TELEGRAPHE OFFICIEL. Laybach y jeudi 10 Décembre 1812. EXTERIEUR. ANGLETERRE. Londres , 15 novembre. Les pompeux éloges que les feuilles ministérielles font de la nation russe, de son gouvernement, ont provoqué l'article suivant , qui a paru dans un journal de l'opposition : ,, Dans un opéra connu , on voit un miroir magique, doué de la qualité de faire paroître le même individu laid ou beau , selon les dispositions où il se trouve. Nos journalistes ministériels se croient sans doute en possession d'un miroir non moins miraculeux, et dans lequel ils prétendent nons montrer les mêmes individus et les mê-1 mes nations, comme des barbares, ou comme des modèles de civilisation , selon qu'ils abandonnent ou qu'ils embrassent notre système politique. Aujourd'hui, le Sun nous vante „ les lumières et 1 habileté du cabinet russe ; ,, il nous peint, dans les termes les plus touchans* la philan-tropie et la haute civilisation de la noblesse russe ; il compare les armées russes aux phalanges de Sparte et de Macédoine ; il ose même soutenir que les seuls russes mènent une vie heureuse, et que les Polonais, les Finlandais, les Moldaves , doivent chérir et bénir la domination russe. Il y a deux ans, que le même journal ténoit un langage bien différent, et que nous croyons plus conforme à la vérité ; il disoit alors, d'après 1e voyageur Clarice, qu'i n'y avoit dans tout l'empire de Russie aucun individu capable de former un raisonnement juste sur la politique européenne , sur les intérêts des Etats et sur ceux du commerce. 11 citoit avec confiance, avec recommandation, les passages du même voyageur, dans lesquels on lit, entre autres choses, ceci: ,, Il est quelques nobles russes plus riches que nos pairs d'Angleterre les plus opulens ; il y en a un grand nombre de très pauvres; mais à cette richesse et à cette pauvreté se joignent également la bassesse la plus abjecte et la corruption la plus profonde. Dans les plaisirs des sens, ils ne connoissent ni loi, ni conscience, ni honneur; dans leurs amusemens, ce sont des enfans; dans leurs vengeances, ce sont des femmes.,., „ Le premier noble de l'Empire , quand une disgrâce ou le mauvais état de ses finances l'oblige de se retirer dans ses terres, reprend une façon de vivre qui ne diffère pas de beaucoup de celle des brutes. On le trouve toute la journée le cou nu , la barbe longue, Je corps enveloppé d'une peau de mouton , mangeant des raves crues et buvant du quasi dormant une moitié du jour, et grondant sa femme et ses domestiques pendant J'autre moitié. Les mêmet sentimens, les mtimes besoins, les mêmes plaisirs caractérissent alors le noble et le paysan ; le même système de tyrannie, s'étendant depuis Je trône jusqu'aux derniers rangs de la société, éteint toute étincelle d'idées libérales dans le cœur de ce peuple d'esclaves. Grands et petits, riches et pauvres, ils montrent tous la même servilité envers leurs supérieurs, la même cruauté envers leurs inférieurs, la même ignorance, superstition, astuce, brutalité, barbarie , malpropreté et ladrerie. L'Empereur donne des coups de bâton aux grands ; les princes et les nobles en donnent à leurs esclaves , et l'esclave à sa femme et à ses enfans. Avant que le soleil se lève, le fouet commence à être en activité dans tous le vaste empire de Russie, et ne cesse de l'être qu'à la nuit tombante, „ Depuis le souverain jusqu'au dernier esclave, les Russes, qu'ils soient princes, nobles, prêtres ou pay» sans, sont couverts de vermine; il n'y a pas une exception sur mille......Si l'étranger a le malheur de regarder la soupe qu'on lui sert, il y découvrira quelques victimes vivantes et en détresse, un Russe les avalera sans s'émouvoir ... Le prince Potemkin prenoit la vermine sur sa tête , et la tuoit sur sa vaisselle d'argent, U y a de belles princesses à Moscou qni ne se font aucun scrupule d'imiter son exemple, „ Le vrai Russe déjeûne avec du pain noir et un verre d'eau-de-vie : il dîne avec des viandes très grasses dont il corrige les effets scorbutiques au moyen de concombres salés, de choux aigris, de jus de diverses baies .... Un étranger attend en vain qu'on lui change la fourchette et le couteau ; s'il les renvoie , on les lui rend sans les a-voir nettoyé. Chez le comte Alexis Orloff, un des plus grands seigneurs de l'Empire, les domestiques laissoient tomber leur salive dans les plats les plus précieux, et les essuyoient avec des servietes sales ..... On voit ses voisins curer leurs dents avec une fourchette qu'ils plongent ensuite dans un plat qui circule .... Il n'y a pas, dans tout l'Empire de Russie , un seul lit dans lequel un Anglais voudroit se coucher après en avoir examiné l'état. Si nous voulons connoître les bienfaits que le gouvernement russe répand sur les pays qu'il incorpore à ses vastes possesions, nous pouvons encore lire dans Clarice la peinture suivante: „ De tous les peuples barbares qui, après avoir con-,, quis la Crimée, y ont détruit les monumens antiques, ,, les Russes ont fait les plus grands ravages. ,, M. Clarice contemple avec indignation les raines de Buihteh'ueraï, jadis la florissante résidense du khan des Tartares: c'étoit alors un séjour délicieux. ,, La barbarie ,, aveugle des Russes, dit-il, trouva, dans la magnificence „ de cette capitale , de quoi exercer sa tendance h détrui* ,, re. Le quartier des Grecs, qui occupoit une vafféecon-,, sidérable , fut entièrement rasé; on ne laissa pas une „ pierre sur l'autre ... „ r» Les ravages exercés à Caffa excèdent encore ceux dont la vilie de Bachtchiseraï a été la victime. Les Russes ont enlevé le plomb des aqueducs pour en faire des balles ; ils ont mutilé les maibres pour construire des batteries j ils se sont même amusés à faire sauter , au moyen de la poudre, les restes de ces monumens utiles et magnifiqqes - î94 , en disant ,, que ks porteurs d'eau n'auroient rien à faire si on laissoit subsister les aqueducs. „ M. Clarice étoit présent lorsque les soldats russes firent écrouler un très beau minaret de cette ville, au moyen de cordes qu'ils y. avoient appliquées; le fracas de la chute fit lever en sursaut les apathiques Turcs qui, assis sur les divans dans un café voisin, fumoient leur pipe ; ils éclatèrent en malédictions contre cette action sacrilège; et les Grecs eux-mêmes, malgré leur servile soumission , ne purent retenir le cri : Oh les Scythes î ,, Si l'on demande ce que les Russes font de la Crimée „ après l'avoir conquise à force de perfidies et d'atrocités , „ la réponse sera courte. Us ont dévasté toute la contrée, „ ont coupé les arbres, abattu les maisons, renversé les „ édifices sacrés et les bâtimens publics des indigènes, de-„ truit tous les aqueuucs publics, pillé tous les habitans, iy insulté les Tartares dans leur culte et leurs actes reli-,, geux , arraché des tombeaux les corps des ancêtres de ces ,, infortunés, dispersant leurs os sur les fumiers, et don-„ nant à manger aux porcs dans leurs sarcophages, a-„ néanti tous les monumens de l'antiquité, ouvert sans „ distinction les sépulcres des saints et des païens 9 et jeté ,, leurs cendres au ve-nt. „ Tel est le degré de civilisation qu'avoient atteint les 'Russes en 1801 , tel étoit le langage que nos journaux tenoient à leur égard en 1809. Le Sun, doit se rappeler d'avoir, à cette époque, exprimé le désir „ de voir le sol ,, classique soustrait à la barbare domination des Scythes modernes. „ A présent , ces mêmes Scythes sont indiqués comme une nation magnanime, vers la quelle toute l'Europe doit tourner ses regards. Qu'ont-ils donc fait depuis peu pour ne plus être des--barbares ? pour he plus nous inspirer de l'horreur? Est-ce en fuyant à travers leur vaste empire, la torche incendiaire à la main; est-ce réduisant leurs villes en cendres , en faisant périr leurs propres blessés dans les flammes, que les armées russes ont acquis des droits à la confiance des nations-civilisées ? Sans doute l'Europe tourne ses regards vers la Russie, mais c'est pour bénir la Providence d'avoir éloigner de son sein des hordes aussi barbares. Nous aurons beau changer de langage , nous ne pourrons jamais faire oublier à l'europe que nous a vons nous-mêmes éprouvé, à l'égard des Russes, cette répugnance, cette aversion qu'inspire une entière différence de moeurs et d'idées. La ferveur avec la quelle nous les recommandons aujourd'hui à la bienveillance de l'Europe , paroîtra extrêmement suspecte , et on dira peut-être que lord Castlereagh n'aime tant les Russes , que parce qu'eux 'seuls lui paroissent assez féroces et assez sanguinaires pour répandre sur le continent ces ravages et ces désastres par lesquels il voudroit faire expier aux peuples du continent k crime de ne plus commercer avec nous. ( /»«r. d* l'Empire ) 1NTÉRIEU R. El P II E FRANÇAIS. Bulletin de la Grande armée. Smolensk le n Novembre 1812. 'Le quariier imp-érial .étoit le s.er novembre k "Wiaz- m* et le 9 à 3œolente» àje tems -a -été très beau jusqu'au 6; mais le 7 l'hiver a commencé. La terre s'est couverte de neige; les chemins sont devenus très glissants et très difficiles pour les chevaux de trait. Nous en avons perdu beaucoup par Je froid et les fatigues ; les bivouaques de U nuit leurs nuisent beaucoup. Depuis le combat de Maloiaroslawats , l'arrière-garde n'avoit pas vu l'ennemi, si ce n'est les Cosaques qui, comme les arabes rodent sur les flancs et voltigent pour inquiéter. Le 2 à 2 heures après midi 12,000 hommes couverts par une nuée de cosaques , coupèrent la route à une lieue de Wiazma entre le prince d'Ekmiihl et le Vice-Roi. Le prince d'Ekmiihl et le Vice-Roi firent marcher sur cette colonne, la chassèrent du chemin, la culbutèrent dans les bois, lui prirent un général major avec bon nombre de prisonniers et lui enlevèrent les pièces de canons. Depuis on n'a plus vu l'infanterie russe, mais seulement les Cosaques. Depuis le mauvais tems du 6 , nous avons perdu plus de 3000 chevaux de trait, et près de 100 de nos caissons ont été détruits. Le général "Wittgenstein ayant été renforcé par les divisions russes de Finlande et par un grand nombre de troupes de milice, a attaqué le 18 octobre le maréchal S. Cyr. Il a été repoussé par le maréchal et par le général "Wrede qui lui ont fait 3000 prisonniers et ont couvert le champ de bataille de ses morts. Le 20 le maréchal S. Cyr ayant appris que le maréchal duc de Bellune avec le 9. me corps marchoit pour le renforcer , repassa la Bwina et se porta à sa rencontre pour sa jonction opérée avec lui, battre "Wittgenstein et lui faire repasser la Dwina. Le maréchal S. Cyr fait le plus grand élog* de ses troupes. La division Suisse s'est fait remarquer par son sang froid et sa bravoure. Le colonel Guehenues du 2Ó.me d'infanterie légère a été blesse'. Le maréchal S. Cyr a eu une balle au pied. Le maréchal duc de Reggio est venu le remplacer et a repris le commandement du 2,me corps. La santé de J'Lropereur n'a jamais été meilleure. Rapport de M. le Maree. Goiivion S. Cyr à S. A. 1. le Prince Major Général le 20 ottobre 1S12. Par ma dernière, du 17 courant , j'instruisois V. A' que j'aurois probablement le lendemain toutes les force5 réunis sous les ordres du comte 'Wittgenstein sur le corps. Je vous ai parlé des renforts qu'il avoit reçus de S.* Pétersbourg qui se montent à 17,000 hr baron Amey au quel j'avois ordonné de descendre de Rud' nia sur la gauche de 1 Uschatz pour prendre l'ennemi pa; le flanc droit étoit arrivé , il est k croire , que tous le corps ennemi auroit été anéanti j'ai poursuivi l'ennemi sur la route de Disna lorsque, j'ai reçu l'ordre de M. le ma réchal S. Cyr de revenir sur Polotz, S. E. s'étant ré solue à attendre l'arrivée du 9.e corps que commande 1( maréchal duc de Bellune. Signé le comte de WaedE. AVIS MM. les souscripteurs, dont l'abonnement finit au 3' décembre, sont invités à le renouveller pour le pre» mier Sémestre de 1813 à la direction du Télégraphe ou aux Bureaux des postes de leur résidence ; 2.0 à y ajouter ce qu'ils peuvent redevoir sur cette année , la direction ayant dû considérer , comme abonnés , ceux auxquels elle a fait parvenir les journaux, sans avoir reçu d'avis con-traire. II est nécessaire qu'ils fassent connoitre de suite leur intention à cause de la réimpression des adresses et l'expédition des journaux au commencement de l'année prò* : chaine. MM. les maires dont le budjet des communes comprend l'abonnement au Télégraphe, sont instamment pr>^ de délivrer au profit du directeur des mandats des som|T'e!j|e y désignées sur les Receveurs municipaux , cette rentré ^ étant très nécessaire pour couvrir les avances faites depulS le i.er janvier pour cet objet. Le Télégraphe paroitra exactement les dimanche se jeudi de chaque semaine dans les deux langues français allemande. iti te