DIMANCHE 13 JUIN 1813. N.® 47. télégraphe officiel. EXTERIEUR. BAVIERE. *Bayreuth 21 mai. Une lettre particulière en date de Koenisberg , 30 avril, insérée dans les gazettes de Berlin, contient ce * qui suit: Suivant le rapport d'un officier russe qui s' est échappé dernièrement de Dantzick, tous les prussiens qui étoient dans cette forteresse ont été arrêtés. Trois mUIe hommes de la garnison de Dantzick ont fait, par la porte de N^hrung , une sortie dans laquelle ili ont pris une quantité considérable de bestiaux. BOHEME. Prague 17 mai. Le.général* prussien de Scharnhorst est arrivé ici le 13. Le comte S^nft de Pilsach est p^irti le même jour pour Gra'zt-n. Il est passé deux officiers françois qii se rendoient de Cracovie au quartier général de l'Empereur , et deux courriers françois , expediés l'un de Pilsen pour Craco-vie , et 1 autre de Dresde pour Vienne. 19 mai. II semble certain que plusieurs gén raux russes sont en disgrâce. Wizingérode , en perdant le commande-ment (ie son corps , a repris 1s poste d'aide-dt-camp prés de l'Empereur Alexandre. Barclay de Tolly est retourné à l'armée. SAXE. Dresde le 22 mai. Nous ne saurions décrire l'effet qui a été produit dans cette ville par les deux victoires du 20 et du 21, q> and nous en avons été instruits. Le passage de plus de 50 mille hommes de troup.s françoises et des plus belles qui se prissent voir , défilant sous nos yeux et devant le vainqueur de Luizen avoit déjà ajouté le sentiment de la confiance à toutes les impressions que nous éprouvions. Grande étoit notre espérance pour les belles entreprises d'une telle armée conduite par un si grand hommt; trçais aucun de nous ne s'attendoit aux rapides prodiges de deux victoires temport«es coup sur coup en deux jouin> es successives. Une lettre écrite du champ de bataille annonce que les russes s» confioient à BauUen dans leur superbe position , qui fût prise malgré tous leurs efforts. Après un fait d'armes si subit et si vif, ils croyoient peut-être avoir le temps de se remettre ; mais il leur fallut supporter le 21 toute l'impétuosité de ce qu'ils appellent la furie fan toise. La consternation est au comble parmi' les ch ft et les soldats des armées ennemies. Nous avons les plus brillans détails sur la conduite de différens corps de l'armée frarçoise , mais nous en attendrons la relation officielle. , I N T ÈRI E U R. EMPIRE FRANÇAIS. Paris , le î.er juin. S. M. l'Impératrice-Reine et Régente a reçu les nouvelles suivantes sur la situation des armées au 15 au soir. Le prince de la Moskowa, ayant sous ses ordres les corps du général Lauriston et du général Heynier , avait furcé, le 2,4, le passage de la Neiss, et le 25 au matin 'e passage de la Queiss , et était arrive à Bunt-z! au. Le général Lauriston avait ton quartier-général à mi-chemin de Btntzlau, à Haynau. Le quartier-général de l'Empereur était , le 15 au soir à Buntzlau. L? duc de Bïllune était à Wchrau , sur la Queiss. Le général Bertrand était entré, L 24 , à Laubau , et le 25 il avait suivi l'ennemi. r Le duc de Tarente, après avoir passé la Queiss, avait eu un combat avec l'arri.ere-garde ennemie. L'ennemi encombré de charrettes de blessés et de bagages, voulut tenir. Le duc de Tarente eut ses 1 rois divisions engagées. Le combat fut vif; l'ennemi souffrit beaucoup. Le duc de Tarante avait , le 25 au soir, son q-uartier-g. néral à Stegkîght. ,,, Le duc de Rag'ise était à Ottendorf. { Le duc de Reggio était parti de Bautzen, marchant sur Berlin par la route de Lucl-au. > Nos avant-postes n'étaient plus qu'à une marche de Glogau. C'est à Buntzlru que le général russe Koutotuof est mort il y a six semaines. Nos armé-s n'ont trouvé dans ce pays aucune exaltation. Les esprits y sont comme à l'ordinaire. La lundvefjr et le landsturm n'ont existé que dans les journaux, du moins dans ce payv-ci ; et les habitans sont bien loin d'at'herer au conseil d^s Russes de brûler leur maisons et de dévaster leur pays. te général Durosne! est resté en qualité de gouverneur k Dresde. Il commande toutes les troupes et garnisons françaises en Saxe. Plusieurs corps français se dirigent sur Berlin où il parait que l'on déménage et 011 l'on s'attend depuis quelques jours à voir arriver l'armee- PROVINCES ILLYRIENNES Laybach 12 juin. Le moniteur du 4 juin contient des détails très sa-tisfaisans sur l'état de l'armée jusqu'au 29 mai. Nous les donnerons dans le n.* prochain. Qb annonçoit une entrevue dont le but paroissoit être la négociation de l'armistice. AVIS. En conformité du traité passé entre les offices généraux des postes du royaume de Baviere et des Provinces Illyriennes avec approbation de leurs gouvernement respectifs , le Public est prévenu qu'à commencer du i.er juin il a été établi 3 courriers hebdomadaires de Laybach à Salzbourg , passans par Villach , Spitai et S.t Michel et vice versa pour Ja correspondance des deux états. D'après ces conventions il y a liberté d'affranchii les lettres et paquets qui dans l'un et l'autre cas seront rendus à destination. Le port des échantillons des marchandises renfermées dans les lettres ou paquets sera taxe au 1/3 du port des lettres. Les journaux et gazettes seront réciproquement af-Aanchies à raison de 25 centimes par feuille d'impression. Les lettres adressées aux militaires seront affranchies à raison de 25 centimes pour les territoires de Bavière et d'illyrie. Les courriers pour la Bavière partiront de Laybach savoir: les mardi et jeudi à 3 heures du soir* Le 3.e courrier le samedi à la mêm^ heure. L'administration des postes admettra dans la voiture de #elui ci, un voyageur, des paquets et effets de messagerie d'un volume tel qu'il ne puisse nuire au transport des dépêches, ainsi que des sommes d'argent et effets précieUx., moyennant les prix du tarif dont on prendra connoissance au bureau de la direction générale des postes à Laybach. Pour faciliter les relations commerciales et le trans- ' port des voyageurs, le public est également prévenu qu"il1 est établi un courrier journalier en voiture de Laybach sur Trieste et vise versa. Il sera donné aussi da»s cette voiture qui a été construite commandément , une place de voyageur de même qu'elle transportera des paquets et sommes d'argent aux prix modérés du tartf. Au moyen de ces établissemens on pourra journellement aller de Laybach a Trieste , de Trieste à Laybach et se rendre de Laibach en Bavière comme de Bavière en Illyrie en combinant la marche sur-le départ du courrier partant une fois la semaine de Laybach pour s.t Michel, front iere de la Bavière et pour revenir en Illyrie par le retour de ce courrier. A cette frontiere les voyageurs trouveront la diligence de Salsbourg pour se rendre en cette ville et successivement à Munich ainsi que dans l'Allemagne. Laybach le 20 mai 1813. Le directeur général des postes de l'IUyrie C. d'EtiLLY. AVIS. Par décret impérial du 10 janvier dernier S. M. a ordonné l'entrée exclusive et franchise de droit , des plombs de l'IUyrie dans le royaume d'Italie. Par décision du 10 avril suiva-t. S. M. à exempté de tout droit de douanes, Jes plombs de ces^provinces à leur entree en France et en Italie. M. l'Intendant général s'empresse de donner au commerce connaissance de ces dispositions qui assurent un débouché avantageux aux produits des mines de la Carinthie. INTENDANCE DE LA CARNIOLE MAIRIE DE LAYBACH. AVIS. Aux créanciers communaux de ïa Ville de Laybach. Depuis l'avis que j'ai adressé en date du 25 mai dernier sous le N. 494 aux créanciers communaux de la Ville de Laybach, il ne m'a été remis pour être liquidés que cinq titres de créance. Sous l'article 2 de cet avis il fut déclaré que les titres originaux et autres pieees justificatives des créances communales doivent être présentées jusqu'au x.er j uil-let prochain comme ternie de rigueur sous peine de déchéance absolue de leur droits. La Commission de Liquidation de la dette communal« de Laybach, se croit donc obligée de prévenir les créanciers communaux de cette Ville que de ce délai il s'est uejà passé deux mois et que la faute ne lai peut pas être imputée , si les créanciers tardent encore à présenter les titres de leurs créances, et si enfin elle Se trouve dans l'impossibilité physique de recevoir à l'expira;ion du délai tous les titres à la fois. De la part de. Ja Commission de Liquidation de la detti comunale à Laybach le 31 mai 1813. Direction du Télégraphe officiel. AVIS IMPORTANT. Les soins que l'administration du Télégraphe officiel s'est donnes pour qu'il présentât les nouvelles politiques dans le plus court espace possihie, et,pour en rendre la distribution exacte et prompte, en ont augmente les frais sans préjudice pour les souscripteurs, les conditions I9t je l'abonnement restant les mêmes que par ie passé. £lle espere du moinsque les foibles droits que ses efforts ont pu acquérir à leur b enveillance , ne seront pas allégués inutilement à l'époque du renouvellement des souscriptions dont les besoins de l'entreprise rendent l'encaissement très-urgent. Je prie donc MM. les Abonnés qui n'ont point encore satisfait au payement du i.er semestre de vouloir bien m'en faire tenir le montant à la reception du présent avis, et ceux qui sont dans l'intention de continuer leur abonnement pendant le cours du semestre prochain de m'en adresser le prix avec leur adresse et leur demande. Les intérêts du journal exigeant que l'envoi en soit discontinué à toutes les personnes qui n'auront pas soKie leur abonnement d'ici au 15 juillet prochain, j'ai l'honneur de prévenir MM. les Souscripteurs actuels du Télégraphe, qn'il ne sera adressé à compter de ce terme qu'à ceux qui auront fait donner avis par le Directeur des postes de leur arrondissement de l'encaissement de leur souscription de semestre. Les sommes redues sur l'exercice de 1812. doivent être adressées à *M. Paris, chargé de la comptabilité arriérée du Télégraphe , a Trieste. Le Direateur du Télégraphe officiel , Charles Nodier. VARIETES. MARIE OU LES PEINES DE L'AMOÏR. Mars-Juin, iSt2. 2. in S Fe/ices fer et amplius Quos irrupta tenet copula, nec malis Divulsus querimoniis Suprema citius salve t amor die. Horat. J'ai manifesté, avec un peu de hardiesse, peut-être, mon opinion sur les romans de la nouvelle école ; sur les caractères (aux, les passions gig .ntesques , le style bour-soufflé de ces héros extravagans qui ne sentent rien comme personne, qui ne disent rien comme tout le monde; qui ne respirent que par convulsions et dont les affections les plus douces, dont l'amitié et l'amour font peur. Je prens la liberté de rappeler à mes lecteurs que je recon-noisaois en même temps que les étranges conceptions qui ont créé la vogue de ce genre en France, étoient d'ailleurs d'un mérite assez distingué et que je n'y trouvois «à redire que le mauvais emploi du talent. Je ne voulois pas convenir, et je trouverai quelques approbateurs dans les gens sensés qui ne se laissent pas,séduire par les dehors, que la peinture d'une manie déréglée qu'ont ne devroit observer que dans les hôpitaux put jamais devenir le sujet d'un roman raisonnable , à tel point de perfection qu'on en portât les détails. L'enlumineur de notre fameux docteur A li— bert sait revêtir aussi de nuances fines et brillantes la peinture des infirmités les plus déplorables. Elles n'en sent pas moins affreuses pour cela. Si un ' coloris éblouissant pou- volt tenir lieu de toute autre beauté ^ les reptiles seroient le chef d'oeuvre de la nature. Je sais bien qu'il faut donner de la latitude, dans la peinture des passions à l'homme qui fait un îoman, et qui ne charge sa palette que de nuances fortes et tranchées. Ces la présente même peu d'inconvénients, car la société en est, dieu merci, à un point où il ne se trouve guéres de orands seigneurs qui croient auxPamélas et déjeunes filles qui croient aux Saint-Preux. On se blase sur tout et plus vite sur les exagérations du sentiment que sur toute nutre chose, car il n'y a point, d'erreur dont les hommes reviennent plus tôt et plus volontiers que de celles dont leur coeur a été la dupe. Ils sont beaucoup plus difficiles quand il s'agit de leur esprit, pareeque l'amour propre joue un plus grand rôle dans leurs jugemens que la sensibilité. Mais s'il est permis, d'exagérer quelque chose, je ne vois pas trop pourquoi on exagéreroit tant de travers qui ne sont déjà que trop exagérés par eux-mêmes. Quoique René ne se tue pas, que je sache, il a renchéri sur W erther , et je eonnois une dixaine de fous, qui. dans le désordre calculé de leur vie, sont parvenus à renchérir sur René. Auprès de Delphine, Julie d'Etanges n'e'toit qu'une femme toute simple, et comme on n'en trouve qu'en butsse. Delphine ressemble bien moins à Corinne qui ne rassemble à rien. Ce n'est cependant pas le dernier degré de la progression. U ne faut qu'un accès de fievre avec délire pour faire pis. Quant à moi, si j'avais le talent d'écrire un roman, et qu'il me fût pčrmi^ de choisir mes sujets , car j'ai quelque raison de croire que certains auteurs qui écrivent un roman , comme on dit, sous la dictée de leur coeur, obéissent souvent à des impulsion;, involontaires et cependant toutes puissantes , je voudrois que mes personnages offrissent plutôt l'idéal de la vertu que celui des passions ; je chercherois à représenter des sentimens très vifs , mais très-raisonnables et s'il faut s'exprimer ainsi très soc aux qui feroient un plus petit nombre d'entousiastes, mais qui feroient des entousiastes plus purs et qui auroient des résultats plus heureux. Ce n'est pas la contagion de ces sentimens là qui est à craindre , comme on sait. Dira-t-on que cela prête moins à l'imagi-nati-n et au talent? Je comprens bien que le vulgaire est plus frappé d'un mouvement tourmenté, d'un grouppe«entraste durement , d'un confiiet d'ombre* bizarres, comme on en voit dans les tableaux d'ailleurs énergiqnes des imitateurs d s Rembrandt que des plus belles poses de Poussin, que du calme divin de son saint Bruno et de la tranquillité de son Arcadie; mais quel peintre n'aimera mieux être Poussin que Rembrandt lui-même? La foule s'arrètoit au musée auprès du juge éccrclé , et passoit devant la Sairte Famille. C'est tout simple. Le sentiment du beau est plus commun qu'on ne croit, mais les gens froids y suppléent par des sensations fortes, les gens trop exercés par des sensations neuves, les geiis ardens , qui ont tout à fait usé ce sentiment, par des extravagances et des ohiméres. C'est ce qui fait que l'extraordinaire plait presque généralement pareequ'il n'y a rien de plus rare qu'un coeur et un goût simples. Cependant, cette idée instinctive , cette heureuse faculté de percevoir le beau, de le goûter set d'en jouir est si universelle qu'un bon esprit abandonné à lui-même y revient toujours comme malgré lui. On a beau faire, et se persuader qu'on éprouve du plaisir à toutes les mystiques rêveries des romanciers modernes. On finit toujours par rechercher «e qui est franchement et naturellement bien; on retourne avec délices k Richardson , aux derniers volumes de la Julie, à une foule de pages excellentes de madame de Genlis, de Milady. Hamilton , des auteurs d'Adele de Sen?r/ges et de Caroline. On lit, on relit Marie, et c'est de Marie que je l'eus compte aujourd'hui, ou plutôt c'est de M r.c que je ■parle, quand jé veux donner l'ide'e d'un roman selon mon coeur. Il est «d'ailleurs très difficile d'analyser celui-ci , qui n'est lui même qu'une espècc d'analyse, tant la narration est pressée, tant la plume de l'auteur est rapide dans l'histoire des événemens Comme j'ai beaucoup de bien A dire de tout l'ouvrage , je ne suis pas fâché de commencer par y critiquer quelque chose. Tous les bons écrivains de ce genre se sont attachés à faire valoir les caractères par les situations. L'auteur de Marie qui a inventé son sujet pour „y jeter une foule de scènes touchantes et de beaux sentimens, paroit un peu embàrasse de son cadre. U précipite le récit pour s'en rétrouver aux sentimens, aux scènes qu'il aime de prédilection et qui l'ont déterminé â composer son ouvrage. On voit que c'est le début d'un homme de beaucoup d'esprit, mai.; pour* qui le métier d'écrivain est presque neuf , et qui n'a encore que de l'imagination et du génie. Son style porte le même caractère; il a une facilité agréable, mais souvent trop négligée, un naturel exquis, mais qui tombe quelquefois dans le familier. 11 s'eléve toutefois quand il le faut et autant qu'il le faut; ce qu'il y a de remarquable même , c'est qu'il ne s'éleve jamais plus qu'il ne faut, ce qui est rare , jusque chez les maîtres. On pourroit lui désirer de temps en temps plus de précision, une élévation plus soutenue, une marche plus périodique, nulle part plus d'abandon, de grâce ou d'énergie. L'auteur a d'ailleurs écrit en lettres, et il n'y a point de style qui permette plus de liberté à la plume, et qui laisse moins de prise à la critique. Aussi , la mienne s'arrête là. Jules et Marie , l'un frère, l'autre nièce d'Hermacinthe, ont été élevés sous s>es aupices et destinés dés leur enfance à devenir époux. Les grands événemens qui ont changé la face des nations à la fin du dernier siecle, et dont l'influence s'est étendue jusques dans les familles les plus simples, dérangent ces heureux projets, Jules, soldat, blessé, prisonnier, compté au nombre des morts , séparé de son pays par des obstacles insurmontables se rend indigne de Marie sans l'oublier. Une liaison qu'il croit un senti- v ment et qui n'est qu'dne erreur, l'entrain» de fautes en fautes et toutes ces fautes l'amènent à une réparation nécessaire, qu'un homme d'honneur ne peut refuser même quand elle lui interdit le bonheur. Marie est plus forte et plus fidèle, mais elle n'est pas plus heureuse. Des circonstances qu'il faut voir dans le reman, parcequ'elles açquierrent plus d'importance de la gradation des faits et de la succession des événemens , l'obligent elle même à donner sa main à un autre que Jules qui a conservé son coeur. Le temps les réunit un peu tard, mais constans encore, et libres du double lien qui sembloit les isoler .à jamais l'un de l'autre, et qui les enchainoit à des êtres indignes d'eux. C'est à ce point que'la correspondance se termine, et sans que le lecteur soit certain qu'un mariage heureux a couronné enfin tant d'épreuves. Cette réticence est d'une délicatesse extrême et ajoute du charme au dénouement. 11 semble que le coeur fatigué du sentiment de tant, d'agitations pénibles auxquels on està peine échappé s'accommoderoit mal d'une joie trop brusque et d'un plaisir trop parfait, tl jouit d'autant mieux de ce qu'il éprouve, que l'impression en est pljs vague et la réalité moins assurée. Il se complaît dans cette espece d'in ertitudequi n'est plus le malheur, mais qui n'est pas. encore un bonheur décidé. Jules et Marie ont été si malheureux qu'on a besoin pour eux de repos, mais le repos des malheureux est un bien si fugitif, on est si accoutumé à le leur voir échapper qu'on frémit encore en les quittant des peines que le sort leur a réservées peut-être. Cette combinaison ingénieuse ne peut avoir été trouvée que par un homme très sensible qui sait que le plaisir est, suivent l'expression de Montaigne, friand de 11. él arie oli e , et que notre ame n'est pas assez forte pour suffire à des contentemens sans mélange. Je n'ai pas parié des personnages accessoires. Les derniers plans se composent d'une foule de. ligure? disposées avec esprit et d'une manière propre à relever l'effet d;s principaux caractères. Cette seconde partie de l'invention annonce une longue et profonde étude de Richardson et du monde. On trouvera peut-être quelque chose à redire â la supériorité continuelle d'Hermacinthe. L'idée de la perfection se concilie si mal avec ce juste sentiment de ses forces que tout le monde porte en soi qu'elle nous fatigue et nous déplait dans'les autres. Un héros qui n'offre pas un mauvais :ôté aux scrutateurs les plus séveres est certainement celui de tous qui convient le mieux â l'histoire, fl n'en «t pas de même des romans, où nous cherchons des passions et par conséquent des foiblesses Voila pourquoi la lecture de Grandisson est si froide. Hermacinthe est un peu Grandisson, mais elle n'est pas l'heroïne du roman, et il y avoit mo ns d'inconvénient à la faire parfaite. Il partit d'ailleurs que l'auteur perte dsns son coeur un type de beau-te morale qu'il avoit besoin de déposer quelque part. 11 n'y a qu'une constante habitude de la vertu qui puisse apprendre à la peindre de couleurs si aimables et si vraies. La scène se pssse en Hollande où l'auteur doit êtr né. Les sites d'un pays qui n'est pai la patrie, les sentimens d'un âge qui n'est pas la plus tendre jeunesse laisseraient des souvenirs moins touchans , selon moi. Le nom, la description du lieu le plus propre à entretenir les émotions mélancoliques, n'attendrit pas, ne serre pas ainsi le eoeur , quand-on n'y rattache pas la mémoire de sa famille et de son berceau. J'ai dit que je n'entreprendrois pas d'analyser Marie d'une manière plus détaillée. Elle se refuse à cet examen aride qui n'omet rien que les sentimens. C'e.-t au contraire le sentiment général qui en résulte que j'ai voulu représenter. Le plus bal éloge d'ailleurs qu'on puisse faire d'un roman, c'est d'en recommander la lecture et de la rec< m-mander sans restriction. Je ne crois pas que celui - ci puisse jeter dans l'ame la plus corromnue le germe d'une idée dangereuse et je serais peut-être porté à irai penser d'un homme qui ne se sentiroit'pas un peu meilleur après l'avoir lu. On y trouvera des sentimens toujours vrais, des juge-mens toujours sains, des vues d'amélioration sociale toujours praticables, une piété sans faste, une philantropie sans déclamation , une candeur de moeurs qui s'étend jusqu'au style et qui fait aimer l'auteur par l'ouvrage. Heureux les écrivains qui obtiennent ce résultat de leurs travaux. Il vaut mieux que la gloire.