PAVAO TEKAVCIC (1931-2007) Il y a seize ans, nous célébrions avec le volume XXXI de Lingüistica les soixante ans de Pavao Tekavcic. Cette fois, avec ce volume de notre revue - dont il a été le codirecteur et collaborateur pendant de longues années -, nous avons le triste devoir de faire savoir à tous nos collègues que Pavao Tekavcic nous a quittés. Né à Zagreb en Croatie, de mère croate et de père slovène, il avait fait toute sa scolarité dans sa ville natale, avant de commencer à étudier les langues romanes (français et italien) à l'Université de Zagreb. Après avoir, en 1954, brillament terminé ces études, il y ajouta celles des langues classiques, latin et grec. Assistant d'italien dans la même Université à partir de 1957, il fit des recherches linguistiques en Istrie dont le fruit immédiat fut sa thèse de doctorat sur le parler de Vodnjan/Dignano, soutenue sous la direction de Mirko Deanovic en 1963. Celle-ci signale déjà une direction importante de ses intérêts linguistiques: la romanité en Istrie et la situation ancienne et actuelle de l'istroroman, c'est-à-dire de l'ancienne couche latine, prévénitienne, en Istrie. La situation linguistique de l'Istrie n'a pas cessé d'exercer son charme: la presqu'île d'Istrie est linguistiquement un lieu de rencontre entre la romanité (istroroman/istriote, vénitien, langue littéraire italienne, et même roumain, reste d'une immigration de réfugiés de l'invasion turque dans les Balkans) et le monde slave (slovène, croate), donc un vrai défi pour l'analyse des influences linguistiques réciproques. Feu notre Collègue Tekavcic fut constamment attiré par l'Istrie et resta fidèle à traiter ses problèmes linguistiques dans maints de ses travaux. Certes, sa passion prédominante fut l'étude de la langue italienne dans son ensemble historique. De sa profonde analyse des problèmes dans le domain italoroman et de son travail acharné est née Grammatica storica deïï'italiano, en 3 volumes, Bologna 1972, 2ème éd. 1980, oeuvre qui assure à notre Collègue Tekavcic une place exceptionnelle parmi les passionnés de linguistique italienne. Professeur de langue italienne à l'Université de Zagreb entre 1965 et 1980, il passa pour des raisons strictement personnelles à la Faculté pédagogique de Pola (Université de Rijeka), où il peut être considéré comme le vrai fondateur des études de linguistique italienne et romane. Malheureusement, la détérioration de son état de santé, toujours précaire et délicat, l'obligea à prendre congé et à cesser, en 1983, son activité pédagogique. Après son départ en retraite, Pavao Tekavcic cessa d'être présent physiquement aux rencontres de linguistes et aux congrès internationaux d'études philologiques et linguistiques romanes, mais il suivait assidûment les travaux publiés dans le domain roman, surtout l'italien et celui de l'aire romane dans les Alpes (sur ce point, l'avait attiré la questione ladina, à propos de laquelle il fut de l'opinion de G. I. Ascoli, c'est-à-dire, convaincu de la connexion originaire entre les trois tranches actuellement existantes). Les questions de la romanité balkanique et les contacts avec les parlers slaves, en vue de l'analyse de la situation linguistique en Istrie surtout, et en péninsule balkanique en général, ne l'intéressaient pas moins. Notre regretté Collègue appuya l'idée de Petar Skok, - son premier maître dans les études romanes -, sur la relation de l'istroroman 3 avec le vieux dalmate. La gamme de ses recherches a toujours été très ample: le latin parlé, dit vulgaire (c'est-à-dire la couche antérieure à la naissance des langues romanes et à leur développement, vues et analysées par conséquence diachroniquement), et, plus particulièrement, les problèmes de la morphosyntaxe, de la composition des mots et ensuite la classification des mots, la pragmatique. Contrairement aux Mélanges publiés il y a seize ans, en l'honneur de ses soixante ans, Lingüistica commence ce volume avec les travaux que Pavao Tekavcic m'a envoyés au cours de l'année passée. Ainsi, la revue souhaite lui rendre un humble hommage en publiant ses dernières recherches: recensions et un panorama sur la fin supposée du latin parlé et donc la naissance des langues romanes. On voit que le latin, le latin parlé, la couche originaire des langues romanes fut son sujet préféré. Qu'il me soit permis d'ajouter que sur le dernier tiré à part qu'il voulut me fût envoyé, tiré à part de son article dans Mélanges Gusmani, publiés récemment à Udine, il écrivit Donum auctoris et la date, le 18-3-07. Le lendemain, il rendait son dernier souffle. Mitja Skubic 4