ACTA HISTRIAE • 28 • 2020 • 3 477 Marko ŠTUHEC: UN AUTRE REGARD SUR LE TRANSFERT CULTUREL: LES NOBLES CARNIOLIENS EN ..., 477–494 UN AUTRE REGARD SUR LE TRANSFERT CULTUREL: LES NOBLES CARNIOLIENS EN LEURS FOYERS. PREMIÈRE MOITIÉ DU XVIIIE SIÈCLE Marko ŠTUHEC Univerza v Ljubljani, Filozofska fakuteta, Aškerčeva 2, 1000 Ljubljana, Slovenia e-mail: marko.stuhec@ff.uni-lj.si LʼAMBIENTE DOMESTICO DELLA NOBILTÀ CARNIOLANA NELLA PRIMA METÀ DEL SECOLO XVIII COME UNO SPAZIO DI TRANSFER CULTURALE SINTESI Il contributo si focalizza sugli oggetti di transfer culturale presenti nelle abitazioni della nobiltà carniolana nella prima metà del secolo XVIII e si basa principalmente sull’esame di inventari di successione. Dall’analisi emerge come sia possibile trovare oggetti di transfer culturale in quasi tutti gli inventari. Questi oggetti, che concernono differenti segmenti del materiale domestico e della vita intellettuale, quali abbigliamento, mobili, ecc., rendevano la vita più confortevole, interessante e raffinata oltre che al passo con la moda, contri- buendo al prestigio individuale e sociale dei nobili e soddisfacendo pure la loro vanità. La maggior pare degli articoli provenienti dall’estero arrivavano da regioni tedesche e italiane, ma è facile trovarvi anche oggetti importati dall’Impero ottomano (tappeti), dalla Francia (abiti), dai Paesi Bassi (merletti) o dall’America (caffè, tabacco, cioccolata). Nelle famiglie nobiliari, articoli importanti provenienti quasi sempre dall’estero, erano i libri. Alcune novità come caffè, tè e cioccolata puntavano su forme di socializzazione più intime e tranquille. I canali di transfer culturale qui considerati includono viaggi dei nobili e delle nobili, forme di commercio professionale, contatti con amici che si trovavano all’estero e con stranieri che vivevano o lavoravano nella Carniola. Parole chiave: transfer culturale, inventari di successione, abitazioni della nobiltà carnio- lana, XVIII secolo DOMESTIC INTERIORS OF THE CARNIOLIAN NOBILITY IN THE FIRST HALF OF THE 18TH CENTURY AS A SPACE OF CULTURAL TRANSFER ABSTRACT The paper focuses on the objects of cultural transfer present in the dwellings of the Carniolian nobility in the first half of the 18th century. It is mostly based on the analysis of probate inventories. The analysis shows that objects of cultural transfer Received: 2020-03-05 DOI 10.19233/AH.2020.26 ACTA HISTRIAE • 28 • 2020 • 3 478 Marko ŠTUHEC: UN AUTRE REGARD SUR LE TRANSFERT CULTUREL: LES NOBLES CARNIOLIENS EN ..., 477–494 can be found in almost all inventories. These objects, which concern different seg- ments of domestic material and intellectual life such as clothes, pieces of furniture, etc., made the life more comfortable, fashionable, interesting and luxuorious and contributed to the individual and social prestige of the nobles as well as to their vanity. Most of the items from abroad came from the German and Italian regions, but we can easily find objects from the Ottoman Empire (carpets), France (clothes), the Netherlands (lace) or America (coffee, tobacco, chocholate). Important items in noble homes, which almost exclusively came from abroad, were books. Novelties such as coffee, tea, and chocolate point to more peaceful and intimate forms of socializing. The channels of cultural transfer include voyages of noblemen and noblewomen, contacts with friends abroad, the professional commerce and the strangers living or working in Carniola. Keywords: cultural transfer, probate inventories, dwellings of Carniolian nobilitiy, 18th century INTRODUCTION:1 LA CHEMINÉE À L’ITALIENNE, LE BEURRE HOLLANDAIS ET LE GILET À LA BORDURE FRANÇAISE Franc Anton von Breckerfeld (1740–1806), fonctionnaire dans l’administration du duché de la Carniole, fut un homme bien instruit, curieux et patriote (Mal, 1925, 57; Otorepec, 1990, 72–73). Inspiré par l’ouvrage magistral de J. V. Valvasor, Die Ehre des Herzogums Krain, paru presque cent ans auparavant, ce « Valvasor après Valvasor » (Preinfalk, 2014, 576) qui entretenait la correspondance avec son fils en allemand, en français et en italien (ARS, AS 730, fasc. 127, 365–485, 644–657; Štuhec, 2019, 143) voulait consacrer à sa région natale, la Basse-Carniole, un mo- nument littéraire et scientifique comparable à celui de son illustre prédécesseur. Ainsi parcourut-il toute la contrée dans les années quatre-vingts du XVIIIe siècle. Son voyage produisit le manuscrit intitulé Die Topographie des Unterkrain (ARS, AS 730, fasc. 123). Dans cette description parfois très minutieuse, on trouve présentées la géogra- phie et l’histoire des villes, des villages et des châteaux de la région, dont le château 1 Razprava je nastala v okviru bilateralnega projekta BI-FR/20-21-PROTEUS-009, ki ga je sofinanci- rala Javna agencija za raziskovalno dejavnost Republike Slovenije. / The author acknowledges the financial support from the Slovenian Research Agency (research core funding No. BI-FR/20-21- -PROTEUS-009). ACTA HISTRIAE • 28 • 2020 • 3 479 Marko ŠTUHEC: UN AUTRE REGARD SUR LE TRANSFERT CULTUREL: LES NOBLES CARNIOLIENS EN ..., 477–494 Soteska (ARS, AS 730, fasc. 129, 209–212). Plusieurs composantes de ce vaste complexe, construit dans le dernier tiers du XVIIe siècle au bord de la rivière Krka et appartenant successivement aux familles nobles carnioliennes les plus importantes telles les Gallenberg, les Lichtenberg et les Auersperg (Smole 1982, 453; Kos, 2004, 68–69; Preinfalk, 2005, 164–165, 278; Štuhec, 2009, 116), déclenchèrent l’admira- tion enthousiaste de Breckerfeld. D’abord ce furent le parc, le jardin, le verger et la cour intérieure qui avec leurs formes géométrisées formaient un passage décoratif et esthétique menant de l’environnement naturel vers l’intérieur du bâtiment. Mais l’enthousiasme de Breckerfeld ne s’arrêta pas aux dehors du bâtiment. Quand il traversa le seuil de pierre et se trouva dans le château, l’équipement et l’ameuble- ment le stupéfièrent. Dans la salla terrena, la pièce appelée ainsi puisque creusée un peu dans les soubassements, il y avait la cheminée en marbre noir à l’italienne, flanquée de deux fontaines, l’une en forme de dauphin, l’autre en cheval ailé. Cette construction architecturale et statuaire qui unissait deux principes opposés, le feu et l’eau, éveilla tout de suite son admiration. Dans la pièce adjacente, la table à billard attira son attention. Une bonne trentaine d’années auparavant, le 23 décembre 1750 exactement, un autre haut fonctionnaire d’État, Franc Henrik le baron de Raigersfeld (1697–1760), nota dans son journal qu’en ce jour-là, il reçut de Trieste un lourd tonneau conte- nant entre autres choses du café, du thé et du beurre hollandais (ARS, AS 730, fasc. 165, 982).2 Dans une lettre que ce baron écrivit en français en mars 1741 à son ami le père Henrik Mansdorf à Vienne, le baron mentionna certaines boissons qu’il voulait lui envoyer, entre autres la liqueur de Crète et la Malvasie du Levant (ARS, AS 730, fasc. 199, 295).3 Dans une autre lettre composée le 5 février 1753 et envoyée à Bruxelles au baron Vajkard Hallerestein, frère du célèbre astronome à la cour de Pékin Avguštin Hallerstein, Raigersfeld encore une fois ne put s’empêcher de parler des victuailles. Cette fois-ci, il parla du chocolat (ARS, AS 730, fasc. 199, 593–594).4 Mais si occupé qu’il fût, dans cette lettre ainsi que dans d’autres, du chocolat et du thé, du café brésilien, des marrons d’Italie ou du beurre de Hollande, Raigersfed néanmoins n’oublia pas de mentionner à Hallerstein qu’il recevait régu- lièrement le journal de Bruxelles (ARS, AS 730, fasc. 199, 593), tout en demandant à ce dernier d’informer l’éditeur du journal du changement quant au nom de l’abon- né. Au lieu de Raigersfeld, ce fut le baron Flachenfeld, lui aussi fonctionnaire dans l’administration provinciale (Žontar, 1998, 37, 44, 59), qui jusqu’à la fin de cette 2 « Heut habe ich ein vass mit verschiedenen sachen v Triest erhalten 7 centen schwer mit Maron, hassl- nussen café, the, allerhand gedörter früchten, Malvasia hollandischer butter » 3 « J’ai voulu vous servir avec un peu de lico de Candia, dont je sais que vous avez été autrefois amateur mais comme cette année on n’en trouve pas à Venise je prendrai la liberté de vous envoyer de Malvasia garba du levant que j’attende de Venise au plus tot. » 4 « Les 6 ducates… j’ai envoyé punctuelement à Madle Votre soeur Marianne, du même que la lettre de Pekin, com aussi les 6 ff du Chocolat à la religieuse, l’une et l’autre vous en rendent leurs remer- cimens… » ACTA HISTRIAE • 28 • 2020 • 3 480 Marko ŠTUHEC: UN AUTRE REGARD SUR LE TRANSFERT CULTUREL: LES NOBLES CARNIOLIENS EN ..., 477–494 année-là allait reprendre l’abonnement au journal (ARS, AS 730, fasc. 199, 593).5 Et dans la lettre que Raigersfeld composa peu avant sa mort en 1760, il demanda à son fils de lui envoyer des livres anglais (ARS, AS 730, fasc. 199, 899).6 En août 1760, un comité de trois nobles dressa l’inventaire après décès du chef de district de Novo mesto, baron Max Erberg (1719–1760) (Umek, 1991, 13). Les membres du comité se rendirent dans l’appartement de ce dernier à Novo mesto et y trouvèrent, dans une armoire à vêtements, rangés parmi d’autres tenues, un gilet garni de la bordure française, une veste bleue en drap anglais et des chaussettes en soie de Naples (ARS, AS 309, fasc. 13 lit. E, št. 37, 25, 26, 29).7 LES TRAITS COMMUNS ENTRE LA CHEMINÉE À L’ITALIENNE, LE BEURRE HOLLANDAIS ET LE GILET À LA BORDURE FRANÇAISE Pour variés que soient les objets mentionnés dans les sources fort différentes, en fonction de leur apparence, de leur utilité, du matériel utilisé et de leur origine, ils té- moignent de plusieurs points communs. Ils appartenaient aux intérieurs domestiques, à l’exception partielle des tenues d’apparat qui accompagnèrent elles aussi le chef de district, le baron d’Erberg, lorsqu’il quitta son appartement, et qui contribuèrent à son apparence mondaine. L’aspect qui ne concerna pas seulement sa personne, mais aussi son poste de fonctionnaire d’État. Mais tous les autres objets furent destinés à l’usage dans le cadre domestique. La cheminée à l’italienne irradiait sa chaleur dans la salla terrena et chauffait les comtes de Lichtenberg ou d’Auersperg rassemblés en famille autour de la grande table en chêne ou jouant au billard avec des amis dans la pièce adjacente. Baron Raigersfeld but son café, servi dans une cafetière en porcelaine et qu’il versa dans une tasse en porcelaine (ARS, AS 309 fasc. 41, lit. R št. 100, 34–37), soit seul dans son appartement, soit avec sa femme ou avec les gens qui vinrent lui rendre visite littéralement tous les jours (Štuhec, 2011, 356–357), bien qu’au rez-de- chaussée de sa maison, justement, se trouvât un des premiers cafés à Ljubljana. Le propriétaire du café Angelo Calegari paya en 1758 à Raigersfeld un loyer plutôt élévé de 150 florins (Weigl, 2000, 226), une somme d’ailleurs assez révélatrice. Pour cause, puisque le fait que cet Italien était prêt à investir ce montant non négligeable dans la seule location, démontre clairement son espoir de pouvoir tirer un bon profit en offrant cette boisson douce-amère aux habitants de la capitale carniolienne. La lecture de la gazette bruxelloise et des livres – Raigersfeld en posséda autour de deux mille (Štuhec, 2009, 231) – fut une des activités que Raigersfeld effectua au foyer. 5 « La gazzette de Bruxelles me vient regulièrement. Quand vous partirez de Bruxelles, je vous prie de dire au gazetier qu’au lieu de mon addresse, il fasse celle du Bn de flachenfeld sur la couverte, et quand cette année sera fini, qu’il ne l’envoit plus. » 6 « ... vous ne me dites rien des livre anglois, que je vous ai recomendés, ainsi dites moi en reponse de celle-ci si vous en avez pu avoir, ou non, afinque je puis en tout cas les ordonner ailleur. » 7 « Ein rokh von weissen tuch mit silbernen spangen mit einer weissen vesti und französichen porten versehen. Ein blauer rokh von englishen tuch mit silbernen knöpfen … Ein baar weisse seiden gestrikte Neapolitanische strümpf. » ACTA HISTRIAE • 28 • 2020 • 3 481 Marko ŠTUHEC: UN AUTRE REGARD SUR LE TRANSFERT CULTUREL: LES NOBLES CARNIOLIENS EN ..., 477–494 Le deuxième point commun entre les objets mentionnés dans l’introduction, c’est leur origine, pour étrange que cela puisse paraître. Ces objets, comme on l’a vu plus haut, provenaient de pays et de cultures d’origine si éloignés que l’Angleterre et la Crète, le commun à cet égard relevant du fait que tous ces objets furent importés. Ils durent, donc, être transférés au moyen de divers canaux, de médiateurs et de réseaux de communication, depuis les lieux de leur cultivation, de leur fabrication ou de l’invention, jusqu’aux foyers des nobles carnioliens. Ces objets étaient au cœur du transfert culturel dans le domaine de la vie quotidienne. Le transfert culturel signifie « the global mobility of words, concepts, images, persons, animals, commodities, money, weapons, and other things (understood in a broad sense) » (Rossini & Tog- gweiller, 2014, 5).8 Certains parmi ces objets modifiaient la gestuelle et les attitudes, les activités et les comportements individuels, les pratiques, les interactions sociales et les représenta- tions mentales qui firent partie du quotidien. Les objets importés, autrement dit trans- férés, ceux que nous avons déjà mentionnés et ceux que nous allons encore présenter, eurent une incidence sur bien des éléments de la vie quotidienne; ils s’insérèrent dans plusiers éléments de la structure de la vie de chaque jour, car ils touchaient aussi bien à l’ameublement et à l’équipement du logement qu’aux pratiques alimentaires, aux apparences vestimentaires et aux besoins intellectuels. Le billard et la cheminée à l’italienne, les chaussettes de Naples et les livres anglois, le café et le drap anglais témoignent du flot d’informations et de la circulation des idées, des savoirs et des objets matériels au sein de la noblesse carniolienne, donc de l’échange culturel. Cet échange met en lumière la réceptivité et l’ouverture d’une élite provinciale qui était en mesure d’intégrer des produits et des nouveautés matérielles, techniques ou intel- lectuelles dans sa vie et dans ses pratiques quotidiennes. Et c’est justement l’impact sur la vie quotidienne, sur la vie matérielle aussi bien que sur la disposition mentale, qui est le trait important du transfert culturel. Compte tenu des connaissances, de la réception, de la modification, voire de la filtration et de l’intégration des objets et des informations transférées, il en résulta un certain dynamisme, la rencontre, le mélange et l’interpénétration des éléments culturels, donc, une certaine hybridation culturelle (Burke, 2016, 11–41; Landwehr & Stockhorst, 2004, 287–359; Tschopp & Weber, 2007, 51). Mais on est obligé d’ajouter tout de suite que les objets transférés n’étaient pas tenus à l’écart des objets produits dans le pays. Les uns et les autres formaient des ensembles fonctionnels, des mélanges culturels, même si parfois certains des produits importés formèrent leurs propres systèmes. On pourrait mentionner le café et le chocolat qui envahirent les goȗts des nobles au cours du deuxième quart du XVIIIe siècle (Štuhec, 2009, 240–248). Ces boissons exotiques auxquelles il faut ajouter aussi le thé, dont la faible présence dans les demeures des nobles est discernable dans les inventaires après décès dressés au milieu du XVIIIe siècle, étaient indissociables de l’usage des deux autres produits transférés, du sucre et de la porcelaine. Mais d’un autre côté, il ne faut pas perdre de vue que la consommation du café et du chocolat 8 Sur le concept du transfert culturel voir aussi: Espagne, 2003; Schmale, 2003. ACTA HISTRIAE • 28 • 2020 • 3 482 Marko ŠTUHEC: UN AUTRE REGARD SUR LE TRANSFERT CULTUREL: LES NOBLES CARNIOLIENS EN ..., 477–494 fut liée à un produit tout à fait domestique, le lait. La visite que le baron Raigersfeld, accompagné de son fils Michael et de la baronne Hallerstein, rendit le 19 juin 1759 à sa sœur, l’abbesse du monastère des clarisses à Škofja loka, le démontre assez clairement : tous les quatre burent du café au lait (ARS, AS 730, fasc. 199, 449).9 LES TYPES DES OBJETS DU TRANSFERT CULTUREL ET LEURS FONCTIONS On passe maintenant à la présentation des types et des fonctions des objets du transfert culturel qui devinrent partie intégrante des différents niveaux du quotidien de la noblesse carniolienne. Mais, avant de le faire, il faut expliquer ce qu’on comprend lorsqu’on parle du paradigme du quotidien. Ce terme signifie les pratiques et les comportements individuels et sociaux, les relations sociales, les habitudes et les objets utilisés quotidiennement qui forment un système re- lativement stable, répétitif et organisé selon plusieurs axes temporels, spatiaux et sociaux. Au centre de notre exposé se trouvent les objets. Dans les sources, les données sur la vie quotidienne et les pratiques sociales et individuelles do- mestiques de la noblesse ne figurent que rarement avec clarté. Parmi les sources particulièrement riches à cet égard, notamment en ce qui concerne les objets, il y a les inventaires après décès. C’est une source qui est relativement fréquente, exacte, précise et détaillée. Mais il faut toujours prendre en considération ses lacunes et ses omissions (Štuhec, 1995, 12–15; Habjan, 2016, 21–26; Woude, van der & Schurman, 1980). Notre recherche repose surtout sur l’analyse des 132 inventaires dressés au milieu du XVIIIe siècle (Štuhec, 2009, 26–32). Normalement la description des biens suit un ordre établi : immeubles, argent, argenterie, bijoux, documents, livres, tableaux, vêtements, objets en étain, en cuivre, en argile, en porcelaine, ustensiles de cuisine, meubles, chevaux, bétail, etc. Rarement les choses sont décrites pièce par pièce. Les objets du transfert culturel faisant partie de l’équipement d’une habitation se trouvent dans tous les groupes fonctionnels d’objets qui rendirent possible la vie dans une maison, un appartement, un manoir ou un château. Disons d’abord que la tendance générale dans l’évolution du logement des groupes sociaux aisés au XVIIIe siècle était la spécialisation des pièces, avec comme conséquence une triple conquête : la conquête de l’intime, la conquête du décor et la conqête du confort (Pardailhé-Galabrun, 1988, 275–398; Lozar-Štamcar, 2002, 91, 101; Meiss, 2016, 197–225; Margairaz, 2013, 196–197). La décoration murale consista en miroirs, images et revêtements muraux. Les miroirs provinrent très souvent de Venise. Ceux à grandes dimensions étaient notamment suspendus dans les espaces 9 « Dan bin ich mit meiner fr Hallerstein in ein mit 3 pferden bespanten Birotsche u Micherle zu pferdt nach lack, meine schwester die abesse haimzusuchen arrivierten daselbst um 8 uhr, nahmen ein milch caffé und dan machten ein visite bey dem hauptmanishen br paumgarten. » ACTA HISTRIAE • 28 • 2020 • 3 483 Marko ŠTUHEC: UN AUTRE REGARD SUR LE TRANSFERT CULTUREL: LES NOBLES CARNIOLIENS EN ..., 477–494 de sociabilité, par exemple dans la salle à manger, comme ce grand miroir vénitien au cadre doré que le baron Johan Benjamin Erberg plaça dans l’appartement loué à Ljubljana (ARS, AS 309, fasc. 13, lit. E, št. 36, 208).10 Ce type de miroir avait une fonction représentative prononcée. La fonction représentative peut se voir aussi dans les revêtements muraux faits d’une grande variété de textiles importés tels des velours de soie, le damas et le taffetas qui ravivaient les pièces avec leurs couleurs et les protégeaient du froid. Le baron Gallenfells les fit venir de Vienne à son appartement à Ljubljana (ARS, AS 309, fasc. 19, lit. G, št. 113, 45) tandis que les tissus dont le baron Raigersfeld fit revêtir les murs d’une des chambres dans son appartement furent fabriqués aux Pays-Bas (ARS, AS 309, fasc. 41, lit. R, št. 100, 25).11 Le baron Johan Daniel Erberg lui aussi se les procura au même endroit. Il en fit complètement revêtir sa chambre dans sa maison à Ljubljana (ARS, AS 309, fasc. 12 lit. E, št. 24, 374–375).12 Quant aux tableaux, on en trouve aussi aux thèmes de pays étrangers, comme celui dans la salle à manger dans le château de Puštal qui représente le pont Rialto (ARS, AS 309, fasc. 50, lit. W, št. 118, 20–21).13 Un autre élement décoratif n’est pas à négliger : des couvertures et des tapis turcs. Suspendus aux murs ou étalés sur les tables, les coffres, les lits et les banquettes, ils rendaient les pièces plus confortables et plus colorées. Au début du XVIIIe siècle, ils furent présents dans presque chaque maison noble. Nous les trouvons dans six sur sept inventaires (Štuhec, 2006, 121). S’associant à d’autres marchandises turques tels les harnais ou les armes, entreposés dans les armoiries des châteaux, ils divulguent une relation complexe, changeante et contradictoire entre les chrétiens et les musulmans vivant sur les frontières ter- ritoriales contestées ou près d’elles, là où la logique historique n’a pas toujours suivi la logique des centres du pouvoir, Vienne et Istanbul. Au fond, de très hostiles relations se modifièrent en de plus pacifiques, de telle manière que les choses listées dans les inventaires étaient parfois du butin, parfois des objets de commerce et parfois le résultat d’un échange mutuel de présents (Matjašič, 1992, 60). Les nobles carnioliens servirent souvent comme officiers et commandants dans les garnisons de la frontière militaire, réseau de forteresses en Croatie qui depuis la seconde moitié du XVIe siècle protégea avec succès l’Autriche intérieure contre les raids turcs. Les nobles étaient de cette manière en contact étroit avec la culture matérielle orientale. Ils ne servaient pas uniquement en tant que braves soldats toujours prêts à risquer leur vie pour leur prince et la foi catholique, ils servaient également en tant qu’agents qui décontextua- lisaient les éléments de l’Orient et les transféraient en Europe Centrale. Dans 10 « Ein grosser venetianisher spiegl mit vergolten ramen 50 fl. » 11 « die in diesem zimmer befindlichen niderländishe spallier seynd betheuert pr 30 fl. » 12 « Des herrn erblassers see. sein zimmer ist mit niderländishen spalieren mit figuren von menshen völlig überzogen. » 13 « Ein alt-längliches venetianishes bild ponte Realto und einen shwimmenden streit vorstellend… » ACTA HISTRIAE • 28 • 2020 • 3 484 Marko ŠTUHEC: UN AUTRE REGARD SUR LE TRANSFERT CULTUREL: LES NOBLES CARNIOLIENS EN ..., 477–494 les habitations de la noblesse, ces éléments étaient intégrés dans un nouveau contexte culturel. Les biens turcs dans les maisons de la noblesse carniolienne ne furent pas qu’une simple mode exotique, ils domes- tiquaient un ennemi, en fait l’ennemi par excellence. Avec la fin définitive du péril turc, ces biens devinrent moins présents, mais bien plus usés et délabrés au milieu du XVIIIe siècle, même si l’intérêt pour l’Orient continuait à avoir du succès. Mais le rôle des Ottomans changea. Ils n’étaient plus un ennemi invincible mais l’objet d’ob- servations pseudoéthnologiques (Šmitek, 1992, 55). De nombreux livres à propos des terres orientales dans les bibliothèques des nobles (Štuhec, 1995, 93–95) témoignent de cet intérêt pseudoscientifique, chargé de stéréotypes. Mais on trouve même quelques exemples du Coran. On en cata- logua un à la fin du XVIIe siècle au château campagnard Polhov Gradec, chez le baron Bilichgräz. Ce Coran fut écrit en turc (ARS, AS 309, fasc. 5, lit. B, št. 30, 84).14 Comme le baron Billichgräz, les membres da sa famillie et les visiteurs de son manoir ne maîtrisaient très probablement ni la langue ni l’écriture de « l’ennemi héréditaire du christianisme », cet ouvrage fonctionna comme l’objet d’une curiosité mystérieuse qui leur resta inconnu, ne pouvant être intégré dans leur disposition mentale que superficiellement par son apparence extérieure. En revanche, le Coran qui en 1762 existait dans la bibliothèque personnelle de l’évêque de Ljubljana, le comte Ernest Amadeo Attems, fut la traduction en langue française (ARS, AS 309, fasc. 3, lit. A, št. 66, 81).15 Ainsi l’évêque, amateur des livres français,16 put-il s’informer de la doctrine islamique à base d’une source plus « authentique », même si la traduction de ce texte sacré fut en effet le transfert du transfert. Malgré cela cet évêque catholique fut en mesure de comparer et confronter les 14 « Ein türkisher Alcoran. » 15 « L’alcoran de Mahomet. » 16 Il en posséda 70 (ARS, AS 309, fasc. 3, lit. A, št. 66, 76–96). Fig. 1: Le Coran turc trouvé dans le château Polhov gradec et inventorié dans l'inventaire du baron Mark Anton Billichgrätz (ARS, AS 309, fasc. 5, lit. B št. 30, 84). ACTA HISTRIAE • 28 • 2020 • 3 485 Marko ŠTUHEC: UN AUTRE REGARD SUR LE TRANSFERT CULTUREL: LES NOBLES CARNIOLIENS EN ..., 477–494 positions fondamentales de la foi musulmane avec celle de sa propre doctrine religieuse. Ces deux exemples du Coran démontrent les différents niveaux de la consommation des objets et des éléments du transfert culturel et les différents degrés ainsi que les possibilités de leur recontextualisation. Les données sur les meubles dans les inventaires démontrent que le meuble était bien structuré et destiné aux activités et aux usages bien définis. Tous les types de mobilier étaient présents. Les meubles pour s’asseoir comprenaient des chaises, des fauteuils et des canapés, qui détronisèrent presque complètement les bancs, ce qui réduisit les contacts corporels et rendit possible de mieux définir l’espace privé lorsqu’on était assis. Parmi les meubles de rangement, le coffre céda sa place à l’armoire, ce qui entraîna une mise en ordre différente des objets et une posture corporelle plus confortable pendant le rangement. On trouve ré- gulièrement aussi des commodes, des cabinets, des crédences et des vaisseliers, des lits qui commencèrent à se débarrasser de rideaux, des bureaux et des tables à écrire, des tables à manger et des tables à jeux dont les tables à trictrac (ARS, AS 309, fasc. 7 lit. B, št. 40)17 jeu de dés, populaire à la cour française aux XVIIe et XVIIIe siècles (Grussi, 1985, 70) ou les tables à quadrilla (ARS, AS 309, fasc. 15, lit F, št. 59, 58).18 Les tables à jeux étaient présentes dans bien des inventaires (Weigl, 2003, 200–201; Štuhec, 2011, 377), ce qui témoigne de la popularité des jeux de societé. On ne sait que rarement quelle pièce parmi les meubles fut importée, laquelle, en revanche, fut le produit des artisans domestiques. On sait, par exemple, que le baron Raigersfeld fit importer les douze fauteuils de Hollande et les douze fauteuils de Venise. Il mit ceux des Pays-Bas dans l’antichambre de son appartement au premier étage de sa maison à Ljubljana et ceux de Venise, il les disposa dans sa chambre (ARS, AS 309, fasc. 41 lit. R, št. 100, 25, 22). On sait également que les poêles dans sa maison furent ébauchés à Vienne en 1748 pendant la reconstruction de sa maison, ce dont Raigersfled discuta activement avec l’architecte Persky (Weigl, 2000, 215). Ces deux hommes firent, donc, importer une certaine technologie de chauffage et une esthétique de l’équipe- ment de l’intérieur depuis la capitale de la monarchie autrichienne à la capitale d’une province. On sait aussi que les deux petites armoires dans l’appartement du baron Johan Benjamin Erberg furent fabriquées en bois exotique importé (ARS, AS 309, fasc. 13, lit. E, št. 36, 218).19 Mais on ne saurait dire si le meuble se trouvant en 1754 dans la chambre au-dessus de la chambre de la veuve du baron Wolf Adam Erberg et désigné dans l’inventaire de ce dernier comme la chaise perce (ARS, AS 309, fasc. 13, lit. E št. 34, 62)20 était importée ou bien si c’était un menusier local de Škofja loka qui, en imitant un modèle, scia un trou 17 « In dem frauen witib zimer ein tric-trac tishl von eingelegter arbeit. » 18 « 2 ausgeshwiefte quadrillie spill tafeln eingelegt à 1fl. » 19 « 2. indianische kästln, mit geshnizelt-und vergoldten postament. » 20 « in dem zimmer ober des zimers der letzt verwittibten frauen wittib ein chaise perce. » ACTA HISTRIAE • 28 • 2020 • 3 486 Marko ŠTUHEC: UN AUTRE REGARD SUR LE TRANSFERT CULTUREL: LES NOBLES CARNIOLIENS EN ..., 477–494 dans le couvercle d’un coffre pour y installer un pot de chambre. Peu importe! Ce qui est essentiel, c’est précisément la manière d’ameublement et la variété des meubles qui mettent en lumière l’adoption d’un certain type de culture matérielle caractéristique pour les nobles européens et un style de vie complexe (Dewald, 1996, 149–176; Asch, 2008, 125–131; Bourquin, 2002, 133–155), orienté vers le bien-être et la sociabilité en cercle familial ou amical. Ce train de vie et cette base matérielle ne furent pas inventés par la noblesse carniolienne ou par les artisans carnioliens, même si ces derniers furent amplement capables d’effectuer des travaux exigeants.21 Ces caractéristiques étaient une facette, une composante, un aspect du transfert culturel long et lent, direct et indirect, qui d’un côté transformait le paradigme du quotidien mais qui d’un autre côté fut constamment assimilé et modifié par les nobles carnioliens en accord avec les possibilités et les spécificités des individus et des conditions locales. On constate aussi ce fait si on analyse d’autres objets, ceux, par exemple, qu’on utilisa lors de la consommation de la nourriture. La consommation des repas était souvent un événement social. Autant que nous puissions le savoir, les pièces le plus somptueusement meublées étaient les salles à manger et les grandes salles. Elles étaient liées aux activités sociales qui incluaient souvent des personnes qui n’appartenaient pas à la maisonnée et ainsi d’une manière non verbale communiquaient la position sociale, la richesse et le goût des pro- priétaires. En plus, la table à manger, ronde ou ovale, était l’espace réservé aux objets importés : des nappes et des serviettes en damas qui étaient parfois ornées de dentelles néerlandaieses,22 des cuillères, des fourchettes, des couteaux, des salières, des sucriers, des chandeliers en argent d’Augsburg, de Vienne ou de Venise, des cafetières, des chocolatières, des théières et des tasses en porcelaine pour ces breuvages. À part l’argent et la porcelaine, d’autres matériels disposés sur la table incluaient l’étain et la maïolica. Les objets en argent fabriqués à l’étranger et disposés sur la table à manger ou bien utilisés en pratiques d’hy- giène offrent un bon exemple d’une des fonctions du transfert culturel, à savoir la diffusion et la réception de la mode. Plusieurs pièces d’argenterie qui figurent en 1716 dans l’inventaire du baron Johan Daniel Erberg sont désignées comme fabriquées en conformité avec la mode courante, tel le broc et la cuvette estimés par le priseur à la somme considérable de 110 florins (ARS, AS 309, fasc. 12, lit. E št. 24, 44).23 La structure et la diversité des articles utilisés pour les repas montraient manifestement la spécialisation et l’individualisation de leur utilisation et un comportement bien réglé. D’un autre côté, la vaisselle destinée à la consomma- 21 C’est justement la reconstruction du palais de Raigerfeld qui en donne une bonne preuve (Weigl, 2000, 213–227). 22 Dans les inventaires étudiés on trouve dans 1 inventaire sur 9 l'ensemble composé d'une nappe, d'un essuie-main et de douze serviettes decorées de dentelles néerlandaises. Les dentelles provenant du Pays Bas décoraient aussi les coiffes. 23 « Ein silbernes güspoekh sambt der Kandl von augspurger prob und auf jetzige modo gemacht werth 110 fl. » ACTA HISTRIAE • 28 • 2020 • 3 487 Marko ŠTUHEC: UN AUTRE REGARD SUR LE TRANSFERT CULTUREL: LES NOBLES CARNIOLIENS EN ..., 477–494 tion des boissons exotiques ne révèle pas seulement leur présence dans les foyers de la noblesse carniolienne, mais aussi un certain comportement, à savoir une sociabilité plus intime et plus paisible. Un autre objet, le réchaud, innovation qui se faufila dans les maisons nobiliaires vers le milieu du XVIIIe siècle, lui aussi, influença la vie quotidienne, puisqu’il permit la préparation des plats hors de la cuisine noire (Pardailhé-Galabrun, 1988, 291). À l’égard du réchaud, il faut mentionner que dans les inventaires cet objet est désigné par le mot français. Le réchaud n’est pas le seul objet qu’on désigna par un mot français. À côté de lui et de la chaise percée qu’on a mentionnée plus haut dans le texte, on trouve dans les inventaires aussi la gallenterie, engageant, chatouille, portière, tire-bouchon, etc. (Štuhec, 2019, 158). Cela indique l’aire culturelle depuis laquelle ces objets se sont introduits dans le quotidien de la noblesse carniolienne. Passons maintenant à la lecture, qui, elle aussi, présente un des aspects du transfert culturel au quotidien. Parmi les 132 successions du milieu du XVIIIe siècle on a répertorié 76 bibliothèques (Štuhec, 2009, 255). D'abord il faut souli- gner qu'à quelques auteurs carnioliens24 près tous les livres furent écrits par des auteurs étrangers. Les langues en quelles ces livres furent écrits, se réfèrent d'un côté aux divers champs thématiques et de l'autre côté aux régions ou aux milieux culturels où tel savoir fut produit. Le latin était surtout la langue des livres théo- logiques et juridiques, tandis que les livres en d'autres langues transmirent le savoir concernant tous les domaines de la connaissance et du savoir. Dans toutes les bibliothèques personnelles on trouve des livres en allemand. Le latin était présent dans deux tiers des bibliothèques, les livres en italien figuraient dans la moitié des bibliothèques tandis que ceux en français purent être lus dans un bon tiers des bibliothèques. Les livres en espagnol, portugais et anglais étaient extrémement rares. Si on compare les langues des livres répertoriés au milieu du XVIIIe siècle avec les langues trouvées dans les bibliothèques de la noblesse carniolienne au début du siècle (Štuhec, 1995, 106–111), on note qu' en quarante années qui séparent les deux groupes de bibliothèques et les deux groupes de leurs propriétaires nobles, le latin fut devancé par l'allemand. On note aussi que l'importance du français augmenta considérablement, tandis que l'italien garda son rôle. En ce qui concerne les sujets des livres il faut signaler que la plupart des livres transmetait la connaissance et le savoir traditionnels et l'érudition du type baroque. Il y avait peu de textes présentant des idées modernes. Naturellment il y avait Voltaire et Rousseau, Montesquieu et Fontenelle, Mably, Bayle et Alexander Pope, car il y avait de l'intérêt pour ce genre d'ouvrages. Aussi le baron Johan Benjamin Erberg demanda-t-il en 1729 à Rome une permission spéciale pour pouvoir lire des ouvrages de Bayle (ARS, AS 730, fasc. 66, 613). Mais, en réalité les ouvrages des Lumières sont une minorité. Il est assez normal que les nobles ne se soient pas intéressés en grand nombre aux idées qui minaient leurs valeurs, leurs privilèges et leur position sociale. La noblesse en Carniole était conserva- 24 On trouve notamment les ouvrages de J. W. Valvasor (1641–1693) et J. L. Schönleben (1618–1681). ACTA HISTRIAE • 28 • 2020 • 3 488 Marko ŠTUHEC: UN AUTRE REGARD SUR LE TRANSFERT CULTUREL: LES NOBLES CARNIOLIENS EN ..., 477–494 trice en général et ne s'adaptait que peu à peu aux changements que favorisaient les autres groupes sociaux. Il est donc compréhensible que parmi les livres qu'on trouve dans les bibiliothèques prévalèrent ceux traitant de sujets qui étayaient l'horizon traditionel des élites sociales (Štuhec, 2019, 155–156). Dans le domaine des livres et de la lecture le transfert culturel dans la première moitié du siècle n'a pas considérablement transformé les attitudes de la noblesse carniolienne et leurs dispositions mentales. On peut se poser la question sur la distribution des éléments du transfert cultu- rel dans le domaine du quotidien au sein de la noblesse carniolienne. La noblesse en Carniole était un groupe social peu nombreux, qui bénéficiait cependant de nombreux privilèges judiciaires, honorifiques et fiscaux. Toutefois, les divisions internes au sein de la noblesse étaient assez prononcées. Selon la division de base, les nobles étaient classifiés en deux groupes : la haute noblesse, c’est-à-dire les comtes et les barons, et la petite noblesse (Preinfalk, 2005, 23–30). L’une des différences qui sautent aux yeux, entre ces deux groupes, fut la disparité énorme de fortunes. L’analyse des inventaires dressés au milieu du XVIIIe siècle révèle qu’une dixième part des nobles les plus riches possédaient presque la moitié de la valeur totale des fortunes inventoriées (Štuhec, 2009, 192–193). L’analyse de la structure des fortunes montre que malgré les disparités énormissimes, la structure fondamentale de la culture matérielle de la noblesse en Carniole au milieu du XVIIIe siècle était assez similaire. Autrement dit, malgré les différences drastiques en valeur des fortunes, les inventaires des nobles pauvres contiennent presque les mêmes types d’objets que les inventaires des riches. Bien sûr, les pauvres avaient bien moins de choses, notamment de choses en argent ou en or; le matériel et la décoration de leurs objets étaient plus modestes, ils avaient proportionnellement bien davantage de choses usées et vieilles et très peu ou presque aucun objet de luxe ou objet importé. Cela signifie que jusqu’à un certain niveau, les routines de la vie quotidienne étaient similaires. Une fois ce niveau dépassé, les clivages n’ont pas cessé de s’accentuer. En effet, chaque noble avait un complet de douze cuillères et fourchettes en argent provenant d’Augsbourg, mais tout le monde ne possédait pas de surtout (ARS, AS 309, fasc. 13, lit. E št. 36, 13),25 complet de vaisselle en argent, pesant jusqu’à 6 kilos, qui était l’objet central du théâtre de table et l’un des signes les plus forts de la consommation ostentatoire. Il en resulte, qu’une des fonctions du transfert culturel était la démonstration de la richesse, mais aussi la démonstration du goût et du sen- timent esthétique. Finalement on doit ajouter encore une facette du transfert culturel dans le cadre des foyers nobles. À côté des changements longs et lents du paradigme de la quoti- dienneté, causés par la présence des objets du transfert culturel dans les inventaires ainsi que dans d’autres sources – et perceptibles grâce à ces derniers, il ne faut pas perdre de vue que la présence de ce type d’objets impliqua l’intégration de l’espace carniolien et de son élite sociale dans les réseaux globaux qui commencèrent à lier et 25 « ein sartut oder aufsatz » (ARS, AS 309, fasc. 13, lit. E, 36, 13). ACTA HISTRIAE • 28 • 2020 • 3 489 Marko ŠTUHEC: UN AUTRE REGARD SUR LE TRANSFERT CULTUREL: LES NOBLES CARNIOLIENS EN ..., 477–494 rapprocher le monde à l’époque de la première modernité. La Carniole fut sans doute une province périphérique ou semi-périphérique,26 mais son élite sociale était capable et assez réceptive pour recevoir, filtrer et intégrer, parfois avec un peu de retard, les nouveautés. Quand le baron Benjamin d’Erberg, l’un de nobles carnioliens les plus riches au milieu du XVIIIe siècle (Štuhec, 2009, 183, 216–219), versa le café dans la tasse en porcelaine bleue décorée de roses blanches, quand il y ajouta un peu de lait et de sucre, blancs comme la neige, et quand il remua le tout avec une cuillère en argent pour obtenir une boisson douce-amère et stimulante, il y mélanga la sueur des paysans de son domaine Dol, ainsi que les larmes et la rage impuissante des esclaves noirs dans les plantations brésiliennes. LES CANAUX DU TRANSFERT CULTUREL Les informations sur « ces obscurs objets du désir » parvinrent dans le milieu de la noblesse carniolienne par voies diverses. Divers furent aussi les moyens pour se les procurer. D’abord il faut souligner que les nobles ne furent pas confinés dans leurs châteaux ou leurs maisons. Certains d’entre eux voyageaient fréquemment. Raigers- feld en tant que jeune homme parcourut, autour de 1720, presque toute l’Europe de Naples, où, vêtu selon la dernière mode, il se fit faire le portrait (ARS, AS 730, fasc. 201, 464),27 jusqu’à Londres et Oxford (ARS, AS 730, fasc. 201, 32–40). En tant qu’employé de la Compagnie orientale il se rendit en 1723 à Lisbonne (ARS, AS 730, fasc. 201, 52). Il en rapporta la « meringanga », drogue prétendue miraculeuse, provenant de l’Afrique ou du Brésil, qu’il offrit en novembre 1753 à son épouse mourante dans le dernier espoir de sauver sa vie (ARS, AS 730, fasc. 201, 574). En tant qu’officier dans l’administration d’État il vécut dans les années quarante avec sa famille à Vienne et en 1730, en touristes, lui et sa femme visitèrent Padoue et Venise (Štuhec, 2009, 231). Raigersfeld, bien sûr, n’était pas le seul noble carniolien à visiter les pays étrangers, s’y informer sur les nouveautés et les en rapporter. En 1756, par exemple, le comte Auersperg et le comte Gallenberg se rendirent à Modène (Štuhec, 2009, 55) et en 1754, le baron Wolkensperg séjourna à Vienne (ARS, AS 309, fasc. 50, lit. W, št. 118, 34). Les réseaux amicaux et familiaux aussi bien que les contacts professionnels constituèrent le deuxième canal du transfert culturel. La cor- respondance du baron Raigersfeld qu’on a mentionnée plus haut indique assez bien ce type de circulation des informations et des objets. Ajoutons aussi que sa maison à Ljubljana fut le point de rencontre des gens qui venaient de partout : de Vienne et de Trieste, du Caire et de San Remo (Štuhec, 2011, 356–358). Le troisième moyen du transfert culturel fut le commerce professionnel. Plusieurs entreprises commerciales de Ljubljana avaient des liens directs avec l’Italie et les espaces allemands (Valenčič, 1981, 32–35; Žontar, 1984, 158–159). Et finalement, on ne peut pas oublier les étran- gers, comme, par exemple, les architectes Mathias Persky (1716–1761) (Weigl, 2000, 26 Pour ces concepts, voir Wallerstein, 1986. 27 « … in eben der kleidung und paruquen wie ich getragen habe u. damahls die mode war. » ACTA HISTRIAE • 28 • 2020 • 3 490 Marko ŠTUHEC: UN AUTRE REGARD SUR LE TRANSFERT CULTUREL: LES NOBLES CARNIOLIENS EN ..., 477–494 4) et Candido Zulliani (1712–1769) (Prelovšek, 2001, 229), les marchands (Žontar, 1984, 158), les artisans comme le cafetier Calegari ou les entrepreneurs comme le Français Toussaint Tabouret (fin du XVIIe siècle – 1747) (Žontar, 1984, 159), qui s’installèrent ou travaillaient en Carniole. CONCLUSION Pour conclure, on peut résumer que dans la première moitié du XVIIIe siècle, les nobles carnioliens, grand monde provincial, furent assez bien informés sur ce qui se passait dans le vaste monde. Ils choisirent les choses provenant de divers coins du monde, notamment de l’Itaie, des régions autrichiennes et allemandes, de France et de l’empire ottoman. Ils les firent transférer et les intégrèrent dans leurs maisons en accord avec leurs intérêts, leurs préférences, leurs valeurs et leurs possibilités financières, qui, d’ailleurs, pour la plupart, étaient relativement limitées. Ces choses rendirent leur vie plus commode, agréable, intéressante et luxueuse et en même temps, elles contribuèrent à leur prestige personnel, leur sta- tut social et sans doute aussi à leur vanité. Pour se procurer ces biens, les nobles se servirent de divers canaux. Ils utilisèrent les voyages personnels à l’étranger, les liens familiaux et amicaux, les contacts professionnels et le réseau commercial qui liait la Carniole et surtout Ljubljana, la capitale de la province, directement avec les espaces italiens, autrichiens et allemands. Mais d’un autre côté, on ne peut pas passer sous silence que le transfert culturel fût plutôt unilatéral. La Car- niole, province semi-périphérique, ne fut en mesure d’offrir en échange pour la cheminée à l’italienne, le beurre hollandais et le gilet à la bordure française que de la matière première, le mercure d’Idrija et le fer de la Haut Carniole, ainsi que la survaleur du travail de ses paysans. ACTA HISTRIAE • 28 • 2020 • 3 491 Marko ŠTUHEC: UN AUTRE REGARD SUR LE TRANSFERT CULTUREL: LES NOBLES CARNIOLIENS EN ..., 477–494 BIVALIŠČA KRANJSKEGA PLEMSTVA V PRVI POLOVICI 18. STOLETJA KOT PROSTOR KULTURNEGA TRANSFERJA Marko ŠTUHEC Univerza v Ljubljani, Filozofska fakuteta, Aškerčeva 2, 1000 Ljubljana, Slovenija e-mail: marko.stuhec@ff.uni-lj.si POVZETEK Številne plati življenja v okolju lastnega doma tudi v prvi polovici 18. stoletja niso mogle shajati brez vrste predmetov, velikih in malih, izdelanih iz lesa, tekstila in različnih kovin, dragocenih in brez vredosti, novih, ponošenih ali polomljenih, izdelanih na Kranjskem ali uvoženih iz bližnjega in daljnega sveta. Razprava se osredotoča prav na stvari, ki so v plemiške domove prihajale iz tujine. Biljard in kamin, izdelan na italijanski način, nogavice iz Neaplja, angleške knjige in angleško sukno, kava, čokolada, čaj, »chaise perce«, turški Koran, in druge stvari pričajo o pretoku informacij ter kroženju idej, vednosti in predmetov med kranjskim plemstvom, skratka o kulturnem transferju. Hkrati kažejo na receptivnost in odprtost provincialne družbene elite, ki je bila sposobna integrirati predmete in materi- alne, tehnične ter intelektualne novosti v svoje vsakdanje prakse. Prav vpliv na vsakdanje življenje je bistvena prvina kulturnega transferja, ki je z mešanjem domačih in uvoženih kulturnih prvin povezan z določeno stopnjo kulturne hibridizacije. Analiza zapuščinskih inventarjev, pisem in drugih virov pokaže, da so bili predmeti kulturnega transferja navzoči v skoraj vseh plemiških bivališčih in da so bili zastopani v številnih segmentih materialnega in intelektualnega življenja. Zastopani so bili med kosi pohištva in drugo stanovanjsko opremo, med jedili in predmeti, ki so jih uporabljali pri jedi, med predmeti, ki so oblikovali oblačilni videz plemkinj in plemičev ali med predmeti, ki so poživljali družabno življenje, kot so različne namizne igre. Prvine kulturnega transferja so v glavnem prihajale iz nem- škega in italijanskega prostora, iz Francije (oblačila), Osmanske države (preproge, konjska oprava), Nizozemske (čipke) in Amerike (kava, sladkor, čokolada). Sestavina vsakdanjega življenja v okolju doma, ki je skoraj izključno prihajala iz tujine, so bile knjige. Napisane v glavnem v nemščini, mnoge tudi v italijanščini in latinščini, neredke pa v francoščini, so v plemiške domove prinašale predvsem tradicionalno baročno učenost, medtem ko je bilo del z modernimi, razsvetljenskimi pogledi razmeroma malo, čeprav v domačih knjižnicah naj- demo tudi Voltaireja ali Montesquieuja. Predmeti kulturnega transferja, ki jih najdemo več med višjim plemstvom in bogatejšimi plemiči in plemkinjami, so naredili plemiško življenje, udobnejše, prijetnejše, bolj zanimivo in bolj luksuzno. Prispevali so k družbenemu ugledu in statusu ter osebnemu prestižu in nečimernosti posameznikov iz družbene elite, ki so stvari dobivali v skladu s svojimi potrebami, interesi in finančnimi možnosti. Kanali, po katerih so predmeti kulturnega transferja in informacije o njih prihajali v kranjske plemiške domove, so bili različni: osebna potovanja, prijateljske povezave, poklicna trgovina in tujci, kot sta bila kavarnar Calegari ali arhitekt Zulliani, ki so živeli in delali na Kranjskem. Ključne besede: kulturni transfer, zapuščinski inventarji, bivališča kranjskega plemstva, 18. stoletje ACTA HISTRIAE • 28 • 2020 • 3 492 Marko ŠTUHEC: UN AUTRE REGARD SUR LE TRANSFERT CULTUREL: LES NOBLES CARNIOLIENS EN ..., 477–494 SOURCES ET RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES ARS, AS 309 – Arhiv republike Slovenije = Les archives de la République de la Slovénie (ARS), fond Zbirka zapuščinskih inventarjev Deželskega sodišča = Collection des inventaires après décès auprès de la cour provinciale (AS 309), fasc. 3–52. ARS, AS 730 – Arhiv republike Slovenije = Les archives de la République de la Slovénie, Graščinski arhiv Dol = Les archives manoriales Dol (AS 730), fasc. 66, 165, 199, 201. Asch, R. G. (2008): Europäischer Adel in der Frühen Neuzeit. Köln, Weimar, Wien, Böhlau. Burke, P. (2016): Hybrid Renaissance. Culture, Language, Architecture. Budapest, New York, CEU Press. Bourquin, L. (2002): La noblesse dans la France moderne (XVIe – XVIIIe siècles). Paris, Belin. Dewald, J. 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