Le Globe. Revue genevoise de géographie Contribution à l'étude des lapiés en Carniole et au Steinernes Meer Émile Chaix, André Chaix Citer ce document / Cite this document : Chaix Émile, Chaix André. Contribution à l'étude des lapiés en Carniole et au Steinernes Meer. In: Le Globe. Revue genevoise de géographie, tome 46, 1907. pp. 17-54; doi : https://doi.org/10.3406/globe.1907.5028 https://www.persee.fr/doc/globe_0398-3412_1907_num_46_1_5028 Fichier pdf généré le 03/06/2022 ©@© Sr CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES LAPIÉS BN CARNIOLE ET AU STEINERNES MEER PAR É ni île CHAIX-DuBois Professeur de géographie ET André CHAIX Étudiant en sciences avec une notice sur la TERRA ROSSA PAR Alfred Monnier Professeur de Chimie agricole (26 Planches tiors texte, dont 18 stéréoscopiques) Communication faite dans la séance du 12 avril 1907. Introduction Afin de pouvoir mieux juger les phénomènes lapiaires de nos pays, et notamment pour bien en comprendre la nomenclature, nous avons fait, en juillet 1906, un voyage rapide en Carniole. La région de Trieste est, en effet, le lieu par excellence pour LE GLOBE, T. XLVI, 1907. 2 18 CONTRIBUTION A I.'ÉTUDE DES LAPIES étudier les dolines, les polies, gouffres, grottes et tous les phénomènes compris sous le nom de phénomènes carsiques, et que M. E.-A. Martel voudrait qu'on appelât maintenant les phénomènes du calcaire1. Grâce à l'amabilité des autorités militaires autrichiennes, il a été possible de voir et même de photographier à Pola des lapiés littoraux (Strandkarren). Enfin, en traversant les Alpes orientales pour rentrer en Suisse» nous avons visité, au sud du Salzburg, le Steinernes Meer, le plus grand lapié de la région, pour le comparer au Silbern, au Désert de Platé et au Parmelan 2. L'observation des faits nous a suggéré quelques idées que nous exposerons plus loin. Mais un des buts principaux de ces reconnaissances était de rapporter des documents photographiques typiques, sans les- 1 Faute d'avoir vu quelques-uns de ces phénomènes, plutôt rares chez nous, leur nomenclature est défectueuse dans le travail de É. Chaix : La topographie du Désert de Platé (Le Globe, 1895) et dans sa note sur Le lac de Flaine (-Archives des Sciences physiques et naturelles, 1893). Le lac de Flaine est dans un polié d'effondrement ; le « cirque » de Plaine- Joux est une doline d'un type curieux ; la « crevasse maîtresse » est ce que MM. Cvijic' et Penck appellent Trockenthal, ce que nous pouvons traduire par vallée sèche, coulée sèche, ou val sec. 2 Voir : Contribution à Vétude des lapiés : La topographie du Désert de Plate, in Le Globe, Genève, 1895. Le lac de Flaine, in Archives des Sciences physiques et naturelles Genève, 1893. Les lapiés du Désert de Platé, in Echo des Alpes, Genève, 1896. Le Pont des Oulles, in La Géographie. Paris, 15 XII 1903. Contribution à l'étude des lapiés : Le Silbern, in Le Globe, Genève, 1905. Les tirages à part de ces publications se trouvent au Comptoir de Géologie et à la librairie Kiindig, à Genève. EN CAIiNIOLE ET AU STEINERXES MEEll. 19 quels toute discussion géophysique est à peu près impçssible 1. Par malheur, l'été, contrairement aux habitudes des pays méditerranéens, a été gris ou même pluvieux, ce qui a compromis les résultats photographiques. Puis la végétation forestière rend bien des choses impossibles. Enfin les distances sont grandes et nous n'avons pu exécuter qu'une partie de notre programme. Cependant il nous est possible de fournir quelques documents caractéristiques, qui contribueront à éclairer les discussions sur l'érosion des calcaires. Faisons seulement remarquer une fois pour toutes que, pour ne pas risquer de gâter nos photogrammes en les « pelliculant », toutes nos vues sont retournées dans leur reproduction phototypique ; ce qui est à droite dans la nature est donc à gauche dans la vue 2. Pour la préparation de notre voyage, nous avons 1 MM. E.-A. Martel et P. Lory ont extrêmement bien illustré des travaux très intéressants qu'ils viennent de publier sur un lapié qui semble réunir la plupart des phénomènes lapiaires : LPOucane de Chàbrières (P. Lory : La JPusterle, Chabrières et l'Oucane, in La Montagne, Revue du Club alpin français, 20 XII 1906. — E.-A. Martel : L'Oucane de Chabrières, ibid., et aussi dans les Comptes rendus de l'Académie des Sciences du 16 VIII 1904, dans La Nature du 28 I 1905, etc.). — Les excellentes photographies et la carte de M. Martel permettront d'indiquer avec une précision absolue les quelques points sur lesquels il y a encore divergence entre nos idées et les siennes — ce que nous ferons un jour. 2 Pour inaugurer une publication d'un nouveau genre, nous offrons à tous ceux que cela pourrait intéresser, de leur fournir des clichés diapositifs pour projections lumineuses de nos différents documents photographiques ; prière de nous écrire (avenue du 20 CONTRIBUTION A I.'ÉTUDE DES LAPIES puisé nos renseignements surtout dans les travaux très importants de J. Cvijic', de E.-A. Martel, de Mojsisovics, de Reyer, de Penck, de Eckert et d'autres. Voici, d'ailleurs, liste des principaux travaux relatifs à ces questions : E. v. Mojsisovics : Zur Geologie der Karsterscheinungen, in Zeitschr. d. deutsch, und œsterr. Alpenvereins, 1880. Reyer : Studien über das Karstrelief, in Mitteil, der K. K. geogr. Gesellschaft, Vienne, 1881. J. Cvijic' : Das Karstphcenomen, in Geogr. Abhandlungen v. A. Penck, Vienne, 1893, — et autres publications. E.-A. Martel : Les Abîmes, Paris, 1894 (ouvrage magistral sur toute la morphologie du calcaire) et un grand nombre d'articles parus dans les Mémoires de la Société de Spéléologie, dans La Nature ou dans les Comptes rendus de VAcadémie des Sciences (notamment du 3 XII 1888, du 14 X 1889, et du 15 XII 1902). A. Penck : Morphologie der Erdoberfläche, 1894 (II. 269); et un travail extrêmement suggestif : Geomorphologische Studien aus der Herzegoivina, in Zeitschr. d. deutsch, und œsterr. Alpenvereins, 19001. Quant aux travaux de M. Max Eckert, qui sont Mail, 23, Genève). Voir : Utilité d'un A.ilas international de l'Érosion, par É. Chaix, in Le Globe., Genève, 1906. Tirage à part déposé, comme toutes nos publications, au Comptoir de Géologie, cours des Bastions, Genève. 1 Vient de paraître : Die Halbinsel Istrien, de N. Krebs, dans Geographische Abhandlungen de Penck, Leipzig, 1907. EN CAIiNIOLE ET AU STEINERXES MEEll. 21 d'une importance absolument hors ligne pour l'étude des lapiés, c'est malheureusement après notre retour que nous avons eu l'occasion de lire son article intitulé : Das Gottesackerplateau, in Zeitsclir. d. deutsch, und œsterr Alpenvereins, 1900, et c'est au moment de livrer le manuscrit de cette note que nous recevons son remarquable Mémoire intitulé : Das Gottesackerplateau, ein Karrenfeld im Allgœu, in 'WissenschafU. Ergœnzungshefte zur Zeitschr. d. deutsch, und œsterr. Alpenvereins, vol. I, livr. 3, Innsbruck, 1902. La connaissance tardive de ce travail capital est cause que nous « enfonçons quelques portes ouvertes » dans le présent article ; mais cela même n'est pas un mal : cela montrera la concordance presque complète de nos conclusions qui, d'ailleurs, sont basées sur des observations beaucoup plus serrées et plus profondes chez M. Eckert que chez nous. Nous devons un tribut tout particulier de reconnaissance à MM. Fr. Müller et Marinitsch, de Trieste, les très courageux explorateurs des grandes grottes du Carso, et à M. le professeur DrN. Krebs ; leurs informations nous ont été du plus grand prix. Nous remercions aussi M. Fr. Swida, président de la section « Küstenland » du Club alpin autrichien, qui a bien voulu nous mettre en rapport avec ces Messieurs et nous laisser voir les beaux documents photographiques du Club1. 1 M. F. Thévoz, de la Société des Arts graphiques à Genève, a droit à nos remerciements pour l'amabilité avec laquelle il a fait faire les essais nécessaires pour l'exécution de nos Planches stéréoscopiques. 22 CONTRIBUTION A I.'ÉTUDE DES LAPIES I En Carniole » Chacun sait que le Carso ou Karst est un plateau calcaire situé au N. et à l'E. de Trieste, dans les provinces de Carniole et Littoral. Son altitude varie entre 450 et 600 m. et il porte des croupes longitudinales dont quelques sommets ont un peu plus de 1000 m. Au point de vue géologique c'est, en résumé, une plaque de crétacique supérieur (à rudistes et à capro-tines), avec bandes ou lambeaux de tertiaire (num-mulitique et flysch) ; tous ces dépôts sont disloqués par des failles et des plissements, dont les axes sont orientés du N.-W. au S.-E. Au point de vue morphologique, on peut se représenter cette région comme émergée et abrasée, ainsi que l'Herzégovine (Penck, Zeitschr. d. deutsch. und œsterr. Alpenvereins, 1900), dans la période miocène, puis relevée et soumise à un nouveau genre d'érosion dans la période pliocène. C'est depuis ce moment que se développent les dolines, poliés, avens, grottes et autres phénomènes de ce genre, pour lesquels ce pays est connu1. La ville de Trieste est immédiatement dominée par le bord du plateau. Une ligne à crémaillère esca- 1 Dans un espace de 8 X 12 kilomètres à l'E. de Trieste, on compte 145 grottes et gouffres, sans parler des innombrables dolines. EN CAIiNIOLE ET AU STEINERXES MEEll. 23 lade cet escarpement et conduit à Opcina (pron. optchina), premier village du Oarso. De son bord relevé, le plateau se présente comme un pays à vastes ondulations, très verdoyantes. Un trajet d'une ou deux heures, jusqu'aux collines de Repentabor, nous donne l'occasion de faire connaissance avec les conditions du pays ; partout s'étend la ? 10 ip ¡s )-1-1---—--1 Km. Fig. 1. — Croquis de la région visitée. forêt de jeunes chênes, qui empêche de voir à quelque distance ; on s'aperçoit bien que le rocher calcaire forme partout le fond du terrain et n'est recouvert en certains endroits que d'une trentaine de centimètres de terre ; on entrevoit bien une ou deux dolines, à droite et à gauche de la route ; on en devine d'autres 24 CONTRIBUTION A I.'ÉTUDE DES LAPIES sous la verdure ; mais la forêt compacte ou des taillis touffus couvrent tout d'un voile impénétrable ; c'est heureux pour le pays, mais grand dommage au point de vue des observations, car la carte montre la richesse de la région que nous voulions traverser. La présence de ces forêts nous oblige, dès le premier jour et continuellement dans la suite, à renoncer à une grande partie de notre programme. o £ oo m . L Km J.-1- Fig. 2. — Dolines au S.-W. de Sezana (d'après J. Cvijic'). On voit que la voie ferrée et les sentiers «ont obligés à de nombreux détours. De la terrasse de l'église de Repentabor, la vue s'étend sur une grande partie du plateau, qui, nulle part, ne semble complètement dépourvu de végétation. De Repentabor, dans l'impossibilité de traverser le labyrinthe des dolines, nous devons nous contenter d'atteindre la gare de Sezana en suivant, au pied EN CAIiNIOLE ET AU STEINERXES MEEll. 25 oriental d'une petite croupe, un chemin qui passe dans un pays très pauvre en dolines. Puis nous gagnons Divača (pron. divàtcha) en chemin de fer. Région de St-Kantzian. C'est à moins d'une heure de Divača que se trouve St-Kantzian, centre d'une région extrêmement intéressante : elle contient tous les phénomènes carsiques réunis et la moins grande abondance de végétation en permet mieux l'observation. A l'W. de Divača s'ouvre, au milieu de la verdure, un gouffre ou aven, nommé la Kačna-jama (pron. kàtchna-yàma). Il commence par un entonnoir d'une cinquantaine de mètres de largeur et de profondeur et, à partir d'un pont naturel formé d'une dalle de roche, il continue en un puits vertical de 3 à 4 mètres de diamètre (voir la PI. stéréoscopique IX) ; en profondeur il a 260 mètres, d'après les mesures de M. Marinitsch, qui en a fait l'exploration. Les échelles que M. Marinitsch y a fait poser pour qu'on puisse le visiter se sont malheureusement pourries, de sorte que la descente n'est plus possible. Sa profondeur est remarquable et quand Sib'rna, le guide, d'un point de l'entonnoir qui lui est connu, lance une grosse pierre, qui s'engouffre en sifflant à côté de nous et descend jusque tout au fond sans toucher nulle part en route, cela fait une certaine impression. C'est d'ailleurs un aven comme le trou des Verts au Platé, comme ceux des Causses, comme ceux qu'on trouve 26 CONTRIBUTION A I.'ÉTUDE DES LAPIES dans la plupart des régions calcaires ; c'est peut-être le chenal de disparition d'une ancienne rivière superficielle ; il est probablement dû au croisement de failles verticales ; mais le voisinage ne trahit ni lit de rivière, ni faille, il présente la même surface inégale et boisée que le reste du pays. Le Carso possède un grand nombre d'avens, plusieurs encore plus profonds que la Kacna-jama (gouffre de Trebic 322 mètres). Notre planche sté-réoscopique n° IX montre le guide sur la dalle qui forme le pont naturel de l'entrée ; elle a été exécutée pour faire voir la curieuse végétation, plutôt de haute montagne, que le froid entretient dans les dolines. L'ordre altitudinaire des espèces y est retourné. St-Kantzian est surtout] connu pour les grottes que la Réka y forme (;réJca signifie rivière). Sans vouloir décrire à nouveau ce que M. Martel a fort bien décrit dans ses Abîmes, nous rappellerons seulement ce qui suit : La rivière vient du S.-E. et commence par couler superficiellement dans une région de flysch ; puis elle passe dans le calcaire crétacique, où elle s'encaisse pendant quelques kilomètres dans des gorges sinueuses, à parois de plus en plus hautes et droites, jusqu'à ce qu'elle disparaisse tout à fait, sous le plateau, dans des grottes immenses. Elle se perd en trois fois. Son canyon l'amène à un barrage vertical de roche compacte, de 160 mètres de hauteur ; elle l'a percé à sa base (grottes Mahorcic' et Marinic'), et c'est sur cet isthme ou pont massif qu'est le hameau de St-Kantzian, exactement sur EN CARNIOLE ET AU STEINERNES MKER. 27 une fissure verticale qui correspond à la grotte — et qui, d'ailleurs, peut aussi bien être la conséquence que la cause première de la formation de la caverne. La rivière reparaît bientôt dans un premier cirque rocheux très profond, une doline gigantesque d'un aspect curieux, et passe sous un second isthme ou barrage de roche en place, où elle forme une deuxième grotte ; elle en émerge au fond d'une seconde doline (la Grande-Doline) entourée également d'immenses escarpements calcaires, qui sont percés de plusieurs grottes. C'est dans la paroi occidentale qu'elle disparaît définitivement, par un portail magnifique, contre lequel l'eau monte, paraît-il, les jours de grandes crues, à 70 mètres de hauteur ! — C'est ce portail, vu de l'intérieur, que notre PL sté-réoscopique X représente, avec le brouillard émis par la rivière dans l'air froid de la grotte et la silhouette à peine visible d'un très grand érable qui a poussé à l'entrée et permet de juger des dimensions. Ce qui fait la magnificence de ces grottes, c'est leur grandeur, qui dépasse tout ce qu'on peut imaginer pour une grotte (80 mètres de hauteur de voûte) ; c'est aussi le bruit sourd, continu, menaçant de la rivière qui s'enfonce toujours plus profondément et finit par disparaître. Un nouvel embranchentent, la grotte Lutterroth, a été découvert ces dernières années. Il est presque aussi long que la grotte principale et d'un tout autre genre : la rivière n'y passe plus, et l'argile et des stalactites merveilleuses s'y sont entassées. C'est donc une grotte morte, qui est en train de se combler. Une quantité de chauves-souris étaient 28 CONTRIBUTION A I.'ÉTUDE DES LAPIES venues hiverner dans cette partie des cavernes. Ces animaux doivent avoir le « sens du retour » bien développé pour retrouver la très petite entrée de cet embranchement sur la grotte principale, et pour revenir à l'extérieur, à bien des centaines de mètres. Outre le phénomène des grottes, la région de St-Kantzian possède, en grand nombre, les deux genres de dolines : les grandes dolines à parois rocheuses et les dolines en entonnoirs, revêtues de terre. . Notre Planche stéréoscopique n° XI représente un coin caractéristique de la doline rocheuse nommée Risnik-dolina (diamètre 250 m., profondeur 90 m.); elle permet de se rendre assez bien compte de l'aspect normal de ces dolines à parois escarpées. Elles sont à peu près circulaires, mais avec contour un peu sinueux ; le pied de leurs parois est occupé par un talus d'éboulis; le fond, qui n'est généralement pas cultivé, est toujours rempli de végétation, même de grands arbres. La Pl. n° I montre ces conditions dans la doline nommée Boukovik, c'est-à-dire, « le lieu des hêtres »; l'intérieur est trop boisé pour être visible. Même dans ces dolines peu profondes on constate l'inversion de la végétation : tandis que les arbres typiques du pays sont le charme et le chêne, il y a des hêtres, arbres de plus grande altitude, dans le fond de cette doline. Les dolines du second genre (Pl. XII et XIII) diffèrent essentiellement des précédentes en ce sens qu'elles n'ont pas de parois de rocher, mais des Près de Divatcha : Bord de la doline rocheuse nommée Boukovik. EN CAIiNIOLE ET AU STEINERXES MEEll. 29 pentes beaucoup plus douces, généralement revêtues d'herbe. Leur fond est rempli de terre et plat, probablement débarrassé de pierres et aplani artificiellement. Ce second type de dolines est plus fréquent et se présente sous une très grande variété de formes et de dimensions ; il y en a de rondes, d'ovales, de plus allongées ; elles ont 5, 10, 100, 200 m. de diamètre. Presque toutes sont cultivées et un double mur circulaire les protège contre le bétail. Les dolines de tous genres sont si nombreuses, qu'elles jouent un grand rôle dans la topographie du pays (voir la carte des dolines de Sezana, p. 24) ; dans la région d'Adelsberg elles occupent le douzième de la surface. Nous n'avons pas suffisamment exploré le pays pour y observer les dolines alluviales (ce que M. Cvijic' appelle Schwemmlanddolinen) comme il y en a au lac de Flaine. La région du Carso n'offre pas en général de surface rocheuse nue qui puisse donner lieu à la formation de vrais lapiés. A cette altitude la végétation est assez favorisée pour avoir tout envahi. Cependant, en bien des endroits, la pierre émerge de l'herbe, en petites pointes ou petites « têtes », formant ce qui s'appelle chez nous des esserts. C'est ce que représentent les Pl. stéréoscopiques nos XIY et XY. La terre de ces esserts est rouge (voir plus loin l'analyse de M. le prof. Monnier) ; et là où elle a été enlevée, on voit qu'elle remplit des alvéoles rocheux à formes arrondies, et nullement ravinés comme les roches saillantes. 30 CONTRIBUTION A I.'ÉTUDE DES LAPIES Sans vouloir faire de la botanique, disons, pour que le lecteur se représente mieux l'aspect du pays, que, dans les dolines et en général là où la forêt s'est établie, les espèces dominantes sont le charme, le chêne, l'érable, le noisetier, le tremble, l'ormeau, le tilleul, le frêne ; dans la région du Rak-bach, c'est le sapin blanc qui se rencontre le plus fréquemment ; la reforestation se fait beaucoup avec le pinus nigra. Dans les esserts, au milieu de l'herbe, on voit, comme la Pl. n° XII le montre, le prunier sauvage épineux, deux espèces de genévriers, beaucoup d'hellébores, des .ronces, un cotoneaster, un daphné, le sureau, un fusain, etc. Région du Rakbach. Après quelques heures consacrées à la merveilleuse grotte d'Adelsberg, nous nous rendîmes à Rakek, pour visiter les puits du Rakbach. L'émissaire des polies de Laas, puis de Zirknitz, se rend souterrainement au polié de. Plànina. Au milieu de ce parcours, il apparaît quelques instants à ciel ouvert, sous le nom de Rakbach, dans des enfoncements de 60 m. de profondeur. Toute cette région est couverte d'interminables forêts de sapins, fort belles sans doute, mais qui empêchent absolument d'avoir la moindre vue sur le pays. A quelques kilomètres au S.-W. du village se trouve, en pleine forêt, une sorte de gouffre rond, au fond duquel on voit à 60 m. au dessous de soi, un ruisseau, qui est le Rakbach, un petit sentier, un Contribution à l'Etude des Lapiés. — Phot. Emile Chaix. Au Rakbach : Grotte entre les deux premiers gouffres. EN CARNIOL.E ET^AU STEINERNES MEER. 31 pont, de la verdure magnifique, de jolis arbres. Cela fait une impression très curieuse, et c'est ce que notre Pl. stéréoscopique n° XYI reproduit tant bien que mal ; il faut se représenter ce pajrsage vu directement de haut en bas. Un sentier, aménagé dans un puits voisin, rejoint le Kakbach dans une grotte, où un petit quai suit la rivière de puits en puits. L'orifice mentionné plus haut, et vu d'en bas, est représenté par la Pl. stéréoscopique n° XVII. On voit qu'il occupe le sommet effondré d'une sorte de cloche étroite. Enfin la Pl. II montre l'aspect de l'une des grottes dans lesquelles le ruisseau coule, très paisiblement, au fond de ces gouifres. Cette grotte-là ne présente pas de traces d'eifondrement, mais elle est évidemment élargie peu à peu par érosion latérale et peut-être chimique. La rivière passe dans quatre enfoncements, presque aussi profonds que larges, puis elle disparaît dans une grotte impénétrable. Après un ou deux kilomètres de parcours vers l'ouest par un sentier sous bois, on retrouve le Rakbach, ou plutôt on le devine, dans une vallée d'une certaine longueur, étroite et encaissée, où il reçoit, toujours enfoui dans la forêt, un affluent latéral sortant d'une grotte. Il disparaît momentanément sous un nouveau barrage ou isthme de rocher, qui porte, cachée dans les arbres, la petite chapelle de St-Kantzian im Walde ; elle rappelle par sa situation son homonyme, le hameau de St-Kantzian am Karst. Enfin la rivière fait un dernier petit trajet à ciel ouvert dans un 32 CONTRIBUTION A I.'ÉTUDE DES LAPIES .enfoncement escarpé assez semblable aux premiers, puis elle disparait pour longtemps. Moins sinistre que celle de la Réka, qui gronde sous ses voûtes immenses, moins sournoise que les absorptions habituelles dans des entonnoirs boueux ou marécageux, cette disparition brusque d'une assez grande rivière, dans un joli endroit, est assez impressionnante (voir la Pl. stéréoscopique n° XVIII). En somme le Rakbach est une rivière essentiellement souterraine : d'après les plans de M. Martel, elle disparait dans le polié de Zirknitz et fait un trajet d'une douzaine de kilomètres sous terre pour atteindre celui de Plànina en n'apparaissant que sur 3 kilomètres au plus sous le nom de Rakbach. Il semble que sa petite vallée et ses annexes en forme de soupiraux soient un polié en formation : l'érosion latérale doit élargir les puits et les grottes, et celles-ci s'effondreront graduellement. En tous cas, le fond de ces puits coïncidant avec le niveau de circulation des eaux d'infiltration, ils rentrent, d'après la définition du professeur Penck, dans la catégorie des poliés et non dans celle des dolines, dont les eaux ont encore à descendre. Il paraît que parfois, lors des grandes crues, tous ces gouffres et vallons du Rakbach sont entièrement remplis d'eau. Il faut deux bonnes heures de marche, dans la forêt ininterrompue, pour retrouver l'eau du Rakbach, à sa résurgence dans le polié de Plànina. En route on aperçoit, dans le fouillis des arbres, des dépressions circulaires qui ne peuvent être que des Pl. III. Extrémité occidentale du polié de Planina. EN CAIiNIOLE ET AU STEINERXES MEEll. 33 dolines, et la planche stéréoscopique n° XIX montre la seule qui se soit prêtée à la photographie. Ces dolines et même leurs bords sont ensevelis sous une couche épaisse de végétation humide, mousses, fougères, etc. ; il n'émerge que rarement quelque rocher blanc qui prouve que l'on est encore sur le Carso. L'action de cette végétation sur le calcaire doit être puissante. A l'ouest du chemin, la forêt semble moins dense en un endroit : c'est une magnifique doline à parois rocheuses verticales, aussi grande et plus profonde encore que la Risnik-dolina ; elle est d'ailleurs portée sur la carte de l'État-major. On descend enfin dans le polié de Plànina par un petit vallon en cul-de-sac, où apparaît un ruisseau provenant peut-être aussi du Rakbach, le Mühlgraben. Plus au S., au pied de la vieille tour qui figure à gauche de la Pl. III, se trouve la grotte de Klein-hseusel, d'où sort une rivière considérable : c'est le Rakbach, qui, dans son parcours souterrain, s'est joint à la rivière des grottes d'Adelsberg, la Piuka, pour former l'Unz. Celle-ci, après avoir, suivant les saisons, alternativement inondé ou drainé le polié de Plànina, disparaît de nouveau sous terre et ressort plus loin, à Oberlaibach, sous le nom de Laibach, dans un grand polié d'effondrement. Quant au polié de Plànina, il se présente sous l'aspect d'une plaine alluviale et herbeuse de 5 kilomètres sur 2 environ, abondamment irriguée, entourée de collines boisées qui sont en somme le bord du plateau, et se composent, dans cette région, de crétacique et de dolomies LE GLOBE, T. XLVI, 1907. 3 34 CONTRIBUTION A I.'ÉTUDE DES LAPIES triasiques. Les habitations sont sur le pourtour et à quelques mètres au-dessus de la plaine pour éviter l'inondation fréquente du polié. Notre photographie, faite avant le lever du soleil, ne vaut pas grand'chose ; mais on peut se rendre compte que la route et les maisons de Plànina, qu'on voit au premier plan, sont à quelques mètres au-dessus de la plaine verte et très plate du polié ; on y devine le cours de l'Unz, bordée de saules ; on voit assez bien les quelques maisons de Mühlgraben, et plus à gauche, on aperçoit la tour ruinée et la dépression boisée où se trouve la résurgence de Kleinhseusel. II à pola M. J. Cvijic parle de ce qu'il appelle Strandkarren. c'est-à-dire lapiés littoraux. Mais il n'en dit que peu de chose, et n'en donne en tout cas pas de photographies. M. J. Partsch non plus. Or, comme les avis diffèrent sur leur origine, il était intéressant d'en voir, pour tâcher de comprendre leur cause, et d'en rapporter des photographies pour que chacun pût juger par lui-même. Dans son excellente monographie Das Karstphœ-nomen, M. J. Cvijic énumère les endroits où existent des lapiés littoraux en Istrie : entre Stignano et Fasano, dans le golfe entre Punta Pizzale et Punta Maturaga au N. deParenzo, sur la côte des Scoglie Calbula et Barbaran, près de Parenzo ; il rappelle, d'après J. Partsch et d'autres, qu'il y en a sur les PI IV. Bord extreme du lapié littoral de Val-Saline, à Pola. Pl. V. Falaise désagrégée da lapié littor^al de Val-Saline, à Pola. EN CAIiNIOLE ET AU STEINERXES MEEll. 35 côtes de Crête, du Péloponèse, de Céphallénie et d'Ithaque. Dans une précieuse lettre de renseignements, que M. le professeur Dr N. Krebs, de Trieste, a bien voulu nous adresser, il en signalait à Pola, dans les golfes qui portent les noms de Val-Cane, de Val-Saline, de Porto-Veruda, et à l'W. de l'île Brione. Avec le peu de temps dont nous disposions, il était plus facile d'aller voir ceux de Pola, surtout de Val-Saline. Mais comme ce golfe se trouve dans le périmètre du port militaire, il fallait faire une démarche auprès des autorités maritimes de Pola. Nous ne saurions trop exprimer de reconnaissance à M. le commandant de place pour l'amabilité avec laquelle il voulut bien donner l'autorisation nécessaire ; grâce à lui il a été possible de faire les photographies ci-jointes, qui intéresseront certainement les géologues ou géophysiciens qui s'occupent d'érosion (Pl. IV, V et XX). Dès le premier coup d'œil, il était évident que le phénomène du Val-Saline est complexe : dans le haut de la petite falaise (Pl. V), la roche, qui est un calcaire à structure grossièrement lamellaire, est désagrégée plutôt que lapiazée. Dans le bas (PI. IV), dans la partie foncée, qui est presque continuellement baignée par l'eau salée, l'érosion mécanique est probablement seule en jeu. Dans la zone moyenne il y a mélange des deux actions et formation d'une surface d'abrasion, que la Pl. stéréoscopique XX montre assez bien1. ] Les Pl. XX, XXI et XXVI ne sont pas stéréoscopiques ; mais le stéréoscope permet d'y juger beaucoup mieux les phénomènes où lë relief est important. 36 CONTRIBUTION A I.'ÉTUDE DES LAPIES La zone inférieure est criblée de très petites anfractuosités, qui présentent les caractères des marmites d'érosion tourbillonnaire beaucoup plus que ceux de l'érosion chimique. Fort peu de ces anfractuosités contiennent du sable ou de petites pierres : cette pauvreté doit provenir de la pente forte sous laquelle la rive s'enfonce dans l'eau. Cela explique aussi l'activité évidemment très faible de tout travail érosif dans cet endroit. La couleur plus foncée de la zone inférieure provient, par place, d'un léger revêtement organique, mais surtout du fait quç le calcaire blanc se trouve ici imprégné de fines couches brunes granuleuses ; beaucoup des petites marmites présentent même un peu l'aspect de camées, leur bord étant fait de pierre brune et le fond étant creusé dans la pierre blanche, ou vice versa. Dans la zone moyenne, il semble que toute la couche supérieure désagrégée par la pluie est simplement enlevée par la vague ; il ne reste que la roche inférieure, plus résistante, qui présente des anfractuosités sur ses tranches exposées au choc direct de la vague, les jours de tempête (Pl. XX). En définitive, le lapiê littoral du Val-Saline est presque uniquement d'origine mécanique, et nos documents photographiques présentent un intérêt plutôt négatif au point de vue des études plus spécialement lapiaires, mais ce sont toujours des documents précis. Il faudrait voir les falaises de l'île Brione et y faire des photographies, puisque les autorités militaires y tolèrent les appareils photographiques1. 1 Nous avons eu l'occasion de voir à Fribourg, chez M. le professeur Jean Brunhes, des photographies faites en Crête par EX CARNIOLE ET AU STEINERNES MEER. 37 Le voyage en chemin de 1er de Divača à Pola et retour à travers toute l'Istrie fut un long supplice de Tantale. C'est à bicyclette qu'il eût fallu faire ce trajet, malgré la défectuosité des petits chemins, car toute cette région est un musée de l'érosion, — de l'érosion chimique dans les zones calcaires du N. et du S., et du ruissellement mécanique dans la zone tertiaire intermédiaire (flysch). L'Istrie méridionale offre partout un développement extraordinaire de la terre rouge, d'une coloration intense ; et présente une variété remarquable de dolines à pentes douces de toutes les dimensions, mais surtout de 20 à 50 m. de diamètre. Dans certaines régions, les dolines sont littéralement juxtaposées et le terrain ne présente vraiment pas de surfaces planes. La zone de flysch montre tous les degrés imaginables de l'érosion par ruissellement et de l'alluvion-nement. Quant à la région septentrionale, le TschitschenBoden, elle est très curieuse vers Herpélié. C'est le bord S.-W. du plateau carsique, limité en cet endroit par le prolongement de la grande faille orientée du N.-W. au S.-E., à laquelle la côte de Trieste et celle de Fiume doivent leur direction. Le plateau descend M. Ardaillion, recteur de l'Académie de Besançon. Elles représentent des lapiês littoraux infiniment plus beaux que les nôtres; nous espérons bien que ces splendides photographies seront reproduites un jour par leur auteur, car elles sont du plus grand intérêt. Ajoutons qu'elles montrent que là aussi c'est l'action mécanique des vagues et du sable qui prédomine. 38 CONTRIBUTION A I.'ÉTUDE DES LAPIES brusquement de 500 à 250 mètres, en un ou deux gradins, d'où la vue est merveilleuse. Sur ces plateaux, le Carso est vraiment dénudé et varie d'aspect suivant la nature des couches qui affleurent. Ici c'est une surface lapiazêe couverte d'une herbe maigre, un essert ; ailleurs, par exemple vers Lupoglava, c'est un lapié absolument nu, avec rigoles dans le sens de la pente et cicatrices qui en sont indépendantes (dans le genre des Pl. II et III du Sïlbern). Vers la station de Clavich c'est un essert avec de gros piliers blancs, qui sortent de l'herbe et des broussailles et sont souvent plus gros que des hommes. Vers Herpélié, c'est un mélange intéressant de dolines grandes et petites, rocheuses et terreuses, dans une surface dy essert. A l'W. de Rakitovic' (pr. rakitovitj), la vue plonge sur des séries de dolinettes vertes, alignées dans le fond des replis du terrain, ou de longues bandes vertes entre des surfaces nues : on voit que la végétation suit un suintement superficiel ou une circulation profonde de l'eau ; et sur les surfaces de roche nue qui forment les flancs de ces vallées, on aperçoit quelques rares taches d'herbes maigres et de tout petits jardinets ronds, créés évidemment par l'accumulation artificielle d'un peu de terre entourée d'un petit mur. Dans ce pays, la terre est une denrée rare ! Le gouvernement autrichien entreprend des reboisements. A en juger par les jeunes forêts de pins et de chênes qui poussent déjà de divers côtés, tout le pays pourra redevenir une forêt compacte, ainsi qu'il l'a été, dit-on, quand les Vénitiens s'y procuraient les EN CARNIOIjE ET AU STEINERNES MEER. 39 bois nécessaires à leurs flottes; seulement l'observation des lapiés deviendra impossible. La rareté des dolines dans les parties les plus dénudées et leur abondance extraordinaire dans les forêts du Rakbach et dans la région à épaisse couche de terre rouge de l'Istrie, semblent corroborer l'impression que terre et végétation ne sont pas étrangères à la naissance même de ces formes lapiaires. Nous reviendrons plus loin sur ce sujet \ III Le Steinernes Meer Cette montagne est un des principaux massifs de la bordure calcaire septentrionale des Alpes autrichiennes. Elle est située au N.-E. de la petite ville de Saalfelden, au S.-W. de Salzburg, entre le coude de la Salzach et le cours de la Saalach. C'est un plateau calcaire haut d'environ 2 000 m., incliné vers le N.-E. et bordé au S. par plusieurs sommets de 2 300 à 2 600 m. Au point de vue géologique, il est formé de Dachsteinkalk triasique superposé à des dolomies. La partie à peu près plane (environ 2 100 m.) présente sur toute sa surface le phénomène des lapiés. Il en possède une grande éten- 1 Au dernier moment nous recevons une publication qui nous fait le plus grand plaisir : Die Halbinsel Istrien, par le Dr N. Krebs (dans Geographische Abhandlungen de Penck, Leipzig, 1907). Un coup d'œil rapide nous montre que c'est une monographie du plus haut intérêt ; nous ne saurions trop la1 recommander à ceux qui peuvent visiter cette presqu'île si captivante au point de vue humain comme au point de vue physique. 40 CONTRIBUTION A L'ÉTUDE CES LAPIÉS due, mesurant en gros 10 kilomètres sur 3 kilomètres, et si l'on y rattache la montagne qui lui est con-tiguë à l'E., l'Uebergossene Alp, il faut ajouter à cela une surface lapiazée d'environ 5 kilomètres sur 2. Notre examen, faute de temps, n'a pu porter que sur une petite partie de ce massif. Cependant, il nous a permis de comparer ce lapié avec ceux de nos Alpes et de faire quelques observations de détail. Les couches calcaires sont relevées vers le S. de 10 à 15°. Elles se terminent, l'une après l'autre, dans cette direction, donc vers l'amont, en une série de mamelons en promontoires imbriqués, à pente presque verticale, comme des vagues montant à l'assaut de la crête. Ces tranches presque verticales sont généralement cannelées, comme le mamelon représenté par la Pl. IV dans la Topographie du Désert de Platé. Les pentes douces tournées vers le N. offrent une grande variété de lapiazurês. Comme dans les autres lapiés, il y a prédominance des formes d'érosion indépendantes de la pente (Pl. VI), c'est -à-dire dirigées par une fissuration intérieure originelle de la pierre, et le rocher représenté par notre Pl. VI étant sur une crête, son érosion ne peut être que locale, quoique le bloc posé à la surface soit évidemment un reste d'une couche disparue 1 ; il 1 Dans son excellent travail sur le lapié du Gottesacker, public à peu près à la même époque que le nôtre sur le Désert de Platé, M. Eckert établit, comme nous dans notre article sur le Silbern, une classification des formes lapiaires en formes primordiales et ri. vi. ( oairtbuikm à Au Steinernes Meer : Fissures indépendantes de la pente. Pl. VII. Au Steinernes Meer : Formation d'une cannelure (voir Pl. XXI). EN CAIiNIOLE ET AU STEINERXES MEEll. 41 y a passablement de lapiazures dans le genre des PL II et III de notre notice sur le Silbern 1. En fait de lapiazures dans le sens de la pente, telle surface ne présente que de petites rigoles ou cannelures (Pl. VII et XXI), telle autre en présente qui sont dans le genre de la Pl. II du Désert de Plate mais remarquablement développées (Pl. XXII et XXIII). Et ces surfaces à rigoles très développées sont toujours morcelées par des crevasses transversales, en sorte que les canaux ne s'étendent que sur 10 à 20 m. de longueur. Les crevasses transversales excluent tout apport lointain d'eau et de troubles qui puissent déterminer de l'érosion mécanique ; pourtant secondaires. Mais sa classification est à peu près l'inverse de la nôtre : il classe dans les phénomènes primordiaux les grandes crevasses et autres fentes dirigées; nous donnons comme primordiales les formes dues à l'érosion non dirigée. Sa classification a le mérite d'être basée sur l'importance relative des phénomènes, car les formes dirigées sont certainement plus fréquentes ; nous avions adopté la nôtre avec l'idée de ne pas nous éloigner trop de M. Heim, quoique nous ne soyons pas d'accord avec lui sur beaucoup de points (A. Heim, Deber die Karrenfelder, dans 'Jahrb. des Schw. Alpenclub, XIII, 1877-78, p. 421. — M. de Lapparent a adopté les idées de M. Heim). Les phénomènes d'érosion qui dépendent de la pente semblent d'ailleurs plus constants, quoique moins abondants, que les autres. Ainsi, plusieurs petits lapiés, et les grands lapiés du Parmelan, du Silbern et même du Steinernes Meer ont peu ou point de grandes crevasses. — Nous ne tenons nullement à notre classification ; mais il vaudrait mieux qu'on s'entendît. 1 En revanche, nous n'avons pas rencontré de grandes crevasses. 11 est vrai que la partie du lapié que nous avons visitée a une structure légèrement synclinale et non anticlinale comme les autres lapiés. Le Steinernes Meer est d'ailleurs constitué en « écailles » qui ont été poussées inégalement vers le N. (Blattstruktur) et rompues plutôt que tordues. 42 CONTRIBUTION A L.'ÉTUDE DES I.APIÉS les rigoles sont souvent larges et profondes ; elles le sont même dès le bord supérieur de la dalle. Beaucoup de ces rigoles ont un lit majeur, de 20 à 50 cm. de largeur et de profondeur, et un lit mineur, de 2 à 3 cm., et leurs bords sont souvent très tranchants (Pl. XXII et XXIII). Dans quelques-unes le lit mineur seul était humecté; dans d'autres, avec fort peu d'eau dans le fond du canal, l'intérieur entier du lit majeur était humide. Nous reviendrons plus loin sur ces faits. Les pentes septentrionales, donc celles où la neige peut le mieux persister, présentent aussi quelques creux ou puits à neige, ce que M. Cvijic' appelle Schneedolinen. La Pl. n° VIII représente une de ces dolines à neige au milieu d'une surface lapiazée à pente assez forte. Ses bords ont des cannelures généralement atténuées, mais la fissure de droite, qui amène évidemment parfois de l'eau, se développe en longueur ; il semble que la neige arrondisse le puits tandis que l'eau tend à le transformer en vallée. Dans la Pl. stéréoscopique n° XXIV on voit que la dépression n'emmagasine qu'une petite quantité de neige ; pourtant cela suffit pour y entretenir l'humidité sur son fond quelques semaines de plus que dans le voisinage, peut-être tout l'été. Enfin, la Pl. stéréoscopique XXV représente un chapelet de cavités presque rondes, qui semblent établies sur une ou plusieurs petites fissures. Ces fissures étant transversales à la pente, il ne peut guère être question d'un chapelet de « marmites tourbillon-naires » datant d'autrefois. Ii. V 111. Contribution l'Etude des Lapiés. — Pkot. Emile Chaix Au Steinernes Meer : Doline à neige avec fissure latérale (voir Pl. XXIV et XXV) EN CARNIOLE ET AU STEINERNES MEEE. 43 La végétation du lapié du Steinernes Meer ressemble à celle du Désert de Platé 1 : beaucoup de dryades, d'herbes coriaces, de saules rampants, mais pas tfArmeria alpina ; en revanche, une jolie plante de petite taille, inconnue au Platé, le ffliodofhamnus ehammcistus, puis une forme rabougrie, presque naine, du Rhododendron. IV « Terra rossa » N'ayant rapporté qu'un petit échantillon de la célèbre terre rouge du Carso, nous l'avons remis à M. le Dr Alfred Monnier, professeur de chimie agricole, qui a bien voulu l'étudier. Nous lui en sommes très sincèrement reconnaissants. Voici les résultats qu'il a obtenus : « La terre rouge est graveleuse, et formée d'un mélange de cailloux, de sable et d'argile. « L'analyse mécanique donne : Éléments grossiers (graviers) 23 % Terre fine (tamis de 1 mm.) 77 °/0 Ces 77 °/0 de terre fine se décomposent en : Sable siliceux 64,7 % Argile rouge 12,3 °/0 d'une grande finesse. « Les cailloux ont une couleur blanc-jaunâtre et ne sont absolument pas arrondis. Ils sont constitués en grande majorité par un grès quartzeux à grains 1 Voir l'excellent Mémoire de J. Briquet : Notes sur la flore du massif de Platé, dans Le Globe, XXXIV, Genève, 1895. 1 44 CONTRIBUTION A I.'ÉTUDE DES LAPIES assez fins, avec cavités renfermant de l'oxyde fer-rique. « Le sable est de même formation que les cailloux ; il est constitué en majeure partie par des grains de quartz hyalin ; on y rencontre également des grains brun-rouge d'hydrate ferrique. Analyses chimiques comparatives des graviers et de la terre rouge Graviers Terre fine 80,40 °/o 67,48 % 18 31,62 1,60 0;90 Silice (SiOiï)......... Fer et alumine (FesCh --[- AlaOa) Chaux (CaO) [silicate]..... Traces de magnésie...... Traces d'acide phosphorîque. . « La proportion de silice et de chaiix est donc plus forte dans les cailloux que dans la terre, tandis que celle de l'oxyde de fer et'd'alumine y est plus faible. L'argile rouge semble donc provenir, non de la kaoli-nisation du sable siliceux, mais d'une autre roche qui aurait disparu. « Il est probable qu'elle est le résidu de la roche calcaire et qu'elle s'est formée dans les cuvettes de la façon suivante : « La roche calcaire ne doit pas être homogène, mais doit renfermer des rognons de grès siliceux. Le carbonate de chaux s'est dissout dans l'eau chargée d'acide carbonique et a été complètement entraîné par lessivage, laissant l'argile et les rognons siliceux; ceux-ci ont donnée par effritement, les grains de sable. Enfin, le fer ferreux, contenu dans le calcaire, s'est oxydé et a coloré l'argile en rouge. EN CAIiNIOLE ET AU STEINERXES MEEll. 45 * Tous les composés solubles dans l'eau carbonique ayant disparu, il ne reste que du sable quartzeux, de l'oxyde ferrique et du silicate d'alumine — ce qui forme une terre à peu près inutile pour la végétation. » Ces résultats de l'analyse de M. Monnier sont très intéressants ; il est regrettable que nous ne lui ayons pas rapporté des séries d'échantillons pris dans les dolines et notamment dans les dolines profondes envahies par la forêt. La pauvreté de la végétation sauvage sur la terre rouge est bien naturelle ; cependant sa présence même prouve que le calcaire continue à être attaqué sous la terre rouge. « V Conclusions Rigoles. Nous avons surpris deux faits qui nous permettent de compléter les notions que l'on possède sur l'origine de cette forme lapiaire. Jusqu'ici elle est attribuée à l'action dissolvante de l'eau carbonique (l'action mécanique, en l'absence de troubles, peut être négligée). Mais la dissolution, comme l'érosion mécanique, agissant plus souvent dans le fond de chaque rigole, devrait leur donner une coupe transversale à peu près en Y ; or, leur coupe est, en général, non seulement en TJ, mais même en O ouvert dans le haut. Toutefois, la plupart ont, au bas de ce lit majeur à coupe rondë_, un lit mineur très petit (voir Pl. XXII 46 CONTRIBUTION A L,'ÉTUDE DES LiAPIES et XXIII). Les planches VII, p. 41, et XXI permettent de comprendre la formation du lit mineur : c'est l'effet d'un tout petit suintement d'eau plus prolongé que l'écoulement ordinaire. Dans le cas figuré, l'eau est fournie par le petit reste de neige du premier plan et son débit est réglé et prolongé par les deux touffes de mousse. Ajoutons qu'il suffit de quelques gouttes d'eau pour humecter tout ce petit canal de 2 cm. de largeur. Quant aux lits majeurs, nous en avons trouvé plusieurs qui, avec un tout petit suintement d'eau dans leur fond, étaient humectés sur toute leur surface intérieure, jusqu'au bord tranchant. C'est dû évidemment à la capillarité, Feau profitant, pour s'étendre, de la couche de poussière jaune dont la plupart des surfaces lapiaires sont revêtues (résidu probablement argileux du calcaire dissout). On peut vgir en petit cette extension de l'eau par capillarité sur les Pl. VII et XXI autour de la neige et plus loin. Cette extension de l'eau par capillarité sur toute la surface interne d'un canal, jusqu'à son bord, dès qu'il y a quelques gouttes de liquide, permet de comprendre : 1° la forme en O ouvert du canal ; 2° le fait que les bords peuvent en être extraordinairement tranchants (Pl. XXII et XXIII); 3° le fait plutôt curieux que, sur une dalle inclinée qui n'a que 10 à 20 m. de longueur et qui est tranchée, en amont comme en aval, par des fissures verticales, souvent larges, qui excluent tout apport d'eau extérieure, Vs rigoles puissent arriver à 0 m. 50 de largeur et de profondeur, et commencer dès le bord supérieur extrême de la dalle. EN CAIiNIOLE ET AU STEINERXES MEEll. 47 En voyant ces grandes rigoles, on s'imagine volontiers qu'il faut de vrais déluges pour les former; en réalité, il suffit de très peu d'eau poulies agrandir presque indéfiniment ; dans les conditions actuelles il est impossible qu'elles soient jamais pleines d'eau et il est probable qu'elles ne l'ont jamais été \ T1 va sans dire qu'il y a eu dénudation depuis la surrection des Alpes, puisque la surface actuelle du Steinernes Meer est triasique et non tertiaire, puisque le Platé n'a plus que quelques traces de grès de Taveyannaz sur sa croupe ; mais la surface actuelle dans ses détails est certainement toute récente, postglaciaire (voir L. Kollier : Sur les lapiés du Jura, dans Bulletin de la Société des Se. nat. de Neuchâtel, 1893-94) ; elle 11e doit conserver que fort peu de traces de l'ancienne érosion mécanique, et les rigoles, même très grandes, n'en sont certainement pas. Dolines à neige. Dans la Topographie du Désert de Platé, p. 42, ^n parlant des puits à neige du Parmelan et d'Aujon, nous émettions l'idée que la neige, par son contact durable sur la surface entière, devait tendre à faire disparaître les inégalités superficielles du calcaire, à arrondir toute fissure et à creuser l'endroit où elle i 1 Le moindre suintement devant s'écouler, tout comme un déluge, ; ^ par le canal le plus commode, les rigoles les plus développées doivent attirer à elles l'écoulement le plus abondant et se développer plus que les voisines. 48 CONTRIBUTION A I.'ÉTUDE DES LAPIES repose, puisque cette place est plus continuellement humectée. Les dolines à neige du Steinernes Meer nous confirment dans notre idée. La doline de la Pl. VIII, p. 42, était ronde, avec petite échancrure du côté où il doit lui arriver de l'eau par la fissure ; les cannelures, surtout dans le bas, étaient certainement atténuées comparativement aux cannelures ordinaires. Nous ne saurions voir dans cette doline à neige, pas plus que dans celles qui sont représentées par les Pl. XXIV et XXV, d'anciennes marmites tourbïllonnaires, souvenirs d'une ancienne circulation superficielle active ; nous ne trouvons de rapports frappants entre ces puits et les marmites ni dans leur forme ni dans leurs dimensions, même en les comparant aux marmites lapiazées du Pont des Oulles, pl. XXVI1. Pendant la période glaciaire, cette partie du Steinernes Meer, comme le Parmelan, comme le haut du Désert de Platé, comme le Silbern (comme, probablement, l'Oucane de Chabrières) se trouvaient certainement sous un haut-névé plutôt que sous un glacier réel; — or, il est peu probable que la circulation de l'eau soit très intense sous un haut-névé ; il semble qu'il doit y avoir peu de fusion et que toutes les anfractuosités doivent y être plutôt comblées par la neige qu'érodées par l'eau courante. Bref, sans vouloir préjuger l'origine des avens, nous sommes confirmés dans notre idée sur l'action efficace de la ' Voir aussi : Pl. II de notre note sur V Utilité d'un Atlas international de l'Érosion, dans Le Globe, Genève, 1906, — et la Fig. 3 a dans Internacia scienca JRevuo, Genève, 1907. EN CARNIOI.E ET AU STEINEIINES MEER. 49 neige pour l'égalisation, l'arrondissement et surtout l'approfondissement des dépressions qui se trouvent à une altitude où la neige peut persister longtemps. JEsserts. Dans ce que les montagnards romands appellent des esserts, c'est-à-dire les lapiés plus ou moins recouverts de terre et dé végétation (Pl. XIV et XV), on constate que la terre, comme la neige, agissant un peu à la manière d'une éponge presque toujours imbibée d'eau acidulée, atténue les reliefs et arrondit les formes enterrées, tandis que les parties rocheuses saillant du sol conservent leurs formes heurtées, anguleuses ou même cannelées ou caverneuses, comme on le voit d'ailleurs sur les Pl. XIY et XY. Dolines. Étant donnée l'action de la neige persistante et de la terre sur les formes lapiaires, nous nous sommes demandé s'il n'y aurait pas quelque phénomène plus ou moins analogue qui pût être cause de la rareté de la doline dans nos lapiés de haute montagne et de sa fréquence au Carso et en Istrie, etc. On peut considérer comme établis les trois points suivants : 1° Là où les produits de désagrégation ou décomposition sont enlevés à mesure (faute de végétation qui les retienne), comme sur les lapiés élevés, Platé, Silbern supérieur, Steinernes Meer, etc., l'eau courante> et plus encore le suintement et la capillarité, donnent naissance à des formes heurtées et tran- LE GLOBE, T. XLVI, 1907. 4 ,50 CONTRIBUTION A L.'ÉTUDE DES LAPIÉS chantes, crevasses diverses, rigoles, etc., et l'on ne rencontre de formes plus ou moins arrondies que là où la neige séjourne. 2° Là où l'enlèvement des résidus ne se fait pas, faute de pente ou par l'effet de la végétation, le lapié nu fait place à Vessert, soit à têtes émergentes, soit entièrement recouvert (v. Rollier) ; et l'on a constaté que toutes les parties enterrées s'arrondissent par l'effet du sol agissant comme une « éponge imbibée ». 3° La terra rossa stérile n'est qu'une éponge imbibée -d'eau légèrement acidulée, mais si la terre végétale se forme et que la végétation s'anime, la fourniture des acides augmente beaucoup; M. A. Monnier est d'accord sur ce point et M. Van den Broek dit même, dans l'une de ses excellentes études sur les modifications du sol, qu'il suffit que l'eau traverse de la terre végétale pour devenir beaucoup plus active dans son attaque des roches 1. Nous tirons de ces trois ordres de faits les conclusions suivantes : 1° Là où la terre s'accumule sur une surface calcaire, Férosion chimique devient plus intense, parce que plus constante ; elle tend à arrondir et approfondir les dépressions préexistantes. 2° Là où une altitude favorable permet à une végétation intense de prendre pied sur ces dépôts de terre, l'érosion chimique, du même genre, sera augmentée (dans une proportion encore inconnue). 1 M. Eckert est encore plus affirmatif sur ce sujet, donne des preuves irréfutables de cette action puissante de la végétation et cite les observations et expériences absolument concluantes de MM. Kerner von Marilaun, K. Lind, etc. EN CARNIOLE ET AU STEI STERNES MEER. 51 3° Donc l'érosion chimique en doline doit se développer le plus là où la végétation est ou a été le plus intense (abondance dans la forêt et la plaine d'Istrie, rareté sur les croupes dénudées) et la forme circulaire est normale. 4° La doline, d'abord peu profonde, devant s'approfondir plus vite que les crêtes voisines qui ont moins de terre et de végétation par suite de l'entraînement du sol, peut finir, là où les conditions sont favorables, notamment là où la nappe d'infiltration n'est pas à une trop grande profondeur, par s'approfondir assez pour acquérir l'aspect des dolines à parois rocheuses (Risnik, Boukovik, etc.) \ Cette hypothèse devra être contrôlée par des analyses et des séries d'expériences ; c'est ce que nous avons commencé et allons continuer. Pour être plus complets, ajoutons quelques détails sur deux points : On sait, par l'histoire, que la région de l'Istrie et du Carso ont été boisées et même très boisées ; donc les conditions anciennes ont été favorables à la formation des dolines Quant à leur origine possible par l'effondrement des voûtes de grottes sous-jacentes, elle était admise d'une manière générale par les anciens auteurs, mais 1 Tant que les pentes intérieures de la doline sont douces, la terre et la végétation y restent plaquées, mais la profondeur augmentant, les pentes sont lavées par les pluies et dénudées, et elles reprennent l'aspect des hauts lapiés, avec cannelures, etc. 2 La doline qui figure à la Pl. XV de la Topographie du Désert de Platé sous le nom de Cirque de Plaine-Joux, se trouve enfouie dans une forêt remarquablement dense et vénérable. 52 CONTRIBUTION A I.'ÉTUDE DES LAPIES elle a été réduite à des cas exceptionnels soit par M. Cvijic' et les auteurs autrichiens, soit par M. Martel (qui renouvelle ses déclarations à ce sujet dans les premières pages de ses Réflexions sur Altamira " ). Tous sont d'accord pour attribuer la formation des dolines à une simple pénétration des eaux météoriques localisée par de petites fissures ; mais comme il y a des fissures partout dans la roche calcaire, il manque quelque chose à cette explication classique et nous croyons combler cette lacune en faisant intervenir l'action chimique de la végétation et sa localisation là où la terre s'accumule, à une altitude favorable et à proximité du niveau de l'eau d'infiltration. Foliés. Faut-il étendre cette hypothèse au polié de Plànina et aux cavités du Ilakbach ? — Non ; le polié de Plànina n'est certainement pas une doline développée en largeur, ni les puits du Rakbach des dolines extra-ordinairement développées en profondeur. Les géologues sont d'accord pour expliquer l'alignement des poliés de Plànina, Rakbach, Zirknitz et Laas, par l'existence d'une faille orientée du N.-W. au S.-E. Mais il manque bien des anneaux à la chaîne qui doit relier ces deux faits. Si le lumineux exposé que M. le prof. Penck a fait de l'histoire morphologique de l'Herzégovine peut s'appliquer à la Carniole, il y aurait eu abrasion 1 Comptes rendus du Congrès préhistorique de France, 1906. EN CAIiNIOLE ET AU STEINERXES MEEll. 53 miocène avec circulation superficielle sur une pénéplaine basse, puis relèvement de toute la région à l'époque pliocène et établissement des conditions actuelles de la circulation souterraine. Cette région se serait alors criblée de dolines. Le niveau d'eau étant peu profond (60 m. au Rakbach) dans cette partie septentrionale du pays, à cause du niveau élevé des points d'écoulement, la végétation des dolines a pu être très active (la Réka, elle, disparaît à 160 m. au-dessous du plateau et descend rapidement plus bas). L'érosion verticale des cours d'eau étant vite arrêtée (par les niveaux d'écoulement) toute leur force érosive a pu s'employer en érosion latérale. Les voûtes, peu épaisses, et d'ailleurs affaiblies par les dolines, ont dû s'effondrer assez vite, là où une circulation profonde active était localisée ; et c'est ce que les failles peuvent avoir fait. Le Rakbach serait, clans ces conditions, simplement en retard sur les autres polies de la série ; un de ses puits, celui que représente la Pl. XVII, offre encore, avec sa forme de cloche, les caractères d'une voûte en voie d'effondrement, et la petite vallée où il circule avant son passage sous la chapelle a commencé à peine à s'élargir 1. 1 Le jpolié de Flaine a évidemment une histoire très différente. Il est bien probable que c'est un effondrement qui a créé la dépression où il se trouve, et des alluvions l'ont partiellement comblée (voir Douxami : Phénomènes glaciaires et post-glaciaires du Massif de Pïaté, dans Société Linnéenne de Lyon, 1902). Ce qui est curieux, c'est que les dépôts glaciaires ne l'aient pas entièrement comblé : l'effondrement serait-il post-glaciaire ? PL IX Entrée de Y aven dit Kàtchna-ïama, près de Divàtcha. Il plonge des deux côtés du pont naturel où se tient l'homme. Vue prise de haut en bas. Remarquer la végétation. Contribution à l'Etude des Lapiés. Phot. André Chaix. Pl. X Grotte de la Réka à St-Kantzian. Entrée de la dernière grotte 'Schmidlgrotte:, vue de l'intérieur. Contribution à l'Etude des Lapiés. Phot. André Ghaix* Pl. XI Bord occidental de la grande doline rocheuse dite Risnik-dolina. près de Divatcha. Contribution à l'Htude des Lapiés. Phot. André Ghaix PL XII Petite doline cultivée, près de St-Kantzian. Remarquer la végétation sauvage au premier plan et les deux murs circulaires. Contribution à l'Etude des Lapiés. Phot. André Chaix. Pl. XIII Doline cultivée de Gradichtché, près de St-Kan-tzian. Au premier plan, son mur extérieur. Contribution à l'Etude des Lapics. Phot. André Chaix. PL XIV Formation intermédiaire entre un lapié et un essert) près de St-Kantzian. Remarquer l'aspect de la région à l'arrière-plan. Contribution à l'Etude des Lapiés. Phot. André Chaix. Pl. XV Essert typique des environs de St-Kantzian. Remarquer les lapidaires des roches qui émergent de la terre. Contribution a FKtude des Lapiés. Phot. André Chaix Pl. XVI Vue prise de haut en bas parle puits circulaire du Rakbach. Remarquer le sentier qui mène au pont, et à la grotte d'où la rivière sort. o Contribution à l'Etude des Lapiés. Phot. André Chaix. PL XVII Vue prise de bas en haut dans le puits circulaire du Rakbach. Remarquer la forme de cloche de cette cavité et la fissuration de sa roche. Contribution à l'Etude des Lapiés. Phot. André Chaix. PL XVIII Disparition finale du Rakbach. Vue prise de haut en bas. Contribution à l'Etude des Lapiés. Phot. André Chaix. Pl. XIX Doline dans la foret à PE. de Plànina. Remarquer l'abondance de la végétation, qui recouvre presque toutes les pierres. Contribution à l'Etude des Lapiés. Phot. André Chaix. PL XX Lapié littoral de Val-Saline, à Pola. Roche caverneuse, puis surface d'abrasion, puis falaise désagrégée. Contribution à l'Etude des Lapiés. Phot. Emile Chaix. Pl. XXI Au Steinernes Meer : Cannelures humectées par la neige fondante et des touffes de mousse. Contribution à l'Etude des Lapiés. Phot. Emile Chaix. PL XXII Au Steinernes Meer; Rigoles lapiaires dans le sens de la pente. Remarquer la forme, le lit mineur et les arêtes tranchantes le bâton à gauche à i m 20 . Contribution à l'Etude des bipiés. Phot. André Chaix. PI XXIII Au Steinernes Meer: Rigoles de 3o à 40 cm. de profondeur. Remarquer le lit mineur, les arêtes et l'extrême fissuration, avec soudure résistante. Contribution à l'Etude des Lapiés. Phot. André Chnix. Pl. XXIV Au Steinernes Meer: Online à ne'm. Remar- < > quer l'effacement des cannelures dans le bas et la forme surplombante de la paroi. Contribution a l'Etude des Lapiés. Phot. André Chaix* Pl. XXA Au Steinernes Meer: Suite de dolines à ne'm. O Comparer cette PL à la Pl. XXVI. Contribution à l'Etude des Lapiés. Phot. André Chaix. PL XXVI Marmites tourbillonnaires lapia\ées (Pont des Oulles, Bellegarde. Ces marmites ont o,3om., et i m. de diamètre. Leurs ¡apia\ures sont très serrées, probablement parce qu'elles sont jeunes. Contribution à l'Etude des Lapiés. Phot. Emile Chaix.