hiftoire Naturelle de la Grande-Bretagne. De la Mine de fer de Somorroflro , cv des autres 9 Mines de Bifcaye. Suivant mon opinion, comme la mine de fer de Somorroflro efl formée par l'eau- qui charrie le fer Se qui le dépofe, en formant en même tems divers corps finguliers , particulièrement des cryflallifations , avant d'en faire la defcription , je crois néceffaire de dire quelque chofe fur la manière dont l'eau forme les mines de charroi Ôc les cryflallifations ; pour cet effet, je me contenterai de rapporter fuccinc-tement ce que j'ai vu de mes propres yeux dans quelques mines d'Allemagne , qui reffem-blcnt à celle de Somorroflro. Je m'arrêterai peu à ces obfervations ; mon intention efl d'être le plus concis que faire fe pourra. Mes idées paroîtront peut-être au premier coup-d'œil fans fuite ôc fans connexité i mais pour peu qu'un Savant veulle les approfondir , je me flatte qu il les trouvera conféquentes ôc placées. Les filons de la mine de Clauflhal font compofés de plomb, de cuivre Ôc d'argent minéra-Hfés par le foufre. Ils fe trouvent , dans des matrices de fpath , d'horneftein , oc quelquefois même dans des matrices de quartz. Il y a communément dans ces filons des crevafîes ôc des trous de la grandeur d'une ruche à miel. Il y en a d'autres oii l'on placeront à peine un œuf. Ces crevaffes , de différentes grandeurs , 6c qui ont différentes directions , font remplies d'humidité. C'efl précifément là que fe forment les cryftal-lifations, qui font toutes de figure différente , fans qu'on puiffe en trouver une feule quireflem-ble parfaitement à l'autre. On remarque plus de quarante variétés dans la combinaifon fortuite des particules invifibles que l'humidité, en forme d'exhalaifon , tranfporte 6c dépofe de tant de manières différentes. Quelques-unes de ces cryf-tallifations font attachées à la cavité fupérieure , la pointe en l'air ; d'autres, que le fol produit , s'élèvent vers le haut ; d'autres ont leur bafe appuyée à un des côtés , 6c il y en a beaucoup qui rempliffent entièrement le vuide des cre-Vaffcs. Il y en a quelques-unes dont la bafe fait corps avec la matrice du filon , 6c on en trouve d'autres qu'on détacheroit avec le doigt. On Voit des fpathz cry flallifés qui viennent dans une couche dure dé quartz, ôc oii trouve des quartz cry flallifés ôc couleur de lait qui viennent fur une matière tendre. Il arrive quelquefois qu'on rencontre une couche de quartz fur une couche de tyath dans laquelle on trouve des cryftaux durs, 314 Histoire Naturelle, &c\ mêlés avec d'autres cryftaux qui ne le font point. S'il eft vrai qu'il y ait de fi grandes différences parmi ces cryftaux , relativement à l'endroit ou on les trouve , 6k à la matière dont ils font compofés , ils varient encore davantage par leur figure ck parleur couleur; car il y en a qui ont depuis trc ïs facettes jufqu'à fept.On en voit qui font convexes ck concaves , comme la pierre à fufil i d'autres qui font plats, égaux, ck minces comme une feuille de papier. Gn en voit qui font en forme de dé ; il y en a de ronds comme des grains de raifin, 6c d'autres qui font de la longueur d'une aiguille. On en trouve qui font comme de la grêle , ou en forme de pelotons de neige ou de glaçons. Enfin il y en a de laclés, de jaunes, de noirs , de marron ck de couleur de chocolat, ckc. Tous ces cryftaux font purs ; c'eft-à-dire , qu'ils ne font compofés que de terre, d'eau , ck d'un foupçon de métal, qui colore ceux qui font colorés ; 6ks'il en eft qui renferment quelque peu d'acide, on trouvera que cet acide eft mélangé des trois matières fufdites. Dans les cavités 6k dans les filons dont je viens de parler , on trouve d'autres cryftaux, com-polés de quartz, de fpath, d'argent, de cuivre, de plomb , de fer 6k de foufre, mêlés enfemble ; de manière que ces terres 6k ces métaux paroiffent avoir été attirés en haut par des exhalaifons de l'humidité , 6k s'être changés 6k combinés dans • l'air pour compofer le cryftal. J'en vis un morceau de quinze à vingt livres ; il étoit épais de deux pouces, 6k percé des deux côtés ; mais les trous ne traverfoient pas d'une extrémité à Pau- de l'Es pag ne. 3*5 tre. Ce morceau de cryftal rtflembloit h un rayon de miel. Ce fut dans une crevafie que je le trouvai ; il ne tenoit prefque point à la terre, 6c n'y touchoit point par fes côtés. Il étoit de couleur de fuie , qui nétoit pas celle de quelques cryftaux jaunes , lulfureux , qui donnoient du feu avec le briquet ôc qui tenoient aux bords des trous. j'en inférai que c'étcit le fer qui y dominoit; car fi c'eût été le cuivre, on n'en auroit pas tiré du feu, 6c ils fe feroient bnfés.Quoi qu'il en loit, il eft: rare de trouver dans cette mine des cryftaux ainfi chargés de métal, 6c fur-tout d'argent. Comme les filons de cette mine font chargés de ces matières métalliques, je crois que l'éva-poration de l'humidité , qui forme les crevaffes 6c les cavités , fe communique 6c fe mêle avec celle des filons métalliques, pour fe fixer enfuite l'une 6c l'autre , 6c pour former le cryftal métallique. Les cryftaux fulfureux font plus communs , 6c leur pofition annonce que la matière a été diffoute , 6c qu'après avoir été attirée du bas en haut, du haut en bas , ou de côté , elle s'efl fixée dans les concavités des autres cryftaux terreux ou métalliques. Ceux qui tiennent à la partie fupérieure ont les pointes garnies de cryftaux fulfureux , parce que la vapeur fulfureufe s'efl élevée ôc s'y eft attachée. Les cryftaux terreux qui tiennent au fol ont le foufre à leur bafe, parce que la vapeur l'y a conduit en s'abaifïant. Ceux qui occupent toute l'étendue de la concavité n'ont du foufre que d'un côté ; enfin, lorfqu'on trouve des cryftaux fulfureux des deux côtés , on peut être aflùré que le grand morceau cryftallife étoit 316 Histoire Naturelle, Sec. attaché par le haut ou par le bas , vers le milieu de la cavité. A la proximité cle ces mines de Clauflhal, dans celle de ZelUrfeit, il y a une grande quantité de cryftaux de plomb , couleur de lait , joints Se ferrés enfemb'e. J'y en ai vu quelques grouppes, gros comme le poing , dont les quilles étoient de la longueur d'un pouce & de la grolfeur d'une plume de pigeon. Le plomb y dominent, à raiion de quatre-vingts livres par quintal. Ces cryftaux fe trouvent dans les cavités des filons, & j'en ai vu plufieurs qui avoient un peu de couleur que le fer leur avoit communiqué. A Andreasbourg, qui efl une des villes minières de la Jurifdiction de Clauflhal, on trouve , dans les filons de la mine rouge d'argent , plufieurs cryftaux, de la forme de tous ceux dont nous avons parlé ci-deffus. J'ai vu des quilles , groffes comme le poignet , de fept à huit pouces de long, prefque tranfparentes Se couleur de rubis. La même efpece de cryftaux doit abonder également dans les mines d'argent rouge du Pérou, qu'Alonfo Barba appelle roficUr , parce que ces mines reffemblent à celle dont je parle , à en juger d'après les échantillons de quelques mines du Potofi, que j'ai vus à Madrid. C'étoient des morceaux de la grolfeur de la tête, tachetés de roficler , comme fi une eau rouffâtre eût verni la fuperficie de la pierre en fe féchant deffus. Les Fondeurs favent qu'un quintal de ces mines de roficler contient quelquefois jufqu'à foixante livres d'argent, avec une affez grande quantité de foufre , d'arf énic Se de fer. Malgré cette grande variété dans les cryftaux. de l'Espagne.' 3ï7 il y en a qui confervent conftamment le même nombre cle facettes , quoiqu'ils le trouvent dans des endroits très-différents ôc qu'ils foient de diverfes grandeurs ; car la grandeur efl purement accidentelle & n'a rien de commun avec l'effence. Les éléments ou principes qui forment les quilles du quartz lacté, font de la même nature que ceux qui forment les quilles du cryftal de roche. Les matières premières qui compofent les quilles dans les cryflallifations ferrugineufes , font conftamment les mêmes dans tous les cryftaux de leur efpece ; car elles partent d'un centre , oc fe prolongent horizontalement , comme les rayons d'une étoile. J'ai vu à Peralejos, près de la fource du Tage , des pierres calcaires , ôc à Molina-d'Aragon des pierres à p'âtre , qui s'é-toient formées félon les Loix confiantes d'une cryflallifation femblable à celle dont nous avons parlé. Lorque les parties élémentaires ont des figures déterminées , il efl indifpenfable que tous les corps qui s'en forment aient la même figure: nous le voyons dans la cryflallifation invariable de plufieurs fels. Mais l'objet fur lequel je ne me permettrai pas de décider , ôc dont la décifion ne feroit pas ici bien à fa place, ce feroit de favoir fi les quilles ÔC les cryftaux ferrugineux fe forment en même tems, ôc tout-à-coup, comme on les voit, ou fi leur formation efl graduée. Il me femble que cette dernière idée efl plus analogue aux cryflallifations des mines. Nous avons dit que les mines de Clauflhal Ôc leurs environs , contenoient beaucoup de cryftaux , ôc en rendant compte de leur nature , nous avons prouvé qu'elles contenoient du quartz, du Xiy 3*8 Histoire Naturelle, &c." fpath , de Yhornejli'm, de l'argent, du cuivre, du plomb, du foufre ck de l'arfenic. Voyons maintenant li nous pourrons donner au moins une idée imparfaite de la formation de ces matières. Il me femble que les filons font charriés , dé-pofés èk formés par l'eau ck par l'humidité, ck que les cryftaux le font par des émanations ou par des evaporations imperceptibles. C'eft l'eau qui charrie ou qui transporte ; c'eft l'humidité qui retient, 6k ce font les evaporations qui dépofent ou qui incruftent. Une divifion qui atténue les parties, au point de les rendre invifibles, eft la feule différence qui exifte entre l'eau d'un étang ou d'une rivière, 6k l'évaporation de cette même eau. Cette vapeur emporte avec elle des matières qui s'attachent aux voûtes formées par des roches au - deffus de plufieurs fources minérales , 6k qui les couvrent d'incruftations, folides ou farineufes , ou bien la même vapeur les dépofe fur des \ égétaux ou fur la terre, L'eau paroît claire à la vue ; mais il eft certain que l'eau porte diftbutes en elle les matières qu'elle dépofe. Je n'entrerai pas dans le détail d'une multitude de corps folides que l'eau diffout, 6k dont elle eft le véhicule : il fufrira à préfent de la confidérer fous trois points de vue différents; i°. comme eau ordinaire, 2°. comme humidité vifible, ]°. comme vapeur, C'eft d'après cette fubdivifion qu'elle opère les différents phénomènes minéraux, en charriant , en retenant, 6k en dépofant ; c'eft-à-dire , que comme eau ordii are elle diffout, elle charrie les différentes matières , 6k elle filtre avec elles au travers des terres 6k des pierres tendres, jufqu'à ce que la réunion des uaes 6k des autres forme un volume de l'Espagne. 3*9 qui la retienne. Elle agit comme humidité , en ce que , par-tout oîi elle exifte , elle engourdit & elle fixe la matière qui l'approche , à moins que celle-ci ne ibit mue par une autre impulfion ou par quelque force qui la faffe paffer en avant. Enfin , comme vapeur, elle dépofe ou elle in-crufte, en fe fubtiliiant, jufqu'à devenir invifible, ôc elle emporte avec elle , après les avoir dif-foutes de la même manière , les terres , les métaux , lès fels, ôc les autres matières, qu'elle fixe très-fouvent fur des parties folides où elles fe condenfent oc où elles forment des cryflallifations. La réduction de cent livres de foufre en cent autres livres d'acide vitriolique,prouve évidem» nient qu'une tres-petite quantité de terre inflammable , que les anciens appeloient foufre-prin-cipe , ôc" connue aujourd'hui fous le nom de phlogiftique, fuffitpour condenfer ôc pour colorer en jaune cent livres d'acide vitriolique ou foufre concentré , ainfi que l'a démontré le fameux Staalh, en nous faifant voir en même tems combien cet acide attire ôc abforbe les vapeurs de l'atmofphcre. Le foufre commun ne peut être diffout, ni par l'eau , ni par l'humidité ; mais l'évaporation l'affaiblit , le détache , ôc , après avoir attiré l'acide Ôc fon phlogiftique , elle les combine dans l'air, ayee le cuivre , avec le fer , Ôc elle forme enfuite des pyrites fur les cryftaux qui font jaunes , lorfque le foufre y domine. C'eft aufli l'évaporation qui dépofe ÔC qui forme le véritable foufre qu'on trouve dans les eaux thermales d'Aix-la-Chapelle, ôc qui a donné lieu à tant de fpéculations ; par la même raifon , c'eft l'humidité invifible cuù décompofe les rochers & 330 Histoire Naturelle, &c. qui les convertit en terres ou en d'autres corps nouveaux. En faifant l'application de ces obfervations à la mine de Somorroflro, nous dirons , qu'elle provient de la diffolution ôc du transport du fer * par l'eau tk par l'humidité qui l'y dépofent. C'eft particulièrement par cette raifon que la mine de Somorroflro eft un compofé de lames ou de petites écailles, plus minces que le papier, formées ck appliquées fucceftivement les unes fur les autres. Cette affertion fe trouve confirmée par la quantité de crevaffes ôc de concavités qui font couvertes de ces mêmes lames. Il eft certain que la mine fe forme journellement de l'affemblage des matières charriées , j)ar le mouvement imperceptible de l'humidité ; qu'on ne doit pas être furpris d'entendre dire aux Mineurs qu'ils trouvent des morceaux de pics, de hoyaux Ôc d'autres outils de fer , dans certains endroits , qui furent creufés il y a des fiècles , ÔC qui depuis fe font remplis de minéral. Par la même raifon on doit les croire , lorfqu'ils affûrent que la mine augmente ; mais la lenteur avec laquelle cette augmentation s'opère, ne permet pas d'en calculer la gradation, ni de déterminer le nombre de fiècles 3u'il faudroit pour remplir un trou d'une gran-eur donnée. De tout ce que nous venons de dire il refaite cme, dans cette mine, il y a minéral, difTolution r évaporation , tranfport ÔC dépôt. Elle eft fituée dans une colline qui forme des ondulations , mais qu'on prendroit prefque pour une plaine en la voyant des montagnes voifines. Sa forme n'eft point régulière , ôc je crois qu'on pourroit en faire le tour en quatre ou cinq heures. Le minéral DE L'E SPAGNE, 33 I forme une couche interrompue, dont l'épaiffeur, qui varie depuis trois pieds jufqu'à dix , eft couverte d'une couche de roches calcaires blanchâtres, qui a depuis deux jufqu'à fix pieds d'épaif-ieur. Voilà en général tout ce que je peux dire fur la fituation & fur la nature d'une mine aulîi renommée que celle de Somorroflro. Examinons maintenant comment on l'exploite. Chacun a la liberté d'y fouiller , d'en tirer telle quantité de minéral que bon lui femble , & de le vendre ou de l'envoyer par terre ou par mer, oh il juge à propos , fans payer aucuns droits , &c fans être affujetti à aucune formalité. En général ceux qui tirent le minéral n'y entendent rien; c'eft la raifon pour laquelle il leur arrive de tirer du minéral qui a du quartz pour matrice, ôc qui produit un fer aigre ôc plein de fractures , ( par la facilité qu'ils ont de le trouver fous la main ). Mais les maîtres de forge qui doivent l'acheter ÔC qui s'y connoifient, n'en veulent point.On fait en général qu'il n'y a point en Europe de mine plus facile à fondre, ni dont le fer foit aufîi malléable que celui de Somorroflro; c'efl une cjualité qu'elle avoit même du tems des Romains qui exploitèrent cette mine. En fortant de la mine le minéral efl couleur de fang de bœuf : en le mouillant, il devient couleur de pourpre. On en envoie par eau une quantité prodigieufe dans les Provinces voifines, oii on le fond feul, ou bien on le mélange avec les propres minéraux du pays, qui, pour l'ordinaire, donnent Un fèr plus dur. On en tranfporte auffi dans les forges de l'intérieur , mais par charriots, ÔC en plus petite quantité. Je ne parlerai ici que de la manière dont on Histoire Naturelle, &c. exploite cette mine avant d'en mélanger le minéral. On commence par le faire griller en plein ait au milieu d'une certaine quantité de troncs d'arbres qu'on brûle pour le divifer , pour en évaporer l'humidité, pour en faire fortir le phlogiftique, tk pour en diminuer le poids. Ces procèdes facilitent les moyens de fondre le minéral, tk de féparer les fcories des parties ferrugineufes.Quand il eil bien grillé, on le jette dans le foyer avec le charbon néceffaire. Lorfqu'on voit qu'i 1 eft fondu , en formant fur le foyer une maffe de cent ou cent-vingt-cinq livres, on prend ce métal avec une efpece de tenaille , tk on le met ftt* l'enclume , au-deffous d'un gros marteau , qui pete de fept-cents à mille livres. Dans cet état, on le retourne de côté tk d'autre pour Péquarrir. On le remet au feu , on le rebat, tk, en répétant ces opérations,on le réduit en barres. La baltitrere en fait fortir beaucoup d'étincelles ; mais ces étincelles ne font autre chofe que les fcories du métal. Ces barres de fer peuvent fe doubler ou s'allonger dans une forge plus petite, ou même fe battre à froid comme l'argent.Telle eft la manière dont on fond le minéral en peu d'heures , dont on le tire de la fonte , tk dont on forge les barres de fer que l'on vend aux Forgerons. Autant qu'on en peut juger à vue d'œil, "n quintal de minéral produit trente à trente-cinq livres de bon fer ; tk par conféquent le réli'J11 paffe foixante livres, tant en fcories qu'en terre morte. Comme cette mine de Somorroftro ne contient ni foufre, ni acide , on n'a jamais e11 befoin de pierre calcaire pour la mettre en fonte» & pour abforber les deux matières qui mettent les plus grands obftacles à l'exploitation des mines sê l'Espagne, 333 qui en font malheureufement infectées, comme on le voit fouvent en France. Quoi qu'il en foit, il me femme qu'on ne feroit point mal de fe fervir de cette caftine ou pierre calcaire, parce que peut-être fon mélange animeroit - il une partie de la terre morte ferrugineufe , la ren~ droit-il fufible , tk pour lors les fcories dimi-riueroient ; la fulîon feroit plus prompte, ôc on epargneroit beaucoup de charbon. L'expérience a appris aux Fondeurs Bifcayens la quantité de minéral dont ils doivent charger leur fourneau , qui n'eft guères plus grand que la torge d'un Taillandier. Elle leur a appris également à connoître la nature tk les qualités de leur mine ; auiîi l'exploitent - ils à - peu - près comme il convient, fans qu'il y ait beaucoup à jouter ou à retrancher de leur manière de griller le minéral (81) , de conftruire leurs fourneaux °u leurs marteaux. Une forge bien adminiftrée Produit, à fon propriétaire, régulièrement cinq-Cents ducats (82) ; mais il y en a qui en rapportent à peine trois-cents , tous frais payés. Il eft très-avantageux pour la Bifcaye d'avoir de ces mines de fer ; cette branche de commerce y fait entrer , tous les ans, quelques millions de réaux, JP circulent tk qui fe fubdivifent à l'infini. Cette excellente branche de commerce contribue ^uniment à conferver la population. (81) Néanmoins, d'après une expérience, confignée ^ns les Mémoires de la Société iiafque cb l'année x?73 , il paroît qu'il feroit plus avantageux de griller le minéral entre quatre murs , plutôt qu'en plein air. (82) Le ducat vaut cinquante - cinq fols, le réal v*ut anq ibis. 334 Histoire Naturelle, L'économie du charbon eft effentielle, 6c,pour y parvenir, les Bifcayens ont adopté l'ufage des petits fourneaux peu élevés : en effet, s'ils fe ïervoient des grands fourneaux en ufage dans les autres forges de l'Europe, tk qu'il leur fallût raffiner le fer avec de grands martinets , ils ne tarderoient pas à épuifer leur bois , tk ils fe-roient bientôt obligés de fufpendre les travail* de leurs forges , faute de charbon. Outre la grande mine de Somorroflro, il y en a beaucoup d'autres en Bifcaye ; mais on n'en exploite qu'une partie. Aux environs de Bilbao ? il y a quelques endroits où l'on découvre le fer fur la furface de la terre ; tk, à environ un quart de lieue de la ville, fur un coteau, on voit une mine qui ne diffère de celle de Somorroflro » qu'en ce que, comme nous l'avons dit plus haut, celle-ci ne contient ni foufre, ni acide , tandis que celle de Bilbao eft pleine de vitriol. CVft une vafte colline, ou plutôt un bloc énorme de mine de fer qui charrie ou qui attire un acide vitriolique ; tk cet acide, pénétrant à travers la roche ferrugineufe, diffout le métal, tk découvre» dans la fuperficie, de petites feuilles de vitriol vertes, bleuâtres ik blanches. Vis-à-vis ce coteau , tk de l'autre côté de W rivière , il y a un rocher de même nature, qui produit une grande quantité de vitriol jaune clair. J'obferverai, en paffant, que, quoi queues couleurs verte , bleue tk jaune , exiftent fans acide vitriolique , les Chymiftes favent , par expérience , que le fer ordinaire, diffout avec cet acide , fe cryftallife en vitriol verd qu'on appelle couperofe ; que le cuivre, diffout par le même acide, forme des cryftaux bleus ; qu'étant de l'Espagne. 33j mêlé avec la terre argilleufe qui forme l'alun , il produit des cryftaux blancs ; qu'il en eft de même lorfqu'il diffout le zinc, ôc qu'il prend une couleur jaune, quand il fe Ébndenfe avec le phlogiftique du foufre commun , qu'on trouve en fi grande abondance dans les trois règnes de la nature. Il eft bien fingulier que ces couleurs fe rencontrent dans les mines de Bilbao, quoiqu'elles ne contiennent ni cuivre, ni alun, ni zinc , ni foufre : on a dé la peine à le concevoir, à moins qu'on ne fuppofe qu'il entre une partie d'eau pure ou élémentaire dans la formation des cryftaux ; que l'évaporation de cette eau, par la chaleur ou l'air , change la confiftance Ôc détruit la couleur verte du vitriol de fer , en lui ôtant cette jufte proportion d'eau qui la conftituoit ; que , lorfqu'il commence à la perdre , il commence aufîi à changer de couleur , &c qu'après avoir paffé par les différentes gradations de verd oc de jaune , il finit par devenir blanc , lorfqu'il a perdu toute fon eau. Dans cet état , il reffembîe à de la farine , ôc on l'appelle poudre de fympathie , parce que fa Vertu ftiptique arrête le fang , ôc referme aufli-tôt les plaies. Pour s'en aflurer, on n'a qu'à letter de Peau fur cette poudre ; on la verra fe convertir de nouveau en cryftaux verds. On demandera, peut-être , pourquoi, y ayant tant d acide ôc tarit de fer da s ces montagnes, & le ^r contenant tant de phlogiftique , ces deux ma-«ères ne le réunifient point pour former le *9iifre.? Je répondrai que , pour que cette union fit , il faudroit que L'acide vitriolique Ôc le PJi:obntxque fuflent extrêmement concentrés ôc lfccs j èc qu'au contraire , dans ces montagnes, Histoire Naturelle, &c. ils font noyés par l'humidité. C'eft, fans doute , la grande quantité d'acide qui s'y trouve, qui a fait abandonner l'exploitation des mines de Bilbao, qui, par çetw raifon, doivent donner un fer très-aigre ; & ce feroit le cas de fondre la mine avec la caftine, qui remédieroit à cet inconvénient. A quelques pas de ce grand rocher , un Ingénieur fit couper une partie du coteau , pour âpplanir la nouvelle promenade de la ville ; && comme cette coupure fe fit perpendiculairement, &c de cinquante à quatre-vingts pieds d'élévation, on a découvert la mine de fer compofée de véritables filons qui plongent quelquefois en ligne droite, & qui, d'autres fois, font obliques : on les prendroit prefque pour des racines d'arbre ; il y a des filons qui ont un pouce cle diamètre > & on en voit d'autres qui font plus gros que le bras. Cette variété va à l'infini , fuivant le plus ou le moins de réfiflance que la terre op-pofe au charroi de l'eau ; car on ne peut pas douter que l'eau ne compofé cette mine. En un mot, ce qu'on y voit, efl precifément ce que Don Antonio de Ulloa imagine qu'on trouve-roit dans la mine du Potofi, s'il étoit pofîible d'en enlever la croûte extérieure , ck de voir ce qu'elle renferme dans fes entrailles. Il réfulte de tout ce qu'on vient de dire, qu'en Bifcaye, il y a des mines de fer en couches, en blocs êc en nions. On voit, dans ces mines, beaucoup d'hématites qui font enchaffées dans les concavités des filons, & qui font remarquables par la différence de leur forme, autant que par celle de leur grandeur. Il y en a qui font greffes comme la tête: j'en ai-vu une qui repréfentoit DE ESPAGNE. 337 une couronne fermée , noirâtre, unie en dehors Ôc cannelée en dedans. Il y en a qui font appla-ties comme des rognons de bœuf ; d'autres qui font en grains ronds comme des pommes. Il y en a de creufes avec de petits cryftaux au dedans , & de plates comme la paulme de la main ; on en trouve qui font raboteufes d'un côté ÔC unies de l'autre. Enfin , il y en a de jaunes, ÔC de rouges en dedans ; ce qui provient d'une légère couche de fer, qui fe décompofe en fafran de Mars. J'ai rompu plufieurs de ces pierres , tant de celles qui tenoient encore aux filons, que de celles qui en étoient détachées ; ôc, en les examinant, j'ai remarqué que chaque grain ou bouton avoit la forme d'une étoile ; ce qui prouve la diffolution , le dépôt Ôc la cryflallifation lente produite par l'humidité. Ces hématites font très-pefantes ; lorfqu'on les calcine, on voit qu'elles contiennent deux ou trois fois plus de 1er que la mine de Somorroflro ; il efl vrai que c'efl un fer aigre ôc non malléable. Indépendamment de ces hématites , il y a dans cette mine plufieurs cavités de différentes grandeurs, depuis deux pouces jufqu'à deux pieds ; elles font couvertes intérieurement d'une matière ferrugineufe, d'un à trois doigts d'épaiffeur. Cette couche reffemble au véritable émeri ; il en fort des cylindres d'hématites ? cannelés, gros comme des plumes de pigeon, de deux ou trois pouces de long , ôc reffemblans à un hérifîon par la forme ; il y en a qui reffem-blent à des orgues , à des grilles, ôc à mille chofes extraordinaires. Enfin ou y trouve une infinité de curiofités très-propres à enrichir la eollecrion des mines de fer d'un cabinet d'HuC- Y "* Histoire Naturelle, &c; toire naturelle. De tout ce qui précède , je conclus que le fer peut le diffoudre par l'eau pure ôc parla vapeur ,autant que par les IlIs : d'après cela , on ne doit point être lurprls de rencontrer fouvent du fer pur dans certaines eaux minérales. Des bois & des arbres de Bifcaye & de Guipufcoa» Presque tout le terrein de Guipufcoa ôc de la plus grande partie de la Province d'Alava eft très-propre pour les arbres ; Ôc je ne doute pas qu'autrefois il n'ait été couvert de bois impénétrables. La multiplicité des forges dans ces Provinces a porté la confommation du charbon au point que les bois naturels commencent à devenir rares , ôc que, fi le travail ôc l'induftrie n'eufTent pas fuppléé à ce vuide, il auroit fallu abandonner la plus grande partie des forges, qui, dans ces Provinces, font le revenu le plus con-iidérabledes Majorats. Lcshabitans y entendent la culture des arbres infiniment mieux que dans aucun autre endroit de l'Efpagne ; c'eft un avantage dont ils font redevables à la pratique ÔC à l'expérience. Suivant les obfervations que jai faites dans ce pays, on peut réduire les bois à trois claffes. On range dans la première les bois naturels ou qui viennent d'eux-mêmes, ôc qui font en petite quantité ; ils font compofés d'arbres fau-vages , ôc, entr'autres, de rouvres, de chênes ÔC de grands arboufiers, que les Bifcayens appellent Borto : on range , dans la féconde claffe , les bois ouverts , comme les allées de châtaigniers ôc de rouvres blancs, plantés dans des endroits de- dé l'Espagne, ^ couverts ; &, dans la troifième claffe, on com-* prend les pépinières ou bois taillis enclos , dont on coupe les troncs* II n'y a rien à dire fur les bois de haute-futaie, parce qu'ils viennent ck s'élèvent comme dans les autres pays, mais feulement avec plus de promptitude. Parm; les pépinières , il y eu a de naturelles ; on en voit d'autres qui font plantées en rouvres ou en châtaigniers, mêlés ou féparés* Les pépinières naturelles ne font pas auîti efti-mées que les autres, parce qu'elles font corn-poiées d'Une.infinité d'efpèccs de bois qui ne font pas tous également- propres à faire du charbon. Quand on fe propofe de planter des taillis ou des avenues d'arbres, on a foin de fe former d'avance des pépinières de rouvres ck de châtaigniers ; il y a même quelques perfonnes qui s'en forment, avec intention de les vendre. Je vais rendre compte du procédé le plus ufité en pareil cas; car c'efl un des objets les plus intéreffans pour la majeure partie de l'Efpagne* On ramaife, en automne , les glands des meilleurs rouvres , lorfqu'ils font bien mûrs, ouïes châtaignes des châtaigniers fauvages , parmi lef-quelies il y en a d'auiïi bonnes que les châtaignes des arbres greffés. Il y a plufieurs manières de conlèrver ces femences ; mais la meilleure efl de les mettre dans des barrils , en étendant alternativement une couche de fable pur ck une couche de femence, jufqu'à ce que le barril foit plein* De cette manière , la femence fe conferve avec fea lues , ck elle efl prête à germer au mois de Mars. Si on les femoit au commencement de l'hiver, les rats des champs, appelés mufaragnes, 340 Histoire Naturelle, &Cc. mangeroient la femence. La femaille fe fait dans un verger, ou dans une terre bien abritée ôk bien amendée ; on y pratique des lillons comme pour planter des aulx, à quatre pouces de diftance les uns des autres , 6k à trois pouces de profondeur. On plante un gland ou une châtaigne le germe en haut ; quand le rejetton commence à fortir de terre, on a foin d'arracher toutes les herbes qui fe trouvent dans les intervalles , ck, au bout de deux ans, on tire les petits arbres (appelés, dans ces pays,chirpia) pour les tranfplanter dans une autre terre de bonne qualité , qui foit un peu en pente , afin que les eaux n'y fejournent point : on pratique un enclos autour de ce terrein, on le laboure, on le nétoie 6k on le fume ; après quoi on plante ces arbrif-feaux à deux pieds ck demi de diftance, parce 2ue , s'ils étoient plus ferrés, ils n'auroient pas 'air, ils croîtroient moins 6kils s'affoibliroient. Pour planter la chirpia , on coupe les racines à trois doigts du collet ; la tige principale à trois ou quatre doigts hors de terre, 6k toutes les branches latérales. Il y en a qui plantent alternativement , dans les pépinières, un rouvre ck un châtaignier ; ck l'expérience prouve que les arbres en viennent mieux. Quand la pépinière eft faite, on la laboure légèrement de tems en tems, afin d'ameublir la terre 6k d'en détruire les herbes. La féconde année, avant que la feve fe mette en mouvement, on coupe, à deux doigts de terre , tons les arbriffeaux, avec une ferpette bien tranchante : on a grand foin que la taille foit unie 6k un peu inclinée. Cette opération donne de la force aux racines pour pénétrer la terre, en même tems qu'elle difpofe le tronc à t>t l'Espagne: 34* jetter des branches d'une plus vigoureufe réfif* tance. Au mois de Mai on ôte tous les bourgeons, à l'exception de deux ; &, au mois d'Août, lorfque les fibres ligneuf'es commencent à avoir de la force, on n'en laiffe plus qu'un. Cette attention , jointe au foin qu'on doit avoir de couper tous les ans les petites branches qui font les plus baffes , produit des arbres droits & unis comme un jonc. Lorfqu'on coupe trop de branches , on leur fait tort, parce que leur groflèur ne répond pas à leur hauteur. A huit ou dix ans, les arbres ont déjà un pied de circonférence, &, pour lors, on les enlevé, pour en former des bois découverts ; on les plante en ligne droite, & à trente-cinq ou quarante pieds de diftance les uns des autres. Comme ils font déjà affez forts ( car s'ils ne Pétoient pas, les befliaux pourroient leur faire tort en les rongeant) , & parce qu'ils font d'une bonne hauteur , on les étête pour qu'ils reprennent mieux. Ceci feroit une fort mauvaife pratique, fi on vouloit avoir des arbres pour du bois de conflruction , parce que la bleffure qu'on leur fait en les étêtant, efl toujours un germe de chancre ; c'efl pour cela que, quand on veut avoir de bon bois de conflruction, il faut prendre les arbriffeaux plus petits, ne pas les éteter & empêcher les befliaux de les ronger. La féconde année, au printems, on fait paffer la houe le long des plants : on renouvelle cette opération, tous les quatre ans, pendant vingt. J'ajouterai à ces précautions , quand on plante , celle d'entourer d'épines les jeunes arbres, afin d'empêcher les bêtes de fe frotter contre. S'il efl vrai que les pépinieresmêlées de rouvres Yiij 34* Histoire Naturelle, ôcc, * ôc de châtaigniers , foient les meilleures, il ne l'eft pas moins que les bois où ces deux efpèces d'arbres font plantées alternativement, réuiui-fent beaucoup mieux : on a même éprouve qu'un châtaignier prend mieux dans un endroit dont on a arraché un rouvre, Ôc qu'il en eft de même du rouvre à l'égard du châtaignier. Quand les pieds de châtaignier commencent à avoir un demi-pied de diamètre, on les greffe au fommet , à l'exception des châtaigniers plus élevés Ôc plus droits, qu'on réferve pour les bois de conflruction. Au bout de vingt ans , on les emonde, ôc on continue de vingt ans en vingt ans. Sans cette précaution , ôc après un terme plus long,les branches diminueroient, au-lieude croître. Les rouvres s'émondent, pour la première fois, au même âge; on leur coupe toutes les branches , à l'exception de la tige principale; on leur fait la même opération tous les dix ans ; de forte que, s'il y a des rouvres ôc des châtaigniers dans un même bois, on émonde les rouvres au bout de dix ans, ôc tout le bois au bout de vingt ans, Parlé ce terme , les accroiffemens annuels commencent à diminuer ; ôc le bois n'eft plus de fi bonne qualité , particulièrement le bois de rouvre. Quand cet arbre eft vieux , il eft plein d'acide vitriolique ; il donne un charbon dur ôc d'un phlogiftique difficile à détacher ; c'eft tout le contraire, lorfque les branches font nouvelles ; le charbon en eft plus doux , 6c il communique cette qualité au fer en le fondant, Lorfque le rouvre ôc le châtaignier font dans un terrein favorable, ils augmentent , tant en fruits qu'en bois, jufqu'à foixante-dix ou quatre-* vingts ans, A quatre-vingt-dix ou cent ans, Us de l'Espagne. 343 commencent à déchepir, ÔC fimffcnt par devenir Creux. Cela n'empêche pas quelques perionnes de les lalffer lur pied, parce qu'Us donnent tou-joues du bois ce des fruits. Il le paffe des liecles avant que ces arbres meurent ; mais ceux qui veulent avoir leurs biens en bon état, les arrachât ôc en plantent d'autres. Les arbres de qualité inférieure , qu'on élevé dans des pépinières , fervent ordinairement à planter da^s des bois taillis , dans des terreins enclos. Ea les coupant feulement à fleur de terre, ils produifent des louches de forme irrégulière, qui produifent beaucoup de branches , qu"<*n coupe entre fept ôc dix ans, pour en faire du charbon, en laiffant des baliveaux, fuivant l'Ordonnance , pour en tirer du bois de charpente , qui n'efl jamais très-bon, -____liLj-jLj____ ggggggggg^ JDes différentes efpèces d'agarics qui croifftnt aux ar>res de Bifcaye. C)n trouve communément, fur les rouvres ôc fur les autres arbres de Bdcaye, une grande quantité de ces fubftances fongueufes qu'on appelle agarics. C'eft une efpece de champignon que les Efpagnols appellent parante , parce qu'ils croient qu'il tire la fubftance de l'arbre ; mais c'eft l'air qui lui donne fon aliment principal. Voici la delcription des genres d'agarics que j'ai vus en Bifcaye. Premier genre. Le grand agaric , qui reffemble à un fabot de cheval, dure long-tems ôc groftit exceftivementi Y iv 344 Histoire Naturelle, Sec. car j'en ai vu qui pefoient jufqu'à trente livres. Il y en a quatre efpèces de ce genre. La première eft compofée de trois fubftances , dont l'une , qui a la peau mince Se délicate, couvre la partie convexe du fabot. Quand l'agaric vieillit, cette peau devient blanche Se dure comme une coquille , & elle reffemble à la couche de fucre qu'on met aux bifcuits. En enlevant cette écorce avec une rape ( parce qu'il efl: prefqu'impoffibîe delà couper ), on voit qu'elle efl très-adhérente à la féconde fubftance, par un entrelacement de fibres , femblable à celui de la matière des chapeaux , ou femblable au tiffu de la peau des animaux. Eu mettant l'agaric dans l'eau, &: en le maniant enfuite , on trouve qu'il reffemble à de la peau d'élan. Onfe fert de cette fubftance pour faire l'amadoue, qui fent la merluche , tandis que toutes les autres efpèces d'agaric ont une odeur de champignon. La partie inférieure , qui forme fa troifième fubftance, efl compofée d'une infinité de petits tubes perpendiculaires à l'horizon, qui font pleins d'eau lorfque l'agaric efl tendre. Le caractère diftinctif de cette efpece d'agaric , efl d'avoir la peau de la première fubftance, à la partie fupérieure , femblable à la peau d'élan , ainû que la partie tubuleufe au-deflbus. Je fuppofe que les Médecins ôc les Chirurgiens Efpagnols n'ignorent point que la féconde fubftance de cet agaric , femblable à la peau d'élan, a l'admirable Se infaillible vertu d'arrêter le fang, de quelque veine , Se de quelqu'artcre qu'il forte (83), 11 y a quelques années qu'on fit, par (83) Dans les Mémoires de la Société de Bifcaye, année ij, 2, on peut voir les cures qu'on y a faites avec l'agaric. DE L'E S p a G N E. 34$ ordre, dans les hôpitaux de Paris, diverfes expériences fur des bras tk fur des jambes coupés, auxquels on appliqua l'amadoue, qui, en fix ou fept minutes, arrêta l'hémorrhagie ôc guérit les malades, fans leur faire éprouver les douleurs de la ligature , ni fes fuites funeftes. L'Auteur de cette utile découverte (84) obtint une pen-fion , ôc cet agaric fe vend à Paris douze francs Ponce. Le lycoperdon ou veffe de loup, qui elt un champignon bâtard, qu'on appelle, en ef-pagnol, vtxin, a également la vertu d'arrêter le fang. Mais je n'en ai pas vu en Efpagne d'auffi grands qu'ailleurs, ni qui foient aulfi remplis de cette pouiîière noirâtre qui en conftitue la femence. La féconde efpece d'agaric , en forme de fabot de cheval, a la peau écailleufe dans la partie inférieure ; la fubftance fupérieure eft tubuleufe, ôc celle du milieu , au-lieu d'être douce ôc flexible comme la peau d'élan , eft dure tk élaftique comme le liège, dont elle a la couleur. La troifième efpece a une écorce, à la partie fupérieure, comme l'agaric fanguin (85) ; mais le milieu eft une fubftance compofée de fibres parallèles ôc obliques, qui fe détachent comme celles du chanvre, ôc la partie inférieure eft formée de tubes obliques. La quatrième efpece d'agaric du premier genre, eft compofée, comme la féconde , d'une fubftance tubuleufe placée fur une autre fubftance de liège , mais elle n'a point de peau. Il (84) M, BrofTard , Chirurgien de la Châtre en Bcrry, année 1750. (85) J'appelle ainfi celui delà première efpece , parce qu'il arrête le fang. 34^ Histoire Naturelle, ôcc. faut obferver , qu'épais ou mince, l'agaric fan-guin n'a jamais qu'une couche de fubftance tubuleufe : au-lieu que les trois autres efpèces , fi minces qu'elles foient, font compofées de plufieurs couches de tubes , placées les unes fur les autres. Tous ces agarics lont compotes d'une matière ligneufe ôc compacte. Agarics du fécond genre. Les agarics du fécond genre ont une fubftance fpongieufe ôc légère, fans organifation vifible. lis reffemblent à une écume blanchâtre ôc feche. Il y en a de trois efpèces. La première a, dans la partie fupérieure, une couche mince de tubes capillaires : la féconde a cette couche de tubes placée à la partie inférieure , ôc la troifième n'a point de tubes. J'ai vu plufieurs efpèces de ces agarics de différentes figures, femblables à des chou-fleurs, à des cervelles, à des cornes de cerf, ôcc. Ôc je crois que l'agaric purgatif des Apothicaires eft de cette efpece. Agarics du troifième genre. Les agarics du troifième genre font entièrement compofés de fibres folides ôc flexibles, comme des foies de fanglîer , de deux doigts de longueur ; ils reffemblent, par la figure ôc par la couleur, aux broffes avec lesquelles les An-glois fe font frotter pour exciter la .tranfpiration. Agarics du quatrième genre. Le quatrième genre d'agarics efl formé d'une de l'Espagne. 347 fubftance gélatineufe, ck, jufqu'à ce qu'il foit delà grandeur de la paulme cle la main, il eft rouge , tranfpaxent, ck il tremble comme la belle gelée de trofeille. Il eft enveloppé dans deux mem-pranes fines, dont la fupérieure eft couleur de cbair , ck dont l'inférieure eft blanche. Cette naatière gelatineufe forme des fibres droites dans ïa partie qui tient à l'arbre. Ces fibres s'écartent eniuhe en forme d'éventail, jufqu'à ce que, venant a s'approcher de la circonférence , qui eft circulaire , elles fe redreflènt ck deviennent perpendiculaires. Agarics du cinquième genre. Le cinquième genre d'agarics eft compofé d'un tiffu fibreux, très-fin , entrelacé avec délicatcfTe de nulle manières fy mmétriques,comme une belle dentelle. Tels font les cinq genres d'agarics que j'ai vus en Bilcaye , dont le premier eft vivace, ck les autres annuels. Comme les pays feptentrionaux de l'Efpagne font humides, il y croît beaucoup de moufles fur les murailles,èk furies vieux arbres. Ces moufles forment en fe pourrifiànt une terre végétale , dans laquelle il vient beaucoup d'herbes. Ce font les vents , les oifeaux ck les petits léfards qui y portent les femences de ces herbes , dont la plus grande partie des graines paffe faine ck intacle par l'eftomac de ces animaux. J'ai obfervé que les lézards mangent la graine de la violette, 6k la dc-pofent dans les murailles avec leurs œufs. Les terreins fecs 6k brûlants de l'Efpagne font, pour ainfi direj, parfumés par la grande quantité 348 Histoire Naturelle, &e\ de plantes aromatiques qui s'y trouvent, telles que le romarin , le ftœchas , lé thim, la fange , la fantoline , l'aurône , ôk différentes menthes. Mais , en général , ces terreins manquent des plantes ùfuelles qui font plus néceifaires que les autres.Tels font le millepertuis, l'aigremoine, le lierre - terrcftre , la bétoine , la pulmonaire, la petite centaurée , le polygala, l'armoife, la fcor-îonaire 6k la fcabieufe, qui demandent de bonnes terres ôk de l'ombre. Les plantes dont on fe fert davantage dans la médecine viennent au pied des arbres , à l'ombre des haies , fur les murailles, fur les chênes, ôk fur les rouvres vieux 6k creux» Parmi la quantité d'arbres ôk de plantes qu'on trouve , tant aux environs de Bilbao que dans fes jardins , on y voit plus communément le rouvre , l'arboufier, le laurier, le noifetier , le troëfne, le nerprun ôk la bruyère. L'arbrilfeatl qui abonde le plus dans tous les endroits couverts delà Province, elt. la bruyère ou ericacantabricd magno jlore, myrthi folio fubtùs incano. Les brouf* failles 6k les arbuftes font couverts de plantes» qui montent ck qui s'entrelacent avec eux, comme le chèvrefeuille, les haricots, la falfe-pareille , Ie houblon, la garence ou rubia tinclorum ; 6k dan* les terres améliorées par la pourriture des feuilles ck par l'humidité de l'ombre, il croît une infinité d'autres plantes , indépendamment de celles que nous venons de citer , telles que I* brunelle à grande fleur , le dompte-venin , la toute-faine , l'hépatique , la valerienne, le fenouil , la laureole , la pimprenelle, la verge d'or» l'ancholie 3 la digitale , 6kc. m t>e l'Espagne. 34* Raisons pour lefquelles Us rouvres & les autres arbres font creux dans certains pays} & ne le font point dans d'autres (86). L expérience nous apprend , comme nous avons eu occafion de Vobferver à l'article des Montagnes de Bifcaye, que les arbres , dont on émonde les branches , ou dont on coupe la tige principale , fe pourrilTenl ou s'affoiblilîent dans le centre. Ce dommage ne provient pas feulement de l'air & de l'humidité étrangère qui s'intro-duifent dans les arbres par les ouvertures ; mais une des principales caufes de cet accident provient de ce que les racines fourniffent la même Quantité de fuc, fans qu'il relie affez de branches pour l'abforber, & de ce que le fuc reflue & gangrène néceffairement la partie ligneufe. Pour juger fainement de la qualité du bois de rouvre qu'on emploie à la conflruction , il na faut point perdre de vue aucune des quatre considérations fuivantes : i°. la fituationdu terrein , la nature & la profondeur de ce terrein, 30, l'âge de l'arbre dans le tenus qu'on le coupe , 40. la Manière de le faire fécher. Dans les pays montagneux on trouve les meilleurs rouvres, depuis le milieu des coteaux juf-^u'au fommet, Se la qualité en diminue à mefure (86) Cette differtation & celle qui fuit fur les mon-ta&nes Je Reinofa, font tirées d'un Mémoire préfenté au Bailli d'Arriaga , qui étoit Secrétaire d'Etat au Département des Indes & de la Marine. 350 Histoire Naturelle, &c. qu'on defcend'dans les vallons.Ceux qui font dans le bas croiflent plus promptement ; ils de viennent plus beaux et plus touffus ; mais , comme leurs racines font dans une humidité exceffive, à caufe de l'eau qui tombe continuellement des hauteurs » leur bois pêche par la folidité ôk par la force. V*1 arbre du fommet n'ell ni aulli gros ni auffi beat* à foixante ans, qu'un arbre de vallée à quarante; mais l'avantage de celui-ci efl purement illufoire* 6k le Conflrucleur , a'mfi que l'Architecte , ^ fauroient trop fe prévenir contre de belles appa> rences , qui font toujours trompeufes. Il rcf'ulte de diverfes obfervations , faites ave^ foin, que dans des terreins de plus de deux pieds de profondeur, les rouvres font dans leur plu? grande force à cinquante ans ; que dans ceux q^11 ont plus de trois pieds de profondeur , ils y à foixante ck quinze ans ; ck , finalement , qLie dans des terreins de plus de quatre pieds de profondeur les rouvres croiflent 6k augmentent en force jufqu'à cent ans 6k au-delà. Les mêmes obJ fervations démontrent que les arbres , àinfi c\net les animaux , ont leur adolefcence, leur maturité ck leur vieilleffe. La maturité d'un arbre commence au dernier période de fa jeuneffe ; c'eft-'1-dire, lorfqu'il celle de croître. C'efl alors que le* conduits fe ferment, 6k que, les tubes fe conver-tiffant en fibres folides , la fève ne circule plllS dans l'intérieur du bois, 6k l'arbre relie dans Ie même état pendant dix , vingt , 6k même trente ans*. Dans cet intervalle ; c'eft-à-dire , entre j* jeuneffe 6k la vieiUcfie , il efl à propos cle le couper. Si on le coupoit cens la jeunefle, avan que les conduits foient fermés, 6k pendant le corps de l'arbre eft plein de fève, le bois fér*** de l'Espagne, ^i toujours fujet à fe retirer par la chaleur 9 à fe tendre ou à fe courber. Il ne faut pas s'imaginer •qu'en coupant en hiver ou dans la bonne lune , On puiffe remédier à ces inconvénients ; ce font de petits moyens, tk les avantages qu'on'peuten tirer ne fuffifent pas, à beaucoup près, pour prévenir les accidents. Qu'on tire des rouvres d'une pépiniereformée à la proximité d'un village , tk pour laquelle on n'aura épargné ni foins ni engrais ; qu'on les transplanté enfuite fur une montagne : ils ne feront jamais auffi forts que ceux qui proviendront de glands , tombés par hafard , ou qu'on aura feniés fur la même montagne. Ces deux ob-fervations démontrent , que l'Ordonnance de 1748 , fur la manière d'élever Se de planter les arbres , efl doublement vicieufe. En effet, elle porte , que dans chaque village on deflinera une pépinière pour y femer des glands qu'on fumera tous les ans ; qu'en tranfplantant on coupera un pied de tige à chaque arbre , qu'on entourera cle deux pieds de terre pour qu'il croiffe plus Vite. Cette Ordonnance pourroit être bonne pour planter une belle promenade , ou pour faire un bois , dont on pourroit tirer parti dans différents genres , mais non pas pour avoir des arbres parfaitement folides Ck propres à la conflruction ou à la batiffe. Il cil certain que %biit arbre bien foigné, étant tranfplanté &éfê*te , en vient plus Vite &c plus touffu ; mais c'eft toujours aux dépens de la folidité Se de la durée du bois , dont la formation a été précoce. En vain l'Ordonnance croit-elle réformer cet abus ,en exigeant que la traiifplantation le i'ailè fur une haute montagnëi Histoire Naturelle, tkc. Cette précaution ne fuffit pas pour corriger les vices de l'éducation, auxquels elle met le comble par une autre difpoiition qui ordonne d'émonder. « Il faut, dit-elle , émonder les arbres, afin qu'ils » croilfent bien fains, Ôc qu'on puiffe en avoir de » propres à faire des baux pour les navires, des » quilles tk des quarts de rond ; il faut les amélio-» rer en coupant les pointes de la tige principale Cette difpofition, fi contraire au but qu'on fe propofe , efl caufe que la plus grande partie des rouvres ôc des chênes de l'Efpagne font creux* de même que ceux dont on n'a point coupé la tige , mais qui Pont eu rongée par les chèvres > par les bœufs ou par les cerfs. Par la même raifon, tous les mûriers blancs de Valence ôc de Murcie qu'on étête font creux , tandis que les mûriers noirs de Grenade qu'on n'étête point font fains &c en bon état. Sur le chemin de Tortofe à Valence j'ai pris la mefure de trois mûriers monf-trueux, creux au point qu'il ne leur relie que l'écorce, ôc qui produifent du fruit néanmoins. L'un de ces mûriers avoit quarante Ôc un pieds de circonférence. A Villa-Viciofa, en Portugal, j'en ai vu beaucoup d'auffi gros, mais fains tk folides, parce qu'on ne les a pas étêtés comme ceux de Tortofe. Enfin , tout arbre que l'on étêtera, fuivant l'efprit de l'Ordonnance, pourra croître ô£ vivre long-tems ; mais il arrivera difficilement à fon point de maturité fans que l'intérieur en fouffre, & il parviendra difficilement à ce tems de repos entre la vie ôc la mort, oii les conduits fe changent en fibres folides tk oïi les fucs ceflfeu* de circuler. On exceptera de cette règle le cèdre tk le pin , dont l'intérieur ne périclite pas , l°rS même qu'on en coupe la tige ck les branches. de l'Es P A G NE? j^j 11 y a une différence énorme entre les arbres dont les fibres font imprégnées d'une huile incorruptible & balfamique , ôc ceux qui tirent leur fubftance d'une pure fève, dont la furabondance les difpofe à la putréfaction. Il eft inconteflable que les racines d'un arbre croiffent & augmentent en proportion de la fubftance dont le tronc ôc les branches ont befoin. Il eft également certain que les fucs que ces racines pompent, fe diftribuent annuellement dans le tronc Ôc dans les branches, pour vivifier ôd pour fubftanter les feuilles, les fleurs ôc" les fruits ; c'eft pour cela que les mûriers blancs de Valence, qu'on émonde tous les deux ou trois ans , commencent à s'endommager lorsqu'ils en ont cinq Ou fix. Les rouvres Ôc les châtaigniers de Bifcaye que l'on émonde , les premiers tous les dix ans oc les féconds tous les vingt ans , pour en faire du charbon , font fujets aux mêmes inconvénients , encore qu'on le faffe à l'époque la plus favorable. On voit au contraire que les arbres qui croiffent naturellement , ôc qui viennent fans être tranf-plautés, étêtés, émondés ni endommagés , ne fe pourriffent tk ne fe creufent jamais fans quelques accidents. C'efl toujours la vieilleffe qui les conduit naturellement à la mort. Il eft cependant certain qu'une petite partie de fucs, interceptés par la coupe de quelques branches , n'eft pas alfez confidérable pour pourrir Un arbre ni pour lui caufer un grand dommage en refluant dans le tronc , pourvu toutefois que la plaie fe ferme promptement ; tk c'eft ce qui ne Peut fe faire lorfque la branche eft groffe. Mais •Juand on multiplie l'émondage , il eft incontef-frble que la chaleur ôc l'humidité y introduifent la Z 3^4 rïistoiRE Naturelle, tkci carie ck la corruption. On voit à Aranjuès de$ ormes qui ont près de deux-cents ans qui n'ont jamais été étêtes ; aufli ont-ils des troncs d'une grolTeur énorme ôk d'une hauteur prodigieufe. H y en a qui ont près de fix pieds de diamètre , ck qui ne lailTent voir encore aucun fymptôme de rieilîeffe ; tandis que, de tous ceux qui étoient au Prado de Madrid, une infinité étoient morts pour avoir été émondés fouvent, ôk le refte étoit pourri avant d'avoir cent ans. A Aranjuès, quand on arrache quelques-uns de ces ormes, dont la cime eft morte , attendu leur grande vieilleffe , On en tire des poutres , auffi folides que celles du bois de noyer ; mais les vieux ormes du Prado (87) n'ont pu fervir qu'à brûler* Lorfque les mûriers blancs de Valence ont été dépouillés de leur première feuille , il en pouffe une féconde , aufîi abondante que la première. Je demandai à un Laboureur pourquoi il ne fe fer* voit pas de cette féconde feuille pour élever d'autres vers à foie ? Il me répondit 9 que ce feroit faire un grand tort à l'arbre, parce qu'en cueil* lant cette féconde feuille on le fatigueroit, ôk on le feroit mourrir faute de fubftance. Dans le fond Ce Laboureur n'avoit pas tort ; mais la raifon qu'il m'alléguoit étoit fauffe : car les racines nOurriffent de leur fuc le tronc,les branches, les feuilles, les fleurs ôk les fruits. En émondant les arbres, ils fe creufent, comme nous avons vu i (87) Quoique ces ormes du Prado n'exiftent plus, 1* ©omparaifon peut s'adapter à ceux des Délices, qui n'ont pas encore trente ans, qui font devenus vieux , affreux* & qui mourront hien-tôt, pour avoir été émondés & &etés> de l'Espagne; 355 tën leur ôtant les premières feuilles , on fait refluer la fève, qui fe reporte enfuite dans ces fécondes feuilles. Mais , li on cueilloit de nouveau ces feuilles, la levé rétrograderoit ck fe rejetteroit fur l'écorce ck fur le bois , au point que l'arbre moiirroit de réplétion, ck non d'inanition comme difoit le Laboureur. . Quant à la manière de couper les arbres , il faut préalablement découvrir les fouches , ck "avoir foin de lailTer Une partie des racines au tronc, afin qu'elles fervent comme de ligature pour empêcher l'effufion de la fève, qui fe ré-pandroit, fi on coupoitles arbres à fleur de terre; Ce qui feroit perdre une grande partie de la flexibilité ck de la force que ce fuc donne aux arbres^ quand il efl condenfé. Lorfque l'arbre efl coupé-, il faut le placer de manière que les deux extrémités portent fur des. pierres ou fur des morceaux de bois, élevés aii moins de deux pieds de terre, afin que Pair puilTè circuler librement à l'entour. Si on le laiffoit étendu fur la terre, l'humidité le pénétreroit d'un côté, tandis qu'il fe fécheroit de l'autre : en l'élevant même au-deiïus de terre , l'arbre efl fujet en partie à cet inconvénient , parce que l'ombre l'empêche de fécher également. Pour y obvier , On retournera l'arbre deux ou trois fois par an fens-deffus-deffous (88). Il réfulte plufieurs conféquences de ces db-fervations, tant pour la pratique que pour l'emploi des bois de charpente , dans la conflruction des navires ck des bâtimens. D'après ces ob- (88) On peut fur cet objet confulter avec la plus grande utilité MM. Duhamel de MoBceau&deBufïbu,, Zij jfté Histoire Naturelle, ckcJ (ervations , il cit aifé de concevoir pourquoi, de deux mations , conftriutes par un même Architecte , les murailles de l'une Se confervent en bon état y tandis que celles de l'autre penchent 6c menacent ruine par la dilatation ou parle rétreciffe-ment des poutres. Ce^ obfervations conduiient encore à la folution du fameux problême , pro-pofé à tous les Géomètres de l'Europe, dont l'énoncé conlifïe dans cette queftion : pourquoi ? de deux vaiffeaux, faits par le même conffructeur, avec les mêmes melures , dans les mêmes proportions , dont le bois du même canton a été coupé dans la même faifbn, l'un eft grand voilier ck l'autre ne l'eit pas ; l'un revient en bon état d'un long voyage, tandis que dans l'autre les pompes ont travaillé jour ck nuit ? En effet, je conçois que la dilatation d'une poutre peut pouffer une muraille , ck je conçois également que l'effet de la dilatation ou du rétre-ciffement de plufieurs pièces de bois , de différentes grandeurs ck affemblées fous différentes .formes , peut changer la forme d'un vaiffeau y donner une nouvelle afîiette à toutes fes pièces ■> une certaine flexibilité ou inflexibilité, qui influe fur fa légèreté ou fur fapefanteur ; ou, ce qui eft plus dangereux , qui peut ouvrir 6k écarter les jointures , de manière qu'il faffe plus ou moins d'eau. On objectera que la majeure partie des obfervations que j'ai faites fur les arbres, ayant été faite dans les pays feptentrionaux ck humides de l'Efpagne , ne fauroit être adaptée aux pays méridionaux èk fecs. Je répondrai moi, que ces obfervations font de tous les climats, ck que, s'il ■y ^ de la différence dans les réfultats, ce ne fera. d e l'Espagne.' que du plus au moins. J'ai vu, de mes propres, eux , que ces expériences font infaillibles en fpagne: ft quelqu'un doute de ce que j'avance , il peut en faire l'épreuve à fes périls & rifques.. D e. lu montagne de Reinofa & de fes forêts* de rouvres-, Xj A partie de l'Efpagne qu'on appelle montagnes de Burgos peut fe diviler en deux portions; l'une compriiè entre la plus élevée de ces montagnes & la mer de Cantabre ; l'autre qui s'étend ife la même élévation du côté de la GaÉillé jufqu'à Burgos. Dans la première on trouve une Fonderie Royale de canons de fer , un chantier pour conftruire des vaiffeaux , & dans les environs une grande quantité, de pierres d'aigle , greffes comme la tête, ëc qui font appelées géodes (89),. C'efl: la patrie de Don Juan de Buftamante , inventeur des fourneaux d'Almaden, pour diftiller le mercure , dont nous avons parlé à l'article de la defcription de cette.mine,. La partie la plus élevée de la montagne efl à moitié chemin de Santander à Burgos ; car , depuis le Port de mer de Santander jufqu'à Reinofa, on compte douze, lieues , pendant lefquelles on* monte toujours , & de Reinofa on defcend jusqu'aux environs de Burgos. La fource de l'Ebre-eft à une demi-lieue de Reinofa. Ce fleuve, dont (89) La géode efl une pierre creufè : fa cavité renferme une matière en forme de cryftallif«ttion de terre ont de fable , &c. qui fait du bruit quand on la remue , faj&î (^'il pareiffe rien à la fuperficie de, la pierre Z uj |j§! Histoire Naturelle, &e. le cours efl dirigé vers le Levant, va fe perdre, dans la Méditerranée ; 6c la Puifergue, réunie au Duero , va fe perdre dans l'Océan. On voit que. le terrein de Pveinofa partage fes eaux entre les deux mers , 6c que c'efl un des endroits les plus, élevés de l'Efpagne. J'y ajouterai que c'efl un des, plus froids ; car fes coteaux , qui s'élèvent dans î'atmofphère jufqu'à la ligne de congélation, font couverts de neige toute l'année. Le fol de la majeure partie de ces montagnes efl compofé de. roches fablonneufes. Les rouvres les meilleurs , les plus folides & les moins caffants, ne peuvent croître dans des, terres calcaires graffes & humides ; il leur fam. au contraire des terres argilleufes, fablonneufes ou caillouteufes , compactes 6c froides ; parce qu'ils y croiffent fecs 6c lentement. Telle efl la qualité des terres des montagnes 6c des bois de Reinofa; aufîi produifent-cll es les meilleurs rouvres d'Efpagne , 6c même de l'Europe. J'ai examiné avec foin tous les cantons de ces montagnes, dont on a tiré les années précédentes , 6c dont on tire encore aujourd'hui plufieurs milliers d'arbres pour la conflruction des vaiffeaux de Roi 9 6c j'y ai fait les oblèrvations fui vantes. J'ai vu dans le bois de Sarcedillo une grande quantité d'arbres droits 6c tortus , coupés % nétoyés 6c équarris depuis deux ans ; ils étoient étendus par terre, expofés au foleil 6c à la pluie. Il réfulte mille inconvénients de ces mauvaifes habitudes. Pour les éviter, il faudroit enjoindre aux Bûcherons d'équarrir les arbres aufli - tôt qu'ils les ont coupés , pour leur faciliter les nioyens de lécher. Il faudroit les faire conduire au chantier fans perdre de tems, ôc les y placer Î5E L'E 3p A G Ni; |yj fous un hangar , à deux pieds de terre ; car a fi ces arbres portaient fur la terre , ils attireroient l'humidité tk ne fécheroient point également (90), Il n'eft pas néceffaire de laiffer lécher les arbres, ainfi pendant plus d'un an;car l'expérience prouve que parlé ce terme ils pompemyle l'air,à-peu-près. autant d'humidité dans certains jours * qu'ils en exhalent dans d'autres. J'ai vu aufîi beaucoup d'arbres coupés de la même année , dont les branches déjà féparées avoient des boutons près d'éclorre ou épanouis. On fe difpofoit néanmoins à les tranfporter au chantier. Ce procédé prouve qu'on ne faifoit ooint d'attention ni à la faifon ni au tems propre a''couper ; car ce bois ne peut jamais valoir aiw tant que celui qu'on coupe quand le gland tombe, oc avant le quinze Février. J'obf èrvai encore que les Bûcherons avoient la mauvaife habitude de couper les arbres à deux, trois, tk même quatre pieds de terre. Cette partie du tronc , qu'ils perdent mal-à-propos , efl pré-cifément la partie la plus folide tk celle qui a le plus de réfiflance ; d'ailleurs, comme je l'ai obfervé, elle efl néceffaire, pour conferver le refle en meilleur état ; il faudroit , avant de faire la Coupe , commencer par découvrir les racines tk par en couper un demi-rpied ou un pied avec l'arbre. On trouve beaucoup, de fontaines; dans ces ( au fommet de grais , & dans le milieu de pierre calcaire, empreinte de grandes cornes d'Ammon ce d'une quantité prodigieufe de coquilles d£- pE L ES PAGNE. Saint-Jacques qui (e trouvent dans l'intérieur même de la roche. Sur le chemin de Reinofa on rencontre beaucoup de marbre noir avec des Veines blanches. Quoique l'endroit ne ibit point élevé , je ne fus point furpris d'y trouver du marbre ; car ces montagnes font une fuite de celles de Bifcaye. Dans le. Port qu'on pane entre. Azpeitia 6c Vidagna , il y a une montagne très-, élevée, entièrement compofée du même marbre depuis le fommet jufqu'à la bafe. Vis-à-vis Arandillo, 6c à deux lieues au Sud, *1 y a un autre coteau fort élevé, fur lequel on Voit un hermitage. Ce coteau efl couvert de myrtille. Au couchant de Reinofa on remarque une hauteur , que je crois fermement avoir été habitée du tems des Romains; car, par-tout où l'on Çreufe, on trouve des monnoies Romaines. Près de cet endroit on trouve aufïï beaucoup de morceaux d'émeri, mêlés dans le grais, qui s'élève bors de terre. Puifque je parle d'émeri, j'ajouterai qu'il y en a cinq efpèces en Efpagne. La première, efl cet émeri de Reinofa, qui efl compofé de grains, très-gros. La féconde, au contraire, efl compofée de grains très-fins ; elle fe trouve au pied de Guadarrama, 6c on s'en fert clans la Manufacture de Saint-Ildefonfe pour polir les glaces. La troifième , efl l'émeri de la mine que les Maures ont travaillée à Alcocer en Eflramadoure , ainfi que je l'ai dit ailleurs. Cet émeri n'eft point compofé de grains ; car , en brifant la pierre qui contient lm peu d"or , la rupture relie aufîi lifTe que fi c'étoit de l'hématite. La quatrième efpece d'émeri Çft comme marbrée de quartz ; on la trouve dans, S territoire de, Molina-tfAragon , 6% en Elira- 36*4 Histoire Naturelle, Sec! r4 ma Jour e , dans le terrein dont le Roi a gratifie * enrécompenfe de fes fervices, Don Pedro Ro-driguez-Campomanes, Procureur-Général de Sa Majeff.é. Cette quatrième efpece d'émeri contient également de l'or ; mais en fi petite quantité, qu'elle ne vaut ni la peine , ni les frais indifpen-fables pour Pen féparer. La cinquième efpece d'émeri eft celui qu'on trouve épars dans beaucoup d'endroits de l'Efpagne, Se particulièrement dans les terres labourées de la Seigneurie de Molina > entre Tortuera Se Milmarcos. Cet émeri eft en pierres détachées , noirâtres ôc pefantes , qui t je crois , proviennent de la décompofition de quelque grand rocher ou des décombres de quelque mine. Ces pierres étant moulues produisent une poufîière compofée de particules raboteufes Se mordantes. L'Ebre prend fa fource aux environs de Reinofa , dans un petit vallon , ôc au pied d'une tour , appelée Fontibre. A quelques pas de fa fource l'Ebre fait tourner un moulin , ôc on y trouve une quantité prodigieufe de truites excellentes Se d'écreviffes. A Reinofa , les eaux de différentes fontaines Se de différents ruiffeaux ^ vont fe perdre dans l'Ebre ; Se, deux lieues plus loin, ce fleuve paffe par les défilés de Montes-Claros, oii il reçoit les eaux des vallons circon-voifins. Ce fleuve , devenu confidérable aux confins d'Alava, arrofe dans fon cours des pays découverts Se fertiles , jufqu'à fon embouchure dans la méditerranée. Près de Fontibre, Se à une lieue Se demie de. Reinofa , on trouve le village d'Oléa, où commence le canal de Caftille. Ce canal doit paffer par Comefa , Cabria , Villaefcufa, le détroit t>% l'Es H g ni»1 365 Congofto , Mave, Villella , le détroit de No-gales , Herrera de Piiùerga, Oforno , Fromifla , le Couvent de Calahorra, & Grijota, où on doit le joindre avec celui de Campos , qui vient de Medina de Riofèco , & qui continue par Palence, Duegnas, l'Auberge de Trigueros tk la Veruela, pour aller fe jeter au-delfous de Valladolid dans la rivière de Puiferga, par laquelle il doit communiquer avec le Duero. C'en1 à cette dernière rivière que vient aboutir la navigation de l'autre canal , qui commence à Ségovie , 6c qui doit palier par Hontanarès, Bernaldos, Nava de Coca, Olmedo Matapozuelos , 6c par Ville-Neuve de Duero. Comme la defcription d'un ouvrage de cette nature n'a aucun rapport avec mon fujet, je me contenterai de dire que le bonheur de la Caftille dépend de l'exécution de ce projet , qui immortalifera les Minières qui l'auront approuvé, qui le fuivront tk qui l'achèveront. A une portée de fufil de la fource de l'Ebre, il y a un petit lac fangeux tk falé, dont on pourroit tirer du fel par évaporation,(puifqu'il en contient 6 k 7I. par quintal), comme on fait avec les eaux; qui viennent au-deffus de la fource du Tage. En hiver ce lac eft couvert de canards tk d'autres oifeaux aquatiques. Le terrein des environs! abonde en perdrix, en lièvres tk en cailles : on y trouve aufîi des ours fur le fommet des montagnes. J'y ai vu dans les prés un grand nombre dei plantes communes, telles quel'ariftoloche longue,1 le poligala , le grofeiller fauvage , la gaude , la fpargelle , dont les feuilles font articulées tk triangulaires , l'alcée k feuilles de perfil , le troëfne ; tk celle qui y abonde le plus efl la crête-' âe-coq. On obfervera que, parmi tant de plantes 1 y66 K i s t o i r e Nature l l e , &cS fe n'ai trouve que le pouliot qui fût aromatique;'.' Il y a clans toutes ces montagnes une quantité de grands hêtres qui donnent un fruit qu'on appelle jdbiico dans certains endroits tk ove dans d'autres, Ce fruit eft d'une forme triangulaire, 6k lin peu plus gros qu'un pois-chiche. Il eft couvert d'une peau mince, tk. unie comme celle de la châtaigne, dont il a la couleur. Il a quelque ref-femblance ait-dedans avec l'amande ; il vient en trains dans une efpece de coffe , qui s'ouvre d'elle-même, lorfque le fruit eft mûr. Alors il tombe comme la châtaigne. Les habitàns de ces montagnes s'empreflent de le ramaffer pour en-grailler leurs cochons (91). A cet effet ils montent fur les arbres, qu'ils fècouent avec des perches , comme en fait en Eftramadoure pour le gland* Mais ils ne favent pas tirer de ces amandes la bonne huile qu'elles renferment en abondance > tk qu'on en extrait clans tous les pays du Nord, où il y a de grands hêtres aufîi chargés de fruit que ceux-ci. En prenant la même précaution, les habitan's de ces montagnes ne fe verroient pas obligés d'acheter, pour s'éclairer, de la graille de baleine qui pue, tandis qu'ils ont dans leur propre pays une huile falutaire ck fans odeur, aufîi bonne d'ailleurs à manger qu'à brûler; Cette huile de hêtre ne le cède en rien à l'huile d'amandes, ck s'extrait de la même manière. Le marc qui refte après l'extraction, fe pétrit en pains , qu'on fait fécher, 6k qu'on donne avec fuccès aux vaches j en les délayant dans de l'eau , quand la neige , (92) On dit que le cochon, nourri avec ce fruir, eft tendre & gras, mais qu'il n'a ni l'odeur ni le goût d5 celui qu'on engraUTe avec du glaiidi fc l L'E S P AGNff. %Mï5t approches de l'hiver, ne permet plus de les mener paître. j'ai vu, chez un gentilhomme de Reinofa 9 une Manière de cultiver les choux , qui ment : d'être rapportée. Il avoit dans fon potager pl.ifieurs pierres plates, d'environ trois pieds en quarré» de deux pouces d'épaiffeur ck per*:é :s au milieu. Il plantoit dans le trou l'elpece de chou 9 qu'ils appellent Hanta, dans le pays* Ce chou y croiffoit ôc s'étendoit prodigieufemjnt. J'en mangeai, ck je le trouvai très-tendre ôk très-délicat. Je crois *pie cette invention pourroit être fort utile pour *es légumes, 6k même pour les arbres qui ian-|uiffent, faute d'être humectés dans les pays fecs ôc chauds, comme eft la majeure partie de l'Efpagne , où il faut empêcher, autant qu'on peut, l'évaporation de l'humidité, pour conferver à la terre fa fraîcheur. C'eft pour cette raifon que les oreilles qu'on plante dans les cours réuffiffent fi °ien , parce que les pavés confervent l'humidité de la terre, en même tems qu'ils l'échauffent. Je fuis certain que , fi on fuivoit cette méthode pour planter des pommes de pin ou des ananas dans les Provinces méridionales de l'Efpagne , on réuffiroit à merveille. On nourrit beaucoup de vaches dans toute là Montagne , 6k on y fait d'excellent beurre, qu'ont pourroit porter à vendre à Madrid 6k ailleurs A' *l les Montagnards favoient le faler Se le mettre çn barrils, comme en Hollande, en Irlande , Se dans d'autres pays. Au cas qu'il leur prît envie da ^e faire, je vais leur en indiquer des moyens quî font très-faciles. Sur dix livres de beurre, on mer, Seu* onces de fel fin : on mêle le tout, 6k on le &*et dans un barril bien propre , dont le bois ne: 3^8 Histoire Naturelle , Scci puiffe lui communiquer ni goût, ni odeur. Pour" plus de fureté on met ce barril dans un autre. De cette manière on peut conferver & transporter-le-beurre par-tout où Pon veut. Pour peu que les Montagnards , les Galiciens & les Aftu* riens le voulurent, ils s'ouvriroient bien-tôt une nouvelle branche de commerce , qui feroit des plus lucratives, & ils pourroient approviûonner la Marine & le Royaume d'une denrée que l'on efl obligé aujourd'hui de tirer en totalité des pays étrangers. Il feroit peut-être à propos de dire ici quelque chofe fur le moral des habitans de ces montagnes de Burgos ; fur les grands hommes qu'elles ont produits, qui ont illuftré leurs familles , & qu? ont fondé des maifons dans tout le Royaume. Mais on peut, quant à ce dernier objet, leur appliquer ce que j'ai dit à l'article de la Bifcaye » quoiqu'il y ait quelque différence dans leurs mœurs & dans leur manière de vivre. D e Bayonne à Madrid , par Eli^onde & par Pampclunc : mine de ftl-gemme de Falderra, A près avoir traverfe les Landes de Bordeaux , qui font des plaines de fable de plus de cinquante lieues, vifiblement formées par la retraite de la mer, & couvertes d'une infinité de pins, j'arrivai à Bayonne , ville de commerce tres-jolie, dont les rues font pavées de filex cendré avec des raies noires. En fortant de & .ville pour venir en Efpagne, on marche pendant deux heures fur un terrein inégal , couvert de petits cailloux de quartz , de grais roulés , de fragment e> e l'Espagne; fragmens de pierres ck: de terres non-calcaires.On trouve enfuite des pierres ardoifées,qui annoncent la proximité desPyrénées7qui, effectivement, n'en font éloignées que d'une demi-lieue. Je répète ici ce que j'ai déjà dit ailleurs , que les véritables ardoifes font toujours difpofées en couches horizontales ; mais que j'appelle pierres ardoifées toutes les pierres fendues comme des feuilles , foit obliques , foit perpendiculaires. Au y environs d'Âgnoa il y-a de hautes montagnes , dont le fommet eft compofé de pierres calcaires. On trouve au pied de ces montagne des terres non-calcaires en valeur , mêlées de grais arrondis. J'en infère que les rochers n'ont point encore commencé à fe décompofer vers le fommet. Dans ce pays on marne les terres avec de la chaux, pour y femer le maïz. Quand on veut y femer du bled, on y met une plus grande quantité de chaux , parce qu'autrement le terrein ne produiroit pas. Ceci prouve combien il efl in-difpenfable d'échauffer , d'ouvrir, & de fubdi-viler les terres fortes Ôc froides des montagnes. , Les arbres que le pays produit de lui-même font des rouvres, des chênes & des châtaigniers. On y voit auffi des pommiers greffés, dont le fruit fert à faire du cidre. A une demi-lieue d'Agnoa , il y a un petit ruiffeau qui fépare l'Efpagne de la France. Dans cette partie , on y trouve le filix ou la fougère , dont on fait des monceaux qu'on laiffe pourrir , ÔC qui fervent d'enarais pour les jardins ; la bruyère ôc le genêt. Dans les endroits qui ont été labourés, ôc où les animaux vont paître , on voit deux efpèces de menthe , du Herre-terreffre ; ÔC quelques autres» 37ô Histoire Naturelle, tkc: plantes iifuelles. On paffe enfuite par une Char* treufe , qui efl: au pied d'une'haute montagne de rochers ardoifes & de quartz , dont le fommet elt compote de roches fablonneufes, couleur de pourpre. Au pied de cette montagne on trouve le premier village d'Efpagne , appelle Maya. On fort de ce village pour entrer dans une vallée, fertile en maïz ôc en navets : quoique le terrein n'y foit pas calcaire , on y trouve en très-grande quantité les plantes que les terres calcaires produifent ; telles font l'hieble , la jufquiame , la morelie , l'éclairé ,1e dompte-venin , la lerophu* laire , la pomme épineule , le lierre-terrellre, l'aubv-épme ôc" le prunellier. Je dînai au village d'Elizonde , ôc, après avoir achevé de traverfer cette vallée, je commençai à gravir une montagne de roche calcaire bleuâtre , garnie de très-beaux hêtres dans la partie fupérieure, & de beaucoup d'autres arbres dans la pente , comme l'aube-épine, les pruniers , l'aune, le fureau, le houx , ôcc. Cette montagne efl: une des plus élevées du canton. En faifant mention des plantes qui y croiffent , je n'ai entendu parler que de la partie de fon terrein , qui efl encore inculte ; car, dans les terres labourées , ôc près de l'auberge de Belate , qui n'cfl pas éloignée du fommet de la montagne, où les mules, les cochons, les poules ôc" les chiens peuvent aller , il y a un petit jardin qui tient à l'écurie, dans lequel on trouve l'éclairé, la menthe , une efpece de lychnis , la renoncule, la perficaire, le plantin , le laitron » la fcrophulaire , l'angélique , la patience , & deux fortes de capillaires qui croiflent fur les murailles.Je crois que, fi on bâtiffoitune maifon fur le fommet de la montagne la plus élevée, la "de l'Espagne; 37*. plus déferte, & qui n'auroit jamais produit au^ Cunê plante; je crois que, fi on y habitoit, fi on remuoit tk fumoir, la terre avec des excréments d'animaux, on. verroit bien-tôt croître les plantes tifuelles qui fe trouvent aux environs des villages & dans les plaines. Je conclus de cette obfervation, que, pour déterminer la hauteur de deux terreins, d eft abfurde d'obferver en général les plantes qui naiffent dans chaque terrein, fans diftinguer celles qui viennent d'elles-mêmes, de celles qu'on y plante. Si on n'en fait pas la différence , on trouvera que la colline de Meudon, près de Paris, eft aufli élevée que les Pyrénées. De l'auberge de Belate on defcend en pente douce dans un autre vallon , formé par des coteaux fort élevés , compofés de terre tk de pierre calcaire , tk couverts de vignes tk. de grains jufqu'à Pampelune. La première chofe qu'on rencontre dans ce vallon eft un beau bois de chênes , beaucoup de buis , de l'épine - vinette , des pruniers fauvages, des rofiers , tk d'autres plantes communes dans les terres cultivées. On côtoyé fans ceffe une petite rivière que le vallon a formée, tk qui coule parmi des grais arrondis , couleur de pourpre , de la même efpece que ceux qu'on trouve du côté de France. Le vallon eft terminé par une petite plaine circulaire , bordée de coteaux détachés des Pyrénées , au milieu de laquelle , tk fur une petite éminence , eft agréablement fituée la ville de Pampelune, capitale du Royaume de Navarre. Avant d'y arriver on ne trouve plus de pierres roulées , & on remarque de ce côté que le terrein eft plus élevé que du côté de France. Les plantes que j'ai vues dans cette plaine de. Aaij 57- H i s t o i r e Naturelle, tkc: Pampelune , clans fes champs , clans fes vignes," êc le long des chemins , font deux efpèces de chardon-roi and, dont l'un s'appelle le chardon à cent têtes ; le coquelico-, les deux glouterons, lemarrube blanc, la vipérine ,1'hieble , le caille-lait blanc, la moutarde, la camomille, le plantini, l'orvale , la pilofelle, la fcabieufe, l'argentine la • croifette , la jufquiame , le mille - pertuis , l'aigremoine , le chardon à foulon, l'aube-épine» l'arrête-bœuf, le liferon, le prunellier. On voit dillinclement dans cette plaine la décompofition infenfible de la terre calcaire ; car, dans une ouverture prefque perpendiculaire , de plus de cent pieds de haut, qui eft formée par la petite rivière , on-apperçoit une terre qu'on prendroit au premier coup-d'œil , & même au taét, pour de l'argille, 6c qui n'en efl cependant pas. C'efl plutôt une terre calcaire , mêlée de très-peu d'argille, qui réfulte des plantes pourries. J'en fis l'expérience avec l'acide que j'ai coutume de porter avec moi, quand je voyage.On trouve également cette même terre "bleuâtre près de la ville , mais elle y eft plus dure ; 6c fur le coteau cjuiefl vis-à-vis , elle l'efl au point, qu'on peut l'appeler pierre. Elle efl difpofée par couches, <[ui font obliques, de même que celles dont je viens de faire mention, Tout ceci efl une preuve bien claire de la décompofition des rochers. En partant de Pampelune , on,paffe par une plaine de deux lieues & demie , qui efl un peu inégale : elle efl remplie de pierres roulées jusqu'à la montagne qui eft en face. Paffé cette montagne le terrein eft cultivé-, 6c les terres.y (ont mêlées & confondues, il y a des montagnes de ■jtoch.es calcaires pelées, où l'on ne trouve qu'un de l'Espagne,' peu de brufay, dont le fruit vient à l'extrémité des feuilles , quelques chênes , du genévrier ôc de la lavande. Tafalla eft à deux lieues & demie? de cette montagne : on y arrive par un vallon , rempli de cailloux calcaires. De Tafalla à Capar-rofo il y a cinq lieues , qu'on fait en traverfant une grande plaine, couverte de pierres ôc de, plantes aromatiques ,. telles que le romarin , la lavande , ôcc. Cette plaine peut fe divifer en quatre parties. La première, à la forîie de Tafalla, eft couverte d'oliviers. La féconde eft remplie de vignes. Des champs , cultivés pour le bled Se pour l'orge ,rempliflènt la troifième ,. 6% la quor-trième eft prefque inculte r à la réferve des environs de Caparrolb, où l'on trouve des oliviers & des terres à bled. A Caparrofo la plaine eft coupée par un monticule, où l'on trouve de tems en tems des pierres arrondies, couleur de pourpre , femblables à celles qu'on, voit, du côté de la France. En fortant de Caparrofo , on traverfe une haute colline inégale , dans laquelle quelques Mineurs pourront fe tromper, & prendre pour des veines de fpath celles de gypfe. blanchâtre qui s'y trouvent, ôc.qui n'ont que deux ou trois pouces d'épaiifeur. On a beau y creufer , on n'y découvre que du gypfe , qui.fe rencontre fort rarement avec les métaux. A une lieue de cette montagne, on entre dans une autre plaine, qui eft inculte faute d'eau. Qn monte enfuite le long de quelques collines régulières , compofées en général de malles énoy-nies de brèche , de pierres à plâtre rouléesfi SC de grais couleur de pourpre. Tout.ce terrein eft inculte : c'eft un vrai de-%* Aaiij 374 Hitoire Naturelle ,&c; fert, où Ton ne trouve qu'un peu de romarin, de lavande, d'aiphodèle , & quelques petits chênes. En fortant de cette lande , on entre dans une plaine fertile, tk arrofëe par différents canaux, dont les eaux viennent de l'Ebre. Je vis dans cette plaine le tamarife , qui eft un très-bel ar-briffeau lorfqu'il eft en fleur. Je paffai la nuit dans l'auberge qui eft fur le bord cle l'Ebre , & je remarquai que ce fleuve entraînoit dans fon cours beaucoup de pierres roulées, tant calcaires que couleur de pourpre, qui , au premier coup-d'ceil , paroiffent venir du côté de fa fource ; mais j'en doute. De Caparrofo , jufqu'à l'Ebre , il y a quatre lieues de plaine, formée par la même rivière, ôc bordée d'une chaîne de collines , qui s'étend de l'Eft à I'Oueft. Ces collines font compofées de terres calcaires, mêlées de gypfe , tantôt en veines , d'autrefois en grains, ôc quelquefois en morceaux blancs comme la neige. Cette chaîne a plus de deux lieues d'étendue. Dans fa partie la plus, élevée, on trouve le village de Valtierra fur une côte , vers le milieu de laquelle on trouve une mine de fel - gemme , qu'on découvre hors de terre du côté qui conduit à la galerie de la mine. A vingt pas , dans l'intérieur de la mine, on voit que le fel, qui eft blanc ôc en abondance, a pénétré les couches de gypfe. Cette mine peut avoir quartre-cents pas de long, tk plufieurs de fes galeries latérales, qui en ont plus de quatre-vingts, font foutenues par des piliers de fel tk de gypfe, que les Mineurs y laiffent de diftance en diftance, avec affez d'intelligence pour que l'intérieur reffemble à une Eglife Gothique. Le fel fuit la direction de la colline , en s'inclinât 5 E L'E S'PAGNI, fff ttn peu vers le Nord , ainii que les veines de gypfe. Le fel eft contenu dans un efpace u'en-viron cinq pieds d'élévation, fans qu'il paroîffe la moindre variation dans tout ce qu'on en découvre. Il paroît qu'il a corrodé plufieurs couches de gypfe tk, de marne, dont il a pris la place, eu laiflant cependant fublifter encore quelques vef-tiges de ces deux matières. A la fin de la principale galerie, les Mineurs ont prolongé un rameau vers la droite , ou l'on voit que le filon falin fuit exactement l'incli-naifon du coteau, dont la pente eft confidérable dans cette partie , tk que cette couche de fel de cinq pieds d'épaiffeur defcend dans le vallon „ pour paffer à la colline qui efl vis-à-vis. Cette marche régulière détruit le fyflcme de ceux qui prétendent que le fel-gemme fe forme par l'évaporation des feux fouterrains ; car , s'il en étoit çdnfi, les filons n'en feroient pas ondes , comme ils le font ici, oîi ils reffemblent aux couches de charbon-de-pierre de Chamond près de Lyon % &Ch celles d'afphalte (93)' en Alface, qui fuivent les élévations 6c les pentes des collines tk des vallées, tk où l'on voit fouvent que le bitume {93) On appelle afphaîte le bitume de Judée qu'on tire du lac Afphaltite ; c'eft-à-dire , de la mer morte, où 3'Ecriture nous apprend qu'étoient fituées Sodome & Gomorre. On donne le môme nom à tous les bitumes naturels qui lui rcikmblen:. C'eft une matière liquida qui s'élève du fond de l'eau , qui fumage & qui s'endurcit comme la poix, & môme davantage. Elle fert à différents ufages dans la médecine& dans les Arts. Beaucoup de gens croient que c'étoit avec ce bitume que les, Lgyptiens embaumoient leurs cadavres , vulgairement connus fous le nom de Muniies eu Momies. '$j6 Histoire Naturelle, &cc. nage fuir l'eau, lorfqu'il lui arrive d'en rencontrer. Je préfume que le fel croît ôc s'augmente , comme le métal, dans les mines ; que le charbon fe forme de bois follile , comme on peut le voir par les.débris qu'on en trouve dans les mines, ôc que l'afphalte eft produit par l'eau de quelque fource. J'examinai avec attention les couches de fel de la mine de Valtierra; je les comparai avec les couches de terre ôc de gypfe, dans lefquelles elles font encailfées. Je trouvai que la voûte extérieure étoit compofée d'un gypfe qui produit quelques plantes aromatiques. Je rencontrai immédiatement après deux pouces de fel blanc , féparé du gypfe par quelque portion de terre faline ; trois, j pouces de fel pur enfuite, fui vis de deux pouces de fel-pierre & d'une couche de terre. Je remarquai aufn-tôt une autre couche bleuâtre , fuivie de deux pouces de fel ; ôc enfin , je trouvai d'autres couches, alternativement compofées de terre ÔC de fel cryftallin jufqu'au fond de la mine, qui eft de gypfe , ondé comme les autres couches , tant en descendant le vallon, qu'en montant le coteau qui fait face. Les veines Ôc les couches de terre faline font d'un bleu obfcur ; mais celles du fel font toutes blanches. Cette mine eft fort élevée, relativement à la hauteur de la mer ; car on monte prefque toujours depuis Bayonne , à l'exception des descentes , qui font infépsrables d'un pays montagneux. On continue de monter depuis Valtierra jufqu'à Agréda , qui eft la première ville de Çaf-. tille, fituée au pied d'une des plus hautes montagnes de l'Elpagne, appelée Moncayo -, dont les r> F. L*E S t» A. G N e. 377 roches fe décompofent en terre , au point que, le fol, qui elt couvert de plantes, elt un de ceux qui méritent le phîs particulièrement l'attention des Botaniftes , par l'abondance des végétaux qu'on y trouve. En fortant d'Agréda, on defcend dans un terrein montueux, compofé de roches oc cle terres calcaires, qui conduifent à une plaine fablonneufc A l'extrémité de cette plaine , on nionte un coteau fort étendu, couvert de grands chênes , qu'on defcend enfuite pour traverfer la\ plaine , où cil fitué le village de Hinojofo. Paffé ce village , on rencontre un bols de chênes, au, bout duquel on entre dans une autre plaine , un peu inégale , & prefque toute cultivée ; mais dans laquelle on ne voit ni arbres ni arbriffeaux-Cette plaine vient aboutir au village d'Almeriz „ où elle eft fort unie oc compofée d'une terre graffe, mêlée de cailloux , de petits quartz ronds & de petits grais. Il eft affez fingulier d'en trouver au milieu de la terre calcaire. En-deçà d'Almeriz, le fol, d'un fable roux, eft de la même nature , jufqu'à une lande , où je trouvai le même quartz & le même grais. De cette lande, je traverfai une autre grande plaine , cultivée jufqu'à Almazan, qui eft fur les bords du Duero. Après avoir examiné ce terrein, qui eft fertile en bled 6c en orge , je trouvai, à quelques pieds de la fuperficie , une roche calcaire , couverte à l'extérieur d'une grande couche de terre fablonneufc, avec des quartz & des grais, li différents du fond du terrein , qu'on les prendroit pour des matières étrangères. Le phénomène eft rare ; ceux qui voudront en tirer des conséquences , pourront donner carrière à leur imagination. 37S Histoire Naturelle, Sec: Almazan efl pavé de grais arrondis. A la iortiff de çe village , on monte une petite côte , couverte de pierres, de cailloux Se de fable. On découvre , du haut, une vafte étendue de pays qui paroît très-uni, mais qui ne l'cfl pas. Tout le terrein eft compofé de collines baffes , égales 64 arrondies, qui, étant vues de loin , Semblent former une plaine , en ce qu'on n'y apperçoit ni précipices ni ravins. Ces collines font calcaires, ck: il y en a quelques-unes dont les roches font pelées. On en voit d'autres qui font couvertes de terre , ôefur lesquelles on trouve l'arrête-boeuf, Paurône inodore, la lavande Se le petit cyfle qui. donne le ladanum ; mais toutes ces collines font incultes dans une étendue de plus de quatre lieues. On en fort pour entrer dans un vallon de bonne terre, où l'on trouve une fource Se un village. Paredes eft fitué à trois lieues Se demie de ce village, Se en traverfant une grande plaine inculte Se inégale , on arrive à Baraona, qui efl bâtie près d'une colline pyramidale , fur le fommet de laquelle les Anciens trouvèrent une fource Se bâtirent un village. Paredes ell dans une profonde vallée, à la fortie de laquelle on trouve des coteaux , entrecoupés de vallons calcaires Ôc cultivés pendant l'efpace de plus d'une lieue ôc demie. On trouve enfuite des collines incultes, pleines de cyftes ladanifères, jufqu'à la côte d'Atienza qui fépare les deux Caiiilles. On emploie trois heures à traverfer cette montagne , qui eft compofée de cailloux quartzeux , mêlés de grais d'un grain très-fin , Se de roches qui Sortent de terre , Se qui font d'une matière argilleufe , pleine de mica blanc Se gris. Je ne conçois pas comment il y a du quartz dans ce canton, parce be l'Espagne. 3.79 qu'il ne paroît pas que la décompofition des roches ait pu le former. Le terrein efl: couvert de chênes tk de cyftes ladanifères. Une peu plus loin, on trouve une grande plaine, parfemée de collines baffes, dans lesquelles les eaux de pluie ont fait des ouvertures : on y voit,, au commencement des quartz, du grais tk de la. terre non - calcaire. Immédiatement après on trouve beaucoup de pierre à plâtre , mêlée de quartz, tk dont l'enfemble, avec une terre rouffe, dure & calcaire , forme une pierre en brèche. En cinq heures j'arrivai à Xadraque, après avoir vu fur le chemin les mêmes plantes que la journée précédente , à l'exception de grands cyffes ladanifères , ck de l'arrête-bœuf qui y étoient en plus petite quantité. De Xadraque à Flores on compte quatre lieues, oc à moitié chemin on trouve un terrein de collines égales, remplies de crevaffes. On voit , à n'en pas douter, que ces crevaffes font occafion-nées par les eaux de pluie qui entraînent les terres calcaires, tk il n'eff pas difficile de s'apper-ce voir que tout ce pays a été plat ; car les parties qui font encore fans ravin ont un fond de roche dure , & il commence à s'y en former à me-, fure que les eaux les minent. J'ai vu quelques-unes de ces parties , dont la dégradation fuccef-five annonçoit déjà qu'avant vingt ans elles for-nieroient des collines ; d'oh je conclus que, s'il y a des montagnes qui fe détruifent peu-à-peu pour fe convertir en plaines, il y a également des plaines qui fe convertiffent en montagnes. On trouve fur le chemin un bois de kermès des Provençaux , femblable à la plus grande partie de ceux que j'avois déjà vus en Efpagne , Ifp Histoire Naturelle, &cJ remplis de kermès (94) ; tk, par rapport à cette circonstance , je ièrois d'avis de les appeler yeuSes de kermès. Le bois finit avec le terreift pierreux, & à ce bois Succède une terre bien cultivée tk fertile en bled, en huile & en vin. On y voit auffi beaucoup de thim, de lavande, d'au-rône tk de Sauge. On laiiïe en parlant le village de Hita , fitué au pied d'un coteau très - élevé en forme pyramidale-, qui paroît Surmonter les autres collines, comme un grand rocher au milieu de la mer. Son Sommet e if couvert des ruines d'un ancien château. Après avoir paiTé la rivière d'Henares , on entre dans une plaine fertile où il y a beaucoup de petits cailloux fablonneux , d'un grain très-fin. Il efl bon d'obferver que , quand on c arbres. Il eft connu dans l'Hiftoire Naturelle Sous le nom de galle-infec"re , ainfi nommé, parce qu'il s'attache aux feuilles pour y pondre Ses œufs , de manière qu'il reffemble à la noix de galle , ou aux nids que font les autres infeéres. L'efpèce qu'on trouve fur l'yotife étoit la feule dont on fe fervoit autrefois pour Vè* carlate , fi rare & fi eftimée des anciens , jufqu'à P<*" poque à laquelle les Efpagnols apportèrent du Mexique la cochenille, qui n'ett autre chofe qu'une efpece de kermès s & qu'ils appelèrent cochenille, parce que ces vers leur parurent reffembler à des cochons. ■'d e l'Espa g ne." 3^1' îèrai de parler ici de ce que j'ai vu fur le chemin , puifque j'ai l'intention de faire une defcription particulière des environs de cette capitale. jD e Pampelune à Saint - Jean - Pied -de- Port, par RoncevauXr -Î3 e Pampelune on monte en pente douce pendant quatre heures jufqu'à Zubiar, en trouvant continuellement des buis , des genêts épineux avec leur eufeute (95) , les mêmes pierres calcaires & les grais qu'on trouve à Pampelune. Au-delà de Zubiar le buis ceffe abfolument : on trouve des hêtres & des poiriers fauvages. Pendant cinq lieues, jufqu'à Bourguette, on voit des collines couvertes de fougère , malgré leur élévation. Ces collines ne font qu'à une demi-lieue des eaux qui féparent la France d'avec l'Efpagne. Ces montagnes de Bourguette produifent les mêmes plantes que les bas prés &: le bord des rivières : elles font compofées, à une grande profondeur , de bonnes terres fertiles en pâturages (95) La eufeute eft une plante parafite particulière, en ce qu'elle ne le devient qu'après "avoir tiré fa fubftance de la terre par une racine mince comme un fil , & qui fe fèche aufïi-tpt. Cette plante vit enfuite aux dépens de celle à laquelle elle s'attache. Sa forme reffemble à celle d'un cheveu , & , par le moyen de certains tubercules très-minces , qui s'infinuent dans l'écorce. des plantes & qui fervent de racine à la eufeute , celle-■cî en pompe le fuc1 qui la nourrit. La eufeute vient fur tomes fortes de plantes, mais particulièrement fur ta Vigne. jfe H i s t ô i r f. Naturelle, ècc. excellents pour les juments ôc pour les vaches ; mais leur fituation elt fi élevée ôc" fi froide 9 qu'elles ne produifent ni bled, ni orge, ni même du maïz. Parmi les plantes que j'y ai vues, on remarque la fraife , l'eufraife , la guimauve, la juiquiame, la vervenne , le fureau, l'hieble, le bouillon blanc, la morelle, la gaude , la digitale, le behen blanc, le mille-pertuis, i'alcée, le houx, la bruyère à feuille de myrthe, l'airelle ou myrtille, qu'on appelle rafpana dans la montagne , ô£ arandilla dans la Navarre. Toutes ces plantes croiffent ôc fleurifTent dans un pays couvert de fix pieds de neige pendant cinq mois de l'année. Ronce vaux eft à une demi-lieue de Bourguette, dans une belle plaine, quoique petite, appelée la Playa de Andres Zaro , où l'on prétend que fe donna la bataille oii périrent Roland ôc les douze Pairs. En montant pendant deux heures depuis Ron-cevaux, on parvient au haut d'une des montagnes les plus élevées des Pyrénées, appelée Altobif-car ; mais il faut cinq heures pour defcendre de l'autre côté à Saint Jean-pied-de-Port. Le fommet de cette montagne eft compofé d'une roche , femblable à celle de Sierra-Nevada : on n'y trouve que des hêtres , de la bruyère commune ÔC" du gazon. Ladefccnte qui conduit en France eft plus efcarpée ; on y trouve de ce côté des roches fablonneufes , de l'ardoife , du marbre noir 9 veiné de blanc, ôc" du marbre en brèche. Il y a auffi du marbre veiné dans les environs de Saint-Jean ; & de Saint-Jean à Bayonne , on voit alternativement de l'ardoife, de la pierre calcaire ôc" du marbre veiné. Je remarquai que tous le* t> e l'Espagne. 383 fcochons de ce pays ont les oreilles droites ci fermes, comme les fangliers, parce que, comme eux , ils vivent en plein champ. Foyage de Madrid à Sarragojje. T'aRRIvai à Guadalaxara par le même che* min que j'avois pris pour venir de Madrid à Pampelune. En fortant de Guadalaxara, j'entrai dans un vallon de pierres calcaires, le long duquel t>n monte continuellement jufqu'à Totija. Ce vallon eft Situé entre deux Cordilièresde collines, compolees de couches de diverfes matières , &c applaties vers le fommet. On voit clairement que ce vallon a été creufé par les eaux; car les pierres Se les terres y font plus molles que celles de la plaine qui domine les collines ; c'eft la raifon pour laquelle elles ont moins refifté. De Torija à Grajanejos il y a trois lieues de plaine calcaire , enfemencées pour la plupart. Le village elt fitué fur un grand ravin , aux côtés duquel quatre fources fe font ouvert quatre paf* fages , pour fe réunir dans le grand ravin , qui n'a point été formé par un enfoncement de terre , puifque les couches du fond ne reffemblent point à celles du deffus. Les couches inférieures d'un côté du ravin font abfolument femblables à celles de l'autre , Se de cette Similitude j'infère ^ue ce font les eaux qui ont creufé ce ravin, en entraînant la terre , Se en découvrant les quatre fources qui forment le ruiffeau de ce vallon. Sans cette excavation naturelle , il auroit été inutile de chercher l'eau dans cet endroit, puifque les fources fe trouvent à plus de quatre-cents pieds Histoire Naturelle, tkcl au-deffous du niveau de la plaine Supérieure.' Après cinq "heures de marche , j'arrivai de Grajanejos à Algora. C'eft un hameau bâti à côté d'une fource de bonne eau , unique dans toute la plaine , qui eft un vrai défert, & où l'on ne trouve que de la lavande, du thim , du genêt épineux , du genévrier ôc du tribulle terreflre dans les deux dernières lieues, on trouve quelques chênes, creux pour la plupart. Je mis quatre heures pour aller d'Algora à Al-coléa. Un peu avant qu'on y arrive, la nature du oays change , Ôc la pierre calcaire ceffe. On trouve a la place des grais roux ôc blancs , tantôt en veines , tantôt en couches, & fouvent en morceaux. Ce grais continue pendant une lieue &C demie : on voit enfuite hors de terre des rochers qui ont plus de cent pieds d'élévation , auxquels iuccède la pierre calcaire jufqu'à Maranchom JDc Maranchon , on paffe par Anchuéla , dont le terrein efl cultivé : on parvient en quatre heures à Tortuéra, fitué dans un vallon fertile en bled ôc en pâturages , au milieu duquel on trouve le village de Concha , dont la fituation efl , à ce que je crois , une des plus élevées de l'Efpagne. Malgré cette élévation, j'y ai vu cinq efpèces de coquilles pétrifiées , comme celles de Molina , ôc plufieurs grands cèdres d'Efpagne. J'arrivai, de Tortuéra à Ufed, en fix heures. Fendant les deux premières heures,je traverfai une plaine inégale , couverte de petits genévriers àC «de barbe de renard (96). La pierre calcaire ceffe > (96) On peut voir la defcription de cet arbrifTeau dans les Naturalises. Il vient beaucoup de barbe de renard s* ASie , & c'efl de cette plante qu'on tire la gomme » , , X> e L* Es'PAGN E.' 3 Î?Ç îe grais la remplace. Le terrein eft bien cultivé oc fournit des pâturages en été à une multitude [dé brebis de paiiage. Au Midi cl'Uied, il y a une lagune , appeliée Galîocanta , qui contient du ici amer ôc du fel ordinaire. Le village eft.fiîué au .pied d'une chaîne de collines de grais pelée , qui Me termine en plaine. On paffe par une gorge de deux-cents pieds de large, qu'on appelle le Port : c'efl le pays dont j'ai comparé', dans leDiicours préliminaire, l'afpecl avec celui d'Almaden. De ce Port, on defcend dans une vallée , arfofée par la petite rivière qui l'a formée: Cette vallée eft des plus fertiles Ôc des plusagréables ; elle eft. remplie d'enclos ÔC de jardins, qui forment une efpece de bois d'arbres fruitiers de plus de dix lieues de long, qui enrichit une multitude de jolis hameaux ôc deux villes , qui fe nomment Catalayud ôc Daroca, La Cordilière qui s'étend vers le Levant , eft compofée d'ardoifes & de pierres calcaires. . .... Daroca eft dans un fond, entre deux collines : comme fa fituation pourroit expofer la ville à être inondée , on a fait pratiquer , dans la partie fupérieure , en traverfant la colline, un égoût, qu'on appelle la mine , dans lequel les torrents Vont fe jeter , fans entrer dans la ville. Après* avoir traverfe Daroca , on monte une côte de pierres calcaires blanches, très-efearpée, on entre enfuite dans une grande plaine inégale ôc cultivée, à l'extrémité de laquelle il y a trois villages, après lefquels on monte pendant deux heures le long d'une Cordilière, compofée de grais ardoifes, Ôc c°nniTc fous le nom d'adragan'tc , qui fert à une infinité dttfasïcs, tant dans la Médecine que dans les Arts. %16 Histoire Naturelle, &c\ ù on a rafïné l'alun en Efpagne ; mais, je le préfume , parce qu'on fe fouvient d'en avoir travaillé quelques mines , notamment celle qui étoit près de Carthagène , & dont il n'eft relié que le nom au village, qui, aujourd'hui même , s'appelle encore alun.Quoiqu'il foit certain qu'on ait exploité autrefois cette mine , cette branche d'induftrie eft totalement perdue aujourd'hui ; car, malgré la richeffe de la mine d'Alcagniz , les habitans du pays fe contentent de tirer l'alun brut de leurs terres, pour le vendre aux François, qui le rafinent & qui le revendent enfuite aux Teinturiers Efpagnols, avec un bénéfice confidérable. Nous ferons voir, en parlant du cobalt, combien, il eft imprudent de ne tirer aucun parti d'une matière quelconque , quand on la poffède dans fon propre fol, & d'en abandonner tout le profit "aux étrangers. En attendant , nous dirons que ce que l'on fait en Aragon avec l'alun eft encore plus mal vu ; car , enfin , fi nous ne mettons pas à profit notre mine de cobalt, nous ne perdons que l'avantage que nous pourrions en tirer oc le plaifir de faire de belle porcelaine : mais , avec notre alun , nous entretenons des fabriques étrangères à nos dépens , puifque, par la matière même que notis livrons en brut à l'étranger , 6c qu'il nous revend après l'avoir rafinée , on lui procure un bénéfice , avec lequel il eft en état de paver le premier achat, & d'avoir dans fes fabriques de l'alun qui ne lui coûte prefque rien, Bbij Histoire Naturelle, Les Chymiftes Savent que l'acide vitriolique tft répandu dans prefque tous les corps de notre globe, Ôc qu'on l'extrait, pour le vendre, de quelques-uns de ces corps, ôc" fpécialement du foufre. Perfonne n'ignore non plus que l'alun eft compofé du même acide vitriolique , mêlé avec une terre argilleufe blanche , que plufieurs croient être le réfidu de quelques plantes brûlées. Cette opinion eft fondée fur ce que l'Italie, oii l'on trouve le plus d'alun , eft un pays rempli de volcans , comme l'indiquent Les pierres brûlées, .fes foufres , fes laves , fes pierres-ponces , tk d'autres matières encore : on attribue donc au feu l'origine de l'alun tk celle du fel ammoniac. Pour moi , fans adopter , ni fans rejeter aucune opinion, je me contenterai de dire que l'alun d'Alcagniz fe trouve dans un terrein bas, fangeux ôc noirâtre. La terre argilleufe qui forme l'alun, eft foible^-ment unie à l'acide vitriolique ; car le fel de tartre, fluide ou concret, le fel commun , le fel ammoniac ,"ie fel de fonde, la terre calcaire, &c. étant mis en diffolution dans l'eau avec l'alun, f emparent l'argillede l'acide vitriolique , tk prennent fa pla^e en formant de nouveaux fels plus cryf-tallins, plus blancs , plus durs tk plus fecs que l'alun même ; mais l'expérience fait voir que tous ces fels ne fervent à rien pour les teintures, parce que l'argille feule a la vertu de fixer les parties colorantes, & de donner aux couleurs ce beau luftrequi plaît tant à la vue. Quand on la mêle avec quelqu'une des autres matières fufdites , la liqueur fe trouble, l'argille fe précipite & devient Vifible, parce que la terre étrangère qui s'y trouve v$>rend fa place, Aufîi, plus l'alun eft pur ? moins 'à D E L'E S" PAG NE,' 3*?^ ■tô-ntîent cle matières étrangères à l'argille, mieux il vaut pour les teintures, & plus il rend les cou-leurs fixes & brillantes. L'alun d'Aragon n'eft mélangé d'aucun corps.; étranger.; par conféquent, il vaut mieux que l'alun de Rome tk que tous ceux que je connoiffe*, puifqu'il fuffit de le purger de la mal-propreté du limon. Son fel fe trouve formé dans la terre , comme le falpêtre ÔC le fel commun le font dans les terres nitreufesôc calcaires de l'Efpagne. Pour-le rafî.ner , il fuffit d'une leffive, qui , en fe fil-, trant, le purge de toute la mal-propreté de la-î.erre. Quand on a coulé la leffive, Ôc qu'elle a entraîné l'alun avec elle, il elt encore invifible, parce que fon fel eft fort divifé, Ôc, pour ainfi dire, noyé dans la grande quantité d'eau. Il faut: donc mettre cette eau dans, des chaudières-, ôc la,, faire évaporer aii£eu,jufqu.'à ce que le fel forme fur-la Superficie une efpece de petite toile d'araignée-mince. Quand une fois on eft arrivé à ce point, on tranfvafe la liqueur dans d'autres chaudières où on laiffe cryflajlifer.l'alun à froid. Sa forme n'y fait, rien , ôc peu importe que les morceaux: foient gros ou.petits.. Apres cette opération, il refte toujours quel-, que peu de fel diffout dans l'eau : pour ne point le perdre , il faut en arrofer la terre qui doit, palier à la leflïye ; de cette manière il n'y aunt.> pas le moindre déchet. Je crois que, fi l'on me ttoiten monceaux la-terre qui a déjà donné de l'alun , comme on met celle dont on a tiré du falpêtre , elle reprodujrpit.urt. nouvel alun , à l'aide du travail interne de la, matière, qui feroit fécondé par l'air tk par L"e8iï, Comme la terre, du falpêtre attire tk reproduit 6 bbj. 39&- Histoire Naturelle, &c: un nouveau nitre oc un nouveau fel commun, au bout d'un certain tems. L'Aragon contient une quantité de terres ni-rreufès qui produifent le meilleur falpêtre ; la; preuve en réfulte par la poudre de Villa-Feliche, qui efl la plus eflimée de toute l'Efpagne. Quelqu'un de ces Salpêtriers pourroit faire , avec les terres d'Alcagmz , ce qu'on pratique avec les terres nitreufès, & effayer s'il y a moyen de purifier l'alun en grand. Si l'elfai réufîiffoit , comme il ne m'efl pas permis d'en douter , on auroit un moyen plus facile de tirer parti d'une matière auffi utile ; on enrichiroit les habitans des environs d'Alcagniz , qui font très-pauvres ; l'Elpagne auroit tout l'alun dont elle a befoin pour fes Fabriques ; elle ne dépendrait plus des. étrangers , qui en tirent tout le profit , & cet objet pourroit devenir une branche de commerce très-effentielle. J'ai évité, autant eue j'ai pu, de mettre des dif-cour^feientifiques dans cet expofé,pour me mettre à la portée du dernier Artifan, & pour faciliter l'exécution de ce que je propofe. Ceux qui voudront s'inllruire plus particulièrement à cet égard, peuvent confulter les différents livres de Chymie qui en traitent particulièrement ( 97 ). (97) L'Abbé Nollet , dans les Mémoires de l'Académie des Sciences, année 1750, indique la manière * dont on fait l'alun dans la Solfatara de Naples. L'Abbé Mjzéas , dans un Mémoire qui fe trouve dans le cinquième tome des Mémoires de la même Académie , donne une excelîenre inilruétion fur !a manière dont on travaille le fameux alun de la Tolfa, près de Civita-Vecchia , dans le territoire de Rome ; & M. Moucr» dans fon Traité de TAlunation 3 a réuni tout ce qu'il cfi à-propos de favoir pour tirer parti de l'alun. de l'Espagne, /a vtf//ee férents morceaux de bon cobalt, qui étoit d'un grain plus fin tk d'un gris-bleu, plus clair que celui de Saxe. Je ne faurois donner une idée dit. cobalt à ceux qui n'en ont pas vu., ni leur in--diquer la manière de le diftinguer des métaux qui> ont la même couleur ; les explications deviennent, prefque fuperflues fans l'infpeèlion oculaire. Je dirai cependant que la plus grande partie des morceaux de cobalt que je trouvai à Giftau % étoient contigus à une efpece d'ardoife dure , luifante, comme fi elle étoit verniffée, tk tachetée, d'un rofe terne, fans que le cobalt partage ces taches en aucune manière , quoiqu'il foit expofe à la même humidité que l'ardoife. J'ajouterai que ces taches couleur de rofe ne font ni plus vives , ni plus éteintes, depuis le grand nombre d'années que je çonferve ces morceaux dans mpA IDE L'ES P ACNE.' fôf fcabïnet. Les ardoifes noires avec leurs taches ■rouges, pourront fervir d'indices à ceux qui entreprendront d'exploiter cette mine de cobalt. Je ne pus l'examiner avec plus d'attention ; parce que l'admodiation particulière dont j'ai parlé iub-uftant encore , ces fermiers ne voyoient pas mes recherches fans jaloufie. Je me contentai donc de ee que je pus voir fans crenfer, & je partis alors qu'on appelle émail ; & quand l'émail efl réduit en poudre très - fine, il compofé le beau bleu qu'on admire dans la porcelaine (99). ( 99 1 On lit dans l'Encyclopédie , & dans d'autre* Livres qui l'ont copiée,que le bleu que les Chinois 6c\cs japonois Modernes donnent à leurs porcelaines , n'ei* pas aùifi beau que celui qu'ils donnaient anciennement» b£ l'Espagne; $99 ï)ans les expériences faites en Allemagne &vec le cobalt d'Efpagne, on l'a trouvé tellement purgé de matières hétérogènes , 6c û abondant en terre colorante en bleu , qu'il recevoit trois ou quatre fois plus de fable ou de quartz que le cobalt de Saxe. En 1745 & 1746 , on parloit à Paris d'encre de fympathie oc on commençoit à en faire, j'y travaillai comme beaucoup d'autres. Je payai neuf francs une livre de cobalt d'Eijpagne, dont je ris mon encre : elle fut plus eftimée qu'aucune de celles qu'on avoit vues jufqu'alors, parce que fa couleur verte étoit beaucoup plus vive que fi elle eût été faite avec du cobalt de Saxe. Puifque j'ai parlé d'encre de fympathie, je vais indiquer comment fe fait celle de cobalt : ce que j'en dirai pourra fervir également à en faire connoître les mines. Prenez une petite pierre de la mine, de la grolfeur d'une noix ; faites-la calciner dans une caflerole 9 jufqu'à ce qu'elle n'exhale plus aucune vapeur ; réduifez - la aulîî-tôt en poudre ; mettez cette poudre dans une parce que leurs mines de bon cobalt étant épuifées, ils font obligés aujourd'hui d'avoir recours à un bleu inférieur en qualité. Je ne fais d'où vient cette afTertion; j'in-clinerois bien plutôt à croire que ces Nations , naturellement de mauvaife foi, voyant l'enthoufiafme des Européens pour leurs porcelaines , n'ont cherché qu'à les tromper , en leur vendant des porcelaines mal peintes. C'eft fans doute la vraie raifon de la différence des pâtes, Se c'efl: ce qui a donné lieu à la dift in&ion de la porcelaine moderne & de la porcelaine ancienne , ou de vieille roche j fans qu'on puiffe dire que le kaolin ni le petun-tze fe foient épuifés-, ou qu'ils dégénèrent, comme on prétend que cela eft arrivé au cobalt. 4oo Histoire Naturelle, tkcl bouteille, avec un pei| d'eau-forte tk un peu de 'fel. Laiffez le tout en infufîon pendant une nuit: le lendemain matin verfez la liqueur tout doucement , tk mêlez un tiers d'eau avec la matière qui reliera. Ecrivez avec cette liqueur fur urt papier blanc, tk laiffez-Ia lécher. On ne s'ap-percevra pas qu'il efl écrit \ mais en approchant le papier dû feu, on verra paroître des lettres vertes, tk on pourra lire (toô). Les Chymiftes rendent raifon de ces phénomènes, tk les Artifles profitera de leurs découd verte:-., en apprenant par expérience la quantité x\e cobalt & de quartz qu'il faut mélanger pour les différentes nuances de couleurs. A Gingem-£>ach , dans la forêt noire , en Allemagne , il y à une Fabrique de fafre , que je voulus examiner exprès en 1755 avec •L^ôn Jofeph-Auguftin de Llano , pour m'inflruire dans la méthode de préparer cette matière. Cette Fabrique , très-confidérable, eft pourvue de moulins pour moudre le métal, d'une grande quantité de fourneaux à cheminée , deflinés à recevoir tk à condenfeir (ioo) La manière la plus fimple & la plus prompte pour cette encre de fympathie , eft de prendre le fafre tel que le vendent les Droguifies , ck de le mêler avec ds l'eau régale. Celle-ci s'empare de la terre métallique du cobalt qui renferme le bleu.En la mêlant avec affez d'eau claire pour que la couleur ne faffe pas trop d'impreffioa fur le papier, on écrit, l'écriture relie invifible , jufqu'à ce qu'on préfente le papier au feu. Lorfqu'il refroidit, 1* couleur difparoît de nouveau , & on peut recommencer tant qu'on veut , pourvu que la chaleur ne foit pas affëz forte pour que la couleur s'imprime , de manière qu'elle ne puiffe plus s'effacer. Ce phénomène efl très-curieux, & mérite qu'on examine comment ce bleu produit le verd. l'arfenic îje l'Espagne:, 401 rarfénîc qui s'exhale du cobalt & qu'on vend fé* parement. Il y a encore des étuves deftinées à lécher plus de douze fortes de poudres de différentes nuances , & propres à. différents ufages , '&c. Mais ce n'eft pas ici la place de faire la defcription détaillée.de cette Fabrique (101). (101) Comme on ne fauroit trop étendre fes notions fur une matière aufli précieufe que le cobalt, je joins ici fes caractères , tirés de l'Eïfai de Minéralogie du Baron de Cronftadt. Le cobalt eft d'un gris blanchâtre * comme l'acier fin battu ; dur & fragile Si d'un grain fin & mat c'eft-à-dire, fans brillant. Son poids fpéclfique , comparé à celui de l'eau, eft comme de fix à un. Il fe fixe au feu, & lorfqu'il fe calcine, il devient noir. Le verre de cobalt eft d'une couleur bleue , qui tire fur le violet, & cette couleur eft , de toutes les couleurs que l'on connoifTe , celle qui redite le plus conftamment aa. feu. 11 fe diffout dans l'huile de vitriol, concentrée dans l'eau-forte & dans l'eau régale. Ces difïblutions font rouges. La chaux de cobalt fe diffout auffi avec les mêmes diffolvants , par l'alkali volatil & par l'efprit de fel. Le cobalt, uni à la chaux d'arfénic , Se calciné avec elle , devient rouge ; mais il faut que le feu foit très-modéré. La chaux de cobalt s'appelle alors fleur de cobalr. Lorfque l'arfenic & le cobalt fe liquéfient enfemble , la flamme paroît bleue. Le mercure & le cobalt ne peuvent fe mélanger. Le cobalt ne peut ni fe mélanger ni fe liquéfier avec le bif-mutli , s'ils ne font unis par un corps intermédiaire. Tels font les principaux cara&ères du cobalr. Si l'on. Veut favoir d'ailleurs les différentes formes fous lefquelles on le trouve dans les mines Si dans les différentes matières dont il eft mélangé, on peut confulter cette Minéralogie de Cronftadt, où l'on trouvera de quoi fatisfaire pleinement fa curiofité. Ces caractères ferviront à connoître la mine de cobalt Ce 40i Histoire Naturelle, ■&£." D e la montagne de Monferrât en Catalogne. JL a montagne de ÏVÏonferrat eft à neuf lieues de Barcelonne , & peut avoir environ huit lieues de circuit. Du côté qui donne fur le grand chemin, elle reffemble à un jeu déboules: lès pyramides lont léparécs les unes des autres, Se elle eft entourée de plufieurs collines qui la joignent aux Pyrénées. Elle eft compofée de pierres calcaires, arrondies, de différentes couleurs, conglutinées avec une terre à chaux jaune '& avec un peu de fable. Elle reffemble parfaitement à la brèche d'Àlep , à la différence près que le grain n'en eft pas auffi fin, ck que les pierres font plus groffes que celles du Levant. On y trouve aufîi beaucoup de grais, & des quartz blancs , arrondis Ôc veinés dç, Saxe ; mais notre mine d'Aragon lui eft tellement fupérieure en bonté Si en richeffe , qu'on ne fauroit trop recommander ni répéter aux Efpagnols qu'ils poffèdem la plus riche & la plus fingulière mine qu'il y aura peut-être jamais dans l'Univers, L'Auteur a fait dernièrement tranf-portcr'à fes frais , à Madrid , une portion de cobalt, où les curieux pourront voir ce qu'ils defirent.ll yen a, entr'autres, un morceau d'environ quarante livres, dans lequel on voit des taches rouges, 6k l'éponte , dont on a parlé cfdcfhis. Ce morceau eft fi abondant, qu'on le prendroit pour une boule de cobalt, fans mélange d'aucune autre matière. Cela donne à notre mine une couleur différente du gria de celle de Saxe. La notre paroît bleue, comme du piomb fondu. Il réfulte de cette qualité que dans quelques Fabriques de faïance , par exemple s à Alcora , on fe fert de ce cobalt, fans préparation * eri faifant moudre la pierre telle qu'on la tire de la mine , Si il vient plus de deux-cents efpèces d'arbres, d'arbuftes tk de plantes. Les principaux font le pin , l'arboufier , deux efpèces de chênes à feuilles lilies , le kermès des Provençaux , trois fortes de genévrier, Falaternoïdes, le filaria , le mico* 404 Histoire Naturelle, eV& coulier , l'émerus , le thiin, le féféli d'éthiopié> la bruyère , le romarin la lavande , l'aurône, &lc. Sur le fommet de la montagne il y a du treffle odorant qu'on trouve à Valence fur le bord de la mer, ck de la fquine d'Andaloufie, tk de Bilbao ; ce qui prouve que cette plante vient indifféremment dans les pays froids ck dans les pays chauds. A mefure que l'on monte , on s'apperçoit que les rochers deviennent plus durs -, & qu'ils fe décompofent moins. Les plantes font plus rares j enfin, on ne trouve en haut que des roches pelées, féparées en colonnes, qui forment des pyramides depuis cent jufqu'à -cent-cinquante pieds d'élévâ* tion. Ces roches font compofées de pierres calcaires , arrondies Ôc fablonneufes , mêlées de quartz blancs veinés de rouge & de pierre de touche. Cette dernière pierre étoit déjà connue du tems de Théophrafte , difciple tk fucceffeur d'Ariltote pour la chaire de Philofophie. Il dit, qu'on trouvoit la pierre de touche dans la rivière du Tmolus, tk que la partie fupérieure en étoit meilleure polir effayer for,quelapartie inférieure qui portoit fur la terre. Ces pierres reffembloient à des cailloux 9 tk comme elles n'étoient pas arrondies, on en conclut qu'elles étoient fixes tk qu'elles ne fuivoient pas le cours de la rivière. Les Modernes fe fervent des acides avec plus de certitude , pour éprouver la valeur de l'or. Us comparent une raie, faite fur la pierre de touche ■avec l'or dont ils connoillent le carat, avec une autre raie de l'or qu'ils veulent examiner/Comme -l'eau-forte a la propriété de diffoudre tous les métaux, à l'exception de For, la couleur tk la •diminution des deux raies comparées enfcmble de l'Espagne. 405 indiquent l'alliage qu'elles ont, & il eft très-rare qu'on s'y trompe. La pierre de touche, félon cette expérience , ne peut pas être une pierre calcaire ; car elle fe diflbudroit par les acides. Il (Uffit, pour être bonne, qu'elle prenne bien l'or., &: qu'elle ne puiffe pas fe diffoudre dans l'eau-forte. La couleur eft fort indifférente ; cependant la noire eft préférable , parce que l'or y reffort mieux. Les pierres du Tmolus font noires. La roche cryftallifée qu'on trouve dans différents endroits de la Saxe , celle de la montagne d'Ufon en Auvergne , celle de la fameufe. chauffée des Géants en Irlande , & les pierres de Monferrat, dont nous parlons , font également noires. Elles font toutes indiffolubles avec les acides , & d'une autre nature que le marbre. Le marbre eft entièrement calcaire : fi l'on s'en fervoit pour éprouver l'or , l'eau - forte emporteroit le métal avec la partie du marbre qui fe feroit diffoute. Comme la vraie pierre de touche eft très-dure, elle condenfe à fa fuperficie l'humidité , les ex-halaifons & la fueur. Les Orfèvres ont bien foin de Peffuyer avec un linge avant de s'en fervir ? afin que l'adhéfion de l'or foit plus intime & plus parfaite. Théophrafte , tout grand homme qu'il étoit , raifonnoit fuivant la phyfique de fon tems ; il croyoit que la pierre de touche ôc" les ftatues de marbre fuoient quelquefois ; mais la caufe de ce phénomène vient, de ce que les pores de la pierre fe fermant par le poli , l'humidité ne peut plus la pénétrer, & les particules d'eau qui font diffoutes en l'air, relient vifibles & paU pables fur la fuperficie. A quelques lieues de cette montagne de Mon* C c iij ! 4o$ Histoire Naturelle, &c. ferrât, on trouve la ville de Vique, près de laquelle il y a une mine d'améthiftes , de topafes & de cryftaux colorés , que les Orfèvres de. Barcelonne travaillent Ôc" vendent. De la mine defel-gemme de Cardona en Catalogne. JL E bourg de Cardona eft à feize lieues de Barcelonne, près de Monferrat &des Pyrénées. Il efl fitué au pied d'un rocher de fel, qui, du côté de la rivière de Cardonero , paroît coupé prefqu'à pic. Ce rocher eft un bloc de fel maflif, qui s'élève de terre d'environ quatre à cinq-cents pieds, fans crevaffes, fans fentes & fans couches :, on ne trouve pas de gypfe dans fes environs. Ce bloc peut avoir une lieue de circuit, Ôç {on élévation eft la même que celle des montagnes cir-convoifmes. Comme on ignore fa profondeur, il eft impofîible de favoir fur quoi il pofe. En général le fel y eft blanc depuis le haut jufqu'en bas. Il y en a cependant qui eft roux , ôc les gens du pays s en fervent pour les points de côté, en l'appliquant chaud fur la partie affectée , par morceaux coupés en forme de briques. On en trouve auffi de bleu-clair ; mais la couleur n'y fait rien. En faifant moudre le fel, elle difparoît, le fel refte blanc , & ©n s'en fert, fans qu'il ait ni goût ni odeur de terre, ni la moindre vapeur. Cette prodigieufemontagne de fel, dépourvue de toute autre matière, eft l'unique de fon efpece, en Europe. Les Phyficiens y trouveront matière à s'exercer pour expliquer fa formation. Je ne D E LVE S P À G NE. 407 fais trop s'il leur futiira de dire que c'eft une évaporation de l'eau de la mer : cette folution ne fatisfera pas tout le monde. J'achetai , à bon marché , dans l'attelier d'un Sculpteur de Cardona , plufieurs petits autels , des images de la Vierge , des chandeliers tk des falières de fel auiïi tranfparent que le cryftal. J'y lis faire les douze Céiars , vêtus à la romaine, qu'on exécuta très-bien. Je vis tremper dans l'eau un chandelier de lèl , que l'on eïluia auiîi-tôt avec un linge : je m'apperçus que cette opération ôtoit la poullière blanche , que le fel forme en le travaillant, en même tems qu'elle donnoit plus de tranfparence aux ouvrages. Le fel eft fi compact & fi dur , qu'il ne fond pas dans l'eau, pourvu toutefois qu'on ait la précaution d'effuyer la pièce aufti-tôt. Quoique cette montagne foit très-étendue , la pluie n'en diminue pas le fel. La rivière qui baigne fes bords eft falée , tk le devient encore davantage, lorfqu'il pleut. Les poiffons y meurent; mais cet inconvénient ne s'étend pas au-delà de trois lieues. J'ai eu beau faire des expériences à la diftance dont je viens de parler, avec les eaux de cette rivière: je les ai fait évaporer, je les ai diftiilées ; enfin, je les ai travaillées de mille manières, fans pouvoir y découvrir le plus petit grain de fel ; ce qui me perfuade que les fels fe décompofenr entièrement par le mouvement , tk fe réfolvenl> en terre tk en eau. L'eau du Tage, par exemple, qui coule à Aranjuès , dans des collines de gypfe Se de fel-gentme, y eft mauvaife; mais elle com-t mence à être bonne à Tolède , ou elle diffout bien le favon. Eft diftillant cette eau un peu plig. C c iv 4Q.8 Histoire Naturel le ,.&c.' loin , on n'y rencontre plus aucun veftige , m de gypfe, ni de fel. Que l'on brtile du foufre, de Parfénic, de la poix , ou quelque autre matière combuftible au bas d'une tour , ceux qui s'y trouveront ne pourront en fupporter la puanteur ; ceux qui feront en haut n'en fenîiront rien, parce que tout fe décompofe en eau ck en terre avant de parvenir jufqu'à eux , 6k le principe inflammable qui n*a point d'odeur, s'élève pour fe combiner de nouveau, ôk pour former les éclairs ôk la foudre. Je ne doute pas que les émanations des fièvres malignes ck de la pefte ne foient dans le même cas. On dit communément que des trois acides de îa nature , l'acide nitrcux , qui efl le fécond en force , chaffe l'acide marin , qui efl le troifième ck le plus foible. C'eft une afîertion démentie par l'expérience ; car, en Efpagne, le fel-gemme dégage l'acide nitreux de fa bafe. Qu'on faffe moudre vingt-quatre onces de ce fel, avec douze onces de falpêtre, qu'on les, diftille fuivant la. méthode ordinaire , il en réfultera une très-bonne eau-forte , qui dilfoudra bien l'argent ; niais qui ne produira pas la moindre impreffion fur l'or. Les Orfèvres de Madrid fe fervent uniquement de cette eau-forte. Pour achever d'é-claircir un phénomène auûr rare, ôk pour voir il les Chymiftes fe font trompés ou non , il fuffira d'examiner fi ce fel-gemme d'Efpagne , communément appelé fel de compas, contient de l'acide vitriolique, parce qu'alors ce ne feroit pas l'acide marin qui l emporteroit fur l'acide nitreux , ce feroit l'acide vitriolique ; mais comme on eft très-loin de démontrer , ôk même de favoir ». qu'un pareil acide vitriolique fe trouve dans le ■de l'Espagne. 409 fel commun r la queftion relie toujours indé-. 'Cife (102). Combien de favantes abfurdités ne s'eft>on pas permifes fur les caufes pbyfiques du fel de la mer! Les uns ont cru qu'elle avoit au fond des rnaf-fcs énormes de fel; d'autres voyant, que cette fup-pofition fe détruifoit d'elle-même , ont pris le parti de dire , cjue les rivières charrioient à la mer une quantité de fel, fuffifante pour faler fes eaux, & cette dernière affertion eft aufli contraire à l'expérience que la première. Nous favons, à n'en pas douter, que les mers font auffi falées aujourd'hui qu'elles l'etoient anciennement, a proportion de la chaleur du climat, de l'évaporation dont elles font fufceptibles , Se de la quantité d'eau^douce qui vient s'y perdre. Indépendamment de cela, j'ai fait un très-grand nombre d'expériences , jamais je n'ai trouvé de fel dans l'eau des rivières, à leur embouchure. Il eft vrai que quelquefois après la diftillation & l'évaporation , il m'eft refté une millième partie de ièl commun, Se que, dans une autre occalion, j'ai trouvé un peu de nitre pour réfidu ; mais cela ne prouve rien, le nitre étoit un réfidu de fel marin ou de fel commun , parce que , je fuis perfuadé, que celui-ci peut changer de nature, d'acide Se de bafe, & fe convertir en nitre par le mouvement (102) Cette fmgulariiè du fel-gemme d'Efpagne , dont je ne parle ici qu'en paiiant, mérite l'attention des Chymiftes &. femble exiger des expériences ; car , il eft certain que ce phénomène détruit toute la théorie fur la nature des trois acides , qui font , ( que l'on me paffe le terme ) , le paffe-par tout de la Chymie. Histoire Naturelle, &c; Ôc par l'ébullition ; ôc, réciproquement, je crois que le nitre ôc la bafe peuvent fe convertir en fei commun. Du Royaume de Ja'èn , des mines de ce pays , 6* en.particulier de celle de Linares, L e Royaume cle Jaën eft prefqu'entouré d'une Cordilière, formée par les montagnes de Sierra-Moréna , de Ségura, de Quéfada ôc de Torrès ? qui le {©parent des Royaumes de Cordoue , de Tolède, de Murcie ôc de Grenade, il eft féparé du Royaume de Séville par le Guadalquivir. L'intérieur de ce Royaume eft compofé de collines ô£ de vallons, formés par les eaux , félon le plus ou le moins de dureté des pierres ôc" des terres. Je n'ai vu, dans fa petite étendue, aucun terrein qui fût difpofé par couches. L'humidité détruit les hauteurs , qui ne font compofées que de pierre ôc de terre, félon le plus ou le moins de réfiftance que ces hauteurs y oppofent ; auffi les fommets des montagnes ne font-ils pas contigus ; des parties fe font décompofées avant d'autres ; il en a réfulté des ouvertures qui fervent de paffage. Cette obfervation autoriia un Auteur à dire r que l'on pouvoit aller de Paris à la Chine fans paffer fur le fommet d'aucune montagne. Le fait eft vrai ; mais la raifon qu'il en donne ne l'eft pas. Cet Auteur n'a pas voulu confidérer que toutes les montagnes font compofées de quelques parties terreufes ôc* falées qui fe décompofent plus facilement que d'autres. A-peu-près au centre du Royaume de Jaé'n..? de l'E s,p a g ne. 411 à trois-quarts de lieue de Linares , il y a une plaine d'une heure de traveriee tk d'une demi-lieue de large, qui elt fituée dans la partie la plus élevée de ce Royaume, puifque , du centre de cette plaine , on découvre la. capitale Andujar , Baéza, Ubéda & Bagnos. Cette plaine elt terminée à I'Oueft & au Nord par deux vallons très-profonds. Ce font deux torrents qui les ont formés par le laps du tems , en creufant des ravins. Les collines oppofées à la plaine font toutes criblées , par les mines que les Maures y ont exploitées. Je préfume que ce font les Maures, parce que jamais les Romains n'ont tra v aillé les mines avec fi. peu de méthode. Il paroît que les Rois de Jacn cherchoient, dans les entrailles de la terre , les richelfes que la fiérilité de ces collines leur refufoit. Suivant toute apparence, ils. fournilfoient les pays circonvoilins de plomb ? de cuivre & d'argent ; car , prefque toutes ces collines renferment quelques-uns de ces métaux, en abondance , & plufieurs. les renferment tous. En parcourant les deux vallons, j'ai été extafié de voir, pendant plus d'une lieue , le haut des c,oiiines , qui font affez efearpées , rempli de Puits, pratiqués de quatre pas en quatre pas, oc Percés en ligne droite. Je crois qu'il y en a au rPoins cinq-mille : je crois également qu'on doit la découverte de ces mines aux eaux , qui en foent paroîtreles filons, en formant des ravins. Ha conjecture eft fondée fur ce cjue , dans la plaine qui domine, que j'ai examinée avec atten-h;°n , on ne voit pas le moindre indice de ces ^':,ns. Les Maures les voyant à découvert, fouillèrent tk creufèrent dans quatre endroits dilférens, Histoire Naturelle, &e. en fuivant quatre filons ; mais ils le firent avec toute l'ignorance ,. dont leur- barbarie pouvoit être fufceptible. Je ne parlerai que de deux de ces filons, dont l'un commence dans le vallon de la partie Occidentale de la plaine , tk l'autre dans la partie Orientale du même vallon. La âireftion des deux filons efl prefque parallèle ; ils font à mille pas environ l'un de l'autre ; ils vont du Nord au Sud , ck ils entourent tout le milieu de la plaine. Il y a deux autres mines modernes; mais l'une n'entre pas dans la plaine , tk l'autre efl fi baffe > qu'on auroit de la peine à l'exploiter long-tcms 9 parce qu'on ne pourroit point donner de l'écoulement aux eaux, qui l'inonderoient bien certainement. C'efl de ce fécond filon que les ancien* Mineurs tiroient le plomb , qu'ils vendoient au Roi, avant que Sa Majeflé prît ces mines pour fon compte. On les voit dans leur travail imiter fervilement les Maures , leurs prédéceffeurso H* faifoient les mêmes ouvrages , ils pratiquoient autant de puits, tk fuivoient le filon le long de la côte , prefque iufqu'au village de Linares. Telle efl rhifloire générale de ces mines. Voyons actuellement Fhifloire particulière des deux; filons • dont j'ai promis de rendre compte. On ne trouve , dans le Royaume de Jaèri t aucune minç qui foit dans la pierre calcaire. La mine de plomb, dont je vais parler , fe trouve dans un granité gris-brun ordinaire : elle a quel-quefois foixante pieds de large , d'autrefois elle n'a pas plus d'un pied. Elle varie d'ailleurs dans toutes les proportions imaginables entre ces deu* extrêmes. Les filons fe trouvent dans des couches d'argille. Il arrive fouvent qu'ils font à découvert ©e l'E sp a g né? j qu'ils fe plongent le long dugranite.Ce qui em~ barraffe le plus les Mineurs, c'eft de n'avoir pas de règle fixe pour les fuivre ; car , en général, on trouve de petits filons encaiifés dans l'argille non des filons confidérables 9 ck quelquefois le contraire arrive précifément : quoi qu'il en foit , les Mineurs ont raifon de dire , qu'en général les filons réguliers ôk confiants ont deux couches , Une plus épaiffe qui les couvre, ôk l'autre qui les foutient, Les mêmes Mineurs ajoutent que la ptemière couche les nourrit, ck que la féconde leur fert de bafe. Les Efpagnols , comme je l'ai déjà dit ailleurs, ont rail'on d'appeller ces couches gangues des riions ; car chaque filon régulier a la ûenne , dans laquelle il eft encaiffé. La mine dont nous parlons eft ordinairement en filons ; mais on la trouve aufli communément en morceaux* Il n'y a ni règles ni indices , à l'appui defquels on puiffe la rencontrer, ôk c'eft: Un heureux hafard que de tomber fur un morceau riche. On trouva, de mon tems , un morceau 11 abondant, que dans l'efpace de quatre ou cinq ans il donna une quantité prodigieufe de plomb, quoiqu'il n'eût pas plus de foixante pieds de long, foixante pieds de large ck foixante ck dix pieds de profondeur. Je ne me rappelle pas le nombre de quintaux que l'on en tira ; mais , je puis affluer, que ce feul morceau rendit plus de plomb que les mines de Freyberg en Saxe, 6k celles de Claufthal-en-Hartz, n'en donnent en douze ans. C'eft une Véritable galena (103) , dont les grains font gros,' {163) Ort appelle galena le plomb minéralifé & compote Je cubes. On l'appelle galena-teffulata, parce qu'ont trouve que fes parties ont cette forme, C'eft la mine dé "414 Hïstot-re Naturelle, tkc. tk donnent ordinairement de foixante à quatre-vingts livres de plomb par quintal. On le fond à l'air , parce qu'il n'y a point de laboratoire à Linares ck qu'on n'en connoît point l'ufage. Le premier ufage qu'on faffe de ce métal, efl de le réduire en grains de différentes grollèurs pour la chaflé , ck de le vendre dans toute l'Efpagne au compte du Roi. On en vend enfuite aux Potiers-de-terre , qui s'en fervent pour vernir leurs ouvrages. On en réduit une autre partie en poudre , propre à mettre fur l'écriture , ck le ïurplus s'envoie à la foire de Beaucaire, où les Potiers de terre viennent Tacheter. J'ai déjà dit que cette mine eft une vraie galena ; mais elle ne contient que trois - quarts d'once d'argent par quintal, ck il ne feroit pas avantageux de la rafiner. Comme la diftance d'un vallon à l'autre n'excède pas de mille à treize-cents pas, je pratiquerons une galerie d'un filon à fautre , en la commençant du côté du ruiffeau 9 dans la partie la plus cicarpée de la côte , ck en traverfant toute la plaine, jufqu'à l'autre filon qui eft en face du village. Cette galerie étant plus profonde que les endroits ou. l'on travaille., elle ouvrirent un paffage à l'eau , qui gêne aujourd'hui les travailleurs; car, actuellement, on n'a d'autre reffource que d'abandonner lepuits où l'on rencontre l'eau tk d'aller creufer d'un autre côté. Le plomb que l'on pourroit tirer en faifant plomb la plus commune. Si les cubes font grands, la miné eft plus riche en métal ; lorfqu'ils font petits & d'un gris brun , elle contient ordinairement de l'argent ; il eft vrai qu'en général c'efl en fi petite, quantité, que le métal ne ;raut pas la peine d'être rafin*. t> Ê L'E SfA G n El *ette galerie , fuffiroit pour en payer les frais. Près de la mine, il y a un bois de chênes, qui fournit à fa confommation. On y voit auffi un pin très-beau & très fort, qui me fait croire qu'on pourroit en planter avec fuccès un très-grand bois dans cette plaine ; car les rochers s'y font déjà décompofés en bonne terre , & les pins, de Pefpèce de celui qui s'y trouve , réuf-firoient (104). (104) On ne peut confidé'rer fans douleur le manque d'arbres en Efpagne , & le fpccfacle aride que préfente fon fol dans la plus grande partie de fes Provinces intérieures. Bien des perfonnes en attribuent la faute à la féchereffe , & cherchent des raifons ou des prétextes pour expliquer le mal , fans vouloir en rechercher les csufes. Dans la vieille Caftille le délire eft poufTé jufqu'à prétendre , que les arbres font préjudiciables, parce qu'ils fervent de repaire aux oifeaux. C'eft une abfurdité qui excite l'indignation & qui ne mérite point de réponfej Les véritables caufes de cette difette d'aibres font la patelle & l'ignorance. En examinant feulement ce qui s'eft palTé à Madrid fur cet objet, on y verra la deftruélion de la majeure partie de ceux qn'on avoit plantés fous le règne de Philippe II, & le peu qu'on y a replanté. Son pacage , qui étoit autrefois un bois , rempli de cochons & d'ours, eft aujourd'hui aride , tandis qu'on pouvoit y planter un beau bois de chênes, pour lequel fon terrein, mêlé d'argille & de fable , feroit très-favorable. 11 n'y a point de terrein , quelque mauvais qu'il foit, qui ne puifte produire des arbres. L'incomparable Comte de Buffon le prouve par des expériences exécutées par lui-niême fur fes propres terres. L'on peut voir ce qu'en dit Bénolio , de neglettâ ftirpium culturâ. Ce qui m'étonne plus que tout le refte , c'eft notre indifférence fur la culture d'une infinité de plantes & d'arbres de l'Ame-; rique , & des autres parties du Monde , qui certainement *ê\iÛuoient dans notre climat , & qui pourroient faire; *ios délices & notre richefle, )q n'en yeux pas d'autrç Histoire Nature lII, &c. Ce pays produit les mêmes plantes qu'Ai madert &: que les autres montagnes de l'Andaloufie ; mais celle qui y abonde le plus elt la camomille-. Cette plante , allez rare dans les pays méridionaux, eft fi commune dans cet endroit, qu'on peut en approvisionner des Royaumes entiers. La quantité île perdrix des montagnes de Jaén eft inconcevable. On me fervit , dans une auberge , une omelette d'œufs de perdrix, & l'Aubergifte m'en fit voir plus de quatre-cents qu'il réfervoit pour la provifion. On y trouve aufli en hiver une quantité prodigieufe de bécafTes &c de bécafïïncs , qui font fi recherchées à Paris. La paire de bé-calfes me coûta trois fols , & moitié celle de bécaftlnes. exemple que le cèdre du Liban. Cet arbre croît dans tons les climats très-froids ou très-chauds & dans tous les terreins. Quelques cèdres, plantés en Angleterre à la fin duliécle dernier, s'étoient élevés, en 1755, à quatre-vingts pieds.Des particuliers du même Royaume qui ont planté depuis dans leurs terres, des avenues & des bois de cèdres, les ont vu croître en peu d'années plus qu'aucun autre arbre du pays. Le bois de cèdre eft précieux » Comme on fait, pour les ouvrages de charpente , pour la eonftrucVion des navires &pour la mâture. Pourquoi donc ii'avons-nous pas apporté cet arbre, précieux & facile à cultiver, en Efpagne, tandis que nous avons inonde toute l'Andaloufie de figuiers d'Inde ? C'eft ce dont j'ignore'la raifon. Le feul cèdre du Liban , qui fut apporté par hafard de Hollande avec d'autres arbres à Aranjuès , prouve combien fa culture eft facile & combien il croît en peu de tems. Ce cèdre étoit gros comme une plume à écrire quand on l'apporta, & à feize ans il a vingt-huit ou trente pieds de hauteur. Voyait î3e l'Espagne; îllill'ii ÉMliKiMW'wii'iiiiwiiniiiiMiii.....i mu.....ihimiihiiW :wmmli VOYAGE à Grenade pur jikala-la-ReaL JD E Linares à Grenade on compte vingts-deux lieues , pendant lesquelles on ne celle de monter* Les montagnes y l'ont d'une nature différente de celles de Jaën. Celles des environs de Mongibar. font en couches calcaires, couvertes de terres à bled 6c d'oliviers. En allant en avant, on s'ap-perçoit que les pierres arrondies de la rivière font conglutinées, & qu'elles font roches au haut des collines. On voit auffi que les coteaux1 des environs du village font cultivés ôc fans pierres* Depuis Torre-Campo » on ne ceffe de monter ^ jufqu'aux derniers coteaux qui font couverts de neige. Deux lieues plus loin que ce village, on trouve Martos, fitué fur la pente d'une colline ^ au fommet de laquelle on voit un ancien château très-fort. De'Martos , on va k Alcaudete, qui elt un gros bourg, bâti en marbre noir. Je croyois que quelque bitume donnoit cette couleur k la pierre , oc pour m'en affurer , je frottai avec force deux de fes pierres l'une contre l'autre ; mais il n'en fortit aucune odeur. En fortant du bourg, je paffai par une montagne de terre calcaire , cultivée ôc couverte d'oliviers. Il cil bon d'obferver que, quoi qu'il y ait dans cette partie beaucoup de collines terreufes , celles-ci ne font pas les plus élevées ; il y en a au-deffus d'autres en roche calcaire qui ne font pas encore dé-, compofées. Alcala-la-Real eff à cinq lieues d'Alcaudete > dans une fituation fi élevée , qu'elle partage fes eaux entre POcéan ôc la Méditerranée , par 1$ Di 4*7 Qiî8 Hïstqire Naturelle, &e» Génil tk par le Guadalquivir. Je vis du gypfe blanc tk yeiné fur une des plus hautes montagnes du pays, & je trouvai , dans beaucoup de collines , des pierres conglutinées & converties en rochers. Il y a de ces mêmes pierres dans le Génil ; mais il ne les charrie pas loin ; car , tout rapide -qu'il foit en été , lors de la fonte des neiges, on ne voit pas une feule de ces pierres près de Loxa. La très - belle fituation de la ville de Grenade eft au pied de la montagne d'Efpagne la plus élevée -tk la plus étendue. Cette montagne eft toujours couverte de neige ; elle eft appelée , pour cette raifon, Sierra-Nevada. Les coteaux du fécond ordre varient entr'eux ; les uns font compofés de roche pelée , d'autres le font de rochers avec des fentes perpendiculaires tk obliques ; d'autres enfin le font de terres rouftes , couvertes d'arbres , d'arbuftes & de plantes. Un de ces coteaux très-élevé eft compofé d'un marbre veiné , depuis le fommet jufqu'à la bafe. Un autre, dont la bafe eft en terre pleine de fpath, n'a, fur le fommet, que des roches pelées. Enfin, il y en a beaucoup d'autres, de différentes formes & de différentes matières. Ce qui mérite le plus d'attention eft que la plus grande partie de ces coteaux font remplis de mines d'argent tk de cuivre, dont les Maures ont exploité quelques-unes & n'ont pas connu les autres. Le fommet de Sierra-Nevada, jufqu'à Grenade, eft compofé d'un bloc énorme de roche couleur defouris en général, fans fentes perpendiculaires ni obliques. Il fort de cette montagne une infinité «le fources , qui proviennent de la neige fondue, ck: qui forment le Génil qui traverfe Grenade. 'Quoique j'aie dit que toute cette montagne foit os. l'Espagne. 41 g V.'nc maffe énorme de rochers , il eft bon d'oh-ferver que , dans plufieurs endroits . elle s'efl décompoïée tk s'eft convertie en terre fertile ^ où Ton élevé des cochons, qui nous fourniffent les fameux jambons de Grenade. A deux lieues de la ville, on trouve k? carrière de ferpentine, d'où l'on a tiré les belles colonnes de l'Eglife des Religieuies de Saint François de Sales à Madrid , ainfi que beaucoup d'autres morceaux qui ornent le Palais du Roi. Cette carrière fe trouve au bord & au niveau du Génil. C'eft une ferpentine verte , pleine de blende , à laquelle les gens de Grenade attribuent mille propriétés. Ce qu'il y a de certain , c'eft que cette pierre eft fufceptible d'un beau poli : à mon avis 9 elle eft préférable au fameux verd antique , dont lesRomainsfaifoient tant de cas. Indépendamment de cette carrière, il y en a encore d'autres dans cette partie, auxquelles on n'a pas encore touché, quoiqu'elles foient vifibles. Grenade eft très-renommée par fes albâtres tk par fes marbres. On y en vend dans les auberges de très-beaux morceaux, travaillés pour des boîtes de différentes pierres tk de différentes couleurs» 11 n'en coûte d'autre peine aux Tailleurs de pierre, que de les aller prendre dans les carrières» de les feier 6c de les polir ; c'eft la raifon pour laquelle une douzaine de petites tablettes , propres à faire des boîtes , ne coûte que cent fols* On fe fert , pour les polir, d'ocre rouge , qui vaut le véritable tripolh II y a à Grenade des albâtres très-blancs, auffi brillants tk aufli tranfparents que la plus belle cornaline blanche Orientale ; mais ils font très-mous , tk l'acide le plus foible les diffout II y en a qui font moitié blancs. %%o Histoire Naturelle, kc*. moitié couleur de cire, & de différentes couleurs. Comme ils font tous formés par l'eau, quelques Efpagnols appellent ces albâtres , pierres d'eau. La propriété qu'elles ont de fe diffoudre clans les acides , me fit douter fi les vafes, dans lel-quels les Romains confervoient leurs baumes précieux, étoient réellement d'albâtre. Il efl vrai qu'ils avoient deux efpèces de baume : l'un étoit folide , comme notre baume du Pérou , qui fe conferve dans des cocos ; l'autre étoit liquide, &C on s'en fervoit plus communément : celui - ci contenoit certainement des acides , qui dévoient diffoudre quelqu'aîbâtre que ce fût. Je foupçonne que les Auteurs parlent de ces pierres fans connoiffance de caufe , & qu'ils appellent albâtre ce qui n'en efl pas. Je connois en Efpagne un très-beau gypfe dur , couleur de cire , qui efl indif-foluble dans les acides ; peut-être efl-ce dans des pierres femblables , apportées de l'Afie , que les Romains confervoient leurs baumes. D U Soto de Roma. ne plaine un peu inclinée , d'environ dix lieues de contour, arrofée par différents canaux, forme la fertile & delicieufe campagne de Grenade. Il y a au milieu de cette plaine un bois d'environ cinq-quarts de lieue de long &C d'une demi-lieue de large , rempli d'ormeaux , de peupliers folancs & de frênes , avec quelcjues métairies & «des terres cultivées aux extrémités, dont la totalité compofé la Maifon Royale appelée le £oto de Roma, que les Rois Catholiques fe font de L'ESPÀGN E, 411 réfervée, lors de la conquête de Grenade.Charles— Quint y fit mettre des iaifans , qui s'y font con-fervés depuis cette époque , ck il y fit bâtir une Maifon de plaifance. Comme dans tous les tems on y a coupé des ormes pour les arlénaux de PAftillérie , il y a dans le bois beaucoup de vuides, convertis aujourd'hui en terres labourables , où on fème du bled, de l'orge,. des fèves., du chanvre , du lin , des melons , des melons d'eau , des coins , des poires , des pommes , Ôc des prunes en très-grande abondance. Le terrein y efl excellent, & on l'arrofe quand on veut , comme le relie de cette campagne. Une partie du bois eft remplie de fourrés impénétrables , qui fervent de repaire aux loups ,. aux renards Ôc aux autres animaux qui pourfuivent les faifans (10 5).Tout le terrein elt naturellement humide ; il y a beaucoup d'endroits où l'eau paroît a la fuperficie ; dans d'autres, on la trouve, depuis un pied de profondeur jufqu'à neuf pieds au plus. Ces circonftances jointes à l'arrofement des terres labourables entremêlées avec le bois , noyent les racines des arbres,& concentrent dans leurs troncs un fuc fuperflu, qui les pourrit avant d'arriver à leur état de maturité. Autant que j'ai pu le compter, il n'y avoit pas dans ce bois quarante arbres propres à faire de bons affûts pour des pièces de vin^t-quatre , ôc pas un pour des, pièces de trente-nx. On voit, dans le Palais de la Alhambra de Gre~ (105) Depuis que Don Richard Wall vit dans ce Sitio ( dont le Roi lui a donné la direction) , comme Scipion vivoit à iinterno, l'agriculture & les bofquets^ font dans un état bien différent, de celui qu'on va.voir* Dd iij Histoire Naturelle, &zc, nade, des poutres d'ormes , qu'on a tirées âii Soto, qui pourroient faire des affûts pour des pièces de trente~fix. Cette obfervation indique que les Maures n'arrofoient point les arbres comme on le fait aujourd'hui :. il paroît au furplus crue les canaux font des ouvrages modernes. Sur vingt portions du terrein du Soto , il y en a au moins dix-huit qui font plantées en peupliers blancs ; c'efl - à - dire , en bois le anoins utile. Les ormes occupent la partie la plus baffe du terrein , dont les eaux couvrent tellement la fuperficie , qu'à peu de chofe près ces ormes font noyés. Il y a des endroits où les, peupliers blancs, qui demandent affez d'humidité» font précifement dans le terrein le plus propre aux ormes. Celui qui étoit Gouverneur du Sitio, lorfque j'y fus , m'affura que , vingt-huit ans auparavant, on y avoit fait une coupe de cinq-mille ormes pour le fervice de l'artillerie : il me dit que c'étoit ia raifon pour laquelle j'y voyois fi peu de grands arbres. Ou celui qui dirigeoit cette coupe ne favoit pas fon métier , ou la néceflité étoit urgente ; mais le mal efl fait, tk on ne gagneroit rien à en parler. Je me contenterai d'indiquer les précautions qu'il conviendroit de prendre , pour que ce Soto foit d'un meilleur produit , & pour que le Roi y trouvât dans le befoin du bois propre à l'artillerie. L'orme étant auffi eflimé , par rapport à fon bois nerveux , malléable tk léger , on devroit wnfej- à planter , dans quelque? parties du Royaume , aux environs des côtes , de grands, bois uniquement compofés d'ormes ( ïo.6 ). Le .(*Q6) Pour parvënJr à~cc b^ùf,"il toit aqceifèjre. que *> E l*E s p à g n El '413 Soto de Roma feroit un des endroits tes plus, favorables de l'Efpagne pour cette efpece d'arbres, Sans être arrêté par l'appréhenfion de perdre le produit de l'amodiation des terres ôc de la vente des peupliers blancs, il faudroit couper Ôc déraciner tous les ans un mille ou deux de peupliers, ôc les remplacer par des ormes. Il faudroit encore arracher les haies ôc les bluffons , ôc y fubftituer un plan d'ormes. On pourroit en faire autant dans les terres labourables qui font entremêlées d'arbres. On auroit foin de planter deux arbres , ■contre un arraché : on cefferoit d'arrofer le Soto, on intercepteroit l'eau des canaux , qui ne fer--viroient plus qu'à recevoir les eaux fuperflues. cm terrein , on laifferoit fur les bords quelques terres enfemencées , pour payer de leur produit les appointements du Gouverneur ôc des gardes , Ôc" onnétoieroit le terrein de haies ÔC de buiffons., afin que les arbres puiffent croître plus aifément.. Alors le Roi pourroit avoir une faifanderie immenfe ôc un bois d'ormes inépuifable pour le fervice de fon Artillerie ôc de fa Marine. VOYAGE de Grenade par Loxai Ecija , Cor doue 6° Andujar* jf E partis de Grenade le %j Février , &, en dix: heures , j'arrivai à Loxa , avec affez de froid, Ton fçût généralement , comme on le fait déjà an. Soto de Roma , que l'orme produit beaucoup de graine , qu'il faudroit recueillir oc femer dans des pépinières , afin d'en tranfplanter enfuite les petits arbres liana les bois dégarnis, &c. D d iy 414 Histoire Naturelle, 5ic« parce qu'il avoit un peu gelé. Ces cinq lieues fe font par la belle plaine de Grenade, à la fortie de laquelle'on gravit une montagne de grais. Cette jnontagne elt fuivie d'un vallon de terre calcaire, & d'une petite plaine , oîi l'on cultive du bled , du lin , du chanvre & des légumes. Loxa efl une ville médiocre, fituée fur une très-haute colline de pierres,arrondies ôc" conglutinées, qui forment une brèche. Cette ville efl au milieu d'un bois d'oliviers , d'un très-grand rapport, quoique le ,îerrein foit élevé, froid tk fec. En fortant de Loxa , du côté de l'Occident , «n fait les cinq premières lieues fur des collines , lerreufes tk calcaires, femées de bled tk d'orge,, où l'on trouve quelques chênes., On voit que la terre de ces collines eft produite par la décompofition des roches des anciennes montagnes ; il y a même encore quelques-unes de ces roches qui font entières l'on trouve dans les terres labourées des indices évidents de leur décompofition dans des pierres prefque diffoutes. Près de la premier; auberge, il y a une montagne, de la inême nature que celles de la grande Cordilière qu'on découvre de cet endroit. Ces montagnes le dcçcmpoferont avec le tems , comme les autres. On traverfe enfuite une petite plaine cultivée , Ôc quelques collines baffes , femées de bled ôc d'orge. On arrive à Alaméda , qui efl le premier village du Royaume de Séville. J'y vis des hirondelles , quoiqu'à la fin de Février. Cette partie Orientale du Royaume de Grenade efl compofée de montagnes élevées ôc de collines, baffes & terreufes , en couches , qui fe forment au moment de la décompofition. H y a auffi des coteaux ifolés, qui n'ont aucune communicatio.a de l'Espagne.' 41c immédiate avec les montagnes, qui font reliées dans le même état , par la plus grande réfillance de leur matière. Le vent de l'Eft eft une pefte pour le pays ; il y bride les plantes, & s'il fouille lorfque le grain eft encore tendre , il le brûle , de manière qu'il ruine entièrement la récolte. Les gens du pays fument beaucoup de tabac, tk quoiqu'ils aient fous lamain les excellents vins de Malaga, de Xerés tk de Montilla, ils en boivent peu, tk leur préfèrent la Miftéla tk le Ro-folis. L'ufage fréquent qu'ils font de ces liqueurs tk du tabac, ne leur fait aucun tort vilible. Les hommes y font robuftes tk y vivent autant que dans d'autres endroits. Les femmes y ont la peau blanche tk délicate , les traits du vifage fins , tk les yeux noirs , vifs tk pleins de feu. Le village d'Alaméda eft fitué au milieu d'un bois d'oliviers. En traverfant un terrein inégal, calcaire tk cultivé , on arrive à Herréra , où commencent les terres rouffes tk blanches qui font fi fertiles. On n'y rencontre point de pierres détachées ni aucune des trois efpèces de gravier que l'on voit dans le refte de l'Efpagne ; c'eft-à-dire , du caillou calcaire tk non-calcaire tk un mélange de l'un tk de l'autre. La terre blanche dont j'ai parlé eft de la Marne véritable , fur laquelle j'ai donné mon avis dans un autre endroit. Je crois que la terre rouffe en eft également ; l'une tk l'autre produifent beaucoup de bled , d'orge tk d'oliviers. A une lieue de Herréra , on trouve Eftépa , fitué fur une colline arrondie , entourée d'oliviers & très-fertile en grains. Les olives d'Ef-tépa font petites ; mais elles donnent une huile auffi claire ôt" aufîi délicate que celle de Valence^ r4i6 Histoire N aturelle , &e! Celles de Séville font au contraire groffes comme «les œufs de pigeons, 6c donnent moins d'huile, inférieure aufli en qualité. Par la même raifon, ces olives , quand elles font affaifonées , font meilleures à manger. La douceur de leur fruit eft eftimée dans toutes les tables de l'Europe : elles l'étoientmême du tems de Cicéron car il félicite un de fes amis d'avoir été nommé à l'Intendance d'une Province aufîi fertile, tk. le charge de lui envoyer à Rome des olives de Séville. Puifque nous fommes fur ce chapitre, j'obferverii que » dans toute l'Andaloufie, on a une très-mauvaife manière de faire l'huile (107). On y fait des (107) La mauvaife "Habitude de laiiTer pourrir l'olive avant de la piler, n'eft pas la feule caufe de la arauvaite qualité de l'huile d'Andaloufte. La manière de faire l'huile y contribue encore beaucoup. Comme cet objet eft d'une affez grande importance , je vais dire , en peu de mots, la manière dont les Provençaux font leur huile > qui pafle à jufte titre pour la meilleure que l'on connoiite. lis cueillent les olives lorfqu'elles font déjà mûres ; c'eft-à-dire , lorfqu'elles font d'un roux tirant fur le noir. Lor£ qu'on les laiffe paffer ce point, elles noircifTent, elles fe rident, elles fe pourrifTent, elles le rempîifTent de moi(îf-fute ; & celles qui font vertes donnent un goût amer à l'huile. Les Provençaux ont foin de mettre à part les. olives qui font rongées de vers ; parce que, comme le ver a fuçé & altéré leur fubftance , elles gâteroient l'huile de celles qui font faines. On les pile enfuite,. comme en Efpagne, & l'on met la chair dans des cabats plats qui font percés des deux côtés. On bouche le troti d'en bas avec la main droite, on enfile le cabatavec la gauche, & , fans changer de pofture, on parvient à Jes mettre en preffe les unes fur les autres. On met enfuite ce cabat fous la preffe; l'huile qui coule eft ce qu'on appelle l'huile vierge ; c'eft la plus recherchée pour les tables délicates : elle eft d'autant meilleure , que les clives font plus fraîches & plus récemment ceuUUes* de l'Espagne.' 417 monceaux d'olives , qu'on lairle pourrir avant de les piler. Une partie de l'huile, qui fe convertit en mucilage , contracte une odeur ce un goût défagréable. Comme il y a très-peu de moulins en comparaison de la grande quantité d'olives , ceux qui les récoltent font obligés d'attendre leur tour pendant des mois entiers ; & , dans un pays auffi chaud que l'Andaloufie , il efl Après avoir extrait cette huile de première qualité, on tire celle de la féconde, en jetant fur le marc ref-tant de l'eau bouillante , qui diffout l'huile reliée. Au bout de quelques heures l'huile fe fépare de l'eau & fur-nage. Cette huile devient, comme celle d'Efpagne, acre & fujette à fe corrompre ^ en général , toute huile qu'on extrait par le feu , ou avec l'eau bouillante , efl de mauvaife qualité. M. Sieuve de Marfcille préfenta , en 1769, à l'Académie des Sciences , un Mémoire , fur la manière de faire la meilleure huile ,qui mérite d'être confulté. Parmi les différents changements que M. Sieuve propofe, il veut que l'on fépare le fruit de l'olive du noyau ; il a inventé un instrument en confequence. Quoique le pépin du noyau donne une huile aufli claire que le fruit, cette huile a un goût acre & une odeur forte qui fort du bois du noyau. Elle eft très-brune & chargée de parties vif-queufes fétides & tulfureufes , qui la ranciffent aufli-tôt & qui la corrompent. I.a manière de conferver l'huile demande aufli beaucoup de foin. Lorfqu'elle efl bien clarifiée,on verfe l'huile la plus tranfparente qui eft en haut, Se on la met à part comme la meilleure Les tonneaux doivent être très-propres , & l'endroit qui les renferme ne doit être ni trop chaud ni trop froid , parce que les deux extrêmes fonc également tort à l'huile. Enfin , la manière dont on fait l'huile en Andalousie , les o-tres dans lefquels on la mer, la manière de la tranfporter à Madrid , à dos de mulet, font caufe qu'eu général on n'y confomme que de très-«luuyaife huile. 4*8 Histoire Naturelle,5t£ mdifpenfable que les olive: ferment' ît , qu'elles fe corrompent & qu'elles prodt i Cent de ntauvaiftf huile. Il y a bien des gens qui f: laiflent féduire par une avarice fordide ; para qu'effecKyement les olives, que l'on conferve *e--0-tems en monceau , produifent plus d'huile mais c'eft aux dépens de la qualité , 6c cette augmentation n'eft qu'apparente; car le mucilage, dé.u\ c & fermenté» ne fauroit s'appeller de l'hiule. Aux environs de Herréra, on commence à voir des palmiftes, qui annoncent de;à le pays haud. On trouve à moitié chemin aifez de gypfe ck. une fource d'eau falée , dont on tire du tel >ar évaporation. Nous arrivâmes en cinq heures à Ecija» qui eft l'endroit le plus chaud de l'Andaloufie }6c" qui eft entouré de collines , peu élevées ëc fertiles. Une de ces collines qui traverfe ie chemin , eft compofée de grais arrondis , 6t* détachés d'un grand rocher , dans lequel ils étoient conglutinés-Ils s'étendent au-delà d'une demi - lieue , & ils font remplacés par des terres rouffes & blanches » qui, pendant l'efpace de quatre lieues, font couvertes d'oliviers , de bled 6c d'orge. La terre blanche & la terre rouffe font également calcaires 6ç argilleufes : la différence de^ la couleur provient du fer que l'on découvre dans la dernière. Au bout de ces terrés on entre dans une grande plaine de terre non-calcaire, mêlée de caillou &C de grais. Dans cette plaine, qui eft couverte de lentifques ; de cyftes qui donnent le ladanum , 6C de chênes verds (i08),pendant l'Ifpace de deux (10S) Ces chênes verds font apparemment ceux qui au commencement du fiècle précédent , donnoieut une prodigieufe quantité de galle-infe&es ou grana-kermès> de l'Espagne.' 41^ lieues, le terrein, qui devient un peu inégal, eft compofé de collines , cultivées jufqu'à Cordoue , à neuf liâtes d'Ecija. On ne trouve fur le chemin ni village ni fontaine pour fe défaltérer ; auftieft-il néceffaire pour la récolte qu'il pleuve beaucoup. Dans les années où l'eau abonde, ces terres font d'un rapport incroyable. La ville de Cordoue eft fituée à une lieue de Sierra-Moréna , fur le bord du Guadalquivir. Sa Cathédrale étoit autrefois une Mofquée de Maures.C'eft l'édifice le plus fingulier qu on puiffe voir ; il eft foutenu fur plus de mille colonnes de différents marbres &: de différents granités. Ces colonnes paroiffent avoir été prifes des édifices Romains. Le furplus de ces marbres a été tiré des carrières qui font dans les montagnes voifines , où l'on m'affure qu'il y avoit aufli des carrières de porphyre ; mais je ne les ai point vues. Je n'y ai trouvé que deux mines de cuivre bleu &c verd. Des étrangers m'affurerent que la mine bleue étoit un lapis-lazuli : je ne tardai pas à recon-noître qu'ils m'en impofoient : en mettant un morceau de cette mine au feu , je vis qu'il perdoit fa couleur, Ôc le véritable lapis-lazuli, au contraire , refte inaltérable , lors même qu'on le calcine au feu le plus ardent ; & lorf-qu'au défaut du feu on l'éprouve encore à l'eau-jtorte, fi la liqueur diffout la pierre, ou la poudre de cette pierre , on peut affi-rer que ce n'eft dont les pauvres gens de la ville faifoient une provifionj Cet objet rapportoit des fommes confidérables à la ville, fuivant le rapport du P. Martin de Roa dans fes Saints d'Ecija. 43ô HisTôiRÈ Naturelle, &tc> qu'une mine cle cuivre , le lapis-lazuli étant inaî» térable dans les acides. Enfin , on en aura une preuve incontestable en trempant, & en laiffant, trente fécondes, la pointe d'un couteau dans la même diffolution , puifque la partie du fer qui aura touché la liqueur , en fortira couverte de cuivre. En général , toutes les mines de cuivre bleit ou verd qui font en Efpagne, font minéralifées dans une matière calcaire , qui eft diffoluble dans l'eau-forte , ainfi que le cuivre. La ville de Cordoue a beaucoup de moulins fur les bords du Guadalquivir. Ces moulins font conftruits fur des batardeaux , qui traverfent la rivière, pour donner de l'inclinaifon à l'eau d'un côté , oc qui laiifent de l'autre un paffage d'environ vingt pieds pour les bois de la Sierra de Ségura. La rivière n'y charrie pas de pierres arrondies, Ôc il n'arrive jamais que ces batardeaux fe comblent* En fortant de Cordoue, on trouve des terreins remplis de pierre Ôc de cailloux arrondis, fablonneux. On paffe enfuite par des collines terreufe» ôc couvertes d'oliviers, qui conduifent à An-dujar , où l'on traverfe le Guadalquivir. Comme les terreins de toute cette partie de l'Andaloufie, depuis Alaméda, jufqu'à la rivière, font unis ou compofés de collines plates , dont la terre , très-profonde ôc très-dure , ne fe décompofe pas ; les pluies ne peuvent y faire d'autre dommage que d'en rendre le fond égal, ôc d'enlever légèrement quelque chofe de la fuperficie : c'eft pourquoi on n'y voit pas de grands ravins * comme à Grenade, à Murcie & à Valence , oti les roches ôc les terres font alternativement de o i l'ëspa t4o Histoire Naturelle, tkc. Vers la partie Septentrionale du village , & a environ cent pas de la.grille verte du jardin des fleurs, les Jardiniers mettent plus d'un pied de cette terre , mêlée avec du fumier, fur le terrein ftérile de la montagne , dont ils tirent par ce moyen tout le parti imaginable. On recônnoit cependant que cette fertilité ne provient point de la nature , mais de fart, qu , pour.mieux dire , de la qualité du terrein dont on a couvert une terre ingrate. C'eft à cette opération qu'on doit dans les jardins de Saint-Ildefonfe les belles fleurs, les fruits délicieux tk les herbes tendres , dont les racines ne touchent prefque jamais à la terre naturelle de la montagne. Le fumier eft un excellent véhicule pour la végétation; c'eft un fait démontré par les expériences de tous les Agriculteurs. Le fumier qu'on tire des écuries & des etables eft le meilleur ; parce que la paille , le foin & les grains, après avoir palfé par l'eftomac. des animaux, tombent&fe convertiffenten terre, non-calcaire & végétale. Cette terre, qui eft la dernière décompoiition des plantes , reproduit d'autres plantes, dont les animaux fe nourriftent de nouveau, tk c'eft cette alternative de végétation tk de corruption qui entretient le règne animal tk le règne végétal. 'J'ai dit plus haut que la majeure partie des morceaux de granité gris des montagnes dont j'ai parlé, ne contenoit point de fpath: j'ajoute à préfent qu'il en eft de même du granité rouge des environs de Saint-Ildefonfe, fur-tout lorfque ce granité eft une continuation du granité gns ; c'eft ce qu'on peut voir par celui qui eft à une demi-lieue du château, en fortant par la porte au^ champ. B e l'E s PA G ne» 441, 'A peu de diftance du château, dans un endroit apelé la Mata, & , à quelques pas du magafm à poudre, on remarque un filon de quartz qui fort déterre. Ce filon s'étend en ligne droite du Midi au Nord , pendant l'efpace d'une demi - lieue, après laquelle il fe perd dans la montagne qui fait face. Je coupai , auprès de ce maga-. fin , un morceau de ce quartz d'environ fix livres, qui me parijttrès-çurieux6ctrès-intéref-fant.Ce morceau eft à moitié tranfparent, ce pref-qu'aum* fin que du cryftal de roche ; il forme une efpece de ruban de quatre pouces de large, entre deux raies d'un autre quartz plus obfcur. Je fuivis le filon , tk je trouvai quelques, morceaux du. même quartz, couverts de cryftaux de roche réguliers , blancs comme du lait. A mon avis , le quartz fe forme d'une terre molle , que l'eau charrie , tk lorfque cette terre eft bien ralînée , elle forme des bâfes de quartz blanc comme du lait, ck: cryftallife comme les bafes que je coupai de cette mine , tk que je garde par curiofité. Peu importe au furplus que la production de ces cryftaux fe faife d'après cette théorie, on non ; il furïït que le fait exifte, tel que je le rapporte, ( comme il exifte réellement ), tk qu'on fâche que cette, eipèce de filon eft du nombre de ceux que les. mineurs appellent filons nobles. Il ne me refte. plus qu'à indiquer le métal que cette mine contient ; mais comme je n'ai eu ni le tems ni les nioyens de l'examiner , je ne puis que hafarder. des conjectures, d'après lefqueîles je conclus que Cette mine eft une mine d'or pur. Dans le cas où Pon voudront l'exploiter , il feroit à propos de lé faire par amalgame avec le vif-argent, fuivant l'ufage adopté dans la majeure partie des mines r44* Histoire Naturelle, &c\ du Pérou & de la nouvelle Efpagne. En procédant à l'expliotation par la fonte, on acheveroit de détruire le peu de bois qui refte fur ces montagnes , depuis que la Cour fait quelque réfidence à Saint-Ildefonfe & depuis l'établiliè-ment de la Manufacture des glaces. En fortant du château , du côté de I'Oueft,, pour aller à l'hermitage de Saint-Barthelemi, ôc, pendant une lieue , du Nord au Sud , on ne trouve ni fpath , ni pierre calcaire ; tout eft roche, quartz , granité rouge , grâriite gris &C grais. Il y a. deux tuileries , dans l'dquelles on fe fert d'une terre grifc, non-calcaire, des environs. Lorfqu'ou cuit cette terre , elle devient rouge ; quelques perfonnes en conclurent qu'elle contient du fer ; quant à moi, je ne l'allure point, fâchant que la couleur r&ttge n'eft pas toujours un indice certain de l'txifte;\c_- du fer. Cette couleur peut très-bien être produite par le phlogiftique que le feu découvre, ou par l'acide vitriolique , -dont toutes les argilîes abondent. Pour affurer Pexiftence du fer, il faudroit la démontrer par la réduction ou par l'aimant. J'ai obfervé, en voyageant en Efpagne, que plufieurs chemins qui traverfent des champs dont les terres font rouges, n'en font pas moins couverts d'une pouf-fière blanchâtre ; j'en inférai, que la couleur de ces terres ne provient d'aucune caufe matérielle, mais bien de la configuration déterminée de leurs parties , qui, changée par la trituration des voitures ou des animaux, fait difparoître la couleur primitive. J'ai vu, au contraire, d'autres, endroits où , malgré cette trituration > la pouffière des chemins le confervoit rouge pendant des fiècles» de l'Espagne; 443* comme les terres que ces mêmes chemins tra-verfbient ; dans ce cas-là, je prétends que la couleur provient du fer. Puifque j'ai parlé des couleurs des pierres Se des terres, j'ajouterai ici, en forme de digrefîion , quelques-unes de mes idées à cet égard. J'ai vu en Efpagne une infinité de gypfe & d'autres corps de différentes couleurs , qui devenoient blancs par la trituration Se par la calcination ; j'en conclus que ce n'étoit point le fer qui les coloroit. J'en dis autant du cinnabre Se du minium, qui, certainement , ne contiennent pas le plus petit atome de fer , & qui cependant font d'un très-beau rouge, Ceci prouve que ce n'efl: pas toujours le fer qui communique la couleur rouge. Peut-être le grand nombre de ceux qui ont formé cette hypothèfe erronnée, Pauront-ils fait, d'après la portion des mines de fer qu'on trouve rouges, Se d'après l'affertion de plufieurs Savants , qui ont prétendu que cette couleur provenoit du fer. Quant à moi, je n'ai garde d'adopter un fyflcme que je trouve fondé fur un principe aufîi peu concluant. Si les mines de fer font ordinairement rouges , il y a également des mines de plomb qui font vertes , jaunes Se blanches , Se des mines de cuivre qui font bleues, vertes Se jaunes ; cependant perfonne n'en a inféré que d'autres matières , qui dans la nature ont les mêmes couleurs, proviennent ni du plomb ni du cuivre , puifqu'il efl confiant que dans la plupart de ces matières on ne trouve pas le moindre veflige de pareils métaux. Plufieurs Phyficiens croient que les pierres précieufes reçoivent leur couleur des particules métalliques, Je n'ai rien de péremptoirc à oppofej? "444 Ht s t o i r e Naturelle, &cv àleurfyftême, fi ce n'eft que les expériences fur-lefquelles ils le fondent, me paroifferu peu exactes.. Je crois même qu'on pourroit conclurre de ces expériences, que les couleurs de ces pierres lont plutôt l'effet de la forme extérieure de leurs, parties % tk de leurs différentes manières de ré^ fléchir la lumière, que l'effet des particules métalliques qu'elles contiennent. Les Chymiftes de Paris font actuellement oc-, cupés à faire des expériences fur les diamants, tk le célèbre M. Rouelle ajoute de nouveaux efia s à ceux\qui. nous, ont été tranfjnis fur leur éva-. poration, par François Premier ôc par le grand Boyle, qu'on peut regarder comme le Fondateur-de la véritable phyfique. Les expériences du Chymifte François ont été faites avec toute l'intelligence ôc l'exactitude poftible , de bonne-, foi , tk en préfence de perfonnes très-infiruites.. Il en réfulte , que les diamants blancs au bréfil, s'évaporent entièrement à un feu violent de quel-. ques minutes, fans laiffer dans le crtufetle moin-dre veftige de leur exiftence. Il en réfulte encore que ces mêmes diamants font d'une nature-différente de celle des autres pierres précieufes , leur évaporation invifible étant le figne caractérif-. tique d'un nouveau genre. Si les expériences de> Boyle ne font point conformes à celles de ces Ghymi$es, ce fera fans doute parce que , dans, fes expériences', Boyle fe fervoit de diamants de Çolconde, qu'il avoit avec facilité , en fa qualité. 4e Préfident des Indes Orientales. Aucuns de ceux qui ont fait des.expériences % ne les ont faites fur des diamants colorés de l'O-s-rient, quoiqu'il y en ait de paillets , de verds de noirs, de couleur de rofe tk, de bleus, dont De t'Es?a G n e. 445" par parenthèfe, j'ai vu une trcs-groffe pierre. Je dis donc que les expériences modernes indiquant que la partie cryflalline ck blanche des ■diamants s'évapore à 1 ardeur du feu , fi l'on faifoit les menu-s épreuves avec des diamants ■colorés , ( ce qu'on n'a point encore efla) é ), 'on verroit , à n'en pas douter, li la couleur de ces diamants provient des particules ou des va-.peurs métalliques, ces mêmes diamants devant Jaifièr des taches tk des indices fur la porcelaine^ dont on fait les creufets défîmes à c:-s opérations. •Supposons, par exemple , que le diamant b^eu ou ie diamant verd reçoive la couleur du cuivre* que le diamant paiilet la reçoive du plomb, tk que le diamant rouge la reçoive du fer ; quelque imperceptibles que foient les parties colorantes de ces métaux, j'ai beaucoup de peine à croire que la partie blanche de la pierre pût fubtilifer ces particules métalliques, & les rendre invifibles, au point qu'un habile Obfervateur n'en découvrît aucun atome dans le creufet. D'après l'incertitude dans laquelle je fuis à cet égard, tant qu'on ne me donnera pas de raifons plus convaincantes , je rejetterai l'opinion qui fuppofe que les pierres précieufes reçoivent leur couleur des métaux. J'incline, au contraire , à croire que ces couleurs , qui proviennent d'une configuration déterminée dans les parties, font l'effet des différentes manières, dont les rayons de la lumière fe réfléchiffent. J'en fuis encore plus intimement convaincu , lorfque je vois le granité rouge de Saint-Ildefonfe renfler conftamment au feu fans en recevoir la plus légère altération, n'y ayant que le tems tk la féparation de lès parties qui piaffent le rendre gris. Les r|* 446 Histoire Naturelle, tkc. dures d'une corne noire ne font blanches qité parle changement d'état de fes parties. Je pourrois citer mille autres exemples de la même efpece ; mais je me bornerai à dire que j'ai vu , près de Darroca , une infinité de pierres bleues , qui , certainement y nejcontenoient pas le moindre vertige de cuivre ni de fer. Je reprends ma narration fur Saint-Ildefonfe 9 pour terminer cet objet. Quand la Reine-mere hahitoit ce château, l'Infant Don Louis, fon fils, qui lui tenoit compagnie , y avoit une volière très-curieitfe, dans laquelle il confervoit quantité d'oifeauxrares, dignes de l'attention des Naturalises, Je confidérai ces oiieaux pendant quelque tems ; mais ? pour ne pas être trop diffus, je me contenterai de dire ce que j'obfervaifur les bé-caffes. J'en vis quelques-unes dans cette volière, qui y étoient renfermées depuis nombre d'années ; cela me furprit, d'autant plus que je favois tous les obflacles que plufieurs Naturalises du Nord avoient rencontrés pour élever des bécafles en cage , par l'impoffibilité où ils avoient été de découvrir la nourriture qui leur étoit propre, &C de la leur procurer. Voici la manière dont on confervoit les bécaffes de l'Infant. Comme on fait que ces oifeaux fe plaifent particulièrement dans l'humidité, on avoit pratiqué dans la volière une fontaine , qui couloit fans celle, & qui confervoit le terrein toujours humide. Au milieu de cette volière , & par le même motif, on avoit planté un pin & quelques arbufles. On avoit foin d'y apporter des mottes fraîches de gazon, qu'on alloit prendre dans le bois, en choififfant celles qui étoient le plus remplies de vers. Ces vers avoient beau fe cacher , dès que la bécaffe avoit &Z ivè 3 p à G N È. &im , elle les cherchoit à l'odorat, & fichant fon long bec en terre , jufqu'aux narines, elle en retiroit le ver aufîi-tôt; alors elle levoit le bec en l'air, elle étendoit le ver dans toute fa longueur, 6c , dans cet état, elle l'avaloit doucement, lans faire aucun mouvement vilible de gofier. Tout ce que je viens de dire fe faifoit en un infiant, 6c le mouvement de la bécalfe étoit fi égal ck il imper» ceptible , qu'on ne s'en appercevoit prefque pas» Cette bécaffe ne manqua pas fon coup une feule fois. Cette obfervation , jointe à celle de ne lui voir jamais enfoncer le bec en terre , que jufqu'à l'orifice des narines, me fit conclure que c'étoit à l'aide de l'odorat qu'elle cherchoit 6c qu'elle trouvoit fa nourriture. On fait que les cuiflés de bécaffe font délicieufes, que fes inteflins, 5c les matières qu'ils renferment, étendus fur une rôtie, font un régal pour les friands ; mais ni eux ni moi ne favons pas quelle particularité ont les organes digeflifs de la bécaffe , pour métamor-phofer en un infiant les chairs d'un ver en un morceau fi délicieux. Aux environs de Saint - Ildefonfe , & particulièrement dans différents endroits qui font au pied de la montagne , on trouve une très-grande quantité d'une plante çraminée, très-fine, 6c d'une efpece particulière. Les gens de l'endroit appellent cette plante la chatouilleufe, fans doute parce que fa grande ilneffe 6c fa délicateffe excitent un chatouillement dans la main lorfqu'on la touche. Je n'ai jamais vu cette herbe dans aucun autre endroit, 6c je la croîs propre 6c particulière à ces montagnes de Guadarrama. Je voudrois donner une idée des graminées en général à ceux 'nu ne font point botanifles ; ceux qui le font n'en 44^ Histoire Naturelle, 6kc. "ont pas befoin. Les graminées forment une de ce$ nombreufes familles de plantes répandues fur là furface du globe: on peut mettre la canne de fucre à la tête de cette famille , tk regarder le grameii chatouilleux comme la dernière efpece. La racine de ce gramen efl de fep.t à huit pouces de long ; elle eft ronde & de la grofféur d'une épingle moyenne-, en diminuant vers la pointe. La moitié de cette racine eft lifte, tk c'eft fur cette moitié eue viennent les tiges de la plante : les ramifications de ces tiges ont toutes à l'extrémité de très-petites capfules qui renferment les femences. Ces femences , quoique très - fines , s'apperçoivent fans le fecours de la loupe. A Ségovie , tk dans plufieurs villages, on fe fert de ce gramen pour mettre dans les crèches de l'Enfant - Jefus , « tk cela , pour imiter la verdure des champs. On s'en fert encore pour faire des vergettes, par rapport à l'élafticité de fes branches , tk par la folidité des capfules qui renferment la femence , on pourroit encore s'en fervir pour faire des paillailès, meilleures que celles de paille & d'efparte, parce qu'il eft plus élaftique que la paille, & moins facile à brifer que l'efparte. Enfin , ce gramen eft une plante précieufe pour les troupeaux , & on devroit en multiplier l'efpèce 3 en, la femant dans les endroits convenables. P7.s hé l'Espagne; 44> Des différentes pierres & des différentes terres que l'en trouve aux environs deSégovie , avec quelques réflexions générales fur le granité , fur le marbre 9 le grais , la chaux ,7e fable , F argille , & fur la faiance. L e s Rois & les gens riches , qui veulent faire conftruire des édifices de longue durée , ne trouvent pas toujours,fous la main, les matériaux: propres à leur deffein ; ils font fquvent trompés par l'ignorance ou par la fourberie des Architectes éc des Maçons, qui fe fervent de matériaux défectueux. Les Anciens , qui connoiffoient cet inconvénient , "fçurent l'éviter, en bâtiffant avec toute l'intelligence oc tout le difeernement pofîible. Ils fe conduifoient à cet égard par la raifon plus que par l'expérience , parce qu'une génération , ni même plufieurs, ne peuvent indiquer aux hommes le tems qu'un édifice peut durer plus qu'un autre. Nous voyons que les bâtimens des Egyptiens, des Grecs & des Romains, ont bravé les outrages du tems, & que ceux qui, n'ayant pas été détruits par la barbarie des hommes, font parvenus jufqu'à nous , ont mérité notre admiration & nous ont fervi de modèles. L'acqueduc de Ségovie prouve mieux qu'aucun ouvrage de l'antiquité > à quel degré de perfection étoit portée l'architecture chez les Anciens. Cet aqueduc, qui aréfiflé a tant de liècles, fera fans doute l'admiration de lapof-tenté la plus reculée, Je ne m'arrêterai point ici Ff '4P 'ttrsf'OlRt NÂTÛRtil-E ,&CÎ à rechercher quel a été l'Auteur d'un li bel ou* vragç ; fon nom n'a aucune relation avec mon objet. Je me contenterai de dire, qu'à l'extérieur Cet aqueduc eft conftruit en pierres de granité que l'intérieur eft lin maflif de pierres minces &c mélangées, difpofées fans ordre, qui forment au* jourd'hui un enfemble plus dur & plus ferme que le granité même. Tous les matériaux répandus fur la furface de l'Univers , fe trouvent réunis à Ségovie , qui a l'avantage de les pofléder d'une qualité fupérieure» Tels font les granités de différentes efpèces , le grais, la pierre non-calcaire, l'ardoife, le marbre, la pierre calcaire , la pierre à chaux , le gypfe, l'argille , propre à toute efpece d'ouvrages en terre cuite, ôc trois fortes de tables. Je ne faurois me difpenier de rendre compte de tous ces objets ; je le ferai cependant le plus fuccinélement qu'il me fera pombîe , 6c dans l'intention feulement d'inftruire les Artiftes ; car , pour en faire une analyfe chymique , il faudroit compofer un traité fcientifiqii:, qui ne feroit entendu que des Savants-) 6c je defire plus être utile que curieux. Je commencerai par prévenir ceux qui font bâtir , de s'attacher fur-tout à la qualité des matériaux que leurs Architectes emploient. C'efl principalement du choix de ces matériaux que dépend la durée-dç- édifices, 6c la réputation de ceux qui ont préiu.é à leur conflruction. Le Légiflateur des Architectes , Vitruve , donne d'excellents préceptes pour ce choix de matériaux; Palladio réitère ces mêmes préceptes ; le favant Alberti indique encore mieux les règles que 1 on doit obferver. Bien des gens croient que toutes" efpèces de chaux Ôc dé fables font également DE L'ESPAG NÉ. 451 'bonnes, & que des pierres quelconques doive it durer perpétuellement. C'eft une erreur ; il y a bien de la différence dans les fables, dans les chaux, ck encore plus dans les pierres. Il y a plus ; la môme efpece de pierre diffère confidérablement pour la durée , par la manière dont on la taille , ck par l'attention de la po'fcr dans fon fens naturel ; mais je ne m'arrêterai pas à tranfcrire ici tous les préceptes à cet égard ; j'y ajouterai feulement une obfervation que je n'ai lue nulle part : c'eft que les pierres les plus dures fe décompofent ck: fe détruifent,par le laps du tems,dans les carrières, ainfi que je l'ai obfervé en mille occafions; taudis que les mêmes pierres taillées', travaillées, 6k employées dans un édifice-, s'y confervent folides 6k faines comme le premier jour. Je conclus', de cette obfervàtïon 6k de celles que jai déjà rapportées -,que la force ck l'action internes de la matière opèrent fa décompofition \ tarit que leâ matières relient dans leurs matrices, entières ck unies à,la maffe générale de notre globe ; mais qu'en féparant ces mêmes rhàtières de la fphère ou de la chaîne de leur action , elles ceflent d'en reffentir les effets. Au furplus, il y a une autre raifon pour que les marbres 6k les pierres dures fe confervent mieux, étant travaillées, que dans les carrières ; c'eft que le poli qu'on leur donne en ferme les pores 6k les rend plus impénétrables à l'humidité ; ck coriime , lorfque ces matières font employées, elles font couvertes aux trois Sparts , 6k , pour amfi dire , verniffées par lé mortier, elles en font plus à l'abri des injures tems : cette dernière raifon peut s'adapter plus particulièrement aux grais tk aux pierres molles Ffij / "4** Histoire Naturelle, icc. Parlons à-préfent des matières propres à bâtir> que l'on trouve aux environs de Ségovie. La première eft 1e granité. C'eft un mélange, con-glutiné par une matière vilqueufe , de petites pierres minces , de quartz ou de gravier, de fpath, de mica, ordinairement un peu obfcur. Quelquefois ce granité contient du fable ; & alors il devient lufeeptlble d'un beau poli. Le granité mis en oeuvre eft indeftructible ; car il réfifte aux éléments , & même au feu. Il réfuite, de cette expérience, que les petites paillettes que l'on voit briller dans ce granité ne font point du talk, parce que, fi c'en étoit, ces paillettes fon-oroient au feu, & peut-être communiqueroient-elîes leur fuf bilité au quartz, au fpath , & aux autres matières contenues dans le granité. Enfin il eft bon qu'on fçache qu'il n'y a point cle meilleure.pierre pour bâtir que le bon granité. Le grais eft un afiemblage de fables ordinaires, pétris & endurcis, au point de former une roche , plus ou moins dure. Indépendamment de fa dureté&c de fon infulibilité (car il n'y a point de feu capable de fondre le fable), cette pierre a de commun avec le granité, qu'on peut la fendre avec des coins comme du bois , &c la tirer à fec de la carrière; je dis à fec , parce qu'il.y aune efpece de pierre , dont on fait les meules de moulin , qu'on fend également avec des coins, mais fur laquelle les coins ne font effet qu'en les mouillant. Ces grais font d'une très-grande uti-]i é pour la batifte : ils font encore meilleurs pour paver ; le pavé de Paris qui a dix pouces quarrés, en eft compofé. Si on eût pu trouver de ce grais, aux environs de Madrid , il auroit ete préférable au filex, dont on a pavé les rues en 15 e l'Es pagne. 455 dernier Heu. Le pavé de Madrid n'auroit pas l'inconvénient de durer peu, par rapport au volume & à la forme des pierres ; on n'ytrouvc-roitpas ces pointes qui coupent les fouliers, les fers des chevaux, & jufqu'aux bandes de fer des roues; enfin, ce pavé ne feroit pasje fupplice de ceux qui font obligés.d'à) 1er à pied. Il y a, dans les Provinces d'E. pagne, trois efpèces de grais , qu'on appelle aujïi pierres à agrafer , fans compter les pierres, qui n'en différent que par de pur accidents , comme par la couleur ou par lafincffe du fable dont elles font composées. Quand on trouve cette pierre en morceaux, c'eft line preuve qu'elle tend à fe décompofer , ou, pour mieux dire, àfe réduire en fable, ainfi que toutes les roches qui font en morceaux. Les pic r-res qui fe trouvent en couches réfiftent beaucoup plus. J'ai vu plufieurs montagnes d'Efpagne, au bord cle la mer , compofées de grais, fur le fommet, au milieu, tk au pied. La couche fupérieure me parut.la plus ancienne par fa fituation ; celle du milieu d'une formation poi=é"ieure, ik dans lefquels on ne trouve abfolument que du fable pur. Je ne faurais définir comment ie forment ces nœuds.; l'idée de l'attraction de la matière eft: trop abftraite pour ceux cjui ne font point familiarifés avec le fyftême metaphyfique de l'attraction. Quelques-uns prétendent qu'il y a dans ces nœuds un bitume qui y fixe le fable : ■ mais cette raifon n'explique point pourquoi il y 45 4 Histoire Naturelle, Sec. a du bitume dans quelques endroits de. la pierre 9 Se non dans d'autres ; au furplus, en faifant bouillir, dans l'eau, le fable de ces nœuds, le fable produit quelquefois de l'écume, Se fait un dépôt ; d'autres fois il ne fait ni l'un ni l'autre ; & d'après ces obfervations,onpeutconclurre que la pierre ne contient ni terre , ni bitume. Quant à moi, je crois que chaque grain de fable fe cryftallife avec un peu de terre dans fa formation primitive , parce que j'ai obfervé que les couches fablonneufes de plufieurs montagnes d'Efpagne , Se particulièrement des montagnes d'Aï-caraz Se de Molina d'Aragon, fe réiolvent en une véritable terre argilleufe, fans qu'il y relie le moindre veflige de iabie. Quelle que foit mon obfervation , il eft certain que le grais en couches , efl d'une grande utilité, puifqu'on s'en fert également pour ba ir, pour paver Se pour couvrir les maifons des pauvres gens, dans les endroits oii il n'y a ni tuiles, ni ardoifes. Le. grais fert. encore par-tout à faire des pierres à aiguifer , qui, pour l'ordinaire, font mauvaifes, parce qu'on ne fait pas les choifir. On prend des pierres qui ont des nœuds, & comme ces nœuds font plus durs que le relie de la pierre, elle raye le fer, Se s'ufe inégalement. Le grais falin efl une troifième efpece de pierre qui mérite attention, que je crois propre Se particulière à l'Efpagne. Je ne fâche pas du: moins qu'il y en ait ailleurs. J'ai trouve cette pierre , dans diverfes Provinces, tantôt en bloc, Se tantôt en couches ; mais c'efl dans les montagnes de Molina d'Aragon qu'elle fe trouve en plus grande abondance. J'ai vu, dans ces montagnes , plufieurs maifons bâties avec cette pierre r> tetW les chevaux ck les mules lèchent avec beaucoup de plaifir, ck dont ils parviennent à percer quelques-unes à force de récidives. C'eft pourquoi j'appelle faline cette pierre, dont je crois, qu'on ne connoîtpoint, faute d'un examen particulier , les propriétés extraordinaires ; nous ignorons fes ufages ck l'utilité que nous pourrions, en tirer. On fait qu'il y a des emorelcences Yalines, ck des particules fahnes imperceptibles lur la fuperficie, ck dans le centre ne plufieurs pierres,. de plufieurs terivs calcaires , tant en Efpagne qu'ailleurs. Les troupeaux fe piaifent à les lécher,, ck ils préfèrent les pâturages qui le trouvent aux environs de ces matières. Les pluies effacent ces efflorefcences ; mais le foleil les fait reparoître. Il efl également certain que la terre qui couvre immédiatement les pierres calcaires, efl ordinairement très-fertile ; elle l'eftmèmeau point, que dans les Provinces feptentrionales d'Eipagne^terre calcaire, ck terre à bled font lynonymes. J'infère de tous ces faits , qu'il y a certaines pierres ôc certaines terres du globe qui ont la propriété de prendre quelqu'acide de l'air, de changer la nature de cet acide, 6k de lui fournir une bafe avec laquelle il puiffe produire de nouveaux fels neutres;. Ôk, pour me fervir des termes des anciens Alchymiftes , je dis , que.ces matières font des aimants qui attirent les matières diffoutes que l'air renferme. Si ce principe des fels efl véritable, comme je le crois, nous avons deux dalles de fubftances, capables d'en produire par un travail interne. Ces fubftances. font les plantes > les terres ck les pierres. Je conçois que ce que j'ai dit eft peu de chofe. peuir examiner à fond la nature ftngulière de çgîte* iffiv, "4^6 Histo ire Nat tjrel le ,,&c: éipèce de fable falin; mais ce peu fuffirapour qu'url autre achève ce que je n'ai fait qu'ébaucher.Quant au grais , je n'ai plus qu'un mot à en dire : en lui fuppofant un fable plus ou moins fin , plus oii moins compact-plus on moins riche ou dénué d'argille , en admettant encore que cette pierre donne plus ou moins de feu au briquet, tous ces effets du hafard, qui forment des variétés dans le grais, ne!fauroient changer fon elïencè. Cette pierre, comme les terres, qui font extrêmement dures, & la pierre à fufil, font les feules qui donnent du feu avec le briquet. Le grais efl la feulé qui ferye à aigùifer les outils tranchants : cette pierre prend plus ou moins d'huile, félon qu'elle renferme plus ou moins d'argille. Il y a beaucoup d'endroits où l'on ne fe fert que de pierre de Turquie pour affiler les burins des Orfèvres tk les outils trempés des Artifans. On tire cette pierre de Turquie du Levant, où elle eft chère. On en trouve d'aufTi bonne en Efpagne dans les Intervalles des rochers qui bordent la rivière de Bilbao. On en apporte encore de Catalogne à Madrid, où l'on s'en fert , au-lieu de celle de Turquie, ou de celle de Bifcaye , qui ieroit meilleure. J'ai déjà dit que parmi les autres matières propres à la bâtiffe , le territoire de Ségovie abonde en chaux. Avant d'aller plus loin , tk pour éviter toute équivoque , je parlerai de la chaux en général. Le mot latin calx , tk le mot vulgaire qui y correfpond , ont une fignihcation trop générale, puifque , comme je l'ai remarque ailleurs , il y a une grande différence entre pierre calcaire ou terre calcaire oc pierre à chaux , quoique l'une tk l'autre fe dilTolve en bouillant de l'Espagne, 457 içfans les acides. La féconde eft mélangée d'une grande partie de terre, qui empêche que le feu ne la réduife parfaitement en bonne chaux. C'eft une vérité que les Maçons de Ségovie ont découverte, fans être autrement Chymiftes. J'ai vu que ces Maçons favoient, très-bien diftinguer une pierre d'une autre pierre, tk qu'ils ne mettoient jamais au four la pierre , que j'appelle ici pierre à chaux, mais bien l'autre qui fe convertit en pure chaux. La pierre dont on s'eft fervi à Ségovie. pour bâtir la Cathédrale, eft une pierre à chaux ; mais cette première pierre eft fi intimement mêlée avec une terre étrangère, qu'il n'y a.ni acide ni feu qui foit capable de les féparer ; du refte, c'eft une très-bonne pierre pour la bâtiife bc elle dure îrès-lohg-tems. Cette pierre eft d'un blanc roux, qui devient jaune-clair avec le tems. Selon moi, cette pierre a été formée par la mer ; car on voit encore dans les carrières des nids de pholades, que toutle monde fait être des infectes, ou pour mieux dire des vers de mer , dont nous avons donné la defcription. Ce que j'y trouve de iingulier , c'e'ft qu'ayant vu une infinité de ces nids de pholades dans diverfes roches d'Efpagne, je les ai tous trouvés dans des pierres à chaux : je n'en ai vu aucun dans des pierres calcaires ; ce qui prouve., félon moi, que les premières pierres s'endurciffent dans la mer , tk que les fécondes s'endurciftent dans la terre. Indépendamment de la pierre à chaux dont la Cathédrale de Ségovie eft bâtie , il y a , dans les en virons de cette ville , d'autres carrières de la même efpece. Les Maçons en emploient les pierres d;;;;s la bâtiife ; mais ils n'en font pas la chaux. On trouve entr'autres, dans ces mêmes environs., '45S Histoire Naturelle,&c. une carrière de pierre couleur de chair, trk&40k* Il y en a une autre de pierre grainue, couleur de paille : ccilc-ci eft toute parlèméc de paillettes brillantes, qui ne font pas plus grottes que des pointes d'épingle , Ôc elle eft iiuceptible d'un poli aufli fin eue le marbre. La véritable pierre calcaire de Ségovie fe diffout totalement clans quelqu'acïde que ce foit; m:us , quoiqu'elle le réduife en poudre ou en pâte, elle ne prend jamais affez, de conûfta-ïce pour qu'on puiife Penniioyer, comme l'argille, à faire desudiès, des pers , ou tout autre ouvrage de poterie. On calcine cttu. p.erre ; c'al-à-dire^ on la conv,. eût tota'cmoni en chaux. Si elle laifïoit le moindre fédsnent d s terre ou de fable, elle ne feroit plus une pierre calcaire , mais bien une pierre à chaux.. De cette circonftance, ôc de ce que, dans les Provinces même de l'Elpagne ies plus abondantes en chaux , te Lie s que Ségovie , les montagnes d'Oca, Valence, Moron oc Gador, il y a peut-être trente fois plus de pierre a chaux? qu'il n'y a de pierre calcaire parfaite , je conclus que cette dernière efpece de pierre doit être très-rare en Efpagne. On peut confidérer la chaux fous divers afpecls ; ç'eft ainfi que l'ont examinée les Chymiftes , les •Phyficiens ôc les Médecins , relativement à leur partie, de même que tous ceux qui ont écrit fur ies propriétés. Les Chymiftes fur-tout qui doivent être, ô£ qui font effectivement les véritables Phyficiens ,. ont découvert oc ont écrit mille chofes utiles ôc ir.térefiantes fur la chaux.En lifant leurs ouvrages,, on y trouvera une infinité d'obfervations importantes 6c rares fur les qualités des pierres calcaires,. DE L'EsPAGNI. 45.9 fur la prodigieufe quantité d'air qui s'incorpore avec la chaux, fur la vertu corrofive qu'elle communique aux fels alkalis fixes, fur la rçpro-: duction des mêmes phénomènes par la récal-cination , fur les fels de cette pierre, & fur mille autres points curieux ôc utiles. Cependant, je n'ai encore confidéré la chaux que comme un ingrédient propre à faire le mortier. Je répète donc , que celui qui veut bâtir avec folidité ne doit employer d'autre chaux que celle qui eft faite avec de la véritable pierre calcaire ; c'eft-à-dire , avec une pierre qui ne contienne aucun mélange de terre ni de fable, ôc qui, lorfqu'on la calcine, fe convertilfe toute en bonne chaux. Les, bons Architectes doivent s'appliquer à connoître ôc à analyfer toutes les pierres des environs où ils doivent bâtir, afin d'être en état de choifir la plus propre à la chaux de la meilleure qualité. Sans cette précaution , les propriétaires peuvent être allures que les bâtimens qu'ils feront faire dureront très-peu. C'eft ce qui eft arrivé à plufieurs édifices que nous favons avoir été conftruits anciennement ôc qui n'exiftent plus. On voit dans Vitruve, que, de fon tems même ,6c antérieurement, plufieurs édificestomboienten ruine, foit par i'ïgnorançe des Architectes, foit par leur fu-percherie. Parmi les matériaux propres à la bâtifTe, que j'ai dit avoir vus dans ies environs de Ségovie, le marbre noirâtre , que l'on trouve auprès de la Chartreufe duPaular, n'eft pas le moins précieux. Toute efpece de marbre, de quelque couleur qu'il foit , fimple ou variée, fe calcine Se fe réduit en bonne ou en mauvaife chaux : il fe diflout e^ore par efTervefcence ; l'air s'échappe par le f4frfe 9500 livres-. 4&1 H I STO IRE S X T V r E i LÉ, &C dépendent abfokimcnt de la configuration des parties & de la réflexion de la lumière , ainfi que le gypfe de Molina d'Aragon qui perd fes couleurs au feu ôc qui devient blanc. Ce feroit une pure fiction que d'attribuer ces couleurs de l'argille aux métaux: je le prouve par plus de cinq-cents efpèces différentes d'argille que j'ai vues en Efpagne , dont quelques - unes rougiffoient au feu , fans contenir certainement le moindre atome de fer , tandis que d'autres argilles , qui fe co-loroient également au feu , montroient du fer à la préfentation de l'aimant. Avant de cuire ces terres^ perfonne n'auroit cru qu'elles contenoient du fer, puifqu'elles étoient blanchâtres ôc claires-. Je n'ai point vu d'argille, qui, étant effayée à l'eau-forte9 donnât des indices de cuivre: j'en excepte les argilles qu'on trouve dans les veines même de ce métal. Ceci pofé, à quel métal Veut-on attribuer la couleur des argilles de Ségovie ? Je.ne crois point que'ce puiffe être à d'autres métaux qu'au fer ôc au cuivre, ÔC cependant mes expériences prouvent qu'ils n'y exiflentpas 9 non que je nie que les particules métalliques ne piufTent fè combiner avec les particules de l'argille , au point de réfléchir la -lumière d'une manière ou de l'autre : je foutiens feulement que les métaux ne font pas toujours le principe d<ï la couleur des terres ÔC des pierres, puifque j'en trouve qui font colorées fans contenir aucun métal. Cette differtation furies couleurs eft du diftriér. de la Chymie ; mais l'Artifte travaillera avec plus d'intelligence, lorfqu'il étudiera le caractère & la nature des argilles , pour en faire une application pratique. Il lui importe particulièrement «*e favoir, qu'avec l'apgille & la chaux i! peut faire un mortier aufli bon que celui qu'il feroit-£vee le fable > Ôc, qui plus elt, avec la tameuie poffolanne d'Italie. Perfbnne n'ignore que l'ar-gilie fe confolide au feu b Ôc fe convertit en une efpece de pierre grainue ÔC réfiftante j comme on le voit à Saint-Ildefonfe daas les fours de cryftaux, oh elle rélifte des mois entiers au feu le plus violent. Il en eft de même dans les pots de Za-mora, dans les tuiles , dans les briques, ôc dans les bons creufets, dont fe fervent les Chymiftes, qui font compofés d'argille cuite ôc broyée ^ mêlée avec l'argille crue ôc naturelle. En pilant donc l'argille cuite , jufqu'à ce qu'elle foit réduite en une efpece de gros fable ; en la mela.it enfuite avec de la chaux, on fera un excellent mortier, dont on pourra fe fervir , avec la certitude que l'édifice durera autant que fi on fe fut fervi du meilleur fable ôc de la meilleure chaux. Cet expédient pourra être utile , dans le cas oii Fon n'auroit pas de bon fable fous la main, ôc oii l'argille feroit à portée ; parce que , fi on mêle de mauvais fable avec de la chaux, quelque bonne qu'elle foit d'ailleurs, l'ouvrage ne vaudra rien. J'ai fuppofé jufqu'ici que le Lecteur connoif-foit l'argille. Pour ne rien lui laiffer à defirer à cet égard, j'en donnerai une définition pratique , de préférence à une définition fcientifique , qui n'appartient qu'à un cours de Chymie. Toutes terres tenaces qu'on peut travailler au tour,qu'on peut jeter en moule , ou qui fe confolident ait feu, font des argilles, quelle que foit leur couleur* Toute efpece de faïance fe fait avec de la terré argilleufe , qu'on vernit avec du plomb vitrifié , pour empêcher que la terre, dont les pièces font 4^4 Histoire Naturelle,^ compofées , ne s'imbibe des liquides qu'on y dépofe. Ce vernis peut fe faire de plufieurs manières, tk peut s'orner de différentes couleurs tk de peintures diverfes. Le faïancier doit étudier la nature de l'argille, pour pouvoir la travailler; il doit encore choifir les meilleures formes pour fes pièces. Cette théorie facile s'acquiert avec un peu d'expérience ; mais ce qui eft extrêmement difficile , c'eft l'art de donner ail feu le degré convenable pour cuire la faïance , parce qu'il n'y a point de thermomètre qui indique le degré de chaleur néceffaire à donner au four. Cependant le plus ou moins d'activité du feu procure une faïance bien ou mal cuite , des pièces cuites également ou inégalement, qui fe déforment ou qui confervent leurs formes primitives. Comme la connoiffance exacte cle ce degré de chaleur ne peut s'acquérir que parla pratique, il feroit fuperflu de donner des règles à ce fujet. Les livres n'apprennent qu'à préparer la pâte tk à en connoître les différentes efpèces. Ce que je dis du feu, au fujet de la faïance, doit s'entendre également pour la porcelaine , qui n'eft qu'une faïance plus fine, plus blanche, OC à demi - tranfparente , parce qu'elle contient quelque matière vitrifîable ; oc quant à fon vernis , aies embelliffemens , tk à fes peintures , ce font de purs acceflbires. Les Chymiftes, qui *. dans ces derniers tems, ont découvert les ingré-diens qui entrent dans la porcelaine, favent en faire la pâte auffi belle, tk auffi réiiftible que celle de la Chine tk du Japon ; mais ils ne font point encore parvenus à perfectionner leurs fourneaux au point, que, parmn feu égal tk proportionné, on ne foit plus expoféà perdre une quantité D t L'E S'P A C N E.' Quantité des pièces qui (ont hors d'état de fervir. C'eft la raifon pour laquelle nous ne pouvons pas encore établir notre porcelaine au même prix que celle de l'Orient : le tems oc l'expérience nous indiqueront quelque moyen pour en faire îa cuite aufti invariable que celle des Chinois ; c'eft alors que la porcelaine lera très-utile en Europe ., parce que fon ufage fera univerfelle-ment répandu : à-pré lent la porcelaine ne fert -qu'au faite des Rois , au luxe des Grands, & à la vanité des riches ; &C en attendant la révolution t la modefte faïance fert généralement à une infinité d'ufages indifpenfables , ôc donne de l'importance à des faïanceries telles que celle de Ségovie. Il feroit peut-être à propos de parler ici de l'origine des argilles, afin de mieux comprendre leur nature ; mais cette partie m'éloigner oit trop de mon objet, oc m'entraîneroit dans des spéculation* purement métaphyiïques* Cependant , comme j'ai parlé., dans différents endroits de cet Ouvrage , de la décompofition 6c de la recompolition des matières , qui font les feuls movens par lefquels les anciens corps fe dé-truifent, 6c les nouveaux corps fe forment, je profiterai de cette occafion pour répandre un peu plus de clarté fur mes idées. Par décompofition, on entend communément, & j'entends moi - même, la défunion fimple des parties qui compofent un tout: par exemple, lorfque je dis que le granité de Saint - Ildefonfe fe décompofe en terre, en fable -6c en caillou ; cette idée , d'après la définition , eft fi claire , qu'elle n'a pas befoin d'une plus ample explication. En général 9 lorfque je parle de decpc}. 4^ Histoire Naturelle, ikcl position, dans cet ouvrage , j'entends , ainfi que je l'ai dit au -commencement , l'altération, des parties qui conftituent un tout, à l'effet de former une fubftance différente de la première; c'eft dans ce fens que j'entends que les anciens corps difparoiïTent, pour en former de nouveaux par la recompofition. Quelques perfonnes auront cle la peine à adhérer à mon opinion,parce qu'elles font intimement perfuadées que les pierres ôc les autres corps qui exiftent dans l'Univers , font ÔC feront toujours ce qu'ils furent dès leur origine. D'après ces principes , ces perfonnes ajouteront peu de foi à ce que je dis des transformations des matières à Saint-Ildefonfe, à Alcaraz ôc ailleurs ; car , fi, par exemple , ces perfonnes voient un grais mêlé d'un peu d'argille , elles croient aifément que l'une ÔC l'autre de ces matières ont toujours exifté dans le même état. Des expériences fans réplique prouveront cependant à •ceux qui voudront fe défabufer , que, dans les ■feules roches de Molina d'Aragon, le marbre, diffoluble dans les acides,, fe convertit en fable vitrihable ; que le gypfe fe convertit en terre calcaire, ôc que le grais fe convertit en véritable argille réfraffaire. J'appelle décompofition la def-truclion de lamatière première ; j'appelle recompofition la formation de la féconde matière. Je n'ai pu obferver ni déterminer ( par rapport à la courte durée de la vie ), fi tout le fable Ôc la pierre qui entrent dans la compofition d'une -montagne non-calcaire ( je ne parle point ici des montagnes calcaires dont j'ignore l'origine), ie convertiffent, avec le tems, en argille. Je fais feulement qu'il y a en Efpagne trois efpèces d'argille , qui font l'argille minérale , l'argille v«- de l'Es ï> à g ne; 46? pétale & l'argille animale. La première efpece f cjui eft toujours effentiellement mêlée avec le 4able . ne varie que dans la quantité tk dans la qualité des grains de fable. La féconde efpece efl mêlée des parties de fable que les pluies tk les vents y ont tranfportées. La troifième efpece ne -contient du fable qu'accidentellement ; c'efl pourquoi toutes les argilles ne font point également propres à fouler les draps, les unes ayant plus -de fable que les autres, tk les grains de table étant plus ou moins fins. L'argille de Ségovie n'efl point aufTi propre à fouler les draps, que l'argille de Guadalaxara. Celle qui efl au fond du lac de Valence feroit la meilleure de toutes pour cet ufage, fi on pouvoit la tirer avec facilité ; parce qu'étant purement animale , elle ne doit point contenir la moindre particule de fable. Les trois efpèces d'argille ne différent point entr'elles , quant à leurs propriétés générales , tk ce font, les feuls corps de la nature qui poffèdent le plus vifiblement cette ténacité , qui efl due certainement à une fubftance répandu» dans les trois règnes, tk que l'on découvre lorfqu'on les défunit parfaitement. Cette fubflance efl peut-être le gur dont on parle tant , qui efl répandu pour affembler les particules des corps , pour caufer leuradhéfion, & peut-être pour réunir tes prin^ cipes qui conftituent les métaux. Enfin , je dois prévenir que, quand j'ai parlé des pierres de Saint-Ildefonfe , de fes argilles, de fes briques, de fes tuiles, &c-. que j'ai dit que Ces différents corps ne contenoient point de fer , je n'ai point eu égard aux expériences favantes', mais peut-être douteufès, de cette fublimé Ghy-mie, qui prétend trouver du fable tk du fer dans "46$ Histoire Naturelle, &cc* tous les corps , quelque blancs ôc quelque liftes tpi'ils foient. j'ai parlé d'après des expériences évidentes ÔC naturelles ; c'eft-à-dire, d'après celles qui font voir l'exiftence de ces matières avec le plus de clarté ôc avec le plus de certitude. C'eft d'après ces expériences que je foutiens qu'il n'y a point de fable ni de fer dans les argilles dit règne animal, à moins que le vent ne tranfporte le premier dans ces argilles , ôc que le fer ne s'y forme par quelque nouvelle combinaifon, comme l'ocre ôc le fel fe forment dans les plantes. En fuppofant qu'on prétende que c<.tte combinaifon exifte aufîi peu que le travail interne de la matière ; que l'argille , qui provient du fable, n'eft point une recompofition ; que les matières calcaires , ainfi que les autres matières de différente efepèce qui font mélangées dans une roche non-calcaire, ont toujours été dans le même état; il en réfulteroit que la matière feroit toujours la même , ÔC cette affertion eft détruite évidemment par tout ce qui fe paffe journellement fous nos yeux. Alor,s, il faudroit dire que les minéraux , les cjuartz , les fpaths , les cryftaux, les pierres precieufes , ôcc. ne fe forment point de nouveau, ÔC qu'en un mot il n'y a dans la nature ni décompofition ni recompofition ; or, c'eft une opinion qu'on ne fauroit foutenir. Qu'on fe rappelle feulement ce que j'ai dit au fujet des huîtres prodigieufes qu'on trouve fur la fuperficie de la terre , entre Murcie ôc Mula. C'eft - là qu'on voit évidemment que tout ce terrein a été formé par la réduction des roches calcaires en terre calcaire. Il faut donc abfolument que ces coquilles fe foient introduites dans la roche, lorfque ces roches étoient encore dans un de l'Espagne? 469 état de diffolution ou de fange, & que ces roches fe foient enfuite décompofées Ôc converties en terre calcaire , comme on les voit aujourd'hui, puifqu'il eft évident qu'elles n'ont pas toujours été dans l'état où elles font. Suppofons à préfent, comme je le crois ,, que cette terre calcaire fe durciffe une autre fois , & forme des roches ou granités, perfonne ne conteftera alors qu'il n'y ait eu dans ces roches décompofition 6c recompofition. Il manque feulement à l'évidence de cette vérité que des hommes puiffent être les témoins d'une aufli belle opération ; mais c'eft ce que la brièveté de la vie ne permet point. Ceux qui nous ont précédés ne nous ont tranfmis aucunes obfervations qui foient relatives à cet objet, 6c la lenteur inconcevable de la nature, dans fes. opérations ,.eft au-deffus de la portée dû-vulgaire. Les montagnes, les vallées Se toute la-matière , font dans un mouvement de rotation continuelle Ôc dans une circulation imperceptible, qui ont commencé quand il a plu à la^ providence , Se qui finiront quand il lui plaira. Sur Us troupeaux ambulants 6" fur Us laines fine» de VEfpagne. I L y a en Efpagne deux efpèces de brebis p celles de la première efpece , dont la laine, eft commune, paffent leur vie où- elles naiffent, ne changent point de pâturage , ôc reviennent tous-les foirs à la bergerie ; les autres , dont la laine eft fine, voyagent tous les ans, ôc, après avoir; paffé l'été fur des montagnes , elles descendent dans les prairies-chaudes des parties méridionales. 'jtyo\ Histoire Naturelle, tkci du Royaume , telles que la Manche , l'Eflramadoure tk rAndaloutie.. On appelle cette féconde efpece brebis ambulantes, qui, fuivant le calcul qu'on en a fait, peuvent monter au nombre de cinq millions. Pour l'ordinaire, un troupeau eft compofé de dix-mille brebis y dont le loin eft confié à un maître Berger. Ce maître Berger doit être un homme actif , connoilTeur en pâturages , & au tait des maladies d'un troupeau. Il a fous fes ordres cinquante Bergers , qui ont des gages proportionnés, tk cinquante chiens qui veillent à la garde du troupeau. Le maître Berger a quinze cents livres par an tk un cheval.Quant aux Bergers, liibalternes, les premiers ont trente-fept livres dix fols de gages , les. féconds vingt-cinq livres % les troifièmes quinze livres, tk les derniers dix livres. On leur donne en outre à chacun deux livres de pain par jour : on en donne autant pour chaque chien ; mais d'un pain d'une qualité inférieure. On permet à ces Bergers d'avoir quelques chèvres tk quelques brebis en propre ; mais, la laine en appartient au maître du troupeau , tk ces Bergers ne peuvent vendre que la viande tk. les agneaux. Ils. peuvent également difpofer dit. lait. ; mais ils, ne favent pas, en tirer parti. En Avril tk en Octobre on donne 3. livres à chaque-Berger pour fon voyage, à titre de gratification.. Quoique ces troupeaux ambulants iè difperfent dans différentes Provinces il eft inutile de parler de ce qui fe pailè dans chaque troupeau en particulier, parce qu'ils fuivent tous le. même régime. Quant à moi, c'eft fur la montagne ôc à Molina d'Aragon que j'ai le plus obfervé ces, troupeaux, en été * ôc c'eft. en Etomadcure que de L'ESP AGN.E. '47* p les a! le plus remarqués en hiver, parce que ce tbnt-là les cantons où ils fe trouvent en plus grande quantité. Molina eft à l'Orient de l'Eflramadoure ôc de la Manche. La montagne qui efl fituée au Nord de cet endroit,. efl le point le plus, élevé de l'Efpagne. Molina abonde en plantes aromatiques , ôc on n'en trouve pas une feule fur: la montagne. Les Bergers , en arrivant à l'endroit où ils doivent paffer l'été., commencent par donner aux brebis autant de fel qu'elles en veulent. Pour cet effet , les maîtres des troupeaux leur donnent vingt-cinq quintaux de fel par mille têtes, de brebis. Ce fel efl confommé en moins de cinq mois , parce qu'on ne leur en donne ni lorfqu'elles font en route , ni pendant l'hiver. Pour donner le fel aux brebis. , on nétoie cinquante ou foixante pierres plates ; on y étend le fel ; on y fait paffer les brebis petit à petit, ôc chacune en lèche telle quantité que bon lui femble. On répète fou vent cette opération, ex: on a foin de ne point les laiffer paître ces jours - là dans un terrein de pierres calcaires. Après que ces brebis ont mange leur fel , on les, conduit dans un terrein argilleux , ôc", comme ce fel leur ouvre l'appétit , elles dévorent tout ce qu'elles rencontrent , & retournent au fel avec encore plus de voracité. Lorfque leur pâturage efl calcaire ou mêlé de chaux , elles mangent moins de fel à proportion de la chaux qui s'y trouve. Je demandai à un Berger la raifon de cette différence ; il me répondit, que les brebis mangeoient moins de fel, lorfqu'elles paiffoient dans une terre à. bled1.. Le bon-homme eonnoiffoit bien l'effet : mais il ea ignoroitla caufe j ôc cela ne me fur prend pas, La G g iv7 Hï5toire Naturelle,&e. faifon cle cette différence vient de la quantité ée tel qui fe trouve dans toute matière calcaire, d'oîî si réfulte que foit que les brebis mangent du fel en, léchant les pierres, foit qu'elles en mangent en broutant l'herbe, qui en efl imprégnée par la végétation , il ne leur relie plus le même appétit pour celui qu'on leur donne à la main. Je n'ignore pas que le fel que les Chymiftes tirent de la chaux , peut fort bien être différent de celui que la pierre calcaire contient avant fa calcination, le feu pouvant former de nouvelles combinaifons clans cette pierre mais il n'en eft pas moins certain que lorfque ces brebis paillent dans une terre calcaire, elles mangent moins de fel. Peut-être ce fel , dont les brebis fe rafîafient, eff-il du fel ordinaire, ou au moins l'acide muriatique qui s'élève dans les plantes par la végétation. A la fin de Juillet, le berger a foin d'introduire des béliers dans le troupeau ; fix ou fept béliers fuffifent pour cent brebis. On choifit ces béliers parmi les mâles qui paiffent à part, &C? auffi-tôt que les femelles font pleines, on en fépare les mâles. Les béliers font d'un plus grand rapport pour le maître que les brebis, parce que, quoiqu'elles aient la laine plus fine, les béliers en donnent en plus grande quantité \ trois toifons de bélier pefent ordinairement vingt-cinq livres , & il faut cinq toifons de brebis pour en avoir la niême quantité. La même difproportion fe fait fentir pour l'âge, que l'on connoît aux dents : car les dents des mâles ne tombent qu'à huit ans, tandis que les femelles les perdent régulièrement à cinq ans, foit par leur grande déhcateffe, foit par les fatigues de la reproduction de leur efpece. Au milieu de Septembre on teint les brebis ambulantes, en leur frottant les reîns avec de l'ocre rouge délayé dans de l'eau* Quelques-uns difent que cette terre s'incorpore avec la graille de la laine, tk qu'elle forme une efpece de vernis qui met les brebis à l'abri des injures du tems ; d'autres prétendent que le poids de l'ocre rouge tient la laine courte, tk qu'il l'empêche de croître & d'augmenter en volume ; enfin, d'autres affu-rent que cette terre fait l'effet d'un abforbant, & qu'elle reçoit une partie de la tranfpiration , dont la furabondance rendroit la laine rude tk grofîière, A la fin de Septembre, les brebis ambulantes fe mettent en marche , pour aller dans des climats plus chauds. Leur route efl réglée par les loix , de tems immémorial. Elles paffent librement par les communes des villages ; mais comme il efl indifpenfable qu'elles traverfent des terres cultivées , les propriétaires font obligés de leur ré-ferver un paffage de quatre-vingt-dix pieds de large oîi ces pauvres animaux font forces d'aller très-Vite ; ils font quelquefois fix à fept lieues par jour, pour arriver dans des endroits moins étroits, où ils trouvent à paître ; après quoi, ils ralentiffent leur marche, tk ils fe repofent. Dans les cantons incultes, les brebis font ordinairement deux lieues par jour, fuivant toujours le berger , tk broutant le plus qu'elles peuvent, fans s'arrêter. Leur voyage , depuis la montagne jufqu'à l'intérieur de l'Eltramadoure, efl d'environ cent-cinquante lieues, qu'elles font à-peu-près en quarante jours. Le premier foin du berger efl de conduire les brebis dans le pâturage où elles ont brouté l'hiver précédent, tk qui en a vu naître la majeure partie* 474 Histoire Naturelle, occ C'eft une précaution qui ne donne pas grande-peine au pafteur , pulîquc , quand bien même il ne conduiroit pas les brebis dans cet endroit, elles s'y rendroient d'elles-mêmes par la grande fenlibilité. de leur odorat,, à l'aide duquel elles reconnoiffent leur terrein , quoiqu'il n'y ait rien à l'extérieur qui le diftingiu des terres d'alentour y ÔC en fuppof ant même que le berger voulût les faire aller plus loin, cela ne lui feroit pas facile. Arrivé à là deftination , ce berger commence par pratiquer des parcs oit les brebis paf-fent la nuit. Pour cet effet, il plante plufieurs pieux en terre , ôc rixe ces pieux avec de gtoffes cordes d'efparte, qui vont d'une extrémité à l'autre , afin que les brebis ne puifTent, ni s'écarter, ni être dévorées par les loups : c'eft pour éviter ces accidents que les chiens veillent en dehors. Les bergers fe conftruifent aufti une cabane avec des branches d'arbre ôc avec un peu de terre. En confequence , ÔC pour qu'ils puif-fent faire le feu dont ils ont befoin , la loi leur permet de couper une branche de chaque arbre* Je crois que c'eft la raifon pour laquelle tous les arbres qui font dans les pâturages ou. les troupeaux ambulants paffent l'hiver, font pourris ÔC creux en dedans ; parce que, comme les racines pompent annuellement la quantité de fuc néceffaire pour l'entretien ôc pour l'accroiftement du tronc, des branches , des feuilles, des fleurs Ôc des fruits , la partie de fuc qui étoit deftinée aux branches qu'on a coupées, forme un dépôt dans le tronc, où elle fermente ôc gangrène l'arbre* Peu après leur arrivée aux quartiers d'hiver les brebis commencent à mettre bas ;, c'eft le tems où elles demandent le plus de foin , ôc c'eft de l'Espagne. 475 alors que les bergers ont le plus de peine. On iépare les brebis qui font ftériles, & on les conduit à l'endroit où l'herbe eft la plus mauvaife , réfervant la meilleure pour celles qui font pleines ; 6c à mefure qu'elles mettent bas, on les conduit dans un autre canton encore meilleur , qu'on réferve à cet effet. Les agneaux qui naii-fent les derniers font également conduits dans lin canton fépare, ou l'herbe eft plus délicate , afin qu'ils y croiffent plus vite, 8c que devenus aufïï forts que ceux qui font nés avant eux, ils puiflent également entreprendre le voyage , &' gagner les pâturages d'été. Au mois de Mars, les bergers ont quatre opérations à faire aux agneaux qui font nés pendant l'hiver. Le première eft, de leur couper la queue à cinq pouces de la racine, afin qu'ils ne le fa-bffent point avec leurs excréments , ck qu'ils prennent moins de crotte. La féconde eft de les marquer fur le nez avec un fer chaud, pour les reconnoître. La troifième eft de leur feier les cornes , pour qu'ils ne puiffent fe blefïer dans leurs combats, La quatrième eft de châtrer ceux qui doivent fervir de guides aux troupeaux ; pour cet effet, les bergers n'ont pas befoin de taire aucune incifion, il fuffit qu'ils prennent les toilicules , 6c qu'ils ies ferrent dans la main, jufqu'à ce que les vaiffeaux fpermatiques foient tors tomme une corde dans le ferotum^ Se alors l'opé-l'ation fe confomme fans danger. Au mois d'Avril , qui eft le tems oii elles fe Mettent en marche pour regagner la montagne, les brebis témoignent, par divers mouvements, *e deiir qu'elles ont de partir , & il faut que les bergers aient grand foin qu'elles ne leur échap- 476 Histoire Naturelle, &c. pent pas ; car on en a vu des troupeaux entiers s'écarter à deux ou trois lieues, tandis que le berger donnoit. Ces brebis prennent toujours le chemin qui les conduit le plus directement vers leurs pâturages d'été. C'efl toujours le premier Mai qu'on commence à tondre les brebis , lorfqu'il fait beau tems ; autrement,, & fi le temps étoit humide & qu'on renfermât la. laine dans cet état, comme les toifons fe mettent les unes fur les autres, la laine fermenteroit & fe pourrirait. Pour éviter cet inconvénient, la tonte des brebis fe fait dans des endroits couverts. Il y a de ces endroits qui font fi vafles, qu'il y peut tenir jufqu'à vingt-mille brebis. Cette précaution eft encore fondée fur la fmeffe de la peau des brebis , qui efl telle que, fi elles venoient à fe mouiller lorfqu'on achevé de les tondre , ou qu'elles priffent de l'humidité ou du froid , pendant la nuit > elles mourroient toutes. Il faut cent vingt-cinq hommes pour tondre mille brebis ; un homme doit en tondre huit par jour, ou cinq béliers.Cette différence provient^ non-feulement de ce que le bélier efl plus fort &C-a plus de laine que la brebis , mais encore de ce qu'il efl plus difficile de l'attacher , de manière qu'il ne bouge pas. Cet animal eft fi farouche * il fe contraint, & foufre fi confidérablement d'être attaché de la forte, qu'il eft capable de s'étouffer : pour éviter cet accident, les Tondeurs, prennent, pour ainfi dire, les béliers en nclle humeur , & à force de les careffer, ils parviennent à leur couper la laine , fans les attacher. Lorfqu'on veut tondre les brebis, on les renferme dans une grande cour , d'où on les fait de l'Espagne. 477 paffer dans une étuve, qui eft un paffage étroit, où elles font extrêmement ferrées, ôc où elles iuent beaucoup, ce qui adoucit la laine , ôc la rend plus aifée à couper. Cette précaution eft encore plus néceffaire avec les moutons, parce que leur laine étant plus rude que celle des brebis , réfifte davantage. Aufti-tôt qu'ils font tondus , on les fait paffer dans une autre pièce, pour les marquer , ôc pour examiner ceux que le manque de dents deftme à la boucherie : quant aux autres, on les mené paître, lorfque le tems le permet, finon on les laiflé à couvert, afin de les accoutumer peu-à-peu à l'air doux. La mine de la platille m'ayant retenu plufieurs jours dans le territoire de Molina d'Aragon, j'eus occafion d'y faire quelques obfervations fur les Lêtes à laine ambulantes. Je remarquai que lorfque le berger les laiffe paître à leur gré , elles cherchent avec foin , ÔC ne broutent que l'herbe fine, fans toucher feulement aux plantes aromatiques, qui croiffent en abondance dans ce territoire de Molina. Quand le ferpolet fe trouve mêlé avec d'autres herbes , elles le féparent très - adroitement avec le nez , pour ne pas le manger avec les autres herbes ; ôc s'il y a , dans le même endroit, quelque partie de gazon fans ferpolet, ces brebis y courent, fans s'arrêter. Lorfque le berger s'apperçoit que le tems change, Ôc qu'il va pleuvoir , il fait figue aux chiens de ramaffer le troupeau , qu'il met à l'abri. Pour lors, comme les brebis vont très* vîte, elles n'ont pas le tems de baiffer la tête, ni <îe s'amufer à choifir les herbes : alors elles mangent , de droite ôc de gauche, du ftœchas, du romarin , ôcc., parce que, quand elles marchent 478 Histoire Naturelle, Sec! avec précipitation , ce qu'elles ont faim , eîleS 1 mangent indifféremment de tout ce qu'elles rencontrent , oc même la jufquiame, la ciguë, l'ama-pole , 6c d'autres herbes qui puent. Cela leur arrive , fur * tout , lorqu'elles viennent d'être tondues. Si les brebis aimoient les plantes aromatiques , ce feroit un grand malheur pour ceux qui ont des ruches , parce que les brebis dévo-reroient toutes les plantes qui produifent le miel ôc la cire , 6c les abeilles mourroient de faim. Les pafteurs ne lailTent jamais fortir le troupeau du parc avant que le foleil ait pompé la rolee de la nuit ; ils ne les laiffent pas boire non plus dans aucun ruiffeau, ni dans aucun marais, après qu'il a grêlé ; l'expérience leur ayant appris que, fi ces brebis paiffoient l'herbe avec la rofée , ou fi elles buvoient de l'eau de grêle , elles courroient rifque de mourir. Les brebis d'Andaloufie ont toutes la laine groflière , parce qu'elles ne changent point de climat, 6c c'eft parce que les brebis ambulantes en changent ,t qu'elles ont la laine fi fine 6c fi douce. Sans cela, je crois qu'au bout de quelques générations , leur laine deviendroit auffi grof-fière que celle des brebis d'Andaloufie ; peut-être» par la raifon contraire , fi ces brebis changeoient de climat, leur laine, de groflière qu'elle efl» deviendroit fine. Les animaux qui vivent en pleine campagne , 6c qui ne changent point de climat, ont toujours la même couleur , comme on le voit par les cochons d'Eftramadoure , qui font toujours noirs , 6c par les lapins fauvages qui font tous de la même couleur. Ce n'efl que parmi les animaux domefliques qu'on en voit de fclancs 6c de noirs. ferl l'Espagn s; jD£ Madrid & de fes environs. jVÏ à ï> rid efl fitué fur quelques collinesbaffes, dont le fable elt grofîier ôc terreux. Les rues de Madrid font aufii-bien , ôc même mieux coupées que celles d'aucune autre ville d'Europe» On compte à Madrid neuf ou dix-mille maifons , dont il y en a quantité qui font grandes & fpa-cieufes. Ces mailbns font en granité, en briques , en bois ôc en caillou. En général, les façades de ces maifons font peintes. Si l'on veut s' nïtruire des productions rares qui exiftent à Madrid, dans les trois Arts libéraux , on peut confulter la defcription favante de cette ville, que fait imprimer actuellement Don Antonio Ponz , qui en eft l'Auteur, ôc au fentiment duquel je m'en fuis rapporté dans différentes occafions. Les vents du Nord régnent à Madrid pendant l'hiver -, 6c ils y font très-froids , très - fecs ÔC très-pénétrans : ceux de I'Oueft au contraire y font chauds 6c pluvieux. Madrid eft prefque fitué •au centre de l'Efpagne : il eft très-élevé, relativement à la mer ; car on defcend continuellement, depuis Madrid jufqu'à la Méditerranée , 6c les eaux des ruiffeaux Ôc des rivières de fes environs vont fe joindre au Tage , pour fe perdre enfuite dans l'Océan. Les montagnes de Guadarrama , avec leurs coteaux, font les feules qu'on voye de Madrid. Le fommet en efl couvert de neige pendant plufieurs mois de l'année. Les grandes rues de Madrid font pavées en filex taillé, les autres rues le font en cailloux arrondis , qu'on trouve dans les environs. Les jardins du Retiro , le beau '479 ^•Histoire Naturelle, &c; Prado ckles Délices, l'ont des promenades qu'ort trouve clans peu de capitales de l'Europe. Ces promenades font alfez généralement connues pour que je me difpenfe d'en faire la defcription. Il y a à Madrid beaucoup de fontaines publiques, dont l'eau elt très-bonne, & divers marchés. On elt furpris de voir l'abondance de comeltibles qu'on trouve à toute heure dans la grande place , parce qu'on ne conçoit pas aifément comment, dans un pays aurTi aride, on peut recueillir une auffi grande quantité de fruits, de légumes, &£ raffembler tout ce qui peut concourir à la dé-licateffe tk à la fomptuofité de la table. Le pain fur-tout eft meilleur à Madrid que dans aucune autre ville du monde , tk il n'y a pas d'étranger, quelqu'entiché qu'il foit de fa patrie, qui ne convienne de la fupériorité du pain de Madrid. Ce pain fe fait avec la meilleure farine. On le paîtrit bien avec un peu de fel ; on le cuit à propos, ôc il a le goût qu'il doit avoir pour laiffer dominer ôc rellortir le goût des mets fans l'altérer. Tous les comeftibles de Madrid font fucculents ÔC très-favoureux ; mais je me difpenferai d'en faire ici une énumération particulière. Je me contenterai de dire que les dindons viennent en fî grande quantité de la vieille Caftille , qu'il n'efl pas néceffaire d'être riche pour en manger. Ces dindons font très-bons ; mais on pourroit les rendre encore plus délicats, en les engraiffant avec des noix, comme on fait à Chaumont près de Lyon. J'en ai fait l'expérience à Madrid ck je m'en fuis bien trouvé. Je commençai par donner à chaque dindon vingt noix entières par jour, en deux fois}, en augmentant de dix noix tous les jours, jufqu'à leur en donner cent-vingt en un ftid b e l'Esp agn e» 4S f feul jour. Cette expérience dura douze jours, au bout defquels on tua le dindon , qui le trouva très-délicat. Il faut lui faire avaler ces noix une à Une, en lui gliffant la main le long du cou , jufqu'à ce qu'on fente que la noix a paffé Fœfophage. On. ne doit rien craindre dans cette opération , parce que le dindon n'en fouffre pas ; il eft au contraire fort tranquille. J'ai obfervé que douze heures après le dindon avoit déjà parfaitement digéré jufqu'aux moindres particules de la coquille , fans "qu'il lui en reliât le moindre vertige, ni dans le jabot, ni dans l'eftomac. On fait que le rétrecif-fement mufculeux de cette partie dépend de la Volonté de l'animal pendant fa vie, tk que l'éiafti-cité de fes fibres fubfifle encore , même après fa mort. Il eft affez particulier que le dindon n'ait dans le géfier aucune cavité qui puiffe contenir une noix entière ; il en réfultr , que fon eftomac peut bien achever la digeftion , mais qu'il ne peut pas la commencer. J'ai tué d'ailleurs plufieurs dindons en différents tems , ôc peu de tems après; leur avoir fait avaler des noix, fans jamais trouver aucun veftige de ces noix ; d'où je conclus que ceux qui expliquent l'opération de la digeftion par la trituration , font dans une très-grande erreur , parce que c'eft une affertion dénuée de fondement. En vain allégueront-ils les os que digèrent certains animaux , ôc le cuivre , qui fe diffout dans l'eftomac de l'autruche. Je fais, à n'en pas douter, que cela peut fè faire fans trituration ôc par une fimple diffolution, comme on voit ces matières, ôc d'autres encore plus dures , fe diffoudre par la vapeur de l'eau, dans un vafe fermé ôc chaud , tel que le digefleur de Papin. Cette digreffion paroîtra peut-être hors de propos à igSî. Histoire Naturelle , &:e; quelques perfonnes, qui diront, qu'il eft -ridicule de s'arrêter à parler de la manière dont -un dindon digère les noix. Mais , rien de tout cela n'eft mcprilable aux yeux d'un ■ Naturalifte, qui trouvera peut-être à en faire quelqu'application utile, relativement à l'eftomac de l'homme; enfin, tout, jufqu'au. plus vil infecte , peut fournir quelques obier cations, utiles au bien de l'humanité. D V caillou de Madrid* O N rifqiie beaucoup de fe- tromper, lorfqu'on fuppofe des fyftêmes fur la difpofition de notre globe, fans confidérer d'autres pays que celui oit l'on vit, & d'autres matières que celles qui fe trouvent dans fes environs: c'eft ce qui eft arrivé à beaucoup de gens, & particulièrement à un célèbre Profeffeur , qui prétend qu'il n'y a point de caillou en couches fuivies, ÔC que tout le caillou qui exifte dans l'Univers fe trouve en •morceaux ifolés , difperfés & formés dans les •terres (113) ? parce que ce n'eft que de cette (113) Plufieurs Naturaiiftes, du nombre defquels eft le célèbre M. de Réaumur , ont adopté cette opinion erron-née. Linnœus, dans fon fyftème de la nature^ eft dans uns erreur encore plus grolTièrc , lorfqu'il dit ; Silex naf* •cïtur m montium erstaceorum rimis^uù quartrum in rimisfaxo-rum. Il n'eft pas bien difficile de réfuter cette opinion ; il fuffit d'ouvrir les yeux , & de voir l'immenfité des cailloux de Madrid 6k de beaucoup d'autres endroits de l'Efpagne & de l'Italie qui fe trouvent, le premier, en couches continues , l'autre éloigné de toute matière crétacée. Le fa van t Abbé Fortis , dans fon curienx voyage de Dal-i«atie,réfu(e avec éloquence les erreurs(desNaturaliftes,& de l'Espagne; 4^ inanière qu'on trouve le caillou en Suède ôc en Allemagne. Ce raifonnement elt femblable à celui que pourroit faire un homme né à Saint-Ildefonfe, qui n'en feroit jamais forti, & qui alfureroit que tout notre globe n'efl: compofé que de granité , de grais, de roche ôc de fable , ôc qu'il n'exifte pas dans le monde un atonie de pierre calcaire* La comparaifon peut également s'appliquer à un Hollandois , qui feroit dans le cas de l'habitant de Saint-fldefonfe , Ôc qui diroit que l'Univers eft un compofé de fable , de terre , de tourbe, ÔC des autres matières qui abondent dans fon pays , fans vouloir croire qu'il y à de hautes montagnes 6c des pierres grandes ôc petites, parce qu'il n'y^ en a pas dans fon pays. Si M. Henckel fut venu à Madrid, il auroit été bientôt défabufé ; car il y trouveroit tous les environs pleins de fdex en couches fûivies ôc continues ; il verroit qu'il n'y a, dans le pays, ni maifon, ni édifice, qui ne foit bâtie avec la chaux du même caillou ; il verroit que ce même caillou fert à faire les pierres à fufil, ôc que tout Madrid eft pavé de la même pierre. J'ai remarqué dans les Carrières de cette pierre quelques Indique les cantonsd'Italie & de Dalmatie où l'on trouve; le filex , d'une manière différente de celle qui eft rapportée par ces Naturaliftes. Il y ajoute fes obfervations fur la formation de cette pierre : J'ai vu plufieurs fois (dit-il l'opération du filex , lorfqu'il paffe, pour ainft dire, de l'état calcaire à l'état de caillou ; & en particulier , j'ai fouvent trouvé des cailloux enveloppés dans des matières de volcans, j'ai formé des fuites de ces différentes progreiïions, que j'ai communiquées à mes amis.' On peut voir ce qui fuit, qui eft fort curieux , & que je me difpcnfe de transcrire pour ne pas devenir ennuyeux. •2$4 Histoire Naturelle,6cc, morceaux pleins d'une efpece d'agate rayée de rouge, de bleu, de blanc , de verd tk de noir. Ces morceaux étoient ailés à polir , tk j'en fis faire des tabatières. Les couleurs de ces pierres font imaginaires , parce qu'elles difparoiffeut lorfqu'on calcine la pierre , qui relie toute blanche , qui conferve fa forme concave d'un côté, & fa forme convexe de l'autre: c'efl dans cet état qu'elle paroît quand on la brife. Il n'y a pas d'acide qui puiffe la diffoudre, ni la mettre en effervefcence : mais lorfqu'elle efl calcinée, elle s'allume dans ï'eau, avec encore plus de violence que la véritable pierre calcaire, tk, en la mêlant avec le gros fable du même terrein de Madrid, on en tait un excellent mortier : mais cette pierre ne fe lie pas aufîi-bien avec le fable fin de la rivière. On voit, dans les carrières de Madrid, plufieurs fentes qui font fouvent remplies de cryftaux de roche. Mais, comme nous avons vu qu'il y a de ces cryftaux dans toute l'Efpagne, dans le quartz, dans la pierre de fable , dans le granité , dans la |)ierre calcaire, tk dans le gypfe , nous ne parlerons plus de fa formation. Nous en conclurons feulement que l'eau peut féparer tk entraîner également , de toute efpece de pierre , la terre qui forme les cryftaux de roche, c'eft-à-dire, les quilles ,avec leurs pointes à fix faces, tk qui donnent du feu , quand on les frappe avec le briquet. Les campagnes voifines de Madrid, du côté de l'Orient 6c du Midi, font remplies de couches de caillou non interrompues, qui commencent aux portes mêmes de la ville. Je me fouviens d'en Avoir yu, il y a quelques années, entre l'Hogift$» de l'E S pag ne; 48^ minéral, Ôc la promenade des Délices. Ces carrières étoient depuis fix jufqu'à dix pieds de la fuperficie : elles avoient depuis un jufqu'à fept pieds d'épaiffeur , Ôc plongoient, quelquefois jufqu'à foixante pieds, en fuivant régulièrement la pente de la colline. Il paroît que ce terrein a été entièrement compofé de caillou autrefois : car les tailleurs de pierre en trouvent encore aujourd'hui prefque par-tout, Ôc, pour cet effet, ils n'ont befoin d'autre indice que d'en voir quelque pierre détachée fur une terre qui foit un peu blanchâtre. Quoiqu'en général ces deux fignesne foient pas équivoques , il arrive, quelquefois , que, malgré les pierres Se la terre dont nous venons de parler , les ouvriers creufent en pure perte ; ce qui me fait préfumer que la ; couche du filex étoit fort fuperficielle , Ôc qu'elle fe fera décompofée ôc changée en terre cultivable. J'ai encore obfervé que la partie fupé-. rieure du filex étoit couverte d'une matière ba-veufe, blanchâtre ,. ÔC que la partie inférieure portoit fur une terre couleur de chocolat, qui devenoit blanche au feu. Ces deux terres font vifqueufes, douces au tact:, tenaces ôc favon-neufes ; lorfqu'on les expofe en plein air, elles reffemblent à l'argille : elles n'en font cependant pas ; car elles ne fe délayent pas dans l'eau , ôc elles ne confervent pas les formes qu'on leur donne , foit au tour, foit au moule ; elles ne fè retirent ni ne fe refferrent en fe féchant ; elles s'applatiffent, au contraire , ÔC.elles s'endurcif-fent à l'air. Ce font des efpèces de iiéatites bâtardes; c'eil-à-dire, une efpèçe déterre graffe comme du beurre, qui n'eu ni argilleufe, ni calcaire 5 ni gypfeufe, JSL douté, quelque tems. H n iij 4'cTô HISTOIRE NA T U RE L L E, &c: à c'étoit le gluten qui formoit le caillou ; mais cette idée fpéculative contredifoit celle que je m'étois déjà formée fur les révolutions de notre globe, fur la décompofition, fur la recompofition des corps, tk fpécialement fur celles du même caillou. Du Cry fiai de roche. Il eft impofîible de fondre , fans mélange, le caillou de Madrid , ni aucun de ceux qu'on trouve dans les terres calcaires ou argîlleufes. Il en eft de même des différentes efpèces d'à-, gâtes , 'de cornalines , tk de cryftaux de roche, qui fe convertiffent feuls en vraie chaux ; ces pierres fe fondent très-bien , lorfqu'on les mêle avec l'alkali fixe de la barille, ou avec le plomb, qui efl de tous les métaux celui qui fe fond tk fè vitrifie le plus promptement. Les Anglois , qui ont étudié à fond cette propriété du plomb , de fe changer en verre, tk d'entraîner, pour ainii dire, le caillou dans fa vitrification, fe fervent de ces deux matières pour bâfes de leurs cryftaux , qui font, fans contredit, les plus beaux qu'il y ait dans l'Univers. C'efl pourquoi ils appellent ces cryftaux, flint - glafs, verre de caillou, parce qu'effcclivement le caillou entre dans la compofition de ce cryftal, en guife de fable. Le diamant & le cryftal de roche , pour être parfaits , doivent être clairs comme des gouttes d'eau, Il y a deux efpèces de cryftaux de roche en Efpagne ; les uns, qui font grouppés tk tranf-paEents, ont fix faces. Ces cryftaux viennent toujours fur des rochers , & il y en.a uns infinité »E- L'ESPÀ GNE? 4$^ dans le Royaume , ainfi que nous l'avons vu clans les voyages précédents. On en trouve à Madrid vers les côtes de Saint-Iiidcr.e. L'autre efpece de cryftaux fe trouve détachée, comme les cailloux ou les pierres arrondies.. J'ai vu de ces cryftaux, depuis la groflèur d'une noilette , jufqu'à la grolfeur du poing. Il y en a dans le nombre qui font couverts, d'une croûte mince ôc opaque. Comme on trouve beaucoup de ces derniers dans le lit de la rivière, près de Strasbourg , les Naturaliftes les appellent cailloux du Rhin, il y a dans la rivière d'IJénarès une aufli grande quantité de ces cailloux que dans le Rhin, 6c au paffage de cette rivière , à Saint-Fernand , fitué à deux lieues de Madrid , on en trouve qui font quatre fois plus gros que les plus gros cailloux de Strasbourg. Ce que j'y trouve de plus finguiier, c'eft que tout ce terrein foit un terrein de gypfe , comme on peut le voir dans un torrent profond, formé par la rivière , près de l'Hôpital de Saint-Fernand. î\ eft vrai, qu'il eft rare de rencontrer dans cet endroit des cryftaux parfaits ; mais les cryftaux qu'on y trouve , quoiqu'imparfaits , n'en font pas moins voir aux Naturaliftes les progrès du travail intérieur de la Nature , beaucoup mieux que les cailloux du Rhin ; parce que les imperfections du caillou de la. rivière d'Hénarès font plus vifibles. Je vais indiquer l'emploi qu'on pourroit faire de ces cailloux , quand j'aurai dit encore deux mots fur les cryftaux d'Angleterre. Les cryftaux d'Angleterre font principalement compofés de plomb ÔC de cailloux , vitrifiés par une fufion parfaite., Ôc lorsqu'ils font bien ira-, , vailles, ils ont la même couleur, la même égalité^ h .même propreté, Ôc la même tranfparençe sm# Hh.iv. Histoire Naturelle, Sec' l'eau la plus limpide. Les cryftaux qui proviennent du fable n'ont jamais cette perfection ;. ils ne font bien clairs, uniformes ôc tranfparents que dans des morceaux; minces ; mais lorfque ces morceaux font un peu épais , ils ont toujours un ceil verdâtre , tandis que j'ai vu. des cryftaux d'Angleterre qui avoient plus d'un pouce d'epaif-, feur , oc qui étoient tranfparents comme le. diamant. J'ignore la compofition entière du cryftal, d'Angleterre , parce que les Artiftes y gardent myftérieufement leur fecret, oc je fais tout ce que les Membres des Académies Françoifes ont écrit pour trouver 1a compofition du flint-glafs :. j ignore aufïï la dolè des frites des Anglois, qui eft le premier pas pour parvenir à rendre une vitri-.. £cation parfaite. Je conçois d'ailleurs qu'il faut, beaucoup de pratique pour connoître le point d'une parfaite fufion , parce qu'il ne peut y avoir, ou du moins il n'y à pas encore de pyromètre qui puiffe mefurer le degré déterminé du feu né-, ceffaire, pour fondre des matières, aufli réfif tantes ; que celles qui compofent ce cryftal (114); niais (114) On appelle frite le mélange de différentes fubftances qui doivent être fondues enfemble pour faire le verre ou le cryftal. Après avoir bien mélangé ces matières , on les approche par degrés d'un feu plus ou moins fort, fuivant le befoin , ayant foin que ce feu ne foit point affez ardent pour les fondre cntièrement.Cette opé-* ration tend à unir ces matières Stà les purifier de quelques reftes de phlog.ftique & d'autres fubftances hétérogènes , par une efpece de calcination. La porcelaine s'appelle frite quand la pâte en eft mauvaife; c'eft-à-dire , quand cette pâte eft compofée de matières vitriliables qui fe • fondent au feu. Telle eft la funeiife porcelaine de Sève. t>E l'Es PAG NE» 489. j;e fais pofitivement que le filex ôc le plomb font la bafe du cryftal d'Angleterre , parce qu'on ne peut imiter ni un diamant ni aucune autre pierre précieufe fans plomb. Stras , le Lapidaire , qui vendoit des diamants contrefaits , elt le premier qui fçut tirer parti en France de cette propriété vitrifiante du plomb.Son lècret n'a pas tardé à être découvert , ce il efl univerfellement connu aujourd'hui. Les premières pierres de Stras étoient parfaites dans leur genre , parce qu'il avoit appris à Strasbourg. fa patrie , à faire ces pierres a /ce des cailloux du Kiiin ; c'efl pourquoi elles étoient fort dures Ôc très-claires. Celles qu'on a faites depuis ne font pas aufîi belles , parce qu'elles font compofées de plomb ôc dé fable; ôc, comme le fable ne donne jamais une belle eau , on charge ces pierres de plomb ; aufîi font-elles fi tendres , qu'elles ont perdu prefque tout leur brillant avant de fortir des mains du Lanidaire ou du Jouaillier. Je reviens aux pierres d'Hénarès. Si on veut faire un cry liai auffi dur » auffi clair , ÔC aufli tranfparent que beaucoup de pierres précieufes, ôc plus brillant que le cryftal d'Angleterre , il faudra s'adreffer à quelque Fabriquant de cryi-. taux qui faite l'épreuve du mélange de plomb, Calciné avec ces cailloux de la rivière d'Hénarès ; qui forme fa frite avec les autres ingrédients que fon Art lui fuggérera , pour procéder enfuite à la fonte, fuivant les règles. Je ne doute pas que k cryftal, fait de cette manière, ne fut le plus clair % le plus tranfparent du monde. Dans le cas oii l'on voudroit faire ici le flint-glafs, il faudroit é-onomifer un peu plus le Caillou de Madrid; parce qu'à mefure que l'on en emploie, on en ^9° Hï S TOI R E N'A TURELL E , épuife les carrières des environs , fur-tout fi'onf ne penfe pas à paver la ville avec une autre efpece de pierre , où , fi l'on ne prend pas quelqu'autre moyen équivalent , puifque les relfources de l'efprit humain n'ont point de bornes. Qui fe feroit imaginé en Europe qu'on pouvoit paver une ville avec commodité & avec magnificence, en ne fe fervant que de pavés de bois ? C'eft cependant ce que nous voyons aujourd'hui exécuter à la Havane. Ce pave aura les avantages de la beauté , de la durée Ôc de la fmgularité ; mais il eft vrai qu'il y a peu de villes où l'on ait fous la main des bois, aufli durs que ceux de la Havane. Le nouveau pavé de Madrid eft, comme je l'ai déjà obfervé , compofé dans quelques rues de cailloux quarrés ôc taillés, de quatre à lix pouces de largeur, ôc quelquefois même ils font plus grands. Dans d'autres rues le pavé eft en cailloux plus petits , qui fe font arrondis naturellement, ou dans les campagnes ou dans les rivières. Les premiers ont les défauts dont j'ai parlé plus haut „ mais le pavé.en eft meilleur que celui des cailloux arrondis, qui cependant ont d'autres avantages. Tout le caillou qu'on connoît en Europe , gros ou petit, fe brife toujours par fegments de cercle; c'eft-à-dire , en deux parties , l'une concave ? l'autre convexe. Cet avantage , joint à ce qu'il *e rompt facilement à coups de barre de fer » Ôc à ce qu'il en fort beaucoup de feu , le rend très^-propre à faire des pierres à fufil. On travaille ces pierres à Madrid, ôc à Biar dans le Royaume de Valence. Une invention des plus utiles a fait mettre dans toutes les rues de Madrid deux trçjtoirs de grandes pierres quarrées, pour que les gens de pied piuif B1 L'EsPAGNi; 491' fent marcher commodément, fans être expofés, aux défagréments des pointes de cailloux qui font au milieu des rues, La furface de ces grandes Înerres relie toujours unie ; ni les charriots, ni es carroflcs, ni les chevaux , ni les mules , ne peuvent y paffer, & les piétons peuvent aller le long de ces bordures proprement & avec aifance. JD E Fafpecl de Madrid & de la, nature de fon terrein. 5 1 Ton regarde les environs de Madrid du haut d'une tour ou d'un endroit élevé; le pays paroît uni , égal 6c ondé , prefque fans côtes 6c fans vallons; mais il ne faut pas s'y tromper, parce qu'il comprend une infinité de ravins Se d'inégal lités , qu'il eft impofîible d'appercevoir , lorfqu'on regarde le pays horizontalement. C'eft une obfervation qu'on fera, de quelque côté qu'on arrive à Madrid, fi l'on confîdère combien de fois on perd cette ville de vue , depuis qu'on l'a découverte pour la première fois, jufqu'aumoment qu'on y entre. Les caufes de ces inégalités du terrein " font la dégradation imperceptible des roches, la réfiftance accidentelle des terres ,1'inf-tabilité des lits des rivières , la rapidité terrible des ruiffeaux , la force des torrents de pluie qui charrient 6c qui tranfportent les terres, les fources internes 6c foûterraines qui minent le terrein , 6 enfin, le dépat des pluies par le laps, du tems. Ces caufes, reunies ou féparées , font plus que fuffifantes pour former un pays de collines & de ravins ; 6c fi l'on fait attention aux effets que produit une fource ou un ruiffeau , quelque petit \ 491 Histoire Nature île, &c»\. qu'il foit, dans les terres des environs de Madrid, on verra qu'en très-peu d'années l'eau raine ôc corrode un terrein , autant qu'il le faut, pour former des ravins ce quelques collines confidé--rables. Qu'on examine avec foin les féparations & les , ouvertures de plufieurs endroits fur le chemin d'Aranjuès, on verra fur les côtes les relies des roches qui y exigèrent autrefois , ôc qui, aujourd'hui , font réduites en caillou ôc en terre-Dans quelques endroits la roche eft encore pref-cju'entière ; on y voit comment elle palfe d'un état à l'autre ; c'eft-à-dire , de l'état de pierre à l'état de caillou , de fable ou de terre; & dans les . bancs, qui font déjà décompofés , on diftingue encore lef féparations ôc les couches de la roche primitive. D'après cette obfervation, on ne doit pas être furpris de trouver des pierres détachées dans les campagnes des environs de Madrid, parce que ce font des relies d'anciennes roches, ôc je ne crois pas qu'il y ait perfonne affez prévenu-pour croire que ces pierres ont été roulées ÔC tranfportées de la forte depuis le commencement du Monde , fans s'appercevoir- qu'elles pro-viennent des roches originaires du pays. Les terreins où l'on trouve du gros fable , Ôc la terre qui provient de ce fable , prouvent que les anciennes roches étoient de granité. Les terres qid font un peu calcaires, comme celles des bords du chemin d'Aranjuès, proviennent des roches de pierre à plâtre. Celles qui font formées de grais» de fable , de marne, ôc d'un peu de matière gyp" feufe , comme font les terres d'Akorcon , proviennent de différentes roches de ces matières, ôc ce mélange fait qu'elles cuifent bien ôc qu'elles ♦ Vs l'E s > a g ni; %jôf fervent de terre glaife pour les pots Se pour les marmites qui viennent de ce village. Ces terres fondent à un feu très-violent. Il y a enfin dans les environs de Madrid quelques bancs de terres noirâtres , qui ne font ni calcaires ni argilletifes , Se qui me prouvent que dans ces cantons il y a recompofition; c'eft-à-dire , formation de nouveaux corps ; fi quelqu'un, en doute , il voudra bien m'expliquer de quelle autre manière cela peut être. Le tiers au moins des terres, entre Madrid Se Aranjuès, elt gypfeux. Le milieu efl en couches de cailloux de la même matière. A une demi-lieue de chemin hors des portes de Madrid , près de l'hôtellerie du Cuerno , il y a beaucoup de couches de gypfe parmi lesquelles j'ai vu la félénite cryflallifée par petits grouppes , en forme d'aiguilles blanches comme la neige. Ces grouppes viennent, comme un petit bois , fur une légère couche de marne , Se quoique cette couche foit placée horizontalement fur d'autres couches, elle a la fingularité d'excéder d'une ligne •aux deux extrémités les couches où il nefe forme point d'aiguilles. Toutes ces couches, Se les aiguilles de gypfe , fe convertiffent vifiblement en terre fertile, un peu calcaire. Cette terre , étant mêlée avec l'argille qui fe trouve dans de la mauvaife marne, fèche Se foible , produit beaucoup de bled Se d'orge. La variété des gypfes, Se leurs cryflallifations en Efpagne font telles, qu'il efl difficile à un Naturalise de parvenir à les connoître; leurs fmgularités vont au point, que le plus ha-bileObfervateur y trouve encore de quoi admirer. J'ai déjà parlé dans cet Ouvrage de beaucoup de ces cryflallifations, Se fi j'ai ajouté quelque chefs ^-94 Histoire Naturelle, tkcï fur ces aiguilles , c'eft parce 'qu'elles font la chofe 'ou monde que je connoifle la plus curieule. Puifque j'ai commencé à faire la defcription de ce chemin, je continuerai jufqu'à Aranjuès , quoique cette Maifon royale foit éloignée de fept lieues de Madrid. Les parties de caillou qu'on trouve dans les environs de Pinto , font dans un terrein gypfcux; les beaux jardins , les belles avenues d'arbres , les prés, les potagers, èk: tout Je délicieux d'Aranjuès, eft environné de collines de pierre à plâtre. Le Tage paffe au milieu de ces collines , ôc le lit de la rivière eft plein de pierres arrondies , non-calcaires , de môme que tous les champs 6c les prés de la circonférence du vallon ; ce qui prouve que la rivière a changé de lit à diverfes reprilès. Quand je vis, il y a vingt-trois ans pour la première fois, ces pierres arrondies du Tage à Aranjuès, 6c que je les comparai avec celles qu'on trouve au-deftbus de Tolède , je conçu l'idée que je me fuis formée , que les rivières ne charrient pas toujours ces pierres p 6c que leur arrondiffement ne provient pas , comme on l'a cru jufqu'à préfent, du frottement des unes contre les autres , par le tranfport des eaux ; mais plutôt de l'action de l'eau dans les mêmes rivières. Je crois encore que les pluies 6t le tems fuffifent pour détruire les pointes ou les angles des pierres, comme nous le verrons dans le difeours fuivant. Je regarde cette obfervation, que je dois au féjour que j'ai fait à Aranjuès , comme la plus belle découverte de ma vie, parce que c'eft une efpece de clef qui ouvre la porte de la véritable théorie phyfique de la terre. L'eau du Tage, en parlant par les collines, dont j'ai parlé plus haut, diffout ôc entraîne les différents, » E LlSPlGN El ^1 Tels qui la rendent également mauvaife au goût, pour la cuifine tk pour blanchir à Aranjuès ; mais toutes ces matières falines s'évanouilient entièrement au-deffous de Tolède, où elles font dé-compolées , au point de ne pas conferver le moindre vertige de ces fels, 11 n'en coûteroit peut-être pas beaucoup pour conrtruire quelque machine, capable de purifier l'eau à Aranjuès tk de la rendre potable, comme on a fait de l'eau de mer , par un procédé connu aujourd'hui en Angleterre tk en France. Je me fouviens d'avoir vu , il y a plus de vingt ans , les premiers effais de cette opération dans le Laboratoire du célèbre M. Rouelle, en préfence de M. Malfonès , pour lors notre Ambaffadeur en France , qui fit faire ces expériences à fes frais , oc qui envoya à Madrid diverfes bouteilles de cette eau purifiée, qui fe conferva long - tems pure tk limpide. L'eau du Tage pourroit fe purifier aufîi-bien que l'eau de la mer, parce que l'une autre contiennent des fels diffous , avec la différence que l'eau de la mer abonde en fel commun , tk que l'eau d'Aranjuès, qui en a fort peu, eft plus chargée que l'eau de la mer de fel de Glau-ber, de fel d'Epfom tk de félénite. Enfin, je dirai, (car je n'aurai point d'occafion plus favorable de le dire ) que je fis voir à Don Antonio de Ulloa , dans un étang d'Aranjuès , beaucoup de polypes quelcpi'ingrat voo Histoire Naturelle, K quelque pauvre qu'il foit ; 30. parce qu'une fois qu'il a pris racine , il n'exige plus ni foin , ni arrofement ; 40. parce que les feuilles font d'un verd gai , très - beau , aufli grandes , aufli douces, auffi nutritives que les feuilles de fain-foin,dont on nourrit les chevaux dans le Royaume de Valence. Enfin , l'effai coûteroit peu de chofe, parce qu'il n'y a de fuperflu que des terres mau-vaifes ck abfolument nues. De Ve.au de Madrid. JL e s Phyficieris ont imaginé , à l'aide de la Chymie , une infinité d'expériences pour connoître le degré de lalubrité des eaux. Les meilleures expériences , à mon avis , font les moins recherchées tk les plus faciles , comme celles d'examiner, par exemple , la manière dont l'eau fait cuire les légumes, tk li elle produit peu ou beaucoup de moufle avec le favon ; car , quelque* claire tk quelquetranfparcnte que paroifTe l'eau, fi elle contient quelques particules de terres ou de minéraux , les légumes n'y cuiront pas bien , tk elle ne produira point de moufle prompte m ent&t en abondance avec le favon. Il y a en.Efpagne beaucoup de fources, dont l'eau eft fi chaude, qu'on ne peut prefque pas y toucher. Cela n'empêche cependant pas qu'elle ne cuife bien les légumes , qu'elle ne fafîe de la moufle avec le favon, êt qu'on ne s'en ferve avec fuccès pour blanchir la toile de lin.-Ces eaux ne font aucun tort à la végétation, & lorfqu'on les laifle refroidir, elles ne dépotent point , elles n'ont rien d'extraordinaire , ni au goût ni à l'odorat. En un mot, cas d e l'Es p à g n e.' 501 P3ux n'ont d'autre fir.gularité que d'être chaudes. Ces avantages proviennent de ce qu'elles ne contiennent aucunes terres ni particules minérales qui foient diifoutes. L'élément pur les rend fa-yonneufes 6c douces au toucher par le contacL intime de l'air , 6c leur donne la propriété que n'ont point les bains d'eau ordinaire. Tout le monde fçait que l'eau qu'on boit k Madrid eftextrêmement pure 6c légère. De toutes fes fontaines , on donne la préférence à celle du Bcrro. La Famille royale 6c toute la Cour , quelque part qu'elle foit , boivent uniquement de cette eau. Il y a plus de buveurs d'eau en Efpagne que dans aucun autre Royaume de l'Europe , Se k Madrid particulièrement il y en a plus , à caufe de la bonté des eaux qui n'y font jamais de mal, que dans le relie du Royaume , 6c qui n'altèrent pas la conilitution de ceux qui en font ufage. Ces eaux y viennent des montagnes de Guadarrama-; elles filtrent pendant l'efpace de fept à huit lieues dans un terrein de gravier 6c de fable , qid ne leur communique aucune matière étrangère. Il eft affez fingulicr que dans un fi grand efpace , il ne le rencontre pas d'autres terres qui puiffenî les infecter. Si quelque fource paffe par un endroit terreux , les fontainiers s'en apperçoivent à l'inllant , & toute perfonne le connaîtra pour peu qu'elle y faffe attention , parce que cette eau doit nécef-fairement former quelque dépôt, comme l'eau de la fontaine du Marché de Saint-Louis 6c celle de la grande rue de Saint-Bernard, qui pa fient fans doute par quelque banc de terre argilleufe. Ceux qui auront peine à fe perfuader que les eaux puiffent venir de Guadarrama à Madrid', en traverfant tant de ravins,, tant de collines. ,jfc 502 Histoire Naturelle, tkc* tant de ruilTeaux, ne connoiffent point la marche, fouterraineùe l'eau 6c les principes de cette marche ; mais c'efl ce que je ne faurois m'arrêter à leur expliquer à préfent. Les Fontainiers , fans être Mathématiciens , conduifent les eaux à Madrid avec beaucoup d'intelligence ôc beaucoup de fimplicité. Ils creufent un puits d'environ trois pieds de diamètre , jufqu'à ce qu'ils rencontrent la fource, Ils étendent enfuite une corde perpendiculaire à fon centre 2 & percent une galerie de vingt - cinq pieds de long , oii ils creufent un autre puits. De celui-ci , ils étendent une autre corde horizontale jusqu'au fécond, dans lequel ils font la même opération qu'au premier. Ils dirigent en ligne droite une. autre galerie de la même longueur de vingt-cinq pieds, à l'extrémité de laquelle ils creufent un autre puits, égal aux premiers. De cette manière, de puits en puits , de galerie en galerie , ils con-duifent l'eau à la fontaine d'où ils veulent la faire. fortir. Dans le village de Vacia - Madrid, à trois lieues de cette ville , il y a une fontaine d'eau minérale, froide, qui efl remplie de fel-Glauber, de fel d'Epfom 6c de félénite : ce qui ne me fur-prend pas ; parce que tout le terrein y eft plein de gypfe : aufli cette eau eft-elle très-purgative, 6c je confèille à ceux qui voudront fe purger en la buvant, de ne la fur charger d'aucun autre .fel purgatif, parce qu'elle a par elle-même trop d'activité , 6c parce qu'elle agit avec violence fur certaines perfonnes. D'après la lecture des ouvrages des grands Chymiftes d'Allemagne, & depuis que M. Pvoueile l'aîné a commencé à donner fes leçons publiques., de l?E 5 p a g NE.'. 5>0J< l'étude de la chymie elt devenue générale en France ,& ce Royaume a produit des hommes très-inftruits dans une fcience auffi utile & aufîi ne-çeflairc pour étendre les connoilTances del'efprit humain, Ôc. pour perfectionner les arts. Depuis cette époque, nous avons vu divers ouvrages excellents fur les eaux minérales de France , oc leurs observations fontapplicables, en partie, aux eaux de l'Efpagne, de forte qu'il ne nous relie plus rien à délirer fur l'exact, tude de leur analyfe , ni fur la connoiffance des matières vilîbles &c palpables qu'elles contiennent. Je crois néanmoins qu'il nous relie encore le plus effentiel à découvrir ; c'efl ce ie ne fais quoi qui opère une grande partie des cures faites par ces eaux , parce qu'on voit beaucoup de ces cures. qui exigent une vertu au - cleffus de celle que nous connoiffons aux fels, au fer , à l'acide vi--triolique volatil, & aux autres corps qu'on découvre, dans les eaux minérales, par les analyfes chymiques (116)», (116) On remarquera peut-être dans cet Ouvrage que je ne parle que très Superficiellement des eaux minérales froides 6k chaudes qu'on trouve communément en Efpagne. La remarque fera fondée : je n'ai cependant pas négligé d'examiner attentivement ces eaux ; mais pour traiter cet article félon les règles de l'Art, il faudroit trop s'y arrêter , & faire plufieurs digtf ffions qui ne qua-dreroient pas avec l'objet de ce Livre. On laiffe ce champ ouvert aux Savants Efpagnols , afin qu'ils puhTent l'enrichir de plus de théorie ck. d'expériences, qu'on n'en a employé dans les Livres compofés jufqu'à préfent fur cette matière. On leur recommande fur-tout d'avoir toujours devant les yeux ce qu'on a dit plus haut au fujet de la vertu, falutaire, qui ne dépend point des matières qu'on dé-, couvre par les analyfes chymiques dans les eaux.mi-., néralçs.. 1504 Histoire Naturelle, &.cl Avant d'achever cette courte differtation fur les chofes relatives à Madrid, je dirai quatre mots fur les chèvres qui approvisionnent Madrid de lait frais deux fois par jour. Les habitans de Madrid, qui en font témoins, matin & foir, croiront qu'il eft inutile d'en parler ; mais ils doivent faire attention qu'on n'écrit pas pour eux feuls, 6c qu'il y a beaucoup de pays oii on l'ignore, & on verra peut-être avec plaifir cette courte digrefîîon. Il y a plufieurs troupeaux de chèvres qui en- Enfin , je vais ajouter une feule réflexion } qui, par fon importance, mérite ici une place ; car , ou je me trompe beaucoup, ou elle doit taire impreffion fur un cfprit réfléchi, & peut-être même lui donner lieu de faire quelque découverte importante dans la Phyfique. C!e qu'il y a de certain , c'efl que je n'ai lu dans aucun livie ce que je vais dire. On difpute fur la confiance , fur l'égalité , fur la durée de la chaleur des eaux thermales depuis tant de fiècles. Si c'étoit le feu ordinaire qui échauffât ces eaux , je ne conçois pas comment cela pourroit fe faire , parce que je ne fais ni où réfide ce feu, ni comment il s'entretient, ni comment il peut y avoir dans la terre des matières ocultes qui puiffent le faire fubfifler en brillant fi méthodiquement , & avec tant d'égalité , que le feu & la chaleur n'aient jamais ni plus ni moins «l'activité, il ctt également impofTible que ces matières ne fe confument ; ce qui d'ailleurs ne pourroit arriver fans que ie terrein en fournit quclqu*aîtératiûn. Peut - être quelqu'un attribuera -1 - il ce phénomène à la chaleur que les volcans communiqueront aux eaux ; mais cette foiution eft fufceptible de deux difficultés. La première efl,qu'cn général les eaux thermales font éloignées des volcans. La féconde eft , que ft c'étoit ie feu de ces volcans qui échauffât Jes eaux,cilcs devroient erre fujettev aux vicuTitudes qu'éprouvent les mentes volcans , & être plus chaudes quand ces volcans contiennent plus de feu «I, dan5 Je tmns d'une éruption , où ils vomifîcm une ù de l'Espagne. joy trent tous les jours à Madrid , où l'on a foin de les traire. On les conduit aux champs, pour paître dans les cantons qui font libres ; indépendamment de cela, elles broutent, au printems & en été , l'herbe de l'orge qu'on feme, exprès pour elles, dans les champs voifins. Cette herbe y vient en fi grande abondance, & elle eft fi épaiffe, que peu d'Etrangers pourront s'en former une idée. En automne & en hiver, quand il y a peu d'herbe dans les campagnes, ces chèvres fe nourriffent, en partie , des feuilles que les herbières jettent dans les marchés. On fait que les Chevriers leur donnent, pendant la nuit, autant de fel qu'elles en étende quantité de matières enflammées , les volcans devroient échauffer l'eau à un degré différent de celui qu'ils lui communiquent ordinairement. Néanmoins, nous voyons que d;.. ïeur ni de reffentiment.. Des pierres rçu/Jes & arrondies. _ 'Ai fait très-fouyent mention , dans cet ou-vrage , des pierres roulées & des pierres arrondies , fans avoir donné d'idée de leur nature , ni du motif qui m'a engagé à leur donner ces noms nouveaux dans notre langue. Il efl impoffible de dire tout à la fois : je vais m'expliquer à préfent-cn peu de mots, parce que je veux que le Lecteur puiffe donner carrière à fon imagination fur cette matière ; s'il aime à réfléchir , il aura, matière à former des hypothèfes, J'appelle pierres arrondies celles qu'on trouve ordinairement prefque par-tout, fans angles Se fans pointes ; quoique ces pierres ne foient pas parfaitement arrondies , elles ont les fuperficies plus ou moins unies. Les matières dont elles, font compofées font de différente nature?. be lrE S p a G NI. 507-comme de quartz , de matière calcaire, yitri-jfiable, &c. En Caftillan , on les appelle ordinairement petits cailloux. La première idée qui fe préfente pour expliquer comment ces pierres ont pu perdre leurs angles , s'arrondir & le polir, c'eft de croire qu'elles fe font frottées les unes contre les autres , ou contre quelqu'autre matière plus dure, parce que c'eft le moyen dont nous nous fervôns pour polir quelque matière que ce foit; 6c comme ces pierres arrondies fe trouvent, entres-grande abondance, dans les lits de prefque toutes les rivières , il eft tout naturel de s'imaginer que les eaux de ces rivières les entraînent, 6c que ce mouvement les polit en les faifant rouler : c'eft pour cette raifon qu'on les appelle pierres roulées. J'ai vécu toute ma vie dans cette idée, jufqu'à ce qu'étant à Aranjuès , peu après mon arrivée en Efpagne, je m'apperçus que je parfois d'un principe faux ; parce que les pierres arrondies du lit du Tage ne rouloient point. Cette obfervation me fit redoubler d'attention, & j'en si réuni beaucoup d'autres qui m'ont démontré mon erreur ; mais pour n'être pas ennuyeux, je n'en rapporterai que quelques-unes qui font ûéciftves. Il n'y a point de pierres plus remarquables ni plus Singulières que les cailloux cryftallins qu'on trouve dans le lit de l'Henarès, près de Saint-fernand. Si ces pierres rouloient ou ch. minoient, môme par le mouvement le plus lent & le plus ^perceptible, elles deyroient, depuis tant de fiècles, être déjà arrivées au Tage , qui n'en eft pas éloigné : néanmoins, on ne voit pas une *eule de^ ces pierres dans le 1 âge. Histoire Naturelle, &c.' Le Tage , en paffant par Sacedon , eft rempli de pierres calcaires , &, plus bas, à Aranjuès on n'y en voit pas une feule. Dans, le Royaume de Jaèn, près de Linares, il y a un coteau prefque tout compofé de pierres liffes allez belles, de la forme & de la grolfeur d'un œuf. Leur poli ni leur arrondilfement ne peuvent s'attribuer aux pluies , parce que ces pierres n'y font pas expofées qu'elles ne font pas répandues fur la furface de la terre-, mais amoncelées ck entalfées dans le corps du coteau. On- peut encore moins en attribuer la caufe k quelque rivière ; car je ne vois pas par quelle hypothefe, ou par quelle chronologie, ou pourroit imaginer qu'une rivière a paffé. fur le fommet de ce coteau. Dans le village de Maria, trois lieues au-deffus de Saragoffe, il y a un ravin très-large rempli de quartz, de grais, de pierres calcaires & de gypfe très - blanc , & l'Ebre, k Saragoffe , ne contient pas une feule de ces matières. Perfonne, je crois, ne pourra dire qu'il ait vi*? dans le lit de l'Ebre , des pierres de granité arrondies , grandes ou petites , ni des pierres bleuâtres avec des veines blanches ; & la Cinca 9 avant de fe jeter dans l'Ebre , elt remplie de cos pierres, au point qu'elle ne roule d'autre fable que ces mêmes pierres très - petites, près de Saint-Jean, dans la vallée de Giftau* La rivière de Naxera eft pleine de petits grai$ & de petits quartz blancs, en forme d'amande ? mêlés avec d'autres petits quartz roux. Cette rivière fe décharge dans l'Ebre , & a* paffage àe l'Ebre, à Saragoffe, on n'y voit aucune de ces pierres. % t lvE s p à g n e; Ha Guadiana roule, dans divers endroits , des "pierres de la qualité de celles des collines fupé-rieures, & de celles qui font fur fes bords, fans que les pierres qui font, par exemple, une demi-lieue plus haut, foient mêlées avec celles qu'on trouve une demi-lieue plus bas; & à Badajoz, où le terrein n'a point de pierres, la rivière n'en a point non plus. Ce n'efl point feulement en Efpagne que j'ai obfervé que les pierres des rivières ne roulent pas : j'ai fait la même remarque dans plufieurs autres Royaumes ; mais, pour ne pas multiplier les preuves , je citerai feulement ce que j'ai vu dans quelques rivières de France. L'Allier contient , proche de fa fource , à une demi-lieue de Varenne, une quantité de différents cailloux de quartz roux Se jaune , qui font de la nature de ceux qu'on trouve dans les champs qui le bordent ; & au paffage de l'Allier à Moulins, je n'ai pu y découvrir aucun de ces cailloux , parce que tout le terrein y eft de gravier. Vers la fource de la Loire , on trouve une immenfité de cailloux ; plus bas, à fon paffage par Nevers , on n'en voit aucun ; ôc le fond de la rivière, dans cet endroit, efl de fable pur Se de caillou , comme les campagnes voifines. Il y a une grande quantité de pierres à fufit dans la rivière d'Yonne , avant fou paffage à Sens , parce que les terres de fes bords font pleines de ces cailloux depuis Joigny. L'Tonne fe perd dans la Seine , au-deffus de Paris ; néanmoins , je ne crois pas que perfonne ait vu, fous' le pont-neuf, un feul de ces cailloux : qui plus efl, perfonne n'aura vu que la Seine roule, erj po H f stoïie Naturelle, Sec. pailant par Paris, aucune efpece de caillou calcaire, arrondi ou non arrondi. Ce qu'on voit dans le Rhône efl encore plus; décifif ; & comme divers Auteurs ont parlé de ce fleuve -9 ainfi que du lac de Genève , d'une manière incompréhenfible ; pour moi, je vais rapporter brièvement ce que j'en ai vu moi-même, qui fera peut - être plus certain , comme étant plus naturel. Une vallée bordée d'un côté par les hautes montagnes des Alpes, ck, de l'autre^ par le Mont-Jura , forme le fond du lac de Genève, qui a dix-huit lieuefi de France de longueur. Une petite rivière Se un grand nombre de ruiffeaux qui defeendent des montagnes ck des côtes, remplif-fent la cavité du vallon ; l'eau qui déborde forme le Rhône, près de la ville ; ck comme, dans cette partie , le lac a moins de profondeur que dans fon centre, l'eau y efl très limpide Se très-tranf-parente. Les cailloux du fond y font couverts de moufle , parce que , même dans les plus grandes tempêtes, les eaux ne les font pas mouvoir de la place ou ils font tombés la première fois. Le Rhône, après être forti du lac, roule fes eaux fur un ht de cailloux pendant l'efpace de quelques lieues ; il entre enfuite dans une gorge étroite , formée par deux rochers coupés perpendiculairement. Il traverfe enfuite la haute montagne du Credo, au pied de laquelle le Rhône difparoît ou fe perd, par une caufe bien différente,de celle qui fait difparoître la Guadiana. La montagne du Credo efl un compofé de terre fablonneufe ,remplie de pierres arrondies» depuis le fommet jufqu'à une grande profond 'de l'Espagne: 'fit ;3euh En face de cette montagne , il y en a une autre en Savoie, d'égale hauteur, qui eft également remplie de petits cailloux iablonneux , cataires --9 de granité, ôc de-pierre à fuftl ; ÔC c'eft entre ces deux montagnes que paffe la rivière. Comme le pied du Credo eft de couches '■■de roches calcaires, qui différent entr'elles par la dureté, les eaux , avec le tems, ont miné ÔC détruit une couche de la pierre la plus tendre qui fe trouvoit entre deux couches de pierres plus dures , ôc la rivière s'eft jetée au milieu. Je paffai par-deffus la roche fupérieure qui pénètre dans les bâfes des deux montagnes ; je iraverfai la rivière, ôc je paffai de France en Savoie, en moins d'une minute, n'y ayant pas quarante pas d'un bord à l'autre. Cette voûte fin-gulière eft percée dans quelques endroits , ôc l'eau qui fort par les trous paroît bouillonner au milieu de ces énormes maûes de rochers qui fe font brifés. C'eft - là la fameufe dlfparition de ce fleuve , fi connue fous le nom de perte du Rhône , qui peut avoir environ foixante pas de large. On trouve, à une portée de fufil, une disparition femblable, mais celle-ci eft plus petite : elle provient également de la deftruèlion d'une autre roche tendre, par la cavité de laquelle le Rhône entre avec la plus grande rapidité, après avoir formé une cafcade. Après avoir expliqué de cette manière la nature du Rhône ôc de fes difparitions, voici comment je raifonne. Si les pierres rouloient avec les eaux des rivières, les vuides qu'il y a dans le Rhône devroient en être remplis ; car lorfque le courant entraîne ces pierres , dont une infinité eft pouffée en avant, il faudroit nç«- Yit Histoire Naturelle, Sec. ■ceffairement qu'il s'y en arrêtât quelques - unes clans les trous ; or, comme je n'en découvris pas la moindre trace, quoique le lit de la rivière, depuis Genève jufque-là, l'oit, pour ainfi dire, hérilTë de ces pierres , j'en conclus que ces cailloux ne roulent pas ; mais ce qu'il y a encore de plus concluant que tout le relie, c'efl qu'au fond des paffages couverts , dont nous venons de parler ,oi* DE l/ESPAGNI.* 515 L'eau tk le tems font des ageus affez puiffants pour opérer des phénomènes très-finguiiers. Le monde eft plein de pierres arrondies de toutes fortes de formes , ck de différentes natures. On en trouve dans les vallées , dans la terre ,à une grande profondeur, fur les coteaux & fur les montagnes les plus élevées. J'ai vu des ■diamants arrondis couverts d'une légère croûte; j'ai vu des zaphlrs ôc des topafes d'Orient ar-^ rondis , ainft que des cornalines du Levant également arrondies , ôc groffes comme un œuf avec fa coquille. Les criftaux du Rhin n'ont pu s'arrondir , parce que, de leur nature , ils ne font pas angulaires, & parce qu'ils forment une maffe déjà arrondie par leur compofition naturelle ; en quoi ces cryftaux différent des cryftaux de roche ordinaires , qui font formés en feuilles ou lames, de figure régulière. Plufieurs Savants ont été trompés à ces cryftaux du Rhin, parce que, comme ils en voyoient également à deux li. u:.s de Strasbourg, au milieu des terres , ils fe figuroient que la rivière avoit changé de lit , préoccupés, de l'opinion que la rivière les emportent clans fon cours : mais ils ne faifoient pas réflexion qu'on ne trouve pas un feul de ces cryftaux à quelques lieues au-deffus du vieux Brifac , ni au-deffous de Strasbourg. Enfin, li les rivières rouloient avec elles les pierres arrondies , elles en contiendroient toutes à leur embouchure clans la mer , Ôc il ne pourroit pas y avoir des bancs de fable à,leurs embouchures , parce que les pierres devroient remplir tous les vuides des endroits où la rivière eft tranquille, tk fauter enfuite par-deffus ; ce qui n'arrive certainement pas. Le fond même de la. \\6 Histoire Naturelle, &c: merdevroit changer ,en admettant qu'elle reçût une auffi grande quantité de pierres qu'on doit iiippofer qu'elle reçoit p^u- toutes fës rivières de l'Univers j & pour lors, les obfi-r.allons des marins ferviroient de peu de chofe ; mais ceux-ci favent bien qu'on trouve toujours avec la fonde les mêmes matières dans les fonds, ce ils ont bien raifon de fe conduire, d'après des expériences , & non d'après une hypothefe. Me voici arrivé à la fin de ma carrière. Fai expliqué , comme j'ai pu , quelques - uns des phénomènes eue la nature offre en Efpagne ; il auroit été ?:i'-acffus de mes forces d'en embraflèr la totalité. D'autres, plus habiles , viendront après moi, & perfectionneront ce que j'ai commencé. La été concis dans mes explicatiors r tk je l'ai fait à d< û'ein :. j'ai pour maxime de denner âmes Lecteurs plus à penfer qu'à lire : je finis en formant des fouhaits pour les progrès de l'Hiftoire Naturelle tk des Sciences, fi favorifées en Efpagne par la protection tk par les fec ours que Charles III accorde à fes Sujets ; car ce Livre efl un effet de fa protection & de fa gé-nérofité. FIN* mm