n ib0232 REVIJE D’A$SYRI0L0G1E ET DARCHEOLOGIE ORIENTALE REVUE TRIMESTRIELLE PUBLIKE AVEC LE CONCOURS DU C. N. R. S. SOUS LA DIRECTION DE G. CONTENAU E. DHORME CONSERVATEUR EN CHEF HONORAIRE MEMBRE DE L*INSTITUT DES MUSEES DE FRANCE PROF. HON. AU COLLEGE DE FRANCE ANDRE PARROT CONSERVATEUR EN CHEF DES MUSEES NATIONAUX Secrelaire de Redaction : M. LAMBERT PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE n 180232 [RA 57-1963] 21 LES LOIS HITTITES ET LEUR EVOLUTION* par Victob KOROŠEC 1. — Apergu du Recueil DES LOIS HITTITES (= RLH) Parmi les droits euneiformes le droil hittite 1 eveiilo un interet louL a la it particulier. 11 provient d’un peuple dont la langue etait indo-europeenne, tandis que sa culture s’etait developpee largement sous l’influence des Sumeriens et des Akkadiens, leurs contemporains en Mesopotamie. Notre source principale du droit hittite, civil et penal, est le Recueil des lois hittites (= RLH), d’habitudc appele « Les lois hittites » 2 . Le RLH nous est parvenu, ecrit en cuneiforme, sur plusieurs tablettes d’argile, fragmentaires pour la plupart, decouvertes par Hugo Winckler a Bogazkeuy, en 1906-1907. Son texte est compose de deux parties, designees par les scribes hittites d’apres leurs mots initiaux : la premiere comme « la tablette ‘Si un homme’ », la seconde comme « la tablette ‘Si ime vigne’ ». Le texte entier fut publie en autographe par Frederic Hrozny® en 1921. * Conference faite au College de France a Pariš, le 16 juin 1961. Abreviations utilisees : AO = Der Alte Orienl, Leipzig. - 2 BoTU = E. Forrer : Die Boghazkoi-Texle in Umschrift, II. Band, 1. Heft, 1922, 2. Heft, 1926, Leipzig. —• Klin = Keilschriftlexle aus Boghazkoi, T-VL Leipzig, 1916-1923. - KUB = Keilschrifturkunden aus Boghazkoi, I ss., Berlin, 1921 ss. - - PRU = Jean Nougayrol : Le Palais royal d’Ugarit, III, 1955; 1 V, 1956 (= Missiort de Ras-Shamra, VI, IX), Pariš. - RLH = Recueil des lois hittites. L CEuvres d’importance generale, citees par les noms de leurs auteurs : Ldouard Cuq : Les lois hilliles (— 1'Jludes sur le droit babylonien. Les lois ussijricnnes el les lois hilliles). Pariš, 1929. pp. 457-507. -Albrecht Goetze : « Kulturgeschichte des Alten Orients : Kleinasien » (Ilandbuch der Allerlumsuiissenschaft), l ro ed., 1933; 2° ed., 1957, Milnchen. - Louis Delaporte : Les Hilliles (L’l5volution de 1'Humanite), Pariš, 1936. O. R. Gurney : The Hilliles (A Pelican Boolc, Nr. 259), 2 e ed., Oxford, 1954. Eugene Cavaignac : Les Hilliles (1,’Orient ancien illustre, 3), Pariš. 1950. Ferd. Sommer : Helliiler und Ilelhitisch, Stuttgart, 1947. Ernsl Neufeld : The Ilillile Lauis, translated into English and Ilebrew with Commentary (avec reproductions plioto- graphiques), London, 1951. - Renč Foli.et : Les lois hittites (Melanges de VUniversile Sainl-Joseph, t. XXX). 1953, 1-18. Rich. Haase : Der privalrechlliche Schulz der Person und der einzelnen Vermogensrechlc in der helhi- lischen Rechtssammlung, lnaug. Diss., Tflbingen, 1961. I-leinrich Otten : « Das Hethiterreich »(H. SchmOkei. : Kulturgeschichle des Allen Orienl, Stuttgart, 1961), p. 311-446, part. 386-397. — Pour les traductions du RLH. voir p. 122, notes 1-5. 2. Cf. Johunnes Friedrich : Die helhitischen Geselze (HG) (Documenta et Monumenta Orientis Antiipii, VII), Leiden, 1957, p. 1. 3. Keilschriftiexle aus BoghazkSi, VI. Heft, Leipzig, 1921, n 08 2-22, 26. (Juelques fragments decouverls plus tard furent publies par Hans Ehelolf dans le KUB XIII, 11-16, 30-31 [1925] et dans le KUB XXIX, 13-38 11938], par A. Goetzf, dans le KUB XXVI, 56 [1933] et recemment par Heinrich Otten dans le K Bo IX, 70 [1957]. — lin apergu gčnčral de tous les fragments connus jusqu’5 prčsent est donnč par J. Friedrich : H G, pp. 2-15. 122 VICTOR KOROŠEC [RA 57 L’annee suivante, le RLH fut traduit deux fois : par Heinrich Zimmern (en collabo- ration avec Johannes Friedrich 1 en allemand, et par Fr. Hrozny 2 en frangais ; celui-ci y ajouta la transcription du tcxte ainsi que 42 reproductions photographiques des tablettes connues a l’epoque (la traduction de Neufeld [en 1951] en contient 87). Dans la suite, entre 1922 et 1959, le RLH fut traduit plusieurs fois : en anglais (par Arnold Walther, 1931 ; par Albrecht Goetze, 1950; par Ernst Neufeld, 1951, simultanement en liebreu), en italien (par Gius. Furlani, 1929), en danois (par J. Holt, 1951) et en russe (par 1. M. Djakonov et I. M. Dunaevskaja, 1952 3 ). D’apres 1’edition de Fr. Iiroznv, la tablette ‘Si un homme’ contient les articles 1-100, la tablette ‘Si une vigne’ les articles 101-200 B, plusieurs lacunes y comprises. La numerotation de Hrozny, deja traditionnelle, est celle suivie ici. Si les traductions du RLH furent nombreuses, la transcription du texte par Fr. Hrozny resta unique jusqu’en 1959, epoque a laquelle Johannes Friedrich 4 publia sa traduction en allemand conjointement avec une nouvelle transcription comprenant aussi toutes les variantes du texte, publiees apres la publication du Code hittite en 1922 par Fr. Hrozny. J. Friedrich introduisit pour la seconde partie du RLH une numerotation dilferente, y assignant les articles (II) 1-86 b (d’apres Hrozny : 101-200 B). — Les lois hittites furent commentees d’abord par Edouard Cuq, ensuite par E. Neufeld et par I. M. Djakonov, et tout recemment par Richard Haase 5 . Tout cela nous permet de constater qu’au cours des vingt ans passes, 1’interet general pour le droit hittite n’a pas diminue, qu’il a au contraire beaucoup augmente. Les regles juridiques conservees en dehors du RLH sont assez rares. Elles concernent surtout le droit penal ainsi que la procedure, penale et civile, et quelque peu aussi le droit de mariage. JI va sans dire qu’un recueil d’environ 200 articles ne peut contenir le droit hittite complet. A cet egard, le RLH ressemble aux autres recueils de lois de l’Antiquite, la Loi romaine des XII tables y comprise. Car tous les recueils anciens ne contiennent que les lois reglant des questions particulieres, done contestees a 1. « Hethitische Gesetze aus dem Staatsarchiv von BoghazkOi » unter Mitwirkung voh Dr. Johannes Friedrich..., iibersetzt von Dr. Heinrich Zimmern (= l)er Alle Orient, 23, 2, Leipzig, 1922). 2. Code hittite provenant de l’Asie Mineure ( Helhitica, I), Pariš, 1922. 3. A. Walther : The Hittite Code (Powis Smith J. M. : The Origin and Hislortj of ITebreiv Lam, pp. 246-274), Chicago, 1931 ; A. Goetze : « The Hittite Laws » dans Pritchard : ANET, pp. 188-197, Princeton, 1950 ; E. Neufeld : o. c., pp. 1-69 (avec reproductions photographiques), London, 1951. — Gius. Furlani : Leggi deli'Asia Anleriore anlica (Istituto per 1’Oriente), pp. 61-88, Roma, 1929. — J. IIolt : Kilder lil Ilitlilernes Hislorie, Kopenhagen, 1951, 216-247. — I. M. Djakonov-I. M. Dunaevskaja, o. e. (Vestnik Dreunej Islorii, Priloženie, 1952, n° 4, traduction et commentaire, pp. 259-308), Moscou. 4. Pie hethitischcn Gesetze (cf. p. 121, n. 2), Leiden, 1959. 5. Cf. p. 121, n. 1. LES LOIS HITTITES ET LEUR EVOLUTION 123 1963] quelque egard, tandis que les regles de droit concernant la matiere la plus commune et generale y manquent. 11 est probable que le legislateur les a passees sous silence, parce qu’il les considerait comme generalement reconnues et usitees. Ainsi, dans tous ces recueils, on cherche en vain des lois generales sur la lamille, sur la propriete, sur les contrats et sur la succession. Dans le RLH on ne trouve pas de regles sur les obligations contractuelles, ni sur la succession, ni sur la procedure tant civile que penale. Pareillement comme les autres recueils de droit de l’Antiquite, le RLH est compose, dans sa plus grande partie, de lois penales. Outre cela. le RLI1 contient plusieurs regles lixant les prix pour diverses marchandises (les articles 176 B-186) ou les remunerations et les salaires pour differents Services et prestations f 150-152, 157-161). D’autres regles, surtout celles qui ont trait au mariage (27-37) ou aux fiefs (39 ss., 46-48) 1 , ainsi que quelques regles sur divers privileges des differentes villes ou professions (50-56), ne sont guere nombreuses. La tablette ‘Si un homme’ comprend les lois concernant les personnes (1-56) et la propriete, d’abord celle des animaux domestiques (57-92) et ensuite celle des batiments surtout rustiques (maison, grange) (93-100).’ Le droit des personnes dans la premiere tablette debute par les lois penales protegeant la vie humaine (1-6) et 1’integrite du corps humain (7-18) ; dans les lois subsequentes on prescrit la peine pour 1’enlevement d’un homme qui est emmene en dehors du pays (19-21), ainsi que les consequences de la luite des esclaves (22-24). Ensuite on vise le mariage et la famille (26-37) et — abstraction laite de trois lois erratiques (43-45) — on finit par plusieurs lois sur les fiefs (39 ss.) et sur divers privi¬ leges relatifs aux obligations publiques (50-56). Dans la deuxieme section de la premiere tablette (57-92) on s’occupe des interets patrimoniaux des proprietaires des animaux domestiques, ceux-ci repartis en quatre groupes : le premier embrasse les bceufs, les chevaux et le menu bčtail (57-80). le deuxieme les porcs (81-86), le troisieme les chiens (87-90) et le quatrieme les abeilles (91-92). Les lois de la troisieme section (93-100) reglent le chatiment pour les delits de vol et d’incendie commis dans une maison ou dans une grange d’autrui. Puisque la premiere tablette vise dans sa seconde moitie le chatiment de vol et le chatiment d’autres dommages au prejudice des proprietaires, soit des animaux domestiques (57-92), soit des batiments rustiques (93-100), et puisque la seconde 1. Les fiefs sont donnes aux « hommes d’armes » (d’apres F. Sommer : aux « hommes d’ustensiles », au.\ artisans ??) ; cf. P’. Sommer-A. Falkenstein : Die helhilisch-akkadischc Bilingue des Hatlušili I (Labarna II) (Abhandlungen der Bayerischen Akademie der \Vissenschaften, Phil.-hist. Abt., N.F. 16), Munchen, 1938, p. 120 ss. 124 VICTOR KOROŠEC [RA 57 tablette debute par les lois penales sur le vol dans une vigne (101), on peut en conclure que les deux tablettes se completent l’une 1’autre 1 . Laissant de cote quelques lois erratiques, d’ailleurs peu nombreuses (25 ?, 43-45), on peut observer que, dans 1’arrangement des lois, 1’auteur de la tablette ‘Si un homme’ suit un principe tres clair : on commence par les regles concernant le bien le plus precieux (la vie de l’homme, 1’integrite de son corps, etc.), pour continuer graduellement par les regles sur les biens d’une moindre importance. Dans la seconde tablette ‘Si une vigne’, on ne trouve par contre aucun principe d’ordre semblable. On peut quand meme observer que 1’auteur de cette seconde tablette cherchait lui aussi a reunir les prescriptions connexes. La premiere moitie de la tablette presente d’ailleurs des lacunes considerables ainsi que plusieurs regles de droit dont le texte est fort gate, et qui ne sont pas encore comprehensibles. La seconde tablette commence par 1’etablissement des peines frappant le vol et d’autres dommages causes dans une vigne, dans un verger ou dans un champ d’autrui (101-113). Apres quelques lacunes (114-118), on traite du vol de certains oiseaux (119-120) et de divers ustensiles, appartenant soit aux pavsans (121 ss.), soit aux artisans (143 s.). Puis, on prescrit les indemnites pour quelques infrac- Lions aux contrats (surtout au contrat d’achat), dont le sens nous echappe encore (145-149). Dans les articles subsequents on fixe soit en argent (150-152, 157), soit en grain (158-161), les loyers pour le louage des bestiaux (151 s., 159) ou pour divers Services rendus par des hommes loues (150, 158), ainsi que pour les prestations de dillerents artisans (157, 160 s., 162 ??). Ensuite, en quatre cas (164-169), le RLH ordonne des sacrifices ayant un but expiatoire. Les sept articles ulterieurs (170-175), evidcmment tres archai'ques, ont trait a dillerents sujets qui n’ont aucune aflinite entre eux. La premiere parmi ces lois (170) lutte encore contre les influences magiques provoquees par sorcellerie. L’homme tue un serpent et prononce en meme temps le nom d’un autre homme, sans douto pour lui jeter un sort. Si le coupable etait de condition libre, il devait payer une mine d’argent ; s’il etait eselave, il etait passible de mort. — L’article 171 autorise la mere (probablement la veuve) a expulser son fils (desobeissant ?), et aussi a le reprendre plus tard. — L’article 172 s’occupe de la recompense due par celui qui, dans une annee de lamine, avait ete sauve grace au secours prete par un autre homme. Quand l’homme sauve etait de condition libre, il etait tenu a livrer a son bienfaiteur son remplacement (akk. : puh-šu), tandis que pour un eselave sauve il fallait payer dix sicles d’argent. -— L’article 173 pourrait etre caracterise comme une loi hittite fondamentale. Car on y ordonne que la rebellion l. Cf. Hrozn? : Cotle hillile, p. 100, n. 1. 1963 LES LOIS HITTITES ET LEUR EVOLUTION 125 contrc la juridiction royale entrainait probablement l’exteraiination « de la maison » du rebelle, ce qui veut dire rextermination de toute sa 1'amille, tandis que le coupable d’une rebellion contre la juridiction d’un dignitaire (lu dugud) etait chatie par la decapitation. L’esclave qui s’etait eleve contre son maltre, « allait au grand pot », ce qui signifiait vraisemblablement une execution tres cruelle du rebelle. — L’ar- ticle 174 statue qu’un homicide survenu au cours d’une rixe entrainait la livraison d’une personne (« tete »). — L’article 175 s’occupe (de meme que l’art. 35) de la position d’une femme libre qui s’etait mariee avec un homme de condition inferieure. — Le sens de 1’article 176 A, qui a trait a la possession secrete d’un animal de repro- duction (d’un taureau, d’un belier, d’un bouc), reste encore obscur. II est probable que la redaction originale de la tablette ‘Si une vigne’ se termi- nait ici, car les articles suivants n’ont aucun rapport avec les lois precedentes. Un long tarif, comprenant onze articles (176 B-186), prescrit les prix d’achat : d’abord pour divers artisans (176 B, 177) et ensuite pour differentes marchandises, meubles et immeubles. Les prix sont fixes en argent, sauf les prix de la viande des animaux domestiques ; ces derniers sont bases sur la valeur d’un mouton vivant (186). 11 est vraisemblable que ce tarif fut ajoute plus tard a la teneur de la seconde table. — 11 est encore plus probable, a mon avis, que le groupe suivant (187-200 A) represente une addition posterieure, contenant les lois penales concernant la bestialite (187 s., 199 s.) et des attentats aux moeurs (189-198), c’est-a-dire 1’inceste et 1’adultere. — Une annexe encore plus rčcente est 1’article 200 B, fixant la remuneration pour 1’apprentissage d’un metier ainsi que le dedommagement en cas d’echec. II. — Le BLH et les recueils de lois mesopotamiens Dans le RLH les articles sont pour la plupart introduits par les conjonctions man ou takim (= si), ce qui correspond aux lois sumeriennes commengant par tukumbi et aux lois akkadiennes introduites par šumma. Les Hittites imiterent egalement les Mesopotamiens en formulant leurs lois dans des propositions hypothetiques contenant les sanctions dans leurs propositions principales. Mais, alors que sur les tablettes d’Ešnunna et sur la stele de Hammurabi les lois se suivent sans intervalle apparent, sur les tabelles d’argile hittites, les lois sont separees 1’une de 1’autre par des lignes horizontales, suivies chaque fois d’un interligne plus grand qui signale le debut de la loi subsequente. A cote de ces ressemblances formelles il y a aussi quelques ressemblances mate- rielles. Comme les Sumeriens et les Akkadiens, les Hittites, eux aussi, employaient dans leurs lois 1’argent comme mesure generale de valeur ; ce n’est que dans quelques articles archai'ques qu’on rencontre des peines (83, 85, 126) et des salaires (158-161) 126 VICTOR KOROŠEC [RA 57 indiques en ble, une fois meme en drap de laine (126). — De plus, c’est evidemment aux recueils des lois mesopotamiennes que les Hittites ont emprunte le terme « sei- gneur » (sum. en, akk. bela, hitt. išhaš) pour designer le proprietaire, les Mesopo- tamiens, comme les Hittites, ne possedant aucun terme technique designant la propriete. Les divergences, au contraire, sont plus nombreuses pour differentes raisons. l)’abord, 1’evolution economique de 1’Empire hittite etait tres arrieree en comparaison avec celle de la Mesopotamie contemporaine. Car les conditions economiques et sociales des deux pays difleraient considerablement. Sur le plateau onduleux de 1’Asie Mineure, borde au nord et au sud par des montagnes abruptes, il n’y a aucun fleuve qui, par son reseau d’irrigation, put influencer 1’evolution de l’Etat et du droit, comme cela s’etait produit en Egypte. Quand on compare la teneur du RLH avec celle des recueils des lois mčsopo- tamiennes, on doit constater que les regles de droit paralleles, traitant la meme matiere, sont assez rares. Ainsi, on rencontre dans le RLH des lois penales sur les coups et blessures (7-18), sur 1’inceste (189, 193 ss.) et sur 1’adultere (197 s.), ainsi que la regle fixant 1’indemnite pour la resiliation du contrat de mariage (29 s.), soit par les parents de la jeune fille, soit par le fiance. D’autre part, la majorite des lois contenues dans le RLH s’occupent des questions (jui ne sont prises en consideration ni par les Sumeriens ni par les Babyloniens ni par les Assyriens. Comme nous 1’avons deja dit, la plupart des lois hittites cherchent a proteger les eleveurs (les patres), les paysans et les vignerons contre des voleurs et d’autres malfaiteurs, en statuant des sanctions penales pour divers prejudices causes soit a leur betail (57-80) ou a d’autres animaux domestiques (81-92), soit a leur maison ou a leur grange (93-100), soit a leurs vignes, jardins ou champs (101 ss.). Cependant, le droit des obligations est dans le RLH tres neglige, surtout en ce qui concerne les obligations provenant des contrats. Le RLH (et les fragments disperses en dehors du recueil non plus) ne mentionnent jamais le pret, le taux d’interet, le depot ou le cautionnement. On n’apprend rien sur 1’activite commerciale des marchands hittites : le legislateur ne s’occupe d’eux que dans 1’article 5 (respectivement dans l’art. III de la redaction la plus recente KBo VI, 4). ou il statue la peine frappant celui qui a tue ou pille un marchand hittite. D’autre part, l’existence d’un tarif officiel des prix pour un grand nombre d’objets fait pressentir que 1’economie nationale hittite n'etait que peu developpee. Ouant aux artisans, le RLH en enumere plusieurs (176 B, 200 B) : le potier, le forgeron, le charpentier, le cordonnier, le tailleur, le tisserand, le faiseur de lacets. — L’article 200 B prescrit la remuneration pour 1’apprentissage d’un mčtier ainsi LEUR EVOLUTION 127 1963J LES LOIS HITTITES ET quo la peine pour l’echec,.quand celui-ci a ete cause par le maitre. Le fait qu’au debut du grand tarif on etablissait les prix d’achat de divers artisans (176 B, 177) autorise la presomption que ces artisans n’etaient que mi-libres. Le droit de succession n’est mentionne dans le RLH qu’incidemment (27, 192). Toutes ces observations prouvent que la grande majorite des Hittites vivaient de l’agriculture et de 1’elevage du betail, tandis que les relations commerciales semblent avoir ete encore peu developpees, surtout quand on les compare avec celles existant dans la Mesopotamie. Ainsi s’explique le fait que le RLH vise surtout les interets des paysans. En general, le droit hittite du patrimoine est tres en retard par rapport avec le droit babylonien dans le domaine du droit des obligations et du droit de succession, tandis que dans le droit de propriete et dans le droit des personnes on rencontre souvent des lois bien remarquables. 111. — Les principales difeicultes DANS LE TRAITEMENT DU DROIT HITTITE, CIVIL ET PENAL Ouand on veut etudier a fond le droit hittite, on se heurte a divers obstacles. Ibabord, le manque absolu des documents hittites prives. En Mčsopotamie, au oontraire, des dizaines de milliers de contrats prives sont conserves et ceux-ci repre- sentent pour de longues epoques nos uniques sources de droit. Cest grace a ces documents prives qu’on connalt toute une serie de regles juridiques qui ne sont inse- rees dans aucun code mesopotamien. A Bogazkeuy, jusqu’a present, aucun document prive n’a ete retrouve. Ainsi, abstraction faite de quelques regles de droit, dispersees dans divers documents (traites, reglements, instructions), le RLH reste notre source unique du droit hittite, civil et prive. Parmi les nombreuses difficultes empechant 1’intelligence du RLH, il faut alieguer surtout 1’etat fort endommage de la premiere moitie de la seconde tablette. Ici on ne sait pas exactement combien d’articles manquent dans ses trois lacunes (116-117 ?, 134-137 ?, 138-141 ?) ; sept autres articles y sont entierement ou presque entierement detruits,.tandis que vingt articles ne sont que partiellement conserves 1 . Le texte principal de la premiere tablette est assez bien conserve ; mais il est transmis en trois versions (KBo VI, n os 2, 3, 5) qui different souvent considerablement l’une de 1’autre, et qui, evidemment, ont ete redigees successivement. Une redaction toul a fait ržcente 2 , mais helas fort endommagee, inscrite sur la tablette KBo VI, 4, renferme 1. Entierement (ou presque) detruits sont les articles n os 26; I, XV1II-XX11, XXVII-XX11I, X1.I ; 111- 115, 116-117 (une lacune), 118, 123, 134-141 (une lacune). Partiellement conserves sont les articles n° s XXIII- XXV, XXXIV; 105, 111-113, 119, 120, 121, 124, 128-133, 142-145, 152, 183. 2. V. Korošec : « Die Tontafel KBo VI, 4 und ihr relatives Alter » (Fesischrifl Joh. Friedrich J, Heidelberg, 1959, pp. 261-272. 128 VICTOR KOROŠEC [RA 57 les articles numerotes comme I-XLI, qui eorrespondent aux articles 1-49 du texte principal du RLH. Ensuite, on rencontre dans diverses lois plusieurs hapax legomena, c’est-a-dire des mots qu’on ne trouve dans aucun autre texte, ce qui nous met souvent dans 1’impossibilite de determiner leur sens. IJne difficulte ulterieure resulte du manque d’un renseignement quelconque soit sur 1’origine, soit sur 1’auteur, soit sur la date de la redaction du RLH. En effet, nos connaissances sur 1’origine des recueils mesopotamiens des lois sont assez maigres. Tout ce que nous savons, a cet egard, sur les Godeš d’Ur-Nammu, de Lipit-Ištar et de Hammurabi, sont les noms de trois legislateurs, ce qui nous donne la date approxi- mative de leur composition. Pour le RLH. on tatonne dans une obscurite totale. En consequence, les opinions sur le caractere juridique du RLH divergent beaucoup. Tandis que plusieurs auteurs le considerent comme une legislation ou une codification des rois hittites, d’autres y voient un recueil des jugements rendus par le tribunal royal des Hittites, et certains enim y soupgonnent une collection privee (ein Rechls- buch), composee en vue de buts pratiques par quelque haut fonctionnaire hittite 1 . IV. — Le droit des biens et son evolution Enfin, un obstacle considerable aux recherchcs sur le droit hittite procede de 1’heterogeneite des diverses regles du RLH. Dej a. £. Cuq 2 a bien observe que les lois hittites « ne forment » pas « une legislation homogene ». II en deduisit que « les deux parties qui composent le recueil ne sont pas de la meme epoque ; elles ont ete redigees successivement ». Pareillement A. Goetze 3 a constate que le texte du RLH n’etait pas fait d’un seul jet. En nous rangeant aux opinions de Cuq et de Goetze, nous ajoutons que surtout dans les regles du droit patrimonial on peut reconnaltre plusieurs couches des lois qui tirent leurs origines de differentes epoques. Ces diverses couches peuvent etre discernees par les sanctions, dans lesquelles sc reflete la pensee juridique du temps de leur naissance 4 . Ainsi, c’est grace a cette heterogeneite qu’il est souvent 1. Cf. R. Follet : Les lois hittites, p. 7 (« un recueil fait par des juristes ») ; V. Korošec : « Le probleme de la codification dans le domaine du droit hittite », dans R IDA. 1957. 93-105 : l>. Kosciiaker : Si/mbnlae llrozmj, IV, Praha, 1950, p. 262; J. Friedrich : HG, p. 1. 2. IŠtudes sur le droit babylonien (cf. n. 1), p. 462. 3. Kulturgeschichle 2 , p. 110. — Cf. aussi R. Follet : Les lois hillites, p. 5 : « Les Lois sont un produitde la civilisation hittite... Cette civilisation n’est pas de type homogfcne, mais de type syncr6tiste, ceuvre de groupes ethniques, sžparfe dans le temps et dans 1’espace; d’oii l’existence de couches diverses, de compromis et de contradictions. » 4. Cf. V. Korošec ; Nekaj problemov iz hetitskega prava (Some Problems of the Hittite Law). (Zbornik znanstvenih razprav), Ljubljana, 1955, 67-90 ; Hethitica (Academia scientiarum et artium Slovena, C.lassis I, n« IV/7) ; Ljubljana, 1957, pp. 21 ss., 47 ss. LES LOIS HITTITES ET L E UP, EVOLUTION 129 possiblc de poursuivre Fevolution interne du droit hittite, civil et pena!. jusqu’a une epoque tres ancienne. Une distinction nette entre les lois de deux epoques est expressement indiqnee dans une vingtaine des lois du RLE, ou Fon confronte le droit anterieur ( karu = autre- fois) au droit en vigueur (kinuna — maintenant) 1 . Par ces paralleles on voulait evidemment demontrer que la loi en vigueur au temps ou le texte principal du RLH fut compose (et inscrit sur les tablettes d’argile n os KBo VI, 2, 3 ou 5), etait plus douce que la loi anterieure. Nous allons donner quelques exemples caracteristiques d’un tel discernement. Ainsi celui qui a creve un oeil ou brise une dent d’un homme libre etait passiblc d’une amende de 20 sicles d’argent, Landis qu’autrefois il devait payer une mine d’argent (art. 7). — Une blcssure faite a la tete d’un homme libre etait punissable « autrefois » de 6 sicles d’argent, « maintenant » de 3 sicles (9). Le voleur d’un essaim d’abeilles etait tenu a paver 5 sicles d’argent, autrefois une mine (91). Le voleur d’un taureau ou d’un etalon ou d’un belier (resp. d’un mouton) devait autrefois livrer 30 animaux de la meme espece (respectivement il lui fallail livrer 15 animaux pour le vol d’un animal de trait ou de somme, et 12 animaux pour un animal laitier). Le taux de ces peines fut diminue en general de moitie (de 30 a 15, de 12 a 6), et seulement d’un tiers pour les animaux de trait ou de somme (do 15 a 10 animaux) (art. 57-59, 63-65, 67-69). L’enlevement d’un homme etait chatie primitivement par la livraison de douze « tetes », c’est-a-dire de douze hommes, plus tard de six « tetes » (19 B). La peine de mort, prevue autrefois pour le voleur des abeilles en ruches, fut remplacče par une amende de 6 sicles d’argent (92). Le voleur dans une vigne encourait autrefois la peine corporelle d’etro frappe avec une lance, et il etait tenu, de plus. a paver 1 sicle d’argent, ce qu’on cbangea plus tard en une amende de 3 sicles d’argent (101). Ouant a 1’origine de cette reforme, Vest dans les articles 9 et 25 2 qu’on motive la reduction des peines pecuniaires par la decision d’un roi (reste anonyme) qui avait renonce a la part des peines qui, jusqu’alors, revenait. « au Palais », c’est-a-dire au roi hittite comme chef de la juridiction. II s’agit evidemment d’une vaste reforme 1. Cf. les articles 7, 9, 19 B, 25, 57-59, 63-65, 67-69, 81, 91, 92, 94, 101, 119, 122 ?, 129, 166 s. - - C.itons par exemple 1’article 9 (cf. la Mduction de Hrozny, p. 7 s.) : Si (d’)une personne sa tžte quelciu’un (nom.) frappe, on donnait autrefois 6 sicles d’ar};ent : le frappfe prend 3 sicles d’argent, pour le Palais on prenait, 3 sicles d’argent: mais maintenant le roi a remis la (somme) du Palais, alors (seulement) le frappG prend 3 (sicles) d’argent. 2. Pour 1’article 9, cf. la note pršcedente. — Dans 1’article 25 on motive la rMuction de la peine (traduc- l ion de Hrozn'?) en disant : « Mais maintenant le roi a remis (la somme) du Palais. » Revne d’Assyriolo(iie, T.V1I. 10 130 VICTOR KOROŠEC [RA 57 legislative, ceuvre d’un roi hittite, dont le nom n’a pas ete transmis a la postorite. Malheureusement on ne sait rien sur 1’activite legislative des rois hittites, exception faite de Telepinu qui, par sa legislation, regla surtout la question de la succession au trone hittite (vers l’an 1450) 1 et qui, en meme temps, toucha aussi a quelques autres sujets (le pankuš ; la sorcellerie, le meurtre). En ce qui concerne le chatiment de meurtre (d’une « affaire de sang »), il statue qu’on doive faire ce que le « seigneur de sang » ordonne (« dit »), soit la peine de mort (a-ku), soit le payement d’une indem- nite (šar-ni-ig-du) ; en terminant, le legislateur ajoute : LUGAL-i-ma-pa li-e ku-it-ki ( = « Mais au roi rien ») 2 . Le sens de cette sentence laconique est ambigu. Elle peut signifier soit qu’a 1’avenir le roi n’interviendra nullement dans la procedure penale, soit qu’il n’aura aucune part de 1’amende que le coupable condamne paierait. Cette derniere interpretation correspond, a mon avis, micux a la fagon de penser de cette epoque archaique. Dans ce cas on gagne un point d’appui, quoique tres faible, qui nous permet d’attribuer a Telepinu 1’impulsion pour la grande reforme legislative et de le considerer meme comme auteur de la reduction generale des peines. 11 est remarquable que dans huit artieles du RLH, on fait mention de la reduc¬ tion des peines pecuniaires qui, evidemment, avaient ete introduites deja avant la grande reforme. De telles peines etaient en general assez elevees : une mine argent (art. 7, 81, 91, 94, 129), a l’exception des artieles 9 et 25, qui preserivaient une peine de 10 sicles, et de 1’article 101, qui preserit la peine d’un sicle conjointcment avec une bastonnade. De telles peines concernaient, outre plusieurs especes de vol (le vol d’un cochon gras [81], d’un essaim d’abeilles [91], du harnais de cheval ou de mulet [129], le vol dans une maison [94] ou dans une vigne [101]), aussi quelques coups et blessures (portes a l’ceil ou a une dent [7] ou a la tete [9] d’un homme libre) et enfiri dans 1’article 25 une impurete (rituellc ?). Au cours de la reforme toutes ces peines pecuniaires furent reduites, en general de moitie 3 ; dans cinq artieles (81, 91, 94, 101, 129) le taux de la reduction etait encore plus eleve. 1. Cf. L. Delaportk : Les Hiltiles, p. 66 s.— Le texte a etč publie enautographie dans les volumesKBo III, n« 1 et KUB II, 1. — Cf. la transeription par E. Forrer en 2 BoTU, n° 23, A-G (pp. 40-53). Traductions du texte par Fr. Hrozny : BoSt. 3, 90-129 ; F. Witzf.l : Helhilische Keilschriflurkunden, Fulda, 1924, 1, 44-59 ; .1. Friedrich, E. Cavaignac : RHA 1, 9-14; E. H. Sturtevant-G. Bechtel : A Hittite Chreslomalhij, Philadelphia, 1935, 175-200. 2. 2 BoTU 23 B (p. 48), § 49, 19-21 = 23 C (p. 50), § 49, 7-9. 3. Comme Heinrich Otten (« Zum hethitischen Gewichtssystem », dans AfO 17, 1954-1956, Graz, 128-131) l’a mis en Evidence, la mine hittite 6tait divisše en 40 sicles. - Ainsi la rčduction d’une moiti6 semble avoir 6t6 favoris6e par les Ilittites : cf. les artieles 7, 9, 19, 25, 57-59, 67-69 (cf. aussi les art. 1-4, IV ; les peines pour coups et blessures inlligees aux esclaves selon les artieles 7/8, 11/12, 92, 93, 94/95, 96/97, respectivement selon les artieles V/VI, X/XI, XII/XIII, XIV/XV ; cf. les artieles sur 1’avortement : 17/18, XVI/XVII). -—- Une reduction en proportion de 10 : 3 se trouve dans les artieles 81, 94 et 129 (1 mine-12 sicles), une reduction en proportion de 8 : 1 dans 1’article 91 (1 mine-5 sicles). 1963 ] LES LOIS HITTITES ET LEUR EVOLUTION 131 II est vraisemblablc qu’en meme temps le legislateur hillite anonvme a reduit aussi les peines etablies en betail, en general de moitie (57-59, 67-69), et exception- ncllement d’un tiers (63-65) pour le vol des animaux de trait ou de somme. 11 reduisit de moitie aussi la livraison des personnes (« tetes »), peine prevue pour 1’enleve- ment (19 B). La peine de mort fut une fois (92), sinon deux fois (121), remplacee par une peine de 6 sicles d’argent. Le remplacement de la peine d’ecartelement (166) par une offrande expiatoire (166 s.) semble avoir eu lieu deja plus tot 1 . Grace a de telles reductions des peines, le systeme penal du RLH est devenu fort modere 2 . A cote des lois deja citees il v a dans le RLH plusieurs lois qui ordonnent des peines pecuniaires tres douces, sans y faire menlion d’une reduction des peines. 11 s’agit evidemment des articles qui furenl introduits apres la grande reforme, comme lois penales nouvelles. Ainsi s’expliquent des peines tres moderees pour coups et blessures, portees a la main ou au pied (11), au nez (13) ou a 1’oreille (15), la peine pour 1’avortement (17), ainsi que les peines pour divers vols et dommages (p. ex. dans les art. 82-84, 87-89, 93, 96, 102 ss.). Simultanement le legislateur hittite introduisit plusieurs lois concernant les esclaves. En ce qui concerne la vie et 1’integrite corporelle, on assurait aux esclaves une protection analogue a celle dont jouissaient les hommes libres, exception faite de la tete de 1’esclave pour la lesion de laquelle aucune peine n’etait preserite (cf. l’art. 9). U’autrc part, on regla leur responsabilite penale 3 . II est remarquable que dans la redaction la plus recente, inserite sur la tablette KBo VI, 4, on ne fasse plus mention de la distinction entre le droit en vigueur et le droit d’autrefois. Quoique le texte de la tablette soit mal conserve, nous pouvons quand meme constater que cette redaction a apporte plusieurs changements dans diverses lois qui signifient un progres indeniable dans 1’evolution du droit hittite. En ce qui concerne les lois penales sur 1’homicide (art. II, III) et sur les coups et blessures (art. V-XVII), nous en parlerons plus tard en traitant le droit des personnes. — Ouant au droit patrimonial on peut observer une reforme en ce qui concerne la trouvaille. Tandis que dans le texte principal deux articles avaient trait au trouveur malhonnete, a savoir au trouveur des ustensiles (45) d’autrui, et a celui d’un animal egare (71), ils furent fondus dans KBo VI, 4 en un seul article (XXXV). Simultanement la peine pour le detournement des objets trouves fut elevee au triple ; pareillemcnt on eleva du double au triple la restitution du don nuptial (kušata) que les parents de la jeune fille devaient effectuer au fiance, quand ils avaient resilie le contrat de 1. Au temps de la grande reforme lčgislative on aurait sans doute remplace recartelement par line amende peeuniaire, comme on l’a fait, dans Tarticle 92. 2. Cf. les articles 1-4. 7 s., 11-18. 3. Cf. en bas la note 2, p. 137. 132 VICTOR KOROŠEC [RA 57 mariage (cf. les art. 29 ct XXII). En somme, il est bien regrcttable que l’etat endom- mage de la plupart des lois, inscrites sur la tablette KBo VI, 4, nous rende impossible de faire une comparaison de toutes les 41 lois et ainsi de reconnaitre le progres du droit hittite a son epoque finale. Jusqu’ici nous avons suivi 1’evolution du droit hittite, a partir de 1’introduction des peines pčcuniaires a travers la grande reforme legislative jusqu’a la redaction la plus recente, quoique partielle (KBo VI, 4). Cependant, dans les deux parties du RLH, il y a aussi quelques lois qui nous rendent possible de poursuivre les traces de 1’evolution du droit hittite jusqu’a une epoque tres ancienne. Ue telles lois se 1'ont parfois remarquer par leur diction lourde et maladroite. Puis les lois les plus anciennes parmi celles-ci ne font encore mention ni du proprietaire ni des esclaves, tandis que, dans les lois quelque peu posterieures, on rencontre deja le terme de proprietaire soit d’un animal domestique, soit d’un ehamp, soit d^stensiles 1 . Dans la seconde partie du RLH, Lest 1’article 166 2 qui, a mon avis, est une des lois hittites les plus anciennes. 11 a pour but de proteger le travail du cuitivateur contre un usurpateur. Ouand le cuitivateur a ensemence un champ, il s’est assure le droit a la recolte. Si plus tard un autre cuitivateur ensemence le meme champ de nouveau, probablement pour gagner ainsi le droit a la recolte et pour deposseder le premier cuitivateur, il devient passible de mort par ecartelement, conjointement avec ses boeufs, evidemment ceux qui ont ete employes lors du second labourage. Gette peine exemplaire fut remplacee, certes bien avant la grande reforme legisla¬ tive, par un sacrifice expiatoire. A la plače du coupable on tua un mouton et, au lieu des boeufs, deux moutons, et on sacrifia en outre trente pains et trois mesures de biere (167). Que ce changement du chatiment ait eu lieu assez tot, peut etre deduit du fait que les articles 166 et 167 reconnaissent comme ayant droit a la recolte « čelni qui avait anterieurement ensemence le champ », evidemment parce qu’au temps de la composition de 1’article 167 le terme de proprietaire n’etait pas encore en usage chez les Hittites, tandis qu’il se trouve deja dans les articles suivants (168 s.). Pour preuve de 1’origine tres ancienne de 1’article 166, on peut alleguer outre la diction 1. Proprietaire d’ua animal domestique (ari. -13, 60-62, 66, 70, 78, 80, XXXV, 149) ; d’un champ (79, 86, XXXVII, 106, 113, 168) ; d’ustensiles (45, 90, XXXV, 121) ; de saindoux (86). 2. I.’article 166 ( Kito VI, 26, I. 34-40 ; cf. les traductions de Fr. H rožni? : Gode hittite, p. 129 et celle de J. Friedrich : HG, p. 75) est congu en ces termes : Si quelqu’un s6me sur une semence une (autre) semence, sur sa nuque on met la charrue et on attelle des boeufs d’attelage, de celui-ci (on tourne) sa face par-ci, de celui-lh par-la, les hommes meurent et les boeufs meurent, et celui qui avait antčrieurement ensemencii le champ. alors celui-ci le prend. Autrefois on faisait ceci. 1963] LES LOIS HITTITES ET L E UR EVOLUTION 133 assez lourde surtout le chatiment en commun de l’homme et de ses boeufs. L’idee qu’un animal etait considere comme passible de mort (166) se retrouve aussi dans 1’article 199, ordonnant la mort d’un taureau qui avait attaque un homme. — La punition de 1’homme conjointement avec ses bceufs represente un des cas de la respon- sabilite collective tres ancienne et primitive. Un autre cas de la responsabilite collective etait statue pour la rebellion contre la justice royale qui entralnait l’extermination de la famille (« maison ») du coupable (176) 1 . ILidee de remplacer les sacrifices humains par les sacrifices d’animaux, oflerts dans un but expiatoire, s’est etendue plus tard a quelques autres cas : ainsi on prescrit des sacrifices expiatoires semblables dans les differends sur les limites d’un ehamp (168). a 1’occasion de l’achat d’un ehamp (169) ainsi que dans un cas encore obscur, men- tionne dans les articles 164-165. L’idee des ollrandes expiatoires etait appliquee aussi dans deux articles (196, 199) qui sont probablement assez recents : quand il s’agit d’inceste entre esclaves (196) et dans le cas deja mentionne de 1’article 199 (« si un taureau cherche a saillir un homme »). Tandis qn’au debut de la seconde tablette ‘Si une vigne’ on met en avant les iuterets des cultivateurs, la premiere tablette ‘Si un homme’ dans sa seconde moitie (57-92) prend soin des eleveurs de betail et des proprietaires d’autres animaux domestiques, en les protegeant surtout contre le vol. Ces lois sont disposees en quatre groupes compreijant : les bceufs, les chevaux et les moutons (57-80) ; les porcs (81-86) ; les chiens (87-90) et les abeilles (91-92). Parmi ces quatre groupes les lois concernant les boeufs, les chevaux et les moutons etaient sans doute les plus anciennes et, au point de vue economique, les plus importantes. Le RLLI en discerne trois branches. Le vol d’un tel animal de reproduction, c’est-a-dire d’un taureau (« grand boeuf ») ou d’un etalon (« grand cheval ») ou d’un belier, entralnait primitivement la livraison de trente animaux de la meme espece. apres la reduction la livraison de quinze animaux (57-59). Le voleur d’un tel animal de somme ou de trait etait tenu a livrer quinze, plus tard dix animaux de la meme espece (63-65). En fin le vol d’un tel animal laitier obligea le mal- faiteur a la remise de douze, plus tard de six animaux (67-69). Parmi les trois branches, les lois concernant le vol d’un tel animal de repro¬ duction appartiennent evidemment au droit le plus ancien, si elles n’ont pas ete empruntees meme au droit coutumier. Car il est remarquable que dans chaque branche on statue un« loi particuliere pour le vol d’un boeuf. une autre pour le cheval 1. I,’article 17, 12 : « sa maison devieut. pu-pu-ul-li », ce que Hrozny (p. 132) Iroduit par « amas de inorts »; de meme Delaporte, p. 224 ; J. Friedrich, dans IIG, traduit de meme, mais fait quelques rlsservcs de caractire philologique (p. 76 s.; lil). VICTOR KOROŠEC [RA 57 el la troisieme pour le mouton, quoique le taux de la peine y etait le meme. Outre cela, dans les lois sur les vols d’un « grand boeuf » (57) ou d’un « grand cheval » (58), on rencontre aussi une definition legale, declarant qu’un tel animal n’est qu’un basuf ou un cheval ayant (au moins) deux ans et disant qu’un tel animal ayant un an, ainsi qu’un animal a la mamelle, n’est pas encore un « grand boeuf », resp. un « grand cheval »h Une telle definition legale, maladroite et superflue, n’est imaginablc que dans un droit tres primitif et ancien, d’ou plus tard elle fut inseree dans le RLH par un legislateur evidemment tres conservateur. Ouand on prend en consideration les donnees provenant des inventaires econo- miques hittites 2 , selon lesquels les paysans hittites en general ne possedaient pas un tres grand nombre d’animaux domestiques, on peut en deduire que la livraison de trente bceufs ou chevaux etait une peine exorbitante pour chacun : le coupable ne pouvait accomplir des prestations si enormes sans se ruiner. Cest pourquoi plus tard, probablement au cours de la reduction generale des peines, on diminua les taux de ces peines, en general de moitie (57-59, 67-69), et pour les animaux de somme (63-65) d’un tiers. — On iacilita en outre la livraison d’un tel nombre d’animaux domes- tiques, en effet reduit, mais neanmoins considerable, en statuant que le voleur pouvait remplir ses obligations en livrant un tiers du nombre prescrit en animaux adultes, un tiers en animaux d’une annee. et le dernier tiers en animaux encore plus jeunes. Enfin il faut mentionner encore dans ce contexte les articles 60-62. Us concernent le receleur d’un taureau ou d’un etalon ou d’un belier trouve, auquel est imposee la livraison de sept animaux de la meme espece. Le coupable est autorise a effectuer sa livraison en trois lots d’animaux d’ages differents. 11 est certain a mon avis, que les articles 60-62 ne furent introduits qu’apres la grande reduction des peines de vol dans les articles 57-59 Car la peine de sept animaux a livrer, qu’on ne retrouve nulle part ailleurs, s’explique facilement comine la moitie approximative du nombre de quinze, nombre atteint grace a la reduction pour la peine du vol de memes animaux, statuee dans les articles 57-59. En faveur de 1’originc posterieure des articles 60-62, on peut alleguer aussi le fait que les trois articles contiennent le terme de proprietairc, qui, par contre, manque encore dans les susdits articles (57-59) sur le vol des animaux de la meme espece. 1. Cf. les articles 57 (le taureau) et 58 (1’etalori). Citons l’article 57 : « Si quelqu’un vole un grand boeuf (taureau), - si (c’est) un boouf de demi-annee, (ce) n’est pas un grand boeuf ; si (c’est) un bceuf d’un an, (ce) n’est pas un grand boeuf; si (c’est) un bceuf de deux ans, celui-ci (est) un grand boeuf, etc. » L’article 58 contient une pareille definition pour le « grand cheval ». Cf. la traduction de Hrozny, p. 51, 53. 2. Cf. l’inventaire KBo V, 7 (traduit par J. Friedrich : AO 24, 3, p. 31 s.) qui nous indique l’6tat de b6tail en plusieurs menages : le premier (II, 12-19) compt.ait 10 bceufs des domestiques et 10 boeufs de la maison, 105mou- tons, 100 chevaux et ? mulets ; le deuxieme (II, 28-33) menage comptait 2 boeufs et 6 boeufs de labour, 30 moutons; le troisieme mčnage (II. -10-45) comptait 15 bceufs, 22 moutons et 2 fines, appartenant aux domestiques, el 22boeufs, 158 moutons, 2 chevaux et 3 mulets appartenant a la maison. 1963 ] LES LOIS HITTITES ET LEUR EVOLUTION 135 Tres ancienne, sans doute, etait aussi la loi (92) selon laquelle le voleur de plusieurs ruches d’abeilles devait etre expose aux abeilles en « nourriture », pour etre tue par leurs piqures. Cette peine effroyable fut remplacee, vraisemblablement au cours de la reduction des peines, par une amende de 6 sicles d’argent (92). Assez anciennes — quoique probablement pas de la meme date que les articles 57-59 — etaient trois lois autorisant le proprietaire a se faire justice lui-meme, quand sa propriete etait menacee par un animal d’autrui. Ainsi le proprietaire d’un champ pouvait atteler les bceufs d’autrui, qui oni penetre dans son champ, et les faire travailler a son profit jusqu’au soir du meme jour. Mais le soir venu (« quand les etoiles paraltront »), il devait restituer les bceufs a leur proprietaire (79). Le proprietaire d’un champ ou d’un jardin pouvait tuer un pore d’autrui qui a penetre sur sa terre ; mais la carcasse de 1’animal tue devait etre rendue a son proprietaire (86). Enfin, un chien qui a devore du saindoux appartenant a autrui, pouvait etre tue par le proprietaire lese, car celui-ci etait autorise a reprendre du ventre du chien le saindoux vole (90). Dans ces trois lois on rencontre dej a le terme de proprietaire, soit des immeubles, soit des animaux domestiques, soit des comestibles (du saindoux). On peut en deduire que ces trois lois (79, 86, 90) etaient anterieures a la grande reforme, mais qu’elles etaient quelque peu posterieures aux lois citees qui ont fixe la livraison du trentuple pour un animal vole (57-59). A cote des lois citees protegeant les eleveurs de betail contre les voleurs (57-59, 63-65, 67-69), on introduisit plus tard la regle de 1’article 70, selon laquelle le pro¬ prietaire pouvait reprendre au voleur son animal vole et outre cela demander encore deux animaux de la meme espece (70). Evidemment il y a ici une antinomie entre 1’article 70 et les articles 57-69. Peu a peu on chercha a etendre le nombre de diverses infraetions patrimoniales. Dans ce bul on egala d’abord le possesseur arbitraire d’une chose d’autrui au voleur. Ainsi le trouveur qui ne restituait pas au proprietaire les ustensiles trouves (45), ou qui, ayant trouve un animal domestique egare, dans la capitale ne 1’emmenait pas aupres de la porte royale, ou qui, a la campagne ne le montrait pas aux Lemoins (71), etait considere comme voleur. D’apres 1’article XXX de la redaction la plus recente (.KBu VI, 4), le troqyeur etait tenu a montrer n’importe quelle chose trouvee aux temoins ; sinon, il etait considere comme voleur et il devait restituer au triple la chose trouvee a son proprietaire. Par contre, quand un animal domestique s’etait lui-meme attache a un troupeau VICTOR KOROŠEC [RA 57 136 des animaux d’autrui et qu’il y fut trouve, le proprietaire reprenait simplement son animal egare. La loi statue en meme temps expressement, qu’ « il ne le prend pas commc voleur » (66) ce qui, probablement, signifie que le proprietaire de l’animal retrouve ne peut poursuivre le proprietaire du troupeau comme voleur. Une telle constatation, qui parait tout a 1'ait superflue, devient facile a comprendre quand on admet que les Hittites ont considere en general chaque possesseur d’une chose d’autrui comme voleur. Peu a peu, le legislateur hittite elargit sa protection penale aussi sur quelques autres prejudices (72 s., 75) portes au groš betail (p. ex. blessures a la corne ou au pied du bceuf [74]). En ce cas le dedommagement etait prevu en boeuls (et eventuel- lement il y avait aussi une peine de 2 sicles cFargent comme un payement additionnel selon 1’art. 74). Par contre, les peines pour le vol d’un pore (81-84) et pour le vol d’un essaim d’abeilles (91), ainsi que les peines pour les blessures portees au chien d’au- trui (87-89), etaient fixees en argent des le debut abstraetion faite des petits pores dont le vol devait etre dedommage par une livraison de ble (83, 85). 11 s’ensuit que les peines, dont le montant fut plus tard reduit (81, 91), avaient 6te introduites en meme temps ou Fon fixait les premieres peines en argent Les autres lois penales que nous venons d’enumerer ne furent pas etablies plus lot que sirnuitanement avec la grande reforme, sinon bientot apres celle-ci (82-84, 87-89). V. — Le droit des personnes Jusqu’ici nous avons essaye de determiner la succession temporelle de plusieurs articles du RLH ayant trait au droit patrimonial. En ce qui concerne les regles du droit des personnes, une telle recherche se montre plus difficile, parce que la distinc- tion du droit anterieur (d’ « autrefois ») d’avec le droit (de « maintenant ») etant en vigueur lors de la redaction du RLH, ne se trouve que dans quelques lois sur les coups et blessures (art. 7, 9) et dans une loi sur 1’enlevement (ari. 19 B). Les lois sur les coups et blessures (art. 7-18) statuent des peines pecuniaires pour des blessures non mortelles, causees a dilferents membres du corps humain. Les peines y sont graduees selon Fimportance des divers organes auxquels une lesion a ete inlligee. Ce n’est que dans deux lois dont l’une (art. 7) concerne 1’ceil creve ou une dent brisee, et Fautre (art. 9) une lesion portee a la tete, qu’on retrouve la distinc- tion entre le droit anterieur et celui etant en vigueur. On en peut deduire que deja avant la grande reduct.ion les peines pour ces deux categories de blessures avaient ete fixees, et qu’elles furenL amoindries de moitie a Foccasion de la reforme legislative. En meme temps, le legislateur hittite introduisit plusieurs lois nouvelles sur coups et blessures. Par quelques-unes de ces lois, il etendit la protection penale sur d’autres organes (pied, main, nez, oreille) d’un homme libre et meme sur Fembryon d’une LES LOIS HITTITES ET LEUR EVOLUTION 137 1963 ] femme libre (art. 11, 13, 15, 17). Quanl a leur montant, les peines fixees pour telles lesions correspondent aux peines deja reduites dans les susdits articles 7 et 9 1 . Dans le meme temps, par plusieurs lois analogues, le legislateur fixait en faveur des esclaves des peines pecuniaires quand de semblables coups et blessures etaient infliges a un(e) esclave ; cependant une lesion de la tete d’un esclave n’etait pas punissable. Le montant de ces peines s’eleve parfois (art. 8, 12) a la moitie de la peine qu’on devait payer quand une pareille lesion a ete inlligee a un homme libre, et parfois il etait meme inferieur (art. 14, 16, 18). D’autre part, le legislateur a regle la responsabilite penale des esclaves pour des delits commis. Le cas echeant, les peines pecuniaires se montent en general a la moitie de la peine pecuniaire fixee pour un pareil delinquant de condition libre 2 . Cependant pour deux delits (le vol ou 1’incendie), commis dans une maison d’autrui (95, 99), 1’esclave delinquant encourait aussi une mutilation du nez et des oreilles. II etait aussi livre au proprietaire endommage, si son maitre refusait de reparer le dommage. — II semble que le droit hittite primitif en usait durement avec 1’esclave. Car si 1’esclave s’etait eleve contre son maitre, il etait passible d’une mort tres cruelle (art. 173 : « il allait au grand pot»). L’esclave qui, en tuant un serpent, pro- noncail le nom d’un homme (libre), etait passible de mort, tandis qu’un homme libre, ayant commis le meme delit, devait paver une mine d’argent (170). 11 est remarquable que ces peines severes ne furent jamais adoucies et qu’aucune reforme ne les a touchees. Dans la redaction la plus recente, plusieurs changements ont etč introduits en ce qui concerne le chatiment des coups et blessures. Tandis que dans les articles 7 et 8 du texte principal la meme peine btait fixee pour les coups et blessures portes soit a l’oeil ou a une dent (20 sicles d’argent en faveur d’un homme libre, 10 sicles en faveur d’un(e) esclave), 1’auteur de la tablette KBo VI, 4 en fit deux delits differents. Pour es blessures portees a un oeii il doubla la peine, quand le delit 1'ut commis avec inten- tion (šullanaz) (une mine en faveur d’un homme libre, 20 sicles en faveur d’un esclave) ; les vieilles peines restaient en vigueur, quand un tel delit fut commis par imprudence (« si la main peche ») (art. V-VI). — La peine des coups et blessures portes aux dents fut amoindrie : elle ne fut appliquee que si au moins deux ou trois dents etaient brisees (art. Vil). Quant aux 1'ractures de la main ou du pied, on tenait compte aussi du fait que la victime restat ou non estropiee (art. X s.). L’autre regle qui mentiorme encore la difference entre le droit anterieur et le droit en vigueur se trouve dans 1’article 19 B. Elle concerne 1’enlevement d’un homme 1. Cf. les peines dans les articles 11-18 pour coups et blessures et les peines des voleurs dans la secoude tablette (101 88.). 2. Cf. les articles 94/95, 96/97, 101, 105, 121, 132, 142, 143 ; II (?), V/VI, VII, X/XT, XII/XIII, XIV/XV, XVI/XVII. 138 VICTOR KOROŠEC [RA 57 libre, originaire de 1’ancien pays de Luiya, commis par un Hittite qui enleve sa victime a Hattuša et 1’emmene dans le pays de Luiya. Le fait que cette loi parle du pays de Luiya comme d’un pays plus ou moins independant de Hattuša, prouve qu’il s’agit d’une loi assez ancienne. On arrive a la meme conclusion quand on prend en consideration la peine assez elevee : le ravisseur devait livrer « autrefois » douze tetes ce qui fut plus tard reduit a la livraison de six tetes. Voici une peine qui represente une particularite du RLH, car on ne la retrouve dans aucun autre recueil de lois cuneiforme. Neanmoins elle etait prevue comme sanction penale dans deux documcnts prives neo-assyriens, ce qui prouve que les Assyriens, au moins a leur epoque finale, usaient de la livraison des personnes, pour donner au meurtrier la possibilite de « laver le sang verse »L Dans le RLH la livraison des tetes etait ordormee plusieurs lois. Quoiqu’on ne trouve nulle part un renseignement sur la maniere de remplir cette peine, il semble presque sur que le coupable devait remettre un certain nombre de personnes de sa famille (libres ou esclaves) a la famille de sa victime, pour remplacer ainsi la perte personnelle qu’il lui avait causee. Ainsi celui qui avait engage un homme pour aller a la guerre a sa plače, devait donner une personne quand 1’homme loue, sans avoir obtenu d’avance son salaire. y etait mort (art. 42). D’apres la loi finale de la seconde tablette (art. 200 B), 1’artisan devait livrer une personne quand il n’avait pas fait apprendre son metier a 1’apprenti. D’autre part, la livraison de deux tetes etait prevue dans 1’article 149, encore assez obscur, ayant trait a une vente frauduleuse (d’un taureau ? ou d’un homme mi-libre ? 1 2 d’autrui). Enfin on rencontre la livraison des tetes comme peine prevue dans plusieurs lois penales sur homicide. Le RLH s’occupe d’homicide dans cinq lois generales (art. 1-4 ; resp. 11, 174) et dans deux lois particulieres (art. 5 ; resp. III, 44 A). La premiere tablette ‘Si un homme’ debute par cinq articles sur homicide, dont le dernier (art. 5, resp. III) ayant trait a 1’assassinat commis sur un marchand hittite. Dans les quatre premiers articles on discerne entre 1’homicide commis šullanaz (art. 1-2) et 1’homicide commis quand seulement « la main » de 1’auteur « peche » (art. 3-4). Cette restriction nous rappelle vivement l’expression analogue dans le droit romain tres ancien : si telum manu magis fugit quam iecit (« si la lance s’etait 1. J. Kohi.hr-A. Ungnad : Assyrische Rechlsurkunden, Leipzig, 1913, p. 388, n oa 659, 660. 2. D’apres Fr. HroznV ( Code hittite, p. 121) et .1. Friedrich {HG, p. 71), il s’agissait de la vente d’iinhmuf, et d’apres A. Goetze (Pritciiard, p. 195) de la vente d’un homme. LES LOIS HITTITES ET LEUR EVOLUTION 1963 ] 139 echappee de la main plutot qu’elle n’a ete projetee »j 1 . Ainsi cette locution hittite signifie, pareillement comme celle romaine, 1’homicide par imprudence. Par contre on traduit le mot šullanaz, qui est emplove dans les deux premiers articles, par « en querelle » (J. Friedrich ; A. Goetze), ou encore mieux par « en colere » (E. Neufeld), ou « en excitation » (E. Laroche) 2 , ce qui s’approche de la notion moderne de l’homi- cide intentionnel. Dans les quatre premiers articles du RLH il s’agit, comme deja E. Guq 3 a bien remarque, de 1’antithese entre 1’homicide intentionnel (ou le meurtre) (art. 1-2) et 1’homicide par imprudence (art. 3-4). Dans ces quatre articles, la livraison des tetes est prevue comme peine : Gelui qui avait tue avec intention (šullanaz) un homme (ou une femme) libre, devait livrer quatre tetes (art. I) ; quand la victime etait un(e) esclave, le meurtrier livrait deux tetes (art. 2). L’auteur d’un homicide par imprudence (« si la main peche ») devait livrer deux tetes quand sa victime etait un homme libre (art. 3), mais il livrait une seule tete pour un(e) esclave (art. 4). Dans la redaction la plus recente (KBo VI, 4), le debut qui comprenait les articles correspondant aux articles 1-4 susdits, est helas gate, sauf 1’article n° Il qui est partiellement conserve. Son texte est parallele a 1’article 4, deja cite. Selon 1’ar¬ ticle II 1’homicide par imprudence commis sur une esclave 4 etait chatie par une peine de dcux mineš cPargent ; la livraison des « tetes » n’y est plus mentionnee. A defaut du texte, il n’est pas possible de reconnaitre, si 1’auteur de la redaction la plus recente a aboli la livraison des tetes, dans toutes les lois sur homicide, en la remplagant par des peines pecuniaires, ou s’il ne l’a 1'ait que pour 1’homicide par imprudence dont la victime etait une esclave. Au point de vue systematique, il faut citer ici encore 1’article 174 de la seconde tablette. Il s’y agit de 1’homicide commis au cours d’une rixe : le coupable etait tenu a livrer une «tete ». Puisque 1’article 174 ne 1'ait aucune distinction, si la victime etait de condition libre ou un(e) esclave, il est vraisemblable que 1’auteur de 1’article 174 n’y visait que des victimes libres. Ainsi nous rencontrons dans le RLH une distinction tres nette entre 1’homi¬ cide intentionnel, 1’homicide par imprudence et 1’homicide en rixe. On cherche en vain une distinction semblable dans les autres recueils de lois cuneiformes. 1. Cf. Fr. Girard : Texles de droil romain, 5 e 6d., p. 20 (tab. VIII, 24 a), Pariš, 1923. 2. J. Friedrich : II G, p. 17; A. Goetze (Pritchard, p. 189) ; E. Neufeld : The Ilillite Laws, p. 1 ; E. Laroche ; MIA 18 (1'asc. 67), p. 83 s. 3. 1'iludcs, p. 188. 4. 11 reste quelque peu douteux, si I« texte : [ta]k-lcu sal -za-ma geme 2 ma.na kIi.rarhar pa-a-i, visait comme victime du dčlit non seulement une esclave, mais aussi une femme libre. 140 [RA 57 VICTOR KOROŠEC La livraison d’une tete etait prescrite aussi dans 1’article 44 A qui a trait a un homicide tres particulier. Celui qui a pousse un homme au leu et a ainsi cause sa mort dcvait livrer un (son ?) fds heritier a la lamille de la victime. Probablement, une telle regle provient d’un jugement rendu dans un cas concret, mais plus Lard elle fut generalisee et inseree dans la tablette ‘Si un homme’. Une autre loi particuliere concerne 1’assassinat commis sur un marchand hittite. Elle est conservee dans le texte principal (art. 5) et dans la redaction la plus recente (ari. 111 de la tablette KBo VI, 4). L’article 5 discerne encore, si le marchand a ete tue au pays de Hatti, ou au pays voisin, soit de Luiya soit. de Pala. Au pays de Hatti, le coupable devait payer la somme enorme de 100 mineš d’argent ; en dehors du pays de Hatti il devait aussi restituer les biens du marchand. Le legislateur supposait peut-etre qu’au pays de Hatti la restitution etait autrement assuree. Par contre, 1 article 111 de la redaction la plus recente ne se preoccupe plus du pays ou le delit a ete commis, tandis qu’il discerne entre le meurtre suivi de vol et 1’homicide sans vol. Quand le meurtrier a aussi ravi les biens du marchand tue, il devait payer une somme d’argent dont le montant ne nous est pas connu, et en outre restituer au triple les biens voles. — En cas d’homicide sans vol, on distinguc, dans 1’article III, entre le meurtrier qui devait paver 6 mineš d’argent, et 1’homicide par imprudence qui etait chatie d’une peine de Ž mineš. L’article 5 qui prend encore en consideration l’existence des anciens pays Hatti, Luiva et Pala, remonte sans doute a une epoque assez ancienne de 1’histoire des Hittites. H est singulier que dans le chatiment de 1’homieide, le RLH n’a jamais statue la peine de mort. Gela provenait evidemment de traditions enracinees. Gar il est etonnant que, deja a une epoque tres ancienne, 1’auteur d’un assassinat sur un mar¬ chand hittite n’encourait qu’une peine en argent, quoique enorme (art. 5). Quant au meurtre commun, le roi Telepinu 1 laisse au representant de la lamille de la victime (au « seigneur du sang ») le choix entre la condamnation a mort ou une indemnite, comme nous 1’avons deja mentionne. Enfin, dans la premiere moitie du siecle dernier de 1’Empire hittite, c’est le roi Hattusil IIP qui, dans une lettre adressee au roi baby- lonien, montre plus d’orgueil, il est vrai, que de veracite quand il pretend qu’ « au pays de Hatti on ne tue personne, pas meme un meurtrier », car tuer « ce rdest pas de droit » 3 . 1. Cf. plus haut p. 130. 2. KBo I, 10, verso, 14-15 ; cf. lienno Landsberger : Sam'al, Sludien zar Enldeckumj der liuinenslaelle Karalepe (VerOffentlichungen dor Tfirkischen Historischen Gesellschaft, Vil. Scrie, Nr. 16), Ankara, 1948, p. 106, note 251. 3. KBo I, 10, verso, 22 : a-na da-a-ki ii-ul par-su. LES LOIS HITTITES ET LEUR EVOLUTION 141 19631 Enfin, on peut soulever la question sur 1’ordre chronologique des susdites lois sur homicide. Comme nous avons deja constate, la loi penale sur 1’assassinat commis sur un marchand hittite (art. 5) a pris naissance assez tot, a une epoque quand la distinction entre les pays de Hatti, de Luiya et de Pala etait encore d’une grande importance politique. Neanmoins, la fixation de la peine en argent ne permet pas d’attribuor 1’origine de 1’article 5 a l’epoque la plus ancienne. Ouant aux cinq precedents articles sur l’homicide (art. 1-4, 174), il me semble certain qu’ils n’ont pas ete introduits avant la grande reforme, mais probablement apres celle-ci. Car leur auteur connaissait la peine deja reduite pour 1’enlevement selon 1’article 19 B : c’est-a-dire la livraison de six tetes. II l’y a empruntče, et il a applique la livraison d’une tete d’abord dans une loi particuliere de 1’article 174. Ouelque temps plus tard, probablement a 1’occasion de la redaction deflnitive de la premiere tablette du RLH, il ajouta a son debut les quatre lois sur 1’homicide intentionnel et sur 1’homi- cide par imprudence (art. 1-4), en les mettant avant les lois sur coups et blessures (art. 7-18). Autrement il n’est pas possible d’imaginer que le meurtrier d’un homme libre etait chatie par la livraison de quatre tetes (art. 1), tandis que pour 1’enlevement on devait livrer six tetes (art. 19 B). — Quand on prend en consideration que dans les articles 1-4 on distingue entre les victimes de condition libre et les esclaves, il paralt presque certain que 1’article 174 avait ete introduit plus tot que les articles 1-4. Ayant en vue la protection de la vie humaine, le RLH va encore plus loin et il impose certaines obligations au proprietaire d’un champ dans lequel on a trouvč un homme mort 1 . Evidemment presumant une faute quelconque d’un tel proprietaire, 1’article 6 du LRH lui impose de ceder une part (100 gippeššar) de son champ, proba¬ blement pour rendre possible la sepulture de 1’homme mort. — L’auteur de la redac¬ tion la plus recente (KBo VI, 4) a, dans son article IV, considerablement elargi les obligations du proprietaire du champ. Celui-ci devait « livrer » son champ (probable¬ ment celui sur lequel 1’homme mort avait ete trouve) et une maison, sans doute a la famille ou a la tribu (gens) de 1’homme mort. Outre cela il devait leur payer une mine et 20 sicles d’argent. Par contre, pour une femme trouvee morte il fallait payer 3 mineš d’argent. Quand il n’y avait pas de champ prive en cet endroit, la restitution incombait a la ville voisine, situee dans un rayon de 3 lieues. S’il n’y avait aucune ville, l’ayant droit etait dechu de toutes ses pretentions (art. IV). Dans 1’article IV on a ainsi recours, en dernieT lieu, a la responsabilite subsidiaire de la ville voisine pour un delit commis par un auteur inconnu. On rencontre d’ailleurs une telle responsa- 1. Pour le droit biblique, cf. Dmleron , 21, 1-9. 142 VICTOR KOROŠEC [RA 57 bilite subsidiaire d’une ville dans lo Gode babylonien de Hammurabi (art. 23, 24), ainsi que dans le droit cTUgarit 1 et dans quelques traites cfiAlaiah 2 . Le dernier groupe des lois penales concernant les personnes esl insere comme la section finale de la seconde partie du RLH (187-200 A). Ces lois reglent le chatiment des altentats aux moeurs et le chatiment des delits de bestialite, commis avec un animal domestique (une vache [187], un mouton [188], un pore ou un chicn [199], un cheval ou un grand mulet [200 A]). Parmi les attentats aux mceurs on traite l’in- ceste (189-196) et 1’adultere (197 s.). Pour plusieurs raisons, ces lois (187-200 A) eveillent 1’impression qu’elles ont tire leur origine d’une legislation particuliere sur cette matiere, dont la date semble avoir ete plus tardive. Cest d’abord leur position a la fin de la seconde tablette, sans la moindre connexion ni avec le long tarif des prix (176 B-186), immediatement prece- dent, ni avec les lois qui precedent ce tarif. Outre cela on v rencontre deux termes nouveaux qui ne sont employes nulle part ailleurs dans le RLH : le terme hurkil, desi- gnant un crime Capital, et le terme haralar qui vraisemblablement designait la pour- suite penale 3 . Ces lois surprennent en outre par leur severite, car elles ordonnent la peine de mort quatorze fois, alors que dans le reste de la seconde tablette cette peine rfest preserite que dans deux articles (126, 173), et n’apparalt pas dans la premiere tablette (dans Part. 92 elle est seulement mentionnee comme abolie). — On y emploie aussi une peine infamante, comme une peine nouvelle additionnelle. Quand le roi avait fait grace a un coupable du crime de bestialite, celui-ci n’etait plus admis aupres du roi hittite (187 s., 199, 200 A) 4 ; et une fois (200 A), un tel coupable fut declare indigne de devenir pretre. 1 . E e ro i initešub de Carkšmiš statua, que si un homme de Carkemiš (et surtout un marchand de Carkemiš) avait 6te tuš au pays d’Ugarit et si le meurtrier n’štait pas pris, « les (ils d’Ugarit le compenseront » en argent. Vice versa «les fils » de Carkšmiš seraient responsables quand on n’aurait pas trouve le meurtrier d’un marchand d’Ugarit tuš a Carkšmiš. — Cf. Jean Nougayroi. : PTUJ, IV (= Im Mission de Ras-Shamra, IX), Pariš, 1956, pp. 153-160; n o« 17230, 17146, 18115. 2. La responsabilitš subsidiaire des villes, en ee qui concerne la restitution des fugitifs, est prevue dans deux traitčs, conserv6s a Alalah : ils ont štš publišs par 1). J. Wiseman : The Alalakh Tablets (London, 1953), sousles n oa 2 et 3. — lTaprčs le traite conclu entre Idrimi d’Alalah et Pilliya de Kizzouvatna [AT. 3), le maire et cinq notables de la ville, ou l’on soupgonne un fuyard, devaient preter serment a cet 6gard. - Un semblable serment et une responsabilite s6verc sont prčvus par le traitfe entre Niqmepa d’Alalah et Ir-iM de Tunip. Cf. V. Korošec : « Ouelques remarques juridiques sur deux traitšs internationaux d’Alalah » (Melane/es Ilenri Levy-Bruhl), Pariš, 1959, 171-178. 3. Ouant au sens des termes hurkil et haralar, cf. A. Goetze : ZA 37, 255 1 ; P. Koschaker : RHA 10 [1933], p. 79, 84, n. 22 ; Sedat Alp : JCS 6 [1952], 92-98 ; .1. Friedrich : Die helhilischen Geselze, p. 112 s. 4. Une telle peine štait connue et appliquče deja du temps de l’ancien Empire hittite. Dans le texte 2 BoTU, 10, v. 7’ s., un roi anonyme dispose : i-il-le-en az-zi-kal-le-en ak-ku-uš-kal-le-en lugai ,-va-ša ša-a-ku-va-me-il li-e uš-le-ni = «Allez, mangez (et) buvez, (mais) ne voyez pas mes yeux, (ceux) du roi. » Ensuite, par contre, il ordonne qu’un prince royal qui aurait commis un crime contre « la tčte du roi », mais qui se serait lavč plus tard de son 1963 LES LOIS HITTITES ET LEUR EVOLUTION 143 Les lois susdites (187-200 A) sont remarquables en tant qu’elles elargissaient considerablement la juridiction royale. Car dans les autres articles du RLH, celle-ci n’est mentionnee qne tres rarement. La competence de la juridiction royale etait parfois la suite de la quantite du dommage cause (102) ou de Fevaluation particuliere (176 A) du delit commis ; deux fois, dans les articles 44 et 111, elle est motivee par le mot alvanzatar qui signifie la sorcellerie. A cet egard, on se souvient que le roi Telepinu ordonna que chacun devait denoncer aupres de la cour (« porte ») royale chaque cas de sorcellerie dont il avait connaissance 1 . — Cependant, c’est a la juridiction royale que les crimes de bestialite etaient soumis. — Quant a Fadultere 2 , la loi reconnait au mari trompe le droit penal prive de tuer la femme infidele et son complice, pris en Hagrant delit. Mais en meme temps elle laisse au mari 1’alternative d’emmener les deux coupables devant le roi ; le mari pouvait alors soit demander leur chatiment, soit faire grace a sa femme ; dans ce dernier cas, le roi pardonnait au complice (197). — Ouant aux delits d’inceste, il est au moins tres probable que la juridiction en appar- tenait au roi. Si Fon tient compte de toutes ces circonstances, on en peut deduire que ces lois sur le chatiment de la bestialite et des attentats aux moeurs etaient dues a une legislation particuliere tendant a supprimer de tels abus par des lois severes. Le fait que ces lois furent placees apres le tarif des prix, nous permet de supposer que ces lois ne furent ajoutees a la seconde partie du RLH qu’apres Fetablissement du long tarif. Les lois sur la bestialite et sur les attentats aux moeurs etaient probablement elles aussi, posterieures aux lois prevoyant la livraison des « tetes » pour 1’homi- cide (1-4), qui etaient encore bcaucoup plus douces. On peut imaginer que le legisla- tcur hittite, degu par les consequences negatives d’une legislation fort mitigee, ait institue des lois plus severes pour la bestialite, Finceste et Fadultere. Par contre, il serait difficile d’imaginer qu’un legislateur ait institue apres les lois severes sur les attentats aux moeurs, les lois prevoyant pour 1’homicide seulement la livraison des tetes, ou meme des peines en argent. crirae, « qu’il regarde (le roi) par ses yeux » (v. 10’). — Cf. E. v. Schuler : Feslschrifl Johannes Friedrich, Heidel¬ berg, 1959, p. 442, 444. —■ Cependant on retrouve la mSme peine dans un document du roi Niqm6pa d’Ugarit,; celui-ci dtait conteraporain des rois hitlites Mursil II (1345-1315) et Hattusil III (1282-1250). 11 s’agit de trois faussaires qui avaient falsifid quelques documents. Au lieu de les mettre ž mort, le roi Niqm<5pa confisqua leur patrimoine, il les dčclara faussaires et il les bannit du territoire d’Ugarit en leur inlerdisant express6ment d’entrer au Palais. « Mais le roi ne les a pas mis a mort, i) les a (seulement) dfeclarčs (??) faussaires. Eux-memes, faussaires, et leurs fils, faussaires aussi (?jj au Palais n’entreront plus. » Cf. J. Nougayrol : PBU IV, p. 96-98, n° 16249, v. 22-25. 1. 2 BoTU (cf. p. 130, n. 1), n« 23, IV, 22-26 (traduit par J. Friedrich : AO 24, 3, p. 22, § 50). 2. Cf. presque le meme rfeglement d’apres le Recueil des lois assyriennes, § 15 ; v. G. H. Drivf.r-.IoIiu C. Mii.es : The Assi/rinn Laws, Oxford, 1935, p. 37 s., 388 s. 144 VICTOR KOROŠEC [RA 57-1963 VI. — - CONCLUSION Pour resumer les conclusions principales de nos explications, il faut d’abord reconnaitre que le RLH nous offre une possibilite exceptionnelle d’observer 1’evolution de plusieurs lois pčnales a travers des epoques bien lointaines. Nous avons retrouve quelques regles appartenant vraisemblablement encore a l’epoque du droit coutu- mier. tel qu’il s’etait forme parmi les patres ou bergers ou eleveurs de betail et parmi les cultivateurs qui etaient parfois encore des defricheurs. Le droit hittite ancien des proprietes etait done assez severe. Car dans ses regles, remontant aux origines de 1’histoire du droit hittite, on rencontre des chati- ments tres rigoureux, comrae la peine d’ecartelement, l’exposition du volcur aux abeilles, la livraison d’un nombre exorbitant d’animaux domestiques. A cettc epoque on ne fait aucunc mention des esclaves, et on n’emploie pas encore le terme de proprie- taire (ni de champ ni de betail). Meme a une epoque bien posterieure, quand le legislateur hittite introduisit plusieurs peines en argent, celles-ci etaient assez elevees. L’evolution vers un adoucissement general des lois penales en vigueur fut provoquec par la grande reforme lčgislative. Elle debuta avec 1’abandon par le roi de la part des amendes qui lui revenait jusqu’a ce temps-la. Dans le meme espril plusieurs lois nouvelles ont ete instituees. Cependant dans les lois qui nous sont parvenues dans la derniere redactiou partielle [KBo VI, 4), on peut observer la tendance vers une aggravation des peines. De meme on peut constater que les lois penales concernant les attentats aux mceurs et la bestialite, qui sont probablement dues a une lčgislation particuliere et assez recente, statuent des peines seve res, souvent la peine de mort. Tout cela prouve que 1’evolution du droit p6nal chez les Hittites prenait en general le cours vers un adoucissement des sanctions pčnales. Neanmoins cette evo- lution n’etait pas sans detours. Le legislateur hittite, meme a l’epoque la plus recente, n’a pas recule devant des lois severes quand il les considerait comme necessaires. Le RLH ne se presente pas comme une legislation complete ou monolithe, mais comme une compilation composee par un legislateur hittite et plusieurs fois remaniee. Le legislateur reunit d’abord quelques lois tres anciennes et, a plusieurs reprises, y ajouta plusieurs lois nouvelles. Grace a cette heterogeneite nous pouvons observer 1’evolution du droit hittite civil et penal a travers plus d’un demi-millenaire. Quoique moins important que le Gode hammourabien, le RLH nous offre un temoi- gnage precieux sur la pensee juridique des Hittites en Asie Mineure. Ljubljana, marš 1963. {9631 ibord ution ouve )utu- •armi s ses hati- aux oque prie- luisi.t ' Tut e roi spri L ction inos. ceurs assez it en evo- ente, ithe, fois ieurs vons aire. moi-