ACTA HISTRIAE - U - 2003 • 1 prejeío: 2002-08-26 IJDK 327:070(44;497.4)"199î" L'INDÉPENDANCE DE LA SLOVÉNIE D'APRÈS LE JOURNAL FRANÇAIS "LE MONDE" Georges CASTELLAN L'Institut Naticmat des langues et Civilisations Orientâtes, FR-75343 Paris cedex 07, Rue de Lille 2 SYNTHÈSE Le journal Le Monde accorde toujours beaucoup de place aux événements internationaux: on l'appelle à Paris le "journal des intellectuels. Sa lecture au jour le jour donne un tableau précis des événements relatifs à l'indépendance de la Slovénie. Il débute le 17 mai. 1991 par la crise constitutionelle provoquée par le refus de la Serbie d'accueillir un Croate à la présidence fédérale. Sur le plan de l'information, on peut dire que Le Monde a bien rendit compte des faits, tandis que sur le plan politique, il était longtemps resté déchiré entre les désirs du peuple slovène et la traditionelle "amitié" de Paris pour la Serbie et les Serbes. Mots clef: politique international, indépendance de la Slovénie, éclatement de la Yougoslavie, La France, journalisme, rapports journalistiques, Le Monde LTNDÏPENDENZA DELLA SLOVENIA VISTA DAL GIORNALE "LE MONDE" SINTESI il giornale "Le Monde" dà moho spazio agli avvenimenti intemazionali e viene considerato a Par'tgi come giornale degli "intellettuali". Sulle sue pagine giornabnente vengono fedelmente descritti avvenimenti, legati all'indipendenza délia Slovenia. Il 17 maggio 1991 cotn'mciano col presentare la crisi costituzionale, provocata dalla Serbia, la quale ha rifiutato di accettare. un croata nella presidenta fédérale. Riguardo aile informazioni si pua dire che "Le Monde" ha riferito correttamente, soprattutto per quanto concerne ifatti Relativamente invece all'area política non si è rilevato in. grado di valutare correttamente le circostanze, cosi "Le Monde" è stato diviso tra i desiderí del popolo stoveno e ira ta tradizionale "amieizia" con la Serbia e i serbi. Parole chiave: política ínternazionale, indipendenza délia Slovenia, disintegrazione délia Jugoslavia, Francia, gionudismo, rapportí giornalistici, Le monde 73 ACTA HISTR1AE • I l • 2003 - 1 Georges C A 5 T E Î X A N : L ' INDÉPENDANCE DE LA SLOVÉNIE D'APRÈS LE J O U R N A L f-RANÇAIS "LE MON'DE". 73-60 Je suis particulièrement heureux de participer avec vous à cette rencontre à l'occasion du dixième anniversaire de votre Indépendance. J'ai gardé en effet un souvenir très précis decet événement. J'avais accueilli à Paris une délégation slovène conduite par Madame Hribar qui désirait prendre contact avec des universitaires et des journalistes pour leur expliquer sou point de vue alors que l'opinion française était tout à fait ignorante des problèmes de la Slovénie et que les autorités françaises restaient fidèles à la traditionnelle "amitié" pour la Serbie. Madame Hribar m'invita à participer à la grande réunion prévue à Ljubfjana pour célébrer l'Indépendance du pays. Le 28 juin, muni d'un billet d'avion, je me présentais à l'aéroport pour me rendre à Ljubljana: hélas, les vols vers la capitale slovène avaient été annulés, l'aéroport de Brnik avait été bombardé par les avions de l'Armée fédérale et fermé au trafic. Il ne me restait plus qu'à rentrer chez, moi et à faire part de mes voeux et de mon amitié aux amis de Ljubljana. Mon voyage en Slovénie était remis à plus tard. Pour commémorer ces événements vieux de dix ans, je voudrais aujourd'hui relire avec vous un grand journal français, Le Monde, le journal des "intellectuels", dit-on à Paris, et voir comment il a rendu compte de ces journées qui ont conduit à l'Indépendance de la Slovénie. Rappelons que les événements de la crise yougoslave s'étaient accélérés en 1989 avec la déclaration des partis slovènes d'opposition, le 8 mai, dans leur "Déclaration de Mai", à laquehe avait t'ait écho le 22 juin le programme des communistes slovènes dans leur "Document fondamental de la Slovénie", tous deux faisant référence - suivant des modalités diverses - à la "souveraineté" de la Slovénie. Le 17 mai 1991, Le Monde publiait un article sur la crise yougoslave sous le titre "La Serbie a empêché l'élection d'un Groate à la tête de l'État" et notait que le président de la Slovénie, Milan KuCan "estime que la Serbie a fait un "coup d'État déguisé" en refusant de respecter (a rotation à la présidence". La crise consti- tutionnelle qui allait tout déclencher était ouverte. Le 30 mai, un court article intitulé "Ultimatum de l'armée à la Slovénie" faisait état d'un incident - la prise par des hommes armés de la défense territoriale slovène de quatre véhicules destinés à l'Armée dans l'usine automobile de Maribor. L'Armée fédérale - désignée, par Le Monde comme "armée yougoslave" - avait donné aux Slovènes jusqu'au 28 mai pour qu'ils rendent les quatre véhicules et Le Monde portait le jugement suivant: "Cette action a été dirigée par le ministère de la défense de Slovénie et constitue une preuve que la République de Slovénie cherche à tendre ses relations avec l'armée." Aucune information sur ieventulle réaction à cet ultimatum, sinon que les autorités slovènes avaient "temporairement" interdit aux usines de Slovénie de livrer des équipements militaires à l'Armée fédérale. C'était bien évidem- ment le signe d'une crise entre les Slovènes et les militaires de Belgrade. Le journal expliquait "Depuis plusieurs mois déjà, la Slovénie est en conflit permanent avec l'Armée fédérale. En mars dernier, elle avait décidé de ne plus envoyer de conscrits 7 4 ACTA HISTRIAE • H • 20(13 - i Geoigss C A S T E t L A M : E Ï N DÉPEND A NCE DE EA SLOVÉNIE D'APRÈS LE JOURNAL FRANÇAIS "LE MONDE", 73-80 slovènes faire leur service militaire sous le drapeau yougoslave." Il rapportait une déclaration de la présidence de Slovénie datée de la veille: "L'Armée fédérale a montré une fois de plus qu'eiie n'était pas prête à se retirer de ia vie politique et à permettre un dénouement pacifique et démocratique de la crise yougoslave." Et le journal français mentionnait, sous le titre "La Slovénie craint une intervention des forces armées fédérales sur son territoire", d'une part le risque évoqué d'une intervention militaire et d'aurre part le soutien de ia France au gouvernement fédéral. Le premier ministre yougoslave Ante Markovic, en visite à Paris, avait rencontré le président Mitterrand qui lui avait déclaré "qu'il pouvait compter sur la France pour l'aider dans la poursuite des réformes entreprises et le maintien de la stabilité du pays dans le respect des minorités. Nous ferons tout notre possible pour contribuer à votre réussite." Langage diplomatique qui montrait l'attachement du président français aux traditions politiques françaises. Par contre, le 23 juin, Le Monde publiait sur trois colonnes que le secrétaire dÉtat James Baker en visite officielle à Belgrade, avait déclaré: "Les États-Unis ne reconnaîtront pas la Slovénie en tant qu'Etat indépendant" mais, ajoutait l'envoyée spéciale Florence Hartmann, "La Slovénie a annoncé officiellement que la cérémonie de proclamation de son indépendance aura lieu le mercredi 26 juin". Ce jour-là, en effet sous le titre "L'échappée slovène", le journal français annonçait la "dissociation" de la "plus frondeuse des Républiques yougoslaves" par rapport à ia Fédération et ajoutait "La Croatie s'apprête à faire de même". L'article rappelait l'absence d'bon chef à la présidence collégiale de l'État par suite de l'opposition de la Serbie à l'élection du Croate Stipe Mesié et rapportait la réaction brutale du Parlement fédéral de Belgrade, qualiliant l'acte slovène "d'anticonstitutionnel", tandis que le premier ministre fédéral parlait des "risques de guerre civilé". En conclusion, l'auteur écrivait: "Le jeu yougoslave continue: la Slovénie et la Croatie quittent formellement 1a Fédération sans la quitter [...] et les négociations sur l'avenir du pays vont sans doute se poursuivre." Le lendemain, 27 juin, un gros titre annonçait "La Croatie et la Slovénie veulent éviter une rupture définitive." L'Armée et la police fédérales, y lisait- on, décidaient "d'assurer le trafsc aux frontières de l'État", tandis qu'un vice-premier ministre slovène constatait que "pratiquement aucun pays n'est actuellement disposé à reconnaître îa Slovène". Le ministre français des Affaires étrangres déclarait le même jour, "La France, sur le plan bilatéral et à l'intérieur de la Communauté des Douze, désapprouvait, dans la mesure du possible, cette orientation". Le 27 juin, Le Monde consacrait son "article de fond", première colonne de la première page, en caractères gras et non signé au problème de la survie de la "Confédération" yougoslave. Il concluait un rappel de l'histoire de cette confédération et l'éventuelle reconstruction d'une "nouvelle" par ces lignes: "Ce processus paraît raisonnable, il suppose des concessions réciproques, mais c'est oublier un peu vite que dans les Balkans, le mot compromis est souvent assimilé à celui de capitulation". Ce jugement se révéla exact Le 28 jum. Le Monde pouvait écrire. "Les 7 5 ACTA HISTRIAE » 11 • 2003 • 1 Georges CA.STEl.LAN: L ' INDÉPENDANCE DE LA SLOVÉNIE D'APRÈS LE J O U R N A L FRANÇAIS "LE MONDE". 75-80 événements ont pris une tournure dramatique, jeudi 27 juin, en Slovénie. Des blindés de l'armée yougoslave ont reçu l'ordre d'intervenir pour reprendre le contrôle des postes frontières gardés par des douaniers et réservistes slovènes. D'autre part des colonnes de chars s'approchaient de Ljubljana et les aéroports étaient fermés." D'où l'appel à la résistance adressé par le président Kučan à l'ensemble des Slovènes. Le lendemain 29, le journal français titrait en première page, sur quatre colonnes. "L'Armée yougoslave a bombardé deux aéroports en Slovénie". Il racontait les violents affrontements qui se poursuivaient le vendredi matin 28 juin, principalement le long de la frontière avec l'Autriche. Il rapportait le bombardement des aéroports de Ljubljana et Maribor annoncé par le ministère Slovène de l'Information. Un nouvel "artirle de fond" consacré à "l'Europe et la question d'Orient" commençait par "comprendre" l'attitude de réserve des puissances occidentales devant les déclarations d'indépendance de la Croatie et de la Slovénie, puis continuait: "Cela dit, l'emploi de la force change les données du problème. Ce ne sont pas les déclarations et gestes, encore très symboliques, de Ljubljana et de Zagreb qui ont causé les morts de ces dernières heures, mais l'intervention de l'armée fédérale. De là le changement de ton observé à Washington et à Londres. [...] D'une manière générale, le souci de stabilité qui anime légitimement les capitales occidentales ne sa urait être poussé jusqu'à l'obsession. [...] Vouloir contraindre les peuples à accepter ce dont ils ne veulent plus ne peut conduire qu'à davantage d'instabilité. }...] La solution, si elle existe, passe beaucoup moins par une laborieuse adaptation de ces vieilles structures que par leur abolition, après quoi il devrait être possible de reconstruire." Un week-end vint interrompre les nouvelles fournies par le journal français à ses lecteurs, ce qui le conduisit, le 2 juillet, à intituler son article "Compromis en Yougoslavié'. Le 30 juin dans l'après-midi, le premier ministre yougoslave Ante Markovič arrivait à Ljubljana pour négocier avec le chef du gouvernement Slovène Lojze Peterle du dénouement pacifique de la crise. Au bout de quatre heures de discussions, un compromis fut élaboré sur quatre des cinq questions soulevées: l'interruption des hostilités, un moratoire de trois mois pour la proclamation de l'indépendance Slovène, le retrait dans leurs casernes des troupes fédérales, l'élection du Croate Stipe Mesié à la tête de la présidenc coilégiale. La cinquième question relative aux frontières de la Slovénie devait faire l'objet d'un examen approfondi, mais Peterle affirmait aussitôt qu" "il s'agissait des frontières d'un État souverain". Le Monde se demandait alors "si la Slovénie, grâce à cette guerre, a creusé les fondations de son État indépendant et obtenu l'assurance de sa reconnaissance internationale" ou bien si l'application du moratoire signifiait un échec pour les Républiques indépendantistes. Ensuite l'auteur de ¡'article, Florence Hartmann, décrivait de façon vivante la situation de Ljubljana depuis quarante-huit heures. Le 3 juillet, le journal français consacrait une page entière - la page 2 - à 1a Yougoslavie, l'intitulant "Nouveaux combats entre l'armée fédérale et (a défense 7 6 ACTA HISTRÍAE • !1 * 2003 • 1 Georges CASTELLAN: L'INDÉPENDANCE D E L A SLOVÉNIE D'APRÈS LE JOURNAL FRANÇAIS "LE MONDE™. 73-SO territoriale slovène". On y parlait de la continuation de raids aériens des Fédéraux, du remplacement du général commandant la région de Slovénie - Croatie - d'origine Slovène - par un Serbe et de mouvements de chars venant des casernes de Coatie, tandis que la polémique continuait entre Belgrade et Ljubljana sur ie respect des conditions prévues par l'accord du 30 juin. Le 4 juillet, nouveau titre alarmiste: "Le chef d'état-major yougoslave menace "d'écraser" la sécession en Slovénie". Un nouveau cessez-le-feu - ie troisième - proclamé unilatéralement par les Slovènes le 2 juillet au soir avait été violé plusieurs fois. La radio de Ljubljana avait armoncé de violents combats autour de la ville de Gornja Radgona à la frontière de l'Autriche, tandis qu'elle avait rapporté les propos très durs du général commandant les troupes fédérales et qu'à Belgrade, 3000 personnes devant le Parlement manifestaient conre ¡'Armée. La Communauté européenne lançait un "appel urgent" au cessez-le-feu et annonçait le départ pour Belgrade d'une "troïka" de hauts fonctionnaires européens du Luxembourg, des Pays-Bas et du Portugal. Le ministre français des Affaires étrangères approuvait l'envoi de ces observateurs" et soulignait le caractère dramatique de ¡a situation "qui risquait de réveiller les clivages anciens et les oppositions dit passé". Dans un nouvel article de fond, Le Monde posait la question "Armée fédérale ou serbe?" et pariait nettement d'une situation de coup d'État militaire: le chef d'état- major, le générai Adzic avait déclaré à la télévisio de Belgrade que les troupes fédérales allaient "écraser l'ennemi" sans tenir compte des pourparlers en cours entre le gouvernement fédéral et les autorités de Ljubljana. L'article se terminait par une crainte: que l'Armée ne profite de la situation pour "en finir" avec la Slovénie mais aussi la Croatie sécessionniste. Le 4 juillet, les violences "sembiaienf s'apaiser" en Slovénie: le commandant en chef adjoint des forces fédérales avait annoncé que les militaires avaient reçu "l'ordre formel" de cesser le feu. Ljubljana avait, de son côté, proclamé unilatéralement l'arrêt des hostilités et le pays vivait une journée d'attente et de cainfe. A Belgrade, l'Armée fédérale avait reconnu l'autorité du président de la confédération, le Croate Stipe Mesié et le chef d'état-major déclarait à cette occasin "Il n'ya pas eu de coup d'État militaire en Yougoslavie.' L'envoyée spéciale du Monde à Ljubljana constatait ce jour que "les rues de la capitale slovène étaient presque animées". Le lendemain, 6 juillet on annonçait que la Slovénie acceptait de libérer les quelque 2 000 soldats de l'Armée fédérale qu'elle détenait comme prisonniers mais refusait l'ultimatum de Belgrade de remettre le contrôle des postes frontières aux autorités fédérales et de démobiliser la défense territoriale slovène. La diplomatie européenne multipliait alors les réunions: le ministre belge des Affaires étrangères déclarait: "Personnellement je ne crois plus en la possibilité de sauver la Fédération yougoslave", tandis que le chancelier allemand Helmut Kohi renchérissait: "Le retour de l'Armée fédérale dans ses casernes est une 7 7 ACXA H1STRiAE • H « 2003 • 1 Georse;. CASTE LL AN: L'INDÉPENDANCE DE LA SLOVÉNIE; D'APRÈS LE J O U R N A L FRANÇAIS "LE MONDE". 73-S0 priorité absolue". Au Parlement français, l'opposition de droite s'étonnait du silence du chef de l'État (le président Mitterrand) et du gouvernement et un membre de la commission des Affaires étrangères demandait au ministre Roland Dumas de "définir clairement la politique et les intentions de la France". Le week-end du 7 et 8 juillet vin! apporter une bonne nouvelle: Belgrade et la Slovénie avaient engagé des négociations. La troïka européenne était attendue à Ljubljana le dimanche 7 juillet et à la Haye, les Douze européens avaient décidé le gel de l'aide à la Yougoslavie et l'embargo sur ies matériels militaires. Quant au président Kucan, dans une interview accordée au Monde, il estimait que "la négociation avec Belgrade était encore possible". Restait en suspens l'ultimatum envoyé par Belgrade à Ljubljana concernant le contrôle des postes-frontières et qui expirait ie dimanche 7 à midi; or le président Mesic déclarait à un journal allemand: "La solution sera que les Slovènes continueront à contrôler les postes- frontières mais que les droits de douane seront reversés à la Fédération." Dans la nuit du 7 au 8 juillet, les accords de Brioni étaient signés entre les deux adversaires yougoslaves sous l'égide de la troika européenne. Le texte de la "déclaration" était publié in extenso à la page 3 du Monde du 10 juillet. Il comportait quatre points principaux prévoyant en particulier "des négociations sur tous les aspects de l'avenir de la Yougoslavie qui doivent commencer au plus tard Se 1er août, sans conditions, sur la base des principes des accords d'Helsinki et de la Charte de Paris" et deux annexes dont la première relative aux postes-frontières avec l'Autriche, l'Italie et la Hongrie, qui devaient être contrôlés par la police Slovène tandis que les droits collectés par les douaniers slovènes devaient être revesés à una caissa fédérale. Le président Kucan s'en déclara "très satisfait", estimant que"c'était un premier pas vers la reconnaissance internationale". Le lundi 8 juillet, les États-Unis se rallièrent à l'embargo décrété par la CEE sur les ventes d'armes à la Yougoslavie, tandis que ie ministre soviétique des Affaires étrangères réaffirmait que l'URSS préférait" que ia Yougoslavie garde son intégrité territoriale". Le 12 juillet, les douze européens réunis à ia Haye avalisèrent les accords de Brioni et envisagèrent l'envoi d'une mission de surveillance. On ne retrouvera un article sur la Slovénie que dans le numéro du 20, sous le titre "Belgrade reconnait de facto L'indépendance de la Slovénie". Trois semaines après la proclamation d'indépendance de la Slovénie, la présidence collégiale de la fédération annonçait, le 18 juillet, le retrait de ses troupe de la Slovénie dans ies trois mois. "Cette décision, commentait le journal, équivaut à une reconnaissance de fait de la souveraineté slovène." Il expliquait que la décision de Belgrade portait sur le retrait de quelque 24 000 soldats et officiers stationnés habituellement sur le territoire Slovène. Ce retrait devait commencer immédiatement et être achevé dans un délai de trois mois. Les imités de l'Armée fédérale devaient se replier en Serbie et en Bosnie-Herzégovine. Cette décision fut saluée en Slovénie 7 8 ACTA HISTRIAE • 11 • 2003 • 1 Geolgcs C'ASTEU-AN: L ' INDÉPENDANCE DE LA SLOVÉNIE S 'APRÈS LE JOURNAL FRANÇAIS "LE MONDE". 73-SO avec enthousiasme, le représentant du pays à ¡a présidence yougoslave déclarait que "la décision finale entraînait une diminution de la tension en Slovénie et en Yougoslavie et permettait à la Slovénie d'avoir des contacts nouveaux avec l'étranger". Mais la correspondante du Monde à Ljubljana écrivait en même temps, sous le titre "Une province autrichienne": "Le retrait de l'Armée fédérale laisse la Slovénie sans aucune défense capable de s'opposer à une agression étrangère et la précipite en quelque sorte dans la gueule du loup, il est vrai que comme on l'a souvent entendu à Belgrade "Si la Slovénie désire devenir une province autrichienne ou italienne, qu'elle s'en aille!" Toutefois le moratoire de trois mois sur la déclaration d'indépendance permettra peut-être de jeter les fondements d'une nouvelle communauté yougoslave qui conviendrait à toutes les républiques de cette Fédération agonisante." L'on sait que ce voeu ne se réalisa pas car la réunion de la présidence fédérale prévue pour le 1er août tourna court en l'absence du représentant de la Croatie. Le 5 septembre, Le Monde, devant ia poursuite des affrontements en Croatie, se faisait l'écho du désir de l'Allemagne de reconnaître l'indépendance de la Slovénie et de la Croatie. Le 9 octobre, les deux républiques, en pleine guerre contre la Serbie, mais conformément à l'accord de Brioni qui avait demandé le 7 juillet une suspension pour trois mois, "confirmaient leur accessnon à l'indépendance". Le 16 décembre, à Bruxelles, les Douze européens se prononçaient pour une reconnaissance à la date du 15 janvier 1992. L'Allemagne les devança en reconnaissant officiellement le 23 décembre l'existence des deux anciennes républiques comme des États indépendants. Le 23 décembre, la Slovénie s'était dotée d'une nouvelle constitution, des élections libres avaient eu lieu, le président Kuéan avait été réélu avec plus de 60% des voix, finalement le 22 mai 1992, la Slovénie devenait membre à part entière de l'ONU. Pour la première fois depuis le Xe siècle, les Slovènes étaient maîtres d'un État bien à eux. Ma conclusion sera brève. Sur le pian de l'information, Le Monde a, me semble-t-il, correctement informé ses lecteurs. Ses attachés spéciaux à Belgrade d'abord, à Ljubljana ensuite, ont bien rendu compte de la crise de la présidence de la Fédération, puis du conflit qui a opposé une Slovénie réclamant plus de liberté et une Armée fédérale commandée par des généraux serbes voulant à tout prix maintenir une Fédération musclée. Pendant le conflit armé, le journal français a donné un tableau précis de la situation en Slovénie, complété par de vivantes évocations de l'opinion des Slovènes et de l'atmosphère de la rue à Ljubljana. Sur le plan du jugement politique, Le Monde s'ést rallié, en gros, au point de vue français d'une traditionnelle sympathie pour la Serbie et les Serbes. Mais il a tout de suite exprimé son espoir d'un compromis entre les aspirations de Belgrade et de Ljubljana: ii fallait, disait il, respecter les désirs du peuple siovène. A cette idée du compromis, les envoyés spéciaux du Monde à Ljubljana s'y sont attachés jusqu'à ia 7 9 ACTA HISTRIAE • 11 • 2003 • 1 Georges CASTELLAN: L ' INDÉPENDANCE DE LA. SLOVÉNIE D'APRÈS LE J O U R N A L FRANÇAIS "LE MONDE-, 73-SO fin de juillet 199h En cela, il reflétaient les hésitations et les doutes de la politique française. Quant à moi, je me permets de terminer mon intervention devant vous en disant: "Pleine vié et succès à la Slovène indépendante". SAMOSTOJNOST SLOVENIJE Z VIDIKA FRANCOSKEGA ČASOPISA "LE MONDE" Georges CASTELLAN INALCO, Raziskovalni inštitut, Pariz, FR-75343 Paris cede* 07, Rue de Lille 2 POVZETEK Časopis Le Monde vedno namenja veliko prostora mednarodnim dogodkom in v Parizu ga imajo za časopis "intelektualcev". Na njegovih straneh so iz dneva v dan verno opisani dogodki, povezani s samostojnostjo Slovenije. ! 7. maja 1991 se poročanje začne z ustavno krizo, ki jo je povzročila. Srbija, ko je odklonila sprejem Hrvata v predsedstvo federacije. Predsednik RS Kučan je to ocenil kot "prikrit državni udar"; istočasno pa je bila že prisotna tudi napetost med Slovenijo in jugoslovansko armado. 26. junija je Slovenija razglasila svojo samo- stojnost, kar je zvezna skupščina ocenila kot "neustavno" dejanje. JLA je zasedla mejne prehode z Avstrijo ter bombardirala letališče v Ljubljani in Mariboru. Boji so trajali tri dni, vse do prihoda predsednika zveznega predsedstva v glavno mesto Slovenije. S predsednikom republiške vlade sla pripravila sporazumno rešitev. Stanje je postajalo vse bolj napeto, v Ljubljano je prišla evropska "trojka" in je v noči od 7. na S. julij vsilila sporazum, sprejet na Brionih, ki je skušal urediti probleme. Predsednik Kučan ga je sprejel, ker je v njem videl prvi korak do osamosvojitve. Sporazum je predvideval, da se bodo aktivnosti za osamosvojitev lahko nadaljevale po preteku treh mesecev. Ustrezno z določbo sta Slovenija in Hrvaška razglasili neodvisnost, kar je odobravala tudi evropska dvanajsterica ter zanjo določila datum 15. januar 1992. Glede informiranja lahko rečemo, daje Le Monde poročal korektno, predvsem o dejstvih, medtem ko je na političnem področju glede, presoje razmer bil dolgo razklan med željami slovenskega ljudstva in tradicionalnim "prijateljstvom" Pariza do Srbije in Srbov. Ključne besede: mednarodna politika, osamosvojitev Slovenije, razpad Jugoslavije, Francija, novinarstvo, novinarska poročila, Le Monde 8 0