Pierre Swiggers (F.N.R.S. belge), Leuven CDU 801.56::165.75 AUX DÉBUTS DE LA SYNTAXE STRUCTURALE: TESNIÈRE ET LA CONSTRUCTION D'UNE SYNTAXE "... il est parfaitement possible de constituer une syntaxe sur des données purement syntaxiques et en dehors de toute morphologie. Certes, le système proposé (...) est loin d'être parfait. Mais on ne saurait le taxer d'arbitraire, prétendre qu'il dépasse la réalité des données, et n'y voir qu'une vue personnelle et subjective de son auteur (...) Pour être plus abstraits et plus difficiles à saisir que les faits morphologiques, les faits syntaxiques n'en ont pas moins une réalité objective. Et ceux qui voudront les étudier pour édifier la syntaxe qui nous manque encore peuvent être en tout cas assurés de construire sur un terrain solide" (Lucien Tesnière, "Comment construire une syntaxe", p. 229). Le projet tesniérien d'une syntaxe structurale - aboutissant aux Éléments de syntaxe structurale (1959, deuxième éd. 1966), ouvrage posthume1 - a sa propre histoire. Une histoire qui la rattache d'ailleurs à un courant de pensée international, qui se manifeste dans l'œuvre de Bally,2 Jespersen,3 Sapir,4 Brunot,5 Br0ndal6 et Hjelmslev,7 et qui s'articule autour de la problématique des classes de mots. En fait, ce courant de pensée se présente en premier lieu comme une critique du système des parties du discours: celles-ci ne sont guère des composantes du discours, au sens où elles constitueraient les bases constructives du discours, mais elles sont en fait des parties du système de la langue. Il importe donc de franchir le pas, à partir d'elles, vers l'organisation de la phrase. 1 La rédaction de cet ouvrage remonte aux années 1930; une première rédaction, achevée à la fin des années 1930, a été constamment retravaillée par Tesnière jusqu'à sa mort en 1954. Un résumé de la théorie se trouve dans l'Esquisse d'une syntaxe structurale, brochure de 30 pages diffusée en 1953. 2 Voir Ch. Bally, Traité de stylistique française, Paris, 1909 et Linguistique générale et linguistique française, Genève, 1932. 3 Voir surtout O. Jespersen, The Philosophy of Grammar, London - New York, 1924. 4 E. Sapir, Language. An introduction to the study of speech, New York, 1921. 5 F. Brunot, La pensée et la langue, Paris, 1922. 6 V. Br0ndal, Ordklasserne. Partes orationis, Copenhague,. 1928 (trad, française, Les parties du discours, Copenhague, 1948). 7 L. Hjelmslev, Principes de grammaire générale, Copenhague, 1928. Cf. notre article "Louis Hjelmslev: de la grammaire générale à la linguistique générale" (à paraître). 209 Dans ce qui suit, nous voudrions étudier la première phase de la construction d'une syntaxe par Lucien Tesnière. Le début de cette entreprise remonte aux années 1930, époque à laquelle Lucien Tesnière - développant quelques idées embryonnaires de son maître Antoine Meillet à propos de l'élaboration d'une syntaxe8 - a posé les bases de sa syntaxe structurale. Riche de connaissances comparatistes9 et ayant fait l'expérience de contraster10 des langues vivantes modernes,11 Tesnière a vu la nécessité et a reconnu la possibilité de "construire une syntaxe". Ce programme est énoncé et étoffé dans un article de 1934,12 et c'est ce travail que nous voudrions analyser ici. 8 On sait que c'est seulement à la fin de sa carrière que Meillet s'est intéressé à la théorie syntaxique. Cf. d'ailleurs le témoignage de Lucien Tesnière: "Meillet apparaissait d'emblée comme un parangon de rigueur et de prudence: rigueur dans la méthode, prudence dans les conclusions. Il s'accrochait aux faits, seule réalité saisissable susceptible à ses yeux d'être un objet de science, c'est-à-dire aux formes morphologiques. De là, envers la syntaxe, une défiance dont il ne devait se départir que dans ses tout derniers jours" ("Antoine Meillet", Bulletin de la Faculté des Lettres de Strasbourg 15e année, n° 2, 1936, p. 33-42, ici p. 35). L'appréciation est moins positive dans les Éléments de syntaxe structurale, chapitre 15, § 9 et § 10. 9 Lucien Tesnière avait acquis une solide formation d'indo-européaniste et de slavisant à Paris, à Leipzig et à Vienne. Son travail le plus important dans le domaine de la dialectologie indo-européenne fut sa thèse sur Les formes du duel en Slovène, Paris, 1925 (thèse secondaire: Atlas linguistique pour servir à l'étude du duel en Slovène, Paris, 1925). 10 En 1920 Tesnière fut appelé à enseigner le français à Ljubljana; nommé ensuite maître de conférences à l'Université de Strasbourg, il y a enseigné les langues slaves, et le français aux étudiants étrangers; plus tard, devenu professeur à l'Université de Montpellier, il a enseigné la grammaire comparée des langues indo-européennes et le français aux étrangers. Cf. à ce propos le témoignage de François Daumas, "L'œuvre linguistique de Lucien Tesnière", Orbis 1, 1952, p. 553-564: "D'ailleurs l'enseignement qu'il donnait aux étudiants étrangers venant en France, l'obligeait à réfléchir sur les difficultés qu'éprouve un sujet parlant à construire des phrases en une langue à laquelle il n'est pas habitué, même s'il en connaît bien la morphologie. Pour faire face à cette double difficulté, il tentait de construire une syntaxe générale. Aussi lorsqu'il fut nommé à la Faculté des Lettres de Montpellier, quand Maurice Grammont prit sa retraite, ce fut une chaire de Grammaire comparée qu'il occupa et son enseignement extrêmement fécond fut consacré en grande partie à la mise au point de la syntaxe structurale qu'il avait élaborée à Strasbourg et qu'il a aujourd'hui achevée" (p. 554). De l'expérience didactique de Tesnière témoignent entre autres sa remarquable Petite grammaire russe (Paris, 1934), son livre Pour prononcer le grec et le latin (Paris - Toulouse, 1941), son Petit vocabulaire russe: Table sémantique, I (Paris, 1957) et ses articles "L'emploi des temps en français" (Bulletin de la Faculté des Lettres de l'Université de Strasbourg, numéro hors série, cours de vacances 1927, p. 39-60) et "Une survivance pédagogique: l'inversion et le rejet dans la construction de la phrase allemande", Les langues modernes 41e année, 2, 1947, p. A-21 à A-25. 11 Lucien Tesnière a bien insisté sur la béance d'une syntaxe suffisamment développée dans la description et dans l'enseignement des langues vivantes: "Cette carence ne se fait pas trop sentir dans l'étude des langues vivantes anciennes, comme le grec et le latin, puisqu'il est entendu d'avance qu'on n'aura jamais à les parler couramment, ni même à les prononcer correctement, et qu'on a même été jusqu'à les traiter de langues mortes, comme si le grec ancien n'était pas une langue immortelle. Mais il en va tout autrement avec les langues vivantes modernes, que l'on apprend en vue de pouvoir les parler couramment, et dont il faut par conséquent connaître à fond le maniement, c'est-à-dire le fonctionnement, la structure dynamique, en un mot (d'ailleurs impropre) la syntaxe" ("Comment construire une syntaxe", a.c., [voir note suivante] p. 219). 210 Tesnière y justifie son projet de syntaxe par une critique de la syntaxe 13 traditionnelle, qui ne parvient pas à révéler Y innere Sprachform des langues. La raison en est qu'elle se base sur un schéma à base morphologique, qui est celui des parties du discours ou espèces de mots (variant en général de huit à dix classes: article, substantif, adjectif, pronom, verbe, participe, adverbe, préposition, conjonction et interjection). À ce dispositif traditionnel Tesnière fait les reproches suivants:14 1° la classification est hétérogène: elle se base sur des critères de nature (par ex. pour définir le substantif ou le verbe), de fonction (par ex. pour définir le pronom) et de position (par ex. pour définir la préposition); 2° la classification juxtapose des espèces de mots, mais ne définit aucune hiérarchie entre elles; 3° la classification aboutit à des contradictions, dans la théorie et dans la pratique.15 Cette critique permet à Tesnière de définir l'objectif d'une syntaxe: celle-ci doit décrire les faits syntaxiques - et non des faits morphologiques16 -, et ceux-ci ne sont 12 L. Tesnière, "Comment construire une syntaxe", Bulletin de la Faculté des Lettres de Strasbourg 12e année, n° 7, 1934, 219-229. Dans nos citations de cet article, nous avons remplacé les caractères gras chez Tesnière par des italiques. Il est important de noter que cet article est contemporain de la Petite grammaire russe, o.c. [note 10], travail auquel Tesnière renvoie à la fin de son article (p. 229 note 1). Il y annonce également des grammaires française, allemande et slovène, "actuellement en chantier", ouvrages qui sont restés inachevés. Voir aussi F. Daumas, "L'œuvre linguistique de Lucien Tesnière", a.c., p. 554 (grammaire Slovène) et p. 555 (grammaire allemande). 13 Voir ce qu'en dit Tesnière, Éléments de syntaxe structurale, chap. 1, § 12, n. 1: "Si, depuis plus d'un siècle qu'a été conçue la notion féconde de innere Sprachform, la linguistique n'en a encore rien tiré, c'est que, sous l'influence trop exclusive des "morphologistes", elle posait comme son postulat d'Euclide que seuls relevaient d'elle les faits de langue saisissables sous une forme matérielle, donc extérieure. C'était nier a priori la innere Sprachform, qui est par définition intérieure". 14 Cette critique est reprise et amplifiée dans les Éléments de syntaxe structurale, chapitre 27. 15 "Le mot oui est classé parmi les adverbes (d'affirmation) comme s'il n'était qu'un adjoint du verbe, et comme si l'on pouvait dire en français II est oui parti, comme on dit Er ist ja fort en allemand. Mieux encore: l'adverbe est classé parmi les mots invariables; or point n'est besoin d'être grand clerc en grammaire pour reconnaître qu'il s'accorde dans Une porte toute grande ouverte" ("Comment construire une syntaxe", a.c., p. 220). 16 En séparant, d'un point de vue théorique, la morphologie et la syntaxe, Tesnière s'écarte, entre autre, de la position de L. Hjelmslev, Principes de grammaire générale, o.c. [note 7], p. 53 et 94: "Ce qui a été dit pour la syntaxe vaut pour la morphologie également. Les rapports syntagmatiques dominent la morphologie aussi bien que la syntaxe proprement dite. D'un certain point de vue, tous les rapports grammaticaux sont des rapports transitifs. Toute morphologie est syntaxe. Toute syntaxe est morphologie (...) Étant donné que, en réalité, tout fait syntaxique est morphologique en ce sens qu'il concerne uniquement la forme grammaticale, et étant donné également que tout fait morphologique peut être considéré comme syntaxique puisqu'il repose toujours sur une connexion syntagmatique entre les éléments grammaticaux en question, nous sommes persuadé que la division possible de la 211 rien d'autre que l'expression de relations. Il importe selon Tesnière d'étudier le fait syntaxique en lui-même, et de faire de la syntaxe "une discipline autonome, ayant sa propre raison d'être, ses propres; lois, son propre plan" ("Comment construire une syntaxe", a.c., p. 220). La méthode sera celle d'une comparaison interlinguistique, aboutissant à une classification systémique faisant justice à la spécificité de chaque langue: "La méthode consistera d'abord à isoler les faits syntaxiques par la comparaison directe de langue à langue, de mécanisme à mécanisme, et sans souci d'histoire, de façon à pouvoir les saisir, les préciser, et en déterminer la nature et les contours exacts. C'est seulement quand nous serons sûrs de n'avoir laissé passer à notre crible que des faits syntaxiques, que nous pourrons songer à rapprocher ceux qui se ressemblent, à les ranger par affinités, et à découvrir des groupements partiels, puis la clé de voûte qui nous permettra d'apercevoir la structure d'ensemble de l'édifice et de saisir l'économie générale du système" ("Comment construire une syntaxe", a.c., p. 220). La première opération - qui en fait suppose déjà un découpage en mots, ce que 17 Tesnière ne mentionne pas - consiste à distinguer entre deux types de mots: les 18 mots-phrases, qui jouent à eux seuls le rôle de phrase (et qui peuvent être indépendants ou subordonnés),19 et les mots qui aident à construire une phrase. Ceux-ci se prêtent à une double analyse: une analyse statique et une analyse dynamique. Ces deux composantes sont essentielles à la syntaxe en tant que "mécanique de la phrase". La composante statique est l'étude des catégories, la composante mécanique est l'étude des fonctions. Voici comment Tesnière définit ces deux composantes: "Voulons-nous reconnaître les éléments de la phrase tels que nous les trouvons rangés dans notre esprit, lorsque nous y puisons pour les mettre en œuvre? Ou voulons-nous au contraire reconnaître ces mêmes éléments au sein de la phrase où ils sont mis en œuvre? Les deux procédés sont légitimes, et la grammaire ne saurait exclure ni l'un ni l'autre. Elle doit au contraire y chercher les deux divisions fondamentales de la syntaxe analytique. Dans la première viendront se classer les catégories grammaticales, tandis que la seconde grammaire est, en effet, une discipline une, la théorie de la forme tout court. Elle est entièrement différente de la théorie des sons. C'est cette division seule qui importe, et nullement cette autre entre morphologie et syntaxe". 17 Dans ses Éléments de syntaxe structurale, chap. 10, Tesnière observera d'ailleurs, à juste titre, que le mot ne peut être défini qu'en fonction de la phrase, et que la notion de phrase est donc logiquement antérieure à celle de mot. 18 Tesnière distingue encore entre les mots-phrases logiques (comme oui, non), et les mots-phrases affectifs (les interjections). Dans les Éléments de syntaxe structurale, le concept de mot-phrase est étudié en détail (chapitres 45 et 46); Tesnière y distingue entre mots-phrases complets (aïe), incomplets (voici) et anaphoriques (oui). À cette subdivision structurale s'ajoute une classification sémantique en "phrasillons logiques" et en "phrasillons affectifs" (avec plusieurs subdivisions), qui correspond à celle faite déjà en 1934. 19 Cf. les exemples suivants: Est-il arrivé ? - Oui/Non; Est-il arrivé? - Je crois qu'oui/que non. 212 aura pour objet l'étude des fonctions. Nous distinguerons ainsi une syntaxe catégorique et une syntaxe fonctionnelle, cette deuxième étant apparemment celle que les Grecs ont entrevue sous le terme de owca^iç. Pour préciser les idées par une comparaison, on pourrait dire que les faits de syntaxe catégorique sont comparables à des pièces d'artillerie rangées dans leur parc, ceux de syntaxe fonctionnelle aux mêmes pièces mises en batterie; ou encore les premiers aux caractères d'imprimerie distribués dans la casse du typographe, et les seconds aux mêmes caractères composés en lignes et serrés dans les châssis pour l'impression" ("Comment construire une syntaxe", a.c., p. 221-222). Comment se présente alors la syntaxe catégorique ? Celle-ci est avant tout une 20 classification des procédés d'expression des diverses catégories grammaticales: on notera qu'ici Tesnière retourne à la morphologie, mais il faut faire remarquer que la morphologie est subsumée ici dans une analyse bidimensionnelle, comprenant des ensembles référentiels et des ensembles prédicatifs. Tesnière n'utilise pas ces termes, 21 mais propose un tableau à deux entrées, comprenant par exemple sur l'axe horizontal: personnes/choses/temps/lieu; et sur l'axe vertical: interrogatif/démonstratif/universel/ négatif/indéfini: personnes choses temps lieu interrogatif qui? quoi? quel? quand? où? démonstratif celui-ci ceci ce... ci maintenant ici universel tout le monde tout tout toujours partout négatif personne rien aucun jamais nulle part indéfini quelqu 'un quelque chose quelque quelquefois quelque part Tesnière fait observer que ce tableau est fragmentaire et qu'il faudrait y ajouter les catégories du genre, du nombre et du cas, ou celles - dans le cas de l'adverbe - de la manière, de la cause et du but, ou encore - pour le lieu - les subdivisions "lieu où l'on est", "lieu où l'on va", "lieu d'où l'on vient", "lieu par lequel on passe", etc. Il nous semble que l'intégration de ces catégories devrait se faire dans un tableau (ou mieux, cube), à trois dimensions: il s'agit en fait d'un plan grammatical à côté des plans 11 référentiel et prédicatif. Tesnière se borne à noter que les deux dimensions qu'il a 20 À la différence de Hjelmslev, Principes de grammaire générale, o.c. [note 7], qui range sous les "catégories grammaticales" les sémantèmes, les morphèmes et les fonctions, Tesnière sépare les catégories et les fonctions. 21 "Comment construire une syntaxe", a.c., p. 222; Tesnière y superpose les termes "substantif' (qui recouvre les "personnes" et les "choses"), "adjectif' (qui recouvre la classe, non étiquetée, de quel, ce ... ci, etc.), et "adverbe" (qui recouvre les "temps" et le "lieu"). 22 Quant à l'ensemble prédicatif, il faudrait y inclure: le spécifique, le particulier, le même, l'autre, l'ensemble (de deux, de trois ...), le distributif, l'itératif, ... On observera aussi que pour l'indéfini, 213 intégrées dans son tableau représentent des catégorisations de la grammaire et de la pensée (grammaticalisée), et que cette bidimensionnalité est universelle: "Le tableau des catégories est (...) à deux entrées: une horizontale, qui est celle des questions, et une verticale, qui est celle des réponses. À quoi correspondent ces deux entrées? C'est ce que devront préciser des recherches ultérieures. À première vue, il semble que les catégories-questions horizontales soient plutôt les catégories proprement grammaticales, tandis que les catégories-réponses verticales correspondent plutôt aux catégories de la pensée. Toutefois un examen rapide suffit pour se convaincre qu'elles ne recouvrent que très imparfaitement les catégories de la pensée reconnues par Aristote et par Kant, lesquelles sont d'ailleurs loin de concorder entre elles. Est-ce à dire que les philosophes n'ont pas su reconnaître une réalité qu'il suffirait de lire dans les faits de langue où elle est inscrite? En d'autres termes, faut-il accorder plus de crédit à l'élaboration lente, inconsciente et collective du langage, qu'à la recherche individuelle et consciente des logiciens? Rien n'est moins certain. Car le système des catégories fourni par la grammaire n'a rien d'absolu. Il varie même considérablement d'une langue à l'autre, sinon en ce qui concerne l'opposition fondamentale des deux types horizontal et vertical, opposition qui paraît universelle, du moins pour ce qui est de l'effectif des catégories et des nuances qu'elles comportent. Peut-être que tout simplement le plan grammatical ne recouvre pas le plan logique" ("Comment construire une syntaxe", a.c., p. 222-223). L'autre composante de la syntaxe analytique, à savoir la syntaxe dynamique, s'intéresse aux fonctions, principe essentiel de construction. C'est cette partie qui, au dire de Tesnière, "constitue le gros œuvre de la polyglossie" ("Comment construire une syntaxe", a.c., p. 223), et c'est elle qui doit être au cœur de la description et de l'enseignement efficace des langues. Le principal mérite de Tesnière syntacticien est d'avoir érigé une théorie de la syntaxe dynamique. La syntaxe dynamique est organisée autour d'un élément qui s'ajoute à l'inventaire des mots "référentiels" (substantiels et qualificatifs: le substantif, l'adjectif et l'adverbe): le verbe. C'est le verbe qui permet de construire une phrase, et c'est autour de lui que se nouent, selon des principes hiérarchiques, des relations liant les éléments de la phrase. Dans une première phase, Tesnière décrit la construction de la phrase comme un ensemble de connexions gravitant autour du verbe: "Une phrase se présente comme un système solaire. Au centre, un verbe qui commande tout l'organisme, de même que le soleil est au centre du système solaire. À la périphérie, la foule des éléments grammaticaux, qui sont subordonnés les uns aux autres, et en dernier ressort au centre verbal, selon une hiérarchie à plusieurs étages, tout comme les planètes gravitent autour du soleil et les satellites autour des planètes. Bien entendu, dans cette gravitation universelle de la phrase, il faut, à côté des régissants et des subordonnés de toute sorte, prévoir une place pour les subordonnants, c'est-à-dire pour les éléments qui, on devra distinguer entre un indéfini spécifique (quelqu'un, quelque chose, quelque, ...) et un indéfini universel ou non saturé (quiconque, quoi que ce soit, quelconque, ...). 214 même cette dans —> simplicité de —> Pau/ <— sain/ —> écrits dans contenue cette —>—> vi/tu 4- style la CONSERVE < vigueur de —> on -> t ainsi t VOiÎ t t toute elle t apporte t cîe/ du la un —> grand —> fleuve <— coulant <— plaine ± t ' dans qui retient <— encore ^ ^ violente cette —> /orce ci | ^ ^ impétueuse il —> avûii t acquise t aux —> montages I i/ —> fins origine <— i