REVES & GLANES 1919 L. C. MEURVILLE RÊVES & GLANES VERS LIBRES, CHANSONS ET POÉSIES LJUBLJANA 1919 Droits d'adaptation, de traduction et de reproduction réservés pour tous pays. 03CXD4cf?2P Le véritable homme d'action, chercheur instinctif d'êtres et de choses imprévus, sera fou-jours un poète. R. Arnaud. A ma Mère, A ma Femme, cette gerbe de fleurs d'exil, desquelles chacune esf un souvenir aux amis des mauvais jours. Ljubljana, Janvier 1019. Aux Slovènes. Coeurs de France n'oublient point 1 Parloui les combats faisaient rage! Pauvres oiseaux, tombés du nid Sous les premiers coups de l'orage, Nous vînmes a l'été fini ! Nous avions craint, dans notre peine, En vous encor, des geôliers ; Mais, déjà, méprisant vos chaînes, Cher peuple, vous nous souriiez, Et, malgré la terreur ardente, Qui guettait alors tous vos pas, Chez nous, vous chantiez, émouvante, Notre «Marseillaise», tout bas. Souvent, en parlant de la France, Brillait une larme en vos yeux, Car vous gardiez la souvenance Des récits faits par vos aïeux: 5 Et quand nous souriait la gloire, Vous sentiez, dans un grand frisson, Napoléon et la Victoire Qui revenaient à l'horizon . . . Hélas ! un jour, — ah ! l'heure grise ! Pour nous, pour vous, ce fut la faim: Une décision vite prise Nous fit partager votre pain. La neige tomba, toute blanche, Notre foyer resta sans feu : Vous avez arraché des branches A vos grands arbres les plus vieux. Sous vos toits vous nous fîtes place Lorsque nous n'avions plus d'abri ; Et vos Noëls, malgré la glace, Réchauffaient nos coeurs tout meurtris! Nos âmes s'aimaient, éperdues, Et nous frémissions du désir Nous, de la liberté perdue, Vous, de celle de l'avenir! . . . Par cinq fois, les feuilles tombèrent! Votre pays est libre et fier, Et, peut-être, sur votre terre Demeurerons-nous comme hier : 6 A vous reste notre tendresse, Et notre coeur, ou près, ou loin Aux vôtres pensera sans cesse, Les coeurs de France n'oublient point! A Madame Léa Knez. Les laitières. Courrez, poussez votre carriole, Alertes filles de Camiole! Quand on vous aperçoit, Vêtues en cacatois, De vos vingt-cinq cottes Pas une ne flotte : Vous allez dans le vent La poitrine en avant ! Courrez, poussez votre carriole, Alertes filles de Camiole ! Le visage niché En un mouchoir broché, Avec une allure — Vous n'en avez cure, — De cocotte en papier, Vous paraissez six pieds ! Courrez, poussez votre carriole, Alertes filles de Carnioîe! D'un pas de grenadier, En jupon à panier Fait tout de flanelle Et d'une ficelle, Disant un chapelet Vous apportez le lait. Courrez, poussez votre carriole, Alertes filles de Camiole ! Mais si vous rencontrez Amies ou parenté, Sans le moindre geste — A quoi sert du reste — Vous bavardez! Et vrai Mieux que vous ne trottez ! Courrez, poussez votre carriole, Alertes filles de Camiole! Vous riez en marchant, D'un air de vieux marchand : Vous pensez c'est drôle, A la gent qui trôle De vendre, sans pudeur, Le lait à cent kreuzers! 10 Courrez, poussez votre carriole, Alertes filles de Camiole! Allez à pas pressés Au marché : remplissez De belles monnaies, Vos mouchoirs à raies; Puis retournez-vous en, Sur vos seins les cachant! Courrez, poussez votre carriole, Alertes filles de Camiole! Plus encor qu'au matin Cheminez d'un bon train ; Cassez une croûte Au long de la route, Votre journée n'en est Qu'au début en effet! Courrez, poussez votre carriole, Alertes filles de Carnioîe ! il A Marguerite. N'est-il pas vrai, ma mie? Nous avions vingt ans: de la vie Nous connaissions juste, ma mie Nos amours frais écloses! Te souvient-il comme étaient beaux Nos doux rêves de jouvenceaux : Boutons étaient les roses! Depuis ce temps bien des années Sont mortes puis aussi sont nées : Que nous savons de choses ! La triste amertume des jours En tendresse a mué l'amour: Ouvertes sont les roses! Mais les ans poursuivront leur course; L'eau point ne remonte à sa source: De nos vies déjà closes Les doux souvenirs en nos yeux Mettront des larmes! Pauvres vieux! Fanées seront les roses! 13 A Mademoiselle Ljudmlla Mankoc. Berceuse. Dors, petit enfant, dors ; Il fait bien froid dehors ! Sur le dernier tison qui arde, La bouillotte encore bavarde ; La veilleuse écoute en tremblant Le grand lied que chante le vent. Dans un coin le vieux meuble craque, Dans l'autre, la montre tic-taque ! Dors, petit enfant, dors ; Il fait bien froid dehors ! Tombée lentement de la nue, La neige a ouaté l'avenue ; Les grands arbres tordent leurs bras De squelettes lourds de frimas ; Fugitive et sans bruit, une ombre S'estompe en gris dans la nuit sombre! Dors, petit enfant, dors ; Il fait bien froid dehors! 13 Tout rose, serré dans tes langes, Heureux, tu souris vers les anges! Repose en paix, car, en songeant, Près de toi veille ta maman, Ta maman dont l'amour très tendr Longtemps encor peut ie défendre Dors, petit enfant, dors ; Il fait bien froid dehors! Mais tu seras homme et la vie T'abreuveras de cette lie, Dont est plein son calice amer Plus insondable que la mer! Comme tu regretteras celle Qui te serrait jadis contre elle! Dors, petit enfant, dors; Il fait bien froid dehors ! Sans bonheur mourront tes années Assombries par les joies fanées : Et dans ton coeur il fera froid Plus que cette nuit quelquefois! Ah! ce soir encor, dors tranquille Loin des hommes et de la ville! Dors, petit enfant, dors; Il fait bien froid dehors ! 16 Vous souvient-il... ! Vous souvient-il, ma très chère Marquise, De cet instant d'une douceur exquise, Vécu par nous en un soir de printemps Hélas ! passé déjà depuis longtemps ! Le soir mourait; blanches dans la nuit brune Sur vous tombaient des fleurs l'une après l'une ; Des cerisiers, poudrant vos cheveux blonds, Sur nous flottait le doux parfum sans nom. Et votre main, dans la mienne tremblante, Disait tout bas, ce que tout haut, méchante, Vous ne vouliez dire à mon tendre amour, Vous que j'aimais peut-être de toujours ! Venant du lac, un jeu de l'eau muette En vos yeux d'or mettait une paillette: Votre cher coeur, doucement oppressé, Sous la guimpe battait à coups pressés. 17 Votre parfum, rose la Maréchale, Montait, grisant, des plis de votre châle! En frémissant, vos lèvres doucement Dirent mon nom : encor je vous entends ! Depuis ce temps, ma tendre Madeleine, Nous connûmes des joies, aussi la peine: Les ans ont fui puis encore les ans, Nous sommes vieux! Où sont les jours d'antan? 18 A Madame vide Novak. Nocturne. Resplendissante, la lune Sort d'un nuage, à la brune, Et chacun de ses rayons Accroche, laiteux et blond, Une opale aux branches grises Des fins bouleaux qu'elle irrise. Sur les chemins, les amants S'embrassent très tendrement, Et la lune souriante Par dessus la nue traînante Semble observer, répétant : «Que ne puis-je en faire autant !» Près d'une source bavarde, Etendu, je la regarde En songeant qu'au fond des cieux L'astre très silencieux Depuis des siècles, sans trêve, Poursuit peut-être le rêve De donner à un amant Ses lèvres de Pierrot blanc! (9 Soir! Dans la splendeur cuivrée du tard couchant, L'astre de feu s'abîme lentement! L'azur pâli, frotté de traînées mauves, Semble effleurer la tête des blés fauves: Un grand oiseau, dans le soir égaré, poursuit, tout noir, son lourd vol effaré, L'effraie tristement ulule Dans le gris du crépuscule ! Le jour qui meurt esquisse en traits d'argent, Dans le buisson tremblant au coin d'un champ, D'une araignée le piège élastique, Et son reflet, de couleur métallique, Très précieux, sertit le gris saphir Des doux bleuets pâmant sous le zéphyr, Voisins de la renoncule, Dans le gris du crépuscule! Le long frisson, bruissant dans les roseaux, Avec parfois de gais sons de pipeaux Met de la vie sur l'eau sombre et muette Où les feuilles font une tache verte : Mystérieux le bronze de l'étang Se tait, ridé, sous les nénuphars blancs ! Bleue vole la libellule Dans le gris du crépuscule! 21 Et le soleil sera d'or éternel, Sur le grand blé revivant immortel! Des fleurs flétries naîtront des fleurs sans nombre Près de l'étang aux transparences sombres, Seule l'âme ne vivra jamais plus De cet enfant, qui mort, fut étendu Sous l'herbe qui, lente, ondule Dans le gris du crépuscule! 22 Offrande. Pour une parole de toi j'irais quérir, ô mon aimée L'herbe qui chante, au fond du bois, Ou la fleur gardée par la fée, Corolle dont l'argent se mire Dans l'or triste et doux de l'étang ! Pour un seul de tes chers sourires, En un coffret de diamant Je te donnerais les opales, Les émeraudes, les saphirs De ma main ravis au ciel pâle Quand l'orage est près de finir! Mais pour cette douceur exquise Que serait un de tes baisers, J'irais chercher dans l'aube grise, Par un fol espoir embrasé, Herbe, fleur, pierre précieuse, Et même, sans être fâché, Je donnerais, chère rieuse, Mon âme avec, dans le marché ! ! ! 23 A Mademoiselle Nada âlajroer. Violons anciens. J'aime les violons d'antan Qui gardent, noircis par le temps. Une empreinte presque effacée Des joies et des douleurs passées! Sous la poussière oubliés, Au mur par un ruban liés, Pour jamais dort leur voix fluette Et leur âme reste muette. Ils se recueillent, compassés, Très fiers, malgré qu'ils soient cassés! Tout trait que la lune aventure Eveille en leur âme un murmure, Doux souvenir des soirs éteints, Quand ils pleuraient jusqu'au matin. Aux paroles d'amour grisées, Oubliant leurs cordes brisées, Câlins, rien que pour un instant, As chantent les joies des amants. Ils vibrent, remplis de tendresses, Au souvenir de leurs maîtresses, Et parfois au son d'une voix De tristesse s'émeut leur bois. 2b Mais ne croyez pas qu'il résonne A tous les concerts qu'on lui donne Pour réveiller ce coeur muet, II faut, Madame, un menuet. J'aime les violons d'antan Qui gardent, noircis par le temps. Une empreinte presque effacée Des joies et des douleurs passées! 24 Espoir ! (Sonnet.) pourquoi donc suis-je vieux quand vous avez vingt ans? Vos cheveux sont si blonds près de ma tempe grise! A votre jeune coeur ma vieille âme s'est prise, Hélas ! je vous aime malgré mes cheveux blancs. En vos yeux, quelquefois, il me semble pourtant Avoir senti passer, ô souvenance exquise, pitié qui frémissait ou tendresse indécise. De douce émotion un joli mouvement. Chère enfant, dites-moi, ce ne fut pas un songe, Ni de vos grands yeux gris un précieux mensonge? De place en votre coeur vous me gardez un peu! Aussi malgré les ans, malgré ma joie flétrie, Fasse Dieu que bientôt vienne le jour heureux Où vous m'aimerez, moi, dont vous êtes la vie ! 27 A Mademoiselle Mira Knec. Il est des yeux ... Il est des yeux d'enfants, rieurs, Dont le regard, sous la paupière, Garde un doux éclat de candeur, Reflet des célestes lumières : Ils regrettent mi-clos D'être venus si tôt! Il est aussi des yeux de vierges, Chastes, profonds, lumineux. Doux comme la flamme des cierges Ils sont toujours mystérieux, Et de leur vie si brève Ne gardent que le rêve! De fiancées, doux et pensifs. Il est des yeux qui croient encore! Pleins d'ignorance, les naïfs, Qu'une chère émotion dore, Rient aux douteux bonheurs Pourtant voisins des pleurs! 29 Puis il est des yeux de femmes Amoureux et inquiétants! Tout au fond s'allument des flammes De tendresse pour les amants: Ils sont pleins de promesses Les grands yeux des maîtresses ! Mais de mères il est des yeux Tout bleus, très bons, et qui regardent, Pâles à force d'être vieux, L'horloge, quand les enfants tardent : Us craignent de mourir De peur de voir souffrir! Enfin il est des yeux de vieilles. Tout rouges d'avoir trop pleuré! Les chagrins et les longues veilles Les laissent de crainte appeurés : Il ne savent sourire, Pauvres yeux de martyre ! Chers yeux, étoiles d'ici-bas, Qui savez adoucir nos peines. Et, bien souvent, guidez nos pas, Soyez-vous de pauvre ou de reine, Jolis, laids ou flétris Chers yeux, je vous chéris ! Aveu. Blonde comme ces fils d'automne Que la Vierge tend au soleil, Je vous connus un soir vermeil. Vers le temps où la cloche sonne! D'une ogive, mystérieux, Le violet doux et très triste Tombait en vos yeux d'améthyste El les faisait plus précieux. Fin émail, votre doux visage Du vitrail semblait une image! Pouvais-je ne pas vous aimer? Mais, hélas ! Vous étiez moqueuse : Je me cachais de vous, rieuse. Et vous ne le sûtes jamais! A Mademoiselle Dora Sfarè. Les Boeufs. Ils tendent leur col roux Sous le double arc du joug; Leurs yeux clignent très doux Au matin gris! Les deux grands boeufs canelle Tirent vers les javelles La voiture à échelles, Le s'oberni ! Le brouillard de l'aurore Au loin déjà se dore: L'ultime étoile encore Dans le ciel rit! Des mufles couleur chair Doucement monte en l'air Un jet de vapeur clair. Le s'oberni! 33 )anès les précédant Le pas lourd et traînant Du fouet coupe le vent En sifflant: Psi!! .. . Et gire la lanière! Les bêtes sur la pierre Soulèvent la poussière, Le s'oberni! Près de l'arbre, à la borne, L'homme prend à la corne Des deux boeufs à l'air morne Le plus petit. Un effort indolent; Dans un heurt violent La voiture entre au champ. Le s'oberni! Enfonçant le sol gras, Le char, cahin-caha, Grinçant avance au pas Et fait grand bruit! Parmi les longues gerbes, Rient des fleurs et des herbes Dans les épis imberbes, Le s'oberni! 34 La brune seule et l'ombre Arrêteront tout sombres Les voyages sans nombre Des deux amis: Et sous la frondaison, De l'or de la moisson Flambera la maison Le s'oberni ! 35 A CXon ZupanCic. PreSeren. Tu as souffert et dans les yeux Remplis de force et de tendresse, Très doux, un signe de tristesse Reste gravé, mystérieux! Tu as pleuré! Jusques aux deux Ton génie cria sa détresse: Puissant même dans la caresse. Il palpita, mélodieux. Enfin tu as chanté, — ta lyre Des tiens réveillant les ferveurs, — Tout ce qui fait plus grands les coeurs ! En toi, fort, triste et doux, m'attire Un peuple entier persécuté Qui a souffert, pleuré, chanté! 57 Pour Mademoiselle Ema 2erja.v. Fille-Mère! Ah] pourquoi vins-tu donc au monde, Cher petit à la tête blonde! Et qu'avais-je besoin de toi Qui, naissant, m'a mise hors la loi ! Je fus maudite par mon père ; Combien je fis pleurer ma mère' Les miens avaient honte de moi, Les autres me montraient au doigt! Lui seul à qui fut ma tendresse, Ton père, sans baisers te laisse ; De par le monde il s'est enfui Honteux de nous, sa chose à lui ! Ah ! pourquoi vins-tu donc au monde. Cher petit à la tête blonde: Mais bienvenu pourtant ou non Je te chéris d'amour profond. Lorsque j'aperçois (es sourires De mes douleurs j'oublie les pires ; Quand je regarde dans tes yeux, Je crois voir s'entrouvrir les cieux. Dieu, qui des oiseaux est le père, Fera beaux tes jours je l'espère : Mais bienvenu de tous ou non, A toi va mon amour profond ! P. Preâeren: ■Nezokonska mafï.» îraduîf du Slovène. La foi perdue. Célestes brillent tes grands yeux Tout comme autrefois pleins de feux ; Pareille à l'aurore naissante, Ta joue demeure éblouissante ; Ton sourire est resté charmeur Et ta voix pleine de douceur! A ton sein, le temps implacable A laissé son galbe impeccable, Ta taille a son charme d'antan Et c'est ta main que j'aimais tant : A ta beauté, faite de grâce, N'a rien ôté l'heure qui passe ! . . . Mais morte est ma croyance en toi ; A jamais j'ai perdu la foi, 41 Et de jadis ia paix bénie Avec elle, las! s'est enfuie. Tu me l'as ravie d'un regard, Sans espoir, même pour plus tard : Et tu ne peux plus m'être celle Que tu me fus, même éternelle! Je t'avais crue divinité; Tu n'es que femme et vanité ! ! ! F. Preâeren : «Izgubljena vera..-Traduit du Slovène. 4-2 Pour Mademoiselle Anionlja Stnjbeij. Sous la fenêtre. (Sérénade.) La lune luit ! Tardive, bruit Sous le marteau l'heure lasse ! Mon coeur dolent, — Jadis content, — Veille dans la nuit qui passe ! De triste peine Mon âme est pleine, Car tu fus cruelle, enfant : Mon logis sombre N'est fait que d'ombre Tout repos en est absent! Charmants, tes traits Remplis d'attraits Obsèdeni toute ma vie ; Mon coeur ardent Et languissant De te voir se meurt d'envie. 43 A ia fenêtre Daigne apparaître; Seuls les astres le sauront! Dans la nuit pure, Viens, je t'adjure! Dis si tu m'aimes ou non. Ah ! pour ce soir Rends-moi l'espoir; N'oses-tu parler!... D'un geste!... Mais au balcon Nul ne répond : Ma chanson meurt et je reste! Quiète et belle, Dites, dort-elle, Etoiles qui la voyez! De moi moqueuse Rit-elle, heureuse? Ou suis-je donc oublié? Aie, si tu dors, Des rêves d'or ! Si tu te jouas, j'oublie ! Mais, rêve amer, Si je te perds Hélas! j'en mourrai ma mie! F. PreSeren : «Luna sije.» Traduit du Slovène. 44 Pour Mademoiselle Mînka Ogorelec. De mon coeur répandez le sang... De mon coeur répandez le sang Sur la terre ensoleillée, Semence confiée au vent Pour le mont et la vallée. De ce sang au printemps naîtront De tendres fleurs diaprées Qu'Avril, pour moi toujours si bon, Rendra jolies comme fées. Fraîches filles et beaux garçons Prenant ces fleurs par brassées, Des couronnes en tresseront A leurs fiers coeurs destinées : Et sous les pétales sanglants, Ces coeurs pleins de chaude vie Deviendront à jamais brûlants Pour notre chère patrie. S. Gregorcïc.-«Mojo srcno kri Skropîte ...» Traduit du 3lovène. 45 Viens, près de moi reste sans crainte ... Viens, près de moi reste sans crainte, Doux ange à l'innocence sainte : A mes côtés sieds-toi, Dans les yeux regarde moi ! En ton regard calme et candide Se reflète le ciel limpide, Et j'y retrouve, passant, L'éclat de mes joies d'antan. Il me rappelle ma jeunesse Sans souffrances et sans tristesse, Et j'y revois mon vieux temps Semblable à tes jours présents. 11 me souvient d'ans pleins de charmes Où j'ignorais encor les larmes: Parmi les fleurs, comme en mai, En un Eden je vivais ! 47 Hélas.' mon paradis perdu ! Te visiter je ne peux plus Car tes portes sont murées ! . . , Où sont tes heures dorées ! Mais, en cette oasis bénie, Si de regarder j'ai l'envie, ]e plonge dans tes chers yeux: Grands ouverts j'y vois les cieux. Et revit en mon coeur lassé Le souvenir de l'heur passé, Des fleurs pas encor fanées, De l'or des jeunes années. S. Gregorcic: «Poglec! v nedolfno ok.o.» Traduit du Slovène. 18 La fleur perdue. Comme un rossignol gaie, Tu chantais hier ; Pourquoi cette rosée Troublant ton oeil clair? Pourquoi ton teint sans hâle, Hier éblouissant, Etait-il donc si pâle Dans le jour naissant? Tu avais un jardin Plein de fleurs jolies, Mais, quand vint ce matin, Elles étaient cueillies . .. Délicate est la fleur ! Une nuit l'effeuille, Jeune fille, et mon coeur D'y penser s'endeuille ! El des grands blés pourtant Le chant monte, impie, De celui qui, méchant, La fleur a cueillie! 5. GregorCiô: «Izgubljeni cvel.» Traduit du Slovène. 50 Un coeur humain est chose sainte . .. Un coeur humain est chose sainte : De t'en jouer aie grande crainte] Tu peux créer enfer ou ciel, N'y verse donc jamais de fiel. Un peu de soleil, de chaleur, Admirable fait une fleur ; Noir nuage ou froide rosée Sur elle passe, elle est brisée! Douce, une parole ouvre un coeur, Un regard tendre, il bout d'ardeur : Un regard dur, c'est la folie Un mot cruel lui prend la vie! Tu butines dans les calices Un miel dont tu fais tes délices ; Mais parmi les fleurs où tu bus Ce que tu sèmes, le sais-tu? 31 Derrière toi, ne sont que larmes, Beaux yeux éteints et fleurs sans charmes. Paix ravie et tristes remords D'âmes brisées où tout est mort. Ne te joues pas d'un coeur humain ; L'enfer ou le ciel il contient: Brisant le coeur, tu brises l'âme Et de la vie s'éteint la flamme! S. Gregorcic : «Srce cloveSko svefa sfvar!» Traduîf du Slovène. 52 Pour Mademoiselle Mîci Vodusek. Les Revenants. En mon coeur j'avais fait, très las, Large et profonde une fosse Semblable aux tombes où là-bas Notre corps sans vie repose! Au fond du cercueil j'avais mis, Sous la dalle qui le mure, De jadis mon amour flétri Tout saignant de sa blessure! Mais à minuit, hors des tombeaux, Des défunts les corps se dressent: Mystérieux, loin des caveaux Tous les trépassés s'empressent! Et ces dépouilles que la nuit A faites déjà plus fortes Dansent dans le rayon qui luit Sous la lune pâle et morte. 55 La pierre placée sur mon coeur Elle aussi parfois se lève : De jadis le très doux bonheur Vers moi revient comme un rêve. Mais avec lui revoit le jour, Vieux songe d'anîan qui murmure, Ce qui fut mon tendre emour, Hélas! avec sa blessure! Simon Jenito : «ObujenKe.» Traduit du Slovène. 54 Berceuse. Descends vers Elle, ô calme et doux sommeil Effleure la de ton baiser vermeil, Chère nuit mystérieuse! Et toi, zéphyr, viens pour la caresser Tant que resteront ses longs cils baissés, Mais fais ta chanson berceuse! Ne permets pas à tes rayons d'opale D'errer, malins, sur son lit, astre pâle ! Brise les à son rideau. N'élève pas ta voix dessous les yeuses À son rêve l'arrachant curieuse, Tu l'éveillerais, ruisseau ! Tandis qu'amie la fée, que la nuit vêt, Maternelle, veille près de son chevet. Dans le doux soir qui se voile, Volez, tournez, nocturnes papillons De l'eau, de l'air, des bois et des sillons Et qu'elle soit voire étoile ! 55 Qu'en sa chambre, toute la nuit, résonne Le plus exquis parmi les chants qu'entonne Dans les cieux le séraphin! Pour que sourie cette bouche charmante Qu'elle rêve, la douce vierge aimante D'amour jusqu'au jour prochain. En son sein pur, descends, ô cher bonheur! Remplis de joie et son âme et son coeur Comble les de tes délices! Berce là, rêve, et fais la très heureuse; Cache la nuit, dans ton ombre soyeuse : Tous deux soyez mes complices! «Endrody.» Traduit du hongrois. 56 Chanson. Que t'importe le passé d'une fleur; Ne demande point l'âge d'une femme! Elle naquit quand elle a pris ton coeur. Elle mourra si tu n'as plus son âme. «Jean Bullu.» Traduit du hongrois. 57 A Mademoiselle P-iula KleSnJk, Chanson. L'grand Jerney avait tout l'air, Lonlanlair ! D'aimer beaucoup sa Francka, Lonianla ! Mais en un beau jour d'colère, Lonlanlaire ! L'a tout d'même plantée là, Lonianla ! Puis parmi les grands blés verts Lonlanlair ! 11 s'en fut avec Micka Lonianla ! Mais les grands blés vers la terre Lonlanlaire ! Bruissaient: «Qu'est-ce que c'est qu'çà, Lonianla !» Et l'merle sifflait: «Hier, Lonlanlair : L'aut, était bien mieux, n'est-c'pas, Lonianla !» 59 Ei l'grillon chantait : «Ma mère, Lonlanlaire : J'aime pas ces cheveux tabac, Lonlanla !» L'boeuf beuglait au soc de fer, Lonlanlair : Oh! les vilains yeux que v'ià, Lonlanla !» Et la charrett'à l'ornière Lonlanlaire, Grinçait : « Quei'sal'voix ell'a ! Lonlanla !» Et la poul'piquant un ver Lonlanlair : Caq'tait: «S'tord comm'celui-là, Lonlanla !» Et la cruche dans la r'serre Lonlanlaire, Répétait: «Bon Dieu, qu'c'est plat, Lonlanla!» D'sorte qu'en un beau soir clair, Lonlanlair : L'grand Jerney y repensa Lonlanla ! l's'disait: «Peuv'donc pas s'taire, Lonlanlaire!» Mais final'ment il céda, Lonlanla ! 60 La tête basse, pas fier. Lonlanlair : A l'ancienn'il retourna , Lonianla. Elle l'attendait près de l'aire, Lonlanlaire, Sans rien dire ellTembrassa Lonianla ! Et c'fut sul'chemin désert Lonlanlair : Cet'pauv' Micka qui pleura Lonianla ! 61 TABLE. Coeurs de France n'oublient point! . . 5 Les laitières........... 9 N'est-ll pas vrai, ma mie? ..... 15 Berceuse............ 15 Vous souvient-il . . . !....... 17 Nocturne............ 19 Soir!............. 21 Offrande............ 25 Violons anciens......... 25 Espoir !............ 27 Il est des yeux . .......... 29 Aveu............. 31 Les Boeufs........... 53 Preseren............ 57 Fille-Mère!........... 39 La foi perdue.......... 41 Sous la fenêtre ......... 45 De mon coeur répandez le sang ... .45 Viens, près de moi reste sans crainte ... 47 La fleur perdue......... 49 Un coeur humain est chose sainte ... . 51 Les Revenants.......... 53 Berceuse............ 55 Chanson............ 57 Chanson............ 59 HflRODNfi IN UHIUERZITETNR KNJI2NICR Achevé d'imprimer le 1er Mars mil neuf cent dix neuf PAR LA JUGOSLOVANSKA TISKARNA À LJUBLJANA. A00000380861A 00000380961