ANNALES • Ser. hist, sociol. • 12 • 2002 • 2 original scientific paper UDC 7.046(497.4/.5 Istra) recevant: 2002-06-28 A PROPOS DES FRESQUES DE HRASTOVLJE - NOTES SUR LE PROGRAMME ICONOGRAPHIQUE Jean Louis SCHEFER FR-75007 Paris, 32, rue de Varenne e-mail: jean-louis.schefer.@wanadoo.fr SYNTHÈSE Sans pouvoir exactement parler de syncrétisme religieux ou cultuel, l'état, au moins, des figurations articulées dans les programmes des différentes églises d'istrie citées dans cet article, révèle, de façon frappante, des partages d'influences occidentales et orientales et des confluences de sources iconographiques (des mélanges de traditions) qui font toute l'originalité des églises de la région, et peut-être même de sa théologie. De toute évidence, (comme je pense l'avoir montré a propos des dites "natures mortes" de Hrastovlje), la dévotion eucharistique y est de première importance; l'influence hellénistique (et byzantine) n'y est pas sensible dans le style mais dans la transmission de quelques thèmes. Mots clef: Istrie, programme iconographique, rituel, réalisme/stéréotype, syncrétisme, eucharistie, orthodoxie, rois mages, saint Georges A PROPOSITO DEGLI AFFRESCHI DI CRISTOGLIE - NOTIZIE SUL PROGRAMMA ICONOGRAFICO SiNTESi Senza dover in particolare parlare del sincretismo religioso di culto, lo stato, almeno delle figurazioni articolate, nei programmi delle diverse chiese dell'istria citate in questo contributo, rivela in un modo sorprendente il retaggio delle influenze occidentali e orientali e delle confluenze delle origini iconografiche (un misto di tradizioni) che rappresentano l'originalita delle chiese di questa regione e probabilmente pure una sua teologia. Sembra evidente, come si cerchera di dimostrare a proposito delle cosiddette "nature morte" di Cristoglie, che la devozione eucaristica sia estremamente importante. L'influenza ellenista e bizantina non si fa sentire nello stile ma nella trasmissione di alcuni temi. Parole chiave: Istria, programma iconografico, rituali, realismo/stereotipi, sincretismo, eucaristia, ortodossia, re magi, san Giorgio 255 ANNALES • Ser. hist. sociol. • 12 • 2002 • 2 Jean Louis SCHEFER: A PROPOS DES FRESQUES DE HRASTOVLJE - NOTES SUR LE PROGRAMME ICONOGRAPHIQUE, 255-268 Ces quelques lignes sont une ébauche, sans plan arrêté, d'une étude à venir sur le programme iconographique de quelques églises d'Istrie, évidemment rapproché du programme développé dans les fresques de l'église de Hrastovlje. Les notes prises sur place, les travaux consultés (essentiellement Janez Hofler sur Hrastovlje, B. Fucic sur Beram et les traits de style des frères von Kastov, l'indispensable synthèse de Darko Darovec sur l'histoire de l'Istrie), m'ont convaincu de la richesse, de l'originalité et de la complexité des peintures murales des églises visitées. Le charme extraordinaire de l'église de Hrastovlje est celui d'un monde clos, offrant et conservant une histoire et des motifs de piété, un programme d'enseignement et d'édification religieuse. Histoire du monde, des premiers hommes, du Christ et de la Vierge, figures de saints intercesseurs, instruments du Salut et de la Rédemption, rappel de la condition humaine. Tel est en bref le programme rappelé sur les murs de cette charmante église. Une des curiosité des peintures est présentée par la suite de médaillons peints sur la voûte des deux nefs latérales, figurant les travaux caractéristiques des mois de l'année. M. Janez Hofler a montré la parenté de ces ornements avec les gravures du Calendrier D'Augs-bourg; on peut étendre cette comparaison aux gravures populaires très en vogue dans les Calendriers des Bergers et, plus encore, à la tradition romane des calendriers des cathédrales, sculptés en médaillons ou en chapiteaux durant les XIIe et XlIIe siècles; pour des raisons d'économie propres au type de construction de l'église, ces médaillons peints occupent la place traditionnellement dévolue aux médaillons sculptés en clefs de voûte. Cette intégration du temps humain dans le temps sacré est sans doute l'un des charmes de Hrastovlje; la lecture de ce calendrier fait un rappel assez clair du beau panneau de la voûte de la nef principale consacré au travaux d'Adam et Eve, il trouve un écho dans le registre inférieur du voyage des rois mages présentant des scènes de chasse, un écho plus dramatique dans le déroulement de la Danse des morts. Il ne faudrait pas conclure, comme on a eu tendance à le faire, que de telles scènes sont des témoignages de la vie paysanne: elles correspondent à des modèles fixes, assez stéréotypés, répandus pendant quelques siècles en Europe; ces images insèrent simplement le temps des hommes dans le temps liturgique. Il en va de même des deux "natures mortes" peintes sur les sections de voûtes formant pilastres qui encadrent l'autel de la trinité: la solennité de cet emplacement exclut bien évidemment tout tableau naturaliste ou réaliste; la présentation d' objets ou d'instruments d'usage quotidien ne peut avoir de sens que par rapport à la liturgie L'abondance des peintures, la vivacité des couleurs, la variété des sujets traités peuvent égarer un moment le visiteur. Voilà, par exemple, un façon inhabituelle de peindre à fresques des églises de rite latin. La richesse ornementale ne peut être comparée qu'à celle des fresques byzantines ne laissant pas subsister de vide sur les murs. Cette comparaison toute extérieure aux sujets et au style même, pose néanmoins un problème dans le développement des programmes iconographiques de Hrastovlje et des églises (ou chapelles) d'Istrie contemporaines (fin XVe). Comparé aux églises de Zanigrad (St Stephan), de Beram (Ste Marie), de Dragus (St Roch), Hrastovlje présente, de loin, le programme le plus complet. J'évoquerai néanmoins les parties communes dans l'iconographie de ces différentes "chapelles". L'extrême variété de sujets, de types de composition, de tons et même de styles, surtout caractéristique des fresques de Hrastovlje, remplit manifestement une fonction: maintenir l'attention et soutenir l'intérêt des fidèles. Le dispositif n'est désordonné ou touffu qu'à première vue: le passage des figures en mouvement aux portraits est très subtilement ménagé, grâce notamment à la très longue fresque du voyage des mages (qui part, dès l'entrée, du palais d'Hérode, s'achève par une scène d'adoration de l'enfant Dieu présenté par la Vierge, et aboutit, autour de l'autel mis sous la dédicace de ces saints pèlerins, aux portraits des trois rois entourés des saints Côme et Damien - tous portent des flacons de parfums, d'onguents et des pharmacopées); de la même façon le lent mouvement de la passion du Christ sur le mur opposé s'achève, près de l'autel de la Vierge, par un tableau de l'ascension, précédé de deux cadres très endommagés, où l'on peut encore deviner, après la résurrection, une "véronique" (un portrait), et un Noli me tangere. Cette histoire de la Passion est soulignée en sens inverse (de l'autel vers la sortie) par la longue procession de la Danse macabre. L'articulation en sens inverse des deux registres narratifs est très clairement lisible dans son sens mystique. La procession des mages est de même orientée comme la vie du Christ, comme l'histoire d'Adam et Eve. Il n'est sans doute pas à exclure que ces orientations de lecture des panneaux narratifs ou historiés (présents de façon comparable dans toutes les chapelles citées ici) ne témoignent d'une forme rituelle particulière, en tout cas conservatrice d'une forme liturgique (encore proche du De ecclesiasticis officiis, d'Amalaire de Metz), resté en faveur surtout dans l'Eglise orthodoxe, pour lequel la messe est articulée comme un mémorial de la vie et de la passion du Christ. Plusieurs éléments montrent un état de conservation des figurations et des formes rituelles (vraisemblablement paléoslaves) qui donne tout à fait l'idée d'une religion d'Istrie offrant tous les caractères d'un syncrétisme latin-byzantin. Une telle déduction est sans doute hâtive, mais à la seule considération des programmes iconographiques, très savamment mis au point dans ces églises, on ne peut que constater l'emploi tardif de plusieurs formules iconographiques (nous sommes 256 ANNALES • Ser. hist. sociol. • 12 • 2002 • 2 Jean Louis SCHEFER: A PROPOS DES FRESQUES DE HRASTOVLJE - NOTES SUR LE PROGRAMME ICONOGRAPHIQUE, 255-268 Fig. 1: Pilier de gauche des "natures mortes" (photo: D. Podgornik). SI. 1: Levi steber s "tihožitjem" (foto: D. Podgornik). dans tous les cas cités à la fin du Quattrocento) abandonnées par l'Eglise latine des le XII et Xllle siècles et maintenues seulement dans l'iconographie byzantine. Ceci est surtout évident par rapport à l'Europe du Nord, le remploi de certaines formules en Italie est peu significatif: le prolongement de thèmes comme ceux du voyage des mages ou de saint Georges, depuis Duccio jusqu'à Pisanello, est très lié à une série de rélaboration de la "manière grecque" et de thèmes exposés par les monuments; l'Italie s'est beaucoup moins départie de la présence byzantine que le reste de l'Europe. L'autel des rois mages est certainement un reste, ou une adaptation importante d'un tel style de présentation des figures. Les douze apôtres occupant l'abside qui abrite l'autel principal peuvent être vus comme une survivance d'un emploi roman, alors uniquement conservé dans l'art byzantin. L'aspect "rustique" de ces apôtres (qui semblent des portraits de jeunes paysannes) ne doit pas faire illusion de réalisme: c'est un cas typique d'isoképhalie à la manière orthodoxe, chaque apôtre n'est distingué (comme dans le Manuel du peintre du mont Athosj, que par un attribut caractéristique de sa mission ou de son martyre. Il faudrait réserver un développement à part aux deux fameuses "natures mortes" encadrant l'autel principal, sur la base de deux sections de voûte formant pilastres et séparant cet autel de la Trinité de celui des mages, à gauche, et de celui de la Vierge à droite. Ces natures mortes, interprétées comme telles, offriraient un cas unique dans toute l'iconographie chrétienne; et, il faut bien en convenir, une espèce d'absurdité dans un programme aussi cohérent: les "décorations" ne sont jamais que des variations de rinceaux, et dans le cas de nos églises, des jeux de cadres agençant des contrastes de couleurs ou des effets de relief par le moyen de parties de figures sortant des cadres. De tels "accidents" de figures sont très soigneusement employés, surtout à Beram, dans l'étonnante scène de l'arrestation du Christ. Nos dites "natures mortes" occupent une place symbolique très importante: entre l'autel des rois mages 257 ANNALES • Ser. hist. sociol. • 12 • 2002 • 2 Jean Louis SCHEFER: A PROPOS DES FRESQUES DE HRASTOVLJE - NOTES SUR LE PROGRAMME ICONOGRAPHIQUE, 255-268 (les saints pèlerins composent, avec Côme et Damien, à la fois un groupe de donateurs et de médecins) et l'autel consacré à la Vierge (surmonté d'une partie de l'Annonciation: la Vierge assise sur un trône, selon la formule grecque et byzantine, exploitée également avec la formule syrienne qui la représente debout, dans l'art carolingien et roman, reçoit l'annonce de sa conception du corps du Christ). Nous avons ici toute une déclinaison, encadrant l'autel, couvert sur sa voûte par une représentation de la Trinité (Dieu le père, assis en gloire, tient son fils en croix) et une déclinaison progressive du corps du Christ, depuis sa figure trinitaire, l'annonce de son incarnation, jusqu'à l'emplacement de perpétuation de son sacrement ou de commémoration de son sacrifice (l'autel); les extrémités des deux murs aboutissant aux autels encadrent encore l'emplacement sacré du tombeau symbolique (l'autel) par l'image de l'adoration du Christ enfant par les mages, à gauche, et celle de la résurrection et de l'ascension, à droite (à laquelle étaient jointes les figures mystique du Noli me tangere, forme du corps mystique, et de la Véronique, portrait imprimé au cours de la Passion). Il est clair que cette déclinaison du corps du Christ aboutit à une représentation de la matérialité du sacrement, c'est-à-dire du pain et du vin qui sont convertis, transsubstantiés, changés realiter, en le corps et le sang du Seigneur. Ceci me semble très significatif et sans doute révélateur des formes rituelles conservées en Istrie et en haute Carniole. Les emplacements réservés à la représentation de deux fragments de pain, posés sur une patène présentée sur une nappe et flanquée d'un flacon, à gauche, puis d'un pain brut et d'une cruche à droite, sont mis sous le patronage, à gauche, de saint Laurent (martyrisé pour n'avoir pas voulu livrer les trésors de son église) et de saint Etienne, à droite, premier martyr, lapidé par les Juifs (présenté traditionnellement, avec sur son crâne une pierre de sa lapidation représentée sous forme de pain). Fig. 2: Pilier de droite des "natures mortes" (photo: D. Podgornik). SI. 2: Desni steber s "tihožitjem" (foto: D. Podgornik). 258 ANNALES • Ser. hist. sociol. • 12 • 2002 • 2 Jean Louis SCHEFER: A PROPOS DES FRESQUES DE HRASTOVLJE - NOTES SUR LE PROGRAMME ICONOGRAPHIQUE, 255-268 Fig. 3: Autel des Rois Mages (photo: D. Podgornik). SI. 3: Oltar s Tremi kralji (foto: D. Podgornik). Ce "détail" achève de façon significative l'ensemble, extrêmement cohérent, du programme iconographique de cette église; il pose, en outre, un problème d'interprétation. On sait que la forme de la consécration eucharistique a connu une évolution par paliers depuis le IXe siècle (depuis le traité de Paschase Radbert, De corpore et sanguine Domini, qui constitue la première étape dans la formulation du dogme de la présence réelle), qu'elle a été une des cause du schisme d'Orient (c'est-à-dire de la séparation des Eglises grecque et latine); l'évolution dogmatique se suit jusqu'au concile de Latran IV (1215) et à la rédaction de la tertia pars (traité du sacrement) de la Somme de saint Thomas d'Aquin (avant 1275); recommandation, parfois autoritaire, est faite aux Latins de consacrer du pain azyme, et non du pain levé selon la pratique des Byzantins. Le Concile de Florence (en 1439) revient, sans effets sensibles, sur cette interdiction. D'autre part la tradition ancienne de consacrer à l'autel une partie du pain offert par les fidèles (le reste non consacré constituant le pain béni distribué hors de l'espace sacré, surtout après la messe, notamment à ceux qui n'ont pas la capacité de communier, comme les enfants que ce premier pain initie à la pratique du sacrement), cette tradition est très tôt abandonnée par l'Eglise latine qui confie la fabrication des hosties à de véritables laboratoires situés dans les monastères d'hommes puis de femmes (description très détaillée dans Guillaume de Hirsau, Constitutiones Hiraugienses, liber De Sacramentis, vers 1071 ): l'argument y est clairement démontré: le pain qui deviendra le corps du Christ est déjà "sacré", il ne peut être un pain d'usage domestique. La représentation des offrandes de pain et de vin et celle des espèces consacrées pose évidemment un problème sur l'histoire ou les traditions rituelles dans la région; signe, sans doute, d'une conservation de formes rituelles procédant encore, à la fin du quattrocento, des anciens sacramentaires; indice, peut-être, d'une autonomie des rituels régionaux, encore sous l'influence 259 ANNALES • Ser. hist. sociol. • 12 • 2002 • 2 Jean Louis SCHEFER: A PROPOS DES FRESQUES DE HRASTOVLJE - NOTES SUR LE PROGRAMME ICONOGRAPHIQUE, 255-268 du patriarcat d'Aquilée, malgré une reprise en main de l'Eglise de la région sous le pontificat de Pie II. On ne peut que s'interroger sur l'allure générale des programmes iconographiques des églises régionales, minutieux, cohérents (on sait que les peintres n'avaient aucune liberté d'interprétation des sujets traités) et sur ce qui apparaît d'un partage d'influence entre des thèmes désormais conservés uniquement par la tradition byzantine, le mélange de types thématiques d'origine hellénistiques et syriennes (comme le voyage des rois mages), les représentations typiquement hellénistiques de l'Annonciation (la vierge assise sur un trône) cependant acclimatée dans le gothique rhénan et conservée dans l'art byzantin; la présence dans toutes les églises citées d'un panneau présentant le portrait du Christ sur la Véronique (concession cultuelle accordée par Rome en 1216 et objet, vers le milieu du Quattrocento, de véritables représentations publiques, au fond théâtrales, de dévoilement ou d'apparition du visage du Sauveur); les témoignages de ce culte d'adoration montrent un lien explicite (surtout dans la petite chapelle Saint Roch de Dragus) avec les représentations eucharistiques. Forme de compromis, il ne s'agit pas d'une icône, c'est-à-dire d'un équivalent du mandylion byzantin dérivant du portrait du Christ donné au roi Abgar; il s'agit pourtant d'une image achiropiite dont l'origine apocryphe avait été largement et minutieusement commentée dans les libri carolini, à la suite du Concile de Francfort en 794 ("il n'existe selon les Evangiles qu'une seule Véronique, c'est Bérénikè, la femme hémorroïsse, guérie de son flot de sang par l'attouchement du manteau du Christ: il n'est nulle part fait mention d'un portrait"); cette condamnation de l'image de la part des Carolingiens répondant à Nicée II a été diversement tournée: d'abord par l'envoi fait à Rome par l'empereur de Byzance d'une "Véronique", intégrée comme objet pieux mais non cultuel puis par l'interpolation assez tardive de la scène de la Véronique dans les chemins de croix. Nous verrons que ces "portraits sur toile", dans les deux exemplaires bien Fig. 4: Voyage des Mages - adoration des Mages (photo: D. Podgornik). SI. 4: Pohod in poklon Treh kraljev (foto: D. Podgornik). 260 ANNALES • Ser. hist. sociol. • 12 • 2002 • 2 Jean Louis SCHEFER: A PROPOS DES FRESQUES DE HRASTOVLJE - NOTES SUR LE PROGRAMME ICONOGRAPHIQUE, 255-268 Fig. 5: Dieu dans la mandorle (voûte: 1er tableau de la création du monde) (photo: D. Podgornik). SI. 5: Bog v mandorli (obok: prva slika o stvarjenju sveta) (foto: D. Podgornik). conservés de Beram et de Dragus sont de facture similaire et répondent à modèle tardivement fixée dans la littérature hellénistique. L'insertion des représentations d'offrandes et d'espèces consacrées qui leur font pendant, dans le programme iconographique de Hrastovlje, pose au moins deux questions. Tout d'abord celle de la persistance d'une consécration eucharistique du pain levé (dont l'usage est essentiellement byzantin) et celle encore d'une communion sous les deux espèces: le flacon posé à côté de la patène est typiquement une bouteille eucharistique, l'une des formes, avec la cuillère et le bol, de communion au sang du Christ, dont il existe des figurations même tardives dans l'iconographie orthodoxe (Communion des apôtres, partie de droite, Moscou fin XVIe, icône de la collection Abou Adul, Skira-Flammarion, 1993, n" 104). On a vu que ces deux représentations d'offrandes et d'espèces consacrées s'inséraient au niveau inférieur d'un paradigme complexe et parfaitement articulé de l'Incarnation, de sa mission évoquée dans l'image de la Trinité, de son annonciation, de sa réalisation dans la nativité et de son achèvement dans la vie du Christ, sa Passion (le Christ y est successivement prêtre et hostie), sa résurrection et son ascension. Etant donné la configuration de l'église, long rectangle dépourvu de niche, l'emplacement de cette représentation du dépôt d'offrande correspondrait techniquement ou liturgiquement au "proskomidion" byzantin (niche située à gauche du sanctuaire, réservée au dépôt et à la préparation des offrandes); il n'est pas impossible que le solennel autel des mages (c'est-à-dire des premiers porteurs d'offrandes au Christ incarné) n'ait joué ce rôle. On se rappelle qu'un très intéressant "proskomidion" est placé, dans l'église de la Vierge de Studenica dans une niche gauche de l'exo narthex: cet emplacement dévolu aux offrandes est signalé par une représentation eucharistique montrant l'enfant Jésus langé, couché dans un large calice qui lui sert de berceau. On sait l'enjeu d'une telle représentation chez les orthodoxes slaves et, généralement, dans la région 261 ANNALES • Ser. hist. sociol. • 12 • 2002 • 2 Jean Louis SCHEFER: A PROPOS DES FRESQUES DE HRASTOVLJE - NOTES SUR LE PROGRAMME ICONOGRAPHIQUE, 255-268 Fig. 6 Arrestation du Christ (l'oreille coupée) (photo: P. Trinajstič - Z. Lukovič). SI. 6: fudežev poljub ( odrezano uho) (foto: P. Trinajstič - Z. Lukovič). au sens large et l'importance d'une interprétation pertinente de ces figures avec l'ensemble du programme des peintures: non seulement argumenter sur le dogme de la présence réelle dont la promotion dogmatique appartient majoritairement à la théologie de l'Eglise latine, mais aussi rappeler la réalité de l'Incarnation, grand souci orthodoxe, dont les images achiropiites ont été utilisées comme "preuves" et dont le dogme a été fortement ébranlé, à la fin du moyen âge par une résurgence d'arianisme. On conviendra, je l'espère, qu'il n'existe aucune raison à l'introduction d'un détail naturaliste, telles des natures mortes (dont la représentation eut été pour le moins sacrilège) à un emplacement aussi sacré. Sans pouvoir exactement parler de syncrétisme religieux ou cultuel, l'état au moins des figurations articulées dans les programmes des différentes églises citées révèle, de façon frappante, des partages d'influences occidentales et orientales et des confluences de sources icono- graphiques (des mélanges de traditions) qui font toute l'originalité des églises de la région, et peut-être même de sa théologie. De toute évidence, la dévotion eucharistique y est de première importance, l'influence hellénistique (et byzantine) n'y est pas sensible dans le style mais dans la transmission de quelques thèmes. Mais il y a davantage; je ne puis cependant, dans le cadre de cet article, qu'évoquer quelques points qu'il faudrait développer ultérieurement, en étendant notamment la comparaison des programmes iconographiques j un grand nombre d'églises d'Istrie. La Véronique (ou la Sainte Face) tout j l'heure évoquée et dont le percement d'une fenêtre ne laisse plus que deviner l'emplacement et le haut du linge j Hrastovlje, est bien lisible dans les églises de Beram et dans la chapelle Saint Roch de Dragus. Son emplacement est dans tous les cas hautement symbolique: j Beram, sur la face inférieure du linteau du petit porche; formant un dais sous lequel le fidèle passe en pénétrant 262 ANNALES • Ser. hist. sociol. • 12 • 2002 • 2 Jean Louis SCHEFER: A PROPOS DES FRESQUES DE HRASTOVLJE - NOTES SUR LE PROGRAMME ICONOGRAPHIQUE, 255-268 Fig. 7 Voyage de Rois Mages (photo: N. Zajc). SI. 7: Pohod Treh kraljev (foto: N. Zajc). dans l'église. Celle de Drague, placée sur la paroi de gauche, après le voyage et l'adoration des mages (et correspondant au schéma général de la succession des scènes animées suivies de portraits près de l'autel) est d'un intérêt particulier: ce panneau encadré est constitué de trois registres composant là encore, avec une économie de place dans cette minuscule chapelle, un paradigme eucharistique: le visage du Christ sur le linge surmonte un calice surmonté d'une hostie portant le filigrane de la crucifixion: le Christ en croix entouré de la Vierge et de saint Jean; le registre inférieur présente un plat creux empli de poissons et encadré par deux flacons de verre, dont l'un permet de deviner le niveau du liquide: il s'agit très probablement des burettes contenant l'eau et le vin mêlés au cours du sacrifice de l'autel. Les poissons renvoient sans équivoque (en dehors de l'allusion à leur multiplication avec celle des pains après le Sermon sur la montagne, forme première d'une annonce de l'eucharistie) à un emploi paléochrétien du poisson, sous son nom grec "ichthus", monogramme désignant le Christ: /ésous Christos Théou 8ios Sauter (Jésus Christ Fils de Dieu, Sauveur). Incontestablement, le portrait du Christ est objet d'adoration en complément de la vénération et de la dévotion pour le sacrement de son corps, et dont la théologie latine, en particulier, a toujours pris soin de signaler que l'hostie ne constituait pas un portrait. Figure de compromis, mais plutôt avec les exigences d'une piété populaire qu'avec les deux traditions latine et byzantine, cette figure du Christ est exécutée selon des prescriptions assez tardives. Les Pères, Irénée, Origène dans sa réfutation de Celse, Clément d'Alexandrie répètent à l'envi la formule "homo indecorus et passibilis" touchant la figure du Christ. Cyrille d'Alexandrie de même: la beauté du Christ doit s'entendre de la beauté de son âme; Tertullien lui attribue le même caractère "vultus et aspectu ingloriosus" et comment, ajoute-t-il, (De carne Christi) lui aurait-on craché au visage si son aspect avait été imposant? Le portrait imaginé par Nicéphore Xanthopoulos (12561335) dans son Histoire ecclésiastique a fait fortune: il propose un portrait vivant, aux traits composites (reprenant une partie de la typification byzantine), des couleurs, une expression. A vrai dire le portrait figé des Byzantins trouve ici un contrepoint, et ce portrait un essor particulier au moment d'une diffusion de la Véronique en Europe latine. Je cite cette étonnante page de Nicéphore (Histoire ecclésiastique, livre II, chap. XLIII): "il était très beau de visage et sa hauteur était de sept sphitames (sept pieds); ses cheveux tiraient sur le blond, n'étant pas fort épais, mais un peu frisés ou crépus; ses sourcils étaient noirs et ne formaient pas exactement le demi-cercle. Il avait les yeux grands, vifs et tirant sur le jaune; le nez long, la barbe noire et assez courte; mais il portait les cheveux longs; car le ciseau ne passa jamais sur sa tête, et nulle main d'homme ne la toucha, sinon celle de la Vierge sa mère, quand il était encore enfant (...) son teint était à peu près de la couleur du froment; son visage ni rond ni en pointe: mais il était, comme celui de sa mère, un peu allongé et assez vermeil". Deux éléments font défaut dans l'examen (pour 263 ANNALES • Ser. hist. sociol. • 12 • 2002 • 2 Jean Louis SCHEFER: A PROPOS DES FRESQUES DE HRASTOVLJE - NOTES SUR LE PROGRAMME ICONOGRAPHIQUE, 255-268 Fig. 8: L'eucharistie - la Sainte Face "Christus", le calice surmonté de l'hostie, plat empli de poissons "tchtus" entouré de deux bouteilles (burettes) (photo: N. Zajc). Sl. 8: Evharistija - sv. Obličje, kupa s hostijo, krožnik z ribami in steklenici (foto: N. Zajc). l'instant très rapide) de ces programmes: les cas de portraits de saints, objets d'une vénération comme autorités théologiques (tels les saints Jérôme, Augustin, Grégoire le grand; et les prophètes); les saintes Catherine, Barbe et Apolline; enfin les deux saints qui sont des figures des maladies alors endémiques et dont l'intercession est censée prémunir contre la peste, saints Roch et Sébastien. L'usage, en quelque sorte apotro-païque, de la figure de Sébastien est des plus curieuse; enregistrée par la Légende dorée, elle semble procéder 264 ANNALES • Ser. hist. sociol. • 12 • 2002 • 2 Jean Louis SCHEFER: A PROPOS DES FRESQUES DE HRASTOVLJE - NOTES SUR LE PROGRAMME ICONOGRAPHIQUE, 255-268 d'un fonds mythique extrêmement ancien: au début de l'Iliade, les flèches tirés par Phoebos Apollon répandent la peste parmi les Achéens, décimant les hommes et les troupeaux. Cette figure, et surtout son usage, fait un mixte extraordinaire entre le martyr chrétien et le fléau qui précède la guerre de Troie. La figure, omniprésente dans tous ces lieux de culte, de saint Georges terrassant le dragon poserait sans doute, à une analyse plus longue, un cas très intéressant. Cette figure est très en faveur dans l'iconographie et la piété byzantine, surtout depuis le triomphe de l'orthodoxie. La figure de saint Georges a fait partie de la propagande iconodule: et la "dragon" y a été explicitement désigné comme l'empereur iconomaque au moment de la crise; le dragon désigne non pas tant le démon que le principe hérétique qui,lui, est taxé de démoniaque. Nous sommes ici, chronologiquement dans l'après-coup de la prise de Constantinople par Mehemet II, et dans le souvenir très récent des entreprises de Mathias Corvin contre les Turcs, appuyées par le Vatican et l'Autriche. On se rappelle qu'après la prise de Constantinople l'empire byzantin s'est reconstitué partiellement avec pour capitale Trébizonde. Les panneaux consacrés à saint Georges dans ces églises, même les plus modestes, comme la chapelle de Zanigrad, accordent une place d'honneur au saint défenseur de la chrétienté: on y distingue toujours très clairement, derrière le saint terrassant le dragon, la ville de Trébizonde, et la princesse tenant le monstre en laisse avec sa ceinture. A titre d'hypothèse, je noterais que l'introduction très importante, et régulière, de ce thème dans la région pourrait indiquer, pour le moins une zone de contact avec l'orthodoxie, en tout cas un intérêt commun aux deux Eglises latine et grecque devant les entreprises du Turc dans la région. Enfin, et cette seconde hypothèse complémentaire n'est sans doute pas à négliger: notre période, fin XVe, est celle d'une emprise des Habsbourg sur la région, alors sous le règne de l'empereur germanique Frédéric III; sans doute est-il utile de rappeler que, depuis Frédéric II, les chevaliers allemands qui parcourent l'empire, ont dans tous les lieux de culte, et chapelles de pèlerinage de l'empire, y compris dans sa partie méridionale, des lieux ou des emplacements réservés à saint Georges, leur saint patron. Il n'est d'ailleurs par à exclure que la figure du saint ait pu servir simultanément les deux types de vénération. Fig. 9: St. George (photo: P. Trinajstic - Z. Lukovic). SI. 9: Sv. Jurij (foto: P. Trinajstic - Z. Lukovic). 265 ANNALES • Ser. hist. sociol. • 12 • 2002 • 2 Jean Louis SCHEFER: A PROPOS DES FRESQUES DE HRASTOVLJE - NOTES SUR LE PROGRAMME ICONOGRAPHIQUE, 255-268 Fig. 10: Ste Face (linteau de l'entrée) (photo: N. Gattin). SI. 10: Veronikin prt (foto: N. Gattin). Il reste deux thèmes d'importance très largement traités dans ces programmes et qui dénotent une variation de style d'une extraordinaire amplitude. Ce sont le voyage et l'adoration des mages, qui occupe la presque intégralité de la paroi gauche des églises. Je n'ai pas ici la place d'en traiter à fond. Notons cependant que ce thème revêt dans la région une importance à peu près unique, qu'il constitue, sous forme d"'histoire" une progression vers l'autel, l'adoration de la figure du Christ et de son sacrement. Une particularité est celle de la Vierge recevant les mages dans l'étable mais assise sur un trône, à la manière byzantine; elle ne leur présente cependant par l'icône du Christ mais l'enfant vivant; elle est enfin posée de trois quart, c'est-à-dire entre la position de la Vierge carolingienne et romane, de profil, et la Vierge byzantine, assise de face. Le voyage des mages commence au palais d'Hérode; illustration d'un mélange, déjà courant à l'époque romane entre les deux sources hellénistique et syrienne. Reste un trait assez notable qui est l'allure de cette longue fresque des mages et ceci dans toutes les églises que j'ai pu visiter. Le style, ou les apparentements de style, malgré les efforts d'harmonisation des peintres, dénotent régulièrement une manière italienne dans les premiers plans, les fond de paysage, les collines coiffées de citadelles, les chevaux, détails de vêtements; on y décèle, il est vrai, notamment sur les figures de paysans occupant les premiers plans des compromis avec la manière rhénane, assez caractéristiques, comme il a été noté par B. Fucic, de quelques scènes de la vie du Christ, notamment à Beram. Pour conclure ces notes brèves, et toutes provisoires, sur les chapelles d'Istrie et l'église de Hrastovlje, j'évoquerai, comme pierre d'attente, la place importante accordée à la Danse macabre; là non plus je ne puis traiter du style proprement dit. La diffusion de ce thème dans la chrétienté latine est contemporaine de l'édification et de l'ornementation des églises mentionnées. La singularité tient sans doute à la perfection de ces sarabandes funèbres, très détaillées, soignées, admirablement mises en scène par un fond monochrome, bleu à Hrastovlje, rouge à Beram. Contrairement aux longs panneaux déroulant l'histoire des rois mages, qui peuvent montrer des apparentements avec la manière italienne (qui vont de Simone Martini, jusqu' à Uccello et Pisanello), les danses macabres s'apparentent manifestement avec la manière rhénane qui, semble-t-il, aurait été dans ce cas la source thématique. Notons enfin que le thème de la danse des morts est un thème alors récent. Après le Dit des trois morts et des trois vifs, illustré par des fresques italiennes au XlIIe siècle, c'est sans doute un texte français dû à Jean Le Fevre, autour de 1375, "Je dis de Macabré la Danse" qui inaugure l'invention du thème et sa diffusion en Europe. Il est remarquable que la diffusion de ce thème n'intéresse que le nord de l'Europe. La préfiguration de ce thème 266 ANNALES • Ser. hist. sociol. • 12 • 2002 • 2 Jean Louis SCHEFER: A PROPOS DES FRESQUES DE HRASTOVLJE - NOTES SUR LE PROGRAMME ICONOGRAPHIQUE, 255-268 dans les "Vers de la mort", au milieu du XIVe montraient déjà ces processions par ordre hiérarchique o~ un mort conduisait un vivant à la tombe. Le renouveau du thème, évidemment lié aux ravages de la peste, va néanmoins occuper la seconde moitié du XVe selon qu'en témoignent de nombreuses fresques et dont subsistent surtout la danse macabre de Kermaria en Bretagne (1440), celle de La Chaise-Dieu, en Auverg-ne(1460) qui constitue le point le plus méridional de ces représentations en France. D'autres lieux de la danse macabre étaient situés en haute et basse Normandie, dans le Poitou, en Bourgogne. La diffusion du thème dans sa reprise française s'est faite très rapidement, vers 1430, en Angleterre et en Ecosse; pour notre objet, le modèle français passe en Rhénanie, renouvelle le vieux thème allemand, s'étend à Mayence, Heidelberg, Munich et gagne le sud des pays germaniques. Les danses macabres de Klein Basel et de Gross Basel en Suisse (datées des mêmes années, 1440) diffuseront durablement ce modèle en Helvetie. La diffusion par les gravures, surtout xylographiées, a incontestablement contribué à populariser ce thème et à le stéréotyper. Nous nous trouvons avec les représentations d'Istrie, parmi les plus parfaites, au point le plus méridional de diffusion du thème et encore très proche de sa date d'émission. Il serait d'un certain intérêt, à partir des remarques précédentes, de pouvoir travailler sur la répartition des thèmes entrant dans la composition des programmes iconographiques de ces églises, dont j'espère avoir montré la cohérence; et telle en effet qu'elle exclut les détails anecdotiques. Je dois avouer que ma curiosité a tout d'abord été éveillé par les dites "natures mortes" de Hrastovlje. Il me semblait utile d'insister sur la cohérence des programmes iconographiques mis en oeuvre dans ces églises, d'indiquer au moins les liaisons et les effets de symétrie; de pointer provisoirement un problème des sources de quelques thèmes et de laisser ouverte, jusqu'à plus ample informé, la question assez délicate (sa résolution apparient en grande partie à l'historien) de l'existence ou du témoignage d'un véritable syncrétisme religieux ou cultuel dans la région. Fig. 11: La communion des apotres (partie droite), Moscou, fin XVIe, Collection Abou Adul; ed. Skira-Flammarion 1993, page 104 catalogue. Sl. 11: Obhajilo apostolov (desna stran), Moskva, konec 16. stol, zbirka Abou Adul; zal. Skira-Flammarion 1993, str. 103 v katalogu. 267 ANNALES • Ser. hist. sociol. • 12 • 2002 • 2 Jean Louis SCHEFER: A PROPOS DES FRESQUES DE HRASTOVLJE - NOTES SUR LE PROGRAMME ICONOGRAPHIQUE, 255-268 O HRASTOVELJSKIH FRESKAH - ZAPISI OB IKONOGRAFSKEM PROGRAMU Jean Louis SCHEFER FR-75007 Paris, 32, rue de Varenne e-mail: jean-louis.schefer.@wanadoo.fr POVZETEK Pričujoči članek je oris bodoče študije ikonografskega programa nekaterih istrskih cerkva, ki se navezuje na poslikave cerkve v Hrastovljah. Zapiski z ogleda hrastovske cerkve in prispevki Janeza Hôflerja o Hrastovljah, Branka Fučiča o cerkvi v Beramu in zgodovinski oris Darka Darovca, s katerimi sem se seznanil, so me utrdili v prepričanju o bogastvu in izvirnosti ter kompleksnosti stenskih poslikav v cerkvah, ki sem jih obiskal. Izjemen čar cerkve v Hrastovljah je v njenem zaprtem svetu, ki ohranja zgodovino ter pobožne motive in ponuja poučni načrt religiozne tvorbe. Na njenih stenah so zgodovina sveta, prednikov, Kristusa in device Marije, podobe svetih priprošnjikov, instrumenti zveličanja in odrešenja in opozarjanje na človekov položaj. Ena posebnosti poslikav je v vrsti medaljonov, naslikanih na obokih stranskih ladij, ki predstavljajo značilna letna opravila. Janez Hôfler je opozoril na sorodnost teh ornamentov z grafikami Koledarja iz Augsburga. To primerjavo lahko razširimo na priljubljene grafike pastirskih koledarjev, pa tudi na rimsko tradicijo koledarjev v katedralah, vdelanih v medaljonih ali na kapitljih v 12. in 13. stoletju. Zaradi varčnosti, značilne za tovrstno gradnjo, so medaljoni poslikani na mestu, ki je tradicionalno pripadalo izklesanim medaljonom v sklepnem kamnu oboka. Zlitje človeškega in svetega časa je izjemno očarljiva značilnost hrastovske cerkve. Branje koledarja opozarja na lep pano na oboku glavne ladje, posvečen opravilom Adama in Eve, na spodnejm registru pa mu odgovarja lovska scena pohoda Treh kraljev in na bolj dramatičen način mrtvaški ples. Ob tem ne bi smeli sklepati, kot je to običaj, da te scene pričajo o kmečkem življenju. Ustrezajo namreč stalnim, precej stereotipnim modelom, ki so bili nekaj stoletij razširjeni v Evropi. Te podobe preprosto vnašajo človekov čas v liturgičnega. Podobno velja za dve "tihožitji", naslikani na spodnjem polju delilnih sten med apsidami, ki obdajata oltar. Svečana postavitev izključuje vsakršno naturalistično ali realistično sliko. Predstavitev predmetov ali vsakodnevnih pripomočkov ima smisel zgolj v odnosu do liturgije. Obilne poslikave, živahnost barv, raznolikost obravnavanih tem opazovalca kaj lahko zmedejo. Gre, na primer, tudi za nenavaden način slikanja fresk v cerkvah z latinskimi obredi. Bogastvo okrasja je mogoče primerjati z bizantinskimi freskami, kjer na zidovih ni bilo praznin. Primerjava navzlic temu postavlja vprašanje, ki zadeva razvoj ikonografskega programa cerkve v Hrastovljah in istodobnih istrskih cerkva (konec 15. stoletja). V primerjavi s cerkvami sv. Štefana v Zanigradu, sv. Marije na Skrilinah pri Beramu in sv. Roka v Draguču, predstavlja cerkev v Hrastovljah daleč najbolj popolno podobo. Ključne besede: Istra, ikonografski program, obred, realizem/stereotipi, sinkretizem, evharistija, pravoslavstvo, Trije kralji, sv. Jurij LITTÉRATURE Darovec, D. (1992): Pregled zgodovine Istre. Knjižnica Annales, 1. Koper, Znanstveno-raziskovalno središče Republike Slovenije. Fučič, B. (1992): Vincent von Kastav. Monumenta Artis Croatiae. Zagreb-Pazin, Krščanska sadašnjost - Istarsko Književno Društvo "Juraj Dobrila". Zadnikar, M. (1988): Hrastovlje. Ljubljana, Družina. 268