P i e r r e Fou с h с L A T I N AESCULUS ET ILEX ~ ELEX Le Vergl. Wb. de Walde-Pokorny I, p. 20, rattache le lat. aesculus »Steineiche« à une base *aig- et lui donne comme étymologie (avec un point d'interrogation toute- fois) *aig-seles. Sont également rattachés à *aig- le v. nord, eik, le v. sax. êk, l'agls. пс (angl. oak), le vhall. eih (all. mod. Eiche) et le gr.alyl/.oiy. De son côté, O. Schrä- der, RL, I, p. 255, ajoute les formes grecques alyavéri »der (eichene) Speer« et alylç »der (eichene) Schild des Juppiter«. Quant au lat. aesculus, il le fait provenir de *aeg-sculus. Avant de se demander ce qu'il faut penser de la base *aig-, reconnaissons qu'au point de vue morphologique *aig-selos et *aeg-sculus sont tout à fait obscurs ( >seiner Bildung nach noch gänzlich unklar«, écrit le Vergl. Wb. en parlant du pre- mier) et qu'on ne sait pas en réalité quelle est l'étymologie d 'aesculus. A cause de cela, nous nous sentirons plus à l'aise pour rapprocher ce mot latin d'un autre dont le sens est équivalent, mais qui est basque, à savoir aizkanda »chêne de petite taille« (Azkue, I, p. 275); cf. encore basque eskanda ~ ezkanda »id.« et ezkur »gland«, avec e < *ei < *ai (Azkue, I, pp. 275, 299, 301). Ce rapprochement qui ne saurait être repoussé à priori, étant donné l'existence d'un substrat pré-indoeuropéen antérieur à l'italique, pourra non seulement éclairer l'étymologie du lat. aesculus, mais encore fournir une interprétation raisonnable de la base *aig-. Or le basque se révèle comme une formation diminutive et doit probablement se décomposer en aizk-a-nda. Pour les terminaisons diminutives -a-nda, -a-nde en basque, cf. Alf. Trombetti, Origini délia lingua basca, Bologne, 1923, p. 51 et Saggio di antica onomastica rnedilerrana, dans Архив ;;a арбанаску старину, језик и етио- логију, Belgrade, III, 1926, p. 95. Les choses étant ainsi, on retrouve dans le lat. aesculus et le basque aizkanda, avec une légère variante phonétique, le même facteur commun: aisk-. Les deux mots paraissent inséparables et le basque aizk-a-nda permet déjà de dire que les étymo- logies *aig-selos et *acg-sculus ne sont pas valables. Le lat,, aesculus doit vraisem- blablement s'interpréter lui-même comme une formation diminutive: aesc-ülus. Cette interprétation est d'ailleurs conforme à la sémantique, le mot latin et le mot basque désignant l'un et l'autre une variété de chêne, relativement petite. Reste maintenant à savoir ce que représente aesc- dans le lat. aesc-ulus. A côté de aizk-a-nda (> ezk-a-nda ou esk-a-nda), le basque possède aussi une variante arizk-a-nda (Azkue, I, p. 275). Ainsi donc aizk- dans aizk-a-nda résulte de la chute d'un r intervocalique dans *arizk-. C'est donc également *arisk- > aisk- (> aesc-) qu'on peut supposer pour le lat. aesculus. D'autre part, l'a de *arizk- ~ *arisk- était-il primitivement initial? Encore une fois le basque permet de répondre à cette question. On trouve en effet dans cette langue une troisième variante haritskanda (Azkue, I, p. 66). Quel que soit son degré d'ancienneté (est-ce une forme primitive ou plutôt une réfection tardive?) ce mot nous apprend de toute façon que *arizk- ne peut être séparé de haritz (ou > haitz) «chêne >, et que par conséquent *arizk a été précédé d'un type avec h initial: *harizk-. De même pour le lat. aesc-ulus, nous supposerons *harisk-. Mais la relation qui existe entre la notion de »chêne« et celle de »pierre« est assez connue pour que nous puissions nous permettre de ne pas y insister ici. Nous nous contenterons de renvoyer au REW de Meyer-Lübke où on trouvera sous l'art. 1716: carr-, garr- »pierre« un certain nombre de formes romanes servant à désigner le »chêne«. Le basque haitz (<. haritz) »chêne« est de son côté le même mot que haitz »rocher« et se trouve apparenté avec harri »pierre«. Or au basque haitz »ro- cher« et harri »pierre« correspondent, en composition, d'autres formes avec k initial: -kaitz, -karri, qui appartiennent au groupe carr- cité plus haut. Haitz »rocher« et harri »pierre« résultent donc de formes plus anciennes commençant par une occlu- sive palato-vélaire, probablement aspirée: kh- et on peut restituer pour la période ancienne du basque des types *kliaritz »rocher« (compte tenu de la chute de r inter- vocalique devant i) ou *kharri »pierre«. S'il en est ainsi, il faut admettre à la base du basque aizk-a-nda et du latin aesc-ulus des formes *kharizk- ~ *kharisk-. Enfin, comme dans le basque haitz »rocher« ou »chêne« l'affriquée finale doit être considérée comme un suffixe et qu'à la base de ce mot il faut supposer un ancien *khar-i-, *harizk- ~ *kliarisk- ne peuvent être que des thèmes avec *khar-i- comme premier élément et le suffixe sk comme second. Pour le suffixe -sk- en basque, cf. Alf. Trombetti, Saggio, pp. 101—102. Ainsi dans le latin aesculus et le basque aizkanda c'est l'élément diphtongal qui constitue la racine, et cet élément remonte à son tour à un ancien *khar-i-. En conséquence, le groupe *aig- postulé par le Ver gl. Wh. de Walde-Pokorny pour les mots grecs et germaniques cités au début de cette étude est un t h è m e con- stitué par la diphtongue ai et un suffixe palato-vélaire. Il n'a rien de primaire. Un autre cas intéressant à étudier est celui du lat. ilex ~ itlex »chêne vert, yeuse«. Ici encore l'étymologie est à trouver. Aucune des hypothèses émises pour l'expliquer n'a reçu l'assentiment d'A. Walde; cf. Etym. Wb. d. lat. Spr., p. 18, s. v. aesculus: n lex ist nicht als *ig-slex anreihbar« —, pp. 377—8, s. v. ilex: »Herleitung: aus *eig-slex, zu aesculus (Fröhde BB VIII, 162) wird durch nichts empfohlen, durch das Vokalverhältnis widerraten«. Le Vergl. Wb. de Walde-Pokorny ne menti- onne même pas le mot. Evidemment qu'il s'agisse de *ïg-slex ou de *eig-slex, on se trouve en présence du même procédé de composition qui nous a paru incompréhensible dans *aig-seles. De plus, *ig-slex ne peut rendre compte de l'ê de èlex. En face de ilex ~ ëlex, il faut de toute nécessité admettre dans le prototype une diphtongue ci, qui serait de- venue i et dialectalement ê. Mais nous ne pensons pas que ilex ~ ëlex soient sans rapport aucun avec aesculus, pourvu à la vérité qu'on interprète ce dernier comme nous l'avons fait, c'est-à-dire par un thème *ai-sk-. Cette parenté se bornerait du reste au seul élément diphtongal. Encore faut-il noter que s'il est ai dans le cas d 'aesculus, il serait ei dans celui de ilex ~ ëlex. Quant au suffixe, on aurait ici une liquide. De la sorte, île x ~ ëlex remonteraient à un type *ei-le-ks. La difficulté est dans la diphtongue ei de :iei-le-ks qui s'oppose à la diphtongue al de *ai-sk- (dans aesculus). Elle disparaît si on songe que ai, dans *ai-sk-, résulte de l'évolution d'un ancien *khar-i- et qu'à côté de *khar-i-, avec un radical en a, il a existé une variante *ker-i- dont les continuateurs seront étudiés dans un article destiné aux Mélanges H. Chamard. Ainsi d'après nous *ei-le-ks ( > ilex ~ ëlex) pourrait bien représenter un ancien type *kher-i-le-ks. Dans ce cas, ce serait encore la notion de »pierre« qui serait à l'origine du mot. Paris (Sorbonne), août 1950. P o v z e t e k Glede nedognane etimologije lat. aesculus in ilexlêlex, ki pomenita vrsto hrasta, misli avtor, da kaže bask, aizkanda, ezkanda in ezkur na predide. substrat; e