Razprave in gradivo, Ljubljana, March 1986, No.18 Mauro De Luca UDC 376.744(450.23:453.2) Institutrice, Ecole bilingue (Vallée d'Aoste) Confédération Générale du Travail (CGIL) Aoste, Italie NOTES SUR L'ORGANISATION SCOLAIRE DANS LA VALLEE D'AOSTE* Pour aborder le problème de l'éducation dans les sociétés multiculturelles, ou le problème du pluralisme culturel, on ne peut oublier que la situation des minorités n'est pas en général homogène. Pour l'Italie il est difficile de parler du problème des minorités, mais on doit plutôt affronter les problèmes des minorités, car il y a des situations très différentes dans chaque entité, soit à cause de l'importance ou de la place de ces minorités, et aussi à cause de l'attitude que l'Etat adopte (ou n'adopte pas) envers ces dits groupes. La loi que le Parlement italien est en train de discuter concerne, et ceci n'est pas un hasard, les minorités sans tutelle, ce qui laisse entendre qu'il en existe qui sont déjà, bien ou mal, sauvegardés. C'est le cas des situations de Trentino Alto Adige et de la Vallée d'Aoste, même si les deux réalités sont assez différentes l'une de l'autre. Donc, même s'il y a encore beaucoup de choses à revendiquer - selon un certain courant - on peut dire que les risques de disparition de ces groupes sont assez réduits à cause des pouvoirs et des compétences qui leur ont été reconnus et qu'ils ont conquis. On peut, quand même, entrevoir des périls pour la coexistence civile, car on est en présence de groupes éthniques ou linguistiques qui doivent partager leur espace avec d'autre groupes sociaux, qui pour la plupart appartiennent à la dite “majorité italienne (si on admet que cette majorité existe et que chacun puisse se reconnaitre). On peut bien comprendre que toute minorité puisse vouloir défendre son existence et son originalité en se basant sur le séparatisme, la tendance poussée à se renfermer sur soi contre "l'autre" qui menace l'identité, mais cette attitude bien que compréhensible n'est pas acceptable et risque en plus de provoquer des réactions contraires assez déchirantes. Evidemment le rôle des institutions et des formes démocratiques est de faire en sorte avec le principe de l'éducation conduise à * Original: French 374 Razprave in gradivo, Ljubljana, March 1986, No.18 la tolérance et au respect de l'autre, quel qu'il soit, qu'il appartienne à la “Minorité majoritaire" ou qu'il appartienne à la minorité tout court. C'est la seule voie a suivre si on ne veut pas perpétuer les discriminations parmi les grandes et petites minorités. 11 est évident, cependant que dans cette situation, le rôle d'un syndicat comme la CGIL peut être délicat; il se situe entre un Etat national souvent autoritaire et insensible, et entre les férments régionalistes qui emploient parfois leurs énergies à bâtir des barrières, plutôt que de construire des solutions communes, et entre la défense des travailleurs de l'école et l'emploi. Pourtant, dans la situation italienne, l'importance du syndicat ne peut être méconnue: il constitue un lieu de recontre pour les gens, il poursuit plusieurs objectifs, celui de l'unité des travailleurs et de l'égalité des hommes sur les problèmes essentiels du travail, celui des droits civiques, celui de la qualité de la vie, et celui du respect pour les choix et l'identité de chacun. C'est sur ce front qu'il faudra se battre, au niveau politique et social, pour le principe de la coexistence. x~ eke & & La situation de la Vallée d'Aoste est, par rapport aux risques entrevus, encore souple et “gestibile," même si on envisage parfois des tentatives, d'un coté ou et de l'autre, de radicaliser les données du problème. En réalité il n'existe pas dans la Région deux groupes éthniques. séparés. Le problème linguistique se pose plutôt comme la reconquête d'une langue qui a été, dans le passé, un moyen de communication culturelle et qui, pour des raisons qu'il serait trop long à résumer ici, a failli de disparaître. 11 est important de remarquer qu'aujourd'hui en Vallée d'Aoste les habitants ne parlent pas, pour la plupart, le français mais plutôt l'italien dans les grands centres et les différents "patois" franco-provençal, en milieu rural. L'objectif but que se pose, officiellement, le pouvoir régional, en accord avec l'Etat, est celui de réaliser une communauté bilingue, dans laquelle chacun puisse s'exprimer en langue italienne ou en langue française et où tout le monde puisse comprendre, facilement, les deux langues, avec le souci, évidemment, de sauvegarder le patrimoine culturel et les traditions du milieu valdôtain. Le mouvement de l'Union Valdôtaine (force de majorité rélative au Parlement régional) et d'autres organisations sociales et Culturelles - notamment le SAVT, syndicat éthnique autonomiste — envisagent plutôt la séparation de la communauté valdétaine du reste du territoire national et de la communauté locale elle même, avec la proposition par exemple de la double filière à l'école, une recrudescence des examens de français pour l'accès aux postes de travail, surtout dans le secteur scolaire. 375 Razprave in gradivo, Ljubljana, March 1986, No.18 Il s'agit de propositions qui n'ont pas eu, pour le moment, des solutions définitives, mais la situation pourrait aboutir dans le temps à un régime similaire à celui de Alto Adige, même si les données sont absolument différentes. Il est évident que travailler pour la construction d'une société bilingue, plutôt que sanctionner la séparation de groupes linguistiques, dans ce cas artificiellement défini, permettra d'aboutir à des résultats positifs pour l'intégration et l'enrichissement réciproque. RE | Dans cette situation, le rôle que l'école doit jouer est essentiel, même s'il faut savoir que l'on ne peut pas confier cette tâche à l'école uniquement. À la société toute entière, aux différentes "agenzia formative," aux mass-media, aux associations politiques et culturelles, on doit demander un engagement de manière à créer les conditions générales pour la réalisation de ce projet, afin de ne pas courir le risque, comme cela se passe maintenant, de séparer le moment de l'instruction - éducation - de celui de la vie associative et des rapports interpersonnels. À l'école devra être confié la double tâche de donner la compétence linguistique et de promouvoir une mentalité de tolérance, visant l'intégration. En même temps il sera necessaire de soutenir l'effort que l'on demande à l'école en adoptant une politique adéquate de formation proféssionelle et linguistique des instituteurs. Dans les écoles de la Vallée d'Aoste on enseigne, dès l'école maternelle, la langue française; à l'école primaire on commence à enseigner "en français;" dans les écoles secondaires on consacre le même nombre d'heures à l'enseignement de la langue française qu'à l'enseignement de la langue italienne. Il est évident, cependant, que les compétences acquises et possédées ne sont pas les mêmes, étant donné que les élèves sont situés dans un contexte italophone, mais le choix de l'école bilingue permettra, s'il est bien soutenu par des initiatives de l'extérieur, de réaliser ce processus d'intégration que l'on souhaite. Les nouveaux programmes de l'école primaire, qui ont adopté par l'Etat en février 1985, fournissent le tissu culturel approprié pour implanter un projet d'éducation ouvert où même les minorités peuvent trouver les conditions favorables pour la réalisation de leurs objectifs spécifiques. Ce n'est pas seulement les éléments qui sont cités dans l'introduction qui se rattache aux droits intérnationaux de l'homme, les idées d'égalité et de diversité et la citation intégrale de l'art. 3 de la "Costituzione" de la république italienne, pourtant "sulla pari dignita di fronte alla legge ... senza distinzione di razza, di lingua ...." qui offrent l'occasion pour la réalisation d'une école ouverte, mais l'idée elle méme et la modernisation des programmes. Il s'agira maintenant, pour la région de la Vallée d'Aoste, d'adapter selon les compétences qui lui sont attribuées, en 376 Razprave in gradivo, Ljubljana, March 1986, No.18 collaboration avec les forces sociales et politiques, ces programmes à la situation locale, soit au niveau de l'aspect linguistique soit au niveau des particularités de la situation géographique, économique, culturelle. Un des problèmes qui devra être affronté, et qui se rattache à l'enseignement multiculturel, est celui de l'enseignement de la langue étrangère. Comme ni l'italien, ni le français ne peuvent être considéré comme langue étrangère, il s'agit d'introduire une troisième langue dans l'école primaire, avec tout ce que l'on pourrait imaginer comme arguments pour ou contre une telle démarche. 377