7511 ^32199 VOYAGES DANS LES ALPES Ht» .—sx .......s&m--■ ■ ■■ — -» T 0 M E P R E M I E R. VOYAGES DANS LES AL P ESj PRÉCÉDÉS D1 U N ESSAI SUR L'HISTOIRE NATURELL DES ENVIRONS DE GENEVE» Far Horaxe-Bénedict De SAUSSURE, Frofeffettr de Fhilofopbie dans lAcadémie de Genève. TOME PREMIER. Nec fpecics fua cuique nianet, rcrumque novatrix, Ex aliis alias reparut Natura figuras. OvU. A NEUCBATEL, Chez Samuel FAUCHE, Imprimeur et Libraire du Roi,: frfo ■ - * M. DCC. LXXIX. DIT LACSDE GENEVE/ 5 ETUDES koNTAGNESi^DLS.NTESi 4* ' •'•>>' •• &&&&& y ; vi ïrf*£»M " Contre*. ! «D S1, lu! l«>1 C TVi-in»"* se Ùa Di<»iii«*»«v 1* cartj: particulière des GW-icrs duFnucigity et de* environ* d" Mont olanc Echelles A 1 M*~ U ___I <~1± 3- NCaurict». 8 Cp«*ULe .la R>cli 4k JeEB"»»^ iA'I.o.r* $ Clormoivl «n* u/fé [tu,' /lut? d*ùlu- vmif fiijia-e ; relias QUI jW /.v.ixntrtUAr. onlunc Irvdr f>tu* l^er* ci L,f,nr-/ie InMkrpt .-il Marie Je fj-truvr r-e/urf\ ■•tenter muA-'it.-ni ta Car-le part'ifui'ù-rv et. rendra , ktrcuu-eé ,àtprèr «4* Of>eraJioixsJi-uroiwme'/r-iyunr, ti Jont on r2£ljeu. /o\*r>* cttr^r-er- lis eu.'et erlUs de la Cari* de fior^oniD cjnî ne par-cul fondée i idrtru eeéée parlée: ^ter au eu ne mesure eceaefe . ^J^le«_ij/taHe de Go au. Deg. i *^-^ y I i J_^'*0rf_7omniurl''e OtaulUy 370 3,>mfil\r^c 3 la.Crre\ *9 ion JeiW Ij*c a» Jiverj ctiJi-oits .80 .3 00 .>(>' DISCOURS PRÉLIMINAIRE. Tous les hommes qui ont confidéré avec attention les matériaux dont eft conftruite la Terre que nous habitons, ont été forcés de reconnoître que ce Globe a efïuyé de grandes révolutions , qui n'ont pu s'accomplir que dans une longue fuite de fiecles. On a môme trouvé dans les traditions des anciens Peuples, des vertiges de quelques-unes de ces révolutions. Les Philofophes de l'antiquité exercèrent leur génie à tracer l'ordre & les caufes de ces viciflitudes ; mais plus emprelîés de deviner la Nature, que patients à l'étudier, ils s'appuyèrent fur des obfervations imparfaites & fur des traditions défigurées par la Poéfie & par la fuperftition ; & ils forgèrent des Cofmogonies ; ou des fyftêmes fur l'origine du monde, plus faits pour plaire à l'imagination, que pour fatisfaire l'efprit par une fidèle interprétation de la Nature. Il s'effc écoulé bien du tems avant qu'on ait fu reconnoître, que cette branche de l'Hiftoire Naturelle , de même que toutes les autres, ne doit être cultivée que par le fecours de l'ob-fervation ; & que les fyftêmes ne doivent jamais être que les réfultats ou les conféquences des faits. L/i fcience qui rafTemble les faits, qui feuls peuvent fervir a de bafe à la Théorie de la Terre ou à la Géologie, c'efl la Géographie phyfique, ou la defcription de notre Globe; de fes. diviiions naturelles ; de la nature, de la fini dure & de la fituation de fes différentes parties ; des corps qui fe montrent à fa furfaçe, & de ceux qu'il renferme dans toutes les profondeurs où nos foibles moyens nous ont permis de pénétrer. Mais c'effc fur-tout l'étude des Montagnes, qui peut accélérer les progrès de la Théorie de ce Globe. Les plaines font uniformes, on ne peut y voir la coupe des terres jk leurs di& férens lits, qu'à la faveur des excavations qui font l'ouvrage des eaux ou des hommes : or ces moyens font très - infuffi-fans, parce que ces excavations font peu fréquentes, peu étendues, & que les plus profondes defeendent à peine à deux ou trois cents toifes. Les hautes montagnes au contraire, infiniment variées dans leur matière &. dans leur forme, pré-fentent au grand jour des coupes naturelles, d'une très-grande étendue, où l'on obferve avec la plus grande clarté, & où l'on embraffe d'un coup-d'œil, l'ordre, la fituation, la dire&ion ,, l'épaiffeur & même la nature des aflifes dont elles font com-pofées, & des fiffures qui les traverfent. En vain pourtant les Montagnes donnent - elles la facilité de faire de telles obfervations, fi ceux qui les étudient ne favent pas envifager ces grands objets dans leur enfemble , & fous leurs relations les plus étendues. L'unique but de 1% plupart des Voyageurs qui fe difent Naturaliftes, c'eft de recueillir des curiolités ; ils marchent ou plutôt ils rampent, les yeux fixés fur la terre, ramafîant çà & là de petits morceaux, fans vifer à des obfervations générales. Us reiïemblent à un Antiquaire qui grateroit la terre à Rome, au milieu du Panthéon ou du Colifée, pour y chercher des fragmens de verre coloré , fans jetter les yeux fur Parchite&ure de ces fuperbes édifices. Ce n'eft point que je confeille de négliger les obfervations de détail ; je les regarde au contraire, comme l'unique bafe d'une connoifTance folide ; mais je voudrais qu'en obfervant ces détails, on ne perdit jamais de vue les grandes marTes & les enfembles ; & que la connoifTance des grands objets & de leurs rapports fut toujours le but que l'on fe propofât en étudiant leurs petites parties. Mais pour obferver ces enfembles , il ne faut pas fe contenter de fuivre les grands chemins, qui ferpentent prefque toujours dans le fond des vallées, & qui ne traverfent les chaînes de montagnes que par les gorges les plus baffes : il faut quitter les routes battues & gravir fur des fommités élevées d'où l'œil puiffe embraifer à la fois une multitude d'objets. Ces excurfions font pénibles , je l'avoue \ il faut renoncer aux voitures, aux chevaux mêmes, fupporter de grandes fatigues, & s'expofer quelquefois à d'affez grands dangers. Souvent le Na-turalifte, tout près de parvenir à une fommité qu'il délire vivement d'atteindre, doute encore fi fes forces épuifées lui fuffi- a Z ront pour y arriver, ou s'il pourra franchir les précipices qui lui en défendent l'accès : mais l'air vif & frais qu'il refpire fait couler dans fes veines un baume qui le refhiure, & l'efpé-rance du grand fpcclacle dont il va jouir, & des vérités nouvelles qui en feront les fruits, ranime fes forces & fon courage. U arrive : fes yeux éblouis & attirés également de tous côtés , ne favent d'abord où fe fixer ; peu - à - peu il s'accoutume à cette grande lumière ; il fait un choix des objets qui doivent principalement l'occuper , & il détermine l'ordre qu'il doit fuivre en les obfervant. Mais quelles expreffions pour-roient exciter les fenfations, & peindre les idées, dont ces grands fpe&acles rempliiïent Famé du Philofophe ! Il femble que dominant au defïus de ce Globe, il découvre les refforts qui le font mouvoir, & qu'il reconnoît au moins les principaux agens qui opèrent fes révolutions. Du haut de l'Etna, par exemple, il voit les feux fouter-rains travailler à rendre à la Nature, l'eau, l'air, le phlogif-tique & les fels empiifonnés dans les entrailles de la Terre ; il voit tous ces élémens s'élever du fond d'un gouffre im-menfe , fous la forme d'une colonne de fumée blanche, dont le diamètre a plus de 800 toifes ; il voit cette colonne monter droit au Ciel, atteindre les couches les plus élevées de PAth-inofphere, & là fe divifer en globes énormes qui roulent'à de-grandes diftances en fuivant la concavité de la voûte azurée.. II entend le bruit fourd & profond des explorions que produit' le dégagement de ces fluides élaftiques ; ce bruit circule par de longs roulemens dans les vaftes cavernes du fond de l'Etna, & la croûte vitrifiée qui le couvre tremble fous fes pieds. Il compte autour de lui, & voit jufques dans leur fond les nombreux cratères des bouches latérales ou des foupiraux de l'Etna, qui vomirent autrefois des torrens de matières embrafées ; mais qui refroidis depuis long-tems, font en partie couverts de prairies, de forêts,. & de riches vignobles. Il admire la maire de la grande pyramide que forme l'enfemble de tous ces Volcans ; elle s'élève de plus de ioooo pieds au deffus de la Mer qui baigne fa bafe, & cette bafe a plus de 60 lieues de circonférence. Cependant toute cette pyramide n'eft de fond en comble que le caput mortuum , ou le réfidu des matières que ces bouches ont vomies depuis un nombre de fiecles^ Et ce qui augmente encore Fétonnement de l'Obfervateur r c'eft que toutes ces explorions n'ont pas fuffi pour épuifer dans< le voifmage de cette montagne , la matière des feux fouter-rains ; car il voit prefque fous fes pieds , les Isles Eoliennes, qui furent autrefois produites par ces feux, & qui en vomit fent encore. Mais confidérant de plus près le corps même' de l'Etna,le Naturalifte obferve, que tandis qu'il fort des entrailles de la Terre, des torrens de minéraux vitrifiés qur augmentent la malfc de la montagne, l'action de l'air & de Peau ramollit péu-à-peu la furface extérieure; les ruifTeaux produits par les pluies & par la fonte des neiges, qui entoilèrent même en été fa moyenne région, rongent &. minent les. vi D I S C 0 ® R S P R É L ï M I N A I R E. Laves les plus dures, & les entraînent dans la Mer. Il re-•connoît enfuite au Couchant de l'Etna, les montagnes de la Sicile, & à fon Levant, celles de l'Italie. Ces montagnes, qui font prefque toutes de nature calcaire, furent anciennement formées dans le fond même de la Mer qu'elles dominent aujourd'hui ; mais elles fe dégradent, comme les Laves de l'Etna , & retournent à pas lents dans le fein de l'élément qui les a produites. Il voit cette Mer s'étendre de tous côtés au-delà de l'Italie Se de la Sicile ,à une diltancc dont fes yeux ne diflinguent pas les bornes : il réfléchit au nombre immenfe d'animaux vifibles Se invifibles, dont la main vivifiante du Créateur a rempli toutes ces eaux ; il penfe qu'ils travaillent tous à affocier les élémens de la terre , de l'eau Se du feu, & qu'ils concourent à former de nouvelles montagnes, qui peut-être s'élèveront à leur tour au delTus de la furface des Mers. C'est ainfi que la vue de ces grands objets engage le Phi-lofophe a méditer fur les révolutions 'parlées & à venir de notre Globe. Mais fi au milieu de ces méditations, l'idée des petits êtres qui rampent à la furface de ce Globe, vient s'offrira fon efprit; s'il compare leur durée aux grandes époques de la Nature, combien ne s'étonnera-1-il pas, qu'occupant fi peu de place Se dans l'efpace & dans le tems, ils ayent pu croire qu'ils étaient l'unique but de la création de tout l'Univers : Se lorfque du fommet de l'Etna, il voit fous fes pieds deux Royaumes qui nourriifoient autrefois des mit- lions de Guerriers, combien l'ambition ne lui paroit-elle pas puérile. C'eft-là qu'il faudrait bâtir le Temple de la Sageffe f pour dire avec le Chantre de la Nature, Suave mari magno , &c. Les cimes acceffibies des Alpes, préfentent des afpeds qui ne font peut - être pas auffi étendus & auffi brillans, mais* qui font encore plus inilrudifs pour le Géologue. C'eil de là qu'il voit à découvert ces hautes & antiques montagnes , les premiers & les plus folides oifemens de ce Globe, qui ont mérité le nom de primitives, parce que dédaignant tout appui & tout mélange étranger, elles ne repofent jamais que fur des bafes femblables à elles, & ne renferment dans leur fein que des corps de la même nature.. Il étudie leur ftrudure ; il démêle au milieu des ravages du tems les indices de leur forme première ; il obferve la liaifon de ces anciennes montagnes avec celles d'une formation poftérieure ; il voit les nouvelles repofer fur les primitives, il diftingue leurs couches très - inclinées dans le voilinage de ces primitives, mais déplus en plus horizontales à mefure qu'elles s'en éloignent ; il. obferve les gradations que la Nature a fuivies en paffant de la formation des unes à celle des autres ; & la connoifTance' de ces gradations le conduit à foulever un coin du voile qui; couvre le myftere de leur origine.. Le Phyficien, comme le Géologue, trouve fur les hautes* montagnes, de grands objets d'admiration & d'étude. Ces grandes chaînes, dont les fommets percent dans les régions élevées de l'Àthmofphere, femblent être le laboratoire de la Nature, & le réfervoir dont elle tire les biens & les maux qu'elle répand fur notre Terre, les fleuves qui l'arrofent, & les torrens qui la ravagent, les pluies qui la fertilifent & les orages qui la défolent. Tous les phénomènes de la Phyfique générale s'y préfentent avec une grandeur & une majefté, dont les habitans des plaines n'ont aucune idée ; l'action des vents & celle de l'électricité aérienne s'y exercent avec une force étonnante ; les nuages fe forment fous les yeux de l'Obfcr-vateur, & fouvcnt il voit naître fous fes pieds les tempêtes qui dévaftent les plaines, tandis que les rayons du Soleil brillent autour de lui, & qu'au deffus de la tête le Ciel eft pur & ferein. De grands ipectacles de tout genre varient à chaque inftant la fcene ; ici un torrent fe précipite du haut d'un rocher, forme des nappes & des cafcades qui fe réfolvent en pluie, & préfentent au fpeclateur de doubles & triples arcs-en-ciel , qui fuivent fes pas & changent de place avec lui. Là des avalanches de neige s'élancent avec une rapidité comparable à celle de la foudre, traverfent & fillonnent des forêts en fauchant les plus grands arbres à Heur de terre, avec un fracas plus terrible que celui du tonnerre. Plus loin de grands efpaces hériffés de glaces éternelles, donnent l'idée d'une Mer fubitement congelée dans l'inftant même où les aquilons fou- levoient fes flots. Et à côté de ces glaces, au milieu de ces objets objets effrayans, des réduits délicieux, des prairies riantes exhalent le parfum de mille fleurs auffi rares que belles & falutaires, préfentent la douce image du printems dans un climat fortuné , & offrent au Botanifte les plus riches moiffons. Le moral dans les Alpes, n'eft pas moins intérefïant que le phyfique. Car, quoique l'Homme foit au fond par-tout le même, par-tout le jouet des mêmes pallions , produites par les mêmes befoins f cependant, fi l'on peut efpérer de trouver quelque part en Europe, des Hommes allez civilifés pour n'être pas féroces, & alfez naturels pour n'être pas corrompus , c'eft dans les Alpes qu'il faut les chercher ; dans ces hautes vallées où il n'y a ni Seigneurs, ni riches, ni un abord fréquent d'étrangers. Ceux qui n'ont vu le Payfan que dans les environs des villes, n'ont aucune idée de l'Homme de la Nature. Là, connoiflant des maîtres , obligé à des refpeéts aviliffans, écrafé par le faite, corrompu & méprifé, même par des hommes avilis par la fervitude, il devient auffi abject que ceux qui le corrompent. Mais ceux des Alpes , ne voyant que leurs égaux, oublient qu'il exifte des hommes plus puif-fans ; leur ame s'ennoblit & s'élève ; les fervices qu'ils rendent, l'hofpitalité qu'ils exercent, n'ont rien de fervile ni de mercenaire 5 on voit briller en eux des étincelles de cette noble fierté, compagne Se gardienne de toutes les vertus. Combien de fois arrivant à l'entrée de la nuit dans des hameaux écartés où il n'y avoit point d'hôtellerie, je fuis allé heurter à la porte b d'une cabane; & là après quelques qneftions fur les motifs de mon voyage, j'ai été reçu avec une honnêteté, une cordialité , & un défintéreflement dont on auroit peine à trouver ailleurs des exemples. Et croiroit - on que dans ces lauvages retraites , j'ai trouvé des penfeurs , des Hommes , qui par la feule force de leur raifon naturelle, fe font élevés fort au deiTus des fuperftitions, dont s'abreuve avec tant d'avidité le petit peuple des villes ? Tels font les pîaifirs que goûtent dans les montagnes ceux qui fe livrent à leur étude. Pour moi j'ai eu pour elles, dès l'enfance , la paffion la plus décidée ; je me rappelle encore le faififfement que j'éprouvai la première fois que mes mains touchèrent le rocher de Saleve, & que mes yeux jouirent de fes points de vue* A l'âge de 18 ans ( en 175*8 ) > j'avois déjà parcouru plufieurs fois les montagnes les plus voifines de Genève. L'année fuivante j'allai palfer quinze jours dans un des chalets les plus élevés du Jura, pour vifiter avec foin la Dole & les montagnes des environs ; & la même année, je montai fur le Môle pour la première fois. Mais ces montagnes peu élevées ne fatisfaifoient qu'imparfaitement ma curiofité ; je brûlois du defir de voir de près les hautes Alpes, qui du fommet de ces montagnes, paroiffentfi majeftueufes ; enfin en 1760,, j'allai feul & à pied, vifiter les Glaciers deChamouni, peu fréquentés alors, & dont l'accès paffoit même pour difficile 8c dangereux. J*y retournai l'année fuivante, & dès lors je n'ai pas laine paner une feule année fins faire de grandes courfes, & même des voyages pour l'étude des montagnes. Dans cet efpace de tems, j'ai traverfé quatorze fois la chaîne entière des Alpes par huit pafïages différens ; j'ai fait feize autres ex-curfions jufques au centre de cette chaîne; j'ai parcouru le Jura, les Vofges, les montagnes de la Suiffe , d'une partie de l'Allemagne, celles de l'Angleterre, de l'Italie, de la Sicile & des Isles adjacentes ; j'ai vifité les anciens Volcans de l'Auvergne , une partie de ceux du Vivarais, & plufieurs montagnes du Forez , du Dauphiné & de la Bourgogne. J'ai fait tous ces voyages, le marteau du mineur à la main, fans aucun autre but que celui d'étudier l'Hiftoire Naturelle, gra-vilfant fur toutes les fommités acceflibles qui me promettoient quelqu'obfervation intérelTante, & emportant toujours des échantillons des mines & des montagnes, de celles furtout qui m'avoient préfenté quelque fait important pour la Théorie, afin de les revoir & de les étudier à loifir. Je me fuis même impofé la loi févere de prendre toujours fur les lieux, les notes de mes obfervations , & de mettre ces notes au net dans les vingt-quatre heures, autant que cela étoit poflible. Une précaution que j'ai employée & qui, à ce que je crois, m'a été d'une très-grande utilité , c'efl de préparer à l'avance pour chaque voyage, un agenda fyftêmatique & détaillé des recherches auxquelles ce voyage étoit deftiné. Comme le Géologue obferve & étudie, pour l'ordinaire en voyageant, b z la moindre diffraction lui dérobe , & peut-être pour toujours, un objet intéreffant. Même fans diffraction , les objets de fon étude font fi variés & fi nombreux, qu'il eft facile d'en omettre quelqu'un ; fouvent une obfervation qui paroît importante s'empare de toute l'attention, & fait oublier les autres 5 d'autres fois le mauvais tems décourage, la fatigue ôte la préfence d'efprit ; & les négligences qui font les effets de toutes ces caufes, laiffent après elles des regrets très-vifs, & forcent même fouvent à retourner en arrière : au lieu que fi l'on jette de tems en tems un coup - d'œil fur un agenda, on retrace à fon efprit toutes les recherches dont il doit s'occuper. Mon agenda, borné d'abord, s'eft étendu & perfectionné dans la proportion des idées que j'ai acquifes ; je me propofe de le publier dans le troifieme volume ; il pourra fervir, même à des Voyageurs, qui fans être verfés dans l'Hiiloire Naturelle, voudront rapporter de leurs voyages quelques inftructions utiles aux Naturalittes. J'ajouterai à cet agenda, des directions pour ceux qui voudront entreprendre de voyager fur de hautes montagnes, & quelques avis fur les erreurs, dans lefquelles des Obfervateurs peu expérimentés peuvent Je plus aifément tomber. Malgré' toutes les précautions que je prends pour ne rieu laiffer en arrière , lorique dans le iilence du cabinet, je médite de nouveau fur les objets que j'ai obfervés dans mes voyages » fouvent il s'élève dans mon efprit des doutes, que je crois ne pouvoir lever que par de nouvelles obfervations & de nouveaux voyages. Ce font ces doutes toujours renaiffans, qui ont retardé jufques à ce jour la publication de cet ouvrage , & qui me forcent à me borner aux obfervations que j'ai faites dans les quatre ou cinq dernières années , celles qui font antérieures à cette date ne me paroiflant pas alfez complètes, pour être mifes fous les yeux du Public. Je ne préfente même celles - ci qu'avec une extrême défiance ; perfuadé que les Na-turaliftes qui verront après moi les objets que j'ai décrits , découvriront bien des chofes qui ont échappé à mes recherches. La première partie de ce premier volume contient un EiTai fur l'Hiiloire Naturelle des environs de Genève. On trouvera peut-être que je lui ai donné trop d'étendue. Mais je devois développer un grand nombre de notions néceilaires pour l'intelligence des Voyages dans les Alpes, & pour celle des Ré-fultats généraux que je me propofe d'y joindre. Et j'ai mieux aimé encadrer ces notions dans la defcription des environs de Genève, & employer ces mêmes notions à approfondir l'Hiiloire Naturelle de mon pays, que de les préfenter fous une forme purement didactique ; d'autant mieux que ce plan me laiuoit la liberté de donner à chaque objet une étendue proportionnée au degré d'importance que je lui attribue. J'ai par exemple, traité avec alfez de détail la partie lithologique; parce que je crois que la connoiilance des Terres & des Pierres eft un des éléniens les plus indifpenfables de la Théorie de la Terre. Il faut connoître la nature d'une fubi-tance & les principes dont elle eft conipofée, avant d'ofer imaginer des hypothefes fur fon origine & fur fa formation. Or on ne Eiuroit déterminer avec fureté la nature de ces principes & de leurs combinaifons, fans le fecours de PAnalyfe chymique. Cette Ànalyfe me paroît auffi indifpenfable au Géologue, que PAnalyfe mathématique Peft à PAftronome : & l'expérience a fait voir, que tous ceux qui ont ofé fe hazarder dans cette carrière, fans être éclairés par le flambeau de PAnalyfe, font tombés dans les bévues les plus grofîieres ,& ont fait prefqu'autant de chûtes que de pas : Whiston , Woon-ward , Lazaro Moro , & tant d'autres ont fourni des exemples bien frappans de cette vérité. Il faut donc entrer dans le laboratoire de l'Art, pour apprendre à connoître les opérations de la Nature. Je ne voulois cependant, ni ne pou-vois, dans un ouvrage de ce genre, donner un fyftême Complet de Lithologie chymique. Voici donc le milieu que j'ai cru devoir prendre ; je me fuis borné à la defcription des cailloux roulés de nos environs , & j'y ai trouvé cette convenance , c'eft que les différentes efpeces de pierres qui fe trouvent parmi ces cailloux, font précifément celles que j'aurai le plus fouvent occafion de nommer en voyageant dans les Alpes. J'ai décrit avec le plus de foin les efpeces les moins connues ; & les expériences que j'ai faites fur la fufibilité de ces différentes pierres, m'ayant conduit à découvrir la matière première des Laves & des Bafaltes, je me fuis permis une courte digreffion fur ce fujet. J'ai donné de même dans cette première partie, mes principes fur l'origine des cailloux roulés, fur la ftrudture générale des montagnes fécondaires, fur les couches inclinées, fur leurs efcarpemens, fur les couches verticales , fur la plus ou moins grande abondance des productions marines que l'on trouve dans les différentes couches d'une même montagne, &c. La féconde partie de ce même volume contient un voyage à Chamouni & au Glacier du Buet. Quelques - uns de mes Lecteurs feront peut - être à cette partie , le même reproche qu'à la précédente ; ils y trouveront trop de détails de Lithologie , de defcriptions de montagnes, de giffemens de couches» Mais, je le répète , ce font ces détails , qui feuls peuvent former la bafe d'une connoiflance profonde & folide ; fouvent ce qui paroît minutieux eft précifément la feule chofe qui foit importante : j'ai quelquefois tiré des lumières , de petites cir-conftances que j'avois notées fur les lieux par pure exactitude, & fans en connoître le prix. Et combien plus fouvent n'ai-je pas eu de vifs regrets d'avoir négligé de noter des détails 9 dont je ne fentois l'importance que lorfque ma mémoire ne pouvoit plus me les retracer. J'efpere pourtant qu'on ne me reprochera pas de m'être noyé dans ces détails, & d'avoir perdu de vue les rapports généraux, Je m'étois d'abord propofé de compofer ainfi un tableau complet & fidèle, de tous les faits relatifs à la Géologie que préfentent les environs de Genève , & les montagnes des Alpes que j'ai parcourues : & je voulois donner ces faits fans aucun mélange de Théorie, afin de réferver toutes les con-fidérations de ce genre pour les Réfultats qui termineront le troifieme & dernier volume de cet ouvrage. Mais en mettant la main à l'œuvre, j'ai vu que ce plan auroit deux in-convéniens ; l'un, de former un ouvrage plus aride encore & plus ennuyeux pour ceux qui n'auroient pas la paflion de la Géographie phyfique 5 l'autre, d'entraîner des répétitions ; parce qu'en venant à ces Réfultats, il auroit fallu nécefTaire-ment rappeller & retracer les faits dont ils auroient été les conféquences. J'ai donc préféré de donner de tems à autre, à la fuite des faits importans pour la Théorie, les conféquences qui me paroifloient en découler. Quand on viendra enfuite aux Réfultats généraux, on verra qu'ils ne font autre chofe que ces mêmes conféquences, rapprochées, mifes en ordre, rendues plus complètes, & étayées par des obfervations que je n'aurai pas eu occafion de décrire dans le cours de l'ouvrage. Je ne publierai que dans trois ou quatre ans le troifieme volume qui renferme ces Réfultats , parce que j'ai encore des voyages & des recherches à faire pour acquérir de nouvelles lumières fur quelques points importans de la Théorie. Mais le fécond volume, qui contient la fuite de mes voyages dans / dans les Alpes, paroîtra dans dix-huit mois ou deux ans au plus tard. On verra dans ces voyages, que je me fuis attaché de préférence à l'étude des montagnes primitives, & fur - tout à celles de Granit. Si la Nature paroît quelquefois avoir voulu cacher la marche qu'elle a fuivie dans la production de certains êtres ; c'eft fans doute dans celle de ces montagnes, qui touchant de plus près à la première origine des chofes, fem-blent tenir à des my itères d'une plus haute importance. Auffi, malgré la curiofité qu'elles auroient dû exciter, font - elles encore les moins connues. Le célèbre Mr. Pallas , dont les voyages en Ruiïie (i) renferment tout ce qui peut intéreifer un Naturalise , & même un Homme d'Etat, & font peut-être le plus grand & le plus beau modèle qui exifte en ce genre, a ranemblé d'après Pimmenfe tréfor de fes obfervations , ce qui lui a paru le plus vrailemblable fur la formation des divers genres de montagnes (;). Mais il n'a point voulu toucher aux montagnes de Granit ; il leur a même appliqué ce palïage de l'Auteur des Recherches fur les Américains ; „ qu'il „ vaut autant écrire un traité fur la formation des étoiles -, que „ fur celle des rochers qui ont été élevés par les mains puif-„ fantes de la Nature créatrice, à laquelle nous devons la „ petite Planète fur laquelle nos Philofophes raifonnent ". (t) Reifen durch verfchiedene Pro- (?) Voyez fon difeours intitule vinTcn des Rufiifchen Rekhs. Peurs. Obfervations fur la formation des mon -hurg,IH.^ol. 40. l \apié\ &c., Petersburg 1777. 4". Ces difficultés ne m'ont point découragé : une étude opiniâtre* des montagnes de ce genre, leurs formes mieux prononcées dans nos Alpes, & quelques nouveaux faits que d'heureux hazards ont offerts à mes yeux, m'ont donné, à ce que je crois, quelques lumières fur leur origine. Les vues des montagnes, que j'ai jointes à leurs defcriptions,. ont été deffinées fur les lieux par Mr. Bourrit , avec une exaditude que l'on pourrait appeller mathématique ; puifque fouvent j'en ai vérifié les proportions avec le graphometre, fans pouvoir y découvrir d'erreur. Il a même facrifié à cette exaditude une partie de l'effet de ces deffins, en exprimant les détails des couches, & en prononçant fortement les contours des rochers. J'aurois volontiers fait graver quelqu'un de fes grands tableaux des glaciers, fi le burin pouvoit rendre la force & la vérité avec laquelle il exprime les glaces, les neiges, & les jeux infiniment variés de la lumière au travers de ces corps tranfparens. Les relations que Mr. Bourrit a publiées de fes voyages, font auffi connues que fes tableaux,.. & me difpenferont d'entrer dans de grands détails fur les objets qui y font décrits. Je nfétois flatté de donner une Carte plus exade encore, s'il eft poffible, que ces deffins. Mr. Mallet , Profeffeur d'Astronomie, &Mr. M.A. Pictet, amateur diftingué de cette même faïence > & de toutes celles qui tiennent à la Phyfique, ont levé avec les plus grands foins une Carte de notre Lac , que le Public attend avec la plus vive impatience. Ces Meilleurs m'avoient donné une copie réduite de leur Carte, &. je comptois de la faire graver pour cet ouvrage, en y joignant les montagnes de nos environs, qui fe trouvent dans la grande Carte de la Savoye de Borgonio. Je m'étois flatté que comme la Carte de notre Lac qui eft dans celle de Borgonio , ne paroît pas à l'œil différer beaucoup de celle de nos Aftronomes Genevois, on pourroit faire quadrex le Lac de celle-ci avec les montagnes de l'autre. Mais Mr. Pictet , qui par amitié pour moi, a bien voulu entreprendre ces travaux géographiques, n'a jamais pu réuffir à raccorder ces Cartes. Il s'eft contenté de réduire la Carte de Borgonio , en redifiant cependant d'après nos obfervations les formes & la fttuation des montagnes que nous avons vues. Et comme les hautes Alpes , les environs du Mont-Blanc par exemple, & même les directions des grandes vallées, font extrêmement défedueufes dans la Carte de Borgonio , & dans toutes les Cartes connues, Mr. Pictet s'eft donné la peine de lever dans nos voyages une Carte détaillée de toutes ces montagnes, en employant à ces opérations, des inftrumens portatifs de la plus grande perfedion, qu'il a fait lui-même exécuter fous fes yeux par les plus habiles Artiftes de Londres. Cette Carte paraîtra dans le fécond volume, pour lequel elle fera plus utile qu'elle ne l'aurait été pour celui-ci. Nous en avons cependant fait graver un petit extrait, que l'on trouvera dans c 2 XX DISCOURS P R É L I M I N A I R E. un des angles de la Carte qui eft jointe à ce volume. On verra, en comparant cette petite Carte avec celle de Borgonio, combien celle-ci avoit befoin d'être rectifiée. ' Quant à mon ftyle, je n'en ferai point l'apologie ; je connois fes imperfections ; mais, plus exercé à gravir des rochers, qu'à tourner Se à polir des phrafes, je ne me fuis attaché qu'à rendre clairement les objets que j'ai vus & les impreffions que j'ai fenties. Si leur defcription donnoit à mes Lecteurs une partie du plaifir que j'ai goûté en les obfervant, mais fur-tout fi elle pouvoit allumer chez quelques-uns d'entr'eux le defir de les étudier, Se de perfectionner une feience dont je fouhaite ardemment les progrès, je ferois bien iatisfait Se bien récom*-. penfé de mes travaux. A Genève, ce %8 Novembre i77S>. P. S. Je n'ai point- la préfomption de croire , qu'aucun Libraire puîné imaginet" ' de trouver quelqu'avantage à contrefaire cet ouvrage. Je ne puis cependant, pas refufer aux inftances* de Mr. Fauche , de déclarer que fon édition de ce Ier. vo'ume a été faite avec le plus grand foin ; que j'en ai revu moi-même toutes les épreuves, & qu'elle eft par conféquent la feule que j'ap*.. prouve, & qui foit digne de la confiance du Public. T A BLE DES CHAPITRES ET DES SOMMAIRES CONTENUS DANS CE PREMIER VOLUME. DISCOURS PRÉLIMINAIRE , page u. ESSAI SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES ENVIRONS DE GENEVE r pag. i. Introduction , pag. r. CHAPITRE. L Le Lac de Genève, p. 4.. Ses avantages, ibid. Sa fituation , ibid. Ses dinidifions, ibid. liane: de fable nommé le Travers , p. ^. Le Rhône s'éclaircit en traverfant. le Lac , p. 6. Atterriffemens auprès de l'embouchure du Rhône , ibid. Les dépôts du Rhône tendent à combler le Lac, p. 7. Variations dans la hauteur des eaux du Lac , p. g. Caufes de cette différence, ibid:. Jonction de l'Arve avec le Rhône , p. 9. Eaux du Rhône, refoulées parcelles de l'Arve, ibid. Pourquoi ce phénomène eft fi rare, p. 10. Pureté de l'eau de l'Arve , p. ii. Cailloux & or de l'Arve, p. 12. Elévation du Lac au delfus de la Mer , ibid. Flux & reflux ou feiches du Lac,;W. Hypotefe de Mr. Fatio , ibid. Hypothefe de Mr. Jal~ labert , p. 13. Réfutation de cette hypothefe , ibid. Explication de Mr. Bertrand , p. 14. Les> variations de la pefanteur de l'air peuvent influer furies feiches, Fond du Lac, p. 15. Cailloux & rochers difperfés dans leLac,i&/Vi. Poiifons du Lac, ibid. Oifeaux-du Lac, p. 16. Situation de Genève , p. 17. Vents dominansvibid,-Climat, ibid. CHAP. II. De la profondeur & de 1a température des eaux du Lac, p: 18. Introduction, ibid. Première épreuve fur la chaleur du Lac en étiibid. Imperfection de cette épreuve, p. 19. Epreuves de MM. Mallet-& Pictet, p. 20. Projet d'expériences plus exactes, ibid: Grand1 thermomètre employé pour ces expériences , p. 21. Ce qu'il faut entendre par thermomètre commun, p. 22. Tems nécefiake au grand. thermomètre pour prendre la température de l'eau , ibid. Changement qu'il éprouve en remontant , p. 23. De la vitefte. avec.laquelle on doit retirer le thermomètre, page 24. Second thermomètre, ibid. Troifieme thermomètre renfermé dans un tuyau de pompe , p. 2f.' ComparaiFon de ces thermomètres, ibid. Premier voyage pour les épreuves fur la température du Lac, p. 27. Second voyage, p. 2g. Profondeur du Lac, la plus grande connue , ibid. Température du Lac dans fa plus grande profondeur, p. 29. Répétition de cette épreuve , ibid. A différentes profondeurs, p. 30. Nouvelle épreuve vis-à-vis lïEviàn, ibid. Epreuve à 3^0 pieds, ibid. Réfultats de ces expériences , ibid. Différence de température entre la terre & l'eau , p. 3 r. Raifons de cette différence, ibid. L'eau ne peut jamais être beaucoup plus chaude au fond qu'à la furface » ibid. Mais elle peut-être plus froide au fond, p. 32. CHAP. III. I^es collines des environs de Genève, page 34. « Colline de la ville même, ibid. Coteau de Cologny & de BsiTuige , ibid* Coteau de la Bâtie , p. 3f. Structure des collines de St. Jean & de la Bâtie 9 mi, Cartigny, p. 36". Roches de Cartigny., ibid. Coteau de Chataux , p. 37- Carrières de Grès, ibid. Coteau de Confignon , p. 38. De Chouilîy , ibid. De Chalex, ibid. Forme générale de ces colliues, ibid. Bafe du fol des environs de Genève, ibid. Grès ou Mollaffes, p. 39. Os fofîilcs, ibid. Ces Grès ne contiennent pas des cailloux roulés, p. 40. Indices de Charbon de pierre , ibid. Origine de ces Grès , ibid. Plantes rares des environs de Genève , p. 42. Infc&es rares , p. 43. CHAP. IV. Enumération &\defcription des différentes efpeces de pierres qui fe trouvent êparfes dans les environs de Genève, page 45-. QUARTZ , p. 46". Ses caractères , ibid. Il réfifte au feu le plus violent, ibid. Sa couleur varie, p. 47. Quartz gras, ibid. PETROSILEX, p. 47. Il fe trouve dans les montagnes calcaires, p. 48. Action du feu fur cette pierre, ibid. Petrofilex fufible & tubercule , p, 49. Pefanteur fpéciSque , ibid. JASPE, p. 49. Ses caractères diftinctifs, ibid. Jafpe rouge, p. f o. Jafpe veiné , p. fi. Action du feu fur ces Jafpes , ibid, FELD-SPATHp. 52. Dénomination , ibid. Structure de fes cryf-taux, ibid. Caractères diftinctifs , p. 5 3 • Pefanteur fpécifique, ibid. Diverfes opinions fur fa nature, p. ^4. Sa fufibilité le diftingue du -Quartz, ibid. GRENATS, p. \>. On les trouve dans des Roches de différons genres, ibid. Leur grandeur , ibid. Forme , ibid. Couleur , ibid. Dureté & fufibilité, ibid. Leur action fur l'aiguille aimantée, p. f6, Difficulté d'avoir des aiguilles bien mobiles, ibid. Sufpenfîon fimple «Se commode, ibid. reffion fur la difficulté tfejlimer par V'Aimait la quantité du] Fer contenu dans un minéral, page $7. Premier obftacte ,ibid. Second obftacle , p, 58. Force magnétique de nos Grenats, p. 60. Et des Grenats Orientaux , ibid. Grenats en malle, ibid. SCHORL , p. 61. Le nom de Gabbro ne convient point au Schorl, p. 62. Caractères extérieurs du Schorl, p. 63. Schorls cryftalliiés, ibid, Schorl en malle , p. 64. Caractères chymiques du Schorl, ibid. Pierres dans lesquelles on le trouve , p. 66. Schorl prifmatique éxagoae , p. 67. Erreur dont ce Schorl a été le fujet, ibid. Schorl rhomboïdal, p. 6g. PIERRE DE CORNE,?. 69. Enmaffe, i&i^. Feuilletée, p. 70. Spa-thique , ibid. Caractères chymiques, ibid. Pefanteur , p. 71. Nuances entre les Schorls & les Pierres de Corne, ibid. Pierres à écorce fer-rugineufe , p. 72. Efpcce nouvelle, ibid. Formation de fon écorce , ibid. Dendritcs, ibid. Ses propriétés chymiques, p. 74. Les Pierres de Corne ont été fouvent méconnues., p. 75. Inconvénicns des dénominations vagues, p. 76. ARDOISES, p. 77. Caractères qui les diftinguent des Pierres de Corne, ibid. Ardoife des toits , p. 78. Rognons durs dans les Ar-doifes , ibid. STËATITE ou PIERRE OLLAIRE, p: 79. Ses caractères, ibid. Serpentine, ibid. Ses propriétés chymiques , p. 80. Action du feu» fur la Serpentine, p. 8r. Croûte ferrugineufe , ibid. Diftinclion de Mr. Sage entre les Serpentines & les OUaires, ibid. Expérience-faite iur la nôtre , p. 82. Deux autres efpeces de Pierre Ollaire, ibid. JADE, p. 83. Roche dans laquelle il fe trouve-, ibid. Sa dureté , ibid. Sadenuté, ibid. Autres caractères, ibid. Jufques à quel point il réfifte aufeu, p. 84- Action des acides fur ce Jade, ibid. AMIANTHE&ASBESTE, p. 8S- Pierres auxquelles on les trouve adhérentes , ibid. Leurs rapports avec les Stéatites , ibid. Et avec les Schorls , ibid. Ces pierres n'ont pas été furRfamment éprouvées, p. 86. Asbefte deftiné à de nouvelles épreuves , ibid. Action du feu fur cet Asbefte, ibid. Amianthe de la Tarentaifc , p. 87. Scorie cryitallifée produite par cette Amianthe, ibid. Forme de ces cryffaux , p. 88. Vitrification complète de l'Amianthe , ibid. Epreuves chymiques , ibid. Par l'acide nitreux, ibid. Par l'acide vitriolique , p. 9.0. Elle paroi* indifloluble dans les acides, ibid. Réfultats différens obtenus par Mr. Margkaaf, ibid. Nouvelle épreuve en fui vaut le procédé de ce Chymiftc , p. 91. Notre Amianthe diffère de celle de Mr. Margraab, p. 93. Elle n'eft ni une Sté.atite. ni un Schorl, ibid. Solution de l'Ai- xxiv T A B L E. :bcfte par PErprit-dc-Nitre, ibid. L'Asbefte eft une Serpentine cryf-talliféc , ibid. MICA , page 9|. Proprement dit, ibid. Verre de Mofcovie , p. 9Ç. Action du feu fur le Mica, ibid. PIERRES CALCAIRES , p. 96. Leurs caractères, ibid. Pétrifications , ibid. Spath calcaire , ibid. CHAP. V. Continuation du même fujet. Les Roches compofess, p. 98. GRANIT, p. 98- Les Granits font des Roches, ou pierres com-pofées, z'^W. Roches feuilletées , p. 99. Roches en maffe, ibid. Montagnes primitives, ibid. Les Granits font les roches primitives par excellence , ibid. Ils ont pourtant été formés par couches , ibid. Caractères qui diftinguent les Granits des Grès & des Poudingues , p. IOO. Les Granits ne font pas des graviers liés par du Quartz, p. 10r. Ils font l'ouvrage de la cryftallifation, p. 102. Enumération de nos Granits , ibid. Granits compofés de deux efpeces de pierre, p. T03. De Quartz & de Feld-Spath , ibid. De Quartz & de Schorl, ibid. De jade & de Schorl, p. 104. De Pierre ollaire & de Schorl, ibid. Granit fécondaire , ibid. Granits compofés de plus de deux clémens , ibid. Granit proprement dit, p. ïO^. Ses variétés, ibid. Granit dur , p. 106" Granit deftructible, ibid. Granit compofé de Quartz , Feld-Spath & Schorl , p. 107. De Jade, Schorl & Grenat, ibid. De Jade , Schorl & Mica , ibid. De 4 ou f efpeces de pierre, p. 108. PORPHYRE, p. 108. Ses caractères ,[ibid. Première efpecc , p. 109. 2c. Efpecc, p. HO. 3e. ibid. 4e. p. 111. 5e. ibid. Confidérations fur les S efpeces précédentes , ibid. Elles forment la tranfition des Granits aux Porphyres, p. 112. Mêmes tranfition s obfervées dans les montagnes, ibid. 6e. Efpecc de Porphyreyibid. 7e. Efpece, p. 113. ROCHES FEUILLETÉES, p. 114. Leurs caractères, ibid. Leurs lames ondées , ibid. Raifons de ccte.e forme , ibid. PREMIER GENRE DE ROCHES FEUILLETÉES. QUARTZ & MICA, p. iif. Ses variétés, ibid. Nœuds de Quartz , p. 116. 2d. GENRE DE ROCHES FEUILLETÉES. GRANITS VEINÉS, page u 6*. 3e. GENRE DE ROCHES FEUILLETÉES. QUARTZ & SCHORL , p. Il S- Schorl en lames, ibid. En gerbes , ibid. 4e. GENRE DEROCHES FEUILLETÉES. ROCHES DE CORNE, p. 119. Formes diJférentes fous lefquelles la Pierre de Corne entre dans la composition de ces Roches , ibid. Roches mélangées de Pierre de Corne & de Quartz, p. 120. Spath calcaire, ibid. Fer fpccii- laire, T A B L E, laire, ihiâ. Fer octahedre, ibid. Roche trapézoïde, p. MJK Expérience relative aux Laves qui contiennent du Schorl, ibid. Digrejfwn fur la matière première des différentes Laves, p. 122. , Ce fujet eft prefque neuf, ibid. Travaux de Mr. Desmarest , ibid. Les Granits ne font pas , comme il penfe , la matière des Bafaltes, p. 123. Expérience de Mr. D'Arcet , ibid. Nouvelles épreuves faites dans cette vue , p. 124. Sur le Granit de la Pierre à Niton, pulvériré , ibid. Sur le même non pulvérifé, ibid. Le feu n'en fait point un Bafalte „ p. 125. Même épreuve & même réfultat fur un Granit d'Auvergne, ibid. Et fur un Granit mêlé de Schorl ,"p. 126. Mêmes épreuves & mêmes réfultats fur les Porphyres , ibid. Conclulion, p. 127. Les Roches de Corne paroilfent être la matière des Laves & des Bafaltes, ibid. Laves porcufes, produites par ces pierres, ibid. Comment ces Laves deviennent compactes, p. 128. Ces mêmes pierres donnent des verres femblables à ceux des Volcans , ibid. Leur analyfe donne les mêmes réfultats, ibid. Nuances obfervées entre les Granits & les Laves compactes , p. 129. Raifon de ces nuances , ibid. Des Laves qui renferment des matières hétérogènes, ibid. Bafalte parfemé de grains de Feld-Spath , p. 130. Vitrification de ce Bafalte, ibid. Et d'une Lave à yeux de Perdrix, p. 131. Réfumé fur la matière des dnférentes Laves, ibid. ^ S • GENEVE DE ROCHES FEUILLETÉES. ROCHES MÊLÉES DE GRENATS , p. 132. Grenats dans la Pierre de Corne, ibid. Dans le Schorl, ibid. Dans la Pierre Ollaire, ibid. Différentes pierres contenues dans les Roches de Grenats, p. 132. 6*. GENRE DE ROCHES FEUILLETÉES. ROCHES DE STEA-TITE, p. 134. Roche mélangée de Stéatite & de Mica, ibid. De Stéatite & de Quartz, ibid. 7e- GENRE DE ROCHES FEUILLETÉES. ROCHES MÊLÉES DE MINE DE FER, p. 13 S- Quartz & Mine de Fer fpéculaire, ibid. Mine de Fer grife & Stéatite , p, 136*. ROCHES GLANDULEUSFS OU VEINÉES, p. 135. Leurs caractères , ibid. Variolite du Drac , ibid. Autres Variolites , p. 137. Roche glanduleufe à bafe de Schorl, ibid. Roche calcaire cellulaire, page 138. ROCHES AGGRÊGÉES , p. 139. Leurs caractères , ibid. Les Gres , ibid. Us différent par la nature de leurs élémens , ibid. Et par celle du gluten qui les lie , p. 140. Brèches & Poudingues, ibid. Dif-tinction entre les Brèches & les Poudingues, p. 141. Brèche dont la pâte eft un Petroftlex , ibid, d XXYl T BLE. PRODUITS DES VOLCANS, p. 142. On ne trouve pas dans, nos cailloux, des produits de Volcans bien déterminés % ibid. Efpeces douteufes, p. 143 (1). CHAP. VI. De l'origine des cailloux roulés & des fragmens de rochers , que l'on trouve difperfés dans la vallée du Lac de Genève , & fur les montagnes adjacentes, p. 147. Ce qu'on entend par cailloux roulés, ibid. Doutes fur leur origine, ibid. Pierres naturellement arrondies, p. 146". Comment elles différent des cailloux roulés, ibid. On voit les eaux arrondir des pierres angulaires, p. 147. A la fource des torrens,ibid. Au bord de la Mer , ibid. Ceux de nos environs ont été chariés & arrondis parles eaux, p. 148. On prouve qu'ils font étrangers à notre fol, p. 149. Et que ce font les eaux qui les ont chariés , ibid. Les eaux en ont tranfporté jufques fur les montagnes, p. 150. Queftion fur l'origine de ces eaux, ibid. Hypothefe en réponfe à cette queftion, p. 151. Preuves de cette hypothefe, p. 152. Obfervation qui confirme ces preuves , p. 153,. Autres indices de l'ancienne élévation des eaux , p. i<>4. Le paffage de l'Eclufe , ibid. Recherches fur l'origine de cette ouverture, p. Le Vouache & le Jura ont été ancien- nement unis, ibid. L'érofion des eaux les a féparés , p. 1 Ç6\ Veftiges de ces étofions , ibid. Ces veftiges ne peuvent fe conferver que fur des faces verticales, p. 177. Cailloux roulés au delà de l'Eclufe , p. 15g. ' Précis des révolutions expofées dans ce Chapitre, p. 159. Veftiges des derniers changemens, p. 160. Monumens hiftoriques de l'abaiifemcnt du Lac , p. 1 Si. Diminution générale des eaux, ibid. Recherches de preuves encore plus directes , ibid. CHAP. VIL Le Mont Saleve, p. 16*3. Sa fituation, ibid. Ses flancs efearpés ont été fillonné? par les eaux, ibid. Autres effets des mêmes caufes, p. i6"f. Les Grottes de l'Hermi-tage, ibid. La gorge de Monetier, p. 166". Blocs de Roches primitives, ibid. Situation remarquable de quelques-uns de ces blocs, ibid. Ils occupent encore la place où ils ont été dépofés , p. 167, Et ce font les eaux qui les ont dépofés , p. \6%. Blocs de pierres primitives fur le Grand Saleve, p. 169. La Croifette & le Piton, ibid. Sable au fommet de cette partie de Saleve, ibid. Pourquoi dans cette partie on ne trouve pas des blocs de Granit, p. 170. Singulier veftige des anciens courans , p. 171. Grand puits au bord de la montagne , p. 172. Creux de Brifaut, ibid. Trace des courans qui ont creufé ce puits, p. 17 J. ( i ) Depuis l'imprefllon de ce Chapitre , j'ai trouvé à Genthod au bord du Lac, deux «ailloux roule's, qui font indubitablement des efpeces de Laves poreufes, & Air. BoK» d EN AVE a trouvé au bord de l'Arve , u» morceau d'une efpece femblable. Caverne d'Orjobet, page 174. Grotte de Ratifie , p. 177. "Epreuve du thermomètre au fond de cette grotte, ibid. Situation générale des bancs du Mont Saleve , p. 179. Couches dans une fituation verticale, p. 180. Ce ne font point des couches horizontales déplacées , ibid. Obfervations détaillées fur ces couches p. 18 r. Ravages du tems fur les rochers de Saleve, p. 182. Suite de la def-cription des couches verticales , p. 183. Conjectures fur la forme primitive du Mont Saleve , p. 184. Confidérations générales fur les couches verticales, ibid. Application de ces principes au Mont Saleve, p. 185- Ces couches n'ont pas été dreffées parle foulevement de la montagne, p. 186. Bancs de Grès ou de Molafle , p. 187. Conjectures fur leur formation , p. 189. Pétrifications du Mont Saleve, p. 190. Nouveaux coquillages fofuies , découverts par Mr. De Luc , ibid. Leur description, ibid. Débris de coquillages, p. 193. Charbon fofîilc p. 194. Couche de terre dans laquelle il fe trouve, p. 19 f. Ordre & épaiffeur des couches, ibid. Conféquences théoriques, p. 197. Spath calcaire, ibid. Cenchrites , ibid. Noyaux de Silex , ibid. Fer , p. 198. Plantes rares de cette montagne, ibid. Animaux rares, p. 199. Beaux points de vue, ibid. CHAP. VIII. Analyfe de l'eau fulfureufe d'Etrembieres , page 202. Situation de cette fource , ibid. Ses qualités extérieures, ibid. Souffre vif, qui s'en fépare de lui-même , p. 203. Epreuves chymiques faites lur les lieux , p. 204. Altération fpontanée de cette eau , ibid. SoufFre féparé par la filtration , ibid. Principes fixes , p. 20*. Parties-diflb-lubles dans l'eau, ibid. L'extrait contient, ï°. des Sels Alkalis fixes , p. 206*. 2°. des parties de terre calcaire, ibid. 30. des parties graffes, ibid. 40. du fel marin, ibid. Déification de cet extrait, p. 207. Sa cryf-tallifation, ibid. Quelques-unes de fes parties attirent l'humidité de l'air , p. 203. Conclufion fur la nature de ces Alkalis, p. 209. Partie terreufe du réfidu , ibid. Sa diffolution dans les acides, p. 210. Calci-nation de cette terre, p. 211. Sa cryftallifation fpontanée, ibid. Ecailles iéiéniteufes, p. 213. Conclufion fur les vertus médicinales de cette eau, p. 214. CHAP. IX. La montagne des Foirons, page 217. Sa fituation, ibid. Sa matière eft un Grès, ibid. Situation de fes couches 9 iW. Couvent des Voirons, p. 216". Bancs calcaires , renfermés entre les Grès, p. 217. Plantes qui fe trouvent fur les Voirons , ibid. Beaux points de vue, p. 218. Point le plus élevé de la montagne, p. 219. Directions pour ceux qui veulent la parcourir, p. 220, CHAP. X. Le Mole, page 221. Sa fituation & fa Forme , ibid. Sa hauteur, p. 222. Structure gc- d % ncraie des Alpes , vues du haut du Môle, ibid. Situation de leurs ef-carpemens , ibid. Ce qu'il faut entendre par efearpemens , ibid. El-carpemens tournés contre le Lac , p. 223. Efearpemens tournés contre le centre des Alpes, p. 224. Vue du Couchant & du Midi, ibid. Mont Brezon, p. 225. Mont Vergi, ibid. Vallée & Chartreufe du Repofoir , ibid. Pétrifications remarquables , p. 226. Structure du Môle, fituation de fes couches, p. 227. Obfervatiou générale fur les inclinaifons de ces couches , p. 229. Caverne , p. 23 r. Variétés des pierres calcaires dont le Môle eft compofé, p- 232. Oifeauv du Môle. Singulière efpece de Rouge-queue , ibid. Plantes du Mfyf, p. 233- Pâturages, p. 234. Chalets de la Tour, p. 235. Structure de ces chalets, p. 236". Vie laborieufe des Payfannes du Môle, ibid. Coups de vents dangereux pour les troupeaux, p. 237. Chalets d'Aïfe , p. 238. Caractère des habitans du Môle, p. 239. Expérience fur l'électricité , p. 240. Conducteur portatif, ibid. Electricité obfervée dans des nuages nouvellement formés, p. 241. Recherches fur les caufes de l'Electricité des nuages, p. 242. Directions pour ceux qui voudront parcourir le Môle , p. 243. CHAP. XI. Le Coteau de Montoux, page 244. Sa fituation, ibid. Matière & pofition de fes couches, ibid. Sa forme , ibid. Autres coteaux fur la même ligne, ibid. Coteau d'E-fery, ibid. Elévation du coteau de Montoux, p. 245. Réflexion fur fon origine, ibid. CHAP. XII. Le Coteau de Boify^ page 246*. Sa fituation , ibid. Sa forme & fes dimenfions , ibid. Situation des couches de Grès , dont il eft compofé , ibid. Nature de ces Grès , p. 247* Ils ne renferment point de cailloux roulés, ibid. Bancs calcaires , inter-pofés entre ceux de Grès, p. 248. Origine de ces différentes pierres, ibid. , Grès de formation nouvelle , obferve fur les bords de la Mer , ibid. Grands blocs roulés, p. 249. Pierre à Martin , ibid. Autres blocs de Roches feuilletées , p. 2f o. Blocs de Granit, ibid. Vins de Crépi, p. 25 ï. Benux points de vue du coteau de Boify, p. 252. Tombeaux des anciens Allobroges, p. 253. CHAP. XIII. Montagnes de Meilîerie & de S. Gingoupb, page $f-.f> ' Source ferrugineufe de Marclaz, ibid. Eaux d'Amphion , p. 256". Eaux de Rolle , ibid. Route d'Evian à la Tour - ronde , p. 25?. Colline de S. Paul, ibid. Village & pierres de Meilîerie, p. 219. Village de S. Gingouph , ibid. Montagnes de S. Gingoupb , p. 2oo. Une équivoque fait croire qu'il y a des Volcans dans ces montagnes , ibid. Voyage occafionné par cette équivoque > p. 261, Idée génitale des montagnes. S. Gingouph, page 262. Mine de Charbon de pierre , ibid. Toutes ces montagnes font très-efearpées , ibid. Pourquoi, p. 262. Anecdote fur les mœurs de ces montagnards, p. 263, CHAP. XIV. Le Jura, page 264. 1 Côte occidentale du Lac, ibid. Situation du. Jura, ibid. Structure générale & limites du Jura , p. 266. Il pourroit être une dépendance des Alpes, p. 267. Fondemens de cette opinion, ibid. tchaucrures du Jura ,p. 268. Paflage de Pierre-pcrtuis , ibid. Forme générale des couches du Jura , p. 269. Sa face qui regarde le Lac, a fes couches en appui contre le corps de la montagne, p. 271. Exceptions appa-. rentes , ibid. Les mêmes couches enveloppent le fommet de la montagne, p. 272. Mais les ravages du tems ont fouvent altéré ces formes, p. 273. Peut-être auffi y a-t-il des irrégularités originaires , p. 274. Idée générale des chaînes occidentales du Jura, p. 275. Elles s'abaiifent en s'é-loignant des Alpes , ibid. Leurs couches ont la forme de voûtes , ibid. Bancs perpendiculaires à l'horizon , renfermés entre des bancs inclinés , p. 276. Direction générale de ces bancs verticaux , p. 277. Les bancs que je dis verticaux ,1e font bien réellement, ibid. Couches qui font des portions de cône , p. 278. Couches en forme de demi-voûtes r p. 279. Efearpemens oppofes les uns aux autres, ibid. D'autres tournés vers le même point du Ciel, p. 280. Les bancs inclinés du Jura s'unifient aux bancs horizontaux des plaines qui le bordent, ibid. Réfumé général de la ftructure du Jura , p. agi-Genres de pierres dont eft compofé le Jura, p. 281. Le noyau des montagnes du Jura eft plus dur que leur écorce , p. 282. Et il renferme moins de coquillages, ibid. Mais les bancs chaînes en contiennent beaucoup , p. 283- Pétrifications du Bailliage d'Orgelet, ibid. Etoile de Mer foffile, p. 284. Entroque, Palmier marin , &c. ibid. Recherches des traces des anciens courans, p. 284. A Ornans p. 285. Entre Béfort & Porentrui, ibid. A Pierre-pertuis , ibid. Collines de cailloux roulés, autre preuve des anciens courans, p. 286". Nature de ces cailloux dans l'intérieur du Jura, ibid* CHAP. XV. La Dole, page 287- Le Vouarne , ibid. Forme du rocher de la Dole , ibid. Sa hauteur au deffus du Lac , ibid. Vue de 'a Dole , p. 2g8. Le Jura même , ibid. Plufieurs Lacs , ibid. Les Alpes, p. 289- Terraffe au fommet de la Dole , p. 290. Fêtes qui fe célèbrent fur cette tciraife , ibid. Nature du rocher de la Dole, p. 291. Couche coquillere, ibid. Pierre compofée de grains arrondis, p. 292. Noms donnés à cette pierre, ibid. Structure de ces petits grains , p. 293. Ce ne font pas des œufs de poiflon , ibid. Ni des femences , p. 294. Mais des dé~ pots formés dans des eaux agitées, page 294. Concrétions des Wns de St. Philippe, ibid. Ces grains n'ont point été produits par des dif-folutions chymiques, ibid. Autres concrétions fetnblables aux Cen-chrites, p. 295. Structure (inguliere du rocher nommé le Vouarne, ibid. Autre ftru&ure remarquable, p. 296*. Bancs verticaux entre des couches inclinées , ibid. Routes à choifir pour aller à la Dole, ibid. Plantes rares de la Dole, p. 297. Plantes rares de la montagne de Thoiry , p. 298. CHAP. XVI. Les Lacs du Jura , page 299. Voyage au Lac de Joux > ibid. Colline de la Côte, p. 300. Gi-mel, ibid. Cailloux roulés, ibid. Premières couches du Jura , p. 30 r. Couches verticales, ibid. Inclinées, Horizontales, p. 302. In- clinées en fens contraire, ibid. Réflexion fur la fituation de ces couches , ibid. Peu de pétrifications , ibid. Hauteur du paffage du Mar-chairu, p. 303. Dellente de l'autre côté de la moutagne, ibid. La vallée de Joux, ibid. Le Lac de Joux,p. 304. L'Orbe, ibid. Le Lac des Roulïes, ibid. Route du Sentier aux Charbonnières, p. 305. Le petit Lac, ibid. Le Pont, ibid. Defcription de la Dent de Vau-lion, p. 305. Epreuves fur la température du Lac de Joux, p. 306. Quantité d'eau que reçoivent ces Lacs , p. 309. Elles fe perdent dans les interftices des couches verticales , p. 3 co. Entonnoir, ibid. Source de l'Orbe, p. 311. Troifieme petit Lac, p. 313. Habitans delà vallée de Joux , p. 314. Valorbe , p. 31f. Mine de Fer , ibid. Balaigre , ibid. Cailloux roulés des Alpes, ibid. Le Lac d'Yverduti eft plus petit qu'il n'a été autrefois, p. 316". Bancs de Molaffe, ibid. Pierre calcaire jaunâtre , ibid. Dimenfions du Luc d'Yverdun ou de Neuchatel, p. 317. Cailloux roulés, ibid. Couches inférieures du Jura,i£/W. Hauteur du Lac de Neuchàtel , p. 3 18. Promenade furie Lac, ibid. Température du fond du Lac, p. 319. Réflexions fur cette expérience, p. 320. Cerlier, Lac de Bienne , p. 32r- Islc de S. Pierre, ibid. Température du Lac de Bienne, p. 323. Lac de Morat, p. 324. CHAP. XVII. La Perte du Rhône , page jaf. Noms des villages les plus proches , p. 326. Saifon à choiur pour voir ce phénomène , ibid. Defcription de la perte du Rhône, ibid. Entonnoir dans lequel il s'engouffre, ibid. Canal dans lequel il coule après s'être engouffré, p. 327. Lieu où il difparoît, p. 328. Pont de Lucey, p. 3-9- Obfervations détaillées, ibid. Renaiffance du Rhône , ibid. On ne voit pas reifortir les corps légers qui flottoient i\u deifus de la perte, ibid. Pourquoi, p. 303. La nature de la pierre eft la caufe des profondes excavations du Rhône, p. 331. Exfohatiou r a b i i. XXXï clcs rochers , page 33ï. Leurs éboulemens, ibid. Puits creufés par les eaux, ibid. Excavations de la Valfcelline, p. 332. Afpeds fmguliers du canal du Rhône au deffous de fa perte, ibid. La profondeur de ces excavations s'augmente continuellement, ibid. Pétrifications de la perte du Rhône, p. 333. Pyrites, p. 334- Coquillages foffiles des collines voifines , ibid. Ces foffiles font originaires du lieu même, ibid. Sable imprégné de Pétrole, p. 335. CHAP. XVIII. Des Pierres Lenticulaires, page 336". Lenticulaires de la Perte du Rhône, ibid., Lenticulaires communes , ibid. Lieux où on les trouve, p. 337. Opinions des Natura-liftes fur les Lenticulaires, ibid. Diverfes opinions du Chev. de Linné, fur ce foffile , p. 338- Sentimens de M. "Walch , p. 539. Le même que celui de Mr. Breyn,/^. Les Lenticulaires n'ont aucun fcy-phon, ibid. Les concavités des cloifons regardent l'intérieur de la coquille, p. 340. Les Lenticulaires fe refendent d'elles-mêmes , ibid» C'eft plutôt une efpece de Vermiculite , p. 341. Lenticulaires de la Perte du Rhône , p. 343. Leur analyfe , p. 344» Le ciment qui réunit ces Lentilles eft prefque tout calcaire , p. 346". Ces Lenticulaires font une Mine de Fer, p. 347. Ont-elles appartenu. à des corps organilés ? Cela ne paroît pas probable , ibid. Débris de coquillages, mêlés aux Lenticulaires , p. 348. CHAP. XIX. Le Jorat, page 349. Le Jorat diffère du Jura , ibid. Defcription de cette montagne , ibid. Sa hauteur, ibid. Elle eft compofée de Grès, ibid. Ses eaux fe jettent dans deux Mers différentes, p. 350. CHAP. XX. Le Mont de Sion , page 351. Situation de cette montagne, ibid. Sa hauteur , ibid. Carrière de Gypfe ibid Plante rare, ibid. Conclufion de cet Eifai fur l'Hiftoire Naturelle des environs de; Genève, p. 352. VOYAGE AUTOUR DU MONT-BLANC Introduction , page 3 $ $. CHAP. 1. De Genève à la Bonne - Fille , page 3 60: Grand plateau au Sud-Eft de Genève, p. 360. Chefne, p. 3^ Afpcct des montagnes, ibid. Ravine de la Menogcp. 362. Contamine, p. 363. Route de Contamine à la Bonne-Ville, p. 3^4* Rocher dont les couches perpendiculaires font diverfement dirigées, page 364. Couches perpendiculaires fous les efearpemens ,ibid. Montagne écroulée, p. 36^. Petrofïlex , ibid. La Bonne-Ville, ibid. Roc de Mollalfe, ibid. Mont Brezon, p. 36*6'. CHAP. II. De la Bonne-Fille à Clufe, page 3 67. Vallée de la Bonne-Ville à Clufe, ibid. Débris des montagnes primitives , p. 368. Nulle correfpondance entre les montagnes, p. 369. Defcription de celles qui bordent là vallée au Midi, ibid. Le Brezon , ibid. Couches appuyées contre le pied des efearpemens, ibid. Vallée qui conduit au Mont Brezon, p. 370. Hautes montagnes au Sud-Eft du Brezon, ibid. Montagne dont les couches paroilfent avoir été fléchies , ibid. Vallée qui conduit au Repofoir,p. 371. Montagnes à l'Eft de notre route, ibid. Le Môle, ibid. Montagne de Clufe , p. 572. Réfumé général de cette vallée, ibid. Colline du Château de Muffel, ibid. La ville de Clufe, p. 373. Choix d'un pofte pour l'obfervation du Magnétometre , ibid, CHAP. III. Notice d'un nouveau Magnétometre, page 375. Recherches faites fur les forces directrices de l'Aiman , ibid. Recherches négligées fur la force attractive, ibid. Projet formé pour y fup-pléer , p. 376. La direction de l'aiguille eft la même fur les montagnes, ibid. Premiers effais fur les variations de la force attractive , p. 377. Nouveau Magnétometre, p. 378. Variations obfervées, p. 380. Ration de la fenfibilité de cet infiniment, ibid. Difficulté du calcul des variations de la force attractive, p. 38 r. CHAP. IV. De Clufe à Sallenche , page 382. Idée générale de cette route, p. 382. Couches fléchies à angles droits, p. 383. Caverne de Balme , p.*384- Rocher auprès de Clufe, rempli de pétrifications, p. 38Entrée de la Caverne, p. 387. Cryftalli-fation pierreufe , qui fe forme à la furface de l'eau, p' 388- Puits au milieu de la Caverne, p. 389. Température du fond de la Caverne, p. 390. Charbon de pierre , ibid. Pierres calcaires à feuillets minces, renfermées entre des couches épaiffes , p. 391. Belles fontaines , p. 392. Lac de Flaiue , ibid. Huîtres pétrifiées à une grande hauteur, p. 393. Maglan , p. 394. Beaux Echos , p. 39f. Cafcade du Nant d'Arpenaz, ibid. Grande montagne dont les couches ont dans leur totalité , la forme d'une S , p. 296". Defcription du rocher de la cafcade , ibid. Couches planes , qui font en avant des couches arquées , p. 398. Confidérations fur l'origine de la forme de ces couches arquées, ibid. Divers exemples de couches repliées fur elles-mêmes, ibid. Haute chaîne calcaire au deffus de Sallenche, p. 399. Couches Couches diverfement ployées & entrelacées , page 400. Suite des con-iidérations fur les couches arquées, ibid. Premières Àrdoifes : leurs couches alternent avec des couches calcaires , p. 401. Ordre des diffé-rens genres de montagnes, p, 402. Réfumé de cette vallée. Nature de fon fond , ibid. Comparaifon des montagnes qui la bordent, ibid. Couches inclinées qui paroiffent horizontales, p. 403. Sallenche, p. 404. Blocs de Granits, ibid. Fond d'Ardoife, ibid. Nature de ces Granits, ibid. Vue du Mont-Blanc, p. 40^. CHAP. V. De Sullenche à Servoz>, page 40 6. Départ de Sallenche, ibid. Haute montagne au de (Tus de S. Martin, p. 407. Dégâts de l'Arve, ibid. Torrens momentanés , p. 408. Mélange de feuillets fchifteux , fpathiques & quartzeux , p. 410. Village de Pally & fes montagnes, ibid. Nulle correfpondance entre les côtés de la vallée, p. 411. Montée de Chcde, ibid. St. Gervais , ibid. Route de Sallenche à S. Gervais , de l'autre côté de l'Arve, ibid. Collines d'Ardoife , p. 412. Blocs de Granits , ibid. Petit Lac au deffus de Chéde, ibid. Pont aux Chèvres . p. 413. Haute montagne qui tomba en 17^1 , p. 414. Lettre du célèbre Vitalia.no Donati , ibid. Blocs de Marbre gris, p. 418- Grès fin & dur, p. 419. Nant noir, p. 420. Rognons]d'Ardoifc, parfemés de Pyrites, ibid. Tuf, ibid. Goitres, p. 42 r. Mines de Plomb, ibid. CHAP. VI. De Servo% au Prieure de Chamouni, page 422. Rochers de Grès, ibid. Torrent de Servoz, i&/7/. Roches de Corne trapézoïdes, p. 423. Château de S. Michel, p. 424.1 Pont Péliifier, ibid. Les Montées, p. 425. Roches primitives, ibid. Fiffures remplies de Quartz & de Mica, p. 426*. Mine de Cuivre, ibid. Granits veinés, p. 427. Plantes Aïphrcs , ibid. Dénié étroit & fauvage , p. 428. Vallée de Chamouni. Grand fpectacle qu'elle préfente, p. 429. Idée générale de cette vallée, p. 430. Plan de nos travaux dans la vallée de Chamouni, p. 43 r. Nant de Nayin. Ardoifes, ibid. Les Ouches, ibid. Ardoifes très-inclinées , p. 432. Nant & Glacier de la Giïa, ibid. Nant & Glacier de Taconay , ibid. Nant & Glacier des Builfons , ibid. Pont fur l'Arve, p. 433. Belles fou r ce s , ibid. Montagne de Roche de Corne, ibid. Le Prieuré de Chamouni, p. 434. CHAP. VII. Des Glaciers en général, page 436". Diftinction entre Glacier & Glacière , p. 436. Auteurs qui ont écrit fur les Glaciers , ibid. Ouvrage de M. GrUNER , ibid. Recherche plus nouvelles, p. 437. Vue générale des Alpes, p. 438. Divifions des Glaciers , p. 4-9. Glaciers de la première clafle , ibid. Ifs occupent ordinairement des vallées tranfverfales, p. 440. Epaiifeur de la e xxxiv T A B L E: Glace, p. 440. Crevaffes des Glaciers, Ibid. Formes accidentelles des glaçons, p. 441. Plaines de glace, ibid. Leur furface n'eft pas glif-faute, ibid. Leur fubftance eft poreufe, p. 442- Cette glace eft le produit de la congélation d'une neige imbibée d'eau, ibid. Origine des-Glaciers , p. 443. Autre hypothefe fur la formation des Glaciers, p. 444. Réfutation de cette hypothefe, p. 44v Glaciers du fécond genre, p. 446. Leur glace eft communément plus poreufe , p. 447. Les cimes ifolées ne font couvertes qwe de neige , p. 448. Caufes qui limitent l'accroiffement des Glaciers, p. 450. Les chaleurs de l'été., révape ration , ibid. La chaleur fouterraine , p. 4fî. Cette chaleur produit, même en hiver,. des courans d'eau fous les glaces , p. 452. Cette même chaleur amincit les couches inférieures des neiges, p. 4^3. Le poids des glaces les entraine dans les baffes vallées , ibid. Amas de pierres, dépofés furl les bords des Glaciers, p. 45 5. Bancs de pierres & de ■fable au milieu des Glaciers, p. 456". Ce ne font pas les Glaciers qui les vojmiffent, ibid. Ce font des débris que les glaces entraînent vers le milieu des vallées, p. 4^7. Ils pourroient fervir à connoître l'âge des glaces, p. 4^9. Autres phénomènes produits par la defeente des glaces, ibid. Equilibre entre les caules génératrices & les caufes def-tructrices, p. 461. Les habitans des Alpes croyent que les glaces s'augmentent, p. 462. Formation de nouveaux Glaciers , ibid. Ex-tenfion des anciens , ibid. Limites de ces accroiffemens , ibid. Périodes d'accroiifemens & de décroiffemens, p. 463. Confidérations ultérieures, fur l'accroiffement des glaces, ibid. Obfervations qui prouvent leur augmentation dans certaines places , p. 4,6*4. Obfervations qui prouvent leur diminution dans d'autres, ibid. La queftion demeure indé-cife, p. 46 f. CHAP. VIII. Du Prieuré à Valorfine, page 4.66. Vallée que fuit cette route, p. 456*. Blocs de Granit, roulés du; haut des Aiguilles, ibid. Les Prés, hameau , ibid. Rocher calcaire ,ibid. Autre rocher calcaire , p. 4.67. Chapelle des Tines , ibid. Sable & dé* bris de rochers , ibid. Les Isles, hameau , ibid. Fragmens calcaires, ibid.. Rochers dont ces fragmens ont été détachés, p. 46"g. Tuf, ibid. Chaîne des Aiguilles rouges, ibid. Argentiere, p. 469. Roche de" Corne remarquable , ibid. Les Montets , ibid. La Poya & la Coutcraye, hameaux dépendance Valorfine , p. 470. Greniers) des habitans des. Alpes, p. 472. Elévation de la Couteraye , ibid. CHAP. IX. De Valorfine au fommet du Buet, 473, Introduction , ibid. Le Trient ou l'eau de Bérard , p. 474. Vallée-de Bérard, ibid. Granit veiné à nœuds de Quartz, ibid. Voûte de neige fur le Trient ,.p. 47^. Deux routes dont on a le choix , p. 476,. TABLE, XXX* Mine de Plomb , page 476. Pente de neige rapide , ibid. Pierre à Bérard où on laine les mulets, p. 477. Pentes hcrbeufes entre des rochers arrondis, ibid. Structure de ces rochers, ibid. La Table au Chantre, p. 47g. Premiers rochers calcaires, ibid. Route fur la neige , p. 479. Crampons des Chaffeurs de Chamois , ibid. Leurs inconvéniens, p. 480. Crampons plus commodes, ibid. Effets finguliers de la rareté de l'air fur les forces mufcnlaires, p. 482. Elles s'épuifent très-promptemeut, ibid. Mais elles fe réparent avec la môme promptitude , p. 483. Alfoupiifement, fécond effet de la rareté de l'air , ibid. Ce n'eft pas la difficulté de refpirer qui produit ces effets , p. 485. C'eft plutôt la diminution de la preffion de l'air fur le fyftème vafculaire , p. 486. CHAP. X. Obfervations faites fur la cime du Buet, page 489'. Obfervations du Baromètre , p. 489. Hauteur du Buet, p. 490. Hauteur du Mont-Blanc, p. 491. Nouvelle méthode de calculer les réfractions terreftres , ibid. Explication de la Planche VIII, p. 496. Vue du Mont-Blanc & des hautes cimes liées avec lui, p. 498. Toutes ces fommités font de Granit, p. 499. Explication de la Planche V , p. 500. Gradations-vifibles daus la dureté des montagnes , ibid.. Nature du Granit des hautes cimes des Alpes, p. ^01. Structure des hautes montagnes de Granit, p. ^02. Montagnes fécondaires dont la ftructure eft la même , p. 503. Explication de la Planche VII, ibid. Raifon de la forme pyramidale des feuillets, p. 50^. Feuillets, qui lient les pyramides, ibid. Arrêtes en Augives , compofées de ces mêmes feuillets , ibid. Glaciers , p. s 06. Suite de la defcription des montagnes , repréfentées dans la. Planche VIII, p. 5.07. Le Buet fépare les'montagnes primitives des. fécondaires , p. 509. Situation des efearpemens, p. 510. Vallées ,ibid. Les Glaciers du premier genre occupent des vallées traufverfales, ibid,. Chaînes parallèles entr'elles , p. 511. Appréciation de l'obfervation de Bourguet , fur les angles faillans & rentrans , ibid. La fituation des. plans des couches eft plus effentielle pour la Théorie , ibid. Expériences fur la pureté de l'air, p. >i2. Obfervations fondamentales de Mr. Prietsley , p. f*3. Eudiometres , ibid. Appareil commode pour les montagnes, p. 514. Manière d'opérer avec cet appareil , 5if. Doutes que l'on pourroit élever, p. 516". Moyen de prévenir ces doutes, ibid. Réfultats , p. 517. Accords de ces réfultats avec les expériences de Mr. Volta. , p. ^18- Conclufion., ibid. , CHAP. XL De la Nature & de la ftru&ure de la montagne du Buet rJ page 519. Introduction , p. 519, Sommet de neiges pures, ibid. Glaces, ans xxxvï TABLE. bas des pentes, page 319. Nature des rochers les plus élevés du Buet, ibid. Leur fituation , p. ^ 21. 2e. efpecc de pierre : Ardoife, ibid. Rognons durs & pyritcux, p. Ç22. Plante rare, ibid. 3 e. efpece de pierre : elle eft calcaire mêlée de Grès , ibid. 4e. forte de pierre : calcaire veinée, p. ^24. 5 e. forte de pierre : Grès non effervefeent, ibid. 6e. forte de pierre : Grès effervefeent, p. 525. 7e. efpece de pierre : Roche feuilletée , ibid. 8e. efpece : Roche à nœuds de Quartz, ibid. 9«. efpece : Roche micacée fins nœuds, p. 5"26\ 10e, efpece de pierre 5 Granit veiné , 1 ibid. Confldérations fur les quatre dernières efpeces , ibid. Structure du Mont de Chefnay, p. 527. Grès ou Poudingue entre les montagnes primitives & les fécondaires , p. <;?%. Conféquences théoriques de ce phénomène, p. 729. L'interpofltion de ces Grès ne détruit pas la liaifon entre les différens ordres de montagnes , ibid. CHAP. XII. Recherches idtérieures fur les Granits, page ^30. Débris de Roches primitives des environs de Valorfine, p. ^30. Fragment de Granit foudé avec une Roche feuilletée, p. 531. Defcription des montagnes d'où venoit ce fragment, ibid. Granit qui s'eft formé dans les fentes d'une Roche feuilletée, p. ^32. Conféquence de ce phénomène , p. ^3 3. Obfervation fcmblabîe faite à Lyon , p. ^34. Obfervation analogue faite à Semur, p. s 3Ï- Réfultats de nos obfervations fur les Granits , p. ^36*. Les Granits font difpofés par couches, p. 537. Ces couches ne font pas toujours diftinctes, ibid. Pourquoi, ibid. Les Granits ne renferment point de corps marins, p. 5 39- Mais les Roches feuilletées n'en renferment pas non plus , ibid. Et les fécondaires les ,;plus anciennes n'en renferment que peu ou point, ibid. Conjectures, p. $"40. fin de U Table du premier Volume. —111——....................■■uni 11 ■ ■■iim—iiiubii lin mi ..... mil.....m...........im mil 11 ERRATA. Page <" dans la note , ligne 1 Factio , lifez Fatio. idem, ligne 8 > dans un fécond volume , lifez à la fin du fécond vol. Page 21 lig- 14 fes héritiers m'en ont fait parvenir, lifez ce que fes héritiers me remirent, Page tVî lignes pénult. & dernière ,fa direlïion eft au Nord, lifez fa dire&ion ejl du Nord au Midi. La page qui fuit la 298 a été numérotée 297, lifez 299. Page 3^,1-9 > 2446" toifes, lifez 24.16. ESSAI EZ ESSAI SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES ENVIRONS DE GENEVE» .......m mu iiw^i'iutniWiiiiintiiii imii i i iiiiiiii iiinii '■mu i i t t m.....n, nm. .1__,.mi 'INTRODUCTION- §• i.Geneve par la fituation femblc faite pour infpirer le goût de l'Hiiloire Naturelle, La Nature s'y préfente fous 1'alpeeT: le plus brillant : elle y étale une infinité de productions différentes, un Lac rempli d'une eau claire & azurée , nn beau fleuve qui en fort,- des collines charmantes qui le ' A Z INTRODUCTION. bordent & qui forment le premier degré d'un amphithéâtre de montagnes, couronné par les cimes majeftueufes des Alpes; le Mont blanc qui les domine toutes , revêtu d'un manteau de ' glaces & de neiges éternelles traînant jufques à fes pieds ; le eontrafte étonnant de ces frimats avec la belle verdure qui couvre les coteaux & les baffes montagnes. Ce grand fpecta-cle ravit en admiration, & infpire le plus vif defir d'étudier & de connoître ces merveilles. Son termir §. 2. La fertilité du fol ne répond pas h la beauté de la n'eft pas fer- *» . • • , n • ■ . ri- n- i , . ... tiie. fituation; ce n elt point ce loi ingrat borne qui enrichit fes habitans ; c'eit une induftrie active, foutenue & animée par la liberté , qui verfe au contraire fes richeffes fur ce même fol, le couvre d'habitations agréables, & le force à produire tout ce qui peut fervir aux befoins , & aux commodités de la yie. Mais il eft g, 3. Mais en échange, & peut-être à raifôn de fa itérilité riche poui le - , n . Natuiaiiite. même, ce fol eft couvert d tin nombre de productions inte-relfantes. La vallée dans laquelle Genève eft fituée , bordée au Sud-Elt par les Alpes & leurs appendices , «Se au Nord-Otieft par la chaîne du Jura , concentre en été une chaleur affez grande pour produire des plantes & des animaux , qui ne fe trouvent communément que dans des climats plus méridionaux : 8c d'un autre côté pour peu qu'on s'élève fur les montagnes, on y trouve les végétaux & les infectes des pays les plus feptentrionaux. Hommes §. 4. Cette poGtion favorable à l'étude de la botanique , là botanique engagea le célèbre J. Bauhin à féjourner à Genève en r ^4. a attires à t ray j£ Naturalise le plus univerftl que l'Angleterre ait Genève. J ^ produit, vint palfer trois mois à Genève pendant l'été de iWfi INTRODUCTION. 3 & il a donné dans fes obfervations ( Rays Obfervations Topo-grapbical , moral , and Phjfwlo-ical ) , la lifte des plantes rares qu'il y avoit recueillies. Enfin M. de Haller que la botanique feule auroit immortalifé , fi la médecine , la phyfîologie & la poéfie, ne fe difputoient pas également cet honneur, s'arrêta à Genève en 1728 & en 1736" pour herborifer fur le Mont Saleve , & fur les fommités du Jura les plus voifines. de la ville. §. f. L'amateur d'Iclyologie trouve dans notre Lac & dans le Rhône quelques efpeces rares ; & l'Ornithologue rencontre %r ce même Lac , fur fes bords, & fur-tout dans nos montagnes , une grande variété d'oifeaux peu communs. §. f. Mais la branche de ITIiftoire Naturelle qui promet Lithologie, a Genève les fruits les plus rares , & les plus précieux , c'eft la Lithologie. Les bords du Lac, du Rhône, de l'Arve, les rues mêmes de la ville , font pavées d'une variété prefqu'in-finie de cailloux de tout genre. Les montagnes de Saleve & du Jura abondent en pétrifications ; & la pofition de la ville , à une diftance à-peu-près égale des Alpes de la Savoye, du Dauphiné & de la Suifle , facilite des incurfions fur toutes ces montagnes , auffi intéreifanres que peu connues. Je dois entrer dans quelques détails fur ces différens objets; le Voyageur Naturalise n'aimeroit pas à partir de Genève, fins avoir des idées plus exactes de fon Lac, de fes collines, de *es montagnes, & de leurs principales productions. ïclyologie. Ornithologie. CHAPITRE PREMIER. LE LA C DE GENE VE. lac Léman. §, 7, C^E Lac eft auili connu fous le nom de Lac Léman. CéTar dans fes Commentaires le nomme Lacus Lemannus ( de Belle Gallico 3 ( Chap. H & FUI. ) Sesavanta- Il mérite la célébrité dont il jouit, par fa grandeur, par la ■ ' ' beauté de fes eaux ; par la forme variée de fes bords découpés en grands fêlions couverts de la plus belle verdure ; par la forme agréable des collines qui l'entourent, & par les points de vue délicieux qu'il préfente : au lieu que la plus part des Lacs de l'Italie , qui pourroient lui difputer la prééminence , font bordés de montagnes efearpées, qui leur donnent un alpecl trille & fauvage. Sa fituation. §. g. Le Lac de Genève eft fitué à-peu-près au milieu d'une large vallée , qui fépare les Alpes du Mont Jura. Le Rhône en fortant des Alpes du Valais, à l'extrémité defquelles il a fa fource, vient traverfer cette vallée. Il y trouve un grand baflm creufé par la Nature; fes eaux remplilTent ce bafîin, & forment ainfî le Lac Léman. Là le Rhône fe repofe & fe dépouille du limon dont il étoit chargé. 11 fort enfuite brillant 6c pur de ce grand réfervoir, 6c il vient avec fes eaux limpides & azurées traverfer la ville de Genève. j . Ses dimen- §. 9. La longueur du Lac mefurée fur fa rive occidentale, depuis Genève jufques à Villeneuve , en paîfant par Verfoix & par le Pays-de-Vaud eft,fuivant M. Fatio, (0 de dix-huit Heues communes & trois quarts , maïs cette même diftance mefurée en ligne droite par-deifus le Chablais n'eft que de quinze lieues. Hijlmre de Genève, Tome II, p. 450. D'après les mefures qu'ont prifes Mrs. Mallet & Pictet, en levant leur carte du Lac, cette dernière diftance de Genève Villeneuve , en paflant en ligne droite par-deflus le Chablais, eft de 33 670 toifes de France , ce qui fait à-peu-près quatorze lieues & trois quarts de vingt-cinq au degré. Quant a la diftance de Genève à Villeneuve en panant par le Pays-de-Vaud , comme M. Fatio ne dit point s'il l'a mefurée en Aiivant toutes les finuofïtés du Lac , ou de promontoire en promontoire, on ne fait comment la vérifier. La plus grande largeur du Lac mefurée d'une rive à l'autre, entre Rolle & Thonon eft fuivant M. Fatio de 7200 toifes; Mrs. Mallet & Pictet , l'ont trouvée de 300 toifes plus grande, c'eft-à-dire de 75*00 toifes, ou de trois lieues & un quart. La plus grande largeur après celle-là eft entre Préve-renge & Amphion ; ces Meilleurs l'ont trouvée de 6933 toifes. §. 1 o. Le Lac a très-peu de profondeur auprès de la ville J?MC de t de Genève: „ à un quart de lieue de la ville, dit M. Fatio, le Travers. » Il y a un banc couvert d'eau en tout tems, qui traverfe le a> Lac d'un coté à l'autre, & qui s'étend jufques dans la fortic » du Rhône. Son bord fupérieur eft fitué entre le Cap de Ci) M. J. C. Fatio cb Duillïër, Citoyen de Genève , mathématicien , frère de l'Aftronome ami de Newton , adonne des remarques fur VEijhoire Naturelle des environs du Lac de Gcmve. Ces remarques qui forment un Mémoire de 2o;pages in-4*. font imprimées dans un fécond volume de VJlijioire de Genève t par Spon , édition de 17^0. J'aurai foin de les citer par-tout où j'en ferai ufage. „ Secheron & le defTous de Cologny; ce banc.......... eit en partie compofé d'une terre glaife fort molle , recouverte en quelques endroits d'un peu de fablon. Le bord du „ même banc le plus avancé dans le Lac , fe nomme le Tra- „ vers: HiJL de Gen. T. II, p. 461 ". Trois quarts de lieue plus haut le Lac devient beaucoup plus profond. Mais je réferve pour l'article fuivant , les expériences fur la profondeur & la température du Lac. XeRhAne §. n. Les eaux du Lac font parfaitement claires dans toute s eclaircit en t A traverfancle i°n étendue, excepté auprès de l'embouchure du Rhône. Ce fleuve quand il fe jette dans le Lac eft encore chargé des débris des montagnes & des terres qu'il mine & qu'il entraîne dans fa courfc rapide. Ces madères fe dépofent dans le Lac aux environs de l'embouchure du Rhône ; elles refluent même jufques dans le cul-de-fac qui termine le Lac auprès de Villeneuve , & elles y forment un fond de vafe qui eft couvert de rofeaux. AtterrîOe. „ Les fablons , que le Rhône charîe étant agités par les ment aunrès de Pembou- » vagues, font repoulies contre le rivage, lorfque fouillent Rhone.tlu » ^es vents d'Occident, compris entre le Sud & le Nord, & ,, ce rivage en reçoit chaque année un accroiflement confi-dérable. Dans l'année 1676" un perfonnage digne de foi, „ qui chalfoit fouvent près de cette embouchure du Rhône, „ m'alfura ( c'eft M. Fatio qui parle ) que les fablons avoient „ beaucoup augmenté le livage , & qu'ils avoient formé dans M le Lac , entre l'embouchure du Rhône & Villeneuve , dans 3, l'efpace de 50 ans, une bordure de terre longue de nalfé „ demi-lieue, Se large de plus de quarante pas. D'ailleurs on me montra un village nommé Prévallay ou Provallay , & 3J en latin Porttts Falejle qui fe trouve préfentement éloigné •» d'une demi-lieue du Lac, quoiqu'il fut autrefois fitué fur 5, fon bord ; parce que le Rhône & les vents ont formé « dans cet intervalle une plaine fablonneufe ". Hiji. de Gen% T. II, pag. 453. Ces mêmes fédimens paroiffent auffi avoir formé le fond de la vallée du Rhône depuis fon entrée dans le Lac jufques à Aigle & au-deflus ; car cette vallée eft parfaitement horizontale , compofée de lits parallèles de fable & de limon , peu élevée au-deffus du niveau du fleuve , & même encore imbibée de fes eaux, qui la rendent marécageufe. §. 12. Comme le Rhône relfort du Lac parfaitement lim- Les dépôts pide, & y biffe par conféquent les fables & les terres qu'il t^dvmT entraîne des Alpes , ces dépôts accumulés tendent à remplir combler le de proche en proche le -baflin du Lac. On pourroit déterminer l'efpace de tems qu'il faudra pour le combler entièrement. Il fmdroit pour cela calculer le nombre de pieds cubes d'eau, que le Rhône verie dans le Lac en différentes faifons, & la quantité de fédiment que contient dans ces mêmes faifons un pied cube de cette eau ; on auroit ainfi la fournie des fédimens que le Rhône dépofe dans une année. Si d'un autre côté on connoiifoit par des fondes répétées la grandeur ou la capacité du baflin qu'occupent les eaux du Lac , on verroit combien d'années il faudra pour le remplir. Pour procéder avec une exactitude extrême , il faudroit tenir compte des fédimens que le Rhône entraîne hors du Lac, lorfque de fortes bifes agitant les eaux jufques au fond, troublent celles du fleuve à la fortie ; mais on peut fuppofer que cette petite quantité eft compenfée par les matières que charient dans le Lac la Dranfe , le Vengeronla Verfoix & les autres ruiiTeaux qui s'y jettent. Variations §. 13. La hauteur des eaux du Lac n'eft pas conftamment teur de»3"" *a même ; elles montent communément depuis le mois d'Avril eauxduLac. jufques au mois d'Août, & bahTcnt depuis Septembre jufques en Décembre. La différence de hauteur eft communément de cinq à fix pieds. „ Eh 170s ( dit M. Fatio , Hifl. de Gen. T. II, p. 4.63 ) „ le Lac ne fut que médiocrement grand durant l'été ; néan-s, moins les eaux s'élevèrent proche du Travers , & vers la >9 première entrée du port de Genève, depuis le 18 de Mars, „. jufques au 17 d'Août, de cinq pieds & un pouce, par-„ deffus la hauteur qu'elles avoient dans ces lieux là l'hiver „ précédent , & elles ne s'élevèrent pendant le même tems „ que de 4 pieds, à trente-cinq pas au-deffous du grand pont ; ainfi dans l'efpace d'environ deux cent foixante & quinze „ toifes de France, le Rhône ajouta treize pouces à la pente „. qu'il avoit 5 mois auparavant dans le même intervalle.... Selon le calcul que j'en ai fait , il s'écoule du Lac en „ été du moins huit fois, & certaines années, plus de dix ,j fois autant d'eau qu'en hiver". Caufes de §. 14. La raifon de cette différence eft fort fimple : la hau-icnce. tenr du Lac dépend de la quantité d eau que le Rhône y verfe ; le Rhône & toutes les rivières qui s'y jettent ont leur fource dans les Alpes ; or fur le haut des Alpes il ne pleut prefque jamais en hiver ; toute l'eau qui y tombe alors def-cend fous la forme de neige & s'arrête fur le penchant des fommités iommités ou dans les hautes vallées : il fuit de là que les rivières qui defcendent des Alpes , ne font entretenues en hiver, que par les fources, par les pluies qui tombent dans les baffes vallées, & par la petite quantité de neige que la chaleur intérieure de la terre fait fondre, là où elles ont une grande épaiffeur. En été au contraire, ces rivières s'enflent, non feulement des pluies qui arrofent toute l'étendue des montagnes, mais encore de la fonte de la plus grande partie des neiges qui s'étoient accumulées pendant l'hiver fur ces mêmes montagnes. & h, Le Rhône ne conferve pas loïig-tems la limpidité .Tondiez de ... j r- l'Arve avec qu'il a en forçant du Lac. A un quart de lieue de Genève, le Rh6ne. après que ce beau Fleuve a arrofé de fes eaux encore pures, les jardins qui font au deflbus de la ville , la rivière ou plutôt le torrent de l'Arve, qui defeend des hautes Alpes voifines du Mont Blanc, vient avec iinpétuoftté mêler fes eaux bourbeufes à celles du Rhône : celui-ci femble vouloir éviter ce mélange, il fe range contre la rive oppofée, & l'on voit dans un long efpace, fes eaux bleues & pûtes couler dans un anime lit, mais féparées des eaux grifes & troubles de l'Arve. §. 16. L'Arve eft fujette à des crues fr.bites & confidé- Eaux du tables : on l'a vue quatre fois s'enfler à un tel point, que ^ ue pouvant pas s'écouler affez promptement entre les collines j^J*9 dc qui la refferrent au deffous de fa jonction avec le Rhône, ?es eaux du torrent refluèrent dans le lit du fleuve , le forcèrent à remonter avec elles contre le Lac , & firent tourner a contre-fens les moulins conftruits fur le Rhône. Ce fingulier Phénomène a été obferve le 3 Décembre 1^70, le 21 Novembre iSfi 9 le 10 Février 1711, & le 14 Septembre B 1733. On peut voir les détails de celui de 1711 , dans les remarques de M. Fatio, Hifi. de Gen. T. Il, p, 464. Il y a eu d'autres grands débordemens de l'Arve , mais ceux que je viens de citer font les feuls dont on ait con-fervé la mémoire , & dans lefquels le Rhône ait été. contraint de remonter vers là fource* Celui du 26 Octobre, de l'année dernière 1778, dont je parlerai plus bas , fufpendit à la vérité le cours du Rhône, & rendit fes eaux ftagnantes pendant quelques momens, mais ne le fit pas rétrograder. Pourquoi ce L'extrême rareté de ce phénomène vient de ce qu'il faut, phénomène ' ^ eft fi rare. pour qu'il ait lieu, que l'Arve s'enfle confidérablement, & que dans le même tems le Rhône foit très-bas. Car fi les eaux du Rhône font hautes, elles ne permettent pas que l'Arve reflue dans fon lit. On a vu des débordemens de l'Arve plus grands que ceux dont je viens de donner les dates, par exemple celui du 23 Juin 1673 : ce débordement retarda à la vérité le cours du Rhône, mais ne le fit point remonter, parce que fes eaux, qui étoit hautes alors, réfifterent à celles de l'Arve. On comprendra que le concours d'un débordement de l'Arve avec l'abaiffement du Rhône doit être très-rare, fi l'on conlidére que ces deux rivières tirant toutes leurs eaux de la même chaîne de Montagnes , les mêmes caufes générales les font croître & décroître dans les mêmes fufons. Il faut quelque circonftance très-extraordinaire ; par exemple un vent de midi très-chaud, qui fouffle dans le cœur de l'hiver fur le haut Faucigny, & qui fonde tout à coup une quantité de neige a ou qui verfe des torrens de pluie fur des Montagnes qui, même au printems & en automne -, ne reçoivent ordinairement que des neiges. Cette confidération doit pourtant être modifiée par la fuivante, c'eft que lors même que les montagnes qui verlent leurs eaux dans le Rhône , recevroient, comme celles de l'Arve & en même tems qu'elles , des afEuences d'eau considérables , l'accroiflement du Rhône, à Genève & au deffous, es feroit jamais auffi prompt que celui de l'Arve -, parce que h Rhône ne peut pas s'élever à la fbrtie du Lac, qu'il n'ait premièrement élevé toute la furface de ce grand baffin ; au tëeù que l'Arve, qui n'a fur fa route aucun réfervoir à remplir, peut s'enfler en très-peu de tems. (i) §' 17. L'eau de l'Arve , lorfqu'en fe repofant elle -s'eft - Pureté de ,, l'eau de dépouillée du limon qu'elle charie, eft une des eaux de ri- l'Arve. viere les plus pures que je connoiïTe. Celle du Lac & du Rhône , quoique plus pure que Peau des fontaines les plus renommées de nos environs, l'eft pourtant moins que celle de côtoyé les jardins, & l'angle eft redevenu très - oblique. Des changemens analogues peuvent être arrivés dans tous les tems , & avoir occafioné une influence plus ou moins grande de l'Arve fur le Rhône. Il conviendroit d'y faire attention pour tâcher de maintenir cet augle à-peuprès tel qu'il eft aujourd'hui M. J. TREMBLE Y , à qui l'on doit ces obfervations , les communiqua l'année dernière à M l'Abbé FKisi, lorfqu'il pafta à Genève , & ce favant Mathématicien fi connu par fes ouvrages fur le cours des fleuves j fut vivement frappé de leur jufteife & de leur importance. U ) L angle fous lequel les deux couvris f« joignent, doit auffi influer fur Faction qu'ils exercent l'un fur l'autre. Plus cet angle eft grand , plus l'Arve heurte le Rhône de front , plus auffi «de déployé de force pour le faire remonter. On a obferve que cet angle varie, h y a douze ou quinze ans que l'Arve c^toyoit de très-près le coteau de la Batte , & venoit fe mêler au Rhône très-obliquement. Enfuite une partie de fes eaux fe fit jour au travers du fable, & f«rma un bras qui -entrait dans le Rhône, f°us un angle qui approchoit beaucoup Plus de l'angle droit. Enfin l'Arve a «>rce de ronger;, s'eft creufé un Ht qui 12 L E L A C DE GENEVE. Chap. I. l'Arve. Je m'en fuis convaincu par des épreuves chymiques. Cailloux & jg. la nviere d'Arve eft intéreflTante pour le Lithologifte or de l'Arve. ° par la variété & la beauté des cailloux qu'elle charie. L'or qui fe trouve mêlé dans fon fable, la rend d'un intérêt encore plus général. Comme nous la côtoyerons jufques à fa fource, je ne m'y arrête pas davantage, & je reviens à notre Lac. Elévation cl n Lac au §. 19. M. de Luc a rendu aux Phyilciens de la Suilfe deffus delà l'important fervice de déterminer , à l'aide du baromètre , l'élévation du Lac de Genève au deffus du niveau de la Méditerranée. Il a trouvé que cette élévation eft de 187 toifes |. ou de 1126 pieds de France, dans le tems où les eaux du Lac font les pins hautes. {Recherches fur les modifications de Vathmofphere , T. II. §. 648. ) M.. Fatio , d'après une eftime conjecturale de la pente du Rhône, avoit jugé que le Lac devoit avoir 42 6 toifes d'élévation au deffus de la Méditerranée. Hifi, de Gen. T. II, p. 458. Flux & 20. Outre la crue régulière des eaux en été, on voit féicbes du quelquefois dans des journées orageufes, le Lac s'élever tout à coup de quatre ou cinq pieds, s'abaifier enfm'te avec la même rapidité & continuer ces alternatives pendant quelques heures. Ce phénomène connu fous le nom de Seiches, eft peu fenfible fur les bords du Lac qui correfpondent a fa plus grande largeur ; il l'eft davantage aux extrémités, mais fur-tout aux environs de Genève, où le Lac eft le plus étroit. HypotHefe ^ 2T ^ Fatio attribuoit ce phénomène à des coups de M. tA- r tiq. de vent du Sud. Il fuppofoit que rimpulnon du vent comprime les eaux fur le banc de fable qui barre le Lac au deffus de la fortie du Rhône (§. 7), & que ces eaux font ainfi refoulées & accumulées au-delà de ce banc, jufques à ce que le vent ne pouvant plus les retenir, elles reprennent leur niveau après de grandes ofcillations. Eift. de Gen. T. II, p. 463. §. 22. Feu M. Jallabert a donné fur les feiches, un Hypothefe-mémoire qui a été inféré dans ïHift. de ÎAcad. Roy. des fcicnces labert^* pour l'année 1741, p. 26. Là M. Jallabert réfute l'explication de M. Fatio , en obfervant „ qu'elle ne peut point » s'accorder avec les feiches qui arrivent en temps calme, 53 comme on l'a fouvent remarqué ".. Il obferve enfuite , que. ce phénomène fe voit ordinairement dans des temps chauds, & que cette chaleur doit augmenter la fonte des neiges. Il fuppofe donc que la rivière d'Arve enflée par ces neiges fon* dues, retarde le cours du Rhône, & fait haulfer non-feulement le Rhône, mais encore l'extrémité du Lac, de laquelle il fort. Quant aux feiches que l'on voit à l'autre bout du Lac vers l'embouchure du Rhône, M. Jallabert les attribue à l'augmentation des eaux de ce fleuve , produite auili par. la. fonte des neiges* §. 23. Mais comme on a obferve des feiches qui n'ont Réfutât™!- de cette Liy. point été précédées par des coups de vents, de même auffi pothefe» on en a vu fréquemment qui n'ont point été accompagnées d'un débordement, ni même d'une enflure fenfiblc des eaux de l'Arve. J'obfervai moi-même le 3 Août 1763 , une des friches les plus confidérables que l'on ait vues, Dans une des> ofcillations l'eau monta de quatre pieds, fix pouces, neuf lignes-en dix minutes de tems ; & cependant la rivière d'Arve n'avoit point éprouvé d'accroiflement fenfbie. On peut voir, cette obfervation dans IH/Jl. dcJ'Jcad.pour hiih 1763,p. i&. 14 L E L A C D E GENEVE. Chap. f. Et réciproquement, on voit des changemens très-brufques & très-grands dans la hauteur de l'Arve, fans qu'il en réfulte des feiches. , Le 26 Octobre de l'année dernière 1778, après des pluies abondantes & un vent chaud, l'Arve en peu d'heures s'enfla à un point où on ne favoit pas vue depuis 1740. Le cours du ■Rhône en fut retardé, & lès eaux haufferent à proportion de celles de l'Arve ; le Lac s'éleva auîH , mais par gradations, & fuis aucune de ces ofcillatiotis rapides qui caracrérifent les feiches : fon décroilfement fe fit avec la même lenteur, quoique celui de l'Arve eut été très-rapide. Le 26 Octobre après midi, j'avois marqué le plus haut point où ce torrent fe fut élevé, '8c j'avois auffi noté le point où étoient les eaux du Lac dans le même moment. Le lendemain matin, je trouvai l'Arve baiffée de trois pieds , tandis que la furface du Lac n'avoit defeendu que de fix lignes. Si l'on réfléchit à l'étendue du Lac en comparaifon de l'Arve, on comprendra que les eaux d'un auffi grand réfervoir ne peuvent fuivre que -de loin 8c avec beaucoup de lenteur les variations de ce torrent. §.'24. M. Bertrand , ProfelTeur de Mathématiques a Genève,1 a réfuté complettement toutes ces hypothefes, & il a donne une explication très-ingénieufe de ce phénomène, dans un dlfcours qu'il a prononcé dans une de nos folemnités académiques. Il fuppofe que des nuées éleclxiques attirent & foulevent les eaux du Lac , & que ces eaux en retombant enfuite , pro-duifent des ondulations, dont l'effet eft, comme celui des marées, d'autant plus feniîble que les bords font plus refferrés. §. 2f. Je crois auffi que des variations promptes & locales dans la pefanteur de l'air, peuvent contribuer a ce phénomène lions de h 8c produire des flux & reflux momentanés, en occafionant des rair peuvent prenions inégales fur les différentes parties du Lac. iesfdchts! §. 26. Le Lac dans fes grandes profondeurs, a prefque fond du ai .Lac. partout un fond de vafe très-fine, prefqu'impalpable , mélangée d'argille & de terre calcaire. Mais les bords lavés par l'agitation des vagues, montrent à découvert le fable, le gravier & les cailloux roulés qui forment vraifemblablement, même Par - deffous la vafe, le fond de la plus grande partie du Lac. §.. 27. Ces fables & ces cailloux font ici libres & roulans , Cailloux & ••tv rochers ailla réunis fous la forme de grès ou de poudingues. Les rochers peiles dans 8c les écueils qui relient cachés au deffous des eaux, ou qui le Lac- s'élèvent au deffus de leur furface, ne font point adhérens à Ce fond & n'en font point originaires. Ils y ont été tranipoités par les eaux & viennent même de Montagnes très-éloignées. Ainli le rocher qui eit à l'entrée du port de Genève , & qui porte le nom de Lierre à Niton-, par corruption du nom de Neptune auquel il fut anciennement con&cré , eft un granit qui ne peut venir que des hautes Alpes éloignées de là de dix lieues au moins, en ligne droite. On voit en différens endroits du Lac,. d'autres rochers plus ou moins, grand», qui font auffi des blocs roulés..de granit, de roche, de corne , de roche feuilletée, ou de quelqu'autre roche primitive. §. 28. Le fond du Lac eft trop pur 8c fes eaux trop claires Puiffirnsdu Pour qu'il foit très-poiffonneux ; mais en revanche auffi, les poilfons qu'on y pêche font (alubres & plein de faveur. Nos Truites ( Salmotrutta L. ), (O nos Ombres ( Salmotbymallus L. ) => (0 Comme la nomenclature du Chevalier de linne, eft prefqu'univeifel- 16 LE LAC DE GENE V E. Chap. L nos Perches (Perça fiuvlatiUs L. ) font fi renommés qu'on profite des froids de l'hiver pour en envoyer à Paris & même jufques à Berlin. Le Fera ( Fvilhtgby. p. 18O eft auffi un poilTou excellent dans fon genre, mais trop délicat pour fupporter le tranfport. On le pêche en été fur le Travers ou fur ce banc de fable qui coupe le Lac près de Genève , entre Cologny & Sccheron. Ce poiiïbn fe nomme à caufe de cela Fera du Travers. La Plâtre, que je croirois être le Salmo Lavaterus de Linné elt plus large & plus applatie que le Fera ordinaire Se lui reffemble d'ailleurs beaucoup ; elle vit dans le golphe de Thonon & fe pêche rarement ailleurs. Les autres pouTons de notre Lac font à-peu-près les mêmes que ceux des autres Lacs de la Suiffe. Gifeaux §. 29. Les oifeaux les plus rares qui vivent fur notre ci, du Lac. £aCj font la Grèbe ( Colymbus crifiatus £. ); fes plumes d'un blanc argenté donnent une fourrure très-précieufe; le petit Lorgne ( Colymbus Lmmer Z. ) , le grand Lorgne , " Colymbus areîkus , le Colymbus urniator, Se d'autres efpeces du même genre qui ne font pas bien connues; la Guignette ou petite BécaiTuie du Lac ( Tringa hypoleucos) ; on la prend au mois d'Août fur des gluaux piqués au bord du Lac, en la rapel-ïant avec un appeau; le Courly (Scolopax arquata) ; le Crenet ou petit Courly ( Scolopax phaopus ), l'Echaife ( Chamdrius kment adoptée pour la Botanique & la Zoologie , j'employerai toujours dans ces ceux branches de l'Biftoire Naturelle, les noms génériques & triviaux de ce favant Naturalise, je ne citerai d'autres Auteurs que dans les cas où les Plantes & les Animaux dont je voudrai parler, auront été inconnus ou mal décrits par ce célèbre nomenclateur. Il y a , par exemple , un grand nombre de plantes des Alpes, dont il n'a eu qu'une connoifTance imparfaite, & que je defignerai parles numéros def Hijloria fiirpium ittrfiyena-rum Hdvctîa ?. volumes folio, 1768. Ouvrage de M.Haller , vraiment digne de ce grand homme. hiwantopus) I E L À C DE GENEVE Chap. L tf Ûimantopus); le rare & beau Courly verd ( Tantalus falcineU lus L.) diverfes efpeces de Chevaliers, de Plongeons, une grande variété de Cauards, Notre Lac ne nourrit que des oifeaux ou de rivage ou tout à fait aquatiques ; & non point des oifeaux de marais ; parce qu'excepté vers l'embouchure du Rhône, il n'y a point de marais fur les bords du Lac: ces bords font par tout aiîez rapides pour qu'il n'y ait ni bas fonds, ni eaux ftagnantes ; & lors même qu'elles baiffent au mois de Septembre, elles ne lait, ftnt aucun réildu qui puiffe altérer la pureté de l'air. §. 30. Genève , bâtie fur les bords du Lac & du Rhône, Se Situation de fur le penchant & la fommité d'une colline élevée de quatre- Geneve* vingt à quatre-vingt & dix pieds au deffus de leur niveau, jouit de la vue & de l'ufage de ces belles eaux, & refpire un aie vif & pur. Les vents domïnans , font le Nord-Eft & le Sud-Oueft, parce Vents do, que les Montagnes qui renferment notre vallée, contraignent ramdnb' les vents à prendre leur direction. Le climat eft un peu plus froid que celui de Paris, quoique Climat, Génère foit de deux dégrés & trente huit minutes plus méridionale. Ce font les neiges des Montagnes & l'élévation du fol, qui produifent cette différence. QyAND à l'inconftance du climat, dont on fe plaint beaucoup à Genève, cette plainte eft fi générale dans tous les pays fitués au deffus du 43 ou 44 degré de latitude, que je ne crois pas qu'il y ait r[m particulier à notre pays. C CHAPITRE IL DE LA PROFONDEUR ET DE LA TEMPERATURE DES EAUX DU LAC. toute fon étendue ; on vérifie fréquemment cette régie générale , que les eaux font les plus profondes auprès des côtes les plus hautes & les plus efcarpées. MM. Mallet & Pictet, en levant leur carte, ont fondé le Lac en divers endroits ; leurs fondes font marquées fur la carte ; mais comme leur but principal ne pennettoit pas qu'ils s'éloignaifent des bords, ils n'ont point rencontré les plus grandes profondeurs. Curieux de connoître ces profondeurs & de faire fur la température de notre Lac, les épreuves qui ont été faites fur celles de la mer par d'autres Phyficiens ; nous avons fait , M. Pictet & moi , dans le courant de cet hiver 1779,. deux voyages defiinés uniquement à ces épreuves. Première 3 2> rjgjA en 1767, j'avois éprouvé la chaleur du fond épreuve fur " J ' ' J ^ h chaleur du du Lac avec un thermomètre de M. Micheli., dont je don-lierai bientôt la defcription. tion. Introduc- du Lac n'eft point la même dans Voici les détails de cette Expérience. Pendant les quatre jours qui précédèrent celui que je def-tinai à cette épreuve , qui étoit le 13 d'Août, le foleil avoit c'cé très-vif, fans vent & fans nuages. Le jour même étoit calme , mais le foleii fe cachoit par intervalles derrière de petits nuages blancs. L'eau du Lac paroilToit parfaitement azurée & tranfparente. Le Thermomètre plongé au fond du Lac, à 82 pieds 6 pouces de la furface , vis-à-vis la pointe de Genthod, à 15 o pas du hord; après être demeuré là depuis 10 h. 20 m. du matin, jufques à n h. 20 m. fe trouva à 2 \ de Micheli, 12 ^-de h divifion qui porte le nom de Reaumur. Jugeant qu'il n'avoit pas féjourné allez longtcms pour prendre exactement la température de l'eau, je le replongeai au fond, & l'y laif-fai jufques à 3 h. 1 f m. : Ce qui faifoit en tout 4 h. 5 î m. Je le trouvai alors à j} de la divifion de Micheli , ce qui cor-refpond à to| du thermomètre commun de Mercure. Un autre thermomètre de Mercure , plongé dans l'eau à un pied au deffous de la furface , fe tenoit à dix heures & demie, à 18 degrés & | ; & à 3 heures \, à 20 degrés \ de Réaumur. Le même thermomètre , fufpendu dans l'air à un piod au deffus de l'eau, fe tenoit à dix heures & demie, à 22: dans un moment où le foleil fe cacha, il defeendit à 20; mais à trois heures & un quart, il étoit à 23, même à l'ombre. Je croyois avoir fait cette expérience avec une exaditude mffiflmte; mais de nouvelles épreuves faites fur ce même thermomètre , m'ont prouvé que les cinq heures pendant lef-quellcs je l'avois laiffé au fond du Lac, ne fufhïoient pas pour lui faire prendre exactement la température de l'eau; enforte C 2 qu'il eft indubitable qu'il feroit defcendu plus bas, fi je Pavois laiffé trois, heures de plus, comme cela auroit été convenable. Epreuves de §. 33. MM. Mallet & Pictet fe trouvant fur le Lac & Pifttetfauprès du Château de Grillon, le 6" Août 1774 , plongèrent à la profondeur de 312 pieds, un thermomètre de Mercure, renfermé hermétiquement dans un tube de verre ; & ils le trouvèrent au fortir de l'eau à %\, quoique la température de la furface fut de 15 , & celle de l'air de plus de 20 degrés. Cette obfervation. eft bien remarquable , puifqu'elle prouve que le fond du Lac étoit dans cet endroit plus froid que les caves de l'obfervatoire, dont on regarde communément le degré de chaleur, comme la température moyenne de notre globe. Car M. De Luc a trouvé par des recherches très-exactes , que la chaleur confiante de ces caves répond à. 9 degrés f. du thermomètre commun, ce qui eft 1 degré ~ de chaleur s de plus que ces Meilleurs n'avoient trouvé au fond du Lac. Et même le thermomètre qu'ils employèrent, n'étant que très-imparfaitement garanti de l'action de l'eau plus échauffée qu'il travcrfoic en remontant, il eft très-vraifeniblable qu'il perdit une partie de la fraicheur qu'il avoit contractée dans le fond ; enforte que la température de ce fond étoit au deffous des huit degrés & demi que le thermomètre montra en for-tant de l'eau. projet d'ex- §. 34< Persuadas que' ces recherches font de la plus grande pénencçs . . ^ r 0 plusexafles. importance pour la Théorie de la Terre, nous réfolûmcs de ne rien négliger pour conftater, de la manière la plus précife h chaleur de l'eau du Lac & fes variations , à différentes profondeurs & en différentes faifons. Le mois de Janvier de cette année i779> ayant été chez nous continuellement froid, fans un feul moment de dégel, le commencement de Février paroiffoit un moment très-favorable Pour juger de la chaleur de l'eau, après que le froid auroit agi continuellement fur elle pendant un efpace de tems considérable. Nous nous difpofâmes donc à faire dans ce tems & nos premières expériences, §• 3 s- Feu M. Micheli du Creft, connu par fa méthode d'un Grand Ther-thermomètre univerfel, m'avoit donne par fa dermere volonté , employé ies inftrumens relatifs à la conftru&ion des thermomètres , & j™!"! les thermomètres déjà conftruits, qui fe trouveroient à fon décès. Ses héritiers m'en ont fait parvenir une partie , & entr'autres Un thermomètre d'efprit de vin, qu'il nommoit le Thermomètre pour les Puits y parce qu'il l'avoir, deftiné à faire des recherches fur la température de Peau dans, les puits les plus profonds.. La boule dé ce thermomètre a treize lignes & demie de diamètre , & elle eft renfermée, de même que fon tube, dans un étui de bois de noyer maffif , qui , lorfqifil eft fermé enveloppe de tous côtés le thermomètre, & le fépare des corps environnans par une épaiffeur en bois d'un pouce & demi. M. Micheli avoit divifé ce thermomètre fuivant fa méthode . mais comme nous voulions rapporter toutes nos expériences au thermomètre commun, M. Pictet, en, biffant fubfifter d'un côté du tube la divifion de M. Micheli, a tracé de l'autre côté la divifion qui donne des degrés cor- refpondaas aux variations du Mercure dans le thermomètre commun , fuivant les principes de M. de Luc. Ainfi la marche de ce thermomètre d'efprit de vin , confidérée fur cette nouvelle échelle, correfpond parfaitement à celle du thermomètre deMcrcure. Ce qu'il faut §• 3 6". Le thermomètre de Mercure auquel je donne *Th*rmome- Câpres M. de Luc, le nom de Thermomètre commun, eft m commun. ceiL1i qlu- p0rte prefque par tout le nom de M. de Reau-mur : dans ce thermomètre , le terme de la congélation ou de feau dans la glace, eft marqué o, Se celui de l'eau bouillante 8o. Ici à Genève, nous prenons pour marquer le terme de Peau bouillante , Je moment où le Baromètre eft à 27 pouces. Mais , comme j'ai obferve que la forme Se la grandeur du vafe dans lequel on fait bouillir l'eau, & la profondeur à laquelle on plonge le Thermomètre dans ce vafe, influent ■fenfiblcment fur le degré de chaleur qu'il prend dans l'eau bouillante ; & qu'enfin l'intenfité même de cette cbullition eft variable , j'ai cru devoir déterminer toutes ces circonftances. J'employe une bouilloire de fer blanc , exactement cylindrique , de huit pouces de hauteur fur quatre de diamètre intérieurement : je la remplis d'eau jufques à deux pouces du bord, je tiens le bas de la boule du Thermomètre enfoncé jufques à deux pouces au-deffous de la furface de l'eau & j'échauffe cette eau affez fortement pour qu'elle forme en bouillant une écume qui, fans furverfer , rempliffe entièrement la bouilloire. Tems né-cc(Taire au ?,raud ^Tncr. §. 37. Je voulus enfuite m'aifurer du tems qu'il falloit au grand Thermomètre de M. Micheli , pour prendre, la montant. température de l'eau dans laquelle on le plonge. Je trouvai ™°™««dre que lorfque fa chaleur étoit de 8 degrés ~, & que je le tenois la tempéra- i t ^ -i. j turede l'eau. au fond d'un grand réfervoir dont la température etoit de 3 degrés J, il lui falloit 8 heures pour prendre exactement la température de cette eau. §. 3 8. Cette épreuve ne fuffifoit pas , il falloit encore Changement , qu'il eprou- s'aflurer du changement qu'éprouveroit ce Thermomètre lors ve en re-qu'après avoir acquis dans le fond du Lac un certain degré de chaleur, il traverferoit en remontant des eaux d'une température différente. Dans une épreuve que j'avois faite précédemment , dans la même vue & fur ce même Thermomètre, j'avois cru m'ap-percevoir qu'en paffant au travers d'une eau d'une température différente de la fienne, il en changeoit plus prompte-riient qu'il n'auroit dû le faire. J'attribuai cet effet à l'eau qui pénétrant par les joints de l'étui du Thermomètre, arrivoit jufques à la boule & l'affectoit avec force. Four obvier à cet inconvénient, j'enveloppai le Thermomètre d'un linge épais qui faifoit cinq révolutions autour de fon étui , & je rattachai ce linge au deffus & au deffous de lui. Cette précaution le rendit beaucoup moins fujet à varier, & dès lors je l'ai employée dans toutes les épreuves que nous avons faites fur kt température des eaux profondes. Apres avoir ainfi enveloppé le Thermomètre, dans un mo-nient où il étoit à 6 degrés \, je le plongeai dans l'eau d'un grand réfervoir , dont la température moyenne étoit de 2 degrés i, & je l'agitai dans cette eau avec une viteffe qui lui faifoit parcourir environ 130 pieds par minute. Au bout de 5 minutes, je le trouvai defccndu à 4 degrés \. 11 avoit donc perdu z degrés \ de chaleur, en parcourant 6+ o pieds avec la vîteffe que je viens de déterminer. ne la vîtefle §. 39. Lorsque ce même Thermomètre avoit été tenu- avec laquelle on doit reti- tranquille au fond de l'eau, il lui avoit fallu une heure entière memetre/*" Pour varier feulement de z degrés |; je crus devoir conclure de là, que la rapidité du mouvement augmentant la preffion des particules de l'eau contre le Thermomètre, faifoit varier la température plus qu'un mouvement plus lent, lors même que la lenteur de fon mouvement prolongeoit le tems de fon féjour» D'après cette conjecture , j'employai une efpace de terne double , c'eft - à - dire 10 minutes, à faire parcourir au Thermomètre ce même efpace de 6"fo pieds, & alors, au lieu de varier de z degrés \ il ne varia plus que d'un degré |. Mais il ne faudroit pas étendre & généralifer inconfidérément cette obfervation. On doit comprendre , que fuivant l'épaif-feur & l'imperméabilité des enveloppes qui garantirent un Thermomètre de l'action du fluide qui l'entoure , il y a un certain -degré de vîtefle, qui donne la plus petite' variation au travers d'une épaiffenr donnée de ce fluide , & que cette vîteffe doit être plus grande lorfque les Thermomètres fon# moins garantis. On verra bientôt ce raifonnement confirmé par une expérience, §. 40. Outre le grand Thermomètre que je viens de décrire , nous en employâmes un autre qui elt auffi d'efprit de vin , & de la conftrudtion de M. Micheli , & auquel Ml Pictet adapta comme au précédent, une divifion correspondante au* variations Second Therrhorae. t: c. D E S EAUX DU t A C. Chap. 17. *f variations du Mercure. H eut auffi la précaution de vérifier les points fondamentaux de la divifion, comme il l'avoit faits pour le grand thermomètre. Mais nous renfermâmes celui-ci dans une bouteille de verre remplie d'eau. Daïîs cet état il lui falloit environ une heure & trois quarts 'Pour fe mettre à la température de l'eau , dans laquelle on le plongeoit, lorfqu'elle ne différoit de la fienne que de fept à huit degrés. §. 4L Je pris enfin un tuyau cylindrique de cuivre d'un ^roîfiewj Pied de hauteur, fur trois pouces «fe demi de diamètre. J'y trerenferma as ajouter deux foupapes, l'une au haut & 1 autre au bas. tuyau de Ces foupapes s'ouvrent l'une & l'autre de bas en haut, en- Pon'*?c-forte qu'elles lanTent entrer l'eau lorfque le cylindre defeend, & fe ferment l'une & l'autre très-exactement quand il remonte. Ainli cet inftrument plongé dans les eaux profondes, fe remplit de celles du fond , & les rapporte à la furface. Nous -logeâmes dans l'intérieur de ce cylindre un thermomètre de Mercure, renfermé dans un tube de verre, & divifé très-exactement par M. Pictet. Le Capitaine Phipps & M. Forster , s'étoient déjà fervï d'une femblable machine ; mais il eft à regretter qu'ils n'ayent fait aucune épreuve, pour juger des changemens que l'eau qu'elle renferme peut éprouver en traverfant du fond à la furface des ^ux d'une température différente. §• 42. D'après les épreuves que je fis fur cette pompe, Comparai. « r , fon ue cq >* fur le thermomètre renfermé dans la bouteille, je trouvai thermome, ^e ces deux inltrumcns étoient beaucoup plus affectés par la D tie. température de l'eau qu'ils traverfent, que le grand thermos mètre ( §. 3 5". ) renfermé dans un étui de bois. Car le. thermomètre en bouteille étant à huit degrés-|, je l'agitai dans lè même réfervoir dont j'ai déjà parlé , & dont; 1| température étoit deux degrés*;, & je lui fis parcourir en-, viron fix cent cinquante pieds, dans fept minutes |, vîtefle que je jugeai la plus favorable à la confervation de fa chaleur, & il defeendit à quatre, degrés ce qui fait une va** riation de quatre degrés i . La pompe dans des circonflances à-peu-près femblables 9 perdit encore un degré de plus, quoique j'euffe eu la précaution de fixer les foupapes, pour que l'agitation ne fit pas échapper l'eau tempérée dont je Pavois remplie. . Et j'éprouvai que îoriqu'on empîoyoit dix minutes à lui faire parcourir ces fix cent cinquante, pieds, elle perdoit encore plus que quand on mettott la moitié moins de tems; expérience qui confirme ce que j'ai dit §. 3 9 > que Pour lcs thermomètres moins garantis de i'impreflïon du fluide environnant, le minimum de variation, correfpond à un plus grand degré de vîtefle. Je conclus .de ces deux épreuves, que ces deux derniers inicrumens ne doivent être employés qu'à des profondeurs médiocres, telles que cent ou cent cinquante pieds , ou lorfque la, température du. .fond, diffère très-peu de celle delà furface. Vrtmkï §• 43- Après nous- être ainfi affinés du degré de confiance HSvÏÏ que nous pouvions accorder à. nos initrumens? nous nous, dik-poiamci à e 11 faire ufage,, D ES EAUX D U L A Ç. Chap. ÎL On peut voir par l'infpection de la carte, que le Lac fe de h tempe, rétrécit confidérabiement en defeendant de Nyon , ou d'Ivoire )aa^e dtî jufques à Genève. Dans tout cet efpace qui eft d'environ quatre lieues, il n'a nulle part plus d'une lieue & un quart de largeur , au lieu qu'au delfus de Nyon il a une largeur double, & même plus que double, on appelle communément le petit Eue la partie étroite qui s'étend de Genève aux deux promontoires de Promentou & d'Ivoire, & le grand Lac, la partie plus large, depuis ces deux promontoires jufques à Villeneuve. La profondeur du petit Lac n'eft pas confidérable , elle n'excède nulle part deux à trois cent pieds , nous réfolûmes donc de faire nos épreuves dans le grand Lac. Pour cet effet ^ous allâmes le 6' Février de cette année 1779, nous embarquer à Nyon , & de là tirant droit au milieu du grand Lac, après deux heures de navigation , nous jettâmes la fonde, niais nous ne trouvâmes que trois cents pieds ; nous naviguâmes en avant encore une petite demi-lieue , & la fonde jettée de nouveau .s'arrêta à la profondeur de trois cent cinquante pieds. 'Comme cette profondeur n'etoit pas allez grande pour qu'il Vullut la peine de faire là l'expérience du grand thermomètre, nous revînmes fur nos pas après avoir éprouvé avec la pompe *eule , la température de cette profondeur. Cette pompe que nous retirâmes du fond, à la furface en deux minutes | rapporta de l'eau dans laquelle le thermomètre fe tenoit à quatre degrés l, tandis qu'à la furface elle fut conftamment à quatre |» Le thermomètre en plein air le matin à dix heures étoit k *rois degrés |, & le f0ir à trois heures, à cinq au delfus de . *a congélation, D 9 }R 0 FOND EUIC ET TEMPERATURE $e coud-voyage. §.. 44. Voyant que nous ne pouvions pas trouver de grandes profondeurs à cette proximité de Genève, nous réfolûmes d$ nous éloigner davantage & d'aller jufques à Meilîerie, où fuivant l'opinion générale 3 le Lac. eft le plus profond» Nous partîmes de Genève le n. Février à. fept heures du matin, nous arrivâmes à une heure après midi à Evian, oui nous.nous embarquâmes pour Meilîerie,, Nous trouvâmes feau à la furface a quatre degrés \ , exac~~ tement comme le 6 Février, Profondeur du Lac la plus grande connue, Nos batteîiers nous conduisent à la place où-ils■■•croyoicnt-que le Lac avoit la plus grande profondeur ; c'eft vis-à-vis du village de Meilîerie , environ à, huit cent.toifes du bord. Là nous fîmes defcendre le grand thermomètre de M. Micheli a, muni d'un.bon left. H s'arrêta à la profondeur de neuf cent cinquante pieds. Il étoit alors cinq heures & trois quarts. Nous nous déterminâmes à.lelaiffer palfer la nuit au fond du Lac, pour qu'il eut bien le tems de prendre la tempéra-, ture de l'eau, & comme il étoit impofïible de palier la nuit dans cette place doutant que les courans (1) nous faifoient dériver, nous filâmes , encore un peu de corde & nous erj attachâmes folidement l'extrémité à une planche. &. à un petit fceau.de fapin,pour pouvoir la retrouver le lendemain matin; Le thermomètre étoit, à la furface de l'eau a comme je l'ai dit h, quatre \?: & en .plein air à, 1 degré |, (î) J'appris .à cette occafion, &, de nos bateliers & de notre propre expérience , qu'il y a dans le* grand Lac ites courans abfolumcnt indépendant de. celui du Rhône, qui montent dans certains tems, & defcendçnt dans d'autres fans que l'en connoilfe. ieurs caufes, nf les périodes de.leurs 7a1.fotiQ.BSt.. Il étoit prefque nuit quand nous eûmes achevés, un brouillard épais redoubloit l'obfcurité & nous cachoit les bords ; flous eûmes befoin de la bouiToIe pour regagner Meilîerie y. où nous palfames la nuit dans un allez mauvais gite. Le lendemain à la pointe du jour, nous nous rembarquâmes pour aller relever notre thermomètre ; j'en étois fort inquiet, je craignois que des pêcheurs ne l'euifent enlevé pendant la nuit, où qu'un accident n'eut fait rompre la corde & djk Perfé nos fignaux. Ce fut pour nous un plaifir très-vif quand nous apperçûmes le petit fceau furnager , dans la même po? fition où nous l'avions laiffé.. Nous retirâmes le thermomètre un peu avant, huit heures ; enforte qu'il avoit paflé quatrorze heures dans le fond: nous employâmes dix minutes à le relever avec un mouvement doux & uniforme,.& nous le trouvâmes .exactement à quatre degrés ~. La température de la furface de l'eau étoit toujours de quatre celle de l'air étoit de deux \. Pour ne lailfer aucun, doute fur cette expérience, nous Rêpétïtîôirs cette mîmes le thermomètre en bouteille à la place du grand , & épreuve» nous le calâmes au fond de l'eau., où nous le laiffâmes pendant une heure & trois quarts. Nous le retirâmes enfuite en %>t minutes \, & il fe trouva auffi exactement à quatre degrés -(5. Ce thermomètre quoique moins bien garanti de Pim. prellion de l'eau qu'il traverfe en remontant, pouvoit être employé dans ce cas-ci ; parce que la différence entre la chaleur du fond &. celle de la furface, & des efpaces intermédiaires : étoit extrêmement petite. Température du Lac-dans fa plus ■ grande pro»-tondeur. Epreuves à §. 4Ç. Pendant que ce thermomètre étoit plonge dans ToforX'U's l>eauj nous milcs avec ^a PomPe deux épreuves, l'une à cent pieds de profondeur l'autre à deux cent cinquante, & nous y trouvâmes toujours l'eau comme à la furface à quatre degrés |, Nouvelle §• 4^. Enttisi pour écarter l'idée d'une fource fouterraine, f"c^eI*8" ou ^e qnelqù'autre caufe locale , qui eut pu affe&er les 1 thermomètres au fond du Lac, nous jugeâmes devoir répéter cette épreuve encore une fois, 8c dans un lieu différent. Nous nous limes conduire vis-à-vis d'Evian qui eu: à deux lieues au deffous de Meilîerie, 8c là à une demi-lieue du bord, nous trouvâmes le fond à fix cent vingt pieds de profondeur. Nous y plongeâmes deux thermomètres, le grand & celui qui étoit renfermé dans une bouteille , & nous les laiffâmes dans cette place depuis deux heures & trois quarts de l'après-midi , jufques au lendemain à fept heures du matin; nous mimes cinq ■minutes | à les retirer , 8c nous les trouvâmes tous deux à quatre degrés i, la furface étant toujours à quatre ~ & l'air à trois §. Epreuve à La veille dans le même endroit nous avions envoyé la pieds. p0mpe à trois cent cinquante pieds de profondeur, 8c elle avoit rapporté de l'eau dont la température étoit exactement de quatre degrés l. (Habitats de §• 47- fuit donc de ces expériences que la température £nîî?e" du fond du Lac, étoit au commencement de Février après un mpis de gelée, non interrompue entre quatre ^ & quatre ^, ou en prenant une moyenne quatre ^ : 8c qu'à cette même époque la chaleur de l'eau à la furface & même jufques h >j;ois cent cinquante pieds de profondeur étoit de quatr i 0 enforte que le fond étoit de j£ de degrés plus froid que le relie de la maffe, §. 48. Il y avoit donc alors une bien grande différence Différence; entre la température du Lac & celles des terres qui l'entourrent. Jreté™fr"2 terre & l'eau. Malgré quelques jours de dégel , la furface de la terre étoit encore gelée à plus d'un pied de profondeur: & par-oonféquent elle étoit au plus , au degré o du thermomètre. Dans le même moment, la furface du Lac avoit, fuivant nos obiérvations quatre degrés | de chaleur de plus.- Au contraire, à une profondeur d'environ quatre -ring-!; pieds , la terre avoit une température d'environ neuf degrés f; & le Lac à cette profondeur & même à de bien plus grandes encore , étoit comme à la furface à quatre degrés \ Se pat-conféquent de quatre degrés — plus froid que la terre, §. 49. Cette différence entre l'eau Se la terre tient à plu-- Raifortrcl* » v cette dùFé- - heurs caufes.. rence. D'abord les courans intérieurs Se les vents , agitant les eaux a une grande profondeur ,. mêlent fans ceffe celles du fond à-celles de la furface , les braffent pour ainfi dire, Se tendent tànfi à leur donner la même température. l'eau ne Mais indépendamment de ces -agens greffiers, la' différence peut ®c denfité entre l'eau froide Se l'eau chaude , fuiïiroit pour coup plus donner en hiver à-peu-près la même température, à une malle fôhTqu'à' la* dkau quelque profonde quel put être,.: ***** Car les premiers froids qui /agiffent fur la furface de l'eau condenfent les parties de cette furface , taudis que les parties intérieures confervent encore la chaleur qu'elles ont acquifes pendant Tété; celles de la furface devenues plus pelantes doi-vent donc s'enfoncer, tandis que celles du fond s'élèvent à raifon de leur légèreté. Celles-ci parvenues à la furface fe refroidhTent à leur tour, redefcendent, font remplacées par d'autres , & ainfi de proche en proche, il doit s'établir dans toutes la malle une température à-peu-près uniforme. C'est pour cette raifon que dans les épreuves qui ont été faites , tant fur le vailTeau du Capitaine Phïpps , que fur celui du Capitaine Cook , on n'a jamais trouvé l'eau confidérable-ment plus chaude au fond qu'à la furface. La plus grande différence que l'on ait trouvée en plus, a été de quatre degrés de la divifion de Farenheit ; qui ne font qu'un degré & | du thermomètre commun. Cette épreuve fut faite le i ? décembre 177s, par le cinquante-cinquième degré de latitude Sud: le thermomètre à la furface de l'eau étoit à trente degrés de Farenheit , & à cent braffes ou fix cent pieds Anglois de profondeur , il étoit à trente-quatre degrés de la même divifion. ( Voyez Obfervatiens de M. Forster , p. <$% ). §. $0. Quand au contraire, la chaleur de l'air extérieur furpaffe celle de l'eau, & qu'ainfi la furface devient plus chaude que le fond, la différence de denfité favorife la différence de température entre les eaux du fond & celles de la furface : celles-ci dilatées par la chaleur tendent à conferver la place la plus élevée , & celles du fond plus denfes & plus pefautes, tendent auffi à demeurer en bas. Les Mais elle peut être plus froide an fond- Les eaux du fond influent cependant fur la température de la furface, foit par les mouvemens dont nous avons déjà parlé f qui agitent & confondent les eaux de différentes profondeurs; foit même dans les tems calmes, par la communication de température , qui fe fait au travers de l'eau avec beaucoup plus de promptitude & de facilité qu'au travers des corps folides. Mais ces deux caufes réunies ne fuffifent pas pour entretenir, en été, comme en hiver, la même température, depuis **i furface jufques au fond. On le voit par les expériences qui °nt été flûtes en été, defquelles a réfuité une différence de près de 10 degrés dont le fond étoit plus froid que la furface, même à des profondeurs qui n'étoient pas bien confidérables. Et il y a bien lieu de préfumer , que quand on plongera a de plus grandes profondeurs, des thermomètres adaptés convenablement à ces épreuves, comme nous efpérons de le faire dans le cours de cet été , on trouvera des différences plus grandes. L'expérience de MM. Mallet & Pictet , auprès du Château de Chillon , femble l'indiquer, Se la nôtre même paroît en être une confirmation. Car les caufes que nous avons conlî-dérées, pouvoient tout au plus établir en hiver une égalité de température entre le fond & la furface ; mais non pas donner £ comme nous l'avons trouvé, un plus grand froid à une profondeur auffi confidérable que celle de 950 pieds. J'attends pour développer mes idées fur ce fujet, que les expcriences du mois d'Août prochain, les ayent ou confirmées °u modifiées. E CHAPITRE III. LES COLLINES DES ENVIRONS DE GENEVE. Colline de §. fi. La colline fur laquelle Genève eft fituée , eft toute *encxc" compofée de lits à-peu-près horizontaux, de fable, de gravier & d'Argiile. Elle a dû être anciennement jointe par fa bafe à celle de Saint Jean , qui eft de l'autre cote' du Rhône ; les lits horizontaux de la colline de Saint Jean coupés à pic vis-à-vis de la ville, paroiffent en fournir la preuve. Mais le fleuve en creufant fon lit, a féparé les deux coteaux ; & le Lac, qui finement s'élevoit jadis même par-delfus leurs foin-mets , les a lailfés à fec , & ne baigne plus que leurs pieds. ^Coteau de §. 52. La colline ou le plateau exhaufle fur lequel la de Snge. ville eft bâtie , s'étend horizontalement à l'Eft, mais s'élève au Nord-Eft, fuivant la direction du Lac & forme le coteau de Cologny, dont le plus haut point eft à Beflinge. La fituation du fommet de ce coteau eft une des plus brillantes de nos environs : on voit au couchant le Lac, fes collines, Genève, le Rhône, le Jura ; au levant, une belle-& grande vallée , couronnée par les Alpes ; & d'autres points de vue agréables & variés dans les directions intermédiaires. La bafe de la colline eft un Grès tendre qui porte dans le pays le nom de Molaffe : le refte eft mélangé de cailloux roulés, de gravier & d'Argiile : on trouve dans cette Argille des veines d'un beau Gypfe blanc en lames ftriées , gypfitm lamellare de Wallerius />. if8 , édition de 1772. J'y ai vu auffi des veines de terre bitumineufe , que l'on pourroit regarder comme des. indices de Charbon de pierre, §. 5 3. A l'Oueft de la ville, de l'autre coté de l'Arve, coteau de «'élevé le coteau de la Bâtie. Le haut de ce coteau préfente la Bâae* nn point de vue infiniment agréable. On voit fous fes pieds, l'Arve & le Rhône réunir leurs eaux féparées par une langue de terre couverte de jardins potagers. Genève fe montre de fous fon plus bel afpecf : on voit le Rhône la divifer en deux villes différentes : le Lac apperçu par cet intervalle, orne encore ce tableau qui eft couronné par les hautes cimes des Alpes. Les veux fuivent de la cette promenade charmante , qui Promena. ; des des ri* par des fentiers tortueux & ombragés de fautes , cotoye au vieres> bord des jardins le Rhône & l'Arve, jufques à leur confluent, & donne à un quart de lieue d'une ville très-peuplée , l'idée des retraites les plus fauvages Se les plus éloignées du commerce des hommes. §. 54. Cette même promenade eft intéreffante pour un Structure Obfervateur: delà il voit à découvert les feefions des collines ^st^jean6* de Saint Jean Se de la Bâtie , coupées à pic par le Rhône & & de la iîô-par l'Arve ; il diftingue les lits prefqu'horifontaux de fable , de gravier Se de cailloux, dont ces collines font compofées ; & il les voit fe prolonger à de grandes diftances. Maïs l'Amateur de Lithologie voudra voir de plus près ces mêmes lits ; il voudra paffer entre le Rhône Se le pied de ces collines , Se aller le marteau à la main , obierver 1a nature de ces anciens dépôts. En examinant de près ces amas de cailloux, on voit que leurs variétés font prefqiïinnombrables ; qu'ils font confondus fans au- E % cun ordre s que ce font des débris de montagnes de tout genre, arrondis & mélangés par les eaux ; que pour l'ordinaire les cailloux applatis font pofés de plat ; que les couches en fe prolongeant changent fouvent de nature, & fouvent font entremêlées de lits de fable ou d'Argiile. Dans divers endroits, les cailloux font liés entr'eux'par un-* gluten calcaire , Se forment des Poudingues alfez folides ; comme à Soufterre, à la Bâtie. Ordinairement c'eft dans la-partie la plus baffe qu'ils font ainfi agglutinés. Cartigny. §. ^y. On le voit à Cartigny, lieu qui deviendra célèbre par les. obfervations Phyfiques & Météorologiques de M. Pictet , qui y paffe ordinairement les êtes* Le village eft fitué fur un plateau fort étendu, élevé de* 178 pieds au deffus du niveau du Lac. Le Rhône qui paffe au pied de ce plateau, a 77 pieds de pente, de Genève au deffous de Cartigny ; Se par conféquent la rivière coule 2ff pieds plus bas que la plaine, fur laquelle eft fitué le village. Roches de Toute cette hauteur de sfyp pieds eft coupée-à pic au deffus du Rhône , dans un endroit qu'on nomme les Roches' de Cartigny. Le terrein miné par des fources qui coulent entre les terres, a effuyé des éboulcmens confidérables ; mais les parties les mieux liées fe font maintenues & forment çâ? & là, des efpeces de tours ou de pyramides irrégulieres, d'une très-grande hauteur. Ces pyramides qui menacent ruine, vues du, bord, du précipice, forment un afpect fauvage- & terribles DE GENE V E. Chap. III. 37 qui contraire finguliérenient avec le charmant payfage , que-l'on voit de l'autre côté du Rhône. Si l'on defcend jufques au lit du Rhône en côtoyant ces efearpemens, on voit que le terrefn eft compofé ; premièrement de terre végétale; enfuite de lits horifontaux, de fable-& de gravier; puis de lits plus épais d'un fable très-fin. Tous ces lits forment enfemble une épailfeur d'environ 6a Pieds, & (but fuivis d'une couche d'Argiile prefqu'indivife , épaiffe d'environ 70 pieds, & mélangée çà & là de cailloux épars. Sous cette Argili'e on trouve des lits de fable , de graviez & de cailloux, qui forment entr'eux les 125 pieds qui reftent jufques au lit de la rivière. Dans la moitié fupé-rieure de cet efpace , les cailloux font libres & roulans , mais dans la moitié inférieure ils font liés par un gluten calcaire, qui en forme une efpece de Poudingue. On trouve quelquefois dans les interftices de ces pierres du Spath, calcaire confufément cxyftallifé en lames rectangulaires. §. S 6. Des bords du-Rhône les collines s'élèvent graduel-Sèment à droite & à gauche, jufques- au pied des montagnes qui bornent notre horifon. Ainsi , au levant- de Cartigny, on trouve le coteau de Cha- çffi^^f Ï0UX3 élevé de 254 pieds au deffus du Lac. 11 eft en entier compofé de Molalfe ou de Grès tendre. Carrières ' On a ouvert à une petite diftance du pied de ce coteaude Grès. dans le voifinage de Cartigny, des carrières de cette même pierre , dont le grain elt très-fin & dont la couleur bleue-cendrée eft très-agréable. §. 57. Plus loin à l'Eft, on trouve le coteau de Confignon, dont le plus haut point eft élevé de 367 pieds au deffus du Lac. Ce coteau renferme dans des lits d'Argiile, beaucoup de Gypfe cryftallifé en filets foyeux, brillans & déliés ; c'eft le gypfitm ftriciïum Wall. Sp. 73. §. 58. De l'autre coté du Rhône, s'élève le coteau de Chouilly, à-peu-près vis-à-vis de celui de Confignon, & pré-cifément à la même hauteur. On a aulîi trouvé dans ce coteau de grandes & belles carrières de différentes efpeces de Gypfe. c&teau de Enfin le plus élevé de ces coteaux eft celui de Chalex , 113 qui a 418 pieds au deffus du Lac. ' C'est à M. Pictet que je dois les mefures de toutes ces hauteurs. Coteau de Confignon. ;Côteau de Chouilly. -Forme gé- §. s9- Ces coteaux'& plufieurs autres moins confidérables, jlUnes.eCe3 clue îe ne m'arr^te Pas à décrire, font tous d'une forme alongée, & dirigés parallèlement aux montagnes de Saleve & du Jura. Bafe du fol §• 6o- Il eft bien vraifemblable qu'à une grande profonds environs ^eur au deffous du Lac & des coteaux qui le bordent , les ifi Oeue ve. couches calcaires du Jura s'uniffent à celles de Saleve & de la première ligne des Alpes; mais jamais on i^a fondé affe« has pour les trouver. La bafe la plus prochaine & la plus générale de notre fol, eft un Grès difpofé par bancs peu inclinés à l'horifon, & compofé d'un fable gris ou jaunâtre, hé par un gluten calcaire. §. Sx, Cette pierre, quand elle eft dure, porte dans le pays ^Grôs ou; le nom de Grès, mais lorfqu'elle eft tendre , on la nomme MolaJJe. Cette différence de dureté vient, à ce que je crois, de k plus ou moins grande pureté , tant du fable que du gluten qui unit fes parties. Les Grès les plus durs font compofés d'un fable pur, agglutiné par un lue calcaire qui eft auffi très-pur; les autres contiennent un mélange d'Argiile : ce mélange rend les Molaffes fu jettes à dépérir quand elles font expofées aux injures de l'air & fur-tout aux gelées. On ne peut les employer que dans l'intérieur des édifices, au lieu que les Grès font indeftrucfibles. Mais les dénominations données par Lufage , font arbitraires & fouvent trompenfes : les pierres qui portent le nom de Molaffe , ne fe détruifent pas toutes à l'air ; celle de Laufanne , par exemple , eft prefque indeftrudible ; celle que l'on tîroit anciennement de la bafe du coteau de Cologny, & dont on a bâti l'Hôtel de Ville de Genève & plufieurs autres édifices -a fe conierve depuis plufieurs fiecles fans aucune altération. §. 62. Les bancs de cette pierre paffent par-deffous le Lac & eonllituent le fond de toute la Vallée qu'il arrofe. On a trouvé dans cette pierre peu de corps étrangers ; les feuls ç>s foffifews. qui foient parvenus à ma connoiffance font deux os de 4 à î pouces de longueur, fur un pouce ou un pouce & demi d'épaiffeur : ils paroiffent trop peu caractérifés pour que l'on . puiffe déterminer l'Animal auquel ils ont appartenu. L;un minéralifé par des Pyrites , s'eft trouvé dans les Molaffes du .Nant de Roulave -près de Dardagny ; l'autre, imprégné d'un lue bitumineux qui le rend noir & pefant, a été trouvé dans les carrières au-defïus de Laufanne : celui-ci eft actuellement dans le Cabinet de M. Struve. Ces grès ne § $j> Xes cailloux roulés dont toute cette Vallée & le -contiennent n , , x ' r > \. . . L , ... -, . pas non plus fond du Lac font couverts , ne pénètrent point dans l'intérieur des cailloux j s couciies fondamentales de cette pierre ; du moins n'en roules. r ai - je vu aucun exemple. On voit bien en divers endroits, des bancs de cailloux mêlés de fable & agglutinés en forme de Poudingues; & l'on pourrait regarder la matière de ces banc* comme un Grès mêlé de cailloux ; mais ces mélanges ne fe trouvent que dans les couches moyennes ou fuperficielles des coteaux & non dans leurs bafes. Indices de 64. Un corps foffile dont on a trouvé des indices dans -pïeTre?11 dC *es Molafles des environs du Lac , c'eft le Charbon de pierre On en voit des-couches minces entre des lits.de Molaffe dans la Terre de Dardagny, fur les bords de ce même ruiiïeati, près duquel 011 a trouvé l'os pyriteux dont je viens de parler. O) Origine de §. 6*>. J'avois cru premièrement que les fables defquels font ^SsT mCS compofees les Molafles & les Grès de nos environs , avoient été chariés dans le baffin de notre Lac par la même révolu- (1) Je fis en 1770 , aux promotions académiques, un difeours dans lequel je tâchai d'engager le public à faire faire des fouilles dans cet endroit; croyant qu'il y avoit lieu d'efpérer, qu'on y trouvèrent des couches plus confidérables de : charbon de pierre. Vingt-cinq particu- liers firent entr'eux l'année fuivante, une foufeription de quatre cents louis pour fubvenir aux frais de ces fouilles, mais la difficulté de s'entendre avec les propriétaires du fol fur les profits éventuels de cette entreprife, la fit entièrement échouer. tion t*on qui a couvert le fond de ce baflin des débris des montagnes des Alpes ; mais quand j'ai obferve que l'on ne trouve Point de ces débris dans les couches fondamentales de cette Pierre ; quand j'ai réfléchi au Charbon de pierre que l'on a trouvé en quelques endroits entre ces couches ; & enfin, quand J'ai vu fur le coteau de Boify un banc de pierre calcaire , qui recouvre les Molaffes dont le refte de ce coteau eft compofé ; fai été contraint de changer de fentiment, & de reconnoître que les fables dont l'agglutination a formé ces Molaffes, ont été dépofés antérieurement à cette révolution. Je dis de plus qu'ils ont été dépofés par la Mer ; car les Charbons fofliles & les Pierres calcaires font univerfellemcnt reconnues pour des produ&ions de la Mer. On pourroit exiger que, pour completter la preuve de cette opinion fur la formation de ces pierres, je montralfe des veftiges d'animaux marins trouvés dans nos Molaffes : mais je crois que l'on peut fe paffer de cette preuve, parce que la Mer ne produit pas par-tout des coquillages ; & parce que fouvent des caufes locales, des principes acides , par exemple , les altèrent & les empêchent de le pétrifier & même de fe conferver. J'ai obferve avec étonnement dans les collines argilleufes de la ïofeane, & fur-tout dans celles des environs de Sienne, par exemple auprès de Monte Chiaro , des coteaux voifms les uns des autres, Se quelques fois des champs contigus fur une même colline , dont les uns font remplis de coquillages fofliles au point que la Terre en eft blanche ; & les autres n'en contiennent pas le moindre veftige. On ne peut cependant pas leur refufer une origine commune : il faut donc reconnoître ; °u que les coquillages ne s'etoient pas également établis par F tout i ou que des caufes locales les ont détruits dans certains endroits & confervés dans d'autres. Plantes rares Les collines des environs de Genève produifent plu- des environs 1 , . w , t de Genève, neurs plantes rares , qui ne fe trouvent guère que dans des climats plus chauds. La colline de la Bâtie fe pare dès le mois de Mars, des jolies fleurs de lErythronium dens Canis : on y trouve aufli au printems, la Fragaria fterilis, Se à la fin de la même faifon, YOrnithogalum pyrenaïeum, Se la belle Rofe que Cranz a décrite fous le nom de Rofe d'Autriche. Foye& Stirpium Aiijlriacamm fafeic. IL pag. $6, J'ai trouvé fur la colline de Champel au-deflus de l'Arve , un petit Cerifier fauvage à fruit acide, Hall. N°. io83 » le Bague-naudicr , Colutea arborefeeus ; fous cette colline, au bord de l'Arve , du côté de Genève s la Centaurea folftitialis , Se VAnémone ranuncidoïdes ; dans les hayes, le Cucubalus bacciferus ; Se plus haut, le long de la même rivièreJ le Trifolium ruhens Se le Trifolium incarnatum. On trouve fur la colline de St. Jean, la Vinca major, le Géranium fanguineum , VAlthea hirfuta , Se j'ai trouvé VAlthea officinalis en grande quantité dans le marais de Sionet. U Antirrhinum bellidifolinm croît dans les champs de Vernier; îe Refedaphyteuma croît à Dardagny, au bord du Rhône, Se le Plantago coronopus 3 fur la grande route au delà de St, Julien* J'ai trouvé dans les prairies derrière Frontenex, le Narcifle? N°. isfi de LIaller; dans les vergers, YOrnithogalum nutans'? au pied des murs , VOx(ilist comiculata, & dans les bleds, le Lathyrus cicera. J'ai auffi trouvé au creux de Genthod , le Géranium ,93? de Haller , le Galium glaucum , la Potentilla rupeftris], h Poa eragroftis , YHolofieum umbelîatum, & le Sedum cepea. Le Phmtago pfyîlium , le Plantago cynops, la Lattuca virofa, plantes très-rares dans la Suifle , croiflent dans les folTés fecs de la ville. Je ne m'arrêterai pas davantage fur les plantes des environs de Genève; je ne penfe point à donner ici une Flora Gène-venfis. Ceci n'eft point un ouvrage de Botanique , non plus que de Zoologie. Mats comme ces études ont fait, dès ma première jeu nèfle , ma plus douce récréation ; comme la con-noifla.nce des productions du fol, appartient eflentiellement à la Géographie phyfique, & que la vue de ces Etres vivans ranime un peu l'aride Lithologie, on nie permettra de courtes indications de ce que j'ai obferve de plus remarquable dans ces différens genres. §. 6-y. Les environs de Genève produifent plufieurs plantes Infectas , , . tares, de la France méridionale : on ne s'étonnera donc pas d'y trouver des Infectes des mêmes pays, & entr'autres la Mante, Mantis religiofa. Cependant la Cigale, Cicada orni , ne fe fait P°int entendre auprès de Genève, quoiqu'on la trouve à Cham- bery & dans le Valiais. n trouve dans nos environs les Scarabées décrits par Linné i F s 44 LES C0LL1NESDÈSENVIRôXS,&c. fous les noms de Tiphaus , Face a, Fuîlo, Eremita (i) Chryfo* mêla païïida Se bolet i 3 Curctriio cohn; Cerambix Kableri Se futot", Gryllus falcatus Se linearis ; Carabus fycophanta Se fpmipes ; Te* nebrio ianipes Se fabulofus ; Sphinx atropos Se fuciformis ; F ha-hua pavonia, mendica , afeuli, hetta , vitis idœœ, tragopogonis 3 fraxini , lencomeles s reaumitrelia , de geereîla ; Libelhda mbra\ Myrmeleon formicarium Se barbarum ; Ichneumon perfnaforius ; Apis centuncularis , bkomis , manicata, violacea , pafcuoxum ; Mufca mor.io. ; arxr; Bombylhts major y médius , minora Fanorpa tipularia, Sec- (O M. J. C. Fueslin , membre de la Société phyfique de Zurich , a donné un Catalogue des Infectes de la Suifle. J. C. Fueslin Vcrzcichnifs der ihrn bekanntcn Sdvvocizerifchcn Infcclen. Zurich 177 c in»4®. Quoique ce petit livre ne porte que le titre modefte de Catalogue , il contient cependant, les def-criptions des efpeces nouvelles ou mal décrites ailleurs, avec les figures enluminées de fix efpeces, dont on a'avoit point encore de bonnes gravures. CeC ouvrage eft le fruit, & des recherches de M. FuESUN , & de celles de divers Amateurs de l'Infeétologie de la Suiffe , qui lui ont communiqué leurs obfervations. Pour la partie des environs de Genève ; M. Fueslin y a fait quelque féjour, & il a eu communication de la collection de M. l. Gourgas & de fa mienne. i&lkV si &wb ;& CHAPITRE IV. ENUMERATION ET DESCRIPTION DES DIFFERENTES ESPECES DE PIERRES QUI SE TROUVENT EPARSES DANS LES ENVIRONS DE GENEVE. S. ^8. Les Grès & les Molaffes , qui conftituent le fond de întroduc notre Lac & les baies de lès collines, font prefque par-tout. tl0n> recouverts , de cailloux roulés f & de fragmens de rochers de différens genres. Je crois devoir entrer dans quelques détails fur la nature de ces différentes pierres. Cette branche de l'Hiiloire Naturelle eft , comme je l'ai dit, une des plus riches de notre pays. D'ailleurs, je faifis avee emprelfement cette oceafion de donner à mes Lecteurs, des idées précifes des, termes de Lithologie , que j'employerai dans cet ouvrage : ceux à qui ces termes fe-roient inconnus, aimeront à en trouver ici l'explication j & ceux mêmes qui font verfés dans cette étude , ne regretteront passes momens qu'ils employèrent à la lecture de ce Chapitre , il je parviens à déterminer, par des caractères précis & fondés-fur des expériences exactes, divers genres de pierres dont la dénomination & la nature même paroiifent être encore douteufes. Je n'entreprends cependant pas de donner une nomenclature étendue , ni des analyfes chymiques de toutes nos pierres : je viie principalement à des caractères diitinctifs bien déterminés, & je m'arrêterai de préférence aux efpeces moins connues, & a celles fur lefquelles les Lithologiftes ne font pas bien d'accord QUARTZ. Ses carac §. 69. Un des cailloux les plus communs dans nos environs eft celui de Quartz. Les enfans mêmes lavent reconnoître ce genre de pierre, non pas à la vérité par fon nom, qui nous vient des Mineurs Allemands , mais par la blancheur éblouïlfante de quelques-unes de fes efpeces , & par la lumière que répandent ces cailloux, lorfqu'on les frotte vivement les uns contre les autres dans l'obfcurité. Ces cailloux font très-durs ; bien loin que l'acier puiffe les entamer, ce font eux au contraire, qui le rongent ; la pointe d'un burin bien trempé laiife fa trace fur eux, comme la Mine de Plomb fur du papier blanc. Auffi donnent-ils de vives étincelles quand on les frappe avec l'acier. Le Savant Wallerius, ce reftaurateur de la bonne Minéralogie, ( je le citerai toujours dans cet ouvrage , d'après la dernière édition imprimée à Stockholm en 1772) a nommé cette efpece de Quartz, Quartzum fragile opacum. Sp, 94. J'ai éprouvé que la pefanteur fpécifique de ces cailloux blancs de notre Lac , eft à celle de l'eau diftillée, dans le rapport de 265 V à 1000. îl réfifte au Ils font indiOTolubles dans les acides, & infufibles au feu fans violent.plUS addition. Des morceaux entiers de ce Quartz blanc & pur, expofés au feu le plus violent que l'art puiffe produire (1), deviennent d'un blanc encore plus éclatant, parce qu'une infinité de petites fentes qui s'y forment, leur font perdre toute leur tranfparence. Ces mêmes gerfures féparant les parties de (1) Le fourneau dont je me fuis fcrvi pour toutes les épreuves de Lithogéo-gnofie , a été établi d'après les principes de M. Baume'. Voyez les Prolégomènes de fa CIvjmie expérimentale^ raifotmc'e, T. I, P. LXXX1V. On ne connoit que les miroirs ou les lentilles, de j ou 4 pieds de diamètre, qui donnent une chaleur plus grande que celle de ces fourneaux, iorfqu'ils font bien conltruits. ces morceaux de Quartz , les rendent friables entre les doigts; ce qui prouve bien qu'ils n'ont pas eu la moindre tendance a fe fondre. Mais broyés k mêlés avec des fondans convenables, ils peuvent fervir de bafe aux plus belles pierres précieufes artificielles, comme je l'ai fouvent éprouvé. 11 faut pour cet ufage, choilir des cailloux qui foient parfaitement blancs & fans aucune tache j^une ou roulTe ; car ces taches font produites par du Fer qui pourroit altérer les couleurs des verres ou des émaux , dans ïefquels on les feroit entrer. On trouve des cailloux de Quartz qui font entièrement co- s* couteu* iorés en jaune , & même en rouge , par le Fer dont ils font vane> pénétrés. / On en trouve auffi, mais plus rarement, de tout-à-fait tranf-parens ; ce font vaifemblablement des fragmens de Cryftal de Roche, Cryjfallus Montana Wall Sp. 102 , qui ont été arrondis par le mouvement des eaux. Leur pefanteur elt un peu moindre que celle du Quartz opaque; elle eft à celle de l'eau, comme 26^2 à 1000. On trouve enfin quelques fragmens de cette efpece de Quartz gras. Quartz, dont la caifure luifante & gralfe au toucher, lui a fait donner le nom de Quartz gras. Quartzwn pingue. IV. PETROSLLEX. §. 70- Nos environs ne font pas comme la Saxe , riches en s« r&p* àgathes brillantes & fufceptibles d'un beau poli ; nous n'avons [Agathe?0 guère dans ce genre, que des pierres d'un grain groffier & de couleurs obfcures, mais qui réflftent aux acides Se donnent du feu contre l'acier. Le Savant Wallerius a défigné ces efpeces fous le nom de Petrofikx œquabilis> Sp. Les plus communes font noirâtres ; j'en ai trouvé auffi de vertes. ïl fc trouve Ces pierres fe trouvent fous la forme de noeuds, & quel-dans les _ f 1 montagnes quefois fous celle de couches , dans l'intérieur des montagnes calcaires. Les cailloux roulés de ce genre, que l'on rencontre dans nos environs, font fouvent encore adhérens à quelques portions de la matrice calcaire , dans laquelle ils ont été formés. Souvent même ils font renfermés, comme des noyaux noirs Se durs, dans des cailloux de Pierre calcaire grife. On en voit auffi, qui font traverfés par des veines de Spath blanc calcaire, diffoluble en entier & avec effervefeenec dans les acides. Ces veines fe coupent fous différens angles : on diroit que la matière du Silex avoit pris une retraite , s'étoit gerfée , Se que le Spath eft venu remplir ces gerfures en fe cryftaïlifant dans leur intérieur. Action du Ces efpeces de Petrofilex qui, malgré leur dureté , paroilTent Fetrofikx,6 contenir quelques élémens de la matière calcaire , dans laquelle elles ont é.té formées, ne réfiftent pas au feu comme le Quartz c & les .Silex proprement dits. J'ai expofé à un feu violent, des fragmens entiers de Petrofilex noir , mêlé de veines de Spath blanc calcaire: ces fragmens, fans perdre totalement leur forme, fe font pourtant affaiffés ; les veines de Spath fe font fondues en un verre , d'un verd d'œiilet prefque tranfparent, Se allez poreux ; la matière noire du Petrofilex eft devenue grife , & montre à la loupe*, quelques bulles vernies intérieurement d'un verre verd , femblable à. celui qu'à donné le Spath. §. 71. Nous avons même une variété de Petrofilex, qui s eft Petrofilex complettement fondue en un verre brun demi-tranlparent, bercul cornme les Silex. On rapporte à )a vérité au genre des Jafpes, quelques efpeces dont la caffure relfemble à celle du Silex mais peut-être le fait-on plutôt pour fe conformer à l'ufage , que par la confidération de leurs propriétés. Il faut cependant avouer que le fuc filiceux qui lie les élémens terreux du Jafpe , peut être aflez abondant pour donner a la pierre un oeil de Silex. En général, les différentes proportions des ingrédiens des mixtes , établiffent tant de nuances entre les genres voifîns » que fouvent une efpece intermédiaire a des droits égaux fur chacun de ces genres ; & c'eft là mie des. fonrces des difficultés de la Minéralogie. Les Jafpes bien caraclérifés préfentent des indices très-frap-pans de leur origine argilleufe : fouvent on y reconnoît le grain de l'ArgiUe , fes veines ondées ; on voit dans quelques efpeces, les veftiges de la retraite qu'avoient prifes ces Argilles , avant d'être pénétrées par le fuc qui leur a donné la dureté du Caillou, {»$e rouge, §. On n'a trouvé dans nos environs que deux efpeces de Jafpe. La première préfente deux variétés qui peuvent l'une & l'autre fe rapporter à fefpece que M. Wallerius nomme Jafpis tmkolor ritbefccns , Sp. i 3 7. Far. C. L'une a exactement la caffure d'une Terre bolaire fine ; l'autre fe rapproche un peu plus du Silex ; toutes les deux font très-dures & don* nent beaucoup de feu quand on les frappe ayec l'acier; L& première eft la plus dente; fa pefanteur eft a celle- -de l'eau, comme 2663 à iooo, tandis que celle de la féconde n'eft que de 26~f 2. L'une Se l'autre font, comme on le voit, d'une denfité à-peu-près égale à celle du Petrofilex. S. 74. La féconde efpece de Jafpe, dont M. Rilliet (i) jafpe veiné poffede le feul morceau qui fe foit rencontré parmi nos cailloux roulés, appartient à l'efpece défignée par Wallerius , fous le nom u*e Jafpis variegata, fafeiata , Sp. 138, Var. L Cette pierre eft d'une couleur claire pourprée, coupée par des bandes planes & parallèles , d'un verd-céladon ; fon grain eft ?uffi :argilleux, mais extrêmement fin, Se fa dureté très-grande. '§. 75. Ces jafpes réfiftent au feu beaucoup mieux que les AAioadu * • feu inr ces Petrofilex; le rouge fur-tout n'y a perdu que fa couleur, qui j.lfpcSj eft devenue prefque blanche; il a confervé fes angles & fon grain intérieur, feulement fa furface s'eft-elle vernie. Le pourpre veiné a plus fouffert ; les fragmens ont à la vérité, confervé leurs formes , mais leurs angles fe font émoul-fés ; leurs parties ont pris une efpece de retraite, qui a produit dans la pierre, des orevalTes parallèles à fes veines ; & l'intérieur obferve à la loupe , paroît criblé d'un nombre de petits pores. que je n'ai pas trouvées moi - même. Je dois les mêmes remerciemens à M. Tollot, qui poffede auffi une collection itatéreffante de pierres & de minéraux. Enfin , M. Bordena.ve, qui s'eft exercé' avec fuccès à couper & à polir nos cailloux , a auffi trouvé quelques efpeces qui nous avoient échappa. G 2 (t) M Ami Rilliet, Membre du Grand Confeil de notre République, Amateur éclairé de Minéralogie \ & qui poffede une belle colleclion de ce genre , a foi-gneufement raffemblé les différentes efpeces de cailloux , qui fe trouvent dans nos environs-, & il a eu la complaisance do me communiquer les efpeces Va m font §. 76. Ni ces Jafpes, ni les Petrofilex de nos environs, n'ont nSiquetT8" aucune action fur l'aiguille aimantée.. FELD-SPATH. Dénomination, §. 77. Les Granits dont les fragmens abondent dans nos environs , & les Porphyres que l'on y rencontre quelquefois , renferment communément des cryftaux d'une pierre que les Minéralogiftes Allemands ont nommée Feld-Spath : ce nom, quoique fa tournure foit très-éloignée de la tournure Françoife, a été pourtant adopté par plufieurs Lithologiftes ; & il eft bien à fouhaiter qu'on le confervé, pour diminuer la confufion déjà fi grande dans la nombreufe claife des Spaths (i). Structure de fes cryftaux. Le Feld-Spath eft compofé de lames brillantes , dont la forme eft, ou rhomboïdale ou rectangulaire. Ces lames fuperpo-fées les unes aux autres, forment par leur aftemblage, quelquefois des cubes ou des rhomboïdes ; mais le plus fouvent des prifmes à quatre cotés rectangulaires, d'une longueur double ou triple de leur largeur. Quelques-uns de ces cryftaux ont à l'une de leurs extrémités, & quelquefois à leurs deux extrémités , une ou deux de leurs arrêtes abattues. Souvent les faces de ces cryftaux paroiffent divifées fuivant leur longueur en deux parties (O Je ne fais pas pourquoi M. Des-marest , dans fes intéreffans Mémoires fur les Volcans , imprimés dans ceux de 3'Académie des Sciences, pour les années 1771 & 17 - ? , a donné le nom de Spatk fttjlbîe au Feld-Spath , qui entre dans la compofition des Granits. La pierre à laquelle tous les Chymiftes & les ûîiné-ïalogiiles, ont confacré le nom de Spath fufible, diffère totalement du Feld-Spath ; elle eft d'une pefanteur fpécifique beaucoup plus grande n d'une dureté beaucoup moindre ; fes propriétés chymiques l'ont abfolument différentes. & jamais elle n'a été trouvée daus aucun Granit. Voyez les Minèralagia de "Waxle-rius , de Cron^tet, de ValmuST de iioMARB } Ç$e. &fc, égales i & l'une de ces parties brille & chatoyé, tandis que l'autre parok matte. Si on les obferve à la loupe , on verra que cette divifion apparente vient de ce que les lames dont ces cryftaux font compofés, n'ont pas des deux côtés le même arrangement ni la même inclinaifon : d'où il arrive qu'elles ne réfléchiffent pas fous le même angle, les rayons de lumière. La grandeur des cryftaux de Feld-Spath varie depuis z Lem gta». Pouces jufqu'à un point. Quelquefois auffi les lames de Feld-Spath ne s'arrangent ?eld Spath Pas de manière à former des cryftaux réguliers ; mais font jjjj^, *^ confinement difperfées entre les autres élémens des Roches taUifiL compofées ; ou bien elles rempliftent les fiftures de ces mêmes Roches, & fe trouvent là en malles qui pareuftent moulées dans ces fiftures. §. 78- Le Feld-Spath reffemble k la plupart des Spaths , Caracteres-par la forme des lames rectangulaires ou rhomboïdales dont il diiilnaib* eft compofé ; mais il en diffère par une dureté beaucoup plus grande. Il donne des étincelles très-vives quand on le frappe avec l'acier ; il eft vrai que le choc de l'acier l'égrêne en même tems : mais cet effet vient plutôt de la fragilité des lames minces dont il eft compofé > que d'un défaut de dureté de ces niêmes lames, Ïl ne fait aucune effervefeence avec les acides, à moins rçu'il' ne foit accidentellement mélangé de Terre calcaire 3 Se, cet accident ne fe voit point dans le nôtre. c Pefanteur S. 79. J'ai obferve de grandes différences dans les pefanteuis Spécifique. fpécifiques de différens cryftaux -de Feld-Spath.. Un de ces cryftaux de 2 pouces de longueur, que j'ai trouvé dans le Gév&udan, a donné le rapport de à 1000. Le Feld- Spath que j'ai trouvé cryftallifé dans les fentes du Granit de Semur, a pefé SPf âty J & enfin un cryftal de cette même efpece de pierre , pris dans un bloc de Granit qui s'eft détaché du haut du Mont -Blanc, a donné le rapport de 26"if à 1000, Cette dernière efpece qui eft la plus commune dans notre pays & en général dans les Alpes, eft d'un blanc laiteux pref-qifopaque , & a reçu de M. Wallerius le nom de Spathum pyrhnachum album, Sp. 91. Nous en trouvons cependant de couleurs différentes ; de rouge , de fauve , de verdâtrc s & même de noir. '§. 80. Le célèbre Chymifte M. Sage , confîdere le Feld-Spath comme un Quartz. Elèmens de Minéralogie Docymajîi' que , T. I > p. 2jo„ M. "Waixerius le regarde comme étant d'une nature différente , p. 208. Je ne m'arrêterai point ici à ces difcuffions, ; je dois les renvoyer à la partie fyftêmatique de cet ouvrage. nvbf>u- ^E ^ra* ^eu^ement 3 9ue J'a* ^omé que le Feld-Spath, même du Qptcz. le plus blanc & le plus pur que renferment nos Granits» expofé à un feu violent fe change en un verre de couleur d'eau , dont la tranfparence n'eft troublée que par des bulles invifibles à l'œil nud , mais que l'on diftingue à l'aide d'une bonne loupe. D'autres variétés colorées en rouge & en jaune, ont aulli donné des verres , ou parfaitement blancs, ou fans couleur & remplis auffi de bulles microfcopiqueS' Dtverfes ■opinions fur £k -nature. L'acier tire de ces verres autant d'étincelles que du Caillou le plus dur. Le Quartz expofé au même degré de feu, ne fe vitrifie Point. La fufibilité du Feld-Spath, les bulles qui fe développent dans fa fufion, la forme même de fes cryftaux femblent donc prouver un mélange de terre calcaire ; & c'eft aufli le intiment de M. Waxlerius. GRENATS. §. 81. Ïl n'eft pas rare de trouver des Grenats fur les bords du Lac & de l'Arve; mais on ne les rencontre point ifolés :. Roches de us font renfermés dans des pierres qui leur fervent de ma- genfti| îrice, & qui font de différens genres, dont nous parlerons dans la fuite. Ces Grenats ne font pas grands; je n'en ai jamais vu qui Leur grau-«uîient plus de 5. à 6 lignes de diamètre. Leur forme eft celle d'un dodecahédre irrégulier terminé Lewfinwe*. Par des rhombes. Voyez la cryftallographie de M. Rome ûe l'Isle , page 272. Leur couleur eft d'un rouge terne; ils font tranfparens dans Leur cou* * leur. Xeurs petites parties, mais le nombre de fentes qui féparent ces parties, & quelquefois les matières hétrrogenes qui y font mêlées , ks font paroitre 'opaques ? & empêchent de les mettre en œuvre. Tr r \ i r. j 1 Etereté 9k ils îont. tres-durs , donnent beaucoup de feu quand on les aimantée. frappe avec le briquet, & fe fondent avec alTez de facilité e* un verre noir & opaque. dénomma- On peut les ranger dans l'efpece que M. "Wallerius a nom-.que. fpeClh" m^e Granatus cryjiallifatus vulgaris, Sp. ira. Leur aciîoa Ces Grenats contiennent du Fer, & c'eft à lui vraifemblv blement qu'ils doivent leur couleur. L'Àiman à la vérité, ne peut pas les foulever ; mais ils détournent de là direction l'aiguille aimantée. Les minéraux ferrugineux dans lefquels les parties attirâmes font en trop petit nombre pour furmonter la pefanteur de celles fur lefquelles l'Aiman n'a point d'action, ne peuvent pas être foulevées par l'Aiman ; mats fi on les place à côté de l'extrémité d'une aiguille aimantée bien fufpendue, elles la détournent de fon Méridien. §. 8 2. Il eft fi difficile de fe procurer des aiguilles bien aiguilles mobiles, & celles même qui le font le plus deviennent , fi pa-* relfeufes , lorfquc la pointe du pivot qui les porte s'émoufte par le frottement , que j'ai cru devoir chercher pour ces expériences , un genre de fufpenfion différent de celui qu'on employé ordinairement. Celui qui m'a le mieux réufli eft auffi fimple que fur & facile. Su^enfion Je fufpends un barreau aimanté en équilibre, par le miln?11 commode, de fa longueur, à un cheveu fimple , que j'ai foin de ne point tordre, & auquel je biffe 9 pouces au moins de longueur depuis le barreau jufques au point où il s'attache. Là je Ie fixe à la circonférence d'un petit cylindre t autour duquel d fc Difficulté d'avoir des roule, & qui fert à le raccourcir lorfqu'il s'alonge par l'humidité , & à le relâcher lorfqu'il fe contracte par la fécherelfe. J'ai éprouvé qu'un barreau de 3 pouces 9 lignes de longueur, & de 2 lignes d'épaiflfeur en tout fens, fufpendu de cette nia-mère, eft affecté de plus loin par un minéral ferrugineux, qu'un barreau femblable pofé fur la pointe d'acier la plus fine & la mieux trempée. L'Aiman fufpendu de cette manière eft même fl mobile , que je fuis obligé de le tenir renfermé dans une &oëte, pour le préferver de l'agitation que l'air lui communique (1). Une couliiïe vitrée , mobile de bas en haut, fert à ouvrir & à fermer cette boëte. On tient la coulilTe un peu foulevée pour infinuer auprès du barreau, les corps dont on veut éprouver la force attractive. Ç> 83. T'avois penfé que l'on pourroit mefurer cette force Dïgreffio» ^ J r ^ r _. fur la difti. attractive , & s'en fervir à connoître la quantité de Fer attira- cu|té d'cfti- We, que contiendroit un morceau donné d'un minéral quel- î^nbquanl conque ; qu'il fuffiroit pour cela , de comparer la diftance à la- titéjta Fer quelle ce morceau de minéral commence a agir fur l'aiguille dans un mi- aimantée , avec la diftance à laquelle un morceau de Fer d'une nera ' forme , d'une grandeur & d'une pefanteur connue , commence a agir fur cette même aiguille. Mais deux obftacles ont fait échouer ce projet. Première- J**™1* * v A-e obttacle. ment, la loi fuivant laquelle la force magnétique décroît a dit- ^rentes diftances, n'eft point encore bien déterminée. (O Je ne douce pas que cette fufpenfion ne fut très-avantageufe .pour obferver les variations diurnes de l'aiguille aimantée. H M. Lambert , d'après des obfervations & des confidérations très-ingénieufes, avoit cru que cette force fuivoit la raifon in-verfe des quarrés des diftances. Mais des expériences très-exactes que j'ai faites avec un nouveau Magnétometre, dont je donnerai la defcription dans le fécond volume de cet ouvrage , paroiffent prouver que, toutes chofes d'ailleurs égales, on ne peut fuppofer la force magnétique proportionnelle à aucune fonction de la diffance. Second obf- Ensuite , la confidération des maffes & de la diftribution des molécules de Fer, dans un volume donné de matière, préfente des difficultés infurmontables, ou telles du moins qu'on ne pourra les réfoudre que par une fuite d'expériences auffi' exactes que nombreufes. La fource de 'cette difficulté fe trouve dans la force avec laquelle le Fer réfifte à la pénétration du fluide magnétique. Cette réfiftance eft caufe que les parties extérieures d'une maffe de Fer garantiffent prefqu'entiérement les parties intérieures de l'action de ce fluide , enforte que deux maifes de Fer inégales agifient fur l'Aiman, dans un rapport qui approche beaucoup plus de celui de leurs furfaces ou des quarrés de leurs diamètres, que de celui de leurs maffes ou des cubes de ce» mêmes diamètres (i). Il fuit de là, que s'il y a des mi- (0 M.Daniel Bernoully a trou-vé cette proportion entre les forces de divers Aimansartificiels de même forme -, mais de différentes grandeins. Cette obfervation n'a jamais été publiée -, mais il l'a communiquée à M. j. Tkemdlf.y , dans une lettre datée de Bâle , du 7 Octobre «77^. „ Tout le monde fait, ce fent les ter- , mes de ce Mathématicien célèbre que , les petits Aimans, d'une même clalfe de bonté , ont conlidérabîement plu9, de force que les grands, à proportion de leur poids. Mais peut-être ignore-t-on encoie la règle que j'ai cru pouvoir établir fur beaucoup d'experte!*-ces, pour compaier les forces des , Âiruans enticreaient femblables, & néraux, dans lefqueîs les molécules de Fer foient peu nom-kreufcs, & tellement dilTéminées, qu'elles lailTent entr'elles des intervalles, au travers defquels le fluide magnétique puiiTe pénétrer, ce fluide agira fur les parties intérieures, & qu'ainfi ces minéraux attireront l'aiguille aimantée en raifon de leurs Rafles ; ou du moins dans un rapport qui s'éloignera de celui de leurs furfaces. Donc en général, un minéral plus pauvre agha dans un rapport qui approchera plus de la raifon des malTes. Mais quelle loi fuit cette progreffion ? c'eft ce que l'expérience n'a pas encore appris. En attendant qu'on ait réfolu ces problèmes , on peut fe contenter de noter les diftances auxquelles un volume donné «e quelques-unes des pierres que l'on obferve , commence a détourner l'aiguille de fon Méridien. Je mefure cette diftance fur une tangente au cercle que décrit l'aiguille; en partant du bord de l'aiguille du côté de la pierre , & en allant jufques à la furface de la pierre la plus voifine de l'aiguille. Et pour qu'on puifle comparer la force attractive des différens minéraux avec celle du Fer pur, je dirai qu'un cube de Fer forgé, du 31 qui ne différent les uns d'avec les au-r» très que par leur mafle ou plutôt leur 3, grandeur. Les Aimans artificiels font 33 très-propres pour ces expériences. ï3 M. Dietric , Artifte de notre ville, en a conftruit un grand nombre, en î» leur donnant la forme d'un fer à Che-33 val -, il en a examiné la force, & m'a 3i communiqué les réfultats ; j'ai tou->) jours trouvé que leur force abfolue 33 augmentent en raifon fouffefquipliquée 33 de leur poids-, c'eft à-dire, comme 3» les racines cubiques des quarrés du >3 poids, ou en raifon de leur furface. Par cette règle, un Aiman 8 fois plus pefant ne porte que 4 fois plus de poids. Une feule expérience fondamentale fuflit donc pour déterminer la force de tous les Aimans de la façon de notre Attifte ; celle dont je fuis parti eft qu'un Aiman de 11 fols ( ç onces & demie) portoit 11 livres, & j'ai été aflfez content de ce réfultat, , après avoir examiné le fuccès de quelques autres Aimans, qui m'étoient , venus de Strasbourg. Les forces élec- , triques abfolues m'ont paru admettre , la même loi " H 2, poids d'un demi grain, commence à agir fur mon aiguille à la diftance de 8 lignes J. Forcemag. g# g, Ainsi un de nos Grenats du poids de ç grains, dé-* nccique de • r T ° nos Grenats, taché de la Pierre qui lui fert de matrice , commençoit à agir fur cette aiguille, à la diftance de a lignes f. Je l'ai fait rougir, j'ai jette fur lui de la cire, & j'ai ainfi rendu le phlo-giftique à quelques-unes de fes parties extérieures; alors il a agi fur l'aiguille à la diftance de 3 lignes |. D'autres Grenats de même genre , fournis aux mêmes épreuves, ont donné des réfultats à-peu-près femblables, EtdesGre- qn ne s'(f|;0r,ne pas de voir nos Grenats impurs & pref- nats Chien- r r r taux. qu'opaques contenir du Fer attirable par l'Aiman ; mais on fera peut-être furpris de voir les Grenats Orientaux,, foit rouges , foit orangés , foit violets, préfenter tous le même phénomène. J'ai un Grenat Syrien, du poids de 1 o grains , de la plus grande beauté & de la plus parfaite tranfparenee , qui fait mouvoir fenfiblement l'aiguille aimantée, lorfque fon bord eft k % lignes du bord de cette aiguille. Grenats en §. 8 T l'ai trouvé auiïi des cailloux , dans lefquels la matière maile. / 1 du Grenat eft difperfée en maffes non cryftallifées ; on recon-noît alors cette matière à fa couleur d'un rouge terne, à fa caffure femblable à celle du Grenat cryftallifé, à l'éclat & à la tranfparenee de fes petites parties, à fa grande pefanteur, à fa dureté, à fa fufibilité & à fon adion fur l'aiguille aimantée. M. Wallerius a défigné cette efpece fous le nom de Gra~ nntus rudis , Sp. 11 o. On pourroit fappeller Grenat en maffe. JKous verrons, en parlant des Roches compofées , quelles font les efpeces de Pierres qui renferment cette matière grenati-que, & fous quelle forme elle s'y trouve. SCHORL. §. 86\ La Pierre à laquelle les Minéralogiftes ont donné le Dénomina-nom de Schorl (i) fe trouve fouvent , de même que les Grenats, mêlée avec des Pierres de différens genres , mais elle eft plus commune , & plus variée dans fes couleurs & dans fes formes. Quelques Auteurs fyftêmatiques , tels que Mrs. Wallerius , Rome de l'Isle , Sage , ont placé cette Pierre dans la clafte des Bafaltes. On lait que les Naturaliftes modernes font à préfent unanimes à donner le nom de Bafaltes à des matières, qui après avoir été fondues par le feu des Volcans, ont pris en fe refroidiffant, des formes régulières, ici de colonnes prif-Viatiques ; là de boules à couches concentriques ; ailleurs de tables planes & parallèles entr'elles. Comme l'analyfe chymique du Schorl donne à-peu-près les mêmes produits que celle des Bafaltes, & que cette Pierre a fouvent la couleur, & quelques-unes des formes des vrais Bafaltes ; on a cru pouvoir ta ranger dans la même claffe. Mais comme il y a des différences effentielles qui diftinguent ces deux genres de Pierres, que leur origine fur-tout titude le plus grand nombre des ef. peces & des variétés de ce genre , & où il difcute avec autant de juftefle que de profondeur, diverfesqueftions intéreffan-tes relatives à cette Pierre. Son travail ne me diipenfe pourtant pas de donner ici les caractères des efpeces qui font propies à notre pays. ) v^e mot s'écrit de différentes ma-vicies -, mais celle-ci me pavoit la plus convenable. C'eft auffi le fentiment de «fr, de Faujas , comme je le vois dans fon bel ouvrage fur les Volcans Ce Savant Naturalise a donné dans cet ou-Vrage, un Mémoire fur les Schorls , dans lequel il décrit avec une extrême exac- met entr'elles une très-grande diftance ; Tune étant conftammenfi l'ouvrage du feu, & l'autre fe trouvant dans des corps qui n'ont jamais fubi fon action ; je crois qu'il faut réferver le nom de Bafalte aux Laves qui ont fouffert une retraite régulière, & donner le nom de Schorl a cette pierre dure , brillante 3 cryf-tallifée, fufible, diffoluble en partie & fans effervefeence dans les acides , qui fe trouve originairement dans les montagnes primitives, & que les eaux ont quelquefois auffi formée dans des pierres fécondaires. Le m>m de g7. M. Desmarest , ce Savant Naturalifte auquel o» €ahbro ne convient doit les connoifTances claires & précifes que nous avons au-I'dierl.aU jourd'hui fur les Bafaltes volcaniques, a bien vu qu'il ne falloit point donner leur 'nom à la pierre qui nous occupe actuellement, & il a voulu fubftituer à ce nom celui de Gabbro, connu, dit-il, dans le bas Limoufin, & dans quelques autres provinces de France. Acad. des Se. 1773 , p. 617, Mais M. Desmarest n'a fans doute pas penfé, que les Na-turaliftes Italiens ont depuis long-tem* confacré le nom de Gabbro à une pierre d'un genre tout différent, puifqu'elle eft du nombre des Ollaires ou Serpentines. Cette efpece de pierre eft très-commune en Italie ; elle a même donné fon nom à plufieurs villages bâtis fur des montagnes qui en font compofées : „ Molti fono in Tofcana i monti di quefta pietra ; anzi il nome di Gabbro è tanto noto, che da eflb fono derivati i nonû 3, di parecchi caftelli e villaggi fabbricati fulle pendici delli „ fteffi monti, corne per cagion d'efempio , Gabbro > la Gab~ bra, il Gabbreto , &c. Voyez Targioni Relazioni iïalcuni 3, Viaggi fatti in diverfe parti délia Tofcana, Ediz. 2, T. If* ti p- 43 2 '> Or on ne peut pas douter que le Gabbro dont parle ici M. Targioni , ne loit bien réellement la Pierre Ollaire ; premièrement par la defcription qu'il en donne; enfuite par les efpeces connues qu'il y rapporte , comme le Ferd ou la Serpentine de Fratoja Gahttite, &c. ; & enfin par les fynonimes des Auteurs qu'il cite. D'ailleurs, j'ai moi-même vifité deux des villages qu'il nomme ici , & je les ai vu bâtis, comme il le dit, fur des collines compofées de différentes efpeces de Pierre Ollaire. Je conferverai donc au Schorl, le nom que les Allemands lui ont donné : ce nom eft très-précifément déterminé, & n'expofe à aucune équivoque ; il n'a contre lui que fa ru-delTe; mais il n'eft point néceflaire qu'il entre dans un poëme. Tous les Naturaliftes, qui font les feuls qu'il intérefle, le con-Coiffent & font déjà habitués à le prononcer. §. 88- Ce genre de pierre eft fi varié dans fes couleurs Se Caractères , , ., extérieurs dans fes formes, que fes caractères extérieurs Se généraux ne du Schorl. font pas faciles à déterminer. Les couleurs en général font dans les nuances du verd, du Couleurs, jaune, du noir, ou d'un brun obfcur , qui eft un mélange de Ces différentes couleurs. On voit auffi, mais plus rarement, des Schorls blancs , tranfparens comme du Cryftal de Roche. Les formes générales que prennent les cryftaux de cette Schotîn pierre , font le plus fouvent des prifmes hexagones terminés, ou c^ftalhfe3'' *>ar des pyramides, ou par des plans perpendiculaires à leur axe. Quelquefois toutes les arrêtes de ces prifmes font abattes; fouvent ces mêmes prifmes font comprimés au point de paroître des lames reâangulaires. On voit auffi les Schorls ibus la forme de Grenats, c'eft-à-dire, fous celle de dodécahedres irréguliers, ou d'autres polyhedres terminés par des rhombes ou lozanges. Et de même que dans les prifmes, les arrêtes de ces polyhedres fe trouvent quelquefois coupées par des plans. Une particularité remarquable dans plufieurs efpeces de Schorls cryflallifés, ce font des ftries très-fines & parallèles entr'elles, qui fillonnent les faces de leurs cryftaux. Souvent ce caractère fert à les faire reconnoître. On voit enfin les Schorls cryflallifés en aiguilles , qui dans quelques efpeces, partent comme des rayons d'un centre commun ; dans d'autres font parallèles entr'elles, & d'autres fois enfin confufément entaffées. La caffure de tous ces cryftaux eft vitreufe , affez fembla-ble à celle du Cryftal de Roche. Leur dureté eft un peu inférieure à celle du Cryftal ; ils donnent cependant du feu quand on les frappe avec l'acier. Mais leur pefanteur fpécifique eft beaucoup plus grande que celle du Cryftal. Voyez les §§. 69 & 99. Schorl en §. 89- Le Schorl en maffe non cryftallifé, Bafaltes folidus , ■ (Vf IV. Sp. 148 » eft beaucoup plus difficile à reconnoître: cependant fa pefanteur , quelques particules brillantes dans fa caffure, fa dureté moyenne entre celle du Silex & celle de la Pierre calcaire, & ces caractères indéfiniffables, qu'un œil exercé reconnaît fans pouvoir les décrire , fervent au Lithologifte a le diftinguer des genres qui lui reffemblent. Caractères & 90. Mais les caractères chymiques font .beaucoup pli^i lymique* décidés. Le Schorl, à moins qu'il ne foit accidentellement mêle mêlé de particules calcaires, ne fait aucune effervefcence avec les acides, & fe laiffe pourtant dilToudre en grande partie , à l'aide de la chaleur, par tous les acides minéraux." L'efprit-de-Nitre faturé des principes qu'il en extrait, fe change en une gelée , lorfqu'on y verfe de l'huile de Tartre par défaillance. Cette propriété vient du mélange de Magnéfie ou de bafe du fel d'Epfom , & de Terre d'Alun, qui entrent dans la corn-Pofition de cette pierre. Ce mélange, joint à celui d'une Terre quartzeufe & d'une Terre calcaire , eft vraifemblablement la caufe de la fufibilité Parfaite du Schorl : un feu de fufîon médiocre le change en *m verre noir & compacte. Tous les Schorls que nous trouvons dans nos environs, agif-ïent fur l'aiguille aimantée , & contiennent par conféquent 'du Fer. On trouve dans le neuvième volume du Journal de Phyfi- dont les travaux fur les Schorls prouvent qu'il les connoît bien, & même d'après la defcription que M. Monnet donne de fa pierre, mais fur-tout en cowfidérant la quantité de Magnéfie qu'il en a tirée , je penfe bien aulfi que c'e'toit un Asbelie. Je cite pourtant ce Mémoire, parce que M. Monnet y rapporte les analyfes de diverfes autres efpeces de Schorl , qui ayant donné moins de Magnéfie, s'accordent très-bien avec les épreuves que j'ai faites moi-même fur ce genre de pierre. diqner. Le feul dont il ne parle pas, c'eft la partie calcaire;; mais je me fuis convaincu de fon exiftence dans toutes les efpeces de notre pays que j'ai examine'es, & même dans un morceau de Schorl noir volcanique, que j'ai rapporté d'Auvergne (O. La preuve en eft auffi fûre que facile , je fais-bouillir de l'efprit-de-Nitre fur du Schorl pulvérifé, je filtre une partie de cette décoction, j'y ajoute un peu d'eau diftil-lée , & je laiffe tomber fur ce mélange quelques gouttes d'Huile-de-Vitriol ; au bout de iz ou i$ heures, il fe forme dansée mélange une quantité affez coniidérable de cryftaux en aiguilles , d'une Sélenite compofée de la Terre calcaire enlevée à l'acide nitreux par l'acide vitriolique. §. 91. Le Schorl eft très-commun dans les cailloux roulés de notre Lac, & des collines qui l'entourent ; mais il eft très-rare de le trouver pur. Quelquefois il fert de matrice à d'autres pierres, aux Grenats par exemple ; d'autres fois il eft lui-même logé dans des matrices étrangères, dans le Quartz, dans le Feld-Spath , ou-dans les Granits mélangés de ces deux genres. Souvent il forme des veines dans des cailloux d'un genre différent. On (1) J'ai pris ce Schorl à 2 lieues de Clermont, fur une colline volcanique , «ommée la Chana. On trouve là cette pierre fous la forme de grands cryftaux noirs hexagones , libres & epars dans la terre : les uns à demi fondus par l'action du fen , ont leurs angles émoulTés -, les autres font encore entiers. M. Mussier, Apothicaire de Clermont, auffi Savant Naturaliste que profond Chyniifte, eut la complaifance de me conduire fur certe colline , & dans plufieurs autres endroits intéreffans des environs de Clermont. 13 eut même la bonté de me donner plufieurs beaux morceaux de fa collection, des-productions naturelles de l'Auvergne. Js faifis avec emprefTement cette occafion de lui témoigner mon eftime & ma connoifTance, le trouve très-fréquemment mêlé avec la Pierre de Corne, & même enfin avec le Spath calcaire. Je m'expoferois h des répétitions, fi je décrivois ici.ces différentes efpeces ; il vaut mieux renvoyer ces détails à la défection des roches compofées dans lefquelles nous les trouvons. §. 92. Te dois cependant dire un mot de deux efpeces re- Schoripri£ ^arquables. L'une eft cryftailifée en prifmes à fix côtés , ter- hexagone, nnnés par des plans perpendiculaires à leur axe. C'eft le Bafaltes cryftallifatiis, W. Sp. ifo. Ces cryftaux font noirs, renfermés dans une Roche blanche, dont le fond clt un Feld-Spath mélangé de Mica & de Quartz. Us reffemblent parfaitement à ceux que l'on rencontre fi fréquemment dans les matières volcanifées, & leur exiftence dans cette roche, qui fûre-nient n'a point éprouvé faction du feu, démontre bien l'erreur de ceux qui ont prétendu que les Schorls ont tous été engendrés par les feux fouterrains (1). <}. 93. Cette erreur n'eft pas la feule dont les cryftaux de Erreur dont t 1 • -n .ce Schorl a ce genre ayent été le fujet. Le bon Chanoine Kicupero , le &± le fuj^ même dont M. Bridone parle avec éloge, dans l'intérelTlinte relation de fes voyages en Sicile & à Malthe, me dit à Catane en *773 , que fur la fin des éruptions , l'Etna vomilfoit une quantité de Pyrites. Ce fait me parut mériter d'être approfondi, parce dans le rapport de 3143 , & dans une Pierre de Corne verte, molle, écailleufe, qui appartenoit au Corneus fiffilis mollior, W. Sp. 170 , dans celui de 2973'. §.100. Malgré ces différences, on trouve fouvent des pierres Nuances _ . . A entre les fur lefquelles il eft très-difficile de décider, fi elles doivent être Schor,s & ïangées parmi les Schorls, ou parmi les Pierres de Corne. La !« gn** dureté fembleroit devoir fournir un caractère tranchant , mais quand on palTe d'un genre à l'autre , par des nuances pref- qu'infenfibles, un degré de plus fuffîra-t-il pour donner des aoiûs différens à des pierres qui d'ailleurs paroiffent abfolu- ment fembiables? Nous trouvons, par exemple, des pierres cryftallifées en lames ïe$angulairess colorées en verd, qui étincelient vivement contre l'acier , & font par conféquent de vrais Schorls , Bafaltes Spa* thofus, W. Nous en trouvons enfuite , de la même forme & de la même couleur, qui donnent un peu moins d'e'tincelles, d'autres dont on n'arrache du feu qu'avec une extrême difficulté , & ainfi par nuances, nous defcendons jufques à des efpeces affez tendres pour mériter le nom de Pierre de Corne, Corneus Spathofus, W. Les extrêmes font donc bien décidés; mais où placer les intermédiaires ? Avouons que c'eft nous qui avons formé des claftes Se des genres, pour arranger dans notre efprit & cafer dans notre mémoire, les productions infiniment variées que nous offre la Nature ; & que réellement, fur-tout dans le règne minéral, ia Nature n'a point fait de claffes ni de genres. Quant au Schorl & à la Pierre de Corne , je fuis bien tenté ■de croire qu'on ne doit point les claffer féparément, Se qu'on pourroit fans aucun inconvénient donner aux Pierres de Corne, lur-tout à celles qui font cryftallifées, le nom de Schorls tendres. T»icrre<î à §. ioi. M. Wallerius remarque fort bien, que dans quel-rugineure.6"' ques efpeces de Pierre de Corne , le Fer qui entre dans leur compofition, s'altère à leur furface , change la couleur Se même le tiflu de cette furface, & forme ainfi une écorce qui pa-roit abfolument différente du refte de la pierre. Nous voyons cela fréquemment dans les Pierres de Corne vertes Se compactes, dont l'écorce prend à l'air une couleur de rouille très-décidée. Efnece nou- §. 102. Mais cet accident eft encore plus remarquable dans ve une efpece que je ne trouve pas décrite dans Walxerius , & dont dont M. Rilliet a raflemblé dans fon cabinet une fuite in-téreftante. Cette pierre dont l'intérieur eft d'un beau gris, eft recouverte d'une écorce noire , ou d'un brun foncé, épaifte de 2 ou 3 lignes, & même davantage. Entre l'écorce & le noyau, °n voit une couche dont la couleur eft d'un blanc jaunâtre. Il paroît clairement que la couleur noire que cette pierre Formation , x , , . s . i / /> • j T-i , n rie fon ecor« Prend à l'extérieur, tient à la decompofition du ter quelle ce. contient : cette couleur pénètre à une profondeur plus ou moins grande, fuivant le plus ou le moins d'accès qu'ont eu *'eau & l'air dans fon intérieur; j'en ai moi-même trouvé une, ^i eft devenue noire jufques au centre, parce qu'elle avoit des fentes qui ont laine pénétrer les influences de ces élémen*. Lorsque cette écorce a été rompue accidentellement, on *n voit une nouvelle qui commence à fe former. Comme le fond gris de cette pierre prend des teintes de awy^£^ noir & de roux, par-tout où l'eau & l'air pénétrent, on voit les dans cet. des gerfures irrégulieres y occafioner quelquefois des herbo* rifations fort reftemblantes à celles que l'on voit dans les Cailloux d'Egypte. ( Silex JEgyptiacus t Wal. Sp.n%. ) Les Miné-ralogiftes qui font perfuadés que les Silex tirent tous leur origine de Pierres calcaires ou argilleufes, pourroient croire que tes Cailloux d'Egypte ont été originairement des pierres fem-tables aux nôtres ; car elles ont un grain extrêmement fin , une écorce noire ou brune , & des herborifations femblables à celles de ces Cailloux. La partie grife & la partie noire de cette pierre agilTent l'une & l'autre avec force fur l'aiguille aimantée; la grife pari roît même plus active , fans doute parce que les molécules du Fer foufrrent en fe rouillant, une déperdition de leur vertu magnétique. Le grain de cette pierre eft dans fa caffure, fin , uni, ferré , fans aucune apparence de cryftallifation ; fa dureté approche de celle du Marbre; elle exhale une odeur terreufe quand on l'humecte avec le foufle. Celles qui font les plus tendres, dont le grain eft le moins-ferré , dont l'écorce eft du brun re plus clair, contiennent une Terre calcaire plus développée ; lorfqu'on lailTe tomber fur elles une goutte d'acide, il fe fait une petite effervefcence* Mais celles dont le grain eft plus ferré , & l'écorce noire ou d'un brun foncé , ne font aucune effervefeence lorfqu'on laide tomber la goutte d'acide, foit fur leur écorce , foit dans leur intérieur: cependant lorfqu'on plonge des fragmens de ces mêmes pierres dans l'efprit-de-Nitre, & qu'on excite l'action du diftblvant par un peu de chaleur , il fe dégage des bulles , tant de l'écorce que du cœur de la pierre ; l'écorce devient rouffe à l'extérieur, montre un tiftu feuilleté, & fe fé-pare même quelquefois par feuillets, tandis que l'intérieur confervé fon tiffu uniforme. L'Efprit-de-Nitre extrait ainft une partie du Fer & de la Terre calcaire que contient cette pierre * Se celle-ci perd en même tems une partie de fa dureté. Ces mêmes fragmens lavés enfuite , puis broyés Se mis en décoc* lion dans l'acide vitriolique, s'y diffolvent en partie, Se cet acide en extrait encore de la Terre calcaire > du Fer, de & bafe d'Alun Se un peu de Magnéiie, Un feu de fulîon très-doux fond cette pierre , & la réduit s.i fufibilité. en une fcorie noire, cellulaire, un peu gonflée dans le milieu, mais plus compacte & même vitreufe vers le fond, & fur les bords du creufet. Toutes ces propriétés démontrent que cette pierre doit être claffée parmi les Pierres de Corne ; le feul autre genre auquel °n pût la rapporter , eft celui des Pierres marneufes ; ( Margo- Wall, gcn. 2f ) mais les Pierres marneufes perdent toute leur cohérence à l'air, ou du moins dans les acides; elles font moins fufibles, & le verre qu'elles donnent n'eft point noir; elles ne contiennent point de Magnéfie , & ne contractent point a 1 air l'écorce noire que prend celle-ci. Sa pefanteur fpéci-fique furpalfe aufli celle des Pierres marneufes ; elle eft de 3017, tandis que celle de ces pierres ne va guère au delà de 2700. C'eft donc une pierre de Corne, & c'eft une efpece nouvelle, ou qui du moins ne peut fe ranger fous aucune des efpeces décrites par les Auteurs. §. 103. Le genre de la Pierre de Corne paroit avoir été Les Kcr-méconnu par la plupart des Minéralogiftes François. ont été fou- venf me- M. Sage ne fait mention que de l'efpece que les Suédois nomment Trapp. Il paroît même la confondre avec le Ba. faite volcanique coulé en tables. Voyez fes Elémens de Minéralogie Docimajîique, T. 2 , p. aif- Le Trapp eft cependant mie Pierre de Corne compacte, qui n'eft point une production du feu, & qui eft par conféquent très-différente des Vrais Bafaltes. vent me-connues. » Valmont de Bomare, dans fa Minéralogie & dans fon K 2 Dictionnaire, ne fait mention des Pierres de Corne que d'après les defcriptions des Minéralogifles étrangers -y il ne cite du moins aucune Province de France , où il en ait obferve lui-même. Ce genre de pierre eft pourtant très-commun eu France. J'en ai vu en Dauphiné des montagnes entières, Se fans doute les Alpes de la Provence Se les Pyrénées doivent en contenir, puifque celles du Dauphiné, de la Savoye & de la Suifle , en font remplies. J'en ai vu auffi dans le Forez Se dans les Vofges ; & le Rhône charie jufques dans le Languedoc, les mêmes efpeces que nous trouvons ici fur fes bords, Se fur ceux de notre Lac. Inconvé-niens des dénominations vagues. Cependant l'efpece de Pierre de Corne la plus remarquable , Se qui diffère le plus évidemment de tous les autres genres de pierre , je veux dire le Trapp des Suédois, n'a point encore été trouvée en France, de même qu'elle ne l'a pas été dans nos montagnes. Les efpeces de Pierre de Corne qui fe trouvent & chez nous Se en France, font prefque toutes feuilletées; ainfi on aura vraifemblablement donné à ces pierres le nom de Schifte ou Schite, dénomination bannale de toute» les Pierres qui ont une difpofition à fe féparer par feuillets. Rien ne retarde plus les progrès de l'Hiftoire Naturelle que ces dénominations vagues ; elles fervent de point d'appui à la parelfe „ parce que dès qu'on peut les appliquer , on fe croit difpenfé de toutes recherches ultérieures. Quand on a dit qu'une montagne étoit compofée d'une Pierre fchifteufe , on croit avoir fuflifamment déterminé fa nature; Se pourtant tout ce que l'on a dit, c'eft que la pierre de cette montagne divifoit par feuillets. Or il y a des Pierres calcaires, des Pierres argilleufes , des Pierres marneufes., des Pierres de Corne > de& Roches primitives , &c. &c., qui toutes fe divifent également par feuillets. Cette forme feuilletée eft donc un accident , qui ne doit jamais fervir de bafe à une dénomination. ARDOISES. §• 104. Les fragmens de différentes efpeces d'Ardoifes font çarate? r , ~ qui les du- «equens dans nos environs. Ce genre de pierre eit connu tinguent des de tout le monde ; on a cependant quelquefois de la peine à JgjjJJJde le diftinguer de certaines Pierres de Corne , qui font noires & feuilletées. Les principales différences font : i\ Que les Ardoifes font communément plus légères, 2°. Qu'humectées avec le foufle, elles n'exhalent aucune odeur, au lieu que les Pierres de Corne donnent une odeur terreufe très-fenfible. 3*. Que le feu de fufion change la plupart d'entr'elles en une fcorie poreufe & légère ; au lieu qu'il réduit les Pierres de Corne en un verre folide. 4°. L'analyse chymique démontre que les Ardoifes font Pour la plus gnmde partie, compofées d'une Terre argilleufe, mêlée quelquefois de calcaire, & que s'il y entre de la Magnéfie , c'eft en très-petite quantité ; au lieu que dans les Roches de Corne cette fubftance eft plus abondante. Malgré ces caractères diftinctifs, Se quoique les extrêmes-. de chacun de ces deux genres foient des pierres manifeftement différentes , on ne peut pas s'empêcher de reconnoître que certaines efpeces fe rapprochent allez , pour que l'on foit em-barraffé à déterminer le genre auquel elles appartiennent. §. iof. L'espèce la mieux caractérifée dont j'aye trouvé des fragmens parmi nos Cailloux roulés, eft dure , légère, fonore, & fe rapporte à celle que M. Wallerius a nommée Ardejut tegidaris , Sp. i 5 7. Cette Ardoife expofée au feu, fe gonfle confidérablement, & fe change en une fcorie fpongieufe , d'un gris verdâtre au dedans, & bronzée au dehors , femblable aux feories volcaniques , & fi légère qu'elle furnage h l'eau , & même à l'efprit-de-vin. Un feu plus violent & plus long-tems continué l'af-faiffe , & la rend plus denfe ; elle confervé cependant toujours une quantité de bulles. Rognons §. 106'. Les Ardoifes de nos montagnes renferment fouvent 1 Ardotfes. des rognons folides , beaucoup plus durs que les lits feuilletés , dans lefquels ils ont été formés. Ces rognons fe trouvent épars Se roulés dans nos environs, leur dureté eft quelquefois allez grande pour qu'ils donnent de vives étincelles , quand on les frappe avec l'acier. Ils prennent alors un très-beau poli. Ces efpeces dures renferment prefque toujours des nids de Pyrites cubiques jaunes, qui fe ternilfent à l'air; mais fans tomber en efflorefcence. Ardoifes #es coïts. M. Wallerius fait mention de cette pierre fous le nom de Schijîus reniformis , Sp. 164 ; mais il n'en décrit aucune qui ait comme la nôtre , la dureté du Jafpe. Cette Pierre n'a pas feulement la dureté du Jafpe , elle a auffi fa conltance dans Je feu. Des fragmens exempts de Pyrites, expofés au feule plus violent., ont confervé leurs formes» !eurs angles vifs, & ne le font ni affailTés ni agglutinés; mais *eur couleur noire s'eft changée en-.une couleur cuivrée , brillante au dehors, & grife au dedans. Ils ont auffi perdu la fine(fe de leur grain ; &. Ton apperçoit quelques bulles dans l'intérieur. ,'ïi . STEATITE OU PIERRE OLLAIRE. §. 107. La Pierre Ollaire ne nous arrêtera pas long-tems, Sescarae* fe furface douce & prefqu'onctueufe au toucher , foit. peu de dureté lorsqu'elle n'a pas fubi l'a&ton du feu , & celle qu'elle Prend après y avoir été expofée ; fon. infufibilité ; là. terre de Magnéfie dont elle contient une quantité conftdérable , la rendent très-facile à reconnoître. L'espèce de cette pierre, la plus commune dans nos environs, Serpentine, eft celle que M. Walle-rius a défignée fous le nom de Stea-tites ferpentînus viridis grantdaris, Sp. 187. ^ar- Elle ref-femble donc à la Serpentine de Zoeblitz en Saxe, dont on fait fur le tour un nombre de -différens ouvrages, & elle eft etfen-tiellement de la même nature-; mais fa dureté, qui eft beaucoup-Ptos grande, ne permet pas de la travailler comme celle de Saxe. Elle n'eft cependant pas allez dure pour donner des étincelles contre l'acier. Sa couleur eft ordinairement verte ; to description: des pierres êparses mais quelquefois ce verd eft fi foncé, que la pierre paroît tout à fait noire. *îcnt du Fer" ^LLE ^e trouve P1^116 toujours mélangée de particules épar-fes de Mine de Fer grife , qui la font agir avec beaucoup de force fur l'aiguille aimantée. Les parties mêmes de la pierre » qui en paroiflent exemptes , exercent cette action , quoique plus foiblement, & la pierre , lorfqu'elle eft réduite en poudre , eft en entier attirable à l'Aiman. Sa pefan- Celle qui eft d'un verd clair eft la plus légère ; fa pefanteur eft à celle de l'eau, comme 263 $ à 1000; la noire pefe 2tT.fi. Ses taches. On y voit quelquefois des veines ou des taches arrondies > d'une couleur plus claire, qui tire fur le jaune ou furie blanc: fes parties font de la même nature que le fond , mais plu* tendres; on y apperçoit un commencement de cryftallifation en lames rectangulaires. Ses pro- §. 108. Cette pierre ne fait aucune effervefeence avec les priétes chy- ides, mais fe lailTe diffoudre en filence dans ces mêmes aci- miques. des aidés du fecours de la chaleur ; & ils en extraient une quantité confidérable de Magnéfie , que l'huile de Tartre précipite fous la forme d'un caillé blanc & épais. M. Bayen a donné une analyfe exacte de cette pierre, dan* le Journal de Phyfique, T. XIII, P. 1, p. 46*. M. Mar-graaf avoit le premier travaillé à cette analyfe. Voyez Mémoires de IAcadémie de Berlin, pour Vannée 17^9. &ANS LES ENVIRONS DE GENEVE Chap. IV. 81 La nôtre, expofée à un feu capable de fondre le Cuivre Adlondu r r feu fur la rouge , perd de fon poids, prend une retraite qui occaiione serpentine, des gerfures ; les parties vertes*foncées deviennent brunes ou noires ; celles dont les couleurs font plus claires, deviennent grifes ou blanches; & toute la pierre contracte une fi grande dureté, qu'elle donne quand on la frappe avec l'acier, de très-vives étincelles. Mais , pouffée à un feu beaucoup plus violent, les morceaux de cette pierre s'affailfent , & fans perdre entièrement leurs formes, ils fe collent enfemble »*fe couvrent d'un vernis couleur de bronze, & on trouve en les calfant, des bulles dans leur intérieur. Le creufet fe trouve fortement corrodé par-tout 0u il a été touché par la Serpentine pouffée à ce degré de chaleur. 'S- T09. Quelques variétés de cette Serpentine font fujettes a prendre à l'extérieur, de même que les Pierres de Corne, une croûte ferrugineufe, produite par la décompofition du Fer qui fak un de leurs élémens. Cette croûte décompofée eft plus tendre ; fouvent elle paroît gonflée, & forme une efpecc de galle 3 la furface de la pierre, Mais elles n'en rendent pas moins à l'action du feu, qui leur donne, de même qu'à la Serpentine ordinaire , une très-grande dureté. §• r 1 o. Les Minéralogiftes avoient renferme dans un même Dminc^on genre, les Stéatites & les Ollaires ; & ces pierres ont en effet beau- cc*tre les coup de propriétés communes ; mais M. Sage en a fait deux OlTal genres diftincls. Voyez fes Elémens de Minéralogie DocimaflU rt* L que, T. 1, p. 188 & 19 7- La différence que ce profond Chymifte a mife entr'elles, c'eft que les Pierres Ollaires dé-compofent le Nitre j au lieu que la Stéatite ne le décompofe point. fàte^fàrV J'AI voum îavoir auquel de ces deux genres dévoient ap-nôtre. partenir nos Serpentines. J'ai fait réduire en poudre impalpable, une demi-once de notre Serpentine ; je l'ai mêlée avec une pareille quantité de Nitre très-pur, & j'ai mis ce mélange dans une petite cornue de verre. Pour avoir un terme de com-paraifon , j'ai broyé de même' une demi-once' du même Nitre avec une demi-once de la belle Argîlle blanche de Vicence, & j'ai renfermé ce mélange dans une cornue femblable à la première. Ces deux cornues placées dans le même fourneau, Se pouffées par gradations jufques à une incandefeence fou-tenue pendunt deux heures, ont fourni l'une & l'autre de l'ei-prit-de-Nitre ; mais l'Argille en a fourni plus promptement, en plus grande quantité , de plus coloré & de plus concenté que la Serpentine. Cette Serpentine devroit donc, fuivant les principes de M. Sage, tenir un milieu entre les Pierres Ollaires Se les Stéatites. "Deux au- §. ni. Nous trouvons auffi, mais plus rarement, des frag-très efpeces r de Pierre rnens de la Pierre Ollaire tendre. Wall Sp. 189: & de la Ollaire, pjèfte Ollaire feuilletée, Sp. 190, elles font l'une Se l'autre beaucoup plus denfes que la Serpentine ; la Pierre Ollaire tendre a une pefanteur qui eft à celle de l'eau, comme 2880 à 1000 , & la feuilletée 3023. La plus tendre réfif- La Pierre Ollaire feuilletée, quoique la plus tendre de toutes» tete^fc»j eft ceUe ^. rcqilte le plus forteJ1ient potion du feu; fes morceaux ne fe font ni agglutinés ni affailfés , & ils ont pris une dureté confidérable. Cependant de petits éclats de cette Pierre, qui repofoient fur le fond du creufet, ont commencé à fe fondre , & ont manifefté leur tendance à corroder la matière argilleufe de ce même creufet. JADE. S. 112. Une Pierre que Ton pourrait rapporter au genre. Roche dans j • r laquelle il le de la Stéatite, eft une fingultere efpece de Jade qui le trouve trouve; fréquemment dans nos environs & même en blocs confidéra-Dles ; mais jamais pur. Ce Jade forme le fond d'une roche mélangée de Schorl en mafte ou de-Schorl fpathique. Sa dureté eft très-grande , fupérieure à celle du Silex , & Sa dureté, la cohérence de fes parties plus grande que dans aucune pierre que je connoifte ; on a une peine extrême à la rompre, les Meilleurs marteaux s'émoulfent & le brifent contre elle. Sa pefanteur furpafte celle de toutes les autres pierres de Sa denf.té. nos environs ; je l'ai trouvée dans un échantillon , de 3 318 , dans un autre, de 3327, & dans un troificme , de 3389- Les parties de Schorl qui y font mêlées, diminuent même fa dénoté. Car cette dernière pierre ne pefe guère au delà de 3 H0- Le Jade Oriental n'eft point auffi denfe que le notre : car deux morceaux différens dont j'ai fait l'épreuve , ont donné, ^un 3041, & l'autre 2970; celui de nos environs parait en eftet plus dur & plus compacte. Ses carac- Au refte , on ne fauroit refufer à cette pierre le nom de teres. L 2 Jade ; elle en a tous les caractères , fa furface extérieure eft polie & onctueufe au toucher ; fa caffure préfente un grain qui reffemble à celui d'une huile figée , fa couleur jaunâtre & fa demi-tranfparence augmentent encore cette reffemblance-. Quant à fa dureté , j'ai déjà dit combien elle eft remarquable, Jufqueç a Lorsqu'on expofe à un bon feu de fufîon cette pierre mê- quel point 1 r elle rclitlc, langée de Schorl , comme elle fe trouve chez nous ; les- parties de" Schorl fe fondent allez vite en un verre noir ; mais fe Jade qui fait le fond de la- pierre, fe blanchit & prend fans fondre, un œil de porcelaine. Si l'on augmente l'intenfité du feu, peu-à-peu le verre de Schorl attaque le Jade & le ronge, fans parvenir pourtant, même après plufieurs heures da feu le plus violent, à fondre entièrement les parties du Jade * qui ont un peu d'épaiffeur. Action des Pour l'éprouver dans les acides , j'ai' eu bien de la peine Jade? UrCC trouver des morceaux qui ne continffent pas des particules de Schorl, il a-fallu le brifer en très-petits fragmens, & trier un à un ceux qui ne laiifoient appercevoir aucune particule verte. J'ai pulvérifé ces particules choifîes, & les ai mifes en décoction" dans l'efprit-dc^Nitre : il'ne s'eft fait, comme on le juge, aucune effervefcence ; l'acide en a cependant extrait du- Fer & une terre qui fe font précipités cnfemble fous la forme d'un caillé jaunâtre Se épais, lorfque j'y ai verfé de l'huile de Tartre par défaillance. J'ai lavé ce précipité, je l'ai diffous dans î?acide vitriolique; j'ai enfuite effayé dé faire cryftallifêr cette difïolution , pour reconnoître fi cette- terr e étoit la bafe de i'AJun , ou celle du fel d'Epfom ; mais elle s'eft defféchée fana BANS LES ENVIRONS DE GENEVE. Chap. IV. 8? donner aucun indice de cryftallifation ; quoique je n'eufte employé que la chaleur du Soleil pour cette évaporation. AMIANTHE ET A S B E S T E. 113. Nous trouvons quelquefois adhérens aux blocs de pierres Pierre Ollaire ou de Serpentine , des filets ou des lames J**kJ,et(0U[ ^ Asbefte dur, ligneux t Asbejlus immaturus, PVall. Sp. 19 a* ve aUhéieu» tes. On trouve auffi fur les mêmes pierres, des paquets de fibres de véritable Amianthe flexible. Amianthits, JVaU. Sp. 191. Et enfin, on voit dans- d'autres pierres cette fubftance cryC tallifée en filets blancs & foyeux > parfemés dans l'intérieur même de la Serpentine.. §. xi 4. Comme ces efpeces d'Asbefte Se d'Amianthe, fe Leur ^ w « port ave^ Souvent prefque toujours unies à la Pierre Ollaire, que Ton stéarites. er«it voir cette pierre prendre la cryftallifation Se la forme de asbefte, & palier par nuances infenfibles , de la ridigité & de k denfité de l'Asbefte ligneux, à la flexibilité & à la légèreté de P Amianthe; &, qu'enfin d'après des expériences faites dans de mauvais fourneaux , on attribuoit à l'Amianthe l'infufibilité de la Pierre ÇUlaire; M. Wallerius Se prefque tous les Auteurs fyftêmatiques avoient placé l'Amianthe à la fuite de la Pierre Ollaire , Se comme un genre qui avoit. avec elle une très-g.rande affinité. x §> 115. Mais j\L d'arcet a. éprouvé que l'Amianthe fe fond a mv degré de feu auquel les Stéatites réiiftent, 1er. Mémoire,.. Lll\ Se d'après cette expérience, M. Sage a plasé.. cette: Et avec-.léC' Schorls*. DES CRU' T10N DES PIERRES ÉPARSES pierre au nombre des Bafaltes Ou des Schorls. Voyez fis Elément4 T. I, p. 217 & 218. Ces Pierres §. ii6. Comme M. d'AiicET n'a point éprouvé au feu n'ont pas été t,» t n j m ,-i , fuffifara- 1 Asbefte dur , & qu'il n'a pas rencontre un feu bien vif dans rnent cprou- ies épreuves qu'il a faites fur l'Amianthe blanche & pure ; ( Voyez le P'\ Mémoire, §. LII, '(Sf le lld. , §. LXVII & LXV1IÎ ) j'ai réfolu de foumettre de nouveau ces pierres à différens degrés de feu. 59H Asbefte def-tîné à de nouvelles épreuves.. Nos cailloux roulés ne fourniffant pas des morceaux affez grands & parfaitement purs de ces efpeces de pierres, j'en ai pris des fragmens détachés de nos montagnes. §. i t 7. L'Asbeste dur que j'ai employé , vient des montagnes du Grand St. Bernard, au deffus du glacier de la Val-forey : il eft d'un beau verd, un peu tranfparent ; fes fibres font recourbées en différens fens, mais toujours parallèles en-tr'elles; elles font fortement adhérentes les unes aux autres, fans aucune flexibilité , & la pierre qui réfulte de leur affemblage eft un peu plus dure que la Serpentine de Saxe. On y ap-perçoit quelques petites lames de Aline de Fer fpéculaire ; & non-feulement ces lames, mais toutes les parties de la pierre, ont de l'action fur l'aiguillé aimantée. A&îon du JP ^ expofé au feu des fragmens de cette pierre : tant qu'il feu lut- «et n,a été de la dernière violence , ces fragmens n'ont paru iisbeite. r , , s'altérer en aucune manière; & même après que le feu a ete pouffé au plus haut degré, ils paroiffoient au premier coup* d'ceil, n'avoir fait que changer de couleur, & s'enduire d'un Ternis bronzé ; on diftnguoit encore à leur furface les fines qi» Marquent les intervalles des filets de PAsbefte. Mais en les obfervant avec plus de foin \ je les vis affàilles, agglutinés entr'eux, & même fondus intérieurement : le creufet étoit r°ngé par-tout où ils le touchoient, & en les caftant, je n'ap-Perçus plus dans • l'intérieur aucun veftige de la ftruffure de Asbefte ; c'étoit une efpece de fritte cellulaire, de couleur grife. ' • b * k k i .-■/>{ mes m : '■ Ce qu'il y avoit de plus digne d'attention, c'eft qu'en observant à la loupe les parties qui s'étoient fondues, je reconnus qu'il s'y étoit formé une cryftallifation en filets très-déliés. % r t 8. J'éprouvai en même tems & de la même manière, Et fur la *a Stéatite ou Serpentine fur laquelle s'étoit formé cet Af- q^cUeU3^ telle : j'eus les mêmes réfultats. Cette Serpentine fut même hcroit« P^s fondue , Se donna une cryftallifation beaucoup plus mariée. Jl eft vrai, qu'en obfervant à la loupe cette Stéatite «*vant de l'expofer à l'aefion du feu ; on diftinguoit dans fon intérieur des fibres éparfes d'Asbefte , & même d'Amianthe %eule# f* 119. Pour mes épreuves fur l'Amianthe, j'ai pris celle Amianthe de h t ^ m i -rr /-i de la Tareu. *« rarentaife, qui eft d'un blanc eblouillant, en fibres pa- taife. ^leles, longues, déliées, légères , brillantes & foyeufes ; elle jC c aucune elfcrvefcence avec les acides, & ne paroit mê-tngee d'aucune matière étrangère. *L ^ur P°ur la fondre un degré de feu beaucoup plus vif J^fôf ^ ^Ue pour les Roches de Corne & pour la plupart des Schorls. duice.par ■^•Orfan'i f ' cette AmiaJî* H" une lois elle ^ft complettement fondue \ il on cette die. d'augmenter le feu , on la trouve réduite en une efpece de fcorie denfe, bien affaiffée au fond du creufet, d'un gris qui tire fur le jaune, mais qui blanchit dans les endroits où la matière fondue eft en contad: avec le creufet ; & celui-ci en eft pénétré & un peu rongé. La furface de cette matière paroit un réfeau compofé d'aiguilles cryftallifées, qui fe croi-fent en tous fens, quelques-unes font difpofées en gerbes ou en éventails ; on voit auffi des aiguilles femblables parfera des dans l'intérieur de cette fcorie. C'eft dans cet état que M. d'arcet réduifit fon Amianthe, & il remarqua auffi ce réfeau cryftallifé. Forme de Ces aiguilles font un peu plus épaiffes qu'un cheveu: je les ai obfervees avec une loupe d'une ligne de foyer ; celles dont j'ai pu reconnoître la forme, m'ont paru parfaitement tran(parentes , d'une figure prifmatique quadrangulaire, avec des angles bien tranohans & des faces planes bien dreffées & très-brillantes. Les filets de 1 Amianthe crue, vus à la loupe, paroif-fent blancs, tranfparens, mais beaucoup trop fins pour qu'on puiïïe diftinguer leur forme, même à l'aide des plus forts mi-crofeopes. Tifiîficntkm $i au lieu de fufpendre l'aefion du feu, on l'augmente, cette de l'Amian- fcorie cryitalliiee fe change en un verre verd, qui ne fe cryftalnie point, & qui bientôt ronge le creufet, le perce & en fort fans lailfer aucun veftige de cryftallifation. §. 120. Comme je ne connois aucune analyfe chymique de f Amianthe pure, j'ai tenté fur elle quelques expériences. J'ai pefc 100 grains de la belle Amianthe de Tarentaife , que je viens de décrire. J'ai verfé fur .ces iqq grains une demi-once d'acide nitreuX: Epreuves chymiques fur l'Amianthe. Far l'acide nitreux : mais comme cette quantité s'eft imbibée à l'inftant même dans l'Amianthe, j'ai ajouté une autre demi-once, qui a été aufli prefqu'entiérement abforbée ; j'ai fait bouillir ce mélange pendant deux heures, en ajoutant un peu d'eau diftillée, torfque l'évaporation commençoit à deffécher l'Amianthe. J'ai entité filtré la décocfion & lavé l'Amianthe à plufieurs reprifes *vec de l'eau diftillée que j'ai réunie à la décocfion. Cette Amianthe lavée.& féchée n'avoit perdu ni blancheur ni fa flexibilité ; le feul changement que l'on pût remarquer , c'eft que fes filets féparés par l'ébullition , avoient une apparence plus cotonneufe. LAdécodion n'étoit point colorée, Se avoit confervé prefque toute fon acidité. Saturée d'une diffolution de fel de dartre, imprégné d'air fixe (O ; elle n'a laiffé précipiter, que deux grains 3 moins un feizieme d'une terre grife. L'acide vitriolique verfé fur ces deux grains de terre , en a diffous un grain & demi, & a donné par l'évaporation quelles petits cryftaux de fel d'Epfom & de Sélénite. Les ^ de grain, qui avoient réiifté à l'acide vitriolique , ont «té expofés à l'aclion de l'acide nitreux ; il n'en a repris que ^. Les £ reftans fe font montrés entièrement indiftolubles dam *'un & dans l'autre acide, aidés même de l'a&ion du feu. Ce réfidu indilfoluble eft vraifemblablement encore de la ac n M" ?E MoRVEAU a fait fentir ia ^cceUité d'employer dans ces épreuves , r»ii fatUfé d>airfixe> parce que *l**U cauftique diffouc la terre qu'il vient de précipiter, pour peu qu'on en verfe de trop , après la faturation de l'acide. Elément de Chymic Théorique & pratique, T. M, />. i<5<$t Al Sélénite, formée par l'union de l'acide vitriolique avec une Terre calcaire , extraite de l'Amianthe par l'acide nitreux. Epreuve de Cent autres grains de la même Amianthe, traités delà même l'Amianthe . . . . . , , . A par l'acide manière avec l'acide vitriolique , ont donne les mêmes réfultats; mnolique. cet acj(je n>en a extrait que deux grains, compofés de Magnéfie & de Terre calcaire ; celle-ci s'eft combinée, comme dans l'épreuve précédente, avec l'acide vitriolique, & a formé une Sélénite prefqu'indiffoluble dans l'eau. J'ai fait bouillir de nouveau , de l'acide vitriolique fur l'Amianthe qui avoit été déjà foumife à l'action de ce dilfolvant:; l'Alkali en liqueur verfé jufques à faturation fur cette décoction, n'a d'abord rien précipité ; cependant au bout de quelque» heures, il a paru quelques légers rloccons , femblables à ceux de la première décoction ; mais beaucoup moins abondans. J'ai lavé l'Amianthe qui avoit été en décoction dans l'efprit-de-Nitre, je l'ai enfuite expofée à i'adion du feu ; elle s'eft changée en une fcorie cryftallifée , exadement femblable à celle que donne l'Amianthe crue. îl paroit d'après ces épreuves, que les terres qui ont été extraites de l'Amianthe par les acides, font en fi petite quantité ; & changent fi peu par leur abfence, les propriétés de cette pierre , qu'on pourroit les regarder comme étrangères ou fuper-ficiellement adhérentes à fes fibres, plutôt que comme leurs parties conftituantes ; d'où il fuivroit que l'Amianthe elle-même eft parfaitement indiiïcluble dans ces acides. Mais le célèbre Chyniifte, M, Margraae , a obtenu des wf iultats différens : il dit. Mémoires de l Académie de Berlin* pouf L'Amianthe elle-même paroit indif-folub'.e dans les acides. Tléfultat* différens ob- tannée 17s 9 , P. if.que de deux drachmes d'Amianthe de tenus par M. Reichftein qu'il a traitées avec l'acide vitriolique , il a retire Plus d'une drachme de Magnéfie. Cette différence vient-elle de la différence des Amianthes, où de celle des procédés? Comme M. Margraaf paroît avoir employé dans fa diffolution un degré de chaleur plus vif que le mien, j'ai voulu pour ne laiffer aucun doute , répéter cette épreuve en fuivant à-peu- Près le môme procédé. J'ai pefé deux drachmes ou 144 grains d'Amianthe bien , Nouvelle - , épreuve en delTéchée, je les ai miles dans une petite cornue de verre,4 j ai fuivant le verfé fur cette Amianthe le double de fon poids d'huile de ^q^^ Vitriol, & pour baigner entièrement cette matière rare & légère , j'y ai ajouté une once & demie d'eau diftillée. Cette cornue , munie d'un récipient, a été placée dans un bain de fable, échauffé au point de faire bouillir le liquide, & ce degré de chaleur a été foutenu & même augmenté jufques à la deflic-eation de l'Amianthe. Alors j'ai tiré la cornue du fable , je l*ai expofée immédiatement à l'action du feu, jufques à la faire rougir, & je l'ai tenue dans cet état jufques à ce qu'il ne paflat abfolument plus rien , & que Ton ne vit plus aucune vapeur dans l'intérieur de la cornue. Cette opération a duré en tout quatre heures & demie ; ainfi l'Amianthe a été expofée à I'adion de l'acide , d'abord foible, & enfin concentré au plus haut degré , aidé de I'adion de la plus forte chaleur que l'on puifle donner ^ns des expériences de ce genre. L'acide a donc dû s'unir a tout ce qu'il y avoit de difloluble dans cette pierre. Et il ^'eft pas à craindre que la chaleur que j'ai employée à la fin de l'opération , ait pu obliger l'acide vitriolique à abandonner les terres qu'il avoit difioutes ; car M. Margraaf a expofé de* fels de ce genre à un feu de fufion, foutenu pendant plu- M 2 Heurs heures, fans que l'acide les ait abandonnés. Voyez Us Mémoires de Berlin, 17 f 9 , />. 7 & p> 13- Il n'a paffe dans le récipient que de l'acide vitriolique, d'abord très-foible, & enfin concentré au point que les gouttes faifoient en tombant, l'effet d'un Fer rouge que l'on plonge dans l'eau; je n'ai apperçu aucune odeur fulfureufe, ni aucun autre indice d'altération dans cet acide. Lorsque la cornue a été refroidie, je l'ai trouvée un peu froiffée par l'action du feu, mais encore entière : j'y ai verfé de l'eau diftillée, qui ne s'elt point échauffée, & qui n'a pas pu détacher toute l'Amianthe qui étoit en partie adhérente au fond de la cornue. Je l'ai donc caffée, l'Amianthe qui étoit Voifine du fond & des parois étoit devenue rougeâtre, le reitc avoit un ceil gris. J'ai fait bouillir à plufieurs reprifes, de l'eau diftillée fur cette Amianthe ; jufques à ce que l'eau foit reffbrtie auffi pure que je Pavois verfée. J'ai filtré toute* ces eaux, & fai defféché complètement tout ce qui n'a pas palTé par le filtre. L'Amianthe s'eft trouvée n'avoir perdu pal-cette opération , que 6 grains | de fon poids. Sa couleur étoit devenue fauve , mais fa flexibilité étoit toujours la même ; Se fa finette, fa légèreté , & par conséquent fon volume plus grands qu'avant l'opération. J'ai fait évaporer les eaux qui avoient fervi à laver l'Amianthe , & comme j'avois chaffé tout l'acide furabondant, je n'ai pas eu befoin, comme M. Margraaf , de calciner la matière faline qu'elles avoient diffoute. ï/Awianthe Lorsque ces eaux ont été fuffifamrnent réduites par l'évar paration,j'en ai fait tomber quelques gouttes dans une difiolu- nè^tM tion d'Alkali phlogiftiqué, & il ne s'eft point précipité de bleu de Prune ; ce qui prouve que cette Amianthe ne contient point de Fer. Le refte de la liqueur, expofé à une douce chaleur, s'eft entièrement cryftallifé : quelques cryftaux de forme parallelipede, *tfont paru clairement des cryftaux de Sel d'Epfom ; mais la plus grande partie étoient des aiguilles déliées, d'une forme Pyramidale extrêmement alongée , difpofées en étoiles, & des lames fines & brillantes, terminées par des angles d'environ 60 degrés. Ces deux dernières formes caractérifent la Sélénite; & l'infolubilité de ces cryftaux a fini de le démontrer : car la plus grande partie d'entr'eux a refufé de fe difloudre dans l'eau bouillante ; ils en font reffortis fans aucun changement appâtent. Je les ai deftechés, & j'en ai rafferablé le poids d'un grain & demi : mis en décoction avec une eau alcaline, ils °nt laiffé en arrière une véritable Terre calcaire, La partie de ces Sels ; qui s'étoit diifoute dans l'eau , ayant décompofée par l'Alkali fixe , a donné un grain & \ d'une terre d'un beau blanc , compofée de Terre calcaire & d'un Peu de Magnéfie. Cett»e épreuve eft donc exactement conforme a celles que j'avois faites précédemment: 144 grains d'Amianthe ont donné ^ l'acideunpeu moins de 3 grains, comme 100 grains en avoient donné un peu moins de deux. On peut donc regarder comme certain, que l'Amianthe de amianthe ^arentaife eft très - différente de celle de Bergreichenftcin , diffit,e * celle de M. qu'a éprouvée M. Margraaf. Je croirois que celle-ci étoit Ht argraaf mç[angée je Serpentine cryftallifée fous la forme d'Asbefte ; au moins étoit-elle de couleur verte. M. Lehman , au quel M. Margraaf renvoyé pour la defcription de fa pierre , le dit expref-fément. Voyez Lehmans Phyficalifche Chymifche Schriften, p. i2. Mren'Snl L'Amianthe pure, telle que celle de la Tarentaife , eft donc -une stéatite, une fubftance également différente , & des Schorls & des ■m un'i'chorl. Stéatites : car ces deux pierres font en grande partie diffolubles dans les acides ; au lieu que l'Amianthe ne s'y diiïbut que peu ou point. D'ailleurs fa flexibilité & l'émail cryftallifé qu'elle donne , font encore des différences bien fenfîbles. Soiution de r Asbefte par i'efpnt-de->Jitre. §. 121. Quant à l'Asbefte, au moins celui que j'ai décrit plus haut, §. 117, les acides en extraient plus de la moitié' de fon poids, de Magnéfie mêlée de Fer. La folution de cette pierre dans l'acide nitreux, donne une quantité confidérable d'un fel qui fe cryftallifé dans l'acide même , s'il eft concentré ; ou dans un air chaud & fec ; mais qui expofé à un air humide, tombe en déliquefcenee , ou fe réfout en liqueur, propriété connue de la bafe du Sel d'Epfom. L'Asbefte £A Serpentine donne les mêmes réfultats , & l'Asbefte lui eu une Ser- r pi-minecryf- reffemble d'ailleurs à tant d'égards, que je ne faurois m'eni-pêcher de le confidérer comme une cryftallifation de cette ef- pece de Stéatite. MICA. tw^vons U 12 Z* LE MiCa eft Ul1 ^enfe de Pierre fl COniîU » (îUe )C telesRo- n'2i pai befoin de m'y arrêter long-tems. Nous le rencontrons rarement pur ; mais il forme un des ingrédiens les plus corn- ches compo-»uns des Roches feuilletées & des Granits. On le trouve auffi dans les fables produits par la décompofition de ces Roches. Le plus commun eft le Mica proprement dit, Wall. Sp. 174» J^tpJ£ qui eft compofé de petites lames luifantes & flexibles, de couleur d'or ou d'argent, quelquefois vertes , brunes ou noires. S. 123. Nous trouvons auffi dans des fragmens de Roche Verredc ^nilletée, des lames de Ferre de Mofcovie, Wall. Sp. 173. J'en ai vu qui avoient 2 ou 3 pouces de furface, & qui fe laifloient féparer en feuillets minces & tranfparens, moins étends , mais cependant de la même nature que ceux dont on fait des vitres en Ruftie. §. 124. Tous les Mica qui fe trouvent dans nos Roches A&ion du , . „ , • r Pc u iur le «ompofées, fe fondent à un degré de feu un peu plus vit que Mica< CeIui qu'exigent les Schorls, & fe réduifent en des verres demi-tranfparens, de couleur noire, brune ou verdâtre. Ces verres f°ut durs, homogènes, brillans dans leur cafture ; mais parûmes de quelques bulles. M. Sage , qui a fait fur cette pierre des recherches très-in-tenantes, dit qu'elle ne fe vitrifie pas au feu le plus violent. fes Elément de Minéralogie, T. i, p. 197- Sans doute Ge lavant Chymifte a travaillé fur des efpeces plus pures, différentes des nôtres & de celles que M. Pott & M, d'arcet °ut elfayées : car ces deux Auteurs en ent fendu différentes efPeces; & moi je n'en ai trouvé aucune dans nos montagnes 0 ^Ue Je w'aye complettement vitrifiée, \ 96 DESCRIPTION DES PIERRES ÈPARSES PIERRES CALCAIRES §. 2 2 $axa tnitôa , Wall. Cette claffe renferme les pierres qui font compofées de deux , trois, ou quatre différentes efpece de pierres, entremêlées fous la forme de grains (1) A Geneve , & dans quelques l'ro vûices de France , on donne très improprement le nom de Roche , à une efpece de Marbre groffier ou de Pierre Calcaire, folide & compacte, que Ton employé 7i dans l'Architecture. La pierre que les M.ituraliftes nomment Roche, ou Roc vif eft ce que nous appelions tout auffi i°v pioprenienc Serpentin, LES ENVIRONS DE GENEVE. Çkip. IV. 99 anguleux, ou de feuillets réunis par l'intimité du contact, fuis le fecours d'aucun gluten étranger. Celles qui fe divifent par feuillets, fe nomment Roches fchif- fJgJgJ teufes, ou Roches feuilletées ; Saxa fjfilia , Wall Celles qui paroilTent compofées de grains, & qui ne pré- J^hcs eiv entent ni feuillets ni veines fenfibles, fe nomment Roches en W0£ ; -S'axa folida , Wall Tels font les Granits. §. 131. Ce font ces deux efpeces de Roches, qui forment |j||jffîe> la matière des montagnes les plus élevées, telles que les chaînes centrales des Alpes, des Cordelières, de L'Ural, du Caucafe, & des monts Altaïques. On ne les trouve jamais affiles fur des montagnes d'Ardoife ni de Pierre calcaire ; elles fervent au contraire de bafe à celles-ci, & ont par conféquent exifté avant elles. Elles portent donc à jufte titre, le nom de Moiu taines primitives ; tandis que celles d'Ardoife & de Pierre c?JU caire ^ font qualifiées de Secondaires. §. 13 a. Les Roches en maiïe & fur-tout les Granits, fem- Les Granits ., , i°nt 'cs r°' hlent mériter encore mieux que les Roches feuilletées, le nom ches primi- de primitives ; parce qu'on les trouve plus près du centre , & Jç^""" dans le centre même des hautes chaînes; & parce que l'on n'v apperçoit pas auffi facilement les couches , qui font les Veftiges de leur formation. Plufieurs Naturaliftes ont même llle l'exiflence de ces couches. §• 13 3. Mais nous verrons dans le cours de cet ouvrage, Us ont t nu') pourtant ett? 4U eu obfervant attentivement les Granits, dans les montagnes formés par °ù leur fituation primordiale n'a point été altérée, on y re- ct>uches- N 2 trouve des lits ou des bancs, quelquefois plus épais, mais auffi conftans Se prefque auffi réguliers que dans les montagnes fécondaires. Dans les blocs roulés de Granit, même les plus confidè-rables, & à plus forte raifon dans les petits, on ne voit aucun veftige de ces couches ; parce que chaque morceau eft un fragment d'un feul lit. Les bancs de cette pierre font , on trop épais, ou trop peu cohérens entr'eux , pour rouler en-femble à de grandes diftances, fans fe féparer.. §. 134. Ceux qui n'ont obferve que fupernciellement les Granits, les regardent comme des efpeces de Grès , ou comme des grains de fable ou de gravier, réunis & agglutinés eri-femble ; Se c'eft même vraifemblablement de cette apparence grenue » qu'ils ont reçu le nom de Granit. Mais fi on étudie attentivement leur ftruclure , on verra que toutes les petites pièces dont le Granit eft compofé, s'** daptent les unes aux autres avec une précifion, qu'il eft impof-iible de fuppofer dans un arrangement fortuit de parties fé-parées. Les Grès, les Brèches , les Poudingues , qui ont été réellement formés par la réunion de fragmens détachés , n'ont point leurs parties ainfî parfaitement engrenées les unes dans les autres. De plus, dans ces mêmes pierres, on voit pour l'ordinaire, les interftices des fragmens dont elles font formées, remplis d'une efpece de pute ou de cément, qui fert à les ibu^ tenir Se h les lier enfemble. Dans les Granits au contraire , ii eft impoiïibîe de diftinguer aucun cément; toutes les parties paroiflent également intégrantes, Se font 0 bien adaptées les Caractères qui diftinguent ies Granits des Grès & des Poudingues. unes aux autres, qu'on diroit qu'elles ont été pétries enfemble, Pendant qu'elles étoient encore tendres & flexibles. C'est fans doute cette ftruefure , qui avoit fait foupçonner que ces maffes énormes de Granit qui nous relient des Anciens , Se dont le travail, & "fur-tout le tranfport paroiffoit fur-PaflTer les forces humaines, étoient des mélanges de différentes pâtes qui avoient été pétries & moulées fur les lieux. §. i3f. La manière la plus fpécieufe de foutenir que le J^J* Granit a été compofé par la réunion des parties, d'un fable, des graviers °u d'un gravier préexitlant, feroit de fuppofer que le Quartz , ™J£ ^i eit un des principaux ingrédiens des Granits , s'eft infiltré fans les interttices des autres parties & les a réunies. J'ai eu ^oi-même autrefois cette idée ; mais j'ai, été obligé de l'abandonner , quand j'ai vu que dans bien des Granits , le Quartz c°nftitue, non pas feulement le gluten , mais la bafe & le Principal ingrédient de la pierre, Se que même dans la plupart , les divers matériaux ont entr'eux de telles proportions, & font affemblés de manière , qu'ils paroiffent tous également nécefftires au foutien de l'édifice qui réfulte de leur alfem-blage ; enforte qu'il n'en eft aucun que l'on puiffe fbuftraire fans que les autres s'écroulent : d'où il luit néceffairement, qu'il eit impollible que deux ou trois de ces matériaux ayent exifté premièrement, Se qu'enfuite le dernier foit venu remplir les. Ulterftices..des autres. On voit des Granits qui font un mélange de gros grains a_p2U-près égaux, de deux différens genres de pierre , de Quartz ^ de Schorl, ou de Quartz & de Feld-Spath. Si vous fouf-trayez par k penfée ymi de ceg ingr^iens £ V0US verrez qifuni gravier compofé de. celui qui relie, n'auroit. pas pu fe foutenir ; mais que néceifairement il fe feroit afïaiffé, & auroit rempli les vuides qu'occupe actuellement la partie que vous imaginez être venue la dernière. fjiEN plus ; fouvent dans un même bloc i les mêmes matériaux font inégalement mélangés; ici c'eft prefque du Mica pur; là c'eft prefque tout Quartz ; plus loin les cryftaux de Feld-Spath font entaifés : lequel que ce foit de ces trois élé-nicns, que vous prétendiez être venu après les autres, il faudra que vous fuppofiez de très-grands vuides, qui ne fauroient avoir fubfifté dans un fable ou dans un gravier, compofé de parties mobiles & incohérentes. font l'ouvra! §• T3^- JE cr°is donc que les parties du Granit font toutes geddacryf- contemporaines; qu'elles ont toutes été formées dans le même iulhlation. r , élément & par la même eaufe;.& que le principe de cette formation a été la cryftallifation. Des élémens de Quartz, de Schorl, de Feld-Spath, diffous dans un même fluide, fe font raffemblés au fond de ce fluide en fe cryftallifant, ici féparés> là entremêlés ; comme nous voyons une eau faturée de différens fels , dépofcr dans le fond d'une même capfule, les cryftaux de tout ces fels plus ou moins régulièrement configurés, ■& plus ou moins eutrelaffés les uns dans les autres. Mais je renvoyé les détails & les preuves de cette exph* cation, au tems où nous ferons dans les montagnes corfl-pofées de ces Granits : elles nous offriront des veftiges paîp3' bles des opérations de la Nature donc ils ont été le produit fymmé&- Je vais à préfent donner une éuumération fuccincle de* Granits répandus dans les environs de Genève , fous la forme tîon de nos de blocs ou de cailloux roulés. xamts. §■ 137. Pour commencer comme M. Wallerius, par ceux Granits ^i ne font compofés que de deux efpeces de pierres, je dirai ^eu* cfpe! que nous en avons cinq efpeces bien diftinctes. ces de pier- m. La première eft un mélange de Feld-Spath & de Quartz , De Quart/, Granités fimplex, Wall. Sp. 199: elle eft allez rare dans nos Spath. *" ' environs, parce que le Qyartz & le Feld-Spath ne marchent guère eniemble fans être accompagnés du Mica. J'en ai Pourtant trouvé deux variétés ; dans l'une , un Feld-Spath blanc forme le fond de la pierre, & le Quartz y eft parfemé par Peths grains : dans l'autre, le Feld-Spath de couleur fauve eft; eritremêlé à dofes à-peu-près égales, avec du Qyartz blanc fragile (1). 138. La féconde efpece de Granit compofé de deux De Quartz elémens, réiulte du mélange du Quartz avec le Schorl, Gra- ' e c<01 mtes bafalticus , PI ail. Spi 200. Cette efpece eft extrêmement c°mmurte, & fe montre fous mille formes différentes ; le Schorl varie par jes couieurs s par ]a dureté, par la configuration ; il lci noir, là verd, là de couleur brune; ici mol, là très-dur. aris le plus grand nombre d'efpeces., il eft cryftallifé en lames ^angulaires, dans les autres, il n'a aucune forme déterminée. antot il eft diitribué par malfes d'un certain volume, tantôt il ea r ai vile en petits grains difléminés entre ceux du Quartz- la ^dVe ne donnerai pas * h fuîte de Bot* ption de cha^'e efpece de o nés composes, les rcfuh,,sque j\:i nus, en l'expofant à l'action du feu. Je renvoyé ces cenfidérations à l'article de ce Chapitre, qui a r-our titre, Digrcf* fon fur la matière premier c des dijfé» rmiés Laves, §. 171 &fuivans. Boa 104 ROCHES C OM P 0 SE.ES ÉP A ES ES DANS Le Quartz eft moins fujet à varier; c'eft toujours du Quarté fragile ou du Quartz grenu,.qui entre dans la compofition de ces pierres. Dans quelques efpeces pourtant, il femble changer de nature, devenir plus denfe & plus compacie , Se prendre par gradations les caractères du Jade. De Jade & §, 139. La troifieme efpece eit compofée de Tade & de •de Schorl. « . . Schorl; je l'ai décrite plus haut, §. 112. I)c Pierre §t IAQm La quatrième efpece, qui de même que la précé> Ollaire & de Schorl. dente, n'a.pas été décrite par M. Wallerius , eft compofée de Pierre Ollaire & de Schorl.', Cette Pierre Ollaire eft d'un jaune tirant fur le verd, d'une dureté médiocre ; le Schorl eft en lames noires, minces, rectangulaires ; il donne du feu quand on le frappe avec l'acier. -"Granitle- & 141. La cinquième efpece, que l'on pourroit nommer Granit fêcondaire, parce qu'elle eft formée d'élémens de cet ordre , & dans les montagnes de ce genre , eft compofée de Quartz fragile & de Spath calcaire ; celui-ci de couleur fauve, cryftallifé en lames rectangulaires ; celui là blanc, demi-tranfpa-rent Se fans forme déterminée. Ces deux fubftances mélangées entr'elles par maffes anguleufes &. irrégulieres , qui fe pénétrent mutuellement, ont été dépofées & cryftallifées par filons, dans les crevaffes des montagnes d'Ardoife & de Roche de Corne, qui bordent l'Arve entre le village de Servoz & la vallée de Chamouni. - C'eft de là que des fragmens détachés de ces filons font roulés dans ce torrent qui les charie jufques dans le Rhône. 'Granits oempofo dî §. 142. Entre les Granits compofés de plus de deux efpeces de Pierre, on doit d'abord obferver celui auquel appartient émi- plus de deux elemens. «emment le nom de Granit, Granités, Wall Sp. 201. Il eft compofé de Quartz, de Feld-Spath & de Mica. Les Granit nro. , r r j promeut dit. hautes fommités des Alpes font prefque toutes de ce genre de pierre : il ne faut donc pas s'étonner fi nous en trouvons des malles grandes & petites, répandues avec profufion dans nos vallées. Plufieurs de ces blocs font alTez grands pour fournir des meules de moulin, de grandes piles ou auges circulaires, dans lefquelles on écrafe les fruits fous des meules tournantes, &c. Ce Granit varie par la proportion de fes ingrédiens, qui Ses variétés. f°nt différens dans différens rochers, & Souvent dans les différentes parties d'un même rocher. Il varie auffi par la grandeur de fes parties , & fur-tout des Cryftaux de Feld-Spath, qui ont quelquefois jufques à un pouce de longueur, & d'autres fois font auffi petits qu'un grain de fable. Les différentes couleurs dont le Feld-Spath eft fufceptible , font la^fcurce d'un nombre de variétés ; celle qu'il préfente le Plus communément eft un blanc laiteux ; mais on le voit auffi jaune ou fauve , rouge , violet, 8c rarement, mais pourtant quelquefois , d'un beau noir. Le Qyartz ne prend pas des couleurs aufti variées, il eft% 011 blanc opaque , ou tranfparent & fans couleur, ou d'un gris <*Ui tire fur le violet. Mais les lames brillantes du Mica revêtent toutes les nuaiv O ces imaginables , le blanc, le gris, le verd , le jaune 5 le noir, &ç. du nit* §■ T43- Enfin , une différence plus importante que Ton trouve entre les Granits , eft celle de la dureté. Nous en avons qui ne le cèdent en rien aux Granits Orientaux, inîalbfes.6 ^AIS de cette dureté extrême on peut defcendre par nuances 9. jufques à des efpeces qui font tendres au point de s'égrener entre les doigts, Granités fufcus .aëre defiruclibilis , IV ail. Sp. 201 , var. K. Les bancs de cailloux roulés qui dominent les. bords de l'Arve & du Rhône, préfentent très-fréquemment des fragmens de ces Granits, dont les parties n'ont entr'elles aucune liaifom On ne peut pas foupçonner que cet accident foit l'effet ' d'un fuc corrofif qui ait dilTous le gluten qui les uniffoit : car fouvent, & à côté, & au deffus, Se au deffous de ces cailloux, on en trouve d'autres dont la dureté n'a fouffert aucune altération. C'eft un vice inhérent à la pierre ; l'effet de quelque matière faline ou argilleufe qui eft entrée dans fa com-pofition , & qui a empêché le contact intimenéceffaire pour l'adhérence mutuelle des parties. Il faut pourtant fuppofer que cette matière étrangère a befoin d'un certain efpace de tems, ou de certaines circonftan-ces , pour détruire la liaifon des parties de la pierre ; car h" l'incohérence de ces Granits avoit été dès. l'origine, auffi grande qu'elle eft aujourd'hui, ils n'auroient pas pu s'arrondir, Se fup-porter les révolutions qu'ils ont fubies ; le premier choc les eût réduits en fable, Mais quelquefois cette maladie attaque les Granits, même dans leur lieu natal. J'ai vu dans le Lyonnois , dans l'An-vergne , dans le Gévaudan, dans les Vofges , des lieues entières de pays, dont le terrein n'étoit autre chofe qu'un fable greffier , produit par la décompofition du Granit, qui forme la bafe de ces mêmes provinces. Cela ne fe voit que très-rarement dans les Alpes ; les Granits de ces hautes montagnes ont plus de folidité. §. 144. La féconde efpece de Granit compofé de trois Granits 1. s*. r*. compofés de genres de pierres, réfulte du mélange d'un Quartz tranfparent, q^um , de de Feld-Spath jaunâtre, & de Schorl noir , en lames médiocre- ^dJgJt J11ent dures. On en trouve des blocs confidérables fur le coteau de Chougny , fur celui de Boify , & ailleurs. §■ 14V. La troifieme efpece forme une belle roche qui n'eft De Jade, Al . „ 1 t 1 1 o i i r de Schorl & écrite nulle part; c'eft un mélange de Jade , de Schorl lpa- de Grenat. Clique verd, & de Grenat en maffe. Cette pierre d'une dureté & d'une denfité^confidérables, prend un beau poli;, & fes grandes taches rouges, vertes & jaunes , forment un très-bel effet. C'est bien dans cette pierre, que le mélange & l'entrelacement des différentes matières dont elle eft compofée, de* Montrent que ces roches ne font produites, ni de fragmens ^Pars, ni par l'agglutination des parties d'un gravier préexistant; mais par la cryftallifation fimultanée de différens éiémeus, diffous dans un même fluide. §• îA-6. On trouve enfin le Jade & le Schorl, mélangés >\c ^ a*cc le Mica. Mica O a Granits §. 147, Nous trouvons auffi des Granits compofés de quatre 4°ouP°efpe! genres de pierres; par exemple, de Stéatite, de Quartz, de ces de pier. Feld-Spath Se de Mica; de Quartz, de Feld-Spath f de Mica Se de Schorl, &c. On en trouve même dans lefquels on reconnoit cinq différens genres. Combien font nombre ufes les efpeces de Granits. §. 148. Mais il faut mettre un terme à cette énumération? parce que l'on pourroit diftinguer prefqu'autant d'efpeces, qu'il y a de combinaifons poffibies des fept ou huit genres de pierres, qui entrent dans la compofition des différentes efpeces de Granit. Ce n'eft pas qu'il ne fût intéreffant de confidérer quels font ceux de ces genres qui aiment a fe réunir , & quels font au contraire, ceux qui femblent s'éviter ; ou qui du moins ne fe réunifient, que 7juand ils font accompagnés, de certains autres genres. Mais alors il faudroit confidérer la claffe des Roches çompofées dans toute fon étendue, & je dois ici me borner aux efpeces que nous trouvons dans nos environs. PORPHTRE. Sescarac- §. T49. Le Porphyre, fécond genre de Roche en maffe ? approche beaucoup de la nature du Granit. Il appartient comme le Granit,, à la claffe des Roches primitives , & il eft comme lui, compofé de différens genres de pierres, mais il en diffère en ce que dans le Granit, il n'y a point de pâte qui lie Se enveloppe les grains pierreux donc LES ENVIRONS DE GENEVE. Chp. V. 109 il eft compofé ; au lieu que dans le Porphyre on voit un fond uniforme ou un cément dans lequel les autres pierres font renfermées. Cette pâte ou ce cément eft ordinairement opaque, & même d'une couleur obfcure. Mais on demandera en quoi les Porphyres différent des Poudingues, dans lefquels on voit auffi un cément, qui réunit leurs différentes parties. Je répondrai qu'ils en différent, en ce que les grains des Poudingues font , ou des fragmens de différentes pierres, ou des Silex de forme arrondie , au lieu que ceux des Porphyres f°nt des cryftaux réguliers de Schorl & de Feld-Spath, qui Coiffent avoir été formés par la cryftallifation, à mefure que ie cément biti les lie, fe dépofoit ou fe cryftallifoit confufément5 ^ne manière analogue à fa nature». §. ifO. Le premier que je décrirai ici, faifoit partie du d/p^™ Pavé d'une des rues de notre ville : fa forme étoit ovale ; il avoit re. extérieurement la couleur brune, rougeâtre des Porphyres /tiques, avec des taches oblongues rectangulaires , blanches °u rougeâtres. Je le fis arracher , & après l'avoir caffé, je Couvai que fon fond étoit une pâte douée de quelque tranl-Parence, & dont le grain groffier reffembloit un peu k celui d'un Grès quartzeux. Dans l'intérieur de la pierre, cette pâte e{t grife; mais en approchant de la furface, elle prend par nuances une couleur rougeâtre, & à l'extérieur elle eft, comme 3e toi dit, d'un rouge brun. On voit clairement que ces lances tiennent à la décompofition du Fer qui eft parfemé d^s cette pierre, fous la forme de points noirs, tendres & Puivérulens. Toute cette pâte eft exceffivement dure, plus. que celle du Porphyre Oriental ; la pierre eft très-difficile à rompre, donne contre l'acier de très-vives étincelles , & les acides , aidés même de la chaleur , ne l'altèrent en aucune manière. Dans ce fond font renfermés des cryftaux de Feld-Spath, les uns blancs , les autres rougeâtres, bien cryflallifés en lames rectangulaires très-brillantes, & dont l'affemblage forme des parallélépipèdes recfangles à angles vifs. Les plus grands de ces cryftaux ont 7 à 8 lignes de longueur fur 4 de large. D y en a de beaucoup plus petits. On y voit auffi quelques particules de Quartz demi tranfparent. • Efpece §. ici. La féconde efpece a un fond d'un pourpre clair orphy- agréable , qui eft le même au dedans qu'au dehors de la pierre. 11 eft grené comme le précédent , mais un peu moins dur; il donne cependant toujours des étincelles. Ce fond contient des cryftaux de Feld-Spath , les uns blancs, les autres pourprés comme le fond même , & d'affez gros grains de Quartz tranfparent. Efpece §. 15$, La troifieme efpece a un fond d'un gris tirant fur 'orphy. s ■ ft le noir, très-dur, & d'un grain plus fin que ceux que je viens de décrire. Les cryftaux de Feld-Spath que ce fond renferme , font d'un blanc grifâtre ; ils font plus folides & d'un tiftu plus uni & plus ferré , que ne^fcnt communément les cryftaux de ce genre-On n'y apperçoit point de grains de Quartz. §• 15 3- Le fond de la quatrième efpece eft pointillé, com- 4. Efpece P°fé de très-petits cryftaux de Quartz blanc opaque, Se de re^ porJ?hy* Petits cryftaux de Schorl noir. Sur ce fond on voit des cryftaux blancs, rectangulaires de Feld-Spath, Se des grains de Schorl noir. §• m4. Une cinquième efpece, plus finguliere que les pré- s- Efpece cédentes, & que j'ai aufli arrachée du pavé de notre ville, a •! °rphy" Pour fond une Terre micacée tendre , d'un gris verdâtre. Ce fond eft relevé par de grands cryftaux de Feld-Spath rofe, Par des glandes arrondies d'une Stéatite verte , demi-tranf-P^tente. re. Quand on polit cette pierre, le fond demeure terne ; mais Cryftaux durs de Feld-Spath, & les grains de Stéatite pren-neilt un beau poli, Se forment un effet très-agréable. les §.155. J'ai donné le nom de Porphyre aux cinq efpeces ^Confidé^ Roches que je viens de décrire, parce qu'elles ont un fond W réunit les grains cryflallifés qui entrent dans leur com- Poûtion. Elles différent cependant des Porphyres Orientaux, en ce ^e la pâte de ceux-ci n'a point de grains, ou n'a du moins ^'un grain très-fin , qui dénote une fubftance parfaitement homogène, un Jafpe , un Schorl en malfe , ou une Pierre de Corne dure ; au lieu que la pâte des cinq efpeces précédentes K un grain un peu groffier, parfemé de point? brillans, enforte ^u'on pourroit foupçonner qu'il eft compofé de très-petits cryi- taux mélangés; ce qui rappelleroit ces pierres dans le genre des Granits. Elles forment la tranfition _ des Granits au xPorphyres. D'après cette confidération, ces efpeces me paroiflent former un genre intermédiaire entre les vrais Granits & les vrais Porphyres ; car pour peu que leurs grains euffent été plus atténués, I auroit été impoffible de les appercevoir ; & alors on n'auroit vu aucune différence entr'elles & les Porphyres proprement dits. Mêmes transitions obfervées dans les montagnes. Je fuis d'autant plus porté a admettre cette tranfition , que j'ai vu la Nature la fuivre dans les montagnes mêmes. En allant de Lyon à Clermont par Roane, St. Juif & Thiers» j'ai trouvé toute la partie du Forez que traverfe la grande route, fondée fur le Porphyre ; la ville même de Roane n'eft bâtie que de cette pierre. Les frontières de l'Auvergne de ce côté là, font au contraire toutes de Granit; j'en donnerai pour exemple la montagne au deffus de Thiers. Or j'ai vu entre St. Juif & Thiers, des rochers femblables aux nôtres, dont le fond n'a ni toute l'homogénéité & toute l'opacité de celui des Porphyres ; ni la forme grenue Se cryftallifée des Granits-Ils formoient par conféquent un genre intermédiaire, & dénotaient les gradations par lefquelles la Nature palTe de la for* mation de l'une, à celle de l'autre. 6. Efpece §. i ^ 6". Mais nous n'avons pas feulement ces efpeces mixtes i \ porphy" nous trouvons auffi deux fortes de vrais Porphyres. La première a pour fond un Jafpe, ou plutôt un Petro* filex noir opaque , qui dans fa caffure reffemble un peu ai* Pctrofile* Petrofilex fquamofus , W. Sp. 121; mais qui eft plus dur que ce Petrofilex , Se donne beaucoup de feu contre l'acier. Ce Porphyre relfemble au Porphyre noir Oriental, Se il eft comme lui, parfemé de très-petits cryftaux rectangulaires de Feld-Spath blanc , Se de grains arrondis de Quartz tranfparent & fans couleur. Je doutois fi ces grains ne feroient point du Schorl vitreux , mais je me fuis affuré qu'il font bien du Quartz, cu voyant qu'ils réfiftent au ieu , qui convertit la pâte de ce Porphyre en un verre brun cellulaire. Les cryftaux de Feld-Spath que ce fond de Jafpe renferme, rendent un peu plus léger que les Jafpes purs , §. 73- Sa pefanteur fpécifique eft à celle de l'eau, comme 2628 à 1000. S. if7. La féconde efpece de vrai Porphyre a auffi pour ^JggJJ fond un Jafpe ou Petrofilex, alfez femblable â celui que je viens re. de décrire, mais d'un verd clair Se un peu tranfparent. Les cryftaux de Feld-Spath qu'il renferme , font un peu plus grands que ceux de l'efpece précédente ; & les grains de Quartz, quoique moins tranfparens, préfentent fréquemment des indices de cryftallifation ; on en voit plufieurs dont les fix pans font bien prononcés ; qnelques-uns n'en montrent que quatre, d'autres cinq. On y voit auffi des taches ferrugineufes qui fouvent enveloppent ces cryftaux ; Se l'on y diftingue des cryf-tau* de Schorl noir. Ces deux Porphyres prennent l'un & l'autre un alfez beau poli. ROCHES FEUILLETEES. §. if8. Après avoir décrit les Roches en maffe que Ton trouve dans nos environs, je viens aux Roches feuilletées. Caradei-es Elles font en général compofées des mêmes matériaux que Ghes, les Roches en malfe, & ces matériaux y font auffi réunis par la feule intimité de leur contact, fans le fecours d'aucun cément vifible. Le feul caractère qui les diffcingue des Roches en maffe , c'eft que leur tiffu eft feuilleté, ou qu'elles font compofées de couches minces appliquées les unes fur les autres. Ces couches ne font pas toujours faciles à féparer ; fouvent même elles adhérent cntr'elles avec la plus grande force ; mais l'œil les re-connoit & les diftingue, Leurslames §- *f.f. Les couches des Roches feuilletées ne font pas ondées ou toujours planes & régulières ; fouvent ces feuillets font d'épaif-feurs inégales, ou ondes, ou repliés fur eux-mêmes de manière à former des S ou des Z , & même des formes encore plus compliquées. Raifons de Le célèbre Wallerius attribue ces forme* à des froiffemens» cette forme. ou ^ deR bouleverfeniens qu'ont fouffert ces feuillets, tandis qu'ils étoient encore mois & flexibles ; & fans doute de tels accidens peuvent être arrivés quelquefois. Je croirois cependant que c'eft pour l'ordinaire, la cryftallifation , caufe génératrice de ces pierres, qui leur a donné ces figures variées Si bizarres. Nous voyons en effet, les A3— Mtres qui font indubitablement l'ouvrage de la cryftallifation , montrer dans les formes de leurs couches, les mêmes variétés les mêmes bizarreries. Les Roches feuilletées préfentent des efpeces autant & plus diverfifiées que les Roches en nraffe. J'ai diitribué les nôtres ctl fcpt genres différens. Premier genre de Roches feuilletées. % 160. La plus commune des Roches feuilletées, eft celle Quart?, & i eft corn «ombrables. ^ui eft compofée de Quartz & de Mica : fes variétés font in- MlCt* Quant k la dureté, comme le Mica eft une des pierres Bile tarie fes plus tendres , & le Quartz une des plus dures ; leur me- Jeté, knge eft plus ou moins dur, fuivant leurs proportions. Celles où le Quartz domine, font très-dures, & appartiennent au Saxurn fornacum, IV. Sp. 2.03. Nous en trouvons dans fefquelles le Mica eft en fi petite quantité , qu'on ne peut ap-percevoir fes lames luifantes, qu'en préfentant obliquement la Pierre aux rayons du Soleil. D'autres , compofées prefqu'entiérement de Mica , ne renferment du Quartz qu'en petits grains diiféminés ça & là, qui tétant point réunis, n'empêchent pas que la pierre ne fe brife çritrc les doigts. Ur, on conçoit aifément combien il doit fe trouver de nuances entre ces.deux extrêmes. P i Quelquefois même un feul rocher eft de différente dureté dans différentes parties; on en voit par exemple, dans lefquels les feuillets alternent, l'un étant de Quartz prefque pur , & le fuivant prefque tout de Mica. Nœuds de §. 161. D'autres fois ces rochers renferment le Quartz,. 'uârtz cryftallifé fous la forme de nœuds ovales ou circulaires, ap-platis, tranchans par leurs bords; & qui, lorfqu'ils font coupés par le milieu , reffemblent beaucoup à des yeux. Ces nœuds font de grandeurs inégales ; quelquefois auffi petits que des grains de Mil ; d'autres fois d'un, & même de deux pouces de diamètre. Le Quartz fous cette forme eft ordinairement opaque & laiteux, on le -oit aufîi coloré en jaune, ou demi-tranf-parent. Mais, quelle que foit la grandeur & la couleur de ces yeux, leur plus grand diamètre eft toujours fitué dans la direction des feuillets de la pierre; & les veines de Mica , qui fe détournent de leur direction pour les entourer, reprennent en les quittant, leur parallelifme. §. 162. Cette même efpece de Roche varie auffi par les couleurs ; le Mica en prend de très-différentes ; il eft ou blanc, ou jaune , ou verd , ou brun , ou rouge, ou noir. Le Quart* varie auffi entre le blanc, le rougeâtre & le jaune. Et dans les Enfin l'épaiflTeur des feuillets , leur forme , leur cohérence a euiilet* ^Qnt encore ja fource de bien des variétés. Second genre de Roches feuilletées-. Variétés dans les couleurs. Granits veinés. 163. Souvent des cryftaux de Feld-Spath viennent fe joindre au Quartz & au Mica, Les Roches qui réfultent de l'affernblage de ces trois genres, font bien remarquables: elles ne différent du Granit que par Une apparence veinée, & une difpofition à fe laiffer fendre Plutôt dans la direction des veines, que tranfverfalemcnt à elles; Car d'ailleurs elles font compofées précifément des mêmes in-§rédiens, réunis comme dans le Granit, fans aucun cément ^fîble. Leur dureté eft auffi la même que celle du Granit» Ce qui forme ks veines de cette pierre, c'eft l'arrangement ^es parties du Mica , qui font difpofées en lignes quelquefois tortueufes & ondées, mais dont les directions moyennes font *°ujours parallèles entr'elles : & les ondulations de ces lignes Vlennent de ce que les parties de Mica embraffent les cryf-taux de Feld-Spath Se les grains de Quartz. Dans quelques efpeces , les cryftaux de Feld-Spath font *tonces , applatis & dirigés dans le fens des feuillets ; d'autres. *°is, ces cryftaux inégalement épais ont pris, comme dans les Granits ordinaires, des polirions obliques entr'elles, mais toujours les veines de Mica les embraffent, & reprennent enfuite feur direction commune. î-s célèbre Wallerius n'a pas diftingué cette efpece de Roche, du moins n'en fait-il aucune mention dans fes ouvrages, ■klle n'eft cependant pas rare , du moins dans nos montagnes j j^11 ai vu auffi fréquemment des cailloux , Se même de grands* Cs dans nos environs ; par exemple , au Grand Saconex. Cette efpece me paroit très-intéreffante : elle fert de paf-age entre les Roches feuilletées & les Granits ; elle lie ces 1X genres, Se concourt à prouver l'identité de leur origine, Nous verrons même en parcourant les Alpes, cette efpecc de roche placée très-fouvent par la Nature, entre les Roches feuilletées ordinaires & les vrais Granits. J'ai donné à cette pierre le nom de Granit veiné. Troifieme genre de Roches feuilletées. Quarts & §. r 64. Le Quartz & le Schorl forment par leur mélange » un troifieme genre de Roche , très-commune Se très-variée. Schorl en Dans la plupart, le Quartz eft blanc opaque, & le Schorl en lames ^noires Se brillantes, dont les plans font parallèles au* feuillets de la pierre. On en trouve dont le Schorl eft verdi d'autres dans lefquelles il tire fur le brum Schorl en La cryftallifation la plus remarquable que le Schorl nous ait gerbes. offerte dans les pierres de ce genre, fe voit dans un caillou roulé que M. Bordenave a trouvé au bord du Lac. Des cryftaux noirs, brillans, déliés & nombreux partent d'un centre commun, Se forment une efpece de gerbe , ou plutôt d'évan-tail » dont les rayons ont deux ou trois lignes de longueur. Le fond de la pierre, formé par un Quartz blanc grenu, d'un grain très-fin Se très-ferré, eft parfemé d'une quantité de ces petites gerbes. Variétés §. 16f. Ces Roches varient comme celles deQuartz Se de Mica» (3c ces 2en» res de Ro- par la proportion Se la dtftnbution de leurs élémens ; on J chc*. trouve auflt quelquefois le Quartz fous la forme de nœuds> d'autres fois, c'eft le Schorl qui revêt cette forme. On y voit même des nœuds forme's de couches concentriques de Quartz blanc & de Schorl noir. Cette Roche devroit toujours être dure, parce que fes deux élémens font durs; mais comme les variétés du Schorl ^fcendent par nuances infenfibles , de la dureté du Silex à la Inolle{fe de la Pierre de Corne, on trouve dans cette efpece, «es pierres de différens degrés de dureté. Lorsque le Mica vient fe joindre au Schorl & au Quartz,, dont ces Roches font compofées ; le mélange de ces trois fubf-*ar*ces forme le Quartzum molare bafalticum, Wall ,Sp. 206. Quatrième genre de Roches feuilletées. §• 166. Les Roches compofées de Schorl tendre nous con- ^Roches rîs ^uifent naturellement à celles dans lefquelles entre la vraie °ine* ^iei*re de Corne. M. Waelerius en a fait une famille fé- P'^ce, qu'il a nommée Saxa molliora..... cornea. La Pierre de Corne qui entre dans la compofition de ces; Formes dif. ^°ches, s'y montre fous différentes formes. [eVqu^L's0"]! Pierre- de ..o o ' " • ' , ' Corne entre • vbous celle de lames brillantes, ffriees, quelquefois recfan- dbnsiacom- paires, vertes, jaunâtres, ou brunes, mais le plus fouveit noiresa. Roches* ^ emblables au Schorl ou Bafaltes fpathofus, Sp. 149; mais que Ur m°Heffe relègue dans l'efpece du Corneus fpathofus, 171. t - £n aiguilles ou fibres brillantes , qui dans quelques va-. neté$, font fi fines & fi ferrées , qu'on a peine à les apper-Cevoir. 3*. Sous la forme d'écaillés un peu ondées, difficiles à distinguer du Mica, fi ce n'eit par un éclat un peu moins vif* par leur odeur terreufe, & par les épreuves chymiques. ?v slip "softsq - $, 169. La Pierre de Corne s'unit auffi avec le Schorl, & Redie tuteur mélange forme cette Roche, qui fe divife naturellement pezul en grandes maffes cubiques ou parallélépipèdes obliquangles, que M. Wallerius a nommée Saxum Trapeziwn, % 210. J'ai vu un beau bloc de cette efpece de Roche , dans un bois qui eit fur la route d'Evian à Meilîerie. Ce bloc avoit fe forme d'un trapézoïde applati ; quand je le frappai pour en. détacher un morceau , il s'en fépara une pièce de la même figure. Son grain groflier eft compofé de lames flriées noirâtres, 4ui vues au Soleil, paroilfent très-brillantes & changeantes en violet & en verd. Entre ces lames qui font de Schorl, on Voit les parties grifes , terreufes & plus tendres , de la Pierre de Corne. C'eft à raifon de ces lames de Schorl, que la pierre donne quelques étincelles, quand on la frappe vivement avec • *acier. On apperçoit dans l'intérieur quelques points pyriteux, & de petites taches ferrugineufes , qui au dehors de la pierre . fe gonflent, s'étendent & forment une efpece de galle couleur de rouille. J'ai trouvé ailleurs d'autres fragmens de cette pierre , étoient auffi de forme quarrée ou en lozange. §• 170. Cette Roche mélangée me parut propre à une Ëvpérîen- T . r ces relatives «Preuve que je projettois depuis long-tems. J en mis un Irag- ^ Laves ^ent dans un creufet; je l'expolai fous une moufle à un feu |£*tcot™en" de fufion modéré, j'épiai le moment où il commenceroit à fe Schorl. fondre, & dans cet initant même , je le retirai du feu & le feuTai refroidir. Comme la Pierre de Corne eft plus fuiible que le Schorl, j'efpérois que celle-là feroit fondue , tandis que les aiguilles de Schorl feroient encore entières, & que j'aurois a irinfi imité ces Laves fondues, dans lefquellcs on voit des aiguilles de Schorl brillantes & intactes. Mais mon efpérance fut trompée. La pierre fondue, quoiqu'elle eût toutes les apparences d'une Lave , qu'elle fut noire en dedans, parfemée de grandes bulles, & enduite au dehors d'une efpece de vernis doré, exactement comme certains morceaux du Véfuve , n'avoit pourtant [confervé aucune lame de Schorl ; tout étoit fondu : ce n'etoit qu'une demi-vitrification, mais elle étoit uniforme. Ou la différence de fufibilité entre le Schorl & la matière qui le renferme a été plus grande dans les pierres qui ont fourni ces Laves ; ou la Nature employé un feu plus gradué. J'avois pourtant choifi un moment bien précis ; car le fragment de cette Roche, quoique fondu intérieurement, ne s'étoit pas encore affaiffé , & n'avoit pas encore entièrement perdu fa forme» DIGRESSION S UR LA MATIERE PREMIERE DES DIFFÉRENTES LAVES. Ce fujet eft §■ i7i- JE fuis étonné que l'on ait fait fi peu de recher-neuf1UC c^es expérimentales fur la nature des pierres qui , par leur fufion , doivent avoir produit les différentes Laves que nous préfentent les Volcans. Travaux de M. Desmarest a obferve, il eft vrai, avec l'attention la plus rest.esma" £°'atcnuG » la niardie de la Nature dans la production des matières volcaniques ; & il a deviné plufieurs de fes opérations avec une fagacité peu commune. Cependant on aimeroit à voir fes ingénieufes conjectures foumifes à répreuve du creufet ; & fans doute fon verroit fouvent l'Art produire , d'après fes principes, des matières femblabies à celles que nous offre il Nature. Quelquefois pourtant on trouveroit des réfultats différens. Je crois, par exemple , qu'il a tiré des inductions trop gé- Le? Granît's , 1 r ne iontpas , nerales de fes obfervations ; en avançant que les Granits font comme il le fe matière la plus commune des Bafaltes. Voyez les Mém. de matière des ^farr/. des Se. pour tannée 1771 , p. 273. Bafaltes. "Les épreuves que j'avois faites en différens tems fur diffé- -tentes efpeces de Granits , m'avoient convaincu qu'ils ne pou-Voient point être réduits en une matière homogène , même Par le feu le plus violent des fourneaux ; feu qui, de l'aveu même de M. DesiMarest , eft bien fupérieur h celui des Volcans. Il eft vrai que M". d'A.rcet eft venu à bout de fondre les Expériences r 1 , , c de Al. d'AR- ^ranits \ mais après les avoir réduits en poudre tres-nne ; car cfiTi ils réfiftoient à l'action du feu , lorfqu'il les expofoit en morceaux entiers , tels qu'ils fe trouvent naturellement. Mémoire hr r action d'un feu égal F. 1% §. XLIX. D'autres Gra-nits qu'il a fondus, & dont il parle dans le lit. Mémoire, Soient auffi vraifemblablement été réduits en poudre ; au moins le dit-il expreflement de celui de Pétersbourg , lié Mémoire-, S. LXVI. Ht quoique la pulvcrifation des Granits facilite leur fuiion , ** mêlant leurs élémens fufibles avec ceux qui ne le font pas ; cette fufon exige encore un feu beaucoup plus violent que celui des Volcans. D'ailleurs, le degré de feu néceffaire pour fondre les Granits , même pulvérifés , les réduit en un verre extrêmement dur, gris, demi-tranfparent, très-différent des Ba- Q_2 faites; puifque ceux-ci font des vitrifications imparfaites, noires-pour l'ordinaire, & toujours opaques. énïïnU,vfles ^AK les opinions d'un Naturalifte tel que M. Desmarest^ fakes dans ne pouvant point être comparées à des obfervations , ni cette vue. / / même à des expériences vagues & générales ; j'ai réfolu de faire quelques épreuves uniquement deflinées à leur vérification. Sm-îeGra- §. 172. T'ai cherché un Granit dont les trois élémens, le mt de la Pierre à Ni. Quartz, le Mica & le Feld-Spath, fuffent bien caractérifés & iSS. pulvc" bien diftincts. La Pierre à Niton, ce grand rocher roulé qui eft dans le Lac à l'entrée du port de notre ville, poffede ces qualités dans, un degré éminent : fon Feld-Spath eft en grands cryftaux blancs & opaques ; fon Quartz eft en morceaux de forme indéterminée, mais tranfparens & d'une couleur qui tire fur le violet ; & fon Mica eft en petites ; lames noirâtres. J'ai fait réduire en poudre fine un fragment de ce Granit; je l'ai expofé au feu le plus violent de mon fourneau ; il s'eft changé en un verre d'un gris verdâtre, demi-tranrparent, bien affailfé , brillant à fa furface ; mais rempli de bulles extrême* ment petites, & la loupe y démontre des grains blancs de Quartz, qui étant moins fins que les autres, ont réfuté à la vitrification. Surlemê- §. ^3. Sous la même moufle, & à coté du creufet qui me Granit ^ non pulvé- contenoit ce Granit pulvérifé , un autre creufet renfermoit des fragmens du même rocher. Les épreuves faites ainfi fur des morceaux entiers, font beaucoup plus inftruetives ; parce que l'on peut reconnoître les changemens divers qu'éprouvent les différentes fubftances dont, un mixte eft compofé. Ces frag* mens, après avoir fubi l'action du feu, fe trouvèrent réunis , affaiffés, ils rempliffoient le fond du creufet, & la furface de fe matière fondue étoit concave & brillante. En cafTant cette Matière vitreufe, on reconnoilfoit diitinctement les trois élé-^ens du Granit; le Mica fondu en un verre d'un noir qui tenoit du brun & du verd, parfemé de bulles de la grandeur d'un grain de Mil : le Feld-Spath réduit en un verre tranfpa-rer»t & fans couleur , rempli de bulles qui ne font vifibies 4u'à la loupe , dur au point de couper le verre à vitre , Se d'étinceller contre l'acier : le Quartz enfin, confervé intad, même dans fes plus petites parties, n'ayant perdu que fa tranfparenee Hui lui eft enlevée par des gerfures innombrables qu'il a contactées dans le feu, Se qui le rendent d'un beau blanc mat. La vitrification de ce Granit eft donc bien éloignée de reffembler à un Bafalte homogène. Des degrés de feu plus Bafalte. forts, s'ils étoient capables d'attaquer Se de. difToudre enfin le Quartz , rédniroient le Granit en un verre encore beaucoup Ptos dur Se plus tranfparent, qui refTembleroit bien moins encore au Bafalte. Et des degrés plus foibles donneroient, comme je l'ai, éprouvé , d'abord des maffes friables &. incohé-rentes; enfuite des frittes caverneufes, fans liaifon Se fans ho ^ogéuéité; enforte qu'il me paroît impoflible qu'un tel Granit, Ptiffe jamais- donner une matière qui reffemble à une Lave homogène. Des épreuves femblables, répétées fur d'autres Granits de nos dirons, m'ont donné les mêmes réfultats. §• 174. Mais il m'elt furvenu un doute : j'ai penfé que peut- épreuve & ^ les Granits des pays qui renferment des Bafaltes, (croient même rcfui- vergne. tat, far un plus fufibles qne les autres. Pour réfoudre ce doute , j'ai éprouvé au feu des fragmens que j'ai moi-même détachés d'un rocher de Granit, fitué au deffous de la Tour d'Auvergne. Ce Granit efc, de même que le nôtre, compofé de Feld-Spath blanc, de Quartz tranfparent & de Mica noir; mais le peu de cohérence de toutes ces parties fembloit indiquer une fufibilité plus grande. Et pourtant le verre qu'il a donné, reffemble parfaitement à celui de nos Granits ; on y dittingue. également le verre noir verdâtre du Mica, le verre tranfparent du Feld-Spath , & les grains blancs du Quartz , parfaitement intacts. -Et fur un §. 175. Enfin , pouffant mes doutes encore plus loin, j'ai de&faorS. * réfléchi que, comme le Schorl eft plus fufible que le Feld-Spath , peut être les Granits compofés de Schorl & de Quartz» pourroient-ils fe fondre en entier , & donner une vitrification homogène,'plus analogue à celle des Bafaltes. J'ai donc expofé au feu un Granit compofé de Schorl noir & de Quartz, dans lequel la furabondance du Schorl, & la petiteife extrême des parties du Quartz, promettoit une fufion plus -complette. S s'eft fondu à la vérité , mais en un verre noir, cellulaire , par-iemé des particules blanches du Quartz toujours inaltérable. ^ mûmes §. 176". Les cinq efpeces de Porphyre, que j'ai décrites dans mêmes ré- les §§• MO—» 1 S S »"& qui approchent de la nature des Granits. dTultaw fur .'ont toutes donné des vitrifications non homogènes, comme les gerpny- 0 tes. cehes que nous venons de voir. Le réfute le plus fmgulier a été celui de la troifieme efpece , §. 1 $ 3. Le fond gris de la pierre s'eft entièrement vitrifié : il a formé un émail parfaitement compacte, noir & brillant- & le verre du Feld-Spath, plus léger que cet émail, f«4* doute à caufe des petites bulles qui ne l'abandonnent jamais, eft venu nager k la furface où il forme une marbrure d'un gris blanchâtre. La cinquième efpece > dont le fond eft une terre micacée mélangée peut-être d'un peu de Pierre de Corne, s'eft fondue tres-aifément, & a donné un émail noir, un peu poreux, qui Malgré la violence & la durée du feu , n'a pu ni altérer les £rains de Quartz, ni diifoudre le verre du Feld-Spath. Ces deux matières font toujours diftinctes au milieu de cet émail. La fixieme & la feptieme efpece de Porphyre , dont le fond eftune forte de Petrofilex ( §§. 1 ç 6" & 1^7. ), ont donné des verres gris, prefque tranfparens, extrêmement poreux, Se dans kftjuels on reconnoit toujours, comme dans les précédens les parties de Quartz Se de Feld-Spath. S. 177. D: après toutes ces expériences, il ne paroît pas Conclufion.. Poffible qu'aucune pierre de la clalfe des Granits , mélangée de Quartz & de Feld-Spath, ait pu fervir de matière aux Bafaltes 1 attx Laves homogènes. Les feux que nous coimoiffbns ne *es rendent point homogènes ; Se un feu capable de les rendre telles, l-s changeroit en un verre tranfparent, extrêmement dur,. Plument différent des Bafaltes. §• T78. Je croirois plutôt que ce font les Pierres Se les Les Rock es es de Corne, qui ont fourni la plupart des Laves noires, paroUfeift C°mpaa'es & bien fondues, que les Volcans nous préfentent. t^îtllsTl ves & des Toutes les pierres de ce genre que j'ai foumîfes à- l'action Kj^ltcs' f r r Laves \ . «>ie iont fondues à une chaleur modérée, telle que pa- unifia b*0* duites par roît avoir été celle des Volcans, & ce degré de feu les a ees pienes. ^g^j en (jes niatieres noires, demi-vitrifiées , exactement femblables à des Laves poreufes. Comment ces Laves Après que la chaleur des feux fouterrains a changé ces ^viennent pierres en Laves poreufes,, la longue durée de cette même cha-•vomp actes. 1 leur expulfe ou fait abforber peu-à-peu les bulles qui caufent leur porofïté., & les change ainfi en Laves compactes. Car c© n'eft que dans l'intérieur des courans volcaniques, où la chaleur s'eft confervée pendant long-tems , que l'on trouve des Laves ferrées & exemptes de bulles. M. le Chevalier Hamilton me fit faire à Naples, cette obfervation fur un grand nombre de courans du Véfuve. Leurs furfaces fupérieur.es, inférieures & latérales, font toujours compofées de fcories fpongieufes & mal liées ; parce que le refroi-dilfement trop prompt de ces furfaces, n'a pas permis à leur matière de s'affailfer completternent Ces mêmes j-q qes m£mes Roches de Corne, qu*une chaleur nio- picrres donnent des dérée change d'abord en Laves poreufes, & enfuite en Laves Wabics à compactes, expofées à un feu plus violent, fe convertirent en ceux des UD verre GU émail ]]0jr ^ brillant, opaque , parfaitement fem-blable à celui que préfentent les Volcans dans les endroits où quelques caufes accidentelles ont augmenté leur chaleur. Les Laves homogènes & les Bafaltes que produifent les Volcans , pouffes à ce même degré de feu , donnent aulh un émail noir , parfaitement femblable à celui des Roches de Corne. Leur ana-donne §. t 80, Enfin , les vitrifications des Roches de Corne, traitée5 avec *vec les acides, s'y diifolvent en partie , Se donnent précifé- les mêmes ment les mêmes produits que les Laves & les Bafaltes. §. i8r. Le principal motif qui avoit engagé M. Desmarest Nuances \ entre les a regarder les Granits comme la matière des Bafaltes, c'eft qu'en Granits & °bfervant des pays volcanifés, il avoit vu , ici des Granits in- les Lales ' compactes, tafts, plus loin des Granits altérés, plus loin encore des Granits a demi-fondus, & ainfî des nuances fuivies jufques à des Laves & des Bafaltes parfaitement fondus Se homogènes. Mêm. de iJcad. des Sciences 1771 , p. 723 & 7-4* Mais la vraie raifon de ce phénomène, C'eft que la Nature J^ljà^ °ffre auffi des tranfitions nuancées, entre les Granits mfufibles Par les feux volcaniques, Se les Roches de Corne les plus fu-fibles ; enfortc que ces matières foumifes au même degré de feu, doivent montrer dans leurs produits, les mêmes nuances que la Nature a mifes dans leur fufibilité. J'ai vu ces tranft-tions nuancées, dans le Forez , dans les Vofges , & dans toutes le» Alpes, La petite partie de cette chaîne, qui eft décrite d*ns ce volume, nous en fournira plufieurs beaux exemples. Il y a plus encore; un feul rocher, un morceau même plus Petit que le poing , peut renfermer toutes ces nuances : j'en ai trouvé fur le coteau de Boify, Se nous en verrons de pareils ^ans les Alpes. Un de ces morceaux , expofé à un feu mo-déré, montre des nuances fuivies, depuis la fufion complctte des Roches de Corne ou des Terres micacées, jufques à fini-Parfaite fufion des Granits. J'en ai fait moi-même l'expérience fi* un fragment de ce genre , que j'avois rapporté de Chamouni. §• 182. Il ne paroit pas non plus que le Feld-Spath, au- D« I** R qui renFerment des parties hétérogènes. quel M. Desmarest donne le nom de Spath fufible, foit la matière de la pâte fondue qui, dans certaines Laves ou Bafaltes, renferme des grains entiers Se non fondus, Le Feld-Spath eft comme je l'ai déjà dit, trop réfractaire ou de trop difficile fufion ; Se lorfqu'enfin on vient à bout de le fondre » il donne constamment des verres tranfparens, très-durs, remplis de bulles microfeopiques, qui n'ont aucune reffemblance avec la pâte fondue de ces Laves Se de ces Bafaltes. Les cryftaux de cette pierre, même après avoir fubi l'action du feu volcanique , confervent la propriété de donner des verres de ce genre. Bafalte pariëmé de grain1; de. Îeld-Soath. r J'avois détaché moi-même un fragment d'une de ces colonnes bafaltiques fi remarquables, que M. Desmarest a ob-fervées dans un endroit nommé la Cour, fitué près des bains des Monts-Don Ces colonnes contiennent une quantité de cryftaux blancs de Feld-Spath, qui paroiffent calcinés, & fe brifent entre les doigts ; mais dont on reconnoît encore les lames brillantes Se rectangulaires. La pâte qui renferme ces cryftaux eft opaque, d'un gris cendré, d'un grain allez grof-fîer, Se parfemée de petites aiguilles de Schorl noir, fans aucun mélange de Quartz. Vitrification de ce Bafalte. J'ai expofé à un feu violent quelques fragmens de ce Bafalte. Ils fe font fondus & réunis en un culot complettement vitrifié. Le fond de ce verre vu en maffe, paroît noir, brillant.» Se parfemé de quelques bulles de la grandeur d'un grain de Mil. Mais fur ce fond noir, on diftingue des places claires? qui vues contre le jour , paroiffent traufparentes, fans couleur Se fans bulles ; Se qui obfervécs à la loupe , lailfent voir des bulles d'une petitefle extrême. On reconnoît donc là le verre LES ENVIRONS DE G ENEVE. Chap. V. 131 "fourni par les cryftaux de Feld-Spath ; il confervé toujours les mêmes caractères. Quant à la pâte qui fait le fond du Bafalte, je crois qu'elle Vient d'une Roche de Corne ou d'une Terre micacée. La matière de ces colonnes paroît donc avoir été une efpece de Porphyre tendre, à bafe de Roche de Corne ou de Terre mu cacée; comme on en trouve dans nos montagnes & dans Celles du Forez. Une Lave à yeux de Perdrix, que fai détachée de la Somma Et d'une J . .c / r • Lave a yeux Oti de l'ancien Véfuve a donné un fond noir vitrine, parlai- de Petdrix. tement femblable à celui de la Cottr; mais les grains polyhedres de cette Lave , font demeurés abfolument inaltérés, même dans le feu le plus violent ; ce qui prouve en panant, que ce ^e font ni des Grenats, ni des Schorls. §. 183. Il paroît donc qu'en général, la Pierre de Corne fcè?unes de ces Roches font un mélange de parties à-peu-près Quartz gr* éSales, de Quartz fragile & de Schorl noir en lames. D'au-tres contiennent du Quartz grenu ( Q}iart%wn arenaceum, Wall. % 99. ) Quelquefois ce Quartz le raifemble en petites malles angulaires qui forment des taches blanches, quarrées, fur îe fond verd de la pierre. La figure de ces taches pourroit (0 Cette Variolite , bien connue des N.uturaUftes , dans laquelle M. de la Tourette a trouvé des parcelles d'Argent natif, Journal de Vhyf'que , T. IV, ]h î-o, a pour bafe un Schorl verd en 4Vl^e, un peu moins dutjmais de la même nature que la bafe de la Roche que je décris ici. l'action du feu ia réduit en un verre noirâtre , poreux , dans lequel on reconnoît quelques traces des . globules plus durs, qui formoient letteatite Sixième genre de Roches feuilletées. Roches de 18 On peut former un lîxieme genre de Roches feuil* letées, de celles dont la Stéatite forme le principal ingrédient- Nous avons déjà vu cette pierre former la bafe d'une Roche grenatique. §. 184. Elle s'unit auffi avec le Mica: j'ai trouvé dans nos environs» des Roches compofées de feuillets d'une Stéatite, d'un verd jaunâtre, demi-tranfparente , médiocrement dure: ces feuille font féparés par des lits très-minces de lames brillantes & Mica, qui facilitent la divifion des feuillets de la Stéatite. :Hoche mélangée de Stéatite & vas Mica. De Stéatite §. 18 7- La Roche qui réfulte du mélange de la Stéatite* &deQu»rtz- iCju Quartz , n'eft pas commune dans nos cailloux roulés. C'eft cette Roche que Wallerxus a nommée Saxum molare, Sp. 2°*' ^e peu de fragmens de ce genre que j'ai rencontrés, renferment beaucoup plus de Quartz que de Stéatite : ce Quartz; £ft blanc, opaque ; & la Stéatite d'un verd clair. Septième genre de Roches feuilletées. §• 188. Nous avons déjà vu le Fer entrer fous bien des Rochesmè-formes-, dans la composition de différentes pierres; mais comme de'Var. ^ Un corps étranger, accidentellement interpole entre les parties C0«lUtuantes de la pierre ; ou bien comme un élément féconde de cette même pierre. Ici au contraire , nous allons v°lr des Roches dont il forme un des principaux ingrédiens. première efpece paroît au premier coup-d'œil une Ro- Quartz-èV c^e mélangée de Quartz Se de Mica ; parce que le Fer fpé- Séculaire? CuWire qui entre dans fa compofition, terminé par des furfaces brillantes & ondées, relfemble parfaitement à du Mica. Mais en le rompant, on reconnoît intérieurement le grain de la Mine ^eFer; Se l'Aiman, qui obéit très-promptement à fon aérien, Cotllplette la démonstration. Cette-Mine n'eft point la Mine ^e Fer micacée grife ; du moins ne reffemble-t-elle point à Cf?ll ^ les de ce genre , que j'ai ramaQees dans l'Isle d'Elbe. Ces rrneres font en entier compofées de feuillets minces qui, de~ . ftie que ceux du Mica, fe féparent aifément les uns des ^nes ; au lieu que dans la nôtre, les parties brillantes fem-^ables à du Mica, ne font que les furfaces d'une matière ft> **■ grenee, qui eft même fufceptible de poli. • aollot, qui le premier a trouvé parmi nos cailloux *°ulés cette Roche finguliere, en a fait travailler un morceau, ills lequel les points ferrugineux ont pris un très-beau poli . 1^6 R0CHES COMPOSÉES ÉPARSES DANS J'ai trouvé depuis une autre variété de cette Roche qui, de même que la Mine de Fer micacée de l'Isic d'Elbe, n'agit que très-foiblement fur l'aiguille aimantée ; mais qui d'ailleurs a tous les caractères de celle que je viens de décrire. Mine de §, 189, La féconde efpece eft un mélange de Mine de Fer jrer l'rifc & Stéatite. grife non fpéculaife, attirable à l'Aiman , & d'une Serpentine verte , Uemi-tranfparente. Je dois la connoifTance de cette pierre à M. Rilliet. ROCHES GLANDULEUSES OU FE1NEES SLeurs oarao- §. 190. A la fuite des Roches en malfe & des Roches feuilletées, M. "Wallerius a placé celles qui dans un fond uniforme, renferment des glandes ou des veines de pierres différentes de ce fond. Ces Roches différent des Poudingues , en ce que les pierres contenues dans les Poudingues ont été formées féparément de la pâte qui les lie, & réunies fortuitement dans cette pâte ; au lieu que les glandes ou les grains des Roches dont il eit ici queftion, font des corps réguliers, dans lefquels on voit des traces évidentes de cryftallifation; & qui paroiffent avoit été formés en même tems que le cément qui les raflemble- ; clc'16 ^' 19U "^0US trouvons Parrm" nos caiHoux roulés, une belle efpece de ce genre, parfaitement femblable à la Variole du Drac (O. Son fond eft une Pierre de Corne, brune ou rougeâtre , tendre, d'un grain très-fin, qui prend un alTeZ <0 Le Drac eft un torrent qui def- jetter dans Hfere au deffous/le Greo°' ■cend des Alpes du Dauphiné, & va fe ble. beafl Beau poli, & ne fait aucune effervefeence avec les acides. Ce fond renferme des globules gros comme des Pois, & quelquefois des veines de Spath blanc calcaire, qui fe dilTout en entier, & avec effervefeence dans les acides. On y voit auifï d'autres globules plus petits, d'une Stéatite brune. Cette pierre expofée au feu , fe fond très-aifénient en un verre noir, allez compte, dans lequel les parties calcaires reparoiflent fous la forme de chaux blanche , Se les grains de Stéatite moins vifi-kks, fe reconnoiffent pourtant à leur couleur brune & non ^trenfe. Quelquefois ces mêmes roches renferment, outre les grains ^e Spath calcaire & de Stéatite, des cryftaux durs Se infolu-bles de Feld-Spath, §• î9 2. On trouve aufli des Pierres de Corne noires, feuil- .\u^s^ ctées, parfemées de grains calcaires blancs, de la petitefle ^llI1e Lentille Se même d'un grain de Mil. §• J9 3. J'en ai trouvé enfin dont la bafe, toujours de Pierre ^e Corne, mais verte, & confufément cryftailiiée, renferme ^Cs grains de Spath calcaire, de couleur brune. §> r94- Le Schorl fert aufli de bafe aux Roches glandu-^ufes. La Variolite de la Durance, Se la Roche grenatique ftsabr" ecrite dans le §. t%f s pourroient en iervir d'exemple; leur SdlôfL La Variolite de la Durance, Se la Roche grenatique t*V*£ât lans le §. 18 Ç » pour f°ud eft un Schorl en malTe. Mais nous voyons aufli le Schorl cryftallifé former la bafe d'une de ces Roches. Les cryftaux de ce Schorl font des ailles brillantes, entalTées fans aucun ordre, Bafaltes fibrofus I3B ' ROCHES COMPOSÉES ÉPARSES DANS Sp. i î 19 c. On apperçok entre ces aiguilles, de petites parties de Spath calcaire, qui en divers endroits fe réunifient fous la forme de nœuds arrondis, de 2, 3, & même jufques à 6 lignes de diamètre. J'ai trouvé cette roche en blocs alfez confidérables au bord du Lac, entre le Vengeron Se Bellevue. Ces blocs font enveloppés d'une écorce épaiffe de plus d'un pouce , qui a pris une couleur de rouille , par la décomposition du Fer qui fait un des élémens du Schorl, & qui eft devenue fpongieufe, parce que les eaux ont entraîné les parties calcaires qui étoient difféminées entre les aiguilles de. Schorl. Au refte, je place cette pierre dans le rang des Schorls, plutôt que des Roches de Corne ; parce que fes parties ont un éclat très-vif, qu'elles donnent du feu contre l'acier, Se f n'ont point une odeur terreufe. Si l'on expofe au feu les parties de cette pierre, qui ne renferment aucun gros grain de Spath, elles fe fondent avec facilité en un verre noirâtre Se compacfe, quoique parfemé de quelques bulles. Ce verre montre fur fes bords quelques indices d'une cryftallifation réticulaire , femblable à celle du verre d'A-mianthe, §. 119. Roche cal- §. I9<^ JE ne fais fi je dois ranger parmi les Roches veinées caiie ecllu- kire. de M. wallerius , des pierres allez remarquables, que nous trouvons fréquemment dans l'intérieur de nos collines. Leur fond eft une efpece d'Argiile, ou plutôt de Marne durcie, traverfée par des veines ou lames de Spath calcaire? qui s'entrecoupent fous toutes fortes d'angles, fans celfer pour- tant d'être pour la plupart perpendiculaires ou du moins très-ifclinées à un même plan , qui étoit fans doute celui de fho-rifon dans le tems de la formation de ces lames; car il paroit Silîe le Spath les a produites en rempliflfant des crevaffes verticales , formées par la retraite de la matière marneufe. Les eaux ramolliffent & entraînent le fond de quelques-unes de Ces pierres ; êe il ne relie alors que les lames de Spath, qui arment une fubftance cellulaire, dont l^afpect eft très-fingulier, ROCHES A G G R E' G F: E S. §• 196. La. quatrième Se dernière clafte des Pierres com- ™s 0B-poiées 3 comprend celles qui réfultent de raffemblage fortuit ^e diverfes pierres, ou entières ou brifées, qui ont été formées ^parement, & réunies enfuite par une pâte ou par un cément. H* Wallerius a nommé ces pierres Roches aggrêgces, Saxct ^iregata. La plupart des Grès doivent entrer dans cette clafte ; tous Les Ceux au moins dans lefquels on diftingue, comme dans les nôtres, ^es particules de différens genres ; & tous ceux dont les parties font agglutinées par un cément diftinct des élémens mêmes ae la pierre. Outre les Molaffes, qui forment la bafe de prefque toute Cailloux n°tre vallée ; nous trouvons parmi nos cailloux roulés, une genre! Srande variété de Grès. Ils différent entr'eux , d'abord par la nature Se la grandeur tJc%tfU es molécules du fable dont ils font formés : nous les trou- ?aturc,.d,e VOtts j ^ 'curs e,c" rarement de Quartz pur; pour l'ordinaire les grains de mens. S 3 Quartz font mélangés de Mica, de grains de Feld-Spath , & d'autres genres de pierres. Et par celle Le cément qui unit ces grains de fable , eft auffi de diffé* du gluten 1 qui les lie. rente nature. S'il eft purement calcaire, les Grès réfiftent aux injures de l'air j mais plongés dans les acides ils font effervefeence, juf* ques à ce que le gluten foit entièrement diflfous; & après cette diffolution, les grains perdent leur cohérence & fe réduifent en fable. S'il eft argilleux,ou mélangé de Terre calcaire & d'Argiile» les injures de l'air fuffifent pour le décompofer , Se pouz détruire les pierres dont il uniffbit les parties. Mais quand il eft de la nature du Silex ou du Qyartz:, les grains font liés avec la plus grande force, & les acides» même concentrés, ne peuvent pas les défunir. Souvent les Grès font ferrugineux ; quelquefois, même ce métal contribue à réunir leurs parties. §. 197. Les Poudingues & les Brèches ne différent des Grès, qu'en ce que leurs grains font plus gros, les intervalles de ces grains par cela même plus grands, & le cément qui' remplit ces intervalles, plus abondant Se plus vifible. Il y I même des Grès à gros grains , que l'on pourroit nommer Pou-* dingues; comme il y a des Poudingues à petits grains, qpe' fon pourroit clafler parmi les Grès, Brèches & Jpoudingues. LES ENVIRONS &E GENEVE. Chap. V i41 L'usage a confacré le nom de Brèche à des marbres corn- Diftinâîon _ . entre les pofés de fragmens calcaires ; & celui de Poudingue , qui nous Er£ches & ^ient des Anglois, à des pierres formées par la réunion d'un jfusesPoudinB grand nombre de petits Silex. 11 conviendroit donc d'appliquer conifamment ces noms d'après ces principes. H eit vrai qu'il ftudroit une troifieme dénomination pour les pierres, dans lef-quelles une même pâte réunit des Silex ou des Quartz, avec des fragmens calcaires. S. Ï98 Nous trouvons parmi nos cailloux roulés, une Nous m a t • i r trouvons es. grande variété de ces différens aflemblages. Ici les iragmens différenteB f°ut de nature calcaire, là quartzeufe, plus loin , ils font mélangés efpece* de ces deux genres; ici arrondis, là anguleux. Ils varient au{fî > de même que les Grès , par la nature du cément qui tînit Ces parties. Je ne m'arrêterai point à dénombrer toutes ces variétés ; je ^e décrirai qu'une feule efpece , qui me paroît le mériter par ^ fîngularité. • §• 199. Il faut la nommer une Brèche , puifque nous avons ^eche^ r^fofo d'appeller ainli les pierres de cette claffe, dont les eftuuPerrc fragmens feroient de nature calcaire. Mais le fond ou la pâte llkx> de ^tte Brèche eft une efpece de Silex ou de Petrofilex, pref-^^paque, gris ou noirâtre, d'un grain très-fin, donnant des etmcelies contre l'acier , & prenant un alfez beau poli. Cette ^te dure renferme des fragmens anguleux , de formes i'rré-Salières , d'une efpece dé Marne grife ou blanchâtre, très^ teiidre, qui fe détruit à l'air, & lailfe à la furface de la pierre,, des creux profonds, dont les bords s'arrondiffent par le towl emerit des cailloux. Ces pierres noirâtres, parfeinées de creux,, Variétés de cette Bre~ fhe. paroiiTent au premier coup-d'œil des Laves poreufes ; mais e» les calfant on reconnoît l'origine de ces trous ; & fi l'on plonge dans les acides quelqu'un des fragmens intérieurs femblablee à ceux dont la deftruction a caufé ces vuides , ils fe diffolvent avec effervefeence, en laiffant en arrière une portion de Terre argilleufe 5 mélangée de iâble. Dans quelques variétés de la même efpece , la pâte filiceuie qui unit ces grains marneux , eft elle-même mélangée de parties fparheufes calcaires, diffolubles avec effervefeence : & l'on peut de ces variétés , defeendre par gradations jufques à d'autres, dont la pâte eft en entier diffoluble, à l'exception de quelques grains anguleux de Quartz Se de Silex, qui demeurent défunis après f extraction de la partie calcaire. Ne croiroit-on pas voir là des nuances de la converfion de la Pierre calcaire en Silex. Dans quelques-unes de ces Brèches, on trouve outre les fragmens marneux, des débris de pierres d'une nature abfolu-ment différente. PRODUITS DES VOLCANS. On ne trouve pas dans nos cailloux des produits de Volcans bien détermines* §. 200. Un genre de pierre, dont nous ne trouvons aucun fragment bien décidé, c'eft celui des Pierres volcanifées. Avant d'avoir vifité des pays ravagés par des Volcans anciens ou modernes, je croyois que fi je n'avois point apperçu leurs traces dans nos environs , ce pouvoit être par défaut d'habitude ou d'une connoiflfance fuffifante. Mais depuis quc LES ENVIRONS DE GENEVE. Chap V. 143 ttes voyages en Italie , en Sicile , en Auvergne, ont exercé ^es yeux a reconnoître les productions du feu \ fous les formes les plus variées, & que plufieurs habiles Obfervateurs n'ont Pas mieux réufli à en découvrir chez nous, il faut bien croire *Kiï n'en exifte pas, ou que du moins ils font infiniment rares. S. 2oi. On a cependant trouvé parmi nos cailloux roulés, ^rp^gs deux ou trois pierres noires, parferaées de cavités arrondies ; niais on doute encore fi ce font des Laves , ou des Pierres de Corne. La Pierre de ce genre la plus remarquable , a été trouvée M. Bordenave, fur le coteau de la Bâtie; elle eft dans ia collection de M. Rilliet. Ses pores, de formes irrégulieres, mais tous arrondis , font remplis d'une matière vitreufe , verte , tranfparente. Un morceau de cette pierre expofé à un feu vi°ient, s'eft réduit en un émail noir Se compacte. Mais comme ïes Pierres de Corne donnent le même produit , cette épreuve ^ft point décifive.. ■ ' Ces pierres douteufes exhalent, comme les Roches de Corne, Une odeur de terre quand on les humede avec le foufle : au limier moment, ce caractère me parut décider la queftion; ^ais je répétai cette épreuve fur de vraies Laves, Se je vis a ma grande furprife, que plufieurs d'entr'elles exhaloient la lttême odeur. Leurs pores arrondis ne font point non plus un ca décifif ; car j>ai troilvé parmi nos cailloux roulés , des Roches <*e Corne indubitables , Se fur k St. Gothard, des Ardoiies , ^i font devenues poreufes & caverneufes, parce que des ma- caractere 144 ROCHES COMPOSÉES ÉPARSES.&c. tiercs tendres & diOTolubles qu'elles renfermoient, ont été peu-à-pcu diftbutes & entraînées par les eaux. §. 202, Si ces pierres avoient été trouvées dans des pays ravagés par des Volcans, perfonne n'héfiteroit aies appellcr des Laves; mais on prononce avec plus de réferve, quand on réfléchit, que jufques à ce jour, on n'a trouvé aucun veftige de Volcans , ni dans nos environs, ni même dans toute la Suiffe ; & qu'après avoir vifité moi-même en bien des endroits, & avec l'attention la plus ferupuieufe , toute cette partie de la chaîne des Alpes, qui s'étend depuis Grenoble jufques à Infpruck, je n'ai pas apperçu, à l'exception de quelques eaux thermales, le plus léger indice de feux fouterrains. Il pourroit cependant y avoir d'anciens Volcans inconnus » dans les lieux que je n'ai pas vifités ; ou il fe pourroit en-core, qu'une révolution dont nous ignorons la date & la nature, eût tranfporté chez nous ces fragmens , des Volcans éteints du Brifgau , ou de ceux du Vivarai». Et il ne faut pas que ces diftances révoltent; car quoique nos cailloux roulés foient pour la plupart, des pierres dont nous trouvons des montagnes dans nos Alpes ; il y en a cependant dont nous n'avons point encore reconnu le pays natal, Se qui vraifenibla-hlement, ont été détachées de montagnes très-éloignées de nous* Mats je me hâte de fortir de ces cailloux, dont l'énuméra-tiott aura paru bien aride & bien ingrate à mes Lecteurs ; & du moins d'autres que des Lithologiftes ont eu le courage d'eH achever la lecture ; & je viens à un fujet d\m intérêt plus ge~ néral, celui de l'origine de ces mêmes cailloux. CHAPITRE ( I4Ï ) CHAPITRE VI DE L'ORIGINE DES CAILLOUX ROULES, ET DES FRAGMENS DE ROCHERS QUE L'ON TROUVE DISPERSES DANS LA VALLEE DU LAC DE GENEVE, ET SUR LES MONTAGNES ADJACENTES. % 203. Personne n'ignore que l'on nomme Galets ou cail- tJ*^™ hux roulés des pierres de forme arrondie , ou dont au cailloux ' r j, roules, ^oins les angles font émouifés, qui fe trouvent ordinairement dans le Ht des rivières, & dans les plaines voifines ; fur-tout auprès des montagnes où ces rivières ont leur fource. Le n°m que l'on donne à ces cailloux, vient fans doute de ce l'on a préfumé qu'ils avoient été roulés & arrondis par les eaux. Mais comme on en trouve aufli, loin des rivières, & même Dtatufo , , -i leur origine. dans des lieux où l'on n'imagine pas communément, que les eaux ayent jamais palfé , on a quelquefois élevé des doutes fur l'origine de ces cailloux, tout comme on en a élevé fur celle des corps marins pétrifiés. On a dit, que la Nature pouvoit bien avoir formé des corps d'une figure déterminée ; que, par temple , elle pouvoit produire les pierres aufii facilement r°ndes qu'anguleufes. Cependant les Naturalilf es, fans coutelier le pouvoir de la ^ature, font actuellement à-peu-près unanimes à reconnoître T que les cailloux roulés proprement dits , ont été chariés & arrondis par les eaux. Pierres ra- §t 204.. çE pas n'exifte de8 pierres de différens turellement r 1 r arrondies. genres, dont la forme eft naturellement arrondie ; des Silex? des Géodes, des concrétions calcaires ou féléniteufes. Mais ces pierres fe diftinguent aifément des cailloux roulés, par leur ftructure intérieure, qui eft prefque toujours analogue à leur forme extérieure. Ces corps, ou font compofés de couches concentriques & parallèles à leur furface extérieure, ou renferment des cavités, ou contiennent des noyaux fitués près de leur centre, & d'une forme qui reifemble à celle de la pierre même. Les cailloux roulés, au contraire, ont une ftructure qui n'a-aucune analogie avec leur furface extérieure ; une pierre fphe-rique , par exemple eft, ou continue & fans aucun indice de couches, ou compofée de couches , ici planes , là courbées ; mais qui ne fuivent nullement la forme de la pierre. D'ailleurs , celles qui ont naturellement une forme arrondie r font très-bien connues des Naturaliftes : on les trouve fous cette forme dans les matrices qui leur font propres, & dans lefquelle5 elles ont été produites ; au lieu que le Granit, le Marbre , Ie Jafpe, la Pierre Ollaire , qui font la matière de la plupart des cailloux roulés , vus dans leur lieu natal, ne fe préfentent point fous une forme arrondie; mais fous celle de bancs, de veines? de filons, qui n'ont rien de femblable à la figure que prennent-ces cailloux, lorfqu'ils ont été arrondis par les eaux. Comment elles différent des cailloux iouîcs. §• 30 f. Le Naturalifte qui voyage fur les hautes montagnes, On voit les eaux arron- pier- °n les rivières ont leur fource , voit des pierres naturellement d{r des anguleufes, perdre leurs angles, prefque fous fes yeux, s'ar- angulaî-r°ndir & fe changer en cailloux roulés. Mais c'eft fur-tout k l'extrémité des grands glaciers, d'où fartent avec impétuofité des torrens violens dès leur naiifance, ^e j'ai fait avec un grand plaifir cette belle obfervation ; a k fource de l'Aar , par exemple , à celle du Rhône , à celle de l'Arvéron, &c. Comme ces rivières fortent des glaces, à des hauteurs où il n'a pas pane d'autres courans, toutes les Pierres qui ne font pas dans leur lit, ont la forme angulaire qui leur eft naturelle. Ainfi fur le glacier duquel fort le tor-rent, & fur les flancs des montagnes qui le bordent, on ne Voit pas une feule pierre qui n'ait des angles vifs, & des Prêtes tranchantes. Mais dans le lit de la rivière, ces mêmes P^rres ont tous leurs angles émoulfés, des formes arrondies; Ce font de vrais cailloux roulés. Les vagues ont auffi le pouvoir de donner aux pierres une laA^r°.rdde forme arrondie; & on en voit la démonftration quand on trouve au* bords des grands Lacs, & mieux encore aux bords de la ^«r, des rochers dont les fragmens font naturellement angulaires : on voit ceux de ces fragmens qui ont été expofés * roulis des flots , émoulfés & arrondis ; tandis que ceux qui font demeurés hors de l'eau, ont confervé leurs angles naturels. C'est ainfi que j'ai vu de grands blocs de la Lave dure & anguleufe de l'Etna , parfaitement arrondis par le choc des Va§ues,& réduits, même en peu d'années, à la moitié de leur T 2 volume. Le Prince de Biscaris , qui mérite d'être connu Se honoré par-tout, comme il l'eft en Sicile, par la nobleffe de fon caractère , fon hofpitalité, fon goût éclairé pour les Antiquités , pour l'Hiftoire Naturelle Se pour les Arts , & par les ouvrages comparables à ceux des Romains, qu'il a conftruits à fes dépends, pour l'embelliffemcnt & pour l'utilité de Catane la patrie, a entrepris de reconquérir fur les Laves de l'Etna, de beaux jardins à la porte de la ville , qui avoient été engloutis par ces Laves, dans l'éruption de t 65? 6. Depuis cette éruption , cette même place , au lieu des Orangers, des Citronniers, des fleurs & des fruits dont elle étoit ornée, ne pré-fentoit plus que le hideux fpectacle de rochers noirs & ftéri-les, trifte monument du ravage que fit cette éruption terrible. Le Prince avec une dépenfe royale , a commencé à mettre de niveau la furface raboteufe de ces montagnes . de Lave ; il a couvert cette furface de terre végétale, & il y a fait des plantations de la plus grande efpérance. On a jette dans la Mer qui baigne le pied de ces nouveaux jardins, les maffes de Lave qu'il a fallu faire fauter. Quelques-unes de ces maffes , lorsque je les vis en 1772, étoient depuis deux ans expofées à l'action des vagues, & déjà elles étoient toutes arrondies 5 comme fî on les eût taillées au cifeau. Ceux de nos envi rons, ont été chariés & arrondis par les eaux. §. 206, Mais pour nous rapprocher de Geneve , fi l'on examine avec attention la nature & la pofition des cailloux roulés & des fragmens de rochers, que fon rencontre dans la vallée de notre Lac Se fur les montagnes voifines , on fe perfuadera bientôt qu'ils ont été chariés Se arrondis par les eaux, & qu'il eft hors de toute vraifemblance , qu'ils ayent pu être formés dans les lieux mêmes où on les trouve, DES EN VIRONS DE GENEVE. Omp. VL 149 On verra que le plus grand nombre de ces cailloux & de On prouve ces rochers eft de Granit, de Roche feuilletée » ou d'autres étranger*"^ P^rres alpines & primitives, tandis que le fond fur lequel ils nolrefo5* 0n* été dépofés , eft de Pierre calcaire , ou de Grès , Se par Conféquent d'une nature abfolument différente. On obfervera, ^Ue ces cailloux & ces grands fragmens ne fe rencontrent Jamais qu'à la furface des bancs de Pierre calcaire , ou de Grès, que ces mêmes bancs n'en contiennent pas la moindre parcelle dans leur intérieur \ qu'au contraire, fi l'on compare chacune de ces pierres avec celles dont on trouve des montagnes ans les Alpes, on les reconnoît au point de pouvoir pref-qu alfig[ler je Rocher dont elles ont été détachées. On re,narquera, qu'elles n'ont aucune adhérence avec le fol, fur quel elles font jettées, aucune reffemblance avec la terre qui es entoure ; que le même fol en porte de qualités totalement %entes; & qu'enfin, on n'en trouve point fur le revers du J las mais feulement fur celles de fes faces, qui regardent es Alpes. Après avoir pefé ces confidérations, on ne pourra Pas s'empêcher de reconnoître , que ces fragmens n'ont point ete formés dans notre vallée, ni fur les montagnes qui la bor-niais que ce font des corps étrangers, adventifs, arra-c^s des Alpes leur lieu natal, par un agent jjniffant qui les tranfportés, arrondis & entaffés confufément 207. QyE peau f0it cet agent, c'eft ce dont on ne peut & que ce Hou nlne a ■ font les eaux fuis douter en aucune manière ; parce que ces cailloux qui les ont S^nds & petits, fe trouvent dépofés par bancs horizontaux, charit''s* Wagés de fable Se de gravier , tels que les eaux les eharient. Lar fi 1» . , ^ ion voit quelqu'un de ces fragmens à nud fur un ro~ r a rinfpecfion feule du lieu démontre clairement, que les eaux des pluies ou des neiges fondues, ont entraîné les parties les plus légères, qui entouroient autrefois ces grandes maffes. Le feu eft le feul agent qui pût difputer à l'eau le tranf-port de ces pierres ; mais a-t-on vu quelqu'exemple d'une eX-plofion qui ait lancé à 12 ou 15 lieues, des blocs du volume de plufieurs toifes cubes, tels que nous en trouvons fréquemment dans nos environs. Si l'on vouloit admettre cette hypothefe , il faudroit pour expliquer de fi grands effets, fuppofer des feux d'une étendue & d'une violence extrême : or de tels feux auroient fondu ou calciné ces rochers , ou du moins au-roient lancé avec eux des Laves, ou des matières vitrifiées : Mais on ne trouve ni fur ces blocs , ni dans les matières qui les entourent , aucune trace de l'action du feu ; & au contraire , le fable & le gravier qui les accompagnent , font des veftiges indubitables du paffage des eaux. tes eaux §. 208. Ce ne font pas feulement les bords du Lac, & le pwté'fat " P'ec* ^es ni°ntagnes voifines , qui font couverts de cailloux & ques fur les çje grands fragmens de Roches primitives ; on en trouve de S femblablcs, difperfés fur lè Mont Saleve , & fur les pentes du Jura qui regardent les Alpes, jufques à la hauteur de 3 ou 400 toifes au deffus du niveau du Lac. Il faut donc que les eaux fe foient élevées jufques à cette hauteur. Queftion §. 209. Mais, dira-t-on , quelle fut l'origine de ces eaux? fur l'origine _ _ , . ¥ ■de«eseaux. Vu'eft-ce qui leur donna une imputhon fi violente? Commet ces maffes de rocher ont-elles pu être tranfportées fur des DES ENVIRONS DE GENEVE. Chp. VI. iyi hauteurs, que de larges & profondes vallées féparent des Alpes Primitives ? Il faudroit pour répondre à ces grandes queftioiK , entrer ^ans des difeuffions fort étendues, dont ce n'eft point ici la place. Cependant, pour ne pas laitier imparfaite cette partie ^e l'Hiftoire Naturelle des environs de Geneve , & pour fatif-frite l'impatience de la nombreufe clafte de Lecteurs, qui aiment 5 connoître les réfultats , fans fe foucier beaucoup des difeuf-ll0"s, je dirai en peu de mots, ce qui me paroit être le plus Vraifemblable. §• 2io. Les eaux de l'Océan, dans lequel nos montagnes Hypothefe Onf" «*.' r / -i en rcponle à 1 tte formées 3 couvroient encore une partie des ce montagnes, cetre nue& ^rfqu'une violente fecouife du globe ouvrit tout à coup de tl0n* glandes cavités, qui étoient vuides auparavant , & caufa la ïupture d'un grand nombre de rochers. Les eaux fe portèrent vers ces abîmes avec une violence extrême, proportionnée à la hauteur qu'elles avoient alors , coulèrent de profondes vallées , & entraînèrent des quantités llUrnenfes de terres, de fables, & de fragmens de toutes fortes ^e rochers. Ces amas à demi liquides chaifés par le poids eaux, s'accumulèrent, jufques à la hauteur où nous voyons eUcore plufieurs de ces fragmens épars. ' ^^ite les eaux qui continuèrent de couler, mais avec une Vltefte qui diminuoit graduellement, à proportion de la diminution de leur hauteur, entraînèrent peu-à-peu les parties les Us légères, & purgèrent les vallées de ces amas de boues e débris, en ne laiffant en arrière que les maffes les plus lourdes, & celles que leur pofition ou une afhette plus folide déroboit à leur action. §. 2ii. Une obfervation qui donne bien de la force à cette hypothefe, & qui prouve du moins que les fragmens de rochers , parfemés fur nos montagnes, y font venus par les grandes vallées des Alpes; c'eft que ces fragmens ne fe trouvent nulle part en plus grande abondance & à une plus grande hauteur, que vis-à-vis de ces grandes vallées. Les parties du Jura, qui en font les plus chargées,. correfpondent directement à la vallée du Rhône. J'en ai vu des amas prodigieux au delfus de Bon-villars, de Grandfon, de La Sarra , qui font au Nord Oueft» & au Nord-Nord Oueft de l'embouchure de cette vallée, dont la dernière direction, de Martigny à Villeneuve , eft exactement du Sud-Sud Eft au Nord-Nord Oueft. Au contraire, les parties plus méridionales du Jura , au deffus de Nion , de Bon-mont, de Thoiry, de Collonge, n'en préfentent point à des hauteurs un peu conudérables , parce que la lifiere extérieure des Alpes, au delfus de St. Gingouph, de Meilîerie, d'Evian? toujours élevée & non interrompue , n'a lailfé aucun pallage aux fragmens qui auroient pu venir de l'intérieur de cette grande chaine. De même, la montagne de Saleve fituée en face de la vallée par laquelle l'Arve fort des Alpes, & qui n'eft féparée de cette vallée par aucune élévation, eft parfémée de ces fragmens en très-grand nombre, Se à une très-grande hauteur, Se c'eft qui en n aufli retenu une partie , & qui en rompant Veffort du courant, a empêché que ces grands blocs ne fuffent transportés fur les hauteurs correfpondantes du Jura. DES ENVIRONS DE GENEVE. Chap. VI. ïT3 Ceux que Ton trouve fur le coteau de Montoux, & fur le pied méridional des Voirons , font venus par la vallée de St. Joire , fîtuée au Nord Eft du Mole. Mais la partie fepten-frionale des' Voirons n'en préfente aucun à une hauteur un peu confidérable, parce que la lifiere extérieure des Alpes n'eft ouverte derrière cette partie de la montagne , par aucune échan-Crure par laquelle ces fragmens ayent pu en fortir. §• 212. Ce qui achevé de confirmer cette explication, c'eft ©bfei que l'on ne trouve point de ces grands blocs dans les vallées firme c du Jura, qui font fituées derrière la haute lifiere qui borde cette Pieuves montagne du côté des Alpes ; par exemple , dans les vallées du Comté de Neuchâtel, & dans celles de la Franche-Comté, fes dans toutes les brèches de cette lifiere, par-tout où des S°rges profondes ont ouvert une entrée aux courans qui ve-noîent des Alpes, on en voit des amas confidérablcs. Ainfî quand-on vient de Pontarlier à La Sarra, on voyage dans des allées bordées à l'Eft > par une haute chaîne du Jura, qui ca-cUe les Alpes au Voyageur, & dans lefquelles il ne voit aucun bloc de Roche primitive. Mais quand on arrive à Balaigre, le Premier village du Canton de Berne, on trouve d'abord des fegmens, & bientôt des blocs de Granits Se de Roches feuillet ées; Se en même tems on découvre au travers d'une vallée ouverte à l'Eft, les hantes cîmes neigées des Alpes. On voit ainfi la fource de ces pierres , au travers de l'ouverture par laquelle elles font entrées. £>e même, en traverfant le Jura fur la route de Baie à So-*eure , on ne rencontre des fragmens de Roches primitives , ^après avoir palfé la montagne au haut de laquelle eft fitué le village de Langenbruck. On entre alors dans des vallées V ouvertes du coté des Alpes , & l'on comprend clairement que la montagne de Langenbruck rompit l'effort des courans qui charierent ces fragmens jufques à fon pied, & qu'elle les empêcha de pénétrer plus avant. §. 213. Je ne crois donc pas que les eaux qui rempliffoient le baflin de nos montagnes, ayent été dans l'état d'un Lac, ou d'une étendue tranquille, lorfque les torrens des Alpes tranf-portoient fi haut & fi loin, de grands débris de rochers; mais il paroît pourtant probable que notre Lac a été anciennement plus élevé qu'il ne l'eft aujourd'hui. Diverses considérations, & fur-tout celle de l'iffue par laquelle le Rhône fort du baflin de nos montagnes, concourent à prouver cette vérité. tepaflage Cette iffue eft une échancrure profonde Se étroite, creufée par la Nature entre la montagne du Vouache & l'extrémité du Mont Jura. Ce paffage fe nomme l'Eclufe, dénomination qui représente très-bien une iffue ouverte aux eaux, entre de hautes montagnes. L'extrémité du Jura ne laiffe entr'eMe & le lit du Rhône , qu'un chemin très-étroit. Le fort de l'Eclufe eft bâti fur ce défilé. César dans fes Commentaires a décrie ce paffage avec fa précillon ordinaire : iter anguftum & difficile inter montent Jnram, & flumen Rbodanum, vix quâ finguli carri du-eerentur ; irions autem altiffimus impendehat, ut facile perpauà prohiber e pojfent. De hello Gallico , Lib. I, C. VL Cette iflhe eft la feule par laquelle le Rhône puifîe fort* du fein de nos montagnes; fi elle fe fermoit, nos plus hautes Collines feroient fubmergées ? & toute notre vallée ne fornie- autres indices de l'ancienne élévation des eaux. r°it qu'un immenfe réfervoir, qui ne pourroit fe décharger qu'en fe veriant par deilus le Mont de Sion. J'ai defiré de connoître l'origine de cette ouverture, fi in- Recherches *' rr ta origine ^reliante pour nous. Dans cette vue je l'ai obfervée avec de cette où-beaucoup d'attention. Mes obfervations, comme on le com- veuure* Prend bien, n'ont abouti qu'à des conjectures. Il paroît ce-Pendant probable, que ce paiTage étoit originairement fermé» Qu que du moins il s'en falloit beaucoup qu'il ne fût creufé aufli profondément qu'il l'eft aujourd'hui. La montagne du Vouache paroit être une continuation de LeVouache *a première ligne du Tura : cette première ligne, dont la di- & le,-l,ura ° J r o ' ont été an. section générale eft du Nord Eft au Sud Oueft, change de denneniait Pofition en approchant de l'Eclufe ; là elle marche vers le midi, Se cette direction eft aufli celle du Vouache, Les courues du jura à cette extrémité , font prefque perpendiculaires * l'horizon ; elles ne s'écartent pour la plupart, que de i > degrés de la ligne verticale, & cette pente eft dirigée en défendant vers l'Eft. On voit cette fituation des bancs du Jura, Vers le haut de la montagne, au deilus du Fort ; car plus bas Vei"s le Fort même, on ne diftingue pas ii clairement leur *°niie. On reconnoît aufli cette pofition des couches, dans la . pente qui defeend depuis le Fort julques au bord du VQone t 8c plus diftincteinent encore , derrière la petite Chapelle que l'on rencontre k 2 ou 300 pas du Fort, du coté de (^ ueneve. Les couches du Vouache ont exactement la même 1 uation ; on les voit couper tranfverfalement le cours du Rhône, n Peu au delfus du Fort de l'Echue ; leurs plans font comme Ceux des couches du Jura , prefque perpendiculaires à l'horizon ; V 2 & elles s'écartent comme celles du Jura , environ de i s degrés de la ligne verticale , pour defcendre aufli du coté du Levant. La pofition de ces couches eft ft remarquable, elle eft ft finguliérement & fi précifément déterminée , qu'elle prouve à mon gré , autant qu'une chofe de ce genre puifte fe prouver, que le Vouache & le Jura étoient anciennement unis , ne formoient qu'une feule & même montagne, & ne laiflbient par conféquent aucun paffage, aux eaux renfermées dans notre baflin. L'érofion Mais comment cette ouverture s'eft-elle formée ? Une fecouffe cl.cs coux les a feparées. de tremblement de terre eft une explication commode ; mais c'eft prefque le ûeus in machina ; il ne faut l'employer que lorfqu'on en voit des indices indubitables, ou lorfqu'il ne refte aucune autre explication. Ici nous pouvons, je crois, nous en paffer ; il fiiffit que le haut de la montagne ait été un peu plus abaiffé dans cet endroit, qu'elle ait formé là une elpece de gorge ; les eaux auront pris cette route, & auront peu-à-pcu rongé & excavé leur lit, jufques au point où nous le voyons. Veftiges de J'AI cherché les traces de ces érofions ; j'ai côtoyé le lit du ces erofions. . J Rhône, en defcendant depuis l'endroit où il commence à ferrer de près les rochers du Jura , jufques au deflous du Fort. J'ai vu avec plaifir les larges & profonds filions, qu'il a gravés fur ces rochers calcaires. On trouve fur un rocher au delfus du Rhône , entre Colonge & le Fort de l'Eclufe , une ancienne mafure, que les gens du pays nomment le Château de la Folie. Le Rhône mouille le pied du rocher qui fert de bafe à cette mafure , & c'eft là fur-tout que l'on peut obferver quelques traces d'une partie de la hauteur à laquelle le Rhône s'eft an-Clennement élevé. La plus remarquable de ces traces eft un fillon creufé dans ]e roc, à-peu-près horizontalement. Ce fdlon a 4 ou f pieds de hauteur, & forme dans le roc urie excavation profonde au moins de deux pieds ; fes bords ® tous fes contours font arrondis, comme le font toujours ^es excavations produites par les eaux. Il eft fitué à plus de 20 pieds au delfus du point où s'élève aujourd'hui le Rhône, dans le tems de fes plus hautes eaux. J'espérois qu'en remontant directement des bords du Rhône au Fort de l'Eclufe , je verrois fur des rochers plus élevés, de femblables traces de férofion des eaux ; j'ai bien vu en effet (lUe tous ces rochers étoient émoutfés & arrondis ; qu'ils mon-Soient même quelques excavations horizontales, que l'on pour-Ojt regarder comme des filions creufés par les eaux: mais je 11 ai pourtant rien trouvé qui fût abfolument décidé & démonf-^atif 5ur ie Vouache, à Poppofite du Fort, on ne voit pas 11011 plus de filions bien marqués ; mais cependant on y remarque de grandes échancrures, dont la concavité regarde le 1* !t du Rhône, & qui font peut-être d'anciens veftiges de fes erohons. Au refte, lors même qu'il feroit certain que le paffage Ces vefti- de Wclufe a été formé par l'action des eaux, il faudrait Ses ne peu- plut V vent con" r ucot s'etomier de trouver des traces de cette action que fer ver que de nVh * T . . 1 ,4 . : , ' , . , fur des races -n trouver pas. Les injures de l'air, les pluies, les verticales, Ul eaux qu'elles forment, doivent, dans Pefpace de tant de c es, effacer peu-à-peu ces veftiges : ils ne peuvent fubfifter ^e fur des rochers très-durs & taillés à pic, comme celui du ateau de la Folie & d'autres que nous verrons dans la fuite. De tels rochers, & plus encore ceux qui font en furplomb, font beaucoup mieux à l'abri des accidens dont nous venons de parler. Or les rochers du Jura fous le Fort de l'Eclufe» & la plus grande partie de ceux du Vouache, descendent vers le Rhône par une pente, rapide à la vérité, mais pourtant fort éloignée d'être verticale (i). Cailloux gt 214. Quoique l'ouverture de l'Eclufe ne me paroiltc coulés au de ' làdei'Ëclu- pas auffi ancienne que les montagnes qu'elle fépare , je crois pourtant qu'il y avoit déjà là un abaiffement, lors de la débâcle qui a charié dans nos vallées , les fragmens des rochers des Alpes. On a vu que le Mont Jura a fervi de barrière à x:es fragmens, partout où il s'eleve à une hauteur un peu con-confidérable : or on en trouve au delà du Fort de l'Eclufe; par exemple, auprès du Bureau de Longearet. La montagne qui (i) J'ai faifî l'occafion de ces rechcr-che> , pour melurer avec le baromètre, la pente du Rhône , depuis Geneve juf. ques à ion paffage fous le Fort de V Ë-clufe. Le 27 Février 177, le baromètre placé à 4. pieds "au deîfus du niveau du Rhône , fe foutenoit 327 pouces , 1 ligne Â. -, il étoic dans le même moment, à Geneve, à 72 pieds au deffus du niveau du Rhône , à 26 , 9 , 7. Le thermomètre commun , expofé en plein air au bord du Rhône , fe foutenoit à î degré? , & le même thermomètre étoit à Geneve à 2 g : il réfulte de là, que de Geneve à l'Eclufe , le Rhône en hiver defeend de 224. pieds. Comme le fleuve eft, fous le Fort de l'Eclufr, refl'erré dans un canal étroit , fes eaux s'elevent en été beaucoup plus qu'elles ne le font il Geneve. Nous avons vu qu'à Geneve , la différence de l'été à l'hiver n'exceie pas communément s à 6 pieds (§. 13 )' là elle va à 1 ç ou 16 ; & par conféquent, la pente du Rhône, de Genève à l'Eclufe» cfi: d'environ 10 pieds moins grande en été qu'en hiver. Après avoir obferve le baromètre au bord du Rhône , je montai droit aa Fort, & je l'obfervai au niveau du fol de l'entrée, du côté de Geneve; je trouvai précisément 4. lignes de diffc* rence ; la hauteur corrigée étoit au bas» comme nous venons de le voir, z7» 1 , ç ; elle étoit en haut 26,9, Ç ; 1" thermomètre commun étoit au bord dtt Rhône à -f j, & au Fort à -4-1-1- ; ce qui donne une élévation de 304 pieds, depuis le lit-du Rhône en hiver, jufques au fol du Fort. Cette même obfervation donne j% pieds pour la hauteur du même fol au deffus du niveau du Lac en été. Porte le nom de Credo, a des hauteurs du coté du Nord, qui forit partie de l'extrémité du Jura : ces hauteurs font comme le refte du Jura, de nature calcaire. Mais le pied de ce même Credo, qui vient defcendre jufques dans le lit du Rhône, eft compofé de Grès, de fable & d'Argiile ; les couches de ces différentes matières font chargées d'une quantité de cailloux roulés de différens genres, parmi lefquels il fe trouve un grand nombre de pierres alpines. Ces pierres ne peuvent être venues que par l'ouverture de l'Eclufe , en face de laquelle ce P^d de montagne eft fitué. Il faut donc qu'au moins une partie de l'échancrure qui fépare le Vouache du Jura , ait été très-ancienne. On pourroit cependant fuppofer que ces cail-loux ont palfé par delfus le Vouache, qui ne s'élève nulle ?art à la hauteur de 400 toifes , hauteur à laquelle j'ai trouvé de grands blocs de rochers des Alpes ( §; 208 ). Ï-es eau» n'ont pas tranfporté des fragmens de ce genre beaucoup au delà du Credo ; ils auront été retenus par la Montagne de Michailie , car on n'en trouve que très-rarement, & de très-petits, au delà de cette montagne. Ceux du Credo foilt déjà beaucoup moins confidérables que ceux que l'on v°it dans nos plaines. En continuant cette route, on ne coin* mence à les retrouver communs, que dans les plaines, du ^yonnois ; & même ceux que l'on trouve dans ces plaines fur la rive droite du Rhône, font peu volumineux, & ont été cha* ïiés par ce fleuve , ou font defcendus des Alpes du Dauphiné,. S- -21 f. Tous les. faits, dont je viens de préfenter une ef- ftéeftto fin-rr ^- révolutions Munie, m'ont donc perfuadé , que dans un tems bien ante- exposes rieur à toutes les époques hiftoriques , la Mer couvroit nos ^ceGh^ Montagnes à une hauteur confidérable ; qu'il fe ht alors une violente débâcle de ces eaux, qui entraîna dans notre vallée des fragmens de montagnes très-éloignées : que cette même vallée fut alors le lit d'un courant profond Se rapide , qui la rempiilfbit en entier, & qui fe dégorgeoit par delfus le Mont de Sion, le Vouache , Se par une échancrure fituée entre le Jura & cette dernière montagne : que cette échancrure s'approfondit peu-à-peu ; & qu'enfin les eaux ayant graduellement diminué, le courant n'occupa plus que le fond de la vallée. A mefure que ces eaux s'abaiffoient, les collines élevoient leurs têtes au deffus d'elles : celle dont Geneve occupe aujourd'hui le faite, fut long-tems une prefqu'isle , entourée d'eau de toutes parts, excepté du côté de Champel ; mats le courant des eau* continuant de creufer fon ht, fépara la colline de Geneve de celle de St. Jean, Se le Lac fe reiferra dans fes limites acfuelles. Veftiges de * 2i6. Ces derniers changemens ont laiffé des traces en-ces derniers ° change- core vifibles ; ou ne peut pas révoquer en doute que le Plaiupalais & fes jardins, les plaines au deffous de Lancy1, celle de Karouge, le Pré-l'Evéque , n'ayent été anciennement couverts par les eauX > & ne fe foient élevés par l'accumulation de leurs fédimens: le niveau de leur furface, les lits horizontaux de fible Se de gravier , dont ces terreius font formés , en font des témoins irrécufables. On voit de même le long du Lac, des plaines exaclemeIl£ horizontales, couvertes de graviers Se de cailloux roulés, qul aboutirent à des collines efearpées , dont la bafe paroît rongé5 par les eaux s comme fous Pregny, à Rolle , à Dovéne, entre Allaman Se Morges, Se dans un grand nombre d'autres places* §. 217' DES ENVIRONS DE GENEVE. Çfa£ VI. i6i §.217 Enfin l'Hiftoire Civile vient ici à l'appui de l'rlif- Monumens ' r hiltunques toire Naturelle ; divers monumens concourent à prouver que de pabaifle-lcs eaux du Lac couvroient, il y a 12 ou 1300 ans, tout le jFJj». bas de la ville de Geneve ; que ces eaux le font retirées par gradations , & que les maifons du quartier de Rive Se des Rues-balles, n'ont été bâties que depuis leur retraite. (1). §.2ig. Mais cette abaiffement de la furface des eaux du g¥«^ kic, n'eft pas feulement l'effet de l'excavation du canal qui eaux. Ie décharge ; il a été aufli produit par une diminution de la quantité des eaux qui s'y jettent: diminution que bien des confidérations tendent à faire croire continuelle & univerfelle, f«r toute la furface du .Globe, comme je Pexpoferai plus au long dans les Réfultats. §• 219. L'explication que j'ai donnée dans ce chapitre, de d^ec^" origine des cailloux roulés & des blocs de Roches primiti- ^corejlus Ves> qui fe trouvent difperfés dans nos environs, me paroit frffïfamment démontrée pour les Naturaliftes. Ils favent bien ^ les Granits ne fe forment pas dans la Terre comme des Truffes, Se ne croiffent pas comme des Sapins furies rochers calmes ; Se s'ils ont, comme cela eft bien poffible , des idées différen-tes des miennes, fur la caufe du mouvement des eaux qui les °ôt chariés chez nous , du moins y en aura-t-il peu qui ne Croyent que c'eft une grande débâcle , ou un courant d'une vi°lence & d'une étendue confidérables, qui les a transportés * dépofés dans leurs places actuelles. Cl) Le public attend avec impatience , es fruits des favantes & laborieufes re-chefches de M. Senebier , Bibliothé-^lre de notre ville , fur les antiquités naturelles & Littéraires de G eneve & de fes environs. C'eft d'après les notes qu'il m'a communiquées, que j'aj cru pouvoir afTuver, que le Lac s'eft abniffe fenfiblement depuis huit ou dix fiecles. Mais ceux pour qui nos principes fur la formation des pierres, ne font pas des axiomes, & qui n'ayant pas l'habitude d'ob-ferver en grand les opérations de la Nature, ne fe font pas fa* miliarifés avec les idées de révolutions & de catastrophes aufli étendues, demeureront peut-être encore dans le doute. J'ai donc cherché, & pour les convaincre, & pour me fatisfaire plus pleinement moi-même , quelques preuves d'un genre différent. Je me fuis dit : les faits que j'ai rapprochés me perfuadent bien qu'il a anciennement exifté un courant très-rapide, qui rempliflbit autrefois toute la vallée dont notre Lac occupe aujourd'hui le fond: on voit par-tout les effets de ce courant; mais pourtant je n'apperçois pas fes traces proprement dites ; je trouve bien fous mes pas des matériaux qui ont été chariés ; mais il faudrait pour une conviction parfaite, découvrir les ornières du char qui les a tranfportés. Alors , j'ai pente que ces ornières pourraient avoir été imprimées fur les flancs efcarpés des montagnes, entre lefquelles ce courant a été refferré. J'ai donc entrepris d'obferver fous ce point de vue , les flancs de ces montagnes. CHAPITRE VIL LE AI 0 N T S A L E F E. % 220. Le Mont Saleve eft de toutes les montagnes de nos Sa fituadoru environs, celle qui fe préfente le mieux pour l'obfervation ^ont je viens de parler. Il eft fitué en Savoye, à une lieue a» midi de Geneve ; fa forme eft très-alongée dans la direction du Nord-Nord Eft, au Sud-Sud Oueft, & c'eft à-peu-près !a direction qu'à dû avoir le courant dont nous nous occupons. Cette montagne préfente du côté de Geneve de grandes aflifes, à-peu-près horizontales, de rochers nuds & efcarpés > d'une Pierre calcaire blanche, fur laquelle les injures de l'air lle font que peu d'impreffion. Ces rochers ont dû former l1ne des parois du grand canal, dans lequel couloit ce cousit ; ils ont dû par conféquent, être rongés & fillonnés, à-Peu-près horizontalement, dans la diredion de ce même cou-ra«t ; & les parties les plus faillantes ont dû être expofées aux lofions les plus conftdérables. §■ 221. Les faits ont pleinement répondu à ces conjectures, ^toj* J**i fait fur ce fujet, les obfervations les plus claires & les plus été ffllouoft fatisftufantes. Les tranches nues & efcarpées des grandes cou- Parlcseau3U thes du Petit & fur-tout du Grand Saleve , préfentent prêt *lUe par-tout les traces les plus marquées du paffage des eaux, *lui les ont rongées & excavées. On voit fur ces rochers, des flUons à-peu-près horizontaux, plus ou moins larges & profonds ; il y en a de 4 à ^ pieds de largeur, & d'une longueur double ou triple, fur r ou % pieds de profondeur. Tous ces X 3 filions ont leurs bords terminés par des courbures arrondies; telles que les eaux ont coutume de les tracer. Je dis qu'ils font à-peu-près horizontaux , parce qu'ils font par fois inclinés de quelques degrés , en defcendant vers le Sud-Sud Ouelt, fuivant la pente qu'a dû avoir le courant. De tels filions ne fauroient avoir été tracés par les eaux des pluies ; car celles-ci forment des excavations, ou perpendiculaires a l'horizonou dirigées fuivant la plus grande inclinaifon des faces des rochers ; au lieu que celles-là font tracées prefqu'ho-rizontalement fur des faces tout à fait verticales. Ces filions font donc ce que je cherchois, les traces ou les ornières du courant qui a charte dans nos vallées les débris des rochers" des Alpes. Cavît&ar. §. 222. On voit auffi à la furface de ces mêmes rochers*, SuSte? auffi ^es cavite's arrondies, de plufieurs pieds de diamètre , & de * par les an- ou 3 pieds de profondeur , dont l'ouverture regarde le Nord' ciens cou- 1 r 0 rany. Nord Ell , & qui paroiffent par conséquent, avoir été creufés par des filets du courant qui fe jettoient directement & avec impétuofité contre ces parties plus faillantes & plus expofées : ces cavités ont leurs fonds & leurs bords arrondis 3 & comme leurs ouvertures fe trouvent placées fur la face verticale de rochers efearpés, on ne peut pas fuppofer qu'elles ayent été formées par la chute des eaux de la montagne. Béfignatîon §• 3 2 3- On peut obferver ces excavations fur prefque toutes des places faces des grarrds rochers du Mont Saleve, du moins jirf* ou ces vei- * tiges font les qUes à la moitié ou aux deux tiers de hauteur; mais on plus vilibles. , . , . t ji les diitingue avec une évidence particulière • fur les rochers qui dominent le pas de l échelle, fur ceux qui font au deffus des couches perpendiculaires, entre Féiry & Crevin > fur W couches épailTes qui dominent les grottes de YHermitage, fut celles qui - font au deffus du Coin, Sec. §■ 224. Je ne dois pas difiimuîer, qu'entre ces excavations Ixcty*. arrondies, que je regarde comme l'ouvrage des eaux , on en [ënienc rencontre quelques-unes, qui font creuiées en fens contraire du gce5, courant que je fuppofe avoir defcendu notre vallée, & qui Pourroient faire naître des doutes fur la caufe que je leur attribue. Mais ces doutes s'évanouiront, fi l'on confidere , que far les bords de tous les grands courans, tant de la Mer que des rivières , il fe forme des remoux , dont la direction eit contraire à celle du courant, Se qui fouvent font aufli rapides °iue lui. Il s'y forme aufli des tourbillons plus rapides encore, dont la force rongeante eft très-confidérable. D'ailleurs 1 es vagues ont aufli, comme on le fait, le pouvoir de ronger ^ d'excaver les rochers : elles agiflent comme les vents qui fes foulevent, dans différentes directionsSe ces vents dévoient avoir beaucoup de prife fur un courant large , comme étoit fe nôtre, de 4 à 5 lieues. Enfin h l'on veut confulter l'expérience ; que l'on obferve les bords de quelque rivière ref-lerrée entre des rochers ; on verra fur ces rochers, & des fil- *0lls alongés, Se des excavations arrondies, exactement fembla-Kl \ les a celles que j'ai obfervées fur le Mont Saleve : on y trouvera même des cavités creufées dans une direction contraire à Cel]e du courant. * 22ï« Ce que l'on nomme les Grottes de YHermitage, Autres Ou fp effets des **?s excavations profondes de 30 pieds , Se 8 OU ï.O lOlS niêmes eau-. 1 longues, produites par la d effraction totale de plufieurs Gtortes c°uches de rocher, par quel agent pourroient-elles avoir été de l'Men»i* formées , fi ce n'eit par les érofions de cet ancien courant ? ta gorge de §. 226. La gorge même de Monetier, ou cette grande échancrure qui fépare le Grand Saleve du Petit, & dans le fond de laquelle eit renfermé le joli vallon de Monetier , paroît avoir été formée par un courant femblable , qui defcen-dant des Alpes par la vallée de l'Arve , venoit fe jetter dans notre grand courant : car les couches correfpondantes du Grand 'Se du Petit Saleve, indiquent leur ancienne jonction ; Se l'on ne comprend pas quel autre agent auroit pu détacher, & emporter la pièce énorme qui manque en cet endroit à la montagne. Blocs de ^ 22« jE f011cj meme &les côtés de ce vallon font par-Hoches pn. r mûives. femés de grands blocs de Granit Se de Roches feuilletées. Dès fon entrée du côté de Geneve , on trouve un bloc de Granits du volume d'environ 1200 pieds cubes. On rencontre plufieurs de ces blocs, quand du haut du pas de l'échelle j on monte droit au Château de l'Hermitage. ïls fe préfentent môme là , avec une circonftance bien remarquable. Situation gUR îe penchant d'une prairie inclinée, on voit deux de ces remarquable r A de quelques- grands blocs de Granit, élevés l'un Se l'autre au deffus de Wocs!2 l'herbe, à la hauteur de 2 ou 3 pieds, par une bafe de rocher calcaire, fur laquelle chacun d'eux repofe. Cette bafe eft une continuation des bancs horizontaux de la montagne ; elle eft même liée avec eux par fa faoe poftérieure; mais elle eit coupée à pic des autres côtés , Se n'eft pas plus étendue que le bloc qu'elle porte. Comme le fond du terrein eft compofé de ce même rocher calcaire, & qu'il feroit ab-furde de fuppofer que ce fond le fût foulevé précisément & iniquement au deffous de ces blocs de Granit, il eft naturel de croire, que c'eft au contraire, ce fond, qui s'eft abauTe autour d'eux, non pas en s'enfonçant, mais par l'érofion continuelle des eaux & de l'air, tandis que la portion de rocher, ^i a fervi de bafe au Granit, tenue à l'abri par cette couverture impénétrable , a confervé là hauteur primitive. D'autres blocs fou tenus par de Semblables piédeftaux , dans des endroits où le rocher eft de tous cotés a découvert, démontrent la Vérité de cette explication. Ces blocs ont fi parfaitement préservé les rochers qui les portent, que la furface de ces rochers eft demeurée plane & horizontale ; & comme celle des fragmens de Granit eft irréguliere, & qu'ainfi ils ne touchent cette furface plane que dans un petit nombre de points, on a la facilité d'obferver cette furface ; on voit que le rocher, klen loin d'avoir été rongé par les eaux, comme il l'a été Par-tout où ces blocs ne l'ont pas tenu à l'abri , s'eft plutôt augmenté par quelques feuillets d'incruftations calcaires, qui s'y font formés en quelques endroits. Toutes ces circonftances me paroiffent prouver, que chacun de ces blocs occupe encore exactement la même place dans ja piace pi* Nielle il fut dépofé par le courant qui les charia du haut des jjyj^ c^ AlPes,lors de la grande révolution, dont nous avons vu tant de veftiges. Cette penfée lorfqu'elle me vint pour la première fois dans l'efprit, me remplit d'une forte d'admiration refpec-tueufe pour ces rochers, qui préfervés pendant tant de milliers ^années, font demeurés en filence , les monumens inconnus d'nne des plus grandes cataftrophes qu'ait effuyé notre Globe, Je res examinois de toutes parts , avec l'attention la plus feru-P^eufcil me fembloit toujours que je devois trouver, pour ainfi dire, quelque médaille ou quelque document qui m'ap-Prendroit la date , ou du moins quelque circonftance impôt* ^nte de ce grand événement. Un grain de gravier, de la grof< feur & de la forme d'un œuf de Pigeon, engagé fous un de ces blocs, & quelques autres fragmens de Roches primitives, engagés aufli fous un autre de ces rochers , me parurent être les derniers témoins du mouvement des eaux, qui ont transporté ces grandes maffes. A l'exception de ce gravier & de ces fragmens, je n'ai trouvé aucun corps étranger , qui accompagnât ces blocs de Roches primitives ; ils repofent fur le roc calcaire, abfolument à nud & fans interpofition d'aucune autre matière. Et ce font Leur pofition achevé de démontrer ce dont j'ai déjà donné les eaux oui , ». r , ^ . T , , , les ont dé- de bien iortes preuves ; c'eit que ces blocs n'ont point ete j^fes. lancés au travers des airs par des explorions fouterraines ; car des maffes d'un poids aufli énorme, venant d'aufli loin que le centre des Alpes 9 & par conféquent par une trajectoire prodi-gieufèment élevée, auraient fracafle les rochers, & auraient formé des enfoncemens confidérables : mais au contraire, elles repofent fur la furface du roc , & ne le touchent que par un petit nombre de points. 11 n'y a que les eaux qui puiffent, en diminuant la pefanteur de ces grandes maffes , les avoir dé-pofées avec cette légèreté ; car leur chute au travers de l'air > ne fût-elle que de la hauteur de % à io pieds, auroit produit des excavations fur un roc calcaire, qui n'eft même pas des plus durs dans fon genre. Ces mêmes rochers ferviroient à déterminer l'époque de & grande débâcle; fi l'on pouvoir s'affurer par quelque moyen de la diminution que l'action de Pair & des pluies produit dans un tems donné , fur des rochers découverts, de la nature ^e ceux du Mont Saleve, §. 2 2 8. Mais ce n'eft pas feulement dans la gorge de Blocs de Monetier, que l'on rencontre des blocs de Granit & a autres mitives fur Pierres primitives : on en trouve de très-grands & en très-grand 1seale(Jr^nd "ombre, fur le haut du Petit Saleve, & même fur le Grand , jufques au fommet de la montagne ; par exemple, vis-à-vis de Crevin,&au delfus du Chalet de Grange .Tournier, c'eft-à-dhe, à plus de 460 toifes au deffus du niveau du Lac. Il y auroit des recherches curieufes à faire fur ces pierres adventives. Quelquefois on les trouve mêlées, de façon que ce^es qui fe touchent font de genres abfolument différens. ^'autres fois dans un même lieu , on en trouve un grand nombre du même genre. "§. 229. En continuant de parcourir le fommet de la mon-kgne, on defeend dans une petite gorge qui la traverfe , fui-Vant fi largeur. C'eft au fond de cette gorge qu'eft fitué le hameau de la Croifette. De là jufques au Piton, fommite de-Venue célèbre par les expériences de M. De Luc , les flancs de la montagne ceflent d'être nuds & efearpés; ils font cou-Ve"s de bois & de verdure, & l'on n'apperçoit que de loin en loin, des bancs de rochers. Ces bancs font toujours calcaires ^ à-peu-près horizontaux. Le haut de la montagne eft chargé dans tout cet efpace, ÇJ^*™ d'un fable blanc, recouvert d'une terre végétale qui produit les cette partie P!us beaux pâturages. Ce fable a dans quelques endroits plu- de Salcve* fieurs pieds de profondeur. Il paroit qu'il a été charié par des eaux qui venoient des Alpes , & qui ont verfé par delfus la montagne, tout ce qui n'a pas pu s'arrêter fur fon fommet. °Q voit ici fous fes pieds, du côté du Lac , de petites mon- Y tagnes appuyées contre la grande , & compofées en entier de ce même fable , agglutiné & converti en Grès par des fucs calcaires. Ces Grès font très-beaux & très-durables ; il y en a une carrière confidérable au deffus du hameau nommé Ver* rieres ; on en fait un grand nfage pour l'architecture ; on en a tiré des pièces de i f pieds de longueur , & l'on pourroit en lever de beaucoup plus grandes. Pourquoi § ag0> Dans toute cette partie de la montagne, de la dans cette r B ' partie on ne Croifettc jufqu'au Piton , on ne trouve prefque point de blocs deTblocsPde ^e Granit, ou d'autres pierres adventives, tandis que de la Croi-Granit. fette à Monetier , '& même de Monetier à l'extrémité de la montagne auprès d'Etrambieres, ces blocs font très-fréquens & très-confidérables. On pourroit croire que cette différence vient de la différence des hauteurs, parce que le Piton eit la fommité la plus élevée du Mont Saleve : $L De- Luc a trouvé fa hauteur de f 12 toifes au deffus du Lac. Il feroit donc permis de fup-pofer , que la hauteur de 4^0 toifes, à laquelle j'ai trouvé des blocs de roches primitives, eft le plus haut point auquel ils ayent pu être foulevés ; qu'au deffus de ce point, il n'eft parvenu que des fables. Mais cette explication ne paroit pas fufhïante, parce que j'ai vu, entre la Croifette & le Piton? des places plus baffes que 460 toifes, & dans lefquelles on ne trouve pourtant point de ces blocs. Je crois donc qu'il faut reconnoître, que la différence q#e l'on trouve dans ces corps adventifs, ne vient pas feulement des différentes élévations des lieux dans lefquels on les trouve; mais encore de la différence des courans qui les ont chariés? ces courans entraînant différentes matières , fuivant les lieux dont ils tiroient leur fource. Mats outre cette raifon générale, j'en vois ici une plus Particulière. J'ai fait voir (§. 211.) que ces fragmens primitifs fe trouvoient accumulés en plus grande quantité, vis-à-vis des grandes vallées des Alpes, & que ceux de Saleve font vraifem-klablement venus par celle de l'Arve. Or quoique le courant ^terminé par la vallée de l'Arve, ait eu dans fon centre affez de force pour accumuler de grands fragmens jufques à une hauteur confidérable , cependant ce courant n'a point dû avoir h même force fur fes bords ; & par conféquent il n'a pu y Porter que des fables. C'eft ce que l'on voit dans toutes les grandes inondations ; les rivières débordées charient des pierres & du gravier, là où leur courant eft très-impétueux ; mais clles ne portent que du limon fur les bords, où le courant îra que peu de viteffe. §. 231. J'ai dit, pour expliquer la formation de l'échan-^rure qui renferme le vallon de Monetier, qu'elle avoit été ces anciejw Vraifemblablement creufée par des courans qui venoient des comans. %es, & paflbient par deffus Saleve , pour fe jetter dans le grand courant qui rempliffoit la vallée du Lac de Geneve • j'ai %>pofé de femblables courans pour rendre raifon des fables accumulés , & fur la montagne , & à fon pied , entre la Croire & le Piton. 11 exifte un veftige bien remarquable de ces Courans, dans une efpece de puits que je découvris il y a 1 T °u 20 ans, d'une manière affez finguliere. Je me promenois un matin, par un beau Soleil, fur le bord k plus élevé du Mont Saleve, au deilus de Colonge , & j'ad- Y 3 mirois la netteté avec laquelle l'ombre de la montagne traçoit à fes pieds les contours de fes bords ; quand fapperçus dans le corps de cette ombre, un point éclairé par le Soleil. Je refufai d'abord d'en croire mes yeux ; mais la lunette d'approche m'ayant rendu diftindement le même témoignage , il ne me fut plus permis d'en douter. Il fallut par conféquent admettre, que la montagne étoit en quelqu'endroit percée de part en part. Cette fingularité me frappa beaucoup : je résolus de faire les plus grands efforts pour découvrir l'ouverture par laquelle palToit ce rayon. Grand Puits p0UR cet effet, je me plaçai entre le Soleil & le point éclairé , au bord de la r montagne. & en avançant dans cette direction, je découvris un puits très-large & très-profond, taillé dans le roc, au bord de la montagne : le Soleil qui étoit alors affez élevé , paroiffoit pénétrer jufques au fond de ce puits , je foupçonnai qu'il avoit une ouverture fur le bord efcarpé du rocher , & que quelque rayon s'échappant par cette ouverture, alloit éclairer un point entouré des ombres de la montagne. Pour vérifier cette conjecture, il falloit defeendre jufques au fond de ce puits : par dedans, la chofe étoit impoffible , à moins de fe faire dévaler par des cordes ; je le tentai donc par dehors, Se j'en vins à bout, à la vérité avec quelque peine, Se en faifant un détour. Je trouvai au bas du puits une grande ouverture, qui avoit la forme d'un portail irrégulier, de 40 à fo pieds d'élévation, Se je vis les rayons du Soleil reffortir par cette ouverture, après avoir pénétré obliquement jufques au fond du puits. Creux de firifaut. Je reconnus même que cette ouverture, eit celle que l'on LE MONT S A L E f E. Chap. fil. 173 voit de la plaine , vers le haut de la montagne , & que Ton nomme ^ creux de Brifaut, parce qu'à cette diftance, elle ne paroît Pas plus grande qu'il ne la faudroit pour un Chien. J'entrai dans le puits, dont le fond eft à-peu-près de niveau avec cette entrée, & je jouis en me retournant, du fpec-tacle que préfente ce frte fingulier. On voit le Ciel au dedus de fa tète , comme par une large * haute cheminée, & en baillant les yeux on a une échappée de la, Vue ^e ia piaine s qUi forme un brillant tableau, encadré Par la voûte irréguliere du grand portail, par lequel on eft entré. Ce plaiflr fut le feul fruit que je tirai de cette découverte, dans le moment où je la fis : ce puits ne me .préfenta d'autre *dée qUe celle d'une lingularité, ou d'un jeu de la Nature. iais quand j'ai vifité de nouveau la montagne, dans l'intention e rechercher les traces des anciens courans, ce puits eit de-eilu p0ur mûj t ^ non ie pUits de la vérité, du moins un m°nument intéreffant & inftructif. J'ai obferve qu'il eit cannelé du haut en bas, de filions larges Trace? des * Profonds ; ces filions régnent fur toute la circonférence in- S? eure, qui eit de plus de 300 pieds, & dans toute la hau- cePui"- 9ni va à 160. Ces cannelures font beaucoup trop larges tl0P profondes, pour que les eaux des pluies ayent pu les tracer a> t j t » a autant que ce puits eft prefqu'au haut de la montagne Rr «1 qui 3 qui1 n'v a Point de ravin ou de canal confidérable Y conduife des eaux, enforte qu'il ne s'y jette prefque pas utres eaux que celles qui tombent directement du Ciel. Je crois donc que ces profonds filions font des veftiges des anciens courans dont nous avons parle', qui defcendant des Alpes fituées derrière la montagne , venoient palier par delfus fon fommet, & fe verfer dans la vallée de notre Lac. Une partie de ces eaux fe jettoit dans ce puits, & en relfortoit par l'ouverture inférieure. ^Caverne 232. Un peu au deffous du fond de ce puits, du côté d'Orjobct. * , du couchant, on trouve une Caverne qui prefente aufli d© beaux veftiges de l'érofion des eaux. J'y fuis entré pour la première fois , le 4 Mars de cette année i779,& je ne crois pas qu'aucune Obfervateur l'eut viiitée avant moi. Un honnête payfan du hameau du Coin , chez qui je m'étois arrêté en allant à la fin de l'automne, vifiter les rochers qui dominent cet endroit, me dit, que vers le haut de la montagne, dans un rocher qui faifoit partie de fes poffeflions , il y avoit un grand fouterrein; qu'à la vérité il n'y avoit jamais pénétré jaques au fond, mais qu'il m'y conduiroit fi je voulois y venir avec des flambeaux. J'acceptai fa propofltion, & je revins pour cet effet dès que la faifon le permit. Deoxrou- jL nie en partant, que la caverne étoit fituée orécife'-tes y con- r 1 r d;.iiitnt. ment au deffus de fon village , & qu'on pouvoit y aller paf deux chemins, l'un tout droit, plus court, mais très-roide ; l'alJ* tre par le village de la Croifette, plus doux, mats plus long* Je préférai le plus court, & je m'applaudis de ce choix, parcC qu'en montant, je vis de grands rochers dont les faces taillées à pic , ont à leurs bafrs des excavations confidérables, don£ les unes fe prolongent horizontalement, les autres font à-peu-près circulaires; mais toutes fe terminent par des bords arrondis & émouffés, qui indiquent manifeftement l'action des grand* courans dont nous nous fommes tant occupes. J'eus donc du plaifir à trouver fur cette route , de nouvelles confirmations des obfervations que j'avois faites fur les autres parties de la montagne ; mais il fallut acheter ce plaifir par la fatigue d'une pente exceflivement roide , & par quelques mauvais pas qui pour-roient effrayer des gens qui ne feroient pas accoutumés aux Montagnes. Après une heure Se un quart de cette montée rapide , nous Grande entrâmes dans le rocher par une grande ouverture , qui n elt qui fcrt d»a. Pas encore celle de la Caverne , mais une avenue bien fingu- vGeal^rnàe<îa here qui conduit à fon entrée. C'eft une efpece de grande Géminée, éclairée çà & là , par des ouvertures irrégulièrement 0vales,que les eaux ont creufées dans l'épailfeur du rocher. °n monte par cette efpece de canal jufques à la hauteur perpendiculaire d'environ 90. pieds , & là on fe trouve à l'entrée de la Caverne, qui eft fituée au haut de cette cheminée , & éclairée par un grand jour , qui s'ouvre vis-à-vis de la porte. Cette porte eft double, ou plutôt ce font deux entrées, ont l'une & l'autre la forme d'un ovale irrégulier. Celle de la gauche a environ 4 pieds & demi de haut, fur un & demi de large ; celle de la droite en a 6 fur deux Se demi. Êlles font féparées par un maffif de rocher, d'environ 9 pieds, de largeur. On entre par la gauche qui eft d'un accès plus facile. On k trouve alors dans une gallerie, qui à fon entrée, eft large d'environ pieds , fur 7 à 8 de hauteur; mais en avançant elle s'élargit & s'exhaufTe à-peu-près du double. Sa direction; eft au Nord. Le fol de cette gallerie fouterreine eit incliné iyans quelques endroits Se même prefque par-tout, les couches defcendent tout droit du haut de la montagne jufques à pied : mais au deffus de Collonge, le fommet arrondi en dos d'âne , préfente des couches qui defcendent de part & d'autre , au Sud-Eft vers les Alpes, Se au Nord - Oued vers n°tre vallée ; avec cette différence, que celles qui defcendent Vers les Alpes parviennent jufques au bas; au lieu que celles *lui nous regardent font coupées à pic, à une grande hauteur. Ces deux inclinaifons ne font pas les feules que l'on obferve dans les bancs du Mont Saleve , ils en ont encore une troisième ; ils font relevés vers le milieu de la longueur de la montagne, & defcendent de là vers fes extrémités. Cette pente» Z % l8o LE MONT SALIVE. Chap. VIL qui fur le Grand Saleve n'eft pas bien fenfible , devient très* remarquable au Petit Saleve , & môme très-rapide à fon extrémité. Les dernières couches au Nord , au deffus d'Etreni-bieres, defcendent vers le Nord-Nord Eft , fous un angle de 40 ou 50 degrés. On verra dans le cours de cet ouvragecombien les mon* tagnes calcaires ont fréquemment cette forme. Autres cou- jk 23 Outre ce s grandes couches, qui conftituent le corps une fitua. de la montagne, & qui peuvent en général être mifes dans la uon vertica- ciarr-e jes couches horizontales, on en trouve d'autres dont l'inclinaifon eft abfolument différente. Elles font fi tuée s au bas du Grand Saleve , du coté qui regarde notre vallée ; on les voit appliquées contre les tranches inférieures des bancs horizontaux; & elles font elles-mêmes ou perpendiculaires à l'horizon, ou très-inclinées en appui contre la montagne. pdnt^des^ Lorsque j'apperçus ces couches pour la première fois , au couches ho- Sud-Oueft du Pas de l'Echelle, je crus que ce feroient quel-rizontsies 1 déplacées. ques rochers tombés ou. glillés accidentellement du haut de la montagne; mais en les examinant avec plus de foin, en voyant leur étendue, leur élévation, leur nombre, leur régularité, j'ai été forcé de reconnoître qu'elles ont été bien certainement formées dans la place qu'elles occupent, leur accès Pour les obferver de près, & pour bien voir leur appui eft difficile. . , . . . , , , contre les grandes tranches des bancs horizontaux de la montagne , j'ai été obligé de monter en divers endroits, jufques au pied de ces tranches. Cette opération eft plus pénible qu'on ne le croiroit d'abord. H fatet gravir une pente ex- ces trèmement rapide, fur rdes débris de rochers qui gliffent & s'éboulent fous les pieds, & pénétrer en même tems d'épailTes ^rolfailles, liées entr'elles par des ronces : fouvent on ne peut avancer qu'après avoir coupé un à un, les liens épineux qui vous accrochent & vous déchirent. Et lorfque vous redek cendez, ces mêmes liens entravant vos jambes, tandis que votre c°rps eft entraîné par la rapidité de la pente, vous êtes à tout Moment fur le point de tomber en avant fur les pierres & fus les épines. Voici le réfultat de mes obfervations. Ces couches s'élèvent en quelques endroits, par exemple; ^jgg entre Veiry & Crevin, à-peu-près à la' moitié de la hauteur iées fur du Grand Saleve. Celles qui touchent immédiatement la mon- c°uclies~ ta§ue , font les plus inclinées ; on en voit là de verticales, & mènie quelquefois de renverfées en fens contraire, qui font Soutenues par les plus extérieures. Celles-ci font avec l'horizon Un angle de 60 à 6f degrés. Ces couches font fouvent très-indues , bien fuivies, & continues à de très-grandes diftances. ^eur atfemblage formé une épaiileur confidérable au pied de la Montagne. Elles ont cependant été rompues, & manquent méme totalement dans quelques places. Cceïa même donne *a facilité de les bien obferver , parce qu'en fe poftant dans: Ges intervalles, on peut les prendre en flanc , & voir diftino teilient leurs tranches & toute leur ftruéture, On obferve ces couches, non-feulement au pied des rocs ^ds du Grand Saleve, mais encore dans la partie de fa pente ^ eft boifée ; par exemple, au-deifous de la Croifette , le che* min qui de ce hameau defcend au village de Collonge, paffe htf des couches inclinées, comme celles que je viens de décrire. tems3ftirles § 23<^ ^A °^ ces C0Llclies manquent, il eft aifé de voir rochers de qu'elles ont été détruites par le tems ; les couches mêmes ho-rizontales, contre lefquelles elles font appuyées, ont fouffert eu bien des endroits, des altérations confîdérables. Un peintre qui voudroit monter fon imagination, & fe faire de grandes idées des ravages du tems fur de grands objets, tlevroit aller au pied de Saleve , à l'extrémité de ces grands rochers, au delfus du Coin, hameau fort élevé de la paroifle de Collonge. Rochers On voit là des rochers taillés à pic, à la hauteur de plu-tailles a pic. £jeurs centaines pieds, avec des faces, ici planes & uniformes , là partagées 8c lîllonnées par les eaux. Débris en- LA Dafe de ces rochers eft couverte de débris & de fragment tnfles. énormes, confufément entalTés. Un de ces débris foutenu f°r' tuitement par d'autres, eft demeuré debout, & paroît de près un obélifque quadrangulaire d'une hauteur prodigieufe ; de pluS loin on reconnoît que fa fommité eft une arrête tranchante » & qu'il a la forme d'un coin; & c'eft peut-être cette foi&G qui a donné fon nom au hameau qu'il domine. Grande fit L'angle même de la montagne eft partagé j>ar une fente qui le traverfe de part en part. Cette profonde fifture niencc qu'on la voye,&même qu'on la pénètre. Elle eft tortueule» & dans quelques endroits fi étroite, qu'à peine un hom#? peut-il y palTer. Quand vous y êtes engagé , vous trouvez de& places où les finuofités du rocher vous cachent le Ciel, plus loin elles le laiffent appercevoir par échappées; ailleurs vous v°yez des blocs de rochers engagés dans la crevalle , & fttf-pendus au deffus de votre tête. La. première fois que je vifîtai ce fite finguîier, Se que je Pénétrai dans cette fiffure, j'éprouvai une efpece de faififfement d°nt il eut été difficile de fe défendre. J'étois feul, fort jeune, * Peu accoutumé à ce genre de fpecfacle : ces rochers efear-Pés > ces fragmens entalfés, réveilloient des idées de dévafta-tion Se de ruine : cette profonde folitude n'étoit troublée que Par des Corneilles qui nichoient dans ces rochers, & qui baignant pour leurs petits, s'attroupoient autour de moi en fcfant des croalfemens affreux, répétés mille Se mille fois par les échos, venoient enfuite fe pofer fur des corniches élevées. au delfus de ma tête, & là battant des ailes, Se pouffant contre m°i des cris lugubres , elles fembloient maudire l'indiferet Ranger qui venoit troubler leur repos. Mais les fenfations de ce genre, mélangées d'étonnement & d'effroi, caufent une Motion agréable. Elles reffemblent en cela à celles qui font niélées d'admiration Se de douleur ; c'eft ainfi que le Laocooa °u le Gladiateur mourant vous attache en même tems qu'il v°us déchire. §•237. En fuivant le pied de la montagne, entre le Coin SJ^** * Grevitt, on voit reparoître nos couches verticales ou très- des couches iMoi' / t t ■% > . • verticale».. incunees, qui vis-à-vis du Coin, ont ete détruites , comme je Vlens de le dire. Ces couches, là où elles commencent à re- Paroître, font dans un très-grand défordre. On les reconnoît Pourtant fort bien, Se on les voit diftinclément s'appuyer contre es bancs horizontaux de la montagne, En continuant d'avancer dans la même direction, on voit ces mêmes couches perdre leur fituation verticale & devenir prefqu'horizontales; leur pofition change même à un tel point, qu'au lieu de s'appuyer contre le corps du Mont Saleve, comme elles le font communément, elles lui tournent le dos, & fe relèvent contre le Lac auquel elle préfentent leurs efearpemens. Mais peu-à-peu elles fe redreffent, & viennent a former avec l'horizon, des angles de 83 à 84 degrés. Enfin au delfus de Crevin, elles reviennent à s'appuyer contre la montagne , commes celles que j'ai décrites les premières. Sous le Petit Saleve, ces couches manquent entièrement; du moins n'en ai - je vu aucun veftige. Il eft poffible que leurs fommités ayent été détruites, & que leurs bafes demeurent cachées fous les débris accumulés au pied de la montagne. Conjectures §, 238. D'après cette defcription générale de la ftruclure ^fti x 1 «i fo r ni c primitive du actuelle du Mont Saleve, s'il étoit permis de hazarder quelque* Mont Sale- conjectures fur fa forme première, je dirois : que je crois que cette montagne formée, comme toutes les montagnes calcaires, fous les eaux de l'ancien Océan, a dû avoir anciennement des couches inclinées & defcendant.es de notre côté , comme elle en a du côté oppofé , & qu'elle étoit par conféquent compofée de couches alongées , mais concentriques , comme celles d'un tronc d'arbre ou d'une racine : que des révolutions dortf j'ignore la nature, ont détruit la partie defeendante des couches , du côté du Lac, en laiflant à découvert leurs tranches efearpées : qu'enfin les couches verticales fe font formées en s'appuyant contre le pied de ces mêmes tranches. Confid&a-i §. 239. J'ai vu fouvent des couches verticales ou du moim très" très-inclinées , formées ainfi en s'appuyant contre des efearpe-mens. J'ai vu même des couches de ce genre, fe former couchesvet-dans des fentes de rocher. La grande crevaife que j'ai dé- tlcalcs* crite, §. 226, en fournit un exemple. On voit dans fon intérieur deux couches épaules & perpendiculaires à l'horizon , aPpuyées contre les parois de la riifure , & dont elles fuivent Nême les fmuofités. Elles ont été par conféquent formées dans l'intérieur de cette fiflure, & elles prouvent fon antiquité. On en verra d'autres exemples dans la fuite de cet ouvrage. Si les couches des montagnes n'avoient été produites que Par des accumulations de fédimens proprement dits , comme °n le croit communément, il n'auroit point pu fe former de c°nches dans une fituation verticale , & toutes celles à qui nous v°yons cette pofition n'auroient pu la recevoir que de quelque Wleverfement ; mais comme les bancs de la plupart des rochers 0nt été produits, fuivant mes obfervations, par une efpece de Cryftallifation confufe , & que les cryftallifations n'affectent au-CUne fituation particulière, qu'elles fe forment fous toutes fortes d^ngles, on ne doit nullement s'étonner de voir des couches perpendiculaires à l'horizon , ou même contournées , & dans des Situations que des fédimens n'euiTent jamais pu prendre. §• Ho. Il réfulte de là , que bien qu'il me paroifie vrai- jtofcjto Semblable , que le Mont Saleve a eu anciennement de notre cipes au Co^ des couches inclinées, correfpondantes à celles qu'il a du *g°nt Coté des Alpes, je ne crois cependant point impoifible qu'il ait été formé tel que nous le voyons, & avec les tranches de fes couches, coupées comme elles le font, du côté de notre Niée, Ces coù- §. 241. Mais ceux qui feroient difpofés à croire avec pafétéJret ZAR0 Moro & M. Pallas, que les montagnes qui s'élèvent kes par le ^ p]us ^e cent toifes au delfus de la furface actuelle de 1* ioulevement de la mon- Mer, ont été foulevées à la hauteur où nous les voyons, par tagne. faction des feux fouterreins , croiroient trouver dans ces couches perpendiculaires , appuyées contre le pied du Mont Saleve, un argument bien fort en faveur de leur fyftême. Car quoi de plus naturel que de fuppofer, que quand l'effort des feux fouterreins fouleva cette montagne, une partie de tes couches fupérieures, féparée & déchirée par cet effort, eft demeurée adhérente au fond du terrein, & s'appuye encore contre la baie de la montagne ? Pour apprécier cette hypothefe , au moins dans ce cas par" ticulier, j'ai comparé nos couches verticales avec les bancs fu-périeurs du Mont Saleve, dont fuivant l'hypothefe, elles au-r.oient dû être anciennement la continuation : mais quoique la pierre foit également calcaire , & qu'elle foit même généralement d'une femblabie efpece de Marbre groffier, cependant on y trouve bien des différences. La plus frappante & qui e^ même abfolument décifive, eft celle de leur épaifleur. LeS couches horizontales.du Mont Saleve font par intervalles, d'une très-grande épaiffeur : on y voit des bancs épais de plus de 60 pieds, au lieu que nos couches perpendiculaires ont P-* renient plus d'un ou deux pieds, leur couleur & leur texture? font un peu différentes de celles des bancs horizontaux, & °n n'en voit point qui fe divifent d'elles-mêmes en fragmens rhoiu-boïdaux, comme les grands bancs du haut de la montagne* Indépendamment de ces différences , on ne pourroit cou cevoir, que des bancs déchirés & feparés ainii des coucbe supérieures de la montagne, pulTent s'élever à une fi grande hauteur 1 les couches fupérieures paroîtroient diminuées d'autant, &c. Ainsi , quoique je reconnoiffe qu'il y a bien des cas dans fefquels on eft forcé de convenir, que des agens fouterreins 0nt contribué à donner à des montagnes la fituation dans laquelle nous les voyons, cependant je ne penfe pas que le Mont Saleve foit de ce nombre ; on peut expliquer fa ftructure *àfts faire jouer ces grandes machines. §* 242. On trouve fur les derrières du Mont Saleve , des Bancs de c°uches d'une matière bien différente de celle du refte de la m^?u de Montagne. Ce font des Grès tendres ou des Molaffes. On eri voit en divers endroits. Sur le haut du Grand Saleve, vis-à-vis de Crevin, on ren-c°ntre de grands blocs, d'un beau Grès blanc, compofé de fable cryftallin très-pur, dont les grains ont entr'eux très-peu ^e Haifon. J'ai eu long-tems des doutes fur l'origine de ces ^°cs, parce qu'ils font détachés les uns des autres, & ne pa-'oiflent avoir aucune adhérence avec le fol fur lequel ils repofent. Mais enfin, j'ai trouvé fur les derrières de la monti d- c,gue, entre les Chalets qui portent les noms de Grange Tour- Hier & de Grange Gabri, un grand rocher compofé de ce llleiîle Grès, fuperpolé aux couches calcaires de la montagne. ^res peu cohérent a été divifé par les injures de l'air en Sondes maffes, qui femblent entaffées fans aucun ordre , & où °n a de la peine à retrouver des veftiges des bancs dont il a f^t- ' e c°nipofé. J'ai pourtant cru reconnoître que ces bancs • °ngeoient du côté des Alpes, comme les autres couches de Montagne, & fous un angie d'environ 2f degrés. Ces A a 2 Grès defcendent fort bas, en recouvrant toujours les rochers calcaires ; il eit même vraifemblable qu'ils recouvroient anciennement la montagne dans une étendue beaucoup plus confi-dérable ; mais que le peu d'union de leurs parties a caufé leur deftruction. Peut-être même les fables que l'on trouve entre la Croifette & le Piton, en font-ils des débris. Je n'ai pu découvrir dans ces Grès aucune matière étrangère, fi ce n'eft du Fer, qui s'annonce dans quelques places par la couleur de rouille qu'il donne à la pierre. On trouve auffi fur les derrières du Petit Saleve, des couches de Grès, mais moins pur que celui que je viens de décrire. Sa couleur eft grife ou brune, le fable qui le compofé eft mélangé de Mica & d'Argiile. Ces couches peu épauîes & bien diftinctes, repofent fur le roc calcaire & defcendent comme lui du côté du Levant. Le joli coteau en pain de fucre j au fommet du quel on voit les ruines du Château de Mournex , eft en entier compofé de la même matière, difpofée par couches dont l'inclinaifou eft aufli la même. Ces Grès s'étendent à quelque diftance du pied de Saleve*-fe joignent par deffous terre à ceux du coteau d'Efery , & confervent toujours la même direction. Le ruiffeau qui porte le nom de Viézon, & qui coule & Levant de Saleve , le long de fon pied & parallèlement à, lui, s'eft creufé un lit très-profond dans ces Molaffes, qui dans cet endroit defcendent à l'Eft - Sud - Eft fous des angles de *5 * 40 degrés. L'Arve s'eft aufli frayé un chemin au travers dei ces Grès tendres, elle vient fe jetter dans le ht du Viézon? & baigner avec lui le pied de la montagne, S' ?43 A Sous ces Molaffes ; les derrières du Petit Saleve Couches Préfentent des couches d'une efpece de Brèche calcaire , qui calcaire?10 recouvrent les bancs de la pierre folide & compacte, dont eft compofé le corps de la montagne. On peut reconnoître le palfage de ces Brèches aux Grès qui leur font fUperp0fés. Les Brèches ,qui font contigues au ^fès , font mêlées comme lui de quelques petits graviers quar-^ux, mais celles qui font plus profondes, font purement calcaires. Les fragmens de Marbre groffier dont elles font compofées , font ici plus grands, là plus petits, ici angulaires, là: bondis. J'ai obferve de même en divers endroits* & dans fes Alpes ^ ailleurs, des couches de Brèches ou de Poudingues, fuper-Pofées aux couches folides des montagnes. M. l'Abbé Fortis a vu fur prefque toutes les montagnes de la Dalmatie. §• ^43. Ces obfervations femblent indiquer, que quelque Conjecturer teills avant la retraite totale des eaux de la Mer, la furface de ["r IàJorma* r tion de cï3: * Terre éprouva une fecouffe extraordinaire , qui caufa la couches» rtipture de quelques rochers ; que les fragmens de ces rochers furent enfuite réunis & confolidés fous la forme de Bre- Ch nesî pendant le féjour que la Mer fit encore fur ces parties ^u Globe : qu'enfuite les fables furent à leur tour chariés 8c. agglutinés fous la forme de Grès; après quoi il fe rit une fecouflTe encore plus violente , qui bouleverfa 8c fracaiTa des montagnes entières, & occafiona cette retraite brufque & rapide s eaux de la Mer, par laquelle furent entraînés les grands, jagmens de rochers, que nous trouvons difperfés dans nos* ees & jufques fur nos montagnes, Mais nous verrons ailleurs plus en détail, les preuves de ces alTertions. Tétrîfica- §, 2aa le Mont Saleve renferme dans l'intérieur de fes lions du f , Mont .Sale- couches calcaires, une grande variété de corps marins pétrifies, des Peignes , des Térébratules , des Gryphites , des Entro- ques, des Coraux, &. plufieurs efpeces de Madrépores, dont M. De Luc Je cadet a formé une collection très-intérelTante. Mais les pétrifications les plus lingulieres que renferme le Mont Saleve , font deux coquillages bivalves , inconnus aux Naturalises , & dont on doit la découverte au même M. Dfi Luc. Ces coquillages fe trouvent enclavés dans un roc calcaire , dont on ne peut les féparer qu'en fculptant le rocher à mefure qu'on les découvre : cette opération exige tout le zele, toute la dextérité & toute la patience d#ce favant Naturalise. M. De Luc a bien voulu me les communiquer, & y joindre la defcription qu'il en a faite lui-même. J'ai fait graver les foffiles qui font repréfentés dans la Planche If , & j'infère ici la defcription de M. De Luc. „ Defcription de deux Coquilles bivalves fingulieres du Mort » Saleve, près de Geneve ". „ Ces coquilles fe trouvent dans une carrière de Pierre â ■„ chaux, iituée dans la gorge de Monetier , à-peu-près au „, tiers de la hauteur de la montagne ; c'eft-à-dire à iooo pie^s s, environ, au deilus du niveau du Lac. Nouveaux coquillages foffiles découverts par M. De Luc. « L'une de ces coquilles, qui approche de la forme des « Cœurs , eft repréfentée de grandeur naturelle à la figure i, » ( Planche II. ). Ses valves font très-inégales : la valve A » eft conftamment plus petite que l'autre , 8c varie peu dans » fa forme & le contour de fon fommet; mais la valve B »* offre prefque autant de variétés qu'il y a d'individus. Cette » valve diffère encore effentiellement de l'autre, par une 99 Gouche ou lame ftriée qui la recouvre extérieurement ; cette Js lanie, plus fortement adhérente au rocher par les ftries qu'à î> la lame qui la fuit, fe fépare en tout ou en partie d'avec »J die, lorfqu'on détache cette coquille du rocher. C'eft le * cas repréfenté à la figure I, où l'on voit une portion de » la grande valve dépouillée de la lame ftriée, tandis que ** l'autre portion Ta confervée.. »> La figure 2 repréfenté ce- Bivalve, vu par deffous. Ce »* côté là fur-tout, montre la grande difproportion qu'il y a s> dans la grandeur des deux valves.. » La ftrucfure intérieure de cette coquille ifeft pas moins finguliere que fa forme extérieure ; je fuis parvenu à déga- ** gér- affez chaque valve, de la pierre environnante, pour le " découvrir. »j On voit à la figure 3, l'intérieur de la petite valve, qui ne repréfenté pas mal l'oreille humaine ; 8c la figure 4 fait v°ir 1 fut: rieur de la grande valve. Celles qui font représentées fur la planche , paroiffent ne pas différer autant en g'and.ur Tune de l'autre, que dans le coquillage entier»; uiais cela vient- de ce que la petite valve dont ou donne Ie~ deffin, appurteuoit à un plus grand individu. „ De toutes les coquilles bivalves vivantes, qui font connues, aucune, je crois, n'offre de charnière aufli grande & aufli „ fortement articulée. Il eft aifé de diftinguer dans le deffm, „ la correfpondance des parties faillantes de l'une, avec le* 3, parties rentrantes de l'autre. La bafe de cette charnière, „ dans l'une & l'autre valve, fe prolonge alfez vers les bords „ pour rétrécir beaucoup l'ouverture, & leur donner ainii 1* „ forme d'un cornet, ou mieux encore d'une corne de Bêlief* „ Plufieurs de ces cornets, où la matière environnante n'a pas „ pénétré, font tapiffés de fort jolies cryftallifations t de Spath ,, tranfparent rhomboïdal. „ La couche du rocher où j'ai découvert ce coquillage, eft „ remplie d'une grande variété de Coraux & de Madrépores; „ ils ne font pas bien diftincfs à la première vue : mais fuivis „ & détachés avec foin, ils donnent avec un peu de travail) „ des morceaux d'une finguliere beauté. „ J'ai trouvé l'autre coquille Bivalve, quelques pieds pins „ haut dans la même carrière. Les valves, prefque toujours „ féparées, font comme pofées de diftance en diftance fur une „ même ligne, entre deux couches horizontales du rocher. „ Leur coupe préfente au premier coup-d'ceil, des veines d'un „ Spath brun, à ftries très-déliées, perpendiculaires aux furfaces; mais examinées de plus près, on s'apperçoit bientôt que ces „ fragmens appartiennent à une coquille bivalve, organifee „ comme la Vinne marine. On fait que les valves ou hat-9t tans de ce coquillage , quoique formées par des lames paral- leles , ces lames font compofées de petits fibres perpendi-.„ culaires aux furfaces, qui fe découvrent en les rompant. Tel 5, eft le Bivalve de Saleve", que j'appellerai par cette raifon TinnigeM- LE M 0 M T SALEVE. Chap. VIL 19* ,j> Pinnigéne. Mais s'il reŒemble à la Finne marine par cette " °rganiiation , il ne lui reffemble point du tout par la *°ruie. Les deux valves ne font pas fyniméti*iques ; l'une eft " c°nvexe , chargée de gros tubercules ; l'autre eft applatie, s' & s'élève cependant vers la charnière , d'où partent des " cannelures qui varient dans leur nombre, & qui fe fubdivi-'» *ent en rameaux -, à-peu-près comme les nervures d'une feuille : 5' Ces cannelures s'étendent feulement fur les deux tiers environ " ^e la furface. La valve convexe, toujours plus épailTe que " *a valve applatie, a quelquefois jufqu'à deux pouces d'épaif-" feur vers fon milieu. On a donné à la figure f , le deftin ^e grandeur naturelle de la valve applatie. La figure 6 " Prefente en c7, la coupe longitudinale des deux valves reunies, où l'on diftingue cette multitude de petites fibres Perpendiculaires dont elles font compofées. Il paroît à cette 55 c°upe qUe jes deux valves font fymmétriques ; mais cet effet apparent vient de ce qu'elles font rompues près des bords ; ^a valve fupérieure s'élève de là en s'arrondifTant, comme on 3J *e voit à la coupe tranfverfale D, tandis que l'autre valve " reffe applatie. Ce morceau où les deux valves font réunies, eft le feul que j'aie trouvé. » Ces deux coquilles foffiles augmentent la lifte de celles ^°nt les analogues vivans ne font pas encore connus ; & je ^r°is qu'elles font les premières de leur efpece qui ayent été * découvertes ». e ' 0N trouve aufli dans le Mont Saleve, des bancs Débris de Gesl^ement compofés de débris de Coraux & de coquillages, coquillages, Hus 6 nS r<^uits en Parties de 2 à 3 lignes de diamètre au ont quelquefois renfermés dans une pâte calcaire fpa- B b theufe à très-gros grains, colorés ou en noirâtre ou en jaune; fouvent les lames brillantes de la cryftallifation fpathique empêchent qu'on ne diftingue les fragmens de coquilles ; niais avec un peu d'attention, ou à l'aide d'une loupe, on les recOn-noît très-bien. Quand la furface de la pierre eft expofée pendant quelque tems aux injures de l'air, les parties de Spath plus diflblubles fe détruifent, & biffent ifolés & à découvert les fragmens des coquilles, qui font alors tout à fait viflbles. On rencontre plufieurs bancs de cette nature, en montant de Mo-netier aux Arbres du Grand Saleve. Comment rendre une raifon fatisfaifante de toutes ces différences ? Pourquoi dans la même montagne certains bancs renfer-ment-ils beaucoup de coquillages , & d'autres point du tout-Pourquoi ces coquillages font-ils ici entiers & parfaitement confervés, là brifés & mêlés , comme s'ils euflent été cofl-caffés tous enfemble dans un immenfe mortier ? On peut bien alléguer des raifons vagues, les courans , les tempêtes , ieS mouvemens intérieurs de l'ancien Océan ; mais ce font des raifons précifes qui feroient à defîrer , des explications exactement adaptées aux détails & aux circonftances de ces phe* nomenes. Charbon §. 245. Un minéral que renferme le Mont Saleve , niais île 4 malheureufement en trop petite quantité , c'eft le Charbon «e pierre. On en a trouvé au deffus du Château de l'Hermitag2 & au Grand Saleve, fous la Grange des Hêtres, ou des Faystf^' ou Feus , comme on les appelle dans le pays. La beauté & la bonté de ce Charbon, qui eft noir , brillant, compare * & qui donne la plus belle flamme, font regretter que les vei-iles en foient fi minces. On a eflayé de pourfuivre ces vei-nes dans l'intérieur de la montagne , mais fans aucun fuccès ; & on ne doit pas s'en étonner, fi l'on confidere la régularité des bancs calcaires, entre lefquels ce minéral eft renfermé. *1 eft naturel de penfer, que ces bancs obfervent dans fin-Prieur le même parallélifme qu'ils montrent au dehors ; & ^ue par conféquent, les couches qui font minces au jour, doivent l'être aufli dans le coeur de la montagne. Ce minéral fe trouve là renfermé dans une pierre tendre ULl terre durcie, de couleur grife ou brune, compofée d'Ar-, laquelle il Ce 891e plus ou moins mélangée de Terre calcaire. Cette cou- tlouve* cke argilleufe fe répète trois à quatre fois, depuis le creux cle Monetier jufques au haut de la montagne. Mais elle lle produit pas par-tout une égale quantité de charbon ; quelquefois même elle n'en contient abfolument point. Là où elle eft purement argilleufe, fans mélange de Terre calcaire , on y trouve des lames de Gypfe, de forme rhomboïdaie ; & quand elle eft mélangée de Terre calcaire , on y voit des couches minces de Spath cryftallifé, parallèles aux couches de la mon-taS'ne, & fuivies en quelques endroits avec une régularité fin-Sùliere. §• *47. Le point le plus bas où i'aye obferve cette cou- , §Fd Ue argilleufe, c'eft au Petit Saleve, fous les roches creufées couches. ^e l'Herniitage. J'ai mefuré là l'épaiffeur & la fucceflion des couches; elles méritent d'être connues. ,A- plus baffe de ces couches au deffus du fol des grotte?, B b 2 de l'Hermitage, eft épaifte de.....22 pouces \. La fuivante en montant........11 \ La troifieme varie de 2 à 3 pouces. C'eft cette couche qui eft argilleufe : elle eft ici mélangée de Terre & de Spath calcaires. Ce Spath forme au milieu de la couche, une lame de 2 ou 3 lignes d'épaifïeur. Ici l'on ne trouve point de Charbon. Les couches fuivantes font-toutes de rochers calcaires : La quatrième eft épaifte de. ...... . if f La cinquième............ 36 La fixieme. . 2• I ....... * a celle-ci varie auffi, & fe perd en tirant au Sud Oueft. La feptieme.............30 La huitième. . . . , m g0Q ou foixante à foixante - cinq pieds. Au delfus de cette couche fi épaifte, la même fucceflîon recommence avec quelques, différences dans le nombre & dan? l'épaiffeur des couches. Les grottes mêmes fe répètent aufli au deffus de ce banc épais , mais elles ne font pas auffi profondes que celles de l'Hermitage , & le fentier qui y conduit eft plus étroit & prefque dangereux. Les gens de Monetier nomment ces grottes-ci la Balme du Démon , & celles q«* font au deffous , la Balme de l'Hermitage. Le mot Balme dans l'ancienne langue du pays, fignifioit une grotte ou nne caverne. On a tiré quelque peu de charbon de la couche argilleufe qui fe montre dans la Balme du Démon ; le charbon y étoit par veines mal fuivies ou par petits fragmens épars. L'A*"- §iUe de cette couche contient du Gypfe & point de Terre ficaire. Celle de ces veines, qui a donné le plus de charbon, mais toujours trop peu pour en faire un objet d'utilité, eft fituée au Grand Saleve , fous les grands bancs calcaires , qui font au. deffous de la Grange des Fayards. L'Argille qui l'accompagne eft mêlée d'une rouille ferrugineufe & de Terre calcaire. Ces alternatives de couches minces, & d'un banc très-épais, Confôquen. ayec une couche argilleufe dans leur intervalle, fe répètent ^°n' plufieurs fois tant au Petit qu'au Grand Saleve ; Se elles font intéreftantes en ce qu'elles prouvent des périodes réglées, 8c. tecurrentes dans le mouvement des eaux qui les formèrent. §. 248. On trouve en divers endroits du Mont Saleve des , spath cak Cryftallifations de Spath calcaire, fous des formes très-variées, caire' & en grande abondance. 249. On y voit auffi des bancs entiers , par exemple k. Cenchrites* extrémité Orientale de la gorge de Monetier, dont la. pierre paroît n'être compofée que d'un affemblage de petits grains bondis, que fon nomme à caufe de cela miîiaires ou cetu-ch'ites. Je m'occuperai de ce genre de pierre,. à l'article de la Dole. §• 250. On trouve aufli fur le Mont Salevemais plus ra- s^e°xyauxd* ïeuient,des noyaux de Silex, ou de Petrofilex. d'une forme naturellement arrondie , renfermés dans la Pierre calcaire.. QyELojaEs-uNs de ces noyaux m'ont paru remarquables era ce qu'ils font difpofe's à fe rompre en fragmens, de forme à-peu-près rhomboïdale ou parallélépipède obliquangle. Ces bancs de rochers calcaires, épais de 6j à 70 pieds , dont je viens de parler , fe rompent aulfi naturellement en fragmens, d'une forme femblable ; mais les fragmens calcaires font de 2 ou 3 pouces, au lieu que ceux de Silex n'ont que 2 à 3 lignes. Fer, §. 2fi, Le Fer eft le feul métal dont on ait trouvé des indices dans le Mont Saleve. J'ai déjà dit qu'on en voyoit dans les Grès, §. .241. On en voit aufli dans les couches argil-leufes ; il s'y trouve fous la forme de Mine de Fer terreufe ou 'limoneufe. Mais la mine de ce métal, la mieux caracférifée qu'on ait tirée de cette montagne, eft un beau morceau d'Hématite que M. Tolloï a découvert, en faifant creufer dans un champ, au deffous de la Grange des Arbres. Tlantesra- ■§. 2^2. Le Mont Saleve eft très-fertile en plantes rares-montagne. il produit la Dapbne alpîna, YAntbyllis montana , YAfperugo procumbens , le Cynofurus cœruleus , VHypocbœris maculât a, la Fotentilla rupefiris. J'ai eu le plaifir d'y retrouver une jolie plante, qui n'avoit été vue que par Ray , & qui depuis lors étoit demeurée dans l'oubli; M. de Haller l'a nommée Arabis mul-ticaulh, foliis radicalibus Jcabris, dentatis, dentibus ciliatis. Enu-mer. Stirp. Helvet.-N*. 4^3. J'y ai trouvé aufli, le Doroni* cum pardalianebes , dont on a prétendu, mais à tort, que le fameux Gesner s'étoit empoifonné , en voulant en faire l'effai hir lui-même; cette petite Renoncule connue fous le nom de Tbora, dont les racines fervoient aux anciens habitans des Alpes, & même fuivant Pline aux Gaulois, à empoifonner Leurs ■fiêches. Pendant que VUva Urfi étoit à la mode contre & gravelle; on en ramalToit une quantité au pied de la montagne, * on en faifoit des envois dans le Nord de l'Europe. On y ^ouve encore liberIs nudicaidis, une grande variété de beaux Orchis, & entr'autres l'Orchis à fleurs jaunes, N*. 1282 de Haller , YOrchis pyramidalis , le fatyrium nigrum ; plufieurs £ipeces de Rofe; la Rofe fans épines; celle que Linnjeus a appellée fpinofiffwia £5? pimpinelli-folia. Le chemin qui conduit de Geneve à Veiry, au pied de Saleve, eft bordé de tou.tes les variétés de la belle Rofe d'Autriche. §. 2? 3. Le Zoologiste trouve fur cette montagne quel- Animaux rares. ^ues animaux peu communs. L'Aigle à queue blanche , Fui-tur albiulla, niche dans fes rochers, aufli bien que le Merle de roche ou Palfereau folitaire fauve à tête cendrée , Turdus faxatilis. Divers infeefes aufli rares que beaux , voltigent fur ^es fleurs qui parent le Mont Saleve ; l'Apollon , le plus beau ^e tous les Papillons de l'Europe ; le Papilio Hippothoe, qui lembic couvert d'un fatin orangé, le Papilio minimus, bien différent de YArgiolus du Chevalier de Linné, & plus petit en-c°re, comme fa bien obferve M. Fuesli dans fon catalogue ^es infeefes de la Suifle : le Myrmcleon barbarum, la Mutiliez, ùuropea, le Scarabms agricola. §■ 2^4. Le Mont Saleve n'a pas des attraits pour le feul . Beaux ^aturalifte. Tous ceux qui font fenfibles au beaux points de vuequeTon font curieux de monter au moins jufques à Monetier. salev'eT''13 kn va vifiter les ruines du Château de VHermitage<, fitué au °rd du rocher, dans une des plus belles fituations du monde, 11 va voir ces roches faillantes Se horizontales, fous lefquelles ei,x ou trois cent perfonnes pourroient fe mettre à l'abri : on. adnUre ces grandes maffes, qui depuis tant d'années, & peut-être de fiecles, font fufpendues fans aucun appui par la feule force de leur cohérence. On aime à refpirer là, au plus fort de ■l'été , un air toujours vif & frais, & à jouir du contraire de l'afpecf fauvage & refferré de ces grottes, avec la vafte & brillante étendue que l'on a fous fes pieds ; on aime à promener fes regards fur ce Lac qui reîfemble à un grand fleuve > dont les bords font élégamment découpés ; & fur cette plaine bien cultivée, dont les champs paroiffent à cette diftance, les carreaux d'un immenfe jardin. Le Genevois , qui voit de là patrie comme un point au milieu de cet efpace, eft fan* d'une douce émotion; ce point, quelque petit qu'il paroifte, remplit tout fon cœur : fes vœux les £lus ardens font pour le bonheur de ceux qui l'habitent. 11 diftingue la petite enceinte de fon port, fes promenades, fes remparts : il reconnoît les territoires des trois Etats qui l'environnent, & il fe réjouit de cette heureufe pofition , qui eft le plus fur garant de fon indépendance. En montant le Grand Saleve , la vue du coté du Lac ne devient pas à mon gré plus belle que de Monetier ; les objets s'éloignent & fe rapetiifent trop , la plaine fe change en une Carte de Géographie. Mais en revanche, les derrières de 1* montagne offrent par un beau jour, un fuperbe fpecfacle. La vue defeend par une pente douce dans la vallée des Bornes, de l'autre côté de laquelle on voit à découvert la première chaîne des Alpes que le Mont Saleve cache en partie aux environs de Geneve. On peut de là remarquer avec clarté, que les efearpemens de cette première chaîne calcaire font tournés comme ceux de Saleve , vers le dehors des Alpes. Les y.eux de l'Obfervateur peuvent plonger en divers endroits par defhi* deilus cette première chaîne & découvrir une partie des bafes de la haute chaîne du centre. Le Mont Blanc, ce cololTe énorme, qui paroit d'autant plus élevé que l'on peut mieux embralTer la totalité de fa maffe , fe montre flanqué à droite & a gauche de fommités qui paroiffent fes épaules, ou d'immenfes degrés qui conduifent à fa cime. Plus à gauche le Mont ballet,1a haute pyramide d'Argentiers, le glacier de Buet, &c A droite, au pied des Alpes, on apperçoit l'extrémité du Lac d'Annecy , & à gauche la vallée de Clufe ; on voit l'Arve fortir de cette vallée , ferpenter autour des bafes du Mole, venir baigner le pied de Saleve, & terminer fa courfe en s'u-tiflant au Rhône. CHAPITRE VIII- an ALT SE DE L'EAU SULFUREUSE &ETREMB1ERES. Situation §. 2 5ï-Le village d'Etrembieres eft fitué fur les bords de cic cette j fource» l'Arve , au pied du Mont Saleve, vis-à-vis de l'extrémité Nord-Eft de cette montagne. La fource d'eau minérale qui fait le fujet de ce chapitre, fort d'un rocher au bord de la rivière » à 700 pas au deffus du pont qui porte le nom de ce village. Cette fource n'avoit, je crois, jamais été connue que des payfans des environs, lorfqu'ils m'y conduifirent il y a t f ou 30 ans. Je fus frappé de la forte odeur qu'elle exhale; j'en parlai à quelques Médecins de notre ville, mais comme on n'avoit ni expérience ni analyfe qui pût inftruire fur fes propriétés , on n'en a fait jufques à ce jour', que peu ou point d'ufage. C'est dans l'efpérance de la rendre plus utile que j'ai entrepris cette analyfe. Je la fis au printems de l'année dernière 1778 , & je l'ai répétée avec un nouveau foin au commencement de cet été. La conformité parfaite des réfultats que j'ai obtenus par ces deux analyfes , malgré quelques différences que j'ai mifes dans mes procédés , m'autorife à les pré-fenter avec confiance. Ses qualités §. 2^6. Cette fource eft compofée de plufieurs filets d'eau extérieures. . . t j« fepares & même éloignes les uns des autres ; ils fortent «c deffous un rocher de Brèche calcaire, qui eft la continuation Ê T R E M B 1 E R E S. Chap. VIII. 203 de ceux dont j'ai parlé §, 242. Ces filets rampent fur le fable de l'Arve, & vont fe jetter dans fon courant qui en pâtre très-près, & qui recouvre même la fource lorfque les eaux ont *eur plus grande hauteur. J'ai déjà dit que la nature fulfureufe de cette eau, s'annonce Son odeur Par une odeur très-forte ; on la fent diftincf ement à la diftance on gou * de 40 ou fo pas de la fource. Elle affecte aufli de la même Manière l'organe du goût Mais ce qui démontre encore plus fûrement fa nature, c'eft Soufre vif qui s'en ^'on la voit un peu au deffous du rocher dont elle fort, re- pare de lui~ Jetter une matière blanchâtre , qui nage quelquefois à fa fur- même. iace , & d'autres fois s'attache au fable fur lequel elle coule. Cette matière n'eft autre chofe que du Soufre vif; pofée fur un fer chaud, elle donne la flamme & la vapeur fuffocante , qui font propres à cette fubftance. On voit même de légers Cocons de Soufre nager dans cette eau, dans le moment où elle s'échappe du rocher. A cela près elle eft claire & limpide. Elle ne manifefte point, ni au goût, ni à l'odorat, une Elle n'eft ^antité fenfible d'air fixe furabondant, & elle ne déployé au- }?°mt gdteu" cun effort contre les bouchons des bouteilles, dans lefquelles 011 la renferme. rature. Elle n'a point comme la plupart des Eaux fulfureufes, une Sa tempe-chalettr qui iui foit pr0pre. Le 20 Mars 1778 ,1e thermo-metre plongé dans le filet le plus fort à fa fortie du rocher , fe tenoit à 6 degrés , l'eau de l'Arve étoit au même point, & V*K à 9 degrés. Et le 23 Juin 1779, la chaleur de la fource C c % étoit de 8 degrés |, celle de l'Arve de 13, & celle de Pair de i V degrés. chymiqueT §• 2*7' Quelques gouttes de difïolution de fucre de Sa- Ja iur les turne, mêlées avec cette eau dans le moment où elle fort du lieux. rocher, lui donnent une teinte noire très-fenfible. La folution de Mercure par l'efprit de Nitre, lui donne auffi une couleur noirâtre , il fe forme un précipité jaune, des iris à la furface. Le Sublimé corrofif, diffous dans l'eau diftillée, noircit auffi cette eau minérale , & le Mercure fe précipite fous la forme d'une poudre jaune orangée-pâle. I Le fyrop violât, mêlé avec cette eau, prend une teinte qui' tire fur le verd. Mais ni les acides,'ni les Aîkalis purs, ni l'Alkali phlogif-tiqué, ni la noix de Galle, ne produifent fur elle aucun changement fenfible. Altération §. 3^8, Cette eau quoique confervée dans des bouteilles fpontanée / \ " a de cette eau. fermées avec le plus grand foin, fe trouble peu-à-peu, & perd- en même tems une partie de fon goût, de fon odeur, « de la propriété de fe noircir par le mélange des dhTolutio-n* de Mercure & de Plomb. Cette différence eft déjà fenfible deux heures après que l'eau eft fortie de la fource. Soufre fe- 2,^9. Au bout de 24 heures, l'eau étant devenue tout à fiftration. fait trouble , j'en filtrai 7 livres poids de marc, au travers d'un s double papier gris ; elle fortit du filtre parfaitement limpide £ J & prefque fans odeur. Il relia fur le papier du Soufre, fous la forme d'une poudre §rife extrêmement fine, mais en fi petite quantité, que j'eus beaucoup de peine à en raifembler £ de grain. 11 eft vrai qu'un grand nombre des parties les plus fubtiles , s'étoient engagées dans la fubftance même du papier: car lorfqu'on le frottoit vivement entre les mains , il exhaloit une forte odeur de foufre, je reconnus même que ces particules avoient pc-^étré jufques au papier extérieur. La poudre grife mife fur Un fer chaud, donna l'odeur du Soufre brûlé ; mais je ne pus Pas appercevoir de flamme , quoique cette épreuve fût faite daus l'obfcurité.. $. 260. Je fis enfuite évaporer cette eau filtrée , en l'expo- fiJ/^dP** fant à la chaleur modérée d'un bain de fable , dans une capfule de par l'evapo. Verre , couverte d^uu papier gris. Quand elle fut réduite à-peu- rauon* P^s à une demie once , je retirai la capfule & la mis dans Un lieu frais, pour voir s'il ne s'y formeroit point de cryftaux; mais je ne pus en appercevoir aucun ; l'eau continua de s'évader d'elle-même, & je trouvai au fond & contre les parois de ]a capfule, une poudre blanche encore humide , & des pcl-^ules feches, blanches & brillantes. Ce réfidu- avoit une °deur très-décidée d'éponge brûlée, ou d'cfprit de SeL §■ Pour féparer de ce réfidu tout ce qui étoit diiïb- g*** Mm' luble dans l'eau , je fis bouillir fur lui à plufieurs reprifes de dans l'eau, 'eau diftillée , & je raifemblai ces eaux, que j'appellerai dans fuite Y extrait du réfidu de l'eau minérale. Cet extrait contient i°. Des fels Aikaii fixes. §. 262. Les épreuves que j'ai faites fur cet extrait m'ont prouvé qu'il eft en grande partie compofé de fel Alkali fixe ; il en a la faveur , il fait effervefeence avec tous les acides; il change fur le champ en un beau verd , la couleur du fyrop de Violette ; il donne avec le Sublimé corrofif un précipité d'une belle couleur orangée ; & il précipite la Terre calcaire diffbute dans l'efprit de Nitre. Une goutte d'efprit de Nitre reclific faturée de cet extrait, a donné par l'évaporation infenfible, une cryftallifation ramifiée, parfemée d'exagones tronqués, forme que les cryftaux de Nitre prennent quelquefois. Ce fel fufe comme le Nitre fur les charbons ardents, mais il eft cependant mêlé d'une partie terreufe ; car il fe réfout en liqueur quand on l'expofe à un air humide. tiTs'?eTerrë La déliquefcence de ce fel n'eft pas le feul indice de la nia-calcaire, tiere terreufe calcaire que contient cet extrait , car faturé d'Acide vitriolique, il donne par l'évaporation quelques cryftaux de Sélénite longs, déliés & difpofés en étoiles. Cette même diffolution donne en même tems d'autres cryftaux ramifié* de formes indécifes (i). tî\sfraffes.r" ^N reconnoît encore dans cet extrait quelques principe* phlogirtiques ; car les folutions d'Argent & de Mercure dans l'efprit de Nitre, donnent avec lui des précipités gris, fitf" (i) M. Monnet a déjà obferve que îa plupart des fels Alkali fixes contenus dans les eaux minérales , ne don-lient point de cryftaux réguliers , ni feuls, ni raturés par des acides. Voyez le Chap. H , de fon excellent Traité du eaux minérales. &ÊTREMBIERES. Chap. VIII, 207 montes de quelques parties noires, & il fe forme des iris à leur furface. Enfin l'odeur d'efprit de Sel du réfidu ( §. 260 ) , & l'odeur 49. \)u$qI plus forte encore qui s'élève lorfque l'on verfe de l'huile de IMari£î' Vitriol fur l'extrait concentré jufques à la déification, prouve qu'il contient quelques portions de Sel marin. §. 26"3. Pour connoître la quantité des principes fixes con- Déification tenus dans cet extrait, j'en ai pris une once qui faifoit le tiers, trait. ou plus exactement les ^ , de la quantité que j'en avois obtenue. Je l'ai fait évaporer à une chaleur très-douce dans-une petite capfule. Il s'eft formé à fa furface une pellicule, qui m'a fait efpérer une cryftallifation ; j'ai retiré la capfule du bain de fable & l'ai mife à part, mais fans obtenir de cryftaux; jufques à ce que l'ayant expofée aux rayons du Soleil çntre deux fenêtres , la liqueur s'eft totalement defféchée, & la capfule a paru entièrement tapiffée d'une belle cryftallifation ^initiée, blanche dans les bords & rouffe au milieu. Cette cryftallifation obferve e au microfcope , ne m'a pas Sacryftak Montré de formes déterminées, elle etoit brillante , tranlparente, les rameaux avoient leurs troncs fur les bords de la capfule, ^ paroifToient dans quelques endroits chargés de tubercules femblables à des fruits.. J'avois pefé la capfule avant d'y mettre l'extrait, je l'ai pefée de nouveau avec cette cryftallifation, & j'ai trouvé fon poids augmenté de s grains §. La quantité totale de matières falines contenues dans 7 livres d'eau minérale, étoit donc de i&'< £rains |, ce qui fait 2 grains | par livre de 1C onces. Quelques- §. 264. J'ai mis cette cryftallifation dans un lieu frais Se mnies^ml humide, elle a attiré l'humidité de l'air , & fon poids s'eft dite deT'alr" augmenté ^e 6 grains. J'ai décanté la partie qui s'étoit ré* folue en liqueur, je l'ai de nouveau expofée à la chaleur du Soleil, elle a donné encore une cryftallifation un peu ramifiée , mais chargée d'une quantité proportionnellement plus grande de ces tubercules arrondis que j'avois obfervés la première fois : j'ai cru entrevoir que c'étoient des polyhedres , mais je n'ai pas pu déterminer précifément leurs formes. Ces cryftaux fe font diffous avec une vive effervefeence dans l'Acide vitriolique , & cette folution a donné en fe cryftallifant quelques pointes bien décidées de Tartre vitriolé, quelques rhomboïdes exahédres obliquangles, Se quelques cryftaux ramifiés de formes indéterminées. D'autres ne l'attirent §. i6<). Quant à la partie ramifiée de la cryftallifation qui Pas- ne s'eft pas réfoîue en liqueur, j'y ai paffé promptement de l'eau pure pour emporter ce qui pouvoit y refter de la partie déliquefcente, Se je l'ai enfuite diffoute dans de l'eau diftillée. Il s'en eft féparé une terre grife , du poids de ~ de grain, qtU a l'exception de quelques particules calcaires, a paru totalement indiffoluble dans les acides. La folution dégagée de cette terre par la filtration donne en fe cryftallifant une ramification plus tranfparente , mais d'ailleurs affez femblable à la première, Se parfemée auffi de quelques globules ou polyhedres tranfparens. Cette matière faline s'eft aufli diffoute avec une vive effervefeence dans l'acide vitriolique, Se cette diffolution a donne une ÊTRE M BIERE S. Chap. VIII. 2of) mie cryftallifation confufe , qui expofée au Soleil, s'eft couverte d'une pouffiere blanche. §. 266. Ces épreuves concourent a établir; que le fel Al- kuli 5 qui entre dans la compofîtion de l'eau fulfureufe d'Etrem- decesAlka* 1 lis. bières, eft mélangé ; ie. D'un fel qui par fa déliquefcence, & par les cryftaux de Nitre & de Tartre vitriolé, dont il peut former la bafe, reffemble à l'Alkali végétal. 2°. D'un autre fel qui paroît avoir plus d'analogie avec ^Alkali minéral. f Mais que l'un & l'aube de ces fels font moins cauftiques , Plus chargés d'air fixe , & plus rapprochés de la nature des terres abforbanres , que les fels Alkalis que l'on retire par la combuftion des plantes, foit maritimes, foit terreftres. §. 267 Te viens à préfent à cette partie terreufe du réfidu , Partie ter. ' ' J r x 0 - j reufe du re- ^i a refufé de fe diffoudre dans l'eau ( §. 261. ). Son poids fid|L s'eft trouvé de 14 grains J. J'ai dit qu'elle étoit compofée d'une poudre d'un blanc ti-rant fur le gris, & d'écaillés blanches & brillantes , ( §. 260). ^es écailles , qui font vraifemblablement de la Sélénite, font ^diftblubles dans les acides; mais la terre grife s'y diflbut en entier & avec effervefeence. Pour connoître la quantité rela-tlve de ces deux matières, j'ai pefé ç grains du réfidu mé-langc des écailles & de la terre , j'ai verfé fur ce mélange, de efprit de Nitre affbibli, dont j'ai aidé l'action par la chaleurs D d il n'eft refté qu'un demi grain de ces écailles indiftblubles ; & par conféquent elles ne forment que la dixième partie du réfidu terreftre de l'eau minérale. SadifTolu- L'esprit de Nitre, faturé des 4 grains |, de la terre de ce l'efprit de réfidu, qu'il avoit dilToute , a refufé abfolument de fe cryftallifer; ^ltre' & lorfque je l'ai totalement defleché , il a attiré promptement & fortement l'humidité de l'air, qui l'a de nouveau réfolu en liqueur. Dansl'Aci- §. 2 6"8. L'acide vitriolique a aufli diffous cette même terre de vitrioli- , que. avec effervefeence , mais la Selenite formée par cette diftblu- tion, fe cryftallifoit à mefure, au fond du vafe. La partie claire de la folution foumife à l'évaporation, a donné, dès qu'elle a commencé à fe rapprocher, des écailles brillantes, qui vues au microfeope , ont paru formées par l'entrelacement d'une infinité de lames longues & étroites, tranfparentes & fans couleur. En examinant ces cryftaux avec de très-fortes lentilles , j'ai reconnu que leur forme eft celle d'un prifme exagone comprimé , c'eft-à-dire , dont deux faces oppofées font plus larges que les autres. Ces prifmes font terminés par des plans qui les coupent obliquement, en faifant avec leur axe, des angles d'environ 4$ degrés. Sélénïte Je confervé dans mon cabinet, de grands cryftaux de Sélé-femblabîeà "ite naturelle, trouvés dans les Argilles de Shotover, près celle-là. d'Oxford. Leur forme ne diffère de celle que je viens de décrire, qu'en ce qu'au lieu d'être coupés à ch aeune de leurs extrémités par un plan unique, ils font terminés par deux plans qui fe joignent , & forment là une arrête ; mais ces plans fe réunifient fous un fi grand angle, & font par conféquent fî £' É T R E M B I E R E S. Chap. VIII. 2iï près de ne former qu'un feul plan, que lors même qu'ils exif-teroient dans nos cryftaux microfcopiques, il feroit impoflible de les diftinguer. Parmi ces cryftaux de Sélénite, je n'ai pu diftinguer aucun cryftal de fel d'Epfom. 11 paroit donc, & par cette épreuve, & par la précédente, que ce réfidu terreux eft Une Terre calcaire pure & fimple, fans aucun mélange de Magnéfie. S. 8 Ê T R E M B 1 E R E S. Chap. VIII. 213 genre , formés dans l'eau, fans le fecours de l'évaporation. Ce fait, petit en apparence, me paroit être d'une grande con-féquence pour la théorie de la formation des montagnes dans ^e milieu des eaux. Quant à la Conferva ; car je l'obfervai enfin ; je la trouvai Confier** 3 * • née dans ces compofée de petits cylindres droits, dont la largeur étoit en- eaux. viron la 20ome. partie d'une ligne à & la longueur à-peu-près double. §. 271. On doit fe rappeller que le réfidu terreux de l'é- Ecailles fé. . , , . , t ldniteules. vaporation de l'eau minérale contenoit, outre la terre calcaire , des écailles indilfolubles & dans l'eau & dans les acides. §§. 260 & 2.67. 11 étoit naturel de croire que c'étoit de la Sélénite ; mais comme je ne pouvois, même à l'aide des plus fcrts microfcopes, découvrir aucun veftige de cryftallifation dans ces écailles , je voulus faire une expérience qui ne me biffât aucun doute. Je les plongeai dans une eau imprégnée de fel alkali future d'air fixe, & après avoir fait bouillir cette eau, je lavai foigneufement la terre qui relia fur le filtre; je la trouvai réduite à la moitié du poids des écailles que j'avois employées, foit par fabttracfion de l'acide & de l'eau de cryf-talhfation de la Sélénite ; foit que l'eau alkaline eût, malgré l'air fixe, diffous une partie de la terre calcaire ; foit enfin que l'eau diftillée, employée à laver la terre fur le filtre, en eût diffous & entraîné quelques portions. Cette terre fut diffoute en partie, & avec effervefeence, dans l'efprit de Nitre ; ce qui confirme ïidée que je m'étois d'abord formée de ces écailles. 11 demeura cependant une portion de terre non diffoute, mais dont ïa quantité étoit fi petite , que je ne pus faire aucune épreuve P°ur déterminer fa nature, 214 EAU SULFUREUSE D'ÊTRE M BIERES, gjk Conclufion §. 272. J'ai employé dans cette analyfe , des recherches tus mêàkC Plus mbtiles & plus précifes qu'il n'étoit nécelfaire pour guider j^f®de cet_ les Médecins, qui pourroient penfer à ordonner l'ufage de ces eaux ; parce que le Chymifte , comme le Mathématicien> recherche une exactitude extrême, & ne fauroit fe contenter d'apperçus vagues 8c généraux. Mais il fuffira au Praticien de favoir, qu'une bouteille de pinte de ces Eaux minérales, contient 4 à f grains de fel Alkali fixe 3 2 g*ains de Terre abforbante , & une quantité de foufre 3 petite à la vérité, mais qu'il faut eftimer plutôt par la force avec laquelle elle agit fur les organes du goût & de l'odorat, que par fa m a (Te abfolue. C'eft d'après ces principes qu'il jugera des cas dans lefquels ces eaux peuvent être utiles. S'il m'étoit permis de prévenir ce jugement, je dirois que leur qualité fulfureufe paroît les indiquer contre les maladies de la peau ; & que cette même qualité jointe aux fels doucement alkalins, & aux Terres abforbantes dont elles font imprégnées , pourroit les rendre très-utiles dans les maladie8 chroniques, caufées par un défaut de tranfpiration, & par uflc acrimonie acide des humeurs. ( aif ) CHAPITRE IX- LA MONTAGNE DES FOIRONS. S. 273.I7ËTTE montagne eft fîtuée au Nord-Eft du Mont . Sa Situa, oaleve : elle a comme lui, une forme alongée , dans une direction qui feroit parallèle à la fienne , fi elle ne tendoit pas un peu Plus au Sud. Son pied eft plus éloigné de Geneve ; il eft à deux grandes lieues de la ville. La pente que les Voirons Préfentent du coté de Geneve, forme un contraire agréable avec celle de Saleve. Celle-ci eft aride & efearpée, au lieu que celle des Voirons, doucement inclinée, cultivée jufques à k&e très-grande hauteur, avec des prairies au delfus des champs, & des bois au deilus des prairies, préfente un afpect très-doux & très-riant. §. 274. Cette montagne diffère de celle de Saleve autant Sa matière Par fa nature que par fon extérieur. Elle eft prefqu'en entier eft un GrtSl c°mpofée d'un Grès plus ou moins dur , dont les grains font c°nime ceux du Grès de nos plaines , liés par un gluten ficaire. Ces couches de Grès font inclinées en defeendant vers la Situation vallée de Boëge, qui fépare les Voirons de la chaîne des J^™ cou" ^Pes. Les bancs de Saleve font inclinés du même côté , mais a pente de ceux des Voirons eft beaucoup plus rapide ; je *ai trouvée en plufieurs endroits, par exemple derrière les ruines du Couvent, d'environ 4 5 degrés. Couvent §. 27 >. Ce Couvent eit fitué dans les bois, au Nord, & vouons. prejqU>au fommet delà montagne, à la hauteur de 468 toifes au deffus du Lac. Il étoit habité par des Bénédictins, qui fembloient avoir été placés là pour expier par leur ennui 8c leurs fouffrances , la vie trop fenfuelle que l'on reproche aux riches Communautés de cet Ordre. Une Madonne en vénération dans le pays, fous le nom de Notre-Dame des Voirons, étoit l'objet de leur culte , & la caufe de leur féjour dans ce lieu h froid 8c fi fauvage. J'ai vu un de ces malheureux martyrs de la fuperftition , que l'air trop vif & trop froid de I» montagne avoit rendu perclus de goutte, au' point qu'impotent de tous fes membres, les doigts noués & recourbés en dehors , il fouffroit des tourmens affreux. Le Ciel lafte de leurs fouffrances, permit que le feu détruifit leur malheureufe demeure ; ils eurent la confiance de paffer un an ou deux fous une voûte que les flammes avoient épargnée ; mais enfin on leur a -permis d'aller vivre fous un climat plus doux ; la Madonne a été transférée à Annecy, 8c la mafure demeure inhabitée, je me rappelle toujours en friffonnant, une cour obfcure qui occupoit le centre du Couvent : cette cour étoit une vraie glacière , remplie d'une neige qui ne fondoit jamais, 8c qui fonnoit au centre de l'édifice, un foyer de froid & d'humidité , d'autant plus dangereux que l'air étoit plus réchauffe au dehors. Les Chanoines réguliers du St. Bernard occupent, comme nous le verrons dans la fuite , un pofte beaucoup plus élève & plus froid, mais leur habitation eft bien conftruite 8c bien réchauffée. D'ailleurs leur vie toujours active, & toujours utilement employée à l'hofpitalité la plus noble & la plus de-fintérelfée, leur fait fupporter fans peine & fans regret les intempérie8 tempéries de leur féjour ; au lieu que les malheureux Moines des Voirons, confinés dans un endroit abfolument ifolé , qui n'eft ihr le pafiage de perfonne , inutiles à tout bien , à charge à eux-mêmes & dans une extrême pauvreté, n'avoient aucun ref-*ort, foit phyfique , foit moral, qui pût les foutenir contre 1» rigueur de cette pofition. §. 276". J'ai dit que la montagne des Voirons eft prefqu'en- Bancs caï-Uêrement compofée de Grès ou de Pierre de fable. J'ai mis fgJmés en-cette réferve à caufe d'une grande carrière de Pierre à chaux, Ue les Gres* qui eft fituée près de l'extrémité méridionale de la montagne, a-peu-près à la moitié de fa hauteur, au delfus du village de ge. Les bancs de cette pierre font prefque perpendiculaires à l'horizon, & dirigés de l'Eft à l'Oueft; les couches extérieures font minces & mêlées d'Argiile ; mais les intérieures font épailfes Se compactes; on s'en eft fervi pour la conftruc-tion du pont fur la Menoge , entre Geneve & la Bonne-Ville. On m'a dit qu'il y a une autre carrière de Pierre à chaux, à-Peu-près à la même hauteur, vers l'extrémité feptentrionale de *a montagne, au defibus du Chalet de la Cervette. J'atjrois penché à croire que le noyau de la montagne des Voirons eft d'un rocher calcaire, fi je n'avois pas obferve que *Gs Grès régnent non-feulement au delfus, mais encore au deffous de ces bancs calcaires, même jufques au pied de la Montagne. §• 277. Les Voirons ne font pas comme Saleve , fertiles en pentes qui Pentes rares ; on n'y trouve que les plantes qui croiffent dans j?r les baffes prairies & dans les baffes forêts des Alpes, le Chry* "n* Hplenium attentifolium , la Cacalia alpina, la Scandix odorata; E e le Thaliïirum aquiîegifolium , &c. ; & une grande variété de Moufles, de Jungermannia , de Lichens, de Champignons : j'y ai cependant autrefois trouvé la Linnœa, qui n'eft pas commune dans nos montagnes , mais je ne fais fi on l'aura détruite en abattant des forêts, au moins n'ai-je pas pu la retrouver. Le feul animal un peu rare que j'aye vu fur cette montagne, c'eft la jolie Méfange huppée, Larus criftatus, qui voltige dans les forêts de fapins, & vit des petits fruits de leur cônes. iîeaux §. 278. On a du haut des Voirons, divers points de vue vue"du 'haut intéreffans. Du Couvent, on voit à gauche le Lac qui fe des Voirons. pr^fcnte ici dans toute fa largeur , fous la forme d'un grand baflin ; on diitingue fur fes bords Evian , Thonon, la riche & fameufe Chartreufe de Ripaille , qui a dû exciter bien fortement l'envie des pauvres Bénédictins, fi l'envie peut entrer dans le cœur d'un Religieux. Plus près du pied de la montagne, on découvre le coteau de Boify, qui forme de là un .très* joli point de vue. À droite , on voit la première chaîne des Alpes , qui dans cette partie, n'eft féparée du Lac que par des collines ; & comme cette chaîne eft moins élevée que le fommet des Voirons , & que les chaînes qui la fui vent ne s'élèvent que pa* gradations, on plonge de ce côté fur un entaifement de mom* tagnes, étonnant pour ceux qui ne font pas accoutumés à ce genre, de fpeclacle. Entre les Alpes & le Lac, on voit la plaine du Chablais> au milieu de laquelle les deux petites montagnes des Alinges? vues en raccourci, paroiffent deux pyramides îfolées, quoiqu'elle foient alongées fuivant la direction du Lac : elles font calcaires i & leurs couches defcendent vers les Alpes, comme prefque toutes celles de la chaîne extérieure. Le plus haut point de la montagne eft élevé de 519 toifes Point le au deffus du Lac. Les Moines l'avoient baptifé le Calvaire: delà nion. il eft couvert d'une forêt de fapins h épaiffe, que l'on ne peut taSn* point y jouir de la vue. Mais en continuant de fuivre la îommité de la montagne ,. on a ça & là des échappées très-brillantes. On paffe au bord d'un précipice d'une hauteur prodigieufe, tourné du côté du Lac, que l'on nomme le faut de la pucelle. On prétend qu'une fille dont la vertu étoit in-juftement foupçonnée, voulut bien , pour prouver fon innocence , fe foumettre à l'épreuve de ce faut, & que grâces à la Madonne qu'elle avoit invoquée, elle arriva foutenue par des Anges, faine Se fauve au bas de la montagne. Comme le fommet des Voirons eft très-étroit, on a en divers endroits la vue des deux côtés ; mais la plus belle fituation , je ne dis pas feulement des Voirons , mais peut-être de toutes nos montagnes, eft celle d'une petite fommité ifolée , qui eft à l'extrémité la plus occidentale de la montagne , au rnidi Se au deffus du Chalet de Fralaire. De ce point on découvre a fa droite , le Lac & toute la plaine qu'il arrofe ; à gauche les grandes Alpes ; devant foi la vallée des Bornes, qui s'élève en atr>phithéatre : les yeux arrivent à ces- grands objets, & en reviennent par des gradations charmantes ; à droite l'œil defeend an Lac par une pente douce & cultivée , ornée de beaux villages , qui préfentent des points de vue raprochés Se champêtres , & à gauche l'œil attiré d'abord par la grandeur & la *&ajefté des Alpes 9 vient fe repofer de ce grand fpeclacle dans e e 3 220 LA MONTAGNE DES VOIRONS. Chap. IX. la jolie vallée de Boëge, fur les beaux villages de Viu , de Fillinge, de Peillonex, qui font au pied de la. montagne, & fur les replis tortueux de la Menoge. Directions qn fait aifément dans un jour, depuis Geneve, le tour en- pour ceux qaî veulent tier de la montagne. On peut aller en voiture jufques a la parcourir. Qanye en ^.eux heures; de là à pied ou à cheval, au Couvent en deux heures & un quart ; du Couvent fuivre les foni-mités de la montagne , jufques à la pointe de Fralaire dans une heure & demie; de là defcendre à Cranve dans le même efpace de tems, & rentrer encore en ville avant que les portes fe ferment LE MOLE. Chap. X. 321 WU ■ uni nui.......liWWHl—■iifcÉéillUMnimilllllliiiMiiiWiiiini 'imil CHAPITRE,. X. LE MOLE. $• 279. La montagne du Môle vue de Geneve, fe préfente Sa fituation. comme une pyramide qui s'élève entre l'Eft & le Sud-Eft: on & Li fuime' la voit dans le lointain , par l'intervalle que lailfent entr'elles les montagnes de Saleve & des Voirons. Son pied eft à y lieues de la ville. A cette diftance, la verdure dont elle eft couverte, & les Alpes neigées qui font derrière elle, la font paroître d'une couleur obfcure. Cette couleur jointe à fa forme colique , a fait croire à quelques perfonnes qui ne l'avoient vue que de loin , qu'elle pouvoit avoir été un Volcan. Mais on n'y trouve pas le moindre veftige du feu. Elle n'a pas même la forme pyramidale qu'on lui attribue ; elle eft alongée dans la direction de l'Oueft - Nord - Oueft , à l'Eft-Sud-Eft ; mais Comme de Geneve on la voit en raccourci, cette longueur difparoît entièrement. Sa forme, lorfqu'on la regarde en face, Paroît fi différente de celle qu'elle préfente de profil, qu'on a Peine à la reconnoître. Quelques perfonnes curieufes de voir le Aïôle de près, allèrent à la Bonne-Ville, capitale du Faucigny, fîtuée au pied de cette montagne ; mais elles revinrent fans l'avoir vue ; parce que trompées par fa forme, elles la méconnurent , & prirent pour elle une autre montagne qui eft de. loutre côté de. l'Arve. Je montai pour la première fois au haut du Môle en 17?S", ^ès lors j'y fuis retourné bien des fois, & toujours avec una Nouveau plaifir. Sa hauteur. Son fommet élevé, fuivant l'obfervation de M. De Luc, de 760 toifes au delfus du Lac', domine une vafte étendue de montagnes fécondaires, & donne la facilité de faire fur leur ftructure , diverfes obfervations intéreffantes. générale des ;s vues du haut du Môle. §. 280. On voit par exemple diftinctement, que les Alpes, dont toutes ces montagnes font partie , font compofées d'un grand nombre de chaînes, à-peu-près parallèles entr'elles, fé-parées par des vallées qui fuivent les mêmes directions. La direction commune de ces chaînes & de ces vallées , eft à-peu-près celle de la chaîne totale , qui dans notre pays court du Nord-Eft au Sud-Oueft. Mais cette direction générale varie en quelques endroits, & fouffre des inflexions locales. On voit du haut du Môle , les chaînes de montagnes, qui dans fon voisinage courent à-peu-près au Nord-Eft , fuivre de "loin la courbure du Lac , & vers les frontières du Vallais, fe diriger à l'Eft comme le fait le Lac lui-même entre Rolle & Villeneuve. Situation leurs efearpemens. §. 2%i. Une autre obfervation bien importante que l'on pellt faire du haut du Môle , mais que je n'y ai pourtant faite qu'après en avoir faifi le principe au fommet du Cramont (1) » eft celle qui concerne la fituation des efearpemens des montagnes ; mais ceci demande quelques définitions. Ce qu'il faut entendre par efearpe -mens. Quand les bancs d'une montagne font inclinés à l'horifon ? ils s'élèvent d'un côté & s'abaiffent de l'autre. Alors il arrive fouvent qu'ils font coupés à pic, du côté vers lequel ils montent, Se qu'ils defcendent en rmte douce du côté où ils s> (O Le Cramont eft une cime très- j fuis monté pour la première fois, Ie élevée, fituée du côté méridional des j Juillet 1774. âJpes, vis-à-vis du Mont Blanc. J'y baillent. J'appelle efcarpement le côté où ils font relevés ; & dos, ou pente, ou croupe de la montagne , le côté par lequel ils defcendent. Ainfi je dis que Saleve à les efearpemens tournés du côté du Lac, & fa croupe du côté des Alpes. Quelquefois aufli pour varier un peu les expreflions , je dis que la montagne regarde les lieux fitués du côté où elle eft ef-carpée , & qu'elle tourne le dos à ceux vers lefquels elle s'abaiffe. Il arrive quelquefois que la montagne eft chargée du côté de fes efearpemens, de débris accumulés, ou d'autres couches ^i cachent en grande partie ces efearpemens. D'autres fois fes couches font taillées obliquement & en pente douce, même du côté vers lequel elles s'élèvent. Les Voirons en offrent Un exemple ; quoique les couches defcendent vers les Alpes ^ remontent contre le Lac; il n'y a cependant que la fom-Stffcé de la montagne qui foit très-efearpée , prefque tout le relie de la face qu'elle préfente au Lac eft coupé en pente rï°Uce : mais comme c'eft la fituation des couches qui fait ici B°tre objet principal, je dis également, & d'elle & de toute autre dont la ftruefure eft la même, qu'elle regarde le Lac, & tourne le dos aux Alpes. % 282. On a déjà vu que le Mont Saleve, les Voirons, les Efcarpes Monticules des Alinges, & la première chaîne des Alpes fîtuée ^o^Til arrière ces diverfes montagnes, ont toutes leurs efearpemens Lac-tournés contre le Lac. Du fommet du Môle , on confirme Cette obfervation, & on voit de plus, en regardant à l'Eft-■^ord-Eft, que les deux chaînes qui fuivent la première, ont aufli leurs efearpemens tournés de ce même côté. On voit Même, que quoique ces chaînes fe dirigent à l'Eft en fuivant le contour du Lac, ainii que je l'ai obferve dans l'avant dernier paragraphe, cependant leurs efearpemens continuent de faire face au Lac , & leurs pentes de defeendre vers l'intérieur des montagnes. Efcarpe- contraire , les chaînes plus intérieures, tournent le dos mens tour- ^ f nés contre le a la partie extérieure des Alpes 5 & préfentent leurs efearpe-Alpes! mens a la criame centrale. La petite ville de Taninge eft fituée à-peu-près au point qui fépare les chaînes qui regardent le centre, de celles qui regardent le dehors des Alpes. On comprend fans que j'en avertiffe , que des obfervations de ce genre font fujettes à des exceptions locales ; & qu'un Obfervateur exact placé au fommet du Mole , appercevra çà & là quelques pentes tournées un peu différemment de la règle que je viens d'établir. Mais il fuffît que la ftructure de la plus grande partie des montagnes foit conforme à cette loi, pour qu'elle mérite l'attention des Géologues; & nous en verrons dans & fuite des confirmations très-nombreufes. Ce font fans doute ces exceptions qui ont empêché que cette loi ne fautât aux yeux des Obfervateurs qui m'ont précède. J'ai obferve pendant i s ans les montagnes fans m'en appercevoir, & je l'ignorerois peut-être encore, fi du haut du Cramont, elle ne fe montroit pas avec une évidence capable de frapper les yeux les plus endormis. Vue du §. 283. La vue du coté oppofé de la montagne du Mole» chant & du |fi veux dire à POueft-Sud-Oueft de cette montagne , eft très-midi' différente de celle qui lui correfpond à l'Eft - Nord-Ert ; e*le -préfente cependant les mêmes phénomènes. De ce côté-ci les Alpes ne s'approchent pas autant de nos plaines ; la vall^e Vallée des Bornes, occupe Pefpace qui correfpond aux premières chaînes baffes, que l'on vient d'obferver à l'Eft* La montagne des Alpes, qui de ce coté eft la plus voifine du Môle, c'eft le Brezon, qui eft calcaire de même que les faînes fuivantes , prefque jufques au Mont Blanc. Cette mon-tagne de Brezon a fon fommet prodigieufement efcarpé du Côté du Môle; il eft taillé abfolument à pic, à une très.grande Profondeur , & fes couches fupérieures defcendent très-rapide-*ttent vers les Alpes. Les montagnes qui font fur la même ligne, & qui forment #vec le Brezon la première chaîne des Alpes, font comme lui efcarpées en dehors. Ia chaîne qui eft immédiatement derrière celle la, eft aufli MontVcrgl. calcaire ; elle eft couronnée de fommités beaucoup plus élevées que le Môle ; on la nomme le Mont Fergi. Ces fommités f°nt aufli efcarpées contre le dehors des Alpes. S. 2 84. Derrière le Mont Vergi eft une vallée qu'on ne Vallée* v «pr « Chartreule découvre pas du haut du Môle ; mais qui eft pourtant alfez du Repofoir. large. C'eft là qu'eft fituée la Chartreufe du Repofoir ; féjour nioins froid, mais plus trifte & plus fauvage encore, que n'étoit *e Couvent des Voirons. Au delà de cette vallée s'élèvent de très-hautes montagnes, ^ui font encore calcaires , & qui tournent leurs efearpemens contre la chaîne centrale des Alpes. La vallée du Repofoir fépare donc les chaînes, qui regardent l'extérieur des Alpes, de celles qui regardent l'intérieur. Mont Brezon. Ce Couvent feroit un hofpice commode pour un amateur F f d'Hiftoire Naturelle; j'y ai féjourné deux ou trois fois-* & j'ai toujours été bien reçu des Chartreux qui l'habitent. Ma première vifte leur caufa pourtant un grand effroi. Je travaillais alors à une collection des oifeaux des Alpes. Je portois un fufil ; deux domeitiques que j'avois avec moi efl. portoient auffi ; des Chaffeurs , qui me fervoient de guides étoient auffi armés. C'étoit un jeudi ; les Chartreux jouiiToierït de cet mitant de récréation , qu'ils appellent fpaciment, & prenoient le frais dans un bois auprès du Couvent ; nous arrivâmes par hafard par ce même bois, Si les paifibles hôtes de cette folitude fe voyant tout-à-coup environnés d'hommes inconnus Se armés, crurent que c'étoit fait de leur vie , & qu'au moins nous venions pour piller le Couvent. J'avois beau leur expliquer les motifs démon voyage; la curiofité leur fembloit un mobile trop foibîe, pour engager avenir voir des montagnes qui leur paroiffent 11 triftes & fi ingrates; Se toitf cet armement pour tuer de petits oifeaux , étoit à leurs yeuX un prétexte ridicule Se prefque dérifoire. Ils nous offrirent pourtant d'entrer dans le Couvent, & de nous y rafraîchir, perfuadés qu'également nous y entrerions de force; ce ne fu£ qu'après avoir vu mes inftrumens de Phyfique , Se nous avoir examiné fcrupuleufement, qu'ils fe perfuaderent que nous n> vions aucun mauvais deffein. ♦v^mfr" Les monta§nes des environs de cette Charrreufe font très^ cables, intereiiantes pour la Botanique , Se même pour la Lithologie. On trouve dans la vallée un peu au deffus du Couvent, un banc d'une pierre calcaire noirâtre, qui renferme de Tirébratules, des Cornes d'Ammon , des Turbinites,. &c. ^ j'y ai trouvé une chofe bien plus remarquable, On fait / ïes coquilles pétrifiées fe trouvent pour l'ordinaire remplies, ■ou de la matière même du banc dans lequel elle font renfermées , ou de quelque matière analogue , qui s'y eft infinuée par infiltration. Ici au contraire, de groffes Cames pétrifiées, étoient remplies de fable , & renfermées pourtant dans l'intérieur du roc calcaire. Ce fable, féparé par l'Acide nitreux de la Terre calcaire qui le lie & l'empâte, m'a paru compofé portent un peu de foin qui fert de lit aux maîtres de la mai-fon. Quand je couche fur la montagne, ces bonnes gens m'abandonnent leur petit réduit, trop étroit pour fourfrir un partage, Se vont dormir chez leurs voifms. "Vie labo- lîeufedes Ce font pour l'ordinaire, des femmes qui ont foin des trou- peaux du Môle : les hommes relient dans la plaine pour les payfans d» Môle ^avaux des foins & des moiffons. Quelquefois une mère Prend avec elle fon fils, ou quelqu'autre petit garçon de 12 à 14 ans, pour garder les Vaches, pendant qu'elle fait le fromage , & qu'elle vaque aux autres foins de fon petit ménage. La vie qu'elles mènent là, eft extrêmement pénible. D'abord il faut qu'elles aillent chercher fur leur tête, à la diftance d'une lieue, toute l'eau dont elles ont befoin. Enfuite il faut qu'elles fe hafardent fur les pentes rapides, au deffus des précipices , où les Vaches ne peuvent point fe tenir ; que là elles coupent avec des faucilles l'herbe qui y croit , & qui fans cela feroit perdue; & qu'enfin elles rapportent cette herbe dans les Chalets, pour fervir de nourriture aux Vaches pendant *a nuit Mais la plus grande de leurs peines eft celle que leur caufent coups de r » * 1 vent dange- d^s coups de vent orageux. Ces coups de vent viennent du jeux pour Juchant, au travers de la vallée des Bornes, en face de laquelle le Mole eft fitué: ils font fi violents, que s'ils furpren-nent les Vaches à l'improvifte , auprès des bords efearpés qui f°nt au Levant de la montagne, ils les renverfent, & les font r°uler dans les précipices, auffi aifément que les vents de nos Peines roulent des feuilles féches. Mais fi l'ouragan ne parvient ^e par gradations à cette extrême violence , & que ces pauses animaux ayent le tems de fe mettre en garde, un inftincï naturel leur apprend à tourner la croupe directement au vent, , à fe cramponner avec force dans la terre en baiffant la tête ^ en écartant les jambes. Dès qu'elles ont pris cette pofture, eues n^ont plus rien à craindre du vent, Se elles fe laifferoient au~onimer fur la place , plutôt que de faire le moindre mouvement avant que l'orage foit entièrement paffé. les troupeaux. 238 L E M 0 L E. Clmp. X. Mais comme on craint toujours que l'ouragan ne les fur-prenne, dès que l'on apperçoit le moindre ligne d'orage , on voit fortir de tous les Chalets , les Femmes & les jeunes Garçons qui courent avec une agilité étonnante, même contre les pentes les plus rapides, pour ramener leurs troupeaux dans des abris éloignés des bords efearpés de la montagne. J'ai été moi-même témoin d'un de ces coups de vent ; j'e-tois heureufement rentré dans le Chalet : car quand ils font dans leur plus grande force, ils renverfent même les hommes les plus vigoureux: tant qu'il fourla je crus à chaque mitant, que le Chalet alloit être emporté ; le toit, quoiqu'il defeende prefque jufques à terre, quoiqu'il foit chargé de grottes pierres, & que le vent dût gliffer fur la pente qu'il lui préfente , fe«r-bie à tout moment devoir être enlevé ; & en effet, il arrive fouvent que ces coups de vent orageux arrachent une des pentes du toit, & la replient fur la pente oppofée, de même qu'avec le foufle on tourne le feuillet d'un livre. Quand ie vent me parut un peu calmé, je voulus juger par moi-même de la force qui lui reftoit encore, & malgré les confeils de n>eS hôtes, je levai une barre qui retenoit la porte; mais à Vifi* tant où cette barre fût otée , la porte s'ouvrit avec une telle violence que je fus jeté en arrière à la renverié , & tous leS meubles du Chalet furent enlevés, & accumulés au pied du mur qui eft à l'oppolite de la porte. Chalets Les Chalets de la Communauté d'Aïfe, par lefquels on p^e dAiIb> en montant de la Bonne-Ville à la pointe du Môle, f°nt iitués au Sud-Sud-Eft , au delfus de cette pointe, Se élevés » fuivant l'obfervation de M. Pictet, de ^78 toifes au deffus 00 notre Lac. Us font conftruits comme ceux de la Tour, nial* ne font pas comme ceux-ci , difperfés fur la circonférence d'une même prairie. Je ne fais fi c'eft l'action continuelle dans laquelle vivent Caractère les habitans du Mole, ou l'air vif de cette montagne ifolée , ^ j^fë0* ^i leur donne un langage plus énergique & plus rapide que celui des autres montagnards de la Savoye ; & qui entretient chez eux une gayeté & une vivacité charmantes, malgré les rudes travaux auxquels ils font aftreints. On me permettra d'en rapporter un trait, qui prouve en même tems un efprit de réflexion, bien rare dans cette clafte d'hommes, toujours Prelfés par la néceffité de pourvoir à leur fubfiftance. J'avois avec moi ce Chien qui avoit fi courageufement donné *a chaffe aux Loups : un foir avant de fe coucher fur un tas d'herbes, il fe mit à tourner fur lui-même , comme les Chiens °ut accoutumé de faire en pareil cas. Un Berger qui étoit Préfent,me dit en riant: je parie que vous, Monfieur, qui c°nnoilTez toutes les herbes, & les pierres de la montagne, v°us ne faurez pas répondre à une queftion que je vais vous faire. Pourquoi ce Chien tourne-t-il fi long-tems avant de fe coucher, tandis qu'un Homme fe couche tout de fuite fans l°urner fur fon lit ? Je répondis que le Chien faifoit ce moulent, pour produire un enfoncement dans lequel il fe trouât plus à faife. Point du tout, répondit le Berger ; car il Pourroit pétrir cette herbe fans tourner ; mais ne voyez-vous Pas à fon air incertain , qu'il ne tourne que parce qu'il hélite fans ceffe^ fUf pendroit où il mettra la tète; il veut la mettre ici > puis là , puis encore là; il n'y a point de raifon qui ^e décide ; au lieu qu'un Homme qui voit d'abord le chevet Ur lequel il doit placer fa tête, n'hérite ni ne tourne, J'a~ voue que je ne me ferois pas attendu à voir fortir de la bouche de ce Berger, un argument contre la liberté diiulifférencc* §. 294. Cest fur le fommet du Môle que je fis , le 29 Juin 1766, une expérience intéretfante fur l'Electricité. S» Ami Lullin , digne Membre d'un de nos Tribunaux de Ju-dicature , m'a voit prié de préfider à des Thefes, qu'il vouloit foutenir fur l'Electricité. Il étoit alors Etudiant en Philofophie» & fes fuccès dans les études annonçoient déjà ce que fa Patrie devoit attendre de fon zele & de fes talens. Pour que nos Thefes ne fullent pas une fimple compilation, nous finies en-femble des recherches nouvelles fur l'Electricité. Nous en fîmes en particulier fur l'électricité de l'air, au fommet des montagnes. Conducteur J'i.maginai pour cela de faire d'une canne à pécher d'An-poitatif. gleterre , un conducteur portatif. On connoit ces cannes; elles font compofées de plufieurs baguettes de coudrier évuidées, qlU rentrent les unes dans les autres, & forment ainfi une groffi* canne de 4 pieds de longueur ; mais quand on met ces baguettes bout à bout, elles donnent une perche de if à 16 pieds de hauteur. Une pointe de fer que je fichois en terre , portort un petit cylindre de bois féché au four & vernis , fur lequel s'implantoit la canne, qui étoit ainfi ifolée. Trois fils de foye attachés, par un bout, au haut de la première divifion de *a canne, par l'autre, à de petit crochets fichés en terre ; & tendus fortement dans des directions oppofées, rendoient tout cee appareil très-folide. Enfin un petit élecfrometre, renfermé dans une bouteille, m'indiquoit malgré l'agitation de l'air, l'électricité même la plus foibie. J'érige*1 Expérience fur Vè-le&ricité. L E M OLE. Chap. X. 241 Jérigeai donc ce conducteur fur le fommet du Môle, & je Eledricité & communiquer fa pointe métallique avec une petite barre nouvelle-de fer blanc ifolée , dont je pouvois commodément éprouver jJJ^ for~ l'électricité. Il étoit environ 10 heures du matin, il foufloit un petit vent de Sud, le tems étoit parfaitement ferein, à l'exception de quelques nuages épars. Le Soleil, dont les rayons frappoient la montagne, faifoit de tems eu tems fortir de fon pied , & des prairies qui font au delfous de la pointe , de petits nuages blancs, qui montoient lentement en rafant la furface de la montagne, venoient paflTer à la pointe, Se de là s'élevant verticalement, ou fe diffipoient en fe dilfolvant dans Pair , ou Ploient fe joindre aux autres nuages qui fiottoient au delfus de nos têtes. Dans les intervalles où aucun nuage ne palfoit auprès du conducteur, il ne donnoit aucun figne d'électricité ; de même lorfqu'un de ces nuages étoit alfez grand pour envelopper tout le conducteur depuis fa -pointe jufques à terre, i'électrometre demeuroit dans un repos parfait : mais quand il venoit rafer la pointe du conducteur, ou même palfer un Peu au delfous d'elle fans toucher en même tems à terre ; alors nous appercevions des figues, foibles à la vérité , mais pourtant indubitables, d'électricité. Cette expérience me parut intéreiïante, parce qu'elle fem-kloit donner quelqu'accès à la connoiifance de la caufe qui Produit l'électricité dans les nuages. Celle de ces petites nuées paroilfoit s'être formée par leur paifage au travers de *'air; car elle ne pouvoit pas venir de la terre dont elles foraient , ni même s'être produite dans le moment de leur formation; puifque toutes les fois que le nuage étoit contigu à la terre , il ne donnoit au conducteur aucune électricité. Je conjecturai donc que c'étoit ou le frottement du nuage contre H h l'air, ou l'action du Soleil, ou ces deux caufes réunies, qui l'électrifoient, tandis qu'il étoit fufpendu & ifolé dans l'air. D'après ces conjectures, nous effayâmes, M. Lullin & moi, de produire de l'électricité par le moyen de vapeurs artificielles; en les foumettant, tantôt au frottement de l'air , tantôt au frottement d'autres vapeurs , tantôt à l'action des rayons du Soleil ; nous combinâmes même ces divers moyens, à l'aide d'éo-lipiles , de chaudières bouillantes , de grands fouflets ; en tenant ces corps, tantôt ifolés, tantôt communiquans , tantôt au Soleil» tantôt à l'ombre ; nous pouffâmes nos recherches juiques à effayer de mêler avec l'eau que nous faifions évaporer, diffé' rens ingrédiens volatils; mais aucune de ces épreuves ne pro* duifit le plus léger fymptôme d'électricité. Depuis , j'ai réfléchi, que peut-être m'étois-je trop hâté de tirer de notre expérience cette conclufion, que l'électricité des petits nuages s'étoit engendrée au travers de l'air : j'ai penfe que peut-être n'avoient-ils par eux-mêmes aucune électricité, & qu'ils pouvoient n'avoir eu d'autre office, que celui d'augmenter la hauteur de mon conducteur, en fervant eux-mêmes de conducteurs , & en faifant paffer à la pointe de ma perche , l'électricité des couches les plus élevées de l'athmofphere , auxquelles le peu d'élévation de cette perche ne lui permettoitpas d'atteindre. Difficulté II auroit fallu pour fortir de ce doute , élever un Cerf-volant CerflolansS ou quelqu'autre conducteur à la même hauteur à laquelle Par" fur les mon- verioient ces nuages, & éprouver fi ces conducteurs auroient tagnes. r donné en l'abfence de ces nuages , la même électricité que l'on obfervoit au moment de leur paffage. Nous étions bien pourvus d'un Cerf-volant ; mais le vent qui regnoit alors W Recherches fur les caufes de, l'électricité des nuages. trop foible pour l'élever ; d'ailleurs fur les hautes montagnes, ïes vents fouflent avec une telle irrégularité, qu'il eit extrêmement difficile d'y faire voler des Cerf-volans ; à peine font-ils Montés à quelques toifes de hauteur, qu'un coup de vent contraire à celui qui les élevoit, les rejette à terre avec violence. Mais j'ai en vue d'autres moyens de vérifier ces conjectures, Se je me propofe de les mettre en ufage, dès que j'en aurai l'occafion. §. 29ï Ceux qui auront la curiofité de vifiter le Môle, Diredio» ^ *^ , a t pour ceux peuvent partir de Geneve après midi, & aller en voiture cou- qui Vou- cher à la Bonne-Ville , qui eft à 4 ou S lieues de Geneve. ^°l"r P£N Us demanderont un guide dès le foir même , afin d'être prêts Môle* a partir le lendemain de grand matin; car il faut profiter de k fraîcheur, pour monter à pied la montagne ; on ne pourroit faire à cheval qu'une petite partie de la route. Si l'on eit curieux de redefcendre par un autre chemin, & de faire le tour de la montagne, il faut envoyer la voiture attendre à St. Joire. On met 3 ou 4 heures pour monter jufques à la Pointe du Môle, & environ 2 pour redefcendre de la pointe a St. Joire; enforte que dans les grands jours, on peut aifé- ment arriver à St. Joire , alfez à tems pour rentrer encore à Genève, avant que les portes fe ferment; car St. Joire n'eft W S petites lieues de Geneve. Il n'eft pas indifférent de Monter du côté de la Bonne-Ville, plutôt que du côté de St. Joire, parce que la pente au deffus de la Bonne-Ville regarde k Couchant, de forte qu'en montant le matin de ce côté-là, 011 marche à l'ombre ; Se en redefeendant le foir du côté de St. J°ire , qui eft au Levant ; on jouit encore de l'ombre. Ceux ^i ont gravi des montagnes rapides avec le Soleil fur le dos, ou qui les ont defeendues aves fes rayons dans les yeux, kntiront le prix de cette attention. H h % Sa fituation. Matière & pofition de fes couches. Sa formeï Autres coteaux fitués fur la même ligne. Coteau d'Efery. CHAPITRE XI- LE COTEAU DE MONTOUX. §. 2 9 6". XTlU pied du Môle, entre les Voirons Se Saleve, on voit de Geneve, le coteau de Montoux s'élever par delfus les coteaux qui bordent notre Lac. Sa forme arrondie , qui con-trafte avec la forme pyramidale du Môle, fa pente douce de tous les côtés, & fa belle culture vue auprès des rochers ei-carpés de Saleve , forment une perfpective tout à fait douce & riante. §. 297. Sous la terre végétale qui recouvre ce coteau, on trouve un Grès tendre ou une MolaiTe , compofée d'un Sable quartzeux, mêlé de petits feuillets blancs - de Mica, & lié p?r un gluten calcaire. Les bancs de cette Molalfe, font inclinés en defcendant à l'Eft, & à l'Eft-Sud-Eft fous un angle, qui dans les lieux où j'ai pu le mefurer, varie depuis 15 jufqu'à 22 degrés. §. 298. La forme générale de ce coteau eft un ovale aïongé dans une direction, qui du fommet du coteau , paroi£ courir entre le Sud & le Sud-Sud-Oueft. On voit dans cette même direction, derrière la montagne de Saleve, une fuite de coteaux qui s'élèvent graduellement du côté du Sud , & qui paroilTent auffi compofés de couches de Grès, inclinées comme celles du coteau de Montoux. §. 299. J'ai vifité celui de ces coteaux, qui eft le plus voifn* du Petit Saleve. Il porte le nom du village d'Efery qui eft litué prefqu'à fon fommet. J'ai vu que ce coteau eft effectivement compofé d'un Grès micacé , femblable à celui de Montoux ; que les couches de ce Grès defcendent vers l'Eft-Sud-Eft > fous des angles de 10 à 23 degrés* & que fa furface eft par-femée comme celle du coteau de Montoux , de grands blocs de Granit & d'autres pierres alpines. Ceux d'Efery font les plus grands; j'en ai mefuré plufieurs de plus de 20 pieds de diamètre. On m'a dit que les coteaux plus élevés, qui font fur la même ligne en tirant vers le Sud, font aufh compofés de ^ïolalfe, & couverts de blocs de Granit §. 300. On trouve au haut du coteau de Montoux , une Elévation Chapelle, fous le portail de laquelle j'obfervai le baromètre, le ^ fljjjjj* *7juin 1778. Mon obfervation me donna 62^ pieds , pour toux' l'élévation du fol de cette Chapelle , au deffus du Lac de Geneve. §. 301. On a peine à comprendre quelle peut avoir été la Réflexion Caufe de la formation d'une éminence ifolée, comme celle du côteau de Montoux. Qu'eft-ce qui peut avoir obligé les fables rçui l'ont formée , à s'amonceler dans cette place ? Seroient-ce deux courans, qui caufant un calme dans l'intérieur de leur angle de encontre, comme cela fe voit dans les rivières, auroient dépofé dans cet angle, une partie des fables qu'ils charioient ? ou ces-dépôts auroient-ils été occalionés par quelque rocher, qui rom-P°it dans cet endroit le fil d'un courant, fous les eaux qui re-couvroient anciennement toute cette partie du Globe ? Nous v°yons fouvent dans le lit d'une rivière, une grande pierre retarder la vitelfe des eaux, & occafioner un amas de fable & de gravier : de là naiffent des harengs qui s'élèvent quelquefois au point de recouvrir & de cacher recueil qui fut la caufe de leur formation. gme. CHAPITRE XII- LE COTEAU DE B 0 I S Y. Sa fituation. §. 302. L/E coteau de Boify eft fitué au Nord-Eft de Geneve» entre le Lac & la montagne des Voirons. Il eft à-peu-prcs fur la même ligne que les coteaux dont je viens de parler ; fa matière , fa ftructure , 8c la pofition de fon plus grand diamètre, font auffi à-peu-près les mêmes. Mais il eft plus grand, plus élevé, 8c mérite à tous égards une defcription plus détaillée. Sa forme & Sa forme n'eft pas ovale comme celle du coteau de Mouflons dimCn" toux » il eft alonSé parallèlement au Lac, dont il fuit un peu la courbure ; & il fe rapproche en cela de la forme générale des coteaux de nos environs. Sa longueur eft à-peu-près d'une lieue 8c demie , 8c fa largeur d'une demi-lieue. J'ai déterminé par deux obfervations du baromètre, la hauteur du point le plus élevé ; l'une m'a donné 1 ï i s , & l'autre 1117 pieds, au deffus du Lac. Le premier étage du Château eft élevé de 911 pieds au deffus du même niveau. Situation §. 303. Ce coteau eft compofé d'un Grès, ou d'une Modes couches n-duGrcs dont Me plus ou moins tendre. Les couches de cette Molaue poff COm" lèvent contre le Lac avec tant de régularité , que comme le Lac, dans cette partie, fe recourbe en tournant à l'Eft, de même aufli les couches changent de direction pour le regarder toujours. Celles qui font à l'extrémité occidentale du coteau, au delfous du Châtelar, montent prefque droit à l'Oueft ; tandis que celles qui font à l'Eft , au deffus de Sciz , s'élèvent au Nord-Nord - Oueft. Les efearpemens de ces couches forment en divers endroits, des précipices de 2 à 300 pieds. Les plus remarquables font « Roche de Maffongy, & la Roche de Marignan. J'ai eu °ien de la fatisfaction à voir mon obfervation fur la fituation des efearpemens, s'étendre même à d'aufli petites montagnes que le coteau de Boify. §. 304. Les Grès de ce coteau font compofés d'un Sable Nature de quartzeux , mêlé d'un peu d'Argiile , & de petites lames de Mica. Ces différens corps font réunis par un gluten calcaire, qui fe cryftallifé quelquefois fous une forme fpathique, dans les interftices des couches. D'ailleurs ces couches ne renferment aucun corps étranger; du moins n'ai-je pu en découvrir aucun ; Se quoique le coteau foit en divers endroits, recouvert d'une grande quantité de fragmens de rochers des Alpes ; on ne trouve pourtant aucun veftige de ces fragmens dans l'intérieur des bancs de Molatfe. C'est à cette obfervation que je dois la correction de l'idée que j'avois d'abord conçue 3 fur la formation des Grès de notre Pays. Je croyois que les fables qui font la matière de ces Grès, avoient été chariés par les mêmes courans qui ont tranfporté chez nous tant de fragmens des rochers des Alpes. Mais en v°yant à découvert les roches de Maffongy & de Marignan , & divers bancs au deffous du Châtelar ; je m'étonnai de n'ap-Percevoir aucun de ces fragmens dans des maffes d'une fi grande étendue, Se cela me fit comprendre que les fables dont Ces Grès font compofés, ne pouvoient pas avoir été accumulés dans le même tems, Se par la même caufe qui a tranfporté Ces fragmens. Ils ne renferment point de cailloux, roulés. 248 LE GO TE AU DE B 01S T. Chap. XII. Bancs cal- §. 305". Depuis que j'eus fait ces réflexions, on découvrit pofJs dans un champ, au deffous du village de Balaifon , à-peu-près ceux de ^ ia moitié de la hauteur du coteau, une carrière de Pierre a chaux, compofée de bancs qui, fuivant notre obfervation générale , defcendent du côté des Alpes , & fe relèvent contre le Lac. Origine de Cette carrière achevé de prouver, que la Mer a féjourne ces différentes pierres, long-tems fur ces hauteurs, parce que les Pierres calcaires ne fe forment que par des fédimens fucceflifs des eaux peuplées d'animaux marins. Les Grès eux-mêmes, par la nature du lien qui unit leurs parties , prouvent qu'ils ont été formés fous les eaux de la Mer ; Se que par conféquent ces eaux ont couvert, non - feulement nos plaines, mais encore nos montagnes , les Voirons pal' exemple. Car ce gluten calcaire doit tirer fon origine de la Mer Grès de T'AI vu moi-même , au bord de la Méditerranée, fur le Fare formation r f nouvelle fur de Meffine, auprès du Gouffre de Carybde, des fables qui lont îrMer?S de mobiles dans le moment où les flots les amoncelent fur les bords, mais qui par le moyen du fuc calcaire que la Mer y infiltre , fe durcilfent graduellement, au point de fervir à des pierres meulières. Ce fait eft connu à Meffme : on ne ceife de lever des pierres fur ces bords, fans qu'elles s'épuifent & que le rivage s'abaiffe ; les vagues rejettent du fable dans le* vuides, Se en peu d'années ce fable s'agglutine fi bien , ^otl ne peut plus diftinguer les pierres de formation nouvelle? d'avec celles qui font les plus anciennes, §. î°6 8» 306". Les fragmens des rochers des Alpes, que l'on trouve Grands difperfés fur le coteau de Boify, font remarquables à bien des [j!°cs 10U* égards. Le plus grand de ces fragmens, qui eft même le pierre à Plus grand que j'aie jamais rencontré à cette diftance de fa Martm* ... fource i eft fitué dans un champ, au Nord - Oueft du Château. On le nomme la Pierre à Martin. La forme régulière dont cette énorme pierre approche le plus, eft celle d'un parallélogramme rectangle. Sa hauteur à l'angle le plus élevé au deffus du terrein , eft de 22 pieds , fa plus grande longueur de 26, & fa plus grande largeur de 18- La matière de ce grand bloc eft une Roche de Corne, mêlée de Stéatite , de Mica & de Quartz. On y diftingue des couches qui ne font pas planes, niais dont les inflexions font parallèles entr'elles. Ces couches , épaiffes de 3 a 4 pieds , ne fe féparent pas aifément les Unes des autres , parce qu'elles font foudées par un gluten quartzeux. Elles font traverfées en quelques endroits par des fentes qui leur font perpendiculaires, & ces fentes font aufli fondées avec du Quartz. On verra dans mes voyages fur les Alpes ; avec quelle exactitude tous les caractères de ce fragment fe retrouvent, tant pour la matière que pour la forme, dans les Montagnes dont il a été détaché. Au refte, tous les angles de cette pierre font- émoulfés, quoiqu'elle foit dure & compacte , & que fon tiffu ne paroifïc point fenfible aux injures de l'air. On en a féparé par le moyen de la poudre , des éclats qui fe font levés par feuillets, à-peu-près parallèles aux couches que *'°n y obferve. Ces feuillets ont fervi à couvrir des aqueducs, & à d'autres ouvrages de ce genre. Ii Antres §. 307. On trouve fur ce coteau des blocs & des fragment blocs de Ro« * m . , ches feuih d'autres efpeces de Roches feuilletées » d'un moins grand volume » ktees. ma-g en très grand nombre. L'efpece la plus commune eft allez remarquable ; elle relfemble beaucoup à celle qui forme la matière des rochers du Grand St. Bernard , au delfous du Plan de Jupiter. C'eft une efpece de Roche de Corne vertey remplie de petits points de Quartz blanc. Chacun de ces points qui ont au plus une demi-ligne de diamètre , eft compofé d'un nombre de petits cryftaux difpofés en étoile autour d'un centre commun. Cette pierre eft mêlée de grandes veines d'un Quartz dur & difficile à tailler ; mais comme le refte de la pierre obéit bien au cifeau , on en fait des chambranles de-porte , des marches d'efcalier , 8c divers autres ouvrages. Blocs de §. 308. Le coteau de Boify eft aufli parfemé d'un grand Granit. J r 0 , nombre de fragmens de Granit. Un des plus grands eft * rEft-Sud-Eft, au deffous du Château ; on le nomme la Pierre du goûté. Il eft, comme ïa Pierre à Martin , d'une forme à- peu-près rectangulaire, de 10 pieds de hauteur, fur 1 s à 20- dans fes autres dimenfions. U eft compofé de Quartz , gris » de Feld-Spath blanc , & de Mica noirâtre y on n'y voit aucun indice de couches ni de fentes. Un bloc de Granit, moins grand, mais qui m3a préfenté une particularité intéreffante, eft dans un champ peu éloigné du précédent, près du fentier qui conduit à Chézabois. En examinant attentivement ce bloc de tous les cotés, je découvris des reftes de couches de s à 3 pouces d'épaiffeur, d'une roche mélangée de grains prefqulmperceptibles de Quartz blanc, & de Mica noir. Ces couches étoient reliées adhérentes aP Granit ; je les détachai à coups de marteau pour les mieu# obferver, & je vis que les gros grains du Granit, fe mêloient par gradations avec les très-petits grains de cette Roche feuilletée* On verra dans la fuite l'importance de ces tranfitions, pour démontrer que le Granit n'eft point une coagulation informe, comme le penfent quelques Naturaliftes, mais qu'il eit le produit régulier des cryftallifations & des fédimens des eaux, tout comme les pierres que l'on trouve difpofées par couches horizontales. D'autres blocs de Granit, compofés de très-gros grains de Feld-Spath, entremêlés de feuillets d'un Mica brillant & doré, avec très-peu de Quartz , relfemblent exactement à ceux qui ont roulé dans la vallée de Chamouni, auprès du Prieuré, après s'être détachés du haut des Aiguilles qui font partie de la chaîne du Mont Blanc. C'étoit fur-tout au deffus de Senoches, que l'on voyoit de beaux fragmens de cette efpece de Granit, mais on les a employés dans la conftruction des celliers que l'on vient de bâtir au bas du coteau de Crépi. Il en relie cependant encore un bloc dans une vigne. J'ai vu enfin dans le même endroit, de grands fragmens d'un Granit jaunâtre, rempli de petits cryftaux exagones de Schorl noir. §. 309. Le pied du coteau de Boify a des pentes tournées Vins de Crépi. entre le Couchant & le Midi, qui produifent des vins blancs tres-eflimés, connus fous le nom de vins de Crépi, Ce font les feuls vignobles de ce côté du Lac , qui pour l'abondance & la qualité de leurs vins , puilfent entrer en comparaifon *vec ceux du Pays-de-Vaud, Ii Z Les légumes & les fruits qui croiffent fur ce coteau, font aufli de la meilleure qualité. Toutes ces utiles productions Talent mieux que des plantes rares qui n'intéreffent que le Bo-tanifte : je n'en ai point trouvé fur le coteau de Boify. §. 3T0. Mais ce qui frappe & intéreffe tous ceux qui vont vifiter ce joli coteau, ce font les points de vue agréables, étendus 8c variés que l'on y rencontre a chaque pas. Le plus brillant eft celui dont' on jouit de l'extrémité feptentrionale de la grande allée qui traverfe la forêt , au fommet du coteau. On a fous fes pieds des forêts par lef-quelles on defcend , comme par degrés , dans les plaines du Chablais, bien cultivées , 8c embellies de beaux villages. Le Lac , dont on embraffe d'un coup-d'œil la plus grande largeur & la partie la plus étroite , s'y préfente fous la forme d'un grand baflin, joint à un beau canal recourbé en forme de faulx. On diftingue prefque toutes les villes des deux bords du Lac : celle de Laufanne fe préfente avec avantage fur le penchant d'une haute colline. On découvre même jufques aux montagnes qui bordent le Lac de Neuchâtel. TA» La vue des derrières du coteau eft d'un genre tout * fait différent ; elle n'offre pas un auffi vafte & auffi brillant fpectacle ; mais elle a quelque chofe de champêtre , & même d'un peu fauvage, qui invite à une douce rêverie. On defcend par une pente infenfible 8c boifée, dans une vallée en forme de berceau , couverte de forêts entremêlées de champs & de prairies. Quelques hameaux écartés les uns des autres, fem-blent avoir voulu fe féparer du monde, & fe cacher fous les arbres qui les entourent. Au deffus de cette vallée, la mor> tagne des Voirons & la première chaîne des Alpes du Chablais préfentent leurs pentes rapides, mais couvertes de bois. On voit à leur pied le Château de Cervens : les hauteurs qui le dominent renferment des Madrépores pétrifiés ; j'en ai trouvé plufieurs dans une feule promenade-que j'ai faite autour de cette paifible & charmante retraite. Ce point de vue fournit même au Géologue quelques obfervations importantes : il voit la première chaîne des Alpes qui dominent le bas Chablais, relever fes couches en montant contre le Lac ; il voit de même les collines des Alinges, qui tournent auffi vers le Lac des efearpemens rapides. On a encore une très-belle vue du Lac & des plaines qui l'entourent, du haut du Châtelar ; c'eft le nom d'une éminence, fituée au Nord-Oueft du Château de Boify, fur le bord du coteau, du côté de Geneve. Mais une curiofité intéreffante , qui exiftoit fur cette émi- Tombeaux aence , & que des laboureurs ont malheureufement détruite, Altobjog^T c'étoient deux tombeaux dont la forme connue prouve qu'ils étoient des anciens Allobroges, & par conféquent d'une antiquité très-reculée. De grandes pierres plattes, fans ornement, mais dreflees & alfemblées avec beaucoup de précifion , formoient des caiffes quarrées, de la grandeur du corps. Elles Soient inégales ; la plus grande renfermoit les os d'un Homme fait, & la plus petite ceux d'un jeune Homme. Ces tombeaux contenoient vraifemblablement les reftes de Guerriers «lui s'étoient diftingués par quelque grand exploit , ou de personnages d'un rang éminent dans le pays ; car chez ces anciens 2*4 LE COTEAU DE B 01S T. Chap. XII. peuples, c'étoit une grande diftindion que d'être enfeveli fur une éminence élevée & ifolée, comme celle du Châtelar. §. 311. Le coteau de Boify finit vis-à-vis du village de Sciz, par une pente douce qui defcend à fEft-Nord-Eft. Mais les bancs de Grès dont cette pente ell compofée, ne defcendent point parallèlement à elle ; ils continuent à s'élever contre le Lac, en montant au Nord-Nord-Oueft , comme je l'ai dit plus haut, §. 303, ( w ) — ............. |.......................i ......- ■ i ■■iiiwiMwwwiii.....m...............................................um CHAPITRE XIII MONTAGNES DE MEILIERIE ET DE S. GINGOUPH(i). §• 312. Avant de décrire ces montagnes, j'indiquerai en peu Introduc de mots, les objets les plus intérelfans qui fe préfentent fur la tl0n* route qui y conduit. J'ai déjà parlé du coteau de Cologny, fur lequel paffe cette route, & de celui de Boify qu'elle lailfe à fa droite. §. 313. En continuant de remonter le Lac, au delà de ce dernier coteau , on traverfe de petites plaines couvertes de cailloux roulés. Trois quarts de lieue avant d'arriver à Thonon , petite ville, capitale du Chablais, on rencontre un nombre de grands blocs roulés de Granit. §. 314. A demi-lieue de cette même ville, on paile auprès Source fer- . ingineufe d© «une fource d'eau minérale ferrugineufe, qui a acquis de la Marclai. célébrité , depuis qu'un habile Chyniifte , M. Tingry , Démonf-trateur en Chymie de la Société des Arts de Geneve, en a Publié l'analyfe dans une petite brochure imprimée en 1774* M. Tingry a prouvé que ces eaux contiennent dans une bouteille de 35 onces. (1) On prononce Se. Gingô, Cailloux jk blocs roulés» i°. Du Fer extrêmement divifé & privé de fon p'hlogiftique,' plus d'un grain & demi. 2°. De la Sélénite , un grain & un quart. 3°, De la Terre abforbante calcaire „ fept grains & trois quarts. i . Torrent de §. Au delà de Thonon , on traverfe le torrent delà laDranfe. Dranfe , & l'on voit que le terrein dans lequel ce torrent a creufé fon lit, eft en entier compofé de fable & de cailloux roulés. §. 315. Plus loin on côtoyé la haute & belle colline, au pied de laquelle fe trouve la fource qui donne les eaux fer-rugineufes , connues fous le nom d'Eaux d'Amphion ; & à demi-lieue de la fource, on traverfe la ville d'Evian, qui eft fituée au pied de cette même colline. M. Tingry a fait aufti l'analyfe de l'eau minérale d'Amphion » & il a trouvé qu'une bouteille de 3 6 onces de cette eau » contient : i°. Fer divifé & déphlogiftiqué , moins d'un demi grain. 2°. Sélénite , trois quarts de grain. 3°. Terre abforbante calcaire, fix grains. §. 317- De l'autre côté du Lac , auprès de la ville de Rolle, on trouve une troifieme fource ferrugineufe, qui p211" dant quelques années a été fort à la mode> mais qui eft moins fréquentée aujourd'hui. J'en lis l'analyfe en 1764, & j'y trouvai par bouteille de 36 onces : i°. Fer très-divifé & non attirablepar l'Aiman, un grain & denu- 2°. Sélénite» Eeaux tTAmphion. Eaux de Rolle. ET DE St. GIN G OUF H. Chap. XIII. 2f7 "2°. Sélénite, trois quarts de grain. 3°. Sel marin à bafe terreufe, trois quarts de grain. 4°. Terre abforbante calcaire, cinq grains. §. 318- D'Evian à la Tour-ronde, on fuit une route de- Route d'E- ,. vian à la hcieufe, entre le Lac & une colline couverte de beaux Châ- Tour ronde, taigners. La rive oppofée qui fe courbe & fe rapproche graduellement de celle-ci, préfente de riches coteaux, couverts de vignobles jufques à une grande hauteur, 8c couronnés de verdure 8c de forets. §. 319. Entre la Tour-ronde 8c Meilîerie, on pallè au ^ Colline de delfous de l'extrémité la plus élevée de la haute colline dont j'ai déjà parlé , qui fe prolonge par deiïtis Evian , & va en diminuant graduellement de hauteur, fe terminer à l'embouchure de la Dranfe. Cette colline entièrement compofée de Grès, de Sable, d'Argiile, & de cailloux roulés ; parfemée de blocs de Granit 5 & d'autres pierres alpines, a été manifeitement formée par l'accumulation des dépôts du courant, qui lors de la grande débâcle , fortit de la vallée du Rhône, 8c vint defeendre par celle de notre Lac. Lorsqu'on a l'efprit rempli des preuves que nous avons vues ^e l'exiitence de ce courant, 8c que de Laufanne ou des hauteurs voifines, on obferve cette colline, on ne peut pas fe re-iufer h l'évidence de cette origine. On voit que les eaux du grand courant, refferrées par les rochers verticaux de St. Gin-gouph & de Meilîerie, confervoient vis-à-vis d'eux toute leur vîtelfe, 8c ne pouvoient point y former de dépôts ; mais que K k dès qu'elles ont dépaffé ces rochers , & qu'il s'eft ouvert un large baflin, ces eaux fe font extravafées, ont perdu leur vîteffe, & ont dépofé les débris qu'elles charioient. On voit mêm* la colline s'abailfer à mefure qu'elle s'avance dans la vallée du Lac, parce que les matériaux dont elle eft formée diminuoient en quantité , à mefure que les eaux les dépolbient fur leur route. La haute colline du Jorat, fur le penchant de laquelle eft bâtie la ville de Laufanne , a été formée par la même caufe » fur la rive oppofée de ce même courant. J'ai obferve des collines femblables & femblablement fituées, à l'entrée de toutes les grandes vallées des Alpes, lorfque des caufes locales ne fe font pas oppofées à leur formation. Nous en verrons plufieurs exemples dans la fuite de cet ouvrage. les mon- s ^2o. De Genève à la Tour-ronde, la cote orientale du tagnes fe rapprochent Lac eft bordée de collines de Grès ou de cailloux roules ; 8c les montagnes proprement dites, fe tiennent à une diftance affez grande de fes bords. Mais de la Tour-ronde en haut, les montagnes ferrent le Lac de fi près, qu'on ne peut plus le côtoyer que par un fentier étroit, à peine alfez large pour être praticable à cheval. Ici donc le Lac bordé par des montagnes hautes 8c efcarpées» n'a plus ces bords riants, ces jolies collines qui le parent dans tout le refte -de fes contours. Des rochers nuds & ftériles ou des forêts pendantes, lui donnent cet afpeét trille & *alï" vage, qu'a fi bien dépeint l'Auteur de la nouvelle Héloïfe. §. 321. On a pourtant bâti deux ou trois villages fur ces Village de bords efcarpés. L'un d'eux fe nomme Meilîerie ; il eft fur le eillerie-penchant d'une montagne qui defcend fi rapidement dans le Lac, qu'à une certaine diftance, les maifons paroiffent bâties les unes fur les toîts des autres, & que les communications du bas au haut du village, relfemblent à des échelles plutôt qu'à des rues. Ce village fubfifte par la pêche, 8c plus encore par la vente „p!efres^e j ,t , , ,.,.,1, Meilîerie. des pierres que l'on détache des rochers, qui dominent les bords du Lac. On en charge de grandes barques pour les tranf- porter à Geneve , où on les nomme cailloux de Meilîerie, quoiqu'elles foient de nature calcaire. Elle ne fouffrent pas trop le cifeau ; mais elles fervent à la grolfe maffonnerie, Se à paver les talus qui défendent les bords du Lac & de l'Arve, de l'érofion des eaux. Ces pierres qui font de couleur noirâtre , renferment fouvent des veines de Spath blanc, confufément cryftallifé en lames rectangulaires. M. Rilliet a obferve que ce Spath , malgré fa blancheur, 8c fa pureté apparente, exhale quand on le frotte, une odeur de bitume, moins fétide pourtant que celle de la Pierre-porc, ou Pierre puante. Et ce qu'il y a de bien remarquable , c'eft que le fond même de la pierre n'exhale aucune odeur, quoique fa couleur noirâtre indique une matière bîtumineufe , bien plutôt que la couleur blanche du Spath. §. 322. Un autre village au pied de ces montagnes, 8c Village de , Saint Gin- PUis confidérable que le précédent, fe nomme St. Gingouph. g0Uph. H n'eft pas bâti comme celui de Meilîerie, fur la pente rapide d'un rocher, mais fur des débris de ces montagnes Kk % chariés & accumulés par un torrent qui en defcend, en fuivant une vallée fituée derrière le village. Ce même torrent partage St. Gingouph en deux parties , dont l'une appartient au Roi de Sardaigne , & l'autre à la République de Vallais , & il fert de limites entre les deux Etats. §. 323. Les montagnes au deffus de St. Gingouph , font très-élevées, Se efcarpées au deffus du Lac. Une • des plus hautes eft la Dent d'Oche. Je paffai au pied de cette Dent au mois d'Octobre 1777 , en remontant la vallée de St. Gingouph» pour aller vifiter des mines de Charbon de pierre , que l'on a découvertes dans ces montagnes. Je fus engagé à aller voir ces mines par un mal-entendu fmgulier, & qui prouve avec quelle facilité il peut fe gliifer des équivoques, dans les rapports qui paroiffent les mieux cir-conftanciés. Une perfoime de ma connoifTance trouva pendant l'été de ï 777, au bord du Lac, près de la fource d'Amphion, un morceau de fcorie fpongieufe arrondie par les eaux. 11 étoit difficile de décider fi cette fcorie étoit du mache-fer, ou une production volcanique. Cette perfonne foupçonna que c'étoit une Lave, Se voulut lavoir des gens du pays , fi dans leurs montagnes on ne voyoit point de veftiges de quelqu'ancien Volcan-Mais comme le mot de Volcan n'etoit pas dans leur dictionnaire , elle demanda fi l'on ne connoiflbit point de montagne où l'on trouvât des pierres brûlées. Ces bonnes gens répondirent que oui, que dans la vallée au defliis de St. Gingouph, on en trouvoit en divers endroits. Deux ou trois perfonnes différentes ayant fait cette même réponfe , on ne douta olus Montagnes de SE. Gingouph. Une équivoque foie croire qu'il y a des Volcans daîlS ces montagnes/ qu'il n'y eut là d'anciens volcans, Se l'on me communiqua cette découverte. Quelques contre-tems m'arrêtèrent jufques au dixième d'Oc- Voyage . occafioné tobre, faifon bien avancée pour une courfe fur des montagnes par cette auifi élevées ; je ne voulus cependant pas laiiïer palier l'hyvcr > e Mine de qu'on y apperçoit pas le plus léger indice de Volcans ; mais Pierre°n ^ °iU'on J trouve des Mines d'un Charbon de pierre d'une excellente qualité, dont les couches font entremêlées de couches d'Argiile, renfermées entre les bancs de la Pierre calcaire & inclinées, comme ces bancs , en defeendant vers l'intérieur des Alpes. La carrière la plus confidérable de ce précieux fotfile» eit fituée au midi, & au delfus des Chalets , que l'on nomfl,e les Chalets de Bize, fur la chaîne qui fépare la vallée où foll£ ces pâturages d'avec la vallée & Abondance, Toutes ces §. 32f« J'observerai enfin, que les montagnes de Meilîerie ïbnTtrès'eV & de St- Gingouph , font beaucoup plus efcarpées, & moins carpes. régulières dans la fituation de leurs couches, que celles de Saleve & des Voirons. La raifon de cette différence eft que celles-la, font beaucoup plus voifines du centre des Alpes, §. 287:1e Lac en fe ^tournant à l'Eft, fe rapproche confidérablement des chaînes centrales : je ferois même porté à croire qu'il manque dans cette partie, quelques-uns des gradins inférieurs du grand amphithéâtre des Alpes ; Se qu'ici le Lac, qui eft l'arène de cet ainplhthéatre , occupe la place de ces marches, qui ont été détruites par quelque révolution. Ce qui me fait avancer cette conjecture, ce n'eft pas feulement la rapidité des efearpemens, & l'irrégularité des couches de ces montagnes ; c'eft encore leur grande hauteur ; parce °iU'il eft très-rare de voir les chaînes des montagnes fe terminer Par des fommités fi élevées. M. le Général Pfiffer a fait cette obfervation importante , & le beau plan des Alpes voifines de Lucerne , qu'il a exécuté en relief, met fous les yeux cette même obfervation; c'eft qu'à l'exception de quelques irrégularités locales , les montagnes vont en s'abaiftant graduellement, depuis leur centre Jufques à la plaine ; enforte que ft l'on combloit toutes les allées, on pourroit monter par une pente douce Se prefqu'in-foifible, jufques au fommet des plus hautes cimes des Alpes. Lors donc que l'on voit des chaînes fe terminer brufque-Iîleut par de hautes montagnes, on doit croire que quelque Puiffante caufe , ici par exemple , le grand courant qui def-Cendoit par la vallée du Rhône , a renverfé & détruit les marges les plus baffes de l'amphithéâtre. §• 326. Je ne quitterai pas tes montages de St. Gingouph, Anecdote 264 MONTAGNES DE M EIL L E R IE, &c. fur les fans rapporter un trait qui caractérife bien l'innocence des ces monta habitans de ces hautes vallées. Je rencontrai dans ces vaftes gnards. folitudes , inhabitées dans la faifon où je les parcourois, nu jeune homme & une jeune fille , qui firent avec moi une partie de la route. Je m'informai du motif de leur voyage , j'appi"is & d'eux, & de mon guide qui les connoiffoit, que le jeune homme étoit un garçon du Canton de Fribourg, qui étant allé pour une affaire dans le village de cette jeune fille, avoit pris du goût pour elle, Se l'avoit demandée en mariage. La jeune fille, quoiqu'elle agréât le jeune homme, ne voulut cependant point l'époufer , fans avoir pris des informations haf fa perfonne & fur fa famille , & ne voulut même s'en rapporter qu'à elle, fur une chofe qui intérelïoit fi fortement fo*1 bonheur; elle partit feule & à pied avec le jeune homme , pouf aller à deux journées de là , au travers des montagnes, prendre elle-même chez lui les informations qu'elle defiroit. Quand je la rencontrai elle revenoit de fon voyage très-fatisfaite, & ra-menoit avec elle le jeune homme, pour l'époufer dès fon arrivée. Ce que je trouve de remarquable , ce n'eft pas tant le courage de la fille , qui grande & forte , n'avoit finement rien à craindre de fon amant; mais c'eft la bonne foi de ces honnêtes montagnards. Car fi la fille mécontente de ces i*1" formations , étoit revenue fans époufer le jeune homme, ce voyage en tête à tête, n'auroit porté aucune atteinte à fa réputation. CHAPITRE CHAPITRE XIV. LE JURA. % 327. Je n'ai parlé jufques ici que des montagnes & des Côteocci-collines qui font fituées fur la rive orientale du Lac de Geneve ; l3cj je dois à préfent dire un mot, de celles qui dominent fur la rive oppofée. Les coteaux qui bordent cette rive préfentent le brillant afpecl: d'une belle culture & d'une riche population, mais les montagnes que l'on voit au delà de ces coteaux, n'offrent ni la variété s ni les belles gradations du magnifique amphithéâtre des Alpes. Le Jura feul, éloigné du Lac de 3 à 4 lieues, termine l'horizon au Couchant & au Nord, comme une longue muraille bleuâtre, dont la monotonie n'eft interrompue que par quelques brèches, & quelques éminences peu con-fidérables. §. 328. On place communément le commencement du Situation Jura, fur les bords du Rhin, entre Zuric & Baie. La mon- duJura-ta§ne dite le Bcezberg, que l'on paflfe en allant de Bruck à Rheinfelden, appartient au Jura, qui eft déjà là d'une hauteur c°»fidérable. Le Jura du tems de César , féparoit les Helvétiens de ces Peuples de la Gaule, qui portoient le nom de Sequani, & qui dirent aujourd'hui une partie de la Bourgogne & de la Franche-Comté, Helvetii continentur.,. altéra, ex parte Monte Jura, L 1 altijjimo qui eft inter Sequanos & Helvetios. Cœfar. de Belfo Callico. C. II. Dans la fuite, les Rois de Bourgogne réduifirent les Hel-vétiens fous leur domination ; & ce Royaume s'étant divifé, le Mont Jura fervit de limite entre fes parties. La Bourgogne à l'Occident du Jura, fut appellée Cisjurane, & celle qui étoit à l'Orient, prit le nom de Trcmsjurane. Mais après bien des révolutions les chofes font revenues prefqu'au même point où elles étoient du tems de César. Car fi l'on excepte l'extrémité méridionale du Jura , qui appartient en entier à la France, les Suilfes poffedent tout le côté Oriental de cette montagne. §. 329- Le Jura eft comme les Alpes, compofé de plufieurs chaînes parallèles entr'elles, & qui font féparées par des vallées-plus ou moins larges, & plus ou moins profondes. Ces chaînes portent différens noms ; car la plupart des Géographes ne donnent le nom de Jura, qu'à la haute mon* tagne qui domine le Lac de Geneve, & à celles de la Suifte*. qui en font la continuation. Mais le Naturalifte ne s'arrête pas aux dénominations vulgaires ; il voit que cette ligne eft accompagnée d'autres lignes, compofées de la même matière, & qui marchent parallèlement à elle ; & que toutes ces chaînes quoique féparées par des vallées, font pourtant unies par leurs baies, puifque les fonds de ces vallées font plus élevés que les plaines adjacentes. $ regarde donc toutes ces montagnes comme des dépendances du Jura, & il comprend fous cette dénomination, toutes les mon- tagnes calcaires, qui marchant à-peu-près du Sud-Sud-Oueft, au Nord-Nord-Eft, font renfermées entre la Suifle & les plaines du Bugey, de la Franche-Comté & de l'Alface. Si on jette les yeux fur les Cartes de la France de MM. Maraldi & Cassini ; les numéros 117 , 148, 147, 14^ & 14? , préfenteront des chaînes de montagnes dirigées à-peu-près du Sud-Sud-Oueft, au Nord-Nord-Eft, à l'Orient d'une ligne qui commence à Cerdon ou à Poncin , ou même plus au midi dans le Valromey, & qui fe termine à Baie , en paf-fant par Lons-le-Saulnier, Salins & Vefoul. Le Jura confidéré comme l'aftemblage de toutes ces chaînes, a donc 60 à 80 lieues de longueur, fur 17 ou 16 de largeur en ligne droite. §. 330. Le Jura, quoique féparé des Alpes par une vallée Le Jura p?; de plufieurs lieues de largeur, pourroit cependant être regardé dépendance comme une dépendance de leurs chaînes extérieures ; deux des A1Pes* raifons me le perfuadent. L'une , que le Jura marche à-peu-près parallèlement aux Alpes ; Fondemens l'autre , que fa partie la plus élevée eft fituée du côté oies opinion^ •%es, & qu'il s'abaifte graduellement à mefure qu'il s'en Joigne. Les montagnes indépendantes , s'il eft permis de fe fervir de cette expreffion , celles qui ne font pas partie de montagnes plus confidérables , les Cordelières , les Alpes par exemple , & même les rameaux entièrement féparés de ces Montagnes, comme les Appennins, s'abaiifent à leurs bords & L 1 % 268 LE JURA. Chap] XIV. s'élèvent vers leur centre; enforte que leurs plus hautes foitsA mités, fe trouvent dans les chaînes intérieures. Ce n'eft pas que le point le plus élevé foit toujours précifément au centre; il eft fouvent plus proche d'un côté que de l'autre; mais enfin il n'eft jamais au bord, à moins que quelque caufé locale ^ n'ait rongé ou détruit les chaînes extérieures de la montagne. Or dans le Jura tous les fommets les plus exhaulfés, font fur la lifiere la plus voifine des Alpes. Les montagnes qui dépendent du Jura, s'abailTent par gradations infenfibles, à mefure qu'elles s'éloignent des Alpes , & vont mourir dans les plaines de la Bourgogne, de la Franche-Comté, & de l'Evêché de Bâle. Echancm- §. 331. Les chaînes de montagnes dont le Jura eft com* aes du Jura pofé , ne font pas continues d'une extrémité à l'autre ; elles font coupées en divers endroits. Mais les échanernres ou cré-nelures qui les divifent, ne defcendent gueres qu'au tiers de leur hauteur: les gorges les plus baffes par lefquelles on traverfe le Jura, font toujours très-élevées au deffus des plaines*» fituées de part & d'autre de la montagne. FafFagedè Aussi les Romains, pour faciliter là communication du pays Pierre « per- , . i turcs des llelvetiens avec celui des Rauraques,' avoient pratique y*1 chemin au travers d'un rocher qui fait partie du Jura La route qui conduit du Val St. Imier , dans la Prévoté de MoiV tier Grand - Val, paffe encore au travers de ce rocher. Ce paffage porte le nom de Pierre-Pertuis. L'opinion commune eft, que ce font les Romains qui ont percé ce rocher & l'in^ «ription gravée fur le roc même , femble en contenir la preuve- frUMINI AUGUSTORUM. VIA FACTA PER TITUM DUNNIUM PATERNUM DUUMVIRUM COLONISE HELVETICiE. Voyez Etat & Délices de la Suiffe. Nouvelle Edition in-4* de M. Fauche, T' IL p. 132. Pour moi, j'avoue que malgré cette infcription , je ne faurois me ranger à cet avis. Cette ouverture n'a point la régularité des ouvrages des Anciens, & tous les indices extérieurs, femblent concourir à prouver qu'elle a été formée par les eaux. Le rocher percé barre un vallon étroit, & en pente rapide au deffus de lui : dans le fond de ce vallon coule un ruiffeau , qui n'a d'autre iffue que le paffage de Pierre pertuis; enforte que fi ce paffage étoit fermé , les eaux du ruiffeau combleraient le vallon , & en formeroient un Lac. L'ouverture eft plus large du coté d'où tiennent les eaux ; la voûte irréguliere de cette ouverture eflr beaucoup plus exhauffée du côté du Levant, côté vers lequel la pente de la montagne a dû jetter le fil du courant ; & les rochers qui de ce même côté renferment le vallon au deffus du paffage, font fillonnés en divers endroits, & à différentes hauteurs, d'excavations profondes, dirigées fuivant la pente des eaux, qui prouvent que ce vallon a été anciennement le &t d'un courant d'un très-grand volume. Il me paroit donc vraifemblable que le Dimmvtr Dunnius •Patermts , n'a fait autre chofe que d'établir un grand chemin, au travers d'un paffage que la Nature avoit ouvert bien des ficelés ayant lui. L'infcription ne dit rien de plus : elle ne dit pas Vla aperta, mais via faila per T. Dunnium Fatermwi. §. 332. On a déjà pu remarquer Vattention avec laquelle Forme,g£ j'ai obferve les iucliuaifons des bancs des montagnes, Se leurs nérale d*& 270 L E J U R A. Chap. XIV. couches du fituatîons refpedives. Ces obfervations fi négligées jufques à ce jour, me paroiffent être de la plus haute importance pour la Théorie de la Terre. Mais elkj font en même tems de-la plus grande difficulté. Une foule de caufes locales ont altéré la forme, & la fituation primitive des montagnes. Il s'agit de retrouver au milieu de ces ravages du tems, l'ordre & les loix qui préfiderent à leur formation. Le Jura n'eft pas une montagne dont il foit facile de faifir la forme générale. Des irrégularités fans nombre mafquent cette forme, & la dérobent aux yeux du Naturalifte. ♦ Par exemple, fi des environs de Geneve on obferve la ligne ■du Jura, qui fe préfente la première au deffus du Lac ; on verra , ici des pentes rapides couvertes de forêts jufques aU fommet de la montagne, là des fommités nues & efcarpées» plus loin des pentes douces couvertes de verdure. Ce ne fera qu'en rapprochant avec foin les parties qui pa" roiffent entières & confervées , & en écartant celles qui ont fouffert des altérations accidentelles, que l'on parviendra à & former des idées juftes & générales de cette forme primitive. Je crois qu'en procédant ainfi, on reconnoîtra que cette première chaîne de montagnes, a fa face antérieure ou orientale , compofée de couches qui s'élèvent en s'appuyant contre îe corps même de la chaîne ; & que ces mêmes couches redescendent du coté oppofé dans la Vallée ou Combe de #oux3 pour former la face occidentale de cette même chaîne* La forme générale des couches de cette chaîne, reffemble donc au toit d'une chaumière qui s'élève depuis la terre jufques au faîte ,& redefcend du côté oppofé depuis le faîte jufques à terre. Les couches intérieures paroiffent parallèles à celles du dehors ; enforte que l'on peut comparer toutes les couches de la montagne à celles d'un jeu de cartes ployé en deux, fuivanr fa longueur. Entrons dans quelques détails. §.333 Nous avons déjà vu que l'extrémité méridionale du Sa face qui _. . t r regarde le Jura , au delfus du Fort de l'Eclufe , a fes couches prefque per- Lac, a fes pendiculaires à fhorizon , & dépendantes à l'Eft, en s'appuyant Jp^8^ contre le corps de la montagne. Le Vouache qui paroît être *e Je corps ta dernière ramification du Jura, a fes couches fituées de la tagns. ^ême manière. Si du Fort de l'Eclufe on revient au Nord-Eft, on verra que toute la face de la montagne qui regarde le Lac, depuis Collonge jufques dans le Pays-de-Vaud , aufli loin que la vue Puiife s'étendre, eft aufli compofée de pentes fituées de la ^ême manière, c'eft-à-dire,. appuyées contre le corps de la Montagne. On remarquera, à la vérité, que plufieurs fommités préfen- Exception* tent des efearpemens fitùés en fens contraire; c'eft-à-dire, qui aPParentes> élèvent contre l'Orient; dans le pays de Gex, par exemple, ta fommité qui eft au delfus de Collonge, & qui porte le nom ^e Cré du miroir, celle qui eft au deffus de Thoiry, & qui appelle Recukt, d'autres fommités au Sud-Oueft du Mont Colombier , & une longue crête qui s'étend depuis le Mont Colombier, jufques aux Faucilles, préfentent des efearpemens, très-marqués, & tournés contre le Lac &. les Alpes. De même dans la Suifle, le rocher de la Dole, & plufieurs fommités ail delfus du Lac de Neuchâtel, ont aufli leurs efearpemens tourné* contre les Alpes. Raifon de Mais ces efearpemens font les fommités des couches de ht ceSi face occidentale de la montagne, lefquelles defcendent, comme je l'ai dit, du côté du Couchant, & s'élèvent par conféquent du côté du Levant. J'ai vérifié ces faits en traverfant le Jura en divers endroits; mais on peut, même de Geneve , en avoir la preuve , fi l'on obferve que ces efearpemens ne fe montrent que là où la face orientale de la montagne eft dégradée ou détruite auprès du fommet. Partout où cette face qui regarde le Lac, s'élève jufques au faite fans interruption , la montagne ne préfente de ce côté qu'une pente continue, compofée de couches, qui toutes defcendent du côté du Lac. C'eft ce que l'on voit au Sud-Oueft de cette pointe, qui porte le nom de Reculet, & qui domine le village de Thoiry ; la face extérieure de la montagne , monte là en pente uniforme , depuis fon pied jufques au fommet qui s'élève fort au deffus des forêts. Mais plus au Nord-Eft, cette face antérieure ayant été détruite au fommet de la montagne , le vuide qu'elle laitfe permet de voir les efearpemens des couches de la face poftérieure qui defcendent vers la vallée de Mijoux. Les mêmes §. 334. Cette même partie de la montagne eft intéreffante, ve"oppent la en ce qu'on y diftingue la continuité des couches de la pente convexité orientale, avec celles de la pente occidentale. On voit les de la mon- r tagne. couches à mefure qu'elles s'approchent du fommet de la montagne , fe plier & s'arrondir, comme pour embraffer le faîte t & defeendre enfuite du côté oppofé. Cette liaifon & cette continuitc Continuité des couches , fe voyent aufii fur la droite & fur la gauche du Mont Colombier. Si des environs de Genève, on obferve le jura, quand le On peut les ° k diftinguer Soleil l'éclairé obliquement ; par exemple, vers les deux ou trois de Genève. heures de l'après midi, on verra bien clairement par les ombres , que ces couches arrondies vers le fommet projettent dans les endroits ou elles manquent, que les fommités efcarpées contre le Lac appartiennent à la face poftérieure de la montagne. La comparaifon de la forme de cette première ligne du Jura avec celle d'un toit, n'eft donc pas très-exacfe. Les pentes d'un toit font des plans, & ces plans forment au faîte un angle Vif: mais les couches du Jura fout plutôt convexes, & leur ionimité arrondie. La feefion tranfverfe de la montagne ne feroit donc pas un triangle ; ce feroit plutôt une parabole ou quelque courbe de ce genre. S. 33? Mais fi cette courbe a une fois exprimé la forme Mais les ra. J v ' ' vages du générale & primitive de cette ligne du Jura; combien d'ex- tems ont options locales ou de changemens fucceflifs cette forme n'a- f£Z™l t-elle pas fubi ? mes* Le faîte de la montagne , battu de tous côtés par les vents & par les pluies, a fourfert les altérations les plus grandes : lc* 5 les couches du côté du Lac ont été détruites , & lailfent v°ir les fommités des couches oppofées, dont les efearpemens Paroiffent tournés contre ce môme Lac ; là, ce lont les couches ^u côté de la vallée de Mijoux, qui ont été emportées, & la Montagne en pente uniforme de notre côté,eft efearpée du côté Mm de cette vallée ; plus loin, le faîte entier a été enlevé, & là on voit des abaiflemens ou des gorges, comme aux Faucilles, à St. Sergue , &c. Les flancs & la bafe de la montagne ont auffi été dégradés par les torrens que produifent la pluie & les neiges fondues > qui ont formé de larges & profondes excavations, Si à tous ces agens delfrucleurs on joint les grands cou> rans, qui ont anciennement miné & rongé les flancs du Jura; les tremblemens de terre qui ont dû nécelfairement faire des ravages confidérables, dans l'efpace de tant de fîecles ; on ne s'étonnera plus de voir dans une infinité d'endroits des; rochers bouleverfés , fitués au rebours de leur pofition primitive , & de ne trouver que des veftiges épars de la forme première de la montagne. §. 336". Il y a plus encore ; dans le tems même de la for-mation du Jura , des caufes particulières ont dû produire des irrégularités locales: & l'on n'ofera pas toujours décider , fi les irrégularités que l'on obferve aujourd'hui , font aufli anciennes que la montagne, ou fi elles font plus récentes* Le Vouache, par exemple, dont la face qui regarde notre Lac eit parfaitement femblable à la face correfpondante du Jura , & qui paroît en être la continuation, a fa face oppofée totalement différente. Elle eft dans toute fa longueur, efcarpée du haut en bas contre le Couchant ; cette face occidentale ne préfente point de pentes, mais feulement les feftions prefque verticales des couches de la face orientale, qui toutes s'élèvent contre le Couchant. Or qui décidera s'il exiitoit ancienne- Peut être même y a-t-ii des irrégularités originaires. ment des pentes occidentales qui ont été détruites, ou s'il n'ea exifta jamais ? Il faut donc regarder l'idée que j'ai donnée de la ftructure de cette première & plus haute ligne du Jura, plutôt comme l'expreffion la plus générale de fa forme primitive, que comme une defcription exacte de fa forme actuelle: une telle defcription entraîneroit des détails qui feroient auffi multipliés qu'ingrats & pénibles, §. 3 3 7- J'étois appelle par le plan de cet ouvrage à Hée gAié. donner une idée de la ligne du Jura, qui regarde le Lac de chaînes oc-Geneve ; les autres parties de cette grande montagne exige- Sfw^ roient un traité particulier & très-étendu, dont ce n'eft point ici la place. J'expoferai cependant en peu de mots les réfultats généraux des obfervations que j'ai faites, en parcourant & en traverfant le Jura par des routes différentes. Les chaînes dont il eft compofé, à mefure qu'elles s'éloignent , EJfe* s'a- baillent en de la haute ligne orientale, perdent graduellement de leur «'éloignant hauteur Se de leur continuité ; les plus occidentales ne forment des Alj?es* Pas, comme la première, des chaînes de montagnes élevées Se uon interrompues ; ce font des monticules, alongés il eft vrai, niais ifolés, ou qui du moins ne font unis que par leurs bafes. §• 3 3 8. Leur ftructure n'eft pas la même dans toute féten- Leursco"- , r ches ont la du Jura. La forme primitive la plus générale reffemble forme de ^pendant à celle de la haute chaîne ; c'eft-à-dire, que ce font y " " des voûtes, compofées & remplies d'arcs concentriques. C'est fur-tout entre Pontàrlier & Befançon, que Ton ren- M m % contre des collines qui ont régulièrement cette ftructure. La grande route traverfe de larges vallées , dans lefquelles les couches font horizontales ; mais ces vallées font féparées par des chaînes peu élevées, dont les couches arquées montent jufques au haut de la montagne , & defcendent enfuite du côté op-pofé. On en voit aufli de la même forme dans la Prévôté de Moutier Grand-Val : „ la Birs traverfe des rochers qui offrent „ à découvert la conftruction intérieure des montagnes; les „ couches de roc forment dans cet endroit, des voûtes élevées „ l'une fur l'autre, en fuivant le contour extérieur de la mon-„ tagne ". Dicl. Géog. de la &#,Tom. Il, p. 150. D'autres fois le fommet de la montagne eft plus aigu que n'eft celui d'une voûte, Se les couches parallèles entr'elles, mais inclinées à l'horizon en fens contraires, préfentent dans leur feo tion, la forme d'un chevron ou d'un lamda A. penSi-' §' 359' Mais cette même ftructure préfente fréquemment res à l'hori- une fingnluncé remarquable. Ce font des bancs perpendicu. zon renier.- , . v mes entre laires a 1 Horizon qui occupent à-peu-près le milieu ou le cceur kçlinéï8 de U mont^nG > & qui féparent les couches d'une des faces de celles de la face oppofée. vSur cette même route de Pontarlier à Befançon, entre la Grange d'Alefne & Ornans, on traverfe la montagne de Maiilac. On monte en tirant au Nord , par une pente afTez rapide , Se les couches du rocher montent aufli contre le Nord. Au faîte de la montagne, & même un peu au delfous du faîte, on traverfe des couches qui montent encore contre le Nord ; mais plus bas on en rencontre de verticales, & plus bas encore on en trouve qui s'inclinent peu-à-peu , Se qui viennent à defeeudre vers le Nord* par une pente moins rapide. J'ai obferve plufieurs montagnes fécondaires, & du Jura & d'ailleurs, & fur-tout un grand nombre de montagnes primitives , dont la ftruéhire eft la même. §. 340. Les couches perpendiculaires à l'horizon, que l'on Dïrecfroi» ccnerale de rencontre fréquemment dans le Jura , ont prefque toutes leurs ces bancs Plans dirigés du Nord-Nord-Eft au Sud-Sud-Oueft , fuivant la verticaiu-direefion générale de cette chaîne de montagnes. Cette observation eft d'une alfez grande importance, parce qu'elle exclut ou rend du moins improbable l'idée d'un bouleverfement. J'ai cru pendant long-tems que toutes les couches dévoient avoir été formées dans une fituation horizontale , ou peu inclinée a l'horizon, & que celles que l'on rencontre dans une fituation ou perpendiculaire , ou très-inclinée , avoient été miles dans cet état par quelque révolution ; mais à force de rencontrer des couches dans cette fituation , de les voir dans des montagnes bien confervées , Se qui ne paroiffoient point avoir fubi de bouleverfement, Se d'obferver une grande régularité dans k forme & dans la direction de ces couches ; je fuis venu à penfer ^ue la Nature peut bien avoir'auffi formé de ces bancs très-in-clinés , Se même perpendiculaires à la furface de la terre,, ^oyez le §. 239. §• 341. Au refte, j'ofe me flatter que mes Lecteurs auront LesBano» afïez de confiance en moi, pour croire que je n'ai pas commis veru'caux^Je uue erreur que l'Abbé Fortis dans fa defcription de la Dal- g"**»»^ natie3 reproche à quelques Naturaliftes. Il prétend que l'on a *°uvent pris des crevalfes ou des fentes verticales , pour des Vivifions de couches perpendiculaires a l'horizom ■ On voit, il eft vrai, très-fréquemment des rochers coupés fous toutes fortes d'angles, par des fiffures plus ou moins larges ; ces fiffures qui abforbent les eaux, font même les caufes de l'aridité de bien des montagnes du Jura. Il eft encore vrai, que dans certaines montagnes , ces fentes obfervent entr'elles un parallélifme frappant, qui pourroit induire en erreur un œil peu exercé. Mais un Naturaliste accoutumé a obferver les montagnes, ne s'y trompe jamais : il reconnoît les vraies couches à leur étendue, à leur régularité, fouvent au tiifu même de la pierre; car pour peu qu'elle foit feuilletéeon la voit fuivre dans fes petites parties, la direction générale des couches qui ne font que de plus grands feuillets. Et quand tous ces indices nie manquent & qu'il me refte des doutes, je ne les diflimule point; je n'ai époufé aucun fyftênie qui me faite préférer telle ou telle forme à telle ou à telle autre ; on en verra des preuves dans la fuite de cet ouvrage. Lors donc que j'affirme que des couches perpendiculaires a l'horifon, on peut être allure qu'elles le font, ou exactement ou à peu de degrés près, Se que j'al pris toutes les précautions néceffaires pour n'être point déçu -par des fentes accidentelles. Couches §. 342. Dans quelques endroits du Jura, on voit des ef-porHons de Peces de demi-cirques, formés par des rochers dont les coU' côae. ches font des portions de la furface d'un même cône , Se ten- dent à un centre commun, élevé au deffus de l'horizon. Ainsi auprès de Pontarlier, le village de Clufe eft fitué dan* une plaine ouverte au Midi , Se fermée au Nord par une en- ceinte demi-circulaire, que forme un rocher continu & très-élevé. L'extrémité occidentale de ce rocher en demi-cercle, eft compofée de couches qui montent au Levant, fous un angle de 45 degrés, tandis que l'extrémité orientale a fes couches montantes en iens contraire contre le Couchant : les couches du milieu de l'enceinte ont des fituatioiis intermédiaires , enforte que toutes les couches, prolongées du xôté du Ciel, fe réuniroient à un centre commun, & formeroient la moitié d'un cône ou d'une pyramide. On diroit que ces couches ont été anciennement difpofées comme la charpente du toît d'une tour, mais que les ravages du temps ont abattu, & le faîte du toît & une moitié de la tour, enforte qu'il ne refte que quelques folives qui inr diquent encore fa forme première. §. 343. Mais il eft bien plus fréquent de voir des montagnes dont les couches ont la forme d'une demi-voûte, & qui vues de profil, préfentent, comme notre montagne de Saleve, Une pente douce d'un côté , Se des efearpemens de l'autre. Plusieurs vallées du Jura font fituées entre deux chaînes de Montagnes qui ont cette forme , Se. qui fe préfentent réciproquement leurs faces efcarpées. On croit même appercevoir Quelque correfpondance , entre les couches de ces montagnes °Ppofées, & l'on diroit qu'elles furent anciennement unies, Se *îue la partie intermédiaire a été détruite , ou que la montagne s'eft fendue du haut en bas, Se que fes deux moitiés fe font fartées pour faire place à la vallée qu'elles renferment. C'est ainfi qu'au deffus de la fource de l'Orbe, la Dent dfe ^auiion relevé contre le Nord les efearpemens de fes couches ortement inclinées a tandis que de l'autre côté de la vallée à Couches en forme du demi-voûte. Efcarpe. mens oppe-fes les uns aux autres»j l'oppoilte de cette même Dent, une autre chaîne de montagnes a les couches efcarpées & montantes contre le Midi. De même au delfous de Befançon, le Doux coule entre des collines calcaires qu'il femble avoir partagées leurs couches qui fe regardent, femblent chercher à s'appuyer encore le£ unes contre les autres. D'autres §. 344. D'autres vallées font bordées par des montagnes, i^roême*™ 011t aum- ^a forme de demi-voûtes , mais dont les efearpe-GieL dU mens regardent du même côté ; il y a même des parties du Jura dans lefquelles on voit plufieurs chaînes de fuite tourner toutes leurs efearpemens vers la même partie du Ciel. Telles font la plupart des dernières collines du Jura, dans les bailliages d'Orgelet Se de Lons-le-Saulnier ; il en eft peu qui n'ayent leurs couches taillées k pic à l'Oueft-Nord-Oueft, du côté des plaines de la Franche-Comté, tandis qu'elles defcendent par des pentes douces vers l'Eft-Sud-Eft, ou vers l'intérieur du Jura- Les bancs §. 34ï- Qjjant aux plaines au bord defquelles fe terminent lufrïunï- les baffes montagnes du Jura , elles ont pour fond ou pour jënt aux 0:jfe f des bancs calcaires qui font horizontaux , ou du moin8 bancs non- v * , zontaux des peu inclinés à l'horizon. Ainfi auprès de Rheinfelden , j'ai vw il bordent!" *e ^lin creu^r fon lit entre des bancs calcaires, à-peu-près horizontaux : en continuant de m'approcher de Baie, j'ai vU à une demi-lieue de Crenzach , une colline que l'on peut regarder comme une des dernières de cette partie du Jura, & dont les bancs font calcaires Se horizontaux. De même fur la route de Dijon à Dôle , on voit ça & là , que la pierre calcaire, qui fait le fond de la plaine de Jenlis, eft difpofée par bancs horizontaux. J'AI J'ai fait la même obfervation dans les environs de la ville de Dole 3 & fur la route de Dole à Befançon. Les bancs qui conltituent ainfi les bafes de ces plaines, paroiffent être la continuation de ceux du Jura; leur nature intime , leur couleur , les foffiles qu'on y trouve , font les mêmes que dans les petites montagnes qui terminent le Jura, au deffus de ces plaines. §. 346. Pour réfumer en peu de mots les idées que je me Réfumé forme de la ftructure du Jura ; je dirai que je crois qu'il eft com- J*udtut *d* pofé de différentes chaînes à-peu-près parallèles entr'elles , & à Jura, celles des Alpes , mais tirant un peu plus du Nord au Midi : que la chaîne la plus élevée & la plus voifine des Alpes, a eu originairement la forme d'un dos d'Ane, dont les pentes partent du faite , recouvrent les flancs & defcendent jufques aux pieds de la montagne : que les chaînes fuivantes du côté de l'Oueft, font compofées de montagnes graduellement moins élevées & moins étendues ; que les couches de ces montagnes ont généralement la forme de voûtes entières ou de moitié de voûtes; & qu'elles viennent mourir dans des plaines, qui ont pour bafe des bancs calcaires tout à fait horizontaux de la même nature que ceux du Mont Jura, & qui furent peut-être anciennement continus avec eux. S". 347. Le Tura eft en entier compofé de Pierre calcaire. Genres de ît r • 1 pierres dont 11 y a pourtant vers fon extrémité leptentnonale quelques mon- e«t compofé tagnes qui font recouvertes de Grès. Le Boezeberg, par exem, le Jma' Pie, ne montre que du Grès fur fa pente orientale ; mais ^and on le defcend à l'Oueft, on trouve au delfous du Grès, ^ bancs calcaires qui lui fervent de bafe. N n §. 348. Les Pierres calcaires du Jura, préfentent beaucoup de variétés; je me contenterai d'indiquer fur ce fujet deux obfervations que je crois nouvelles, & qui me paroiffent de quelqu'importance. ^ Le noyau L'une , que le cœur ou la partie intérieure des montagnes tagnes du du Jura, fur-tout de celles qui font les plus voifines des Alpes» durVuefeur e^ une P*erre êr^e 5 ^ure ^ compacte , tandis que les couches écorce. extérieures font compofées d'une pierre jaunâtre , dont le tilTu eft lâche & peu folide. On voit cette écorce au pied du Jura > près du Fort de l'Eclufe, & en divers autres endroit du Pays de Gex ; on la retrouve fur les rochers qui font au deifous de la Dole ; on en voit des couches épaiffes & bien fuivies au-pied de la montagne, le long des bords des Lacs de Neuchâtel 8c de Bienne ; mais c'eft fur-tout dans la Franche-Comté que cette écorce jaune 8c tendre, a la plus grande étendue 8c 1* plus grande épaiifeur. On trouve à la vérité des carrières de Marbre dans la Franche-Comté , mais ces Marbres formés dans quelques places privilégiées , par la cryftallifation de mes plus épurés , n'empêchent pas que la pierre qui compofé la plus grande partie des baifes montagnes de cette lifiere du Jura, ne foit beaucoup moins dure & moins compacte, que celle qui compofé Ie cœur des lignes plus élevées 8c plus voifines des Alpes. Et il «a. §• 349- L'autre obfervation générale, c'eft que cette pierre dlrmcoqu°iUS £rife' dure & comPacfe, qui forme le noyau des hautes moulages, tagnes du Jura, ne renferme que peu de coquillages pétrifies. Au contraire 9 la pierre tendre 8c colorée des montagne* baffes du Jura dans la Franche-Comté & dans le Bugey, eit remplie de coquillages, au point qu'en certains endroits elle paroit en être entièrement compofée.. 3>o. Les baffes montagnes du Jura font donc au nombre Mais les de celles qui abondent le plus en pétrifications proprement dites : ^eesn cc^" je dis .pétrifications proprement dites, parce que communément tiennent i . i -n nu/. beaucoup,' ta matière des coquillages , ne s'y trouve pas telle qu'elle etoit «lans l'animal vivant; mais réellement convertie en pierres de différens genres. Les montagnes de l'Evêché de Baie , du Comté de Neuchâtel, & celles des environs de Befançon, d'Or- naus, &c. toutes fituées dans le Jura, font renommées par leurs pétrifications. §. 3H. Le Bailliage d'Orgelet, fitué en Franche-Comté, fur Pétrifiât, les confins du Jura, s'il n'eft pas le plus riche en ce genre , £°3?. du ° t> » Bailliage eft du moins un de ceux qui renferment les efpeces les plus d'orgelet, belles & les plus rares. M. le Marquis de Lezay-Marnesia , qui a les Terres dans ce Bailliage, a lu dans une affemblée de l'Académie de Befançon, un difcours rempli d'éloquence & de vues philofophiques fur la Minéralogie de ce pays; & il a joint à ce difcours un catalogue des folfiles de ce même Bailliage , dont Mme. la Marquife de Marnesia , fon époufe , a formé une collection aufli riche qu'intéreffante. J'ai eu le plaifir de voir dans cette collection, de grands Madrépores ou Aftroïtes parfaitement confervés, & dont l'intérieur eft converti fcn une belle Agathe mammelonnée. Ces Madrépores ont été trouvés à la Péroufe, montagne fituée à 3 lieues à l'Oueft d'Orgelet. Un de ces Aftroïtes de forme hémifphérique a plus de i ç pouces de diamètre ; on y diftingue encore les trous •> N n % Etoile de mer toilile. Entroques, Palmier marin j &c. Recherches çles traces des anciens courans. 284 L E J V R A. Chap. XIV. & même les coquilles des Pholades qui le percèrent, tandis qu'il étoit encore dans la Mer. L'Etoile pétrifiée de M. Gagnebin, trouvée dans les champs-auprès de la Ferriere dans l'Erguel, a été pendant Iong-tetns-la feule que l'on eut vue dans le Jura ; mais par un heureux hafard on en a trouvé deux femblables entr'elles en divifant des pierres à bâtir tirées de la colline, fur le penchant de laquelle eft fitué le Château de Moutonne, où Mr. & Mnie. de Marnesia , parlent ordinairement la belle faifon : elles font de l'efpece que l'on appelle communément Pâtés , & que Linnjeus a nommée AJlerias aranciaca. J'ai fait graver une de celles qui ont été trouvées à Moutonne, Pl. III, fig. 1, d'après un deflin très-exact, & de grandeur naturelle que Mrae. de Marnesia en a fait elle-même. Ces étoiles ne font pas l'unique production remarquable de la colline de Moutonne, elle eft remplie d'Entroques ou d'Af-téries de différentes efpeces, & Mme. de Marnesia a trouve dans le parc du Château , des bancs d'une roche calcaire jaunâtre , qui font recouverts d'une foule de ramifications des barbes ou des antennes du Palmier marin ; & même un petit. Encrinite, ou Lilium lapideum, comprimé entre deux couches de pierre. §. 352. J'ai cherché fur les flancs du Jura qui bordent la-vallée de notre Lac, les veftiges du grand courant qui a coule autrefois dans cette vallée. J'cfpérois d'y trouver des fifto118 correfpondans à ceux que j'ai découverts fur les flancs du Mont Saleve. Mais jufques à ce jour mes recherches ont été infruc-tueufes. 11 eft vrai que les flancs du Jura du côté du Lac s ne font pas favorables à cette obfervation ; ce ne font pas comme fur le Saleve, des rochers nuds & coupés à pic ; ce font des pentes couvertes de forêts & de prairies, qui ne permettent que rarement d'obferver la furface du roc. En revanche dans l'intérieur du Jura, j'ai vu en divers endroits des traces d'anciens courans d'un grand volume & d'une grande force : il eft évident, par exemple, que la profonde Vallée dans laquelle eft fituée la ville d'Ornans, a été en entier creufée par des courans, qui ont du être très-confidérables: On voit de tous côtés, fur les flancs des rochers nuds & ef-carpés , qui bordent & dominent cette vallée, de grands & profonds filions parallèles à l'horizon , & d'autres excavations dans lefquelles il eft impoflible de méconnoître l'action des eauxî. le petit ruiffeau de la Loue, qui ferpente paifiblement dans de jolis vergers & de belles prairies au fond de cette vallée, ne paroit pas capable d'avoir formé & rempli tout le vuide qui règne entre les rochers qui la bordent. De même fur la route de Béfort à Porentrui, à deux petites lieues de Délie, on fuit une jolie vallée qui eft: une des premières de cette partie du Jura. Cette vallée eft bordée de rochers calcaires coupes à pic, a la furface defquels on voit un grand nombre de ces excavations que je regarde comme des veftiges des anciens courans ; & plufieurs d'entr'elles font a des hauteurs fort au deffus de celle où peut atteindre le ruii-qui coule actuellement dans la vallée. De même enfin le courant auquel j'attribue la formation du palfage de Pierre-pcîtuis ( §. 3 31- )> a dû être anciennement beaucoup plus confidérable que le ruifteau qui y coule; ce 286 L E J U K A. Chap. XIV ruiffeau tel qu'il eft aujourd'hui, n'auroit pas befoin d'une aufl* grande ouverture. JCo!lînesda g# ^ 3> Enein pour donner encore des preuves d'un autre cuilioux ., roulés, au- genre, des courans confidérables, qui ont anciennement coule des anciens dans les vallées du Jura, je ferai obferver des amas de cailloux ■qourans. roulés qui compofent des collines entières élevées à des hauteurs, dont les rivières actuelles, même dans leurs plus grands débordemens n'atteignent pas la dixième partie ; au deffous de Jougne , au deffus de Qairvaux & en bien d'autres endroits. Nature de Les cailloux roulés que l'on trouve dans l'intérieur du Jura t ces cailloux dsns Tinté font prefque tous calcaires; je dirois tous , lî k force de cher-tieur du ^m pamas immenfe pAI obferve en divers endroits ce genre de Pierre trouve en , divers en- calcaire , compofée de grains arrondis. Le Marbre jaune qu* droits. £g trouve en Bourgogne, Se qui eft connu à Dijon fous Ie nom de Corgoloin, eft compofé de ces petits grains. J'a* trouvé moi-même des pierres compofées de grains femblables •> non feulement fur la Dole Se fur le Mont Saleve, mais encore près de Bath en Angleterre , auprès de Vérone, à la fontaine de Vauclufe, à Lieftal dans le Canton de Berne, & en divers autres lieux. net°Tcette Plusieurs Naturaliftes ont regardé ces petits grains comme pierre, des ovaires de Poiffons, Se ont appelle ces pierres des Ooli-thes, en Allemand Rogcnjldn. D'autres les croyant des grains «le Millet, les ont nommés Cenchrites, ( du Grec Ktyxpoç qui %nifie du Millet ), & en Allemand Hirfenftein. En obfervant ces petits grains avec une forte loupe, je vois structure que les uns, ceux du Véronois par exemple , font compofés deces Bctits m s grains, de couches concentriques hues a leur furface , & qui ne préfentent aucun indice d'organifation. D'autres paroiffent d'une feule pièce entièrement homogène. D'autres femblent avoir un noyau, d'une nature , ou du moins d'une couleur différente. Les uns font exactement fphériques, d'autres °nt une forme alongée. On voit fouvent toutes ces va- . riétés réunies dans la pierre de Corgoloin. Celle de la Dole préfente des grains , la plupart homogènes & arrondis, d'autres cependant de formes moins régulières , & quelques-uns dans lefquels on reconnoît clairement une ou deux couches Concentriques. M. Dannone poffede à Bâle un Crabe , dont les œufs ont Oeufs de é*é pétrifiés dans l'endroit même où ils fortent de fon corps, fiéff^W* dHift. Nat. de M. de Bomare , au mot Oolithe. Comme b,e? à ces les œufs des Crabes ont une enveloppe beaucoup plus dure m^ que ceux des Poiffons, & que d'ailleurs ils font protégés par k queue cruftacée de leur mere , on peut concevoir leur pétrification. Mais qu'une matière auffi molle que des oeufs de Poiffons, Ces grains» * abandonnée fans défenfe au'gré des flots ait pu fe pétrifier ; des œufs de ^ue cette matière accumulée ait feulement pu réfifter à la pu- f0liIbns* tréfaclion pendant un tems alfez long, pour s'imprégner d'un pétrifique, c'eft ce que je ne faurois comprendre. Nîdesfe- Je ne iaurois non plus admettre que ces grains foient des d'aune ef- iemences de Mflet ou d'aucune autre plante: ils ne paroif-plantede fënt point être des corps qui ayent jamais été organifés. ^Ce font des Mais je penfe que ce font des dépôts ou des cryftallifations, mes duns arrondies par le mouvement des eaux, dans le tems même de deseauxa^- t r tées. leur formation, Les concrétions pierreufes qui font connues fous le non* de Dragées de Tivoli, ont une origine femblable. Concrétions Les plus belles concrétions de ce genre que fe connoifTe t des b?- ns de r S.Philippe, je les ai vues fe former à St. Philippe, entre Sienne & Rome. Des eaux thermales, chaudes au 36e. degré du thermomètre de Reaumur , faturées d'Albâtre calcaire, laiffent en fe refroi-ditTant précipiter l'Albâtre qu'elles tenoient en diffolution ; 1e mouvement des eaux arrondit cet Albâtre à mefure qu'il fe cryftallifé , Se le façonne en grains, qui lorfqu'on les caffe paroiffent compofés de couches concentriques. Ce font ces mêmes eaux que l'on fait tomber fur des Soufres concaves , modèles fur des bas-reliefs antiques. L'Albâtre fe dépofe fur le Soufre» remplit fa concavité, Se forme des bas-reliefs d'une pierre parfaitement blanche , Se qui rend avec la plus grande exaditude* les figures fur lefquelles les Soufres ont été moulés. Ces grains Cette explication de la formation des Cenchrites, confirmée n'onr point , , écé produits par des opérations femblables qui fe paffent fous nos yeux » par des dif- difpenfe donc de recourir à des diffolutions chymiques, Solutions r o chymiques. comme on l'a fait dans un Journal de Thyfiqiie de Van. 177°' D'ailleurs la nature calcaire Se nullement neutralifée des Marbres, & des autres pierres compofées de ces corps, prouve qu'aucun acide, 1 ce n'eft peut-être l'Air fixe, n'eft intervenu dans leur formation. §. 3 6*0. On trouve dans les baffes montagnes du Jura', des Autres con~ concrétions, dont la forme & la ftructure font les mêmes que f^hS.es celles des Cenchrites, dont nous venons de nous occuper, & auK CeQ- chrites. qui ont vraifemblablenient la même origine ; mais dont le volume eft beaucoup plus confidérable. Les plus grandes que je connoiffe font dans le cabinet de M,ïle. la Marquife de Mar-mésia. Elles ont été trouvées fur une colline, vis-à-vis du Château de Moutonne, au deffus du village de Chaveria. Les couches calcaires de la furface de cette colline, fe lèvent par grandes dalles toutes remplies de ces concrétions. Ou en Voit qui ont jufques à un pouce & demi de diamètre ; leur forme eft ovale ou arrondie ; fouvent un fragment de coquillage ou un piquant d'Ourlin en occupe le centre; Se on dif-. *ingue les couches concentriques formées fuccefîîvenient, comme autant d'enveloppes, autour de ce noyau. J'en ai trouvé moi-même de pareilles, quoiqu'un peu moins.-Sondes au deffus de Clairevaux, Se à Châtel-de-Joux dans le Jura. Et ce qui prouve bien que l'origine de ces concrétions e[î la même que celle des Cenchrites, c'eft que dans le même feu, & fouvent dans le même morceau , on en trouve do toute grandeur, depuis le volume d'un grain de Mil3 jufqu'à celui d'un noyau de Pêche» §. 3 6o.fi!. Le rocher dont j'ai parlé (§.354), qui touche celui remarqjSbte de la Dole , & qui porte le nom de Vouarne , eft d'une ftructure d"mr^cëheL ûoguliere. Les bancs dont il eft compofé font efcarpés? les Taa&àài uns en montant contre le Nord-Eft , ous un angle de 40 k 50 degrés; les autres en s'élevant contre le Sud-Eft. Autre ftuc- §. 3^1. En avant de ce rocher, du coté de rEft, on en voit ture remarquable, un autre d'une ftructure tres-remarquable. Il a la forme d'un chevron aigu , ou d'un Lamda A. On le nomme, fans doute à caufe de fa forme, le Rocher de fin château. Les bancs dont il eft compofé font très-inclinés à l'horizon, & s'appuyent réciproquement contre leurs fommités refpecfives. Les planches que l'on dreffe en appui les unes contre les autres pour le* faire fécher, peuvent donner une idée de la fituation de ces bancs. Cette forme n'eft pas rare dans les rochers calcaires; mais elle eft bien plus fréquente encore & plus décidée dans les rochers primitifs, comme nous le verrons dans la fuite. On a vu que le Rocher de Saleve , & celui de la Dole qui lui reffemble, ont des couches très-inclinées vers leurs extrémités ; & on doit comprendre que cette forme peut conduire par gradations à celle d'un chevron ou d'un A, h lefr couches intermédiaires font ou très-courtes ou nulles. j5a«cs ver- §. 362. Le Rocher de fin château , préfente dans cette forme ticaux entre ^ ,1 des couches même une circonftance tres-remarquable ; c'eft que l'intervalle que les jambes du A lailfent entr'elles , eft rempli par des couches perpendiculaires à l'horizon. On diroit que ces couches chalfées en haut par une force fouterreine , ont fouleve de part 8c d'autre, des bancs qui font demeurés appuyés coa* tre elles. Nous avons déjà vu des rochers de cette former % 339- Routée à §. 36-3. Pour aller de Genève à la Dole, le plus court chenii* chemin eft de paffer par Beauniont qui eft au pied du Jura, directement au deffous de cette haute cime. De là on peut en trois petites heures, gravir au fommet de la montagne par un fentier très-fur, mais trop droit pour qu'on puiffe le faire commodément à cheval. On y va par une route plus longue, mais'plus commode, en parlant par St. Sergue. Ce village , fitué au Nord-Eft de la Dole prefqu'au haut du Jura, eft abordable même en voiture, par un chemin rapide, mais large & fur, qui conduit en Bourgogne. De St. Sergue , on peut aller fur des chevaux du pays, jufques au pied du rocher de la Dole. On peut même en prenant le rocher par derrière , & en paffant par les Chalets qui portent le nom de Pra-Paradis, fe faire conduire en chariot jufques à 2 ou 300 pas de la cime. Quand on part de Geneve, il faut confacrer deux jours à cette courfe ; mais en partant des bords du Lac , fitués vis-à-vis de la Dole , de Nion ou de Prangin , par exemple, on peut aifément aller fur la Dole , 8c en revenir dans un feul jour. §. 3 64. La Dole mérite la réputation dont elle jouit parmi Plantes les Botaniftes. Outre les fleurs que j'ai nommées au §. 356, r^l\^ a °n y trouve encore la jolie Androface villofa, dont les fleurs d'un beau blanc de lait, ont à leur centre une étoile qui eft d'abord verte, mais qui devient enfuite jaune , 8c enfin d'un °el incarnat ; le Bupkvrum longifolium, qui porte des fleurs remarquables par leur couleur de bronze poli ; YOrobus luteus, rare dans la Suiffe ; VAfler alpinus ; le Mefpilus chamœmefpilîts : le fedum, N°. 969 de Haller , qui manque à Linnjeus; la P^ite Biftorte que Linnjeus a mife dans le genre du Polygomm^ choifir pont aller à La Dole. , & qu'il appelle viviparum, parce que fouvent fes graines pouffent des feuilles, même pendant qu'elles font encore attachées à l'épi qui les porte. On peut en voir la figure dans 1* Planche XIII de la Flora Duniça. Dans les environs de la Dole, on trouve le véritable Napcl, Aconitum napellus, bien différent de cet Aconit que M. StorcK a employé comme un nouveau remède, & auquel il a mal à propos donné le nom de Napel. On voit dans les pâturages l'Hellébore blanc ( Feratrum album ) , refpe&é par les troupeaux , s'élever feul au deffus des autres herbes , jufques à ce que les premières gelées de l'automne amortiifant fes qualités vénéneufes , les vaches devenues moins délicates par le défaut d'une meilleure nourriture, ofent brouter fes fommités. On y trouve aufli VAttâa fpieata; le beau Laitron à fleurs bleues, Soncbus alpinus ; les deux efpeces, ou variétés de la Dentaire» Dentaria pentaphyllos Se Dentaria heptaphyllos , dont les cines plantées dans les jardins , donnent des fleurs très-printa-nieres, &c. Sec. plantes ra- § jtfj. Une autre montagne du Jura, qui eft aufli très-re-montagne nommée par les plantes rares qu'elle produit, elt fituée dans te de Thoiry. ^ ^ ^ ^ de QQmyQ ( au ddïus du Village de Thoiry. La cime la plus élevée de cette montagne *e nomme le Recukt. On y trouve la Lunaria rediviva , la Sca* biofa alpina, VAJlragalus montanus, le Rauunculus thora Se l°n prétendu contre-poifon, YAconitum antbora ; Y Anémone narciffi ftora, Y Anémone pulfatilla, la Flnguïcula alpina, YAntirrfcml0 alpinum, YArenaria faxatilis Se YArenaria laricifolia ; le Jaxatilis , dont les bayes font de l'acidité la plus agréable; la C°r°* nlllaminima , la Sideritis IjyjJ'opifolia ; la Dry as octopetala, Sec. &çi CHAPITRE XVI. LES LACS DU JURA. §. 3 66. T jEs rivières qui coulent au pied du Jura & dans ïntroduc* les vallées renfermées entre fes chaînes , rencontrent en divers tion* endroits des baflins creufés par la Nature, qui fe remplilTent de leurs eaux. Ces baflins font également intéreflans, & pour les Naturaliftes, & pour ceux qui aiment à contempler des iites variés & pittorefques. Je décrirai en peu de mots ceux qui ne s'éloignent pas trop des environs de Geneve. Un des plus remarquables eft le Lac de Joux. Je l'ai vu Le Lac de pour la première fois, au mois de Juillet de cette année 1779. Joux* 11 eft il près de nous & d'un accès fi facile, que le regardant comme fous ma main, j'avois toujours attendu pour y aller, mie occafion ou un moment de loifir, qui ne s'étoit pas encore préfenté. Mr. Pictet au contraire, l'avoit déjà vu deux fois ; il me fit cependant le plaifir d'y venir une troifieme fois avec moi ; d'ailleurs le projet de répéter dans ce Lac, & dans les autres Lacs du Jura , nos expériences fur la température des eaux profondes, rendoit ce voyage également intérelTant Pour l'un & pour l'autre. Lac de Joux. §• 367. Quoique le Lac de Joux ne foit qu'à 10 ou 12 Voyage au îj n, Lac de lleues au Nord de Geneve , on ne peut pas y aller aifement ^ns un jour, parce qu'il faut faire un détour confidérable, & traverfer la première & plus haute ligne du Jura, derrière ^quelle il eft fitué. Pp 2 Rolle. Le premier jour nous vînmes diner à Rolle, jolie ville , bâtie fur le bord du Lac de Genève,. Colline de p0UR aller de Rolle au Jura , il faut gravir la haute colline la Côte. , fur le pied de laquelle font plantes les beaux vignobles qui portent le nom de la Côte. Cette colline eft en entier compofée de fable, d'Argiile & de cailloux roulés. Son point le plus élevé, déterminé par les obfervations barométriques de Mn Pictet , eft fitué dans un bois au Nord-Oueft de Vincy ; il a i ? 8 * pieds au deffus du Lac. Ponds ma. §. 36g. Entre le haut de la colline de la Côte & le Jura, écageux du , lied du Ju- on traverfe des fonds un peu marécageux. C eft une obier-a* vation très-générale , que les chaînes de montagnes d'une lon- gueur & d'une hauteur un peu confidérables, ont à leur pied des vallées marécageufes ; creufées fans doute par les eau# qui en defcendent & qui s'y accumulent. Gimel. §. 369. Après avoir traverfe ces prairies , on monte a Gimel ✓ village fitué fur le penchant d'une colline de fable & de cailloux roulés, femblable & parallèle à celle de la Côte. Nous y arrivâmes de bonne heure ; car il n'eft qu'à deux-lieues de Rolle ; cependant comme on ne trouve aucun autre gîte de ce côté-ci du Jura , il fallut terminer là cette journée* Pour tirer parti du refte de la foiré e, nous allâmes nous promener fur les hauteurs- qui dominent le village. Les cailloux roulés dont ce pays eft couvert, me parurent compo^ des mêmes efpeces que j'ai décrites dans les Chapitres iV Se V : j'y. trouvai les. Stéatites en maife Se feuilletées; les-Roches de Corne, plufieurs efpeces de Granit, Se entr'autres- Cailleux roulés. celui qui eft compofé de Jade & de Schorl fpathique ; des Roches grenatiques à bafe de Schorl, & à bafe de Pierre de Corne, &c. Un beau bloc de Granit, d'environ 9 pieds de longueur fur 6 \ de largeur & ^ de hauteur, compofé de Quartz tranfparent, de Feld-Spath blanchâtre, & de Roche de Corne verte , fut le terme de notre promenade. Nous nous affimes fur ce rocher, & nous y jouîmes de l'alpecr fingulier que prêt tentent les Alpes, lorfque les derniers rayons du Soleil teignent leurs neiges en couleur de rofe : nos lunettes nous faifoient diftinguer les glaces reiplendiffantes dont plufieurs de leurs cimes font couvertes. Le lendemain r4c. Juillet, nous partîmes à bonne heure de Gimel, après avoir obferve le Baromètre. Le réfultat de cette obfervation donna 1080 pieds pour la hauteur de ce village* *u deffus du Lac de Genève.. §• 370. A trois quarts de lieue au deffus de Gimel, nous Premières traverfâmes les premières couches du Jura, qui s'appuyent en j°"aches du Montant contre le corps de la montagne. Elles font compofées de la Pierre calcaire jaunâtre, dont j'ai parlé, §. 348, §. 371. A une demi-lieue au delà, on rencontre des cou- Couches verticales; leur direction eft la même que celle de cette vertlcaÈ5, Partie du Jura, c'eft-à-dire, à-peu-près du Nord-Eft au Sud-^ueft. §. 372. Plus haut, les couches reviennent à s'appuyer contre Indicées, montagne, & cette fituation eft la plus générale, jufquea Horizonta- à un petit quart de lieue au deffous du fommet, à-peu-près les i. vis-à-vis du Chalet ou Fra. de Rolle ; là les couches deviennent parfaitement horizontales. Au delfus de ce Chalet, elles redeviennent inclinées, mais Inclinées en ienscoutrai- ». en fens contraire des précédentes , elles svélevent contre les Alpes ; cette fituation fe foutient jufques au plus haut point du paffage, où elles font avec l'horizon un angle de ? f degrés. Réflexion fur la 'fituation de ces touches. §. 373. J'ai obferve plufieurs fois ce même phénomène» que ce n'eit pas précifément au fommet d'une montagne que les couches changent de polition. Si une montagne calcaire à couches inclinées, court du Nord au Midi ; fes flancs regardent d'un côté l'Orient, & de l'autre l'Occident; les couches orientales montent contre l'Occident, & les occidentales s'élèvent contre l'Orient. Il femble donc que la rencontre des couches montantes en fens contraire, devroit fe faire précifément au fommet, comme celle des pentes d'un toît WP fait à la frète. Cependant il arrive fréquemment , comme on le voit ici, Se comme on l'a vu précédemment, §. 3 39' que l'une des pentes chevauche ou furmonte l'autre , Se que le point où les couches afeendantes fe rencontrent , fe trouve au delfous du fommet comme dans un petit lamda a- Belle route. §• 3 74- Nous fîmes à pied la plus grande partie de cette montée ; la route qui eft très-belle, traverfe de grandes forêts de Hêtres Se de Sapins. Peu de pétrifications. Je caffai bien des pierres pour trouver des pétrifications, mais je n'en vis que des veftiges imparfaits 9 la pierre grife & compacte qui forme le cœur de la montagne , en renferme très-peu, comme je l'ai dit, §. 349. Nous mîmes 2 heures & 3? minutes de Gimel au plus haut Hauteur du point de ce paffage , qui fe nomme le Marchairu. M. Pictet 1 ' y obferva le Baromètre, & en a conclu que ce point eft élevé de ^43 toifes au delfus du Lac de Geneve. Il l'avoit obferve dans le même lieu, le 13e. Avril de cette année; & la différence entre les réfultats de ces deux obfervations ne fut que de 7 pieds, que celle-ci donna de plus que la précédente. §. 37T» Du haut de ce paffage on defcend dans la vallée Defcente de Joux, par un chemin dont la pente eft très-bien ménagée, fjj8^!. Les couches calcaires que l'on traverfe, confervent pendant quel- montagne, que tems la fituation de celles du fommet, §. 372; plus bas elles font diverfement inclinées, mais toujours dirigées fuivant la longueur de la montagne. Le premier hameau que l'on rencontre au pied de la def- LeBraflb. cente, après une bonne heure de chemin depuis le haut, fe somme U Braffti. De là on traverfe obliquement le fond de la vallée, & on Le Sentier, vfent en demi-heure au Sentier, chef lieu de la paroifle du. Chenit. §• 37^ Le fond de cette vallée eft, comme celui de la vallée plupart des vallées du Jura , couvert de prairies, mêlées de quelques champs, & parfemé de villages & d'habitations ifolées v dont la propreté & la blancheur indiquent l'aifance de leurs habitans. L'afpect de ces valle'es feroit plus agréable, fi quelques forêts ou quelques vergers en interrompoient un peu la monotonie ; mais elles font absolument dénuées d'arbres : on n'en voit qu'à une certaine hauteur fur les pentes des montagnes qui les bordent. Le Lac de JC1 je Lac de Toux, dont l'extrémité vient aboutir près du Joux, hameau du Sentier , coupe d'une manière très-agréable cette verdure uniforme. Sa largeur, qui eft d'une demi-lieue , remplit prefque tout le fond de la vallée , & fes eaux claires & azurées, bordées de forêts, de rochers, & de prairies entremêlées de jolis villages , préfentent un coup-d'œil très-doux & très-riant. Sa longueur eft de deux lieues. Son élévation eft de 317 toifes au delfus du Lac de Geneve: il y eut ici > de même qu'entre la plupart des obfervations barométriques faites dans ce voyage par Mr. Pictet , un accord très-remarquable î car il n'a pas trouvé plus de 4 pieds de différence entre plu-Heurs hauteurs d'un même lieu, conclues d'obfervations faitcS dans des jours différens & à différentes heures. Ces réfultats fe font même accordés auffi parfaitement, avec ceux qu'il avoit obtenus des obfervations d'un précédent voyage, dont les cor-refpondantes dans la plaine, avoient été faites dans un endroit éloigné de 7 ou 8 lieues de celui où l'on obfervoit le baromètre fédentaire, pendant notre dernier voyage. L'Orbe. % 377. La rivière d'Orbe paffe à 200 pas du village <*tt Sentier, & va fe jetter dans le Lac de Joux, après avoir f'u'vl dans l'efpace de 4 lieues le fond de la même val-ée , depuis le Lac des Rouffes où elle prend fa fource. Rouais. Ce dernier Lac, le plus élevé de ceux du Jura , htue *» Nord Nord de la Dole , n'a guère que trois quarts de lieue de longueur» fur une largeur beaucoup moindre. U eft bordé du côté du Sud-Oueft, par de grandes prairies marécageufes, dans lefquelles j'ai trouvé le Comarum palufire Se la Swertia perennis , plantes très-rares dans nos environs. §. 379. En allant du Sentier à l'autre extrémité du Lac Routes d« «le Joux; on ne peut pas côtoyer les bords de ce Lac; la ctarboante-montagne le ferre de trop près; la route s'en écarte fur 1a res' gauche, traverfe le grand village du Lieu, un hameau nommé le Séchay, & conduit en deux petites heures aux Charbonnières , hameau fitué fur le bord du Petit Lac, ou Lac de Brenel. ' §. 380. Ce Lac, qui n'a guère plus d'une lieue de cir- Ee petit conférence, peut être regardé comme une continuation du Lac* grand, quoiqu'ils foient prefqu'à angles droits l'un de l'autre. ïls ne font féparés que par une langue de terre, qui eft même percée par un large canal, par lequel les eaux du grand Lac fe dégorgent dans le petit. Un pont de bois traverfe ce canal & conduit au village du Pont, auquel il a donné fon nom. §. 3 81. Nous y arrivâmes à midi & demi; les Voyageurs Le Font, qui vont vifiter ces Lacs, logent ordinairement dans ce village: îi dépend de celui de l'Abbaye, qui eft fitué à demi-lieue de ^ > fur le bord oriental du Lac de Joux. Comme la journée étoit belle, Se que Mr. Pictet fouhaitoit Dent de d'en profiter 3 pour prendre au fommet de la Dent de Vau- VauIion' lion quelques angles dont il avoit befoin pour la carte du Lac de Geneve, nous montâmes au fommet de cette pointe, dont l'élévation eft, fuivant les obfervations du baromètre , de 240 toifes au delfus du Lac de Joux , & de 5^7 toifes au delfus du Lac de Geneve. Nous mîmes une heure & demie à faire à pied cette montée ; & quoique la journée fût excelfivement chaude, nous ne fouffrîmes pas beaucoup, parce que Ton monte prefque toujours à l'ombre & par une pente douce, dans des prairies bordées de Hêtres & de Sapins. La vue qne fon a du haut de cette pointe eft après celle de la Dole , une des plus belles du Jura. On découvre au Nord jufques à Pontarlier, au Midi & au Levant la plus grande partie du Lac de Geneve, tout le Lac de Neuchâtel, la ville d'Yverdun & fes environs décorés de jolies maifons de campagne ; & enfin, ce qui fixe toujours les regards des amateurs de montagnes, une grande partie de la chaîne des Alpes, dont on découvre d'ici, du côté de l'Orient, des cimes que nous ne voyons que confufémeut, ou même point du tout, des environs de Geneve. Les couches calcaires de la Dent de Vaulion defcendent » comme je l'ai dit, §. 343 du côté des Alpes, fous des angles de 30 à 40 degrés 8 & font coupées à pic du côté de la vallée de l'Orbe, au delfus de laquelle elles forment un précipice effroyable. Epreuves §, 382. Nous ne nous arrêtâmes pas long-tems fur la Dent fur la tem- r 0 pérature du de Vaulion , nous voulions encore aller avant la nuit fonder le 3ouXde Lac de J0L1X' & chercher fa plus grande profondeur^ pour y placer des thermomètres, & les y lailfer jufques au lendemain. Nous prîmes un petit bateau y & nous demandâmes qu'on nous conduifit à l'endroit du Lac le plus profond. On nous mena au pied des rochers efcarpés qui font à demi-lieue du Pont, à-peu-près vis-à-vis de l'Abbaye : là nous jettâmes la fonde, & n'ayant trouvé que 80 pieds, nous etfayâmes d'autres places, mais toutes donnèrent des profondeurs encore moindres ; en-forte que nous fûmes obligés de revenir à la première, où nous plongeâmes les thermomètres à 8 heures 40 minutes du foir. La température de l'eau à la furface, étoit de 11 degrés J, & celle de l'air de 1% |i Les thermomètres que nous lailTâmes au fond de l'eau,5 étoient, celui d'Efprit-de-vin de Micheli, renfermé dans une bouteille , §. 40 ; & un autre dont je n'ai point encore parlé. §. 3 8 3. Ce thermomètre eft de Mercure , il a été divifé par Therm»-Mr. Paul , avec le plus grand foin, fur une lame d'Argent d™7 un™ mince & étroite. Je l'introduis dans un tube de verre , dont double étui, les parois ont 9 lignes d'épailfeur ; je remplis ce tube d'eau, je le bouche avec des tampons de liège très-épais, & je le renferme dans un étui de bois , épais d'un bon pouce, cerclé de Fer, 8c fermé avec un couvercle de la même épailfeur. Lorfque la température de ce thermomètre diffère de 1 o ou 12 degrés de celle d'une eau tranquille dans laquelle on le plonge, il lui faut s heures pour la prendre. Pendant que nous fondions le Lac, & que nous pofions ces thermomètres, la bife déjà forte étoit devenue très-violente, & comme elle nous étoit directement contraire en revenant «m Pont, nos rameurs avoient befoin des plus grands efforts Pour faire avancer le bateau : un de ces efforts catfa une de Sos rames , nous n'en avions point de refte ; enforte que G nous n'étions pas venus à bout de rattraper les deux moitiés, Se de les réunir folidement, nous aurions été forcés de nous laiffer dériver jufques à l'autre extrémité du Lac ; car cette cote bordée de rochers efcarpés, n'eft abordable qu'en un petit nombre d'endroits. Tempera- Le lendemain matin 15e' de Juillet, nous allâmes relever du Lac, °n nos thermomètres; nous y arrivâmes à 6 heures -*;la chaleur de l'air étoit de 10 degrés f ; & celle de l'eau à la furface, de 10 \. Les thermomètres en revenant du fond de l'eau fe trouvèrent, l'un, celui de Mercure renfermé dans un double étui, à 8 degrés |§ ; & celui d'Efprit-de-vin renfermé dans une bouteille, à 8 l> Je ne faurois dire d'où, vient cette différence de 3 vingtièmes de degré qui fe trouva entre ces deux thermomètres ; car leurs graduations font parfaitement d'accord; &■ comme le fond de l'eau étoit plus froid que la furface, celui qui étoit le mieux garanti auroit dû fe tenir le plus bas ; & au contraire , il fe trouva plus haut que l'autre. Y auroit-il dans ce Lac, entre le fond & la furface, des eaux plus froides que ce fond , qui euffent aftèclé le thermomètre le plus fenfible pendant qu'il les traverfoit ? Mais en négligeant la différence de ces deux thermomètres? j'avoue que j'avois préfumé que nous les trouverions plus bas; parce qu'il me fembloit que dans un fîte aufli élevé , puifque la furface de ce Lac eft à 317 toifes au delfus de celui de Geneve, la température moyenne, que l'on trouve communément à la profondeur de 80 pieds, auroit dû être plus froide. §. 3 84- Nous revînmes au Pont, & nous nous mîmes en marche pour faire à pied le tour du Petit Lac, voir les entonnoirs , les moulins de Bon-port, & la fource de l'Orbe. Le LES LACS LU JURA. Chnp. XVI 309 Cabriolet qui nous avoit conduit jufques au Pont, ne pouvoit pas faire cette route , qui eft à peine' praticable à cheval. Nous l'envoyâmes faire le tour «par la grande route qui conduit à -Efclay, & nous attendre à Balaigre , où nous devions palfer en aliant à Yverdun. Entre le Pont & les Charbonnières, on voit fur les bords du Petit Lac, des puits quarrés que les gens du pays nomment des entonnoirs. Mais ces puits tiennent à une fmgularité de ces Lacs, dont il eit tems de parler. J'ai déjà dit que la rivière d'Orbe qui defcend du Lac des Quantité "D ' (t r 1 1 t d'eau que Koulles, vient fe jetter dans le Lac de Joux. Ce Lac reçoit reçoivent encore d'autres ruiffeaux, dont le plus confidérable fort d'un ces Lacs* rocher, à un demi-quart de lieue de l'Abbaye ; il a, dit-on , car nous ne l'avons pas vu, 10 pieds de largeur, fur 2 de profondeur, & une rapidité confidérable. Voyez le Ditl. Hift. de la Smjje , au mot Joux. De toutes ces eaux qui tombent dans le Lac, une partie fans doute fe diflipe par l'évaporation; il en refte cependant une quantité furabondante Se très-confidérable, qui fe verfe dans Petit Lac par le canal qui l'unit au grand. D'ailleurs, les eaux des pluies qui tombent fur toutes les montagnes dont la vallée eft environnée , depuis les Rouffes Se même plus haut, îufques à l'extrémité du Petit Lac, viennent fe rendre dans ce même Petit Lac. 11 n'en fort cependant aucune rivière; fes extrêmités feptentrionale Se orientale , par lefquelles les eaux devroient naturellement s'échapper, font barrées par des hauteurs qui s'élèvent fort au deffus de fa furface. Comment donc peut-il conferver toujours à-peu-près le même niveau ? Elles fe La Nature y a pourvu , en ménageant aux eaux des iffues dansées in- fouterraines, par lefquelles elles s'engouffrent & fe perdent aouchcs ^a*S CC n'e^ Pomt Par de lar§es canaux, ou par de grandes bouches béantes, que ces eaux defcendent dans la terre ; c'eft par les intervalles des couches verticales de la Pierre calcaire, de laquelle font compoiées les montagnes qui entourent ces Lacs, & fur-tout celui de Brenel, du côté du Couchant & du Nord. Comme il eft de la plus haute importance pour les habitans de cette vallée , de maintenir ces écouîemens naturels, fans lesquels leurs terres labourables, & même leurs habitations feroient bientôt fubmergées , ils les entretiennent avec jle plus grand foin ; & même lorfqu'ils s'apperçoivent qu'ils n'abforbent plus les eaux avec afflz de force, ils en ouvrent de nouveaux. Entonnoirs. Jx fuffit pour cela de creufer des puits de r f à 20 pieds de profondeur , fur 8 à ro de large , dans les couches minces & verticales dont les fommités paroiffent à fleur de terre , fur les bords du Petit Lac. L'eau vient fe jetter dans ces puits par des canaux deftinés à l'y conduire, & là elle fe perd en s'infiltrant dans les interftices des couches. Ce font donc ce* puits que l'on nomme des entonnoirs. On les vuide & le* nettoyé lorfqu'ils fe remrfliffent de vafe. Le plus confidérable de ces entonnoirs eft l'ouvrage de 1* Nature ; mais l'Art a fu en tirer de grands avantages. 0 e^ fitué au Nord-Oueft, fur le bord du Petit Lac, à-peu-près à 1* moitié de fa longueur , dans un enfoncement d'une montagne affez élevée, qui dans cet endroit ferre le Lac de très-près « & dont les couches font exactement perpendiculaire!» à Pho- ïizon. Comme les eaux vont fe jetter dans cette efpece de gouffre avec une grande violence, on a eonftruit fur leur paffage & au deffous du niveau du Lac , des moulins; qui fe nomment les moulins de Bon-port. Une forte digue contient les eaux, & des ouvertures pratiquées dans ces digues & munies de bonnes éclufes, en donnent la quantité néceffaire. La plupart de ces rouages font mouvoir des ici es, qui travaillent avec Une diligence finguliere : nous vîmes au moyen d'une montre à fécondes, qu'une de ces fcies à deux lames avançoit de 1 f pouces par minute, enforte qu'en moins de 10 minutes, elle coupoit deux planches de 12 pieds chacune. §. 3 8ï- On croit dans le pays, & avec bien de la raifon, ^q^06*3 que ce font les eaux abforbées par tous ces entonnoirs , que l'on voit fortir de terre, & former la fource de l'Orbe, à trois quarts de lieue au delfous de l'extrémité feptentrionale du Petit Lac. Nous allâmes voir cette fource en fortant des moulins de ^on-port; & nous la trouvâmes bien digne de la curiofité des. Voyageurs. Un rocher demi-circulaire, élevé au moins de 200 pieds » compofé de grandes affifes horizontales, taillées à pic, & entrecoupées par des lignes de Sapins, qui croiffent fur les cor-niches que forment leurs parties taillantes, ferme du coté du touchant la vallée de Valorbe. Des montagnes plus élevées encore & couvertes de forêts, forment autour de ce rocher uUe enceinte qui ne s'ouvre que pour le cours de l'Orbe, dont *a fource eft au pied de ce même rocher. Ses eaux d'une humidité parfaite s coulent d'abord avec une tranquillité majet 312 L E S L A C S D U J U R A. Chap. XVI. tueufe fur un lit tapifle d'une belle moufle verte, Fontinalit antipyretica ; mais bientôt entraînées par une pente rapide , le fil du courant fe brife en écume contre des rochers qui occupent le milieu de fon lit; tandis que les bords moins agités, coulant toujours fur un fond verd, font reflbrtir la blancheur du milieu de la rivière: & ainfi elle fe dérobe à la vue, en fuivant le cours d'une vallée profonde , couverte de Sapins, dont la noirceur eft rendue plus frappante par la brillante verdure des Hêtres qui croiifent au milieu d'eux. On comprend en voyant cette fource, comment les Poètes ont pu déifier les Fontaines, ou en faire le féjour de leurs Divinités. La pureté de fes eaux, les beaux ombrages qui l'entourent, les rochers efcarpés & les épaiffes forêts qui en défendent l'approche; ce mélange de beautés tout à la fois douces & impofantes, caufe un faififfement difficile à exprimer» Se femble annoncer la fecrette préfence d'un Etre fupérieur à l'humanité. Au ! fi Pétrarque avoit vu cette fource, & qu'il y eût trouve fa Laure, combien ne l'auroit-il pas préférée à celle de VaU-clufe.. plus abondante peut être & plus rapide; mais dont les rochers ftériies n'ont ni la grandeur, ni la riche parure qu* embellit la nôtre. J'ai dit que Ton regarde généralement cette fource comme le rendez-vous des eaux abforbées par les entonnoirs du LaC de Joux : cette opinion doit être même fort ancienne, pWf* qu'en lui donnant le nom d'Orbe, on a paru la reconnoître pour être la même, qui du Lac des Roufles vient tomber dans le Lac de Joux ; on ne pouvoit cependant avoir là deilus que des conjectures; jufques à ce qu'en 1776", un événement fin-gulier en donna la démonftration. Comme dans les années précédentes les Lacs s'étoient élevés plus haut qu'il ne convient aux habitans de la vallée de Joux ; ils réfolurent de réparer & de nettoyer tous les entonnoirs du Lac de BreneL Dans l'efpérance de les mettre à fec , ils fermèrent par de fortes digues le canal par lequel le grand Lac fe dégorge dans le petit; mais lorfque les eaux fe furent élevées à un certain point d'un côté , Se abaiffées proportionnellement de l'autre ; la prefîion de l'eau devint li grande, qu'elle fit tout à coup rompre la digue ; cette chute donna aux eaux une agitation extrême ; elles fe troublèrent de fond en comble ; & bientôt après, l'Orbe, qui jufques alors avoit toujours été parfaitement claire, parut trouble à fa fource , Se prouva ainfi que fes eaux étoient les mêmes que celles du petit Lac. La hauteur perpendiculaire entre la furface du Lac de Joux Se la fource de l'Orbe, mefurée avec le baromètre, s'eft trouvée de 6"8o pieds. §. 3 86". Je n'ai point parlé d'un troifieme Lac qui fe nomme Troifieme Lacler , par corruption, à ce qu'on dit, de Lacas tertius. On petlt iac' voit près du chemin, entre le village du Lieu Se les Charbonnières: il eft fi petit qu'on devroit le nommer un Etang Plutôt qu'un Lac. Il eft très-profond ; Se l'on dit dans le Pays, qu'il communique avec les autres Lacs par des conduits fouterrains ; mais fi cela eft, il faut que ces canaux foient très-droits , Se qu'ils ne dépenfent qu'une quantité d'eau équivalente à la petite quantité qu'il reçoit ; car comme il eft plus élevé que les autres, fi ces ouvertures étoient grandes , il fc-r°it bientôt écoulé. Il s'étend cependant à une affez grande diftance par deffous les terres qui l'entourent, parce que les Serbes de fes bords ont formé par leur entrelacement une R r furface flottante, qui s'avançant toujours, & fe garniffant d'un terreau né de la décompofition des parties qui périlTent, le fermera une fois entièrement, fi l'on ne s'oppofe pas à fes progrès. Les deux Lacs & même cet étang font très-poiflTonneux; on y pêche fur-tout d'excellens Brochets. Habîfans §. 387. Cette pêche eft un des moyens de fubfiftance des Ici v illcc \ joux. habitans de cette vallée, Ils font très-actifs & tres-induftrieux, & ils ont befoin de l'être ; car quoiqu'ils ayent des bois, des pâturages, & même quelques terres arables qui produifent de l'Orge & de l'Avoine, cependant leur population eft fi confidérable , que les productions du pays font fort au delfous de ce qu'il faudroit pour les nourrir; mais ils exercent des arts méchaniques , l'horlogerie , la ferrurerie ; ils fcient des planches , font des tavillons, & charient ces bois dans les vallées inférieures, & jufques dans les plaines. Malgré leur induftrie & leur goût pour les arts, on vante? ou du moins on vantoit beaucoup autrefois, la pureté Se 1» fimplicité de leurs moeurs. Ils formoient un peuple à part* fe marioient toujours entr'eux ; Se il eft de fait, que quoique y ait dans cette vallée trois grandes paroiffes, le Chenit, Ie Lieu & l'Abbaye, il n'y a prefque que trois familles, les R°-chat , les Reymond Se les Chaillet. Mais le fréquent abord des étrangers qui vont vifiter leurs Lacs, les voyages qu'ils font eux-mêmes plus fréquemment qu'autrefois hors de leuf pays, les ramènent peu-à-peu à la commune mefure. Un goût qui les diftingue encore, fur-tout dans la paroifle de l'Abbaye, dont le Pont forme le principal village, eft celui LES LACS DU S U R A. Chap. XVI. 3if de la mufique facre'e. Ils s'y exercent dès leur bas-âge, & ne laiflent chanter à haute voix dans leurs égîifes, que ceux qui ont une belle voix, & qui favent en faire ufage. Ainfi le chant des pfeaumes, qui dans les églifes réformées, des villages fur-tout, reifemble à peine à de la mufique, forme chez eux de vrais concerts. §. 3 88. Après nous être repofés auprès de la fource, Valorbei1 nous defcendîmes en trois quarts-d'heure à Valorbe , grand village où l'on trouve un nombre de forges & de martinets. que met en mouvement la rivière d'Orbe. Le Fer qu'on y travaille vient de la Franche-Comté. Ce Mine de n'eft pas que la partie du Jura qui appartient à la Suifle , ne Fer* contienne des mines de ce métal : on en tiroit même autrefois de la montagne qui eit derrière le village des Charbonnières ; c'étoit une mine de Fer en grains, alfez riche , dont j'ai vu des échantillons ; mais les frais de l'extraction & de la fufion, furpaflant les profits, à caufe du parti avantageux que les habitans de cette vallée retirent de leurs bois, cette mine a été abandonnée. Nous allâmes la voir, mais nous trouvâmes les puits & les galeries entièrement comblés; l'entrée prefque cachée par des ronces, avoit été pratiquée dans un roc de Brèche calcaire, compofée de fragmens calcaires auffi, de formes anguleufes Se irrégulieres. §• 3 89. De Valorbe nous remontâmes à Balaigre. En ap- BaJaîgre. Prochant de ce village, nous commençâmes à revoir les Alpes, rou^su Valeire , Mathou, SulTéve & les Trois-covagnes. On a en fat-fant cette route de très-beaux points de vue fur le Lac d'Y* Verdun. On eft frappé, en confidérant ce Lac, de l'étendue qu'il a dû avoir anciennement ; car les grandes prairies maré-cageufes & horizontales , par lefquelles il fe termine du côte du Sud-Oueft, ont été indubitablement autrefois couvertes de fes eaux. Nous aurons occafion de faire la même obfervation fur l'autre extrémité de ce mê/ne Lac. "Bancs de §. 391. En paffant à SulTéve, qui eft à une lieue & un Molaffe. quarfc ^Yverdun , je remarquai des bancs de Molaffe ou de Grès tendre, inclinés en montant contre le Jura. Pierre cal- §• 3 9 2. Un quart de lieue plus loin, c'eft-à-dire, à une caire jaunâ. tifce d'Yverdun , on voit commencer les couches de Pierre calcaire jaunâtie , dont j'ai parlé, §. 348. Je chercn^ des coquillages dans celles qui bordent la grande route; j'en trouvai beaucoup de fragmens ; & fur-tout de bivalves ; mais rien d'entier, ni même de bien diftinct. §. 393. Le 16 de Juillet, nous allâmes d'Yverdun coucher à Neuchâtel : la diftance de ces deux villes n'eft que de 7 lieues, & l'on peut à rigueur les faire dans une matinée ; mais nous préférâmes de dîner à Colombier , joli village fitué au bord du Lac, à une lieue & demie de Neuchâtel : nous y avions des connoifîances pour lefquelles feules nous euffions fait volontiers ce voyage, J'observai la température de l'eau d'une belle fontaine > qui eft dans la cour de la maifon où nous dînâmes : je la trouvai de 8 degrés f, c'eft-à-dire, précifément d'un degré au delfous du tempéré; quoique la journée fût exceflivement chaude. §. 394. La longueur du Lac de Neuchâtel, car on lui donne indifféremment le nom de cette ville ou celui d'Yverdun, eft de 8 lieues, & fa plus grande largeur de 2. Il eft très, Poiffonneux, & fes bords, fur-tout au Couchant & au Nord, font très-bien cultivés, très-peuplés, & préfentent les afpects fes plus riants. Lac de Neuchâtel. On y trouve, comme fur les bords du Lac de Genève, Cailloux des cailloux roulés de différens genres, & des blocs confidéra-kles de Granit & d'autres pierres alpines. On en voit beaucoup entre Yvcrdun & Grandfon. Couches Ce Lac eft beau coup plus voifin du Jura que le notre, for-tout dans fa partie feptentrionale , où il baigne les couches du ju*a. les plus baffes de cette montagne. On paffe fur ces couches en divers endroits de la route* d'Yverdun à Neuchâtel : elle* montent pour l'ordinaire contre le corps de la montagne : on en trouve pourtant au delfus du village de Vaumarcus , qui font prefque perpendiculaires à l'horizon, ôc dont la direction n'eft point parallèle à celle du Jura. Mr. De Luc , en prenant une moyenne entre deux obfervations du baromètre, a fixé l'élévation du Lac de Neuchâtel, au deilus de celui de Geneve, à 26 toifes \. Voyez fis Re* cherches fur les modificatioms de ïathmofphere, T. II, p. 220. Mais les obfervations de Mr. Pictet , donnent environ 3 * toifes ; & comme il en a fait cinq qui s'accordent fort bien entr'elles, ce dernier réfultat paroît mériter plus de confiance. §. 39^ En arrivant à Neuchâtel nous allâmes defcendre chez Mr. ^auche , Éditeur de cet ouvrage : il avoit eu la po-liteffe d'exiger à l'avance, que nous prendrions un logement chez lui. Nous fûmes reçus par lui-même & par la famille» avec toute l'honnêteté 8c toute la cordialité imaginables. Les deux jours que nous pafïames à Neuchâtel, furent infiniment agréables. Quoique la ville foit petite , puifque f* population ne va pas au delà de 3000 ames, il y a très-bonne compagnie, & beaucoup de Gens de Lettres. On y jouit eft général d'une honnête aiiance , & il y a même des maifons d'une très-grande opulence. Les étrangers y font fort bien accueillis, & nous en finies l'heureufe expérience, dès le (oit même de notre arrivée. Nous étions allés avant fouper faire vifite dans une maifort Hauteur du lac de Neuchâtel. Promenade fur le Lac, célèbre dans la Suifle par fon architecture, mais dont les maîtres font connus dans le pays & au dehors , par leur goût pour les lettres, & par mille qualités aimables & intéreffantes. Nous avions dit dans cette vifite, qu'un des motifs de notre voyage étoit d'éprouver la température des eaux du Lac : mais nous n'imaginions pas d'aller fur le Lac dès le jour même, & en auffi bonne compagnie. Nous fûmes donc très-agréablement fur-pris quand an heures du foir, nous fûmes invités à monter en bateau pour entendre de la mufique, & commencer nos expériences. Cette foirée fut, délicieufe ; la plus belle nuit du monde , fraîche , calme & fereine fuccédoit à une journée très-chaude; d'habiles Muficiens, placés fur un autre bateau , à une diftance convenable , exécutoient des morceaux choifis, analogues au moment; & de beaux échos qui répétoient des paffages entiers, fembloient prouver que toute la Nature prenoit part à ce concert. Cette fête charmante & inattendue faifoit un C fingulier contrafte avec les vallées de Joux & de Valorbe, dont les images étoient encore empreintes dans nos têtes ; que plus d'une fois je crus que c'étoit un rêve ou un enchantement. §. 3 96. Nous ne prîmes pas ce moment pour nos expé- Tempéra. Pences ; on auroit pu nous foupçonner de quelques diftrac- JuUc^ tions. Mais le lendemain, 17 juillet, nous allâmes fonder le ï-ac, fous la conduite de Mr. Heinzely, l'un des Pafteurs de la ville de Neuchâtel, homme très-inftruit , qui aime la navigation , & qui connoît parfaitement le Lac. Nous trouvâmes a demi lieue du bord, au Midi de la ville , une profondeur de 3zf pieds. Nous y plongeâmes les deux thermomètres à 8 heures 20 minutes du matin, La température de l'air étoit <*e 15 degrés £ , & celle de l'eau à la furface, de 14 degrés $ Nous relevâmes nos deux thermomètres, l'après midi à 4 heures 40 minutes ; nous mîmes 4 minutes à les retirer de l'eau ; & nous trouvâmes celui de Mercure, renfermé dans les tubes de verre & de bois ( §. 383.)» précisément à 4 degrés; Se celui d'efprit-de-vin, renfermé dans une bouteille, à 4 degrés ^ La température de l'air étoit de 19 degrés & celle de la furface de l'eau 18 |. "Réflexions §, 397, Voila donc la température du fond du Lac de édence. " Neuchâtel au 17e. de Juillet, exactement la même que celle du Lac de Geneve au 12e. de Février. Et il ne faut pas croire que ce foit un phénomène particulier au Lac de Neuchâtel ; car les expériences que j'ai flûtes régulièrement de mois en mois, fur la température du Lac de Genève, prouvent, que même à une profondeur qui n'excède pas 150 pieds, il n'y a pas eu de changement fenfible. Je donnerai ailleurs les détails de ces expériences ; mais en attendant je rapporterai ici une des plus frappantes. Le thermomètre plongé le 5 e. Août vis-à-vis de Genthod, à la profondeur de 150 pieds, s'eft trouvé en fortant de Peau, à 4 degrés ,|, tandis que la chaleur de l'eau à la furface, étoit de 17 degrés. Or j'avois trouvé le 17e. Février, la température du fond du Lac dans le même lieu de 4 degrés |. La différence n'eft donc que de 14 centièmes de degré ;& cette légère différence doit être attribuée à l'impreflion que produifent fur le thermomètre les couches d'eau plus chaudes qu'il traverfe en remontant, plutôt qu'à une augmentation de la chaleur du fond même. Nous répéterons ces expériences dans d'autres lieux Se à différentes ■ différentes profondeurs, nous penfons même à aller les tenter dans la Mer ; car celles que l'on a faîtes jufques à ce jour, font abfolument imparfaites & infuffifantes, §. 39S- Nous quittâmes Neuchâtel le lendemain au foir, Cerlier. & nous allâmes coucher à trois lieues de là , dans un -village nommé Cerlier, fitué au bord du Lac de Bienne. Nous en repartîmes de très-bon matin pour aller répéter encore dans ce Lac, l'obfervation de la température des eaux profondes. Le Lac de Bienne eft fitué, comme celui de Neuchâtel, ! >iennc. immédiatement au pied de la première ligne du Jura; Ces deux Lacs ne font féparés que, par des plaines , qui furent Vraifemblablement autrefois couvertes de leurs eaux, alors réunies, ï-a longueur de celui de Bienne eft environ de trois lieues , for une petite lieue dans fa plus grande largeur. D'après les informations que nous prîmes, fa plus grande profondeur eft à-peu-près au milieu de fa longueur & de fa largeur, à une iieue 8c demie de Cerlier. Nous y jettâmes la fonde, quf s'ar, rêta à 217 pieds de profondeur. Nous plaçâmes dans cette.. endroit, à 6 heures 2 S minutes du matin, le thermomètre d'Ef-Prit-de-vin renfermé dans une bouteille : la température de l'air étoit d'environ if degrés, 8c celle de l'eau à la furface, de 16 §• 399- Pendant que le thermomètre reftoit au fond de IdedeSfc i, ^ Pierre. 1 <-au , pour en prendre la température , nous revinmes lur nos Pas pour voir l'Isle de St Pierre , fite charmant bien digne de fa reputation. Nous l'avions laiffée fur notre gauche, à trois ^arts de lieue de Cerlier. Cette Isle eft fituée au tiers de la longueur du Lac, à une S s égale diftance des deux bords ; elle a un petit quart de lieue-de longueur , fur environ dix minutes de largeur. Ceft une colline d'une forme irréguliere s dont le plus haut point eft élevé, fuivant une obfervation du baromètre faite par Mr. Pictet, de 121 pieds au deffus du niveau du Lac; & le Lac lui même eft élevé de 178 pieds au delfus de celui de Geneve. Cette colline en pente douce du coté du Midi, fe termine vers le bas par une petite plaine, dont nous trouvâmes une partie couverte de riches moilfons , & le reftc de prairies de troupeaux. Un affez grand vignoble occupe la pente orientale qui eft plus rapide. Au delfus de ces vignes , on trouve des vergers, & au deffus des vergers, une forêt de Chênes, qui couronne toute la fommité de flsle dans fon plus grand diamètre. On a coupé dans cette forêt une large & belle allée, qui côtoyé le bord occidental de l'Isle. Ce bord , taillé prefqu'à pic à une affez grande profondeur , paroit un pen fauvage : mais cet afped ne fert qu'à faire briller davantage les riches payfages que préfente à cette même promenade & côte occidentale du Lac , la Neuve-ville, le Landeron & d'autres beaux villages, bâtis dans de grands vignobles au pied di* Mont Jura. La côte orientale du Lac forme auffi avec celle-là un contrafte piquant ; fes bords élevés & efcarpés ne montrent que des rocs nuds ou des forêts couronnées par les Alpes, dont elles ne biffent voir que les fommets les pins élevés. Au milieu de cette allée qui traverfe l'Isle dans toute fa longueur, on trouve dans une prairie un pavillon oclogone* ombragé par de grands Chênes, & deviné à fervir d'abri a ceux qui viennent s'y promener. Ainsi cette Isle, dans un efpace affez petit pour être potïédé LES LACS DU JURA, Chap. XVL 323 par un feul homme, & atTez grand pour nourrir une famille nombreufe , & pour n'avoir pas comme d'autres petites Isles, l'apparence d'une prifon, fournit prefque d'elle-même les productions les plus utiles & les plus variées, le bled, le vin, les fruits, le fourrage, le bois, le poilfon ; & on y trouve des xetraites mélancoliques, des fîtes doux & paifibles, d'autres riches & brillants. Je ne crois pas qu'il y ait au monde un lieu qui fut plus fufceptible d'être décoré dans le goût des jardins Anglois ; mais il faudroit que l'Art eût bien foin de fe cacher, pour ne pas gâter un ouvrage forti prefque parfait des mains de la Nature. Tous les agrémens de cette Isle font perdus pour fes maîtres actuels, qui font de nature à ne pouvoir jouir que de fes productions utiles; c'eft l'Hôpital de la ville de Berne à qui elle appartient : il y a fait bâtir une ferme & une auberge ; on arrive là par un canal creufé dans la partie la plus baffe de l'Isle. & ce canal fert en même tems de port pour les bateaux. Le fol de l'Isle, dont on voit la coupe verticale tout près du point le plus élevé, à fon extrémité du côté du Nord-Eft, préfente fous la Terre végétale, du fable, puis de l'Argille niolle, puis une Argille durcie & colorée ; & enfin des bancs d'un Grès fin , médiocrement dur, dont les carrières font actuellement exploitées, & qu'il ne faut pas oublier dans l'énu-mération des dons que la Nature a faits à cette Isle charmante. §■ 400. Il fallut nous en arracher pour relever notre ther- Tempéra- ^ m /■ " turt; du Lac mometre, & continuer notre voyage. Nous le trouvâmes a ? de Bienne. degrés |; il étoit 8 heures & 10 minutes, & par conféquent 11 avoit féjourné dans l'eau pendant z heures |. La température Ss z de l'air étoit de 17 degrés f, & celle de l'eau à la furface, de 16 degrés |. Le fond du Lac de Geneve eft plus frais que celui-ci, même à de moins grandes profondeurs, ( §. 397. ) : fans doute parce que les courans qui glilTent fur ce fond, portent à de grandes diftances la fraîcheur des eaux les plus profondes. rLRCdeMo' ft 401.-De retour à Cerlier, nous en repartîmes fur le champ pour aller dîner à Morat, qui en eft éloigné de trois grandes lieues. Nous traverfâmes les marais qui font à l'extrémité feptentrionale du Lac qui porte le nom de cette ville > & nous faillîmes à y refter embourbés. Ces grands marais horizontaux , peu élevés au delfus du niveau du Lac, ont été vraifemblablement autrefois couverts de fes eaux : & alors les trois Lacs, de Neuchâtel, de Morat & de Bienne , étoient renfermés dans un même baffin. De Morat nous revînmes à Geneve en deux jours Se demis après avoir fait en neuf jours, un voyage intéreffant pour des Phyficiens, & rempli de mille avantures plaifantes que je n'ai point ofé raconter ; mais qui auroient été dignes de la plume d'un Bachaumont ou d'un Boufflers. CHAPITRE XVII. LA PERTE DU RHONE, (i). §. 402. Le Rhône après avoir franchi le paffage étroit de l'Eclufe, entre l'extrémité du Mont Jura & le Vouache, tourne autour du pied de la montagne du Credo. Le pied de cette niontagne eft ( §. 214. ), compofé de Grès, de fable, d'Argiile & de cailloux roulés. Toutes ces matières, peu cohérentes entr'elles, fe laiffent creufer par le Rhône, qui au lieu de s'étendre en largeur, fe rétrécit & s'enfonce confidérable-nient. Ce même fleuve qui auprès de Geneve, au deffous de fa jonction avec l'Arve , a une largeur moyenne de 213 pieds, n'a fous le pont de Grezin , à deux lieues au deffous de l'Eclufe1, que 1 ^ à 16 pieds de large ; mais il a en revanche une très-grande profondeur. A demi-lieue au deffus de ce même pont, le Rhône coulant toujours dans un lit profondément creufé dans des terres ar-giUeufes, rencontre un fond de rochers calcaires , dont les bancs horizontaux s'étendent par deffous les Argilles. Introdtx-don. . fOMr. Guittard a donné à l'Académie des Scienees , un Mémoire fort étendu fur plufieurs rivières de Uor-Candie, qui entrent en terre & qui en TeJP>rtcnt enfuite, £«? fur quelques au-tre* de la France Mem de YAcad. pour A la fin de ce Mémoire, Mi.GueT-Tard donne une defcription & un àe{Tin de la perte du Phone. Mais 86 n'eft point ce Naturalise céiebie qui l'a obfervée lui même ; le deffin & la defcription qu'on lui a envoyés, paroiffent même avoir été faits, plutôt d'après un fouvenir confus, que d'après la Nature. Je tâcherai de donner des idées plus juftes „ & plus approfondies de ce phénomène , fans rn'arrêter à relever les inexactitudes de la defcription que je viens de citer. Quant au deffin je crois que l'on peut s'en paifer. On croiroit que ces rochers qui paroiffent durs fous le marteau, auroient dû mettre un obftacle aux érofions du -Rhône , & l'empêcher de s'enfoncer davantage ; mais au contraire , il * pénétré dans ces rochers beaucoup plus avant que dans les terres ; il les a même creufés au point de fe cacher, & de difparoître entièrement. C'eft-là ce qu'on appelle la Perte du Rhône. Noms des ïl y a peu de Voyageurs qui Ment la route de Lyon * villages les ^ r ■ i \ . r. \ uJL plus pro- Genève, fans mettre pied a terre pour voir cette fmgulante. ches- Les payfans de Coupy, hameau fitué à un quart de lieue au delfus de la Pofte de Vanchy, & qui domine immédiatement la place où le Rhône fe perd, follicitent les Voyageurs d'aller voir cette merveille. chofffrf°pour ElLE n'eft pas également admirable dans toutes les faifons. voircephé- En été, lorfque les eaux font grandes , elles ne peuvent pa$ -aomene. . . 11, . p, toutes entrer dans l'excavation du rocher : mais en hiver & au printems, le Rhône s'engloutit & difparoît en entier, & le fpecfacle qu'il préfente alors, eft très-intéreffant. Defcription §. 403. Le Rhône, avant d'arriver à fa perte , coule comme de 'a perte r rf du Rhône, nous venons de le voir, dans un lit profond qu'il s'eft creuie dans des terres argilleufes. Ce lit redevient cependant plLlS large ; & comme il eft très-égal & en pente douce, les eau* ne font point agitées, & coulent avec une tranquillité majef-Entonnoir tueufe. Mais lorfque le Rhône arrive fur le banc de rocher l«nRHoTe a pu en revoir aucun. On dit même toient au 1 J r delîus de la qu'on y a jette un Cochon vivant, comme un des animaux perte* terreftres les plus habiles à la nage ; mais qu'il n'a point reparu. Pourquoi. On devoit bien prévoir que ce pauvre animal feroit écrafe contre les rochers entre lefquels le Rhône fe précipite, & qu'ainfi fon habileté à la nage ne pourroit le préferver de la mort, ni le ramener à la furface de Peau. Quant aux autres corps que leur légèreté feule devroit ramener h flot, il faut confidérer que le Rhône ne reparoît pas tout entier dans une feule place ; mais que relferré comme il l'eft dans une fente étroite, fes eaux acquièrent une très-grande vîteffe, '& remontent par des lignes obliques, dont plufieurs s'écartent beaucoup du premier endroit où l'on commence à le revoir. D'ailleurs ces eaux doivent prendre dans ces gouffres profonds, des moU-vemens de tournoyement, qui ôtent pendant long-tems aux corps légers, le pouvoir de remonter à la furface ; & comme-cependant elles fuivent toujours la pente qui les entraîne, ces corps ne peuvent furnager qu'à de grandes diftances. I1 n'e^ / donc pas étonnant qu'on ne les ait pas vu retfortir auprès de l'endroit où le Rhône commence à renaître. §. 406. Si l'on demande la raifon de ces excavations pro- La rature fondes que le Rhône a formées dans ces rochers, je croirai eft u'caulfe pouvoir la trouver dans la nature même de la pierre dont des profondes excava- ces rochers font compofés. C'eft une Pierre calcaire , qui fe dons , du ramollit dans l'eau, & qui par conféquent, fe JaiiTe ronger Rhone* par elle avec beaucoup de facilité. Cette difpofition de cette pierre , fe manifefte de mille manières différentes. Quand on eft defcendu fur la corniche , & qu'on côtoyé Exfoliatlo* 1 ( des rochers, les parois intérieures du grand canal, on voit les rochers qui forment ces parois , ramollis par les eaux qui diftillent des terres qui les couvrent, s'exfolier d'eux-mêmes , & les feuillets qui s'en détachent, fe brifer entre les doigts. C'est le peu de folidité de cette pierre, qui eft caufe qu'il Leurs ébo»-s'en détache ces grands fragmens, fous lefquels le Rhône fe leraens' perd. Le pont que l'on avoit cru bâtir avec folidité fur les grandes aflifes de rochers qui bordent le canal, s'éboula il y a quelques années avec les rochers qui le portoient, & Ton a été obligé de le reconltruire plus haut, Se de l'alTeoir fur une *arge bafe de maçonnerie. La facilité de ces rochers à fe lailfer ronger par les eaux, ,Puitî cfClî~ r , fés par les ie manifefte encore par un nombre de trous ou de puits ronds, eaux. ^e plufieurs pieds de largeur, Se d'une grande profondeur, Hue l'on rencontre en divers endroits fur les. bords du grand 332 LA P E R T E D U RHONE Chap. XVIL Excava-' §. 407. Ce n'eft pas le Rhône feul qui a profondément creufe VaTfccUine^ ces rochers : *e ruiffeau de la Valfcelline, qui paffe fous le pont de Belle-garde, & qui vient fe jetter dans le Rhône, à 2 on 300 pas au delfous de fa perte, s'eft creufé dans ces mêmes rochers un lit d'une profondeur étonnante. C'eft un afpecf très-fingulier, & bien digne de la curiofité des Voyageurs, que celui du confluent du fleuve avec ce ruiffeau. C'eft un immenfe abîme, bordé de rochers calcaires taillés à pic , & dont on diftingue les couches horizontales. Au fond de cet abîme , contre l'un de fes bords, on a conftruit: un moulin qui femble inacceflible de tous côtés, & qui doit faire l'habitation du monde la plus finguliere. AfpeAs §. 408. Le canal au fond duquel coule le Rhône après fa imguliers du irr , . _ . . , . , . » canal du renailiance, mente aufli d'être vu dans -la belle faifon : fes borus deffousdeft ta^s a P*c > a une profondeur de 100 à i?o pieds, font perte. bordés d'arbres, dont les branches fe joignant d'une rive a l'autre, forment au deiTus de ces abîmes un berceau prefque continu, & y répandent une obfcurité qui les rend plus éton-nans & plus terribles. Ce même fite a en hiver un autre genre de fingularité ' toutes les pointes faillantes de ces rochers font chargées d'un nombre de grandes ftalactites de glace, qui femblent des luftreS de cryftal deftinés à éclairer ce profond défilé. La profon- §• 4°9- Toutes ces excavations s'approfondilTent de jour excavation? en JQUr * les gens du Pays le témoignent unanimement. ^n s'augmente ne s'en étonnera pas fi l'on confidere faction que le Rhône continuelle- fnll# ment. doit exercer contre fon fond , fur-tout quand fes eaux w*1 grandes. On fca vu pendant l'été de 1777, s'élever jufques a Un demi.pied du pont de Lucey, & par conféquent à f4 pieds|^ au delfus du point où arrivoit la furface de fes eaux, le 28 Février de l'année fuivante. Mais il avoit même alors, au moins ï S pieds de profondeur. Donc fa profondeur totale étoit d'environ 70 pieds. Et ce ne font pas feulement les particules de l'eau , qui exercent contre le lit du fleuve une force corrofîve : le Rhône au deffus de fa perte paffe au pied du Credo : cette montagne s'éboule continuellement, & jette dans fon lit du fable & du gravier qu'il entraîne avec lui. Or on conçoit aifément que ces matières dures, preflees avec tout l'effort, & chaffées avec toute la vîteffe que doit donner une colonne d'eau de 70 pieds de hauteur, doivent ronger ces rochers avec la plus grande force. §. 410. Le banc fnpérieur des rochers calcaires dans lef- . Pétrîfiea-quels le Rhône fe perd , eft rempli de coquillages pétrifiés. perte du Ceux qui y font les plus fréquens , font les Turbinites & les Rhone* Cornes d'Ammon., Mrs. De Luc confervent dans leur cabinet, Une Corne d'Ammon de 3 pieds, de diamètre, qui a été tirée de ce banc de rocher. Mr. Geissler y a trouvé une très-belle Huître , de forme à-peu-près circulaire , & de 6 pouces de diamètre. ■ Mais il eft bien remarquable que tandis que ce banc renferme une fi grande quantité de corps marins, les bancs infé* rieurs , qui font pourtant comme lui de nature calcaire, n'en 'enferment point du tout, ou du moins en fi petite quantité % ^Ue les payfàns des environs, très-exercés à chercher des pétri, dations pour les offrir aux étrangers, n'ayent jamais pu en 334- E A PERTE DU R H 0 K E. Chap. XV1L découvrir aucune. Les recherches que j'ai faites moi-même n'ont pas été plus fruefueufes. pyrites. §. 41 r. Ces mêmes payfans offrent aufli aux curieux des groupes de Pyrites fulfureufes cubiques, qu'ils trouvent dans l'intérieur d'une couche mince d'Argiile , qui eit fituée au deffous du banc de pierre coquilliere dont je viens de parler. Coquilla- §. 412. Les collines qui dominent la perte du Rhône» des coUinea renferment aufli beaucoup de coquillages fofliles. Ces collines voifines. font comme nous l'avons déjà vu, compofées de couches horizontales de fable & d'Argiile. J'y ai ramafle des Cornes d'Ammon de différens genres ; quelques - unes remarquables par les côtes ou nervures régulières dont elles font relevées ; des Gryphites ftriées, quelques petits Echinites, & des fragment d'Orthocératites. Ces corps marins fe trouvent pour l'ordinaire renfermés dans une Argille verdâtre ; ils font eux-mêmes changés en une Pierre calcaire, mélangée d'Argiile. Cette matière fe durcit à l'air , mais dans la terre 'elle eft très-fragile ; fouvent les coquillages fe rompent fous les doigts au moment où on les tire de terre. C'eft fans doute pour cette raifon que l'on ne trouve point d'Orthocératites complettes ; je n'en ai pu obtenir que des fragmens. CcsfofTilles §. 4T3. Les coquillages pétrifiés de la perte du Rhofl£S PIERRES LENTICULAIRES. Lentïcu- §. 415. u>(Jr ce banc de rocher calcaire qui, au deffus de la JJJ]£| du 13 Perte du Rhône, renferme des corps marins pétrifiés (§. 410.)' Hhône. on trouve de grandes maffes de Pierres lenticulaires d'un genre fort fingulier , & qui différent entièrement des Lenticulaires communes. Celles-ci même font un des foffiles dont la nature eft la moins connue. Comme j'ai voyagé dans des pays qui en renferment une grande quantité, j'en ai formé une collection qui m'a mis à même de faire des obiervations propres à répandre quelque jour fur Porganifation de ce fingulier foflifô Je parlerai donc d'abord des Lenticulaires ordinaires, & je viendrai enfuite à celles de la perte du Rhône. ^ Lentïcu- §. 415. Ce folfile eft connu non-feulement fous le nom mu nés, de Lenticulaire, mais encore fous ceux de Nummulaire , de Numifmale, de Frumentaire , & de Porpite. Sa forme eft cll> culaire, applatie, un peu relevée vers le centre , & allant en s'aminciflant vers les bords. Ce foffile ne préfente à l'extérie«r aucun indice d'organifation ; mais lorfqu'il fe refend en deU* feuillets parallèles k fa plus grande furface , on voit qu'il V 8 dans l'intérieur un canal creufé régulièrement en fpirale. Cette fpirale a fon centre dans le centre même du corps du foflUe 9 & elle vient, après avoir fait un grand nombre de révolutions» aboutir à fa circonférence. J'ai compté jufques à 38 rL'v0* lutions de cette concavité fpirale dans une Nummulaire de Vérone , qui n'avoit qu'un pouce de diamètre. Des cloifons tranf- verfale* verfalcs très-nombreufcs, divifent ce canal en un nombre aufli grand de petites cellules : & comme ces cloifons ne font point percées, les cellules qu'elles féparent n'ont aucune communication vifible , ni entr'elles , ni avec le dehors de la coquille. Ces cellules font ordinairement vuides, excepté quand elles ont été remplies par des infiltrations. Comme toutes les figures de ce foflile , qui font parvenues à ma connohTance , font très-imparfaites , & ne repréfentent point exactement fon organi-fation intérieure, j'en ai fait faire un deifm très-exael: par Mr. Geissler , Pl. III, fig. 2. Les petites lettres indiquent la grandeur naturelle du foflile, & les majufcules le repréfentent grofli par une loupe. Les lettres C, c, montrent l'extérieur d'une Lenticulaire entière vue en face ;A,a, montrent l'intérieur de ce même foflile, fon canal fpiral Se fes cloifons: enfin B, b3 le repréfentent de profil & un peu brifé, pour lailfer voir les couches ou les enveloppes concentriques dont il eft formé. §. 417. On les trouve dans une infinité d'endroits ; mais je Lieux où fl'en ai vu nulle part des amas aufli confidérables qu'en Picardie , es trou* dans les environs de St. Gobain ; il y a des rochers calcaires qui en font remplis. On en trouve aufli qui ne font point adhérentes entr'elles les allées du jardin de la manufacture des glaces, font fablées uniquement de ces Nnmmulaires. §• 4'8. Mr. J. E. Walch dans fon grand Se bel ou- Opinions Vrage fur les Pétrifications , a confacré un article aux Pierres liftes fu^îeï Numifmales ou Lenticulaires. Il les nomme Hélicites, à caufe Lentlculul* Qe leur fpirale intérieure. Voyez Naturgefchkhte der Ferf-teinerungen, Nuremberg , fol. 17^8 , Vol. I , p. 61, Plante A3 VIII. V v Diverfes Mr. Walch , rapporte dans cet article les diverfes opinions opinions ou ,.rt „ r Chev. de des Naturaliftes fur ce fofïïle. Celles de Linnjeus font les ce foffik™ feilIes qu,il Paffe fous mence. Elles font cependant remarquables , ne fût-ce que par leurs variations. Ce célèbre Nomenclateur plaça d'abord la Lenticulaire dans la claffe des Madrépores. 11 la nomma Madrepora Jiffl- pïex orbicularis , plana , flellà convexâ. Voyez Differtatio de Coralliis Balticis, habita 8°. Junii 174? : Aman. Acad. T. P- *94, fig. V. Ensuite , dans la defcription du cabinet du Comte de TessiN» imprimée en 1773 , il changea d'avis, & regarda la Lenticulaire comme une efpece de Médufe ; il la nomma Helmintho-littts Zoophyti Medufa. Voyez Alttf. Teffm, p. 96- M donna même l'année fuivante 1754, dans une differtation Académique, intitulée Chinenfia Lagerfiromiana, la defcription & la figure de cette Médufe , qu'il croyoit être l'original de la Lenticulaire. C'étoit une production marine, apportée des Indes par M1'* Lagerstrom , de figure orbiculaire , applatie , fîllonnée de ftries, les unes circulaires concentriques, les autres droites & tendant du centre à la circonférence. Amœn. Acad. yT. IF> P- %hu fig.- 7 & 8. Enfin dans le Me. voL du Syftema Natitm, publié en i> il revient à fa première opinion, Se place la Lenticulaire foifi le nom de Porpita (i}9 au rang des Madrépores pétrifiés, peller en Anglois button Jlone, ou iyrrf bouton : Mais comme il lui faU01t un nom fcientiiique , il l'appella Porpit.tl du grec, iropTrq, qui cependant figO* une ayrajfe plutôt qu'un bouton. il) Pî.ott dans fon Hift. Natiir. de la province d'Oxford , eft je crois, le premier Naturalise , qui nit donné à ce foflile le nom de Porpitt. Sa forme convexe & arrondie » l'avoit engagé à l'ap. LENTICULAIRES Whp. XPIIL 339 $iclmintholithus Aladrepora dcperditœ ; quoique le mot de de* perditœ prouve qu'il ne croyoit plus comme il l'avoit cru d'abord , qu'elle fût la pétrification de la Madrépore fimple, or-biculaire, qui fe trouve dans nos Mers. Il témoigne cependant , qu'il doute encore fi ce n'eft point une Médufe, comme il l'a dit dans le T. IFdes Amamitates. Après avoir difcuté les différentes opinions qu'ont eu les Seruiment Naturalistes fur ce fmgulier foflile, Mr. Walch finit par em- \\/alc'k. braffer le fentiment de Mr. Breyn , qui l'a placé dans la clafte des coquillages chambrés tels que font les Cornes d'Ammon, les Nautiles, &c. Breyn differtatio Phyfica de Polythalamiis Le même Gedani 1733 40. Mr. Walch croit même trouver l'analogue ^Ic.Breyn^ vivant des Nummulaires, dans le Nautile microfcopique auquel le Docfeur Bianchi a donné le nom de Cornu Hammonis bttoris Ariminenjis minus, vulgare, orbiculatum, Jîriatum, umbilico prominente, ex quo ftrix & loculammta omnia prodeunt. Voyez Jani Planci Ariminenjis de conclus minus notis liber, p. 10 , $ I,fig.IU Lettres E, F. §. 419. Mais après avoir obferve les Nummulaires avec dK*?otatf°? beaucoup de foin , j'ai trouvé qu'elles différent efientiellement, mon, non-feulement de ce Nautile microfcopique , mais encore de ^us les Nautiles chambrés, Se de toutes les Cornes d'Ammon Connues. l& 420. Premièrement on ne trouve dans les Numifmales aucun : Les Leati. veftige de fcyphon , ou de canal de communication entre les Î&™*ucij» G°ncamérations dont elles font compofées. J'ai cafte un très- fcyphon. Srand nombre de Nummulaires, petites & grandes, même de celles qui ont plus de deux pouces de diamètre, que j'ai V v a trouvées au demis de Vérone, & je me fuis convaincu qu'à moins de quelque fracture accidentelle , les cloifons font im-perforées, enforte qu'il n'y a ni canal ni aucune autre ouverture qui établifle aucune communication entre les chambres intérieures de ce foflile. Or ces communications font fi bien de l'effence des Ammonites & des Nautiles chambrés , qu'on les retrouve même dans les Ammonites, & dans les Nautiles microfeopiques. On peut les voir dans la figure qu'en a donné Gualtieri , Pndex Teflarum Conchyliorum , Tab. XIX. Vîtes CdeSCa* §• 421- ^ féconde différence que j'obferve entre "les Nautiles cloifons re- & les Lenticulaires, c'eft que dans ceux-là les cloifons qui fépa- rçardent lin- 1 1 teneur de la rent les chambres, ont leur concavité tournée vers le dehors coquille. du COqUiiîage ? enforte que le fond de cette concavité reçoit comme dans un berceau, la partie poftérieure de l'animal. Dans les Lenticulaires au contraire , la concavité des cloifons regarde l'intérieur de la coquille. Voyez la Planche III » ligure 2, A , a. cutàre^fc" ^' ^22, ^A trm^leme fingularité remarquable dans ce foflile , & refendent par laquelle il diffère des Cornes d'Ammon & des Nautiles, c'eft fa facilité a fe divifer en deux feuillets égaux : cette divih°n partage en deux parties égales Se femblables, toit le'canal fpiral, fes cloifons Se fes chambres ; Se met ainfi en évidence la ftruéture intérieure de ce foflile, qui fans cela n'eut peut-être jamais été connue. Or on ne connoît aucun coquillage uni-valve , foit foflile, foit naturel, qui ait la propriété de fe tager ainfi : lorfqu'on veut démontrer la ftruefure intérieure d'une Corne d'Ammon, d'un Nautile ou de tout autre Limaçon, on eft obligé de le feier par le milieu, ou de ,'uier jufques à la moitié de fon épaiifeur. Les Nunufmales au contraire» d'elles-mé-mes. fe trouvent fouvent dans la terre, déjà divifées par des acci-dens naturels ; & celles qui font entières, fe partagent pour l'ordinaire , lorfqu'après les avoir échauffées on les jeté dans de l'eau froide, ou lorfqu'on infinue de force une pointe ou Un coin dans la moitié de leur épailfeur. Quelques-unes même, comme celles de St. Gobain , n'ont befoin que d'être frappées fur le tranchant, pour fe refendre en deux feuillets égaux. Cette facilité à fe partager en deux parties égales & femblables, avoit engagé le Naturalifte Spada , «1 placer la Numifmale au rang des coquillages bivalves. Voyez fon Catalogus lapidum Feronenfium tJiopt,cpb. Mais les Tubulites rclfemblent à la Numifmale dans cette propriété elfentielle, c'eft que leurs cloifons n'ont ni fcyphon, ni aucune autre ouverture qui établiffe une communication entre leurs chambres. Je fuppoferois donc, que l'habitant de la Numifmale a été un Ver, ou plutôt quelqu'autre animal marin qui vivoit dan* la dernière loge, à l'extrémité extérieure du canal fpiral; que cet animal fe propageoit en ponifant par fa partie fupérieure un nouvel animal ; que ce nouvel animal produifoit une nouvelle loge ; que pendant ce tems-là l'ancien animal périflfoit; que fa cellule fe fermoit par une cloifon , qui fervoit de fond à la loge du nouveau né, & qu'ainfî il fe formoit fucceflivement une continuité de loges appliquées les unes aux autres en forme de fpirale. Quand les bords de la Numifmale ne font ni ufés, ni chargés d'un tartre pierreux , on peut toujours à l'aide d'une loupe Se d'un peu d'attention , trouver la bouche ouverte qu* termine la fpirale, Se qui eft l'ouverture de la loge du dernier Ver de Mer, qui a vécu dans ce fingulier coquillage. On pourroit exiger que pour confirmer cette explication, je montralfe dans les cellules quelques veftiges des animau* que je fuppofe y avoir été renfermés: mais quel veftige pe"t-il refter d'un animal fi petit, Se purement gélatineux? àimeroïT-on mieux croire que c'eft le même animal j Qul renouvellant fans celle fa demeure, a fucceflivement produit Se habité toutes ces cellules ? Mais ce feroit faire une fupP0" fttion bien étrange que d'attribuer à cet animal, & ces chan- getnens inutiles & une fi longue vie, & une vie fans accroif-fement : je dis fans accroilfement, parce que les dernières cellules au bord de la fpirale , ne [font pas plus fpacieufes que celles qui ne font éloignées du centre que de deux ou trois révolutions. Quant a la facilité qu'à ce foflile à fe partager, il faut avouer que ni les Tubulites, ni les Polypiers connus, n'en fournilfent aucun exemple, Il feroit poflible que l'animal dont la Lenticulaire a été la coquille , eut le long du dos, comme bien des Vers, un vaiffeau longitudinal ; que ce vaifléau ne fournît pas pour la formation de la coquille un fuc aufli liant que les autres parties du corps, & qu'ainfî les convexités des fpirales étant les parties les plus foibles , elles fe lailTent plus aifément divifer dans cette direction. §. 424. Les Pierres lenticulaires que l'on trouve à la perte Lenticuîaî-du Rhône, ne font point du genre de celles que je viens de p^te^u décrire. Leur forme extérieure approche à la vérité de celle Khône* ' des Lenticulaires communes ; mais elle en diffère en ce qu'elle eft concave d'un côté , & convexe de l'autre; au lieu que Lenticulaires proprement dites, font toujours convexes des c^ux côtés. Leur ftruclure intérieure diffère encore davantage. Celles du Rhône ne fe lailTent point divifer en deux feuillets %mx & parallèles; & l'on ne peut découvrir dans leur inté-rieur, de quelque manière qu'on y pénètre , aucun veftige a'°rganiCition. Leur caffure n'offre , même aux meilleurs: ^icrofeopes, abfolument rien de régulier, ni ftries, ni coures concentriques ni concamérations ; le grain qu'elle préfente ref-fonble à celui d'un Grès, compofé de particules demi-tranfparentes. Les plus grandes ont h peine deux lignes de diamètre, fur une épaiffeur d'un quart de ligne ; les plus petites n'ont que la moitié de ces dimenfions. Elles font ordinairement brunes, quelques-unes d'entr'elies ont une couleur luifante, ferrugineufe : cette couleur pénètre en s'affoiblifîànt jufques à une certaine profondeur dans l'épaiffeur de la pierre ; le milieu eft d'une couleur plus claire. On trouve à la Perte du Rhône ces petites pierres agglutinées entr'elles par une pâte groffiere ; & comme elles ont la forme» la groffeur & même , lorsqu'elles font humides, la couleur de véritables Lentilles ; leur alfemblage paroît être un potage de Lentilles congelé ou pétrifié. Voyez la fig. 3 , de la Pl. flf A , a, repréfentent le côté convexe ; B , b, le côté concave ; & c, un groupe de ces Lentilles, avec le ciment qui les He » & les empreintes de celles qui en ont été détachées. Analyfe de § Ces Pierres Lenticulaires , féparées du ciment qul ces Lenticu- o t 1 r ïaires. les lie, & plongées dans i'efprit-de-Nitre, y font effervefeence» mais ne s'y diffolvent pas entièrement. J'ai pris 10 f de ces Lenticulaires , qui entr'elles toutes n'ont pefé qu'un dénie* ou 24 grains. J'ai verfé fur elles de l'efprit-de-Nitre foible» & lorfque l'effervefeence a ceffé, j'ai verfé une nouvelle quan-tité d'eiprit, mais elle ne s'eft pas renouvellée ; j'ai fait chauffe* le mélange , l'effervefeence a recommencé ; & quand j'ai vU que ni l'augmentation de chaleur , ni l'addition d'une nouvelle ' • i'ai quantité d'acide n'occafionnoient une nouvelle diffolution ; J lavé, filtré par le papier gris, & féché le réfidu. Il pefoît vin peu moins de 12 grains. Ce réfidu étoit compofé d'une p°u' dre jaunâtre , & de quelques Lentilles qui avoient confère leur forme & toutes leurs apparences extérieures ; mais 1u* avaiertf «rvoient perdu leur dureté 5 & fe réduifoient fous les doigts en une poudre femblable à celle qui étoit reftée fur le filtre avec ces mêmes Lentilles. Comme cette poudre me paroiffoit ferrugineufe , j'en ap- Terre fer-prochai un barreau aimanté ; mais il ne l'attira point ; il [^Tclu!* n'attire pas non plus les Lentilles qui n'ont pas palfé par l'ef- Reprit-de-Nitre. Je penfai qu'en rendant à cette terre le phlo-giftique dont elle paroiffoit privée , je lui rendrois peut - être la propriété d'obéir à l'Aiman. Je commençai par une épreuve facile, & qui me réuflit très-bien : le papier gris fur lequel s'étoit arrêté le réfidu, étoit teint & imprégné de la partie la plus fubtile de cette terre. Je roulai ce papier fur lui-même, je le fis brûler, & l'éteignis quand il fut réduit en charbon. Dans cette opération , la terre , que cette épreuve prouva être ferrugineufe, reprit fon phlogillique du papier, & l'Aiman l'attira alors avec beaucoup de force , le charbon des parties du papier qui n'avoient pas été imprégnées de cette terre, n'étoit Point attiré. Pour confirmer le réfultat de cette expérience , je fis chauffer dans un petit creufet des Pierres lenticulaires , qui après avoir palfé dans l'efprit-de-Nitre y avoient confervé leur forme ; & dès qu'elles furent rouges, je jettai dans le creufet quelques morceaux de cire. Après la déflagration de la cire, je retirai *es Lentilles : elles avoient pris une couleur plus foncée, & l'Aiman les attiroit alors avec la plus grande vivacité. La même épreuve répétée fur des Lentilles qui nTavoient Point paffe par l'efprit-de-Nitre, leur donna aufli la propriété d'être attirées par l'Aiman, mais avec moins de force qu'à X x celles dont cet acide avoit extrait la terre non métallique dont elles font chargées. Ces Lentilles font donc compofées de parties à-peu-près égales de Terre calcaire , & d'une Terre ferrugineufe, privée de fon phlogillique. Le ciment ^26. Le ciment qui lie entr'elles les Pierres lenticulaires, qui réunie ce»Lentilles contient beaucoup plus de parties calcaires, & moins de fer-eoutPSÎcat rugineufes; il fait dans l'efprit-de-Nitre une effervefeence plus rc- vive , Se ne laide en arrière qu'une très-petite quantité de ré- fidu indiffoluble. Traité au feu comme les Lentilles , il ne devient point attirable par l'Aiman , parce que la petite quantité de Fer qu'i1 contient, n'eft pas capable d'entraîner avec lui toute la terre calcaire dont il eft chargé ; mais on prouve l'exiftence de cette petite quantité de Fer, Se on rend fon aefion fenfible en réunif-fant quelques parcelles de ce ciment phlogiftiqué , & en les approchant d'une aiguille aimantée fufpendue bien délicatement : l'aiguille fe détourne fenfiblement de fon méridien pont s'approcher de cette terre. En éprouvant de la même manière des Pierres lenticulaires crues Se réunies entr'elles, comme elles le font à la Perte du Rhône , on leur trouve quelqu'action fur l'aiguille aimantée : mais f grains de leur ciment réphlogiftiqué , quelque pauvre, que foit ce ciment en matière ferrugineufe , ont autant d'influence fur l'aiguille qu'une mafle du poids d'une livre de Pierres lenticulaires crues.. §. 427. D'après ces épreuves, on ne fauroit douter que CesLenti-fces Lenticulaires ne foient une mine de Fer. Elles ne paroif- unenSé^de fent pourtant pas appartenir à l'efpece qui porte le nom de Fer-Aline de Fer lenticulaire. Voyez la nouvelle minéralogie de Mr. Valmont de Bomare , Tom. Iî, p. 272. §. 428. Ce qu'il y auroit de plus intéreflant & de plus difficile à déterminer , c'eft fi ces corps lenticulaires ont anciennement appartenu à des êtres organifés. Car on fait, que des diffolutions métalliques peuvent pénétrer un corps organifé , un coquillage par exemple, un Madrépore, infiltrer dans fon tiifu des parties métalliques, & changer ainfi ce corps en une mine de ce même métal. Ont elles appartenu à des corps organ'fés ? J'ai déjà fait voir que l'on ne fauroit aflimiler les Pierres Celanepa-lenticulaires du Rhône, au coquillage connu fous le nom de baï^8^ Lenticulaire ou de Numifmale. Les feuls caractères qui puif, lent rapprocher nos Lentilles ferrugineufes de la figure^de quel-qu'être organifé, c'eft leur forme régulièrement arrondie, convexe d'un côté , & concave de l'autre ; & des ftries dirigées du centre à la circonférence, que l'on obferve fur quelques-uns de ces [corps : ( voyez les figures, a, A, Pl. III, fig. 3 ) ; je dis Quelques-uns; car le plus grand nombre n'en ont point, quoiqu'on apparence auffi entiers, & aufli bien confervés que ceux qui en font pourvus. Or on obferve des formes tout aufli r<%ulieres, & des ftries fuperficielles dans plufieurs minéraux Sl1i n'ont jamais appartenu à la clafte des êtres organifés; Se *ï l'on joint à cela, que ces indices extérieurs ne font accompagnés dans nos Lenticulaires d'aucun indice d'organifation intérieure ; on penchera je crois, comme je le fais, à confidérer *es Lenticulaires du Rhône, comme une efpece particulière de 348 DES PIERRES L EN TICULAIRES. Chap. XVIIL mine de Fer terreufe, plutôt que comme le relie d'un animal ou d'une plante. Débrîs de §. 429. Ce qui confirme encore cette conclufion > c'eft mêlés atS l'épreuve que j'ai faite lur des fragmens de coquillages, que ^Lenticulai- yQn trouve quelquefois mêlés avec les Pierres lenticulaires. Ces fragmens, lorfqu'ils font bien féparés des Lenticulaires, n'ont aucune action fur l'aiguille aimantée, même après avoir ete laturés de phlogiftique. Ils fe calcinent au feu & y blanchii-fent, au lieu d'y brunir comme font les Lenticulaires. Si les Pierres lenticulaires avoient été des coquillages, & que ces coquillages euffent été convertis en mine de Fer par des fucs ferrugineux, ces mêmes fucs auroient opéré la même converfion fur les divers fragmens de coquillages, que l'on trouve mêlés à ces pierres. Puis donc qu'aucun de ces fragmens n'a éprouve cette converfion , il faut qu'il n'y ait point eu de converfion de ce genre , Se que ces Lenticulaires ayent êH originairement & par elles-mêmes un minéral ferrugineux. On pourroit à la vérité fuppofer que les Lenticulaires ont été converties en Fer dans une autre place , & avant' de fe mêler avec ces fragmens ; ou que ces débris de coquillageS étoient moins propres à retenir dans leurs pores les élémens du Fer. Mais on ne finiroit pas fi l'on voulott épuifer toutes les poffibilités : cette queftion ne mérite pas une difcuflion aufn approfondie ; & l'on trouvera peut-être que je me fuis deja trop lotig-tems arrêté fur ce foflile. LE JOUAT. Chap. XIX. 349 *»< mi MWÉggpi w m, 'i iiïTrir"r'TiiTiinrrriT^TiiT'7r|^t^7'f ■ i il BMW Bt>MB rHi'h'SWiT. ESKessy CHAPITRE XIX-LE JORAT. §• 43°- Il ne faut pas confondre avec le Mont Jura, la mon- tLe-Jorat tagne fur le penchant de laquelle eit fituée la ville de Lau- j^l^^ faune. Cette montagne fe nomme le Jorat : fa nature & fa pofition différent entièrement de celle du Mont Jura ; mais la feffemblance de leurs noms les fait quelquefois confondre. rte cette montagne. De St. Gingouph , & mieux encore du haut de fes mon- Defcription tagnes , on voit clairement le Jorat naître au deffus de Vevey, à gauche de la Veveyfe, ou fur la rive droite de ce torrent. On diitingue au deffus de St. Saphorin, les bancs de cette Montagne, qui montent vers lOu'eft ; on voit cette même mon. *agnes fuivre la direction du Lac, en courant à l'Oueft-Nord-Oueft , prendre enfuite depuis Laufanne , une marche qui tire Plus au Nord, 8c aller fe joindre au Mont Jura, tout près du filage de La Sarra. On traverfe la montagne du Jorat en venant de Berne à Sa hauteur. Laufanne ; on commence à la monter à demi lieue en deçà de floudon ; le plus haut point de ce paffage eft auprès d'une métairie qui porte le nom de Chalet Gohet. Mr. De Luc a trouvé que le point le plus élevé avoit 270 toifes au deffus du Lac. Cherches fur les Modifie, de lAihm., §. 753. L'obfervation ^e Mr. Pictet donne 13 toifes de plus : peut-être Mr. Del •^uc ne fit-il pas la fienne exactement dans la même place. % 43i. Le Jorat paroît être en entier compofé de Grès, Elle eft 3fo L E J 0 TxAT.-Chixp. XIX/ compofée de Grès. ou de Molaffes qui différent entr'elles pour le grain, la couleur & la dureté. Toutes les carrières de ce beau Grès bleuâtre qui porte le nom de pierre de Laufanne, font creufées dans cette montagne. Ses eaux fe jettent dans deux Mers différentes. J'ai fait fur le Jorat la même obfervation qu'au coteau de Boify, §. 304 ; c'eft que, bien que la montagne foit parfemée, Se pour ainfi dire couverte jufques à fon fommet, de blocs de Granit, de Roches feuilletées, Se d'autres fragmens de rochers des Alpes ; cependant on n'apperçoit aucun de ces fragmens dans les Grès qui compofent les couches intérieures de cette montagne. D'où il fuit que les fables par l'agglutination defquels ces Grès ont été formés, furent accumulés avant la débâcle qui a couvert toutes les baffes montagnes des débris des rochers des Alpes. §. 43 2. Cette colline eft remarquable en ce qu'elle fépare les eaux qui coulent dans l'Océan, de celles qui fe jettent dans la Méditerrannée ; car les pentes au Nord verfent leurs eaux dans la Broyé , qui, après avoir traverfe les Lacs de Morat Se de Bienne, va fe joindre à fAar, Se defeendre avec lui dans le Rhin : tandis que les eaux des pentes méridionales coulent dans notre Lac , Se de là dans le Rhône. LE MONT DE S I 0 N Çhafi XX. 3fi —————— CHAPITRE X :X. 9 LE MONT DE S I 0 N. Si 43 3. Comme le Jorat ferme au Nord-Eft le baffm du Lac Léman, de même aufli le Mont de Sion ferme ce même baflin du côté du Sud-Oueft. C'eft aufli comme le Jorat, une montagne, ou plutôt une haute colline dont la direction coupe prefque à angles droits , celle du Mont Jura & du Mont Saleve. Cette colline eft aufli compofée de bancs de Grès, recouverts à leur furface de fable & de cailloux roulés. Sa hauteur la'eft pas aufli grande que celle du Jorat ; je l'ai mefurée au plus haut Point du paflage entre Léluifet & Frangy, à trois grandes lieues de Geneve. J'ai trouvé fon élévation de 837 pieds an deilus. du niveau du Lac. Mais ce point, quoique le plus élevé de ce paflage , n'eft pourtant pas le plus haut de tout le Mont de Sion ; car cette colline s'élève en Rapprochant de Saleve, contre lequel elle vient s'appuyer : elle arrive cependant à peine \ la moitié de la hauteur du Mont Saleve. Situation! de cette montagne. Au pied du Mont de Sion, entre Léluifet & St. Julien, on a ouvert des carrières d'un Gypfe blanc ftrié , qui fe trouve là en couches minces, à-peu-près horizontales, renfermées entre des couches d'Argiile. C'est du côté oppofé de cette même colline , en defcendant Vefs Frangy, que j'ai trouvé le Plantago coronopuscet endroit eft le feul de la Suifle & de nos environs, dans lequel cette plante-^ été trouvée, LE MONT DE SION Chap. XX. * * * Telle eft l'efquifle que je m'étois propofe' de tracer de l'Hiftoire Naturelle des environs de Geneve. Je fouhaite que mes Compatriotes , continuant d'étudier les objets intéreffans que la Nature a fi libéralement femés autour de notre patrie , achèvent le tableau dont je n'ai donné qu'une ébauche imparfaite. VOYAGE TOME PREMIER. SECONDE PARTIE. VOYAGE AUTOUR DU MONT-BLANC. VOYAGE AUTOUR D U MONT-BLANC. Pt:--. ..i i . -- INTRODUCTION. L'E Mont-Blanc eit une des montagnes de l'Europe , dont 1» connoiflance paroîtroit devoir répandre le plus de jour fur b Théorie de la Terre. Sa cime , élevée de 2446 toifes au delfus du niveau de la Méditerranée , eft la plus haute de toutes celles qui ont été fliefiirées avec quelqu'exactitude , non-feulement en Europe, Y y 2 3feT VOTAGE AUTOUR DU MONT-BLANC. mais en Afie & en Afrique. Les Cordelières de l'Amérique Méridionale font les feules montagnes connues, qui la fur* paffent en hauteur. Cet énorme rocher de Granit, fitué au centre des Alpes, lié avec des montagnes de différentes hauteurs & de différens genres, femble être la clef d'un grand fyftème ; & quoique l'on doive fe garder de tirer des induclions générales d'un objet unique , on a cependant de la peine à s'empêcher de croire, que fi l'on connoiifoit à fond la nature, la ftructure, & toutes les déterminations de cette mere montagne Se de fes appendices, on auroit fait un grand pas vers la connoiffance des autres, & que l'on auroit du moins bien des données pour folution du grand problême de leur formation. Malheureusement elle eft d'un accès très-difficile : malgré rétendue de fa bafe, fes approches font défendues prefque de tous les côtés. Au Sud, au Sud-Eft & au Sud-Oueft, des rochers taillés à pic , à la hauteur de plufieurs milliers de pieds ; au Nord, au Nord-Eft & au,Nord-Oueft , des murs de-glace, qui menacent d'écrafer ceux qui les approchent ; ou des neiges perfides, qui voilent des abîmes, ont jufques à ce jour arrêté non-feulement les Naturaliftes, mais les chaffeurs de Chamois même les plus hardis, encouragés par l'appât d'une forte tir compenfe. Mais fi l'on ne peut pas atteindre à fa cime , on peut du moins fonder fes flancs qui font acceffibles de divers côtés» De, plus, deux hautes montagnes, fituées vis-à-vis d'elle, l?une-au Nord Se l'autre au Midi, femblent être des gradins deftinés à l'Obfervateur, qui de leur fommet peut faifir tout l'enfembte INTRODUCTION. 357 de cet énorme coloffc. Et les membres de ce grand corps font eux-mêmes li grands * leurs traits font fi bien prononcés, qu'eu l'obfervant fous fes différentes faces , fur-tout au Midi, où il n'eft pas mafqué par des glaces, on peut fe former une idée très-juif e de la forme & même de fa nature. D'Ailleurs , les montagnes qui font liées avec le Mont-Blanc, & fituées fur le prolongement des plans de fes couches, compofées des mêmes genres de pierres , & d'une même ftructure, confirment les obfervations que l'on a faites fur lui, & font d'ailleurs intérelfantes par elles - mêmes, puifqu'elles forment les anneaux de la chaîne centrale des plus hautes Alpes. Les glaciers de Chamouni, dont fin térelfant fpecfacle excite & fatisfait toujours la curiotité de tant de Voyageurs , font fitués au pied du Mont-Blanc. Le glacier de Buet, devenu célèbre par la relation & les expériences de Mr. De . Luc „ n'en eft pas éloigné. Tous ces objets réunis m'ont donné pour cette partie des Alpes une prédilection qui m'a engagé à l'étudier avec le plus grand foin ; j'y ai confacré bien du tems & de grands travaux. J'ai fait dans la feule vallée de Chamouni, fituée au centre de toutes ces montagnes, huit différens voyages, en I-7ffo, ci , 64., 67 y 70, deux en 76, & le dernier en 73. Le voyage que je publie aujourd'hui , le tour du Mont-Blanc Par l'Allée-Blanchc, je l'ai fait trois fois : la première en 1767 9vec quelques amis; la féconde feul en 1774 , dans l'intention--de l'écrire & de le publier dès mon retour ; mais quand je Vlns à le rédiger, je trouvai encore bien des vuides Se des doutes. 3^8 V 0 TA G E AUTOUR DU MONT-BLANC. C'est pour remplir ces vuides & lever ces doutes, que je fis ce, voyage pour la troifieme fois , l'année dernière 1778* J'eus pour compagnons de voyage , Mr. J. Trembley qui s'eft déjà lait connoître d'une manière très-avantageufe dans la carrière de la Philofophie & des Mathématiques ; & Mr. M. A. Pictet, le même que j'ai fouvent eu le plaifir de nommer dans cet ouvrage. Ces deux Meffieurs, que j'ai le bonheur d'avoir pour amis l voulurent bien partager avec moi les travaux de ce voyage ; Mr. Trembley fe chargea d'obferver le Magnétometre , Se Mr. Pictet prit pour fon département toutes les obfervations géographiques & barométriques. 11 eft même retourné une troi-fie me fois à Chamouni, pour achever quelques ©bfervations qu'il ne trouvoit pas allez parfaites. J'ai fait avec ces deux Meilleurs un voyage infiniment , agréable ; la douceur de leur fociété tempéroit tout ce que la fatigue , les mauvais gîtes, & même les dangers pouvoient avoir de pénible , Se leur goût, leur fenfibilité pour les grandes beautés de la Nature , en rendoit la jouiftance plus vive. Dans ce dernier voyage , j'ai recommencé toutes mes obfervations fur la nature & fur la ftruefure de ces montagnes? comme fi elles euffent été nouvelles pour moi ; j'ai ramafle des échantillons de tous les rochers intéreifans, Se à mon retour je les ai examinés & éprouvés de nouveau. Si donc j'ai commis des erreurs, comme cela n'eft encore que trop poftible, du moins n'aurai-je pas à me reprocher trop de précipitation dans mes obfervations, ou trop d'empreflement à les publier- INTRODUCTION. Voici le plan général de ce petit voyage , tel que nous le conçûmes & que nous l'avons exécuté. De Geneve aller à Chamouni; pénétrer le plus haut Se le plus avant poffible dans la grande vallée de glace ; monter fur le glacier de Buet, &c. De Chamouni palfer à St. Gervais par le Col de Balme; de St. Gervais traverfer la haute chaîne des Alpes, Se Venir à Cormajor par le Bon-Homme , le Col de la Seigne, & l'Allée-Blanche. De Cormajor monter au Cramont, Se deC cendre de là jufques à l'entrée des plaines du Piémont, revenir fur fes pas jufques à la Cité d'Aofte ; retraverfer la chaîne centrale des Alpes par le St. Bernard, y faire quelque féjour pour des obfervations de divers genres, & de là revenir à Geneve. Cette tournée faite avec toute la diligence que pouvoient permettre les vues que nous avions à remplir, nous a pris vingt-deux jours. Mais il faut remarquer que les obfervations que îe ralfemble ici, ne font pas feulement les fruits du travail de ces vingt-deux jours: dans mes précédentes courfes j'avois déjà milité, Se les objets que nous avons revus, & d'autres auxquels n ffgtf DE G E N £ P" E A LA B 0 K K E- V l L LE. Chap. L Nord-Nord-Oueft. Ces bancs ne paffent point par deffous les bafes des montagnes voifines ; ils font d'une date beaucoup plus récente. Quelques collines fituées entre la Bonne-Ville & le Môle» font compofées de ce même genre de pierre. La plus élevée de ces collines de Grès a fon fommet au niveau du hameau nommé Chez Chardon ; fa hauteur eft de 117 toifes au deffus du Lac, on de 78 au deflus de la Bonne-Ville. On trouve dans les fentes de ces xMolaffes, de belles cryf-tallifations de Spath calcaire. MontBre. §. 442. Vis-a-vis de la Bonn e-Ville , de l'autre côté de l'Arve, & à l'oppolite du Môle, s'élève une haute montagne calcaire, qui fe nomme le Brezon. J'ai gravi deux ou trois fois jufques à fon fommet. Ses rochers les plus élevés font taillés du côté de la Bonne-Ville, abfolument à pic à une très-grande hauteur , & forment un précipice effroyable. Pour le contempler fans péril, je me couchois tout à plat fur le rocher, & je m'avançois jufques à ce que ma tête débordât le précipice. C'eft ainfi que l'on peut s'accoutumer à voir fans crainte Se fans tournement de tête, les abîmes les plus profonds. i w 1 '— U ..... ...... -------- ----------- CHAPITRE II DE LA BONNE-FILLE A CLUSE. % 4-43- JlLn fartant de la Bonne-Ville, on traverfe l'Arve fur , vf1llée ds un pont de pierre long & étroit, & l'on entre dans une vallée Ville à Cl», qui a tous les caractères des grandes vallées des Alpes. Son fe" entrée eft flanquée de deux hautes montagnes , le Mole au Nord & le Brezon au Midi, qui femblent être deux forterefles deftinées à la défendre. Le fond de cette vallée, parfaitement horizontal, abreuvé des eaux de l'Arve & des ruilfeaux qui s'y jettent, eft couvert de prairies marécageufes, d'Aulnes, de Saules & de Peupliers. Sa direction eft à-peu-près à l'Eft : fa longueur de la Bonne-Ville à Clufe , eft d'environ trois lieues ; fa largeur à l'entrée, eft à peine de demi-lieue , mais elle s'élargit enfuite , pour fe refferrer en s'approchant de Clufe où elle fe ferme prefqu'en-tiérement. Par-tout où la terre eft ouverte, on voit que le fond eft du fable difpofé par lits horizontaux , qui alternent quelquefois avec des lits de gravier Se de cailloux roulés. La nature de ce terrein Se le nivellement parfait de la furface de la vallée, démontrent que ce fond a été formé par l'accumulation des dépôts de l'Arve; Se que cette rivière ou le courant ^i occupoit anciennement fa place, a été beaucoup plus haute Qu'elle n'eft aujourd'hui ; puifqu'elle a dû remplir la totalité de la vallée, dont elle n'occupe aujourd'hui qu'une- très-petite Partie. La route que l'on fuit en allant à Clufe eft très-belle ; c'eft Beaa 3^8 DE LA BON N-E-VILLE chemin, pendant l'efpace d'une grande lieue, une chauffée recriligne & horizontale ; mais qnfuite l'Arve en s'approchant .des montagnes de la droite , force la route à palfer fur les débris accumules Débris des au pied de ces moutagnes. Ces débris font pour la plupart primitfveT. calcaires ; ils font cependant mélangés de Granit & d'autres roches primitives, qui ont été tranfportées là par les mêmes révolutions qui en ont châtié de femblables aux environs de Geneve ; car les montagnes d'alentour font toutes calcaires, & bien éloignées encore des primitives. Cette partie de la route n'eft pas la moins agréable ; elle eft ombragée par de beaux Noyers , Se d'autres grands arbres > & elle paffe dans un hameau caché fous ces arbres Se entouré des! plus belles prairies. Comme on domine la vallée , °n jouit de fon aipect; on voit le Gijfre, torrent qui fort de la vallée de Taninge, palfer à l'Eft au deffous du Môle, & venir joindre fes eaux à celles de l'Arve. On fait environ trois quarts de lieue fur le pied de cette montagne , Se on redescend enfuite dans la vallée horizontale. On traverfe le grand village de Siongy, où les Chartreux du Repofoir, qui en font Seigneurs , ont une maifon facile à reconnoître parce qn'eHe eft la meilleure du village. La demi-lieue qu'il refte à faire pour aller de Siongy . Clufe eft aufli très-agréable ; on traverfe une petite plaine bien vée & bordée de grands arbres ; cette vallée comme celle de Ta-ninge , produit les plus beaux Chênes du pays. Sur la gauen de cette petite plaine, un château antique, bâti fur le fomnieC d'un rocher ifolé dont la bafe eft couverte d'arbres , fonn& un payfage charmant & très-pittorefque. A C L U S Z Chap. IL 3fy %, 444. Quant à la ftructure des montagnes qui bordent. Nulle coi-cette vallée , fl l'on s'informe d'abord de leur correipondance, enfre" les^ je dirai que le Mole & le Brezon placés à fon entrée , l'un moi*tagaes. vis-à-vis de l'autre , font à la vérité de la même hauteur , & tous les deux calcaires ; mais que d'ailleurs il n'y a nulle parité entr'eux. La couleur & la qualité de la pierre , la forme générale , la ftrudure 8c la fituation des couches , font abfolu-ment différentes. Les autres montagnes qui bordent cette vallée, font encore plus diffemblables, & l'on n'y obferve non plus aucune cor-refpondance entre les angles faillans 8c rentrans. §. 44 Mais entrons dans quelques détails , 8c confldérons Defcription d'abord les montagnes qui font fur notre droite, en allant à gnes'quî^" Clufe : nous viendrons enfuite à celles de la gauche. bordent la vallée au Midi. Le Mont Brezon qui fe préfente en face quand on fort Le Btezon< de la Bonne-Ville, a comme je l'ai déjà dit, fa fommité taillée à pic de ce côté-ci, fes couches defcendent d'abord .obliquement en arrière ou au Sud-Eft; 8c à mefure qu'elles fe prolongent dans la direction de la vallée, leur inclinaifon change , elles deviennent plus rapides, 8c unifient par deicendre en avant °u à l'Eft. Mais le pied de cette montagne eft encore, comme celui de Couches Saleve, couvert de grandes couches prefque perpendiculaires contrôle a l'horizon, & appuyées contre le corps même de la montagne. £5? *;!-f^ quoique le Brezon fe termine à une petite demi-lieue de k Bonne-Ville ; cependant fes couches qui font appuyées contre ie pied de la chaîne méridionale, 8c qui tournent ainfi le dos A a a 370 DE LA B 0 N N E- F 1 L L E à l'Arve , continuent de régner jufques au village dé Siongy pendant l'efpace de près de deux lieues. Elles font à la vérité coupées par une petite vallée à l'extrémité du pied du Brezon ; mais elles recommencent au delà de cette coupure. §. 446, Cette petite vallée qui s'ouvre au pied du Brezon» eft étroite & tortueufe,;. les angles faillans engrenés dans les angles rentrons y font extrêmement fenfibles. Elle conduit au village de Brezon, qui eit fitué derrière la montagne de ce nom. Au deffus de ce village font de grands & beaux pâturages , avec des Chalets qui ne font habités qu'en été, & que l'on nomme les granges de Solaifon. C'eft là que j'altois coucher quand je vifitois le Brezon & les montagnes voifines. Hautes Le s granges de Solaifon font dominées au Sud-Eft par les montagnes . ^ au Sud du Monts Fergi, chaîne calcaire très-élevée , dont j'ai aufli parcouru ?on* ^es l°mmets clui voyent des environs de Geneve , fur la droite du Môle. Cette chaîne court du Nord-Eft au Sud-Oueft, & vient fe terminer derrière les montagnes qui bordent notre route * droite. Vallée qui conduit au Mont Brezon. Montagne §. 447. Qn peut> des environs de Siongy, obferver la ftruc- dont les , , OJ , touches pa. ture ae la dernière montagne de cette chaîne ; elle eft très-avok'lEéflé- remarquable. Ses couches horizontales au fommet, fe courtes, bent prefqu'à angles droits, & defcendent de là perpendiculairement du côté du Nord-Oueft. On diroit qu'elles ont été A CLUSE. Chap. IL ■ 371 ployées par un violent effort ; on les voit féparées & éclatées en divers endroits. Au pied de cette même montagne s'ouvre au Midi de notre Vallée ..qui route, la vallée qui conduit à la Chartreufe du Repofoir. Repofoir *" §. 448. En s'approchant de Clufe ou palfe fous des ro- Rochers e» chers, dont les couches épailfes furplombent au delfus du che- furPlomb-min. Ces rochers tiennent à une montagne , dont la tête pyramidale s'élève à une affez grande hauteur. §. 449. Je viens à préfent aux montagnes, qui fur notre ' Montagne gauche ou au Nord, bordent la vallée de la Bonne-Ville à Clufe. k lM de, notre rouf c Le Mole y joue le pins grand rôle. On eft furpris de Le Môle, voir cette montagne , qui de Geneve paroit un pain de lucre, fe prolonger dans la direction de la vallée de l'Arve. D'ici elle paroît couronnée de plufieurs fommités , qui fe fe trouvant toutes fur une même ligne, paroiffent de Geneve n'en former qu'une feule. Deux de ces fommités ont entr'elles un grand enfoncement, qui vient nianifeftement de ce que la partie intermédiaire s'eft écroulée ; on voit même au bas de la montagne fes débris accumulés; ils ont formé une colline très-tlevée, qui eft à préfent couverte de vignes. Le Môle ft ^rmine à la jonction du GifTre avec l'Arve; fes dernières couches defcendent avec rapidité dans le lit de cette petite rivière. Les montagnes qui fuivent le Môle , &" qui forment après *hi le côté feptentrional de la vallée de l'Arve, font baffes & indifférentes. Une feule eft remarquable par fa forme pyra- A a a 2 372 DE LA B 0 N N E - V 1 L L E midale , & par fes couches qui convergent à fon fommet, lui donnent la forme d'un chevron. §. 4fo. La ville même de Clufe eft bâtie fur le pied d'une montagne, dont la ftructure eft très^extraordinaire ; on en juge mieux à une certaine diftance que de la ville même. Cette montagne de forme conique émouffée, ou plutôt paraboliqueu eft pour ainfi dire coëffée d'une bande de rochers, qui du haut de fa tête defcendent à droite & à gauche jufques à fon pied. Ces rochers nuds font relevés par le fond de verdure , dont le refte de la montagne eft couvert, B? font compofés de plufieurs bandes parallèles entr'elles; les extérieures font blanches Se épaiiïes, les intérieures font brunes & plus minces. Le corps même de la montagne, dont on ap-perçoit çà & là les rochers au travers du bois qui les couvre.* paroît compofé de couches irrégulieres & diverfement inclinées. On pourroit foupçonner que cette bande n'eft que le refte d'une efpece de calotte, qui vraifemblablement couvroit autrer fois toute la montagne, §. 4fi. La vallée qui fe prolonge entre la Bonne-Ville & Clufe, eft donc bordée à droite & à gauche par des montagnes toutes calcaires, toutes de formes très-variées, très-irrégulieres» Se dont les couches font très-rarement horizontales. Le fond applati de la vallée eft de fable, de gravier & de cailloux roulés ; & les collines mêmes, qui fortent de ce fond., font de Pierre de fable., Montagne de Clufe. Réfumé gcnct.il de eette vallée. Colline do §. 452. Ce pain: de fucre, fitué entre Siongy Se Clufe:, A CLUSE. Chap. IL 373 le fommet duquel eft un château ruiné qui forme un fi joli château de effet dans le payfage, eft auffi compofé de Grès. Les couches u c * de ce Grès varient pour l'épaiffeur, depuis un pied jufques à Un petit nombre de lignes. Elles varient aufli pour la fineffe des grains dont elles font compofées ; leur inclinaifon eft d'environ 30 degrés en defcendant à l'Eft. §. 453. On entre à Clufe, après avoir traverfe l'Arve fur ta ville de-. Clufe. tin pont de pierre d'une feule arche. Cette petite ville, élevée de G3 toifes au deffus de notre Lac, n'a guère qu'une rue, qui fe rétrécit en montant contre le cours de l'Arve , parce qu'elle eft ferrée entre la rivière & la montagne. Elle eft plus large vers le bas , & là on voit comme à Geneve , le long des maifons, des dômes ou des arcades en bois foutenues par des pilliers fort élevés qui choquent l'œil de l'Architecte , mais qui font commodes pour les piétons & pour les marchandsdont les boutiques font bâties à l'abri de ces arcades. On compte trois lieues de la Bonne-ViPle à Clufe : mais: comme les chemins font beaux, nous fîmes ces trois lieues eu deux heures. §• 4^4. Nous nous y arrêtâmes, & nous cherchâmes Mr. Choix d'un Trembley & moi, un pofte convenable pour nos premières p^femf* expériences fur la force magnétique. Autant que nous l'avons tlon ,du 0*1 magnetome-• PU » nous avons fait ces obfervations hors des maifons, de peur trc. Sue les ferremens qui peuvent s'y rencontrer,n'agiffent fur l'Ai*- 374 HZ EA BONNE-VI ILE A CLVSE. Chap. IL man, & n'influent à notre infu fur les réfultats qui font l'objet de nos recherches. Ici nous nous établîmes à l'abri du vent dans un cabinet de charmille, fitué dans un jardin à l'entrée d'une prairie, qlH eft elle-même au bord de l'Arve. Mais pour que l'on puiffe fe former quelqu'idée de ces expériences , il faut faire connoître l'inftrument dont nous nous fommes fervis. [ 375- I I T E I ï NOTICE D'UN NOUVEAU MAGNETOMETRE. §. 4ÏÏ-IL/ES Phyfîciens ont fait les recherches les plus fuivies Recher-& les plus laborieufes, fur les variations que fouffrent la dé- f^sTuHes clinaifon & Pinclinaifon de l'aiguille aimantée, lorfqu'on la forces direc- t lices. tranfporté en différens lieux de la furface de notre Globe ; & l'importance de ces recherches pour la Navigation, juftifie bien les travaux qu'on leur a confacrés. Mais il eft furprenant que l'on n'ait fait aucune épreuve, pour favoir fi la force attractive de l'Aiman ne fouffriroit point des variations correfpondantes à celles des forces directrices ; Se qu'on n'ait pas même fongé à éprouver fi cette force ne feroit point plus grande ou plus petite en différens pays. Les connoiffances qui réfulteroient de ces épreuves, feroient pourtant très - intéreflantes ; non - feulement pour perfectionner la Théorie phyfique du Magnétifme, qui eft fi imparfaite encore ;; fliais peut-être conduiroient-elles à quelque découverte importante fur les loix de la force directrice, qui eft néceffairement liée à h force attractive Se qui n'eft même qu'une fimple modification de cette force. On a bien penfé a rechercher fi l'intenfité des forces magné-Mues , tant attraâives que directrices, varioit dans un même lieu, ^r. Musschenbroeck rapporte dans fa grande differtation fur l'Aiman , imprimée à Vienne en 17 5 ^ ï les tentatives des Phy-freiens qui l'on procédé Se celles qu'il a faites lui-même, pour ^efurer les variations diurnes de cette force ; tantôt en cou** RëcBér-ches négligées fur la force attractive. 376 NOTICE D' V N NOUVEAU ■ fidérant la vîteffe des ofcillations d'un barreau aimanté, voyez Differtatio de Magnete Experim. Cil, gf CFll ; tantôt en eftimant par des poids l'action du Fer fur un Aiman fufpendu au bras d'une balance , Ibid. p. i1 — 3 4 ; tantôt en éprouvant la diftance à laquelle un Aiman détourne une aiguille aimantée de fon Méridien , p. 49 — 55. D'autres Phyfîciens plus modernes ont aufli Varié & répète ces mêmes épreuves, mais je ne crois pas que perfonne p$ tenté d'éprouver les variations que la différence des lieux pourroit occalloner dans la force attractive de l'Aiman. Projet fov- L'idée de ces recherches me vint premièrement par rappof* ,iupplier.r Y aux montagnes. Il me parut intéreffant d'éprouver , fi la direction de l'Aiman ne feroit point différente fur leurs cimes » & fi la force attractive ne diminueroit point comme la gravite p & peut-être plus rapidement encore , en s'éloignant de la furface de la Terre. La direc §. 4f£. Pour la direction, je n'eus pas de peine à me fatif-guUle^fttâ feiÇÇ- Je pris une bouffole munie d'une alidade ;& d'un joi^ même lin- $e la plaine aifé à diftinguer du haut d'une montagne , je vif*1 les monta- F. 0 . gnes. li un point diftinct Se acceffible de la cime de cette &W montagne, & je notai l'angle que faifoit l'aiguille aimantée avec cette direction. Enfuite portant ma bouffole fur le p0Ult • * la de la montagne auquel j'avois d'abord vifé, je la dirigeai a i* ftation de la plaine ; Se retrouvant l'aiguille exactement dans la même pofition , je jugeai que l'Aiman confervoit fur la cm. de la montagne , la même direction que dans la plaine. J'ai pourtant quelquefois trouvé des différences, & la raifott de M A G AT É T 0 M É T R E. Chap. III. 377 de ces différences étoit vraifemblablement dans des mines de Fer, fituées à droite ou à gauche de la ligne qui joint les deux Hâtions, Nous en verrons un exemple bien frappant dans les obfervations faites fur le Cramont. Quant à l'inclinaifon, je compte bien de l'éprouver auffi; mais je n'ai pas encore achevé la conftruction d'une nouvelle bouffole que je deftine à ces épreuves. §. 457. La force attractive m'a paru plus difficile à mefurer Premiers que les forces directrices. J'effayai d'abord de prendre une variations Pierre d'Aiman , armée fuivant la méthode reçue; d'éprouver de la„.force * r attractive. quel étoit le plus grand.poids qu'elle pût porter dans la plaine, & de répéter cette épreuve fur les montagnes. Mais je vis bientôt que les plus petites différences dans la poiition dh portant, jettoient une incertitude extrême fur ces expériences ; car fuivant qu'il appuyoit fur tel ou tel point des talons de l'armure , l'Aiman portoit des poids plus ou moins grands ; & quoique je marquaffe par des traits précis & déliés la place où je le faifois appuyer, je trouvois toujours, dans le même tems & dans le même lieu, des différences affez coniidérables. J'imaginai alors de fixer fur ce portant des couliffes de cuivre, dans lefquelles les talons de l'armure entreroient avec précifion, pour les forcer à rencontrer toujours les mêmes points du Portant. Je fis exécuter cet appareil en 1767 , pour mon premier voyage autour du Mont-Blanc, & je m'en fervis à . faire diverfes épreuves fur les montagnes & dans les plaines : mais je ne trouvai pas encore affez d'uniformité dans mes ré-mltats pour en être fatisfait ; & j'eus lieu de me convaincre, que la difficulté de tenir, & les talons de l'armure & le portant, toujours également fecs, également exempts de pouffiere, B b b 378 NOTICE D' UN NOUVEAU Se celle d'obtenir > même à l'aide de ces couliffes, toujours exactement le même contact entre les talons Se le portant, rendroit cette méthode inexacte. Je conclus de là, qu'il falloit trouver un moyen de mefurer la force attractive de l'Aiman , fans le mettre en contact avec le Fer, & d'adapter ce moyen à un infiniment portatif Se commode. Il me vint d'abord dans' l'efprit de fixer un morceau de Fer à un reffort à boudin délicat & très-extenfible ; de placer ce Fer de manière, qu'attiré par l'Aiman , mais retenu par le retrort, il s'approchât de l'Aiman jufques à un certain point, mais pas affez pour le toucher. Les augmentations Se dimi-minutions de la diftance du Fer à l'Aiman, auroient marqué les décroiffemens Se accroiffemens de la force magnétique ; & il auroit été facile de multiplier, & de rendre fenfibles les plus petites variations de cette diftance. Mais cette idée ne me fatisfit pas ; parce qu'une machine conftruite fur ce principe, auroit donné les variations des rapports qu'il y auroit eu entre la force de l'Aiman Se celle du reffort, plutôt que les variations abfolues de l'Aiman. Or comme la force de reffort n'eft .point une force confiante ; qu'elle eft fujette à varier par le chaud, le froid , & peut-être d'autres caufes inconnues ; on n'auroit jamais pu frvoh avec certitude , fi les variations obfervées feroient venues uniquement de celles de la force n.rgaétique, Nouveau Magnétometre. n'eft §. 458. Je jettai donc les y-ux fur la gravité, qui ft eîle l'eft pas confiante, varie du moins fuivant des loix û bicn Connues, que Ton peut toujours prévoir & eftimer fes variations. Je penfai qu'une balle de Fer , fixée au bas d'une verge de pendule três-légere & bien mobile fur fon axe, feroit détournée de la ligne verticale par un Aiman placé à une diftance convenable de cette balle ; & que comme feffbrt nécef-faire pour détourner cette balle, augmente à mefure qu'on lui fait parcourir de plus grands arcs, les variations de la force attractive de l'Aiman, fe feroient connoître par celles dé ces mêmes arcs. Je fis fur le champ quelques eifais qui me prouvèrent que cette idée pouvoit fe réàlifer : il ne s'agiiïbit plus que de rendre fenfibles à l'œil de très-petites variations de ces arcs. Un moyeu très-fimple me vint à l'efprit ; c'étoit de prolonger ce même pendule au delfus du point de fufpenfion f de manière que fa longueur au deilus de ce point, fut plufieurs fois auiïï grande que fa longueur au deffous, & de tracer des divifions très-fines , fur l'arc de cercle que parcourroit cette extrémité fupérieure du pendule : car comme elle décrit nécef-fairement des arcs femblables à ceux que décrit la balle de Fer fixée à l'extrémité inférieure, on obtient ainfi' la grandeur pré-cife de ces mêmes arcs. J'aurois pu de cette manière multiplier coitfidérabîement l'apparence de ces variations; mais pour rendre l'inflniment portatif, je crus devoir me contenter de les rendre cinq fois plus grandes. Mr. Paul , Artifte de notre ville, qui réunit à l'intelligence, & même au génie du Méchanicien , la plus grande habileté & la plus gande exactitude dans la conftruction des inftrumens de Phyfique, m'a conftruit fur ces principes deux inftrumens dont le fuccès a furpaffé mon attente. Car la balle de Fer, aPrès les ofcillations les plus régulières , fe fixe à une certaine diftance de l'Aiman ; & ft on la détourne de cette pofition , ' B b b 2 Variations cbfcrvécs. elle revient après de nouvelles ofcillations , fe fixer au même point avec une précifion finguliere. Un niveau à bulle d'air extrêmement fenfible, adapté à cet inifruinent, fert à lui donner une fituation bien exactement verticale ; de fortes vis fixent l'Aiman dans une pofition que l'on peut changer à volonté , mais qui, une fois décidée, ne change point d'elle-même; & une boëte folide, fermée par une glace tranfparenee, met le pendule mobile à l'abri de l'agitation de l'air. §. 4ï9. Depuis cinq ans que ces inftrumens font conftruits, j'ai beaucoup obferve leur marche : j'ai vu que la force attractive varie ; que la caufe la plus générale de ces variations eft la chaleur ; que le barreau aimanté perd de fa force quand la chaleur augmente, & la reprend quand elle diminue; & cet inftrument rend ces variations fi fenfibles , qu'une différence d'un demi-degré du thermomètre de Réaumur, produit un changement que l'on obferve avec la plus parfaite certitude. , ^aîfi>,n.,.df §• 4^°- Il eft vrai que ce Magnétometre a, par le prtOr la ieniibiwte , r de cet inf- cipe même de fa conftruction, un avantage fort fingulier, & qui fait croître fes variations dans un rapport beaucoup plLlS grand que celui des variations de la force attractive : comme cette force de l'Aiman [fur le Fer eft plus grande quand le Fer en eft plus proche, & même dans une raifon qui, à certaines diftances, furpaffe la raifon inverfe des quarrés ; fi quelque caufe augmente fintenfité de la force magnétique, Se contraint la balle à s'approcher de l'Aiman , ce rapprochement augmente l'action de l'Aiman fur la balle, Se par cela même elle s'en approche plus qu'en raifon du (impie accroiffement qu'a reçu la force magnétique. Si au contraire la force magnétique diminue , Se qu'ainfî la balle moins fortement attirée s'é- MAGNÉTOMETRE. Chap. 111. 3gi Joigne un peu de l'Aiman, elle tombe dans une fphere d'activité moins forte, & par cela même elle s'éloigne encore plus ^en raifon fimple de la diminution abfolue de la force attractive. §. 4.61. Mais fi cet avantage eft précieux en ce qu'il rend Dîtâçdttf plus fenfibles les variations de la force magnétique ; en revan- JL^j? che il complique beaucoup le calcul de ces variations ; parce tions de la A. force attrac- qu'on ne peut point les eltimer , lans connoître la loi fuivant la- tivc. quelle la diminution des diftances augmente la force attractive de l'Aiman. Or cette loi n'eft point encore connue : mais ce même inftrument peut fervir à la chercher ; puifque l'on peut, du moins dans certaines limites, augmenter & diminuer à volonté la diftance de l'Aiman à la balle, & voir les diminutions & les augmentations de force, qui réfultent de ces changemens de diftance. Les épreuves que j'ai faites m'ont prouvé, comme Ie l'ai dit, §. 83, que cette loi varie & n'eft proportionnelle à aucune fonction de la diftance, Pour fuppléer à ce défaut de régularité, j'ai entrepris de calculer, d'après des expériences très-exactes, les loix que fuit cette force à toutes les diftances que la grandeur de l'inftru-nient permet d'établir entre l'Aiman & le Fer. Mais ce tra-Vau, qui eft long & pénible, n'eft point encore achevé; & comme les réfultats des expériences que j'ai faites avec ce Magnétometre , ne peuvent être calculés qu'à l'aide de cette table, j'ai été contraint de renvoyer au fécond volume de cet ouvrage , le compte que je me propofe de rendre de ces expériences. Je donnerai en même tems la figure & la def-CnPtion détaillée de ce Magnétometre ; & j'efpere qu'on verra , peut entre des mains habiles, devenir l'inftrumeut des recherches les plus curieufes Se les plus variées fur les loix du Magnétifme. Variations abfervécs, elle revient après de nouvelles ofcillations , fe fixer au même point avec une précifion finguliere. Un niveau k bulle d'air extrêmement fenfible, adapté a cet inftrument, fert à lui donner une fituation bien exactement verticale ; de fortes vis fixent l'Aiman dans une pofition que l'on peut changer à volonté , mais qui, une fois décidée, ne change point d'elle-même ; & une boëte folide, fermée par une glace tranfparente, met le pendule mobile à l'abri de l'agitation de l'air. ■ §. 4ï9. Depuis cinq ans que ces inftrumens font conftruits, j'ai beaucoup obferve leur marche : j'ai vu que la force attractive varie ; que la caufe la plus générale de ces variations eft la chaleur; que le barreau aimanté perd de fa force quand la chaleur augmente, & la reprend quand elle diminue ; Se cet inftrument rend ces variations fi fenfibles, qu'une différence d'un demi-degré du thermomètre de Réaumur, produit un changement que l'on obferve avec la plus parfaite certitude. , ^aîp°.n...d* % 46'o- Il eft vrai que ce Magnétometre a , par le prin- îa fenlibihte , ° r r de cet inf- cipe même de fa conftruction, un avantage fort fingulier, & trumenc. ^ ^t cro|tre fes variations dans un rapport beaucoup plus grand que celui des variations de la force attractive: comme, cette force de l'Aiman [fur le Fer eft plus grande quand le Fer en eft plus proche, Se même dans une raifon qui, à certaines diftances, furpaffe la raifon inverfe des quarrés ; fi quelque caufe augmente f intenfité de la force magnétique , Se contraint la balle à s'approcher de l'Aiman , ce rapprochement augmente l'action de l'Aiman fur la balle, Se par cela même elle s'en approche plus qu'en raifon du fimple accroiftement qu'a rec,u la force magnétique. Si au contraire la force magnétique diminue , Se qu'ainfi la balle moins fortement attirée s'é- MAGNÉTOMETRE. Chap. 111. 381 loigne un peu de l'Aiman, elle tombe dans une fpliere d'activité moins forte, & par cela même elle s'éloigne encore plus qu'en raifon fimple de la diminution abfolue de la force attractive, §. 451. Mais fi cet avantage eft précieux en ce qu'il rend Dïffiçelt* plus fenfibles les variations de la force magnétique ; en revan- derS che il complique beaucoup le calcul de ces variations ; parce tions de ]* qu'on ne peut point les eftimer , lans connoître la loi fuivant la- tivc. quelle la diminution des diftances augmente la force attractive de l'Aiman. Or cette loi n'eft point encore connue; mais ce même inftrument peut fervir a la chercher ; puifque l'on peut, du moins dans certaines limites, augmenter & diminuer à volonté la diftance de l'Aiman à la halle, & voir les diminutions & les augmentations de force, qui réfultent de ces changemens de diftance. Les épreuves que j'ai faites m'ont prouvé, comme je l'ai dit, §. 8 3, que cette loi varie & n'eft proportionnelle à aucune fonction de la diftance. Pour fuppléer à ce défaut de régularité, j'ai entrepris de calculer, d'après des expériences très-exactes, les loix que fuit cette force à toutes les diftances que la grandeur de l'initru-111 ent permet d'établir entre l'Aiman & le Fer. Mais ce tra-vail, qui eft long & pénible, n'eft point encore achevé; & comme les réfultats des expériences que j'ai faites avec ce Magnétometre , ne peuvent être calculés qu'à l'aide de cette table, j'ai été contraint de renvoyer au fécond volume de cet ouvrage , le compte que je me propofe de rendre de ces expériences. Je donnerai en même tems la figure & la defcription détaillée de ce Magnétometre ; & j'efpere qu'on verra , ^u'il peut entre des mains habiles, devenir l'inftrurnent des recherches les plus curieufes Se les plus variées fur lès lois dvj Magnétifme. CHAPITRE IV. DE CLUSE A S A L L E N C El E. Idée gêné. § 4{.2< J^A jjé p fuit en all fc de q fe | Sal- rale de cette a ^ n route- lenche , fe dirige vers le Sud, & coupe prefqu'à angles droits celle de la Bonne-Ville à Clufe. Elle eft beaucoup plus étroite'» & bordée par des montagnes plus élevées. Ces deux circonstances réunies la rendent très-finguliere & très-pittorefque, Comme cette vallée eft tortueufe, que fouvent les rocher* qui la bordent font taillés à pic à une grande hauteur, & furplombent même quelquefois fur la route, le Voyageur étonne n'avance qu'avec une efpece de crainte, & il doute s'il hn fera poflible de trouver une LilTue au travers de ces rochers. L'Arve, qui dans quelques endroits paroît avoir à peine alTeZ de place pour elle feule , femble aufli vouloir lui difputer M chemin; elle vient fe jetter impétueufement contre lui, connue pour l'empêcher de remonter à fa fource. Mais cette vallée n'offre pas feulement des tableaux du genre terrible ; on en voit d'infiniment doux & agréables ; de belles fontaines, des cafeades, de petits réduits, fîtués ou »a pied de quelque roc efearpé, ou au bord de la rivière, tapifTe* d'une belle verdure & ombragés par de beaux arbres. Les montagnes feules fuffiroient pour intéreffer le Voyageur» par les afpecfs variés qu'elles lui préfentent ; ici nues & efcarpées , là couvertes de forêts ; ici terminées par des fouunite* prolongées horizontalement, là couronnées par des pyramides d'une hauteur étonnante ; à chaque pas c'eft un nouveau tableau. Mais je m'impoferois un travail auffi pénible pour moi qu'ingrat pour mes Lecteurs, fi j'entreprenois de décrire dans tous leurs détails les deux chaînes de montagnes qui, pendant J'efpace de près de quatre lieues , bordent & renferment cette Vallée ; je ne m'arrêterai qu'à celles qui me paroitront offrir quelqu'obfervation intéreffante. §. 463. Des que l'on eft forti de la ville de Clufe, on voit en fe retournant fur la droite , les rochers en furplomb fous lefquels on a palfé avant de traverfer l'Arve, ( §. 448 ) On distingue d'ici le profil des couches de ces rochers ; & on reconnoît qu'elles font prefque perpendiculaires à l'horizon. ' Ces couches font adoffées à d'autres couches calcaires Se Couches fié-Verticales comme elles, mais qui font la continuation de cou- ^droitT" ches à-peu-près horizontales : on diroit qu'une force inconnue a ployé à angles droits l'extrémité de ces couches 3 Se les a ainfi contraintes à prendre une fituation verticale. §. 464. Le chemin auprès de Clufe, ferré entre l'Arve Se le pied de la montagne,, laiffé à fa gauche les débris accumulés de cette même montagne. Ces débris font remarquables par *eur forme polyhedre -irréguliere , fouvent rhomboïdale , ou parallélépipède obliquangle; leurs angles font vifs & tranchans ; kur matière eft une efpece de Marbre groflier, d'une couleur °bfcure. Ces divifions naturelles font l'effet d'une retraite qu'a pro-duitê le defféchement de la matière dont la pierre a ete formée ; comme les formes régulières des Bafaltes volcaniques proviennent d'une retraite occafionée par le refroidiffement. Et les formes particulières que prennent ces différens corps dans leurs différentes retraites, font déterminées par la figure de leurs petites parties, & par la nature de leur aggrégation- Caverne de §. 4 qu'ils avoient même vu un inftrument de mufique, femblable à un violon, fculpté en relief fur le roc qui formoit un des murs de cette falle , & même des couleurs paffées par deilus la fculpture. Ce bon vieillard me fit tout ce récit avec tant de {implicite & une fi grande apparence de bonne foi , que j'aurois de la peine à le révoquer en doute. Il ne me diffuada point de vifiter la caverne, mais il s'oppofa fortement au defir que j'avois de me faire caler dans le puits; il me dit que c'étoit une entreprife très-périlleufe , parce que la corde frottant contre les parois tortueufes du puits, fe limoit & rifquoit de fe rompre, Se qu'eux n'avoient échappé à ce danger qu'en employant de très-gros cordages qu'ils avoient fait faire exprès, Se dont je ne trouverois point à Clufe. Je fus fâché d'être obligé de renoncer à la vue de cette falle Se de ce violon, mais je me rendis au confeil du vieillard, qui étoit pour moi une féconde Sibylle. Au défaut de flambeaux, je fis provifion de cierges, Se j'allai au village de Balme chercher un guide que le vieillard m'avoit lui-même indiqué. J'eus effectivement quelque peine à gagner l'entrée de la Entrée de caverne , fituée au milieu d'un roc efearpé , dont la hauteur, la cavernc' car j'y portai le baromètre, eft d'environ 700 pieds au deffus de l'Arve. Cette entrée eft une voûte demi-circulaire, alfez régulière , d'environ 10 pieds d'élévation fur 20 de largeur. Dès que j'eus obferve le baromètre Se le thermomètre, Se que nos cierges furent allumés, nous nous enfonçâmes dans la caverne. Son fond eft prefqu'horizontal, Se le peu de pente qu'il a fe C c c 2 388 £>E CL USE A SALLEKCHE.Clmp.'W dirige vers l'intérieur de la montagne. La hauteur, la largeur,' & en général la forme des parois de la caverne varient beaucoup ; ici c'eft une large & belle gallerie , là c'eft un paffage fi étroit que l'on ne peut y pénétrer qu'en fe courbant beaucoup; plus loin ce font des falles fpacieufes avec des voûtes gothiques très-exhauffées. On y trouve des Stalactites & des Stalagmites affez grandes & affez belles ; quoiqu'à cet égard , cette caverne n'approche pas des grottes d'Orfelies en Franche* Comté, ni du Poors-IIole en Derbyshire. GythlliGu j\T-AÎS une particularité que j'ai obfervée dans la nôtre , & lion pierreu- . * ' fequifefoi-. que je n'ai point vue, du moins auffi diftinétément, dans celles feeeadefUr" ^ue Je viens de nommer, c'eft une cryftallifation fpathique, qui l'eau, fe forme à la furface des eaux ftagnantes, qui repofent en divers endroits fur le plancher de la caverne. J'étois étonné d'entendre quelquefois le fond réfonner fous nos pieds, comme ft nous eufïïons marché fur une voûte mince & fonore ; mais en examinant le fol avec attention, je vis que c'étoit une matière cryftallifée, femblable à celle qui tapifle les murs de la grotte ; je reconnus que je marchois fur un faux fond foutenu en l'air à une diftance affez grande du fol de la gallerie. Mais je ne pouvois pas comprendre comment s'étoit formée cette croûte ainfi fufpeudue ; lorfqu'en obfervant des eaux ftagnantes au fond de la caverne , je vis qu'il fe formoit à leur furface une croûte cryftalline, d'abord femblable à une poufliere incohérente , mais qui peu-à-peu prenoit de l'épaiffenr & de U Gonfiftenee, au point que j'avois peine à la rompre à grands coups de marteau, par-tout où elle avoit un ou deux pouces d'épaiiïeur. Je compris alors, que fi ces eaux venoient à s'écouler , cette croûte foutenue par les bords formeroit un fau* &ud, femblable à celui qui avoit réfonné fous nos pieds. G«* eaux chargées de principes fpathiques font parfaitement lim> pides; en les goûtant j'y démêlai à la vérité une fadeur terreufe , mais bien moins fenfible que dans une infinité d'eaux de puits & même de fontaine > dont on boit journellement- Des eaux femblables qui fuintent le long des parois de la caverne, ont formé des cryftallifations d'une épailfeur confidérable. Ces faux Albâtres font dans quelques endroits d'une blancheur éblouilfante ; & les lames brillantes dont ils font compofés, réfléchilfant de toutes parts la lumière de nos ciergesV peuvent dans une defcription poétique donner l'idée de murs-incruftés de Diamans. Au refte , je vis le puits dont m'avoit parlé le bon vieillard Fuîts an , , r, \ i,,/. milieu de de Clufe, il eft a 3 4° pas de l'entrée ; je n'avois point de caverne. corde pour fonder fa profondeur , & je ne pouvois pas en juger par le tems que les pierres mettent à y defcendre ; parce que comme elles frappent à plufieurs reprifes les parois du Puits, leur vîteffe eft par-là rallentie; mais je jugeai bien qu'il étoit très-profond, & j'entendis auffi à la fin de leur chute ce roulement fur des cailloutages, que l'on avoit pris pour le bruit d'un monceau d'or. H faut voir dans l'ouvrage de Mr. Nourrit , l'effet prodigieux d'une grenade qu'il fit éclater dans k fond de ce puits. Son ouverture eft un peu plus loin que la moitié de la diftance , Eonguo Ni i de la ca- tl laquelle on peut parvenir vers le fond de la caverne ; je verne. G°nrptai 640 pas depuis l'entrée jufques au fond. La gallerie Ile fe ferme pas tout à fait, mais elle fe rétrécit tellement qu'enfin on ne peut plus y paffer ; on dit, & cela eft bien, probable, que ce font les incruftations qui, en rétréciffant lé paffage, empêchent de pénétrer plus avant. Mais que cette gallerie fe prolonge jufques à la diftance de deux lieues, comme le prétendent les gens du pays , c'eft ce que j'ai de la peine à croire. Tempéra- Le thermomètre de Mercure étoit là un peu au deffus de ture du fond „ , , r •de la ca. neuf degrés & demi , au même point que dans les caves de l'obfervatoire , fixé par les obfervations de Mr. De Luc , à 9 f de ce même thermomètre. En revenant, nous vifitâmes deux branches de la gallerie, l'une à droite & l'autre à gauche ; elles viennent l'une & l'autre aboutir à des ouvertures demi-circulaires , fituées fur de* efearpemens inacceflibles. Je n'ai rien vu dans l'intérieur de cette grotte , qui pût faire foupçonner qu'elle ait été creufée de main d'homme. Son irrégularité, Pabfence de toute production minérale qui eut pu exciter à d'auffi grands travaux, me font pencher à croire qu'elle eft l'ouvrage de la Nature , & vraifemblablement celui des eaux; leurs veftiges ne font cependant pas auffi évidens qu'aux grottes d'Orfelles, où l'on voit les bancs de rochers qui forment les parois de la grotte, creufés & rongés connue les bords d'un fleuve. Charbon de §. 4^6". Les montagnes calcaires au Nord-Eft au deffus de la caverne, renferment des bancs confidérables de Charbon de pierre, encaiffés dans un Schifte noir & compacte. On tire-roit un grand parti de cette utile production, fi le goU' veruement vouloit permettre la navigation de l'Arve; car par les voitures ordinaires, les frais de tranfport font trop confi-dérables. §. 4^7. Si du grand chemin qui eft au pied de la caverne, Pierrercafc on jette les yeux fur le rocher dans lequel eft fon ouverture, feuiTlet^ on obfervera que les bancs de ce rocher font très-épais, & ™inces>rerK A r fermées en- compofés d'une pierre calcaire grife ; qu'au deffus de cette tre des cou» pierre grife on en voit une autre de couleur brune, dont les eiXul" couches font très-minces ; mais qui par leur répétition forment Une épaiffeur confidérable. Ces couches de pierres à feuillets minces continuent jufques à Sallenche & au delà; & font renfermées par deffus & par deffous, entre des bancs de Pierre calcaire grife , compacte & à couches épaiffes. Quelquefois la pierre grife qui fert de bafe, ou comme difent les mineurs, de plancher à la brune, s'enfonce, & alors celle-ci paroît à fleur déterre; ailleurs cette pierre grife fe relevé & porte la brune à une grande hauteur. Cette pierre brune Se feuilletée eft, comme la grife, de nature calcaire ; mais un mélange d'Argiile, & peut-être un Peu de matière graffe ou phlogiftique, lui donnent fa couleur krune , & la difpofent à fe rompre en fragmens angulaires & à cotés plans.. Ce genre de pierre eft fort fujet a avoir fes couches flé~ chies ou ondées en forme d'S , de Z ou de C. Près de la caverne on voit une lacune dans le milieu des bancs du roc Sïis ; les couches minces ont rempli cette lacune , mais elles ^ut dans cet efpace extrêmement tourmentées. On comprend que ce vuide & ce remplacement, fe font faits dans le t&és même de la formation de ces rochers. Ces calcaires afgilleufes à couches minces, forment fouvent la tranfition entre les calcaires pures «Se les Ardoifes: elles ft divifent, comme la plupart des Ardoifes & des Roches primitives , en fragmens terminés par des cotés plans, & de formes fouvent rhomboïdales ; elles font auffi comme celles-ci, coupée* par de grandes fiffures fouvent perpendiculaires , & quelquefois obliques aux plans de leurs couches. Ces fentes font caufe qu'il fe détache de ces rochers de grands blocs cubiques ou rhomboïdaux ; on voit fur cette route un grand nombre de blocs qui préfentent ces formes avec une régularité finguliere. Mes fon. §> 4 A m grand quart d'heure au delà du pied de k caverne, on rencontre des fources d'une eau parfaitement claire, & de la plus grande fraîcheur, qu'on voit fortir de terre avec tant de force & d'abondance, qu'elles forment fur le champ une petite rivière qui va fe jetter dans l'Arve. Lac de Ces fources font à ce que je crois, l'écoulement d'un L^c iluine. très-élevé, qui fe nomme le Lac de Flame, Je vis ce Lac en , 17^4. Après avoir obferve la caverne, je trournai le rocher dans lequel eft fon ouverture ; j'allai paffer par les village* dArbcre , Arache, Peman, Se par la mine de Charbon, qul eft à une demi-lieue de ce dernier village. Je couchai dans un hameau écarté qui fe nomme Colonne , Se le lendemain matin j'allai vifiter le Lac, qui eft à une lieue & un quart de ce dernier village , Se dans une fituation très-finguliere. Qu'on taines, Il fait partie d'une plaine de forme exactement ovale, d'un quart de lieue de longueur fur une largeur trois fois plus petite. Cette plaine, quoique fort élevée, eft fituée au fond d'un entonnoir formé par de hautes montagnes, dont les af-pects font très-variés. Une belle verdure tapiffe le fond de la plaine, un petit bois occupe une de fes extrémités ; de ce bois fort un ruifteau qui la traverfe en ferpentant, & va former à l'autre extrémité , un petit Lac de forme demi-circulaire. Une ou deux habitations font adolfées au pied de la plus haute montagne, à égale diftance du Lac & de la forêt, & vis-à-vis d'elles un petit troupeau paît dans la prairie fur les bords du ruifteau. Si les Fées ont jamais régné fur ces montagnes, fans doute l'une d'entr'elles, qui avoit quelque pente à une douce mélancolie, s'étoit formé cette romanefque retraite. Je crois donc que les belles fources que l'on voit fortîr de terre fur la route de Sallenche, font l'écoulement des eaux du Lac de Flaine. Car elles font au deffous de ce Lac, & comme fes eaux n'ont aucune iffue vifible, il faut néceffaire-nient qu'elles en ayent une par deffous terre. §. 4.69. Dans cette même courfe, j'allai à l'Eft du Lac de Flaine, fur une montagne qui fe nomme le haut de Feron, ou la Croix de Fer , parce qu'on y voit effectivement une croix de ce métal, portée là pour l'accompliffenient d'un vœu. Cette fommité élevée de 984 toifes au deffus de notre Huîtres pé-T j rr 1 1 »«■ n trifiees a une ^ac, & par conféquent de n72 au deilus de la Mer, eft re- grande hau. ^arquable en ce que l'on y voit des fragmens d'Huitres pétri- teur" fiées; coquillages que l'on a bien rarement trouvés aune auffi grande élévation. î * D d d Je fis fur ce point élevé une de nies premières obfervations fur la chaleur directe des rayons du Soleil. Un thermomètre de Mercure à boule nue, expofé le 27e. Juin aux rayons directs du Soleil, depuis midi jufques à une heure , par un tems parfaitement clair & calme, à la diftance d'environ s pieds au delfus du fol de la prairie qui forme le fommet de la montagne, ne monta qu'au 10e. degré de la divifion de Réaumur ; & à Geneve, dans la même faifon & dans les mêmes circonftances, il monte au moins au 2,6e. degré. Cette montagne eft dominée par un rocher efearpé qui? s'il n'eft pas inacceflible, eft du moins d'un bien difficile accès; il paroît prefqu'entiérement compofé de coquillages pétrifiés, renfermés dans un roc calcaire ou Marbre groffier noirâtre* Les fragmens qui s'en détachent & que l'on rencontre en montant à la Croix de Fer , font remplis de Turbinites de différentes efpeces. De la Croix de Fer, je redefeendis à Clufe par St. Sigtf-mond , en fuivant des cimes élevées qu'on appelle les fomtnets des Frètes. J'étois placé dans le prolongement de la vallée de l'Arve , enforte que j'avois fous mes yeux tout le cours de cette rivière depuis Clufe jufques à Saleve. Le Soleil f«* la fin de fa courfe paffoit derrière des vapeurs colorées, & éclai-roit l'Arve, de manière qu'elle paroiftbit entièrement enflammée. Cette rivière de feu ferpentant à perte de vue au milieu de ces hautes montagnes, & dans le fond de ces belles vallées, prefentoit le fpeâacle le plus beau Se le plus extraordinaire que l'on puilfe imaginer. §. 470. A un petit quart de lieue de ces belles fourceâ qui nous ont 11 fort détourné de notre chemin , la grande route paffe au travers du beau village de Maglan. Les habitans de ce village font prefque tous à leur aile ; ils vont en Allemagne, y font avec beaucoup d'économie un commerce d'abord très-petit , mais qui s'augmente par degrés, & reviennent au pays avec de petites fortunes. Un peu au delà de ce village , les guides qui conduifent r Beaux les Etrangers aux Glaciers, leur font tirer des grenades pour entendre les Echos qui font ici d'une beauté remarquable. On entend le même coup fe répéter un très-grand nombre de fois, après quoi les rochers propageant & répétant toujours le même fon, produifent un long rétentiffenient, femblable en, grand à celui que rend un Claveflin , quand on le heurte avec force. §. 471. A une petite lieue de Maglan, on rencontre de grands blocs de Marbre gris, qui pendant l'hyver de 1775 fe détachèrent du haut de la montagne, & roulèrent jufques fur le chemin & même par delà. En levant les yeux fur la gauche on voit à la hauteur de 14 ou if cents pieds, la place qu'ils ont abandonnée. Cette place vuide forme une niche , couverte encore d'un grand plateau de rocher fur lequel croif-fent des arbres. La forme de cette niche eft celle d'un prifme triangulaire , dont la bafe eft un triangle rectangle. Les coures de ce rocher paroiffent horizontales ; mais elles avoient comme on le voit, des fentes verticales; les eaux qui s'étoient ûffinuées dans ces fentes, fe gelèrent par le grand froid de *776, & leur dilatation fépara & détacha ces grandes maffes. §. 47s. A une petite lieue de Maglan, une jolie cafcade, Cafcadsdu Ddd s 3$6 DE CLUSE A SALLENCHE. Chap, IV. Nant d'Ar- formée par un ruiffeau nommé h Nant dArpenaz , préfente penaz. ^ fpectacle auffi nouveau qu'agréable pour ceux que de fre-quens voyages dans les montagnes n'ont pas accoutumés a ce genre de plaifir. Mais un homme curieux de la ftructure des montagnes doit en s'approchant de cette cafcade, s'occuper principalement du rocher du haut duquel elle tombe. 1 Mr. Bourrit a deffiné fous mes yeux avec la plus grande exactitude , & le rocher & la cafcade, vus du milieu des prairies qui font au deffous du chemin. C'eft fur ce deflin qu'a été gravée la Planche IVe. Mais on n'a pas pu repréfenter dans ce deffin une mou- ches ont dans leur totalité la forme d'une S. Grande montagne dontkscou- tagne beaucoup plus élevée, que ce rocher cache entièrement parcequ'elle eft fituée derrière lui. Les couches de cette montagne font la continuation des couches Supérieures du rocher de la cafcade, & forment des arcs concentriques, tournés en fens contraire; enforte que la totalité de ces couches a U forme d'une S, dont la partie fupérîeure fe recourbe fort en arrière ; la Planche" gravée ne repréfenté que la partie inférieure de cette S. Ces grands objets doivent être vus de loin & fous différentes faces, pour que l'on puifle faiûr l'en-femble de leurs formes,. Mais il faut fe rapprocher enfuite pour obferver les détails. Defcription du rocher de la cafcade. Le rocher de la cafcade repréfenté par ïa Planche IV, eft tout calcaire ; les couches qui font au deffous des lettres d & e, font compofées de ce roc gris, compacte, dont les bancs, comme nous l'avons vu plus haut, font ordinairement épais-Mais les couches extérieures entre e & /, font du roc brun à couches minces, dont nous avons auffi parlé. Ces mêmes couches minces fe voyent encore à finterfedion des perpen- , diculaires qui paffent par les lettres a & e, Ici donc c'eft le roc gris qui eft renfermé entre deux bancs de roc brun, au lieu qu'auprès de la caverne ( §. 4.67. ) , c'étoit le roc brun , qui étoit refferré entre deux bancs de roc gris. Mais cette différence n'eft pas ce qu'il y a de plus difficile à expliquer ; c'eft la forme arquée de ces grandes couches dont il faudroit rendre raifon. Pour avoir une idée précife de leur grandeur, je priai Mr. Mefore & Pictet & Mr. Trembley de la mefurer géométriquement. lacafcadc-Ces Meilleurs prirent une bafe fuffifante dans les prés qui font au deffous du grand chemin , vis-à-vis de la cafcade, & le ré-fultat de leur opération trigonométrique fut, que le point où l'eau s'échappe du rocher , eft élevé perpendiculairement au deffus de ces prairies, de 858 pieds; Se comme le point le plus bas de la chute n'eft fûrement pas élevé de plus de 58 pieds au deffus de cette bafe, il refte au moins 800 pieds pour la hauteur de la chute. Ces prairies font elles-mêmes élevées de 77 toifes au deffus du Lac de Geneve. Le plus grand des arcs de cercle que forment les couches-extérieures de ce rocher, a donc pour corde une ligne d'environ 800 pieds : dans toute cette étendue , ces couches de même que les intérieures , font fuivies fans interruption. Pour ne lailfer aucun doute fur ce fujet, je gravis en J774 jufques au pied de ces couches, je les examinai Se les fondai même en divers endroits. On peut donc être affuré que ce font de vrayes couches, Se non point des fiffures, ni aucune autre apparence illufoirev 35S DE CLUSE A S A L L E N C H E. Clmp. IV. Couches Je dois cependant avertir, qu'en avant du rocher de la cafcade, fonteenqaî à la hauteur de la lettre ci, Se m deffous , on voit des cou-avant des ches détachées des circulaires, Se indépendantes d'elle? ; ce font couches tir» , . . ,, , quées. des Plans inclines en appui contre le corps de la montagne, femblables à ceux que j'ai obfervés au pied du Mont Saleve , & d'une formation vraifemblablement plus récente que le corps même de la montagne. Mais derrière ces plans, on voit les couches arquées, qui font horizontales dans le bas , fervir de bafe au rocher, fe relever enfuite fur la droite, Se venir en tournant former le faite de ce même rocher. «abrite §' 473' lL s,aSiroit a Paient de dire quelle force a p* ligine de la donner à ces couches cette fituation ; comment elles ont pu forme de ces • , nv ' *■ n couches au etre retroullees de façon que -les plus baffes fuient devenue-q-jces. j£s pjus ^eV(^es ) La première idée qui fe préfente eft celle des feux fouterrains. Ce qui pourroit même faire foupçonner que ces couches ont été réellement relevées par une force fouterraine, c'eft que fur la droite du rocher qu'elles forment, il y a un vuide où i-manque à-peu-près ce qu'il faudroit pour former la hauteur de la cafcade; car la montagne que l'on voit fous les lettres £ eft fur une ligne beaucoup plus reculée. Sur la droite de ce vuide ces couches recommencent fur la ligne de celles qui font recourbées ; on les voit coupées à pic de leur coté, avec les mêmes couleurs, la même épaiffeur, mais dans une fituatio» horizontale. Divers J'ai obferve dans plus d'une montagne des couches aift retrouffées » auprès defquelles on voit le vuide qu'elles paroif- exemples de lent avoir laiffé en fe repliant fur elles-mêmes. pHée^fur^" Dans POber-Hasli > la vallée de Meiringen en offre un bel exemple au deffus du village de Stem. Dans le Canton d'Uri , fur les bords du Lac de Lucarne, on en voit aufli plufieurs exemples bien diftiners. Une montagne plus rapprochée de notre cafcade, & qui préfente auffi ce phénomène, eft fituée derrière elle au Nord-Eft, entre le village de Sciz Se les Granges des Fonds. Cette montagne porte le nom d'Anteme. Elle eft plus élevée que celle du Nant d'Arpenaz, fes couches forment des arcs concentriques plus grands Se plus recourbés encore , & l'on voit de même à leur droite, un vuide qu'elles femblent avoir laiffé en fe relevant & fe repliant fur la gauche. Mais malgré ces obfervations, ce n'eft pas fans peine que j'ai recours à ces agents prefques furnaturels, fur-tout quand je n'apperçois aucun de leurs veftiges ; car cette montagne Se celles d'alentour ne laiffent appercevoir aucune trace du feu. Je laiffe donc cette queftion en fufpens ; j'y reviendrai plus d'une fois, & même avant la fin de ce chapitre. Il faut a préfent jetter un coup-d'ceil fur les montagnes de l'autre coté de l'Arve. elles-mêmes, S. 474. Vis-a-vis de la cafcade , de l'autre coté de la ri- ej,ain?%ï- Vlere, on voit une chaîne de montagnes extrêmement élevées, caireaudef. . 0 lus oe i>al- W préfentent leurs efearpemens au deffus de Sallenche, Se con- lenche. 4c0 DE CLUSE A S AL LE NC HE. Chap. IV. tre le Mont-Blanc. Leurs couches defcendent par conféquent vers la vallée du Repofoir , fituée à leur pied au Nord-Oueft. Mais au pied des efearpemens de cette même chaîne, on voit une rangée de baffes montagnes, parallèles à fa direction, inclinées en appui contre fes efearpemens, & qui defcendent en pente douce vers Sallenche ; de même encore une fois qu'au Mont Saleve. Couches § 4«c TjE ia cafCade jufques à St. Martin, on voit fré- diftorem- , 1 ment plo- quemment à fa gauche des couches finguiiérement contournées, trduefes.6"* & toujours dans cette efpece de Pierre calcaire brune, que-nous fuivons depuis fi long-tems. Quelques-unes de ces couches forment prefqu'un cercle entier; les plus remarquables font à une demi-lieue de la cafcade. Elles repréfentent des arcs dont les convexités fe regardent à-peu-près comme dans un )( ; mais avec des plans finies obliquement entre les deux convexités , 8c des couches planes & horizontales, immédiatement au deffus de l'arc de la gauche. Ces diverfes couches font fi bien fuivies dans tous leurs contours, 8c fi finguiiérement entrelacées , que j'ai peine a croire qu'elles ayent été formées dans une fituation horizontale , 8c qu'enfinte des bouleverfemens leur ayent donné ces pofitions bifarres. Déjà il faudroit fuppofer que ces bouleverfemens fe f°nt faits dans un tems où ces couches étoient encore molles 8c parfaitement flexibles, car on n'y voit rien de rompu, leurs courbures, même les plus angulaires, font abfolument entières. Ensuite Suite des confidéra-tîons fur les couches ar-quées. D E CLUSE A SALLENCHE. Chap. IV. 40t Ensuite il faudroit que ces couches, dans cet état de moite fle , eulTent été froilTées & contournées d'une manière tout-à-fait étrange, Se prefqu'impoffible à expliquer en détail. D'ailleurs des explolions fouterraines rompent, déchirent , Se ne foulevent pas avec le ménagement qu'exigeroit la confervation de continuité de toutes ces parties. La cryftallifation peut feule à mon avis, rendre raifon de ces bizarreries; nous voyons, comme je l'ai déjà dit, des Albâtres , formés pour ainfi dire fous nos yeux, par de vrayes crvftaliifations, dans les crevaffes & dans les cavernes des mon-tagnes, préfenter des couches dans lefquelles on obferve des jeux tout auffi fingulicrs. Je ne répugnerois donc pas à croire , que le rocher de la cafcade a pu être formé dans la fituation dans laquelle il fe préfente ; fi ce vuide à fa droite , fes couches , qui , bien que fuivies , montrent pourtant quelques ruptures dans les flexions un peu fortes, Se fes grands bancs de cette pierre grife compacte , qui n'eft point ft fujette à ces formes bizarres , n'éta-bliffoient pas une différence fenfible entr'elles & celles que nous venons d'examiner. §. 47^- Un peu avant d'arriver à St. Martin , on voit les prem premières Ardoife de cette route. Leurs couches font en- ^n]oiic*: r leurs cou- tremêlées des couches brifées Se tourmentées d'une efpece de <^s alter- Marbre noir, fragile, épaiifes de trois à quatre] pouces. Ces des couches pierres mélangées forment un monticule fur la gauche du calcaîres* chemin. icres J'ai obferve dans l'Apennin (Journal de Phyfique, Totn, VII i E e e Ordre des différens genres de montagnes. 4C2 DE CLUSE A S A L L E K C H E. IV. Chap. IV. p. 30. ) de femblables mélanges de bancs calcaires & de bancs fchifteux, mais beaucoup plus épais. Nous en verrons plufieurs autres exemples. §. 477. Les Ardoifes commencent donc ici à remplacer les Pierres calcaires. C'eft une obfervation générale , quoique fujette à quelques exceptions, que dans les grandes chaînes, on trouve au dehors les montagnes calcaires, puis les Ardoifes s puis les Roches feuilletées primitives, & enfin les Granits. 1 §. 478. St. Martin eft un village alfez pauvre , au bord de l'Arve, vis-à-vis de la ville de Sallenche qui eft à un quart de lieue de là , de l'autre côté de la rivière. On la traverfoit fur un beau pont d'une feule arche en Marbre noir, mais l'inondation de Novembre 1778 l'a ren-verfé. La route de ce pont à Sallenche, eft un beau chemin en ligne droite, qui traverfe le fond plat de la vallée. Réfumé de e 479. La vallée que nous venons de décrire a un fond cette vallce \ " r 1 / nature de horizontal par-tout où elle eft d'une largeur un peu confidérable ; fur-tout de Maglan à Sallenche. Ce fond eft compofé de fable , de gravier & de cailloux roulés. Comparaï- fon des montagnes qui la bordent, Dans ces parties où le fond eft large Se plat, on n'obferve aucune correfpondance , ni entre les montagnes mêmes qui bordent la vallée , ni entre les angles que forment ces montagnes: il femble même au contraire , que l'on voit des angles faillans op-pofés à des angles faillans former des efpeces d'étranglemens ; pne-nemene que j'ai obferve dans plufieurs vallées des Alpes, & fur-tout dans celles de la Maurienne qui conduifent au Mont-Cenis» DE ClUSE A SALLENCHE. Chap. IV. 40; Entre Clufe & Maglan où la vallée eft plus étroite, on voit fréquemment les angles faillans d'un côté de la vallée cor-refpondre à des angles rentrans de la partie oppofée. Mais les montagnes elles-mêmes ne fe correfpondent mutuellement prefque nulle part, ni pour la hauteur, ni pour la continuité des couches; & cela vient de la grande inclinaifon & de l'irrégularité de ces couches. §. 480. Dans cette vallée, comme dans plufieurs autres ,n Couches on voit fouvent des couches qui paroiffent horizontales , & qui ne le font pourtant point. Toutes" les fois que les cou- fent hori- zoutales. ches font coupées par un plan parallèle a la commune fection du plan de ces couches avec celui de l'horizon, leurs intervalles fe préfentent du côté de leurs efearpemens, comme des lignes horizontales, quelle que puiffe être l'inclinaifon des couches mêmes. La haute montagne que l'on voit fous les lettres g Se h, dans la Planche IV , peut en donner un exemple. Ses couches paroiffent être horizontales, ou n'avoir du moins qu'une pente très-douce vers la droite ou vers le Midi; Se cependant elles en ont une beaucoup plus rapide en arrière ou vers l'Orient. Il ne fuffit donc pas de voir une montagne en face de fes efearpemens, pour prononcer fur la fituation de fes couches; il faut encore l'obferver de profil Ainsi , qnoique fur "cette route on voie plufieurs montagnes préfenter leurs couches féparées par des lignes horizontales, il y en a cependant très-peu, dont les bancs foient réellement parallèles à l'horizon. E e e % Sallenche. §. 48 t. Sallenche eft une petite ville, affez peuplée pour fon étendue; mais mal bâtie, & dont les auberges, malgré le fréquent paffage des étrangers qui vont vifiter les glaciers, ne font pas les meilleures de la Savoye. On compte quatre petites lieues de Clufe à Sallenche ; nous les finies dans z heures & \. Le bas de la ville eft élevé de 90 toifes au deffus de notre Lac, La ville eft traverfée par une petite rivière dont elle porte le nom, Blocs de On voit dans le lit de cette rivière , & au deffus & au Granit. deffous de Sallenche, de très-grands blocs de différentes efpeces de Granit. Ces blocs font roulés 8c viennent des hautes Alpes qui font au Sud de la ville; car ici le fond du terrein eft encore fecondaire. doifeddAr" JE men ^u*s amar^ en remontant la Sallenche. Ce petit torrent, un peu au deffus de la ville, a creufé fon lit en coupant des bancs d'Ardoife, qui font inclinés fuivant la pente des eaux. On remarque dans cette Ardoife des rognons folides du même genre de pierre, Schijîus reniformis ovaïïs, "Walf p. 345 ; mais plus durs que l'Ardoife même; ils font inférés entre fes feuillets , 8c ceux-ci les enveloppent & fe rejoignent après les avoir entourés. Cette Ardoife eft mêlée de petites parties de Mica. 'Naturede La plupart des blocs de Granit qu'on trouve dans le ht de ces Granits. r r la Sallenche , tout prefqu'cntiérement compofés de grands cryi- taux de Feld-Spath ; le Qiiartz ne s'y trouve qu'en très-petite quantité. Ces cryftaux font féparés par du Mica verdâtre, qui divifé quelquefois en très-petites parties a l'apparence & l'onftuofité de la Stéatite. Je loge ordinairement à Sallenche dans l'auberge qui eft à Vue du l'entrée de la ville , non que cette auberge foit de beaucoup Mont"Eto meilleure que les autres ; mais parce qu'il y a une gallerie d'où l'on voit le Mont-Blanc en face & parfaitement à découvert. Le fommet de cette montagne, caché pendant prefque toute la route par les hauteurs dont on eft environné , commence à fe laifter appercevoir entre la cafcade & St. Martin ; on le voit très-bien du pont de ce village, & mieux encore de Sallenche , d'où il paroît d'une hauteur qui étonne. Mais il n'étonne jamais plus que lorfque des nuages cachent la plus grande partie de fon corps, & qu'il fe forme dans ces nuages un vuide qui ne laifle voir que fa cime. Alors il eft impôt fibîe de comprendre que ce qu'on voit , puifte être un objet terreftre ; ceux qui le voyent de là pour la première fois, s'obftinent à croire que c'eft un de ces nuages blancs qui s'am-moncelent quelquefois à une grande hauteur par delfus les cimes des montagnes. Il faut pour les défabufer, que les nuages fe difîipent, & laiffcnt à découvert la grande & folide fcafe, qui unit à la terre cette cime qui fe perd dans les Cieux», CHAPITRE V. DE SALLENCHE A S E R F 0 Départ de § 482. La route de Sallenche à Chamouni étoit autrefois • a ne e. dangereufe, même à Cheval ; on ne pouvoit la faire en fureté qu'à pied ou fur des Mulets du pays. Mais la grande afflueucc des étrangers a engagé la province à faire élargir les chemins* & à adoucir un peu les pentes les plus rapides. Depuis lots on peut faire cette route fur des chariots étroits Se légers-' les gens de Sallenche en tiennent de tout prêts pour les Dames Se pour les Voyageurs qui craignent de monter à Cheval. On vînt nous en offrir dès notre arrivée, mais j'avois écrit à Chamouni pour qu'on nous envoyât des Mulets qui pulTent nous fervir pour tout notre voyage, & mon ancien Se fidèle guide , Pierre Simon , de la paronTe des Près, à qui j'avois donné cette commiffion, nous en amena un nombre fuffifant pour nous, nos Domeftiques Se notre bagage. Je voulois partir de bon matin, pour arriver de bonne heure à Chamouni, Se pour éviter la chaleur qui eft extrême dans la vallée , au fond de laquelle nous avions encore à faire le tiers de notre voyage. Nous fûmes prêts de fort bon matin: on quitte fans regret les lits de Sallenche ; mais la dévotion de nos xMuletiers Cha-mouniars nous contraignit à ne partir que tard ; c'étoit un Dimanche , & les jours de fête, ces bonnes gens ne veulent p°inC fe mettre en route fans avoir entendu la Meife. En les attendant nous finies l'obfervation du Magnétometre que nou* plaçâmes au bord de la Sallenche , fur un grand plateau de Granit, & nous partîmes enfin un peu après fept heures. §. 48 3- En retournant à St. Martin, car il faut de Sal- Haute moi* lenche revenir fur fes pas , & palTer de nouveau l'Arve vis-à- ^fl-us de S. "vis de ce village , on a en face une montagne calcaire , qui Martin, doit être élevée de plus de 1200 toifes au delfus du Lac de Geneve. Sa cime qui fe nomme l'Aiguille de Varens, a une forme triangulaire ; elle préfente de deux côtés les tranches efcarpées de fes couches ; & la pente rapide de ces mêmes couches forme la troifieme face de la pyramide. Le fommet de cette haute montagne eft compofé d'une pierre calcaire grife ; mais plus bas on y voit des bancs d'une pierre brune, à couches minces, la même apparemment que nous avons déjà obfervée dans ces montagnes. Sa bafe eft vraifemblablement d'Ardoife ; il y en a des carrières au deffus de St. Martin, & on en fait ufage dans le pays même; j'en ai vu là de très-belles légères & folides, de l'efpece que 'Wallerius a nommée Ar-dejîa tegularis, Sp. If7- Ces ardoifes feroient d'un grand débit à Geneve, fi l'on en facilitoit le tranfport en permettant: la navigation de l'Arve. §• 484. En fortant de St. Martin on entre dans une belle route reéfiligne, tracée fur le fond horizontal de la vallée. On regrette en faifant cette route, la quantité de terrein que Dégâts de les débordemens de l'Arve rendent inutile , fur-tout fi l'on ré- 1Arve* fléchit combien les terres arables font précieufes dans ces pays ^ontueux. Le fond de la vallée eft fi plat, que pour peu Sue la rivière fe déborde, elle l'inonde en entier: même dans *es tems ordinaires elle en couvre une grande partie > & le-Joindre obftacle lui fait changer de lit, prefque d'un jour h l'autre. Si l'on pouvoit , par une digue, la contenir dans un lit permanent, on y gagneroit prefqu'une lieue quarrée de terrain , qui feroit bientôt en valeur, parce que le limon de cette rivière eft très-lin & très-fertile. Lorsque l'Arve eft baffe , cet efpace fablonneux & aride préfente un afpecf trille & ingrat ; mais quand il eft inondé , la vallée rcffemble à un Lac , & la ville de Sallenche qui d'ici paroît au bord de ce Lac, fes clochers brillans & élevés, & les collines boifées qui la dominent, couronnées par les cimes fourcilleufes de la haute chaîne du Repofoir , forment un tableau de la plus grande beauté. Au mois d'Août i77^> après des pluies abondantes, l'Arve s'étoit tellement débordée, qu'à une demi-lieue de Sallenche elle avoit emporté le chemin , & l'on étoit forcé de palfer fur la pente rapide d'une prairie dont le fond argilleux, humecté par les pluies , étoit extrêmement gliffant Je faillis à y périr ; j'avois mis pied à terre & je menois mon Cheval par la bride, quand il fe mit à gliffer fur moi des quatre pieds à la fois, en me pouffant dans un précipice fous lequel paffott la rivière : heureufement j'eus encore le tems de m'élancer en avant, de franchir ce mauvais pas & d'en tirer mon Cheval. §•48^. Un danger plus extraordinaire que l'on court quelquefois fur cette route, eft celui d'être furpris par des torrens qui k forment fubiternent, & defcendent avec une violence incroyable du aut des montagnes qui font fur la gauche de la grande route. Ces montagnes prefque toutes d'Ardoifes, & en plufieurs endroits d'Ardoifes décompofées, renferment des efpeces "de badins Torrens momentanés. / foafïïns fort étendus, dans lefquels les orages accumulent quelquefois une quantité immenfe d'eau. Ces eaux, lorfqu'elles parviennent à une certaine hauteur, rompent tout à coup quelqu'une des parois peu folides de leurs réfervoirs, & defcendent alors avec une impétuofité terrible. Ce n'eft pas de l'eau pure, mais une efpece de boue liquide, mêlée d'Ardoife décompofée & de fragmens de rochers ; la force impullîve de cette bouillie denfe & vifqueufe eft incompréhenfible ; elle entraîne des rochers, renverfe les édifices qui fe trouvent fur fon paffage, déracine les plus grands arbres, Se défoie les campagnes en creufant de profondes ravines , & en couvrant les terres d'une épaiffeur confidérable de limon, de gravier & de fragmens de rocher. Lorfque les gens du {pays voyent venir ce torrent, qu'ils nomment le Nant Sauvage, ils pouffent de grands cris pour avertir ceux qui font au delfous, de fuir loin de fon paflage. On comprend que dès que le réfervoir eft vuidé, le torrent cette, ou du moins diminue con, fidérablement : il dure rarement plus d'une heure. Cet accident eft tris-rare, je ne l'ai vu qu'une feule fois, le 7e. Août 1767, & quoiqu'au moment où je le rencontrai, il fut déjà fur fon déclin, j'en vis aftez pour m'en former une idée. On ne peut pas imaginer un fpeclacle plus hideux; ces Ardoifes décompofées formoient une boue épaifte , dont les vagues noires rendoient un fon fourd & lugubre ; & malgré la lenteur avec laquelle elles fembloient fe mouvoir, on les voyoit rouler des troncs d'arbres & des blocs de rocher > d'un volume & d'un poids confidérables. Je fus cependant très-fatisfait d'avoir été témoin de cette efpece de débâcle : elle m'a aidé à comprendre comment la F f f. grande de'bacle des eaux de la Mer a pu entraîner des rochers des Alpes â de très-grandes diftances. §. 486. Le pied des montagnes que l'on côtoyé à gauche, eft, ou d'Ardoife, ou de cette Pierre calcaire brune, a couches minces » dont nous avons déjà parlé,. JeMfcumet8 °N voit dans ces boites des mélanges bien remarquables fchifteux, de feuillets fchifteux noirs bien décidés 3 & de couches ou de fpathiques& r M1 . , « quartzeux. feuillets minces de Spath blanc calcaire. On en voit d'autres qui font mélangés de la même manier* avec du Quartz, Ces feuillets font tantôt plans, tantôt ondes & tortueux; dans quelques morceaux ils fe croifent à angles droits, enforte que la pierre reflemble. à un échiquier à très-petits carreaux» Il eft inftrudtif de voir des pierres fécondaires, & qui, du commun aveu de tous les Naturaliftes, ont été formées dans le fein des eaux, préfenter des mélanges & des formes que ¥on voit ii fouvent dans les montagnes primitives, J'ai féparé des milliers de feuillets de ces Ardoifes, &ns pouvoir y découvrir le moindre veftige d'aucun Etre organifé. Village£e §. 487. J'ai déjà dit que la grande route lâiffe à fa gauche montagnes. le village de Pafty , fttué fur le penchant de la montagne-Ce village eft fort grand, mais les vergers dont* il eft entouré ne lailTent appercevoir que PEglife & quelques maifons éparfes- Au deilus de ce village font des bois, plus haut des prairies, & plus haut encore une chaîne de rochers calcaires très-élevés, gui préfentent leurs efearpemens à la chaîne centrale des Alpes. Au contraire, de l'autre côté de l'Arve on ne voit qu'une Nulle cor. colline peu élevée, dont le fond eft d'Ardoife. Il n'y a donc entœ'ï^co! aucune correfpondance entre ces deux côtés de la vallée de dela vaU l'Arve. §. 488. Apres que l'on a fuivi pendant une heure ou une Montée de . Chede. heure & demie, le beau chemin tracé en ligne droite au fond de la vallée, on arrive à un petit hameau qui fe nomme Cbéde. Ici l'Arve refterrée entre des rochers, ne permet plus que l'on fuive fes bords, il faut tirer à gauche, & gravir alfez haut fur le penchant de la montagne. §. 489. De l'autre côté de l'Arve on voit le viîlage de St. St* Gemk Gervais , à l'entrée d'une vallée que nous fuivrons en allant à l'Allée-Blanche. On apperçoit môme dans cette direction les bafes neigées du Mont-Blanc, que nous lahTerons fur la gauche en faifant cette route. Le village de St, Gervais eft élevé de rfo ou zco pieds au delfus de l'Arve; le terrain, coupé à pic dans cet intervalle, paroît en entier compofé de fable & de débris accumulés à l'extrémité de cette vallée par le torrent qui en fort, ou peut-être par des torrens plus considérables, qui ont anciennement occupé la même place. §. 490. Lorsque de Sallenche on veut aller droit à Cor- î^£e <*? major par l'Allée-Blanche, on ne revient point traverfer l'Arve st.Gervais, Fff % DE SALLENCHE] A SERVOZ. Chap. V. a St. Martin, mais on fuit fa rive gauche & l'on vient paflfer à St. Gervais. Je fis cette route en 1774. Elle côtoyé l'Arve fur le penchant de montagnes peu élevées , ou plutôt de collines qui dans cet intervalle bordent la rive gauche de cette rivière. Ces collines font d'Ardoife , mais parfemées de grands blocs de Granit, qui ont été tranfportés la par d'anciennes révolutions. Un de ces blocs mérite d'être obferve; fa furface de vingt pieds de diamètre , eft parfaitement plane , & il paroît en entier compofé de tables femblables, parallèles entr'elles. Je comptai une lieue & demie de Sallenche à St. Gervais» & une lieue de St. Gervais à Bionnay, où nous viendrons de Chamouni prendre la route qui conduit à l'Allée-Blanche. Je reviens à celle de Sallenche à Servoz. §. 491. Après avoir gravi pendant une petite demi-heure, Chédc montagne de Chéde, on peut fe repofer agréablement auprès d'un joli réfervoir qu'on diroit avoir été creufé par la Nature, pour retenir les eaux d'un ruiffeau qui tombe de la montagne. Ces eaux d'une limpidité parfaite, entourées de grands arbres qui fe répètent fur leur furface toujours tranquille, bordées d'un côté par un rocher couvert de moufle , & de l'autre pat une prairie charmante, réveillent au milieu des afpecfs fauvages de ces hautes montagnes , des idées fi calmes & fi douces que l'on a peine à s'en arracher. ho „ maggîore , ma rafTomigliantifiimo a „ quello de tuoni, e digrande batteria „ di cannone , li villani tutri s'erano ri* ,, tirati da quei contorni , « non ofavano „ mirare ii diroccamento, cbe in dîftanza, „ di due o piu migHa. Tutte. îè cam-„ pagne circonvicine erano coperte dî „ una polvere fimigliantilBrna alla ce* „ nere, e quefta in alcuni luoghi era. ,, ftata trafportata da venti alla dif-r „ tanza di cinque leghe. Tutti dice-„ vano d'aver alcuna voira veduto. ii „ fumoroifo, e nelle notte con fiamme. „ 11 compleffo di tali offeryazioni. facea *i 93 99 99 99 99 *> *» » 93 93 99 »> 99 99 99 nuit étoit accompagnée de flammes. L'enfemble de ces obfervations faifoit croire à tout le monde , qu'indubitablement il s'étoit ouvert là un Volcan. Pour moi, j'examinai la prétendue cendre, & je ne trouvai qu'une poufliere compofée de Marbres piles ; j'obfervai attentivement la fumée $ Se je ne vis point de flammes, je ne fentis aucune odeur de fouffre ; les fonds des courans & les fontaines que j'examinai avec foin , ne me préfenterent abfolument aucun indice de matière fulfureufe. Perfuadé d'après ces recherches qu'il n'y avoit là aucune folfatare enflammée, j'entrai dans la fumée, & quoique feul & fans aucune efeorte , je me tranfportat fur le bord de l'abîme ; je vis là une grande roche qui i*e précipitoit dans cet abîme, & j'obfervai que la fumée n'étoit autre chofe qu'une poufliere élevée par la chute des pierres» Je recherchai & je trouvai alors la caufe de la chute de ces rochers. Je vis qu'une grande partie de la montagne fituée au delfous de celle qui s'ébouloit, étoit compofée de terres & de pierres, non pas difpofées en carrières ou par lits, mais confufément entaflees. Je reconnus par là qu'il s'étoit „ unîformcmente credere che ivi un| „ Vulcano aifolutamente fi ritrovaife. Jo „ efaminai la creduta cenere , e ritrovai una polvere formata da marmi pefti, i, offervando attentamente il furao , non i, vidi fiamme, non fentii odore di zolfo, „ efaminati li fondi de correnti e fon- tane , non ricconobbi verun fegno di „ materia fulfurea ; onde perfuafo che „ ivî zolfatara accefa non fi ritrovaffe, / ., entrai net fumo e benche folo, e fenza I veruna feorta , mi portai fu la voragi-„ ne , e quivi vidi una vafta rocca che andava precipitando , ed offervai che M il fuma altro non era cbe una polvere , follevata dalle cadute piètre. Rintra-. ciai allora la caufa del dirocrimento. , Vidi una grande parte délia montage , fottopofta al diroccameuto forma'3 , di faffi e terra, non gia a carrière i° ftrati difpofti, ma ammafTati alla rin-fufa, onde conobbi effere altre volte fimili ruine nella ftefia montagna af-venute , dopo le quali la grande roc-ca , che in queft'anno e caduta n'era rimafta priva di foftegno e con uno ilrapiombo grandiffimo ; quefta era comporta di carrière orizontali > due délie quali , le piu baffe , erano dj Iavagna o pietra a fogli fragile e d» déjà î) déjà fait dans la même montagne, de femblables éboulemens, « à la fuite defqtiels le grand rocher qui eft tombé cette année, » étoit demeuré fans appui, & avec un furplomb confidérable. » Ce rocher étoit compofé de bancs horizontaux, dont les sj deux plus bas , étoient d'une Ardoife ou pierre feuil-'»% letée, fragile Se de peu de confiftance : les deux bancs au sa deffus de ceux-ci étoient d'un Marbre femblable à celui de « Portê-venere, mais rempli de fentes tranfverfales à fes cou-js ches. Le cinquième banc étoit tout compofé d'Ardoife à u feuillets verticaux entièrement défunis, Se ce banc formoit „ tout le plan fupérieur de la montagne tombée. Sur le n même plan il fe trouvoit trois Lacs, dont les eaux péné-a troient continuellement par les fentes des couches, les fc-» paroient Se décompofoient leurs fupports. La neige , qui a cette année étoit tombée en Savoye en fi grande aboli* a dance que de mémoire d'homme on n'en avoit vu autant, n ayant augmenté l'effort, toutes ces eaux réunies produifirent » la chute de trois millions de toifes cubes de rochers, vo-lume qui feul fuffiroit pour former une grande montagne. »> Dans la relation que j'écrivis de la chute de cette mon-tagne, Se que j'envoyai à S. M. , avec un deffin de la mou-» tagne même, je rendis plus exactement compte de la caufe w poca confiftenza, le due carrière fo- | „ anno tal quantita di neve caduto m " vrapofte erano d'un marmo fimile al '> Porto-venere, tutto sfefo a traverfo M di carriera. 11 quinto ftrato era tutto '5 formato di lavagna a fogli verticali iS tutti difuniti, e quefto formava tutto " piano fuperiore délia montagna ca-»' duta. Nello ftefto piano tre laghi fi * ïjtrovano , le acque di quali di con-*• tinuo pénétra vano per le aperte car-•» "ère, e feparando le ftefie, e mar- ,, Savoia , che a memoria d'uomeni non „ fe ne vide l'eguale , accrefciuto lo sforzo , ne nacque il diroccamento de „ mafii di tre millioni di tefe cubiche ; „ materiale che da fe folo potrebbe for-„ mare un gran monte. Sotto le ruine », poi reftarono fei cafe, fei uomeni, c Itiolti animali. Nella ftoria che io î, feriffi di tal ruina da me inviata a ,j S. M. con un efatto difegno di quella 5' Clendo l'appoggio, effendom queif. I », montagna, diedi pin efattamente conto Ggg Blocs de iïarbre gris. 5, & des effets de cet ébouleraient ; & je prédis qu'il cefferoït „ en peu de tems, comme il arriva^ en effet ; & ce fut ainû ,, que j'anéantis ce Volcan". §. 494- Les ruines de la montagne, dont la chute eft fi bien décrite dans la lettre que je viens de traduire, font fituées au Nord-Eft du village de Servoz. Je ne les ai point vifitées, mais la route que nous fuivons eft parfemée de grands fragmens détachés du haut de la chaîne dont cette montagne faifoit partie, & qui eft à-peu-près de la même nature. Quelques-uns de ces débris méritent notre attention : on y trouve : i*. De grands blocs d'une Pierre calcaire, ou d'une efpece de Marbre gris , traverfe par des veines blanches de Spath J'ai fouvent cherché dans ce Marbre des veftiges de corps marins, mais je n'ai pu en découvrir aucun. dclla caufa ed effetti del dirocca- mémo , e predifli che tra poco tempo „ farebbe ceffato , corne di fatto aven-„ ne, ed in tal guiza il Vulcano fu da „ me diftrutto. Je joindrai ici le jugement que ce célèbre Naturalifte porte dans la même lettre , fur la ville de Geneve. Dovei per afrare di confeguenza „ dopo la vifita délia montagna paffare „ a Ginevra. Oh la bella Citta che è quella , mi parve di mirare un pezzo 5, di Venezia : ella è fituata fui Lago Le-M mano , e viene divifa dal fiume Ro-„ dano , e full'uno e fu' l'altro bellif- fi mi edîfizi fabricati vî fono per i la-„ vari di panni, di cuogi, ed altro. Le „ ftrade fon belle, le café o palazzi, „ chiefe, fono magnifiche : in quella >, citta non v'à ozio , ed il comerzio e „ le arti fiorifeono a maraviglia. Parte délia citta è in collina, e parte alla i pianura, cd alla parte di ponente » collina forma un grande piano tutto fiancheggiato di belle fabbriche» e piantato d'alberi, ed erbe, e fiori ; c di quefto fi difeende per due grandi fea-finate alla pianura, tutta èguale, con grandi ftradoni d'alberi, con fiori em piante di bella vifta , con fedili * legno dipinti : e quivi ne' giornïfe^ tivi, concorrono tutte le donne di qualunque condizione délia citta , W gran paffeggio. La pubblica libreria è abondantiffiiiia e benilfimo tenuta. Ritrovaili Genevrini di tempérament piuttofto mclancolico che alle#r0 i e molto foftenuti trattando col foref-tiere. Intefofi per altro, che io Veneziuno fui trattato con la ta^Sr gior gemilezza 2°. De grands & petits morceaux d'une Ardoife dont les Ardoifes feuillets irrégulièrement 'ondes , font mêlés de veines & de Ss&d^ couches minces, tantôt de Quartz & tantôt de Spath, fembla- Om»"*. bles a ceux du §. 48^- 3°. Des fragmens d'une efpece de Grès verdâtre, extérieu- Grès fin. & rement tacheté , fort dur, & d'un grain très-fin. dur> Ce Grès ne fait avec l'eau forte qu'une effervefeence extrêmement foible, qui augmente à la vérité, 11 l'on réchauffe l'acide dans lequel on le plonge ; mais qui ne lui ôte, ni fa cohérence, ni fa dureté; car il donne du feu, même après cette épreuve. H faut donc que les grains de fable fin Se de Mica , dont ce Grès eft compofé, foient unis par un gluten, ou quartzeux ou argilleux ; Se que les particules calcaires qui produifent la légère effervefeence que nous avons obfervée, fe foient infiltrées, Se logent comme un corps étranger , dans fes pores extérieurs. J'ai vu en Italie des ouvrages antiques que l'on difoit de Bafalte, mais qui m'ont paru d'un genre de pierre très-ref-femblant à celui-ci, Se par conféquent très-différent des vrais Bafaltes volcaniques. Une fia tue d'enfant, que l'on montre dans la Gallerie de Florence, fous le nom de Britannicus , Se que l'on dit de Bafalte, eft vraisemblablement de ce même genre de pierre. J'ai fait travailler un morceau de ce Grès, Se l'ef-pece de poli qu'il a pris, reffemble parfaitement à celui de cette ftatue. 4°. Des morceaux compofés de couches planes très-minces, Couches qui font alternativement'du Grès que je viens de décrire, Se ang ' d'une Ardoife noire 9 brillante.\ Ggg \ Dans d'autres fragmens ce font des couches [calcaires, diffo-lubles dans les acides, qui font entremêlées de ces mêmes Ardoifes , dont la matière eft argilleufe & ne fait aucune effervefeence avec l'efprit. de-Nitre. Nant noir, §, 49 j. Av m[\ieu de ces éboulis, on traverfe un torrent qui porte à jufte titre le nom de Nant noir, parce que les débris d'Ardoife qu'il charie,teignent en noir & fon lit & fes bords. La ravine creufée par ce torrent étoit dangereufe à traverfer avant qu'on eut réparé les chemins : il falloit defeendre dans le fond de cette ravine par un fentier étroit J & oblique , fi* des terres mouvantes, qui s'ébouloient fous les pieds des chevaux, & fouvent les faifoient tomber dans le fond du torrent. Rognons qn trouve D'APRis tout ce ^ent de lire fur la forma- faccroiffe- tion des glaciers, on feroit tenté de croire que ces neiges» Ser? s'accumulent toujours, qui ne diminuent jamais en été autant qu'elles s'augmentent en hiver, & qui fe convertirent en glaces plus folides encore Se plus durables , devroient croître Se même très-rapidement, en épaiffeur & en étendue. Heureu-fement la Nature a mis des bornes à leur accroiifement. Les cha- Le Soleil, les pluies , les vents 'chauds travaillent pendant l'été leurs de r . ■ ■ l'été, fera- a les détruire ; Se l'évaporation , dont l'aefion fur la glace & plus encore fur la neige eft très-confidérable , principalement dans un air raréfié, diflipe , même dans les plus grands froids, une quantité confidérable de toutes ces matières. Mais ces deux caufes ne rctarderoient que faiblement les accroiffemens annuels des neiges Se des glaces, s'il n'en exif-toit pas deux autres dont je n'ai point encore parlé , jwation. qu'il faut développer pour corapletter cette efquiffe de la Théorie des glaciers. §. ? 3 2. L'une de ces caufes eft la chaleur intérieure de la La cha-Terre, qui fait fondre les neiges & les glaces, même pendant JaiRe/0"^ les froids les plus rigoureux, lorfque leur épaifteur eft affez grande pour préferver du froid extérieur les fonds fur lef-quels elles repofent. Notre Terre a reçu du Soleil, 8c peut-être d'autres caufes qui ne nous font pas bien connues, un certain degré de chaleur, qui paffe pour être uniforme à la profondeur de 6o ou 8o pieds dans les parties folides de ce Globe; & qui dans.ces mêmes parties & à cette même profondeur, n'eft pas fenfible-ment affecté par les variations des faifons. Cette chaleur eft ce que j'appelle la chaleur intérieure de la Terre. Elle fe fait fentir malgré les froids de l'hiver, à tous les corps qui , enfoncés dans la terre , ou pofés fur fa furface, font fuffifamnient garantis des impreflions du froid extérieur. Or la neige 8c la glace font peut-être de tous les corps connus, les plus impénétrables à l'aclion du froid ; aucun abri ne préferve plus fûrement les plantes des rigueurs de l'hiver, que la neige entalTée au deffus d'elles. Dans les pays où les froids ne font pas exceffifs, on voit fouvent la terre, gelée avant la chute de la neige , reffentir fous cette neige les effets de la chaleur intérieure , 8c fe dégeler, lors même que le froid continue de régner dans fair, 8c que les corps qui n'ont pas joui de cet abri, ont été continuellement dans un état de congélation. Les plantes ainfi garanties du froid , font pendant l'hiver, des provifions pour leur accroiffement futur , enforte L 1 1 3 4fft DES GLACIERS EN' GÉNÉRAL. Chap. VU. qu'au moment où les neiges font fondues, elles font des progrès étonnans, préparés pendant leur iéjour fous cet abri fa-lutaire. Nous voyons dans nos Alpes la Soldanelle & le Crocus, fleurir au printems, à mefure que les neiges fe retirent; leurs fleurs brillent aujourd'hui dans la même place que la neige couvroit hier. Cette cba- g ^33> la chaleur fouterraine agit donc continuellement leur produit, . même en fur les couches inférieures des glaciers & des amas de neiges ? courans deS dont l'épaiffeur eft un peu confidérable. C'eft elle qui .entre- d'eau fous tient les torrens qui, même pendant les plus grands froids, ne les glaces. T r , difcontinuent jamais de fortir de tous les grands glaciers. L'examen de ce fait fut un des motifs qui m'engagèrent à faire en hiver le voyage des glaciers de Chamouni. Je trouvai toute la vallée couverte d'une neige fi fortement gelée, que les mulets chargés paftoient par deffus, fans laiffer plus de traces que fur un roc folide ; & en telle quantité, que les paliffades qui limitent les poffeflions en étoient cachées, Se que Von le dirigeoit droit où l'on vouloit aller, fans diftinguer les chemins Se fans chercher à les fuivre. Dans ce tems là même, il fortoit des courans d'eau de tous les glaciers de la vallée, moins abondans fans doute qu'en été, mais toujours très-confidérables. Or d'où pouvoient venir ces eaux, fi ce n'eft des neiges & des glaces fondues par la chaleur fouterraine? J'examinai même les fonds de ces courans; ils n'étoient point gelés , Se il ne s'y formoit aucune glace-nouvelle ; toutes ces eaux defeendoient dans l'Arve; Se celle-ci» petite à la vérité, mais toujours liquide , venoit comme dans, la belle faifon, porter au Rhône le tribut de fes eaux. §.PÏ34. La fufion des neiges & des glaces par la chaleur Cette mê- intérieure de la terre , trouve encore de nouvelles preuves ^înci^lel dans la confidération des amas de neiges, qui font difpofés par touches 5n- couches parallèles à la furface du terrain. neiges. Chacune de ces couches eft le produit d'une année; & c'eft furtout dans les glaciers du fécond genre qu'on peut les obferver ; car ceux du premier, compofés prefqu'entiérement de grandes avalanches, confufément entaffées, ne préfentent que rarement des veftiges réguliers de leurs accroiffemens. On obferve que les couches de neige font d'autant plus minces qu'elles font plus voifines du fol fur lequel elles repofent. Les quantités inégales qui tombent en différentes années, les différens degrés de chaleur des étés, & d'autres caufes accidentelles troublent un peu la régularité de cette progreffion, mais n'empêchent pas qu'il ne foit vrai, qu'en général, les couches, les plus profondes font aufli les plus minces. Le poids des couches fupérieures qui compriment les inférieures contribue fans doute à les amincir ; cependant leur denfité n'eft point en raifon inverfe de leur épaiffeur ; celles du fond contiennent réellement beaucoup moins de matière que celles de la furface. Or cette diminution ne peut venir que de leur fonte, produite par l'action de la chaleur fouterraine. S. 5 3T- Une autre caufe qui s'oppofe avec beaucoup d'ef- Le poids «cace à un accroiffement exceflif des neiges & des glaces, c'eft ies entraîne feur pefanteur , qui les entraîne avec une rapidité plus ou moins jjj^kj^ grande dans les baffes vallées, où la chaleur de l'été eft affez forte pour les fondre. La chute des neiges fous la forme d'avalanches, eft- un plié- 4Ï4 DES GLACIERS en G é N è RA L. Chap. VIL nomene connu , & auquel nous aurons occafion de revenir ailleurs. Celle des glaces, qui le fait avec plus de lenteur, & pour l'ordinaire avec moins de fracas , a été moins bien ob-fervée. Presque tous les glaciers , tant du premier que du fécond genre, repofent fur des fonds inclinés ; & tous ceux d'une grandeur un peu confidérable ont au deffous d'eux , même en hiver ( §. f 3 3. ) , des courans d'eau , qui coulent entre la glace & le fond qui la porte. On comprend donc, que ces maffes glacées, entraînées par la pente du fond fur lequel elles repofent, dégagées par le$ eaux de la liaifon qu'elles pourroient contracter avec ce même fond, foulevées même quelquefois par ces eaux, doivent peu-à-peu glifler & defcendre en fuivant la pente des vallées ou des croupes qu'elles couvrent. C'est ce gliffement lent, mais continu, des glaces fur leurs bafes inclinées, qui les entraîne jufques dans les baffes vallées, & qui entretient continuellement des amas de glaces dans des vallons affez chauds pour produire de grands arbres, & même de riches moiffons. Dans le fond de la vallée de Chamouni par exemple , il ne fe forme aucun glacier, les neiges mêmes y difparoiflent dès le mois de May ou de Juin ; & pourtant le Glacier des Buiffons, celui des Bois, celui d'Argentiere, defcendent jufques dans le fond de cette vallée. Mais les glaces inférieures de ces glaciers n'ont point été formées dans cette place, & elles apportent, pour ainfi dire, l'atteftation du lieu de leur naiffance , puifqu'elles defcendent chargées des débris des rochers qui bordent l'extrémité la plus élevée de 1* vallée de glace, Se que ces rochers font compofés de pierres, dont les efpeces ne fe trouvent point dans les montagnes qui bordent la partie inférieure de cette même vallée. §. ï3 6. Tous les grands glaciers ont à leur extrémité in- .Amas de / pic res de— férieure, Se le long de leurs bords, de grands amas de fable Se pofées fur" de débris, produits des éboulemens des montagnes qui les do- desclacLs minent. Souvent même les glaciers font encaiffés dans toute leur longueur par des efpeces de parapets ou de retranche-mens , compofés de ces mêmes débris que les glaces latérales de ces glaciers ont dépofés fur leurs bords. Dans les glaciers qui ont été anciennement plus grands qu'ils ne font aujourd'hui, ces parapets dominent les glaces actuelles ; dans ceux qui font au contraire, plus grands qu'ils n'ayent encore été , ces parapets font plus bas que la glace ; Se on en voit enfin où ils font de niveau avec elle. Les payfans de Chamouni nomment ces monceaux de débris, la moraine du glacier»' Les pierres dont l'entafiement forme ces parapets, font pour la plupart arrondies , foit que leurs angles fe foient émoulfés en roulant du haut des montagnes , foit que les glaces les ayent brifés en les frottant, Se en les ferrant contre leur fond eu contre leurs bords. Mais celles qui font demeurées à la mrface de la glace , fans avoir elfuyé de frottemens considérables , ont confervé leurs arrêtes vives & tranchantes.. Quant à leur nature, celles que Ton trouve fur l'extrémité mpérieure des glaciers , font des mêmes genres de pierre que les montagnes qui les dominent; mais comme les glaces les er,traînent vers le bas des vallées , elles arrivent entre des mon-*agnes dont la nature elt entièrement différente de la leur, 4f6 DES GLACIERS EN G è N è R A L. Chap. VIL Bancs de §. T 3 7- & femble un peu plus difficile de rendre raifon pierres & de j j „ ■., fable au mi. des amas dc pierres & de fable, que l'on trouve entaffés dans heures Gla. ie milieu des vallées de glace , & à une fi grande diftance des bords de ces vallées, qu'il paroit impoffible que ces amas viennent des montagnes qui les bordent. Ces pierres font ordinairement arrangées par lignes parallèles au bord du glacier; & l'on voit fouvent plufieurs de ces lignes féparées par des bandes de glaces vives & pures. Quand on traverfe la grande vallée de glace, à deux lieues au delfus de Montanvert, on eft obligé de franchir quatre ou cinq de ces efpeces de retranchemens ; quelques-uns d'entr'eux font élevés de 30 ou 40 pieds au delfus de la furface du glacier , tant par la quantité des pierres qui les compofent, que par les glaces mêmes, qui garanties du Soleil & de la pluie par ces mêmes amas, demeurent au deffous d'eux. beaucoup plus hautes que là où elles font nues, & expofées à toutes les injures de l'air. Ce ne font J'ai vu quelques habitans des Alpes, qui ne fâchant compas les Gla- ciersquiles ment expliquer l'origine de ces bancs, difoient que les glaces vomiifcnt. repouffent en haut, & chaffent à leur furface , tous les corps étrangers qui fe trouvent renfermés dans leur intérieur , & même les rochers mobiles & le fable, qui font au deffous d'elles. Mais outre qu'une telle force feroit abfolument incompréhen- fible, il y a une difficulté plus grande encore ; c'eft q"e la glace eft , comme je viens de le dire , beaucoup plus élevée au deffous de ces bancs de débris , que dans le refte de la vallée; enforte que ces débris ne font que recouvrir des arrêtes de glace, qui ont quelquefois if ou 20 pieds d'élévation, de phi* que les glaces nues qui les féparent. Il faudroit donc fupp^ que DES GLACIERS EN G É N Ê R A L. Chap. VIL 4?7 que la glace fe chatte elle-même en haut, & cela précifément & uniquement dans les places où elle eft chargée du plus grand poids, ce qui eft tout h fait abfurde ; d'autant plus que l'on obferve une continuité parfaite entre ces glaces couvertes, Se celles qui ne le font pas ; on voit les mêmes fentes, les mêmes accidens fe continuer de l'une à l'autre , enforte que l'on ne peut pas foutenir que l'une foit originaire du fond Se que l'autre appartienne à la furface. Voici, je crois, la vérité ble raifon "de ce phénomène. On trouve dans les hautes Alpes, comme dans les plaines, 'Ce font de* des montagnes qui font dans un tel état de caducité , qu'il ieCs Gtacâ s'en détache continuellement des fragmens, ou entiers , ou at- cntraiuent. ° 3 vers îe mu ténues, fous la forme de terre Se de fable ; Se cela arrive , foit 1!?u des VQl* le'es parce que ces montagnes le divifent naturellement en fragmens de différentes formes , foit parce que les injures de l'air les atténuent Se les décompofent. Au printems fur-tout, lors du dégel, des pluies chaudes & de la fonte des neiges, les parties de rocher, de fable Se de terre que les gels avoient foulevées Se écartées, tombent fur les glaces contenues dans les hautes vallées. Ces pierres, amoncelées fur les bords des glaciers, obéiffent enfuite au mouvement des glaces qui les portent. Or nous avons déjà vu , que toutes ces glaces ont un mouvement progreftif, qu'elles gliffent fur leurs fonds inclinés, qu'elles defcendent peu-à-peu jufques dans les baffes vallées , que là elles font fondues par les chaleurs de l'été » Se que celles qui fe détruifent ainfi, font continuellement remplacées par le mouvement ] progreftif du glacier. Mais la partie inférieure des vallées de glace n'eft pas la feule où elles fe fondent. Dans les beaux jours de l'été , fur-tout quand il règne des vents de Midi, ou qu'il tombe des pluies chaudes, elles fe fondent M m m dans toute l'étendue des glaciers ; les eaux produites par cette fonte fe ralfemblent , forment fur la glace même de larges. & profondes ravines ; les glaciers fe divifent par de grandes crevalfes, & comme les vallées ont toutes, plus ou moins, la forme d'un berceau, que leurs fonds font plus excavés que leurs bords, les glaces fe prelfent & fe relferrent vers le milieu des vallées; celles qui font fur les bords s'éloignent de ces bords, griffent vers le point le plus bas, & entraînent avec elles vers le milieu des vallées , les terres & les pierres dont elles font couvertes, La preuve de cette vérité , c'eft que vers la fin de l'été, or* voit en bien des endroits , furtout dans les vallées les pins larges, des vuides confidérables entre le pied de la montagne & le bord du glacier ; Se ces vuides proviennent, non feule-nient de la fonte des glaces latérales, mais encore de ce qu'elles fe font écartées des bords, en defeendant vers le milieu de la vallée. Pendant le cours de l'hiver fuivant, ces vuides fe rem-pliffent de neiges, ces neiges s'imbibent d'eau , fe convertiftent en glaces; les bords de ces nouvelles glaces les plus voifins de la montagne, fe couvrent de nouveaux débris ; ces lignes couvertes s'avancent à leur tour vers le milieu du glacier ; Se c'eft ainfi que fe forment ces bancs parallèles, qui fe meuvent obliquement d'un mouvement compofé, réfultant de la pente du fol vers le milieu de la vallée, Se de la pente de cette même vallée vers le bas de la montagne. ■ Enfin, ce qui achevé de démontrer l'origine de ces bancs„ c'eft qu'il ne s'en forme point dans les endroits où les glaciers font bordés de rochers de Granit indeftruélible, ou lorfque DES GLAC1EÉ.S EN G É NÊ R Al. Chap. VIL les pentes des montagnes qui les entourent, font couvertes de neiges ou de glaces. Il femble d'abord que ces lignes parallèles de fable & de débris, devroient marquer les années Se fervir à déterminer l'âge des différentes parties des glaciers ; mais lorfque ces bancs viennent des deux côtés d'une vallée de glace, ils fe confondent vers le milieu ; fouvent auffi la pente irréguliere du lit, trouble leur ordre Se leur parallélifme. On trouve pourtant des endroits , où il n'y a que d'un côté du glacier, des montagnes qui fe détruifent, Se où ce calcul pourroir fe faire avec moins d'incertitude. §. ï3 8. Le mouvement progreflîf des glaces vers le bas des vallées , fe fait appercevoir par beaucoup d'autres phénomènes. Souvent on voit de grandes crevalfes fe former en alfez peu Crevants, de tems, parce que les glaces rongées par les eaux qui coulent au delfous d'elles, ou inégalement appuyées fur le lit irrégulièrement incliné qui leur fert de bafe, defcendent Se lailfent en arrière celles qui les fuivent. D'autres fois on voit ces mêmes crevalfes fe fermer tout à coup & avec un grand bruit, par la defeente ou plutôt par la chute des glaçons fupérieurs qui viennent s'appuyer fur ceux qui les précédent. Lorsqu'un glacier vient fe terminer fur le bord d'un roc efearpé, comme cela fe voit très-fréquemment, les glaçons qui M m m 2 Ils pour-l'oient fervir à connoître l'âge des glaces. Autres ohé* nomenes produits par la defeente des glaces. Chute dei glaces. font au bord de ce roc , preflés par le poids de ceux qui l'es fuivent, font pouffes dans le précipice ; la matière fragile & élailique de ces maffes glacées, tombant fur des rochers plus durs encore, fe brife avec un fracas terrible , fupérieur quelquefois à celui du tonnerre; les glaces pulvérifées par la vio. lence du choc, s'élèvent en tourbillons de poufliere à une grande hauteur , & la partie la plus groffiere coule comme un torrent, ou comme une avalanche de neige, jufques. au bas de la montagne. Les glaciers mettent aufli en mouvement, & chaffent devant eux les terres & les pierres accumulées devant leurs glaces, à leur extrémité inférieure. Je vis ce phénomène en 17^4, de la manière la plus évidente, & j'eus en même tems la preuve, que ce mouvement avoit lieu , même dans une faifon qui elt encore l'hiver pour ces montagnes. Comme le glacier & tous fes alentours étoient en entier couverts de neige , lorfqu'il pouflbit en avant les terres accumulées devant fes glaçons, ces terres en s'éboulant fe renverfoient par deffus la neige, & niet-toient en évidence les plus petits mouvemens du glacier , qui fe continuèrent fous mes yeux pendant tout le tems que je paffai à P obferver. Mais c'eft en été qu'on voit les plus grands effets de cette preflion des glaces contre les corps qui s'oppofent à leur descente. En voici un exemple. Au mois de Juillet 1761 » je paflbis avec mon guide , Pierre Simon, fous un glacier très-élevé , qui eft au Couchant de celui des Pèlerins ; j'obfervois Un bloc de Granit, de forme à-peu-près cubique. & de plus de 40 pieds en tous fens, aflis fur des débris au pied du glacier, Se dépofé dans cet endroit par ce même glacier : hâtons-nous? Terres & pierres chaf-fées par les ylaeieis. DES GLACIERS EN G É N É R A L. Chap. VIL 461 me dit Pierre Simon , parce que les glaces qui s'appuyent contre ce rocher, pourroient bien le pouffer & le faire rouler fur nous. A peine l'avions nous dépaffé , qu'il commença à s'ébranler ; il gliffa d'abord affez lentement fur les débris qui lui fervoient de bafe ; puis il s'abattit fur fa face antérieure , puis fur une autre; peu à peu il fe mit à rouler, & la pente devenant plus rapide , il commença à faire des bonds, d'abord petits & bientôt immenfes : on voyoit à chaque bond jaillir des éclats, Se du bloc même , Se des rochers fur lefquels il tomboit ; ces éclats rouloient après lui fur la pente de la montagne , & il fe forma ainfi un torrent de rochers grands Se petits, qui allèrent fracafler la tête d'une forêt dans laquelle ils s'arrêtèrent, après avoir fait en peu de motnens un chemin de près d%une demi-lieue, avec un bruit Se un ravage étonnant §. 739. Les glaciers contenus dans de juftes limites par Equilibre févaporation, par la chaleur extérieure & intérieure, Se par la ent^5 les , r * A •-■ cauies gène- pente de leurs lits qui les entraîne dans les balles vallées, ratfices & fourniffent donc une nouvelle preuve de ces proportions ad- ddtïud^ mirables que la Nature a établies entre les forces génératrices Se les forces deftructrices, par-tout où elle a voulu entretenir une certaine uniformité. Car les deux dernières de ces caufes qui tendent à détruire les glaces, agiffent avec une énergie d'autant plus grande, que ces mêmes glaces font plus accumulées. Plus leur maffe s'augmente , plus auffi la preffion de leur pefanteur les follicite à defeendre dans les baffes vallées Se dans les précipices où elles font néceffairement diffoutes. Et en même tems, plus leur épaiffeur eft grande, plus les froids extérieurs ont de peine à ces. 46Z DES GLACIERS EN GÉNÉRAL. Chap. VIL les pénétrer, & plus la chaleur intérieure de la terre a de force pour les réfoudre. Les hnbî. §. 540. L'opinion générale des habitans des Alpes eft tans des Al- , , - , . . . , »î> pes croyent pourtant que les glaciers vont en augmentant, plutôt a la vente que les gla- en étendue, qu'en hauteur ou en épaiffeur. ces s aug- ' ■* r mentent. Formation Premièrement , il eft vrai qu'il fe forme de tems à autre de nou- v veaux gla- de nouveaux glaciers, dans des places où l'on ne fe fouvenoit CJcrs' pas d'en avoir vu auparavant. Si à la fin d'un hiver abondant en neiges, une grande avalanche s'arrête dans un endroit que fa hauteur ou fa fituation tiennent à l'abri des vents du Midi & de l'ardeur du Soleil , que l'été fuivant ne foit pas bien chaud, toute cette neige n'aura pas le tems de le fondre , fa partie inférieure, imbibée d'eau, fe convertira en glace, l'on verra des neiges permanentes Se même des glaces dans un endroit où il n'y en avoit point auparavant. L'hiver fuivant, de nouvelles neiges s'arrêteront dans cette même place , Se leur malle augmentée réfiftera encore mieux que la première fois aux chaleurs de l'été. Si donc on a quelques étés confécutifs qui ne foient pas bien chauds , & qui fuccedent à des hivers abondans en neiges , il fe formera des glaciers , dans des places où l'on ne fe fouvenoit pas d'en avoir vu. Extenfion Les mêmes caufes peuvent augmenter les anciens glaciers; des anciens. P-rir . ' * • r àc amli la iomme totale des glaces peut s accroître , P1' Limitesde qUes à ce qu'il y ait plufieurs années de fuite, où il tombe ces accroil- . * ' iemens. peu de neige en hiver, & où les chaleurs foutenues pendant l'été, fondent les nouveaux glaciers Se réduifent les anciens dans leurs juftes bornes. DES GLACIERS EN G è NÉRAL. Chap. VIL 4S3 Ce font vraisemblablement de femblables alternatives, qui ont ? Périodes accrédité un préjugé prefqu'univerfellement répandu parmi les mens & de habitans des Alpes, qu'il y a des périodes régulières dans l'ac- ^cnrç0î{k" croiilement & le décroilTement des glaciers ; ils difent que pendant fept ans les glaciers croiffent ; & qu'ils décroiffent pendant fept autres années; enforte que ce n'eft qu'au bout de quatorze ans qu'on les voit revenir précifément à la même mefure. L'existence des périodes eft un fait certain , leur régularité feule elt imaginaire ; mais comme on le fait, la régularité' plaît aux hommes, elle femble leur aftujettir les événemens ; Se ce nombre myftérieux de deux fois fept années , allez grand pour que le fouvenir de l'état précis des chofes fe foit effacé de la mémoire de ces bonnes gens qui ne tiennent aucun re-giftre, a pu facilement trouver créance dans leurs efprits. Dans toutes ces alternatives, les terrains une fois envahis Terrains par les glaces, perdent leur terre végétale que les eaux des Ses par U» glaciers entraînent, & ils fe couvrent de débris de rochers Slacisrs' qui les rendent inutiles, même après la fonte Se la retraite des glaces : ainfi plufieurs habitans des Alpes pourroient dire que les glaces les ont dépouillés de leurs héritages , fans que cela prouvât que la maffe totale des glaciers s'augmente continuellement, §. Ï41. Sans prétendre donc nier, ni l'exiftence de quel- # Confidéra-- . , tions ulté- ques nouveaux glaciers, ni l'augmentation d'étendue de quel- Heures fut ques-uns des anciens 5 j'aurois penché à croire, que dans la to- maec°tro^ talité il ne fe fait pas de grands changemens. slaceSk AH DES GLACIERS EN G É N k R A L. Chap. VIL t Obferva- Cependant, les obfervations que Mr. Gruner a raffemblées tions qui 1 prouvent dans ion ouvrage , paroiffent démontrer qu'il exifte en Suiiie mêntadon des Slaciers permanens, les uns de nouvelle formation, d'autres ««T lace»1' qui r°nt 1,extenflon d'anciens glaciers, & qui occupent des places qui étoient anciennement couvertes, ou de forêts ou de prairies. J'ai vu moi-même en divers lieux , de petits glaciers de formation nouvelle ; j'ai obferve, §. f 14 , que le Glacier de Taconay avoit pris un accroiffement fenfible depuis mon premier voyage en 1760, jufques au dernier en 1778. Obfervations qui Maïs d'un autre côté , Mr. Gruner reconnoît lui-même, ku^diminu- que -le glacier du Grindelwald étoit dans le moment où U non dans publioit ion ouvrage en 1760, beaucoup plus petit qu'il n'eût été depuis plufieurs fiecles (r). De même le grand glacier des Bois, dans la vallée de Chamouni, a eu indubitablement fes glaces anciennement plus hautes & plus étendues qu'elles ne le font aujourd'hui. Car au deffous de Montanvert, ces glaces font de 40 ou fo pieds plus baffes que cet amas de débris qui borde le glacier, & que l'on nomme la moraine, §. f 3 5". Elles doivent pourtant avoir été de niveau avec ces débris, & même plus élevées, puiique ce font elles qui les ont transportés & accumulés dans cette place; ce ne font point des fragmens détachés de la montagne même de Montanvert, mais des Granits en malle dont on ne voit des montagnes qu'au haut de la vallée de glace. Et au bas du même glacier, au Nord-Oueft de la fortie de l'Arvéron , on voit jufques fur un grand rocher calcaire,dont je donnerai la defcription, des blocs de Granit, (0Latraduftîonneditque^/wf_pffh7, I klciner.T. III, p. içj ; ce qui figniftc p. jj2 : mais l'original porte ungleicfi | à la lettre, incomparablementplwPetlt' dépofés DES GLACIERS EN G ë NÉ R A L. Chap. VIL 46? sflépofés anciennement par le glacier, qui eft aujourd'hui fort en arrière de ce rocher. Il eft donc poftible qu'il y ait des compensions, & que La queftio» k, , 1 -, , „ demeure iiu s glaces perdent en certains endroits, ce qu'elles gagnent en décile. d'autres, ou que les périodes de leurs accroiffemens & de leurs décroiftèmens foient beaucoup plus longues qu'on ne l'imagine. Ce ne fera qu'après avoir raffemblé beaucoup de faits, & les avoir comparés avec une grande exactitude pendant une longue ■fuite d'années, que l'on pourra décider avec certitude , fi la maffe totale des glaces augmente, diminue, ou demeure conf. tamment la même. Mais reprenons la route du Buet, & allons d'abord au village de Valorfine, qui eft fitué au pied de cette montagne. N" n n 466 DU P RIE URÉ A V ALORS INE Chap. VIII CHAPITRE VIII-DU PRIEURE A F A L 0 R S I N E. Vallée que ï4.2.La route du Prieuré à Valorfine continue de fuivro fuit cette t , route. pendant deux lieues, le fond de la vallée de Chamouni: après quoi elle tourne au Nord , & traverfe un paftage alfez élevé, qui fépare cette vallée de celle de Valorfine. Blocs de £N forint du Prieuré , on voit a droite & a gauche dur Granit rou- ° les du haut chemin, de grands hlocs. d'un. Granit qui contient peu de w aigul1* Quartz, mais qui eft prefqu'entiérement compofé de grands cryftaux de Feld-Spath , féparés par des veines ondées d'un Mica brillant &■ doré. On dit que ces blocs ont été entraînés dans cette place, par une grande avalanche qui defcendit il y a bien des années, du haut des Aiguilles, ou des hautes cimes qui dominent la rive gauche de l'Arve, & qui font partie de chaîne du Mont-Blanc. Ces Granits ont une reffemblance frappante avec ceux que j'ai obfervés fur le coteau de Boify, §. 308. Les Près, g_ - . ^ e pet;Èe demi-lieue du Prieuré, on-traverfe hameau. ' TJ r ' , l'Arve fur un pont de bois, & on vient au hameau des où demeure mon ancien guide Pierre Simon, Rocher calcaire. Vis-a-vis de ce hameau, fur la rive droite de l'Arve, pied d'une montagne primitive, qui fait partie de la chaîne du Mont-Bréven, eft un grand rocher calcaire, que j'obfervai avec, beaucoup de foin en 1776, & dont je donnerai la defcription dans le fécond volume. A un quart de lieue de la, nous laiïïbns à notre droite le bas du glacier des Bois, qui fe termine par une grande arche de glace , de laquelle fort l'Arvéron. Près du bas de ce glacier eft un autre rocher calcaire l Autre ra- dont je parlerai aufli dans le fécond volume, & je décrirai en je; calcai" même tems les autres rochers fécondaires, enclavés entre les montagnes primitives qui bordent la vallée de Chamouni. §. ?44-. Apres une heure de marche depuis le Prieuré, on Chapelle arrive à une petite chapelle qui fe nomme Les Tines. Ici la vallée, dont le fond étoit large, horizontal & bien cultivé, devient étroite & fauvage ; la route qui étoit aufli large & belle, (Sable ft devient montueufe & pénible ; elle paffe au travers d'un bois rochers, de "Sapins 8c de Mélèzes, qui croiflent fur un fond de fable entre des fragmens de Granit. Le terrain de l'autre côté de l'Arve, eft de la même nature ; il paroit que la chute de quelque montagne a entafle dans cet endroit cette immenfe quantité de débris. L'Arve s'eft frayé un paflage au travers de ces mêmes débris ; mais fes eaux relferrées par de grands blocs de Granit, qu'elle n'a pas pu entraîner, forment des chûtes variées , 8c préfentent des points de vue pittorefques. On marche ainfi pendant une demi-heure au travers de ces Les Lies, débris ; après quoi la vallée s'élargit un peu 8c produit quel- hamcau' ques pâturages, auprès defquels on voit un petit hameau, qui fe nomme Les Isks. §. î4f. L'Arve que l'on a toujours 3i fa gauche, coule ici FiRgmeru fur un fond plat, qu'elle a couvert de cailloux roulés. Entre calcaues' ces cailloux qui font prefque tous de Granit 8c de Roches N n n z 468 DU PRIEURÉ A VAL 0 RSINE. Chap. VUE feuilletées, je démêlai quelques fragmens d'une pierre calcaire bleuâtre , femblable à ce Marbre que l'on nomme bleu turquiny mais mélangée de grains de Spath & de feuillets de Mica , comme ces Marbres antiques,. que les Italiens nomment CipoUni. En obfervant avec attention les montagnes des environs, je vis au pied de celles qui font à notre droite , un rocher de la couleur de ces fragmens , appuyé contre le pied de cette même montagne. Plus loin, jufques au bord du Glacier d'Ar-gentiere , je vis des rochers femblables & femblablement fitués, Au deffus de ces rochers calcaires, on voit une terre jaune,'• qui eit vraifemblablement un Tuf; je ne fai pas obfervée de près ; mais j'en ai vu fi fouvent dans des pofitions femblables, & il elt fi aifé de reconnoître cette pierre, h fa couleur & à les débris terreux, que je ne crois pas pouvoir m'y tromper. Les montagnes contre lefquelles s'appuyent ces Tufs Se ces rocs calcaires, font des Roches feuilletées , Se leur centre eft de Granit, fesAignUloa $•* f4& Celles qui leur font oppofées,& qui dominent à rouges. notre gauche la rive droite de l'Arve, font aufli de Roches primitives ; mais ici on ne voit point à leur pied de rochers fécondaires. Ces montagnes qui bordent au Nord-Oueft, !• vallée de Chamouni, Se que depuis Servoz jufques ici, nous avons toujours eues à notre gauche, font couronnées par des fommités beaucoup moins hautes que celles de la chaîne centrale , mais pourtant fort élevées. Le Bréven dont j'ai pa^ > §. f i 7 , en eit une ; d'autres plus hautes Se plus au Nord , & nomment les Aiguilles rouges:9 à caufe de la Roche feuilletée. Rochers dont ces fragmens onc été détachés, rougeâtre dont elles font compofées; dans la fuite je délignerai toujours par leur nom cette chaîne de montagnes. §. ?47- On traverfe l'Arve, Se on vient paffer au pied de Argentiers, cette chaîne , en biffant fur la droite le village d'Argentiere , troifieme parouTe de la vallée de Chamouni , â deux petites lieues du Prieuré. On voit le beau glacier qui porte le nom de ce village 9 defeendre en zlg-zag, jufques au fond de la vallée. §. î48. Au pied des Aiguilles rouges, vis-à-vis d'Argentiere J Roche de j'ai trouvé des fragmens d'une pierre alfez finguliere. Le fond w!nlj^ de cette pierre eft une Roche de Corne d'un rouge vineux, mélangée de lames blanches de Mica, & compofée d'une infinité de feuillets, plus minces que du papier. Entre ces feuillets on voit une quantité de petits grains de Quartz blanc, Se de Feld-Spath de la même couleur. Ces grains font durs, mais les feuillets de la Pierre de Corne qui les entourent, font très-tendres , Se ces mêmes feuillets humectés avec le fouffle, exhalent une odeur terreufe extrêmement forte. Si la terre qui lait la bafe de cette pierre, au lieu de s'arranger par feuillets, s'étoit dépofée & durcie en une malle compacte, Se qu'elle eut été mélangée des mêmes cryitaux qui s'y trouvent,, elle auroit formé une efpece de Porphyre. tets. §. ï49. Bientôt après avoir dépaffé Argentiere, on tourne Ew-ffitoi au Nord-Eit, & on gravit par un chemin rapide & pierreux,, une gorge extrêmement fauvage Se inculte, qui fe nomme les •ftlontets. On palTe un pauvre hameau dont le nom eft Tre-bftat:i Se à trois quarts de lieue d'Argentiere, on vient au plus «aut point de ce paflage. Là les eaux fe partagent; celles du 470 DU PRIEURÉ A V A L 0 R SIN E. Ckap. VIIL côté du Nord defcendent dans le Rhône ; & celles qui coulent au Midi, vont fe jetter dans l'Arve, A un petit quart de lieue du plus haut point de ce paffage , on voit au travers d'une vallée qui s'ouvre fur la gauche, le fommet neigé du Buet, qui reiïemble au faite d'un toit dont les pentes font peu inclinées. La partie la plus élevée de cette gorge, dénuée d'arbres & d'habitations, paroît extrêmement fauvage ; elle eft prefqu'en-tiérement couverte de grands blocs de Granit veiné , roulés du haut des montagnes qui la dominent à droite & il gauche. Mais vers le bas , le pays devient très-riant ; on côtoyé un ruiiïeau bordé d'un côté d'un petit bois de Mélèzes, & de l'autre de belles prairies. Plus loin au pied de la montagne, on voit une colline couverte de champs bien cultivés , & parfeniée de maifons de bois, qui font les habitations & les greniers des polTeffe.urs de ces champs. la?oya& ^0> On met deux petites heures d'Argentiere à Valor- ]a Contenue c hameaux dé. fine, mais nous n'allons pas au village, parce que de là u tau-yïïorCne. droit revcm'r en arrière pour entrer dans la vallée qui conduit au Buet ; notre deîïein étoit d'aller coucher dans le dernier hameau que l'on trouve fur la route de cette montagne. Ce hameau qui dépend de Valorfine, & qui en eit éloigné de trois petits quarts de lieue, fe nomme La Poya, Quand nous y fûmes arrivés , on nous dit qu'il n'y avoit pas même de la paille pour nous coucher, mais que nous en trouverions dans un autre hameau nommé La Conter'aie, qui n'eft qu'a un petit quart de lieue au Nord de La Poya. Nous nous déterminâmes d'autant mieux à y aller, que c'eft là que demeure le payfan qui en 1776, m'avoit conduit fur le Buet, & qui avoit fervi de guide à Mr. Bourrit , lorfqu'il fit l'année précédente la découverte de cette nouvelle route. Cet homme qui fe diftingue par une intelligence & des- cou-noiftances très-rares dans fon état, mérite d'être recommandé aux Voyageurs qui penferont à monter fur le Buet. 11 fe nomme Pierre Boyqn ; mais on prononce Bozon.. Nous defcendimes donc de nos Mulets, nous les iâiffâmcs à La Poya , & nous allâmes à pied à La Couteraie, conduits par une troupe déjeunes filles, extrêmement vives & de belle humeur , pour qui le but de notre voyage, notre habillements nos difcours, & jufques à nos moindres mouvemens étoient des fujets d'éclats de rire immodérés. Elles nous accom* pagnerent avec cette joie toujours foutenue jufques à La Couteraie; elles nous avoient même communiqué une partie de leur gayeté , îorfqu'en arrivant nous eûmes le chagrin de trou± ver la maifon de notre guide , & même toutes les maifons de ce hameau , fermées & défertes ; tous leurs habitans étoient allés s'établir dans des pâturages élevés fur la pente de la montagne. Nous engageâmes un jeune garçon à aller chercher le guide ; & comme en attendant fon retour , nous fouffrions beaucoup du froid, nos officieufes compagnes nous allumèrent un grand feu en plein air, devant la maifon de Pierre Boyon , qui retint enfin, nous ouvrit fa maifon, nous traita de fon mieux„ & nous prépara de bons lits avec de la paille fraîche daus fon grenier. 472 DU PRIEURÉ A V A L 0 R SIN E. Chap. VIII. Greniers Ces greniers ou regards, comme ils les nomment dans le des habitans r j • , desllpej. Pays» font de petits édifices entièrement feparés des maifons, pour être mieux à l'abri des rats & des incendies. Ils font conftruits d'épais madriers de bois de Mélèze, alfcmblés avec beaucoup de folidité & d'exaclitude , & foutenus à deux ou trois pieds au delfus du fol, par des piliers couronnés de grandes pierres plattes, pour que les rats qui grimpent le long des piliers, ne puiffent pas ronger le plancher, & s'introduire dans l'intérieur de l'édifice. Les habitans des montagnes confervent dans ces greniers, leurs grains, leurs provifions , & tout ce qu'ils ont de pius précieux. La fatigue nous fit trouver nos lits excellens; nous dormîmes d'un profond fommeil jufques a la pointe du jour , & fa parfaite férénité nous fit entreprendre avec courage la courfe pénible que nous avions à faire. Elévation Deux obfervations du baromètre faites par M. Pictet , à la teraye. " Couteraie, dans la maifon de notre guide , donnent à ce hameau 48 3 toifes d'élévation au delfus du niveau du Lac, ou 671 aU delfus de la Méditerranée. CHAPITRE CHAPITRE IX. FALORSINE AU S0MA1ET DU BUET. §. ? f i. C^tte montagne , dont la fommitc arrondie , tou- Intcoduc. jours couverte de neige, fe voit de Geneve, entre les Voirons t3on-& le Mole , elt devenue célèbre dans le monde fa vaut, parles expériences de M. De Luc. 11 faut lire dans le IL volume des Recherches fur les modifications de Vathmofphere , l'intéref-fente relation des peines & des dangers qu'il eut à furmonter, pour parvenir au fommet de cette haute montagne. Mais fi c'eft à M. De Luc qu'on en doit la première con-noitfance , c'eft à M. Bourrit que l'on eft redevable de la route que nous fuivrons pour y aller; route fûre, facile , & commode par fa proximité avec Chamouni. M. Bourrit à auffi publié dans fa Defcription des afpecls du Mont-Blanc , une relation de la découverte qu'il a faite de cette nouvelle route, 8c des beaux points de vue que l'on a du haut de la montagne. Mais MM. De Luc & Bourrit , dans ce qu'ils ont publié jufques à ce jour, n'ont confidéré ni le Buet lui-même, ni la vue que l'on a de fa cime, relativement à la Théorie de la Terre : cette montagne eft entièrement neuve à cet égard, 8c ce fera auffi le principal objet de mes recherches. J'ai déjà dit, que pour nous rapprocher du pied du Buet, nous étions venus coucher à la Couteraye, hameau dé- O o o 474 DE VALORSIKE pendant de Valorfine. Nous partîmes de laie r3e. Juillet, de grand matin, montés fur nos Mulets ; car quoi qu'on ne puiffc s'en fervir que dans Pefpace de deux petites lieues, cette épargne de fatigue n'eft point à méprifer quand on a devant foi une journée aufli pénible. §. f. ?2. Nous commençons par côtoyer un torrent, qui fait une très-belle chute, au fond d'une profonde crevaffe1, entre des rochers de Granit : de grands blocs du même Granit engagés dans cette crevaffe, retardent le cours du torrent &Te forcent k fe brifer en écume. Bientôt après , on entre dans une vallée étroite & tor-tueufe, de laquelle fort ce torrent. Cette vallée conduit au Col de Bérard, par lequel 011 paffe de Valorfine à Sixt ou à PaiTy. Le torrent même fe nomme le Trient, ou Peau de Bérard. Cette vallée , dont la direction générale eft à-peu-près de l'Eft-Nord-Eft à l'Oueft-Sud-Oueft , eft flanquée à fon entrée par deux hautes montagnes : l'une au Midi forme l'extrémité de la chaîne des Aiguilles rouges, §. 546", l'autre au Nord* fe nomme le Mont de Loguia.. Ces deux montagnes font compofées d'une efpece de Granit ©œudsde veiné, parferné de nœuds de Quartz. La forme de ces nœuds Quartz. approche beaucoup de celle d'une lentille ; leur plus grande feélion eft un cercle ; & la plus petite, qui coupe l'autre à angles droits, eft un ovale aigu par fes extrémités. Ces nœuds lenticulaires font pofés de plat entre les feuillets de la pjcrre & parallèlement à. eux. Lorfque les blocs de cette pierre, ibnt te Trient ou l'eau de 'Bérard, Vallée de Bérard. coupés, comme cela arrive fouvent, par des plans perpendiculaires à leurs feuillets, on voit à l'extérieur les tranches de ces nœuds, qui fe préfentent comme des yeux blancs ovales, parallèles entr'eux , longs de huit ou dix lignes, & fouvent beaucoup plus petits. Cette Roche, qui forme la matière des montagnes qui bordent l'entrée de cette vallée , paroit dans le Mont de Loguia, difpofée par couches ou par grands feuillets , prefque perpendiculaires à l'horizon. Mais plus avant dans la vallée , les couches des montagnes à droite & à gauche , paroiffent fort en dé for dre. On traverfe le Trient fur un mauvais pont de bois ; Se l'on gravit enfuite par une montée rapide, une hauteur compofée de blocs énormes de ce même Granit veiné à yeux de Quartz. Ces blocs, dont tous les angles font vifs Se entiers, paroiffent s'être formés par la rupture Se l'aifaiffement d'une montagne, dans le lieu même qu'ils occupent. §. ?ï3. En faifant cette route, nous voyons fous nos pieds Voûte de les refies d'une grande avalanche, qui avoit comblé le lit du Trient" ^ Trient, Se fous laquelle il s'eft frayé un paftage. La partie fupérieure de cette avalanche forme encore une voûte légère qui va d'une rive à l'autre du torrent. Je vis en 1775 , dans le haut Vallais, des arches de neige, femblables à celle là , mais incomparablement plus grandes, puifqu'elles palfoient par delfus le Rhône ; Se fi folides , que les Voyageurs Se les Mulets chargés traverfoient le Rhône fur ces ponts de neige durcie , fans que l'on imaginât courir aucun danger, O o o 2 476 DE VAL0RS1KE Deuxrou- §. 4. On traverfe enfuite, en côtoyant toujours le Trient, l'ie choix.011 une Petite plaine ovale , de dix minutes de longueur ; après laquelle on paffe par une forêt de Mélèzes, fituée fur le penchant de la montagne. Au fortir de cette forêt, on trouve à fil droite une pente rapide & couverte d'herbe, par laquelle je montai en 1776". Cette route eft la plus courte, mais il fau-droit la faire toute à pied ;. & comme nos guides nous promettent que nous ferons faire encore une demi-lieue à cheval, & qu'enfuite le chemin que nous aurons à faire à pied fera plus doux & plus facile, nous nous rangeons à leur avis , & nous continuons de fuivre le fond de la vallée de Bérard. Bientôt après nous palfons fur des neiges de l'hiver précédent, qui ne font pas encore fondues; & nous voyons à notre gauche, au deffus de nos têtes, les petits glaciers qui defcendent des derrières des Aiguilles rouges. Mine de Notre guide Pierre Boyon , dit que la montagne à notre droite , qu'il nomme le Mont d Oreb, renferme une mine de Plomb ou Galène à petits grains , dont il a lui même tire plufieurs quintaux. La matière de cette montagne paroit être une Roche de Corne. Pente de deli de cette montagne, nous avons à gravir une pente de. de neige très-rap e ; quelque -uns d'entre nous fe fient à leurs Mulets, d'autres mettent pied à terre , & ce parti eft le plus fage , car fouvent, malgré la force & l'adreffe de ces animaux 3 la neige s'enfonce inopinément fous un de leurs pied* » iîs s'abbattent, & mettent en danger celui qui les monte. W haut de cette pente de neige nous découvrons fur notre droite la cime du. Buet, qui éclairée par le Soleil, fe voit fi diftinc- tement & paroît fi voifine de nous , que ceux qui ne font pas accoutumés aux Ululions caillées par la tranfparenee de l'air des montagnes, ne peuvent pas croire qu'il faille encore tant de fatigues pour y arriver. Enfin, après deux heures de marche au petit pas de nos pierre à Êé^ Mulets, nous arrivons à la Pierre à Bérard, qui elt un grand p{£ °f rocher plat, détaché de la montagne, fous lequel on a prati- Mulets, que une écurie pour vingt Vaches , des lits pour les bergers, & tout l'appareil de la fabrication du fromage. Là il faut lailfer nos Mulets, Se faire à pied le relie de la montée. Le guide prétend cependant , qu'avec un Ane ou une petite Mule bien fûre, il* conduiroit un Homme à cheval jufques à la cime ; mais à la vérité en faifant mi grand détour. §. Nous commençons à monter entre des rochers, Pentes Her- dont les fommités qui fortent de terre ont été arrondies, fans des rochers arrondis. doute par l'es injures de l'air Se par le frottement des neiges, des pierres & des terres qui s'éboulent du haut de la montagne. Les intervalles de ces rochers font couverts d'herbe, Se les inégalités du fol rendent notre marche fûre, malgré lmcïinaifon de la pente ; car fi c'étoient des gazons unis, ferrés, & gliflans, comme on en rencontre fouvent fur les montagnes a on auroit bien de la peine à y monter. Ces têtes de rocher font toujours du Granit veiné, que j'ai Strudtore- de ces io*^ décrit plus haut, §. ffs; on ne diftingue pas toujours bien diers. clairement leur ftructure ; cependant après une heure de montée, j'en vois qui font évidemment compofés de feuillets à-peu-près perpendiculaires à l'horizon , Se dirigés du Nord-Nord-Eft au Sud-Sud-Oueft ; direction qui paroît être la plus générale. Il: y a cependant des couches un peu différemment tournées ; ici en particulier, j'en vois qui courent du Nord-Nord-Oueft. au Sud-Su d-Eft, & qui font par conféquent un angle de 4ï degrés avec les précédentes. Après deux heures d'une marche continue , mais pas trop accélérée , nous arrivons au pied d'un rocher , dont la bafe préfente des fieges naturels, qui femblent inviter le voyageur à s'y repofer. M. Bourrit , qui y dîna dans fon premier voyage , lui a laiffé fon nom ; les guides nomment cet endroit la Table au Chantre. Ces rochers font encore des mêmes Granits veinés. §. ï f 6". Mais vingt minutes plus haut, nous trouvons les premiers rochers calcaires, inclinés & appuyés contre les rocs primitifs que nous venons de quitter; ils s'élèvent contre l'Eft-Sud-Eft , & font avec l'horizon un angle de 24 ou 2 f degrés. J'observai en 1775", les tranlitions qui fe trouvent entre ces rochers fécondaires & les Granits ; j'efpérois de les revoir cette année; mais la neige cache tout le fond du terrain, & ne laiiTe appercevoir que quelques têtes de rochers, qui çà & là s'élèvent au deffus d'elle. Cependant , comme ces tranfitions font à mon gré très-importantes pour la Théorie de la Terre, je les décrirai en re-defeendant, telles que je les vis. dans ce premier voyage. D'ici julques au fommet, on monte toujours, ou en fuivant de longues arrêtes de rochers calcaires, détruits & brifés à leur la Table au Chantre. Premiers rochers calcaires. furface , ou en marchant fur des neiges qui remplirent les intervalles de ces arrêtes. §. 5-5-7. On croira peut-être, que c'eft une chofe très-pénible que de gravir une montagne par des pentes couvertes de neige ; & cela eft vrai, lorfque ces neiges font ou trop dures ou trop tendres. Mais quand [on les trouve ramollies au point de prendre l'empreinte du pied fans le laiflfer enfoncer entièrement, c'eft l'appui le plus avantageux que l'on puifte* avoir en marchant. Cette neige s'affaiffe fous le pied, prend exactement fa forme, & fait enfuite toute la réfiftance nécef-faire pour lui fervir de point d'appui : c'eft en quoi la neige diffère du fable & des cendres des Volcans, qui fatiguent ex-eeflivement, parce qu'elles cèdent & fuyent fous le pied, dans le moment même où il fait fon effort pour chaffer le corps en avant. Les neiges trop molles ont le même inconvénient. Mais fi au contraire, on les trouvait tout à fait dures, comme elles le font toujours de grand matin après des nuits claires & fraîches, les pentes rapides feroient non-feulement fatiguantes , mais très-dangereufes ; on ne pourroit. les gravir qu'avec de forts fouliers ferrés , ou avec des crampons, ou en creu-fant avec quelqu'inftrument ferré des efcaliers à. fa furface. §. îï8. Les crampons dont fe fervent dans nos Alpes les Chafleurs de Chamois, font compofés de deux branches de fers parallèles, longues, de la largeur du pied , & réunies entr'elles à leurs extrémités, par deux demi-cercles verticaux, dans l'intervalle defquels le pied eft affujetti, & que l'on attache avec des courroyes par delfus le milieu du pied. Chacune des extrémités de ces deux branches de: fer eft. armée d'une pointe ; en-forte que quand le pied eft chauffé de ces crampons, il repofe Route fur la neige. Crampons deschafleurs de Chamois par le milieu fur ces deux branches, & celles-ci fur les quatre pointes qui font à leurs extrémités. leur* in- Ces crampons font fort bons pour marcher fur la neige ou •onve'niens. fur le gazon , mais ils font très-incommodes fur les rochers ; parce que tout le poids du corps porte par le milieu du pied, fur ces petites barres de fer, qui font réhauflees par les pointes dont elles font garnies ; Se comme cette partie du pied elt ordinairement garantie par l'élévation du talon , elle eft fort tendre , de manière] que ces barres qui la meurtriftent en peu de momens, caufent une fatigue Se une douleur infupportabie à ceux qui n'y font pas accoutumés. D'ailleurs le corps pofe ainii en équilibre fur le milieu du pied, fe trouve dans une efpece de balancement , qui dans certaines circonftances peut être très-dangereux. Je me fuis pourtant fervi de ces crampons, malgré leurs inconvéniens, jufques à ce que j'aye imaginé ceux que je vais décrire. lus coin°nS J'AI rernarclu^ qu'avec de forts fouliers garnis de clous» modes. comme je les porte, Se comme il convient d'en avoir toujours fur les hautes montagnes, il fuffit que le talon foit armé de pointes ; Se comme ces pointes ne feroient pas affez fondement fixées, fi elles ne l'étoient qu'aux fouliers mêmes, je les fixe a une bande de fer battu , qui encadre exactement le talon du foulier, que l'on peut ôter quand on le veut, Se qui s'attache très-folidement par le moyen de bonnes courroyes. La figure 4e. de la Planche III, repréfenté un de ces crampons, avec fes courroyes. Les lettres B, C , D, défignent le cadre de fer qui embralTe le talon du foulier, Se qui eft muni par deftbus, d'un rebord fur lequel s'appuye le bord de ce ce même foulier. Trois pointes de fer font fixées au delfous de ce rebord, une derrière en C, & les deux autres B Se D, aux deux angles du talon. Dans les premiers crampons que je fis faire d'après cette idée , j'avois fait pratiquer dans le cadre de fer qui entoure le talon, trois ouvertures où paifoient des courroyes qui fe rattachaient fur le pied. Mais j'éprouvai bientôt que ces courroyes qui fe ferroient fur le col du pied, gênoient beaucoup fes mouvemens. Je fis donc fouder aux crampons deux branches de fer „ B A Se DE, percées à leurs extrémités pour recevoir les courroyes , & les porter en avant de la boucle du foulier. L'une de ces courroyes fe termine par une petite boucle p, Se l'autre vient paffer par deffus le pied Se s'attacher à cette boucle. De plus, pour foutenir le crampon par derrière , le cadre de fer qui embraif e le talon eft percé en n, pour recevoir une troifieme courroye, qui s'élève jufques à la hauteur du foulier en m ; là elle eft tra-verfée par une quatrième courroye , qui faifant le tour du talon, eft coufue par une de fes extrémités à l'une des premières courroyes E, S: fe rattache par fon autre bout à une boucle it qui fe trouve coufue près de l'autre extrémité de cette même courroye E. Depuis fept ou huit ans que je fais ufage de ces crampons je les ai toujours trouvés très-fûrs' & très-commodes ; plufieurs perfonnes qui en ont fait faire fur le modèle des miens , en ont été très-contentes ; Se comme ils n'enibarraffent point en marchant, on les chauffe à fes pieds, lors même qu'à la rigueur on pourroit s'en paffer, parce qu'avec eux on marche avec plus d'affurance Se de vîteffe. Mais en montant au haut du Buet, nous n'en eûmes pas Ppp 483 DEVALOKSINE befoin ; les premières neiges que nous rencontrâmes avoient la bonne confiftance, dont j'ai parlé d'abord ; & vers le milieu du jour la chaleur du Soleil les avoit tellement ramollies, que nous enfoncions jufques au genou ; ce qui rendit très-pénibles les derniers efforts que nous eûmes à faire pour arriver à la cime. Effets fm- guliers de la §. ïf9. La rapidité de la pente des hautes fommités, & rareté de la trop grande mollelTe ou la trop grande dureté de leur fur- 1 air fur les r ° forces muf «ce ne font pas les feules caufes de la fatigue que l'on éprouve en les graviffant ; la rareté de l'air , dès que l'on palTe la hauteur de 13 à 14 cents toifes au delfus de la Mer, produit, fur nos corps des effets très-remarquables. pule.n'ti'èt L'UN de ces eifets > c'cft VP* les forccs niufculaires s'épui-prompce- fent avec une extrême promptitude. On pourroit attribuer cet epmiement a la feule fatigue ; & ça été l'opinion de Mr. Bolouer , qui s'étoit auffi apperçu de ce phénomène en gravitant les montagnes des Cordillères. Mais ce qui diftingue & carailérife le genre de fatigue que l'on éprouve à ces grandes hauteurs, c'eft; un jpuifement total., .me impuiiïance abfolue de continuer fa marche, jufques à ce que le ,:epos ait réparé les forces. Un homme fatigué dans la plaine ou fur des montagnes peu élevées, l'ell rarement allez pour ne pouvoir absolument plus aller en avant ; au lieu que fur une hante montagne , on l'ell quelquefois à un tel point, que, fût-ce pour éviter le danger le plus éminent , on ne feroit pas h la lettre quatre pas de plus, & peut-être même pas un feul. Car G l'on perfifte à faire des efforts, on eit iaifi par des palpitations & par des battemens ii rapides & fi forts dans toutes les afr teres, que Ton tombèrent en défaillance Q on l'augmentait encore en continuant de monter. Cependant, 8c ceci forme le fécond caraefere de ce fin- Mais elles - , fe reparent gulier genre de fatigue, les forces le reparent auffi prompte- avec la moment , & en apparence auffi complètement qu'elles ont été ^cdepr°mptl" épuiiées. La feule celTation de mouvement, môme fans que l'on s'affeye , 8c dans le court efpace de trois ou quatre minutes , femble reftaurer fi parfaitement les forces, qu'en fe remettant en marche, on eft perfuadé qu'on montera tout d'une haleine jufques à la cime de la montagne. Or dans la plaine , une fatigue auffi grande que celle dont nous venons de parler, ne fe diffipe point avec tant de facilité. Un autre effet de cet air fubtil, c'eft l'affoupiffement qu'il Aiïbupifle-produit. Dès qu'on s'eft repofé pendant quelques initans à ces ^d^fet grandes hauteurs, on fent comme je l'ai dit, fes forces en- ^ la rareté ° de I air. fièrement réparées; l'impreffion des fatigues précédentes femble même totalement effacée ; & cependant on voit en peu d'inftans, tous ceux qui ne font pas occupés s'endormir, malgré le vent, le froid, le Soleil, 8c fouvent dans des attitudes très-incommodes. La fatigue fans doute, même dans les plaines , provoque le fommeil ; mais non pas avec tant de promptitude, fur-tout lorfqu'elle femble abfolument diffipée, comme elle paroît l'être fur les montagnes , dès que l'on a pris quelques momens de repos. Ces effets de la fubtilité de l'air nf ont paru très-univerfels ; quelques perfonnes y font moins fujettes, les habitans des Alpes par exemple, habitués à vivre & à agir dans cet air fubtil » en paroiffent moins affectés ;] mais ils n'échappent point entié- P pp 3 484 DE VAL0KS1NE rement a fon acfion : on voit les guides, qui dans le bas des montagnes peuvent monter des heures de fuite fans s'arrêter, être forcés à reprendre haleine à tous les cents ou deux cents pas, dès qu'ils font à la hauteur de 14 ou 1 s cents toifes. Et dès qu'ils s'arrêtent pendant quelques momens, on les voit aufli tomber dans le fommeil avec une promptitude étonnante. Un de nos guides, que nous faifions tenir debout au haut du Buet avec un parafol à la main, pour que le Magnétometre fut à l'ombre pendant que Mr. Trembley l'obfervoit, s'endor-moit à chaque mitant, malgré les efforts que nous faifions Se qu'il faifoit lui-même pour combattre cet alToupifTement. Et dans mon premier voyage au Buet, Pierre Simon, qui s'étoit fourré dans une crevalïe de neige pour fe mettre h l'abri d'une bife froide qui nous incommodoit beaucoup , s'y endormit profondément, Mais il y a des tempéramens que cette rareté de l'air affede bien plus fortement encore. On voit des hommes,-d'ailleurs très-vigoureux , faifis conftamment à. une certaine hauteur, par des naufées, des vomiffemens j & même des défaillances , fuivies d'un fommeil prefque léthargique. Et tous ces açcidens celfent, malgré la continuation de la fatigue, dès qu'en defeendant ils ont regagné un air plus denfe. Heureusement pour les progrès de la Phyfique , Mr. Pictet. n'eft pas affecté à ce degré extrême par la fubtilité de l'air ; il l'eft cependant plus que le commun des hommes ; car quoiqu'il foit très-fort, très-agile Se bien exercé à grimper les montagnes , il fe trouve toujours faifi d'une efpece d'an-goiffe , d'un léger mal de cœur & d'un dégoût abfolu > dès-qu'il arrive à la hauteur d'environ 1400 toifes au deffus de m Mer. Pour moi je n'en relTens d'autre effet que d'être obligé de me repofer très-fréquemment, quand je monte des pentes rapides, à ces grandes élévations. J'en faifois encore l'épreuve dans cette dernière courfe fur le Buet. Lorfque nous gravif-fions la pente couverte de neige ramollie, qui couronnoit la montagne , je ne pouvois abfolument pas faire fans m'arrêter, plus de f o pas de fuite ; & Mr. Pictet , plus fenfible que moi à cet effet de la rareté de l'air, comptoit fes pas de fon côté fans m'en rien dire, & trouvoit qu'il ne pouvoit pas en faire plus de 40 fans reprendre haleine. §. fffo. On feroit tenté d'attribuer ces effets à l'a difficulté de refpirer ; il femble naturel de croire que cet air rare Se léger ne dilate pas affez les poumons , Se que les organes de la respiration fe fatiguent par les efforts qu'ils font pour y fuppléer ; eu que le miniftere de cette fonction vitale n'étant pas complètement rempli, le fang ,. fuivant la doctrine de Mr. Priestley , n'étant pas futhïamment déchargé de fon phlo-giftique , toute l'économie animale en eft dérangée. Mais ce qui me perfuade que ce n'eft point là la véritable raifon de ces effets, c'eft qu'on fe fent fatigué, mais non point; oppreffé ; & fi l'action pénible de gravir une pente rapide rend la refpiration plus courte Se plus difficile , cette incommodité fe fait fentir fur les baffes montagnes, comme fur les hautes; Se ne produit pourtant point fur nous quand nous graviffons ces baffes montagnes , l'effet que nous éprouvons fur celles qui font très-élevées ; d'ailleurs fur celles-ci, quand on eft tranquille , on refpire avec la plus grande facilité. Enfin, & cette réflexion me paroît décifive , lî c'étoit une refpiration imparfaite qui produifoit cet épuifement, comment quelques inilans: Ge n'eft pas la difficulté de refpirer,. qui produit: ces effets.- 48S D E W AL 0 R SINE d'un repos pris en refpirant ce même air, paroitroient-ils ré* parer fi complètement les forces ? C'eft plu- k r^r. TE croirois plutôt, que ces effets doivent être at-tôt la durai- , nution de la tribués au relâchement des vaiffeaux, produit par la diminu* iVn (ht ?e ^on de k f°rce comprimante de l'air, iyftême vaf- C'jlaire. t ç L'habitude de vivre comprimés par le poids de l'athmoi-phere , ftûtque nous ne penfons guère à l'aétion de ce poids & à fon influence fur l'économie animale. Cependant fi l'on réfléchit qu'au bord de la Mer, tous les points de la furface de notre corps font chargés du poids d'une colonne de Mercure, de 28 pouces de hauteur; qu'un feul pouce de ce fluide exerce fur une furface d'un pied quarré , une preffion équivalente à 78 livres , ii onces , 40 grains, poids de marc; que par conféquent 28 pouces exercent fur cette même fur-face la preffion de 2203 livres, 6 onces; & qu'ainfî en attribuant, comme on le fait communément, to pieds quarrés de furface à un homme de moyenne taille, la malle totale du poids qui comprime le corps de cet homme, équivaut à 22033 livres, 12 onces : fi dis-je, on réfléchit à ce qui doit réfulter •de l'action de ce poids, on verra qu'il doit refouler toutes les parties de notre corps , qu'il les contrebande pour ainfi dire > qu'il comprime les vaiffeaux, qu'il contribue à la force élafti-que des artères, qu'il condenfe les parois de ces mêmes vaiffeaux, & s'oppofe à la tranffudation des parties les plus fub-tiles, du fluide nerveux par exemple ; & que par toutes ces raifons il doit contribuer à la force mufculaire. Si donc du bord de la Mer , on fe trouvoit tout-à-coup tranfporté, feulement à la hauteur de 1250 toifes, où le polds de l'air ne fouleve qu'environ 21 pouces de Mercure , l'action de l'athmofphere fur notre corps fe trouveroit diminuée d'un quart, ou de 5508 livres, fept onces; par conféquent tous les effets de cette action feroient fenfiblement diminués, & les forces mufculaires devroient néceffairement en fouffrir. Les vaiffeaux en particulier, exerceroient une preffion beaucoup moins confidérable fur les fluides qu'ils renferment; & par cela même ils oppoferoient moins d'obftacles à l'accélération que le mouvement mufculaire tend à donner à toute la maffe de nos liquides.. Donc dans les régions élevées, où les vaiffeaux ne font que fbiblement contrebandes par la preilion de l'athmofphere , les efforts que l'on fait en graviffant une pente rapide , doivent accélérer le mouvement du fang, beaucoup plus que dans des régions plus baffes, où la compreffion des vaiffeaux réfiite h cette accélération. De là fans doute, ces battemens rapides de toutes les artères , & ces palpitations qui faifiïlènt fur les hautes montagnes, & qui feroient tomber en défaillance fi l'on, perfiftoit à fe mouvoir avec trop de vîteffe. Mais auffi , par un effet de ce même 'relâchement des vaiffeaux , comme ils réagiffent foiblement fur le fang , dès que l'on difeontinue le mouvement, l'accélération qui avoit été produite par ce mouvement, ceffe d'elle-même en peu de teins ; au lieu que fi les vaiffeaux étoient fortement tendus, leur élaf-ticité auroit perpétué cette accélération, long-tems après que' fa caufe auroit crffé d'agir. C'eft le propre des Etres foibles ils s'émeuvent facilement & s'appaifent de même; au lieu que Etres forts, difficiles à ébranler, fe calment plus difficilement encore. Lors donc que les vaiffeaux font relâchés par ta* 48S DE VAL0RS1NE AU SOMMET DU BUET. Chap. IX. diminution de la preffion de l'air , quelques milans de repos fuffifent pour rétablir l'ordre & la tranquillité dans la circulation ; pour donner par le ralentilTement de cette même circulation, un lentiment de fraîcheur intérieure, qui aidé par la fraîcheur de l'air qu'on refpire dans ces régions élevées, calme complètement , & perfuade que la fatigue eft entièrement dif-fipée. Quant à l'alToupilTement, je crois qu'il eft l'effet du relâchement du fyftême vafculaire & fur-tout de celui du cerveau. Telle elt du moins la raifon de ces faits, qui me paroît la plus probable : j'en lailfe le jugement aux Phyfiologiftes de profeffiou (i). Tandis que nous faifions ainfi des épreuves & des réflexions fur notre laffitude , & que nous goûtions fouvent le plaifir de la diffiper par quelques momens de repos, notre tems s'écou-loit ; nous mîmes cinq heures & demie depuis la Pierre à Bérard , où nous avions quitté nos Mulets, jufques à la cime de la montagne. (i) Pour ne pas prolonger cette di-greflion phyfiologique, que plufieurs de mes Lecteurs auront peut-être déjà trouvée trop étendue, je ne parle point ici d'un troifieme elTer de l'air des hautes montagnes, qui eft pourtant bien remarquable ; c'eft de rougir & fouvent même d'excorier les parties découvertes de la peau,celles du vifage principalement. Cet effet dépend en partie de la vivacité delà lumière car il eft plus fenfible lorfque le Soleil brille , & quand on parcourt des montagnes couvertes de neiges & de glaces ; l'air y entre cependant aufli pour quelque choie. Mais j'y reviendrai ailleurs. CHAPITRE ( 4S9 ) CHAPITRE X. OBSERVATIONS FAITES SUR LA CIME DU BUET §• 5^2- lN Ous n'arrivâmes qu'à midi & demi fur cette cime élevée ; & nous regrettâmes bien une heure , & même une heure & demie que nous avions perdue en montant avec trop de lenteur; car à peine fûmes nous au fommet, que des nuages, qui du point où nous étions fembloient ramper dans le fond des vallées , s'élevèrent, s'étendirent, & nous dérobèrent une partie du beau fpeclacle que nous nous étions promis. Heureufement pour moi, j'avois jouï en 1776"* de cette vue dans toute fa beauté ; j'avois pris des notes de toutes les obfervations importantes , & j'eus même encore dans ce dernier voyage la fatisfaclion de les vérifier ; parce que les nuages , quoiqu'ils nous dérobaient l'enfemble de la vue, changeoient de pofi-tion , & nous laitier en t voir fucceffivement la plupart des objets que je voulois obferver de nouveau. 4 Mais Mr. Pictet, qui venoit fur le Buet pour la première fois, & qui s'étoit flatté, non feulement de jouir d'un beau 'fpeclacle, mais de faire une abondante récolte d'obfervations géographiques, en eut un déplaifir qui augmenta encore le maiaife que lui caufoit la trop grande rareté de l'air. §. ^3. Cependant, pour que cette courfc ne fût pas ab-folument infruclueufe, il fit d'abord l'obfervation du baromètre. Il le trouva à 19 pouces, 8 lignes, 4 feiziemes, après avoir corrigé l'effet de la chaleur fur la colonne de Mercure. Mr. Q.qq Mallet , ProfelTeur d'Aflronomie , obfervoit dans le même moment à Avully, village fitué à deux lieues au Sud-Oueil de Geneve, à 15g pieds au deilus du Lac, un baromètre conf-truit avec beaucoup de foin. Sa hauteur corrigée étoit là de 27 pouces & 3 feiziemes de ligne. Le thermomètre en plein air étoit fur le Buet à— 16 de la divifion de Mr. De Luc,. qui répondent environ à+ 10 de la divifion de Reaumur , & un thermomètre femblable étoit à Avully à + 10 de la divifion de Mr. De Luc , ou à +21 de celle de Reaumur. Mauteurdu L'élévation de la cime du Buet, calculée d'après cette Sue t. , r . . oblcrvation, luivant les principes de Mr. De Luc, fe trouve de 8196" pieds au deffus du niveau d'Avully, ou de 8 3 54 aU deffus du Lac, La même obfervation, calculée d'après la hauteur à laquelle étoit alors à Geneve un autre baromètre fé-dentaire, obferve par Mr. De Luc le cadet, donne 19 pieds de moins, c'eft-à-dire, 83 3 5 pieds au deffus du Lac. Ces deux réfultats s'accordent' finguiiérement bien avec la mefure que Mr. le Chevalier Schuckburgh avoit prife du Buet ,, par des obfervations trigonométriques très-exacles ; car cette mefure, réduite en pieds de France , donne 8345 , ce qui eft à fix pouces près, la moyenne entre les deux réfultats de fobfer-vation du baromètre faite par Mr. Pictet (i). En adoptant donc cette moyenne, conforme aux mefures trigonométriques, la cime du Buet feroit élevée de 1578 toifes | au deffus du jpiveau de la Méditerrannée. (i)Je fis en 1776, une obfervation du baromètre fur la cime du Buet, dont le réfultat donne dix pieds de moins que «certe moyenne ; mais je n'ai pas voulu la faire entrer dans le calcul de cette même moyenne , parce que l'obierva-u011 conefpondante dans la plaine na-voit pas été faite à la même heure» Mais les obfervations faites fur cette montagne par l'inventeur même du baromètre que nous y avons porté, donneroient une hauteur plus petite de 18 toifes \. Voyez Recherches fur les modifications de VAthmofphere, T. II, §. 937. Peut-être cependant préférera-t-on celle de Mr. Pictet , à caufe de fon accord avec les mefures trigononiétriques, & avec mon obfervation de 1776. §. f6"4. Lorsque Mr. Pictet eut obferve le baromètre, il Hauteur du fut conifamment occupé à épier les ouvertures qui fe faifoient Mont"Blane' dans les nuages , pour mefurer les diftances angulaires des objets, à mefure qu'ils devenoient vifibles. Il eut le bonheur de faifir celui qui nous m'téreflbit le plus, l'angle de hauteur de la cime du Mont-Blane au deffus de celle du Buet. 11 le trouva de 4 degrés, 21 minutes , 3 o fécondes. Cet angle étoit important pour déterminer la hauteur du Mont-Blanc; parce que les mefures connues de cette montagne inacceffible, ont toutes été prifes des bords de notre Lac ou des montagnes voifines. Or l'exactitude d'opérations trigononiétriques laites à des diftances auffi grandes, repofe fur de fi petits angles de hauteur, que les erreurs les plus petites font d'une très-grande conféquence. Ce fut pour nous le fujet d'un grand plaifir, que d'avoir pu le relever. Mais je ne fourois choifir un meilleur moyen de faire connoître le parti que Mr. Pictet a tiré de cette obfervation , que de donner ici l'extrait d'une lettre dans laquelle il me communiquoit les réfultats de fon travail, „ J'ai enfin calculé la hauteur du Mont-Blanc , par une corn- Nouvelle s, binaifon d'obfervations barométriques & trigononiétriques 4 ^kuier6 les 3, dont je regarde le réfultat comme approchant d'affez près J^1^18 de la vérité ; je ne puis vous communiquer cette détermi- O-qq 2 nation intéreffante, fans entrer dans quelques détails fur la „ manière dont je m'y fuis pris pour les obtenir , ils régle-„ ront le degré de confiance que peut mériter le réfultat. „ Apres avoir déterminé par le baromètre la hauteur du ,9 glacier du Buet , & obferve depuis ce même glacier, la hau* „ teur apparente du Mont-Blanc, au moyen du fextant & de „ l'horizon artificiel que je tiens de l'habile artifte Anglois, Mr. n Ramsden , il me reftoit, pour en conclure fa vraie hauteur jj par deffus le Buet, à connoître la diftance horizontale de „ ces deux montagnes, & l'effet de la réfraction terreftre fur l'angle de hauteur obferve, „ Quoique j'euffe pu déterminer affez exactement d'après V, mes propres obfervations, la diftance du Buet au Mont* j, Blanc, j'ai préféré d'employer celles du Chevalier SchucKt „ burgh , comme faites avec encore plus de foin, & avec „ des inftrumens d'une efpece plus parfaite. „ Il donne dans fon mémoire imprimé dans le LXVUe* 7„ volume des Transactions Philofopbiqties, les diftances du Piton 3, au Mont-Blanc & au Buet avec l'angle compris ; j'en ai de-„ duit le troifieme côté du triangle,. favoir la diftance hori-„ zontale du Mont-Blanc, au.Buet, que j'ai trouvée de £f443 „ pieds de France. „ J'avois encore à déterminer l'effet de la réfraction fuff' l'angle de hauteur obferve : après quelques recherches hir 3, cette matière , qui ne m'ont rien offert d'applicable au cas dont il s'agifloit, mes propres réflexions m'ont conduit a „. une méthode fimple , dont l'envie de la. foumettre à votre Il examen, Moniteur , me fait hafarder encore ici le détail* „ quelque longue que foit déjà cette lettre. „ Il me parut d'abord, que la réfraction terreftre dont il „ eft queftion dans ce cas, favoir la courbure que fouffre un „ rayon de lumière entre deux objets terreftres , vus récipro-„ quement fous un certain angle d'élévation ou d'abaiffement, „ étoit une partie conftituante de la réfraction aftronomique 5, „ ou de la courbure totale que fouffriroit un rayon de lumière s, en traverfant l'athinofphere entière, fous ce même angle. „ Pour appliquer ce principe au cas préfent, fuppofons un ,9 rayon de lumière qui traverfe obliquement une partie de „ l'athmofphere, en rafant les fommets de deux montagnes „ inégalement élevées ; prolongeons- ce rayon , d'un côté juf-„ qu'aux confins de l'athmofphere , & de l'autre jufqu'à la ,, furface de la terre ; il eft clair que la courbure qu'il fouffre „ entre les deux fommets , ou fa réfraction terreftre , eft une „ portion de fa courbure totale, depuis fon entrée dans l'athmof-„ phere jufqu'à la furface de la terre, qui n'eft autre chofe „ que fa réfraction aftronomique. En calculant donc la ré-„ fraction aftronomique qui auroit lieu à chacune des deux „ Hâtions, pour l'angle de hauteur fous lequel la fupérieure „ eft vue de l'inférieure, la différence de ces réfractions fera-„ la réfraction terreftre totale qui a lieu entre ces deux ftations U pour ce même angle; & en fuppofant, comme on peut le 3, faire fans erreur fenfible, que la courbure du rayon qui joint: o, les deux ftations, eft circulaire , l'effet de la réfraction devra „ fe divifer également entr'elles., „ On connoît toujours à-peu-près fa hauteur abfolue. des 494 0 B S E R V A T 1 0 N S E A I T E S M ftations, & on fait dès lors quelle feroit la hauteur du ba-„ rometre pour chacune d'elles ; on peut fuppofer dans des cal-„ culs de ce genre , que les réfractions aftronomiques fuivent .„ le rapport des hauteurs du baromètre : ainfi en employant une table de réfractions, conftruite pour une hauteur déter-minée de cet inftrument , on aura par une fimple pro-„ portion, la réfraction aftronomique pour chaque ftation ; .& „ la moitié de la différence des réfractions aftronomiques ainfi .,, obtenues fera, comme nous l'avons dit, la réfraction terreftre „ qui a lieu à chacune des deux ftations. „ J'ai trouvé par cette méthode l'effet de la réfraction fur H l'angle de hauteur du Mont-Blanc obferve depuis le Buet ; „ de 43 fécondes & demie; ce qui l'a réduit à 4 degrés, 20 „ minutes, 46 fécondes Se demie. Cet angle avec la diftance „ horizontale de 65443 pieds, m'a donné 4974 pieds, pour „ la hauteur du Mont-Blanc par deffus le Buet; ce nombre, „ augmenté de 109 pieds , pour la correction qu'exige la „ rondeur de la terre, Se ajouté à 8 345 pieds, hauteur moyenne „ du Buet, donne 13428 pieds ou 2238 toifes, pour la hau-„ teur du Mont-Blanc fur le niveau du Lac, plus grande de m 35 toifes que celle que lui affigne Mr. De Luc , Se pins « petite de 19 toifes, que celle qui réfulte des opérations » trigononiétriques du Chevalier Schuckburgh. „ En fuppofant d'après ce dernier, que la règle de Mr. De „ Luc donne les hauteurs trop petites d'environ ^5 , & en „ augmentant dans cette proportion celle du Buet, on trou-», vera 3 3 toifes à y ajouter , Se par conféquent à celle du „ Mont-Blanc, qui deviendra ainfi de 2271 toifes, plus grande „ de 14 toifes que celle que lui donne le Chevalier Schuckburgh. Mais, comme d'un autre côté, ma mefure barométrique „ moyenne de la hauteur du Buet, s'accorde à un demi pied „ près avec la mefure trigonométrique du Chevalier, je ne „ crois pas devoir rien y changer , & je laifferai le fommet du Mont-Blanc 2238 toifes au deiTus du niveau du Lac, „ en attendant qu'on y porte le baromètre pour nous en ap-„ prendre davantage". D'après ces mefures qui paroiffent dignes dé la plus grande confiance, tant par l'habileté des Obfervateurs auxquels nous en fommes redevables, que par le peu de différence qui fe trouve entr'elles, le Mont-Blanc, élevé de 2426" toifes au delfus delà Mer , eft la plus haute montagne qui ait été mefurée avec exactitude dans l'ancien Continent.. Car je ferai voir dans le fécond volume , que c'eft par une fuite d'erreurs fur les noms & fur les diftances, que feu'M. Micheli du Crest avoit attribué des hauteurs plus confidérables a quelques montagnes de la, Suifle, dont il avoit mefuré l'élévation au deffus de la terraffe de la Fortereffe d'Arbourg. §. 565. Nous paffàmes deux heures entières fur le haut de la grande calotte de neige qui couvre la cime de la montagne du Buet; pendant tout ce tems nous fûmes tous trois conftam-ment occupés. Mr. Trembley obferva dans quatre pofitions différentes le Magnétometre & les inftrumens qui l'accompagnent: Mr. Pictet profita de toutes les ouvertures qui fe firent dans les nuages pour prendre des angles de pofitions:. & moi je mêlai de fair nitreux avec de l'air du Buet, & j'épiai auffi les momens lumineux, pour vérifier mes obfervations de 1776, & la Planche VIII de ce volume, qui étoit déu frayée, & dont je vais donner ici l'explication. Explication Cette Planche a été deftinéc à donner une idée de la vue de la Plan- , che VIII. des montagnes que l'on découvre de la cime du Buet. Le fpectateur eft cenfé placé au centre de la figure, & tous les objets font défîmes en perfpeclive autour de ce centre, comme ils fe préfentent à un œil fitué dans ce même centre, Se qui fait fucceffivement le tour de tout fon horizon. L'idée de cette efpece de deffin me vînt fur le Buet même en 1776". Lorfque j'eus achevé la defcription des objets infiniment variés que j'avois fous les yeux, je vis clairement qu'il me feroit impoflible d'en donner à mes Lecteurs une idée un peu nette fans y joindre des deffins. Mais en employant des vues ordinaires , il en auroit fallu un' grand nombre ; Se plus elles auroient été nombreufes, moins elles auroient rendu l'en-femble & l'enchaînement de toutes ces montagnes, comme on les voit dans la Nature. Il faut dans le Deflînateur un iin-gulier effort d'attention, & une application difficile des règles de la perfpeclive, pour projetter fur des plans verticaux Se fur des lignes droites, des objets qu'il voit réellement fur les circonférences Se dans l'intérieur d'un nombre de cercles dont fon oeil eft le centre. Et il faut les mêmes efforts de la part du Lecteur, pour faire l'inverfe du travail du Peintre , en fe figurant fur des circonférences de cercle, ce que le deffin lm préfente, en ligne droite. Au contraire, fuivant la méthode que j'ai employée', le Deflînateur peint les objets exactement comme il les voit, e11 tournant fon papier à mefure qu'il fe tourne lui-même, ht ceux qui d'après fon ouvrage, veulent fe former une idée des objets qu'il a défîmes, n'ont qu'à fe figurer qu'ils font places .au centre du deffin , agrandir par l'imagination ce qu'Us voyent au au deffus de ce centre, 8c faire, en tournant le deffin, la revue de toutes fes parties. Us voyent ainfi fucceffivement tous les objets liés entr'eux, 8c abfolument tels qu'ils fe préfentent à un Obfervateur fitué fur le fommet de la montagne. Mon projet avoit même été d'affujettir cette efpece de deffin , à une exactitude prefque géométrique. Je voulois que le Deffmateur commençât par tracer fur fon papier un grand cercle , auquel il donnât le nom de cercle horizontal; qu'il plaçât fur la circonférence de ce cercle , tous les points vifibles qui feroient exactement au niveau de fon œil ; qu'il deffinât en dehors de ce cercle les objets fitués au delfus de fon horizon ; 8c au dedans, tous ceux qui feroient au delfous de ce même horizon. Je voulois de plus, que chaque objet fût placé au deffus 8c au deffous de ce -cercle horizontal, à une diltance proportionnelle à fon angle d'élévation ou de dépref-fion, relativement à l'horizon du Deffmateur. Ainsi en fuppofant que l'intervalle compris entre le centre 8c la circonférence du cercle horizontal , fût divifé en 90 parties égales, & que Ton traçât tout autant de cercles concentriques, qui paffaffent par les divifions de ces 90 parties; un objet qui feroit à un degré au deffous de l'horizon de la cime du Buet, feroit placé en dedans du cercle horizontal, fur la circonférence du cercle qui pafferoit par la première divifion: un autre objet qui feroit à 50 degrés au deffous de l'horizon, feroit rapporté fur la circonférence du 50e. cercle, & ainfi des autres. De même, pour repréfenter les montagnes qui s'élèvent au deffus de l'horizon, on auroit tracé en dehors du cercle ho- R r r rizontal , d'autres cercles concentriques aux cercles intérieurs r Se fitués aux mêmes diftances les uns des autres ; le premier de ces cercles extérieurs auroit été le lieu de tous les objets élevés d'un degré au deffus de l'horizon ; le iêcond auroit déterminé la place de tous ceux qui auroient eu deux degrés d'élévation: & ainfi jufques au Mont-Blanc, qui étant élevé d'environ quatre degrés & un tiers, auroit eu fa cime placée entre le 4e. Se le fê] cercle. On auroit auffi déterminé avec la même précifion, les ' diftances angulaires horizontales de tous les objets vifibles, M. Bourrit, à qui je communiquai cette idée en 1776V au moment où je fus defeendu du Buet , la faifit avec en-thouîiafme, & partit fur le champ pour l'exécuter. 11 le fit avec le plus heureux fuccès, excepté dans ce qui concerne les objets qui s'élèvent au deffus de l'horizon ; il leur a donné une trop grande hauteur , parce que je ne lui avois peut-être pas allez clairement expliqué la valeur des divifions d'un petit graphometre que je lui prêtai pour les mefurer. Mais cette imperfection n'empêchera pas que je ne faffe ufage de cette vue pour rendre compte des obfervations que j'ai faites fur les montagnes qui y font repréfentées. Vucd» §. <$66. L'objet qui fixe d'abord les regards de l'Obfer-& des hau- vateur fitué fur la cime du Buet, c'eft le Mont-Blanc, dont on $L?™1 voit le fommet fous la lettre a. Il femble que de la cime lui. d'une auili haute montagne, il devroit paroître moins élevé que de la plaine ou du fond des vallées ; & c'eft pourtant le contraire ; parce que du bas, les parties faillantes de fon corps cachent fa tête, ou dérobent du moins fa diftance ; enforte qu'on voit en raccourci & d'un feul coup-d'œil toute la mon- tagne; au lieu que de la cime du Buet, les yeux après avoir plongé jufques au pied du Mont-Blanc, font obligés de fe relever pour monter jufques à fon fommet, & mefurent ainfi fon étonnante hauteur. Plus à gauche, entre les lettres a & y, on voit les gradins par lefquels on defcend de la cime du Mont-Bla,nc au refte de fa chaîne. L'aiguille du Midi & les autres rochers en pyramide , qui dominent la vallée de Chamouni, font au delfous de la lettre s. Au delà de ces Aiguilles , on voit dans l'éloignement une autre chaîne , qui part des derrières du Mont-Blanc , & qui entoure le fond de la grande vallée de glace, dont la partie inférieure eft le Glacier des Bois. Dans cette chaîne on remarque une cime étroite & élevée , comme une haute cheminée; on la nomme le Géant ou le Mont - Mallet ; la lettre r la défîgne : elle eft très-importante pour la Topographie de ces montagnes, parce qu'on la reconnoît diftinctément de l'autre côté des Alpes , des environs de Cormaior. Plus à gauche encore, fous la lettre #,on voit la haute cime du Glacier d'Argentiere ; le Glacier même de ce nom eft au deffous de la lettre p. Plus loin, fous la lettre 0, on voit l'Aiguille & le Glacier du Tour, qui termine le vafte diftrict des hautes Alpes de Chamouni. §. s 67. Les fommets de ces hautes pyramides font tous inacceflibles ; mais on connoit pourtant la nature de la pierre dont elles font compofées. La longue habitude d'obferver les montagnes m'a donné un coup-d'ceil à-peu-près fur; je reconnois R r r 2 Toutes ces fommités font de Granit. à de grandes diftances, la matière dont une montagne eft compofée , fur-tout lorfqu'elle eft d'un Granit dur, comme ce'ui des hautes Alpes. Les montagnes compofées de ce genre de pierre, ont leurs fommités terminées par des crénelures très-aigues, à angles vifs; leurs faces & leurs flancs font de grandes tables planes, verticales, dont les angles font auffi vifs & tranchans. Comme la Nature a fréquemment fuivi des tranfitions nuancées entre les Roches de Corne molles & les Granits dura, on obferve auffi les mêmes nuances dans les découpures des arrêtes de ces montagnes. Les frètes de celles qui font compofées d'une Roche de Corne tendre , paroiffent arrondies, émouf-fées, fans phyfionomie ; mais à mefure que la pierre en fe chargeant de Quartz & de Feld-Spath, approche de la dureté du Granit, on voit naître des crénaux plus diftincfs, des formes plus décidées.. Explication On peut voir ces gradations dans la Planche V. Cette cheV. Planche repréfenté l'aiguille des Charmoz, fituée dans le diftricf de la vallée de Chamouni, au deffus de Montanvert Se du Gradations Glacier des Bois. Si de la lettre e, on vient à la lettre e, en vifibles dans la dureté des fuivant la frète de la montagne noire qui occupe le premier snontagnes. ^m ^ ^ ^ pourra obferver les gradations que je viens de décrire: fous la lettre i r -n ■ | _ , fécondaires de Granit, compofées de feuillets pyramidaux & parallèles ; dont la mais on voit auffi fréquemment des montagnes fécondaires, ^JJ^/1* d'Ardoife par exemple, ou de Pierre calcaire, lorfqu'elles font appuyées contre des primitives , compofées auffi de feuillets pyramidaux dans une fituation prefque verticale ; & c'eft ici un des traits les plus frappans des tranfitions que j'ai découvertes entre les montagnes primitives & les fécondaires. La Planche VII repréfenté une de ces montagnes primitives, Explication contre lefquelles s'appuyent des feuillets pyramidaux de ma- che'viï13""' tieres fécondaires. Nous palTerons au pied de cette montagne, & je la décrirai dans le IR volume ; mais pour le but que je me propofe ici, ii fuffira d'obferver fa ftructure générale, La partie la pins éloignée de cette montagne, qui répond, à la lettre a, eft compofée d'un roc primitif, quartzeux, mélangé de Mica. Ce rocher fait partie d'une chaîne plus haute & plus confidérable, qui n'eft pas vifible du point d'où cette montagne a été deflinée ; & cette chaîne toute primitive , eft liée avec celle du Mont-Blanc. Les autres cimes b , c, d, e»f> g 5 h, font calcaires, mais pour la plupart mélangées de feuillets brillans de Mica. Toutes ces fommités ont la forme de grands feuillets pyramidaux, & ces feuillets ont tous une fituation très-inclinéeles plus voifins de la chaîne primitive , comme b, c, d, font à très-peu-près perpendiculaires à l'horizon ; les autres font d'autant moins inclinés qu'ils font plus éloignés des primitifs. Et ce qui rend Palpée! de cette montagne très-fmgulier & très-frappant, c'eft que les intervalles de ces rocs font remplis d'Ardoifes tendres, qui fe décompofent & qui lailTent ainfi entre les cimes de ces rocs , des vuides confidérables. J'ai reconnu diftinefément ces Ardoifes, entre le roc a Se le roc b, entre b Se c, Se entre d Se e. Voila donc des rochers qui font indubitablement de nature fécondaire , qui de l'aveu de tous les Naturaliftes ont été formés dans le fein des eaux, & dans lefquels on obferve exactement la ftructure Se la fituation qui femblent être propres aux Roches primitives. Et l'on voit entre les élémens de ces grandes couches inclinées , des reffemblances analogues à celles que Ton remarque dans leurs formes ; car le Mica » qui eft un des élémens ordinaires des Roches primitives , fe trouve ici mélangé avec la Pierre calcaire qui forme la hafe de ces rochers fécondaires. Nous aurons occafion de voit beaucoup d'autres exemples de ces tranfitions nuancées, entre les montagnes primitives & les fécondaires. it--. ' —■— "■ Vue fiAxcjutCle c?u cAîîdv J vit Lee cttc c/^^C. oM&rvtêù ÛLTIC. fliœutfb $lc//aval, situez où c/T Û Du Jtoiit 91 faîte ' *** ' §. 5-71. La forme pyramidale des feuillets des Roches pri- Raifon de mitives & des fécondaires qui s'appuyent contr'elles, n'eft pas [amldaîe des toujours, comme on pourroit le croire, l'effet du hafard ou feuillets, de l'érofion du tems ; elle eft fouvent déterminée par des fiffures obliques, qui partagent les feuillets en de grands parallélogrammes i dont un des angles aigus eft tourné vers le Ciel, de manière que lorfque ces feuillets fe rompent, leur rupture déterminée par ces fentes naturelles, laiffe toujours aux parties qui demeurent en place , la forme de feuillets pyramidaux. §. ï72. On ne voit pas tous ces détails, de la cime du Buet; Feuillets qui cependant la plupart des hautes pyramides dont les flancs font [^n|ies py" affez efcarpés pour être dénués de neiges, lailTent voir clairement les feuillets pyramidaux de Granit, dont elles font compofées ; & j'ai déjà dit que la Planche VIII, quoiqu'elle repréfenté ces objets prodigieufement en miniature, en fournit plufieurs exemples. Ces pyramides font unies par leurs bafes, 8c ce font encore de grands feuillets de Granit, parallèles à la direction générale de la chaîne des Alpes, qui forment leur liaifon. On reconnoît enfin la même ftructure dans les chaînes pri- Arrêtes mitives continues > dont les injures du temps ont fiilonné les ç"mpol«8w ' flancs. On voit de place en place, des rangées de feuillets de cecs ™ês r mes reuiU pyramidaux, appuyés les uns contre les autres, & contre le lets. corps de la chaîne, comme fi c'étoient des augives deftinées à la foutenir. Il eft vraifemblable que dans l'origine ces vuides étoient remplis par d'autres feuillets qui ont été détruits, tandis que ceux - là plus folides , ont pu fe maintenir. Les Aiguilles rouges que l'on voit dans la Planche VIII, au deffous du Mont- S s s Blanc entre les N°. i & 1, & d'autres grandes chaînes, celle par exemple, qui eft comprife entre les lettres o Se p, montrent clairement cette ftructure. §. Les intervalles des hautes pyramides Se des ar- rêtes dont nous venons de parler, font remplis de grands Se magnifiques glaciers , que l'on voit naître dans d'affreufes fo-litudes, entre des rochers noirs Se ftériles, Se s'étendre de là jufques dans les baffes vallées, au milieu des forêts & des pâturages. On voit de plus, un nombre de glaciers du fécond genre , jettes çà Se là fur des pentes douces, dans des enfon-cemens, au pied des 'hautes cimes, par-tout où les neiges peuvent s'accumuler, Se s'imbiber des eaux qu'elles produifent Ces immenfes Se antiques rochers, noircis par les eaux qui diftillent fur leurs flancs , & entrecoupés de neiges &. de glaces refplendiffantes, vus par un beau jour au travers de l'air tranfparent de ces hautes régions, préfentent le plus grand fpeclacle qu'il foit poffible d'imaginer. La vue que l'on a du haut de l'Etna , eft fans doute plus étendue Se plus riante : mais celle de la chaîne des Alpes que l'on découvre de la cime du Buet,. eft peut-être plus étonnante : elle excite dans l'ame une émotion plus profonde, & donne plus à penfer au Philofophe. Car fans s'arrêter à la contemplation de ces neiges & de ces glaces, & à la douce affurance qu'elles donnent de la perpétuité des fleuves dont elles font les fources , fi l'on réfléchit fur la formation de ces montagnes, fur leur âge , fur leur fuc-ceffion , fur les caufes qui ont pu accumuler ces élémens pierreux à une fi grande hauteur au delfus du refte de la furface du Globe ; fi l'on recherche l'origine de ces élémens, h l'orl confidere les révolutions qu'ils ont fubies , celles qui les attendent , quel océan de penfées ! Ceux-là feuls qui fe font livrés à ces méditations fur les cimes des hautes Alpes , favent combien elles font plus profondes, plus étendues, plus lumineufes, que lorfqu'on eft refferré entre les murs de fon cabinet. §. f74. A l'Orient des montagnes de Savoye , commencent Suite de la celles du Vallais. On voit fous la lettre n de la Planche VIII des^moma- une haute pyramide , qui fe nomme le Mont Vélan , & qui ffn?^ appartient à cette République. Le paffage du Grand S. Ber- la Planche nard eft au Sud-Oueft de cette cime. Le Rhône, défigné par le chiffre 11 , & dont la fource eft entre les montagnes qui font au deffous des lettres / & k, arrofe la principale vallée du Vallais, qui vue d'ici, préfente le plus bel afpect ; fa verdure coupée par le beau fleuve qui y fer-pente , repofe agréablement les yeux fatigués des beautés terribles des rochers & des glaces de la chaîne centrale. Cette vallée dirigée à-peu-près de l'Eft à l'Oueft, fuivant la direction de cette partie des Alpes, eft une des plus grandes vallées longitudinales de cette chaîne de montagnes. Il femble que pour former cette vallée, la chaîne centrale des Alpes s'eft divifée fuivant fa longueur, en deux chaînes , l'une Septentrionale & l'autre Méridionale. Celle - là comprend la Geinmi h , Se les montagnes de Grindelwald & du Grimfel entre h Se i. Celle-ci comprend les hautes montagnes qui dominent au Nord la vallée de Bagnes entre n Se m; celle du S. Plomb m, le Griés, &c. Ces deux chaînes fe rapprochent auprès de Brieg, fe réuniffent entièrement à la Fourche k'9 puis fe féparent de l'autre côté de la Fourche, pour former la vallée d'Urferen, S s s % fur le Midi de laquelle eft le S. Gothard, dans la direction d'une fommité déilgnée par / (i). En continuant la ronde des objets repréfentés dans cette Planche , je vois au deftbus de g , la haute montagne qui domine la ville de S. Maurice, & qui fe nomme la Dent du Midi. Le chiffre i o., qui eft plus fur la gauche , défigne les Dents d'Oche & les montagnes de la vallée d'Abondance. Le petit efpace blanc , dans lequel eft gravé le nombre 9 , eft une portion du Lac de Genève , que l'on voit entre les villes de Rolle & de Morges. Le chiffre 8 eft placé fur la montagne des Voirons. Près du chiffre 7, on revoit une petite portion du Lac, & on diftingue la ville de Geneve, qui fe trouve dans la prolongation de la jolie vallée du Giffre , que l'on voit couler auprès du nombre 16. Sur la cime du Môle eft le nombre 6 , à fon pied la Bonne - Ville auprès du chiffre ï ; 8c la vallée de Clufe , l'Arve & la grande route de Clufe à la Bonne-Ville fe voyent dans cette même direction. Toute cette partie de l'horizon eft terminée par le Jura, que l'on voit à une grande diftance , comme une ligne bleue & uniforme, commencer fur la gauche de la Dent du Midi, près de la lettre g , paffer en / où eft la Dole, en e où eft la montagne de Thoiry, en d où eft le paffage de l'Eclufe , & parce que ces cimes fe découvrent de oin , au lieu que les gorges font ca (1) 11 faut obferver, que quoique les paffages des Alpes , tels que le S. Bernard , le S. Plomb , la Fourche, le S. Gothard > foient toujours dans des gorges . & non point fur des cimes de montagnes, on les défigne cependant toujours dans les vues, & même fouvent fui les cartes, par les cimes de montagnes qui en font les plus voifines, chées mais cette méthode fait fouvent donner dans de grands écarts , parce que. la pofition apparente de la gorge , relativement à la fommité qui la domine, change fuivant la pofition de celui qui la re> garde. venir prefque jufques en c, fe confondre avec les montagnes des environs de Chambéry & d'Annecy. La pointe qui eft au deftbus de la lettre c, eft la cime d'une montagne pyramidale, de nature calcaire, extrêmement élevée, qui domine le Lac d'Annecy, & qui fe nomme la Toumette. On apperçoit en b des montagnes très-éloignées 3 , qui paroiffent être dans le Dauphiné, ou peut-être dans le voi-image du Lac du Bourget. §. Ç7$. Une fingularité bien remarquable de l'enceinte des Le Buet rémontagnes qui entourent la cime du Buet, c'eft qu'une moitié montagnes de cette enceinte eft prefque toute primitive, & l'autre moitié Primitj[yes r 1 r des fecor> prefque toute fécondaire. Toutes les montagnes dont les cimes daires. fe trouvent au bord du demi-cercle méridional, compris fous les lettres 2, k , Z, m,n, 0 , p, q, r, s, a, b , font primitives , quoiqu'au pied de ces montagnes & dans les vallées qui les féparent, il y ait fouvent des rochers calcaires & des Ardoifes, comme nous l'avons vu dans la vallée de Chamouni.. Toutes les autres cimes b, c, d, e , /, g, h, font calcaires. Le Buet lui-même fe trouve exactement fur la ligne qui fépare les cimes calcaires des cimes primitives ; car fa bafe eft primitive , & les fommets élevés, fitués entre lui & la chaîne centrale , tels que les Aiguilles rouges que l'on voit fous les chiffres 1 & 2 , le Ment de Loguia ou de Chefnay fur le quel eft gravé le nombre 1 3 * & les montagnes à droite Se à gauche de la vallée de Bérard qui eft défignée par le chiffre 14, font toutes primitives. Je ne connois dans cette enceinte aucune montagne calcaire , d'une hauteur un peu confidérable.^ fi ce n'eft le Col de Balme, N°. 12. Situation §, ff6* Les hautes calcaires fitue'es dans le demi-cercle Ls.fCarpe" feptentrional, Se voifines du Buet, telles que les Mont d'An-terne ,N°. 4, le Grenairon , N°. 17, & d'autres montagnes à droite ou à l'Eft de celle-ci, dont nos guides ne favoient pas les noms , ont toutes leurs efearpemens tournés contre la chaîne centrale ; ce qui confirme l'obfervation que j'ai faite au fommet du Mole, §. 282. Le Buet lui-même a fes couches dépendantes vers le dehors des Alpes, Se efcarpées contre le Mont-Blanc. Vallées, §, ^77. Quant aux vallées, la cime du Buet n'en préfente pas un aulfi grand nombre que celle du Cramont, que nous verrons de l'autre côté du Mont-Blanc. La vallée du1 Rhône, N°. u, eft la feule grande vallée longitudinale que l'ou voie diftinctément ; celle de l'Arve, N°. 5 , que nous avons fuivie entre la Bonne-Ville Se Clufe, & celle du Giffre, N°. 16, qui lui eft parallèle, font du nombre des tranfverfales. Mais on peut d'ici vérifier ce que j'ai dit dans le Chapitre des Glaciers, §. 522, que la plupart des glaciers du premier genre font renfermés dans des vallées tranfverfales. Et l'on en comprendra la raifon, fi l'on fe rappelle ce que nous venons de voir, §. 573 , que ces glaciers rempliftent les intervalles des pyramides Se des arrêtes qui dépendent des hautes chaînes. Car d'après cette obfervation, ils doivent fe prolonger fuivant des lignes à-peu-près perpendiculaires à la direction de ces chaînes. ; En effet, prefque tous les glaciers un peu confidérables que l'on découvre du haut du Buet, Se même comme nous le verrons dans la fuite, ceux que l'on trouve de l'autre côté des Alpes, font renfermés dans des vallées qui Les Glaciers du premier genre occupent des valle'es tranfverfales. * courent à-peu-près du Sud-Eft au Nord-Oueft, tandis que cette même partie des Alpes, court du Nord-Eft au Sud-Oueft, c'eft-à-dire, à angles droits de la direction de ces glaciers. Mais fi l'on ne découvre pas d'ici beaucoup de vallées longi- Chaînes tudmales, en revanche on voit un grand nombre de chaînes cntr'euS de montagnes parallèles entr'elles; comme le Jura, le Saleve, les Monts Vergi, ceux du Repofoir , les Aiguilles rouges, les Aiguilles de Chamouni, les chaînes qui bordent le Vallais, &c» Et c'eft là le phénomène important Car je démontrerai dans la fuite, que I'obfervation de Bour-guet fur les angles faillans & rentrans , dont on a fait un fi grand bruit, eft tout à fait trompeufe; qu'elle n'eft vraye que des vallées tranfverfales, étroites, de formation récente, c'eft-à-dire , qui ont été creufées par des rivières & des torrens, depuis la retraite des eaux,, ou par leur retraite même ; tandis qu'au contraire, les gandes vallées longitudinales , dont l'exiftence eft auffi ancienne que celle des montagnes, & qui feules méritent d'être confidérées dans une théorie générale, préfentent fouvent des renflemens & des étranglemens fucceffifs , & par conféquent le contraire des angles faillans & rentrans» t Appréciation de I'obfervation de Bourguet fur les angles faillans Ôc rentrans» Si l'on peut trouver une clef de la Théorie de la Terre, la fitua- relativement à la direction des courans de l'ancien Océan dans plaides lequel les montagnes ont été formées, il faut la chercher dans couches eft 1 . ' plus ellen- la direction des plans des couches inclinées ; en faifant abftrac- délie pour , o • i- j i c i . la Théorie* tion des cas rares & particuliers, dans lelquels on voit ces cou, ches s'écarter du parallélifme qu'elles obfervent généralement avec les chaînes de montagnes qui réfultent de leur affemblage. Expérien-ces fur la pureté de l'air. Et je crois être le premier qui ait obferve la généralité & l'importance de ce phénomène (i), §. y78- Je terminerai le rapport des obfervations que nous finies fur la cime du Buet, par le développement de la mé- (i) Comme les explications de la Planche VIII fe trouvent difperfées en différens endroits du texte, je crois de. voir , pour la commodité du Lecteur, les réunir dans cette note. Le Mont-Blanc. ! A. Montagnes des environs du Lac du Bourget, ou peut-être du Dauphiné. c. La Toumette. d. L'Eclufe. €. Le Mont Jura. f. La Dole. g. Aiguille du Midi, au deffus de St. Maurice. h. Le Mont Gemmi. i. Le Grimfel. k. La Fourche. Z. Le St. Gothard. m. Le Sr. Plomb. n. MontVélan , au N. E. du Grand St. Bernard. o. Aiguille & Glacier du Tour. p. Glacier d'Argentiere. q. Aiguille d'Argentiere , & à droite au deffous d'elle , l'Aiguille du Dru. r. Le Mont Mallet, ou le Géant. s. Les Aiguilles de Chamouni. N». i... t Les Aiguilles "rouges. Le Mont Bréven eft fous le N°. a. 3. Vallée de Megéve au deffus de Sallenche. 4. Mont d'Anterne. Les dentelures Np. fymmétriques que l'on voit au pied de cette montagne , font des débris qui s'accumulent au bas des ravines très-inclinées, qui la fillo-nent. 5. Vallée de l'Arve & Bonne-Ville. 6. Le Môle. 7- Geneve. 8. Les Voirons. 9. Portion du Lac entre Rolle <& Morges. 10. Dents d'Oche & montagnes d'Abondance. 11. Vallée du Rhône entre Brieg «Se Sion. 12. Col de Balme. ij. Mont de Loguia ou de Chefnay. 14. Vallée du Col de Bérard , par laquelle on monte au Buet. iç. Pâturages des Fonds. 16. Vallée du Giffre où eft la ville de Tanïnge. 17. Le Grenairon. 18. Murs de glace du Buet, qui dominent la Vallée d'Entraigues 19. Portion de la vallée de Valorfine. 20. Champs de glace fufpendus fur Entraigues. NB. J'ai mis lei N*. 18 & 20 , fut la foi de Mr. Bourrit , car je ne me rappelle pas d'avoir vu ces glaces de la cime du Buet. thode thodc que j'ai employée, pour éprouver la pureté de l'air des montagnes, en le mêlant avec l'air nitreux. On fait que le Dr. Priestley a obferve , que lorfqu'on Obferva-fait diiïbudre dans l'efprit-de-Nitre certaines fubftances , mental™ de" & en particulier des fubftances métalliques, il s'échappe de M- p*xest. ces dilfolutions un fluide , qui par fon clafticité & fa perma-fience , reftemble à l'air que nous refpirons ; mais qui en diffère par d'autres propriétés : il a donné à ce fluide le nom dïair nitreux. 11 a de plus obferve que cet air, lorfqu'on l'a préparé & confervé dans des vaiffeaux clos, & qu'enfuite on le mêle avec l'air commun, produit une efpece d'effervefcence, à la fuite de laquelle ces deux airs font en partie décompofés; & qu'après ce mélange & cette décompofition , ils occupent moins d'efpace qu'ils n'en occupoient féparément ; que par exemple, deux mefures d'air commun , mêlées avec une mefure d'air nitreux, au lieu d'occuper un efpace égal à trois mefures, n'occupent après leur mélange qu'un efpace] qui n'égale pas même deux mefures. Mais la circonftance la plus intéreffante de ce fait, c'eft que plus l'air commun eft pur, plus aufli il eft diminué par l'air nitreux; de manière que s'il eft impur, s'il eft mélangé de matières putrides ou phlogifti-ques, il fouffre une diminution moins grande, & même quelquefois absolument nulle. très. Mr. Priestley a conclu de ces faits, que la diminution \ Eudiotnc-d'un air quelconque par fon mélange avec l'air nitreux, pouvoit en quelque manière fervir d'indice ou de critère à fa fa-lubrité. C'eft d'après ce principe que l'on a conftrait pour faire fur les différentes efpeces de pierres dont tion> cette montagne eft compofée. J'ai déjà dit plus haut, que dans ce dernier voyage, je n'ai pas eu la Satisfaction de répéter ces obfervations, parce que la neige couvroit les parties les plus intéreifantes. Mais comme j'avois pris en 1776" des échantillons de tous ces rochers, je les ai revus & examinés à loifir; enforte que l'on peut compter fur. l'exactitude de leurs dénominations. Je dois feulement avertir , que je fis ces obfervations en paffant par le chemin le plus court, que j'ai indiqué , §. S 34. §. ^80. La cime de la montagne du Buet eft coupée à s?mn^tdœ nci^**s pis* pic à une grande profondeur, du côté du Midi, & de ce même res/ côté elle ne préfente point de glaces des couches de neiges durcies, entaffées les unes par deffus les autres, recouvrent toute fa fommité. Mais à l'Eft, au Nord & au Nord-Oueft, les pentes de la Glaces au- ■ r 1 " 1 i-n ~ bas des péri- montagne qui fe prolongent a une grande diftance , fe ter- tes. minent par des murs de glace , qui lui ont fait donner le nom de glacier , & qui forment réellement un glacier du fécond genre, §. 529. §.581- On ne. peut donc pas détacher des pierres du fommet Nature dËss L'une, que les tranches des feuillets de cette pierre, lorsqu'elles ont été expofées aux injures de l'air, font bordées par des efpeces de petites moulures, ou de bourlets arrondis , faillans , épais environ d'une Vgne, & parfaitement parallèles entr'eux. Ces moulures font d'un blanc jaunâtre, 8c le refte de je. ïfpece de pierre : elle eft cal. caire > mêlée de dès. la pierre eft d'un gris fonce'. En caftant les feuillets de cette pierre , on en trouve dans lefquels on diftingue une couche blanchâtre, qui correfpond à ces moulures ; d'autres paroiffent en dedans parfaitement uniformes & homogènes. Lorsqu'on met cette pierre en décoction dans l'eau forte, la partie dont la couleur eft la plus foncée, fe diffout com-plettement, à la réferve d'un petit réfidu noir, mêlé d'un peu de fable ; mais les moulures blanches , & la partie intérieure de la pierre qui leur correfpond, demeurent entières , moins cohérentes pourtant qu'avant cette épreuve, car elles fe brifent entre les doigts & s'y réduifent en un fable quartzeux très fin. Ces rochers font donc compofés de couches alternatives , d'une Pierre calcaire affez pure Se d'un Grès très-fin, dont les grains font liés par un fuc calcaire; les eaux des pluies attaquent Se rongent les couches calcaires plus promptement que les couches de Grès, qui forment ces petits bourlets faillans ; Se ces bourlets font plus blancs que les parties intérieures de la pierre qui leur correfpondent, parce que les injures de l'air détruifent en partie le gluten calcaire d'un gris foncé, qui dans l'intérieur de la pierre , mafque la couleur des petits grains quartzeux dont ces couches de Grès font compofées. L'autre fingularité que préfentent ces rochers, c'eft un grand nombre de fentes verticales, qui élargies par l'érofion des eaux, les divifent en maffes détachées, qui de loin reffem-blent à de gros pilaftres de forme prifmatique. La plupart de ces pilaftres font irrréguliers ; j'en diftinguai cependant un qui étoit exactement rectangulaire, large d'un pied & haut de quatre. V v v 2 Il paroît que ces fentes font produites par des affaiffemens que favorife une retraite naturelle. §. 584. Sous ces rochers on en voit d'autres qui paroiffent effentiellement de la même nature , mais qui font remplis de veines mélangées de Spath Se de Quartz. Ces veines courent dans toutes fortes de directions, fous des angles de toute grandeur, & en telle quantité qu'il y en a prefque plus que de la pierre même. On retrouve fur les tranches des couches , de petits bourlets blancs, comme dans les précédentes ; mais les couches font ici moins planes Se moins régulières. Ces quatre efpeces ou variétés de pierres ont toutes leurs bancs fi tué s de la même manière , defeendans en pente douce vers le dehors des Alpes, Se fe relevant au Midi contre la chaîne centrale. §. 585 On chemine pendant quelque tems fur les débris des rochers que je viens de décrire ; après quoi l'on rencontre des bancs d'un Grès compofé de gros grains de Quartz,blancs Se briHans. Ce Grès donne beaucoup de feu contre l'acier, ne fait aucune effervefeence avec l'eau forte , Se lorfqu'on l'a tenu pendant quelque tems en décoction dans cet acide, la feule altération qu'il paroiffe avoir fubie , c'eft d'être un peu plus blanc & un peu plus fragile. On compte cinq ou fix couches de ce Grès : elles font épailfes chacune de i 2 ou 15 pouces. Leur (ituation eft en général la même que celle des précédentes , mais leur inch-naifon eft plu; grande , Se leurs efearpemens paroiffent fe tourner un peu plus du côté de l'Eft. 4p. Sorte de pierre : calcaire veinée. çc. Sorte de p'erre. Giès non ef. feivefcent DELA MONTAGNE DU BUET. Chap. XL f2f §. 586. Sous ce Grès, on trouve un autre Grès plus grof- 6e. Sorte fier, auquel on pourroit même donner le nom de Poudingue, otès^effer. 11 eft compofé de fragmens de Quartz gris ou rougeâtre, demi- vefcent tranfparent; de fragmens de Feld-Spath rougeâtre, & de petites Pyrites Jaunes. Ce Poudingue ou Grès groflier fait avec Peau forte une effervefeence très-vive, & après qu'il a été en décoction dans cet acide , on trouve fes grains, ou défunis ou du moins fé-parabies entre les doigts fans aucun effort. Il n'y en a qu'un feul banc, épais d'un pied & fitué comme le précédent. Sa furface extérieure a été noircie par la dé-compofition des Pyrites, les parties les plus fines ont été entraînées , & là on voit à découvert les fragmens angulaires du gravier quartzeux qui forme la bafe de cette pierre. §. 587. Sous ce Poudingue eft une Roche feuilletée, compofée d'uu Mica rougeâtre , £c de grains de Quartz tranfparent. Cette pierre eft médiocrement dure, elle exhale une odeur argilleufe ; mais ne fut point d'effervefeence avec l'eau forte. Ses couches font encore plus inclinées que les précédentes. Elles occupent en tout une épailTeur d'environ % pieds. §. 588. Cette Roche recouvre des bancs du même genre, mais dont la pierre eft moins colorée, plus compacte, & par-femée de nœuds de Quartz , applattis , tranchans par leurs bords, dont les pians font fitués parallèlement à ceux des feuillets. Il y en a 15 pieds. 7e, Efpece de piene. Roche feuilletée. 8e. Efpect Roche a nœuds de Quartz. Ces mêmes couches en tirant au Sud-Oueft , deviennent moins colorées ; on y diltingue à peine une nuance de violet; elles font auffi plus compactes, & prennent l'apparence d'un Granit veiné. §. 589. Sous cette Roche parfemée de nœuds, on retrouve plufieurs toifes d'une Roche feuilletée micacée , femblable à la ieptieme efpece, §. 587» & dans laquelle on ne voit point de nœuds. §. 590. Enfin, fous cette dernière Roche commencent les Granits veinés, parfemés de nœuds de Quartz , de forme lenticulaire, fitués dans la direction des feuillets. Ces nœuds, de même que les autres parties de la pierre, varient de grandeur & de couleur en différentes places : mais en faifant abftraction de ces variétés, on peut dire que cette efpece de pierre forme toute la bafe de la montagne, depuis Valorfine jufques aux deux tiers de fa hauteur. On pourroit contefter a cette Roche le nom de Granit, non feulement a caufe de fon tiiTu feuilleté, mais encore parce que l'on n'y découvre pas au premier coup d'œil, des;, cryftaux de Feld-Spath. Cependant fi l'on obferve fa caffure au Soleil,' à l'aide d'une loupe, on y verra briller des lames angulaires, dcmi-tranfparentes, pofées en recouvrement les unes par deffus les autres, que l'on eft forcé de reconnoître pour de vrai Feld-Spath. Les pierres de ce genre, qui font dures & compactes, n'exhalent aucune odeur argilleufe. §. 59t. Les quatre dernières efpeces ne font aucune effervefeence avec l'eau forte, même bouillante ; & de petits fragmens tenus pendant long-tems dans cet acide fortement échauffé, en <)s. Efpece. Roche mica, cée 'ans nœuds. toe Efaece de ph.vre. -Granit veiné. Cnnfidcra-tions fur les quatre dernières efpeces, reffortent fans aucun changement apparent ; h ce n'eft que les efpeces colorées fe trouvent avoir perdu à leur furface une partie de leur couleur, par l'extraction du Fer qui étoit le principe de cette couleur. Ces mêmes efpeces, que je regarde comme primitives, ont leurs bancs toujours plus approchans de la fituation verticale & dirigés à-peu-près du Midi au Nord. Ces bancs en fe prolongeant du coté du Nord, vont appuyer leurs tranches contre les plans des couches du Mont de -Loguia ou de Chefnay , Pl. VIII, N°. 13, dont la direction eft différente, car elles courent de l'Eft-Nord-Eft, à l'Oueft-Sud-Oueft, à-peu-près comme les feuillets des Aiguilles rouges & des autres chaînes intérieures. §. 592. La ftructure du Mont de Chefnay mérite bien d'être Structure obfervée , & le meilleur pofte pour cette obfervation , eft un peu cLfoay' ^ au delfous de la hauteur à laquelle font les tranfitions qui ont fait le fujet de ce Chapitre. On voit les couches du milieu de la montagne dans une fituation parfaitement verticale, & les autres s'incliner peu-à-peu contre celles du milieu, à mefure qu'elles s'en éloignent. On pourroit comparer l'enfemble de ces couches, à un jeu de cartes que l'on fait tenir debout fur une table : celles des bords font écartées par le bas, s'ap-puyent par le haut contre celles du milieu, & celles-ci font perpendiculaires à la table. §. Ï93- Je trouvai en defcendant la montagne, des débris de quelques autres efpeces de pierres, qui s'étoient détachées des flancs du Mont de Chefnay ; des Granits en maffe, d'un \ beau rofe ; des Roches feuilletées, compofées de Schorl noir en lames , & de petits nœuds lenticulaires de Quartz blanc ; des Roches feuilletées quartzeufes, à feuillets finguiiérement fléchis Se ondes, &c. Mais je reviens à nos tranfitions & aux conféquences qui en découlent. Gres ou gt ^24. C'est un fait bien important, à ce que je crois,' Poudingues 1 encre .es pour la Théorie de la Terre , & qui pourtant n'avoit point en-montagnes / / 1 r > c • ii. primitives core ete obferve; que prelque toujours entre les dernières cou-es leçon- ches féconduires Se les premières primitives , on trouve des bancs de Grès ou de Poudingues. J'ai obferve ce phénomène , non feulement dans un grand nombre de montagnes des Alpes, mais encore dans les Vofges, dans les montagnes des Cévenes, de la Bourgogne & du Forez: je donnerai ailleurs les détails de ces obfervations, Se les noms des lieux dans lefquels je les ai faites. Ce fait eft même 'encore plus univerfel ; car j'ai vu que le paffage. des montagnes fécondaires aux tertiaires, eft auffi marqué par des couches de Brèches Se de Grès, §. 242 a , & 243- Mais pour nous borner ici aux obfervations que nous venons de faire fur le Buet, on voit le plus greffier de ces Grès, §. 5'86'> dépofé fur la furface de la première Roche primitive, & nn Grès moins groffier, §. 585 , dépofé fur celui-ci. Lorfque les couches calcaires, §, 583 Se 5 84» ont commencé à fe former, les eaux contenoient encore les parties les plus fubtiles du fable, . qui fe dépofant par intervalles, produifoienc ces couches minces de de Grès, qui fe manifeftent par les petites moulures blanches que nous avons analyfées. Enfin la pierre qui forme la cime du Buet, ne contient plus que quelques grains épars de ce même fable. §. S9S- Si cette obfervation eft aufti générale que je le penfe, Conféquen-elle prouve que tous les grands changemens dans les caufes de°fe génératrices des montagnes, furent précédés par des fecoulfes du phénomène. Globe, qui réduifirent en fragmens plus ou moins grofiîers, différentes parties des montagnes qui exiftoient alors; que ces fragmens furent dépofés par couches fur la furface de ces montagnes, dans un ordre relatif à leur pefanteur ; que là des fucs de différente nature les agglutinèrent & les convertirent en Grès ou en Poudingues ; qu'enfuite de nouveaux dépôts ou de nouvelles cryftallifations produifirent de nouvelles couches , qui, par le changement arrivé dans les caufes génératrices des montagnes, fe trouvèrent être d'une nature différente des premières, Se formèrent^ de nouveaux genres de montagnes. §. 596". Ces bancs de fable Se de débris, interpoles entre les L'interpo-dernières couches primitives & les premières fécondaires, n'em- gjfj?" pèchent pas qu'en général il n'y ait une liaifon marquée, & des truit P3S l* tranfitions nuancées entre ces deux ordres de montagnes. Ici les différens même on voit que les calcaires & les Ardoifes du Buet font mélangées, les unes de grains de Quartz, les autres de lames de Mica ; Se toutes de particules d'Argiile & de Pierre de Corne ; qui font au nombre des élémens des Roches primitives. Ces fables font comme un point entre deux périodes, qui n'empêche pas la liaifon des idées qu'elles renferment. ordres de montagne* X x x CHAPITRE XIL RECHERCHES ULTERIEURES SUR LES GRANITS. §• 597-Je vins à Valorfine au mois d'Août 1776", pour monter fur le Buet, Se le mauvais tems me retint pendant deux jours dans ce village; mais je profitai de tous les momens où il ne pleuvoit pas à verfe, pour faire des excurfions dans les environs. Les murs de pierres feches dont eft bordé le chemin qui pafte au travers du village , font une riche collection de Roches compofées ; on y voit toutes les nuances imaginables entre les Granits veinés Se les Granits en malle, Se toutes les variétés de couleurs dont ces Roches font fufceptibles. On y trouve auffi différentes efpeces de Roche de Corne ; on en voit qui font vertes en dedans, mais qui prennent en dehors une couleur brune , produite par la décomposition du Fer mélangé avec leurs élémens : quelquefois au milieu d'une de ces Roches , on trouve un feul cryftal rectangulaire de Feld-Spath couleur de rofe; ailleurs ces cryftaux font plus nombreux. Après que je me fus amufé pendant quelque tems à obferver ces jeux de la Nature, j'entrepris de remonter jufques au pied des montagnes qui bordent au Nord-Oueft, la vallée de Valorfine. En y allant, je traverfai des champs parfemés de débris femblables à ceux que j'avois obfervés le long du chemin. Ces champs ont même été en quelque manière conquis fur ces débris, par l'induftrieufe activité des habitans de cette vallée;, car ce n'eft qu'en écartant & en amoncelant de place en place., Débris de Roches primitives des environs de Valorfine- une partie des fragmens de rochers qui couvroient les bords élevés de leur vallée, qu'ils font parvenus à découvrir le peu de terre qui forme le fond de ces champs. Ces monceaux de débris font encore des magafins pour le Lithologitte ; j'y trouvai de nouvelles variétés de différentes Roches , & quelques-unes d'entr'elles contenoient de jolis cryftaux de Schorl noir. §. 598- Mais le morceau qui me frappa le plus, étoit compofé Fragment de deux pièces fortement foudées enfemble, 1' Ulie etoit u11 foudé avec Granit en maffe, & l'autre une Roche de Corne, à feuillets très. fgnueaIe^e°hc minces. Je defirois vivement de voir la place de laquelle ce morceau s'étoit détaché ; je montai droit devant moi, & je parvins à une petite ravine , d'un côté de laquelle tous les fragmens étoient de Granit, 8c de l'autre tous de Roche de Corne ; je penfai qu'en remontant cette ravine, j'arriverois à la jonction de ces deux genres de pierres ; mon efpérance ne fut pas trompée; j'y parvins en effet, mais pour y arriver j'eus à gravir des pentes affez rapides. Je trouvai la fur ma droite, une montagne compofée en en- Defcription tier de la Roche feuilletée qui faifoit une des moitiés du fragment gnes "d'où" que j'avois rencontré. Ses feuillets, extrêmement déliés, me- len01t ce 1 1 fragment. langés de rouge & de blanc, ont une finguliere reffemblance avec les fibres d'un bois pétrifié. Les parties rouges ou brunes de cette pierre , font un mélange de petits feuillets de Mica 8c de Pierre de Corne très-divifée. Les parties blanches font un Quartz grenu très-fin. Lorfqu'on l'humecte avec lefoufHe, elle exhale une forte odeur de terre ou d'Argiile. Cette Roche eft difpofée par couches verticales, bien planes 8c bien fuivies ; leur épaiffeur varie depuis un pouce jufques à X x x % un pied, & leurs plans, dirigés de rOueft-Nord-Oueft à l'Eft-Sud-Eft, font parfaitement parallèles aux feuillets minces de la pierre. Des fentes obliques aux plans des couches, coupent cette Roche en divers endroits , & obligent la pierre à fe rompre en fragmens de forme rhomboïdale. Sur la gauche eft une montagne de Granit gris, à petits grains, non veiné. Le Granit furplombe fur la Roche de Corne, Se il femble même que le poids du Granit a écrafé les couches de cette Roche ; elles font brifées, en défordre, Se ren-verfées fous le Granit , Se ne reprennent leur régularité qu'à une certaine diftance. Une crevaffe étroite fépare ces deux montagnes : je m'y in-fmuai le plus haut Se le plus avant qu'il me fut poffible, mais fans trouver nulle part une continuité parfaite entre le Granit Se la Roche feuilletée, comme je la voyois dans le fragment qui m'avoit conduit là. §. s99- En revanche, je trouvai une chofe que je ne cher-chois pas Se qui me fit un très-grand plaifir. En obfervant la Roche de Corne dans les endroits où elle étoit la plus voifine du Granit, je vis dans cette Roche, des fentes de différentes largeurs, remplies d'un Granit qui s'étoit formé & moulé dan& leur intérieur. La plus grande de ces fentes a un peu moins de 3 Pie^s de largeur ; elle coupe à angles droits les plans des feuillets, de la Roche qu'elle traverfe, Se fa partie découverte au deffus de la terre, a 7 ou 8 pieds de longueur. Les bords de cette fente font bien dreffés Se parallèles entr'eux, Granît qui s\(ï formé clins les fentes d'une Roche feuilletée. Le Granit dont elle eft remplie , eft compofé, de même que celui de la montagne à laquelle il touche, de Quartz gris , de Feld-Spath blanc , & de Mica gris brillant On remarque dans ce Granit, de petites fentes rectilignes, plutôt indiquées q'ae réellement cxiftantes, qui fe croifent en différens fens, qui paroiffent l'effet d'un commencement de retraite , & qui indiquent cette tendance à fe divifer en fragmens planihédres , que fon obferve fi communément dans les pierres de ce genre. Au deffus & au deffous de cette fente on en voit d'autres plus étroites, une entr'autres qui n'a que 6 à 7 lignes de largeur , & qui fe prolonge comme la précédente, dans l'efpace de 7 à 8 pieds. Quelques-unes de ces petites fentes montrent que les couches de la Roche de Corne fe font inégalement affaiffées, depuis que le Granit s'y eft infinué, car on les voit s'interrompre brnfquement, & recommencer de même un peu plus haut ou un peu plus bas. La fente la plus large paroît auffi avoir un peu confenti dans quelques endroits. §. 600. Ces filons de Granit, qui étoient alors nouveaux Conféquen-pour moi, me parurent répandre du jour fur la formation de phénomène, cette pierre. Car pour tout homme un peu verfé dans la Minéralogie, il eft prefque démontré que ce Granit a été formé dans ces fentes, par l'infiltration des eaux , qui en defcendant de la montagne de Granit qui furplombe au deffus de ces Roches feuilletées , entraînoient des élémens de cette montagne , & venoicnt les dépofer & les faire cryftallifer dans l'intérieur de ces fiffures, Lorfqu'on trouve les fentes d'un Marbre ou d'une Ardoife i remplies de Spath ou de Quartz , on décide fans héfiter, que 5;+ R E C H E R C U E S ULTÉRIEURES ces corps étrangers ou parafytes , comme Linnjetjs les appelle ont été chariés par les eaux & cryftallifés dans ces fentes : puis donc que les élémens du Granit font tous fufceptibles de cryftallifation aqueufe , pourquoi, dans les mêmes circonf-tances, héfiteroit-on à reconnoître , qu'il a été aufli diffous & .cryftallifé par l'intermède des eaux ? Je crus donc avoir fait un grand pas vers la connoiHancc de la formation du Granit, quand j'eus vu avec tant de clarté que la Nature pouvoit le former par le fecours de l'eau. Mon feul regret étoit, que la preuve de cette vérité fût cachée au centre des Alpes , dans un lieu fi peu à la portée de la plupart des Amateurs de la Lithologie. Obferva- §. 60 r. Mais j'eus à la fin de la même année, le plaifir de blable faite trouver ce même phénomène, dans un lieu bien fréquenté Se a Lyon. d'un accès bien facile , puifque c'eft au pied des murs de la ville de Lyon. Si du dehors de la porte de la Croix-Rouffe on defcend vers la Saône, par un fentier qui côtoyé les murs de la ville, on verra fur fa droite , à-peu-près au deffous du Fort St. Jean, des bancs de fable dont les tranches font à découvert. Sous ces fables on trouvera des Roches feuilletées, compofées de Quartz blanc & de Mica brillant, ici rouge, là noirâtre. Ces couches font prefque perpendiculaires à l'horizon , car elles font avec lui un an gle de 80 degrés, en defeendant vers le Couchant, Se en courant du Nord au Sud. C'est là que j'ai trouvé un filon de Granit, large de 2* pouces, Se découvert dans une étendue d'environ 18 pieds- Ce filon, dont les bords font bien parallèles entr'eux, traverfe les couches de la Roche feuilletée fous un angle de 30 degrés, & fait avec l'horizon un angle de 5 o degrés, en defcendant du même coté que ces couches. Le Granit qui compofé ce filon, a contracté , comme celui de Valorfine, quelques fiffures reêlilignes, qui fe croifent alfez irrégulièrement. On voit dans ce même rocher, d'autres veines de Granit moins conft-rables : la plus grande eft parallèle à celle que je viens de décrire , les autres lui font obliques. J'observai de femblables filons dans la Roche feuilletée, au pied même du mur de la ville, & fous le fentier qui côtoyé ce mur. Un d'entr'eux, de 14 à pouces de largeur, eft perpendiculaire à l'horizon , de même que les feuillets de la Roche. Il paife fous le mur & doit pénétrer dans la ville. Plus près de la Saône & dans l'intérieur même de la ville, eft une carrière de Granit, que fon exploitoit dans le moment où je la vis. §. 602. Enfin j'ai fait à Semur en Àuxois, une obfervation Obfèrva-analogue aux précédentes, & qui confirme la même vérité, g^e faite àT c'eft qu'il peut fe former du Granit dans les eaux, par la cryf- Semur. tallifation fimultanée de deux ou trois différens genres de pierre. Le rocher de Granit fur lequel cette ville eft bâtie , fe divifé naturellement en grandes malles, terminées par des côtés plans, & ces maifes font çà Se là féparées par des crevafles d'une certaine largeur. J'ai trouvé dans ces crevalfes des amas de Quartz, de Feld-Spath Se de Mica, mélangés comme dans le Granit , mais en grains beaucoup plus gros ; c'étoient diës morceaux de Quartz prefque tranfparent, d'un ou deux pouces d'épaiffeur, traverfés par des feuillets de Mica , fi grands qu'on pouvoit leur donner le nom de Talc ou de verre de Mofcovie ; & le tout entremêlé de gros morceaux de Feld-Spath. rouge, femblable à celui du Granit même, & confufément cryftallifé. On ne pouvoit pas douter en voyant ces amas de gros cryftaux , qu'ils ne fuftent l'ouvrage des eaux des pluies, qui en paffant au travers du Granit, ont diffous & entraîné ces divers élémens, & les ont dépofés dans ces larges crevaftes où ils fc font cryftallifes, Se ont formé de nouvelles pierres du même genre. Les cryftaux de ces nouveaux Granits font plus grands que ceux des anciens, à caufe du repos dont les eaux ont joui dans l'intérieur de ces réfervoirs. §. 603. Rassemblons à préfent celles des obfervations éparfeg dans cet ouvrage, qui peuvent nous donner quelques lumières fur l'origine de cette Roche, fi ancienne Se fi peu ^connue. J'ai fait voir dans la première partie, §. 134, 135 & 136, que la nature des élémens du Granit, Se la manière dont ils font combinés entr'eux , paroiffent prouver que les pierres de ce genre ont été formées par une cryftallifation : je viens de montrer des Granits, qui fûrement ont été produits par l'intervention des eaux : que faudroit-il donc encore pour qu'il fût indubitable, que les montagnes de Granit ont été réellement formées dans l'ancien Océan ? Il faudroit deux chofes; premièrement, que les Granits fuf-fent difpofés par couches ; fecondement, qu'ils renfermaffent des relies ou des veftiges des habitans des eaux. §. 6-03- Réfultats ôc nos obfervations fur les Granits. §. 604. Quant à la difpoiltion par couches, il ne me relie Les Gra-plus aucun doute ; ces grands feuillets dirigés parallèlement à Sg/p^* " la chaîne des Alpes , §. f 69 & fuivans, ne font autre chofe couches, que des couches ; car la fituation inclinée , verticale même de ces feuillets n'empêchera pas qu'on ne les reconnoilfe pour de vraies couches, depuis que j'ai fait voir que les Pierres cal-caires & les Ardoifes fe trouvent fi fréquemment dans la même fituation. Et quand nous aurons examiné de plus près des montagnes de Granit, quand nous y aurons obferve des couches multipliées , régulières, parallèles entr'elles, & d'une étendue confidérable, nous ne douterons plus de leur exiftence. Il faut pourtant avouer que les Granits ne montrent pas Ces cou-tous ces couches régulières ; Se ce qu'il y a de bien remarqua- ms^rajouci bie , c'eft qu'en général, les Granits des plaines & des baffes diftindles-montagnes, ceux de la Bourgogne Se des Vofges, par exemple , ceux même de quelques petites montagnes des Alpes, comme celle de Valorfine, §. 597, ne préfentent que rarement des couches bien prononcées. Mais la raifon de cette différence eft très-manifefte ; pref. Pourquoi, que tous ces Granits des plaines & des baffes montagnes, font naturellement Se actuellement divifés en fragmens rhomboïdaux, ou du moins terminés par des côtés plans. Or ces divifions ont caufé la rupture Se la confufion de leurs couches ; car ces couches, compofées de pièces incohérentes, n'ont pas pu rélifter aux injures du tems , à l'affaiffement de leurs bafes, aux tremblemens de terre, &c. ; Se elles fe font tellement oblitérées, que fouvent ces montagnes ne paroiffent plus que des amas informes de maffes fendues, Se divifées dans toutes les directions imaginables. y y y Au contraire, dans les hautes montagnes des Alpes, quoiqu'il y ait auffi des fentes, comme ces fentes font beaucoup plus rares, que fouvent elles font folidement fondées par du Quartz, les couches ont eu la force de fe maintenir. Si l'on demande pourquoi ces Granits des plaines font plus divi'es que ceux de nos Alpes, je dirai que cela' vient des matières argiileufes, de la Pierre de Corne par exemple, qui fe trouve mélangée en plus grande dofe dans ces Granits. Car la tendance à fe divifer par une efpece de retraite , en iragmens plus ou moins réguliers, terminés par des côtés plans, eft une propriété de l'Argille ; & cette terre communique cette tendance à tous les minéraux dans lefquels elle fe mêle ; on la retrouve même jufques dans les Bafaltes, produits comme nous l'avons vu, §. 183 , parla fufion des Roches mélangées d'Argiile, c'eft-à-dire , des Roches des Corne. Ce font donc les dégradations des Granits , la grande in-clinaifon de leurs couches, & quelquefois encore la grande épaiffeur de ces mêmes couches, qui ont fait méconnoitre leur ftructure à la plupart des Naturalift.es. Mais s'ils veulent bien étudier les Granits dans des lieux où ils ne foient pas brifés & divifés en fragmens ; s'ils veulent reconnoître que la Nature produit des couches inclinées Se même verticales, avec la même régularité que les couches horizontales; Se s'ils veulent enfin obferver, que l'on voit dans les montagnes calcaires, des couches qui ont jufques à 60 pieds d'épaiffeur, §. 247; j'ofe croire qu'ils feront convaincus, comme je le fuis moi-même, que les Granits ont été originairement formés par couches,; tout aufli bien que les Marbres Se les Ardoifes. %. 605. La féconde condition à laquelle il faudrait fatisfaire, I pour démontrer que les Granits ont été formés fous les eaux, J^J1 point n'eft pas aufli facile à remplir, & il eft même vraifeinbîahle de corps ma- r rins. qu'on ne la remplira jamais. Tant de bons yeux , pour ne rien dire des miens , ont inutilement cherché dans les Granits des veftiges de Corps marins, qu'il eft bien probable qu'il n'en exifte point. Mais cette condition eft-elle abfolument indifpenfable ? Les Mais les Tvoches Roches feuilletées, dont les feuillets & les couches ont une feuiUecces exiftence 11 fort au deilus de toute efpece de doute , & qui nen renter* ■ 1 ment pas fe joignent par des gradations fi bien nuancées avec les Ar- non plus, doifes & les Pierres calcaires, ne font-elles pas évidemment l'ouvrage des eaux, Se pourtant ne font-elles pas, comme les Granits, abfolument dénuées de toute efpece de veftiges de Corps marins ? Il y a plus , je me fuis allure par un grand nombre d'ob- Ec les fé-fervations, que dans les hautes montagnes, les Ardoifes & les S^pfos an-Pierres calcaires les plus anciennes , celles qui paroiffent avoir cie"nes n'ea 1 *■ renferment été produites immédiatement après les Roches primitives, ne que peu ou contiennent point de Corps marins , ou que du moins ils y puiat" font infiniment rares. Au contraire, les Ardoifes & les Pierres calcaires que l'on trouve dans les pays plats, ou fur les montagnes qui y confinent, celles en général qui font de formation nouvelle, fourmillent de Corps marins de tout genre. On pourroit même prefque dire, que toutes chofes d'ailleurs égales , le nombre de veftiges de Corps marins contenus dans une pierre , eft en raifon inverfe de fon ancienneté. Et ce n'eft pas que le tems détruife ces veftiges ; car quand f4o RECERCHES ULTÉRIEURES SUR LES GRANITS. Chap. XII. on voit dans ces pierres, des couches minces, délicates , des cryftaux déliés, des filamens foyeux, confervés dans la plus parfaite intégrité ; on ne doit pas croire que de fortes coquilles » fi elles euffent été renfermées dans ces mêmes pierres , rfeuf-fent laiffé aucun veftige de leur préfence ; fur-tout puifqu'il arrive ft fréquemment, que fans rien perdre de leur forme > elles revêtent la dureté & la nature même des rochers qui les renferment. Conje&n- g, co6. Je croirois plutôt, que l'ancien Océan dans lequel les montagnes ont été formées, ne contenoit primitivement que des élémens fans vie; que peu-à-peu les germes des Etres vivans fe font formés ou développés dans l'intérieur de fes eaux ; & que par des gradations étendues dans une longue fuite de fiecles , leur nombre s'eft augmenté & s'augmentera peut-être encore. C'eft ainfi qu'une infufion, pure d'abord, dénuée d'Etres vivans, produit au bout d'un certain tems des Animalcules , d'abord en petit nombre , mais dont les efpeces fe fuccedent & fe multiplient jufques à un certain terme ,. fuivant une progrefîion régulière. Mais ces conjectures font peut-être prématurées : il eft tems d'ailleurs de terminer ce volume. Je n'ajouterai qu'un mot; c'eft que fi ces idées paroiffent étranges à quelques-uns de mes Lecteurs, je les prie de fufpendre leur jugement, jufques à ce qu'ils en ayent vu l'entier développement; & fur-tout, jufques à ce qu'ils ayent confidéré la nombreufe fuite de faits, quim'omt contraint à les adopter. Ein du premier Folume. XU