103 Mojca Schlamberger Brezar* 6 UDK [81'373.4:355.01]: Université de Ljubljana 821.133.1Littell J.=163.6 DOI: 10.4312/linguistica.58.1.103-118 LE VOCABULAIRE DE GUERRE DANS LA TRADUCTION DES BIENVEILLANTES DE J. LITTELL VERS LE SLOVÈNE : ENTRE LA TRADITION ET INNOVATION 1. INTRODUCTION Le présent article sera consacré au vocabulaire de guerre dans le roman Les Bienveil- lantes de Jonathan Littell (prix Goncourt 2006) et sa traduction vers le slovène par Vesna Velikovrh Bukilica (2010), le titre slovène étant Sojenice. D'abord, nous allons présenter l'histoire du développement du langage militaire slo- vène pour arriver ensuite aux mots spécialisés de guerre dans le cadre de la 2 e guerre mondiale. Le lexique en question sera général et spécialisé. Comme le lexique dans une œuvre littéraire veut mimer la réalité, le choix du vocabulaire, décrivant la situation en question, se fait en fonction des participants. Tous les registres de langue peuvent y trouver leur place. Les œuvres littéraires et partant leurs traductions présentent une richesse du vocabulaire allant du général au spécifique, incluant aussi bien des mots techniques qu'argotiques. En quoi le vocabulaire de la 2 e guerre mondiale s'avère-t-il spécifique par rapport à la 1 ère ? Il n'y a plus de tranchées, le vocabulaire comprend la composante civile, en plus, il est fortement lié à la langue allemande et les notions créées par le nazisme : comme cette guerre, en Europe, était surtout marquée par le nationalisme allemand, les termes techniques désignant l'organisation de l'armée allemande et sa philosophie de guerre (concernant l'organisation future du monde et le règlement de la question juive), qui sont des emprunts à l'allemand, seront présents dans la plupart des œuvres décrivant la situation pendant la 2 e guerre mondiale ou parlant d'elle. Nous avons formé l'hypothèse suivante : comme on a vécu la 2 e guerre mondiale aussi sur le territoire slovène, on possède notre propre vocabulaire de guerre. Même si l'on prend les termes allemands, ils seront adaptés à la tradition slovène. Ceci devait présenter la norme pour la traduction. Nous avons pris comme exemple les œuvres qui confirment cette hypothèse (Ho- lokavst de W. Benz, traduit par Rapa Šuklje) et nous avons comparé les stratégies traductionnelles avec celles de la traduction des Bienveillantes de Jonathan Littell vers le slovène. * mojca.brezar@ff.uni-lj.si Linguistica_2018_FINAL_2.indd 103 13.3.2019 13:40:34 104 2. VOCABULAIRE SPÉCIALISÉ MILITAIRE EN SLOVÈNE ET LES BASES POUR LA TRADUCTION Le langage militaire slovène a quelques particularités : comme le slovène faisait partie des États multinationaux il n'est devenu la langue de commandement que pendant la 2 e guerre mondiale (entre 1941 et 1945). Le spécialiste du vocabulaire spécialisé militaire slovène Tomo Korošec, affirme que : Le champ de langage militaire slovène est important par rapport aux autres champs spécialisés surtout en deux points: a) il s'agit d'un champ interdisci- plinaire des disciplines et des spécialités (l'art de guerre), b) l'existence et le développement de la discipline majeure de ce champ d'exploration (c'est à dire l'art de guerre, la tactique, les stratégies, l’opérationnel, la logistique, ne sont pas (…) liés à l'existence de l'armée en tant qu'institution organisée dans un État national 1 . (Korošec 1998: 1) Les époques dans le développement du langage militaire slovène (selon Korošec 1998) sont les suivantes : tout commence au XVIII e siècle, plus exactement en 1797, dans le journal Ljubljanske novice édité par le poète et publiciste slovène Valentin Vod- nik, qui y a aussi contribué la plupart des articles (Legan Ravnikar 1997). Le vocabu- laire militaire apparaissait dans les articles informatifs de vulgarisation, contenant des mots concernant l'organisation militaire (p. ex. pešec fantassin, soldat soldat, streljanje fusillade) ainsi que des unités militaires et des grades (stabofizir officier, adjutant adju- tant) et la tactique (umakniti se reculer etc.) Un livre en slovène, dénommé Vojaški sklepi za cesarsko kralevo armado (Les rè- glements militaire concernant l’armée de l’empereur), qui contenait le code de justice militaire décrivant les délits en armée et les punitions prévues, parait en 1814 (Korošec 1998: 4). Les mots spécialisés du champ militaire apparaissaient aussi dans le journal de Levstik (Naprej) et le dictionnaire allemand-slovène et slovène-allemand de Cigale (Cigale 1861). À ce stade, avant la publication du dictionnaire militaire par Komel, le langage militaire était, selon Korošec (1998: 4), loin d'être spécialisé et comprend des mots appartenant au champ sémantique de la guerre et armée trop général pour pouvoir être considéré comme langage technique. En 1849 et dans la suite, avec la constitution octroyée et les lettres patentes du kai- ser (l'empereur autrichien) qui ont proclamé l'égalité des langues dans l'État autrichien (Korošec, 1998 : 5), le slovène entre dans l'armée. La commission terminologique juri- dique, composée des linguistes Miklošič, Levstik, Janežič créée auprès du corps de traduction du code civil, a donné les bases pour les codifications du langage technique 1 En slovène: « Predmetno področje, na katero se nanaša poimenovalna zveza slovenski vojaški jezik, je nasproti ostalim področjem pomembno vsaj v dveh ozirih: a) zajema izrazito, skoraj vseobsegajočo meddisciplinarnost ved in strok (t. i. vojstvo), in b) obstoj in razvoj osrednjih disciplin tega predmetnega področja, t. i. vojaških veščin in taktike, strategije, operatike, logistike, nista (…) vezana na obstoj vojske kot organizirane institucije v nacionalni državi. » Linguistica_2018_FINAL_2.indd 104 13.3.2019 13:40:34 105 militaire. Ces conditions étaient propices à l’arrivée de quelqu’un qui possèderait as- sez de connaissances en matière militaire et pourrait fournir le vocabulaire approprié. C’était Andrej Komel (1829-1892), militaire professionnel, officier de l’armée autri- chienne, qui, en 1872, publie le dictionnaire militaire slovène-allemand et allemand- slovène, ainsi que quelques ouvrages militaires (Dictionnaire publié dans Korošec 1998.). À partir de 1872, Andrej Komel écrit les livres pour les soldats (l'entraînement, le corps militaire, les armes) : on peut parler des débuts de la construction officielle du langage miliaire. Après Komel, l'époque du Royaume Yougoslave (entre 1919 et 1941) apporte la période de répit, marqué par manque de créativité : le serbe militaire, connaissant une longue tradition, remplace l'allemand, les commandements se font en serbe, aucune œuvre concernant la terminologie militaire ne paraît. Le langage journalistique slovène apporte pourtant des nouvelles de guerres qui contiennent une partie du vocabulaire spécialisé (Korošec 1998: 55). La 2 e guerre mondiale apporte la résistance à l’occupation et bouleverse les autorités existantes. Dans les maquis, les partisans représentent l'armée slovène alors le slovène en tant que langue de communication est exigé. Pour des raisons pratiques (les officiers étant issus de l'armée yougoslave), le commandement se fait parfois en serbe ou croate et les emprunts à ces deux langues sont sentis comme jargonismes (Korošec 1998: 57). En 1945, un pas est fait vers la normalisation : la commission d'orthographe voit jour sur le territoire libéré de la Dolenjska (Korošec 1998: 56). Après la libération, en Yougoslavie fédérale (1945-1991), le serbe (le serbo-croate) prend le relais en tant que langage militaire officiel. Pour favoriser l’emploi de la ter- minologie slovène, le vocabulaire militaire est publié sous forme de glossaire Vojaški slovar en 1977 (Korošec 1998: 62-63). L’époque après 1991, en Slovénie indépendante, est marquée par l’officialisation du slovène en tant que langage militaire: le slovène devient la seule langue d'État (à part les langues des minorités) et partant la langue du commandement. Mais avec l'adhésion à l'Union européenne et à l'Otan, les conditions de son emploi changent. Pour ne citer qu’une source : Le langage spécialisé militaire slovène dépend essentiellement de l’organisation de l’État et de l’organisation de l’armée. Dans le passé, il était marqué par la dépendance des systèmes politiques ce qui a causé son abandon, ou même son interdiction au sein de l’armée yougoslave. Il n’a pu s’épanouir pleinement qu’après l’indépendance. Après l’adhésion à l’OTAN, d’importants enjeux et demandes linguistiques ne cessent de s’imposer. (Pečovnik 2009) 2 2 L’original : « Slovenski vojaški strokovni jezik je bil in je bistveno odvisen od družbeno-politične ureditve ter stopnje vojaške organizacije. V preteklosti sta ga zaznamovala podrejenost drugim političnim sistemom in posledično zanemarjanje ali celo prepovedovanje uporabe slovenskega vojaškega jezika v vojski. Šele po osamosvojitvi je v polnosti zaživel in se začel razvijati, po priključitvi Natu pa mora izpolniti in uresničiti visoke jezikovne zahteve. » Linguistica_2018_FINAL_2.indd 105 13.3.2019 13:40:34 106 3. LE LEXIQUE MILITAIRE SLOVÈNE ENTRE LA TERMINOLOGIE ET LE JARGON Comme Korošec affirme dans son introduction au lexique militaire slovène (1998 : 1, cité ci-dessus), le vocabulaire spécialisé militaire appartient aussi partiellement au vocabulaire général. Du temps de Vodnik, les mots militaires affichaient la polysémie (d’ailleurs loin d’être typique des termes spécialisés) et possédaient encore les syno- nymes (Legan Ravnikar 1997, Korošec 1998). Dans les conditions de la 2 e guerre mondiale, où l’on mélangeait aux termes slo- vènes les termes serbo-croates (selon Korošec, 1998 :4, voir aussi plus haut), Korošec propose de parler du « jargon » militaire. Quant à la définition du jargon, si nous nous tenons à la définition de B. Turpin (2002 : 53), le jargon est le parler propre à une profession, visant à faciliter la commu- nication, à la rendre efficace. Le jargon est aussi un langage de connivence. B. Turpin (2002) l’oppose ainsi à l’argot qui se présente comme « parler propre à un groupe social, visant à exclure un tiers de la communication, et aussi parfois du genre humain. Langage de connivence, mais dans un acte de communication sciemment limité. » (Turpin 2002 : 53). Elle montre que jargon et argot se conjuguent dans la langue des métiers, mais que le jargon est plus partagé que l’argot et possède les propriétés du langage spécialisé. Comme la 2 e guerre mondiale a touché la plupart de la population civile, le jargon militaire n’était pas limité aux soldats. Il en va de même pour les participants civils à la guerre, qui employaient les jargonismes pour la désignation de la réalité, par exemple les incarcérés dans les camps de concentration, ce qui est mentionné d’ailleurs lors de la parution de la traduction du livre Holocaust de W. Benz par R. Šuklje (2000). La traductice, elle-même détenue à Ravensbruck pendant la 2 e guerre mondiale, puisait les termes pour la traduction de sa propre expérience du jargon des détenus (cf. aussi Vogel 2000, Jogan 2000). Au sein d’une œuvre littéraire qu’on analysera, on peut s’attendre à une richesse du vocabulaire contenant aussi bien les termes techniques, les mots désignant les spé- cificités culturelles, les jargonismes ou même l’argot. Quelles sont alors les sources possibles de l'inspiration d'un traducteur ? Le dictionnaire militaire représente une aide précieuse, mais ne peut pas couvrir tous les niveaux de l'expression linguistique, surtout pas le niveau expressif et historique qui fait partie de l’univers notionnel de l’écrivain. La 2 e guerre mondiale guerre était un facteur tellement puissant qu’il a marqué les sociétés pour une longue période et ne cesse de tourmenter les générations même aujourd’hui ce que nous allons démontrer dans la suite. Cette guerre est une source inta- rissable d’expressions ; de nombreux livres ont paru à ce sujet qui ont pu documenter ces jargons, ce sont aussi bien des ouvrages de vulgarisation que des œuvres littéraires. Quant au slovène, une partie du vocabulaire s'est constituée à travers le serbo-croate, une deuxième à travers les dénominations du vécu des gens qui a survécu dans les livres mais aussi dans les traductions que nous venons de mentionner ci-dessus. Alors, comment un traducteur peut-il procéder ? Les stratégies possibles à utiliser seraient de deux niveaux : Linguistica_2018_FINAL_2.indd 106 13.3.2019 13:40:34 107 a) s'inspirer simplement de l'œuvre-source (et du traitement des mots spécifiques proposé par l’auteur) b) s'inspirer d'autres œuvres qui traitent la même thématique (originaux ou traductions). Nous allons essayer de montrer les stratégies de traduction dans une œuvre littéraire récente, Les Bienveillantes de Jonathan Littell (2006) et sa traduction vers le slovène par V. Velikovrh Bukilica (2010). 4. LES BIENVEILLANTES ET LE VOCABULAIRE DE GUERRE Le roman Les Bienveillantes de Johnatan Littell, prix Goncourt de 2006 et traduit vers le slovène en 2010 comme Sojenice, raconte l'histoire d'un haut officier de la SA d'origine franco-allemande traversant tous les lieux emblématiques de la 2 e guerre mondiale. Le récit est divisé en sept parties qui évoquent la musique et les danses du XVIII e siècle (toccata, allemande I et II, courante, sarabande, menuet en rondeaux, air, gigue) et suivent la chronologie morbide de la guerre sur le Front de l'Est, de la Shoah par balles en 1941 aux camps d'extermination des Juifs en passant par la bataille de Stalingrad pour s'achever à la chute de Berlin en 1945. Le titre Les Bienveillantes renvoie à l’Orestie d'Eschyle, dans laquelle les Érinyes, déesses vengeresses qui persécutaient les hommes coupables de parricide, se transforment finalement en Euménides apaisées. Cette réécriture du mythe sur plus de 900 pages a soulevé beaucoup de poussière lors de sa parution en France d’où son intérêt pour la traduction. Le vocabulaire spé- cifique de ce livre est lié à l'organisation militaire de l'armée (et de la politique) alle- mande, à la question juive, aux camps d'extermination. Sa spécificité est la dénomina- tion des termes de guerre en allemand. Nous donnons ci-dessous un extrait du livre qui pourrait illustrer le procédé : 1) Là, dans la clarté d'été, je songeais à cette décision que nous avions prise, cette idée extraordinaire de tuer tous les Juifs, quels qu'ils soient, jeunes ou vieux, bons ou mauvais, de détruire le Judaïsme en la personne des ses porteurs, décision qui avait reçu le nom , bien connu maintenant, d'Endlösung :« la solution finale ». Mais quel beau mot ! Pourtant, il n'avait pas toujours été le synonyme d'extermination : depuis le début, on réclamait, pour les Juifs, une Endlösung, ou bien une völlige Lösung (solution complète), ou encore une allgemeine Lösung (solution générale), et selon les époques cela signifiait exclusion de la vie publique, exclusion de la vie économ - ique, enfin émigration. Et peu à peu, la signification avait glissé vers l'abîme, mais sans que le signifiant, lui, change, et c'était presque comme si ce sens avait toujours vécu au cœur du mot ... (Littell 2006 : 580) 1’) Tam, v jasni svetlobi poletja, sem premišljeval o odločitvi, ki smo jo sprejeli, o tej nenavadni, izjemni zamisli, da bi pobili vse Jude, mlade in stare, dobre in slabe Linguistica_2018_FINAL_2.indd 107 13.3.2019 13:40:34 108 – da bi uničili judovstvo v osebi njegovih nosilcev, zamisli, ki je dobila danes dobroznano ime Endlösung: »dokončna rešitev«. Kako prelepa beseda! Ni pa bila vedno, že od nekdaj, sopomenka iztrebljenja: na začetku so za Jude zahtevali Endlösung ali vollige Lösung (celotno ali popolno rešitev) ali allgemeine Lösung (splošno rešitev), ker je, odvisno od obdobja, lahko pomenilo izključitev iz javne- ga življenja ali izključitev iz gospodarskega življenja, nazadnje pa izselitev. In počasi je pomen te besede zdrsnil v brezno, ne da bi se pri tem spremenil sig- nifikant; bilo je, kakor da je ta dokončni pomen vedno, že od nekdaj, prebival v osrčju te besede … (Littell 2010 : 578-579) On peut voir que le terme d'Endlösung est commenté entre guillemets ce qui fournit au locuteur une explication immédiate du terme – il en va de même pour les variations de ce terme völlige Lösung et allgemeine Lösung où l'explication vient entre paren- thèses. Les notes de l’auteur apparaissent parfois en italiques, parfois non. Dans la traduction, tous les termes pris directement à l’allemand sont en italiques. On pourrait distinguer les mots représentant le vocabulaire militaire des mots « spé- cifiquement cultures » qu'on ne traduit pas (Newmark 2000 : 151-165), mais il faut aussi tenir compte de la norme interne (ou du standard) de la langue donnée (Schlam- berger Brezar 2016). 4. 1. Le vocabulaire des Bienveillantes Le personnage principal raconte son histoire à la 1 e personne. Le vocabulaire est for- tement marqué par l'allemand. Par souci d'authenticité, l'écrivain conserve les termes spécifiques militaires (les grades, les fonctions, les idées principales de l’idéologie naziste). Le vocabulaire de guerre est en majeure partie allemand et reproduit à la fin du livre sous forme de glossaire dans 2 documents, facilitant la compréhension des termes techniques du vocabulaire spécialisé (qui, à leur tour, ont été traduits vers le slo- vène), notamment le glossaire avec l'explication en français et le tableau d'équivalence des grades (voir en annexe 1 où il est suivi d’un autre tableau tiré de la traduction de l’ouvrage de référence (W. Benz 2000)). Notre recherche avait pour but de cerner les stratégies de traduction des termes mili- taires vers le slovène et de les comparer avec la réalité linguistique et la norme existante de la langue cible. La méthode de recherche était basée sur l'analyse qualitative des termes représentant la réalité militaire en fonction de leur traduction, mais également du point de vue de la norme linguistique. L’approche méthodologique était la suivante : à part l’analyse du glossaire et le tableau des grades militaires, nous avons constitué un corpus en prenant 30 pages sur un total de 894 pages de l’original pour relever la terminologie spécialisée et le vocabu- laire de guerre : ce sont les pages 126, 127, 132, 133, 136, 137, 292, 293, 325, 354, 355, 404, 405, 532, 533, 534, 535, 557, 578, 579, 580, 581, 704, 705, 722, 723, 760, 761, 782, 783 Après le recensement sur les pages marquées, nous avons pu constater qu’il y avait de 3 à 10 termes militaires allemands par page, dont quelques-uns se répétaient. Différents champs lexicaux s’esquissent de cette manière : Linguistica_2018_FINAL_2.indd 108 13.3.2019 13:40:35 109 • le champ général : Führer (et dérivés : Brigade-, Gruppe-,Untersturm führer et autres grades), Gruppenstab, Kommande, Amtchef, sigles ORPO, AOK et autres sigles ou mots valises comme p. ex. KriPo, ainsi que les mots représentant des idéologies : Einsatz, Einsatzkörper, Heimat, Weltanschaung, Endsieg. • La question juive et les camps de concentration : Endlösung, vollige Lösung, Arbeitsjuden, Bergjuden, Stammlager, Kapo, KL, KZ, Hiwi (Hilfwillinge), Häft- ling, Arbeitsjuden, Lebensborn, Mischling • Citations: Krieg ist Krieg … und Schnaps ist Schnaps; Man lebt in seiner Sprache, etc. Ces devises apparaissent dans le texte français sans traduction, il en va de même pour le slovène. Du front de Stalingrad ou de Crimée il ne reste que quelques mots comme des fonc- tions militaires et des grades (et leurs traductions), la couleur feldgrau et Panzer, car le personnage principal agit en arrière-front. Quant à la forme graphique de ces termes, nous n’avons pas pu tirer une conclusion générale : en français, ils sont parfois écrits en italiques (exemple (1) ci-dessus : Endlö- sung, völlige Lösung, allgemeine Lösung), parfois en lettres normales (le même exemple : Endlösung, l’exemple (2) ci-dessous : SS-Brigadefürer, Generalmajor der Polizei). En slovène, les termes allemands sont repris, dans la plupart des cas, dans leur forme d’origi - nal français : parfois en italiques, parfois en lettres normales. Il y a pourtant des exceptions (exemple (2) ci-dessous) : Generalmajorja der Polizei, ce qui est à remarquer comme un choix de la traductrice qui voudrait attirer l’attention du lecteur à quelque chose d’inha - bituel ; en effet, deux modes de déclinaison s’y mêlent, slovène ( Generalmajorja) et alle- mand (der Polizei) ce qui enfreint la norme du slovène. Nous en reparlerons dans la suite. 2) Le Reichsfürer profita aussi de l’occasion pour nous présenter le SS-Brigadefürer et Generalmajor der Polizei dr. Thomas, venu avec lui pour remplacer le Dr. Ra- sch à la tète de l’Einsatzgruppe. (Littell 2006 : 128) 2’) Reichsfürer je izrabil priložnost, da nam je predstavil SS-Brigadefürerja in Gen- eralmajorja der Polizei dr. Thomasa, ki je prišel z njim, da bi zamenjal Rascha na čelu Einsatzgruppe. (Littell 2010 : 126) Les stratégies de traduction seront discutées dans le sous-chapitre suivant. 4. 2. Les stratégies adoptées et le commentaire Comme nous avons pu constater à partir des exemples donnés ci-dessus, la stratégie adoptée par la traductrice dans la traduction des Bienveillantes est directement inspirée par le traitement du lexique spécifique militaire dans l'original : les stratégies traduc- tionnelles sont proposées par le texte lui-même, les termes allemands étant expliqués entre parenthèses ou paraphrasés comme dans l’exemple (3) ci-dessous : Linguistica_2018_FINAL_2.indd 109 13.3.2019 13:40:35 110 3) C'était aussi inconcevable que de résister au mot obéir, au mot servir, au mot loi. Et c'était peut-être là, au fond de nos Sprachregelungen, assez transparents finalement en termes de camouflage (Tarnjargon), mais utiles pour tenir ceux que se servaient de ces mots et de ces expressions – Sonderbehandlung (traitement spécial), ab- transportiert (transporté plus loin), entsprechend behandelt (traité de manière ap- propriée), Wohnsitzverlegung (changement de domicile), ou Executivmassnahmen (mesures exécutives) – entre les pointes acérées de leur abstraction. Cette tendance s'étendait à tout notre langage bureaucratique, notre büokratisches Amtdeutsch, comme disait mon collègue Eichmann : dans les correspondances, dans les dis- cours aussi, les tournures passives dominaient : « il a été décidé que », les Juifs ont été convoyés aux mesures spéciales,« cette tâche difficile a été accomplie », et ainsi les choses se faisaient toutes seules, personne ne faisait jamais rien, personne n'agissait, c'étaient des actes sans acteurs, ce qui est toujours rassurant, et d'une certaine façon ce n'étaient même pas des actes, car par l'usage particulier que notre langue nationale-socialiste faisait de certains noms, on parvenir, sinon à entière- ment éliminer les verbes, du moins à les réduire à l'état d'appendices inutiles (mais néanmoins décoratifs) et ainsi, on se passait même de l'action, il y avait seulement des faits, des réalités brutes soit déjà présentes, soit attendant leur accomplissement inévitable, comme l'Einsatz, ou l'Einbruch (la percée), la Verwertung (l'utilisation), l'Entpolonisierung (la dépolonisation), l'Ausrottung (l'extermination), mais aussi, en sens contraire, la Versteppung, la steppisation de l'Europe par les hordes bol- cheviques qui, à l'opposé d'Attila, rasaient la civilisation afin de laisser repousser l'herbe à chevaux. Man lebt in seiner Sprache … (Littell 2006 : 581) 3’) To bi bilo enako nepojmljivo kot kljubovati besedi ubogati, besedi služiti, be- sedi Zakon. In mogoče je v bistvu prav to pravzrok naših Sprachregelungen, ki so kot pripomoček za zastiranje, za kamuflažo (Tarnjargon) navsezadnje precej prozorna, ampak učinkovito pomagajo zadržati tiste, ki te besede, te izraze – Sonderbehandlung (posebna obravnava ali ravnanje), abtransportiert (odpeljani ali prepeljani), entsprechend behandelt (ustrezno obravnavani), Wohnsitzverle- gung (sprememba prebivališča), ou Executivmassnahmen (izvršni ukrepi) – upo- rabljajo, ujete med jeklenimi ostmi abstraktnosti. To nagnjenje je zajelo ves naš uradniški birokratski jezik, našo büokratische Amtdeutsche, kot jo je imenoval moj kolega Eichmann; v uradni korespondenci pa tudi v govorih je prevladoval trpnik: »Odločeno je bilo, da …«, »Judje so bili pospremljeni k izvedbi poseb- nih ukrepov«, ta težka naloga je bila izpolnjena«; tako so se stvari počele kar same, nihče ni nikoli ničesar storil, nihče ni deloval, bila so dejanja brez de- javnikov, kar je vedno pomirjujoče; po svoje pa niti dejanja niso bila, kajti naša nacionalsocialistična govorica je razvila prav posebno rabo nekaterih imen, ki je glagole, če že ne ravno popolnoma zavrgla, pa vsaj oklestila na nepotrebne (a vseeno dekorativne) priveske, tako da seje dalo odpraviti celo dejanja, obstajala Linguistica_2018_FINAL_2.indd 110 13.3.2019 13:40:35 111 so samo še dejstva, surove stvarnosti, bodisi že navzoče bodisi v pričakovanju svoje neizogibne uresničitve, kot so: Einsatz, ali Einbruch (preboj), Verwertung (raba, uporaba), Entpolonisierung (‘razpoljačenje’, depolonizacija), Ausrottung (iztrebljenje), pa tudi, samo da v nasprotnem smislu, Versteppung,’postepljenje’ ali ‘stepizacija. Evrope po boljševiških hordah, ki so, ravno nasprotno od Atile, do tal uničile civilizacijo, da se je lahko razrasla trava za konje. Man lebt in seiner Sprache, je zapisal Hanns Johst, (Littell 2010 : 580) Les mots allemands utilisés sont paraphrasés ou traduits entre parenthèses, parfois marqués en italiques, parfois non. Il y a très peu de notes de bas de page aussi bien dans l’original que dans la traduction. Pour l’extrait ci-dessus, nous pouvons constater le double langage : l’auteur déploie le vocabulaire qui se veut politiquement correct et technique mais qui en même temps veut masquer le vrai sens des mots que le lecteur connaît de l’histoire. Ici, on ne peut qu’approuver le choix de la traductrice ; pourtant il est évident qu’il existe une certaine réserve dans le choix qu’elle a fait : cela se révélant dans l’emploi des doublets pour Entpolonisierung, en français dépolonisation, notamment 'razpoljačenje', ‘depolonizacija’, ainsi que pour Versteppung, en français steppisation, la traductrice donne en slovène deux mots, 'postepljenje' ou 'stepizacija’. Apparemment, le choix entre les deux termes n'a pas été fait. Pourtant, un tel automatisme des solutions n’est pas toujours évident : l’allemand possède les particularités linguistiques qui gênent la norme grammaticale aussi bien du français que du slovène, par exemple l’écriture de tous les noms avec une majus- cule. Ceci va à l’encontre des règles de l’orthographe slovène (et française). Regardons l’exemple 4’) ci-dessous ou le mot Leutnant commence par une majuscule en français aussi bien qu’en slovène, tandis que dans le cas de « ersatz » nous voyons la minuscule et l’écriture en italiques. L‘intégration du mot ersatz est plus appropriée ; la majuscule s’avère inappropriée par rapport à l’orthographe slovène. Mais du point de vue stylis- tique, il fallait adopter une solution pour les deux termes. 4) Voulez-vous du thé ? demanda le Leutenant. Je ne peux rien vous offrir d'autre. J'acceptai et il ressortit. J'ôtai ma chapka et défis ma pelisse, puis me rabattis sur la banquette. Le Leutenant revint avec deux tasses d'ersatz et m'en tendit une : il but la sienne debout dans l'entrée du compartiment (Littell 2006 : 325) 4’) Bi čaj? Je vprašal Leutnant. »Drugega vam ne morem ponuditi.« Privolil sem in spet je odšel. Snel sem šapko, razpel kožuh in se trudno sesedel na klop. Leutnant se je vrnil z dvema skodelicama ersatza in mi eno ponudil; sam je svojo spil stoje pri vhodu v kupe. (Littell 2010 : 321) Comme il s’agit des mots d’origine étrangère, des emprunts, chaque langue va les manier de façon qui lui est propre. La structure de l’allemand elle-même présente des Linguistica_2018_FINAL_2.indd 111 13.3.2019 13:40:35 112 problèmes d’intégration. Par exemple, l’écriture de tous les noms avec majuscule pa- raît contestable. Aussi, le genre est calqué sur l’allemand (la Heimat, l’Akzion ; Heimat et Akzion au féminin pour le slovène (voir les exemples 5), 5’) et 6), 6’) ci dessous) : 5) Je compte sur vous pour mettre en place tous les préparatifs pour une Aktion rapide et efficace. (Littell 2006 : 299) 5’) Računam na vas, da boste pripravili vse potrebno za hitro in učinkovito Aktion. (Littell 2010 : 293) 6) Pour vous, ici, à l’Est, la guerre est une affaire de tous les jours ; mais à Berlin, dans les bureaux, on oublie vite le péril mortel dans lequel se trouve la Heimat, et les difficultés et les souffrances du front. (Littell 2006 : 299) 6’) Za vas, tu, na vzhodu, je vojna nekaj vsakdanjega ; v berlinskih pisarnah pa prehitro pozabljamo na smrtno nevarnost, v kateri je naša Heimat, pa težave in trpljenje na fronti. (Littell 2010 : 293) La norme est assez claire, mais possède aussi une dimension pragmatique et prévoit des exceptions suivant l’usage ou en tant que stylèmes. Les deux noms des exemples 5, 6, 5’, 6’ ci-dessus pourraient être désignés de stylèmes dans le deux langues : le genre allemand reste inchangé aussi bien pour le français que pour le slovène. En français, l’utilisation efficace de l’article indique le genre du mot (dans le cas de « la Heimat » ou la consonance similaire du nom action et Akzion ou ces mots, selon l’expérience linguistique, seraient traités en tant que masculins mais, par contre, ils sont féminins). Même s’il s’agit de stylèmes, ce type d’intégration va à l’encontre de la norme du slovène. La norme slovène concernant l’écriture des emprunts est pourtant claire, prévue dans le manuel d’orthographe Slovenski pravopis (http://zrc-sazu.si/c/sp/sp2001_pra- vila.pdf), ouvrage normatif et normalisateur (2001). Dans le cas des emprunts, ceux-ci seront adaptés à la prononciation, la morphologie et la syntaxe du slovène (2001 : 22- 23). En cas de non-adaptation des mots étrangers qui ne vont pas entrer en paradigmes grammaticaux du slovène, il n’est en aucun cas prévu que le mot prenne les marques morphologiques des deux langues : (p. ex. l’usage comme naše Heimat est déconseillé). La norme slovène prévoit l’adaptation de l’orthographe des mots qui se déclinent, conjuguent ou prennent d’autres marques morphologiques. Ces préférences sont aussi visibles dans le corpus Gigafida (www.gigafida.net) où nous avons mené une courte recherche concernant l’orthographe des mots qui apparaissent dans le roman. Les résul- tats obtenus étaient comme suit : le mot firer (1395 occurrences) contre führer (409) ou orthographié fuehrer (32 occurrences) ; šturmbanfirer (9) contre sturmbahnführer (3), lajtnant (9) contre leutnant (9), dokončna rešitev (1299) contre endlösung (1), pas de résultat HIWI (pour Hilfwillige – auxiliaires volontaires)). Linguistica_2018_FINAL_2.indd 112 13.3.2019 13:40:35 113 La tendence de la traductrice de prendre les mots sans adaptation peut être contes- tée à deux reprises : à part les solutions dans le corpus monolingue Gigafida (www. gigafida.net), c’est la tradition qui est observable dans la traduction du livre de W. Benz Holokaust, traduit par Rapa Šuklje en 2000. Quant au maniement des emprunts à l’allemand, cette traduction suit les recommandations du manuel d’orthographe Slovenski pravopis. On peut le voir clairement dans le tableau des grades militaires, qui est fourni à la fin du livre : les trois tableaux se trouvent en annexe. Le livre Holokaust, parlant de la même thématique, présente des solutions plus appropriées à la norme du slovène et emploie le vocabulaire établi : akcijska skupina (pour Ein- satzgruppe), Vermaht (pour Wehrmacht), končna rešitev (pour Endlösung), firer (pour Führer) etc. Ces exemples confirment que les résultats sont en faveur de l'em- ploi slovénisé. De plus, la traductrice Rapa Šuklje part de l'expérience de la guerre des personnes qui l'ont vécu et qui ont subi l'internement dans les camps de concentration. Elle a donc partagé le jargon des détenus et en a laissé l'empreinte dans sa traduction : par exemple, kacet pour désigner le champ de concentration. Pour ce mot, on peut lire dans le glos- saire des Bienveillantes : KL – konzentrationslager « camp de concentration » souvent incorrectement désigné KZ par les détenus. Le jargonisme serait donc à éviter, ce qui est aussi fait dans la traduction des Bienveillantes. 5. EN GUISE DE CONCLUSION Le vocabulaire de guerre et militaire s’est développé en slovène malgré le fait que la Slovénie ne possède l’armée que depuis 1991. À part le fait d’être une composante active du langage général, il se développait en tant que jargon par les militaires et aussi par les civils concernés par la guerre. La littérature et la traduction sont des sources importantes du vocabulaire de guerre. De ce fait, nous avons analysé le langage mili- taire dans le livre Les Bienveillantes et sa traduction vers le slovène. Nos constatations sont les suivantes : notre hypothèse de départ selon laqauelle la traductrice s’inspirera des traductions existantes n’a pas pu être confirmée. La traduction a opté de garder tous les termes militaires en allemand sans adaptation comme dans l’original français. La traductrice a choisi la stratégie (pourrait-on dire la facilité ?) de laisser tous les mots étrangers (allemands) de l'original français dans leur forme d'origine. L'original français, qui en donne l'exemple, a favorisé une telle démarche. C’est une stratégie tout à fait acceptable, qui présente pourtant quelques pièges. Ici, c’est la structure même de la langue allemande qui exige l’écriture de tous les noms avec la majuscule qui peut gêner. La tradition slovène connaît différentes tendances. La norme que l'on trouve confir- mée dans les traductions des œuvres littéraires et scientifiques allemands, et l’analyse dans le corpus prévoit que le vocabulaire soit « slovénisé » au moins au niveau de l’orthographe. Linguistica_2018_FINAL_2.indd 113 13.3.2019 13:40:35 114 BIBLIOGRAPHIE Sources BENZ, Wolfgang (2000, 2007) Holokavst. Trad. Rapa Šuklje. 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Les soins du développement systématique de la terminologie militaire étaient confinés à des individus enthousiastes. Faute d’ouvrages de référence terminologiques, dans de nombreux cas, la création du vocabulaire passait par le vécu des gens, de la littérature ou même de la traduction. Mais est-ce que la traduction est toujours une source fiable pour l’aide terminologique ? C'est la question que nous nous posons dans la suite. Nous avons focalisé notre attention au lexique concernant la guerre, les dénomi- nations des fonctions militaires et les idéologies de la 2 e guerre mondiale tels qu'ils apparaissent dans l'original et la traduction slovène des Bienveillantes de J. Littell (2006, 2010). Nous comparons ce lexique avec les originaux slovènes et les traduc- tions d'autres œuvres concernant la 2 e guerre mondiale ainsi que le corpus mono- lingue Gigafida et l’examinons en fonction des normes linguistiques du slovène. Mots-clés : vocabulaire de guerre, 2 e guerre mondiale, fonctions militaires, la question juive, traduction entre le françis et le slovène Abstract MILITARY VOCABULARY IN THE TRANSLATION OF J. LITTELL’S NOVEL LES BIENVEILLANTES (THE KINDLY ONES) INTO SLOVENE: BETWEEN TRADITION AND INNOVATION Military vocabulary and the vocabulary of war are part of specialized as well as general lexicon. Such language was present in Slovene even before the creation of the Slovene army in 1991. In this context the systematic development of military terminology was left to enthusiastic individuals. Due to the lack of terminological reference works, the creation of military vocabulary was in the hands of people who experienced military service and war, as well as writers and translators. But can lite - rature present a reliable source for terminological research? We also try to answer this question. Our research is focused on the lexis concerning war, the denomination of mi- litary functions and ideologies in the context of the Second World War as they appear in the French original and Slovene translation of Bienveillantes (The Kindly Ones) by J. Littell (2006, 2010). Its war lexis is compared to that of some Slovene original works and translations concerning the Second World War. In addition, Linguistica_2018_FINAL_2.indd 115 13.3.2019 13:40:35 116 the monolingual corpus Gigafida is taken into account and the question of the (in) stability of prescriptive norms of Slovene is discussed. Key words: military vocabulary, Second World War, military functions, Jewish ques- tion, translation between French and Slovene Povzetek VOJNI BESEDNJAK V PREVODU ROMANA J. LITTELLA BIENVEILLANTES – SOJENICE V SLOVENŠČINO: MED TRADICIJO IN INOVACIJO Vojni in vojaški besednjak sta tako del splošne kot specializirane leksike, morda bi celo lahko govorili o žargonizmih. Ta leksika je bila v slovenščini prisotna že precej pred ustanovitvijo slovenske vojske leta 1991. Skrb za sistematičen razvoj vojaške ter- minologije so prevzeli zavzeti posamezniki. Ob pomanjkanju ustreznih terminoloških priročnikov je oblikovanje slovarja potekalo na osnovi izkušenj vojakov, opisov v lite- rarnih delih in prevodov. Pa je prevod lahko sploh ustrezen vir za terminologijo? To vprašanje si zastavljamo v tem prispevku. Osredotočamo se na vojno leksiko, poimenovanje vojaških funkcij in ideologij 2. svetovne vojne, kot se odslikavajo v slovenskem prevodu romana Sojenice (Les Bienveillantes) J. Littella (2006, 2010). Leksiko primerjamo s slovenskimi originali in prevodi drugih del iz obdobja 2. svetovne vojne ter z zadetki v enojezičnem kor - pusu Gigafida in hkrati spregovorimo o jezikovnih normah v odnosu do sprejemanja tujejezičnih izrazov. Ključne besede: vojni besednjak, 2. svetovna vojna, vojaške funkcije, judovsko vprašanje, prevajanje med francoščino in slovenščino Linguistica_2018_FINAL_2.indd 116 13.3.2019 13:40:35 117 ANNEXE 1 : Tableau d'équivalence des grades SS Wermacht Police Armée française Reichsführer SS Aucun Aucun Aucun Aucun Generalfeldmarschall Aucun Maréchal SS-Oberstgruppenführer Generaloberst Generaloberst der Polizei Général de corps d’armée SS-Obergruppenführer General der … General d. P Général de division SS-Gruppenführer Generalleutnant Generalleutnant d. P / SS-Brigadeführer Generalmajor Generalmajor d. P Général de brigade SS-Oberführer / / / SS-Standartenführer Oberst Oberst d. P Colonel SS-Obersturmbannführer Oberstleutnant Oberstleutnant d. P Lieutenant-colonel SS-Sturmbannführer Major Major d. P Commandant SS-Hauptsturmführer Hauptmann Hauptmann d. P Capitaine SS-Obersturmführer Oberleutnant Oberleutnant d. P Lieutenant SS-Untersturmführer Leutnant Leutnant d. P Sous-lieutenant SS-Sturmscharführer Hauptfeldwebel Meister Adjudant-chef SS-Stabscharführer Stabsfeldwebel / / Tableau d'équivalence des grades - traduction SS Wermacht Policija slovensko Reichsführer SS / / / Aucun Generalfeldmarschall / Generalfeldmaršal SS-Oberstgruppenführer Generaloberst Generaloberst der Polizei Maršal SS-Obergruppenführer General der … General d. P General armadne skupine SS-Gruppenführer Generalleutnant Generalleutnant d. P Divizijski general SS-Brigadeführer Generalmajor Generalmajor d. P Generalpolkovnik SS-Oberführer / / Generalmajor SS-Standartenführer Oberst Oberst d. P Polkovnik SS-Obersturmbannführer Oberstleutnant Oberstleutnant d. P Podpolkovnik SS-Sturmbannführer Major Major d. P Major SS-Hauptsturmführer Hauptmann Hauptmann d. P Stotnik SS-Obersturmführer Oberleutnant Oberleutnant d. P Nadporočnik SS-Untersturmführer Leutnant Leutnant d. P Poročnik SS-Sturmscharführer Hauptfeldwebel Meister / SS-Stabscharführer Stabsfeldwebel / / Linguistica_2018_FINAL_2.indd 117 13.3.2019 13:40:35 118 Tableau des grades militaires dans le livre Holokaust SS slovensko Reichsführer SS Rajhsfirer SS Državni vodja SS-Oberstgruppenführer SS oberstgrupenfirer Generalpolkovnik SS SS-Obergruppenführer SS obergrupenfirer General SS SS-Gruppenführer SS grupenfirer Generalporočnik SS SS-Brigadeführer SS brigadirfirer Brigadni general SS SS-Oberführer SS oberfirer Nadpolkovnik SS SS-Standartenführer SS štandartenfirer Polkovnik SS SS-Obersturmbannführer SS oberšturmbannfirer Podpolkovnik SS SS-Sturmbannführer SS šturmbannfirer Major SS SS-Hauptsturmführer SS hauptšturmfirer Stotnik SS SS-Obersturmführer SS-oberšturmfirer Poročnik SS SS-Untersturmführer SS-unteršturmfirer Porporočnik SS SS-Hauptscharführer SS-hauptšarfirer Starejši vodnik SS SS-Obercharführer SS-oberšarfirer Višji vodnik SS SS-Sturmscharführer SS_šarfirer Vodnik SS SS-Unterscharführer SS-unteršarfirer Nižji vodnik SS Linguistica_2018_FINAL_2.indd 118 13.3.2019 13:40:35