Razprave in gradivo, Ljubljana, March 1986, No.18 Nelida Milani-Kruljac UDC 376.744(497.1=50) Paculté de Pédagogie Pula, Yugoslavia ECOLE ET BILINGUISME DANS LA REGION ISTRO-QUARNERIENHE* Le But que l'on poursuit depuis quelques années dans la région istro-quarnerienne est le développement du bilinguisme collectif, condition essentielle pour la construction d'une communauté qui ne soit pas éphémère, mais fondée sur de solides bases éthiques et civiles, enrichies par une communication interculturelle plus intense. C'est la meilleure idée directrice dans le développement des rapports entre peuples et nationalités“ de la Yougoslavie. L'étude réciproque de la langue dans l'école du peuple majoritaire et dans l'école du groupe national italien est une des conditions fondamentales dans la réalisation des postulats constitutionnels sur la parité linguistique des citoyens des territoires entre les populations du triangle régional et contribue à la connaissance réciproque et à l'acceptation des valeurs culturelles des peuples et des nationalités dans notre Pays plurinational. L'éducation à l'égalité est une indication précise de la pédagogie, qui la considère comme une valeur a conquérir au-delà de la pure donnée naturelle, une finalité éducative à rejoindre par des moyens appropriés et concrets. Située dans l'extrême nord-ouest de la Yougoslavie, en contact étroit avec des territories habités par des populations germaniques, italiennes et slaves, au carrefour de trois cultures et de trois zones linguistiques, la région istro-quarnerienne a toujours eu, dans sa longue histoire, une fonction médiatrice et de participation aux trois cultures qui se répandaient jusqu'ici à partir des centres prééminents. Selon les données de la "Storia di un esodo” (Columni, et al., 1980, p. 571), 200,000 personnes environ, pour la plupart italophones, partirent de ces terres-là, bien que le choix national ne fût pas la motivation exclusive et peut-être même fondamentale, en coupant ainsi un équilibre ethnique ancien de plusieurs siècles, soit à la suite du traité de paix de 1947 ou du Mémorandum de Londres en 1954, en provoquant un drame qui avait des origines lointaines et des implications complexes: la lutte entre bourgeoisie et prolétariat, entremêlée à la question nationale. À cause du vide crée par l'exode, l'ethnie italienne a aujourd'hui une position géographique de dispersion particulière, à peu près unique - ce qui comporte des particularités même au point de vue sociolinguistique et linguistique. C'est de là que naissent de nombreux problèmes, qui sont peut-être inconnus par d'autres communautés ethniques, homogènes sur leurs territoires. La forme de l'etablissement est un facteur de bilinguisme très important, sans tenir compte des autres facteurs qui peuvent à leur tour le renforcer ou l'affaiblir. Ici il ne s'agit pas d'iles linguistiques compactes, mais d'une péninsule linguistique avec une nationalité peu consistante, diluée dans la masse slavophone *Original: French 135 Razprave in gradivo, Ljubljana, March 1986, No.18 (Freddi, 1983, p.9). Dans une telle situation de contact il n'y a pas de frontières linguistiques bien définies ni de territoires linguistiques réciproquement exclusifs. Les gens de nationalité italienne vivent dans l'Istrie, en particulier le long de la bande côtière occidentale et méridionale de la péninsule, et dans la ville de Rijeka (Fiume). Administrativement les italiens sont inclus dans trois communes de la république de Slovénie (Koper-Capodistria, Prian-Pirano, Izola-Isola) et dans onze communes de la Croatie (Umag-Umago, Buje-Buie, Novigrad-Cittanova, Porec-Parenzo, Rovinj-Rovigno, Pula-Pola, Lain-Albona, Pazin-Pisino, Buzet-Pinguente, Opatija- Abbazia, Rijeka-Fiume). Dans une telle parcellisation territoriale ils ne jouissent pas des mêmes droits, étant incorporés dans des communes bilingues et dans des communes non- bilingues: dans les premières, les statuts imposent à tous les citoyens l'acquisition et le maintien de la condition de bilingue et c'est pourquoi l'étude de l'italien est obligatoire dans les écoles de la majorité; dans les communes, non-bilingues on applique, au contraire, le principe de la liberté d'usage de la langue, et l'étude de l'italien dans les écoles majoritaires est facultative (Milani-Kruljac, 1984, pp. 39-47). Aux phénoménes de l'exode et du mouvement démographique de la campagne vers les villes, il faut ajouter l'établissement massif des immigrés d'autres regions du Pays. La vie économique de la population (229,000 ouvriers) est fondée essentiellement sur l'industrie de constructions navales, sur les transports et l'activité commerciale ("La Voce del Popolo," 17.V.1984, p.l). L'activité rurale est devenue, en beaucoup de cas, une sorte de travail secondaire. Logiquement ces phénomènes-là réduisent les manifestations de vie typiques d'une communauté autocthone; on doit y ajouter les pièges généralisés d'une civilisation consommatrice et nivellatrice qui vont au détriment des valeurs caractéristiques, comme le patrimoine historique, les traditions, l'identité ethnique, la sauvegarde linguistique, selon un processus qui avance dans le sens de l'assimilation. Les chiffres du dernier recensement montrent d'une façon évidente que le problème fondamental de la communauté italienne de Yougoslavie est aujourd'hui celui de la définition et de la conservation de son identité: 15,132 habitants se sont déclarés italiens sur un total de 503,926 habitants.“ Mais la langue dans les terres de frontiére, ne détermine pas toujours la nationalité. Les conclusions d'une recherche de l'Institut Géographique de Ljubljana révèlent, pour ce qui concerne les aspects linguistiques, qu'il y a un nombre beaucoup plus élevé de personnes qui emploient l'italien soit comme langue maternelle soit comme langue de communication.” On estime qu'il y ait 60,000-70,000 slavophones qui emploient indifféremment le croate et l'italien, ou bien les codes dialectaux: c'est le résultat d'une anthropologie istrienne séculaire et spontanée. Les bases du bilinguisme collectif ne sont donc pas illusoires, au contraire, elles ont des appuis très solides dans la tradition, l'histoire, la culture de la région. Le fait qu'un très grand nombre d'istriennes devienne bilingue sans instruction formelle, ne signifie pas que nous devions renoncer à l'école comme moyen de formation des bilingues. Cette affirmation exige un approfondissement du problème dans une 136 Razprave in gradivo, Ljubljana, March 1986, No.18 optique didactique et conduit au binôme école et bilinguisme. Si l'on considère le rapport étroit entre langue et modèles de vie et de comportement des locuteurs, il est possible de soutenir que l'enseignement d'une seconde langue doit tendre à réaliser des individus bilingues et bicultureisés (Freddi, 1973). Est-ce que cela correspond au territorie en question? Il y a deux écoles distinctes: l'une avec le croate ou le serbe comme langue d'enseignement, l'autre avec l'italien comme langue d'enseignement, avec l'étude obligatoire de la deuxième langue dès la deuxième classe primaire jusqu'à la fin des études pour le groupe linguistique italien: et l'étude de la deuxième langue, soit obligatoire soit facultatif, pour le groupe linguistique slavophone dans l'école primaire et d'une façon aléatoire et sporadique, dans l'école moyenne orientée, La deuxième langue n'est pas vehiculaire pour d'autres disciplines, mais c'est une étude supplémentaire. Elle est définie “langue du milieu social ou L2", - langue seconde, pour la distinguer de la maternelle et de n'importe quelle autre langue étrangère: elle renvoie à l'ordre dans lequel elle est étudiée et à des situations et motivations socio-politiques et socio-psychologiques particulières, qui justifient un discours spécifique dans une perspective aussi bien éducative que méthodologique et didactique. Son acquisition a lieu dans un contexte - peu importe s'il est ample ou restreint - où elle est parlée et vécue dans la trame de l'existence quotidienne (Freddi, 1983, p.6). Les représentants du groupe national italien affirment que la survivance de l'ethnie est liée à une école de bonne qualité en langue italienne. L'école de langue italienne est parfaitement intégrée dans le système scolaire des républiques de Slovénie et de Croatie. Elle est une “traduction” en langue italienne des programmes faits dans les écoles du peuple de majorité; seules, font exception, comme prévu par la Loi sur l'education et l'instruction dans les langues des nationalités, les matières ethniquement marquées, considerées les axes portants de l'identité nationale: littérature, histoire, géographie, éducation artistique et musicale. L'exigence d'une connaissance parfaite de la langue italienne déconseille une école éventuellement bilingue. L'école de langue italienne garantit, à ceux qui en sortent, une telle maîtrise de la langue qu'ils peuvent établir des contacts avec l'aire culturelle italienne sans souffrir de complexes d'infériorité. D'un demi-italien ou d'un demi-croate on n'en fait rien. L'école est l'unique domaine congruent qui stimule et cultive l'emploi actif de la langue italienne et en même temps encourage et exploite à fond l'enseignement de la langue-deux, le croate ou serbe/slovéne.* On y exige un niveau de deuxième langue très supérieur à celui qu'on exige dans l'école de langue croate ou serbe. En huit ans d'école primaire, les heures de cours consacrées au croate où au serbe sont de 1,120 à 1,280 environ, réparties par semaine de la manière suivante: classe: 12345678 heures de croate ou serbe: 23444434 Dans les classes de V, VI, VII et VIII il y a des legons supplémentaires pour le travail de renforcement avec les 137 Razprave in gradivo, Ljubljana, March 1986, No.18 meilleurs éléves et avec les plus faibles. Dans la moyenne orientée, dans chacune des quatre classes, on fait normalement 4 heures de croate ou serbe par semaine. Les résultats dans les écoles de langue italienne en ce qui concerne la deuxième langue sont décidément superieurs à ceux de l'étude de l'italien dans les écoles de langue croate ou serbe, ou il est enseigné et appris trop souvent de manière épisodique, générique et selon une idée réductive de langue. Des facteurs psychologiques, sociaux et démographiques ont déterminé une situation de monolinguisme au sein du groupe slavophone, par rapport au bilinguisme total de la communauté italienne d'aujourd'hui. Jusqu'aux derniers temps ont manqué la volonté de parvenir à une intégration sociale avec la population italienne et les perspectives de promotion sociale moyennant la langue italienne. L'italien en tant que deuxième langue, enseigné dans l'école majoritaire, c'est une réalisation stable de date récente dans les communes bilingues et dans les fractions des communes partiellement bilingues (Vodnjan-Dignano, Sisan-Sisano, Galizana- Gallesano, Fazana-Fasana); variable dans les communes non- bilingues: il est étiqueté comme langue étrangère à Rijeka-Fiume et en général dans les écoles supérieures et facultés de la region. Il a été introduit en territoire à nationalité mixte de Slovénie en 1959 après la signiature du traité de Udine. Depuis 1967 l'italien est une matière obligatoire dans le territoire de Koper-Capodistria, factultative dans le territoire de Gorica- Gorizia. Dans les zones à nationalité mixte de Croatie l'italien a été introduit dans les communes bilingues en 1973 par décret républicain; dans les communes bilingues en 1973 par décret républicain; dans les communes non-bilingues on a commencé a l'introduire peu à peu sur des bases facultatives, après un sondage effectué au préalable parmi les parents et les élèves (Institut pour le service pédagogique CC Gospic et Rijeka, 1979, p- 1). Si pour une minorité l'obligation juridique à apprendre la L2 est une parti intégrante du comportement complexe de l'individu, pour la majorité elle peut devenir un moment unique d'affirmation du principe de parité (Velan, 1983, p.3). Le point de vue du législateur a été justement celui d'assurer dans les territoires nationalemennt mixtes un statut paritaire aux deux langues en contact. Quelques chiffres sont éloquents: la langue italienne est étudiée par plus de 20,000 élèves (en territoire slovène et croate) dans les écoles de la majorité, dans lesquelles travaillent plus de 200 instituteurs et professeurs d'italien. En ce qui concerne le volume horaire en Croatie la situation est hétérogène: 2 heures par semaine à l'école primaire (dans quelques écoles une heure et demie) et 2 heures par semaine dans certains profils de la moyenne. Dans les communes bilingues (Buje-Buie et Rovinj- Rovigno), si le profil est à orientation touristique-hôtelière ou linguistique, le nombre d'heures monte à 3-4 par semaine. Généralement on commence à étudier l'italien en grand nombre à l'école primaire, bien que cet apprentissage ne soit presque jamais fondé sur une solide motivation psychologique et sociale, et après, au fur et à mesure, le nombre se réduit, s'éparpille, et il n'en reste qu'un petit nombre ge fidéles dans les derniéres classes de l'école moyenne orientée. 138 Razprave in gradivo, Ljubljana, March 1986, No.18 Quand on se pose le problème de l'âge optimal pour commencer à apprendre le croate ou le serbe dans l'école de langue italienne, on n'entend absolument pas discuter si son étude doit commencer déjà à la primaire. C'est une nécessité absolue. Le problème est autre. La première langue des enfants italophones (mais aussi des enfants slavophones de la campagne istrienne) n'est pas la langue littéraire, mais c'est le dialecte istro-vénitien. Ces élèves-là auraient besoin d'une période d'approfondissement linguistique dans les premières années de l'école élémentaire quand il faut affronter le passage du dialecte à la langue italienne. Souvent on peut constater des difficultés dans l'emploi créatif de la vraie langue seconde, le croate où le serbe, surtout chez les élèves qui ont des problèmes aussi avec la langue italienne. On peut supposer que les slavophones pourraient établir des contacts plus profonds avec le groupe linguistique italien s'ils connaissaient le dialecte istro-vénitien. Donc, il faudrait apprendre un italien à deux niveaux: littéraire et dialectal. En effet, les modèles linguistiques standards, présentés aux slavophones par l'école, la radio, TV et la presse italiennes, ne répondent pas à la réalité des faits quotidiens. IL faudrait analyser soigneusement l'approche au dialecte istro-vénitien aussi bien de l'école de langue italienne que de celle de langue croate ou serbe. Le modèle linguistique istro-quarnerie qui, outre que poursuive des buts fonctionnels, extend prendre en considération l'intégration des groupes linguistiques, devraient conduire les locuteurs aux aptitudes suivantes: comprendre, parler, lire et écrire l'italien littéraire mais aussi comprendre l'istro-vénitien. En effet, le dialecte ne diffère pas tellement de la langue pour ne pas être compris par ceux qui connaissent l'italien commun. D'ailleurs, les italophones comprennent parfaitement - sans savoir nécessairement les parler - les dialectes istro-slaves. Pour atteindre le but il serait suffisant de préparer pour la classe des matériaux linguistiques de type passif du dialecte, c'est-à-dire seulement auditif. Cela semble justifié si les slavophones doivent être rapprochés de la langue et de la culture du contexte istrien. L'enseignement de la deuxième langue doit logiquement respecter le répertoire régional. De réelles améliorations dans l'étude de l'italien pourraient être obtenues: - en portant les heures d'enseignement de l'italien à égalité avec celles de l'enseignement du croate ou de serbe dans les écoles de langue italienne; - en employant un conseiller pédagogique pour la langue italienne à l'Institut pédagogique de Rijeka-Fiume (Zavod za prosvjetno- pedagosku sluzbu); - en rendant obligatoire, pour affirmer le principe de parité et d'égalité, l'enseignement de l'italien dans toutes les écoles de langue croate ou serbe en territoire à nationalité mixte, en faisant ainsi une jonction, un réseau entre maintes initiatives épisodiques, dont plusieurs sur une base facultative, non pas intégrées dans la programmation scolaire générale et soumises aux humeurs du personnel, aux aléas du financement, aux exigences et aux points de vue de chaque commune par rapport à son statut; 139 Razprave in gradivo, Ljubljana, March 1986, No.18 - en confiant de préférence l'enseignement de l'italien aux instituteurs et institutrices pour qui l'italien est la langue maternelle; outre qu'ils possèdent une licence, ils ont une connaissance sûre de la langue des enfants dans l'école primaire et ils offrent un modèle acceptable d'italien qui soutient la comparaison avec celui que les natifs parlent et avec celui qui à la maison, est offert par la télévision italienne, que les élèves suivent; - en institutionalisant une liaison entre école primaire et moyenne orientée: sans continuité du cycle primaire au cycle secondaire les resultats sont maigres sur le plan de l'efficacité: - en soignant la qualification professionnelle du cadre enseignant; - en introduisant des éléments de culture italienne et istro- vénitienne dans d'autres matières (histoire, géographie, etc.) de l'école en langue croate; - en motivant à chaque niveau (structures socio-politiques, institutions, professeurs, familles) et en sensibilisant l'opinion publique aux problèmes du bilinguisme, qui devrait être une valueur dans l'échelle des valeurs, individuelle et collective, dans une région nationalement mixte; - en trouvant des activités extra-scolaires attrayantes, pour que la langue-culture italienne ne soit pas un apprentissage isolé et vide, strictement scolaire et neutre, mais une langue de communication avec les locuteurs autocthones, un facteur de connexion avec un ensemble de valeurs et comportments communs vécus et partagés. Le plurilinguisme ne doit pas être présent seulement à l'école, mais dans chaque activité humaine. L'école peut et doit exercer avec succès sa fonction institutionnelle seulement si elle est soutenue par l'expérience positive d'une pratique sociale qui se montre intentionnée et capable de valoriser un sens national aux personnes qui en sortent, qui doivent affronter une réalité idéale précise. 11 est évident qu'une vie sociale dans laquelle une des deux communautés ne soit subordonnée à l'autre exige une connaissance reciproque des problèmes, de la langue-culture du peuple et de la nationalité. L'exemple de l'école avec langue d'enseignement italienne devrait convaincre que l'école fait acquérir un degré satisfaisant de bilinguisme. Moyennant l'enseignement de la L2 il est possible sans aucun doute d'obtenir une connaissance de la langue au point de pouvoir l'employer dans les rapports sociaux concrets et pour les besoins professionnels; grâce à cette connaissance on assume une mentalité de tolérance et de respect, débarrassée des stéréotypes et contribuant à la construction d'une vie en commun. Une description sociolinguistique qui se respecte aurait dû considérer encore manuels, programmes, cadres, motivation, méthodes, horaire, etc. Mais le temps presse et je préfère, a ce point-là, souhaiter que notre congrès, comme tant d'autres, ne s'epuise pas dans une énième élaboration de descriptions et 140 Razprave in gradivo, Ljubljana, March 1986, No.18 principes, mais qu'il puisse créer un pont entre chercheurs, spécialistes, professeurs et politiques, c'est-à-dire ceux dont dépend la mise en oeuvre dans "le réel" d'un plurlinguisme- pluriculturalisme de diffusion générale dans les communautés à nationalité mixte. Le sujet est européen ou, pour mieux dire, mondial, et il a été discuté en long et en large; cependant dans le rapport entre première et deuxième langue ou balbutie encore, on est en train de faire les premiers pas. Le vrai sens de l'existence des minorités c'est le dépassement du monolinguisme majoritaire, ce lit de Procuste des états nationaux du XIX® siècle, dont la logique voudrait que tous les citoyens adoptent une langue commune de manière à ce que la justification idéologique du pouvoir exclusif de l'Etat coincide avec la Nation. Il est temps que la science linguistique abandonne chaque réticence et que le linguiste, le sociologue, l'anthropologue fournissent au juriste et au politique les éléments nécessaires pour affronter avec courage ces problèmes-là. C'est inutile de déclarer sur le plan formel - pour le principe - que les langues d'une communauté à nationalité mixte sont égales et jouissent des mêmes droits: du moment où l'on décide d'employer une langue d'une façon privilegiée, on contredit et on viole le principe: le droit auquel on se réfère en théorie, est piétiné dans la pratique. Il est opportun, au contraire, de confirmer la nécessité de l'emploi antagonique des langues-cultures dans une réalité régionale plurinationale; c'est une attitude qu'on doit développer si nous voulons éviter que les analyses du rapport langue-société aillent composer un tableau pacificateur, avec tous les dangers de fermeture et de conservatisme que la pacification fictive comporte. Si l'on ne veut pas que le groupe national italien passe du bilinguisme au monolinguisme de la langue dominante, alors, avec une effective socialisation de la langue-culture qui passe nécessairement à travers l'école, à travers la formation et l'instruction de chacun, il faut rendre possible la survivance des deux langues, le. croate ou le serbe et l'italien en concomitance d'un bilinguisme régional de diffusion et d'emploi collectif. Cette hypothèse est la seule utile à soutenir, contre l'assimilation totale. Elle paraît comme l'unique voie authentiquement démocratique, celle qui tout en réalisant les postulats constitutionnels, mène à l'enrichissement des sujets, à la reconnaissance de dignité humaine des populations de langue différente qui sont appelées à vivre ensemble. Notes 1. Le terme officiel de "nationalité" a remplacé celui de “minorité” et il veut exprimer au sens politique, un progrès qualitatif, qui confirme l'égalité totale entre peuples et groupes nationaux. 2. Le recensement a enregistré en 1981 une courbe descendante pour la nationalité italienne: elle a subi une diminution nette en Croatie (cca. le 33%) et en Slovénie (cca. le 27%). Les chiffres des recensements confirme le processus d'assimilation, contraire aux déclarations de principe et aux intentions des cartes constitutionnelles. En 1948, 79,575 citoyens yougoslaves de nationalité italienne residaient en Yougoslavie, passés en 141 Razprave in gradivo, Ljubljana, March 1906, No.18 1953, aprés les deux options de 1948 et 1951, a 35,874. En 1961, date du premier recensement yougoslave, aprés l'intégration de l'ex Zone B, il y avait 25,615 italiens. Ces données statistiques ont été tirées des bulletins yougoslaves (Statistiëki godië#njak Jugoslavi je). 3. “La Voce del Popolo," 13 janvier 1983, p.3: la recherche montrait le décalage entre les données du recensement et les donées relevées sur le terrain de cca. le 25%, respectivement 1926 et 2,536. 4. Ici il est question surtout de la situation du territoire mixtilingue croate. 5. En Slovénie les choses se développent dans un sens favorable depuis quelques années. 6. L'Accord social sur l'étude des langues étrangéres, tendant a établir en Croatie un certain équilibre dans l'enseignement de ces dernières qui souvent sont sujets au snobisme et à la mode, a marqué un déclin soudain pour l'italien, figurant lui aussi dans la liste des langues étrangères, à la dernière place avec l'espagnol, a commencé à être proposé dans les centres scolaires du triange régional comme langue optionnelle à la manière de toutes les autres, les organismes scolaires oubliant qu'il avait déjà une place particulière dans les programmes, étant sauvegardé par les statuts communaux. L'Accord social considérait l'italien comme n'importe quelle langue étrangère, telle qu'on peut l'apprendre à Zagreb ou à Split, par exemple, et certainement pas dans une région où elle jouissait déjà d'un statut spécial, étant langue du milieu social. 7. G. Prancescato au Séminaire de L2, Izola-Isola, avril 1983, souhaitait que l'enseignement fût donné par des gens ayant la L2 comme langue maternelle dans ce cas-là l'instituteur connaît le langage des différentes phases, de l'enfant. Bibliographie Columni, C., L. Ferrari, G. Nassisi, G. Trani, 1980, Storia di un esodo, Istria 1945-1956, Instituto regionale per la storia del movimento di liberazione nel Friuli-Venezia Giulia, Trieste Freddi, G., 1973, Bilinguismo e biculturalismo, in Quaderni per la promozione del bilinguismo, n.1, C.L.A.Di.L., Minerva Italica, Bergamo Freddi, G., 1983a (a cura di) L'Italia plurilingue, C.L.A.Di.L., Minerva Italica, Bergamo Freddi, G., 1983b, Lingue per l'Europa e il Duemila, in Lingue € Civilta n.3, C.L.A.Di.L., Brescia Informacija ©, 1979, Informacija o uéenju talijanskog jezika u Skolama s hrvatskim ili srpskim jezikom na podruéjima gdje zZive pripadnici talijanske narodnosti (Information sur l'état de l'étude de l'italien dans les écoles avec langue d'enseignement croate ou serbe dans les territoires où vivent les appartenants à 142 Razprave in gradivo, Ljubljana, March 1986, No.18 la nation italienne), Institut pour le service pédagogique CC Gospic et Rijeka Milani-Kruljac, N., 1984, Bilinguismo e statuti comunali: la situazione istro-quarnerina, Dvojeziënost - individualne in drugbene razseZnosti, Drustvo za uporabo jezikoslovja SR Slovenije, 13-15.1X.1984, UDK 323.15(497.1-50), Ljubljana. 143