173 Andrzej Napieralski* 1 UDK [81'42:392.77]:004.738.5 Université de Łódź DOI: 10.4312/linguistica.58.1.173-187 LA «GUERRE» DES INTERNAUTES - LE HATE DANS LA COMMUNICATION SUR INTERNET 1. INTRODUCTION Une extension de la définition du mot guerre dans le Petit Robert signale que cela est une hostilité, lutte entre groupes sociaux, États, n’allant pas jusqu’au conflit armé. Dans le cadre de ce travail la guerre sera interprétée comme un combat mené par les internautes pour différentes causes et dans différents buts avec comme outil de lutte les mots. Internet qui est un outil de communication globale a donné la possibilité à la libre expression à tous ses utilisateurs. L’apparition d’un tel outil (Internet) a provoqué un bouleversement dans le monde de la communication. De nouveaux espaces conçus pour exprimer nos pensées sont nés, citons par exemple les forums, les blogs, les journaux en ligne, les réseaux sociaux etc. L’accès à l’information est de nos jours beaucoup plus facile et beaucoup plus rapide, cependant ce matériel (créé sans doute de bonne foi) permet à certaines perversions qui sont de nos jours une vraie plaie pour les utilisateurs de la toile globale. La manipulation des informations, les calomnies, les diffamations ne sont que des exemples de procédés fréquents qu’on retrouve sur internet. Laisser aux gens la possibilité de s’exprimer librement a donné naissance à un partage de la société qui a entraîné une marginalisation en petits groupes aux ambitions de marquer leur identité en s’excluant tout en excluant les antagonistes. Toute personne est supposée pouvoir s’exprimer librement, cela est la règle principale d’Internet ; hélas, l’art de la communication et du dialogue sont souvent remplacés par un figement d’idées et une attitude d’obstruction envers différents points de vue. Beaucoup de gens sont sourds au dialogue ayant comme seul but de manifester leur appartenance à un groupe précis en proclamant des idées et des opinions figées tout en refusant sans réfléchir les idées de l’opposition. La communication devrait se tenir dans l’esprit d’un respect mutuel pour les idées, cependant il existe des extrémistes de la pensée à qui on doit la naissance du concept hate speech ‘discours de la haine’ qui est considéré comme un acte de parole inapproprié et bouleversant les limites du bon sens. C’est un discours qui est puni par la loi, car il relève de la mauvaise foi et des sentiments humains les plus sombres. Le Conseil de l’Europe a défini ce concept dans une recommandation du 30 octobre 1997 où on peut lire que : The term “hate speech” shall be understood as covering all forms of expression which spread, incite, promote or justify racial hatred, xenophobia, anti-Semitism or other forms of hatred based on intolerance, including: intolerance expressed * napieralski.a@op.pl Linguistica_2018_FINAL_2.indd 173 13.3.2019 13:40:37 174 by aggressive nationalism and ethnocentrism, discrimination and hostility against minorities, migrants and people of immigrant origin.” [Traduction A.N. Le terme hate speech devrait être compris comme englobant toutes formes d’expression qui propagent, incitent, promeuvent ou justifient la haine raciale, la xénophobie, l’anti-sémitisme ou autres formes de haine basées sur l’intolérance y inclus : l’intolérance qui s’exprime dans un nationalisme ou un ethnocentrisme agressif, une discrimination ou hostilité envers des minorités, des migrants et des gens d’origine étrangère.] Cette recommandation a comme objectif de combattre les extrémistes, mais cela ne permet pas de résoudre le problème de l’animosité entre les gens et le désir de nuire à autrui qui est le propre de certaines personnes. Le hate speech est un discours extrême, dans lequel l’énonciateur du message manifeste clairement son animosité envers différents groupes de personnes qu’il ne respecte pas. Le message a alors un caractère explicite sans possibilité d’ambiguïté ni de doute. Le blâme officiel avec sanctions sévères de propos jugés comme hate speech, provoque un certain recul chez les locuteurs qui commencent à utiliser un discours plus implicite, mais qui relève toujours du désir de nuire. Internet connaît de nos jours de nouvelles variétés de discours qui sont le résultat de l’évolution de l’acte de communication sur Inter - net. Un exemple d’un tel discours, c’est le trolling qui est un concept plutôt récent qui exprime l’attitude consistant à provoquer les participants d’une discussion en ligne, en lançant systématiquement des propos sur des sujets très polémiques ou en agres- sant les participants au débat, avec un but avant tout de faire dégénérer la discussion. Le trolling semble être surtout le domaine des jeunes internautes qui l’utilisent pour manifester leur mal de vivre. Toutefois, il ne faut pas le négliger, car il peut s’avérer un outil de propagande efficace pour la manipulation des lecteurs des informations sur la toile. Le trolling doit sont nom à la communauté d’internautes appelés les trolls. Les trolls, ce sont des personnes qui prennent plaisir à faire dégénérer la dis- cussion ou énerver d’autres utilisateurs du web. En général, ils peuvent être divisés en deux types de personnes, ceux qui aiment pervertir la communication des autres internautes tout en tirant de cette activité un vicieux plaisir et ceux qui s’occupent de cette activité à titre lucratif afin de mener une campagne de propagande par exemple sur les réseaux sociaux 1 . Le trolling est une pratique virale qui se répand très vite à cause des utilisateurs d’internet qui se laissent manipuler par des propos qui sont souvent mensongers, mais qui correspondent à leurs convictions politiques. Ces pro- pos sont ensuite partagés sur les réseaux sociaux (le plus souvent sans vérification ni leur de source ni de leur authenticité) par les utilisateurs eux-mêmes qui font circuler les informations en entraînant de plus en plus de personnes dans cette spirale de 1 L’existence et l’activité des trolls sur internet ne peut être prouvée, les personnes qui s’occupent de ce type de pratiques ne s’en ventent pas. Parfois il est difficile de distinguer l’activité d’un troll de l’activité d’un utilisateur quelconque de la toile, cependant il est courant que certaines personnes profèrent des propos controverses non pas par convictions mais par appât du gain. Linguistica_2018_FINAL_2.indd 174 13.3.2019 13:40:37 175 désinformations. Les dernières campagnes électorales (p.ex la campagne électorale aux élections gouvernementales en Pologne (2015) ou la campagne électorale prési- dentielle aux États-Unis (2016)) ont démontré que l’activité des trolls est une arme de propagande inestimable. Il faut noter que le trolling subit des évolutions voire des dérivations comme le flaming 2 ou le baiting 3 qui prouvent l’évolution d’un nouveau type de discours sur internet. Ce nouveau type de discours sera défini sous le nom de hate comme sorte d’hype- ronyme aux actions de manifestation de haine (hate speech) et sabotage de commu- nication (trolling et dérivés). Ce que nous comprenons par le concept hate est l’em- prunt au concept polonais ‘hejt’ qui est une assimilation graphique du mot anglais hate (verbe haïr et substantif haine) qui englobe un type de comportement relevant du trolling (sans la volonté de faire dégénérer la discussion) qui diffère du hate speech par son aspect surtout persifleur et dépourvu de discrimination raciale ou ethnique. Le concept évolue de plus en plus du commentaire malicieux vers la moquerie. Le hate est une extension de sens du signifié du mot anglais tout comme sa dérivation le substantif hater ‘rageux’ (la personne qui s’adonne au hate). On retrouve l’une des premières traces de ce concept dans la chanson du rappeur américain Dr. Dre - Still D.R.E de l’album « 2001 » sorti en 1999 où il chante : « Ladies, they pay homage, but haters say Dre fell off... 4 ». Le hate semble devenir une pratique des internautes qui gagne de plus en plus en popularité, elle est partagée par un grand nombre d’uti - lisateurs de la toile et il semble même qu’elle soit le signe identitaire d’un certain groupe de personnes. Dans son livre « Le parler ordinaire » William Labov présente le concept de la vanne qui est une remarque ou allusion désobligeante à l’adresse de quelqu’un. Labov constate que cela est un rituel à fonction identitaire: « c’est que la façon dont les vannes s’échangent et sont évaluées par le groupe suit un modèle rituel établi qui reflète des conventions et un savoir social en majeure partie étrangers aux membres des autres sous cultures » (Labov 1993 : 401). Au cas du hate pourrait s’appliquer la même observation, le caractère persifleur et moqueur des propos des haters doit être évalué et accepté par d’autres internautes qui réagiront à ces propos. Le manque de réaction quelconque fait tout de suite couler le commentaire et met l’énonciateur dans une position de manque d’acceptation. Il faut souligner que la réaction ne doit pas être forcément favorable, une réponse ou riposte négative met aussi en valeur le hate propagé. Les rageux (haters) constituent une communauté d’internautes qui peuvent être reconnus grâce aux types de comportements adoptés et à la façon d’exprimer leurs paroles. 2 Le flaming, peut être traduit comme «propos inflammatoire» est une pratique utilisée par les internautes qui vise à s’imposer par la force et l’intimidation en postant des messages hostiles et insultants avec l’intention de créer un conflit. 3 Le baiting (ang. bait ‘appât’) est une technique de trolling qui consiste à tendre un piège à d’autres internautes afin d’obtenir le résultat visé. Ce piège peut être par exemple une provocation à une discussion qui va dégénérer. Le terme vient des jeux RPG ou le baiting est souvent utilisé pour prendre le dessus sur ses adversaires. 4 Traduction A.N : Les femmes, elles rendent hommage, mais les haters disent que Dre est tombé. Linguistica_2018_FINAL_2.indd 175 13.3.2019 13:40:37 176 L’objectif de ce travail est de montrer des exemples d’activité des rageux dans les commentaires de la presse politique en les groupant selon un classement basé sur les fi- gures de rhétorique qu’ils représentent (selon le classement d’Olivier Reboul), les créa- tions lexicales qu’on y trouve (selon le classement de Jean-François Sablayrolles) et d’autres catégories d’analyse discursive adoptées (railleries, ripostes, insultes cachées). Dans ce but un corpus de commentaires d’internautes a été élaboré. Ce corpus se com- pose de commentaires rédigés sous quatre articles de la presse polonaise et huit articles de la presse française. Le choix du type de textes journalistiques pour élaborer le corpus s’est posé sur des journaux à réputation jugée objective comme Gazeta Wyborcza pour le corpus polonais et Le Monde pour le corpus français. Les articles du Monde 1. Hollande, le résilient de la République (date de parution le 29.10.2016) 2. Pour Sarkozy, les critiques de Bayrou « rendent injustifiable une quelconque alliance » (date de parution le 30.10.2016) 3. « Le Hollande bashing a parlé toutes les langues » (date de parution le 29.10.2016) 4. Sarkozy face au FN : l’arroseur arrosé (date de parution le 28.10.2016) 5. Marion Maréchal-Le Pen décline « L’Emission politique », de France 2, pour complaire à sa tante (date de parution le 27.10.2016) 6. Juppé-Sarkozy, la bataille du Sud (date de parution le 28.10.2016) 7. Primaire à droite : Pécresse soutient Juppé, qui saura « relever la fonction pré- sidentielle » (date de parution le 01.11.2016) 8. Emmanuel Macron va démissionner de la fonction publique fin novembre (02.11.2016) Les articles de Gazeta Wyborcza 1. „Wprost” na okładce o ‚’kłamstwach Durczoka’’. Dziennikarz zapowiada kole- jny proces. Pyskówka na Twitterze (date de parution le 30.10.2016) [Le magazine Wprost sur sa couverture à propos des „mensonges de Durczok”. Le journaliste annonce un nouveau procès. Querelle sur Twitter] [Trad. A.N] 2. 4 tys. zł za urodzenie nieuleczalnie chorego dziecka. To rząd proponuje matkom (date de parution le 02.11.2016) [4 mille PLN pour accouchement d’un enfant inguérissable. C’est ce que le gouver- nement propose aux mères] [Trad. A.N] 3. Deresz: Ekshumacje będą przeprowadzane w kolejności alfabetycznej. I za- powiada: nie będę żądał odszkodowań (date de parution le 02.11.2016) [Deresz: Les exhumations seront faites selon l’ordre alphabétique. Il annonce : je ne vais pas demander d’indemnités] [Trad. A.N] 4. „Była próba wpłynięcia na wynik wyborów”. „Wiadomości” rozrysowały BAR- DZO komplikowany schemat (date de parution le 01.11.2016) [Il y a eu une tentative d’influencer le résultat des élections. „Le journal” a des- siné un schéma TRÈS compliqué] [Trad. A.N] Linguistica_2018_FINAL_2.indd 176 13.3.2019 13:40:37 177 2. ANALYSE DU CORPUS FRANÇAIS Sous les articles de la presse française, un grand nombre de commentaires à caractère moqueur, persifleur et malveillant on été repérés. Ils entrent tous dans ce que nous com- prenons par le concept de hate du fait que leur but n’est pas de blesser qui que ce soit, mais de s’intégrer au sein de la communauté des internautes en ajoutant un contenu adapté au public visé. Il faut signaler que le phénomène du hate n’est pas présent dans tous les commentaires de toutes les catégories de la presse. Certains articles touchant des sujets sensibles ou des politiciens «populaires» attirent un plus grand nombre de rageux que d’autres articles. Le classement présenté ci-dessous a comme but de mon- trer qu’il s’agit d’un nouveau type de discours qui peut être analysé à l’aide des outils linguistiques traditionnels. Les commentaires qui ont été recueillis dans le cadre du corpus seront cités en tant que figures en italique en respectant l’orthographe originale utilisée par leurs auteurs. 2.1. Les figures de style Selon la définition que nous donne Olivier Reboul, une figure de style est « un pro- cédé de style permettant de s’exprimer d’une façon à la fois libre et codifiée.» (Reboul 2011 :121). La figure sert à intensifier l’argument qui est prononcé. Les internautes utilisent ces figures d’une façon inconsciente, mais en gardant dans l’esprit la volonté de jouer avec la forme du message pour le rendre attrayant pour le reste des lecteurs. 2.1.1. Les figures de sens Les figures de sens jouent sur les signifiés des énonciations, le but est surtout d’expri- mer une idée en utilisant une certaine extension de sens d’un lexème dans une locu- tion. La figure de sens doit être originale et amusante et à la fois rester dans un repère culturel commun afin que le message puisse être compris par les autres lecteurs. Les figures de sens les plus populaires sont bien sûr les métaphores et les métonymies. Dans la figure 1) Fine mouche V Pecresse qui pense certes à Hollande mais sûrement aussi à «casse toi pov con» quand elle parle de la nécessité de relever la fonction, nous retrouvons la fameuse phrase de Nicolas Sarkozy pour désigner l’auteur de cette phrase. Les hommes politiques sont souvent victimes des commentaires qu’ils ont fait dans le passé : Internet ne pardonne pas et n’oublie pas. Dans la figure 2) Qu’est-ce qui se passe ? Ça sent le bouchon chez Sarko ?/Et le sapin chez hollande... l’utilisation des lexèmes ‘bouchon’ et ‘sapin’ désignent respectivement la victoire (le bouchon de Champagne) et la défaite (de l’expression sentir le sapin). Cet exemple est une suite de deux commentaires où le deuxième (Et le sapin chez hollande...) complète le premier (Ça sent le bouchon chez Sarko) en ajoutant une riposte ludique adaptée. Les figures de sens sont parfois plus recherchées, on retrouve souvent des hyperboles qui ampli- fient le sens positivement ou des tapinoses qui sont plus rares et qui amplifient le sens négativement. Dans les figures 3) Le roitelet est nu et 4) C’est une bosseuse et un bat- tante contrairement à ´petites blagues! nous considérons le mot ‘roitelet’ et la locution ‘petites blagues’ comme des tapinoses dont la valeur est de renforcer l’appréciation Linguistica_2018_FINAL_2.indd 177 13.3.2019 13:40:37 178 négative que nous avons pour une personne. Dans le cas de ‘roitelet’ il y a une allusion à la petite taille de François Hollande qui ne manque pas d’être soulignée. La locution ‘petites blagues’ a été utilisée par un internaute pour désigner tous les candidats au physique désavantageux (François Hollande, Nicolas Sarkozy, Manuel Valls). La tapi- nose est considérée comme une hyperbole contraire qui est souvent confondu avec la litote qui est le contraire d’une hyperbole. Dans les figures 5) Pov petit, il dit du mal de tous, mais quand on le met devant sa triste réalité il ne supporte pas et 6) Ginette je ne peux que vous approuver. Le Petit Rapporteur n’est pas d’une fidélité à toute épreuve, contrairement à vous ! cette différence est bien visible. Dans le cas de ‘pov petit’ et ‘pe- tit rapporteur’ les auteurs des commentaires manifestent leur attitude négative envers Nicolas Sarkozy en avilissant l’ancien président français à l’aide de propos ironisants. 2.1.2. Les figures de construction Dans les commentaires des internautes, on retrouve souvent des propos dans lesquelles c’est la construction de la phrase ou du discours qui met en avant le hate qui en découle. Parmi les figures de construction ont été repérés des chiasmes et des ellipses. Dans le cas du chiasme il s’agit d’un croisement des termes, d’une inversion qui donne à l’énonciation un aspect souvent comique ou moqueur. Dans la figure 7) Si, Juppé est le meilleur, les six sont mauvais, on le savait. Que Juppé soit le meilleur pour mettre la France dans la rue, on le savait, donc pas meilleurs que les six mauvais. le jeu repose sur la répétition du mot ‘meilleur’ qui est utilisé dans cet énoncé comme argument de dissociation. L’ellipse repose sur le retranchement des mots nécessaires à la construc- tion d’une phrase, on retrouve souvent des locutions incomplètes dans lesquelles il est possible de retrouver le sens voulu. La figure 8) À la bonne soupe ! est une riposte par laquelle l’internaute exprime son opinion sur les vraies intentions du politique qui pré- sente ses motivations pour poser sa candidature aux élections. 2.1.3. Les figures de pensée Les figures de pensée concernent en général les rapports entre les idées. Elles sont liées strictement au discours et non pas justes aux mots ou aux phrases. Elles concernent les rapports entre les référents et leur discours et peuvent être interprétées au sens littéral ou figuré. Parmi les figures de pensée la plus répandue est l’ironie. Cette figure sert à dire le contraire de ce qu’on veut faire entendre, elle s’inscrit très bien dans le cadre du discours des internautes du fait que sa fonction principale c’est la moquerie. Dans la figure 9) François Hollande, spécialité : renaître de ses cendres comme un Phoenix. Pour renaître de ses cendres, on a besoin d’abord de tout brûler. C’est fait, l’auteur du commentaire ridiculise François Hollande en insinuant qu’il a laissé derrière lui un chantier brûlé. L’ironie dans cette énonciation repose sur la comparaison avec le phé- nix qui évoque un animal fabuleux à connotation positive (au sens figuré) ce qui n’est pas du tout ce que l’auteur du commentaire avait en tête. Les ironies qu’on retrouve dans les énoncés des internautes sont souvent de courtes répliques liées au contenu de l’article ou du commentaire précédent. Dans les figures 10) Un géant ?! Un Dieu ! Non ? et 11) Ginette ! Guérit-il les écrouelles ? les réponses concernent le contenu de Linguistica_2018_FINAL_2.indd 178 13.3.2019 13:40:37 179 l’article dans lequel un homme politique a été présenté d’une façon trop positive selon leur goût. L’exagération est bien visible dans l’utilisation des lexèmes ‘géant’ et ‘Dieu’ et de la locution ‘guérir les écrouelles’ dont la fonction est de ridiculiser le protagoniste de l’article tout en mettant les autres internautes aux opinions politiques communes de son côté. Il arrive souvent que les auteurs des articles introduisent dans leur contenu des propos qui ne sont pas toujours clairs et qui peuvent faire polémique. Dans la figure 12) La fraude est donc autorisée du moment qu’on en tire aucun bénéfice personnel ? Merci, je saurais m’en souvenir ! on retrouve une interprétation ironisante qui a comme but de ridiculiser le contenu de l’article tout en essayant d’en donner une interpréta- tion logique. L’ironie est souvent visible dans des figures d’enonciation comme par exemple dans la contrefision qui est un optatif qui suggère le contraire de ce qui est dit. Dans la figure 13) «La violence de la charge...» : parole d’expert ! la contrefision est marquée par la locution ‘parole d’expert’ qui suggère que l’auteur des propos ne peut pas être considéré comme tel. 2.1.4. Les figures d’arguments Ces figures de pensée sont un lien intime entre le style et l’argumentation, la figure d’argument qui apparaît le plus souvent dans les commentaires des rageux c’est la conglobation qui est une figure dans laquelle on retrouve une accumulation d’argu- ments pour la même conclusion. Dans la figure 14) Bravo monsieur d’Orsay vous faites sans doute partie des 40 % d’amnésiques: Carla, le Yatch de Bolloré, «le nettoyage au karcher», les ploucs, le million d’emploi perdu, la tente de Kadhafi puis la guerre en Libye menée sans réflexion, tout cela n’est rien quand on a la foi du charbonnier. Les Français se sont trompés en 2007 et ils ne sont pas prêts d’adhérer à nouveau au Sarkosisme ou de voter à droite[.] l’internaute frustré ne manque pas d’énumérer les af- faires dans lesquelles Nicolas Sarkozy était impliqué pour conclure le tout par le terme ‘sarkosisme’ qui reflète selon lui la politique de l’ancien président de la France. Dans la figure 15) Après avoir bien profité de l’IGF: - pantoufle chez Rothschild - rapporteur de la Commission Attali Apres avoir assuré ses arrières, et levées de fonds, grâce aux contacts noués chez Rothschild avec patrons du SBF250 et autres gérants de fonds[.] il est question du même type de discours où cette fois-ci c’est Emmanuel Macron qui est victime du commentaire dans lequel le point commun de tous les arguments ce sont ses contacts financiers. 2.2. Les railleries Mis à part les figures de style, on retrouve dans les commentaires des internautes toutes formes de violences verbales cachées. Afin d’éviter de passer pour un personnage vul- gaire, le commentaire est souvent rédigé avec une valeur euphémique superficielle. Dans la catégorie qui a été appelée les railleries, on retrouve des commentaires négatifs et persifleurs qui illustrent ce qu’est le hate dans sa dimension générale. Les railleries sont des propos qui d’un côté critiquent le personnage visé, mais qui gardent à la fois l’esprit du sarcasme et de la plaisanterie. Les railleries peuvent avoir le caractère d’une insulte comme dans la figure 16) Vivement la primaire qu’on puisse éliminer ce pitre ! Linguistica_2018_FINAL_2.indd 179 13.3.2019 13:40:37 180 (Un électeur de gauche). Du fait que les mots considérés comme vulgaires ne sont pas autorisés dans les commentaires, certains internautes utilisent des insultes à caractère euphémique comme ‘pitre’. On retrouve aussi des jugements comme dans la figure 17) Ce type est une girouette, sans la moindre conviction autre que son ambition où le mot ‘girouette’ témoigne d’une opinion négative sur l’instabilité des convictions poli- tiques de François Hollande dans le cas précis. La raillerie vise à toucher un protago- niste déprécié, il n’est jamais question d’utiliser une injure qui pourrait être considérée comme une offense envers les règles établies par les modérateurs des commentaires, c’est pourquoi les internautes sont souvent forcés à une créativité lexicale pour les contourner. Dans la figure 18) Et si à nouveau, l’on nous ne disait pas tout et que ce soit en fait Snarko qui aurait demandé que la nièce-dure ne vienne pas avant sa tante- molle on retrouve la mention de trois politiques dont on peut déduire l’identité grâce à des indices. ‘Snarko’ c’est bien sur un néologisme pour le nom de famille Sarkozy. Dans le cas de ‘nièce-dure’ et ‘tante-molle’ il s’agit des femmes politiques du Front National Marion Maréchal-Le Pen et Marine Le Pen. 2.3. Les modifications de patronymes La modification d’un patronyme est un procédé fréquent dans le discours des inter- nautes. Les rageux qui ne peuvent pas se permettre d’utiliser des dysphémismes ou des injures, modifient souvent les prénoms ou les noms de famille des politiques, le plus souvent pour manifester leur dédain, mais aussi par économie linguistique. Le sigle est un outil très fréquemment observé sur la toile, DSK (Dominique Strauss- Kahn), NKM (Nathalie Kosciuszko-Morizet), JMLP (Jean-Marie Le Pen) ne sont que quelques exemples pour illustrer ce procédé très fréquent. La créativité des internautes est parfois surprenante, ils construisent des formes lexicales qui relèvent de plusieurs procédés lexicogéniques de forme. On retrouve des exemples de suffixations comme ‘Sarkozyx’ ou ‘Sarkosisme’ ou des troncation par apocope comme ‘Sarko’. Le politi- cien qui semble être le plus souvent l’objet des déformations de son patronyme c’est Nicolas Sarkozy. On retrouve par exemple des formes avec l’introduction d’un signe typographiques évocateur comme dans ‘$arkozy’ ou ‘N$’. D’autres créations ludiques sont par exemple ‘Sarkozix le Gaulois’ (suffixation avec compocation du prénom du fameux Astérix le Gaulois), ‘Snarko’ (mot-valise composé de ‘snake’ et Sarkozy avec resuffixation en -o) ou encore l’adjectif ‘$arkolâtres’ (dans lequel on retrouve le signe typographique évocateur ‘$’ avec une suffixation adjectivale). Dans les exemples de modifications de patronymes on retrouve aussi ‘Marcon’ pour désigner Emmanuel Macron à l’aide d’un métaplasme suggestif. 2.4. Les ripostes Un des traits caractéristiques du discours du type hate dans les commentaires des inter- nautes c’est l’existence de ripostes. La plupart des commentaires sous les articles de la presse visent à toucher le sujet de l’article en question, cependant, la forme de l’es- pace pour poster les commentaires donne la possibilité aux participants du discours à Linguistica_2018_FINAL_2.indd 180 13.3.2019 13:40:38 181 échanger leurs opinions. Ceci donne un terrain de confrontation entre détenteurs d’opi- nions politiques différentes. Dans la figure 19) Elle a la trouille... et puis c’est bien ainsi cela évitera ainsi au FN de gangréner un peu plus la société française! / Je pensais que c’était l’Islam qui gangrenait la société française... les internautes utilisent le lexème ‘gangrener’ comme verbe illustrant le mieux la situation politique en France, il est bien visible que nous avons affaire à une confrontation entre des membres de différents partis politiques. Les ripostes ne sont pas toujours aussi littérales que dans l’exemple précédent, elles possèdent le plus souvent des éléments ludiques et ironiques. Dans la figure 20) JUPPE et CHIRAC ont été moins condamnés que de simples voleurs de mobylettes, cherchez l’erreur!! / Mais bien sûr Andrébé, les voleurs de mobylettes sont très couramment condamnés à de l’inéligibilité, c’est bien connu. on retrouve une réponse qui détourne l’argument du détracteur d’une façon ironique et réfléchie. 3. ANALYSE DU CORPUS POLONAIS Le discours du type hate semble être un discours universel qu’on retrouve chez les internautes du monde entier. L’analyse d’un corpus de commentaires sous les articles de la presse polonaise a permis de voir les similitudes et les différences entre les rageux des deux pays. 3.1. Les figures de style En analysant les commentaires des internautes polonais, il a été remarqué que les fi- gures de style apparaissent plus rarement. Dans notre corpus seulement les figures de pensée sont présentes. L’ironie est la figure de pensée qui semble savoir répondre le mieux au goût des rageux. Cela est aussi le cas des internautes polonais qui l’utilisent souvent dans leurs commentaires. Dans la figure 21) Podobno jak będą protesty, to rząd jeszcze pół litra dorzuci. [Il parait que si les gens protestent, le gouvernement donnera en bonus une petite bouteille] un internaute glisse le stéréotype sur le penchant des Polonais pour l’alcool, l’ironie dans cet exemple repose sur le fait de se moquer de l’attitude des Polonais pour qui l’alcool est une monnaie courante. On retrouve un autre exemple d’ironie dans la figure 22) taki złotousty prawdomówca powinien ją ujawnić światu, niech świat wie... [un bouche en or aussi franc devrait révéler cela au monde, que le monde le sache] où il est question de la fonction principale de l’ironie - dire le contraire de ce qu’on veut faire entendre, dans cet exemple il est clair que le politicien en question n’est pas franc. Dans la figure 23) Biedna pani Maria Kaczyńska. 8000,- zł nie doczekała, a należało się [La pauvre Maria Kaczyńska. 8000 pln, elle n’a pas survécu, elle les méritait bien] il est question d’un événement concernant la vie politique polonaise. Le gouvernement voulait donner une aide financière aux parents des enfants handicapés, l’auteur du commentaire a utilisé le nom de la mère des frères Kaczyński (l’ancien président de la Pologne - Lech et le szef du parti de droite PiS - Jarosław) pour signaler son mépris envers eux d’une façon implicite. Dans le corpus polonais on a trouvé un exemple de l’épitrope. Cette figure est une figure d’indignation qui feint de permettre à quelqu’un un acte odieux pour suggé - rer qu’il en serait capable. Dans la figure 24) Niech sobie Fritzla zatrudnia, do dzialu Linguistica_2018_FINAL_2.indd 181 13.3.2019 13:40:38 182 przebudowy piwnic i Trynkiewicza do działu dzieciecego. [Qu’ils embauchent Fritzl pour le département de reconstruction des caves et Trynkiewicz pour le département des en - fants] l’auteur du commentaire évoque avec ironie les personnages de Mariusz Tryn- kiewicz (un assassin et pédophile condamné devenu célèbre à sa sortie de prison) et Josef Fritzl (criminel connu pour avoir enfermé et violé sa fille dans son sous-sol) comme candidats potentiels à de hauts postes de fonctionnaires. 3.2. Les railleries Dans le corpus polonais on retrouve aussi des railleries surtout sous forme d’insultes. Dans les figures 25) Jak ten zoofil i szownistyczna męska świnia... [zoophile et mâle porc misogyne], 26) Niech ci IDIOCI porządnie walną deklem od kibla w łby [que ces IDIOTS se frappent très fort la tête avec le couvercle des toilettes] et 27) A wy komuchy dalej o poniżej pasa? [Et vous les cocos toujours au-dessus de la ceinture?] on retrouve des épithètes comme ‘zoophile’, ‘idiots’ ou encore ‘cocos’. 3.3. Les ripostes Les ripostes sont aussi connues dans l’univers des haters en Pologne. Les ripostes trou- vées sont moins subtiles que dans le corpus français, la figure 28). Tuska na stolki niech przepychaja Niemcy. Tusk to milosnik Niemiec i ta wspierajaca islam w Niem- czech [Tusk c’est le protégé de l’Allemagne] / won stąd , Mendo kaczystowska ... [Casse-toi morpion cannazi] 5 / ales ty debil PiSowski [t’es un débile de PiS] illustre cette tendance des internautes qui n’ont aucune pitié pour les personnes qui ne par- tagent pas leur point de vue politique. On retrouve le plus souvent des insultes ‘débile’, ‘morpion’ avec des incitations à partir ‘casse-toi’. 3.4. Modifications de patronymes et sobriquets Dans le corpus des commentaires polonais, on retrouve beaucoup plus de créativité au niveau de la modification de la forme des mots. Il semble que les internautes polonais s’adonnent volontiers à des jeux graphiques et rébus dont le but est de ridiculiser un politicien détesté. On retrouve des créations néologiques qui sont des modifications morphosémantiques comme les compositions ‘Dup cok’ (composition des mots dupa ‘postérieur’ et du nom du journaliste Kamil Durczok), les compositions par amalgame comme les compocations ‘Dupczok’ (dupa ‘postérieur’ + Durczok), ‘Dupda’ (dupa ‘postérieur’ + Duda [le nom du président de la République polonaise]) ou ‘Kaczafi’ (Kaczyński + Kaddafi). Un autre type de composition par amalgame qui a été repéré, c’est la fracto-composition comme dans ‘Lateksowki’ (le nom du journaliste Latkowski avec le mot ‘latex’). A côté des déformations des patronymes, les internautes polonais inventent beaucoup de sobriquets qui sont liés par connotation aux noms des politi- ciens. Ainsi le ‘Oberprezes’ (assimilation du mot allemand ober ‘supérieur’ avec le mot prezes ‘président’) c’est Jarosław Kaczyński le chef du parti de droite PiS, ‘Antoine 5 Composition du nom du chef du parti PiS Kaczyński avec le substantif "nazi". Le nom de famille de Kacyńzski fait penser au canard, "kaczka". Linguistica_2018_FINAL_2.indd 182 13.3.2019 13:40:38 183 Mistral’ c’est le ministre de la défense nationale Antoni Macierewicz (le nom Mistral connote son implication dans l’affaire de la transaction échouée d’achat d’avions de ce type), ‘Pani Broszka’ (Madame la Broche) c’est madame la première ministre Beata Szydło qui porte toujours une broszka ‘broche’ sur son tailleur. 3.5. Les insultes cachées Ce qu’on retrouve dans les commentaires des internautes polonais et ce qui n’a pas été observé dans le corpus français, ce sont les insultes cachées. Nous comprenons par ce terme des déformations orthographiques de mots qui ne peuvent pas être censurées par les modérateurs de l’espace pour commentaires. L’espace pour les commentaires est surveillé par un logiciel qui détient un certain glossaire de formes jugées vulgaires ou non appropriées. Cela a pour but d’empêcher les gens de poster des gros mots ou des propos vulgaires. Dans les figures qui suivent les internautes ont trouvé le moyen pour écrire sans censure ce qu’ils pensent en trompant le système de surveillance. Dans la figure 29) Beata to naprawdę yebło. [Cette Beata elle déconne vraiment], le vulgarisme jebnąć (création morphologique basée sur le lexème jebać ‘baiser’) subit un change- ment orthographique j > y qui garde toutefois sa prononciation normale. Dans la figure 30) Gorzej niż sku... syń... stwo ! [c’est pire que dégueulasse] l’auteur du commentaire n’écrit pas l’injure skurwysyństwo (création morphologique basée sur le mot kurwa ‘pute’) en un seul mot, mais il sépare les syllabes avec des petits points. On retrouve la même astuce dans la figure 31) Chyba was do reszty p.o.p.i.e.r.d.o.l.i.ł.o [Vous décon- nez] où le mot popierdoliło (création morphologique à base du verbe pierdolić ‘baiser’) est construit de sorte à séparer chaque lettre avec un point. La figure 32) Kur#$%$# to się posr... w ten głupi łeb ! (Ils abusent grave) montre que malgré l’utilisation d’un code particulier (Kur#$%$#) le lecteur peut facilement deviner que l’intention de l’auteur du post était d’introduire le mot kurwa ‘pute’ dans sa phrase. 3.6. Les créations lexicales Le corpus de commentaires polonais s’est avéré très riche en créations lexicales néologiques basées sur les procédés lexicogéniques de forme. Les internautes ont souvent tendance à transmettre un message caché à l’aide d’une création morpholo - gique évoquant un deuxième degré du message. On retrouve ainsi des mots-valises construits à partir des sigles des deux principaux partis politiques PO (Platforma Obywatelska) et PiS (Prawo i Sprawiedliwość). Les exemples repérés sont : PO-lsat (PO + Polsat ’chaîne de télévision), POwiązania (PO + powiązania ‘connexions’), PiSmatoły (PiS + matoł ‘sot’), TVPiS (sigle TVP ‘télévision’ + PiS), Pislamy, Państwo PiSlamskie (PiS + Islam), piSS (PiS + SS ‘organisation allemande nazi’) ou encore piSSie (PiS + ssać ‘sucer’). On retrouve aussi des compositions comme PISS-DZIELCY, pissdzielska, pisdzielstwo (paronyme de piździelec ‘forme mor- phologique dérivée du substantif pizda ‘vulve’’), Pisoruskie trolle (composition de la compocation PiS + ruskie ‘russe’ avec troll), PiS-bolszewia (composition PiS + bolszewia ‘dérivation de bolchevik’) ou PiS-szambo (composition PiS + szambo Linguistica_2018_FINAL_2.indd 183 13.3.2019 13:40:38 184 ‘cloaque’). Certaines formes retrouvées sont des compositions par amalgame et des fracto-compositions comme Psychoprawica (psycho + ‘prawica ‘la droite’), Pisopa- ci (PiS + psychopata ‘psychopathe’) ou PsychoPISda (psycho + paronyme de pizda ‘sexe féminin’). Un exemple de compocation a été repéré, c’est le cas de Menda kaczystowska (Kaczyński + faszystowska ‘faciste’). Les locutions qui sont créés par les internautes sont souvent des homonymies ou des paronymies comme Zwykły pisi kut as (paronymie entre PiS et Psi ‘de chien’ + kutas ‘verge’), Robaczywa pisia (Pisia ‘sexe féminin’), Pisiory (pisior ‘verge’suffixation PiS + ory) ou PISuar,y (pi- suar ‘urinoir’). L’imagination des rageux polonais a fait apparaître des substantifs créés par métonymie. C’est le cas des mots Czerska (Gazeta Wyborcza, du nom de la rue où le journal à son siège), Blumsztajny (journalistes de Gazeta Wyborcza, de Seweryn Blumstein un de ses journalistes) ou Czarni (‘les noirs’ pour ‘prêtres’ par connotation à la couleur de leur soutane). 4. CONCLUSION L’analyse des commentaires des internautes sous les articles politiques dans les jour- naux quotidiens « objectifs », nous a permis de tirer quelques conclusions intéres- santes. Dans les post des internautes nous retrouvons un discours original et propre à la communication qui se fait sur la toile. Ce type de discours a un caractère le plus souvent persifleur et moqueur dans lequel nous retrouvons des traces du hate speech et du trolling. Les internautes qu’on appelle couramment les rageux forment une communauté linguistique sur internet qui possède ses propres règles et ses codes comportementaux à suivre et à respecter pour ne pas devenir victime du hate des autres participants du discours. Notre recherche contrastive sur les commentaires des Français et des Polonais nous a laissé la possibilité de tirer la conclusion que les Polo - nais écrivent beaucoup plus de commentaires (c’est pourquoi dans le cadre de cet article nous avons utilisé deux fois plus d’articles français), mais ces commentaires sont plutôt courts et laconiques en comparaison avec les commentaires plus élaborés et mieux structurés des auteurs français. Les commentaires des internautes polonais sont plus proches de la communication internet qui se fait sur les forums, les réseaux sociaux et dans les blogs, tandis que dans les commentaires des articles de lemonde. fr les internautes font plus attention à utiliser une langue soignée, en utilisant les dia - critiques et en respectant les règles syntaxiques. Le choix de Gazeta Wyborcza et du Monde semblait être un choix de deux journaux dans deux langues différentes rele- vant d’un même niveau sociétal, cependant il était impossible de prévoir la qualité des lecteurs de leurs versions respectives en ligne. La ‘guerre’ est présente tant dans les commentaires français que polonais, le conflit est présent entre les politiques, les journalistes et les lecteurs ainsi qu’entre lecteurs eux-mêmes. Le conflit est illustré sur la toile par différents type de figures de styles et de procédés qui sont des élé- ments caractéristiques des personnes qui écrivent les commentaires. Il semble que les Polonais soient plus hargneux et par conséquent plus créatifs et propices à utiliser de nouvelles formes lexicales. Dans les commentaires français il y a plus d’ordre et la culture de discussion est plus élevée. Linguistica_2018_FINAL_2.indd 184 13.3.2019 13:40:38 185 Références bibliographiques BOUTET Josiane (1997) Langage et société. Paris : Seuil. CHASTAING Maxime, ABDI Hervé (1980) « Psychologie des injures. » Journal de Psychologie 1, 31-62. DRESCHER Martine (2004) « Jurons et hétérogénéité énonciative. » Travaux de lin- guistique 49/2,19-37. LABOV William (1993) Le parler ordinaire. Paris: Les éditons de minuit. LAGORGETTE Dominique, LARRIVEE Pierre (éds.) (2004) Les insultes : approches sémantiques et pragmatiques. Langue Française 144: Larousse. MAZIÈRE Francine (2005) L’analyse du discours. Paris: PUF. PERELMAN Chaïm (2009) L’empire rhétorique. Paris: VRIN. REBOUL Olivier (2011) Introduction à la rhétorique. Paris QUADRIGE/PUF. ROUAYRENC Catherine (1996) Les gros mots. Paris: Que sais-je?. SABLAYROLLES Jean-François (2015) « Quelques remarques sur une typologie des néo- logismes. » In : I. M. Alves/E. Simões Pereira (éds.), Actes de CINEO II, São Paulo, 5-8 decembre 2011 » Neologia das línguas românicas, n°187. São Paulo : Humanitas, 187-217. Resumé LA «GUERRE» DES INTERNAUTES - LE HATE DANS LA COMMUNICATION SUR INTERNET La guerre, cette lutte entre groupes sociaux aux convictions différentes, n’épargne pas internet qui était censé rapprocher les gens au lieu de les diviser. Dans la commu- nication sur internet, nous retrouvons, souvent un discours particulier, relevant tant du hate speech qui est la manifestation de l’intolérance, du racisme, de la xénophobie et de l’ethnocentrisme que du trolling, c’est-à-dire de cette attitude visant à nuire à autrui en le ridiculisant et troubler la communication en brisant les bonnes moeurs. Afin de définir l’attitude des internautes qui commentent différents articles du monde politique sur internet, nous nous proposons d’utiliser un terme transitoire - hate qui est un emprunt au slang américain, fonctionnant cependant très bien aussi en Pologne. Ce terme englobe une attitude proche de la critique qui est toutefois caractéristique du persiflage des «rageux» sur la toile. Dans notre communication nous nous proposons d’analyser le discours des internautes présent dans les commentaires des articles poli- tiques dans les deux plus grands quotidiens français et polonais dans leurs versions en ligne, respectivement Le Monde (lemonde.fr) et Gazeta Wyborcza (gazeta.pl). Il sera question d’exemples du phénomène hate tant au niveau de l’analyse du discours que de l’utilisation de formes lexicales souvent injurieuses, argotiques ou relevant de la créativité néologiques des internautes. Il sera aussi question de voir si le degré du hate varie selon les locuteurs de pays différents, ou si cela est une tendance générale pour la communauté linguistique des internautes et qui relève de la mondialisation. Mots-clés : internet, argumentation, analyse du discours, commentaires, sociolinguistique Linguistica_2018_FINAL_2.indd 185 13.3.2019 13:40:38 186 Abstract WAR OF THE INTERNET USERS – “THE HATE” IN INTERNET COMMUNICATION War, the struggle between social groups with different persuasions, has not been kept from the internet, a technology which was supposed to bring people together in- stead of breaking them apart. In internet communication we often find a particular kind of discourse that can be seen as hate speech, which is a manifestation of intolerance, racism, xenophobia and ethnocentrism, while from a different prespective it appears as trolling, a supposedly playful way of ridiculing others and disturbing communication by breaking certain codes of behaviour. In order to define the attitudes of internet users who comment on various articles about politics, we propose using a transitional term, the hate, from American slang, although it also functions very well in Poland. This term refers to an attitude of criticism which is characteristic of the slander engaged in by the “enraged” users on the internet. Our study analyzes the discourse of internet us- ers in the comments on political articles published in the two major French and Polish dailies, Le Monde (lemonde.fr) and Gazeta Wyborcza (gazeta.pl). The paper discusses some examples of hate from a discourse analytical perspective as well as in terms of the vocabulary used, which contains forms that are often offensive and at the same time creative. We also examine the degree to which hate varies between speakers from dif- ferent countries, and try to find out whether there are certain general trends in internet hate use due to globalisation. Keywords: internet, argumentation, discourse analysis, internet comments, sociolinguistics Povzetek »VOJNA« UPORABNIKOV INTERNETA – »SOVRAŽNI GOVOR« (»HATE«) V SPORAZUMEVANJU NA INTERNETU Vojna, ki predstavlja boj med družbenimi skupinami različnih miselnosti, ni pri- zanesla internetu, ki naj bi sicer ljudi zbližal, in ne delil. V komunikaciji na inter- netu naletimo pogosto na posebno vrsto diskurza, ki je tako sovražni govor (»hate«), ki izraža nestrpnost, rasizem, ksenofobijo in etnocentrizem, kot tudi tako imenovani »trolling«, ki je posebna strategija, ki želi škodovati drugemu, tako da ga osmeši in v komunikaciji prekrši družbene norme. Da bi opredelili obnašanje uporabnikov inter- neta, ki komentirajo različne politične članke, začasno predlagamo termin »hate«, ki je izposojenka iz ameriškega slenga in se pojavlja tudi na Poljskem. Termin označuje obnašanje, ki je blizu kritiki, ki jo na internetu izražajo »nepokorni« (»rageux«). V našem članku analiziramo diskurz uporabnikov interneta, ki se pojavlja v političnih komentarjih v spletnih izdajah najpomembnejšega francoskega in najpomembnejšega poljskega dnevnika: Le Monde (lemonde.fr) in Gazeta Wyborczka (gazeta.pl). Članek govori o sovražnem govoru tako na ravni diskurzne analize kot rabe besedišča, ki je Linguistica_2018_FINAL_2.indd 186 13.3.2019 13:40:38 187 pogosto žaljivo, slengovsko, ali pa odraža besedno inovativnost uporabnikov. Članek raziskuje tudi, ali je intenzivnost sovražnega govora različna glede na državo, kjer se pojavlja, oziroma ali gre za splošne jezikovne trende internetne skupnosti, ki so posle- dica mondializacije. Ključne besede: internet, argumentacija, analiza diskurza, spletni komentarji, sociolingvistika Linguistica_2018_FINAL_2.indd 187 13.3.2019 13:40:38