received: 2010-05-03 UDC 930.2:347-058.12(450.343)"15" original scientific article JUSTICE CIVILE, TÉMOINS ET MÉMOIRE ARISTOCRATIQUE: LES TRISSINO, LES VALMARANA ET CRICOLI AU XVIe SIÈCLE Lucien FAGGION Université de Provence (Aix-Marseille I) - TELEMME (Maison Méditerranéenne des Sciences de l'Homme), 5, rue du Château de l'Horloge, B.P. 647, 13094 Aix-en-Provence Cedex 02, France e-mail: faggion@mmsh.univ-aix.fr SYNTHÈSE Dans le cadre de l'important procès civil qui opposa, au XVF siècle, la famille Trissino, de la branche "Dal Vello d'Oro", aux Valmarana, dix-huit témoins furent auditionnés par le juge au sujet d'une terre qui représentait pour les "Dal Vello d'Oro" non seulement un bien foncier important, mais aussi un capital à la fois symbolique et culturel de ce qu'un si prestigieux lignage de l'aristocratie pouvait exprimer à Vicence au temps de la Renaissance, aux prises avec des "faide " citadines naissantes qui déchirèrent, pour plus d'un siècle, aussi bien la noblesse vicentine que la "Casa " Trissino. Le procès civil, qui débuta dans les années 1530 et s'étendit sur plusieurs décennies, rend perceptible le rôle joué par la parole des témoins, ainsi que par les écritures et les différents documents produits par les notaires et les hommes de loi, lesquels défendirent soit les Trissino, soit les Valmarana, désireux de maintenir - ou de récupérer - leurs droits sur Cricoli. Emerge ainsi une sorte d'identité familiale conçue par des discours différents, en particulier ceux des déposants qui traduisent la valeur de la parole testimoniale, de l'objet revendiqué (la terre), la personnalité des individus impliqués, ainsi que la nature mémorielle de l'affaire, fondée sur l'habituelle et recherchée preuve judiciaire qui puisse authentifier la véracité des faits contestés par les deux illustres familles de l'aristocratie de Vicence au XVF siècle. Paroles clefs: procès civil, mot, "faida ", capital symbolique, capital culturel, lignage, aristocratie, identité familiale, mémoire nobiliaire, héritage 61 Lucien FAGGION JUSTICE CIVILE, TÉMOINS ET MÉMOIRE ARISTOCRATIQUE ..., 61-80 CIVIL JUSTICE, TEXTS AND ARISTOCRATIC MEMORY: THE TRISSINO, THE VALMARANA AND THE TERRITORY OF CRICOLI IN THE SIXTEENTH CENTURY ABSTRACT As part of the important lawsuit in the sixteenth century that opposed the Trissino family (the "Golden Fleece" branch) to the Valmarana family, eighteen texts were heard by the court on account of a territory which represented to the "Golden Fleece" dynasty not only a landed good, but also symbolic and cultural capital to what a prestigious aristocratic lineage expressed in Renaissance Vicenza, as it dealt with the burgeoning feud ("faide") which were, over the course of the next century, to tear apart both the Berici Hills and the Casa Trissino nobility. The civil trial that began in the 1530s and extended over several decades highlights the role played by the word, as well as that played by the various writings including documents produced during the civil justice process by the notaries and lawyers who defended both the Trissinos and the Valmaranas, eager to maintain their rights on Cricoli. A kind of family identity thus emerged over the course of various speeches, from the texts that transmit the value of the word, from the nature of the claimed object (the land), the personalities of the people concerned as well as the memorialising nature of the dispute, all based on the familiar and sought-after forensic evidence that could certify the "truth" of the matters contested by two illustrious families of the aristocracy of Vicenza in the '500. Key words: civil trial, word, "faida", symbolic capital, cultural capital, ancestry, aristocracy, family identity, aristocratic memory, legacy UNE TERRE ET DEUX MAISONS NOBLES: LES VALMARANA CONTRE LES TRISSINO Le procès civil ayant opposé deux grandes Case de l'aristocratie de Vicence peut sembler, de prime abord, une affaire banale qui concerne de simples terres, ainsi que des maisons (et une demeure dominicale), situées à Cricoli, au nord, aux portes de la ville de Vicence, fortement contestées par les deux parties dès les années 1530 et jusqu'au début du XVIIe siècle. Cependant, un examen attentif des fascicules pro-cessuels font ressortir les enjeux réels à l'origine de ce différend sur plusieurs décennies. Un cas d'héritage qui éclaire l'histoire de prestigieuses Maisons de la noblesse vicentine aux prises avec le pouvoir citadin, les redoutables factions locales qui surgissent dans les années 1530, les "faide" nobiliaires et l'autorité suprême du 62 Lucien FAGGION JUSTICE CIVILE, TÉMOINS ET MÉMOIRE ARISTOCRATIQUE ..., 61-80 patriciat de Venise (Acta Histriae, 1999; 2007; Bianco, 1994; Muir, 1993; Povolo, 1992a; 1997; 2010; Faggion, 1998; 2002). La genèse de la dissension interfamiliale concerne une branche - sans doute la plus illustre - de la Casa Trissino, qui appartient au "colonnello" "Miglioranza", les "dal Vello d'Oro", et les Valmarana, lesquels se sont coalisés pour soutenir leurs prétentions sur les terres de Cricoli contre les intérêts du célèbre humaniste Giangiorgio Trissino (1478-1550), ami de l'empereur Charles Quint, des papes de la Casa des Médicis, Léon X et Clément VII (Morsolin, 1894; Faggion, 2002; 2010a; 2010b); ensuite, contre Ciro et Pompeo Trissino. Les vérités mises en lumière soit par les parties en conflit, soit par les témoins permettent de saisir les dynamiques plurielles qui caractérisent les deux familles pour résoudre cette difficile affaire et mettre un terme à un tel antagonisme. Contrairement à la justice pénale, pour laquelle il existe des études importantes et nombreuses (Bianco, 1994; Muir, 1993; Povolo, 1992-1993; 1997; 2007; 2010), la justice civile reste encore peu étudiée, aussi bien dans ses articulations internes que dans ses réponses sociales, politiques et culturelles (cependant, cf. Povolo, 1992), alors que de tels procès sont fort abondants dans les archives de Vénétie: les témoins, en l'occurrence, jouent un rôle qui ne peut pas être négligé et mérite une analyse approfondie et détaillée, en posant au cœur de la réflexion le mot dicté par le procès lui-même, avec sa propre dynamique et ses logiques internes, qui rend compte d'une réalité qui n'est pas toujours claire, sinon celle de l'honneur et de l'héritage (Povolo, 1997; 2010; Faggion, 2007a), un mot qui est contrôlé et orienté par les différents chapitres présentés par les parties adversaires et par les interrogatoires conduits par le juge. Pour quelles raisons un tel procès si long, farouchement défendu par les deux familles nobles pendant plusieurs décennies, a-t-il été instruit? Que peut révéler ce combat judiciaire? Quels sont les véritables motifs, les argumentations, les enjeux? Existe-t-il des éléments non matériels qui puissent expliquer une confrontation entre deux prestigieuses familles de la noblesse vicentine, une fois la guerre de la Ligue de Cambrai (1509-1517) achevée, un conflit militaire qui vit une partie des aristocraties urbaines de la Terre Ferme, parmi lesquelles des membres de la Casa Trissino, se mettre du côté de l'autorité impériale au mépris du patriciat vénitien et de la République? L'histoire individuelle et familiale se confond ainsi avec celle des familles nobles et de la culture de la Renaissance italienne et vénitienne. Dès les années 1530, les conflits commencent et déchirent la ville de Vicence, des "faide " naissantes qui impliquent des familles de l'aristocratie locale divisée par des factions redoutées, d'abord celles des Trissino et des Capra, puis dès 1540 celles des Capra et des da Porto jusqu'au milieu du XVIIe siècle. De retour à Vicence, après une vie menée dans les plus grandes cours d'Italie, Giangiorgio Trissino reprend en mains les affaires domestiques, épouse, en 1523, en secondes noces, Bianca Trissino, avec laquelle il eut un fils, Ciro, et se trouve en dissension avec le chanoine Giulio, le fils aîné, né en 63 Lucien FAGGION JUSTICE CIVILE, TÉMOINS ET MÉMOIRE ARISTOCRATIQUE ..., 61-80 1504. Un enchevêtrement complexe d'intérêts, d'altercations, de rancœurs, de haines, d'antagonismes inter- et intrafamiliaux se fait jour et ne peut laisser personne indifférent à Vicence, dans les salles des pouvoirs municipaux, tout comme à Venise et, même, à Rome. Giangiorgio Trissino doit se défendre, en 1537, des prétentions des Valmarana sur les terres de Cricoli, où de nombreux travaux sont en cours de réalisation, travaux connus dans toute la ville de Vicence. Il souligne, à cet égard, les difficultés rencontrées dues à la famille rivale, également puissante à Vicence. Un procès civil est ainsi ouvert pour récupérer, à l'avantage des Valmarana, les biens situés à Cricoli. L'espace de la résolution est celui de la justice qui doit sanctionner l'issue attendue par les deux parties. Selon l'humaniste Trissino, les Valmarana se sont comportés contre les statuts, les lois municipales: les règles du jeu se déroulent donc dans l'espace de la justice civile au nom de la vérité, mais aussi de la légitimité de la possession des terres de Cricoli et de la possibilité de pouvoir faire, comme l'exprime et le souhaite Trissino, "fabricare nella mia villa di Cricoli". Les rivalités ne se réduisent pas à un simple recours à la suprématie politique locale, qui semble évidemment une forme de langage spécifique, à la fois culturel et idéologique, en mesure d'expliquer, peut-être en partie, une dissension interfamiliale si intense. L'antagonisme très tendu repose également sur la valeur symbolique que la contestation judiciaire révèle: la demeure que Giangiorgio Trissino est sur le point d'ériger à Cricoli sur le bâtiment déjà existant, une construction qui est révélatrice d'un "status" supérieur qui n'est pas perceptible uniquement dans ces aspects purement matériels et artistiques, mais également immatériels, car la famille se fonde sur une valeur à la fois symbolique et psychologique, configurant une nouvelle réalité qui dépasse les contingences habituellement politiques - et même prévisibles - et assume un rôle intellectuel de haut niveau. Culture, discours de la mémoire et de la légitimité de l'autorité d'une ancienne Casa aristocratique de la Terre Ferme dans la première moitié du XVIe siècle constituent des éléments d'interprétations pour comprendre comment une terre (et une demeure) peuvent susciter des difficultés aussi innombrables qu'inextricables. Giangiorgio Trissino ne manqua pas d'écrire: "et io da anni cinquanta in qua che monte la memoria di mio padre sempre la ho posseduta quietamente e pacificamente. Et li ho speso in fabriche assai migliaia di ducati", un grand nombre d'ouvriers "[...] lavorano come puù esser noto a tutta" la ville de Vicence, "percioché io fabricho non manco per ornamento et honor di essa città che per la mia propria comodità" (BCBVi, AT, c. 543, fasc. AA, f° 13), des mots qui furent ensuite repris, à leur compte, par les Valmarana en mai 1542, lorsque, à leur tour, ils rappelaient dans une énième défense que "fuit et erat intentio quod omnia predicta eius bona conservarentur in familia pro honore sue nobilissime familie et comoditate heredum et descendentium morum convenit expresse [des Valmarana]" (BCBVi, AT, c. 543, fasc. AA, f° 60v°-61r°). Légitimité réclamée, légi- 64 Lucien FAGGION JUSTICE CIVILE, TÉMOINS ET MÉMOIRE ARISTOCRATIQUE ..., 61-80 timité contestée, défense commune où les mots se répètent de part et d'autre au nom de Cricoli. L'honneur du lignage, la création d'une identité familiale qui se trouve exprimée par la branche illustre et récente des "Dal Vello d'Oro", apparue grâce à la libéralité octroyée par l'empereur Charles Quint en 1532, est renforcée sans doute par les travaux exécutés à Cricoli: mais Andrea di Pietro, dit Palladio, a-t-il pu jouer un rôle dans les premières entreprises décidées par Giangiorgio? Les documents rédigés par ou pour les Trissino n'en font aucune mention explicite, à l'instar des Valmarana et des témoins qui restent muets. Cependant, on sait que les travaux sont importants et réalisés, afin d'impressionner la haute société vicentine de l'époque, où les rivalités nobiliaires, les tensions avec les groupes émergents, se font toujours plus fortes. Pourtant, il est singulier de signaler que les Valmarana décidèrent de revendiquer les biens et la demeure de Cricoli justement dans les années 1530, lorsque l'humaniste, fort connu dans le milieu des lettres italiennes, déjà en conflit avec des membres de sa famille, du lignage des "Miglioranza" et de l'aristocratie vicentine, proposa d'agrandir et d'embellir sa maison dominicale située à proximité de la ville de Vicence. Même si les Valmarana prétendent refuser la probabilité de devoir assumer les éventuelles dépenses effectuées par Trissino, qui semblent ainsi déjà élevées, dans l'hypothèse où ils obtiennent les terres convoitées, il paraît manifeste que la possession de Cricoli ne se limite pas à une simple volonté d'obtenir des terres perdues depuis plusieurs décennies. Ne serait-il pas en jeu, en réalité, le prestige, la "co-modità ", l'"honore ", le "capital culturel" que la "fabrica " de Cricoli tend désormais à exprimer aux yeux de tous? La villa de Cricoli sans Andrea Palladio? L'architecte n'est jamais cité dans les fascicules processuels; c'est seulement entre 1540 et 1545 que l'on retrouve le surnom de Palladio à Vicence, mais à aucune occasion dans le procès civil. Celui-ci rencontre, cependant, Giangiorgio Trissino entre 1531 et avant 1538. Est-il possible que l'humaniste se soit informé, pour sa demeure dominicale de Cricoli, auprès du jeune Andrea di Pietro, le "magistro lapicida", présent à Vicence dès 1524? Ni les différents acteurs du procès, ni les témoins ne parlent du jeune architecte, même dans les documents des années 1540 ou de 1602. Pourtant, Vicence recevait, durant ces années, Jacopo Sansovino (1538), Sebastiano Serlio (1539), Michele Sanmicheli (1541-1542), Giulio Romano (1542), et il y avait aussi, outre le réputé Giangiorgio Trissino, des personnes de grande culture et intelligence qui avaient une prédilection pour l'architecture, tels les nobles Antenore Pagello, Valerio Barbarano et Antonio Francesco Olivieri (Beltramini, 2008, 21-27). Déjà en 1537, Alvise Valmarana semblait donc vouloir mettre un terme à une telle construction, réalisée pour le compte des Trissino, apparemment les légitimes propriétaires des terres de Cricoli. Technicisme et subtilité de nature juridique sont exposés par l'humaniste qui souligne que la "preparazione del giudizio non puù valere come giudizio ", comme le recherchait aussi son adversaire Valmarana. L'argu- 65 Lucien FAGGION JUSTICE CIVILE, TÉMOINS ET MÉMOIRE ARISTOCRATIQUE ..., 61-80 mentation exprimée à plusieurs reprises par Trissino est que son rival Alvise se fonde sur la puissance de sa famille, parce que "ne messer Poletto suo padre, ne messer Chechino suo barba, ne messer Alvise suo avo, ne Magnifico cavalier et doctor messer Piero cum di suo padre, ne messer Baptista, ne messer Bernardo fratelli di suo avo, tutti huomeni intelligentissimi, accorti et litigiosi non mi hanno già cin-quanta anni" (BCBVi, AT, c. 543, fasc. AA, f° 14) jamais contestés les possessions détenues à Cricoli. La réponse de Valmarana repose sur les dépenses indues que prétendrait Gian-giorgio Trissino pour le possible remboursement des terres qu'il pourrait perdre: ainsi, le 18 juillet 1537, Valmarana met en évidence, dans la défense de ses droits sur Cricoli, que "il Magnifico cavalier messer Zuanzorzo Trissino non habia causa alcuna di excusatione che havendo intentado il giuditio circa la possession di Cricoli per i nobili de Valmarana nominibus et in processu et causaro alla justitia et honesta che pendente lite non si debba in fraudem far innovatione maxime edificii de novo et fabriche sopra li fondi de quibus pende la lite come pretende far il prefato Magnifico messer Zuanzorio, il che vedendo et cognoscendo che tandem la justitia vora soa Mag.tia relasci la possession di Cricoli [...] si ha pensato et imaginato voler far fabriche et edificii cum dit poi li sia pagati li soi pretensi milioramenti facte per sua Mag. tia indebitamente et iniustamente. Imperho per il presente protesto se se intima et denuncia dir non dobiate far fabrica et edificii novi soto pretesto ve siano pagati come melioramenti ma se V.ra Mag.tia li fara fare li protestano e dechiarino non voler ne pretendere ve siano pagati modo aliquo ma siano a damno et prodition V.ra et non alliprefati Valmarana [...]" (BCBVi, AT, fasc. AA, c. 543, f° 8v°-9r°). LE TÉMOIN DANS LE PROCÈS CIVIL SUR CRICOLI Dans le cadre du procès civil, la parole du témoin reste au centre de l'attention du juge tout comme celle des différentes parties en conflit, et les oppositions exprimées demandent du temps pour que soient retenus les témoignages, car les faits signalés et contestés par les Valmarana remontent aux dernières décennies du XVe siècle. Aussi bien les Valmarana que les Trissino ne sont pas insensibles au pouvoir effectif du discours présenté par les déposants en justice. Le 26 juillet 1537, les Valmarana rendent perceptible l'élément clef du procès et de la manière grâce à laquelle le juge peut parvenir à la vérité des faits dénoncés. Aussi l'âge des témoins devient-il un des problèmes majeurs auxquels il faut prêter attention: "Quoniam ubi de morte testium vel coram diuturna absentia dubitatur ius et equitas suadet testes omnino examinari ad perpetuam rei memoriam ne veritas ocultetur ac ne iura alicuius partis ex subterfugiis alterius pereant [...]. Ideo requi-rimus spectantem ut in causa vertente inter Dominum Paulum de Valmarana et litis consortes ex una et Magnificum equitem Dominum Joannem Georgium de Trissino 66 Lucien FAGGION JUSTICE CIVILE, TÉMOINS ET MÉMOIRE ARISTOCRATIQUE ..., 61-80 ex altera si sic est quod testes examinandi ad instantiam Domini Pauli predicti et consortium sint senes et valitudinarii. Ita quod verisimiliter de eorum morte timeant testes ipsos super intentione dicti Domini Pauli et consrotum statim examinari faciat adperpetuam rei memoriam " (BCBVi, AT, c. 543, fasc. AA, f° 11r°). Il n'est pas inutile de rappeler que, quelques jours plus tard, le 4 août, les Valmarana présentent des chapitres dans lesquels ils insistent sur l'" attenta la lor [témoins] decrepita età et lo iminente pericolo della morte riservata" pour les déposants (BCBVi, AT, c. 543, fasc. AA, f° 11v°). De tels chapitres, précieux pour le juge dans l'enquête en cours, doivent lui permettre de mettre en avant: "Primo che è la verità et publica fama che'l quondam messer Alvise de Valmarana, padre del sopradicto messer Paolo, fu et era un homo de facil senso et intellecto et facile ad indur a far ogni contracto quantumcumque a lui damnoso et che dilapidava et discipava il suo indiferenter senza causa et cum mesura alcuna et prodigaliter viveva [...]; 2° quod fuit et est rei veritas che l quondam messer Alvise de Valmarana zugù la possession de Cricoli de qua supra cum el quondam messer Orso Badoero [...] et [...] fu etiam abarrato et di questa ve è publica voce et forma in la cità de Vicenza [...]" (BCBVi, AT, c. 543, fasc. AA, f° 11v°). De leur côté, les Trissino n'hésitent pas, également, à souligner la valeur du témoignage. En juillet 1538, le procureur de Giangiorgio Trissino, Bernardino Cristani, de la localité de Cornedo, située dans le nord-ouest du territoire de Vicence, intervient, parce que "dicti testes fuerunt examinati ad hunc finem et effectum ne propter eorum senectutem et decrepitatem iura ipsorum nobilium de Valmarana proeant et procul dubio si diu proprogatum fuisset circa dictam examinationem facile evenire potuisset quod dicti testes mortui fuissent, prout etiam mortuus est quidam testis citatus et non examinatus propter subterfugia et cavillationes pactis adverse. Nec quidem dicto domino Joanni Georgio opitulatur dicere dictos testes fuisse examinatos eo non citato quia frustratorium est hoc dicere nam si dictus dominus Joannis Georgius fuisset citatus procul dubio subterfugis et cavillati onibus prout eius moris est" (BCBVi, AT, c. 543, fasc. AA, f° 21v°). L'affaire semble ainsi résolue: "et ad hoc ut quilibet iustissimus iudex videat quod dicti de Valmarana non querunt nisi quod iustum et equum est prefatus Aloysius nomine quo supra ex nunc prout ex tunc se offert et contentare quod dicti testes possint per prefatum dominum Joannem Georgium repeti et examinari tum super capitulis dicti Aloysii quam interrogatoriis dicti domini Joannis Georgii, quatenus dare intendat et vult etiam dicti testes examinari" (BCBVi, AT, c. 543, fasc. AA, f° 22r°). Si seulement ! En réalité, le 20 février 1539, les Trissino rediscutent sur les témoins et la valeur probatoire des dépositions en s'adressant aux Auditeurs Nouveaux, magistrature d'appel de Venise, chargée des affaires civiles survenant en Terre Ferme: 67 Lucien FAGGION JUSTICE CIVILE, TÉMOINS ET MÉMOIRE ARISTOCRATIQUE ..., 61-80 "Certamente messer Alvise de messer paulo de Valmarana per li assert.i nomi che lui dice intervenir sopra una sua sommata action, laqual esso pretende haver contra di me ZuanZorzo Trissino per la possession di Cricoli per mi et per la bona memoria di mio padre, possessa già anni 56 e più cum iusti et legitimi tituli havuti dal Magnifico messer Orso Badoaro cerca con ogni modo e via si possibili quantunque iniusta intrigarmi, [...] ha facto sopra essi examinare alcuni testimonii adperpetuam rei memoriam, il che non si dovea ne potea far per molte ragion dalle legi introducte et presertim per esser tal examination facta non servatis servandis ac non servata forma et tenori literarum [...]. E perho havendo io ZuanZorzo Trissino predicto in stado avanti el Magnifico Podesta che tale examination come male et indebitamente facte, non servato iuris ordine fosse annullata, reservato sibi iure di examinarli servatis servandis iuxta formam et ordinem iuris, ha parso a sua Mag.tia confirmarla cum una captiosa oblation de l'adversario per laqual dico che li dicti testimonii siano repetidi sopra li dicti sui capituli et interrogatorii mei, si qua dare intendit; et perché soto finto et simulato color di honestade de tal captiosa oblation vengono molto ad esser jugulate le ragion mie a mi contra lui, et contra rimediare a tal iustissimo mio gravame, mi ho appellato al iustissimo tribunale [des Auditeurs Nouveaux]" (BCBVi, AT, c. 543, fasc. AA, f° 23v°). Il est intéressant de relever que, le 13 mai 1540, le déjà cité Bernardino Cristani, "familiarus et tamquam procurator Magnifici equitis Domini Iohanni Georgii Trissini ", se fait témoin officieux, puisqu'il n'a pas été cité à comparaître soit par les Trissino, soit par les Valmarana. Cependant, en sa qualité de procureur, Bernardino Cristani, "causa et occasione respondendi cuidam asserto interrogatorio alias et videtur in iuditio producto per nobilem virem Aloysium, filium et procuratorem Domini Pauli de Valmarana et aliorum in litis consortorum [...]", indique qu'il connaît Giangiorgio Trissino depuis plus de soixante-dix ans, "dicit Magnificum suum principaliter per septuanginta annos et ultra, pacifice et quiete per se et actores suos bona fide possedisse et possidere unum sedimen cum arativo magno, clauso muris merlatis cum domo dominicali magna, cum tegete cassorum sexdecim muratis, cupatis et solaratis cum ara, horto et broilo magno et cum una fornace et aliis domibus et tegetibus pro laboratibus duobus et cum possessione circiter camporum ducentorum et triginta existentes circa dictam domum, posita super cultura Burgi Pusterle in contrata lacus sive de Cricoli [...]". Et il ne se prive pas d'ajouter que l'humaniste détenait ces terres selon le "iure hereditario, scilicet tanque heres Magnifici Domini Gasparis eius patris cuius fuit heres universalis qui obiit de anno 1487 et qui olim emerat dictum sedimen et domum magnum et plusque ducentos campos predictos possessionis a quondam Magnifico Domino Ursio Baduario patricio veneto" (BCBVi, AT, c. 543, fasc. AA, f° 53). 68 Lucien FAGGION JUSTICE CIVILE, TÉMOINS ET MÉMOIRE ARISTOCRATIQUE ..., 61-80 À cet égard, Giangiorgio Trissino avait déjà présenté, le 14 mars 1539, son "protesta" aux "Badoeri", patriciens de Venise, en révélant que "scriptum est nil magis fidei humane convenire quod pacat servare, questo si dice per parte de io Zanzorzi Trissino fiolo et herede del quondam messer Gasparo Trissino contra li heredi del quondam Magnifico messer Orso Badoer patricio veneto, exponendo che cum sit che alias de anno 1482. 25 maii fusse facto un solemne contracto de vendeda, permutation delli beni in quello descripti tra li prefati quondam Orso, da una parte, et messer Gasparo mio padre da l'altra, nel qual dicto messer Orso dete al prefato quondam mio padre campi 205 vel circa per ducati 4.000 [...], posti sopra la coltura del borgo de Pusterla nella contracta del Lago over de Cricoli; et al'incontro hebbe altri beni [...]. Essendo al presente io Zanzorzo predicto fiolo et herede del prefato messer Gasparo molestato et vexado in iudicio da Alvise Valmarana per nome de messer Piero et Iseppo Valmarana ma pretendenti habere suo in dicti beni over parte d'essi per dicto quondam mio padre, ut supra, acquistadi dal prefato Magnifico messer Orso et essendo convenienti cosa maxime ex pacto ut supra inter contrahentes habito in dicto messer Orso over soi heredi mi deffendino et mantengino tal beni liberi et expediti" (BCBVi, AT, c. 543, fasc. AA, f° 40v°). C'est ainsi que sont appelés à se présenter à la justice, afin de confirmer ou d'invalider ce qui est soutenu par les parties en conflit, de nombreux membres de la Casa Badoer de Venise: l'intimation est de la sorte adressée aux fils de feu Benedetto, afin qu'ils puissent déposer des copies des documents se rapportant à Cricoli; aux fils de feu "messer" Nicolô; à Candiano "personaliter reperto"; au Magnifique messer Piero de feu "dottor" Albertino; à Girolamo de feu Pietro "olim parrocchi sancti Joannis Evangelisti "; aux fils de feu Angelo, dans la maison des "heredum quondam Magnifici Domini Angeli Badoeri in contra santa Margarita ". Quels sont les témoins qui font l'objet de si grandes discussions et oppositions de la part des deux parties, surtout des Trissino qui ne reconnaissent pas la légalité des dépositions recueillies en 1537 par les Valmarana. Le 7 mars 1540, en présence du vicaire, sur demande des Valmarana, on apprend, en effet, que six témoins avaient été auditionnés à partir du 4 août 1537, une attention particulière ayant été prêtée alors à leur âge: "Infrascripta sunt nomina testium examinatorum cum presentia spectabilis Domini Vicarii sub die 4° augusti 1537per me Antonio quondam Fabii de Lugo tunc notarium ad offitium Sigilli in exequtione letterarum Magnificorum Dominorum Auditorum diei XXVI Julii predicti anni 1537 ad instantiam nobilis viri Pauli de Valmarana in causa quam habet cum Magnifico equite Domino Zanzorio de Trissino, cum particula eorum attestationum concernente eorum etatem tantum quia nondum fuerunt publicati cum fuerunt examinati ad perpetuam rei memoriam et per me exhibiti de mandato Magnifici Domini Potestatis" (BCBVi, AT, c. 543, fasc. AA, f° 30v°). 69 Lucien FAGGION JUSTICE CIVILE, TÉMOINS ET MÉMOIRE ARISTOCRATIQUE ..., 61-80 Des personnes très âgées furent ainsi entendues, les nobles Bernardino Braz-zadoro de Battista (" octanta anni da quatro de april in qua"), Alberto Monza de Franchini (" septanta anni da marzo in qua"), Giovanbattista dalla Zoga de Giovan Matteo (" el di de sancto Lorenzo io compivo 71 anni"), les "egregii viri" Pietro Floriani de Floriano (" io ho octantado anni mezo") et Giovan Francesco Sanuto de "ser" Giovanni, dit "de Monte", de Venise ("nonantatre anni et sum nelli no-nantaquatro"), ainsi que le "magister" Pietro dall'Olio de Pietro ("credo di passar septanta anni de uno o dui anni"). Néanmoins, les difficultés ayant trait aux témoins et à la valeur à attribuer à leurs dépositions ne diminuent pas avec le temps. Encore en octobre 1549, Ciro Trissino, héritier universel de Giangiorgio aux dépens de son demi-frère, le chanoine Giulio, aborde à nouveau la question de la validité de la parole testimoniale qui lui semble discutable: "Essendo, écrit Ciro qui défendait Cricoli avec son père déjà en 1547, stato examinato nel 1537 li sotoscriti testimonii, li qualli non si pol rexaminare per esser morti za anni quatro o cinque et più, li qualli furono examinati ad perpetuam rei memoriam li medemi capitulli che si examina adesso produti in le prodution di Jacobo Brogian not° al Sigillo a di 30 marzo 1549. Per la qual cosa si intima et protesta a noi Magnifico messer Johanne Georgio Trissino over al Magnifico cavallier messer Cyro fiolo et procuratore del prefato Magnifico cavallier messer Johanne Georgio como intendemo di usar de li detti over testificationi de li prefati testimonii iusta la forma de la oblation per vostra M.a anni fatta fin del anno 1538 a di 20 febraro produta in offitio de li Clarissimi Signori Auditori Novi, la qual intendemo vollemo habia executione et acceptemo dicta oblatione in conclusione, et ut in ea et la presente scrittura si fa ad omnem bonum finem et effectum, acio mai non possiate excusarvi di non saperlo et questa a instantia del nobile Alouise quondam de messer Paullo Valmarana nomine suo et litis conssertus testes de quibus supra: 1. messer Bernardin Brazoduro quondam Batista; 2. messer Alberto da Monza quondam Franchin; 3. messer Zambattista da la Zoga quondam Zuanmaria; 4. Messer Piero Furian quondam Florian di Floriani; 5. Messer Piero quondam Piero da l'Olio; 6. Francesco Sanudo quondam Zuane da Venetia, detto da Monte" (BCBVi, AT, c. 543, f° 96r°). Pourtant, un tel document ne semble pas atténuer les tensions déjà très fortes entre les deux Case, parce que Giangiorgio Trissino revient sur le sujet le 6 novembre suivant: "Li astutissimi et sagacissimi conssultori de li Magnifici et pottentissimi gentil-homeni de la familia da Valmarana, adversarii del Magnifico Cavallier messer Zuan Zorzo Trissino, sapendo non haver raggion alcuna ne la causa tra esse parte vertente vanossi imaginando continuamente novi articuli per cavillar et far questa causa eterna et immortalle introducendo ognhor qualche novità si come al presente 70 Lucien FAGGION JUSTICE CIVILE, TÉMOINS ET MÉMOIRE ARISTOCRATIQUE ..., 61-80 introducono, e sapendo il Magnifico messer Zuanzorzo predetto esser vechio di età di anni 72 et messer Cyro suo fiolo esser zovenne, et in ssio de le cosse veche et antique, per la qual cosa sperano che li diebba esser facil cossa dopo la morte di esso messer Zuanzorzo inganarlo maxime ne lo ex.mo et ill.mo Conss. o di XL.ta dove hassi da terminar questa causa ". Comment expliquer la nature de ce document? Giangiorgio, en réalité, n'accepte pas que les Valmarana consentent, seulement en 1549, de voler usar [...] de la testificatione di sei testimonii tunc eo inscio et sine aliqua citatione [qui ne furent donc jamais retenus valables par les Trissino] malo modo et non servato iuris ordine per loro examinati le depositioni de quali furono taliate et annullate [...], la qual cossa è una decipulla veramente vanna et somniata et fraudolosa perché ditta oblatione di examinar li soi testimonii ad pertetuam rei memoriam si come li havea offerto el prefato Magnifico messer Zuanzorzo non li è più licito in capo di anni 12 accettar ditta oblatione ne usar de la testification de detti testimonii taliata et annullata ne lo ex.mo Conss. ° di XL.ta in pregiuditio et danno di esso Magnifico messer Zuanzorzo, si perché non è più tempo di esaminar testimonii ad perpetuam rei memoriam, si perché havendo essi adversarii intentione di voler usar del detto de li allegatti testimonii dovevano dechiarirlo al tempo della expeditione et accettar ditta oblatione illico secuta incisione avanti la morte di essi testimonii si come e solito a farssi et non in capo di tanto anni e dopo la morte di detti testimonii, perché esso Magnifico Zuanzorzo haveria et fato ripeter diti asserti testimonii sopra li soi interrogatorii etproceduto ala sua indemnità " (BCBVi, AT, c. 543, f° 96). Le texte de Trissino fait la liste des aspects sur lesquels il convient d'interroger les témoins et qui doivent ensuite être suivis par les juges: quelle fut la personnalité d'Alvise Valmarana? Est-il possible que la possession de Cricoli ait été mise en jeu avec le patricien vénitien Orso Badoer, lequel aurait trompé "et de questo ne fu et è publica voce et fama nela cità de Vicenza"? Quel a été l'âge des déposants, lorsque mourut Alvise Valmarana? Celui-ci jouait-il souvent de l'argent et avec qui? Quels sont les liens existant entre les témoins et Alvise Valmarana? Entre le 27 août 1549 et le 30 juillet 1550, douze personnes sont entendues: le noble Francesco Monza, Giacomo Gatto ("habitator Vincentiae") et le "strenuus vir" capitaine Giovan Antonio Zeno le 27 août 1549; l'"egregius vir" Giacomo de Noale ("civis Vincentinae") et Andrea Cerdoni, "habitatore Vincentiae in burgo sancto Pietro", le 11 septembre 1549; Francesco Cimato, dit Minone, de Trévise, le 24 octobre 1549; le noble Francesco Fracanzan et Y"egregius vir" Girolamo Conte ("civis Vincentiae") le 6 mars 1550; Battista Brogliano, qui vit à Lago Pusterla, le 4 juin 1550; enfin, le 30 juillet, Y"egregius vir1' Ludovico Nicolini, les nobles Bartolomeo Negri et Bartolomeo Piacenza, ce dernier ayant été cité par les Trissino, alors que les autres l'ont été par les Valmarana (BCBVi, AT, c. 543, fasc. AA, f° 98105). Toutefois, l'affaire n'est pas résolue dans les années 1550. Giangiorgio Trissino 71 Lucien FAGGION JUSTICE CIVILE, TÉMOINS ET MÉMOIRE ARISTOCRATIQUE ..., 61-80 décède à Rome en 1550 et son fils Ciro, nouveau chef de la famille "Dal Vello d'Oro", impliqué dans la défense des biens des "Dal Vello d'Oro", qui ne se restreignent pas à la possession de Cricoli et à l'affaire contre les Valmarana, doit, en 1552, poursuivre la lutte contre les prétentions continuelles de ses adversaires: Ciro rediscute de la valeur testimoniale de certaines personnes examinées en 1549 sur demande de la partie opposée, douze témoins étant ainsi reconsidérés et réexaminés à la lumière des conseils donnés par les avocats et les procureurs aux Trissino. LA PAROLE AU TÉMOIN À la discussion sur la validité de la parole testimoniale s'ajoute la parole du déposant lui-même lorsqu'il est devant le juge. Que dit-il? Le témoignage et ses "acteurs" n'ont pas souvent retenu l'attention, ces dernières années, des historiens de l'époque moderne, ainsi que des juristes, à l'exception des colloques Dijon (Garnot, 2003), d'Angers (Lemesle, 2003) et d'Aix (Faggion, Verdon, 2007), rendant ainsi manifestes la nécessité et la pertinence de telles recherches fondées sur le mot livré par ceux ayant été appelés par la justice à déposer. L'intérêt prêté à cette forme de discours, recherchée par le juge préoccupé de reconstruire la trame du délit et de parvenir à la formulation d'une sentence -, par les historiens du droit et des institutions en Italie rendent compte de la volonté de saisir les usages du droit savant, la procédure et les preuves légales dans le cadre des villes et des anciens États régionaux (Maire Vigueur et al., 1991; Povolo, 1992-1993; 1997; Buganza, 1986-1987; 1991; 1998; Ginzburg, 1986; 1991; 1998; 2000; Faggion, Verdon, 2007). Les récentes publications tendent, en tout cas, à le souligner: Massimo Maccarelli (1998), auteur d'une étude sur l'arbitrium; Isabella Rosoni (1995), qui a consacré une recherche sur la théorie des preuves indiciaires, travaux fondés sur les écrits et les traités théoriques publiés au Moyen Âge et à l'époque moderne. Les historiens, quant à eux, se montrent sensibles au contexte social et appréhendent un nombre élevé d'informations tirées des dépositions, susceptibles de mieux cerner les rapports interrelationnels, les sensibilités collectives, les pratiques politiques, les différentes et nombreuses formes de contraintes morales - celles utilisées, par exemple, par le Saint-Office -, les conflits: en définitive, n'importe quelle pression possible exercée contre le témoin. Le droit des preuves détient un rôle essentiel en justice civile et pénale comme en témoigne le procès entre les Valmarana et les Trissino. En réalité, ce ne sont pas les questions de nature juridique, mais celles qui reconnaissent au juge la faculté de trouver la preuve qui sont au centre de la justice et de la vérité: la preuve testimoniale peut se distinguer en trois catégories: la preuve testimoniale préconstruite, la preuve in futurum, la preuve testimoniale en vigueur aujourd'hui, qui intervient seulement lors de l'affaire en justice. Durant l'Antiquité et au Moyen Âge, la preuve testimoniale a été la principale forme probatoire, mais une évolution contrastée est en- 72 Lucien FAGGION JUSTICE CIVILE, TÉMOINS ET MÉMOIRE ARISTOCRATIQUE ..., 61-80 suite apparue, dans laquelle elle s'affaiblit, quoiqu'elle soit restée insérée dans l'arsenal juridique pour composer une preuve. Du reste, la marginalisation de la preuve testimoniale, rendue effective en France par l'Ordonnance de Moulins en 1566, est moins prononcée et doit donc être relativisée. Le dualisme écrit-oral se révèle à l'époque moderne, mais l'écrit doit également être régularisé et organisé pour devenir une preuve. De quelle manière? Entre autres, par le développement du notariat, à l'origine de ce qui devient "Lettres passent témoins". La propension à favoriser le pouvoir notarial - signature demandée des parties, présence des témoins sous peine de nullité - et l'insinuation, qui rend obligatoire l'emploi du français, s'affirment en 1539, puis en 1560. Le problème lié à la construction de la preuve appartient au procès criminel, dans lequel la règle probatoire est essentielle et l'existence de deux témoins directs indispensable. Sinon, il reste au juge la tâche d'obtenir la confession, l'élément central du procès, mais aussi, probablement, le plus difficile à appréhender. Même dans le procès civil, le témoin met aussi en évidence la "fama", la "pubblica voce ", qui, "per tutta questa terra " (expression due à Bartolomeo Negri), dans la "piazza publicamente ", en ville de Vicence, se diffusait et souligne que feu Alvise Valmarana "discipava malamente " ses avoirs, comme le dit, par exemple, le noble Francesco Monza, le 27 août 1549, quand il fut entendu en qualité de témoin en faveur des Valmarana. Cependant, comme c'est le plus souvent le cas dans les dépositions en justice (civile et pénale), le mot est contrôlé par les déposants qui doivent, à coup sûr, craindre d'éventuelles mesures de représailles dans une société qui connaît des luttes de factions parfois meurtrières. La prudence caractérise ainsi leurs discours, chacun ne faisant que répéter ce que les autres ont dit il y a longtemps, de sorte qu'ils tiennent un discours normatif et intériorisé, admis et connu de tous à Vicence, en mesure de ne pas menacer l'acteur de la parole - le témoin. Ainsi "non me lo ricordo per esser tempo assai che dice esser più di anni sessanta et alhora ", ajoute le noble Monza, car "io era giovene che adesso sono intrato suli setantasei anni". Les années ayant passé, l'âge avancé des déposants, une mémoire ainsi affaiblie peuvent être des éléments décisifs (et de secours) qui leur permettent de ne pas tout dire, afin de ne pas subir de possibles futures difficultés, dans une ville fortement marquée par des violences nobiliaires et par de nombreux homicides. On ne sait rien, par exemple, sur le contrat illicite, selon les Valmarana, conclu sur la terre de Cricoli, probablement obtenu, alors que, une nuit, Alvise Valmarana, dans les dernières décennies du XVe siècle, joua avec le patricien vénitien Orso Badoer, lequel l'aurait trompé (" ingannato") et lui fit ainsi perdre ses biens que, depuis les années 1530, ses descendants cherchent à se réapproprier. La réputation mise en lumière par les déposants rend perceptible la manière de vivre d'Alvise Valmarana, qui "spendeva et consumava ilsuo"et, compte tenu de son "status" élevé, "poteva star con gli altri citadini di suo grado". Francesco Monza 73 Lucien FAGGION JUSTICE CIVILE, TÉMOINS ET MÉMOIRE ARISTOCRATIQUE ..., 61-80 ajoute que "per publica fama consumava il suo et discipava malamente ma questo è de vera scientia, non so altramente se non per quanto se diceva [...]. Questo so ben che'l se diletava de femene". Ma essendo egli "zovene a quel tempo, non praticava col dito Alouise, ma vedeva che il pratichava con homeni de la sua età et homeni da ben [...] et che potesse star con li altri citadini de suo grado et non intesi che l fusse persona che l fusse reputada fatua, ma che spendeva et conssumava il suo, ma non vi saperia dir [...]; che'l se deletava de femene e gli doveva costar qualche cosa in le qual non si pol far che non si spenda ". En ce qui concerne le patricien vénitien Orso Badoer, Francesco Monza indique que "ben l'era [Alvise Valmarana] sta abarado et cognosceva bene messer Orsso, ma non so sel fusse homo che inghanasse li compagni, ma intesi che l'era bandito da Venetia e questo che intesi fu za anni 60 in circa ". Giacomo Gatto, pour sa part, rapporte que les Valmarana lui avaient demandé de déposer en justice et que, en se plaignant, "questo è una cossa vechia de anni 65 e più, e perché il havea stretta amicitia e praticha con Chechin da Valmarana, filiolo del predicto messer Alouise mi par ricordar che una volta ditto Chechin mi disse che il quondam messer Alvise suo padre havea decipa la possessione de Cricoli e che 'l mi dicesse che dicto suo patre havea zugha la dita possessione de Cricoli con il Magnifico messer Orsso Badoero, ma questo non vi affermo perché, come ho ditto anchora, l'è tempo assai et mi par che questa cossa sia come una ombra che in vero havendomi parlato questi nobili da Valmarana di volvermi far examinar in questa causa mo fa tre mesi e più, ho penssato et ripenssato a questa cossa et non ho possuto rissolvermi altramente senon come ho ditto ". Que le déposant Giacomo Gatto se sente embarrassé par la citation à comparaître en justice peut être vraisemblable et l'argument de la mémoire défaillante, pour sincère qu'il puisse être, pour des événements s'étant produits il y a plus de soixante ans, l'aide à éviter des critiques, sinon des difficultés évidentes avec les Valmarana, ainsi qu'avec les membres de leur réseau. Le témoignage de Francesco Cimato de Trévise fournit des informations précieuses sur l'affaire en cours. Aussi indique-t-il que "nel tempo che mio padre teniva osteria ala insegna del Orsso, io era picolo che poteva havere da 12 anni et, in quel tempo, senti dire che messer Orsso Badoero havea venta sul locho una possession a uno de li Valmarana che non intesi ch 'il fusse [...], salvo il vero non mi voria falare, credo che'l fusse [avec Alvise Valmarana à jouer] Zulian Chiapin, messer Valerio Chiereghato, messer Lorenzo da Monza overo qualcuno di essi, perché erano solitiredursili". Auquel ajoute l'"egregius vir" Ludovico de Nicolini que "ditto messer Alouise praticava con homeni da ben et la sua pratica più ferma era con il quondam messer Zanghugielmo de Ghellini, messer Roma da Longhare, messer Hieronimo Colzè". Étant circonspect depuis le début de l'interrogatoire, le noble Francesco Fra-canzan dit, d'abord, qu'il "non havea pratica con lui et za molti anni in questa terra si 74 Lucien FAGGION JUSTICE CIVILE, TÉMOINS ET MÉMOIRE ARISTOCRATIQUE ..., 61-80 diceva pubblicamente che era homo che havea decipato del suo cavedale [...] era cossa vulgare per la cità come è anche adesso ", et indique, ensuite, qu'il ne sait pas "che l podesse zughar al tempo che lo cognosseti, perché lui [Alvise Valmarana] era povero et havea fioli dui legitimi et naturali, ma poderia esser che l havesse zugha per inanti et mi non lo visti mai zughar, perché lui era vechio et io zovene et non praticava con lui senon che qualche volta mi trovava ne la botegha del quondam mio barba Zorzo Zilioto dove lui praticava ". En revanche, l'" egregius vir" Girolamo Conte, citoyen de Vicence, affirme qu'Alvise Valmarana "era homo de lezier cervello et che decipava il suo cadevale ", mais il préfère ajouter, prudemment, que "non ve dico che'il fosse de lezzier cervello, senon perché si diceva che decipava il suo che altramente io non l'ho cognossiuto et anche mi ha detto il quondam mio padre et altre perssone che il dicto Alouise zughante in una sola note la possession de Cricoli con il quondam messser Orsso Badoero ma che il fusse inghanatione abarato nel gioco non ne ho inteso cosa alcuna ". Puis, le déposant fait ressortir que "essendo cossi qualche differentia con messer Zuansorio [Giangiorgio Trissino] per la sua fornace che è li in confine del nostro brolo et per uno fitto che comprassimo da sua madre M.a Cecilia et parlando cossi fra noi mi aricordo che mio padre diceva queste over simile parole 'la habudo questa possession per un pezzo de pan che suo padre messer Gasparo la comprù per bon merchà per haverla guadagna in una note a messer Alouise Valmarana ". Quoique "amico de una parte et de l'altra", le noble Bartolomeo Negri est, sans doute, le plus loquace au cours de l'interrogatoire, lorsqu'il déclare que "non so che vita [Alvise Valmarana] faceva, ma mio padre diceva pur assaissime volte versso mi et mei fratelli soi fioli renprendendone et admonendone che fossemo homeni da ben et guardassi dal zogho et atendere a far ben, perché messer Alouise Valmarana havea zughato una possession in una note con messer Orsso Badoero dicendomi specialmente questa possession de Cricoli". UN ÉPILOGUE? Le cas n'est toujours pas résolu au début du XVIIe siècle. Les deux Case restent aux prises avec les biens de Cricoli dans un litige qui s'épuise peut-être. Paolo Francesco Valmarana livre, le 3 juillet 1602, dans une "litera contentiosa " rédigée à Venise, que "Spectabilis et generoso vir se cosi è che dell'anno 1537, perché quondam vir Alvise Valmarana, procurator di D. Paulo suo padre et de altri consorti Valmarana, fosse principato quando avenit il spectabilis Pottesta di questa città contra D. Zan Zorzi Trissino, il qual, quando sii caminato fino all'anno 1553 senza poter esser ispedito per li articoli che, per parte di esso Trissino, sono stati vanamente proposti et intestatti nel qual anno 1553, esso quondam D. Alvise procurator 75 Lucien FAGGION JUSTICE CIVILE, TÉMOINS ET MÉMOIRE ARISTOCRATIQUE ..., 61-80 della litte passato a meglior vita lasciando doppo di se D. Paulo Francesco suo figliolo in età de anni doi in circa, sicome poco doppo morirno anco gli altri con-sorti, lasciando parimente le loro descendenti in età pupellare et non potendo esser stato il corso del tempo di alcuno pregiuditio a dette figliuole per il tempo che sono state in età pupillare et minore, ricerchamo la spli. che nonostante il passar del tempo sudetto administri et faci amministrar in ditta causa ragione et giustitia " (BCBVi, AT, c. 543, f° 118v°). Auquel ne manque pas de répondre, Pompeo Trissino, dans son "oblatio", que "Conosceva D. Paulo Francesco Valmarana che se havesse proposto in giuditio imaginante sue chimere per travagliar me Pompeo Trissino, dopo cosi longo corso di tempo, non sariano state dalla giustitia admesse. De qui è che si è imaginato di volerse indebitamente avantagiar con l'ottenir a questo eccellentissimo tribunale [les Auditeurs Nouveaux] un suffragio distrutivo dalle leggi come sara considerato alla giustitia ondo sono stato astretto di esso dimandar revocatione acciù quella seguita restino salve tutte e cadaune ragioni di ambe soi patti si et come a cadauna di noi posso competer per giustitia [...]". Le procès contribue sans doute à différer des actes de violence physique et à transposer sur le terrain proprement judiciaire un antagonisme profond, apparemment insoluble, alors que les familles de l'aristocratie, depuis les années 1530, préfèrent l'espace du règlement de compte et de la "faida ", dotée de son propre langage, codifié et légitimé par les statuts citadins, ainsi que par les hommes de loi locaux. Le différend sur Cricoli semble mettre en jeu seulement des biens fonciers, alors qu'il est probable que la réputation, la dignité, l'honneur, le prestige, la richesse d'un lignage qui fait réaliser, par des travaux importants, une villa selon les goûts les plus modernes de la Renaissance et les nouvelles règles de l'architecture, sous la direction attentive de l'humaniste Giangiorgio Trissino, savant homme de lettres antiques et passionné de Vitruve, peuvent expliquer la nature de ces antagonismes aussi tenaces avec les Valmarana. À partir des années 1530 débutent à Vicence, comme dans presque toutes les villes les plus importantes de la Terre Ferme, des "faide" qui exigent la prompte intervention de l'État vénitien et du Conseil des Dix. Les Trissino, en particulier la branche des "Dal Vello d'Oro", connaissent des conflits qui éclatent en véritables "faide", puis en vengeances déréglées: Ciro est assassiné en 1576, Giulio Cesare en 1583, puis en 1588, l'épouse et le nouveau-né de Pompeo. Centre de culture et des valeurs renouvelées de l'architecture à l'ancienne, expression de la Renaissance, la villa Cricoli tendit à devenir, déjà dès les années 1530, le cœur de l'autorité et de la fortune des "Dal Vello d'Oro", le langage de leur suprématie, symboliquement représentée à la fois dans la pierre et dans l'image, dans la munificence, et comprise par les contemporains. Comment cerner, sinon, les revendications des Valmarana, inattendues après plus de soixante ans de silence, de la perte aussi bien de ces terres que de ces maisons situées aux portes de la ville de 76 Lucien FAGGION JUSTICE CIVILE, TÉMOINS ET MÉMOIRE ARISTOCRATIQUE ..., 61-80 Vicence? Difficultés économiques? Il se peut, en effet, que celles-ci justifient l'attitude des Valmarana, qui témoignent d'un éventuel déclin économique ayant caractérisé de nombreuses familles nobles vicentines. Elles expliquent seulement en partie les rivalités, mais ce ne semble pas suffisant. Il y a plus. Par exemple, le "capital culturel" qui reste, sans nul doute, le nœud gordien des contestations continuelles apparues durant ces années et traduit le rôle de prééminence assumé par les "Dal Vello d'Oro" au sein de la société aristocratique de Vicence, dans les cercles du patriciat vénitien et dans les grandes cours italiennes. CIVILNO PRAVO, PRIČE IN MEMORIJA PLEMSTVA: TRISSINOVI, VALMARANOVI IN ZEMLJIŠČE CRICOLI V 16. STOLETJU Lucien FAGGION Provansalska univerza (Aix-Marseille I) - TELEMME (Maison Méditerranéenne des Sciences de l'Homme), 5, rue du Château de l'Horloge, B.P. 647, 13094 Aix-en-Provence Cedex 02, Francija e-mail: faggion@mmsh.univ-aix.fr POVZETEK Z veljavo in vlogo besed pričevalcev se že nekaj let ukvarjajo strokovnjaki s področja družboslovnih in humanističnih ved, še zlasti pri preučevanju kazenskega prava od srednjega veka do sodobnega časa. Teža informacij, ki jih je pridobil sodnik pri zbiranju dokazov za izrek sodbe (ki naj bi bila pravična glede na pravni red, veljavna pravila v določeni družbi), različni pristopi, kijih je mogoče pripisati besedi priče, njeni vlogi, sodnemu in pravnemu sistemu, obtožencu in žrtvi, vse to nam omogoča razumevanje pričevanja kot pluralnega izraza, v katerem se kažejo tako politična kot družbena, kulturna in sodna stvarnost. Proces, ki se je začel leta 1537 zaradi zemljiške posesti v Cricoliju pri Vicenzi, ki je bila v lasti dveh uglednih družin iz vicenške visoke družbe, nam govori o rivalstvu med družinama, o pomenu aristokratskih korenin, o teži plemiške družine, o identiteti, ki jo je ustvarila družina in o specifičnih vrednotah renesančne družbe. Temelji procesa segajo v leto 1530, vanj pa sta bila vpletena pomembna člana dveh močnih vicenških aristokratskih družin: Giangiorgio Trissino, znani humanist, ki je bil vedno dobrodošel na dvorih renesančne Italije, ter Alvise Valmarana. Predmet spora je bilo zemljišče nedaleč od Vicenze. Alvise Valmarana je želel, da se mu povrne zemljiška posest, kajti družina Trissino si jo je (z igro na srečo) nezakonito prilastila. Civilni proces se je odvijal okrog Cricolija, kjer je leta 1530 Giangiorgio načrtoval prenovo že obstoječega poslopja, mlademu in nadarjenemu Andrei di Pietru, kasneje imenovanem Palladiu, po poreklu iz Padove, je verjetno naročil, 77 Lucien FAGGION JUSTICE CIVILE, TÉMOINS ET MÉMOIRE ARISTOCRATIQUE ..., 61-80 naj postavi novo domovanje, tako imenovano vilo Cricoli, ki je bila, kot kaže, eno izmed umetnikovih najzgodnejših del. Toda, ali je bilo temu dejansko tako? Proces se je pričel leta 1537 in se je vlekel vse do začetkov leta 1600, obe družini sta imeli kar veliko opraviti z obrambo, darilnimi akti, pozivi, plačilnimi zahtevki, da bi izpodbijali ali dokazovali pravico do posedovanja tega zemljišča in torej tudi do obstoječih poslopij, seveda tudi zgradbe v Cricoliju, kjer so se napovedovala zajetna dela pod vodstvom humanista Giangiorgia. Glede na veljavno zakonodajo in iskanje dokazov o sporu diskretno govorijo priče. Izmed pričevanj zbranih med letoma 1537 in 1550 so bila upoštevana pričevanja le osemnajstih oseb, ki so lahko vplivale na izid pravdanja. Problematično pa je priznavanje besednega pričevanja in vrednost, ki jo je le-temu mogoče pripisati. Čeprav obe v spor vključeni strani velikokrat izpodbijata, zagovarjata in predlagata pričevalce, pa le-ti vendarle omogočajo vpogled v merjenje moči med obema plemiškima družinama, kakor tudi v podatke o vlogi spomina, aristokratske identitete, plemiške časti, pojmih, o katerih so morda nehote glasniki ravno pričevalci na procesu, predvsem pa obe aristokratski družini. Ključne besede: civilni proces, beseda, fajda, simbolni kapital, kulturni kapital, poreklo, aristokracija, družinska identiteta, spomini plemstva, dediščina SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE BCBVi - Biblioteca Civica Bertoliana di Vicenza (BCBVi), Archivio Trissino (AT), serie processi, nuova segnatura (Valmarana). Priori, L. 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