M ^ .... v^-j^'jitr-t!. ■ • . .VP-!, - . "A "-f 'f T J VOYAGES DE FRANCE, D'ESPAGNE, DE PORTUGAL,^ ET D'lTALIE, TOME TROISIEMEi C 3 o A Y o Y ,2DM A ü CI 4 JAOUT^IO^ 3a\IiWDAa2Ta ,3ijATra Tji VOYAGES DE FRANCE, D'ESPAGNE , DE PORTUGAL ; . et D' t T A L IE, par m. TORE TROISIEME. l^TCEAL A PARIS Ä Chez MERLIN, rue de la Harpe; k rimage Saint Jofeph. nr^. M. DCC. L XX. '^vcc Approbation Privil'^c dii Rüi, € H kJ A i ij 3 K A ill Ä.a ■ .JAOUrrOq 3(1 , d i T A T I 'G T 1 ' .ITl » ai/iOT x^t^n^/, s 1 A ^ A ?b , VIM H M sorQ .r^-joiol mkZ sgRml"! ü ----- .XX J .D D a AA RELATION D'UN VOYAGE , DE PARIS EN ITALIE, ESPAGNE ET PORTUGAL ^ Du 22 Avril »71^, au 6 Fevricr /750. de l'espagne en general, fix DU CARACTERE DES ESPAGNOLS, Sl y a une Irtfinite de reflexions qu'un voyageur ne fait pas dans le cours de fon voyage ,niais qui en font en quelqua fa^on le fruit : il y a meme une infinite de connoifTances qu'une route Sc la tra-' yerfe d'un pays nedonnent pas, mais qui Tome III. a (O s'aeqiiief ent par I'etude; & fans ces coßi iioifiances une relation eft un ouvrage iinparfair. C'eft poiirqitot j'ai cm que je devois premierement donner une idee de I'Efpagne & des Eipagnols: dans I'ar-ticle fulvant je detaillerai mon voyage. La plupari de ceux qui ont fait des relations de I'Efpagtie, n'oiit pas , je crois , fenti la difficulcč qu'il y a de raiffir. lis le font moins appliques ä faire connoitre les Efpagnols, qu'ä les inju-ricr. La relation de M. d'Aunoy efl remplie d'aventvires , qui la rendent moins femblable une relation qu'ä um j-oman. Le Pere Labat, dans fon ouvrage intitule 5 Voyage m Efpagne & en Italic , ne parle que de Cadix , de Gibraltar & de Seville. Ce Pere fait le jalUeur; mais fes plaifanteries ne font pas toujours ni bienfcantes , ni heureufes , ni jiiftes. Trois autres relations j Tune d'un voyage fait cn 1655 j I'autre (3) ä\m voyage fait en 1659, par un Cons feiller au Parlement , 6c la trolfteme imprimee en 1717, font fort medio-cres: ellesfont beaucoup moins inllriic-tives , &C beaucoup Inferieures aiix tle-lices d'Efpagne par Don Juan Alvarez de Colmenar. Les ouvrages qui ont paru fous le tltre de delices iie font pas efti-mes, les delices d'Efpagne dolventetre exceptes de cette regie ; la prevention fe trouve leur egard tres-mal fondee. Je ne pretends pas m'epargner plus que je n'cpargne les autre s, & le feul moyen pour ne point donner k mordre aux critiques , c'eft d'etre moi-merae le mien. Bien loin que ma relation fblt parfaite , ce n'eft quSin ouvrage ebau-, qxx'un effai qui ne me fatisfait pas moi-meme, & qui eft tel que le peu de tems & le pen d'experience m'ont per -mis de le faire. Pour reuffir parfaite* ment, U faudroit ^avoirfond rHif" Aij (4) lolfe d'Efpagtie , reprefenter aü vrai Con etat prefent , remonter pour cet efFet ä Tavenement de Philippe V. ä la Couronne , detailler la fuite des nego-ciations qui fe font faites depuis ce tems-lä, & les amener au point oil elles fe trouvent aujourd'hui. Pour penetrer Ic pHncipe des evenemens , il faut quel-cjuefois le chercher dans la conduite in-terieiire de la Cour, 5c dans celle de fes Miniftres ; il en faut done developper le caraftere , ainfi que celui du Souve-rain ; ce qu'il n'eft permis de faire qu'ä ceiix qui tiennent leur ouvrage fecret. II faut connoitre le Gouvernement, les Magiftrats & les Loix , les revenus. de I'Etat, fes forces & fon commerce. On doit aufli connoitre la noblelTe & fes prerogatives : ce que c'eft que la grandefle, quels font les diffa'ens ordres Milital-res. Le Clerge , la Religion, I'lnquifi-tlon, le caraftere des Efpagnols, leurs (5) inoeurs ; leurs ufages , leurs plalfirs ; leur langue, leurs vices & leurs vertus , font autant d'objets difFerens qu'il fa"-droit approfondir , qui feroient I'ou-vrage deplufieurs annees, & la maticre de plufieurs volumes. Je ne donnerai de toutes ces chofes qii'une idee fort fuper-ficielle , mais qui fera jufte dans les cir-conftances que je marquerai : j'etablirai fur chacune des principes generaux, par-lä je me mettral moi-meine en etat de pouvoir les approfondir, lorfqu'un plus grand lolfir me le permettra : j'ea dirai affez pour qu'on pulfTe diftinguer Ic vrai & le faux repandu dans les ou-vrages de ceux qui ont čcrit fur ces ma-tieres. Quolque rHiftoire d'Efpagne foit dou* i^lement intereffante pour le Francois ^ depuis qu'un Prince de la Maifon de France eft aflis iur le trone de cette Monarchie f ii manque cependant uaQ Aiii (6) bonne Hiftoire d'Efpagnc ; üne fimpte tradučlion de Mariana n'eH: pas capable de faire une Hiftoire parfaite. Ceft fans contredit im tres-bon Hiftorien ; fon ftyle eft admirable , fa narration eft or-nee fans etre enflee : il ne flatte pas les Rois , il flatte fa nation moins que les autres Efpagnols ; mais fon Hiftoire ne paffe pas le regne de Ferdinand le Ca-thoiique, enforte que les regnes les plus interelTans manquent. II n'eft pas d'ail-» leurs exempt de fautes, foit de clirono-. logie oil de gecgraphle ancienne &c moderne. Le commencement de fon Hiftoire eft: un abime de fables, indignes de la beaute & de la dignite dc I'Hiftoire j il femble que les Efpagnols, qui ont toujours evt beaucoup d'amoiir pour la gloire, ont cru qu'ils feroient avilis s'ils n'avoient qu'une Hiftoire ordinaire : ils ont prefer^ le Roman ä THiftoire veri-, table J & la plupart, non-contens de (7) foutemrqiie long-tems avant ie deluge, I'El^agne etoit cultivee & habitce, ont encore donne comme veritable un nom-bre infinl de Rols qui font fans aucun fondement dans THiftoire. Si on crok feurs imaginations , Tubal, un des fils de Japhet , Iberus , Hifpal, Hefper , Gerion, ont etc Rois d'Efpagne, & möme le Patriarche Noe a honors la Galice & les Afturies de fes vifites. Ce mervellleux qui eft repandu dans la.plu-part des Hiftoriens d'Efpagne , montre avec quelle precaution on doit les lire. II n'y a pas de ville tant foit pen confi-derable, qui n'ait ou fon Hiftorien, on fon Panegyrifte, ou pour flatter I'efprit du peuple, ou pour le faire confiddrer plus que les autres. L'Abbe de Vayrac, dans la Preface des Revolutions d'Efpagne , parle d'une maniere fort judicieufe & fort inftruaive de I'Hiftoire & des Hiftoriens d'Efpagne. Ceft de la Biblior Aiv (8) theque efpagnole de Nlcolas-Antoine J Uvrc qui peut fervir de modele aux Du-vrages de cette nature , que cet Abbe a tire prefque tout ce qu'il dit, &ille cite plufieurs fois. Sa Prefacc eft infininient fuperieure au reite de fon ouvrage qui n'approche pas , it beaucoup pres , de ceux que I'Abbe le Vertot a ecrits dans ce genre, II faut cherclicr Ic principe de lil plüpart des revolutions arrivces en Efj)agne dans le caradtere des peuples; ainfi de ces deux chofes , les revolutions arrivees dans I'etat & le .caraflere des peuples , la connoiflance de I'une augmente celle de I'autre; on volt mcme par-lä que dans un meme pays Ics moeurs , en tout terns., ne font pas tou-jours ics memes. Du tems des Pheni-ciens les Efpagnols etoient pour le refte du monde , ce que les Indes font au-joiird'hui pour I'fiurope. Les Carthagi-nois les fubjuguerent, 6i la pUis grand« (9) partie de Tarmee qu'Annlbal conöuifit en Italic etoit compofee d'Efpagnols. L'Efpagne fut dans la fuite reduite ea Provinces R omalnes; mais leiir fu}etion couta beaucoup de travaux &: de fang, aleurs vainquewrs. Les Goths leiir enen-leverent la plus grande partic, & enfin les en dcpouiUerent totalement. Leur Royaume fe foutint pendant un terns par line exaÖe difclpline : la corruption ties moeurs & les defordres pouffes ä I'exccs, donncrent lieu k I'invafion des Mores. La conquete de prefque toutc I'Efpagne fut le fruit d'une viftoire. Les Chretiens , retires dans les montagnes des Afturies, fe nommerent un Roi. On vit, pcu de terns apres, naitre pUifieurs autres Monarchies, dont les Souverains fongeoient plutot tife detruiremutuclle-ment, qu'a fe reunir pour chaffer les Mo" res. Ce ne fut enfin que fous Ic regne de Ferdinand le Catholique, qui rcunit, pai; (jo) fon manage aveclfabelle, I'Ar/agon & ia Caftille , que I'Efpagne fiit entiere-ment delivrce tie la domination des Mores. Les Efpagnols ont retenu d'eiix pliifieurs vifages qvi'ils confervent encore aiijourd'hui. La langue Caftillane con-ferve auffi des expreffions raorefques. Sous le regne de Ferdinand , I'Efpagne qui avoit auparavant de la peine ä fe foutenir , commen^a ä fe faire craindre des autres nations. Ce regne eft egale-ment une epoque remarquable , & povir le gouvernement, & pour le caračlere des Efpagnols. Ladecouvertedes Indes, qui fe fit vers le meme terns, ne contrl-bua pas pen k changer le caraäere de cette nation conquerante. Les belles aftions qu'elle fit, & contre les Mores, & contre les Americains, enflerent le coeur des Efpagnols : rien ne parut au-deffiis de leurs projets ambitieux, & ils n'afpirerent ä rien de moitis qu'4 la (n) Monarchie univerfelle. L'avenement d'un Prince Fran9ois au trone d'Efpa-gne, n'a pas produit une auffi grande revolution dans le caraftere des Efpa-gnols, qu'il y avoit lievx de s'en flatter : leur averfion pour les Francois eft beau-coup diminuee, mais elle n'eft pas anean-tie. L'hiftoire nous offre des fiecles en-tiers OÜ il ne s'eft pas fait autant de trai-tes & de conventions, qu'il s'en eft fait depuis le commencement du regne de Philippe V. Le peu de rapport &c de liaifon qui fe trouve entre ces traites , en rcnd l'etude difficile : mais de cette diverfite on en doit tirer plufieurs con-fequences pour le caraäere de la Cour d'Efpagne , celui de fes Miniftrcs, &i la fttuation de l'Etat. Sous le regne de Charles II. il fe fit im traitc entre diverfes Pniffances, & ce trait^ comenoit le projet du partage de la Monarchie d'Efpagne, au cas qn« le Roi regnant moiirüt fans^pofterite.' Learviie politique etolt d'empecher que cette puiffante Monarchie ne fütfoumife ou ä I'Empereur, ou au Roi de France, parce que dans ce cas I'equilibrc qui doit regner enire les PuifTances de I'Eu-rope, & dont le maintien eft Tobjet des derniers traites , auroit ete abfotument detruit. On etoit convenu que ce traite refte-roit fecret: ce qui fembloit eloigner la Maifon de Bourbon de la Couronnc cl'Efpagne , eft au contraire ce qui a fervi le plus h I'y elever. Le Cardinal Portocarres fut inftruit par TAmbaffa-inees d'Angleterre & de Hol» lande tächerent de furprendrc Cadlx, Philippe etok encore en Italic. La Reine fit promptement affembler le Confeil du Gouvernement, & plelne d'ime in-trepidite qui paroiflbit au-deffus de fon Sge & de fon fexe , eile s'ofTrit, avec un courage heroique, d'aller en perfonne en Andaloufie , ü l'on croyoit que fa prefence fCit neceffaire, & put engager fes Sujets k mieux faire leur devoir. Ces marques de courage & de bonne volonte charinerent le Confeil & tous les Seigneurs Caftillans, qui font naturclle-ment touches de toutes les aftions oti il paroit du grand & de l'hero'ique. Elle offrit en meme-temsfes pierreries, pour «tre vendues ou cngagees, fi l'on avoit befoin d'un prompt fecours d'argent. Ce bon exemple de la PrinccfTe, Sc ces marques d'un entler devouement pour le fervice de l'Etat, engagerent tous les Tome III, B (t,8> Öfires ä faire des efforts e^:tfaor^mai-* res pour ia confervation du Royaiime* Les ParticLiliers temoignerent ä I'envi leur zHe pour defendre Ia Patrie contre rinvafion des Anglois, Ce fut la raifon qui prefla le retour de Philippe ä Madrid , oil fa prefence etoit necefläire pour affermir fon Trone, 6c s'oppofer aux foulevemens qu'on tächoit d'exci-ter dans le coeur du Royaume en favetir de Charles III, qui s'etoit auffi rendu en Efpagne. On vit a I'arrivee du dernier paroitre plufieurs manifeftes de la part des deux concurrens. Lcs flottes Angloife & HoIIandoifa fe prefenterent devant Gibraltard , qui fe rendit par capitulation le 4 Aofit 1704. La negligence des Efpagnols en fut la caufe : ils n'avoient dans cette Place que cent hommes. Les ennerais ne ncgligerent rien pour conferver une Place qui leur ouvroit Tentree d« feoyaume d'Efpagne , & facllitoit leut, commerce de la MedUerranee. Lcs Ef-pagnols raffiegerent Inutilement, La Ca-talogne, le Royaume d'Arragon, &c ce-lui de Valence, ou fe revolterent, ou le rendirent fans rcfiftance aux premieres fommations des Allies. La guerre fe fai-foit en mOme-tems en Catalogne llir les frontxeres du Portugal, en Italie , en Allemagne, & dans les Pays-Bas. On s'epulfolt pour fubvenir aux frais de la guerre : les evcnemens tantot heureux , tantot malheureux, ne donnerent k au-cun parti une fuperiorlte affez grande pour impofer la loi de la paix; mais lis donnolent aux uns & aux autres une grande envie d'entamer les negocia-tions, 5c de terminer, par un traite general, ce que le fort des armes n'avoit pu decider. La France paroilTolt en avoir befoin plus que les autres Puiffan^ ces: fes finances 6c fes relTources ctoient Bij (lO) Žpuilees: la tnort de rEmpefeur Leo3 pold, arrivee des le 5 Mai lyo^jn'a-voit rJen changč aux affaires de l'Efpa-gne, Jofeph , l'aine de fes fils, !ui avoit iuccede dans i'Emfvire, & avoit agi effi-Cacetfieiit pour Charles fon frere. Les Allies n'avoient rien rallenti de leur premiere ardeur pour fes interets; mais )ofeph etant mort le 17 Avril 1711 , fans laiffer de fils, & l'Archiduc Charles etant eUi Empereur, ce Frince fut oblige de quitter l'Efpagne , pour mieux rnenager fcs interets en Allemagne. Philippe tira de grands avantages de ce changenient. L'Atigleterte , qui jiifques-l^k n'avoit conibattu que pour maintenir ta balante de TEutopej commen^a de fe refroidir fur les interets d'un Prince qui Uli devenoit formidable, s'ü pou-voit une fois joindre tous les Etats he-fcditaires de la Msifon d'Autriche & ceuK de TEfpagrtc, avec la Dignitclmr (^t). periale. La paix fe conclut en 1715 ä Utrecht, eatre Philippe & les Puiffan-ces en guerre, excepte TEinipereiir, qui refufa de confentir ä auciin acconimode-ment, ä moins d'une ccflion de toute I'Efpagne. Les Allies y ftlpulerent que les Couronnes de France &c d'Efpagne ne poiirroient jamais etre rcunies fous un metne Souverain; que I'ltalie jouiroit d'une parfaite neutralite, que les cho-fes demeureroient dans Tetat oii dies fe trouvolent alors. Le Traite concUi k Bade le 7 Septembre i7i4,aftermit la fituatioti de TEurope. Tout ce qui avoir ete fait ä Utrecht y fut confirme. Lqs Trou[ies de I'Archidiic fortirent d^ la Catalogne : la convention pour la neutralitcide ritalie , y etant renouvellee , eile otpit les armes. ä. l'Empereur 6c ä I'Efpagne dans la partle de I'Europe, qui ^oit la feule oujls pouvoient faire la guerre. U ne reftoit a regier entre Qes Biij deiix Monarques que quelques titre^ qu'ils ufurpoient Tun fur Tautre: car fi Ton raHemble les difFerentes claiifes des Traites d'Utrecht & de celiii de Bade, qui concernent I'Efpagne, on trouvera que par fes divers en gag em ens ayec les "Allies dei'Empereur, eile avolt faitune paix tacite avcc i'Empereur m^me, fans avoir traite avcc hii direftement ; Sc que ces deux Princes etoient autant r<5-concilles qu*ils pouvolent Tetre , par rapport ä leiirs poffeffions & k leiu-s Sujets, La mort de Louis XIV, arrivee le^ premier Seiptembre 1715, a porte dans les affaires generale® de I'Europe iin changement qui donna lieu ä la plupart des Traites qui fuivirent. Le Due d'Or-leans joignant au titre de Regent, celtu d'heritier prefomptif de la Couronne, fe trouva charge d'interets compIiqu&, merets deTEtat, interets pwfonneK (n> -II Vöii^wt affuref fes droits fur qaelqu? .chofe" de plus foUde que les renoncia-tions, ou le ferment dont on les avoit confirmes; mais la prudence exigeoit que ce Prince traität cette affaire d'une man!ere indlrefte, Sc qui ne put faire appercevoir su Roi d'Efpagne, que l'on doutolt de fa bönne-fol. La GrandeBretagne voyoit de mauvais oeille Pre-tendant dans le Cotntat Venaiffin , k ported de rentrer en France ä tous mo-mens : elle regardoit comme contraires aiix Traites. les cuvrages que Ton awit faits k Mardick fur la fin de la vie cle Louis XIV. Le Regent fe fervit utile-ment de ces ddux fitjets de mecontente-ment, pour engager 1-a Grande - Bretagne dans un Tralt^ ob fes intertts par-ticuliers feroient (Tn^'nages d'une manic-re indireite. L'Abbe Dubois fut charge de negocier cette affaire fous le notn U'mie Alliance defenfiVa, dans laqnellc B iy (m) <5n jugea propos de ft>lre entrer la R^-piiblique des Provinces-Unies: ceTraite de la triple Alliance fut con^ii ä la Haye, Ic 4 Janvier 1717. Le Minlftere de France affurolt aiiifi le repos & la tranqiiilllte publique , & en particulier les droits & les Interets 'du Diic Regent, lorfque tont d'im coup la'guerre fe railuma. Le Cardinal Jules Alberoni, eleve de la fortime, & favori de la Reine d'Efpagne, qui lui avoit procure la Pourpre , etoit r» la tete du •Miniftefe Efpagnol; Prclat d'un gctiie profond capable de conduire cette grande barque-, mais ambitieux &c te-m^raire , & qui dans la faveur ou il et&it, fe croyoit permis tout ce qu'il ofoit entreprendre fous le pretexte de la grandeur, de la gicire & de l'inter^t de la Monarchie & de la Reine d'Efpagne. L'Empereur etant entre en 1716, dans la querelle des Venitiens avecles Turcs, (M) le Cardinal Minillre jiigea que le deftlö Uli offroit une occafion favorable de r^ parer les breches, que la dernicre paix avoit faites aux vaftes Domalnes de la Couronne d'Eipagne. Le Rol avoit arme, ;i la priere des Vinlriens (k k celle du Pape ( qui, par deux copieux Indults, avoit accorde Sa Maj. Cath. une levee de deiix millions & demifurlesbiens ecclefiaftiques des Indes, &c une autre de clnq cens mille ducats liir ceux du Clerge d'Efpagne,) une cfoadre quipafla au Levant, fauva Corfou, fit beau-coup parier des Efpagnols. Souspretexte de merit^r encore mieux cette renommee, le Cardinal Minlftre arma avec plus d'appareil l'annee fuivante 1717-La Chretiente , le Pape, les Venitiens & leurs Allies en attendoient un utile & puiffant fecours , lorfque tout d'uti coup touteš les forces d'Efpagne tom-berent fur la Sardaigne, qui etoit reftee (lO ä TEmpereur, depuis qu'elle avoit ^tü -conqulfe iiir le Rol Philippe V par les Anglois. Ce Royaiime ctojt depourvu , & la conquete en fut facile. L'entre-prife ctolt trop finguliere 8i trop fiir-prenante, pour ne pas informer TEu-rope des motifs qui Tavoieiit fnit com-niencer. Ceft ce que le Roi Catholiqiie, ou pliitot fon Mlniftre, fit par ime lettre que le Marquis Grimaldo,iSecreEaire d'Etat, ecrivit aux Miniftres Efpsgnols dans les Cours Etrangeres, Le prelude de cette lettre ell fingulier. Le voici: « Votre Excellence aura, fans doute , w ete fiirprife a la premiere nouvelle, » que les armees du Roi notre Maitre » alloient etre employees k la conqufite » do la Sardaigne; &c, dans le tems que it tout le monde etolt perfuade, ßc que toute la chrctiente fe promettoit qu'el-»les alloient renforccr Tarmee navale »des Chretiens qui agit contre'lt^ Tvrfcs; & enfiiite des ofFrcs qne Sa » Majefte, pouffee par les fentimens de » la Religion & de fon coeur, en avoit » fait au Pape. Je vous avouerai, Mon-M fieiir , que je ne m'attendois pas fitöt >> ^ cette deftinatlon des armes du RoL » L'emploi que j'al Thonneur d'exerccr, 1» me dötinant de frequentes occafions » d'approcher de fa Perfonne, je dois , » ce femble, connöitre mieux que beau-» coup d'autres, fa juftice , fa droiture; »la Religion avec laquelle il obferve » fa parole ; la dellcateffe de fa conf-» cience-, enfin, fa grandeur de courage,' » ä Tepreuve des adverfit^s les plus du» rabies s qualit^s qui le r ende nt fi digne »> d'etre le Succeffeur de ces Princes , i» qui par leur pietž ont mčrite d'Str^ "lis au nombre des Saints, & d'avoir " ^^ particulier de Rois Catholir » ques. En effet, qui peut ne point Strs » ^toane d'abord, qu*uii Piincej doi>£ »le monde vante les vertus, & qu'il » reconnoit pour etre incapable de fa^ » crifier la juftice k fa gloire, commence les premieres hoftilltes contre I'Archi-» due, aftuellement en guerre ouverte M avec le Sultan des Turcs ? Mais un tel » deffein n'a pas ete forme fans un mo-»tif important qui rendoit I'entreprife » abfolument neceffaire ». Les motifs qu'on allegue, c'eft que Tevacuation des Troupes de i'Arehiduc hers de la Catalogne , ne s'etoit pas faite de bonne foi ; que rEmpereur avoit fomente la revoke des Catalans ; & qu'enfin on avoit arrete le grand In-quifiteur d'Efpagne qui paiToit par Ntv-^lan : motifs qui ont beaucoup moins frappe que le prelude de la lettre, Le Cardinal Albercni, enfle du fucces de ►I'invafion de la Sardaigne, fit des pre-paratifs pour poufler Ja guerre en Sidle, & meme jiifqu<;s dans le Royaume (^9) äe Naples , fi l'occafion fe prefentoit J dans la perfuafion oü etoit fon Eminence , que les Napolltains fouffroient im-patlemment la domination Allemande , & qu'elle trouveroit les efprlts difpofes ^ fe rendre fous l'obeifTance de leiirs an-ciens Souverains. UAngleterre, qui par vin Traite d'Alllance defenfive conclu ä Londres le 25 Mai 1706, venoit de com-traäer de nouveaux engagemens avec la Cour Imperiale, donna ordre au Chevalier Bings, qui commandoit la flotte dans la Mediterrance , de s'oppofer aux progres de l'Elpagne, Les inftruöions qui lui fureni donnees ne portüient pas tin ordre precis de comhattre les Efpa-gnolsmais l'argent que le Due d'Or-leans donna fous main k I'Amiral An-glois, le determina ä les traiter en en-jiemis declares. Les interets perfonnels du Regent ne s'accommodoient pas de la trop graiide puiffance des Efpagnols. ()0) On etrt recovirs en meme-tems auic n|4 gociations. La France & l^Angleterra entreprirentd'en perfeölonner une, qui avoit ete entamee quelque terns apr^ la conckifion de la triple Alliance. Cette negociation confiftoit k regier les con-diitlons foils lefquelles on pourroit rer concliier i'Empereur & le Roi d'Efpa-gne, & par ce moyen fixer lequilibre , & affurer le repos &c la tranquillity de I'Europe. On dreffa ce projet de paix dc concert avec la Cour de Vienne, & Ton peut juger de la peine qu'on cut de la faire entrer dans les vues pacifiques de la France & de I'Angleterre, par Tir-ritation ou I'avoit mife l'invafion de fes Etats. CeTraltefutfigneä Londres le ii Juillet, 2 Aoüt ,1718, par I'Empereur, la France & I'Angleterre. On I'appella le Traite de la quadruple Alliance , parce que I'on fe flattoit que les Etats General« y accederoient inceflamoient. Ce (30 Ttaitii r6gloit k fucceffion des Etats Tofcane & de Parme, qvii fare nt detla» rts Fiefs de 1'Emplre ; quolqu'jl foit foit doiiteux, commc je 1'ai marque, que le Duche de Parme foit un Ficf Imperial. L'Empereur accordaTinveftiture eventuelle de ces Etats au Priince Don Carlos, fils de la Reine d'Efpagne. 11 eft etonnant que Ic Minißere Efpagnol exi-geat que l'Empereur nc fe melät point de la fucceflion de ces Etats, parce qu'ii cft certain que ce font des Fiefs maicu-lins, auxquels par conlcquent la Reine d'ECpagne, ni fes cnfans , ne peuveni fucceder; & fuppofe meme que les fiUes puffent fucceder au grand Duche de Tofcane, j'ai fait voir que la France , comme heritiere des droits de Marie de Medids, a plus droit d'y pretendre que la Reine', Elifabeth de Farneze. II fut regie par le mSme Traite, que I'on enga-«eroit le Due de Savoye de ceder ä (30 rEmpefeiir le Royaume de Sidle, que I'on avoit donne ä ce Due par le Traite d'Ucrecht , 6c qii'on liil donneroit cn echange le Royaume de Sardaigne, II acceda a ce Traite le i8 Novembre 1718, bien mortific de fe voir depouilld d'un fi. beau Royaume, fans autre ral-fon qu'une raiibn de blenfeance, pour Teunir fous un meme .Souverain les Deux Siciles , c'eft-;Vdlre, le Royaume de Naples, & I'lfle de Sidle. II livra aux Imperiaux les places dent les Efpagnols ne s'etoient pas encore empares, & il prit le titre de Roi de Sardaigne; foible dedommagement ; mais il s'agiflbit de faiiver du nauiFrage ce qu'il pourroit. Les hoftilites commencerent cntre I'Ef-pagne & I'Angleterre : la flotte Angtoife battit celle cl'Efpagne, & arrets par-Iä les progres que ks armes des Efpagnols falfoient en Sidle; la France differa, au-tant qu'dle put, d'entrer dircOement dnns (33) Hans la qiterelle, dans la vue de recon-cilier ]es efprits par la mediation. La mine entiere de ia flotte n'abattit point le grand courage du Cardinal Alberoni : il ne put fe rcfoudre ä ceder la Sicile 'k I'Empereur, & la Sardaigne au Due de Savoye. Cette Eminence , fertile en grandes idees, forma le projet de favo-rifer la defcente du Cheyalier de Saint-Georges en Angleterrc , pour donner de rinquictude aiix Anglois , & aflcz r ( c'eft ainfi que l'Auteur du Manifefle s'enonce fur les oppofitions du Minif-tre Efpagnol ä la paix) « ces motifs , »jufqu'ä prefent impenetrables, vien-» nent enfin d'eclater. Les lettres de » TAmbaffadeur d'Efpagne an Cardinal w Alberoni, ont leve le voile qui les tt couyroit, &c Ton apper^oit avec hor-» rear ce qiilrendoit le Miniltre d'Efpa-» gne irtacceljlble a tout projet tie paix* » ilauroit vuavorter par-lä les complots-» qu'il tramoit contre nous. II eut perdu » toute efperance de dcfoler ce Royauw me , de foulever la France contre ta »Fiance j d'y mcnager des rebelles. (35) v dans tons les ordres de TEtat, ik « fouffler la guerre civile dans le fein » de nos Provinces, & d'etre enfin pour *> nous le ficau du Ciel, en failant ecla-» ter ces projets pernicieux , & joiier » cette mine qui devoit, felon les ter-» mžs de rAmbafladeur , fervir de pre-» Ivide h. I'incendie. Quelle recorapenfe » pour la France , des trefors qu'elle a » prodigues , &c du fang qu'elle a re» pandu pour I'Efpagne » ! Ce Manifefte fut fuivi de la marche des troupes , qui fe jctterent dans la Bifcayc , ou elles firent de faciles con-quetes. Ces mauvais fucccs , He les fortes rcprefentations des Puiffances Efran-geres , firent cnfin ouvrir les yeux au Rol d'Efpagne fur la conduite de fon Miniaere. L'irregularlte du Cardinal qui avoit des Maitreffes , parvlnt dans ces circonftances ti la connoiflance du Roi. Ce Prince" qui ycut, avec iufte Cij (36) rajfon ä tous les talens , & tout cd qu*on appelle vertiiš d'hommes d'Elat foient fubordonnei^s ä la Religion & X la pletc, & guidceš.pai" ellcs, ne rcfifla plus. La difgrace d'Alberoni fut un ache-hiincmcnfa la pai.v. L'adk d'acceflion du Roil d'Elpngnc au Traite de la quadruple Alliance , fut fignü a la Haye, le 17 Fevrlcr 1710. Cette acceffion fuf-pendi't les lioftilltts, & Ton ne p'arla plus que d afTembrer un Congres, pour difcLtter & terminer tous les difierends. T.:h Ville de Cambray fut choifie pour fcrvir de thčat!re ä čctte importante letine; on eüt dlt, ;Vvolr ce cöncöürs de Plcnipotcntiaires, que Ton alloit terminer les affaires les plus importantcs ; mais' jamais on ne s'eft fi bien trompe : ■ le Cprigrcs ouvert en 1711, dura qua- . tre ans, Sine fut romp^iqu'en 171^.'Qn^ y fit un beau rtiglement pour Ic ceremonial, pour la policc, & pour la conJuite"* (37) des Domeftlqvics. L'Efpagne y fit des propofitions qui revoltolcnt les Trupe-riaux. La Francc & rAngleierrc , qui falfoient Ic role de Mediateurs, eurent befoin de toutc la penetration & de la prudence de leurs Miniftrcs , pour re-tenir ceax dc I'Empereiir da Roi Ca-tholique prets de rompre Jl chaque inf-» t^nt; & enfin toiitcs leurs peines abou-tirent rien. Le peu de confcrcnces que Ton tint h rHütcl-de-VUle fe paflc-rent en difputes, ou en conventions, pour s'accorder des delais rcciproques. Bien loin de difcuter les pretentions des Princes d'ltalie, les prlncipales Parties ne purent convenir de rien. Tout le terns fut employe en Fetes & cn diver-tiffemens. Voih\ cn racourci le tableau de ce fameux Coogrb, que toutes les Couronnes voiiloient rompre , fans qu'aucune voulut qu'on I'accusfit d'ea ctre la caufe. Enfia, le Due d'Orlcans C iij (38) etant mort dans ces circotiftanccs, & le Due de Bourbon, qui prit fa place , ne croyant pas devoir menager les In-terets de 1'Efpagne au prejudice de ceux de la France, jugca qu'll devoit choifir une Reine en etat de donner un heri-tier qui foutint .le Tröne , 6i renvoya rinfante Marie-Viftoire , accordee avec Ic Rol Tres - Chretien , parce qu'elle etoit trop jeune. Cette refoUition irrita l'Efpagne , qui donna ordre ä fes Pleni' potentiaires de fe retirer de Cainbray ; & le chagrin qu'elle en eut contribua ä accelerer le fucces des negociations fe-cretes qni fe faifoient k Vienne. Tandis que les Plenipotentiaires de l'Empereur de l'Efpagne faifoient naitre ii chaqiie moment mille difRcul-tes, par les propofitions outrees qu'ils faifoient rcciproquement, le Baron de Riperda les applaniffoit ä Vienne, oii il etoit paflc des l'annce 1714. Toute (39) TEurope hit furprlfe d'apprendre la con-clufion d'lm Traite de paix entre I'Em-pereur & le Roi d'Efpagne. Ce Traite flit conclu ä Vienne !e 30 Avrll 1715, & accompagne de deux autres : Tun, qui etolt uii Traite de Commerce, & qui regardoit particulieremcnt la Com-pagnie d'Oftende ; & I'autre, qui etoit un Traite d'Alliance defenfive. II faiit > rappeUerce quis'etoitpaffe par rapport a la Compagnie d'Oftende. La Coiir de Vienne ayant coiinu par experience , pendant la derniere guerre, les avanta-ges que les Etats commer^ans ont fur les autres, s'etoit appliquee avec foiti depuis la paix de Bade aiix moyens de faire fleurir le commerce dans les Pays liereditaires de TEmpereiir, comme Tex-pedient le plus siir d'y attlrer des richef-fes, dont la circulation , dit un Auteur politique , porte une utlllte reelle au coeiir de I'Etat, c'eft-ä-dire, au trefor C iv Uo) i3u Souvcrain, Ceft poiir cet effet que TEmpereiir accorda des privileges aux Villes de Fjumes & de Triefte, fitiiees fur le Golfe Adnatique , & que fes Minieres, au Tralte conclu ä Paffaro-witz le 27 Jniilet 1718, infiftercnt avec tanr de fucces fiir Tarticle du Commerce, qu'ils obtinrent de la Porte des avanta-ges k cet egard, qu'aucime Ptiiflance de TEurope n^avoit encore pu obtenir de cette Cour. C'efl ä ce fyfleme que la Compagnie d'Oflende doit fon origlnc; & malgre toutes les difHcultcs & tou-les les raifons qui s'oppofoicnt ä fon etablirtement, rEmpercur accorda en-fin, le 19 Dccembre 1711, ä la Compagnie des Indes dans les Paj's - Bas Autrichiens, appellee Compagnie d'Of-tende, des Lettres Patentes d'Oftroi, qui autorifoient la navigation & fon commerce. La conceffion de cet Oflroi ouvrit les yeux a«x Puiffances Marici- (40 hies (ur les fuites qui en refulteroient an' prejudice de leiir commerce. On en ap-pella ä la foi des Traites, & I'on tle-montra que ceux de Munftcr & de la Barriere etoient violcs. Ce grief fut le fujet de plufieiirs remont ranees de la part des Compagnies Hollandolfes. On vit paroitre d'excellens Mcmoires pour & contre la liberie de la navigation. MemoireS tres-infl:ru£ilfs pour ceux qui s'appliquent ä I'etnde du. droit public , & memc j'ajouterai k !a connoiffance du coeur humain. Car Ton y volt com-bien 11 eft habile k tourner &c degulCer les principes les plus inconteftables les plus limples, pour les faire fervlr ^ I'appui de fes fentimens & de fes inte-^^ts. Le Roi d'Efpagne s'ctoit d'abord trouve parfaltement d'accord avec les Etats Gdneraux , dont Ics plalntes lui avoient paru ft juftes , que fon Mlniftre s'etQit joint au leur, pour engager (4^) Cour BrJtannlque k porter cet important grief au Congres de Cambrai. Qiioi que Ion dit, que Ton fit, oii que Ton ^crivit en faveur de cette Compagnie , eile etoit menacee d'une revolution qui ne paroiflbit pas eloignee , lorfque le Congres de Cambrai etant rompu, on vit eclorre un Traite qui avolt ete ne-gocie, comme je Tai remarque, pendant ie Congres meme, de Cour k Cour, par le canal de quelques intriguans. Celili dont on fe fervit, fut le Baron de Riperda, ne dans une des Provinces-Unies, eleve dans les emplois de la Re-publique, & qui etant fon Ambaffadeur k Madrid, avoit renonce a la patrie, pouts'attacher au ("er vice du Roi Catho-lique. Le fucces de cette negociation lui merita par degrčs la dignite de Due, de Grand d'Eipagne; &C enfia celle dc Premier Minlftre, porte qu'il n'a pas long-tems occupe. Cell lui qui doit etre (43) , confidure commc le principal Agent du Traite de Vienne. Le Traite de commerce qulaccompagnaleTraite depaiy, fut la pierre d'aclioppement qui fouleva les Puiflances , dont la force confifte dans le commerce , puifqu'elles y trou-voient des conceffions qui leiir etoient particulieres, communiquces aux Sujets de 1'E.mpercur; & que la Compagnie d'Oftende s'y trouvoit garantle contre qulconque entreprendroit d'en troublcr le commcrce. Le Traite d'Alliance de-fcnfive, conclu dans le mcme tems en-tre l'Empereur le Roi d'Eipagne, quoique (ecret, nc fut pas long-tems ignorč. La France TAngleterre, Mediatrices au Congres de Cambrai , fe voyoient jouces par la conclufion de ce Traitencgoclc ä Vienne, pendant qu'on les amufoit au Congres, par des diffi-cultes Sc des obllacles Infurmontables en apparence. Le mccontentement div ... (44) paffe & la crainte de l'avenjr rcumrent ces deitx Puiffances. Dans viii voyage ■que le Roi d'Anglcterre fit a Hanovre aii mois de Juin , oil le Roi de Pruffc fc rendit, on entama une ncgociation ; & le } Septembre 17x5 , on conclut Heeren - Haufen, prčs d'Hanovre , un Traite d'Alliance defenfive entre les Rois de France , d'Anglcterre & de Prtiße. C'cft ce qu'on appelle le Trait^; d'Hanovre. On le communJqua aux Etats Gcneraux; on tacha de ks engager ä y acceder : les Minillres de I'Ein-pcreiir S>c de I'Efpannc tacherent de les en eloigner : la Haye devint le centre des ncgociations. Les differens Minieres y firent briller leurs taiens pour la ncgociation , & leur zčle pour les in-terets de leurs Maitr^s; raais enfin cette acceffion fc fit, & fut fignce k la Haye le 9 Acut 1716. Je nc rapporterai pas id la conduite cloiiteufe dii Roi de (45 > Prufle , ä regard des deux RoiS. alhcs^ par le Traltc d'Hanovre, & la conduit^ des Allies pour foutenir les intercts de lem* alliance dans les autres Cours, fur-tout dans celles de Dannemarc , de Suede & de Tutin. Je me rapproche plus particulierement des demarches de I'Efpagne.' Pendant les differentes negociations qui fe conduifoient dans toutes Ics Cours, les Puiffances armojent de part & d'autre, comme fi. ces deux alliances Celle de Vienne & ccUe d'Hanovre n a-volent pour but que d'allumer la guer-' re'; ce'pendant on ne ceflbit de crier^ des deux cotes que chaque alliance tolt que defenfive. Les groffes remlfes' q^ie I'Efpagne fit ä Vienne , Si les mefu-res quo'Ton prit dans cette derniere^ Cour pouf augmenter les troupes Inipe-^ riales , firent juger ä la Francf, TAn-. gleterre & i leurs alll(5s , qirir etoit de - -j ". ■ (40 la prudence de fe mettre fur leurs gardes. On r^avolt que I'Efpagne nMtoit pas en etat de faire long terns ccs depen-fes cxccffives, fur-tout fi la fource de fes trcfors etoit pour quelqiie temi in-terrompue: c'eftcequi fit prendre le parti avi Miniftere Britannique d'envoyer une efcadre dans les mers de rAmeri-que , pour empecher les gallions de paßer en Europe. lis etoient ä Porto-Bello. L'Amiral Hoffier qui commandoit l*efcadre Angloife , les bloqua telle-ment, que les Efpagnols crajgnant quel-que entreprife , les dechargerent &: en tranfporterent les trefors ä travers les terres jiifqu'ä Panama. Quand la nou-velle de la deftination &C de la conduite de cette efcadre Angloife fut arrivee h Madrid , on ne manqua pas de dire que les Anglois avoientles premiers-declare la guerre. Ceux-ci au contraire difoient que leur but n'ctoit que de Tenipecher, (47) en ötant ä TEfpagne & ä fes allies h?« moyens d'executer le deffein qu'ils avoient de la commencer. Pendant que cela fe paffoit, le Parlement d'Angle-terre ouvrlt fes ieances vers la fin d« Janvier 171.7. Toute I'Europe etoit at^f tentive ä ce quife pafferoit. Onf^ait que depuis le commencement de ce üecle',' les harangues des Rois d'Angk-terre i I'oiiverture du Parlement, font confide-I'ees comme des efpeces d'oracles ton-' chant la fituation generale, des afFäire^ de l'Europe. Elle expofoit k la nation ,, & en meme terns aux yeax de TEurope entiere , Ics fentimens-des allies d'Ha-' novre & leur difpofition par rapport I'alliance de Vienne : « II faut, eft-ildit » dans cetteharangue, nous refoudre, t} ou ä'nous rendre fans'refiftance ä !^ >»'demande pofuive & injufte que fait le if Rbl d'Efpagne que nous lui rendionsL »• Gibraltar , .& -que nous confentioiis- (48) »ijalfiWetnent que rEm]x;reiir jouiffi tf d'un commerce; etendu qu'ila ufurpe, » ou bien il faut prendre le parti de nous » mettre en etat de nous faire noiis-» memes juflice , & de defendre nös » droits iocont^ftables contre les cnga->* gemens reclproques dans lefquels ils » font entres ». Le Roi d'Efpagne failbit en attendant de grands preparatifs pour alTidger Gibraltar , & la tranchee fat ouverte devant cette Place Fe- vrier^iyaj. Qiielqu'animcs & quelqii'ai-gris que fuffent les deux partis vies Nonces du Pape -i Paris , a Viennc & a Madrid, renouerent les nego^iation,s, & ce fui; par leiir canal que furent faites les. premieres propofitlons d'un accommo* dement; apr^ pliifieurs propofirioqs. £iites. combattues, les allies d'Hajig-vre propoferent ä la Cour de tui- projct de preliminaires , qu'ils nomme-. rent Icur nltinmtum : ce projet ne futc point <49) ^{lOint agre^ : on en fit un fecond, & U flit accompagne d'une declaradon que ; fi Ton n'y repondoit difinitivement 8£ cathegoriquement dans un mois, les allies d'Hanovre prendroient ce filence comme ime rupture de toutes negocia-tiotis. Ce projet ne fut cependant pas agree; mais la Cour Imperiale renvoya ä Paris de nouvelles propofitlons, &c elles y furent fignces le 3 i Mai 1727 » par les Mlniftres de Talliance d'Hanovre. L'Elpagne fit plufieiirs difficultes , que les Anglois n'euffent envoye des ordrcs leur efcadre de reprendrö la route de la Grande-Bretagnc : enfin tls atcrochoient aux deiix difficultes pre-cedentes la diftribution des efFets de la flotille. L'Empereur, fans condamncr le Roi Catholique , fon allie, n'approu-va pas ces difficultes, & parut prendre parti dans cette difpute avec les autres Puiffances de I'alliance d'Hanovfe. On promit de rappeller inceffamment leS efcadres ; Ic fiege de Gibraltar fut Ieve# le vaifleau le Prince Frcdcric rendu, & chacun remit jufqu'ati Congres la dir-cuflion de fes droits & de fes griefs. Le iku du Congres , qui avoit d'abord «t« fixe ä ALs-la-Chapelle , & depuis ä Camä» Lray, fut transfere ä Soiffons ppur la commodite du Cardinal de Fleury, premier Plenipotentiaire du Hol de France. Ce Congres a etc comme celiii de Cam-bray yne autre inoinerie , &c a produit un femblable efFet, c'eft-ä-dire, im traite qui ti'a pas moitls furpris que celui de Vienne. Ce traite conclu a Seville.le 9 Novembre 1719 , entre la France, l'Ff-pagne öc l'Angleterre, n'eft pas encore bien connu dans fes clrconftances (i) ; (1) On crolt que ce trai<^ de Seville, fecret aufli long-tems null a poflible , foU pour cn «ter ja connoiflatice ä l'Einpeieur, Ajit pour «ter en Angletetre , au parti oppofe ä la Cour, l'occafion d'enveniitier les elprits , par des reflexions captieufes, avant l'ouverture du Par-lement Enfin la vellle que le Parlemem s'af-fetnUa, le traite paruK Roiiffet l'a infere dans le cinquiem^ tome de foti Recueil Hiftorique * qti'il a "donnä au Public en 1731. 11 1 ite depuis conclu un trait^ ä Vietine eii-tre l'Empereut & igs Anglois. Le tcm» ap-prendra ce qu'iUomient, & quelles en feroiir les fuites, Dil ittais fans ThaVilete du Cardinal de Flev? Tty qui a temporife jufqu'a prefent ^ la guerre feroit allumee. On croit que ce ttaite eft Touvrage de la Reiae d'Efpa-gne, Le caradere de cette Re'me, celui du Roi fon epoux , & ceUü de fes Mi-niftres , eft ce qu'il y a de plus necef-faire ä connoitre pour demeler Ics motifs de ce dernier traite, & pour faire des fpeculations pölitiques. La variete de toutes les negociations paflees, mon-tre qu'il eft bien difficile d'en, faire de certaines : ces fpeculations font, pour l'ordinaire , aufli chimeriques que le ca-raäere des hommes eft faiix & fujet ž variation. Philippe V a epoufe en premieres noces Louife-Marie de Savoye ; fille du Roi Viftor Amedee, qui a abdi-que. Cette Princefle, remplie de douceur & de piete , s'eft fdit aimer des Ef-pagnols : ces vertus lui etoient communes avec fon epoux. La bont^ du Roi, Uli fa valeur & fa piete ont gagnc raffcftioa des Efpagnols , qiu l'aiment autant que s'il n'etoit pas Fratigois, & ce n'eft pas peu. Lorfque ce Prince fe rendit ä Madrid pour la premiere fois , ayant remarque la mifere oil la fterilite des an-nees pr^cedentes avoit rčJuit fes peu-ples, touche de leur etat, il Icur remit la moitie des droits qu'ils devoient payer : cette comp'affion charitable & li bieti placee liii gagna les coeiirs. On I'a vu plufieurs fois declarer qii'il fe met-troit, pour conferver fes droits fa Couronne, ä la tetc du dernier Sujet qui lui refteroit, Sc que fes peuples le Verroient toujours le premier danstous les perils, pour conferver leurs privileges 8c la Monarchie en fon cntler. Les inarques de fa piete n'ont pas ete moins eclatantes que les marques de fa bonte & de fa valeur. Pendant le Jubile que le Pape avQit accorde cn 1717 , pour dÄ- Dni <54^ mander ä Dleu la paix entre les P/inceS! Chretiens ^ le Roi donna k im pauvre qui hii demandoit Taumöne un bijoux de prix , fans que perfonne s'en apper-9ut ; mais ce mendiant eblovii de la grandeur & du prix dii don, le de-^ clara, Coimne ce bijoux etoit de la Couronne, le Confeil jugea ä propcs de le retjrer des mains du pauvre 8c de hii donner douie mille ecus, la jufte va-leur du bijou, croyant qu'il n'etoit pa& permis aux Particuliers de diminuer les graces dun Sou verain fipieux & fi gcnc-^ reux. L'impiete des ennqmls du Roi ne contribua pas pen r\ augmenter I'affec-tion que les veritables Efpagnols avoient pour ce Prince. Les facrileges & les profanations des Angtois & des Hollandols rempliffoient les Caftillans d'indigna-tion ; les Catalans revoltes a^foient aiifli peu de refpefl: pour la Religion CathoH-que : ils pilloient les Eglifes 6c maltraii (^O io'ient les Ecclefiaftlques. Les Pormgais m£me, qu'im zMe trop outre diftingiie des autres nations, imitoient les Catalans dans leurs exces : les Portugals &C. les Catalans etablis ä Ceuta complete-rent, par tine infignc trahlfon , de li-vrer la Ville aux Mores ; mais le Gouverneur joua ces traitres. II parut £tre de leur intelligence, enforte qu'ils don-nerent de faux avis aux infidcles qui fe prefenterent a I'efcalade ; les canons etoient charges ä cartouche : plufieurs Mores furent txics & bleffes, & le lendemain on fit pendre les traitres. L'af-feöion des peuples pour Philippe V ne fut point une afFeÖion llerile; le Clerge, la NoblelTe & le Peuple , firent a I'envi desefFortsincroyablespourluitemoigner leur zele ; ils envoyerent volontaire-ment de grandes Ibmmes ä la caiffe mi-litaire; les Prclats ne fe referverent de leurs revenus, que ce qui leur ctoie D iv precifement ndceflaire poiir fubfißer, 60 ils abandonnereot tout le refte pour la defenfe , comme ils difoient, de Dleti, duRoi, & de ÜEtat. Voilä des faits propres ä defabiifer notre nation des preju-ges defavantageux qu'elle a quelquefois fi injuftement contre les Elpagnols. Le Roi Philippe V joint aux belles qualites que j'al remarquees, des fauts qui paroilTent incompatibles. Quoi-qu'aftif ä la guerre, il eft d'une indolence & d'une foibleffe qui paroit inal-liable avec la valeur. Sa bonte naturelle ne lui permet pas de porter fes vues k des deffeins d'une execution epineufe& pleine d'embarras, & ne lui lailTe pas la force de s-oppofer aux projets de ceux ou de Celles qui o nt pris de l'afcendant fur lui. II eft le meilleur & le plus com-plaifant des hommes , il eft meme i craindre que cet exces de bonte ne de-genere avec r%e en imbecilUte. (573 Du terns de la premiere Reine, c*ei toit la Prlnceffe des Urfins qui regnoit defpotiquement en Efpagne. Le Cardinal Portocarrero , Archeveque dc To-lede, I'avolt connue ä Rome. Madame des Urfias eioit Fran^oife ftEur du Cardinal de la Tremouille , & avoit epoufe le Due de Braviano , do la Mai-fon des Urfins. Le Cardinal de Portocarrero la fit recevolr premiere Dame d'honneur aiipres de la Reine d'Efpa-gne ; cette Prlnceffe veuve du Due de Braviano, fe rendlt maitreffe de I'ef-pritdu Rol, & a beaucoup aglte Sc trouble I'Efpagne, par fon ambition & fa fenfibilite contre ceux qui n'ctoient pas difpofes ä dependre d'eile. La Reine niciirutle i4Fevrier 1714. Le temperament de Philippe V ne lui permettoit pas de demeurer veuf, &c cet exc^s de temperament ä qui la nature, dans un age avance j ne peut pas fournir, abre- gera les joiirs de ce Rol. La Princefle des Urfins ambitieufe de conferver fa faveiir , &l dans la neceflite ou 1'on čtoit de dcnner une nouvelle epoufe au Roi, fixa foti choix fur Elifabeih Farnefe, Prirt-ceffe de Parme, Elle cmt que cette Prin-ceffe, fi ebign^e par la petitcffe de fes Etats, de TallSance d'un Rol fi puiffant, aun>It par reconnoiffance les memes egard; pour eile, qii'avoit eu la feue Reine. L'Abbe Alberoni, qui depuis la mort du Due de Vendome demeuroit 4 Madrid, fans autre emploi que ccliii de cbercber une nouvelle fortune, avoit fait I'diverture de ce mariage : il en conduifit la negociatlon , &c le fiicces fut le principe de cette haute fortune oh il a depuis ete cleve. La nouvelle Reine entra en Efpagne avec la rcfolution de conferver pour elle , independamment de toute autre, le credit & I'autorite fur le Roi fon Epoux; bien informee (59) . 'de la conduite de ia Prlncefle des Ur-' fms , eile refolut de l'cloigner ; ce tju'elle fit eti effet, fans attendre l'ordre du Roi, en ordonnant au Caphaine des Gardes de l'efcorter vers la frontiere, & le bon Roi Uii paflk ce premier exces d'autorite. Depuis l'avenement de cette Reine, on a vu Tcievation & la chute de deux Miniftres, du Cardinal Albe-roni Sc du Baron de Ripperda, Le Cardinal Alberoni avoit le merite d'avoir propofe le mariage de la Reine ; le Baron de Riperda avoit etc le principal inftrument du traitč de Vienne, conclu dans un tems ou le renvoi de I'lnfante avoit extremement irrite la Reine d'Ef-pagne ; ainfi c'etoit fervir fon reffenti-nient, c'eft-ä-dire la paffion qui lui eft la plus cbere aprcs rambition. Les inte-rets de I'Efpagne fitrent mal mcnages dans ce traite ; les payemens ftipules ^ar le traite le firent fentir. Les fl.otte^ ArtgloJfes qui empechoient le paflpgtf des gallions les rendirent impoffibles: le Baron de Ripperda fut facrifie ä la vanite Efpagnole , on le remercla : Ta retraite chezrAmbaffadeur d'Angleterre lerenditcrlminel. Le Confeilcnu qu'on devoit s'aCfurer d'un homme qui avolt le fecret de I'Etat : on Fenleva de l'hö-tel de rAmbafladeur , 11 fut conduit an chateau de Segovle, d'üü il s'eft fauve. Le Cardinal Alberoni etok un genie : 11 femble qu'll ait toxijoiirs cherche les occafions 0Ü il s'agiflbit de quelque coup d'eclat, ou qui fiit difficile h. condiiire. II ^tolt egalement hard!, & dans !es en-treprifes qu'il formoit, &C dans le choix des moyenspour y reulTir. II avoit con-le deffein de reiinir tous les Etats fe-parcs de la Couronne d'Efpagne ; il s'e-toit applique ferienfement ä faire fleurir les Maniifai^iires , le Commerce & la Marine. 11 etoit paflionne pour la glpj- Ire, pour tout ce qui avoit I'air de^ grandeur; il aVoit un efprit tranfcendant & un courage indomptable. Ses granges ideeS)ont ete la caufe de fa chute; il eiit mieux reuffi , & pour fon propre avantage, & pour celui de I'Ecat, fi k tontes ces grandcs qualites il eut jomt des mceurs, un peu de moderation &L de prudence. La Reine jouit atijourd'hul de toute Tetendne d'une faveur fans bornes. Un Efpagnol m'exprlmoit en deux mots, d'une maniere bien fjgnificative , le ca-raftete du Roi, & celui de la Reinc. Philippe V. (di(bit-it) cVft le mari de !a Reine. L'indolence & lafoiblefle du Roi lalaiffe niaitrefle de tout; die a eloigne tous ceux qu'eile a cru qui ne fecorderoient pas fes Vlies. Sa feveur on fa h a int font le deftm heurcux ou malheureux de ceux qui poffedent ou qui afpirent ä quelque chofe. L'afcendant qu'dle a fur I'cfprit du Rpi ne f^auroit žtre plus grand: Iba ($2) Slltorit^ efi: toute-pulffante : elle emt, ploye tout ce credit pour fatisfalre fon ambition , facrifie I'Efpagne ä fes in-, terets partlculiers. Lc Pnnce des Afturles eft le feul fruit qui refte du premier mariage du Roi. Ce Prince parolt avoir toutcs les qualites d'un honncte hemme & d'un bon Citoyen. Ii ne paroit pas qu'il ait Celles d'un grand Roi. 11 n'eft pas d'une repre-fentation avantageufe. La Princeffe de Portugal, fon Epoufe, eft grande, grafle 6c tres-blanche, mais eile n'a pas un vifage gracieux. On dit qu'elle a beau-coup de vertu & de merite. On n'au-» gure pas bien de la fecondite de leur mariage, La Reine a de tr^s-beaux enfans, plu-fieurs Princes & plufieurs FrincefTes. II y apcu de Particuliers dans l'Europe qui puiflent fe vanter d'avoir une aufli belle famille, Ses enfans parolffent avoir ete («o formes par I'Amour & par les Graces! Le Prince Don Carlos eft Tainc. H a beaucoup cle vivacite , iiti peu d'impa-tience ; on croit qu'il ne fera pas moins entreprenant que la Reine ell ambitieu-fe. Le Prince Don Philippe, fon frere , donne, dans un age peu avance, des marques de toutes les plus grandes ver-tus : il s'attache beaucoup ä profitcr de la belle education que la Reine fait donner A fes enfans; il fait parfaitement bien fes diiferens exerciccs; 11 parle cinq oil fix langues; on ne I'a jamais vu s'cm-porter, ni rire avec exccs; il räinit un ^ir noble, ferieux Si afiable : il n'a au-ciin des defauts que Ton reproche aux Efpagnols, ni de ceux que Ton reproche aux Francois ; il reunit au contraire toutes les belles qualites de ces deux nations. M. Patlgno, autrefois Jefuite, gou-i Verne fous les ordres de la Reinc : ce£ hofflme lui eft nčceflaire ; car ou^ tre qii'il eft habile & capable ; 11 Iiii fert de plaftron contre la Haine publique; ii a en tneme-tems les "Finances & la Marine : on n'a pas cru devoir feparer ces deux branches , ä caufe de la relation eflentielle qii'il y a cntre le commerce exterieur & le commerce Interieur. M. de Caftellar, fon frere, a les affaires de la guerre. Celui-ci eft un homme qui aime les ptaifirs & la depcnfe , & qui, ä proprement parier , n'eft maitre de rien. Les Efpagnols, qui le fentent & qui le voyent, ne lui portent peut-etre pas cette eftlme fin-: guliere dont tout homme en place doit etrejaloux, mais il n'eft pas hai. Pati-gno au contraire eft regarde comme Tame damnee de la Reine, ( c'eft I'ex-preflion d'un Efpagnol) Tambition & la cupidite de la Reine I'emp^chent de ■mettre dans les Finances tout I'ordre qu'il tjii'il feroit capable d'y introduire. Cettti penfee me mene naturellement ä parier de I'etat prefent de rEfpagne: je donnerai enfiiltc line idee dii Gouvernement ; j'infererai dans ces exaniens lecarai>ere des Efpagnols, & Ton jugera dc ce que la Reinc devrolt s'en promettre pour Texecution de fes projets. De tous ceux qui ont parle de I'Efpa-gnc , anciens & modernes, Strabon efl celuiqui en parle le plus judicieufcment, & je prefererai fes cxpreflionsä Celles des autres Auteurs, fur les cliofes aux-quelles une fukc de plufieurs fiecics n'a Rpporte aucun changement. « L'Efpa-»» gne, dk-il, cfl: un pays difficile oü la » Nature a donne peu de commodltcs » aux Habitans. Lcs montagnes dont il eft coupd font fteriles, les campagnes M font couvertes d'une terre legere : le » defaut d'eau produit en pluficiirs en» droits une grande fechereffe : la partic Tome III, E D la plus feptentrionale, oiitre qu^elt« » eft fort fcabreiife , eft frolde, Ik na-»tiirellcment paiivre : la partie meri-» dionale, particiiliercment rAndaJoii-» fie , eft d'ime tres-grande fcrtillte ». Strabon s'ctend affez lur le grand commerce qui fe faifoit autrefois en Efpa-gne. 11 parle avcc eloge de la fineffe admirable des laines, & de la grande quantire des troiipeau*. Les lapins avoient fi fort nniltipllG, qu'ils defoloient le pays: onlAcha contreeux des chats d'Afrique, chats favivages qui les dctruifolent. Les inlnes d'or 6{ d'argent y abondoient. Ait rapport de Polibe , cite par Srrabon , ü y iiVoit affez pres de Carthagene qua-rtrtte mille hommes employes au tra-* vail d'une mine , & cette mine rendoiS alors aiix Romains, par chaque jour^ vingt-cinq mille drachmes. Ce qlie Strabon d;t des mines eft d'autant plus cif lieux , qu il parle des manieres dont of» t«7) tn tiro'it les metaux. Ii ne faut pai t^iie les nouveaux Entrepreneurs des tnines le proinettent d'auffi grandes richeffes que celles qii'on en tiroit autrefois : une partie des mines efl: cpiilföe , vraifcmblablement ce font cclles qui etoient les plus abondantes : les frais font aiigmentes, parce que tout eft devenu plus eher : les hommes inan-quent; les mines des Indes font plus fe-condes, 8c mcme Tendrolt oii l'on tra-vaille n'augure point un bon fucces* 11 eft inonde, & on pretend le mettre a fee. La caufc de ces inondationsfe trouv® encore dans Srrabon, & elle me con-firme de plus^eri plus dans la prevention OÜ je fuls contrc cette entrcprife : « Les Andaloux , dit-il, travaillentavecuh » tres-grand foln & une tres-grande in» duftrie : ils font des canaux fi pro-* » fonds , qu'ils renccntrent fouvent des » courans d'eaux. Lcs mines on I'on a Eij (68) cntrepris de tnivailler font en Andatoü^ fie. Strabon s'etencl fitr dilFercntes au-tres richeffes &c prodiiftions de I'Efpa-gne, & aufii fur le caračteue des anciens Efpagnols, qui menoient une vie fort dure , fort miferable , ne cultlvoient guercs les terres, vivoient de brigandages : ces mauvaifes quallres ne font pas entieremcnt bannies dc I'Elpa-gnc. La leÖLire du troifičme Llvre de Strabon efl curieufe, inllniftive Sc utile poiir connoitre cette partie de l'Eu-rope. La confufion a regne fi long-tems dans les Finances du Roi d'Efpagne , que peu de pcrfonnes en ont pu penetrer Je myftere, & je ne hazarderai rien fur une matiere fi embrouillee. Loin de decider quel efl ie total de toutes les fortes de revcnus, il fcroit fort difEcile & af-fez long de donner une idee precife &C jufte des differentes impofuions que 1®- (69) Hoi leve fur le CEcrgc & fur les peuplcsi foit en Efpagne, foit dans le Nouveau-Monde : peu d'Eipagnols !c connoif-fent. La vt'iite des principales denrccs, comme le vin , la viande , eft afrermcc, ce qui fait line des grandes branches deS revenus du Roi. Les autrcs font le ta-bac , les douanes qui font a I'entrte dc chaque Province , les droits qui fe le-vent fur les marchandifes, & fur for & I'argent qu'on apporte des Indesik. line partie des revenus ecclefialllques accordee an Roi, fous le pretextc dc faire la guerre aux Infidcles, Je ne parle pas d'unc infinite d'autres : Ic nom de la pKipart dc ces droits eft mcnie fi bizarre , que rorigine de ces mots leur premiere fignificatlon peut faire I'objet d'une etude toute particuliere. J'ajotitt-rai feulement que ceux qui pretendeiit fetre les mieux informes de ces droits , 6c en avoir fait un exadt calciil, gva- E iij f7o) lucnt les revenus de TEtat ä environ foixante - dix millions de notre mon-noye. Le Roi a afliiellement foisante-dix mlllc hommes dc troupes bien ha-billes , bien armes & bicn difciplincs, 11 veut les augmenter jufqu'a cent mille hommes, Une partie-dc ces troupes eft etrangere. On compte cinquante-cinq vaiffeaiix de ligne , depuis foixante juf-qu'a ccnt pieces de canon. M. Patigno a un foin tout particulier de,la Marine: il a ^iiffi des vues pour le Commerce , & Ci i'Efpagne pouvoit fortir de I'indi-gence oü eile fe trouve aujourd'hui, ce Minillre feroit bien capable de la rendre floriflante. La Reine fait paffer beau-coup d'argcnt en Italic , pour n'en pas manquer cas de viduite. La Cour d'Efpagne eft toujours fans argent, & tous les payemens font fort recules. Deuxchofes qui font la grandeur & b pdflance des Etats , ia culture & le ČommeK:e font fort negliges en Efpa-. gne. Le nombre des Habitans qui eft ne-ceffalre pour animer la culturc des ter-res 6c le commerce , manque ä I'Efpa-gne , &c le peu qu'il y en a eft trcs-pa-reffeux & tres-orgueilleux. Un Payfan eft affis devant fa poi'te, dans ime place, ou au coin d'une rue, les bras croifes le manteau fur I'epaule , occupe de fes reflexions, ou d'une guittare diffonante : il eft pauvre &c mal accommod-e chez liil; mais jl foutient fon indigence avec un air de gravite qiii impofe. Les ri-chefles font entre les mains des Gra^ids, tantSeciiliers qu'Ecclefiaßiques. Les Ef-pagnols ne veulent pas s'«h:dffer la plupart de ces bas emplois que la nccef-fite des homines a fait iiaitrc, ils les laiffent a des ctrangers; & corame la plupart font des Auvergtiacs, cela pent avoir contribue k augmenter le mcpris que ks Efpagnols portent aux Fran^ois^ E iv (70 its ont jitge de la nation par ces hommes mercenaires. Plufieurs raifons rendent TEfpagne (leferte, en comparaifon de ce qu'elle rtoit autrefois. La premiere cf} I'expul-fion des Mores & des Julfs, chaffcs par Ferdinand & Ifabelle, aprcs la conqucte du Royaume de Grenade; leur nombre, au rapport de Mariana , montoit ä cent foixante-dix mille families. Les Mores & les Juifs qui refterent firent profefRon de la Religion Catholique, lis ctoient difpcrfes dans tout le Royanme; c'e-toient des gens agifTans &c induftrieux, & les feuls Laboureurs & Artifans qu'il y eut en Efpagne. Philippe III, pouffe d'un zele indifcret & mal entendu , les bannit entierement ; il en fortit plus de neuf cens mille, ce qui rcndit deferts prefque toute I'Andaloufie , 6c les Royaumes de Grenade, de Cordoue & de Murcie. Les guerres continuelks que (73) ies Rois Catlioliques ont cu ?i fontenit' pendant deux fiedes, en Flandre & en Italic , & la dccouverte des Indes, d'oii il ne revient tout au plus qu'iin quart du nionde qui y paffe , ont beaucoup con-tribuc ä depeuplcr TEfpagne. Les fem-mes, d'ailleurs, n'y font pas naturclle-ment fccondes , & les homines y font extrcmement debauch«. Les Efpagnols font d'un temperament cxtracrdinaire-ment chaud , enforte qit'ils s'cpuifcnc tellemein avec leurs maitrefTes, que la plupart fe rendent incapables de rem-plir les devoirs du mariage, oil its con-traöent des maux Ii funeiles , que la plil-part des enfans portent de trillcs marques des dcfordres de leurs peres. Le mariage nc rompt point ces commerces criminels ; ce qui fiiit que bien fouvent les femmes , recliifes comine des Rcli-gieufes, tandis que leurs maris courent les avcntures amourcufes j fe voyant (74) JttepriCees, cherchept ä fe dedommager aiix depens de la foi conjiigale. II n'y a point d'intrigues dont elles ne Te fervent , de lefibits qu'elles ne fußent jouer. L'on eft rurprls comment des fem-mes qui ont toujoLirs ete enfermees fe trouvent fi fubtiles & fi effrontees, lorf-qu'il eft ncceflalre de le paroitre pour fourenir une intrigue. Le commerce de l'Efpagne eft fort confiderable, fur tout a caufe de celul du Mexique &C du Perou qui en fait partxe. Les Efpagnols fe font refervcs pour cux feuls Le commerce des pays qu'ils pofledcnt dans I'Amerique ; mais neanmolns les autres nations y ont pliLS de part qu'eux-roemes. Je rapporterai i ce fujet un paffage curicux du Criticon de Balthazar Gracian : « Tons cherchent »l'Efpagne & en fuccent le meilleur : it ce lent les veritables Indes de la Fran-M ce. Que fi ks Efpagnols tirent Tor (70 »I'argent des Indes pour des eplnglc» » &c autres bagatelles , cet or & cet ar» gent s'en va auiri-tot ä Paris pour d'au-» trcs bagatelles; les Francois profitant » airifi de ce qu'apportent les flottes, >» mais fans frais , fans tirer un coup de w canon , fans perdre une goutte ds » fang, fans travailler aux mines , fans » entrcr au fond de la terre , fans de» peupler I'Etat , & fans courir Ics « mers ni s'expofer au naufragc ; I'Ef-» pagne trouve les Indiens au Ncuveau-» Monde , & la France les fiens en Ef-» pagne Si Balthazar Gracian vivoit aiijourd'hiii, il auroit dit des Angbis ca qu'il dit des Francois, L'Amerique ne pent fe paffer des niarchandifcs & des manufaftures de l'Europe ; l'Efpagne , dont Ics peuples font peu laborieux , & dont la terre eft mal ciiltivce , n'eft pas en etat de four-niir les chofes neceffaires ü ces nom« (76) fcreufes Colonies : les etrangers n'etanr pas fatisfaits des profits immenfes qu'ils font en les vcndant aiix Efpagnols , ont irouve le moyen de les faire avoir aux Amerlcains dc la premiere main, & par-la de ne partager le profit de leurs mar-chandTes avec qui que ce folt. lis s'af-furent d'un Efpagnol fidcle ä qui ils con-fient leurs effets , qui font envoyes Sc vendus dans les Üeux de Icur deftlna-tlon , fous le nom du Ncgociant.natio-ral, tl qui Ton paye un droit de com-jniflion, Ce commerce fe fait par le jnoyen des gallions & de la flotte. L'oii appelle gallions les vaiffeanx Efpagnols <5ul vont porter les marchandifes defti-Tices pour le Perou; on les decharge i Porto-Bello , d'ou elles font tranfpor-tces par tcrre ä Panama , & de-la par mer d Lima , Capitale du Perou. Porto-Bello eft fur la mer du Nord, Panama fur lil mer du Sud, hm & l'autre fitues (77) fur rifthme qui joint rAmerlque feptert3 trionale ä la mericlionale , & qui dans cet endroit n'a pas plus de dix-huit lieues de largeur. La flotte eft deftinee pour le Mexique , &c decharge k la Vera-Crux. On nomme flotille quelques vaiffeaux qui devanccnt Ics autres an retour, & qui viennent donner avis du depart & du chargement de la flotte & des galllons. Les gallions peuvent partir en tout terns de Cadix, ou s'en fait Tarmement. La flotte ne peut partir que vers le mois d'Aout, alin de n'avoir pas les \ents contraires dans le golfe du Mexique. Le commerce qui fe fait ä Acapulco efl le plus confiddrable , apres celui de Por-to-Bello & dela Vera-Crux. Acapulco eft le Port du Mexique, du cote de I'Ouefb du continent fur h mer du Sud, comme la Vera-Crux I'eft du c6tc du Nord. Le commerce des Philippines fiiit la pluf? grande richeffe d'Acapulco. Ce com- (78) merce fe fait par deux vaifleaux. Letif cliarge au Port d'Acapulco eft compofee partie de marchandifes del'Europe , qui viennent du Mexique par la Vera-Criix, & partie des marchandifes de la Noii-velle-Efpagne. Lacargaifon, aiirctoiir, eft-de tout ce que l;i Chine & les Indes orientalcs produifent de plus riche & de plus prccieux, Une partie de ce retour eft tranfportee ä la Vcra-Crux, & de-lä vient en Europe par la flotte. .Les Chi-nois & les Japonnis font un grand commerce aux Philippines. S'il n'eft pas permis aux Francois d'y aborder ^ on pourrolt fe fervir des Chinois pour faire par les bourlques d'Acapulco le commerce du Mexique , dont les Philippines feroient I'entrepot; je crols que cc commerce, bien entendu &c bien conduit , fourniroit les piaftres dont on a indifpenfablement belbiti pour Ic com-mercc des Indes, (79) Pour travailler aux mines qui font darii rAmerique Efpagnole , on fe fert de Ne-gres, & c'eftla Compagnie Anglolfe du Sud qui les fournit. Cette Compagnle etablie ä Londres vers la fia da dix-fi^ptieme fiecle , fiit, dans fon crigine , moins im veritable ctabliflement de commerec , qu'iin moyen de politiqvte pour trouver un fecours prompt & fuf-filant dans les preflans befolns de I'An-glcterre. Les longues guerres entre la France & la Grande-Bretagne , avolent telleincnt epuife Tun & Fautre Etat „ qu'on fut oblige d'avoir recours aux differens moyens qui fe pratiquent dans les urgentes neceflites. Oii fe fervit en Angleterre du fantome d'une nouvellc Compagnie , pour trouver dans les. foufcnptions des Intereffes, du credit & des fends en argent comptant. Les Anglois nc fongerent pas ferieufemcnt pendant le cours de la guerre pour Ja (8o) ^ucceffion d'Efpagne, prendre iin pofld clans rAmcrique du cote du Sud , ce qni etoit le projet dont on avoit flatte un peuple li jaloux de voir que les Efpa-gnols cn/bnt Ics ftnils maltres. Les Fonds de cette Compagnie fiirent detoiirncs pour la guerre, le prix des aftions en ttoit baiffc confiderablcment ^ & feroit tombe totalcment fans le fecours Im-prcvu que la Compagnie re^ut cn ,1713. Les Fran^-ois avolent joui depiils ,1702 jufqu'en 1711 , du traitü de TAf-fiente, c'eft-ä-dire , s'etoient charges de ^aire la traitc des Negres pour I'Amfjri-tjue Efpagnoie. Le mot d'Affiente , par lui meme , ne fignifie que Ferine. Ce fut tlans cetre traite des Negres, qui par la paix d'Utrecht fut ccdec aux Anglois, <^ue la Compagnie du Sud trouva iion-leulement de qiioi fe relever de cet ct.it languifiant qui fembloit annoncer fa thCite prochaine, mais encofe de quoi fe fe iMettte plus qu'en parallele avec Uf Compagnies de commerce les plus flo-riffantcs en Angleterre. Le traite fait aveclaCompagnie Angloife eft, enplu-fieurs articles, feiriblable i celui qui avoit ctö conclu avec la Compagnie Fran-^oife; niais xl eft bcaucoup plus avanta-geux par plufieurs autres. Le premier n'a dure que dix ans , & le dernier doit durer trente ans. La fourniture que la Compagnie du Sud doit faire, eft de qua-tre mille huit cens Negres par an , pour lefquels elte doit payer le droit fur le pied regie par les Francois ^ trente trois piaftres un tiers pour chaque Negre, piece £lnde. C'eft le terme qu'on employe pour fignifier un Negre bien con-iiitue , & dans la force de fon age, de-puis quinze jufqu'ä trente ans; car les autres payent moins. Un article parti-culier, le plus confiderable de tous, & gui n'etoit pas dans Ic traite fait avec Jomt III, F (8z) les Francois, accorde au^i Anglois permiflion d'envoyer clans les Ports di; I'Ainerique Efpagnole, chaque annee des trente que Ic traite doit durer, un vaif-feau de cinq cens tonncaux, charge des mömes marchandiles que les Efpagnols ont coiitiime d'y porter, avec la libertt; dc les vendre & dcbiter, conjointement avec eiix, aiix foires de Porto-Bello dc la Vera-Crux. La fournlture des Ne-gres , & plufieurs autres articles qui ac-cordent plufieurs privileges a la Com-pagnie de rAfliente , ne Uii apporteiit point tOiis enfcmble, autant de profit que cette feule facultc donnee aux An-glois contre I'ancienne politique & la jaloufie ordinaire des Efpagnols. A regard du commerce de I'Amerique , leS Anglois , tOLijours attcntifs ä ce qui regarde leur commerce , ont fait depuis ajouterce traitc de nouveanx articles, pcur expliqiter quelques-uns des ancicnSr <83) lieft portd par ces nouveavix articles; c[ue le traitc nc feroit cenie commencer C|u'en 1714; qu'l! feroit permis aiix An-glois d'envoyer leurs vaifleaux mar-chands chaqiie annee, quoiquc la flotte ou les gallions ne vinffent point a I'A-merlqiie; & que pendant les dix premieres annces, ce vaifleau pourroit etre de 650 tonneaux.-Ii-fiit encore regie que les marchandlfes qui refteroient de cel-Ics qui auroient etc portees en Afrlque pour la traite des Negres, feroient ren-voyces en Europe, ou portees clans les Ifles Antilles Angloifes, fans qu'il fiit permis de ies vendre dans TAmcrique Efpagnole ; mais les Anglois viennent d'obteüir recemment qu'il Icur feroit permis do Ics vendre ; ce qui eft, a pro-prcment parier , im fecond vaiffeau de Permiffion. Pour achever do faire connoitre le commerce que les Anglois font dans Fij (f?4) t'ArhenqiieEfpagnole, i'ajouferai ceqiii eft dit clans I'excellent Livre des m^l entenclus de I'Angleterrc s « La feconda » branche de notre commerce d'Ame-» rique , dit I'Auteur, eft la contre-» bände que nous faifons dans les pays » de la domination d'Efpagne. Nous » envoyons ä la Jamaique des marchan-t> difes propres pour la confommation « des Colonies Efpagnoles, & nos vaif-M feaux les reportent fiirtivement aux »lieux oil nous avons des correfpon-» dans ; nous les y debitons argent w comptant, ou nous recevons en paye-» inent des marchandlles precieufes, &C w fur Icfqiieiles on fait de gros gains , » comme de la cochenllle & de I'indigo. »> Quoique Ton ne puifle pas connoitrc » fond les produits de ce commerce » » Ton en fait affez pour afliirer qu'il » monte au moins fix millions de pie-i> ces de huit par an: non-feulemen^ ft ce n^goce ne nous eft pemls par aut-h cun traite, m als 11 nous eft mcme » defenda tres-expreftenoent ». On appelle les piaftres pieces de Iniit, parce qu'une plaftre vaut halt reaux de plate. Sous les derniers Minlftres 11 y a eii quelques variations dans les monnoyes d'Efpagne , Sc dcpuls ce tems on dlftln-gue deux fortes de piaftres. La plaftre cffeftlve, 6c la plaftre ideale ; la premiere de dlx reaux de plate , & la fe-conde de hult. Le real de velllon vaut iin peu plus de cinq fols. Cette variation dans les monnoles a attire h fes Auteurs la haine des Efpagnols ; & en effet on n'y devfolt jamais toucher que pour evlter de grands maux, ou faire de grands blcns. Tächons de donner une ide« du Gouvernement. Autrefois , du tems des Goths , la Couronne d'Efpagne ^toit ^leaive, & les eafans des Rois n'y pouvolent pre- F ilj tendre que par le confentement unamme des Grands du Royaume, des Etats. A prefent ella eft fucceflive de pere en /ils; &c au dcfaiit des Princes, les Princeffes fuccedeiit, Le Gouvernement eft purement jnonarchique, Le Roi peut ordonner , commander, difpofer de tout derpotiquement ä fon gre, lans le concoiirs des fuffrages de perlbnne, & liins efre oblige de rendre compte de fa conduitc qu'a Dieii leul, ft ce n'eft qu'il entreprit de renverfer la dirpoft-•lion des Loix foiidamentales de-TEtat, tju'il promet fglemnellement de mainte-nir & de confervcr, lorifquc les Etats gffroient la matiere de nouveaii, kur* refolutions etpient por tees a a Confeit d'Etat,'pour examiner ll elles pouvoient troiiver place dans I'orclre des affairt:! de la Monarchie ; & fi ce qui etoit con-forme au bien de I'ltaLle, ne fero.it pas contraire au biqn gen-eral de'l'Efpagne^ C'efl-li I'imagje de. ce qui fe pratique encore aujoitrd'hui pöur les Indes^ Ce que 4 on reproche Confeils d'Efpa-gne^ c'eft ieur lenteur, eile eft fort pr<^}udiciable ä ceux^iu en attendent jufticc. Cette leritetir. eft d anrant- plus-conclamnablc que les Efpagnols ne manquent pas^ de. penetration ; jamais homines n'en eurent dnyantage , & ne flircnt plus caflables .de-c(jncevoir fn.un inftant tout Ic ioii che l'injuftice de fes enfreprifes >». Lo Cardinal d'Oflfat, outre des indigncs manoeuvres des Efpagnols, les menage encore moins. 11 dit dans une Lettre datee de Rome, du 18 Fevrier 1597, au fujet des AUlances qu'ils recherchoicnt avec le Türe : « Le Roi d'Efpagne, qui efl: » dcja fi puilTant, tranfporte de fon ex» trfime ambition , 6c conforte & en-whardi par ramitie & 1'Alliance du » Türe, fe rueroit avec d'autant plus »d'impctuofite fur les Princes Chre-i V) tiens i tcllemcnt que ces deux Turcs (im) fefymbolilans en plufienrs chofes, Sc V n'ayant pas plus grande tlifft'rence en-M ti-e eiix que l'apparence extericiire de ^t la Religion, fe partageroient Ja Chre-»> tientc entre eux,linon par contrat, w au moins en efFet , rafTervifTant & « captivant l'iiti d'un cotc , Sc l'autre w d'un autre, jufqu';\ ce que venant k f« » rencontrer, ils s'entrechoquafTent en» femble, 6c fiffcnt cnfin entre eux cleiix, »s ce qu'iis auroient auparavJint fait » tous les autres Los Efpagnols tendent ä leursfins fans exception de moyens , ni de pcrfon-nes ; il n'y a ni condition de terns, ni exception d'affaires qui les empßchf? d'agir: leur principale etude eft de cachet leurs defauts, &C d'cbloviir le mon-dc par les apparences du bicn. La con-fufion des affaires eft leur element, & la maticre qui leur ell propre. Us font pbftines ä vcnir k bout 4c ce ijü'lls ont entrepris, & ne I'abandön-nent jamais , tant qn'il leur refte urte goute d'efperance. Ceft une expreffion du Cardinal d'Offat ä leur fujet, Iis agif-fent toujoiirs, ti'oublient rien , ne fe re-lachent point: ils arrSchent enfin ce qui ticnt trop, Si entralnent ce qui ne veut fiiivrc : ils fe ^oidiffent contrc le mau-vais fucccs ; & quand la fortune les fe-conde , ils f^avent profiter de fes fa-Veurs , & fc Icrvir dc leurs avantages : ils ne fe repofent jamais moiiis qu'apres qu'ils ont travaille avec fucces, & ne perdent pas une des fuites heureufes qu'iin accident heureux peut produire. Iis excellent dans le choix du tems: c'eft un des plus grands fccrets qu'il y ait dans les affaires , & le plus puiflant Jnoyen pour les faire rduffir. C'etoit uii des mots de Charles - Quint : Fo , y tlthmpo para don oßros : moi & le terns nous tn yalons dctut, H faut I'^avoir le (iiO menager pendant le malheur, caler la voile quand la tempete eft trop forte , cfquiver avec adrelie ies coups qu'on ne pent foutenir, &c attendre I'cccafion de (jiielque favorable revolution. CharlesQuint donna cc confeil ä fon fils, & les Elpagnols I'ont plufieurs fois mis en pratique^ Leur ame eft extremement vafte, & ils font d'un courage ä qui les difficultcs n'apportent point de d.egout, ni le terns de laffitude. Au eontraire , rtiunfieur des Francois eft ordinairement trop vive pour languir apres un del-fein : ils en veulent voir promptement la fin, oil ils I'abandonnent ; ce qu'ils n'emportent pas d'abord les rebate , SC lewr propre impetuofite ne les lafle paS moins, que la refiftance de ce qii'ils at-taquent : on ne f^auroit dire combien tie fois leur facilite & leur eiLceflive franchife ont atrire i'infidelite de qui n'avoient eiirecours k leur Alliance ? (117) Ijiie ponf s'accorder plus avantageufeJ ment avec leurs ennemis, & poiiT faire ä nos dcpens line palx pkis honorable ; les Efpagnols n ont jamais cte tlupcs de pareillcs entreprifes, L'ambition du Confeil d'Efpagne, qui necharlge, n! ne meurt jamais,, n'a ni modeT-ation ni bornes^ Les Ef'pagnols defirent arclemment, & clefirem beau-coup de chofcs : ce fiit Ferdinand-le-Cathollcjue qui dreffa le plan d'Linc Monarchie univeriblle qui exercera long-teins ies SuccefTeiirs , & troublera le rcpos des autres Nations, & la paix dii irionde. Ceft pour parvenir k cette Mo-"narchie que les Erpagnols ont toujoiirs ai'pire A fe rendre maitres de I'lralie ^ c'eft pour eux un grade qui leur facili-teroit la conqucte dii refte. C'eft done im defTein fixe &c immuabb dans leur efprit de la mettre ("oiis le joug, & d^e depOuiller fcs Princes dc tons Ics Etats qu'lls y poffedent, ou de les rcduire a line dependance qui ne foit dlHerente de la fujetion que par la vanity des litres , Si I'extcrieur des formes. Lcs attentats de Charles-Quint contre la Li-berte de ce Pays , les violences que fes Succeffeurs y ont exercces, leurs en-treprifes , tantot contre le Due de Sa-voye , tantot contre les Veniticns, &c' du cöte de la Valteline, la derniere expedition de Sicile , en dernier lieu le Traite de Seville, qui rend les Francois & ks Anglols leurs Troupes auxilial-res, en font de fuffifantes preuves. La Reine connoit mal les Elpagnols, fi alle fe flate qu'ils travailleront pour lcs in-t^rets de fes enfans. Avec quel rafine-ment de prudence cette Nation n'a-t-clle pas travaille pour Televation de la Mai-fon d'Autriche? lis faifoient enforte que le bien particulier de cette Maifon de-tncuroit toujours inferieur &C I'ubalterne aiLt mix Jntercts de kur Monarchie, & äW grand deffein qu'ils avolent de l'agrari' dir fans enchcre, & de la rendre uniVerfelle. Le Confeil de Vienne n'etoit alors que le Mlniftre des rcfolutions dont celui de Madrid etoit rAiiteur. L'on n'en voyoit rien fortir qui n'en portät la marqvie, & qui n'eiit re^u les impreflions de fes maximes & de fä con-duiie. Les Alliances du Sang ne les tou-chentpascomme celles de la Couronne, & tout devoir cede ä la Royaute. Tout eft mis en oeuvre pour foutenir la puif-iance & la reputation de I'Etat, enforte que ce n'eft point leur volonte qu'on doit fe propofer de gagner, c'eft leur entendement qu'on doit tacher de fe-^ duire. lis ont fait de grandes depenfes pour fe mettre en etat de porter la guerre en Italic ; Si: il n'y a pas d'apparence que la Reine etant fi ambitieufe, & la Na-i Tomi III, 1 C hp) tion Ti glorieufe, on puiiTe fe reföudrd ä les perclre. L'Emperewr a laifoti de s'opporer ä leur introduftion en Italic. Le cara£tere que j'ai fait des Efpagnols, Sc qui n'eil forme que des traits tires en confequence de leurs actions, mon-tre la juftice de fa defiance, & I'injuftice dc la pretention desEfpagnols. La complication de ces interSts, quoiqu'eii apparence inalliable , ne mc le paroit point. Le grand nombre de projets d'ac-commodetnens propofes & rcfufes en iiiontre la difficulte. Je vais expofer ce-lui qiie je me fuis imagine. L'Empereur ne vent point augmenter fts Etats, il vent les conferver, Sc en faire I'heritier unique fa fille aince. Parmi fes biens il y en a de deux efpeces J les uns dont d a berite de fes ancetres, če font les Etats de la Maifon d'Autri-che en Allemagne; les autres, qu'il poX-fede par droit de conqu£te j ce font fes (tsO Etats en Italic, II craint, avee julle taifon , que les filles du feu Etnpereur Jofeph, fon frere aine, qui font entrees dans les deux plus puilTantes Malfons d'Allemagne, celle de Saxe & celle de Eaviere, ne difputent fes Etats d'Allemagne ä fa fille, parce qu'll cfl aflez na-turel qu'au defaut des males , les filles de la branche ainee fuccedent, par preference aux filles de la branche ca» dette. Les rerionciations qui ont et^ faites ne doivent pas le raffurer, parce que lorfque I'occafion fe prefente, on ne s'arrete pas beaucoup ä ces renon-ciations faiies contre le droit du fang : on ne manque pas de raifons pour en prouver I'injuftice. Les droits de la nature , dit-on , lent eternels, fif ne peu-vent s'abolir : quoi de plus injufte que de renoncer ä un droit qui ne nous ap-partenoit point, & d'en depomller nos finfans ä qui il auroit appartenu ? Quoi lij lic plus Injiifte que de merlter les juflei reproches dejtoute fa poflerlte ? L'Em-pereur , d'lin autre cote, qui connoit Tambition des Efpagnols, le grand defir qu'ils ont- de s'emparer de Tltalie, le pcit de fond que Ton pent faire fur leurs paroles , attendu qu'ils ne manquent jamais de prctexte pour la rompre, leur habilete faifir le terns & I'occafion, doit faire apprchender que s'ils s'intro-tluifent en Italic , ils iie s'emparent, apres fa mort, des Etats qu'il y polTede. Voila, ce me fenible, par oil I'pn doit čmouvoir la fermete inebranlable cie I'Empereur, parce que ce font lä fes ve-rltablcs interets. L'Efpagne fouhaite ardemment deux chofes, avoir des Etats en Italic, pour le Prince Don Carlos, & rentrer en pofleffion de Gibraltar & de Port-Ma-hon. La France ne doit pas, comme elle a (nv) fait iufqu'ici, n'entrer dnns les TraitesJ que pour afliirer la tranqiullitc des aii-tres ä fes depens, mais eile doit fongct .T etendre fes limites, & furtoiit a augmenter fon commerce; Ics longues guep-res qu'ellc a foiitemies fous le regne dfc Louis XIV I'ont cpuifee; & ce n'eft uni-quemerit que par Taiigmentation du commerce & le retabliffcment des finances, qvi'eüe pent r'acqucrir la fuperiorite fur les autres Puiflances de I'Europe. La France feroit toute pul/Tantc , & en etat d'entreprendre &C d'exccuter ce qu'inf-pireroit au Miniftrc le blen de la Nation , li on mvtroit en pratique un Expedient que j'ai vu, dont les confequön-ces frnvent ncceffairement de trois priu-cipes combines, 8c produifent en mc-me-tems ces trois biens. La richeffe du Roi, en kil donnant de I'argent, & le mettant en fituation de foulager fes peir-pies; celle de TEtat j en I'acquittant dh. liij trn) la plus gratide partie de fes dettes; 8Č celle de fes particulicrs en rc^abliflant la confiance , & augmentant le commerce. Le bonheiir du Souverain avec celui des Peuples y eft tellcment lie, que leur interct reciproque devient le garant de la folidite &c du fucces de IV peration. Je ne f9ais par quelle fatalite I'evidence de cet expedient n'eft pas connue du Miniftre, & d'oii vient qu'il ne le fdit pas examiner par )es perfon-nes les plus capables qu'il y ait dans I'Etat, puifqu'aprcs tout , un tel examen n'engage k rien : cet expedient de-butcroit par le fucccs, &c s'acconipli-roit, pour ainfi dire, de foi-meme. L'Empereur, i'Efpagne &c la France reunis, peuvent donner la,Loi au refle dc TEurope; la France & I'Efpagne doi-yent done fe rendre garants de la fuc-xeffion des Etats de TEmpcreur, telle ^u'il I'a lui-m£me reglee par une Prag- («35) rtatjqiie - Sanftion. La France & TEm-, pereür devroient s'engager de procurer aiix Efpagnols, par la force des armes , s'il etoit iicceffairc, la reftitutlon de Gibraltar & de Port-Mahon. Par rapport aux Etats d'Italle, TEmpereur ccderoit ä TEfpagne le Royaume de Naples & celui de Sicile , & l'Efpp^ne cederoit A rEmpereiir tous fes drou. ČC ceox du Prince Don Carlos fur Parme & la Tof-cane. Par cette difpofition , les Etats de TEmpereur en Italic devlendroient con-tlgus, ce qui par confequent en afTure-roit d'autant plus la poffeffion 6i la fuct ceffion. Les Efpagnols ne fongeroient phis ä s'emparer de ces Etats, paree qu'ils en feroient fcpares par ceiix de I'EgUfe, & qu'ils n'auroicnt pas la facl-lite de les attaquer. On engageroit I« Pape ^ ne fe point oppofer ä cette dif-pofition, foit fous le pretexte de Thon-neur qu'il fe ferolt en facrifiant fes inI iv terets ä la paix de la Chretlente, foJt par la nccelTite oii il fe troiiveroit d'y confentir par force, s'il ne le vouloit pas faire de bonne grace, foit enfin pour afTurer le repos tie ritaiJe , Sc particulierement des Etats de TEgllfe , qui fe trouverolent fitiies entre deux Piiiffances cgalement jaloufes d'empc-clier les ufurpatiüns que Tune ou I'autre pourroit faire. La France obtlendroit pour elle le Traite de I'Affiente, tel que le poffede la Conipagnie Angloife du Sud. Elle fe feroit encore donner le Port du paflage, en ce que les Efpa-gnols pofledent dans I'f{le de Saint-Do-mirigue. lis ne retirent aucun profit de cette Ifle, & ils ne perdroient pas beau-coup en donnant le palTage, parce qu'ils o'nt d'autres bons Ports fur les Cötes de Bifcaye & de Galice ; & la France ga-gnerolt beaucoup, parce qu'elle n'en a point vers rextremite des Cotes de Gaf- C 137) togne, & qu'ellc en a befoin. Les Ef-J pagnols ne refuferoient pas de facrifier le pafTage, pour r'avoir Gibraltar. Les deux Nations deviendroient tres-etroi-tement unies, & cette union eft beau-COiip plus importante pour les Efpa-gnols que pour les Francois, La Catalo-gne, qui eft la Province la plus belli-queufe, & la plus peuplee de TEfpagne, eft toujours prete ä fe rcvolter; les Arragonois , alnfi que les Catalans , ou-tres de la privation de leiirs Privileges, fuivroient leur exemple. Par ce Traite , qui reuniroit I'Empereur, le Rui de France & celui d'Efpngne , la Puiftance de I'Angleterre , qui eft aujoLud'hui fi infolente , fe trouveroit abattue. Le manque de parole que les Anglols ont fait aux Efpagnols, an fujet de la refti-tution de Gibraltar, ieroit un pretexte fuffifant pour Icur oter le Traite de TAf-ftente. Quelle home & quelle pert© Cijg) pour eux de fe trouver obliges de refilier un Tf-aite qui detniiroit leur plus riche commerce ? S'ils le refufoient ^ I'Empereur feroit avancer des Troupes dans les Pays-Bas, pour etre ä portee de tenir les Hollandois en refpečl, & de leur faire obferver la neutralite, & aiiffi pour etre ä portee d'en embarquer, s'il etoit neceffalre, pour faire line def-cente en Angleterrc, & y faire paroitre le Prctendant; ce qui y exciteroit une guerre civile, Le Mofcovite , qui ell allie avec I'Empereur, empecheroit le Danemarc &: la Suede de ričn cntre-prendre fur les Etats de I'Empereur en Allemagne, au cas que ces deux Pulf-fances fe liguaffent avec les Anglois : FEfpagne pourroit mettre en mer une puifTante Efcadre , puifqu'elle a dans fes Ports cinquante - cinq i foixante Vaif-feaux, depuis foixante jufqu'i cent pieces de canon ; ä ces Vaifleaux fe join- (n9) tiroit la Marine de France, & nos Ar-mateiirs etonneroient I'Europe, comme ils ont toiijoiirs fait par la hardieffe & le bonheur de leurs entreprifes, dciriii-i-oient ie commerce des Anglois, & s'en-richirolent; une femblable guerre feroit pliitöt un moyen d'enrichir que de nii-ner la France. Si I'Empereur ne vouloit point entrer dans ce prejet, il agiroit contre fes interets, & on pourroit fe paffer de liii, & fe rctourner : on tra-meroit un parti en Allemagne, ou Ton feroit facilement entrer la Malfon de Saxe & celle de Baviere : elles fe laifle-roient prendre ä I'appas de la fucceflion des Etats de la Maifon d'Autriche , que la France & I'Efpagne leur affureroient. Le Roi de Danemarc entreroit axifli dans cette Alliance. Les differends de la Maifon de Holfteing Ie rendent ennemi du Mofcovite , & par confequent dfc i'Empereur, fon Allie. Maisrevenons au ■(i4o) caraöere des Efpagnols; coflime cette Nation eil naturellcment fevere glo-rieiiCc & melancolique, fa domination eft dure: eile ne s'affiire de la fidčllte ■ des peiiples qu'elle a fLibjiigiies, que par rimpuilTance oil eile les met de le revolter. Dans rAmerique, i!s abufent fi fort de leur aiitorite , qu'elle y eft dc-gcneree en tyrannic. Don Baltazar de La!" Cafas, Eveqiie de Chiapa en Ame-rique, a donnc une Relation des cruavi-tes qu'ils y ont exercees ; &c comme ce Livre eft fait par un Efpagnol, il a fait beaucoup de tort ä la Nation. « Leurs » violences, dit-ll, leurs tyrannies, leur w injuftlce , font montees jufqii'au der-* » nier degre : ils n'ont refpefte en cela » ni Dieu, ni le Roi, ils ont mßme ou-» blie qu'ils etoient hommes & Chre- « tieis.........Le fouvenir des maiix » qu'ils ont commis a jette tant de ter-» reur dans les efpriis, que les Habitans {ur 1 fe ne peuventpenfer aux Efpagflois, faritf »trembler. Les Efpagnols, du le möme » Eveque , pretendent que les guerres » qu'ils ont faites k ces Peiiples font juf-»tes & legitimes, que Dieu les leur a » abaiidonnes, & qu'ils ont eu droit de » faire ces con que t es, & de detruireces » Nations. H lemble qu'ils veulent ren» dre Dieu complice de leur tyrannic &c M de leurs cruautes. Cetoit, dit encore »l'Eveque de Chiapa, des Demons re» vetLis de la figure humaine....... Ce » qui fait voir l'audace & l'infolence de ces hypocrites, c'eft qu'ils font fenS-» blant de ne fonger qu'aux interets du Roi, & k procurer la gloire de Dieu, » & cependant il eft vlfible qu'ils volent >^ impunement ie Roi,& qu'ils desho-»norent Dieu & fa Religion par une » conduite criminelle & l'candaleufe..... »Iis vont dans ce Pays avec une bonne «intention de s'y enrichlr en pen de 3f tem S; ils fulvent en tout es chofcs riin4 »petupfite que leur imprime le defir „ a'amaffer de l'argent : ils ont toujoiirs »toiites leiirs penfees tous leurs de-»firs toiirnes de ce cöte lä, fans povi-» voir jamais affoiivir cette Ibif qui les » devore », Ce defir d'amafler, que Ton rernarque dans tous les Efpagnols du Nouveau Monde, & dans quelques-iins de l'Ancien, paroit etre une chofe inat-liable avec leur prodigalite, & leur peu de foin pour conferver ce qu'lls ont amafle par tant de crimes. La profufioa 6c le luxe ont devoye les meilleiires fa-milks; U n'y a pas de Nation oü il y ait tant de pauvrete en tant de richef-fes, d'hommes ardens & d'hommes In-difFerens.L'Efpagnol eftun compofe bl-farre qui paroit inconcevable; lorfqii'il efl touche du point d'honneur , il eft ferme,inebranlable, genereux, magni-fique, hardi, tcmeraire, luperieur aux C M3) menaces & aux promeffes flatteufes J fon ame eft capable de toute forte de bien & de mal : fon temperament eft propre ä toutes les fonäions de Tame-L'imagination domine en Jui, & il le foucie beaucciip moins d'etre honncte Komme que de le paroitre ; il affeäe de l'honneiir & de la fierte, c'eft-lä fa nia-rote; mals il n'en a point quand il s'a-git de ic venger: il fiiit le travail; mais la vanite dont il eft tOLijours malade, le rend a£tif, quoiqiie dans fon aftivitc rn^me on reconnoifle un fond d'indo-lence. Les Troupes Efpagnoles refiftent mieux que etiles d'aucune autre Nation, au frold, au chaud, ä la foif, a la faim , aiix peines & aux fatigues: la grandeur, la fUverfite, & le nombre des aftions qu'üs ont faites, ou contre les Mores , Oll centre les Indiens, etonnent l'imagi-uation, & affoibllffent la verite de l'Hif-toire. Iis ont eu de bons Generaux, gen*; (U4) fle tete & de bon fens: 1'etude, fiir-tout la meditation, qui a tant d'appas pour cette Nation pareffeufe, les preparoit ; I'experience les achevoit ; aujourd'hui ils n'ont gncres de bons Officiers , & la diicipline ne s'ert retablie dans leiirs Troupes , que par le rnoyen des Officiers Francois. A la vaiiite des Efpagnols, ä leur pareffe, ä leur amour de la vengeance , on peut jolndre un tres-vlolent penchant pourle fexe, une jalouiie ex" treme, qui n'a ni bornes, ni moderation , & peu de bonne foi dans les reconciliations. lis ont beaucoup de me-pris pour les autres Nations : ils s'inia-ginent que pour etre quelque chofe de grand 11 faut etre ne Eipagnol; de forte que lorfqu'ils traltent avec quelqu'E-tranger, cela va iul'qu'i I'arrogauce : efclaves de leurs ufages, lis font les premiers ä en faire Teloge , 6c toujours prets ä condainner ceux des autres Nations. tions. Iis ne fe plaignent jamais; ils van-tent toujours leur Province, leur Village , leur nom leur noblefle. Les Paj-ians Montagfiards font fur-tout entiches de leur Noblefle ; & "'y en a pas uii qui ne croye defcendre de ces anciens Chretiens qui fe retirerent dans les Montagnes, lors dii renouvellement de la Monarchie fous le rcgne de Pelage. J'ai VLi un Manufcrit Elpagnol, dont la l'e£lure me fiit permile en leeret, dans lequel il eft demöntre qu'il n'y a gueres de families, fans en excepter les plus illuftres, cti il n'y ait du fang More on Ju'f, ce qui eft une tres- grande tache dans un Pays oii tout le monde fe dit žtre , Chreftiano Viejo, c'eft-u-dire , rate de Chretiens, & ou il y a un me-pris univerfel pour la tace de .Uiifs oii de Mores. 11 y a plufieurs Maifons qui ne fe font perpetuces que'par les bä-tards. Les Efpng'nols ont fur cet article Tomi liL K (hO molns jfruÖuofiis Provincias , tales gentes » tarn ingenjofas, tarn icicntificas, tarn »prudentes, juAas, modeftas, liberales >» Sc magnijicas ; non monftras tu, Fran-» cia, tam grandes refiftentias & tantasi » vn^oriascontraPsomanosiprsfentate, » Francia, & da tales cainpos, monies, ►t valles, tales beftias , feras & domef-wticas, tantös tam excellentes caballos, Kiij »tales vaccas, a ves, carnes faavHUniai) »lanas pretiofas, plant as, arbores, per» feftiones infinitas quales de Hifpania j> cognofco , quales tu in francia non » cognoicis: fi c^lebras Principes & Im» peratores Romanos, inqüife de Ha» driano, de Honoflo , de Theodofio , wde Trajano iaclitö, &c Les Caftil-lans font fort jäloüx de parier leiir Lan-gue dans toute fa purete. Uti Villageois «ft fufceptible de corinoitre la dclica-teflfe & la finelTe d'line exptefllon , & en general on trouve autant d'efprit, & aiifll peu d'acquit & d'ediication dans le fils d'un miferahle, que dans celui d'uo homme titre. L'occ'upatiort la plus ordinaire des Efpagnols, c'eft de s'ennuyer tout le long du jour, lis font froids, referves» peu communlcatifs : leur temperament fuperbe & farouche les enipeche d'etre airtiableSj lors meine qu'ils font du bieo i (t^l) fölt naturel, fölt afFeflation, folt Pun Sc Pautre ^rifcmble, xls ont un grand air de gravite qui iiiipofe k ceux qui ne Ifis cönftoiffent paš : ce n*efl point leur ufa-ge de fe donner ä manger, mais its fe regalent de chocolat: ils aiment les epi-cerles, le fucre & le fafran. Iis niangent peu chež eiix , & avec moderation ; mais s'ils font en fete chez quelqu'un Si ön peut les engager ä quitter leur gra-vite pour quelques momens , on les, trouve fort enjoues, & meme fort vifs. Les femmes avec qui I'on a aftez rare-ment Toccafion de s'entretenir, ont ua naturel tres-fpirituel & fort dangereux. Les divertifTemens les pUts ordinaires , ce font las ceremonies de i'Eglife & lea Fetes. II y a fur ce fujet des abus infi-nisce font leurs amours, ou pour parier plus exadlement, leurs debauches : Kiv (Mi) c'efl: aiiJTi la promenade & la Confle