PrÉsentation Au cours des dernieres décennies ou l’on assiste a une refondation de la morpholo­gie, la discipline s’intéresse de plus en plus a des phénomenes « périphériques », « marginaux », « irréguliers » ou « extragrammaticaux », a des phénomenes n’appar-tenant pas aux « régions nodales » de la morphologie. Le présent numéro de Linguistica, premier numéro thématique de notre revue, réunit des études qui s’intéres-sent aux frontieres internes et externes de la morphologie. La diversité et la richesse des themes abordés et des approches proposées témoignent d’un intéret croissant que les linguistes, non pas uniquement les morphologues, portent a cette thématique. Les articles proposés s’articulent autour de cinq axes majeurs. Un premier axe rassemble les articles qui étudient les frontieres entre différentes composantes de la morphologie. L’étude de Michel Roché examine les contraintes lexi­cales et morphophonologiques sur le paradigme des dérivés en –aie. Les résultats de son analyse remettent en question la notion de « regle de construction des lexemes ». Irena Stramljiè Breznik et Ines Voršiè se penchent sur les néologismes de sport en slovene et essaient d’évaluer la productivité ou la créativité des procédés morphologiques en jeu. Dans une étude d’inspiration cognitiviste, Alexandra Bagasheva aborde l’hétérogénéité des verbes composés en anglais. En s’appuyant sur les données fournies par les para­digmes verbaux du maltais, Maris Camilleri examine la complexité du phénomene de classes flexionnelles basées sur les radicaux. Trois travaux concernent des procédés typiquement « extragrammaticaux » servant a former le plus souvent des occasionna­lismes : Arnaud Léturgie tente de dégager des propriétés prototypiques de l’amalgama­tion lexicale en français, notamment celles de la création des mots-valises ; Silvia Cacchiani analyse, a l’intérieur du cadre de la morphologie naturelle, les mots-valises formés a partir de noms propres et de substantifs, phénomene relativement récent en ita-lien ; Thomas Schwaiger, se fondant sur les données tirées de la base « Graz Database on Reduplication », traite des constructions rédupliquées dans une perspective univer­selle. Deux articles adoptent une perspective contrastive : celui d’Eva Sicherl et Andreja Žele étudie la productivité des diminutifs nominaux en slovene et en anglais ; celui de Marie-Anne Berron et Marie Mouton propose une analyse détaillée de l’importance quantificative et qualificative des procédés de la morphologie marginale dans le slam en France et en Allemagne. Géraldine Walther présente un nouveau modele général, inscrit dans une approche réalisationnelle, qui permet d’évaluer et de formaliser la (non-)cano­nicité de phénomenes flexionnels. Un deuxieme axe se situe sur la frontiere séparant la morphologie dérivationnelle de la morphologie flexionnelle. Tatjana Marvin se penche sur le probleme de la préser­vation de l’accent dans les dérivés anglais, mettant en comparaison les approches de Chomsky et de Marantz avec celle de la théorie de l’Optimalité. L’article de Patrizia Cordin explore la façon dont les constructions locatives verbales dans les langues et les dialectes romans, notamment dans le dialecte trentin, ont perdu en partie leur sens spatial au profit d’un sens grammatical plus abstrait (aspect, résultat, intensité etc.). Se 3 focalisant sur la langue indigene d’Australie kayerdild, Erich Round insiste sur l’utilité de la notion de « morphome » qui permet d’instaurer un niveau de représentation lin­guistique intermédiaire entre les niveaux lexical, morphosyntaxique et morphophono­logique. La contribution de Varja Cvetko Orešnik, qui adopte le cadre théorique de l’école ljubljanaise de la syntaxe naturelle, apporte quelques données nouvelles sur la morphophonologie et la morphosyntaxe du verbe en ancien indien. Les deux articles suivants examinent des questions d’ordre morphologique aux-quelles se heurtent les langues entrant en contact : Georgia Zellou traite du cas du cir-confixe /ta...-t/ que l’arabe marocain a emprunté au berbere, tandis que Chikako Shigemori Buèar analyse le sort réservé aux emprunts japonais en slovene. L’axe diachronique est exploré principalement par les articles de Douglas Lightfoot, de Javier E. Díaz Vera et de Metka Furlan. D. Lightfoot examine la perti­nence de la notion d’affixoide et evalue la « suffixoidité » de l’élément germanique « -mann ». J. E. Díaz Vera décrit la lexicalisation, voire la grammaticalisation des verbes causatifs en ancien anglais. Metka Furlan se penche sur une relation « morpho­logique » archaique rattachant le nom protoslave pol’e a l’adjectif hittite palhi-. Autour du dernier axe se réunissent les contributions qui examinent la frontiere entre la morphologie et les disciplines linguistiques voisines, telles que la phonologie ou la syntaxe. Marc Plénat étudie en détail les contraintes morphologiques, syn-taxiques et phonologiques pesant sur la liaison de l’adjectif au masculin singulier sur le nom en français. Janez Orešnik, fondateur de l’école ljubljanaise de la syntaxe natu­relle, explore le comportement morphologique de l’impératif dans une perspective uni-verselle. Mojca Schlamberger Brezar propose une étude contrastive, a partir des don-nées tirées de corpus monolingues et paralleles, de la grammaticalisation du gérondif et du participe en français et en slovene. L’article de Gašper Ilc applique la notion de « cycle de Jespersen » a la négation dans le slovene standard et dans les dialectes pan-noniens. Mojca Smolej propose une étude fouillée de l’émergence des articles défini et indéfini dans le slovene parlé spontané. Gregor Perko Université de Ljubljana 4