VOYAGES DE FRANCE, Ö'ESPAGNE, DE PORTUGAL, ET D'ITALIE. TOME SECOND. VOYAGES DE FRANCE, D-ESPAGNE.DE PORTUGALj ET D'lTALJEi Pak M. TOiME SECOND, A PARIS, Chez M E R L I N , rue de k Harpe , a riniage Saint Jofeph. M. DCC L XX. Avte A£froiatlon & Pr'mlege du Koj, .-■TT- . . • c' /I' « > » - • C r r R E L A T 1 o N D'UN VOYAGE , DE PARIS EN ITALIE, ES?ACNE ET PORTUGAL; Du 22 Avril lyx^, au 6 Fevrier ly^o. DU ROYAUME DE NAPLES, S.T DU CARACTEKE DES NAPOLITAINS. J E partis de Rome le 5 Jiiin. J'y pris un Paffeport du Cardinal Cienfucgos , c'eft l'ufage : il en falliit prendre un autre ä Naples pour le retoiir. Je fis en öllant & en retournant la mcme route i »1 y a dix-huit poHes, c'cÜ environ cin-Tome II, A (O qliante Heues de France. On pafTe paf Velletri, Terracine , Fondi , Mola Capouc. La fcparation de l'Etat ccclc-fiaftique du Royaume de Naples, eft ä line lieue de Terracine. II y a iine barriere ilir le cliemin, & quelques Sol-dats, Ce fntlu ou l'on me dcnianda ä voir mon PafTcport. J'arrival a Naples le 7. J'en repartis la nuit da i i au 13 , & je fus de retour ä Rome le 14 au foir. Les poft.es font parfairement bien fervies; les aiiberges ne valent rien ; Tair eft dangereux : en" forte que j'allai Sc que je rcvins d'unc traite ; & ceux qui font en etat de fou-tenir cette petite fatigue, feront bie^» d'en uf'er de meme. Le Pays de Rome k Naples, refTeßi' ble ä celili de Rome ä Viterbe , c'efr^' dirc , qu'il eft prefque defert, & q"® l'air y eft mortel pour les Etrangers q»'* J dorraeiTt une nuit dans Ic terns de^ (i) Standes cVialeurs. II n'y a que deux aiis celui qui alloit pour etre Conful cle France ^ Naples, en fit une funefte experience. Quoique ce Pays foit mal cultlve , on reconnoit cependant qu'il y en a peu d'ariffi fertiles. On volt dans quelques endroits des olivicrs , & tlu cote dc Fondi des orangers. Le Pays de Ca-po«e paffoit autrefois pour im lieu de dclices. La Ville de Capoue eft b;ltle h oient, en enfongant Icurs mains dans la cendre, öd je me tenois ä Icur ceinture. Des fouliers & des bas de peau que j'avois furent entierement brü-Us, ou , pour parier plus exa^lemcnt > C") feches nn tel point, qu'ils ne fiircnt plus en etat de iervir. Je mii une hcure •ßi lin quart pour monter : j'arnvai au fommet, & je lalffai paffer im niiagc qui iti'en deroboit la vue : ie goufre eft de forme I'onde, & n'a gueres, ä vue d'oei!, que treiite pas de largeur: on entend im grand bruit, I'on ne pent apperce-Voir le fond. Les fiimees que jette la inontagne font fres-piuintes, tons les herds du goufre font converts de fou-fre. Jc n'y reftai pas long-tems, l;i prudence I'eTfige: eile exigeroit meme qu'on n'y montAt point. Je ne mis qu'un qiiart-d'heiirc & demi pour defcendre. Quand on va de Naples i JPoiizol, on pafie par la Groite de Paufilippe. C'eft le nom d'une Montagne qui fe ter-i mine k la mer. On I'a percce pour faire un chemin : il eft taiile tantot dans le Roc, tantot dans le Tuf, felon que Tun OU I'autre fe font rancontrcs. Ci;tto Grotte n'efl: pas cgalemcnt haute pat> tout : deiix chariots y pciivent facile-mcnt pafler de front. La pouffiere Tobfciiritc rendent ce palTage fort dcfa.-grcable, 11 a un peu plus d'lm demiquart de lieiie de long. Pour ne fe point rencontrer , ceux qui vent ä Naples prenncnt le cote de la mer; ceux qui viennent de Naples prennent I'autre cote. Cette Grotte ell fort andenne; Seneque en parle; I'exprefTion de foa ancien Traduäeur eft inimitable : fa^ he faupoudti dans La Grout de NapkS' { Ceft dans la clnquante - ieptieme Lettre ), La dcfcription quil en fait fent bcaucoup fon retour. Les uns difent que cette Grotte efl" un ouvrage de Luculi-lus; Ics autres veulent que ce Ibit de Cocceiiis. Ce que j'ai iu dans un Livte, qui a poLir titre : « Del'crittione d'ell« Gitta diNapoIi, & del liio amantiHii«» w dißretto », eft ce qiti m'a te plus tnl tisfait. II expUqiic les Paffages de Plind 6c de Plutarque: il prouve que la Grotte que fit Luciilliis eft dlfferente de celle-ci: jl indlque les mines de Celle de Lu-culliis : H rapporte un Pafiage de Strabon, qui dit , que c'eft Coccelus qui a fait cette Grotte du Paufilippe ; & il paroit par les termes de Strabon, que ce Coc-ceius ne fut que l'Architefte qvii con-dulfit l'ouvragc. Au-deffus du Paufilippe eft un aiicien monument, ä demi dt-truit. On dit que c'eft le Toinbeau de Virgile. Ce fentiment eft fonde fur un PaflTage de Claude-Tibere Donat, qui a ccrit la vie de Virgile : « Son corps, dit » cet Auteur, fut, fuivant fts dernieres M volontes, tranfporte Naples paries »ordres d'Augufte , & enfeveli i\ir »le chemin qui conduit a Pouzol : on » mit fur fon Tombeaii ces deux Vers , » qu'il avoit &its pour lui fervir d'Epi->1 taphe » : (u) Mantua me Genuit, Csbliri rapucte , tenet ntintf Partlienofe. Cecini psfcua , rura , duces. Cette Epitaphe nc fiibfiile plus. Elle eft cl'uii latin qui feroit croire que cette Vie de Virgile par Donat, ell un ou-■vrage fuppofc. On voit llir le Mont Paufilippe, dans iine Eglifd qui qA fur le bord de la mer , le Tombeau du Poete Sann^zar : ce Tombeau efl de inarhre blanc, & I'oiivrage en efl eftl-ir;e. Ce Pocte s'eft au'fli fait fon Epitaphe : eile eft gravče fur Ion Tombeau , alnfi qu'une autre Epitaphe que fit le Cardinal Behibo , qui aimoit les S^a-vans , & qui lui - meme Tetolt, Void celle de la comporition de ce Cardinal: Da facro cineti flores ; hie il!e Maroni Sincerus Mufa , projiimus ut.TumuIo. • Sannazar avoit pris le nom d'Aftius-Sin-cerus. L'Egllfe ofi fe tronve fon Tom-beau s'appelle, Sanda Maria d'cl Parto. M Ce nom eft relat'f ä un de fes Pol'mcs qui eft talt fur les Couches facrces de h Saintc Vierge. Les ornemens dont on a embelli le Tombeaii du Poete , & ceit^: dont le Poete a orne fon ftijet, font en-tlerement profanes , & ce melange des Fables du Paganlfme avce les Myftcres de notre Religion , rcvolte autant le Chretien, que la delicatcflc de la fculp-lure du Maufolee, &r la puietc dii flyle du- Poiime , plaifent aiix Sculpteurs Sc aux Poetes. Au-deU't dii Paufilippe eft le Lac d'A* guaii: c'eft far Ics bords de cc Lac qu'eft une petite Grotte , que I'on appelle commundment la Grotte du Chien , h caiile des experiences que Ton y fiiit fur cet animal. On pcfe un Chien iur le cote, celul qui le fait fe tient k" plus droit qu'il eft poffible, le Chien a I'inf-tant -fe roidit; on le retire hors de la Grotte, comme s'il etolt mort ^ on le b^) fette enfiiitc dans le Lac , & clans im autre iiiftant il reprend fes efprhs. On attribiie cet efFet i la vapeur da ibu-fre qui fort de eette Grotte , mais on n'cxplique pas bien comment cette va-penr agit fur le Chien : voici comment je le con^oiSt Cettc vapeur tient de la nature du feu, I'air dolt done ctre ex-trcmcmcnt rarefie, & c'eft ce qui prodult dans le Chien le defaut de la refpi-ration ; I'air qui eft dans le corps de cet animal, ceflant d'etre comprime par I'air exrcrieur, agit avec force, roidit Tanimal & le fulFoque, Conime I'eau ell iin clement plus condenfe que I'air, ell® remedie k Teffet qu'avoit produit un air trop rarefie; eile comprime de nonvcaU I'air qui eft dans Tinta-leur du Chien, & rend k cet animul fon etat naturel. Unc autre exp^-ience que Ton fait da^s cette meme Grotte , coniirme ce r^'ifoi^' nemeat; c'cil cells d'un flambeau q"' s'cteint J'žtelht quand an I'approche de la feJrreJ Car la flamme ne fubfiftant que par Id Rioyen de I'air qui la comprime » lörf' qii'elle ne trouve plus cette refiftance * eile fe diflipe, & le flambeaü s'etelnt t c'eft ce que Ton peut experimentef avec la Machine Pneumatique. Sur-les bords du m6me Lac fortt de$ Bains : Us opercnt par dc ttk- abon-dantes fueurs. G'eft un excellent remede, ^ partlculierement contre le mal Napo-litain, « La Nature , qui eft une mere » indulgente ( dlt Paffcls, qui a fait unc »» Relation d'ltalie ) a mis ordinairement »V dans les Provinces la fbiirce des reme-» des pour y guerir les maux qui y font »les plus cortmunswk Avant que d'arrivef ä Pouzol, on paffe a la Solfatare , c'eft ainfi que I'oa appelle utie petite Vallce entouree de "i^ontagnes, & couvtfrte de foufre. Ells eft ouverte en plufieufs endroits, & cöS Tomt 11. B Ctf?) ouvertures exkalent une fiimee cotit^niielle. Quancl on y inar<;he, on entend la terre rflifonner fous lespieds. Uli endrolt auffi extraordinaire a fovirni iinc vafle carhere ä rimaginaticm des Poetes. lis Tappelloient Forum Vulcanii i!s ont dit que les Geans avoicnt ete pre-(^pltes fous ces montagnes; & depuis CCS Poetes , pliifieiirs perfonnes , non par imagination , mais par foibleß'e d'ef-{irit, ont ecrit tres-ferieufement que ces oLivertures etoient les foupiraux de I'en-fer. On tire da cet endroit beaucoup ds vitriol & de foufrc : on y foit le pli'S parfait alun dc roche. Cell une cfpece de fei foffile , t» qui Ton donne la der-niere preparation, cn le reduifant dan* imü efpece de mortier que I'on jet^® dans des chaudieres de cuivre ajußeeS fur les ouvcrtures de !a Solfaiare. Ce« chaudieres font remplies d'cau que font bouillir les feux Ibulerraitis : on dii^r^' 09) W enfuite cette eau dans des canaxut de bois. L'alun s'attache fur les bords de ces canaux , &c y forme mille pointes varices, affez femblables ä celles que Ton voit fur les bords d'un etang qui commence ä fe glacer. L'air de cette Vallee , quoiqU'infeöe par I'odeur du foufre, ell excellent pour pluficurs maladies. Quantite d'Anglois, qui, dans le tcms de leur jeunefTe, ont trop aimd les plaißrs , viennent relpirer cet air pour raffermir leurs poulmons, & r^ta-blir leur poitrine: il y en a toujours plu-fieurs qui ne font h Naples que poiu-I'aifon de fante , & qui y prolongent leur Vie, tandis qu'ils mourroient ä Lon-dres de confomption. Le fable dont on fe fert ä Pouzol merite line remarqiie. II entre dans la com* pofition d'lm mortier , qui durcit com-me le marbre m6me dans la mer. Vi-tririve , ce famcux ArdiiteÖe, en fait no Bij (io) grand cas; & Pline , qui etolt fi verf« dans les fecrets de la Nature, le vante aufTi beaiicoup. Strabon ne I'a pas oa-blie. Lorique je paflai k Pouzol, il y flvoxt un bätiment qui y chargeoit de ce fable pour le porter k Malthe. On voit k Poiizol plufieurs fiiperbes mafures, qui font foi de fon ancienne magnificence. On y apper^oit les debris d'lin amphitheatre, & de plufieurs Temples Palais. Le Mole, qui formoit autrefois le Port, ctoit d'une conftruöion finguliere ; car ordinairement un mole eft entierement foIide,& celui-ci etoit perce par des arches dont plufieurs pi' ks fubfiftent encore. Le peuple les appelle le Pont de Caliguli;. Ces piles etoient fuffifaotes pour rompre les va-gues; & par le moyen des arches, fable que I'eau des pluyes entralnoit avec elles en grande quantitc, trouvoit undegagement. Miffon, dans fon voyage d'ltalie i prouve, par I'autorlte de Sue-tone , que le Pont de Caligvila ötoit iin Pont de vaifieaux, & non pas un Pont de pierres. Strabon parle des ouvrages qui avoient et^ faits dans la mer, & qui fervoient A la surete du Port de Pouzoli autrefois tres-frequente. II ne dit point qui les avoit fait conftruirc ; mais ce Geographe Hiflorien etoit- mort fous Templre de Tibere, le prcdeceffeur de Caligula. Le Pont que fit faire Caligula alloit depuis Pouzol jufqu'ä Bayes ; il etoit long de plus d'une grande lieuc. Dion Caffius raconte. toutes les folies que fit cet Einpereur, & en particulier Celle de la conftru£Hon dc ce Pont. La cote de Pouzol 4 Bayes eft fi rem-plie de chofes extraordinaires , qu'elle a fourni i Virgile la matiere du iixieme Livre de fon Eneide. C'eft-lä oii il a pris les idees de I'Antre de la Sibille , de la Defcente d'Enee aux Enfers, do Bilj (lO ftiii Achtronj de fon Cocyte; ^e fn Champs Elif^es, & des autres fiftions agriables dont il a rempll cet endroit de -fon Ouvrage tl I'lmitation d'Homere. La viie de cfcs lieux a reveille fes idees poe-tiques ; fon Imagination a fait le refte. L'air du Lač d'Averne n'eft point in-fefte. Ce qu'on appelle communement la Grotte de la Sibille eft aupres de ce Lac; le paffage par ou Ton y entre, eft embarraffe dis ronces & d'epines: cette Grotte alloit jufques dans la Villfc de Cumes , mais au)ourd*hui on ne peut pas penetrer au-delL\ de trois cens pas: elle eft large d'environ dix pieds : apris avoir fait deux cens pas, on trouve i drolte un autre chemin fouterrain, mais beauconp plus tlrolt : il conduit dans plufieurs p-ctites chambres oii il y avoit des bains : ccs chambres etoient autrefois , fiiivant le rapport dc plufieurf R«* Utioiis, pcintes ^ prnccs de Mofaiques* M ön PaflTagede Sfrabon pfOave qutcette Grotte n'a point fervi k la Slbille dc Cti-mes : eit voici la traddälon; eile eft tiree dii Livre cinq. Le Paffage eft int-pört;int pour I'expUcation de pkifieurt ai»tiquites. C'eft un G^ographe Tjavant & Claire, qui parle d'urie chofe arfiv^e de fön terns. II rappwte premier^raeiit qu'Eptiorus, ancien Hiftorien (qiii etoit de CuiTi^s, & qui vivoit du terns d'A' lexandre ) dlt que Ifis Cimmeriens , an" ciens Pcuples qui habitoient du dc Cumes, n'avoierit point d'^autre demeu-re qii« des atitres foottrfalns, II ajoute mfiiit^, « mais r par les AjicienS. Agrippfl a fait.r^ctm-» meirt couper la foret qui etolt fur les » bords dlt Lac d'Avcrrx;, on a fait des » bifiiiicns fur les cote^us {|tu environ »inenf ce Lac, &t uneiOrOtte qiii con^ » du if jufqu'ä Qtm^s; en fort« q«« UHil"- B IV (H) i* toire de ces antres Ibutetrains parok » une fable. II paroit que Cocc«ius qui v a conduit I'oiivrage de cette Grotte, w & d'iine autre qui va de Pouzol k Nat* ples , fe fut propofe de verifier les fa» bles que je viens de raconter des Cinv » meriens ». Outre ces efpeces de Grot' les, il y a plufieurs bälimens ibuterralns, mais la plüpart font combles de leurs propres mines, Ii eft aife de juger par leur conftniöion, que cc font des ou-vrages des Romains ; il eft fouvent alTex difficile de connoitre quel etoit leur ufage. Un des plus remarquables , & dont il refte encore affez pour juger d« fa premiere magnificence & de foo ufage , eft appeile Pifcine admirable-Ceft un edifice fouteriain, batj & voiV te de briques, fouteiiu par quarante-huit pitaftres, Sc difpoies de maniere qu'ü^ forment cinq Alices. Cet er^droit ^toi^ Svlvetn^nt deftine poyr rccweillir cO'V (M) ferver tes II y a un autre edifice S peu-pres femblable du cote de Mizene ; cette Ville & celle de Cumes font peu cloignees de Bayes , uti Voyageur qui ne fe contente pas de la vue des debris d'antiquitcs qui font entre Bayes Sc Pouiol, doit y aller : il y en verri encore line grande quantity. Comme les environs de Bayes & de Pouzolfont rempUsd'une infinite d'eaux falutaires, il y a auflx une infinite de baffins : il y cn a un qui eft fur le bord de ia mer. Le fable dans cet ondroit con-ferve vine cHaleur, que I'eau de la mer qxii le rafraichit continuellement, ne ffanroit entieremcnt diiTiper. On def-cend ä la foitree par un chemin pratiqnd dans le rochei-. La chaleur que prodiiit cette fource, provoque une tr^-grande fueur, & cette chaleiir eft mšme affez grande pour fufFoquer. On fe d^robe ghakur en baiflant extraixieinent la () tete ä tin pled & denii de Ufre~, ear If chateur gagne le haut de la Grotte ; au fond de cette Grotte, oü j'eusila ctirior fite de defceodre, eft la fource : I'eau cn eft prefque brillante. Bayes ^oit un Heu de delices pour le» aiici^ns Roitiajns, oii le libertinage gnoit, & tout ^tolt ä craindre pour une vertu mal afferroie. Le bord de la mer etoit couvert de therm« & de temples, mals ce,ne font plus que del monceaux de pierres, fur lefquels on ne ffauroit porter un jugement fort sör. - On apper^oit encore quelqties mor-f ceaux de fculpture & des fragmens de bas reliefs; mais comme les endroits qui fe font le mleux conferv^, font ceux qui font ä deml enterres, 8c qu'on n'y cntre qu'avcc des flambeaux, la fi'" inee a noirci les has reliefs , & fo«' vent les Etrangers les rompent pour apporter quelques morcean:«. Bayes n'e^^ 1*7) hatwrellfement qu*une forter«ffe oii il f SL quelques foldats. Le terrein meme en eft incülte : ce n'eft plus qu'im defert, Sc plutot la demeure & la retraite des ffirpens, que celk des hoitimes. La curlofite des Etrangers fe termine ordinaircment ä la vue de Naples, &c- ä ccUe dfc feS environs, Le commerce qui fe fait ä Naples n'eft pas fort confidera-hle i il cohftfte en quelques o a vr ages de foie, quelques parfums, & quelques bagatelles qui ne font point un grand objet, L'Hiftoire du Royaume de Naples «ft remplie de cataftrophes qui la ren-^ dent intereffante. 11 y a pen de Rtiyaumes, dlt un Hlf-torien critique , qui ait foiiffert autant de revolutions que cekii de Naples ; & fl f en & treS'peu aufli ou les Peuples foient plus enclins ä la revoke, & plus amateurs de nouveaute, Ce n'ert pas. B^anmoins qu'ils foient meilleiffs -(oIt (i8) Hats que les autres Peuples d'ltalie ; inais peut-etre če caraöerc vient, ou dc I'ainbition des Grands, ou dii melange des Nations conqiierantes qui fc font emparees de ce Royaume, dont le fang conferve toujours la meme iinprcf-fion d'inquietiide propre aux Peuples bclliqiieux. Les Pheniciens , les Grecs^ les Romains, les Sarrazins, les Francois , les Arragonois , les Caftillans les Allemands fe, font rendus fiicceffive-ment & diverfes fois maitres de ce Royaume , qui feroit beaucoup phis important qu'il n'eft, fi le Peuple y etoit audi induftrieux , qu'ii y.efl dur, farovi-die & cruel, au moias dans les Campa* gnes &C dans les Villcs eloignees du coir-inerce des Etrangers, A Naples la Noblefle aime le fefte, tneprife les Etrangers, Les Napolitain® •ont vindicatifs ä Texces , defians , ja ' ^oux f fuperftitieux; ils fe portent au* (^9) Crimes avec facilite : ils font exti-emei ment faineans, mols & parefleux: ils n'aiment que le luxe & le plaifir, & je croirois volontiers que ces inclinations provienftent de I'lnfluence dii climat , le plus heureux & le plus fertile de t oute ritalie. Strabon rapporte que quelques Romains s'y retiroient pour y metier une vie tranquille. Void la traduftion de fes paroles, qui ne fervent pas pen a faire connottre le caraöere des Napo-lltains. On vit ä Naples k la fa^on des Grees ( c'ell-ä-dire , dans la molleffe ) c'efl; le genre de vie qu'embraflent ceux qui fortent de Rome dans le deffein de vivre dans Toifivet^ , & qui d^s leurs jeunes annees font morts aux travaux , ouquiyfoit par foiblefie d'efprit, foit par foiblefle d'age, foiihaitent de mener une vie plus aiiee. Plufieurs Romains , qui ce genre de vie plait, cho'ififlant le fejour de Naples, ils y voyent uiie (30) infinit^ de gens qiu ne s'y occupent qül de Leur repos. II fetoit affez difficile de bien repr^-fenter l'^tat pr^fent du Royaume de Naples. Je vais, en fapportarit les traitf dont s'eft fervi Boccalini, pour depein-dre U tyrannic des Efpagnols, donner line idöe de celle des Allemands, qtü iraltent les Napolitains plus fev^remeflt qu'ils ne Tont jamais ete. De ces trai« plufieurs ferviront ä faire connöStre caradere des Napolitains. Boccalini fe fert d'iine allegorie fine &c delicate: eile «ft dans un de fes Ouvrages, qui a poii' titre : PUtro ddparagom Politico. II fiip-* pofe que ce Cheval, que les Napoli* tains prennent pour leur Emblžme, ^ qui ne peut, ainfi qu'ils fe vantent, fou^' frir ni feile, ni bride, eft amene dans I« Place publique : U des Marechaux poü-tiques difcourent fur fon etat, 6c ordon-nent ce qu'ils jugent de plus n^ceflairc (30 povir modifier un Animal Ji fier, Ii in-; conltant, Ti fcdltieu):, qui pliiiieurj foii dans im meme terns ä mieiix aime fe laif-fer monter par deux Rois que par im f€ul. On le tJre done de I'ecurle ; 11 eft fl foible, qu'A peine il peutfe foutenir. On le trajne avec des cordes jufqiies dans la Place : fpeftade deplorable J Ce Che-Val, autrefois 11 glorieux, eft tellement confumi &fi maigre, qu'on lui eompt« les OS ; il a I'echine toute d^chiree, & comme les exc^s de fatigue qu'on lui a fait effuyer, Tont rendu poufTif, il a les narines fendues. Neanmoins les Efp; -gnoU s'en möfient; & comme s'ils le* Craignoient beaucoup , & que le danger fut prochain , ce Cheval a des enlraves^ un canecon, &c des lunettes, Les Mare-chaux politiques ordonnerent tous iina-nimement qu'on haufl'ät le ratelier plu» qu'il n'etoii, Sc qu on lui retraiichät un *ters de I'avoine qu'on Uii donnoit par (30 jour. Par hafard fe trouverent lä quet-z rare de boire de, C iij bon vin en Italic : en Tofcane le Virt ordinaire eft fupportablc : il y a du vin choifi qui eft tres-excellent. Dans toute la Lombardie le vin eft extremement epais , d'une fadeur , on d'une aigreur tgalement defagrcable, Le chemin de Radicofimi, jufqu'aux approches de Sienne, eft mauvals : A trois Ueiies cn-de^c^ de Sienne , le pays s'linit & devient fertile : il continue de I'etre jurqu'k Llvourne. En allant de Li' voiirne m Florence, je pafTai par Fife, Liicques , Piftoye & Pogglo-Cai'ano-Lucques eft line petite Rcpiiblique qui fera un article fcparc. La Ville de Sienne eft fituee fur une colline ; Fair y eft tres-bon ; les rues font nettes & prefque toutes pavees de briques coucbees iur le cote : l^s eaux y font excellentes : on. y par'® bon Tofcan, fans I'aprete du Florentin ; les Sicnnois n'ont 4'aiitre richefie (39) _ ragricultiirc. Cctoit autrefois im« Republique adez puiffante : fon Gouvernement eft prefque femblablü ä celiii dont eile itfok lorfqu'ellc etoit librc. On Icur a laifTe, dit une Relation Ita-llenne , leiirs anciens Magiftrats, leurs Confeils , Taiitorite du Palais oil rcfide ia Seigneurie, & enfin les reftes & I'om-bre dc leur RcpubHcjue eteintc le Grand Due y ayant un Gouverneur qui reprefentc le Prince par une autorlte fu-prcme , & fans le confentemeni duquel On ne pent rien faire. Ce fut Philippe II. qui ceda en arricre-fief de I'Empirc I'E-tat de Slcnne ä la Majfon de Mtidlcis ; mais il fe referva Orbitello & Porte-Ercole , deux Ports de mer fitucs fur la Cütc de Sienne, qui pouvoient brider la Tofcaiie , & par le moyen defquck il avoit toujours iin pied en Italic. Ces Places apparliennent aujourd'hui pereur, Ciy (40) V!s-ä-vis tics cotes de I'Etat de SlsnnC' eft I'Ifle d'Elbe ^ ou le Roi d'Efpagne a Portolongue. Cofme, le premier qui ait etc revctLi ds la qualite de Grand Due , obtint, par Fcntremire de Charles-Quint , rifle d'Elbe , quiappartcnoit au Prince de Plombino, ibus pretext« que ce Prince ne pouvoit la defendre contre les Corfaires ; & les Efpagnols, par bienieaiice , riinpatronifcrent dans Portolongone. Ce qn'il y a de plus re-iiiarquable dans Sienne , eft I'Eglife Ca-thedralc : elle eft batie ä la gothique, C'eft im edifice dont la beaiite eft d'aii-tant plus remarquable , que tout eft acheve ; car on trouve rarement de grandes Eglifes qui foient conduites ä leur derniere fin ; elle eft route de marbre noir & blanc : le pave eft cle marbre rapporte en pierrcs de mo-' faique. Lcs ornemens de fon archi-teäurc fpnt des plus beaux en lei-i? (40 ferpccc, Sr fur-teilt ceux du portail.' L'architeöure gothiqiie a cte long-tems uJitee en Italle. La dcllruäion de TEmpire des Romains &c rinvafion des Barbares y introdinfirent ce gout, con-forme au genie des Nations conqueran-tes. Les peuples s'accoutumerent ä cette rnaniere de bätlr qui fait paroitre les edifices exhauffcs, & d'unc hardiefle de travnil capable de donner de l'etonne-ment. Les beaux arts fe retablirent avec les belles lettres. La lefture de Vltruve, cet Auteur unique de Tancienne archi-teflure, devenuc pltis familiere & jointe a rexanien des anciens monumens , fit remettre en ufage des regies des prin-cipes qii'on avoit ignores depuis ia decadence de l'Empire Romain. Entre urt nombre confidcrable de grandes Eglifes conflruites k la gothiqiie, il y en a d'an-ciennes qui ne manquent ni de folidite ^ ni de beaut^ ; on en v oil qui, jufqu'^ (4^) nos jOurs, fe font confervees aufli en-iieres que fi on achevoit de les batir, 6£ CSS memes Eglifes font fouventadniirees des plus habiles ArchiteQes, non-feule-jnent par leur bonne conftruftion , mais aitfli par quelques proportions gencra-les qui s'y trouvent. L'Eglife de Sienne eft bätie dans ce gout, difFerente en cela de la plupart des autres Eglifes gothi-ques 5 dont la beaute ne confifte que dans un amas confus d'une multitude in* finie d'orneraens , & dans une hardieffe de travail deinefuree, eiiforte qu'eUes reflemblent, par ces exccs, ä ces ou-vrages dclicats qu'on appelle filigrannes. La ViUe de Sienne a pour armes h fameufe louve allaitant les enfans ju-meaux. On y voit cette louve en divers endroits fur une colonne. Cette louvC a fait que plufieurs perfonnes ont cru ßi ont ecrit que Sienne avolt etc batie p^r les cnfans de Rcnnes, Cette ViUe doit Ui) ^ fonorigine anxGauloisSenonois : eile s'appelloit anciennemeat Si7ia , cu -S'c-. ncnßs Colonia. EUe devlnt enfiiite Colo-nie Romaine ; & Ton voit par les me-dailles , que Ton mettoit fouvent de femblables louvcs dans les Villes qui devenoient Colonies Romaines. Livournc eft une Ville toute neuve : eile eft fitiiee fiir iin tcrrein plat, envi-ronncc de belles fortifications revetues de briques. Les rues font largcs, droi-tes & paralleles, II y a im quartier de la Ville eil les nies ont im canal au milieu , renfcrmc par de bcaux quais, enforte que les batteaux charges appor-tent les marchandifcs prefque jufqu'aux portes des magafins. Les maifons Ibnt, en general, d'une hauteur egale , & peintcs en-dehors. Livourne apparte-noit autrefois aux Genois; ce n'etoit alors qu'un mcchant bourg mal-fain , ä tauic des eaux croupiffantes & des ma- (44) tais qui renviroiinoient. Cofme I. I'aC"® tjult en cchange de Sarzane, qui eft une Viile Epifcopale fituee fur la frontiers de Genes. Cofme connoiffoit la bonte du port de Llvourne , & ce fut la vraie ralfon qui I'obligca ä faire uti cchange, dont tout i'avantage paroiflbit du cöl« des Genois, mais qui leur eft devenit fortprejudiciable par Ic commerce dont cette nouvelle Villc les a dcpouillcs. II commen^a I'enceiEite d'une Vitle considerable , & im mole double qui reii-ferme deux Ports , le grand & le pe' lit : ce dernier eft appelle la Darfe. Ö eft fermc avec une chuuie attachee d'an cote ä un fort triangulaire, dont deuX bnftions regarcient la mcr, le grand poii-& la rade; & le trolfieme regardc la Ville ; I'autrc bout eft attache ä J'cxtre-iuite d'un mole inttirieur , pres d'u" corps-de-garde, fortifie de bonnes bar-jrieres doubles : c'eft dans cette uo ^iie ibnt les galeres de I'Etat," au nom4 bre de qnatre. Le grand Port a un defant; fon milieu eft plein de hauts fonds : les vaiiTeaiix mouiUent le long de la branche extcrieure du mole : I'eau y eil profonde, le fond net, & il y a des ef-peces de groffes Bornes & des anneaiix de fer pour amarrher les bätimens. La rade eft belle sure, & le mouillage jufqu'a une lleuc au large eft tres - bon. n y a fur le Port une Statue pedeftre du grand Due Ferdinand : eile eft de bronze , pofče fur un pied d'eftal trop petit: le pied d'eftal eft cantonne de quatre figures de bronze , qui rcprefentent quatre Efclaves Turcs : ces quatre Statues font parfaltes. Les Formats ont une ef-pece de maifon faite expres pour eux, eile s'app^lle Bagne. tls ne demeurent dans Ics Galeres que lorfqu'cllcs lent armees. Tous ceux qui ont des metiers feuvcnt s'en lervir daus le Bagne, ou tilerte en Vlile; mais ils revlennent cöt!^ eher dans le Bagne , & cevix chez qui ils travaillent, repondent d'eiix corps pour corps. Le Bagne eft tenii avec une p rop re te infinie. Le Port de Livourne eft franc 6c 1!-bre i aiiffi bicn que la Ville. Quoiqu'il n'y ait exercice public que de la Religion Catholique, on n'inquiete perfbn-' ne ^ ce fiijet, pourvu qu'on fe tienne dans les bornes dii refpečl , 6c qa'on n'inliilte point nos faints Myfteres, ni leurs Miniftres, Toutes fortes de Communions y font tclerces. Les Grecs ont une Eglife oii ils font leur Service, fe* Ion leur Rit. Les Juifs y ont xme Synagogue , & une grandc partie du negocc pafTe par leurs mains. Le Grand prend des droits fort modiqucs fur l^S marchandlfes qui entrent dans !a VilleOn ne les vlfite jamais : les droits fe prcnnent par balles, ou par futaiHes, (47) fans (e mettre cn peine ce qu'ellej contiennent. Rien n'eft plus prompt, ni mieux regie que la juftice que Ton rend aux Negocians; & les Etrangers ont ft bien goute le plaifir & I'avantage de faire leiir commerce dans cette Vilie, que celui de Genes eft extrcmement tombe, & que Livourne dcvient de jour en jour Techetle de loute la Medi-terranee , la plus riche la plus flo-riflante. Les ecus du Grand Due , ap-pelles Livournines, portent d'un cote le Bufte du Prince, & de I'autre cote le Port de Livourne , avec ces mots : & patet & fovet, pour faire connoitre qu'il eft ouvert k tout le monde , & qu'on y jouit de la proteaion du Prince, La re-jHexion que Laffels a faite dans fa Relation d'ltalie fur la Ville de Livourne ; fait connoitre qu'on s'7 applique unJ-quement au commerce. Cette rcflexlön eft affez cauftique j eile eft terminee par t 48 :5 . ; iifie mauvaife pointe : II n'y a, dit Laf* fels, aucune Academic, ni aucune marque , qu'il y ait jamais eu de f^avans homines. Tout le latin que ron y ap-prcnd e(i meum & tuum. II ert vrai nciin-moins que Ton peut dire que I'ony etu-die les Belles - Lettres, puifqu'aujour-d'hui les včrltables Belles-Lettres font les lettres de change. Lc Grand Due Ferdinand fit deffe-" eher les Marais qui environnoient Li-vourne , & qui y rcndoient I'air mau-vais : il fit faire plufieurs canaux pour rčcoulement des eaux, & un canal prinr cipal qui va de Livourne A Fife. Pile ctoit autrefois Capitale d'une puiffante Rcpublique : c'etoit la numan- ce de Florence : elle eft fituee dans une belle plaine , fur les Lords de I'Arme, i trois lieues de la Mer : les rues font lar- ges & droites: la Ville eft grande, niais c'eft line Ville extremement pauvre, peu (49) habitee : eile a fentJ plus amefe-ment qu'aucune autre Ville le joug de ia ibrvitude, & c'eft le fort ordinaire des Etats, qui deviennent enfin Sujets de ceux dont ils ont ete long-tems les concurrens : il ne faut pas non plus dou-ter que la Ville de Livourne, qui s'eft edifiec depuis peu de tcms ä Ia porte de Pife , ne lul ai: enleve beaucoiip de fes habitans. Le mauvais air dont on fe plaint (L Fife, & qu'on regards comme la caufe principale de ce qu'elle eft fi fort clepeuplee , n'en eft qu'une fuite. L'air s'y corrompt, parce qu'il eft trop en repos, qu'il y a peu de feu & de niouvement dans la Ville , & en im mot, parce qu'un grand nombre de mai-fons n'eft point inhabite. Les Grands Dues ont fait tout ce qu'ils ont pu pour tepeupler cette Ville : ils y font fabri-quer leurs Galeres : il y en avoit deux lur le chantier j mais il y a peu d'ou- Tomt II. D Vriers , & Ton ne prefie point le tfä^ vail. L'Arfenal ell: mcdiocrement fourni. Come I rctablit l'Unlverfite de Fife, en y attiraiit les plus fameux f^avans qui fiiffent alors en Europe. 11 ctablit h Fife rOrdre des Chevaliers de Saint-Etienne: leur Inflitiit eft de monter les Galeres Ju Due de Tofcane , qui ell: leur Grand Maitre, pour donner la chafle aux Cor-faires de Turquie & de Barbaric, qui jnfefteni les cotes d'ltaiie. lis ont un beau Palais, & une Eglife qui eft dcdiee ä Saint Etienne, Fape & Martyr, leuf Patron. Elle eft ornee de quantite de Drapeaux & autres trophees qu'xis ont remportes furlesTiircs. Ces Chevalieri» nc font point obliges au celibat: VOrdre poftede un grand nombre de Com-manderies, & outre les Commanderies, les Chevaliers pcvivent avoir des pe"' fions fur des B^iefices. Come exempt^» la Ville de pliifieurs charges, ßc ü ^ M alloit paffer trois mois de Thyver. Mat-gre tons ces foins cette Ville ne s'cfl point peiiplee. La Cathedrale de Fife eft d'line ftruc-lure k pen-p res femblable k celle de Sienne. Le Baptillaire , la Tour & le Campo - Sanöo, font trois autres edifices confiderabies, qui ne font qu'a trente Oil quarante pas de I'Eglife dans la meme Place. Le Baptiftaire eft fait en forme de dome; la Tour reffemble, par fa forme, ä un cylindre : eile eft de marbre, ainfi tjiie I'Eglife & le Baptiftaire , & elle eft ornce de fept rangs dc colonnes. Cette Tour panche, foit que ce foit I'effet de I'habilete, je dirois auffi votontiers, de la bifarrerie de l'ArchiteÖe, foit, com-me il eft plus apparent, que les fonde-Jiiens fe foicnt afFaiffes. Le Campo-Santo eft un Cimetiere auquei on a 'ionne ce nom, ä caufe tie la terre que les Pifans y apportcrent de la Paleftine, Dij C'eft line manjere de Cloitrc orne dö peintures , &C qui contient une grantle quantite de Tombeaux, II y en a plu-fieurs dans la Cathcdrale qui font digneS d'ütre remarques, Piftoye eft ane Ville fans negoce. Le ■volilnage de Florence ne raccommode pas, & fes anciennes faftions I'ont pref-que toiite ruinee. Poggio-Caiiano eft une Mailbn de PJailance qui eft an Grand Due : les peintures y font affez belles-Le Grand Diic a une autre Malfon de Plaifance aux portes de Florence : elle s'appelle Ville Imperiale. Les jardins en font agreables; il y a des orangers, des cltronniers, & autrcs arbres qui portent des fruits de cette nature, comme la bergamote & le cedra : les bofqne« font ornes de cabinets , de ftatiies, jets-d'eaii, de cafcades, en un mot de tout cc qui pcut contenter la vuc &C I'o-dorat. Lcs jarUins de Pratolino ( autre Malfon de Plalfance, fituce fiir le che-min de Florence ä Bolognc ) fom re-marqiiables par la divcrütc de ieurs cans : elles font mouvoir unc infinki; de petltes figures qui ont des motivemens difFerens & fingiiliers.' Toutcs ces petites merveilles, pour nc pas dire ccs collfichets , ne laiffent pas d'etre cu-rieux. Dii haut d'line terraffc qui eft ä Pogglo-Caiano, on dccouvre Ics environs de Florence. Ceft unc pbine dcli-cieufe , entrecoupee de collnes agrca-bles, fertiles, cultivees avec foin, rcm-plies d'une infinite de Maifons de Cam-pagne. Le terrein eft d'une tres-grandc fertllite , d'une culture aifee, que I'a-dreflc &: le travail affidu des Habitans rend fecond en toutes fortes de prodiic^ tions. ' La Riviere d'Arne coupe la Ville de Florence en deux parties cgales, qui fe communicjuent par le moyen de quatre; Dii; (u) Fonts trcs-Iarges He tres-blen Mtis. teš arcs des voütes ne font point en plein celntre, mais ils font ovales , afin de rendre les oiivertiires plus grandes. .Les piles font armees d'eperons de pierre dure qui rompenf rimpetuofite de I'eaii. Ladelicatefle & bfoliditey font reunies. La Villc eft defendue & commandee par une Citadelle qui eft affez forte, oil il y a une grande quantite de canons & de morticrs, &c iin Arfenal on il y a des armes pour trente on quaranfe mille hommes. Lcs rues de Ja Ville font lar-ges, droites, pavees de grandes pierres, entretcnues avcc foin. Les places Si les nics font ornees de Statues. Parmi plu-Jicurs beaux Palais, les plus remarqua-bles aprb celui du Grand Due, font les Palais Ricardi, Corfini & Strozzi. Le Palais des Marquis,, de Riccardi ctoit tancien Palais des Medicis : fa facade ell ornee de rrois ordres d'architeöure » (5S> fofcan ," niftiqiie , dori que , & corjnJ thien : mais le Palais eft peu de chofe en comparaifon des richeffes qu'll ren-ferme. lly aune belle Bibliotheqiie, con-fiderable par le nombre & ie choix des Livres. Ce qui mc furprlt le plus, ce fut de voir dans une efpece de garde-meuble quatre grandes armoires remplies de vaiffelle d'argent. Je n'en al vu nullc part une fi prodigieufe quantite. Le Palais du Mai'quis Corfini eft un det plus beaux & des plus magnifiques edifices de toute la Vllle. L'efcalier corn-inence par deux branclics qui fe reunify fent en une feule: on entre dans un fal-lon qui communique ä huit apparre-» mens, chacun defqtiels eft,CQnipo/e d'un^ iaile , d'unc anti-chambre, d\me <;ham-bre, d'un cabinet, 8c d'uric garde-robbe^ avcc des efcaliers derobes pour le dega-gcment de toutes ces pieces: ellcs font peihtes ä frefque par les plus habÜcs Div U^) Peintres : on ne peut fouhaiter rlen de pius riclie, de plus parfait, de mieiix en-tendti. II y a encore une infinite d'au-tres belles Maifbns , qui meriteroient une defer]ption particuliere. La NobleiTe eil magnlfique, & ainie beaucoiip k paroltre. II y a trois ou quatre falles ou die s'affemble tons les jours, & Ton cn fort vers le foir pour aller aux alTemblccs. Les Dames qui s'y trouvent font aufli rlchement partes » que fi elles ctoient au cercle de leur Souveraine. La difpofition de ces aflem-blces eft admirable : elles fe tiennent dans une enfilade de huit ou dix cham-bres eclairees d'un grand norabre de bougies &C dc lampes: c'ell: un iifage du Pays, Sc ces lampes nc repondent point ž la dignitc de ce fpečlacle : qu'il me foit permis d'appeller ainfi ccs Affem-blees. On fert des raftaichiffeniens, & Ton pafTe de la fone trois ou quatr^ t57:f heures, foit ä jouer aux cartes, foit ä faire la converfation. Du tems que j'ctoJs i Florence, )'/ vis line courfe de Chevaux aflez fm-gitUcre : ce font des Chevaux accoii-tumes ä cet exercice : ils etoient an nombre de fix. lis partirent enfcmble d'lin certain endroit; la Statue du Cen-taure eft leur terme ; le premier qui arrive gagne le prix, qui eft ordinaire- ^ ment une piece d'etoffe d'or que I'on donne au Maitre du Cheyal. Les rues ou ils doivent pafler font bordces de car-rofles f les fenetrcs font remplies de nionde , & ce monde eft , i mon gre , ce qu'il y a de plus beau i voir dans cette Fete. Les Chevaux ne font mon-tcs par perfonne : lis ont une efpece de petite houflc attachce A une fangle, & ä cette houfTe font attachees plufieurs petites boules garnies de polntes de fer qui piquent le Cheyal, &c le font aller ä toutcs jambes. Le Grand Due habire le Palais Pitti; II fut commence fur Ics dcffeins de Bru» me Lefchi, par Luc Pitti, GentJlhom-me Florentin, dont il porte encore le nom, quoiqu'il ait ete achete du terns (du Grand Due Come I, pour fervir de Palais au Prince regnant. La cour eft petite : I'eft auffi le dcfaut du Palais Far-neze ä Rome ; mais les Italiens ,iiFec-tent que'quefois de faire de pctltes cours pour dpnner de la fraicheur aux appartemcns. La cour dn Palais Pitti efl de figure quarree , ouverte feulement du cote du jardin. Avant que d'entrer dans Tancien Palais Ducal, oh fe voit une infinite de diofes rares & precieufes , je m'arretai ^ confiderer diverfes Statues qui font vis a-vis dans la Place. On y voit urt Herculc & un Cacus de Bandinclii, la belle Sabine enlevee , de Jean de Bolo-gne, le David dc Michel - Ange , la (59) Judith de Donateile, la Statue en broni zc de Perfce, par Cellini, Sc la Statue cqueflrc de Come I. Cettc dornicre Statue eft auffi de bronze : eile eft de la main de Jean de Bolognc. Le mcme Sculpteur a fait la Statue du Centaiire : c'eft un bloc de marbre, qui reprefente Hercule quand il tue Ic Centaure-Nef-fus: les attitudes en font merveilleufes. Cette piece eft eftimee. La grande gallerie dii Palais eft par-tagee en deux pieces, qui ont deux cens pas de long fur dix de large, & qui font jointes enfemble par une trolfieme piece, qui a de longueur environ foixante pas. On fe promcne entrc deux rangs de Statues & de Buftes qui font prefquc tous antiques. Au haut, contre la mu-raille, on a mis d'un c6te les Portraits des S^avans, & de Tautre, ceux des grands Capltaincs. Ce qu'il y a de plus remarquable eft une fuite de Buftes des (6o) Empereurs Ronrains, jufqu'i Maxime & Baibin. Enrre les Statues, on admire avec juftice le Bacchus de Michel-Ange, qui egale cc qu'il y a de pltis parfait dans l'antiqiiire. On voir un grand nom-bre de Buftes d'Imperatrices, les Tetes de Ciceron, de Seneque &C d'Alexandre-le-Grand. De la gallerie on paffe en ptufieurs chambres , toutes remplies d'une diver-fite etonnante de chofes curieufes, Ido-les, Lampes de bronze, antiques , produdions extraordinaires de la Nature, Pierres gravees, Inftrumens de Mathe-matique. Vales precieux. Cabinets cga-lemeiit admirables par la richelTe de la matiere, & la beautc du travail, une Tctble de lapis, fur laquelle on a de-crit le Plan de Livourne , d'exccllens Tableaux, & les Portraits des plus fa-meux Peintres , faits de leur propre main, Mais ce qu'il y a de plus prdcieu^ (6.) kH garde dans iin Sallon oflogone ^ qu« Ton appelle la Tribune. II femble que la Nature &C I'Art fe foient epulies pöur produire ce qu'on y admire. On y voit une infinite de petites pieces de Sculptures & de Gravures antiques , extraor-dlnairement bien confervees , un Cabinet d'Ouvrages de rapport, compofe de Plerres precleufes parfaltement mi-fes en oeuvre, une Colleöion de Medail-les tres-rares, des Tableaux cboifis , on pour micux dire , des Chefs - d'oeuvres des plus excellens Peintres, des Statues de marbre, les plus belles , les plus par-faites, les plus finies qu'll y ait au mon.-de : celle qui ticnt le premier rang eft la Venus, fumommee de Medicis. Cette iucomparable Statue a la tete un peu tournee vers I'epaule gauche, elle porte la main drolte au-devant de Ton fein, la main gauche eft dans une attitude ä peu-pres femblable , i'une &c lautre de- C6z) |;agee du corps; eile fe panche douce-ment, & avance le genou droit. La pu-tleur fi bien Icante au fexe, la modeftie & ta chaftete font peintes fur fon vifa-ge, avtc une douceur, un aLr de jeii-nefle, une beaute & une ddicatefle inex-primable. Les autres Statues qui accom-pagnent celles-ci font une autre Venus , mais plus haute; un Faune, un Croupe de deux Lutteiirs , & un Pay fan qui eguife fa ferpe, & qui paroit ecouter: ce font autant de chefs-d'oeuvres, qu'oa ne fe laffe point d'admircr. Les Laboratoires du Grand Due font aupres de ces Galleries, on leur a donne le nom de Fonderie; c'eft-lä que de trcs-habiles Artiftes font continuelle-ment o c cup es aux operations de Chy-mie, & autres compofitions de beaumes prccicux , huiles, effences &c mädica-mens. Lc Jardin des plantes fournit touc ce qui eft ncceflaire pour les difliU^" tions. Ce fut le Grand Due Come I quj le fit faire, & qui depenfa des fomme& confiderables pour le meitre en I'etat oil il eft. On y trouve les Plaiites les plus rares de toutes les parties du monde, cntretenues avec foin , Si renouveliees toutes Ics fois qii'il eft ncceflaire. On cultive foigneufement dans les Jardlns du Prince un arbre qui porte une efpece de Citron, que Ton appelle Cedta, C'eft un fruit tres-exquis, &C dont on tire une effence d'une odeur be d'un gout tres-dclicat: ces arbres ne font point eleves, afin que le fruit foit mieux nourri : on les arrofe beaucoup ; ce qui fe fait tres-facllement, au moyen d'une infinite de petits canaux de pierre qui diftribuent I'eau de toutes parts : c'eft par le moyea d'un fyphon qu on met I'eau dans le ca-, nal principal, en forte qu'un feul hom-i itie pent arrofer un tres-gratid Jardin : pour prcferver ccs arbres du froid, on ieur conftruit h I'entree de I'hyvef urtd elpece de loge de bols. Le Grand DuC a aiiffi. des Vignes ä I'entree de la Ville, qui font extrcmement ciiltivees, & qui produlfcnt cette e\cellente Miifcatelle de Provence, dont boit le Grand Due, & dont tons les jours 11 envoie en pre-fcnt line boutellle aiix Minlftres Etran-gers. J'en al bii chez le Marquis de la Baftle, ä qui Votre Grandeur m'avoit recoromande ; c'efl un galant homme , qui m'a fait mllle amities, &C qui m'a comblc d'honnetctcs. La curiofite des Grands Dues ne fe terminolt point ä tous les objets dont je vlens de parier, lis avolent une efpece tie Menagerie, oii 11 y avoit toute forte d'Animanx rares & feroces : cette Menagerie fubfifte encore , mais c'eft pe^-i de chofe. L'Ecurie du Grand Due eft beUe ; 11 y a un grand nombre de beaux Chevaux, & il y a un Manege pour les Pages (60 Pages & pour quelques Seigneurs, Lei Ecuyers travalllenr dans le gout Alle-mand : leurs Chevaux ne font point af-fouplis , les mouvemens font forces Sc durs: le Cheval & le Cavalier ne tra-Vaillent nl avec aifance, nl avec pro-prete. La Manufafture de Tapifferies qu'avoient etablie les Grands Dues, fub-fifte toujours: les Tapifferies qui s'y font font d'lin travail acheve ; mals c'eft plu-tot Tombre d'une Manufaöure, qii'une Manufadiire; car il s'en fabrique tout au plus deux pieces par an. La Chapelle de I'Eglife de S. Laurent, qui renferme les Maufolees des Princes de la Maifon de Medicls, relTemble pÄ dehors ä im bätiment en decret, II y a un fends deftine pour le travail de cette Chapelle; on y travaille cn efFet, mais foiblement, & Ton croit que les necef-fites des finances ont fait detourncr une Partie des fonds deftincs i la Fabrique Tome //, E (66) ce bätiment, pour les employer it ^les choies plus urgentes & plus necef-falres. Ce qui eft fait eft d'une magnifi-ficcnce qui pafTe tout ce qui s'en peut -dire. Cette Chapelle eft de figure odto-■gone, fort grande & fort exhaufTee. Une des hiiit faces de cet oflogone eft defti--nee pour I'Autel , une autre pour la Lfiorte : dans Ics fix autres , il y a fix ■luperbes Tombeaxix de granite orien-lal; fur le Tombeau de Ferdinand il y a un grand oreiller de diafpre, parfemc de rubis, de top^izes, & autres pierrc-ries fine^'l (m: cet oreiller eft une cou-ronne qui tft encore plus riebe • il doit y en avoir dc feniblablcs fur les autres Tombeaux ; le pied d'eftal, on la b^^^ qui foutient les Tomljeaux , eft revetn^ de porphii-e &: de cakcdoine-; les murs font revetiTS en compartinicns de fi"^® agathes, de granites rares, d'onyx , ^ d'autres fortes de pierreries; cbaque (6?) ^anneau eft dlHingue avec des cadres J & avec d'aurres orncmens de cuivre dore. Sur les picds d'eftaux des colon-nes , on voit les Devifes & les EmblS-mes de toiites les Villes de Tofcane , en pierrcs precieufes, rapportces avec tout I'art imaginable. L'Autel, la voiite , & tout ce qui refte k finir, dcvolt repon-drc ä ces beaux commencemens. II eft toutefois k cralndre que cette Chapelle ne foit jamais achevee. La famille des Medicis ell: prete de s'eteindre; qui s'in-tcreffera affez ä la gloire de cette Mai-fon, pour achcver un monument d'une grande depenfe } L'Eglife de Saint Laurent, de qui depend cette Chapelle,' eft partagce en trois ncfs, foutenues de groffes colonnes de plerres grifes. La Bi-bliotheque de Saint Laurent, fameiife par les Manufcrlts qu'elle renferme, eft ä cote de cette Eglife : les Livres ne font point fur des tablettes. Le Catalo- Eij (68) gue de cette Bibliotheque a ete imprimž a Amfterdam en 16x2. Les Eglifes de I'Annondade, de Saint-Marc , de Sanöa-Maria-Novella , des Align ftins, des Jeftiites, de Sainte-Croix, oil eft le Tombeau de Michel-Ange, font capables de fixerpour quelques mo-mensl'attention d'un VoyageiircurieiiV» & de I'occuper agreablement. La Catbcdrale , qu'on appelle Santa Maria, dd Floß, eft iin tres-grand & tres-fuperbe Edifice , qui eft entiere-ment acheve, excepte la fa9ade. On ne peut rien voir de plus beau que tes dehors de cette Egllfe : ils font d'vm jnarbre tres-poU & de difFcrentcs coii-leurs : elle en eft aufli toiitc revetiie efl dedans. Le dome eft iin ouvrage 0Ö0-gone , admirable par fa hauteur & pa"^ fa grandeur ; la tour eft detach^e du corps de I'Eglife : eUe eft incruftee de marbre noir, blanc 6c rouge. Sa ftmc (Ö9) ture, & la fculpTure de fes ornemeni font admirab'.es. Tout aupres de la Ca-thtidrale eft PEglife de Salsit-Jean, qui lui fert de Baptiftaire. C'eft le feul edifice antique qn'il y ait dans tonte la Ville : c'etoit un Temple d^die k Mars, qui, depuii la chüts de ridoiiltrie, fut diidie premierement , au Sauveur du Monde, & enfiiite ä fninc Jean-Bap-tillc , Protefteur de la Vilie : il eft oc-togone, on y entre par trois portes de bronje, ou font reprefentces en bas-reliefleshiftoires de l'ancien-& du noii-Veaii Teftament, avec rant de delica-tefle Sc de correftlon , que les plus ha-biles Maitres ne peuvent fe laffer de les conficlerer. Les dlfHcultes que les Florentins trou-verent, pendant plus d'un fiMe , ä conf-tniire le dorne de leur Cathedrale , ont donntS lieu au renouvellement de la bonne architeiture; on ne peut afft^ Eiij louer rapplication qu'im habile Arclii-tede Florentin, appellc Philippe Bru-nelefchi, eut durant plußeurs annees ä etudier & rechercher le premier dans Rome les ouvrages qui reftoient de Tan-tiquite. Ce fut par les foins de cet Ar^ chJtefte qu€ fut acheve le dome de Sanüa Maria del F'lofe, La reputation qu'il fe fit par beaucoiip d'edlfices qu'on le vlt ordonner & conftriiire pendant fa vie, & les eleves fortis de fon ecole firent renaitre le gout de I'architefture antique. On pretend que Michel-Ange regardoit ce dome commc une chofe inimitable ; il Ta cependant infiniment furpaffe dans celui de faint Pierre de Rome. Ceft affcz le ftylc des Florentins, lorfqu'ils veulent louer qudque cbofe , de dire que Michel-Ange I'elli-moit. II lemble, k leur gre, que la Lan-gue Tofcanc, qvii eft riche Sz fecond^, ,ne le foit point encore aiTcz, quandils parlent de ce grand homme. C70 Ceft ^ Cimabue, Peintre Florentin J que Ton eft redevable du rctabliflement de la Peinturc. 11 naqtiit en i J40 ; il fe forma en voyant travalller certains Peintres groffiers & ignorans, que.ceux qui goiivernoient dans Florence avoient fait venir de Grece: il ne fiit pas difficile a Cimabue de fe faire admirer; parce qu^1lors il n'y avoit point d'Ou-vrler auffi excellent que lui. Giotto, fon difciple, le furpafla beaucoup. II quitta cette maniere rude, que Cimabue & les autres Peintres pratiquoient en ces tenis-la. II fut le premier qui fe mit k faire des portraits au naturel, dont Tu-fage etoit comme perdu. Biiffalmaco, Peintre Florentin , ciant alle a Pife j Bruno , qui y peignoit , nc pouvani donner ^ fes figures, ni un coloris affez vif, ni une expreffion affez forte, le confiilta. BufFalniaco lui cnfeigna la maniere de donner plus de beante ä fon Eiv (70 . "colorls; & comme il etoit d'lmc humeuf facetieufe, il lul confeilla , pour donner plus d'expreffion ä fes figures, de leur faire fortir de la bouche des ef-peces de rouleaux fur lefquels on ecri-roit des paroles; en forte que les figures fembloient fe parier les unes aux autres; cela parut admirable aux Pelntres igno-rans de ce tems-la; cette raillerie de Buf-falmaco fut caufe de ce que beaucoup de Peintres , d'ailleurs aflez intelligens, ont pratique une cxprefllon auffi ridicule comme eft celle-lä. Ces Peintres * furent fuivis d'une infinite d'autres , on en vit paroitre dans les plus grandes ^Ville. La Peinture enfin fe trouva portee fon degre de perfeflion fous Vinci , Michel-Ange & Raphael, Ce dernier furpaffa tousles autres,nul de ceux qui I'ont fuivi ne I'a ögalö.' L'Air pur & gmcieux qui regne ä Florence J contribue infiniment k rcndre Ics (73) fcfprits d^Iicats, aifes & propres ä touteš les Sciences & h tons les Arts; on leiir eft reclevable du re^abllflement de la Peinture , de l'Architeflure & de la Sculpture, Ce font eux qui ont perfec-tionne la Langiie Italienne, Petrarquc & le Dante, deux famenx Poetes, etoient Florentins. 11 eft fortl de cette Vilie beaucoupde grands Hommes, de faints Hommes, & d'autres aufTi dont les Ouvrages ne font pas toujours con-formes ä I'efprit du Chriftlanlfme : tels font les Ouvrages de Machiavel. Cette Ville a de grands Hill:oriens : les terns ecoules depuls la domination des Me-dicis, ont ete eclaircis avec beaucoup dc precifion & trop de verite, par Brutus, Varchl & Segni. Les grands Dues en ont fait chercher les excmpiaires pour Ics fupprimer , ce n'eft pas mau-vaife marque. On ne f^ait pas preclfement I'epoquo (74) äe la naiflance de la RepiibUquedesFlo-tentins, ni des autres Repubiiques qui ont partagč long-tems l'Italie. Celle des Florentins eut peiit-etre pii s'elever au-deflits de toutes les autres, fi les divi-fions qui s'eteverent entre fes Membres, n'euffent arrete le coLirs de lears prof-perires. La Nobieffe eut d'abord la Puif-fancefottverainedans le Gouvernement de la Republique ; des föditions reite-rces mirent le Gouvernement entre les mains du Peuple ; c'eft des mains du Peuple qu'il a pafle en celles des Princes de la Maifon de Medicls, qui cn font aiijourd'hui les Souverains, fo«s le litre de Grands Dues de Tofcane. Les Medicis n'etoient que des Citoyens de Florence. Ceil ä Come de Medicis, ce Citoyen qui merita fi juf-tement le nom de Grand, que cette Waifon eft redevable des. premiers , ou au moins des plus folides fondenaens (7iy 3e fa grandeur. Le commerce en fntpref-que la Source. Les ancetres de Come, fuivant la Coutume de la Noblefle d'l-talie, n'avoient pas neglige cette rcf-fource pour fe foutenir dans les Honneurs de la Magiftratiire, ou de la guerre ; mais Come plus heureiix , ou plus intelligent, y avoit fait une fi grande fortune, qu'il devlnt meme cor.ipara-ble aiix Soiiverains par fes richeffcs, & qu'il en fut toiijours rccherche & confidere, ä caufe dn grand credit qu'il conferva toute fa vie dans les affaires d'ltalie. Laurent fon frere qui, au nom de Grand, qu'il merita auffi bien que Come, ajouta celul de Pere des Lettres, fut fi connu ä la Porte , ä caufe des Fačleurs qu'il entretenoit dans toutes les Echelles du Levant, & du grand nombre de vaiffeaiix qu'il y envoyoit, que Bajazet, non-feulcment Ic regarda toujours comme un de fes Allies; mais (76) imeme I'Honora du nom de fon ami. Tons les autrcs Mcdlcls qui vinrent apres ces deux grands hommes eurent la fage politique de les imlter, & de ne fe point pri ver, par une faufTe ddi-catefTe , de I'utilite de leur commerce ; & lorfqu'enfin les grandes qualites &C le merite d'un autre Come eurent porte cettc Maifon ä la Souverainete de Florence , les Medicls, devenus Princes, ne crurent point indigne d'eiix de conti-niier de chercher, dans le commerce honorable de la Mer, de quo! (butenir avec plus d'cclat la fplendeurd'un rang, dent en qiielque forte, ils lui etoient redevables. Leur Palais n'etoit point ferme aux Negocians, Le Prince voyoit fouvent lui-meme marquer Tes ballots ; Ton n'etoit point etonne de voir le$ vaiffeaux du Souverain revenir de con-ferve avec ceux de fes Sujets, charges de riches marchandifes du Levant, ^ (771 , äe tant d'autres endroits oh les Mar; chands de Florence & de Livourne avolent leurs FaÖeurs ou Correfjjon-dans. Ces Princes etoient puiffans en argent, ilsacquirent iine infinite de bijoux precieux & de chofes rares , qui fe confer vent dans la fameufe gallerie de Me-dicis. Iis pretoient de I'argent aux Ne-gocians & aiix Banqiiiers a im interet tres-modique. De la richeffc du Sou-verain naiffoit celle des Sujets , & r^-ciproquement celle des Sujets augmen-toit celle du Souverain , les richefles des Particuliers n'etant autre chofe que le trefor du Prince divile en pliifieurs bourfes. Deux branches effentiellesani-moient ce Commerce : le Commerce de lalaine etoit infiniment ■fiiperieur ä celui de la foie. Les Florentins fournif-foient de draperie tout le ievant,& une bonne partie de I'Europe. Le Commerce de la foie fubfifte & flcurit (78) prefqu'aittant qu'autrefois ; niais celm de la laine eft fi abattii, qii'on peut dire qu'il eft tombe, Qiiolqu'il y ait un peu de la faute des Florentins, dans la perte de cette plus belle partie de leur Commerce , il eft certain que les Manufactures qui fe font etablies dans les divers Royaumes de I'Europe , ont fait tom-ber Celles de Florence. D'ailleurs , ati lieu qu'autrefois tous les Florentins etoient Marchancls, a peine trouve-t-ort aujourd'hui une douzajne de Maifons confiderables qui falTent le Commerce. L'Etabliffement de I'Ordre de Saint-EtiQnne, dent les Chevaliers ne peuvent faire le Commerce , a donne le coup mortel a !a Marchandife. Les plus confiderables Maifons fe mirent dans c^^ Ordre pour faire leur Cour au Souve-rain, & les Citoyens les plus riches les plus capables de faire fleurir le Coi«" merce, y entrerent pour acquerir ^^ Kobleffe, ce qu'll leiir etoit pcrmis de faire , en fondant des Commanderies, qui font k perpctuite dans leur famllle, & qui ne font rcunies i I'Ordre , qu'au defaiit des defcendans males. Le Grand Due ne s'intcreffe plus dans le Commerce, & cette branche, qui faifoit une grande partie de fes re-veniis, ayant ceiTe , & les mcmes de-penfes ayant continue, les Finances de ce Souvcrain fe trouvent embarrafTces. a de revenu environ fix millions cinq cens mille Üvres, argent de France : il doit environ deitx millions pour I'intc-I'et annuel dc I'argent qu'ont prcte divers Particuliers, diverfes Commu-nautes, auxquels les revenus de TEtat, & raeme les biens patrimonlaiix du Due font engages. Llnteret eft a trois & demi pour cent ; il eft tres-exaciement paye. Le Grand Due entretient environ lustre raiile hommes, dent I'entretiea CSo) toiite quime ä dix-huit cens mille livreS. Les troupes ne font pont enregimentees, mais elles font compofees de Compa-gnies franches, qui ont chacime leur Capitalne & leur Alfier , qui repond ä nos Enfeignes. La paye de tous ces Officiers n'ell point egale, quoiqu'ils foient d'lin grade egal:les uns ont plus, les autres moins , fulvant la voloot^ du Grand Due. II eft certain que fi Grand Due vouloit enregimentcr fes troupes, & leur donner une autre forms & une autre difcipline ; il pourroit, avec les incmes fommes qu'il depenfe, avo^r fix mille hommes de bonnes troupeS: il eft vrai qu'il faudroit un peu dimi' jiuer la paye des foldats , qui ont ch^-cun par mois, ou peu s'en faut, xo ''' vres monnoye de France. Lc Grand Due a pour la garde de fa perfonne une Compagnie de Gardes Siiiffes de fo»' Xante kommes, & une autre de Cui- rafllers (80^ "rafliers ä cheval de meme nombre : ils ont line groffe paye. II y a cinq Officiers Generaiix dans tourc Tetendut dc I'Etat, qui ont chacun leur departement, oil ils commandent non-feulemcnt les Troupes foLsdoydcs, mais encore les Mili-ces ; ils n'ont point do paye , mais ils jouiflfent cie divers privileges. Parmi ces Milices, il y a plufieurs Compa-gnies qui font obligees d'avoir des che-Vaux k leur revue. Les Capitaines font paycsparle pays,LesMilicesJont exer-cces de terns autre, & I'on cn doit faire la revue tous les mois. La Cour du Grand Due n'a plus le ili6me eclat ni la ineme dignite qu'elle aeu fous plufieurs de fcs Prddeceffeurs ; peut-ctre que cette difference vient de la nčccffitč oh le trouvent les finances Prince, car c'eft toujoiirs-lä le pre-"iiier mobile d'lm Etat; pcut-ctre aufli 5iu'elle vient du carii^tcrc du Prince , Tome II, f! (81) 11 cfl d\ine humciir particuliere, toiijoiJfd retire clans le fond de fon Palais, oii 11 iiiacceßible ä tout le monde, memc a pliipart de ies Domeftiques. H fe laiffe rok trcs-rarement, & lorfqu'il fe mon-tre a fon pei'ple, ce quln'arriveque dans des jours de grandes caationies, lorfqu'il ne peut s'en difpenfer, les nou-velles publiques en font mention. L^ gouvernement de I'Etat eft entre le^ mains de pliifieurs Minirtres qui fe coni' portent affez fagement, niais cela n'ciH' pechc pas que I'Etat ne fe reffente la nonchalance de fon Souverain. Ce Prince , dit-on, etolt nc avec de belles inclinations, mais les voyages qu'H ® faits en Aliemagne , lorfqu'il etoit daf^ la premiere fleur de fa jeuneffe , Uii extrSmement prejudicie : il y pn' ^^ mauvaife habitude d'aimer les boifTon^ fortes:it boir de i'eau-de-vie par cxccs? ^ lorfque j'etois k Florence, il ^^^^^ (83) tomljer dass fon Palais & fe bleffa ä U jambe. Ces boiffons outrees l'ont ex-trcraement cnerve. Les Mcdecins efpč-roient que ce qu'ils ont ofc lul repre; fetiter, ä I'occafion de cette chute , le rendroit plus modere. II a pres de foi-xante ans, &c no laifle point d'heritier. On avoit cru la fucccfTion affiiree,par le Traite de la quadruple alliance, au Prince Don Carlos; mais l'Efpagne veut des afllirances plus fortes que celles qui font portces par ce Traite. Le Grand Due s'oppofera autant qu'il pourra ä I'introduftion des Efpagnols dans fes Etats. II tächera aulli d'en eloigner les AUemands ; II voudroit pouvoir etre cn etat de fe defendre , mais il ne le pourra; au cas que l'Efpagne fafle quelqu'entre-prlfe , il appellera a fon fecours les Itn-pöriaux, & le fucces de la guerre fera encore plus douteux dans cct Etat, ou Ics Efpagnols ne font point defircs, qu'il Fij (U) he le fera dans les Royaumes de Naples & de Sicile. Le grand Duche de Tofcane eil un fief de I'Empirc, dont la Maifon de Me-dicis obtint dc Charleqiiint deux invef-titures. La premiere, en favcur d'Alexandre de Mcdicis; la feconde, en fa-veur ae Come de Mcdicis. Dans la premiere de CCS inveftitiircs, les filles font appellees au defaut de niüles ; dans la feconde , cllcs ne font point appellees* Le cas ctant arrive ä la mort du Due Francois , Ferdinand fon frerc exclut Marie de Medicis. Le cas eft prcs d'ar-river par la inert dii Grand Due. On forma ä certe occafion trois pretentions. Celle de fa foeiir venue de rElefteiii" Palatin, qui fe fonde fur I'lnveftiture d'Atexandre, dont elle ne dcfcend point. La feconde eft ccUe des Villes qui pre-tendent rctonrner leur anf^ienne li-bcrtc, & pouvoir rctablir un Gouve^s («55 ^JflGfflemcnt ä leur gre. La Tofcane avoit. cu autrefois fes Princes : la Comteffe Mathilde leur heritiere en fit don au Saint Siege, taais les Papes n'en ont pns joui. Les Empereurs Allemands cn fu-rent les Maitres pendant pcu de terns; les Villes s'erigerent en RepnbUques, qui fe foumlrent enfin ä quatre princih pales : Florence, Sienne, Pile Luc-qiies. Les Florentins detruifirent les Republiqucs de Pife & de Sienne : la Maifon de Medicis ufurpa Tantorite fouveraine dans Florence, CharlesQuint , le fervant des conjonGin-cs favorables oii il fe trouvoit , Icui; donna Tinveftiture d'un Etat qui s'e-toit fouftrait de la dependance de rEtnpire , foit par fa puiflance , foit; par la negligencc des Empereurs fes predeceffeurs. II pourrolr pent - ctre avriver que le Pape favoriferoit cette pretention : fa faiiiille , qui "nc F lij (86) Hes premieres de Florence J joiiero?t un beau role pent - etre aufli que les Efpagnols fe determineront en leur faveur par les avanrages reels qii'ils donneront ä fes neveux. La troifieme pretention eft done celle des Efpagnols, ou plutot celle de la Reine d'Efpagne, La fucceffion aux Etats du Grand Due de Tofcane &C du Due de Parme, pouvant exciter de grandes conteftations & une nouvelle guerre en Italic, parce que la Reine d'Efpagne pretend y etre appellee par fa naiflancc , & que I'Empereur foutient que le droit d'en difpofer, au defauc d'heritiers males , lui appartient &: I'Empire : 11 a etc ftipule que ces fucceffions venant k vacquer par la mort des Princes fuccefleurs, fans h^ritiers mäles, Ic fils de la Reine & fes defcen-dans mfiles, & ä leur dcfaut le fe-cond fils & les autre cadets de ladlte Reine avec leiirs defcendans males. fuccederont dans tous lefdits Etats; qui feront reconniis Fiefs mafculins mouvans de I'Empire , & qu'ü en fera donne au fils de la Reine qui devra fucceder , des Lettres d'expeÖative contenant rinveftiiure eventuelle, & pour furete de rexeciition de cette dif-pofition, il doit ctre ctabli par les Cantons Siiiffes des ganiifons dans les prin-cipales Places de ces Etats; f^avoir, ä Livourne, k Portöferraro , ä Parme & ä Plaifance, Ji la folde des Mediateurs avec ferment de les garder & de les defendre fous l'autorite des Princes re-gnans, & de ne les remettrc qii'a« Prince fils de la Reine d'Elpagne, lorf-que ces fucceffions feront oiiv^ertes. C'eft ainfi que ce qui regarde la fuc-ceffion des Etats du Grand Due, {'e trouve cxpole dans le Manifefte que la France fit publier en 1719, fur les fujets de rupture avec l'Efpagne. Lu F iv Reine d'Efpagne ne trouvc pas qüö ceS • Etats foient fiifSrammcnt sffiires ä fon ills par I'introdiiftion cle fix niille Smf-fes , ainfi qu'il avoit ctc regie par le Traite de la quadruple Alliance : eile voLidrolt introduirc fix miile Efpag;no!s: i'Empereur s'y oppofe , & pour cefujet on eft menace de voir une guerre eii Italic , b pretention de la Reine d'Ef-pagne, en tant qu''elle defcend des Me-dicis , n'eft pas mieux fondee que celle de la foeur du Grand Due : fi cette pretention ctoit legitime, on pourroit en former line en faveur de la France, en remontant ä Marie de Medicis, & cette derniere pretention feroit plus confor-me aux Loix de TEinpire. Voici comment le Droit feodal fe diftingue ea Droit Lombard & en Droit Saxon. Le Droit Lombard n'eft autre chofe que le Droit Romain accommode aux ufages des Lombards, apres qu'lls ciirent eta* tS9) tHimTloyauttie en Italic. Selon ce Droit les mSIes du excliient tonjours les fcmelles : ckns la coiiciirrcnce des males forris des feinmes avcc des femelies forties des mäles, les males excluent les femelies : entre Ics m;1les fortis des fe-mellcs, &c les femelles forties des mäles , les males fortis de la premiere li-gne, & les femelles forties d'elle, excluent les aiitres. Le Droit Saxon eft different, il n'accorde rlen du tout aux femelles , Ä moins qu'il n'y ait une fpe-culatlon particnliere. Les Fiefs de I'Em-pire fe gonvernent par ces deux Droits, La partie la plus feptenirionale fuit le Droit Saxon, la partie mcndionale fuit le Droit Lombard, & c'eft dans cettc partie que fe trouve la Tofcane. II s'a-giroit done , pour ctabllr le Droit de la France, d'examiner fi les filles ont etc pofitivcment & formellcment excliies (le la fticcefTion de la Tofcane : il eft (9°) certain que par I'inveftiture k Come Ti eUes n'y lont point appellees ; mais ce n'eft point fitrc exclu, que de n'etre point appellc. Par I'inveftlture accor-UR aller de Flofence ä ModenC;, on Traverfe l'Apennin. C'efl: une chaine de montagnes. Le Pays eft en general fterile 6c defert, & les chemins font fort rüdes. II n'y a de confiderable que les Vallees de Scarperia & de Fiorenzolla. Dans le premier de ces deux Bourgs, on fait beaucoiip de coiitellerie, & poui; vingt ou vingt - cinq fols, on a des couteaux qui ont jufqu'ä douze lames fur le metne manche. L'Apennin f^^' pare l'Etat de Florence d'avec l'Etat de Bologne : du haut des dernieres inoi^' tagnes on voit tout ä plein la Lombar-die, &c comme eile eft dans un parfait liiveau, on endecouyre iine prodigievife (99) ^tendiic : Modene n'eft elolgneede Bo'-logne que d'environ hultileiies, La Ville de Rcggio eft i\ cinq on fix lieues de Modene. La defcription des Villes de Modeng & de Reggio ne demande pas beaiicoxtp d'art ni beaiicoup de paroles. Ces Villes, comme la pliipart des autres Villes de la Lombardicjont etefiijettes k degrandes revolutions. Ces deux Places font forti-fiees, mais ce ne font point des Places de refiftance. Les rues de Modene font pe -tites & fales ; les portiques qui regnent prefque par-tout font bas & etroits; it n'y a point d'Eglife remarquable. Lcs belles maifons y font rares, Sc cette Ville feroit pen connue, fans fon sticienne reputiition & fans le fcjour ^u'y fait fon Due. On fait Modene meilleurs mafques de toutc I'ltalie , ^ on ne retire pas pen de profit de ^^s folies. La raifon qu'en alleguq Laf- Gij ( loo) iel, c'eft c^w^,ßultorumplena funtomnliC J i La relation qu'il a faite d'ltalie eft remplie d'une infinitt de reflexions de cette nature. Le Perc Labat le copie & rimite aflcz Ibuvent. Le Palais dit Due eft ce qu'il y a de plus confiderable i Medene : 11 eft nouvellement bati, mais -on ne I'a point achove. II y a des tableaux, parmi lefqiiels on en trouve dduffi finis que dans les plus curieu^ cabinets de Rome ; on voit des ouvff" ges de Vinci, de Raphael, du Titien, de Jules Romain, d'Andrc Delforte, & d« pUifieurs autres grands Peintres. 11 y ^ une falle route entiere remplie des ou-vrages du Carache. Le tableau qui i'^' prcfente une Nativite de Jeilts-Chrift dans .une nuit, eft fort eftime : il pa^"'^ pour un des plus excellens ouvrages tJu Correg^. Ce Peintre a pris fon noni äo la Ville de Correggio , Principaute q^'^ ecnfine ayec le Duche de Modene : io" pinceau etolt admirable ; i! avoit poui^ les Vierges , les Saints & les cnf.ms ccr-taines naivetes gracieiifes qui Uii ont L'te particulleres. 11 a prelqne toujoiirs travaille en Loitibarclie, & c'eft [e plus parfait exemple du gout Lombard. L'on ne doit point quitter Modene fans voiii'' les cciiries du Pr'incc & les promenades fur les remparts.'Reggio eft i^ti ge-' neral mleux bati & phis agrcable que Modene. Le chemin crt tres-urii; le^i terres labourees, ä droite & ä gäucheyj font plantces dc muriers , & aW-pi^tt-" de chaque miirier II y a un fep dt'^vi-i gne.' Les Moddnois paiTtnt pour i etre' Vaillans, avUes, fubtils & fideles ä-lelir Prince ; mais I'Etat eft fi petit & fi for- ' ble, qu'il eft bien difficile que Mo^J dcnois aicnt lieu de faire conrioTti'e''J^ d'une manicre fenfible, ces belles qiia-' lites qu'on leur attribue.-- ' 'b"'; " Les Dues de Modene defcendfint de G iij C toi ) ta Malfon d'Eft. Thibault d'Eft, fils d'A-fon I, fut gratifiejdu titre de Marquis d'Eft par i'Empereiir Othon I, I'an 970. Boniface , fon fils, ajoutaaux biens patemels Mantolie & Verone, Liicques, Plaifknce & Parme. Sa fille unique , la fameufe Mathilde , heritiere d'lm fi beau Pays , y ajouta encore Pife, Spolette, Ancuoe & la Tofcane : en mourant eile lailTa tons ces biens au Saint Siege. Les Em-pereurs ont contefte la validite de cetfe donation. Borfo d'Eft, qui defcendolt d'lin Albert d'Eft, frere de Thibaut, fut cree Due de Medene par I'Empe-reur Frederic III, & le Pape Paul 11 hii confefa le titre de Due de Ferrare. Ses. fucceffelirs ont joui de ces deux Etats, iufqu'ä.Ccfar d'Eft , cjii} fut depouife da Duche de Ferrnre par le Pape Clement VII. Le Diic regnant s'appelle Re-gnaud. II avoit recu le chapeaii de Cardinal i'an 1Č86, mais il Ic quitta apre® ta mort de fon neveu ; 11 a foixante & <5uinze ans. Le Marquis de Ranconi, lin des premiers Gcntlishommes de fon Etat, k qui j'etois recommande , me procura l'honneur d'approcher la per-Ibnne de ce Prince : il eft d'lme laille mince & petite; il a un grand air de douceur, on I'accufe ce pendant d'en avoir manque ä I'egard du Prince fon fils , & de la PrincefTe fa belle-fille, qui n'etoient pas dans fes Etats lorfque j'y palTai. On I'accufe encore d'etre un peu avare. Ce Due etoit dans fa chambre debout; il ne mit fon chapeau qu'en me faifant raettre le mien ;ie ne le fis qu'a-pres qu'il m'cn eut fait pkifieiirs inf-tances y auxquelles il ne me fut point poffible de refifter, Ce Due ayant epoufe, en 1695 , Charlotte Felicite , fiUe de Jean Frederic, Due d'Hanovre, belle-foeur de I'Empcreiir Jofeph , cet «ngagement le determina ä prendre le G iv (104) parti de la Maifon d'Axitriche dans lä derniere guerre. II livra en 1701 la for-tereffe de Berfello aux Imperiaux: en 1703 , il fut depouille de fes Etatspar les Francois , & iJ n'y fut retabli qu'eii 1706. L'interct de ce Prince & des au' tres Princes d'ltalie eft d'y> raaintenir la paix & la tranquiilite ; lis ne lent point afiez pujflans pour efpercr dc poLiyolr s'accroitre par la guerre. II I II ■■ ' ■■ des duch£s de Parme et de Plaisance. /Sl trois petites lieues de Reggio, on pafTe la Riviere d'Enfa , qui f'epare ies Etats du Due de Modene d'avec cenx du Due de Panne, Six lieucs plus loin eft la Ville de Panne, Le Pays que Ton traverfe eft abondant enpaturages, au lieu que vers Bologne & Modene, prefque toutes les tcrres font labources. De Parme jufqu'a Plaifance il y a douze lieties : la nature du Pays eft touiours ia intime. Cet article ne fe terminera point ä la defcription de ces deiix Vil-les, il renferme une partie du Milanois^ Celle que Ton traverfe pour alfer de Plaifance' ä Genes. Les endroits les plus remarquables de cette route font Pavie ^ Tortonc. (io6) La Ville de Parme eft coupee par une petite Riviere qui n'eft point navigable. La Ville eft fortifiee & les fortifications font revctues de briques. II y a une Citadelle affez forte. Parme eft line Ville, fans comparaifon,plus grande & plus belle que Modene &c Rcggio. Les rues font larges & droites. Le Palais dii Due eft fort grand : il eft com-pofe de piuiieiirs corps dc batimens, dont rexterieur n'a rien que de fort ordinaire. II y a dans les appartemens une grande quamitc dc beaux tableaux. La Bibliotheque eft nombreufe, bien choi-fie ; le Cabinet des MtMailles eft le plus beau qu'il y ait dans toitte I'ltalie. Le Fere Piovene, qui eft fort avant dans les bonnes graces du Due (i), en ale (0 Due, qui fe nommoit Antoine Far-neze , eft mort le 20 Janvier 1731. Par fon Ttftament, il a diclarc que la Duchefle de Parme čtoit grofle,&l'a noran^e Regente ti«? les Etats. L'EroiJercur a fait entrer des troupe® (107)^ . foin. Ce Pere, k qui j'etols recomman; de,m'afait mille accueils. 11 acontiniid les f^avantes explications que le Pere Pcdriiii avoit commencees I'ur ces Me-dailles : il y en a dix volumes in-folio. Les Medaillcs font fort bien reprefentees: c'eft une collcöion qui pourra devenir rare 5c qui feri tres-prccieufe. Le theatre qui eft dans le Palais eft une chofe rare : Ü eft d'une grandeur extraordinaire , & cependant quelque bas qu'on, parle , on eft parfaitement entendii. An lieu de loges ce font des bancs qui s'e-levent en amphiteatres autour du parterre , qui eft beaucoup plus grand que les parterres ordinalres. Le Dome de la Cathedrale de Parme eft peint par ie Correge. On trouve plu-fieurs bons Tableaux dans les principales Eglifes. Outre les Ecoles ordinalres de dans ce Duclu , & ie Pape a fait des protefla-tions. (io8) rUniverilte, il y a un grand & beau College, que Ton appelle le College des Nobles : rien neleur manque, tant pour ce qui regarde les exercices de Tefprit que ceux du corps. Les Jefuhes cn ont la direöion. , J'aliai voir , ä trols Ueues de la Villa du cötü du Nord, une Malfon de Plai-fance ou Ics Dues de Parme vont paffer une partie de l'annee : ello s'appelle Colorne. Le bätiment n'eft pas acheve, le jardiu cft beau, bieii diftribue : l'o-rangerie eft fort nonabreufe, II y a des eaux, mais elles font dans le goftt Italien, c'eft-ä-dire, qii'elles font admira-bles par la diverfite des mouvemens qu'elles donnent a pluiieiirs figures. Un homme de goüt ne regardera point ces eaux comme de belles eaux, mais au inoins il conviendra que ces eaux font curleufes. plaifance eft fituee k cinq ou fix cens (i09) _ pas du Pö clans une plaine t res-fertile & trcs-agrcable : ceu:; qui le plaifent A marquer les etimologies difent que le nom de Plalfance a ete dotine ä cette ViHe k caiiCe des charm es de fa fitua-tioDi Les fortifications de Plaifance font modernes, revetucs de briques : d'ail-leurs d'une force mediocre. J'etois re-commande au Pere Dellati , homme d'efprit & de litterature: comme je ne reftai ä Plaifance que le terns neceffaite pour voir cette Ville, le Pere Bellati voulut ni'accompagner , & il envoya dans rinftant chercher chez un GentU-homme un carrofle avcc leqitel nous parcourumes toute la Ville. La Statue; eqiieftre en bronze d'Alexandre Farneze, Gouverneur des Pays, & cclle de Rai-nuce, fon flls, onient la plus grande Place. Le Palais ou loge la Ducheße doualriere de Parme , mere de Ja R^ine d'Efpagne , eft de briqiies : s'il čtoit (no) acheve & orne des embelliffemens d'at^ chiieäure, doiit il devoit etre accom-pagne ^ ce leroit im des plus magnifi-ques Pillais de route I'ltalie. Vignole en fut TArchitefte, J'entrai clans la' Cour precifement lorfque la Ducheffe mon-toit en carroffe. EUc; etoit accompagnee de plufieurs Dames qui forment line Cour affez brillante. La Cour d'Efpa-gne donne ä cette Ducheffe une pen-fion de cinq cens piftoles par mois. Les appartemens du Palais font fort beaux & fort richement meublcs. Je ne parle point des eglifes. Quand on a les idees remplies des temples magnifiques de Rome & de Naples, onne s'arrete pas beaucoiip ä conliderer ceux de Plai" fance. Je mc detournai dii cliemJn de Pavis pour aller voir la Chartreufe, qui eft a deux ou trois lieues en de^ä de cette Vilie. C'efl une eglife fie un Convent (iti) Imagmfique» qui rappeile le fouvenir de ceux de Naples. Le corps de l'eglife eft >me architeftiire gothiquc , le portaU eft de marbre blanc, enrichi de ftatiies &c charge d'ornemens. On le vante un peu plus qu'il ne merite: il n'eft päs mcme entierement achevc ; le chceiir le grand Autel Ibnt Ventablement dignes d'etre confidcres : je dirois meme d'etre admire, fi admirer n'etoit, par le defaut de gout,ime chofe trop commune. Entre les chapelles , dont jI ne fe trouve pas nne feule qui ne foit tres-riche & bien travaillee, celle de TAf-fomption dela Vierge eftremarquable par pliifieurs beaux tableaux & par qiiantite d'ornemens de marbrc, parfai» lament bien fculptes. II n'y a pas juf-qu'aux armoires de la facriftie, qui ne meritent d'etre vues,par la bcaute de leur fculptiire. Ces armoiresrcnferment de grands trefors. II y a dans la facriftiq (na) heuve (les brodeiies, dont le travail ef^ fi acheve , qu'il nc parojt ceder en rien Giix pKis dclicates miniatures. Pavie eft fituee fur Ics Lords du Te-fin: la Vilic cii ir.al fortihee. Le Tefin cll une riviere large &c rapide , on la palTe fur un pout couvert, long de trois cens pas: on voit dans une petite Place en face de la Catliiidrale une Statue cqueftre de Bronze, que Ton croit etre d'Antonin Pie, ä caufe des traits du vifagc qui ont affez de rapport avec plufieurs Mcdailles antiques de cet Em-pereur. En paffant ä Pavie , je m'informal de CS qui regarde la dccouverte du corps de faint Auguftin ; j'allai a I'eglife de faint Pierre In-Ciel-aureo, oii s'ert fait cettc decouverte. Cette cglile ctoit autrefois fervie par des Chanoines R«^-guliers. Jean XXII y introduilit des Moines Aiiguftins, Boniface IX. po^i^ accorder flccorder l«s querelies qui s'clevoienf continuellemcnt entre les Chanoines &c les Moines, cliviia par iinc ligue, FEglife en deux parties, en forte que la partie droite fut affeÖec aiix Chanoi-jies, &c la gauche aux Peres Auguflins ; le choeur, Ic Maltrc-Aiitcl & imc Cha-pclie fouterraine ne furent point parta-ges ; niais il fut regie que chacun y fe-joit roffice alternativement tous tes mois. J'cntral dans la Sacriflie des Moi-• nes, oil il y a un tombeau de Marbre charge de figures &c de fculpture , erige par les Moines en Thonneur de faint Auguftin, long-tems avant la pretendue' decouverte du corps de ce faint Doc-j.teur. -Le Pere Sacriflain me raconta ^qu'on I'avoit veritablcment decouvert -en 1695, dans hi Chapelle fouterraine qui kii eft commune avec les Chanoines. Commc il me park avec beaucoup .;detvivacite &C de feu, il me donna lieu Tom iL H m) '^e foiipconner que ce' qiC*!! Ae bard, craignant qiielqu'invafion, crut qu'il n'y avüit point de mcilleur moyen pour conferver cesprecieufesReliqueSj, que de laiiler ignorer Tendroit oii elles Hij ctolent dcpofccs : ce font des faits doili les deux parties font d'accord- Les rai-fons que ks Chanoines ont allcguces pour doLiter que cc fTit le corps dc Saint Aiiguftin , c'cft que les fignes qui ont etc trouvcs dans Ic tombeau, fembient pUuot defigner le corps d'un Martyr, que cclui d'un Dofleur do I'E-giifc; car les os ctolcnt converts d'une etoffe rouge, & I'on a trouve dans ce monument deux phioles de veri'c, fi-gnes qui etoient autrefois, parmi les Chretiens , affe^^es aux Martyrs. Ce n'efl: point ici le lieu d'entrer dans le detail d'une infinite d'autres preuves rapportecs dans ces ouvrages, qui m'ont pani ecrits avec beaucoup d'efprit & de folldite, Les Catholiques, faifaiit des ft.cliqiics I'objet dc leiir veneration, ont iineralfon effeiitielle pour i'oppofer aiix abus qui peiivent s'lntroduire dans une fi fainte pratique ; I'ignorance des Moir ües & Icitr entctement a multiplly bicn des Keliqucs qui devoient crre uniques, & qui ctant nniltipliees font devenucs un llijet de fcaiidale pour les vrais C.i-tholiqiics , & de raillerie pour Ics Hü-retiques. De Pavic on va ä Tortone: b Cita-delle eft ii-ir une hauteur : die eft aflcz forte. Cette Ville eft une frontiere da Milanols : quand on a paffe Serravalle, on troitve des montagnes rudcs, mais qui ne font point impratiquables pour les chaifcs. Cc mauvais chemin ne dure guere que quatre poftes. Ccs montagnes dependent de I'Etat de Genes. Lorfque je pafTai a Parme, le Due ctoit ä une petite Maifon de campagne ä quelques lieues de fa Capitalc, & il ne s'y [aifl"oit point voir par Ics Etran-gers, car les Italiens font jalcux de leur dignite, & ce Due croiroit y dcroger, s'il recevoit des Etrangers autre part H iij . (ii8) <5ue clans fori Palais. Ce Prince , le fcnf qui refte de la Malfon de Farneze, effc age de cinquante & un ans : il eft ex-tremenient gros & puifTant, aimant la bonne chcre Sc la tranquillity^ Avant que de regncr, il n'avoit montre aucuii penchant pour le marlage. II a cpoufc le 3 Fcvrier 1728, Henriette d'Eft,Prin-ceflc de Modene, nee le 2 Mai 1702; la jeunelTe de cette Princeffe n'a point fait concevoir aux Sujets de ce Due (je ne f^ai par quelle raifon) t'cfperancc qu'll en cut des enfans (i). La connoiffance dc la nature des Etats de Parme Sc de Plaifanco eft dcvcniie interelTante depuis le Traite de la qua' druple alliance , oii il fiit dit que ces Etats etoient fiefs de TEmpire. Dans (i) La groffeJTe de la DiichefTe dg Parme, dcclarte depuis la mortdu Due, a furpris tont lemonde, & Ton a cru, pendant un certain terns, que ce n'etoit qu'une feinte groffelTe. (up) tfwrs lesTraites pofterieurs , les MJnir. tres Imperiaux Font repetc toiues les fbis que roccaijoii s'en eft prefentce , inais ils n'ont point allegue tl'surre tltre, linoii que ccs Etats avoient etc recon-nus tels par le Traite dc la quadruple alliance. Le Pape , qui prt^cnd que ce font des Fiefs ecclefiadiqiies, a pro-teftc contre cc qui s'efl: cenclu an prejudice du Saint Siege. La pfoteilatioii que Rome fit infiniier au Congrcs de Cambrai, &c regiftrer pardevant le Ma-girtrat, regarde particulierememrinvef-titure des Duchcs dc Parme & de Plai-fance. Le Due de Parme fit faire au Con-gres plulkurs demandes par rapport ii fes Etats, & ü ce qu'en pourroit exigcr I'Empercur : ccs demandes furcnt troii-vees juftes, & appuyces par les Minif-tres dc France d'Aiigleterre; ji^ais TEmpereur defendit exprclTement ä fes Miniftrcs dc traiter de ces demandes. Hiv Une nfianlere fi extraordinaire d'aglr ^ (lonne cle forts prejiigts contre la jiiftice cle lbn droit. La conduite dc TEfpagne au fujet de ces Etats a beaiicoup varie. La Reine eft fil!e d'Odoard, Prince de Parme , qui mourut un an avant le Due fon perc, Rainucc II. Odoard avoit cpoufe Doro-thce-Sophie de Neiibourg, fille de TE-leöeur Palatin Philippe-Guillaume, dont il cut Elifnbctli, mariec Philippe V en 1714. Francois , fecond fils de Rai-nuce, iiicccda fon pere en 1694, & cpoufa la veuve de fon frcre, dont il n'eiit point d'enfans , enforte qu'Antoi-nc , troifieme fils de Rainuce , fucceda fon frere, & c'eft ce Prince qui regne aÖuellement. La Maifon de Farneze fe tt ouve reduite ä ce Prince, & ä la Reine d'Efpagne, fa niece. Pierre-Louis Farneze , fils d'AIexan-dre, fut fait Due de Parme Sc de Plai- (Ill) fance en , par fon perc ; qui etoU Pape, foils le nom de Paul III. Les Trai-tes OLi il eft qiieftion de ces Etats, fem-blent fuppofer que par les Lettres d'in-veftiture, les males font feuls appelles ä la fucceflion. Des DilTertations faites fur ce fiijet le difent exprefTement : neanmoins dans les conditions que TAm-bafladeur d'Efpagnc i la Haye propofa aux Etats Generaux pour accedcr au Traite de la quadruple Alliance , on trouve que par I'invefliture que le Pape Paul III donna lors de i'ereäion de ce Dache , les femelles furent nommees aprcs les males, & mcme hs mfans na-tiirels de La. Maifon di Fantiče. Ce trait eft un peu fort, & contre les bonnes moeurs ; Ton a vu I'Efpagne dans fes pretentions fur les Etats de Tofcane & de Parme , tantot ne fe fonder que fur rinveftiture , donnee par I'Empereur , tantot n'alleguei- que le droit de la naif-fatice & du fang. (T") ► La fituatlon prefente des affaires eft line fituatlon bien embarraffante pour le Due de Parme; fon inclination, fon intcröt, tout le porte ä favorifer les in-t6-ets tie la Reine d'Efpagne , fa niece. II a mane paru d'accord avec les Efpa-gnols, Sc les demandes qu'il fit faire au Congres de Cambrai etoient prefentees & fignccs par les Plenipotentiaires d'Efpagne ; mais rEmpereur ne manquera point, s'il y a guerre, de mettre garni-fon dans les Places de ce Prince, qui fera pour lors oblige de montrer des fentimens qu'il n'aura point. II a cte imprime en 1713 , nn Livrc , fous le tiirc de Memoire pour fcrvir ä I'HKloire du Congres de Cambrai; c'ert: line Differtation hiftorique fur la nature des Villes de Pariae & de Plaifancc; cette Differtation eft fort f^avante ^ fort judicieufe ; elle a ete depuis irnpri" mce en Italien, fous le titre dc Difl'ei'* tatjon hirtorique, politique & ligale des Villes (lePnrme &c de Plaliance. On tend proiiver par cct Oiwrage que les Etats de Piirme & de Plaifance font des Fiefs Eccleftaftiqiies. Je rapporteral les pi'incipaux faits qui pciivent fervir k faire connoitre la natiu-e des Villes de Parme & de Ptaifance. La plüpart lieront tircs de cc'tte DiiTertation. Les Villes de Panne & de Plalfancc curcnt, dcpuis la decadence de l'Empire Romain, une deftinee fort incertaine : elles changerent fouvent de Maltres, feien les diverles revolutions qui chan-geoient de tems en rems la face de l'Ita-lie. Lorfque l'Italie rentra fous la domination de l'Empire Cirec, par le moyen des grandes aöions de BcUfaire &c de Karscs, la domination des Goths fut entiercment rcnvcrfcc, & I'ltalie fut goiivernce par les Exarques, Magiftrats de nouvelle crtiiion, qui commence'^ (tH) Ifent en 565, en la pcrfonne de LonglnJ qui fit fa rcfidence ä Ravenne. Trols ans apres I'erefVion de I'Exarcat, tonte ritalie flit inondce par les Lombards , qui y regnerent plus dc deux ccns ans ; alnfi ritalie formolt deux Etats , le Royaume de Lombardle, &: I'Exarcat. Lcs Villcs de Parme de Plaifance fai-foient partie de I'Exarcat, ou pour parier ptus exaöement, de TEmilie, Province de I'Exarcat. Procope, dans le Livre lit de la Guerre des Goths , Cha-pitre XV, appclle Pl?.i(ance la Ville Ca-pltale derEmilic. Paul Diacrc, quiccrl-voit au tems de Charlemagne , dans fon Traitc des Aöions des Lombards, Livre If, Chapitre XVHI, dit que Parme & Plaifance ctoient les principales Villcs de I'Einillc. L'enumcration de rous. lcs Auteurs , qui n'ont tous qu'un mcme fentiment, deviendroit trop longue par rapport ä la brievete que je me pro- pofe, & n'aiigmenterolt rien a I'cvl-' dence des deux Paffages que j'ai cites, Ce double Gouvcrnemcnr des Exarques & des Lombards partagea long - terns ritalie. Lcs Evequcs de Rome fe regardoicnt alors comme Sujets des Empercurs : il ne que lire lcs Lettres de Saint Gregoire ä I'Empereur Maurice &c a rufiu-pateur Phocas. Gregoire II voj'ant que I'Empereur Leon I'liaurlen s'ctant rendu Hcrcfiarque Sc Chef des Icono-claftes , voulolt dctruire la Religion dans TEmpire , & que d'ailleurs il ne donnoit aux Romains aucun lecours contre lcs invafions des Lombards &c des Sarrafins, de concert avec le Senat, tk Ic Peiiple Romain lui refufa robcif-fance.. L'Empire Romain, depuis Au-£ufte, etoit ele£>if: tantot le Senat, &c tantot TArmee,failbient les Empercurs. I-^on rifauricn ctoit ufurpateur, Le Peu- (xiO pie Romain crut en cettc occafion, pou-voir fe fervlr de fon droit, Sc le Pape n'agit que comme Chef du Peiiple. Les Lombards continuerent vexer les Romains. Aflolphe, leiir Roi, s'empara par force deTExarcat, & enfiiitc dc PLome meme, ce qui engagca le Pape Etienne II ä paÜer en France pour implorer le fe-coiirs dc Pepin qui entra en Italic, & qui, les armes i la main , enleva I'Exar-cat (\ Aftolphe , & le donna enfuitc au Saint Siege en 751, Didier, fiiccefTeur d'Aftolphe, s'etant voulu rctablir dans ces Etats, en fut empechc par Charlemagne, qui fit line nouvellc donation au Saint Siege en 774. La confirmation qui en fut faite par Louis-le-Debonnaire, 8c Celles qui ont etc faites depuis par ies autrcs Empereurs, font inferces dans le Decrct de Gratien ; on a cependant vU depuis, les Empcreurs Fran9ois & l«"® Empereurs Allemands faire dans Rome T 5 ■Sc dans les airtres Terres cette dona? tion des AÖes de foiiverainete. On ne f^ait pendant plufieurs ficcles ; ä quoi fe fixer : on ne pent s'affiirer d'une poffeflion continue & paifible. La ■Chronologie devient fort obfcure par la fuccciTion alternative des Princes , tan-tot Italiens, tantot Etrangers, par les gMcrres civile« & les fadions. Les Ty-■rans qui vexerent I'ltalie foiis les Empe-Teurs , les obligcrent fouvent d'y pafler avec de puilTantes armees, Lcs troubles renaifföient apres leitr depart. Pcu ä pen le Tgrand refpeÖ qu'on avoit pour les Papes^iminiia : rambition fucceda ä ^cetre j^deftiü & ä ce defintereffement qui les avoit rendus Maitres de tout,' lorfqu'ils vmiioient ne 1'žtre de rien. Cr^oire Vil ofa pretendre que , com-■we VicaJre de Jesus - Christ , ii etoit " le SuperleuT dt tous les Rois Chretiens: ' äes irvimities 'qiü furvbrent'entre Ics 11 If?) 'i'apes & lesEmpereurs,augmenterent leS difordres de I'ltalie: ils empieterent rd-ciproqucnient fur les droits les uns des autres. Les terns tumultueux des regneiS des Fredcric Sc des Henri font hor-reiir. L'exemple du Roi Saint Louis doit fervir de modele ä tous les Monar-ques Chretiens : il fut egalement ref-■peöueux pour le Saint Siege, zeisJ pour defcndre les droits de fa Couronne. On voit depuis ce tems-la les Papes Sc les Empereurs plus attentifs ä faire valoir leurs droits. Rodolphe I , de If Maifon d'Autriche , Charles IV , de 1a Maifon de Luxembourg , rencllrent If 'Jiberte ä plufieufs Villes d1talie4 Les ^Sforce , Dues de Milan, s'emparerent -de Parme &C de Plaifance;.nuls de ceuJ^ <]ui les avoient aiiparavant pofftdes, n voient reconnu dependre de l'Empir^' au contralre Jean XXMüvoit cede ^^ Ville de Parme aiix ScaJigers, Les Vif- contis J tontis, qui s'etolent empare de Plai-fance, en fiirent chaffes en 1531, & les Plaifantains envoyereiit une deputation folemnelle ä Jean XXH , pour fe remettre fous Taiitorite du Saint Siege. L«s Vil con tis rentrerent dans Plaifance en 1339, pour s'en affurer Ja paifi-ble poffeflion , ils paycrent au Saint Siege une rcdevance jiiiqu'en 1371, que les Plairantins fecouerent une fe-conde fois le joug des Vifcontis. Grč-goire XII leur cnvoya en 1 374, Daniel Cavetto, en qiialite de Capitaine General du Saint Siege. Louis le More ayant dcpouille & aflaifine fon ncvcu , fut le premier qui re^ut en 1495 de TEmpe-reur Maximiiien TinveOiture, foit pour Parme, foit pour Plaifance. En i^oy Maximiiien donna ä Lyuis XII I'invefti-ture des memes Etats, fans avoir egard Celle qu'il avoit accordee anterleure-^ent en 1511. Le Pape Jules H, ennemi Tome II. I (no) ües Früngols, fit avec le mcme Ertipe^ ireur une confederation pour chaßef Louis XII de ritalie. Un des articles de ce Traite portoit que Jules devoit re-couvfcr tous les Fiets cnvahis au prejudice du Saint Siege , entre lefquels, i'e-lon le tcmoignage des plus fiddes Hii-toriens, etoient expriinees nommement Panne & Plaifance. Maximilien Sforce» fils de Louis le More, fut remis en pol-' feffion du Duche de Milan, &c les Villes de Parme & de Plaiiance furent foumi-fes a TEsjlHe Romaine, En 1515, Fra'^'' ^ois l reprit le Milanois fous Maximi' lien Sforce, il afurpa Parme & Plaiiance. Le Pape Leon X fit une Ligue aveC Charles-Quint. Francois I perdit le Mi* lanois , qui fut rendu ä Francois Sforce, frere de Maximilien; & Parme & Pl»^" frmce fureiit rendues ä FLöllle. Charles' Quint fe fervant des conjonäures favo-rabies ou il Ic trouvoit j donna des i'i' ^eftitures du Dache de Milan & de eelui de Florence. Adrien V[ & Clement VII, fiiccef-iüurs de Leon X, poflederent pailible-nient les Villes de Parme &c de Plaifan-€C. Paul HI !es deracha du Saint Siege pour en donner Tinveftiture ä fon fils Pierre - Louis Farneze , & ä.fes defcen^ dans males a pcrpetuite. Ce font les ter-Eies employes page , dans les Me-moires cites ci-defitis. Cette inveftiture fut donnce en 154^. Dž;s le fiecle precedent , les Papes avoient donne des in-Veftitures des Duches de Ferrare 6c d'Urbain. Paul 11 donna celle de Ferrare k la Maifon d'Eft, en la perfonne de Borfo. Clement VIII s'en remit en pofleffion , pretendant que Cefar d'Eft n'etoit pas legitime. Sixte IV donna celle d'Urbain ä la Maifon de la Revere ; ^'rbain VIII remit ce Duche au Saint Siege J lorfque la poftcritc mafculine de i'n Ja Maifon de la Rovere eH venue 5 manquer. Pierre - Louis Farne?:e, premler Du(2 de Parmc, ayant ete afTaflinc, CharlesQuint s'empara de Plaifance: cette Villc ctoit i\fa bienfeance. Paul Ht, qui vi-volt cncore, & Jules III, fon fucceffcur, s'oppolerent de tontes leurs forces cette ufurpation , remplie de violence & de mauvalfe foi. Philippe II rendit cette Ville au Due Oflave : il fit une xeftitution que Charles-Quint kii avoii irecommandeepar fonTeftamcnt.il con' fervj neanmoins le Chäteau de Plaifan-ce , oh 11 mit garnifon Efpagnole. Le Prince Alexandre, depuls Due de Parme, fi fameux par fes exploits militai-res , refufa, Tan 1584, de recevoir ei' fon propre & prive nom la rčtrocefiio" du Chäteau de Plalfance, fous le titf^ de recompenfe de fes fervices, par'^^ «^u'il le regarcloit comme une dopeP' (m) tlance du Saint Siege, & il obtmt qu'on fit cette retroceflion au Due Oftave , a qui ce Roi avoit rendu, quclque tents auparavant, la Ville de Plaiiance. La pretendue inveftiture donnee a . Gand par Philippe II, & re^ue par le Diic Oftave pour lui & pour fes def-cendans, n'eft fondee fur aucun a£te au-thentique ; elle ne fiit point connue dc fon terns; il paroit que c'eft une pure invention : mais fiit-clle vraie ^ elle ne ferolt pas capable d'oter au Saint Siege iin droit acquis. Les premiers bruits s'en repandirent du terns du Due Raimice 1, & ce Due, louche au vif de ec bruit In-jurieiK, ecrivit au Pape Clement VIII, & a« Commiffaire de la Chambre Apoi-tolique , deux lettres , oil il detefle ce bruit, affure que c'eft un fait fuppofd , ik protefte qu'il ne pretend diipendre d'aucun autre Souverain que du Saint Siege. . f ■ j; llij Cn4) Unc poffefTion contimiee pendant plii^ de deuxficcles, eft iin titre fiiffifant poiii" affurer aux Etats de Parme & de Plai-fance l'independance de TEmpire. La prefcription cft le feul expWicnt poiir rcndre ftable une paix publique , cn levant l'incertitude du domainc, fans quoi il n'y auroit pas de palx ä efpcrer, & le genre humain fe ti*oi!Vcroit dans un etat de guerre perpetuelle : ce fom ks prin-cipes etablis par Grotius & PufFendorf. C'efl en vain que les Allemands prcten-dent que les droits de FEmplrc &c Is di-gnite du Soaverain ne font point fujets ä prefcription. Les droits de TEmpiro, ainfi que ceux de qiielqu'autre etat que ce foitj font fujcts aux difpofitions dii droit naturcl & du droit des gens, & lorfqu'iJs ne le font point, c'eft un effet de la force & de rinjuflice. Voici le fe»-'tlmcnt de Vitriarius, Auteur judicieiiv, verfc dans fctudc du droit public, beatt' tno tOüp vantc par les Alleittands, peu lu par la pliipart des Fran9ojs qui negligent I'etitdc du droit public : quoiqii'ha-biles pour interpreter les Loix clvlks , & les coiiciUer avec ks Coiitumes par-ticulieres des difFerentes Provinces du Royaume , ils ignorent fouvent les premiers principes de la conffitution de leiir Etat, II fant, dit Vitriarius, au Ti-tre IV du Li vre XI des liiftituts du Droit public, Romain, Germanique , diftin-guer entrc la majefte, & le droit d'avoir cette majeftc : la majcfte ne fe prefer it point; eile ne pent entrer dans le commerce des hommes, Dieu feul la donne; mais le droit d'avoir cettc majefte peut entrer en commerce, il fe peut pref-crire. On ne ffaurolt nler que Paul lU nc poffedät les Daches de Parme 6f de Plaifance, quand il en donna Tinvefti-ture au Due Pierre - Loviis : Charleg-j Hy (nO Quint lui • meme, avant cette Invefti-ture, vit le Saint Siege en poffefiion de ces Villes. Paul III n'en difpofa point d'lme tnaniere fecrete , mais publiqi^ts^-inent, apres en avoir parle dans un Confiftoire public. C'eft, s'il eft per-Hiis de s'exprimcr ainfi, dans ces revolutions pacifiques, beaiicoup mieux que dans Celles que produifent la force & la violence, que Ton apprend ä connoitre la nature & la conftitution d'un Etat. Jamais les Empereurs ne fe font coin-portes envers les Dues de Parme & de Plaifance, ccmmii envers des VaiTaux : I'hommage de ces Etats fe fait tons les ans au Saint Siege, non - ieutement ä la face de toute la Ville de Rome, & des Ambaffadeur & Minillre Imperial -qui y Srefident: la redevance en eft payee A fon o'e trompe; jamais nouveau Pontife n'eft elii, ni janiii's Prince de,la Maifbn tie Farneze he fuccfede a ces deivS Du- '■J 037) cličS, qu'il ii'envoye des Ambaffadeurs ä Rome pour reconnoitre, en qua!he de feudataire, la fouverainete ablblue du Saint Siege : on n'a jamais entendii parier de la moindre proteftation de la part des Ambaffadeurs de I'Empereur : an contraire, dans le Diplome accorde en 1697, par Leopold, cat Empereur cga-lement verfe dans !es affaires de i'Em-pire , & vif ä en faire valoir les droits , reconnoit que Parme & Plaifance ne dependent pas de I'Empire. J'ai expofc les traits qui m'ont paru les plus propres ä faire connoitre la conftitution des Etats que poffede la Maifon de Farneze. Si le Pape efl Ibii-Verain Seigneur des Duches de Parme ßc de Plaifance, ces Duches doivenr lui ctre dcvolus par l'extinction des families infeodees, perfonne n'ignore le ferment de non infeodando^ ferment par lequel les Papes s'obligent de ne point CnS) 3onner en Fief les blens qui relei'ent I'Etat de I'Eglife, en forte qu'll eft difficile de concilier les mefiires prifcs dans ]e Tralte de la quadruple Alliance, avec la regie generale, qui vent qu'on laifTe ä cbaque Souverain ce qui lui appar-tient de droit. DE LA RfiPUBLIQUE DE GENES. J'A I marqucS dans l'article precedent que i'allai de Tortone ä Serravalle, qui depend de l'Etat de Milan. Autrefois on alloit k Novi, petite Vilic de l'Etat de Genes; mais le Maitre de Porte de Tortone me dit qii'il avoit ordre de ne point donner des Chevaux de Pofte pour Novi. On vent apparemment faire gagner lin Milanois, ce qu'auroit gagne iin Genois, car le cbemin n'eft pas plus long par un de ces endroits que par I'au. tre. Quand on fort de Serravalle, Ton entre dans l'Etat de Genes. On voit dans les Montagnes auxqvicUes eft adolTee la Ville de Genes, pUifieurs Maifons de campagne, qui appartiennent axix Nobles & aux Citadins Genois. (i40) La Vilic de Genes eft ceinte d'line double fortification qui la coiivre par-derriere, Sc qui fe termine de chaque cotc fur le bord de la Mer. La fortification interieure qui eft la moins foible f renferme la Ville : la feconde embraflc routes les hauteurs des Montagnes qui commandent la Ville. Genes eft fituce ä I'extremite d'un golfe, en partie fur le penchant de la Montagne, qui forme ui^ croiffant autour de ce golfe, & en paf tie fur le peu de terrein plat qui fß troiive au pied de la nieme Montagne, fur le bord de la Mer : la pliipart des rues font fort ötroites , les carroffes n'y paffent point; les maifons font fort hau-ics, & particuiicrement dans I'endroit le plus bas de la Ville. A mefiire que le terrein s'cleve, les maifons devienneßt & plus baffes & plus clair femees; öü fe reflent encore du bombardement fai^ par les Francois, plufieurs maifons de-^ truites n'etant pas rebaties. Ce n'eft paä dans ces endroits, dit im Voyageur y qu'il fallt chercher Genes la fuperbe. La fituation de cette Ville eft fort agreable a la vue, foit qu'on la regarde du haut de la Tour de la Lanterne, ou Phare , foit qu'on la regarde de la Mer, & alors eile fe prefentc en amphiteatre. Cette fituation, qui eft tres - belle ä la vue , ert d'ailleurs fort rude , & on ne peut gueres fe fervir que de chaifes k por-teur & de litleres , qui font fort en ufage. Quelques Voyageurs ont fait iine Defcription un peu trop pompeufe des Palais de Genes : le marbre n'y eil pas auffi communcment employe , comme on le croiroit fur leurs recits. Plufieurs ne font que de briqucs & de plätre, points en dehors : ces peintures ne font point, k mon gre, des ornemens nobles. 11 y a quelques beaux Palais dans le Fauxbourg de Saint-Pierre d'Arcne , (M^) tel eft le Palais Dorla, & dans la rueS Neuve, tel eft le Palais da Due de Tiir-fis. Les deux Eglifes de la Ville, les pUi9 belles, les phis riches, & les plus or-nccs de beaux marbres, font rAnnoti-clade , qui n'ert pas entiereiiient finie, & cclle des Jefuites, qui a communication avec le Palais Ducal. Ces Peres font fort accredites parmi la Nobleffe. Le Port de Genes eft un ouvrage dc I'Art, & non pas de la Nature : il ^^ grand , large & profond, L'ouverture qui eft entre tes deux rtioles laifTe un trop grand efppce de Mer expofe ü Hn-fultedu Sud, du Sud-Eft, & du Sud-Oueft , en forte que les Vaifleaux foiif* frent quand Tun de ccs vents domine. La Darfenne eft un petit Port intcricur deftine pour les Galeres : c'eft antouf de cette Darlenne qu'eft l'Arfenal de Mer, ou l'on ftbrique les Galeres. II Y 3 un autre Ari'enal dans le Palais du ( ) Doge, oü il y a des armes pour trentä it qiiarante tnille hommes. A cote de la Darfenne eft un autre femblable petit Port, qu'on appcUe la Darfenne du Vin, parce que c'eft-l.\ qu'entrent les Barques qui l'apportent. On en recueiile pen dans le Domaine de la Republique, il vient prefque tout de dehors, paye de gros droits, 6c la Republique s'clt re-ferve le droit de le vendre en detail. It eft permis ä chaque Particulier de s'en fournir, &C il'en acheter pour fa provifion; mais qui que ce foit dans Genes, ne peut cn vendre en detail, non pas meme ceux qui tiennent Auberge. La Republique, pour en faire commode-ment le debit, a dans chaque quartier une cave publique toujours reniplic de vins de plufieurs prix. On livre le vin par comple aux Prepofcs a ces caves , & lis rapportent les deniers du debit ä la caifle publique : il leur eft rigoureufe-. (»44) Cement defendu, fous peine de groffei' amendes &C de Galercs, d'alterer le vin.' Les caves fe rempliffent a mefiire qu'on les viiide : fi les Italiens, & particüüc-rement les Genois, ctoientun peumoins lobres, le revenu enferoit plus confidc-rable. II y a une Police poiir le bled , ä pen pres femblable ^ telle qui s'obferve pour le vin. La Republique a toujoiirS des provifions pour deux annees. Les revenus de la Republique peuvent monter ä environ trois millions : elie en-tretient quatre Galeres : la plus grande depenfe eft celle qui fe fait pour I'entre-lien des Tribunaux. Lorfque des VailTeaux Etrangers ar-rivent dans le Port de Genes, on y met les marchandifes dont ils font charges, dans un grand magafm , qu'on appelle Pcrto-Franco, parce que les marchafl-difes qui y entrent pour etre vendues , &c qui en fortent fans I'avoir ere, "Y payefll f ayent aiTCiin droit d'entree ni de fortle; ks Marchands ne les payant au Bureau de la Repiibliqiie, qu'a proportion de la vente qu'ils font, & leur etant per-niis de rembarquer ce qu'ils n*oni pu vendre, fans ctre tcnus d'auciin droit. Genes qui avoit commence ä s'appli» quer au Commerce, en meme tems que Venife, & qui n'auroit pas efe moins heureufe qii'elle ä le faire fleurir, fut long-tems une_ rivale incommode, qui (iifputa aux Venitiens TEmpire de la Mer, Sc qui partagea avec eux le Commerce qu'ils faifoient en Egypte , Sc dans les aiitres Ports du Levant. La ja-loufie ne tarda gueres k eclater, & les deux Rcpubiiques en etant venues aux armes , ce ne ftit qu'aprcs trois fiecles d'une guerre prefque continuelle , 8c feulement fufpendue par quelques Trai-tes, que les Genois , ordinairement fu-perieurs aux Venitiens, & qui s'etoient Tome Hf. K {146) ^gnales par les avantages qu'ils avoient remportes fur eux, perdirent fur la fin du qiiatorzieme fiecle , & leiir reputation , & leiir fiiperiorite, h la journee de Chioza, oii Andre Lontarini, Doge & General des Venitiens , ailiira ä fa Republiquc, par unc heureufe tdmerite, I'honneur d'lm combat qui decida powr toujours une querelle fi cdebre, & at-tribua ä Venife I'empire de la Mer & la fuperiorit^ dii Ndgoce , qui furent le prlx d'line vl£l:oire fi inefperee. Genes ne fe releva jamais de fa perte, & Venife viftorieufe, joult, diirant un fiecle* de fes avantages, foit dans le commerce , foit dans la guerre. Mais enfin ces deux Republiques, quoiqu'inegales, font revenues ä une efpece d'egalite pou^" le negoce, avec cette difference nea"' Kioins, que les V<5nitiens en font ui' plus grand que les Genois dans, le yant, & que les Genois en font un pi"« (M7) Confiderableque les Venitiens,entrance; en Efpagne & dans les autres Erats Chretiens cle I'Europe. M. Coutlet, Conful de France k Genes, m'a paru fort zele & fort entendu pour les interets & Thon» neur de la Nation : c'eft un galant hom-me, qui par un caraÖere ferme & rem-pli d'honneiir, fe fait confiddrer par les Genois. Les ridielTes que les Partlculiers Ge-tiois ont aniaffees & amaflent tous les jours par le commerce, Ibnt immen-les. Quoique tres-riches, tres-glorieux ^ tres-magnifiques, lorfqiie roccafion le demande, prefque tous font le Commerce & la Banque. lis ont leurs Bureaux ouverts dans leurs Palais, & Ton Voit les premiers de cette Repiiblique aiifli aflldus au Banchy, que s'ils n'a-Voient point d'autre reffource pour faire Hfifter leur famille. Le Banchi eft la ^ourfe,la Place du Change, en un mot. Kij (148) Ic lieu oll les Negocians s'afTeihblent pour y trailer leurs affaires. C'eft un grand bätimenl, long , ifole , foiitenu par des colonnes, & prefque tovit ou-vert. Pendant qiic Ics Particuliers s'en-richifient, le corps de l'Etat s'affoiblit , fa dignice s'aneantit, toute fa grandevir eft redidte ä la vanite des habillemens pompeiix dont ce Peuple a revetu fon Doge , & aiix pretentions imaginaires liir lefquelles ils voudroient, dans tovi-tes les Coiirs de TEurope, s'egaler, s'ils pouvoient, aux Teles couronnees. Dans Its Fetes qui fe donnent h la campagne, les Nobles Genois paroiffent avec magnificence , car alors ils font habilles comme II leur plait: les Dames font richemeiit parees, au lieu qu'ordi-nairement les Nobles ne portent a l-i Ville qu'im habit noir & qu'im manteaii» &: que les Dames n'y paroiffent habil-Itcs que de noir. Les Dames ont leut (149) Sigistžs : e'eft alnfi qu'on appelle ä Genes de jeunes cavaliers, & meme d'affez ages, qui tienncnt aupres des Damcs Ic rang d'amls, de confidens, quelque-fois d'amans. Ces Meflieurs fe trouvent chez leurs Dames qtiand elles doivent fortir, leiir donnent la main, les accom-pagnent: its l'aident k monter en litiere ou en chaife, & Tenrretiennent la main fur la portiere. Ce font 'Ä les devoirs extericLirs de la civilite des Sigisbcs. Lorfque j'etoisü Genes, le Prince & la Princefle Hereditaire de Medene y etoient, ainfi que le Prince Emmanuel, frere du Rol de Portugal , qui vivoit d'une manierefort retiree, & dans line grande devotion. La Rcpiiblique avoir nomme pour faire compagnle au Princc & ä la Princeffe de Modene, pendant leur fejour ä Genes, quatre Nobles &c quatrc Dames. J'avois pour Madame Franzone, qui etoit une de ces quatre Kiij (UO) Dames š une lettre de crcdit & de fc^ commandatlon. Cette Dame foutient la Maifon, qui ^toit autrefois fous le nom de fon mari: elle me fit voir une trčs-bellc cave dont la Princeffe lui avoit fait prefent. Le jour que j'arrivai ä Genes, le Marquis Andre Spinola , il qui j'etois recommande , donnoit une Fete k la campagne. II avoit donne un repas ä foixante & dlx perfonnes. Tont avoit etc fervl avec fa vaiffelle d'argent. On donna l'aprtJs-midi des rafraichiffemens, & il y eut un Bai champetre. Prefque toute la Nobleffe de Genes s'y trouva , & le Prince Sc la Princefle de Modene rhonorerent de leiir prcfence. Le Prince ouvrit le Bai avec une Dame parente du Marquis Spinola, mariec depuis peti, Sc pour qui fe donnoit cette Fete. Elle me fit cnfuite l'honneur de mc prendre pour danfer avec elle: tout fe paffa dans tette Fete avec beaucoup de dignite 8Č de magnificence. Le Prince & la Prin-ceffe me parlerent avec beaucoup de bonte; leurs manleres gracieufes Hi. afFa-bles leur ont attire le refpcft I'eftime de tons ceux qui les ont approchcs. lis fe font encore plus honores par eux-memes, qu'ils ne pouvolent I'etre par les honneurs que leur a decernes la Re-publique. J'eus encore I'honneur de les voir dans leur Palais, & <\ une autre Fete qui leur fut donnee par M. de Cam-predon , ^ qui je rendis la lettre dont Votre Grandeur m'avoit honore : {[ fe tient prefque toujours ä ime petite mai-fon de campagne, fous pretexte de fante: il y vit fort retire ; il nous dit que c'e^ toit la Princeffe qui lui avoit demande cette Fete. Le Gouvernement de Genes eft arif-tocratique : cet Etat a etc fujet ä diver-fcs dominations etrangeres, & dechire Kiv jpar des fafllons inteftines. Les Ge-nois, las des divifions que produlfent les changemens de Gouvernement, fe fixerent enfin au Gouvernement ariflo-cratiqvie I'an 1^18. C'eft dans le Grand Confeil que refide la fupreme Puiffance : il ell compofe de tous les Nobles de I'Etat, pourvu qu'ils ayent vingt - deux ans accomplls. C'eft de ce Confeil que font tires les Doges & les Magiflrafs de la Republique. Le Doge n'eft en place que deux ans, ainft que les Senateurs , qui font au nombre de douze. II y a un Tribunal compofe tie fix Re-ligieux & de trois Senateurs , qu'on nomnie la Joute Ecclefiaftique. Ceft par cllc que la Repubiiqus fe gouverne dans les affaires de confcience. Ces RellgieuX donncnt leur avis de vive voix : c'cft aux trois Senateurs d'en faire le rapport : ils fe tournent comme il leur plait, 6c fort fouvent d'une majilere fort contra'ire ailx fentimens des Molnes. Lef Tribunal de l'Inquifition eft une mome-rie : Rome envoye I'lnquifiteiir, qui eft im Reiigieux Domiiiicain , avec im Secretaire & im Compagnon. Ces trois Peres component rinquifitlon, & peu-vent juger abfolument; mais rien ne s'execiite qu'en vertu des ordrcs expres du Senat qui ne les donne jamais. L'Ifle & Royaume de Corfe eft foiis la domination de la Seigneurie de Genes. Cette Ifle a cinquante lieues de long, & vingt-cinq de large : eile eft remplie de montagnes: les Habirans paf-fent pour etre robuftes, cruels, prompts & tiardis. Leur revolte embarrafle beau-coup la Republique. Cette Ifle n'efl; dif-tante de la Sardaigne que d'une heute de trajet, ce qui la rendroit fort ä la bienfeance du Roi de Sardaigne, On avoit ibup^onne le Roi Vi£tor-Amedce de foutenir & d'animer les revoltds ; fa Oh) retraite femble perfuader que ce foiip-i 50n eft mal fonde. Les diflenfions qui peuvent naitre en-tre TEmpereur & TEfpagne, font pour cette Republique un grand fujet de reflexions. Les Genois font portes d'incli-nation pour les Efpagnols, L'intcret dc leur commerce le demande: d'autre part ils poffedent dans le Duche de Milan & dans ie Royaiime de Naples une infinite de Fiefs dont on les depouilleroit. Le Pays qu'occupe cette Republique s'etend le loiig de la Mer; on appelle cette cote la Riviere de Genes, & on la divife communement en Riviere de Ponant & de Levant: la Ville de Genes eft au milieu. L'Etat de Genes s'etend du cote du Levant jiifqii'a la Magre, qui le fepare de la Tofcane ; c'eft dans une extremitc qu'eft iitue le Golfe de la Spetia, OÜ Ton craignolt que les Efpagnols n'abordaft"ent, pour entrer de - lä CmO par le Duche de Parme dans la Lombay-EPUis Genes jusqu'en Catalogne.' Par la Provtnu, h Langiudoc & U RouJjiUont J E fretai ä Genes une Feloiiqiie : c'eft ainfi qu'on appelle une Chaloupe, oil H y a huit Rameiirs & deux petites voiles. On va terre ä terre : pour pen qu'on s'elolgne de la cote , & que la Mer foit agitee, on court du rifque. On compte de Genes ä Marseille cent Heues : on les fait quelquefois en trois jours : j'en mis dix, parce que je couchai toutes les nults ä terre; que je m'arrStai aiix prin-cipaux endroits de cette route , & que le terns ne fut pas toujours favorable. La cöte,depuis Genes jufqu'tiSavon-ne, eft parfemee de pUifieurs Maifons a yUlages Sc Bourgs. II y a dix licuea (i6o) d'une de ces Villcs k I'autre; tonte cett !ive : etie eft fort delicate j & le PäyS en produit une grahde quantite. Salnte-Relne eft ä einq Ueues de Port-Maurice : c'eft un endroit oü ii y a beaucoup d'O-rangers Sc de Citronicrs : il s'y en de-bite tous les aiis la charge de plulieiiri VailFeaux. A deux lieues de Sainte-Reine eil Vintimille, le dernier endroit de l'Etat de Genes; avant que d'arriver ^ Antibes, le premier Port de Provence, on paffe devant Manton & Monaeo, qui appartiennent au Prince de Mohrco , & devant Villefranche 8c Nice^ qui font au Roi de Sardaigne. La Princlpaute de Monaco appartiehr au Prince de ce nom, de la Maifon de Grimaldi, qui en jouit fous la protection du Roi de France. Le Prince, qui eft un grand homme fort replet, y etoit, lorfque j'y paffai. J'entendis fon concert i iln'agueres d'autre compagnieque celle des OiEciefs de la Garnifon. Louife-, To/ne Iii L HyppoUte de Grlmaldi, fa fille & fort heritiere , a epoufe Jacques - Fran^ois-Leonor de Matignoii, Comte de Tho-rigny, a condition qn'il prendroit }e ti-tre de Due de Valentinois, avec les Armes de Grimaldi, fans pouvoir, ni Uli, jji fes defcendans, ajouter uii autre nom ^ celui de Grimaldi, ni ecarteler d'au-ires Armes. La Ville de Monaco eft de difficile acces, & fon Chateau eft bäti fur un rocher efcarpe , battu par leS flots de la Mer. II y a un petit Havre qui ne merite point le nom de Port, eft entierement expofe au vent d'Eft. Entre Manton & Monaco, le Prince » une Maifon de Plaifance fur le bord de la Mer Carnole ; le Jardin eft plant® d'orangers, ce font aiiffi des oranger* qui tiennent lieu de charmiile : le jardii^j la maifon & la fituation font fort agrca* blcs. La cote, oil font fituees Vüle-Fr^'''^ tile, Nice, Cagnes & AntlLes; eft^orl riche & fort gracieüfe ä la vue. Ville-franche a une forte Citadelle & iin boil Port, oil fe tiehnent les Gäleres du Due de Savoye, äu iiombre de ttois, äffcz hiai conrtfuites & fort pefantes. Je les Vis eil Itter : elles fortbient du Port de VillefräncHe , & allöient en Sardaigne. Le Due Viftor-Am^dee fäifoit travailler ä rembelliffement & ä'ia sürete du Port de Villefranche, en falfant conftrüire im mole dans la Mer ali moyen des caif-fons : ce font eti efFet des efpeces de caiffes blen calfeutrees qiii ne prennent point d'eau, & dans lefquelles on batit: lorfqufe par le poids des piferreš de Id Ina^onnerie dont ön les remplit , ellcš font enfoncecs dans la Mer, ön les lie avec des barres de fer ä la partie dii ftiole qui eft achevee; on falfolt encore Ä Villefrancbe des baffins k rimitaflort ^e eeux qui font a Marfeiile, poüi^ L ij eoRftruÖxoit des Galeres. La VlUe dij Nicc eft fort bien fituee, §( affez mar-fhanJe : c'eft, depuis mon depart da Genes, la Ville qui m'a paru la plu* animee : fes fortiScations & Celles de fon Chateau, qui etoit un des plus forts dp l'Europe , ont ete entlere m ent ra» fees j lorfque les Francois piirent cett« Vilk en 1706. Elle fur rendiie au Due frar fe Traite d'ütrecht en 1713. Oft boit ^ Nice du vin ^emblable k celui de Saint - Laurentc'tft un meme elimat , le Village qui porte cff nom, n'etanr qu'ä line lieue de Nice. Le Comte de Tende, 3ont le Rol Viöor Amedee a pris le nogi depuis foil abdication, depend du Corot« de Nice. Tende fe trouve fitue fur Jf* Front je res du Comte de Nice ^ afle* prb de Celles de Piedmont & de I'Etat de Genes, h ne regarde polm Tabdica-tion de ce Roi comme la plus bell« SiKon de fa vie: j'en ai ete furpris, m^i* tlOtt ^s extraordinairemcnt: c'eft trn f rince qiii n'a jamais pcnf£ comme Je comraun , k qiii les chafes extraofdi* naires plaifent un peu, & qui ne prcnd confeil de perfonne. Avec de fembla-bles difauts, on eft expofe ä faire d« fauffes demarches. II a abandonmi fon Etat dans una lituation qui exige ä la tSte des afFaires un Prince d'experienc^, prudent, avife, eclairs, tel qu'il ^tolt: car ce Roi avoit dc gran des parties pour le Gouvernement, & cMtoit avec julte taifon qu'on le regardoit commc le plus habile politique de TEurope. 11 laiffe fes Etats entre les mains d'un jeune Prince qui a beaucoup de Religion, qui gou-vcrnera av<;c bontd & avec juftice , mals dans qui Ton n'a point encore re-connu CCS talens qui font les Hiros (i), tju'ont eus la plvipart de fes Anc6tres, Sc (i) 11 a plus tcnii qu'il ne promettoit. Liij jä[üi font neceffaires aux Dues de Srf^ voye, ä caufe de la fituation de leur jEtat, entfe ceux de la France, & ceiix qui appartiennent ä l'Einpereur, On croit que le Roi Viäor-Amedee a et4 determine ä prendre le parti de la re-» traite, par les degoüts qu'il a eiis de-^ puis peu, foit pour retabliffement d'ua Code, ou Recueil de Loix, qui etant fait un peu k la hate, s'eft trouve rem^ pli de difficultes ; foit pour les intfi^ gues qu'il avcMt au Conclave, & qui ont ete decouvertes, lorfqu'elles eioieni fur le point d'avoir leur effet, foit pour la mauvaife difpofition de la Cour de Rome ^ fon egard, foit snfin pour les <:hagrlns qui accompagnent toujours les amours, qui ne font nl dignes. du Prince qui les fait, ni convenables ä fon age. Dieu, qui fonde I'interieur des cceurs , en connoit les motifs avecevidence; les ^iommes ne peuvent les deviner que pa^ (1671 tonjeftufes. L*ambltion des Princes, Si meme de ceux que cette paffion domine fe plus, fe termine quelquefois ä abdi-quer ; mais le repentir fuit de pres leur abdication. Charles-Quint, qui etoit ü ambitieux, & d'un caraöere affez fern-blable , fur plufieurs points, ä celui du Roi Vi£lor-Amedee, eji eft un exemple bien marque. Etant ä Nice, mon pere envoya faire des complimens au Marquis de Cagnes, qui eft de la Maifon de Grimaldi : il nous envoya des Chevaux au Cro de Cagnes : nous aliämes fouper & cou-c,her chei liu. Cagnes efl un gros Village , fitue ä une lieuc de la Mer fur une hauteur dontla vue eft charmante. Nous en repartimes le lendemain : nous nous arr6tämes k Antibes, pour voir le Port ' qui eft sur, mais qui n'eft point afies profond. Les fortifications de la Vilfe font fort belies c'cft la feule chofe qui liv. Isi^rlte a'Stfe vue. Nous allämes d'Äri^ tibes ä rifle Sainte r Marguerite : c'eii; une Ifle inculte, remplie meme, dit-on* de Serpens. II y a un fort Chateau con^i fie ä des Invalides, & t\ une efpece de Compagnie Fr^nche pour la garde des. Prifonniers d'Etat que Ton relegiie dans cette Me. Quelques-uns des Prifonniers mangent ä la table du Commandant. Nous y dinämes avcc M. de l'Arretigny» ancien amide mon pere. M. de Maifon-ville y commandoit lorfque j'y pafTai« C'efl: un vleux Militaire qui tient une bonne table , & qui a epoiife une aflez jeune femme pour avoir Ufte Coinpa^. gnie , im Cornmandant n'ayant point d'autre foci et e, tl'autres amufeinens, qu^ ccux dont jouiffent les. Prifonniers qui ont le Chateau pour prifon. L'Ifle de Saint-Honorat eft Ä c6tc de Sainte-Maf-guerite, Ii y a dans cette We, qui plus fertile &C plus agr^able, un Mpp^' tiG^J Ute; Sc tin d^tachement Hfle Sainte-Marguerite , commande par UA Sergeftt, La cote de Provence efl, en general i flerile & fort defagreable. Les environs de la Ville de Hier es font vantes ; m a Felouque eut beaucovip de peine ä en-trer dans la petite riviere d'Hieres. 11 y. avolt dans cet en droit, que Ton appelle le Port d'Hieres, iine efpece de nie^ chante Auberge ; cette cote eft fort vi-laine, Le Pays d'Hieres, oh il y a des orangers, eft ä deux lieues de ce Port* J-es Ifles d'Hieres » qui font vis-a-vis , (19») rHiftoire, J'ai trouve que les Auteura s'etendent trop fur les Eglifes, & fur les Monafteres. Je n'ignore point que c'eft Uli defaut que ron contrafte par la Icdiire des Auteurs de ccrtains fie-ples qui, etant la pliipart des Moines, ont rempli leurs Ouvrages de ce qui les intereflbit , mais on remarquera aufll que les Ouvrages de ces Moines nV voient guere de Leöeurs. Un trait de la Preface m'auroit fait imaginer que les, Auteurs de cett^ nouvelle Hlftoire etoientdes ReligieuxBenediflins, quand meme le titre ne l'auroit point annonce. Apres avoir parle des troubles du Royaa-. me fous les regnes des derniers Rois de la feconde Race, ils difent, en p^rlant des Seigneurs : tion contens d'avoir eO' leve k nos Reis leurs Domaines, üs chvahirent les biens des Eglifes. CeS. Peres auroient pu djre fimplement, üs «nleverent ä nos Rois leurs Domaines j. & Iis enyaliirent les biens des Egl'fes ; car il femble, par la mäniere dont la phrafe efl tournee , que les Moines Auteurs auroient donne l'abfblLition ces Seigneurs, s'ils s'etoient coiitentes d'en-lever le Domaine du Roi ; mais que puifqu'ils ont envahl les biens de I'E'-glife, leur cas eft irremiiTible. Je crois que c'efl:-lä ce qu'on peut penfer de plus moderte fur !e comptc des Benedič^ins qui inquletent fi forr leurs volfins: mais lailTonsles Renedičtins, je travaille pour mon inftniÖion & non pour la leur, & s'ils voyoient ce que je dis d'eux, ils s'en ofFenferolcnt ^ & ne le conyer-tiroient point. Tout ce que Je viens de dire nVm-pechc pas que l'Hiftoire de Languedoc ne foit remplle d'une infinite de recher-ches curieiifes & f^avantes, & qu'iln'jr alt beaucoup ä profiter dans la lečlure de cc Livre. Les Autcurs font prefqiift N iv ' (aoo) . jpartout cites en marge, & rien ne mani que de tout ce qui pouvoit fervir ä ren-dre cet Ouvrage authentique. On doniie communement ä AdrienJ rapporte cette Hiftoire, la gloire d'a-voir fait elever les amphitheatres de Nifmes & plufieurs autres anciens mo-numens de la Province , entr'autres le Pont du Gard qui, aii jiigement des connoiffeurs, pafle pour iin des plus hardis & des plus fuperbes edifices dq Fantiquite, Ce chef-d'oeuvre, qui fait cncore aujoiird'hui Tadmiration des piiiS habiles Architeftes , eft fitue A trois lieues de Nifmes vers fon Nord-Eft elitre deux itiontagnes eloignees I'une de I'autre de cent trente-une toifes. La riviere du Gardon coule entre ces deux montagnes. Les Romains Reverent dans ce lieu im coloffe de n^a^onnerie , ti la hauteur d'cnviron ying-trois toifes : fa fondation eft tres-fohde, Si jpolcc A'f le vif ^ii Rocher, d'oii s'elevent troi» rangs d'arcades ä p'ein ceintre, & qui forment trois Ponts l'un fur Tautre avec des retraites & des compartimens fi bien proportionnes ä toute la mafle, qu'ils marqucnt le deffein qu'avoienr les Romains d'en eternifer la duree autant que Celle de lö-ir nora. Au delTus du trolfieme s'eleve un Acqueduc qui fait le couronnement de rout l'edifice ..... Sur le fecond Pont il y a un chemm par oil les gens de pled & de cheva! peu-vent paflTer aifemcnt. Le mot d'aife-ment eft de trpp. Cette defcription d'ailleurs cfl: tres-exafte , & repond ä la dignite & ä la magnificence du monument. L'ltatie n'en fournit pas un femblable. Le Pont de Segovie en Ef-P3gne eft, de tout ce que j'ai vii en Aqueduc , ce qui peut entrer en parair lele avec !e Pont du Giird. Cet Aqueduc, difent ks memes Hif, (^Ol) toriens, fervoit ä la conduite des eait* depuis la fontaine d'Eure , au-deffoiis d'Uzes jiifqa'a Nilmes, dans Tefpacede pkii de quatre lieiies.....tantöt foiis des montagnes oii rochers perces, tantöt foiis des ponts tels que celiii dont nous parlons, pour conferver le niveau. Les Goths &c les autres Barbares enne-anis dela gloire des Romains, apres avoir inonde la Province, ne purent jamais^ malgre tons leiirs efforts, venir ä bout de miner ce fuperbe edifice, commc s'il leur eilt ete plus difficile de I'abat-fe, qn'il ne Tavoit cte aiix -Romains de Tclever, Les Barbares, le conten-tercnt de dcmolir les deux extreniites de l'Aqueduc qui confiftoicnt en de riiti-ples &c petites arches beaucoup pli^® aifees k dctniire que le refle. Ces Hif" tioriens ajoutent , qu'ati commencement du feizieme fiedc on avoit pr^' Jtique un paffage pour les charrois> ■ (^03) džehancrant fept piles du fecond Pont,^ J'obierverai, que les Auteiirsde THirtolre de Languedoc aflez exafts i citer des aiitorltes , n'en citcnt aucune poar prouver que le Pont du Gard alt jamais fervi d'Aqueduc. Qu'ils au-roient du marquer les montagnes & les rochers perc^s, & s'lls n'avoient pas juge devoir Tinferer dans le corps de l'Hiftoire, ils auroient du au molns rin-. ierer dans une note. 3®. Je ne crois pas qu'il y ait, ni qu'il y ait jamais eu dans le Languedoc im autre Pont, tel que le Pont du Gard. 4", Cette phrafe , lea Goths & les autres Barbares , &c. fent moins fon Hiflorien que fon Rheteur & fon mauvais Rheteur, car fi on n'en «xige point la veritc, on en exige au i^oins la vraifemblance, 5®. Ces Peres difent que les Barbares fe contenterent de demolir les deiix extremites de l'A-^ueduc, quv confifteiit en de fimples ^ He petltes arches. II eft pofitivement faux que les arches cIli troifieme Pont foient detruites dans les deux extremi-tes, elles ne le font que d'un cote, & dans cet endroit, I'extremite des arches du fecond Pont ne joint pas la monta-gne ; d'ailieurs on pourroit doiiter que le Pont du Gard alt ete entierement acheve, car outre que Ton n'apper9oit pas les debris des arches detruites, quoi-que Ton ait employe ä la conftruftion de ce Pont des pierres enormes , c'efl que i'ouvrage eft brut, & qu'il y a plu-fieurs pierres jailliflantes qui font ref-tees inform es , & qui, fulvant les ap-parences , devolent fervir ä quelqu'or-remens. 6°. II ne paroit pas que leJ piles du fecond Pont aient jamais ^chancrees, Les Hiftoriens du Lang«e-doc ne s'etendent pas autant fur les aU-tres antiquites de Nifmes que fnr Pont du Gard; ils renvoyent k d'autre? Auteurs. '(loO Oll vott en plufieurs endrolts de Nlf-mes des fragmens de colonnes, pieds d'eftaux, chapiteaux & autres ornemens d'architeäure, qui font voir combien l'ancienne Ville devoit 6tre fuperbe dans fes batimens. On a trouve en fouil-lant en divers endroits da terrain de cette Ville, des infcriptions, des ftatues des tetes antiques. On volt encore plufieurs aigles de marbre blanc de grandeur naturelle, d'un tržs-beau defleln, mais la tete manque ä ces aigles, foit qu'elles aient ete ainfi mutilees, lorf-qu'on a demoli les bätimens auxquels elles fervoient d'ornemens, ou que ce foit un efFet de la haine & de I'envie cjue les Goths portoient aux Romains 6c k leurs ouvrages. Parmi les anciens inonumens de Nifmes, les plusremar-quables font les reftes d'un Temple qui ^toit k ce que Ton crölt, confacre A Diane ; une vieiUe tour, qui faifoit par-. tie des iDurs dela Vilic, Tampliiteatf^ *k la maifon qiiarree ; ees deux der-t hiers meriterit particulietement I'atten-tlon des curieux. L'amphiteatre eft rem-pli de malfons ; ce qui diininue beau-coiip le plaifir & la facilite de Ic confi-derer : il eft compofe de deux rangs J'arcades. Celles d'en bas fönt ornees de pilaftres, &c eelles d'en haut de co-lonnes d'ordre Tofcan : ü me femble que Cet amphltcatre n'a point etc ciiticre-ment acjieve, &C qu'il dcvoit s'elever aii-defllis de I'ordre Tofcan un ordre d'Architefture ; car on voit par les debris du Colifee de Rome, qii'il s'cle-voit au-deffus des gradins, un ordre d'architeäure, foit qu'il ne fervit qu'^ I'ornement, ou qu'il füt de- quelqu^1ti^ litž que j'ignore. Ce n'eft pas tant la beaiite de Tarchitefture qu'il faut con-fiderer dans Tamphiteatre de Nifmes ^ gue la maniere folide dont il eft b^w* II efl conftruit avec des pierres cnoN jnes. Je crois que c'eft le poids des des pierres Sc la duree des ficdes qui fait que Ton n'apper^oit plus aucune trace du ciment qui lioit ces pierres. Car je ne m'imagine pas que cet amphi-teatre ait ete bäri ä fee, non que 9'eüt ete une chofe impoffible, mais ce n'e'' toit point tin ufage, ou du moins un iifage ordinaire, &c I'amphiteatre de Nil'mes n'eft point d'urte conftru£lion affez magnifique pour avoir mcnte une aftention fi recherchee , & fi peu utile. On voit en quelques endroits de petites figures en bas reliefs: la Lovive allal-tant Romulus & Remus, des Gladia* teurs y Sc trois figures licentieufes des Dleux Priapes , Divirites honteufes, idolatrees par les Payens. Plufieurs ont cherche dans les attributs de ces figures un fens moral cache. Un de ces Priapes'^bccquete par des oifeaux, rc- (xoS) ^refente les paffions qui nous font fbuf' /rir mllle tloiileiirs : un autre conduit par line femme qui tient les rencs de ce Dieu, marque I'empire de ce fexe fui* la pliipart des hommes. Les alles & les pieds de Cerf attaches ces figures, font de foibles iymboles de la proinptiiude & de la vivacite de nos paflions, & fur-tout de I'amour. Üne fonnette attachee i ces memes figures fembleroit faire croire que tout ccia eft de notot'ieX publique , c'eft la chronique fcandaleu-fe. Voila ce que Ion a imagine fur Is fens myllerieux de ces figures, aufli extravagantes que honteufes : je dis ima-giner, car rien ne prouve la realite de ces conjedlures. On appelle Maifon quarree un ao-Cxen bätiment plus long que large. Il efl orne en dehors de trente colonnes ca-nelees , d'ordre Čorlnthien. Comme pe fubfifte aiicune Infcription, &c les (109^ fes Hiftorlens ne marquent rlen fnr c? bätiment, on ne peut deviner fon ufage que par conjefture j & il eft vr&ifembla-ble que c'etok un Temple. Les fenetres paroifTent faites apres coup; mais com-me ce bätiment eft petit, par rapport ä la grandeur de la porte, elie pouvoit fuffire eclairer le dedans fans aiicune fenetre ; d'ailleurs , fouvent les Temples des Payens etoient obfcurs. PIu-fieurs S^avans ont conjedture fort natu-rellement que c'eft de-la qu'eft venul'ufa-ge des lampes qu'ony allumoit. La fculp-titre des chapiteaux Corinthiens, &c de leursfeuillages, n'a jamais eterecherchee avec tant d'art & de delicateffe qu'clle I'a ete dans ceux de ce monument, en*-forte que Rome n'cn poffede point de ß parfaits. M. Manfart difoir qu'il n'avoir ^len vu qui lui eut donnc de plus belles idees pour fa profeflion, que le Monument antique dc 1ü Maifon quatrce de Teme II. O (aio) ^^Hmes. Louis XIV a fait repaf er cet fice, recomniandable par I'art &c par fon anciennete , & de profane qu'i! etoit autrefois, il en a fait un Temple conlacre aiivrai Dieu: c'eft TEglife tics Augiiftins. II fe fait ä Nifmes im commerct confiderable de Soieries. Le LangucdoC pourroit fournir fuffifiimment des foies pour fatisftiire au luxe de la Nation, fi on avoit foin d'y planter des müriers-L'application, dit Ic Depute de Langue-doc, dans fon Memoire pröfente au Con-feil Royal de Commerce etabli en 1700, qu'on doit donner au retabliffement de ce commerce , eft d'une importancs fignalee, Henri IV l'avoit bien reconnu ' car le nonime Drocart, Agrlculteur de la Ville de Nifmes s'etant avife de planter des müriers , U d'elever des vers ä foie , ce Prince lui donna n"® Venfion confiderablc , U n'oublia (^ltJ tie Ces chofes que la prudence fiiggefd pour faire reuffir 6c pour augmenter un ctabliffement avantageux k I'Etat. Monrpellier eft aujourd'hui la Ville la plus confiderable du Languedoc apres Touloufe. Louis XIII y fit conflrulre une Citadelle flanquee de qiiatre baf-tions pour y faire refpefter fon autoriti par ceux de la Religion pretendue Re-, formee : on dit qu'll y en a encore beau-coiip dans Tetendue de ce Diocefe , 6« dans les montagnes des Ccvenes. Cette Religion qui s'etoxt infmuce cn France fous le voile de la reforme & de la fe-verlte, & qui s'etoll meme couvcrte quelquefois du pretexte de dcfendre I'autorite & les droits du Roi, a cauf6 des maux ä I'Etat, dont on fe reflent encore, & qui doivent faire fremir tous les bons Francois. Les abus qui fe glif-^ent parmi les Catholiques, ont donnž 'ieu k Calvm, ä Luther, ä prefque tou* pii tir.) les ^6'etiqnes, de s'eriger en CenfairŠ» Ce caraflere, foutenu d'lme faufTe mo-deftie, eft feduifant: des efprlts foibles reconnoiflant la cenfure vraiefur de certains articles, s'imaginent qu'elle Teftfur tous points, &c lie diftinguent pas le Dogmatifeiu* da Cenieur. Get efprit d'in-dependance,nt;cefraire aux HerefiarqueS pour etablir leurs nouvcautes , paffe des Chefs aux Seöateurs. Tout le monde veut examiner, fans avoir acquisles lumieres neceffaires pour decider : on nc veut plus reconnoitre d'aiitoritc, on admet celle de I'Ecriture-Sainte , parcc qu'on s'en fait foi-meme I'lnterprete: co ne font plus ies fcntimens qui fc confof' ment ä rEcriture-Sainte^c'eft I'Ecriture" Sainte expliquee qui fc conforme ai-iX fentimens : chaciin devient juge de foi : I'efprit &c le cceur feduits par mour-propre , embraflent I'erreur, ^ rarement Tabandonnent. Montpellier eft fituee fur ime collinffj a tleux lieues de la Mer. L;i Ville ell: mal percee, & les rues font fort ctroi-tes , mais il y a plufieiirs promenades qui font fort agreables : il y en a une qui eft une efpece de grande Place pro-che d'une Porte de la Vllle : au milieu de la Place eft la Statue Equeftre de Louis XIV j en bron/e : on va i ces promenades pour jouir d'un petit vent frais qui s'eleve tons les jours vers le foir , & qui dcdommage des grandes chaleurs du jour, Ce qui rend Montpellier celcbre, c'eft fon Univerfite , particulicrement fes Ecoles de Mededne. j renommees par toute TEiirope. Lorfque les Sarrafins fii-rent chaffes d'Efpagne , dit un Auteur , la Medeclne vint habiter en cette Ville, menant avec foi les Difciples d'Avei-roes, d'Avicenna , & autres Arabes. Le Jardin des Plantes eft fort curieus, Oiij (114) La proximate des Cevenes fournlt iin^^ infinite de Simples rares & precleiifes qui croiffent dnns ces montagnes. On faittoutes fortes de diftillations & d'eaux de fenteur, dont il fe fait un commerce affez confiderable. Les Etrangers s'arrctent ordinaire-ment ä Montpellier plus long-tems qu'en aucune autre Ville du Langiiedoc. Le Ciel y eft toujours pur Sc ferein; les vivres y font excellens, & k bon mar-che. On y trouve de bonnes compa-gnies, & Ton s'y introduit facifement. Les femmes y ont beaucoup d'agre-mens ; & Duchefne dans fes AntiquiteS & recherches des Villes de la France, fait deriver Montpellier de Möns pudlamm, nom emprunte , partie de ioti affiette, & partie des filles pucelles qLie la beaute y recommandc au - defft'S du commun. 11 m'a paru qu'elles ctoief^ plus enjouees que belles. La vivacite ^ le patöis relevent cet enjouement j car les termes naturels du Pays font fort fignificatifs: les hommes y ontbeaucoiip d'efprlt, mais Iis Ibnt im pen gafcon, & Ton dit que c'ell de meme ä Nifmes , li Beziers & ä Pezenas, Les Auberges des Villes & des routes font bonnes : les chemlns font magnifiqiies. Les chemins de cette Province , difent les Hiftoriens de Languedoc, faifoient autrefois un des plus beaux &c des plus fiiperbes orne-mens de TEmpire Romain, Sc par le fein des Etats font encore aujourd'hui l'ornement de la Province, &c meme du. Royaume. Ces chennns font eleves aii-deffus du niveau des terres, &c faits en forme de chaufTee ; ils font tires au cor-deau, bordes de bornes : le chemln eft fait avec de petites pierres & des cail-loux couverts de terre : cette tcrre s'af-fermit, les chcmins reftem unis, Sc Iis ibnt plus agreabks que ceiix qui font Oiv: (are) paves, parce qu'ils ne font pas fujets ait cabotage. On ne doit pas s'eloigner de Montpellier , fans voir la Veriine & la Moif-fon, deux Maifons de campagne qui en font fort proches : l'une eft I'Eveque, & I'autre ä M. Bonnier. La fituation de la Veriine eft charmante, & fes Jardins font fort agreables , quoiqii'ils foyent affez negliges. Le bätiment de la Moif-fon eft tout neufjil eft d'une tres-grande magnificence , & d'un gotit fort cnten-clii ; le Jardin eft peu de chofe, &C la fiiuation n'eft pas belle. On pent dire de CCS deiix Maii'ons, que la premiere eft redevable de fes agreinens il la Nature , & I'autre I'Art. Les Villes de Pe/enas & de Beziers font a/Tez jolies , mais je n'y remarqua' rien de fmguUer, Quelquc celebres que foient les Foires de Pezenas, on pent dire qvi'elles ne fe font que pour ^arer les sffaires Je la Foire de BeaiT-cairc. On volt (\ Beziers, dans un Jar-din attenant I'Auberge de la Croix Blanche, les mines d'un amphitcatre. Affcz pres de Beziers ert; le Canal de Langitedoc , & I'on pent, fans s'eloi-gner beaucoup, voir ce qu'il y a de plus curieux dans la conftruftion de ce Canal : tel eft un endroit oh il y a neuf Ecliifes !es unes fur les autres ; les Eclu-fes da Canal de la Brante ne font point comparabiss h celles-ci. Les nnes n'ont rien que de fort ordinaire , leur ufage ctant cle retarder le cours des eaux ; les autres fervent a faire monter ou def-cendre les battcaux : rien ne parolt d'a-bord plus extraordinaire que de s'en-tendre dire qu'on eleve des batteaux fur une Monfagne, & rien ne paroit plus fimple ala viie de ces Eclufcs , & menie rien ne me paroit aftucllemcnt plus aife ä concevoir, II f^ut fe reprgfenter cette. (ziS) Montagne coupee en neiif degres, cha-que degre a fon Eclufe ; le batteaii eft en-decä de la premiere Eclufe : on ferine cette Eclufe, & on ouvre celles qni font (uperieures , & qui arretoient le cours de I'eau : I'Eclufe fermee fe rem-plit d'eaii, & par confeqiient eleve le batteau au niveau du premier degre iur lequel on le fait avancer: on ferme alors TEclufe de ce degre, &: de Tun k I'autre on fait ainfi monter le batteau-iufqu'aii fommet de la Montagne. On regarde comme iin onvragc tres-hardi &c tres-liirprcnant la voute & la ftruÖure d'un cndroit nommc le Malpas. Ceft ainfi qu'on appelle iine Montagne de roche dure, que Ton a percee pour faire paf-fage aux eaux. Aux deux cotes on a pratiqu^ des banquete.s pour le tirage des batteaux. Un autre endroit remar-cjuable, & que j'ai encore vu, ell im Pont bilti fur une petite Riviere ^ &c fu^ lequel pafTe le Canal, On vante beart-' coup la folidite de la conftruöion de ce Pont : on devoit, pour le rendre encore plus folide, le conftniire avec de plus grandesi plerres, & imiter en cela la conftruSion d'un ancien Monument de la Province. Je parle du Pont du Gard, qui eft fi admirable par fa Ibli-dn6. - Narbonne eft une des plus anciennes Villes du Royaume : eile eft fituee fur un Canal tire de la Riviere d'Aude. Les Romains font les Auteurs de cet Ouvra-ge ; mais on ne f^auroit fixer Tepoque prčcife de fa conftni£l;ion. Ce Canal fut conftruit pour faciliter la navigation du bras de l'Aude qui traverfe un Etang, appellc anciennement Rubreffus, & que Ton nomme aujourd'hui l'Etang de Si-gean. L'Aude fe jette dans cet Etang k deux Heues au-delTous de Narbonne j dans l'endroit qu'on appelle la Goute lence Romaine aux Provinces, mais w fur tout en la Narbonnoife, comme if lemble nous en donner de tres-certai'J » nes fie veritables affurances ce grand » Sidonarius Apollinaris en fes honora->>bles Eloges ». Je ne rapporte point ces Etoges. La latinite en eft fort fcche, fort dure, & fort difficile ä entendre , parce que Sidonarius Apollinaris inyente quelqiiefois des mots nouveaiix : fa latinite etoit celle de fon terns. II vivoit dans le cinquieine Siecle. Le meme Duchefne dit plus loin, en parlant de Narbonne : « Les Huns la wprirentjla brulerent, & fireat tom» ber fous leurs ruines tous les plus ma-» gnifiques ornemens dont les Romains M avoient oclaire fon luftre A fix Ueues de Narbonne !e Languer doc finit, & I'on entre dans le Rouffil.* Ion. Cette Province faifoit autrefois Partie de la Gaule Narbonnoifc. L'an-clenne Ville de Rufcino, d'oili cette Province a tire fon nom , a ete ruinee. "Cette Vlile etoit celebre du terns d'An^ nibal. C'ctoit autrefois, au rapport de Tite-Live, ou Jes petits Rois de cette partie des Gaul.es s'affemblolent pour tleliberer de leurs affaires. Cette Province a ete unie ä la France en 1659 , par la Paix des Pyrenees. Eile a ete fouvent le theatre de la guerre, & ü n'y a de curieux que les Fortifications de Perpignan, & celles de BeUegarde, qLii cfi: vine ForterefTc ä cinq ou fix Heues de Perpignan. Avant que d'arriver A Perpignan on pafle le Tet fur un Pont aflez long allcz mal entretenu : il elt ■etroit , & fans parapet. Perpignan eft line des Viücs de France des mieux for-"tifiees. Sa Cltadelle cfl; tres - forte : une partie des Soldats de la Garnifon eft prefquc toujours malade , foit que cela provienne de la qualite des eaux, 0» de ce qu lis font trop a I'etroit dans les Cazerncs. Pour voir le plus bel endroit des des Fortifications de la Vlile, U faut fortlr par la Porte de Colloure : darts cet endrolt Id Courtlne eft defendue par une deml-lune retranchee, enfortc que I'on pafTe fur trols Fonts : le premier eft fur le foffe, entre la Courtlne & la deml-lune : le fecond ell fur le retran-chement de la deml-lune , & le trclfie-me eft pour paffer de la deml-lune an chemln couvert & glacis. A deml-quart de Heue, en fortant de Perplgnan, on volt fur la gauche du chemin xm Aqueduc d'une bonne conf-truftion : 11 a čte fait pour condulre des caux ä Perplgnan, mals je ne fcals en quel tenis, nl par qtil; le cheinin jurqu'au Uoulon , pauvre Village fitue 'i trois lleues de Perplgnan, eil aftez ajfe ; le terreln eft leger. II produit ccpcndatit du fromcnt, du vin & des olives : on trouve memc dans les campagncs des grenadiers. Le dicmln depuls le Bou'cn Tcmc If. P j^fqu'Ä une demi - ileue, aii-dela du Per-tuis, de Bellegarcle, eft mauvais : il eft au iravers des Monts Pyrrenees. Je fiis V^exne oblige pendant trois cens pas de oiarchex ä pied, öi l'on defit le Cheval 4e la volec. L? Voitiirier conduifoit le Cheval du bf^nq^rd : pa/Tai heureufff-Ei-.ent faas qu'ii amvftt d'accidsnr ä nw chaiCe. A cotc du Pertuis, fur la droite, eft ForterefTe, de Bellegarde, fur le haut 4'uiie Montagne qui n'eft commandoc d'auame part, 11 y aau Pertuis un Corps-4e-Garde, oii l'on envolc tous les jours detachement de la Fortercfle. On appelle Pertuis un Paflage entre des Mon-tagnes. Je montai ä Bellcgarde, & je montrai au Lieutenant de P^oi monPai-feport. Ii m'oftiit du chocolat, & vou-Iqit me retenir diner : je le remerclai, & je lui demandai la permiffion de voir les Forrifiiations, S'il y a des FprtgrffTes imprenables, Bellegarde en eftune: eile eft compofee de cinq baftions & d'une double enceinte ; elle a communication avec iin petii fortin, que Ton pourroit regarder commc une efpece d'ouvrage a corne, & qui fcroit avance. II y a dans la Fortereffe un Puits d'ltne profondeur etonnante, & perce dans le vif du rocher. Ceil un ouvrage qui a dcmande une grande conftance. L'eau de ce Puits ell: tres-crue. & I'on ne s'en fert que pour la CLiiflbn du pain. II y a d'ailleurs une tres - grande Citerne. La conflruc-tion de Beilegarde m'^a paru d'autant plus parfaite, qu'on peut s'y defendre avec peu de monde. Les rerres d'Efpa-gne font ä la vue & ä la portee du canon de cette Fortereffe. Un petit ruif-feau qui eft entre ces Montagues, i deux on trois cens pas du Pertuis, fait la reparation dii Rouffillon & de la Catalogne. Fin du Tonu ßcond. -n • I • . r . ^v«';.'. - ivf. r. .T« r* yv-r. ' J' t,'. ••• ' .i •^i i st ^ ) is, .-J