\ i j • VOYAGES AUTOUR DU MONDE. TOME TROISIEME. RELATION DES VOYAGES ENTREPRIS PAR ORDRE DE SA MAJESTÉ BRITANNIQUE, ACTUELLEMENT REGNANTE; Pour iaire des Découvertes dans l'Hémisphère Meridional , Et fuccejjlvement exécutés par le Commodore BYRONy le Capitaine CARTERET, le Capitaine WALLI S SC le Capitaine C O O K , dans les Vaiffeaux le DAUPHIN, le Swallow SC /'Endeavour: Rédigée d'après les Journaux tenus par les differens Commandans & les Papiers de M. BANKS, Par J. HAWKESWORTH, Dodeur en Droit, Et enrichie de Figures, & d'un grand nombre de Plans & de Cartes relatives aux Pays qui ont été nouvellement découverts , ou qui n'etoient qu'imparfaitement connus. TRADUITE DE L'ANGLOIS. TOME TROISIEME. A PARIS, Chez ^ BAILLANT et NYON, rue Saint-Jean-de-Beauvais. I PANCKOUCKE, Hôtel de Thou, rue des Poitevins. M, D C C. L X X I V. avec approbation^ et privilège du roi. EXPLICATION DES CARTES ET DES PLANCHES Contenues dans le Tome troisième. Planche iere. Carte des Ifles de la Société, 2. Baie de Matavai à Otahtti ; havre cXOhameneno à Uliétea : havre de Proharra à Huaheine , & havre dìOopoa a Uliétea. 3. Carte de toutes les Ifles. 4. Vue de l'Ifle & Huaheine avec VEwharra no Tatua , ou Maifon de Dieu : petit Autel avec fes offrandes: arbre appelle Owharra, dont les Inlulaires couvrent leurs maifons. 5. Vue de rifle à'Uliétea , avec une double pirogue, & un hangar où les Infulaires retirent leurs bâti-mens de nier. 6. Vue de l'intérieur d'une maifon dans i'líle d1 Uliétea , avec la repréfentation d'une Danfe accompagnée de la muiique du pays. 7. Carte de la Nouvelle-Zélande. 2. Vue d'un rocher troué dans la baie de Tolaga à la Nouvelle- Zélande, Torne III. * Pi. 9. Carte de la rivière & de la baie de Mercure dans la Nouvelle-Zélande ; de la baie des Ifles & de la baie de Tolaga. 10, Village fortifié, bâti fur un rocher percé, a Tolaga dans la Nouvelle-Zélande. n. Carte du détroit de C00A: dans la Nouvelle-Zélande. 11. Tete d'un habitant de la Nouvelle-Zélande , portant un peigne à fes cheveux , un ornement de pierre verte à fon oreille & un autre fait d'os de poiiîbn autour de fon col. 13. Coffre de la Nouvelle-Zélande , avec un échantillon de la iculpture de ce pays. 14. Pirogue de guerre de la Nouvelle-Zélande , avec une vue du promontoire du Bord-du-toit. 15. Armes , maliues des habitans de la Nouvelle-Zélande. 16. Carte de la Nouvelle - Galles méridionale ou du côté oriental de la Nouvelle-Hollande. 17. Carte de l'entrée de la rivière Endeavour dans !a Nouvelle-Galles méridionale & de la baie de Botanique, RELATION D'UN VOYAGE FAIT AUTOUR DU MONDE, Dans les Années 1769, 1770 Se 1771 , Par Jacques C o O k , commandant le Vaijfeau du Roi /'Endeavour. LIVRE IL CHAPITRE PREMIER. Defcriptlon de quelques Ifles jituées dans le voifinage ^Otahiti. Divers incidens qui nous arrivèrent. Spectacle Dramatique & plu/leurs particularités relatives aux Coutumes & Mœurs des Habitans. j%$Rks nous être iéparés de nos amis cVOtahiti > Ann. 1769. nous fîmes petites voiles avec de jolies brifes, & un Juillet. Tome III. A ~—--~* beau tems ; & Tupia nous dit que quatre des Ifles voi- Ann. 17.69. £ncs . qU»j| diftinguoit par les noms de Huaheine, Ulie-Juillet tai, Otaha & Bolabola, étoient à un ou deux jours de traverfée à'Otahiti y il ajouta que nous y trouverions en grande abondance des cochons , des volailles , 6c d'autres rafraîchiiTemens qui nous avoient un peu manqué fur la fin de notre féjour dans fon Ifle ; mais comme nous avions découvert au Nord , fur les montagnes a'O'tàkiti, une Ifle appellée Thçturoa y je dirigeai d'abord ma route de ce côté, afin de la voir de plus près: elle gît au N. j O. à environ huit lieues de l'extrémité feptentrionale cVOtahiti, fur laquelle nous avions ob-fervé le paflage de Vénus, & que nous nommâmes pour cela Pointe Vénus. Nous trouvâmes que c'étoit une petite Ifle baffe, & Tupia nous apprit qu'elle n'a voit point d'habitans fixes ; mais que íes compatriotes la viiitoient par occafion , & y aîloient pafler quelquefois deux ou trois jours pour pêcher : nous ré-folûmes en conféquence de ne pas employer plus de tems à l'examiner , & d'aller tout de fuite vers Hua-heine & Ulietea, que l'Indien } notre compagnon de voyage , difoit être bien peuplées & aufli grandes qu'Otalliti. Le 14, à fix heures du matin , la partie la plus occidentale à'Eimeo ou de l'Ifle cYYork, nous refloit au S. E. 1 S. , & le milieu cYOtahiti à TE. ~ S. à midi ; nous avions le milieu de lTfle ¿'York a TE. } S. E. 2- S ; la baie de Port-Royal, dans Tifle à'Otahiti, au S. 70 a 45' E. a 6t mille de diflance ; & au S. S. une lile, appellée par les naturels du pays Tapoama- nao , que nous jugeâmes être l'Ifle de Saunders : nous vîmes auiïï terre au N. O. {■().,& Tupia nous dit que c'étoit Huaheine,. Le i1) , nous eûmes du brouillard avec de petites bri-íes & des calmes , qui fe fuccédoient par intervalles , de manière que nous ne pouvions pas voir terre : nous fîmes très-peu de chemin. Tupia demandoit fouvent un vent à fon Dieu Tane , & il fe vantoit toujours du fuc-cès de fes prières ; il fuivoit, il eft vrai, une méthode efficace pour réuilir , car il ne commençoit jamais fes invocations a Tane , à. moins qu'il ne vît une brife fi près qu'elle devoit néceifairement atteindre le vaiiîeau avant que fes oraifons fuilènt finies. Nous eûmes le feize une petite brife , & fur les Huaheine. huit heures du matin , étant tout près de la partie N. O. de l'Ifle Huaheine , nous fondâmes & nous ne trouvâmes point de fond , par quatre-vingt brades. Quelques pirogues fe détachèrent bientôt de la côte ; mais les Indiens qu'elles portoient parurent effrayés , jui-qu'à ce qu'ayant apperçu Tupia , ils s'approchèrent de nous. Le Roi de l'Ifle & fa femme étoient dans une des pirogues qui s'avancèrent fur le côté du vaifleau • leurs Majeftés & quelques autres Infulaircs vinrent a bord, après que nous leur eûmes donné à plufieurs reprifes des aflurances d'amitié ; ils furent frappés d'abord d'étonnement , & tout ce qu'on leur montroit leur cauioit de la furprife ; cependant ils ne firent point de queftions , & fembloient fatisfaits de ce que nous jugions à propos de leur montrer ; ils ne firent pas même des recherches fur les objets de curiofité que Aij Ann. 1769. Juillet. ■■■ ' paroiffoit devoir leur préfenter un bâtiment tel que Ann. 1769. notre Vaiffeau , fi nouveau & ii varie pour eux : ils fe familiarifèrent cependant avec nous. On me fit entendre que le Roi s'appeîloit Orée, & il me propofa , comme une marque d'amitié , de changer réciproquement de nom : j'y confentis volontiers ; & pendant le refte du tems que nous fûmes enfemble il prit le nom de Cookee , car il prononçoit ainli Cook , & moi celui cYOréc. Nous trouvâmes que ces Infulaires reifemblent beaucoup aux Otahitiens dans la figure, l'habillement, le langage & toutes les autres circonstances, excepté , ii l'on peut en croire Tupia , qu'ils ne font pas voleurs. Après dîner nous mîmes à l'ancre par 18 brades, bon fonds, & à l'abri de tous les vents , dans un havre petit , mais excellent, fitué fur le côté occidental de l'Ifle, & que les naturels du pays appellent Owhavre; immédiatement après j'allai à terre , accompagné de MM. Banks, Solander & Monkhoufe, de Tupia, du Roi Cookee, & quelques autres Infulaires qui étoient à bord depuis le matin. Au moment que nous débarquâmes , Tupia fe mit nud jufqu'à la ceinture, & pria M. Monkhoufe d'en faire autant ; il. s'aflit enfuite devant un grand nombre de naturels du pays , qui étoient raf-femblés dans une grande maifon ou hangar, (car îà> ainfi qu'à Otahiti, une habitation eft compofée feulement d'un toit foutenu par des poteaux : ) & nous nous tînmes par derrière , ainfi qu'il nous l'ordonna. Tupia commença alors une harangue ou prière , qui dura environ un quart-d'heure \ le Pvoi, qui étoit placé vis-à-vis lui, proféroit de tems en tems quelques mots -' "" — qui fembloient être des formules de réponfe. Notre j^.J7^9' Orateur , pendant le cours de cette harangue , offrit en préfent à leur Eataa ou Dieu , deux mouchoirs , une cravate de foie noire, quelques verroteries, deux petites touffes de plumes & des fruits de plane ; il reçut en retour, pour notre Eatua, un cochon , quelques jeunes plantes & deux petites touffes de plumes, qu'il fit porter à bord du vaiffeau. Après ces cérémonies, que nous regardâmes comme la ratification d'un traité entre ces Infulaires & nous, on permit h chacun d'aller où il lui plairoit ; & Tupia courut fur le champ dépofer fes offrandes dans l'un des Moráis. Le lendemain au matin, 17, nous allâmes a terre une feconde fois ; nous vifitâmes les collines , où les productions font exactement les mêmes que celles à'Otahiti , excepté feulement que les roches & l'argille paroiffent y être brûlés. Les habitations font propres , & les hangars , où ils retirent leurs pirogues , d'une grandeur remarquable. Nous en mefu-râmes un qui avoit cinquante pas de long, dix de large & vingt-quatre pieds de hauteur; le tout formoit une voûte aiguë par le faîte , comme celle de nos anciennes cathédrales, foutenue d'un côté par vingt-fix , & de l'autre par trente piliers ou poteaux d'environ deux pieds de haut & d'un pied d'épaiffeur. Sur la plupart de ces poteaux on avoit fculpté groiîiérement des têtes d'hommes & pluiieurs figures d'imagination, aifez reffemblantes a celles que nous voyons quelquefois imprimées avec des planches de bois au commen- \ SS......1cernent & a la fin des vieux livres. Les arbres à pain Ann-1769. & les cocotiers croîiTent en abondance dans les plai-Juillec. . . , r nés ou terreins unis ; les endroits cependant ou il y a des marais d'eau falée & des lagunes ne produifent ni l'un ni l'autre. Nous allâmes encore a terre le 18 \ nous aurions voulu profiter de la compagnie de Tupia dans notre promenade , mais il étoit trop occupé avec 'fes amis. Nous primes cependant fon valet qui s'appelloit Tayeto, & M. Banks fe mit en route pour examiner de plus près un objet qui avoit auparavant fort excité fa cu-rioiité : c'étok une efpèce de coffre ou d'arche , donc Je couvercle étoit coufu avec délicateiiè 6c revêtu proprement de feuilles de palmiers; cette arche étoit pofée fur deux bâtons, 6c foutenue par de petites confoles de bois très-bien travaillées. Les bâtons fembloient iervir à tranfporter l'arche d'un endroit a l'autre , à la manière de nos chaifes à porteurs. Il y avoit à l'un des bouts un trou quarré, ce au milieu du quarré un anneau qui touchoit les côtés en quatre points, ce laif-foit les angles ouverts , ce qui formoit un trou rond dans un quarré. La premiere fois que M. Banks vit ce coffre, l'ouverture de l'extrémité étoit bouchée avec un morceau d'étoffe , à laquelle il ne voulut pas toucher : probablement il renfermoit alors quelque chofe ; mais il trouva la feconde fois que l'étofFe étoit enlevée, & en examinant l'intérieur, il le trouva vuide. La reffemblance générale de ce coffre avec l'Arche d'Alliance parmi les Juifs eft remarquable ; mais ce qui eft encore plus iingulier , c'eft que l°rf~ 7352 451 que nous en demandâmes le nom au valet de Tupia , il nous dit qu'il s'appelloit Ewharcc no Eatua ( la maifoii de Dieu ) ; il ne put pas nous expliquer autrement fa iignification 6t Ton ufage. Nous avions commencé une efpèce de commerce avec les naturels du pays , mais les échanges fe faifoient lentement, Iorfque nous offrions quelque chofe pour prix de leurs marchandées, aucun d'eux ne vouloit le prendre fur fon propre jugement; il raflembloit pour cela les opinions de vingt ou trente de fes compatriotes , ce qui fa ilo i c perdre beaucoup de tems. Nous achetâmes pourtant onze cochons , 6c nous eflayâmes le lendemain de nous en procurer un grand nombre. Le jour fuivant, 19, nous portâmes à terre, pour moyens d*échange , quelques petites haches que nous jugeâmes devoir être des meubles fort utiles 6c fort rares dans une Ifle, qu'aucun Européen n'avoit encore vifitée ; & comme nous nous proposons de mettre à la voile dans l'après-midi , le Roi Orée 6c plufieurs autres Infulaires vinrent a bord pour nous faire leurs adieux. Je donnai au Roi une petite planche d'étain , fur laquelle étoit gravée cette infeription. n Endeavour, » Vaiffeau de Sa Majefté Britannique , Lieutenant « Cook, 16 Juillet 1769, Huaheine ». Je lui donnai au Mi quelques médailles ou jettons reiîcmblans à la ttionnoie d'Angleterre , frappée en 1761 , 6c d'autres preferís ; il me promit qu'il conferveroit le tout foi-gneufement , fur-tout la planche d'étain. Je crus que ce monument feroit au ili durable pour attefter notre premiere découverte de l'Ifle , qu'aucun de ceux que ^^■j— nous avions lahTé dans les autres Ifles ; & après que Ann. 17S9. nous eûmes quitté nos hôtes bien Satisfaits 6c bien contens, nous fîmes voile iur les deux heures 6c demie après-midi. L'Islk Huaheine ou Huahene eft fi tuée au 1^43' de latitude S. , 6c au 150a $2' de longitude O. de Greenwich ; elle efl éloignée ¿"Otahiti d'environ trente 6c une lieues au N. »58. O. ; elle a à - peu - près fept lieues de circonférence. Sa furface eft inégale 6c remplie de collines ; elle a un port sûr 6c commode. Le havre, appelle par les naturels du pays Owallo ou Owharre, gît fur le coté occidental au -» deifous de la haute terre la plus feptentrionale ¿ ce en-dedans de la pointe Nord du récif qui borde ce côté de l'Ifle. On trouve dans le récif deux anfes ou coupures éloignées l'une de l'autre d'environ un mille 6c demi , par où l'on peut entrer : la coupure la plus méridionale eft la plus large, 6c l'on rencontre au côté du Sud une très-petite Ifle de fable. Les -productions femblcnt mûrir un mois plutôt à Huìiaheine qu a Otahiti, car nous y trouvâmes les noix de coco déjà pleines , 6c quelques fruits à pain de l'année, prêts à manger. En mêlant les noix de cocos avec des ignames , les habitans compofent une nourriture qu'ils appellent Poe; ils reduifent en poudre ces deux fruits, 6c après les avoir broyés enfemble, ils les mettent dans une auge avec des pierres chaudes, 6c ils en font une efpèce de boudin huileux , que nos gens trouvoient très-bon , fur-tout lorfqu'il étoit grillé. M. Banks ne rencontra à Huaheine qu'onze ou douze nouvelles nouvelles plantes ; mais il obferva quelques infectes & une efpèce de fcorpion qu'il n'avoit pas encore vus. Ces Infulaires femblcnt erre plus vigoureux, & d'une ftature plus grande que ceux à1 Otahiti : M. Banks en mefura un qui avoit fix pieds trois pouces 6c demi de hauteur ; cependant ils font ii parefieux qu'il ne put pas les engager à monter avec lui fur les collines ; ils difoient que la fatigue les tueroit s'ils entreprenoienc cette courfe. Les femmes font très-jolies, & en général nous les trouvâmes plus belles que celles d'Ota-hitif quoique nous n'en ayons vu aucune en particulier qui égalât en beauté quelques Otahitiennes. Les deux fexes font moins timides 6c moins curieux que les Indiens de lTfle que nous venions de quitter. Nous avons déjà dit que lorsqu'ils vinrent à bord du Vaiiîèau , ils ne firent ni queftions ni recherches; 6c quand nous tirions nos armes a feu ils étoient effrayés , il eft vrai, mais ils ne tomboient pas par terre de crainte , cenarne firent tous les Otahitiens, lorfque nous allâmes pour la première fois parmi eux avec des fi fils. On pourroit facilement donner d'autres raifons de cette différence ; le peuple d'Huaheine n'avoit pas vu le Dauphin comme celui d1 Otahiti ; l'explofion d'un canon ou d'un fufil excitoit dans le fécond l'idée d'une deftruction fubite , & l'autre qui n'en avoit jamais éprouvé les effets , ne regardoit ces inftrumens comme terribles que par le fon qu'ils produifoient. Pendant que nous étions à terre , nous trouvâmes que Tupia avoit donné a ces Infulaires un éloge qu'ils ne méritent pas, en difant qu'ils n'étoient point vo- Tome IIL B :—z—z~ leurs. Nous en Surprîmes un en flagrant-délit : lorf-Ann. 17^9. qU*il fut íaiíi par les cheveux , fes compatriotes, au lieu de s'enfuir comme auroient fait les Otahiticrfs", fe raf-femblèrent autour du filou , & demandèrent en quoi il nous avoit infultés : il ne faut pas chercher dans leur courage naturel la raifon de ce fait; l'expérience ne leur avoit point encore appris les fuites du reflentiment des Européens , & les Otahitiens au contraire avoient dans plufieurs cas payé ces fautes de leur vie : nous devons cependant convenir a leur honneur , que lorsqu'ils furent ce qui étoit arrivé , ils défapprouvèrent hautement l'action du voleur , & le condamnèrent à une baftonade qu'il fubit fur le champ. Vilma. Nous fîmes voile enfuite pour l'Ifle ftUlietea, qui git au S. O. O. , à environ fept ou huit lieues d*Huaheine ; & à fix heures & demie du foir nous étions à trois lieues du rivage , fur la côte orientale. Nous louvoyâmes toute la nuit , & à la pointe du jour du lendemain io , nous gouvernâmes vers la côte ; nous ap-perçûmes bientôt après une ouverture dans le récif, qui eft finie devant Tifie , 6c Tupia nous dit qu'il y avoit en dedans un bon havre: je ne le crus pourtant pas fur fa parole , mais j'envoyai le maître dans la pinaife pour l'examiner ; il fit dans peu fignal au Vaiffeau de le fuivre , en conféquence nous entrâmes dans le havre , & nous mîmes à l'ancre par vingt-deux braffes , fond mou. Les Naturels du pays nous abordèrent bientôt fur deux pirogues , dont chacune portoit une femme 6c un cochon ; nous crûmes que les Infulaires vouloient nous donner des marques de confiance , en envoyant ces ^^^^ deux femmes, & que les cochons nous étoient appor- Ann. 1-69. , ■ vt a 1 01 Juillet, tes en présent. Nous reçûmes les uns ce les autres d'une manière reconnoiflante , & nous donnâmes a chacune des femmes un clou de fiche & quelques colifichets , dont elles furent très-fatisiaites. Tupia qui témoignoit toujours beaucoup de crainte des habitans de Bolabola , nous apprit qu'ils avoient conquis cette lile , & que fi nous y refiions ils viendroient certainement le lendemain nous combattre: nous réfolûmes en conféquence d'aller a. terre fans délai, tandis qu'il faifoit encore jour. Je débarquai, accompagné de MM. Banks & Solan-der , de quelques-uns de nos Officiers & de Tupia ; il nous introduifit , en répétant 4cs mêmes cérémonies qu'il avoit déjà faites à Huaheine : j'arborai enfuite pavillon Angtois , & je pris poiïèiîion , au nom de Sa Majeité Britannique , de cette Ifle & des trois voiii-nes , Huaheine , Ota ha ce Bolabola , que nous apper-cevions ; après quoi nous fîmes une promenade au grand Morai , appelle Tapodeboatea. Nous le trouvâmes très-différent de ceux d'Otahiti ; il n'étoit com-pofé que de quatre murailles d'environ huit pieds de haut, & de pierres de corail, dont quelques-unes étoient très-grandes : il comprenoit un efpace d'environ vingt-cinq verges quarrées , qui étoit rempli de petites pierres : on avoit dreflé fur le fommer du Morai plufieurs planches fculptées dans toute leur longueur. Nous rencontrâmes a peu de diftance un autel, ou Ewhatta , fur lequel nous vîmes la dernière offrande B ij 12, Voyage ou Sacrifice , un cochon d'environ quatre-vingt livres , ^Jiiiil^9' avo^r ^ offert tout entier & très-bien rôti ; il y avoit auííi quatre ou cinq Ewharre-no -Eatua , ou Maifons de Dieu , garnies de leurs bâtons de tranf-port, & fembîables à celles que nous avions vues à Huaheine. M. Banks mit la main dans un de ces coffres , pour en examiner l'intérieur ; il y trouva quelque choie d'environ cinq pieds de long & d'un pied d'épaifTeur , enveloppé dans des nattes. Ses doigts fe frayèrent un paiîage à travers pluiieurs de ces nattes ; mais enfin il en rencontra une qui étoit faite de fibres de cocotiers , fi bien treiîées enfemble qu'il ne put pas la déchirer , ce qui le força d'abandonner fon entrepri-fe, d'autant plus que les Infulaites étoient fort ofFen-fés de ce qu'il avo#t déjà fait. Nous allâmes de-îà à une grande maifon qui n'en étoit pas beaucoup éloignée ; parmi des rouleaux d'étofFe & pluiieurs autres chofes , nous y vîmes le modèle d'une pirogue d'environ trois pieds de long, auquel huit mâchoires d'hommes étoient attachées : nous avons déjà remarqué qu'ils emportent ces offe m en s pour trophées de guerre, comme les Indiens de l'Amérique Septentrionale fe parent de la chevelure de leurs ennemis. Tupia nous aifura que c'étoient des mâchoires des habitants ¿CU-îietea ; ii fon rapport eli vrai , les Infulaires les avoient peut-être fufpendues avec le modèle d'une pirogue, comme le fymbole d'une invafion formée par les Sauvages guerriers de Bolabola, 6k comme un monument de leur conquête. La nuit s'approchoit alors, mais MM. Banks & Solander continuèrent leur promenade le long de la -côte ; & ils apperçurent bientôt un autre Ewharrc-no- j^Iku* Eatua y & une efpéce de figuier pareil a celui que M. Green avoit vu k Otahitï, ôc dont le tronc ou plutôt l'aflèmblage des racines ,avoit quarante-deux pas de circonférence. Le 21 , après avoir dépêché le maître dans la grande chaloupe, pour examiner la côte de la partie méridionale de rifle, & un des contre-maîtres dans l'ef-quif, pour fonder le havre où le vaiffeau étoit à fan-ere , je m'embarquai dans la pinaffe , afin de lever le plan de la partie de Tifie qui eft au Nord. M. Banks & nos Officiers allèrent encore à terre , commercèrent avec les Infulaires , & examinèrent les productions & les curiofités du pays ; ils n'obfervèrenc pourtant rien de remarquable, fi Ton en excepte quelques mâchoires humaines, qui les convainquirent alors que Tupia avoit dit la vérité* Comme nous eûmes le 21 & le 23 des vents forts & un tems brumeux, je crus qu'il étoit dangereux de mettre en mer ; mais , quoique le vent fût toujours variable le 24,, j'appareillai en gouvernant au Nord de l'intérieur du récif, pour tenter de déboucher par une ouverture plus large que celle qui m'avoit fervi d'entée. Je me trouvai bientôt dans le danger le plus prochain de brifer fur les rochers : le maître, à qui j'avois ordonné de fonder continuellement, me cria tout-k-coup , » deux braffes. » Cet avis m'allarma : quoique le vaiffeau tirât au moins quatorze pieds d'eau , & qui! fût par conféquent imponible que le banc 14 V. o y a g e de fable annoncé fût au-deiTous de fa quille , il falloîc Ann. 1769. cependant ou que le maître lé fût trompé , ou que le bâtiment longeât les bords de quelques rochers de corail, dont pluiieurs dans le voiiinage de ces liles font auifi efcarpés que des murailles. Cette baie eft appellée par les Naturels du pays Oopoa y 6c prife dans toute ion étendue , elle pour-roit contenir la plus nombreuíe flotte ; elle comprend prefque toute la longueur du côté oriental de line, 6c elle eft à Pabri de la mer par un récif de rochers de corail. L'ouverture la plus méridionale de ce récif, ou le canal du havre par où nous entrâmes , a un peu plus d'une encablure de largeur ; elle gît à la hauteur de la pointe la plus orientale de l'Ifle : il eft facile de la reconnoître, au moyen d'une autre petite lile, cou- Oatara. verte de bois, appellée Oatara par les Infulaires , 6c iituée un peu au S. E. du canal. A trois ou quatre milles au N. O. de cette lile , on trouve deux autres Mots, appelles Opururu 6c Tamou , qui font dans la Tamou. niême direction que le récif dont ils font partie. L'autre canal du havre , par lequel je débouchai , 6c qui a plus d'un quart de mille de large , fe rencontre entre ces Mots. Il y a d'autres petites Ifles plus au N. O., 6c l'on m'a dit qu'on trouvoit près de celles-ci une troifième entrée dans le havre \ mais je ne fais ce fait que par oui-dire. Les fruits du plane, les noix de coco, les ignames , les cochons 6c les volailles , font les principaux rafraîchifTemens qu'on peut fe procurer dans cetre partie de rifle : les cochons 6c les volailles y font pour- tant rares, 6c le canton où nous en vîmes n'eri: ni fi peuplé , ni auíli riche en productions quOtahiti ou même Al?^* qu Huaheine. On peut encore y faire de l'eau 6c du bois, mais il eit difficile d'arriver à l'aiguade. Nous n'avions jufqu'alors reçu aucune attaque des farouches habitans de Bolabola , que , malgré les craintes de Tupia , nous étions réiblus de vifiter. Sur les quatre heures de l'après-midi du %^ , nous étions à une lieue à'Otaha , qui nous reftoit au N. 77 O. ; il y a deux Mots appelles Toahoutu 6c Wkènnuaia > au Toahutu. Nord 6c fur la côte orientale de l'extrémité Sud de Whennuaia. cette Me. Tupia nous dit qu'entre ces deux Mots on trouve un canal qui conduit dans un très-bon havre , iitué en dedans du récif, 6c les apparences confir-moient fon rapport/** Comme je découvris ce large canal entre Otaha 6c Bolabola, je me décidai à prendre cette entrée , plutôt que de courir au Nord de toutes les Mes , mais nous avions le vent debout, 6c je ne fis point de chemin. Le 26 , entre cinq 6c fix heures du foir , comme je gouvernois au Nord , je découvris une petite Me baile qui gît N. £ N. O., ou N. N. O. a quatre ou C1nq lieues de Bolabola. ' Tupia nous dit qu'elle s'appelloit Tubai ; qu'elle ne produit que des noix de co- TuUt cos ; que trois familles forment tous fes habitans , 6c que les Infulaires des Mes voifines vont la vifiter quelquefois pour pêcher du poiifon fur la côte, où il fe trouve en grande abondance. ? Le 27, à midi, le pic de Bolabola nous reftoit au ann.Ï769. O., 6¿ l'extrémité íéptentrionale à'Otaha au N". 80. O. 6c environ trois lieues. Le vent nous fut encore contraire pendant toute cette journée 6c la nuit fui-vante. Le 28, fur les iix heures du matin, nous étions près de l'entrée du havre iitué fur la côte orientale Otaha. à'O taha , 6c dont nous venons de parler. Trouvant, qu on pouvoit l'examiner fans perdre de tems , j'envoyai le Maître dans la chaloupe avec ordre de le fonder; je lui enjoignis en outre , ii le vent ne nous devenoit pas favorable , de débarquer dans l'Ifle , 6c d'acheter des Naturels du pays tous les rafraîchifiè-mens qu'il pourroit fe procurer. MM. Banks 6c So-lander s'embarquèrent avec le Maître , ils abordèrent fur la côte, 6c achetèrent avant la nuit trois cochons, vingt 6c une volailles, 6c autant alignâmes 6c de fruits du plane que la chaloupe en pouvoit contenir. Les fruits du plane nous étoient encore plus utiles que le porc ; on les fit bouillir , 6c ils fervirent de pain à l'équipage ; ce mets fut d'autant plus agréable à nos gens , que notre bifcuit étoit rempli de vers, 6c qu'à chaque bouchée ils avaloient plus de vingt de ces animaux, dont chacun avoit un goût auiïi piquant que de la moutarde. L'Ifle paroiflbit être plus Aerile qu Ulte-tca, mais les productions font les mêmes. Les Infulaires reifembloiçnt exactement à ceux que nous avons .vus dans les autres Ifles ; ils n'étoient pas en grand nombre , mais quelque part qu'allât la chaloupe, ils fe raflèmbloient toujours auprès de nos gens 6c leur apportoient tout ce qu'ils avoient à vendre : d'après ce que leur dit Tupia , ils nous rendirent les mêmes honneurs honneurs qu'ils rendent à leurs propres Pvois, cfeft-a- g**"" dire , qu'ils fe découvrirent les épaules 6c enveloppé- - j^*^ rent leurs vêtemens autour de la poitrine ; 6c , afin qu'aucun de leurs compatriotes ne manquât k cette cérémonie, ils envoyèrent en avant un homme qui ap-pelloit chaque Infulaire qu'il rencontroit, 6c lui difoic qui étoient ces étrangers 6k ce qu'il avoit k faire. Sur ces entrefaites , je louvoyai en attendant le retour de la chaloupe ; fur les cinq heures 6c demie , comme je ne l'appercevois pas , je tirai un coup de canon, 6c après qu'il fut nuit, je fis allumer un fanal. A huit heures 6c demie nous entendîmes l'explofion d'un fufil ; j'y répondis par un coup de canon , 6c bientôt après la chaloupe revint k bord. Le Maître me rapporta que le havre étoit sûr 6c commode, qu'il y avoit un bon mouillage de i6 à 25 brafTes , excellent fond, Dès que la chaloupe fut remontée dans le vaiffeau, je fis voile au Nord , 6c le 29 , k huit heures du matin, nous nous trouvâmes près de la côte au-dei-fous du pic de Bolabola, qui eft haut 6c efcarpé. Corn-me lTfle eft inabordable de ce côté , 6c que nous vîmes qu'il étoit impoflible de la doubler, nous virâmes de bord 6c cherchâmes une autre entrée ; nous virâmes une feconde fois , 6c après avoir répété fouvent la même manœuvre , nous ne pûmes pas dépafler fex-trémué méridionale de Bolabola avant minuit. Le lendemain , k huit heures du matin , nous découvrîmes une Ifle qui nous reftoit au N. 63 O. k environ huit lieues; rions avions en mêrue-tems le pic de Tome IIL C .... —. Bolabola au N. \ E. a trois ou quatre lieues. Tupia Ann. 1769- nous apprit que cette Ifle s'appelle Maurua , qu'elle Juillet. n . . , j, . ,r ,-i » Maurua. e^ Petlte > environnée par-tout d un récit; quii ny a aucun havre qui puiiîe fervir de mouillage-, qu'elle eft inhabitée, & que fes productions font les mêmes que celles des Mes voiiines. On peut appercevoir à dix lieues de diftance une montagne haute & ronde qui s'élève au milieu de Maurua. Tandis que nous étions à la hauteur de Bolabola, nous vîmes peu d'Indiens fur la côte , & Tupia nous dit que la plupart des habitans étoient allés à Ulictea. Nous nous trouvâmes dans l'après-midi , le long de l'extrémité méridionale d'Ulietea & au vent de quelques havres, iitués fur la côte occidentale de cette lile. Quoique nous fuiîions déjà allés à terre fur l'autre côté de ITlìe , je voulus mettre a l'ancre dans un de ces havres , afin d'étancher une voie d'eau que nous avions dans la fainte-barbe , & donner plus de lelt à notre vaifTeau qui étoit trop léger pour porter des voiles fur le vent. Comme le vent nous étoit directement contraire , nous fûmes contraints de bouliner ; & fur les trois heures de l'après-midi, du premier Août, nous jettâmes l'ancre par 14 brafTes , à l'entrée du canal qui conduit dans le havre; mais une marée très-forte nous empêcha de réparer le bâtiment. J'ordonnai qu'on portât en avant l'ancre de toue , afin de nous faire remorquer dans le havre ; mais, malgré tous nos efforts, nous ne pûmes pas détacher l'ancre d'affour-che. Nous fûmes donc obligés de refter dans cet état toute îa nuit , & le lendemain , z , au retour de la marée, les flocs ayant foulevé le vaiffeau au-deffus de fon ancre qui fe détacha de lui-même, nous le fîmes touer Aii^V6°' facilement dans un bon mouillage, 6c nous l'amarrâmes par 28 brafTes, fond de fable. Sur ces entrefaites pluiieurs des naturels du pays s'approchèrent de nous avec des cochons, des volailles 6c des fruits du plane qu'ils échangèrent à très-bas prix. Dès que le vaiffeau fut en sûreté , j'allai chercher à terre un lieu convenable pour y faire du lett 6c de l'eau, 6c j'eus bientôt trouvé l'un 6c l'autre. MM. Banks 6c Solander pafsèrent cette journée à terre, 6c ils furent fort contents des Naturels du pays qui fembloient tous les craindre 6c les refpeder, 6c avoir cependant pour eux la plus grande confiance; les Infulaires fe comportoient comme s'ils euffent fenti que ces deux étrangers avoient en même-tems les moyens de leur eau fer du mal 6c l'intention de n'en pas faire ufage. Les hommes, les femmes 6c les enfans fe raf-fembloient autour d'eux , 6c les fuivoient par-tout où ils alloient. Loin que perforine leur fît des mal-honnêtetés, lorfqu'ils rencontroient dans leur chemin des mares d'eau ou de boue ; ces Indiens fe difputoient à qui les porteroit fur leur dos. On les conduifit dans les maifons des principaux perfonnages , 6c ils furent reçus d'une manière tout-à-fait nouvelle ; le peuple qui les fuivoit, couroit en avant dès qu'ils approchoient de l'habitation, en laifTant cependant une efpace fuf-■fifant pour leur paffage. Quand ils entroient, ils trou-voient les Indiens qui les avoient précédés, rangés en haie de chaque côté d'une longue natte étendue fur la C ij • .....terre, & fur l'extrémité de laquelle étoit afïife la fa- Ann. 1769. mule : ils rencontrèrent dans la premiere maifon qu'ils viiitèrent des petites filles Ôc des jeunes garçons habillés avec la plus grande propreté, & qui reftoient à leur place, en attendant que nos étrangers s'ap-prochaiiènt deux & leur donnaifent quelque chofe, MM. Banks & Solander eurent bien du plaifir à leur faire des préfens , car ils n'avoient jamais vu des en-fans plus jolis & mieux vêtus. L'un d'eux étoit une petite fille d'environ fix ans; elle avoit une efpèce de robe rouge, & autour de fa tête une grande quantité de cheveux treifés, ornement qu'ils appellent Tamou, & qu'ils eftiment plus que tout le refte de ce qu'ils poffedent : elle étoit affife au bout d'une natte de trente pieds de long fur laquelle aucun des fpeétateurs, malgré la grande foule , n'ofoit mettre le pied , elle s'appuyoit fur le bras d'une femme d'environ trente ans, d'une figure agréable, & qui étoit probablement fa nourrice : nos Meilleurs allèrent à elle; dès qu'ils en furent près , ils lui offrirent quelques verroteries 5 & elle tendit la main pour les recevoir , avec autant de grâce qu'auroit pu le faire la femme la mieux élevée d'Europe. Les Infulaires furent fi charmés des préfens qu*on avoit faits à ces petites filles , qu'ils fembloient uniquement occupés à obliger de quelque manière MM» Banks & Solander , loriqu'ils s'en revinrent. En paf-fant dans une mailbn , le Maître à qui elle appar-tenoit, voulut leur donner le divertiifement d'une danfe différente de toutes celles que nous avions vues ailleurs, 41 199^ 90 57 Elle fut exécutée par un homme qui mit fur fa tete ^ une cfpèce de grand panier cylindrique doficr, d'envi- A: ron quatre pieds de long & de huit pouces de diamètre, garni de plumes placées perpendiculairement, Ôc dont les fommets étoient courbés en avant ; il y avoit tout autour une garniture de dents de goulus & de queues d'oifeaux-du-tropique : dès que l'Indien fut paré de cet ornement, appelle Whow, il commença à danfer en fe remuant lentement, ôc tournant la tête à pluiieurs reprifes, de manière que le haut de fon chapeau d'oiìer décrivoit un cercle; quelquefois en pirouettant il s'approchoit brufquement du vifage des fpectatcurs, ce qui les faifoit treiTaillir & reculer : cette farce amufoic beaucoup les Infulaires ; ils pouifoient de grands éclats de rire, fur-tout lorfque le danfeur feignoit de vouloir donner un coup de panier à un des étrangers. Le 3 , nous primes une route oppofée à celle qu'a-voient fuivie la veille MM. Banks & Solander , nous allâmes le long de la côte au Nord , dans le deifein d'acheter des proviiions; nous trouvâmes que les Naturels du pays nous les vendoient a plus bas prix dans leurs maifons qu'au marché. Pendant notre promenade, nous rencontrâmes une troupe de danieurs qui nous retinrent pendant deux heures & nous firent beaucoup de plaihr. Il y avoit deux danfeufes, fix hommes & trois tambours , Tupia nous apprit que quelques-uns des principaux períonnages de lTile étoient de ce nombre, quHls couroient de place en place, mais qu'ils ne recevoieut point de falaire des fpeciateurs, comme les danieurs ambulans à'Otahiù. Les femmes portoient f^^m^mt fur leurs têtes une grande quantité de Tamou ou che-. Ann. 1769. veux treifés, ornés en plufieurs endroits de fleurs de jafmin du Cap , & arrangés avec tant de goût que cette coëffure étoit très-élégante ; elles avoient le col, les épaules & les bras nuds , la gorge étoit auifi découverte jufqu'à la hauteur de faiifelle , 6c revêtue au-deiîous d'une étoffe noire qui leur ferroitle corps. Elles avoient placé de Chaque côté de la poitrine près du bras un petit plumet noir, reffemblant aux bouquets dé nos femmes. Elles avoient en outre fur les hanches un vêtement pliifé qui fe relevoit fur le ventre & retombait par le bas en grand jupon qui cachoit entièrement leurs pieds, qu'elles remuoient avec autant de dextérité que nos danfeurs d'Opéra. Les plis au-defTus de la ceinture étoient alternativement bruns & blancs , & ceux du jupon tout blancs. Dans cet équipage, elles s'avancèrent de côté en faifant des pas mefurés , très-bien d'accord avec les tambours, qui battoient avec beaucoup de force & de vîtefTe. Bientôt après, elles fe mirent à remuer les han-■ ches, en donnant à leur habillement un mouvement très-vif. Elles continuèrent les mêmes motívemens pendant toute la danfe, quoique le corps prît différentes attitudes. Elles fe tenoient tantôt debout ou aflifes, & s'appuyoient quelquefois fur leurs genoux ou leurs coudes ; elles remuoient en même-tems les doigts avec une promptitude qu'il eft prefque impofTible d'imaginer. Il faut pourtant convenir que l'habileté des dan-fenfes 6c le plaifir que goûtèrent les fpeétateurs, pro-venoient en grande partie de la lubricité de leurs poftu- res & de leurs gcft.es , qui furpaiîbit tout ce que —— -J nous pouvons dire. An*' I769' 1 Août. L'une de ces filles avoit un pendant d'oreilles de trois perles , dont l'une étoit très-groife, mais fi terne qu'elle étoit de peu de valeur. Les deux autres étoient de la grofTeur d'un pois d'une grandeur moyenne. Celles-ci étoient d'une bonne couleur & d'une belle forme , quoiqu'on les eût gâtées en les perçant. M. Banks vouloit les acheter , il offrit à la fille de lui en donner tout ce qu'elle demanderoit, mais elle ne confentit jamais à les vendre. Il réitéra inutilement fes inltances en lui préfentant la valeur de quatre cochons. Ces Infulaires attachent a leurs perles une valeur k-peu-près égale h. celle qu'elles ont parmi nous y fi l'on en excepte celles qui ne font pas trouées. Entre les danfes des femmes , les hommes exécutaient une efpèce de farce dramatique où il y avoit du dialogue & des danfes ; mais nous ne connoiffions pas aifez leur Langue pour entendre quel en étoit le fu jet. Le 4, quelques-uns de nos Officiers virent un fpec-tacle plus régulier & partagé en quatre acles. Tupia nous avoit dit fouvent qu'il étoit maître autrefois de pluiieurs grandes poifeifions dans cette Ifle, que les habitans de Bolabola lui avoient enlevées ; il nous les montra alors le long de la baie où le vaiffeau étoit à l'ancre. Lorfque nous allâmes à terre, les Naturels du pays confirmèrent ce qu'il avoit affuré ; ils nous firent voir pluiieurs diftricts ou Whcnnuas qu'ils recon-noiifoient lui appartenir. 1------------: Je reçus, le ? , trois cochons, quelques volailles 6c Ann. i-¿9. pluiieurs pièces d'étoffe de cinquante verges de long, 6c par conféquent les plus grandes de celles que nous avions vues dans ces Ifles. On eut foin de les développer 6c de les étendre, afin de faire fentir toute la valeur du don. On me donna en outre une quantité confidérable de fruits du plane, de noix de coco 6c d'autres rafraîchiiTemens de la part iïOpooni, ce Roi formidable , ou dans le langage du pays, l'Earée Rahie de Bolabola , lequel me fit dire en même-tems qu'il étoit alors dans l'Ifle 6c qu'il avoit deffein de me rendre viiite le jour fuivant. Sur ces entrefaites , MM. Banks 6c Solander allèrent fur Jes montagnes , accompagnés de plufieurs Indiens qui les conduifirent par de bons chemins à une telle hauteur qu'ils virent diftincfement l'autre côté de ITfle , 6c la coupure par où nous étions entrés dans le récif entre les Ifles ü Opururu 6c de Tamou , lorfque nous débarquâmes la première fois. Ils apperçurent, en s'en revenant , des Naturels du pays qui s'exer-çoient à ce qu'ils appellent VErowhaw, c'eft-a-dire à lancer contre un but une efpèce de javeline armée d'une pointe de bois dur. Ils n'excellent pas dans cet exercice, quoiqu'ils paroiffent l'aimer pailionnément ; car de douze hommes , un feul atteignit la marque qui étoit un tronc de plane placé à environ vingt verges de diftance. Tout l'équipage reità, le C, au vaiffeau , attendant la vifite du grand Roi \ nous fûmes trompés dans notre efpérance. Nous eûmes pourtant une compagnie beaucoup beaucoup plus agréable; car ii envoya trois jolies filles demander quelque choie en retour du préfenc qu'il Ann. 1769. nous avoit fait; peut-être ne fe ioucioit-il pas de Aout' s'expoier à venir à bord de notre bâtiment, ou bien il crut que íes ambaífadrices obtiendroienn en retour de fes cochons & de fes volailles, une plus grande quantité de marchandifes qu'il n'auroit fait lui-même. Quoi qu'il en foie, nous ne regrettâmes point fa préience, & les jeunes filles n'eurent point à fe plaindre de leur vifite. Comme le grand Roi ne vouloit pas nous venir voir, nous refolûmes, dans l'après - midi, de le prévenir : nous nous attendions a trouver dans le Souverain des Infulaires de Bolabola , qui étoient les con-quérans cYUlietca 6c la terreur de toutes les autres Ifles, un Chef jeune 6c vigoureux, d'une figure fpirituelle 6c d'un courage entreprenant. Nous ne trouvâmes qu'un vieillard foible & décrépit , que les ans avoient prefque rendu aveugle , 6c ii indolent 6c fi ftupide qu'il paroiiîoit avoir à peine aifez d'intelligence pour entrevoir que fes cochons 6c fes femmes nous avoient fait plaifir. Il nous reçut aifis & fans aucune des cérémonies & des formalités qu'avoient employées les autres Chefs à notre égard. Nous lui fîmes nos préfens, qu'il accepta, 6c il nous donna en retour un cochon. Nous avions appris qu'Otaha étoit le lieu principal de fa réfidence ; nous lui dîmes que nous projettions d'y aller le lendemain dans nos bateaux , 6c que nous ferions charmés de l'avoir avec nous; ileonfentit à être de la partie. Dès le grand matin, du 7 , je partis donc avec la Torne IIL D __ chaloupe 6c la pinaffe pour G taha , accompagné de Ann. 17^9- quelques-uns de nos Officiers. Nous prîmes en paf-fant Opoony qui étoit dans fa pirogue tout prêt k nous joindre. Dès que nous eûmes débarqué k Otaha3 je lui fis préfent d'une hache , imaginant que cela pourroit fengager k ordonner k fes fu jets de nous apr porter les provifions dont nous avions befoin \ mais après être reftés avec lui jufqu'k midi , nous le quittâmes pleins de regret de n'avoir pu obtenir aucuns rafraîchiflemens. Je m'avançai dans la pinaife vers la pointe feptentrionale de l'Ifle, 6c j'envoyai la chaloupe d'un autre côté. J'achetai, chemin faiiant, fix cochons , autant de volailles, quelques fruits du plane 6c des ignames. Après avoir examiné 6c pris le plan du havre fur ce côté de l'Ifle, je m'en retournai prom-ptement ; la chaloupe me joignit bientôt après qu'il fut nuit , 6c nous arrivâmes fur les dix heures au vaiffeau. M. Banks n'étoit pas de cette expédition , il paiTa la matinée à bord 6c acheta des Naturels du pays, qui alloient le trouver dans leurs pirogues, des provifions 6c des curiofités. Il alla k terre dans l'après-midi avec fon deiTinateur, pour peindre l'habillement des danfeurs qu'il avoit vus un ou deux jours auparavant. Excepté une nouvelle danfeufe, il trouva la bande d'histrions dans l'état où il l'avoit Iailfée. Les femmes exécutèrent la même danfe, mais les hommes varièrent un peu leur farce ; il en vit jouer cinq ou fix qui étoient différentes les unes des autres , 6c qui reífena» bloient beaucoup aux drames de nos Baladins Il retourna le lendemain a terre, avec le Docieur —-—■ S Solander; ils dirigèrent leur marche vers les Danfeurs, ^^fa69' qui, depuis le tems de notre fécond débarquement, s'étoient avancés à deux lieues dans 1*Iîle ; ils virent d'autres danies Ôc des farces différentes : dans une de ces farces les Acteurs , au nombre defquels il n'y avoit que des hommes , étoient divifés en deux partis , diftingués par la couleur de leur vêtement ; Pun étoit vêtu de brun, l'autre de blanc: le parti brun repréfen-toit un maître & fes domeftiques, & le parti blanc une troupe de voleurs. Le maître chargea fes gens de garder un panier de provifions ; les blancs exécutèrent pluiieurs danfes pour tâcher de le dérober , & les bruns en exécutèrent d'autres pour les empêcher d'y réuffir. Après quelques altercations , les Acteurs chargés de veiller fur le panier, fe placèrent à terre autour de leur dépôt, s'appuyèrent deffus & parurent s'endormir ; les autres profitant alors de la circonftance , s'approchèrent doucement, & foulevant leurs adverfaires de deilus le panier , ils emportèrent leur proie : les bruns s'éveillèrent bientôt ; ils virent que le panier étoit volé, mais ils fe mirent à danfer, fans s'embarraffer davantage de la perte qu'ils avoient faite. L'action dramatique de cette danfe obfervoit rigoureu-fement l'unité, fuivant toutes les règles de la critique, & nos grands admirateurs de la fimplicité auroient été très-fatisfaits de ce fpe&acle, parfaitement conforme à la pureté de leur goût. Nous pafsâmes la matinée du 9 à commercer avec les pirogues ; nous profitâmes alors d'une brife qui Dij g- s'éleva de PEit, & après avoir éranché notre voie d'eau Ann. 1769. gj. embarqué les proviiions fraîches que nous avions achetées, nous fîmes voile pour fortir du havre. Tupia me prefTa fortement a notre départ de tirer un coup de canon vers Bolabola: ii vouloir, fuivant toute apparence, donner k fes ennemis cette marque de fon ref-fentiment,6c leur montrer la force de fes nouveaux alliés. Je crus devoir le contenter, quoique nous fuf-iìons a fept lieues de diftance de l'Ifle. Pendant notre féjour, aux environs de ces liles , nous confommâmes très-peu de proviiions du vaiffeau ; nous eûmes en abondance des cochons , des volailles , des fruits du plane 6c des ignames : nous efpé-rions que ces rafraîchiilèmens nous ferviroient beaucoup dans le cours de notre navigation vers le Sud ; mais les cochons ne voulurent manger ni fon , ni graines ni légumes d'Europe , de manière que nous ne pûmes pas les conferver vivans. Les volailles furent bientôt attaquées d'une maladie k la tete, qu'elles tenoient entre leurs jambes jufqu'a ce qu'elles expiraiîènt. Il ne faut pas beaucoup compter fur les animaux qu'on embarque dans ces parages , k moins qu'on ne découvre quelque nourriture du goût des cochons , 6c des remèdes contre la maladie des volailles. Comme les Charpentiers nous avoient forcé de ref-ter ii long-tems k Ulietea , pour arrêter la voie d'eau, nous abandonnâmes le projet de débarquer k Bolabola , d'autant plus que cette Ifle paroiifoit être d'un accès difficile, T'appellai IJIes de Société,les fixIfles Ulietea, Otaha, Bolabola , Huaheine , Tubai 6c Maurua, qui font con- A^^9' tiguës l'une a l'autre ; je ne crus pas devoir leur don- Society- If-ner à chacune en particulier d'autres noms que ceux lands> ou ÏJUs qu'elles portent dans le pays. ds SoçlM* Elles gifent entre le 16 d 10 ' & le 16 d f^' de latitude S. , 6c entre le 150 d 57 ' & le j 52 d de longitude Oueft du méridien de Greenwich. Ulietea 6c Otaha font fltuées à environ deux milles l'une de l'autre ; elles font toutes deux environnées par un récif de rochers de corail, de forte qu'il n'eft pas poifible à un vaiffeau de paifer entr'elles : ce récif forme pluiieurs excellens havres , dont k la vérité les entrées font très-étroites ; mais il n'y a plus rien de dangereux pour un bâtiment, lorfqu'il y eft arrivé. Nous avons déjà décrit les havres du côté de l'Efl ; on en trouve trois fur le côté de l'Oueil Ulietea, qui eft le plus grand des deux : les Naturels du pays appellent Ohamaneno le havre le plus fepten-trional, dans lequel nous mouillâmes. Le canal qui y conduit a environ un quart de mille de large ; il eft iitué entre deux Ifles baffes 6c fablonneuies, qui font les plus feptentrionales qu'on rencontre de ce côté. Entre ces deux petites Ifles il y a un bon mouillage, par vingt-huit brafîès, fond mou; ce havre quoique pe-ttt eft préférable k tous les autres , parce qu'il eft fi tué dans la partie de l'Ifle la plus fertile, 6c dans l'endroit ou l'on peut fe procurer le plus facilement de l'eau douce. Les deux autres havres giient au Sud de celui-ci , 6c non loin de l'extrémité Sud de l'Ifle ; on trouve dans tous les deux un bon mouillage , par dix, douze 6c ...... ; quatorze brafTes : il eft aifé de les reconnoître , au Ann. 1769. jyioyen de trois petites Ifles couvertes de bois, qu'on voit à leur entrée. Le plus méridional de ces deux havres eft iitué en dedans & au Sud de la plus méridionale des Ifles ; l'autre gît entre les deux petites Ifles , qui font le plus avancées vers le Nord. On m'a dit qu'il y avoit un plus grand nombre de havres à l'extrémité Sud de cette lile, mais je n'ai pas examiné il le fait eft vrai. LTsle cYOtaha a deux très-bons havres , l'un fur le côté de f Eft & l'autre fur le côté de POueft. Les Infulaires appellent Oliamene le premier, dont nous avons déjà parlé \ ils donnent le nom &Ohcrurua à l'autre, qui gît vers le milieu du côté S. O. de l'Ifle : il eft afTez large & donne un bon mouillage, par vingt & vingt-cinq braffes ; on y a la facilité de fe procurer de l'eau douce. La coupure du récif, formant un canal qui conduit dans ce havre , eft a-peu-près d'un quart de largeur ; elle eft efearpée des deux côtés , ainfi que toutes les autres ouvertures qu'on rencontre dans les rochers qui bordent ces Ifles ; en général il n'y a pas d'autres dangers à craindre que ceux qu'on apper-coit. L'I s le de Bolabola gît au N. O. | O. d'O-taha , à quatre lieues ; elle eft environnée d'un récif de rochers & de plufieurs petites Ifles : le tout enfemble forme une circonférence d'environ huit lieues. On m'affura que fur le côté S. O. de l'Ifle , on trouve dans le récif un canal qui débouche dans un très-bon havre ; mais par les raifons que j'ai expliquées plus haut, je ne penfai pas devoir l'exami- ner. Cette Ifle fe fait remarquer par une haute mon- Ann-l769 r r ■ ■ r ri- Aout* tagne eicarpee , qui paroic preique perpendiculaire , & fe termine au fommct en deux pics , dont l'un cit. plus élevé que l'autre. Si l'on en excepte les côtes de la mer, la terre ¿'Ulietea 6c ¿'Otaha eft montagneufe , entrecoupée 6c irrégulière ; cependant les montagnes nous parurent vertes & agréables, 6c en pluiieurs endroits couvertes de bois. Nous avons expliqué dans le cours de cette narration, en quoi ces Ifles 6c leurs Habitans différent de ce que nous avions obiervé a Otahiti. Nous continuâmes notre chemin fans qu'il nous arrivât rien de remarquable , jufqu'au 13 fur le midi, où nous vîmes terre au S. E. ; 6c Tupia nous dit que c'étoit une Ifle appellée Oheteroa. Vers les Oheteroa. iix heures du foir nous en étions à deux ou trois lieues , fur quoi je fis petites voiles 6c louvoyai toute la nuit ; le lendemain matin je naviguai vers la terre. . Nous courûmes fous le vent de l'Ifle, en longeant la côte de près , 6c nous vîmes fur le rivage quelques Naturels du pays, qui n'étoient pourtant pas en grand nombre : à neuf heures j'envoyai M. Gore, un de mes J-ieutenans , avec la pinaflè , pour tâcher de débarquer dans flfle 6c de découvrir s'il y avoit un mouillage dans la baie que nous appercevions alors , 6c pour favoir en outre quelle terre gifoit un peu plus loin au Sud. MM. Ba nks 6c Solander accompagnèrent M. Gore dans cette expédition ; & comme ils penferent que Tupia pouvoit leur être utile , ils remmenèrent avec eux. r^rr^. Lorsque le bateau s'approcha de terre, nos Mef-in. 1769. £curs remarquèrent que les naturels du pays étoient armés de grandes lances. Comme ils ne vouloient dé^-barquer qu'après avoir doublé une pointe qu'ils avoient devant eux à peu de diftance, ils fe tinrent le long de la côte , 6c les Indiens jugèrent probablement qu ils leur avoient fait peur. Ils étoient alors rafîemblés au nombre d'environ foixante ; ils suffirent tous iur le rivage, excepté deux qui furent envoyés en avant pour obferver les mouvemens des étrangers du bateau, Ces deux émiilaires marchèrent quelque-tems vis-à-vis de la pinaife , enfin ils fautèrent dans l'eau 6c nagèrent vers elle, mais elle les eut bientôt Iaiilés par derrière. Deux nouveaux Indiens arrivèrent k la nage 6c entreprirent d'aborder de la môme manière , fans pouvoir en venir à bout i un cinquième Infulaire fe mit à courir feul fur la côte, & ayant gagné beaucoup de chemin fur le bateau avant de fauter dans l'eau, il l'atteignit facilement. M. Banks , penfant que c'étoîc une oc-« cafion favorable de gagner la confiance 6c l'amitié de ce peuple qui nous regardoit comme fes ennemis , preífa inutilement M. Gore de le prendre a bord j il fut donc lahTé derrière comme les autres ; ainfi qu'un fixième qui voulut encore fuivre fes compatriotes k la nage. Lorsque le bateau eut doublé la pointe, nos gens s'apperçurent que les nageurs avoient abandonné leur entreprife. Ils rentrèrent dans une grande baie , au fond de laquelle ils découvrirent une autre troupe d'Indiens , ,armés de grandes lances comme les premiers miers ; ils fe préparèrent a débarquer & coururent---- vers la côte , candis qu'une pirogue fe détacha du An^- \76s>-rivage pour venir à leur rencontre. Le bateau celfa de ramer , dès quelle s'approcha de lui , nos gens appellèrent les Indiens, leur dirent qu'ils étoient amis , & que s'ils vouloient venir à bord , on leur donne-mit des clous , qu'on leur montroit pour les attirer. Les Indiens héritèrent pendant quelque tems ; enfin ils s'avancèrent fous la poupe du bateau , & reçurent avec un air de fatisfaction les clous qu'on leur ofîrit. Mais, en moins d'une minute, ils.parurent avoir fornii le deffein d'aborder notre petit bâtiment & de s'en emparer. Trois d'entr'eux fautèrent dedans tout-à-coup , & les autres voulant fuivre leurs compatriotes , rapprochèrent la pirogue que le mouvement du premier en fautant avoit un peu chailée en arrière. Le premier qui entra dans le bateau fe trouva près de M. Banks, & lui arracha une poire à poudre de fa poche. M. Banks le iaifit , & lui reprit avec peine ce qu'il venoit de voler; il lui mit les mains fur la poitrine pour le jetrer dans la mer , mais l'Indien étoit trop fort & conferva fon pofte. L'Officier voulut tirer fon fu fil, mais l'amorce ne prit pas , il ordonna alors à quelques-uns de íes gens de faire feu par-deifus la tete des aifaillans, qui fautèrent dans 1 eau dès qu'ils entendirent les deux premiers coups ; un de nos matelots par foibleffe ou par cruauté , ou par l'un & 1 autre fentiment , aufh un des nageurs & lui tira un troifiçme coup de fu fi ï , dont la balle lui effleura le front i heureufement la bleflure ne fut que * Tome III- E ---------------T légère, car il regagna la pirogue 6c nous parut aufïi Ann. 1769. a¿j.jf & ail(ïj vigoureux que les autres : immédiate-Août. . . . . , .. ment après, la pirogue retourna vers la cote ou il y avoit plus de deux cents Indiens aiîemblés. Le bateau navigua auili de ce côré ; mais il trouva que la terre étoit environnée par tout d'un banc de fable iur lequel Ja mer brifoit avec de fortes lames. L'Officier crut devoir aller en avant le long de la côte , 6c chercher un meilleur endroit de débarquement. Sur ces entrefaites nos gens virent la pirogue aborder à terre , & les Naturels du pays l'entourer en foule pour s'informer des particularités de fentreprife. Bientôt après un feul homme courut le long du rivage , armé de fa lance, 6c lorfqu'il fut vis-à-vis du bateau il fe mit à danier, à agiter fon arme, 6c pouffer des cris d'un ton de voix perçant ; Tupia dit que c'étoit un appel au combat. Le bateau continua à côtoyer le rivage , 6c le champion le fuivit en répétant de la voix & des geft.es fon cartel de défi. L'Officier n'ayant point trouvé de meilleur endroit de débarquement que celui où la pirogue avoit mis à terre, il retourna fur íes pas dans le deifein d'y aborder; il eipéroit que fi ce projet étoit impraticable , les Infulaires viendroient conférer avec lui fur le banc de fable ou dans leur pirogue, 6c qu'il pourroit conclure avec eux un traité de paix. Comme le bateau ramoit lentement le long de la côte , un autre champion s'avança fur le rivage , 6c rép ta le même défi , en agitant fa lance. Sa figure étoit plus formidable que celle de l'autre, il portoit un grand bonnet fait de queues d'oifeau-du-tropique, 6c -fon corps étoit couvert d'une étoffe rayée en jaune, rouge 6c brun. Cet Indien danfa , mais avec plus de légèreté & d'adreffe que le premier ; nos gens voyant ía foupleffe 6c fou habillement, lui donnèrent le nom d'Arlequin. Un homme plus âgé ce plus grave s'avança bientôt fur la côte , 6c s'adreifant aux Anglois du bateau, il leur demanda qui ils étoient 6c d'où ils ve-noient. Tupia qui entendoit le langage de ces Infulaires, répondit que nous venions à?Otahiti ; les trois indiens marchèrent alors paifiblement le long du rivage, jufqu'à un banc de rochers, fur lequel un petit nombre de leurs compatriotes étoient ralfcmblés : ils s'y arrêtèrent, & , après avoir conféré quelques niinu-tes entr'eux, ils fe mirent tous à prier d'une voix très-forte , Tupia qui répondoit, perfifta toujours a. dire qu'ils n'étoient pas nos amis. Quand leur prière, ou comme ils l'appellent leur poorah fut fini, nos gens entrèrent en conférence avec eux, 6c leur annoncèrent que s'ils vouloient mettre bas les lances 6c les mafliies , dont quelques-uns étoient armés, nous irions à terre 6c achèterions tout ce qu'ils voudroient nous apporter. Ils y confentirent pourvu que nous «mittaiîions nos fufils : quelque équitable que paroifle cette condition, nous ne pûmes pas y fouferire, 6c les deux partis n'aillent point été égaux , puisqu'ils nous furpailbient de beaucoup en nombre. La négociation fembla finir ici, mais bientôt ils le hafardèrent à aller plus près du bateau, 6c enfin ils en approchèrent affez pour faire des échanges. Ils vendirent tranquillement une petite E ij Ann A( 1 quantité de leurs étoffes & quelques-unes de leurs ar-Ann. 1769, mes; ils dirent que fi nous voulions avoir des proviiions , il falloir parler à travers d'un canal étroit ôc débarquer à terre; nos gens du bateau examinant toutes les circonstances ne crurent pas qu'il fût prudent de former cette entreprife \ ils quittèrent donc les Indiens & s'en revinrent. Le vaifTeau & le bateau avoient fait alors le tour de l'Ifle ; nous ne trouvâmes ni havre ni mouillage , & connoiífant d'ailleurs que ce peuple étoit difpofé à nous attaquer , ii étoic impoiîible de débarquer fans répandre du fang; je réfoîus de ne point aller a terre, puifque je n'avois aucun motif qui pût me juflifier de courir un femblable rifque. La baie dans laquelle entra le bateau eff fituée fur le côté occidental de 1*1 île , le fond étoit de roches , mais feau étoit fi claire , qu'on voyoit dans la mer à 2*J braifes de profondeur , c'eft-à-dire, à cent cinquante pieds. Cette lile gît au 22a 27' de latitude S. , & au i^od 47' de longitude O. du méridien de Greenwich. Elle a treize milles de circonférence ; elle eft plutôt élevée que baffe , mais elle n'eft ni peuplée ni fertile en proportion des autres que nous avons vues dans ces mers : il nous parut que l'arbre appelle par les Naturels du pays Etoa , & dont ils font leurs armes , eft la principale production du pays ; nous en vîmes pluiieurs plantations fur la côte qui n'eft pas environnée d'un récif, comme celle des liles voi- ! fines. Les Infulaires font vigoureux , bien faits , & un peu plus bruns que ceux que nous venions de quitter. Ils ont fous les aifelles des marques noires aufîi larges que la main , & dont le contour eft formé par une ligne dentelée; ils portent aufTi autour des bras & des jambes des cercles de la même couleur , mais moins larges; ils n'ont point d'autres marques ou figures fur le refte du corps. Leur vêtement, ainfi que l'étoffe dont il eft corn* pofé , étoit très-différent de ceux que nous avions vus jufqu'alors ; la matière première de cette étoffe eft la même que celle dont les habitans des autres Ifles forment leur habillement. La plupart de ces étoffes que virent nos gens du bateau, étoient teintes en jaune foncé, brillant, & enduites en-dehors d'une efpèce de vernis rouge ou couleur de*, plomb fombre : fur cette première couche ils avoient peint avec une régularité étonnante des raies de différens' deifins , allez fem-blables à nos foies rayées. L'étoffe peinte en rouge étoit rayée de noir , & celle qu'ils avoient peinte en couleur de plomb , étoit rayée de blanc. Leur habit eft une jaquette courte qui defeend julqu'aux genoux , il eft d'une feule pièce d'étoffe , & n'a d'autre façon qu'un trou au milieu , dont la bordure eft coufue à grands points : c'eft la première fois que nous reconnûmes chez les Infulaires de la mer du Sud fufage d'une efpèce d'aiguille; ils paffent leur tête dans ce trou, & les portions d'étoffe qui pendent devant & derrière Ann. 17í-9. Août. r—i-—L7=z font affujetties fur le corps avec une pièce ou ceinture Ann. 1769. d'étoffe jaune, qui, tournant d'abord autour du col, fe croife fur la poitrine 6c retombe du côté des reins en forme de ceinture ; cette première ceinture en cou-vroit une autre d'étoffe rouge ; cet habillement avoit quelque choie d agréable 6c de militaire. Quelques-uns des Indiens avoient des bonnets de plumes d'oifeau du-tropique , comme nous l'avons deja dit , 6c d'autres porcoient autour de leur tète une pièce d'étoffe blanche ou couleur de plomb , en forme de petit turban : nos gens jugèrent que c'étoit la partie de leurs ajuf-temens qui leur iiéoit le mieux. Leurs armes font de grandes lances faites cVEtoa, bois très-dur : elles font bien polies 6c aiguifées à l'un des bouts ; quelques-unes ont près de vingt pieds de long, fans avoir plus de trois pouces de groifeur ; ils portent aufli un autre arme d'environ fept pieds de long, faite du même bois, 6c qui eft tout à la fois un gros bâton 6c une pique : elle eft polie 6c aiguifée en large pointe , comme la première. Lorfqu'ils s'attaquent les uns les autres, afin de fe mettre à l'abri de ces armes , ils placent deffous leurs vêtemens, depuis le col jufqu'à la ceinture, plufieurs nattes qui leur fervent de cuiraffes : ces armes ne peuvent pas faire autant de mal que celles de la même efpèce , que nous avons vues dans les autres liles ; ces dernières font garnies à la pointe d'un os de paftenade, 6c les piques font beaucoup plus pefantes. Cependant les autres inftrumens ou ouvrages que nous avons apperçus dans cette lile , font fupérieurs dans leurs genres à ceux apitaine C o o k. 39 que nous avions vus ailleurs -, la teinture de l'étoffe eft -~*™-—-dune meilleure couleur, & elle eft peinte avec plus jj*^* de propreté & de goût ; les mailùes font mieux taillées 6c mieux polies : la pirogue qui s'approcha du bateau , quoique petite , étoit chargée de plus d'or-nemens 6c la fculpture plus belle ; entr'autres décorations , nous y remarquâmes un petit cordon de plumes blanches , qui pendoit en dehors de la poupe 6c de la proue , 6c qui étoit entièrement mouillé par l'écume de la mer. Tupia nous dit qu'entre le Sud 6c le N. O. , il y a pluiieurs Ifles a différentes diftances de celle- ci, 6c qu a trois jours de voile, au N. O., on trouve une Ifle appellée Manua , Ifle de UOifcau ; il paroiifoit cependant délirer plutôt que nous portaf-iions à POueft , pour examiner pluiieurs Ifles qui lont dans cette direciion , 6c qu'il avoit viíitées \ il ajouta qu'il avoit mis dix ou douze jours à y aller , 6c trente à revenir , quoique le Pahie fur lequel il fit ce voyage, marchât beaucoup plus vite que le vaiifeau. J'ai beaucoup de raifons de fuppofer que fa pirogue faifoit quarante lieues par jour, 6c que parconféquent il avoit traverfé quatre cens lieues en dix jours pour y arriver : je compte que les Ifles de Bofcawcn 6c de Keppel y découvertes par le Capitaine Wallis , à l'Oueft à UUctea , nous reftoíent alors à cette diftance , 6c parconféquent que Tupia vouloit nous en parler ; il nous dit aulfi que la plus méridionale des Ifles qu'il connoiflbit étoit fituée à deux jours de voiles d'Ote-roah y oc étoit appellée Moutou ; que fon pere cependant lui avoit appris quii y avoit d'autres Ifles au Sud de celle-ci : tout examiné, je réiolus de gouverner vers le Sud , pour tâcher de découvrir un Continent, & de ne plus perdre de tems k chercher & viiiter des liles , à moins que nous n'en trouvailions dans notre chemin. CHAPITRE 34 4- io 4* 30 téf 4S 3p i '9 2 ig 44 3p i* 4S 3p 1$ 4-5 3p Ii, 4S 30 15 Ì8 30- 30 he la Mo uyiDLL e _ Xeea ne> e visitée en J7Cp &tri7fo par le f2eu±enant J. CooK Co m m ancfirit ~de Uejvdeavour /'<(i/seau ile die t i/a/es/e' Carte VO N Ne l/_ Se e la atd liiclcket tn denJaAren i7 //./.y.'v:» riacA £¿tt$fcrn itti . Der unwllendeée oder tltcAir CUtsaezeccAfietie '/A eie' der/A^ilfte tst oAn unter/ii.À / a, //ien. t. O rte w daó dcAtJ/r ijeankerxrhaut A.Tel/en ûAer de m Ufas fer +*+-Fè//en unter dem Ùa^rfer JS.r ¿edeatvtr die Ctéteet.//////./ •/.'/•. Mju/ne&^iAâdtd nacA ùraden unddliniut-en lerecAnetr. Die ItiUA drtnj/t~ wn dtïden Aer ¿n Coo£s dtTOSfí' ein iftroAmet-JeAr r^isfend und ùrt~ ,' JírJl*23:¿St : :le¿ %M2>.í2o¿<> Cap María ran D/emems ; I 6b ,at (^Chanuau) 5L \ A°V, ^ 3 ^ ,?oor InipA-tt (arme Xítícr) ' ' à* pauvres OtevcUierw 18 2 18 40 2>p 15 *fi 30 EXFLI CATION *Ce¿ Li^mesToni-lrtees montrent ¿a route c¿u. Taiirscua ¿t ¿es CAi^re^¿aprofòridettr c¿e ¿Eau mesurée par A ras Jes. L,aparéte c¿e ¿a Coteyui nea-tpas acAevee nap>oint~efe vùvéce i Endroits ou mout¿¿a ¿e VaÙSCeUL, K^ocAcrs au dessus de ¿JLcul. ^^ocners au, dessous de l'Eau. ~Var. destcpie ¿a. Tur* etti on de ¿i4ujrui¿¿e mesttre'e par 2)&jrês etpar "TTlirtuies Le Flot-venané du Jud entre avec ^force dans ¿e!Z>e'¿rottr de Cook et la Trtareey es Aaute sur /es onze heures dans ¿espleines et leó neutre//es •ff n es. 34 --:io CHAPITRE IL Paffàge íTOceroah à la Nouvelle-Zélande. Incident qui furvinrent lorfqu'on fut débarqué , & tandis que le vaiffeau mouilloit dans la Baie de Pauvreté. Nous mîmes a la voile cVOteroak, le 15 Août, & ' ULJ""" le Vendredi , 25 , nous célébrâmes l'anniverfaire de AN^oVt69" notre départ de l'Angleterre , en tirant un fromage de Chefler d'un tiroir , où il avoit été foigneufement renfermé pour cette occafion , & en même-tems nous mîmes en perce un tonneau de bière forte , qui fe trouva excellente. Le 29 , un des matelots s'enivra , au point qu'il en mourut le lendemain au matin : nous apprîmes que le Boifeman , dont il étoit faide, lui avoit donné par pure complaifance une partie d'une bouteille de rum. Le 30 nous vîmes la comète ; a une heure du matin elle étoit un peu au-deiïûs de l'hòrifon , dans la partie orientale du Ciel : vers les quatre heures & demie elle paila fur le méridien , & fa queue formoit un angle de 42 degrés. Notre latitude étoit de 38 <* 20' S. & notre longitude, fuivant notre eítime, de 147 a 6 ' O. La variation de l'aiguille, par l'azimuth , étoit de 7 f o' E, Tupia, qui obferva aulfi la comète, s'écria fur le champ qu'auffi-tot qu'elle feroit appercue par les Tome IIL * F g-*-"*-^— habitans de Bolabola , ils iroient tuer ceux tfUlk-Ann. 1769. ¿ea f lefquels s'enfuieroient avec précipitation dans les montagnes, Septemb. Le premier Septembre, étant par 40a 22' de latitude S. & 174 e1 29' de longitude O. , ne voyant aucune apparence de terre, & ayant des groifes lames de l'Oueft avec des coups de vent très-forts, je virai de bord , & portai de nouveau au Nord , dans la crainte que nos voiles & nos agrès ne reçuifent quelque dommage qui nous empêchât de pourfuivre notre voyage. Le lendemain les coups de vent étant toujours forts dans la partie de l'Oueft, je mis en panne, portant le cap au nord ; mais le 3 , au matin , le vent devenant plus modéré , nous étendîmes la grande voile, mîmes celle du perroquet, & boulinâmes à l'Oueft. Nous continuâmes cette route jufqu'au 19 ; notre latitude étant ce jour-là de 29 d & notre longitude de 1^9 d 29' , nous obfervâmes que la variation de l'aiguille étoit de 8 d 32' ; & le 24, étant par 33 d 18 ' de latitude, & ii^á ^i' de longitude , nous vîmes quelques herbes marines, & une pièce de bois couverte de bernacles : la variation étoit alors de nod 48; Eft. Le ^7 3 étant par 28 d 59' de latitude, & 169** «5 de longitude, nous vîmes un veau marin endormi fur l'eau , & pluiieurs paquets d'herbes marines ; le lendemain nous apperçûmes encore une plus grande quantité d'herbes marines, & le 29 nous vîmes un oifeau que nous jugeâmes être un oiieau de terre , & qui ref- fcmbloit un peu k une bécailine ; mais il avoit le bec ■— coure Le premier Ottóbre nous vîmes une quantité Aq¿^j£ innombrable d'oifeaux, & un autre veau marin, dormant' au-deifus de l'eau : c'eft une opinion générale que les veaux marins ne s'éloignent jamais beaucoup de terre , & ne fe voient que dans les lieux où la fonde trouve fond ; mais ceux que nous vîmes dans ces mers prouvent le contraire ; il eft vrai , cependant, que les herbes marines étoient une indication fûre que la terre n'étoit pas éloignée. Le lendemain nous eûmes du calme , ¿v nous mîmes le canot dehors , pour fonder s'il y avoit un courant, mais on n'en découvrit aucun. Notre latitude étoit de 37* io', & notre longitude de 172 d «54' O. Le 3 , étant par 36 d ^6' de latitude, & 173 d 27' de longitude, nous vîmes encore plus de Goémons , & un autre morceau de bois couvert de bernacles, Le lendemain nous apperçûmes deux autres veaux marins, 6c un oifeau brun, à-peu-près auili gros qu'un corbeau, & ayant fous l'aîle quelques plumes blanches. m. Gore nous dit que cette efpèce d'oifeau étoit très-nombreufe dans le voifinage des Ifles Falkland, & nos gens donnèrent le nom de Poulcni du Port Egmont. Le 5 nous crûmes voir changer la couleur de l'eau, mais nous ne trouvâmes point de fond a 180 braifes de fonde ; le foir du même jour la variation étoit de 12 d 50' Eft; & tandis que nous fîmes neuf lieues, elle augmenta juiqua 14 d 2'. Le lendemain , G Ociobre, nous vîmes rerre de la F ij m**—~*Z* grande hune à I'O. -\- N. O, Nous y courûmes fur le Ann. 1769. cnamp ; vers le foir on pouvoic reconnoître du tillac , O£to re. cetce terre • qui paroiffoit confidérable. Ce jour-la la variation, obfervée par azimuth & par amplitude , étoit de 15 d ú¡ ~E. L'obfervation du Soleil & de la Lune donna pour la longitude du vaiffeau i8od O. Parle réiultat moyen de cette obfervation, & de celles qu'on fit par la fuite , il parut que l'elfi me du vaiiîeau avoit produit une erreur de 3 d iG' de longitude, depuis le départ à'Otahiti; car nous nous trouvâmes à cette dif-tance , à l'Oueft, de la longitude que donnoit le lock. A minuit je mis en panne , & je fis fonder ; mais nous n'eûmes point de fond avec 170 braifes de ligne. Le 7, nous eûmes un calme, & nous ne pûmes approcher de terre que lentement. L'après-midi il s'éleva une petite brife lorfque nous en étions encore k fept ou huit lieues. Cette terre nous parut plus grande à mefure que nous la vîmes plus diftinéternent ; elle avoit quatre ou cinq lignes de colines, s'élevant l'une au-deflus de l'autre, & par-dcffus une chaîne de montagnes qui nous parurent d'une énorme grandeur. Cette découverte donna lieu à beaucoup de conjectures ; mais l'opinion générale étoit que nous avions trouvé ce qu'on a appelle Terra Aujìralis incognita. Vers les cinq heures , nous vîmes l'ouverture d'une baie qui nous parut s'enfoncer aifez loin dans l'intérieur; nous y portâmes fur le champ. Nous apperçûmes auiîi de la fumée qui s'élevoit de différentes parties de la côte. La nuit étant venue, nous louvoyâmes jufqu'à la pointe du jour du lendemain , où nous nous trouvâmes fous le vent de la baie , le vent étant au Nord. Nous ^a^f' remarquâmes alors que les collines étoient couvertes de bois , & qu'il y avoir dans les vallées de très-gros arbres. A midi nous voulûmes entrer dans la baie par la pointe qui eft au S. E. ; mais n'ayant pas pu la doubler, nous virâmes de bord & reprîmes le large. Nous appercûmes pluiieurs pirogues qui fe tenoient en travers de la baie , & qui bientôt gagnèrent le rivage fans paroi tre faire aucune attention au vaiffeau. Nous découvrîmes aufli quelques maifons , petites, mais propres; & près d'une de ces maifons, un grand nombre d'habitans raffemblés qui étoient aííis fur la grève , 6c qui étoient, à ce que nous crûmes, les mêmes que nous avions vus dans les pirogues. Sur une petite péninfulc fituée a la pointe N. E. , nous appercûmes diftinclement une paliffade haute & régulière qui entouroit tout le fomniet d'une colline, & qui fut auih* le fujet de beaucoup de raifonnemens & de fpéculations : les uns jugeoient que c'étoit un parc de dains , & les autres un enclos pour des bœufs & des moutons. Vers les quatre heures après-midi nous jettâmes l'ancre fur le côté.N. O. de la baie, au-devant de l'entrée d'une petite rivière , & à environ une demi-lieue de la côte, ayant 10 brailès d'eau fur un bon fond de fable. Les côtés de la baie font formés de roches blanches fort hautes. Le milieu eft une terre brune avec des colmes , s'élevant par degrés les unes derrière les autres, & fe terminant k la chaîne de montagnes dont == nous avons parlé, ¿k qui paroilToient être fort avan-" I769' cées dans Vintérieur. tobre. Le foir j'allai à terre avec MM. Banks & Solander dans la pinaffe & l'efquif, montés par un détachement de l'équipage. Nous débarquâmes en face du vaiffeau , fur le côté oriental de la rivière, qui avoit en cet endroit environ quarante verges de large ; mais comme j'apperçus fur la rive occidentale pluiieurs habitans à qui je voulois parler , & la rivière n'étant pas guéable , nous la pailàmes dans l'efquif en laiifant la pinaffe à l'entrée. Lorfque nous approchâmes k l'endroit où les Naturels du pays étoient aifemblés, ils s'enfuirent tous : cela ne nous empêcha pas de defcen-dre a terre, & après avoir laiifé l'efquif a la garde de quatre moufles, nous marchâmes vers des huttes qui étoient à environ deux ou trois cents verges du bord de la rivière. Dès que nous fûmes k quelque diflance du bateau , quatre hommes armés de longues lances fortirent des bois & coururent vers l'efquif, qu'ils au-roient certainement enlevé, ii ceux de nos gens qui étoient reflés dans la pinaife ne les euifent découverts & n'euffent crié aux moufles de fe laiffer aller au courant, ce que ceux-ci firent fur le champ; mais comme ils étoient pourfuivis de près par leurs quatre ennemis, le maître de la pinaife qui avoit l'infpecf ion des bateaux , tira un coup de fuíil par-deifus la tête de ces Indiens, qui s'arrêtèrent alors en regardant autour d'eux; mais dans quelques minutes ils recommencèrent leur pourfuite en agitant leurs lances d'une manière menaçante. Le maître de la pinaffe tira un fécond coup de fuiil fur leurs têtes ; mais loin d'en — être effrayés, l'un d'eux leva fa pique pour la lancer q&Jw! fur le bateau ; alors un troiiième coup de fufil retendit mort fur la place. Ses trois compagnons , en le voyant tomber, reitèrent quelques minutes fans mouvement > comme s'ils euflent été pétrifiés ; ils reprirent bientôt leurs fens & fe mirent a retourner fur leurs pas en traînant avec eux le corps de leur camarade ; mais ils furent obligés de l'abandonner bientôt après ; afin de ne pas rallentir leur fuite. /Au bruit du premier coup de fufil, nous nous raf-femblâmes , car nous nous étions un peu écartés les uns des autres. Nous marchâmes vers le bateau , & rraverfant la rivière, nous vîmes bientôt l'Indien étendu mort fur la terre. En examinant le corps nous trouvâmes que la baie lui avoit percé le cœur. C'é-toit un homme d'une itature moyenne; il avoit le tein brun fans être trop foncé, & un des côtés de fon vi-fage étoit peint en lignes fpirales très-réguliérement deilînées. Il étoit vêtu d'une belle étoffe, fabriquée d'une maniète qui nous étoit inconnue, & arrangée exactement comme la figure qu'on trouve dans la relation du Voyage d'Abel Taf man , par Valentin, 3. feconde part. pag. <;o, Ses cheveux étoient auffi noués fur le Commet de la tête, mais fans aucun ornement de plumes. Nous prîmes le parti de retourner fur le champ au vaiffeau, d'où nous entendîmes les habitans, qui étoient revenus fur le rivage, parler avec beaucoup de chaleur & de force, vraifemblablement de ce qui venoit de fe palfer 6c de ce qu'il y avoit à faire. - Le 9, au matin, nous vîmes pluiieurs Indiens dans OaiT*9" ^ mêrne en^ro^c ou ^s étoient raiîemblés la veille ; quelques - uns marchoient fort vite vers le lieu où nous avions débarqué; la plupart étoient fans armes, mais trois ou quatre portoient à la main de longues piques. Comme je deiirois d'établir un commerce avec eux, je fis équiper trois bateaux montés par des foldats de marine & des matelots. J'y montai avec MM. Banks , Solander & Tupia , nous nous avançâmes l'ers la côte ; environ cinquante Indiens paroiifoient attendre que nous defeendiffions ; ils étoient ailis fur Je bord oppofé de la rivière , ce qui nous parut un ligne de crainte. Je débarquai d'abord accompagné feulement de MM. Banks, Solander & Tupia , & nous marchâmes vers les Indiens. Dès que nous eûmes fait quelques pas, ils fe levèrent tous avec vivacité, ayant chacun pour arme, ou une longue pique, ou un infiniment de talc verd, très-bien poli, d'environ un pied de long & allez épais pour pefer quatre ou cinq livres. Tupia leur parla dans la langue d'Otahiti, mais ils ne. lui répondirent qu'en agitant leurs armes & en nous faifaut figne de nous éloigner. Nous tirâmes alors un coup de fYifil a quelque diftance d'eux; la baie tomba dans la rivière , qui étoit encore entre nous. Ils s'en apper-çurent & cefsèrent leurs menaces ; mais la prudence nous engagea â nous retirer juiqu'â ce que les foldats de marine fu fient débarqués , ce qui fe fit fur le champ. Ils marchèrent, ayant à leur tête un drapeau déployé , jufqu'à environ cinquante verges de la rivièra Après les avoir rangés en bataille, je m'avançai de nouveau vers les Indiens, accompagné de MM- Banks f Solander Solander, Green 6c Monkhoufe 6c de Tupia. Ce-lui-ci leur parla de nouveau , & nous vîmes avec Q^J^f' grand plaifir qu'il fe faifoit entendre parfaitement. Ces peuples 6c lui parloient deux dialectes de la même langue. Il leur dit que nous délirions de feau 6c des proviiions , 6c que nous leur donnerions en échange du fer , dont il leur expliqua l'ufage du mieux qu'il put. Us répondirent qu'ils vouloient bien trafiquer avec nous , 6c que nous n'avions qu'a venir auprès d'eux. Nous y confendmes à condition qu'ils met-troient bas leurs armes , mais c'eft à quoi on ne put jamais les déterminer. Pendant cette converfation Tupia nous avertit d'être fur nos gardes parce qu'ils n'é-toient pas nos amis. Nous les preilâmes à notre tour de venir auprès de nous; à la fin un d'eux fe déshabilla 6c traverfa la rivière à la nage fans armes. II fut fuivi prefque fur le champ par deux autres, 6c bientôt après par la plus grande partie du reite, au nombre de vingt ou trente hommes; mais ceux-ci prirent leurs armes avec eux. Nous leur fîmes à tous des pré-fents de fer 6c de verroterie ; ils ne parurent pas en faire beaucoup de cas , particulièrement du fer dont ils ne concevoient aucunement l'utilité ; de forte que nous n'eûmes en retour que quelques plumes. Ils nous offrirent à la vérité d'échanger leurs armes contre les nôtres , 6c loriqu'ils virent que nous nous y refuiions, ih firent pluiieurs tentatives pour arracher nos fuliîs de nos mains. Dès qu'ils s'étaient avancés vers nous, Tupia nous avoit répété qu'ils n'étoient pas nos amis, 6c nous avoit recommandé plus pofitivement de nous tenir fur nos gardes. Aufli leurs tentatives pour nous Tome JIL G ■"""^ enlever nos armes furent fans fuccès , & nous leur Ann. 1769. fjmes entendre par Tupia , que nous ferions obligés Ottobre. ^ tuer^ svjs çQ p0rtoient encore à quelques violences. Cependant au bout de quelques minutes , M. Green s'érant retourné fans précaution , un Indien lui arracha fon coutelas , & fe retirant à une petite dittante, fe mit à l'agiter autour de fa tête avec des cris de triomphe. Les autres commencèrent alors a montrer beaucoup d'infolence , & nous vîmes en mê-me-tems une nouvelle troupe qui venoit les joindre du bord oppofé de la rivière. Nous jugeâmes alors nécef-faire de réprimer leur audace: M. Banks tira fur celui qui avoit pris le coutelas, un coup de fufil chargé de petit plomb, à la diftance d'environ 13 verges. Le coup lui fit d'abord fufpendre fon cri, mais au lieu de rendre le coutelas, il continua de l'agiter au-defTus de fa tête, ck en même-tems il fe retira lentement à une plus grande diftance. Alors M. Monkhoufe lui tira un coup de fufil chargé à baie qui le fit tomber fur le champ. Le corps principal des Indiens, qui s"étok retiré vers un rocher fitué au milieu de la rivière lorfque nous tirâmes le premier coup de fufil, fe rapprocha en entendant le fécond. Deux Indiens qui étoient près de celui qui venoit d'être tué, coururent vers le corps mort ; l'un fe faiiit de l'arc de talc verd, l'autre voulut prendre le coutelas, & M. Monkhoufe n'eut que le tems de le prévenir. Comme tous ceux qui s'étoient retirés fur le rocher , marchoient alors vers nous , nous tirâmes trois coups de fufil chargés feulement a petit plomb , qui les déterminèrent à regagner l'autre bord k la nage \ & nous nous appcr9uraes y iorfqu'ils furent k terre, que deux ou trois d'entr'cux -— étoient bleifés. Ils fe retirèrent lentement en remon-tant le pays, 6c nous nous rembarquâmes dans nos bateaux. Après nous être affurés, par une fâcheufe expérience , qu'il n'y avoit rien k faire avec les Indiens que nous avions vus en cet endroit ; ayant trouvé d'ailleurs que l'eau de la rivière étoit falée , je pris le parti de ranger le fond de la baie avec les bateaux pour chercher de l'eau douce, 6c pour tâcher de fur-prendre quelques-uns des habitans, dans l'efpérance de gagner leur amitié k force de préfens 6c de bons traitemens , 6c d'établir, par leur médiation, une cor-refpondance amicale avec leurs compagnons. Malheureusement je ne trouvai aucun endroit où je puile débarquer , une houle forte & dangereufe battant par-tout fur la cote ) mais j'apperçus deux pirogues venant du large, dont l'une avoit une voile 6c l'autre alloit a rames. Je crus avoir trouvé une occafion favorable pour me rendre maître de quelques-uns de ces Indiens fans leur faire de mal , attendu que ceux qui étoient dans la pirogue étoient probablement des pêcheurs fans armes , 6c que j'avois trois bateaux remplis de monde. Je difpoiai les bateaux de la manière la plus propre k intercepter les pirogues dans leur route vers la cote ; mais les Indiens qui alloient k rames nous apperçurent bientôt , 6c fe mirent k ramer de toutes leurs forces vers la côte la plus prochaine ; de forte qu'ils nous échappèrent. L'autre pirogue vint avec fa voile jufqu'au milieu de nous , fans diitinguer qui G ii Ottobre. nous étions ; mais au moment où nous fûmes recon-Ann. ï7^9- nilSj les Indiens puèrent leur voile 6c prirent leurs rames, dont ils fe fervirent avec tant d'adreflè & d'agilité qu'ils dépafsèrent bientôt le bateau qui vouloit les couper. Comme ils étoient cependant à la portée de la voix, Tupia leur cria de s'approcher , & leur promit que nous ne leur ferions aucun mal ; mais ils avoient plus de confiance dans leurs rames que dans nos promeifes , 6c ils continuèrent de s'éloigner de nous auiTi vite qu'ils le purent. Je fis tirer alors un coup de fufil par-deifus leurs têtes, & je crus que c'é-toit l'expédient le moins fâcheux pour venir à bout de mon deffein , efpérant que la crainte les forceroit à ïc rendre,ou a fauter dans Peau. Au bruit du coup de fufil , ils cefsèrent en effet de ramer ; ils étoient au nombre de fept, 6c tous les fept commencèrent a fe déshabiller ; nous ne doutâmes pas qu'ils ne fuflcnt difpofés à ie jetter â la mer ; mais il en arriva tout autrement. Ils prirent fur le champ la réfolution , non de fuir, mais de combattre; 6c, lorfque notre bateau s'approcha, ils commencèrent l'attaque à coups de rames, de pierres 6c d'autres armes ofïenfives qu'ils avoient dans leurs pirogues, 6c dont ils fe fervoient avec tant de vigueur que nous fumes obligés de faire feu fur eux pour nous défendre. Malheureuièment il y en eut quatre de tués; les autres, qui étoient de jeunes garçons, dont le plus âgé avoit environ dix-neuf ans, 6c le plus jeune peu-près onze , fautèrent auifitôt dans la mer. Le plus âgé nageoit avec beaucoup de vigueur 5 6c refiifa avec beaucoup de courage èc de force à tous les efforts qu'on fit pour le prendre ; il fut cependant obligé de céder enfin à la fupériorité, & les autres fe laifsèrent prendre avec plus de facilité. A^J' Je ne peux pas me diiîimuler que toutes les ames humaines & fenfibles me blâmeront d'avoir fait tirer fur ces malheureux Indiens, & il me fcroit impoflible de ne pas blâmer moi-même une telle violence, fi je lexaminois de fang froid. Sans doute ils ne mérî-toient pas la mort pour avoir refufé de fe fier â mes promeJfes éc de venir à mon bord , quand même ils n'y euiTent vu aucun danger ; mais la nature de ma communion m'obligeoit à prendre connoiffance de leur pays , & je ne pouvois le faire qu'en y pénétrant à force ouverte , ou en obtenant la confiance & la bonne volonté des habitans. J'avois déjà tenté fans fuccès la voie des préfens ; le defir d'éviter de nouvelles hoftilités m'avoit fait entreprendre d'en avoir quelques-uns à bord, comme Tunique moyen de les convaincre que, loin de vouloir leur faire aucun mal, nous étions difpofés a leur être utiles. Jufques-lâ mes intentions n'avoient certainement rien de criminel ; il eil vrai que dans le combat, auquel je ne m'étois point attendu, notre viefoire eut pu être également compiette fans ôter la. vie à quatre de ces Indiens; mais il faut confidérer que dans une femblable fituation , quand Tordre de faire feu a été donné, on n'eft plus le maître d'en preferire m d en modérer les effets. -Des que les trois jeunes Indiens, que nous avions tirés de 1 eau , furent dans le bateau , ils fe jettèreoc par terre s'attendant fuis doute k être mis à mort (iule champ : nous noils bâtâmes de les ralfurer autans qu'il nous fut poffible ; nous leur fournîmes des habits & leur donnâmes les témoignages de bonne volonté les plus propres à diiîiper leurs craintes 6c à. gagner leur confiance. Ceux qui connoifTent la nature humaine ne feront pas étonnés que la douleur que dévoient reffentir ces jeunes fauvages de la perte de leurs parens , qui venoient de périr fous leurs yeux , ait fait place tout-à-coup à la joie extrême qu'ils éprouvèrent en fe voyant délivrés des terreurs d'une mort qu'ils croyoient certaine , 6c traités avec bonté par ces mêmes hommes qu'ils regardoient comme leurs bourreaux. ; leur joie fe peignit avec la plus grande expreííion fur leurs vifages & dans tous leurs mouve-mens. Avant même que nous enflions gagné le vaiffeau, leurs foupçons 6c leurs craintes étoient entièrement difiipés ; non-feulement ils paroiiToient déjà accoutumés à leur fituation , ils étoient même fort gais ; 6c lorfqu'on leur offrit du pain , ils le mangèrent avec un appétit vorace. Ils firent pluiieurs queftions avec beaucoup de curiofité , 6c répondirent volontiers aux nôtres ; quand notre dîner fut fervi , ils montrèrent le défir de goûter de tout ce qu'ils voyoient : le porc falé fut de tous les mets que nous avions fur la table , celui qui leur parut le plus agréable. Après le folcii couché, ils firent un autre repas avec le même plaifir ; chacun d'eux mangea une grande quantité de pain 6c but plus d'une quarte d'eau. Le foir on leur dreflà des lits , 6c ils allèrent fe coucher très - fatisfaits en apparence de leur état. Cependant l'agitation de leurs efprits s'étant un peu calmée pendant la nuit, & ayant fait place à la réflexion , on les entendit fouph"er fou- vent & très-haut. Tupia qui étoit près d'eux pour les obferver, fe leva & fut ii bien les confoler & les en- q^J courager, qu'il leur rendit non-feulement la tranquillité, mais même la gaité ; au point qu'ils fe mirent à chanter une chanibn avec un goût qui nous furprit : l'air en étoit lent & grave comme ceux de nos pfeau-mes, & contenoit pluiieurs femi-tons. Ces jeunes Indiens avoient une phyiionomie pleine d'intelligence & d'expreifion ; le fécond , qui paroiifoit avoir environ quinze ans , avoit un air ii ouvert & des manières ii aifées , qu'il étoit impofhbie de n'en être pas frappé. Nous apprîmes que les deux plus âgés étoient frères , que leurs noms étoient Eaa-hourange Ôc Koikerangc , ôc que le plus jeune s'appelloit Maragovete, En retournant au vaiffeau, après avoir pris ces jeunes gens dans le bateau, nous trouvâmes un très-gros morceau de pierre-ponce qui flottoit fur l'eau ; indication certaine qu'il y a ou qu'il y a eu un volcan dans le voiiinage. io au matin, nos prifonniers nous parurent très-joyeux, & firent encore un énorme repas; après quoi nous les habillâmes, & les parâmes de bracelets éc de colliers à leur manière. Je fis mettre enfuite dehors le bateau , & on leur dit que nous allions les mener à terre : cette nouvelle leur caufa un tranfport de joie ; mais lorfqu'iîs s'apperçurent que nous dirigions notre route vers l'endroit où nous avions débarqué d'abord près de la rivière , leur phyiionomie s'obicurcit fur ■■' le champ , & ils nous prièrent avec les plus grandes Ann-1769. inftances de ne pas les deicendre en cet endroit, parce wp ' que c'étoit , nous dirent-ils , l'habitation de leurs ennemis, qui les tueroientcx les mangeroient : ce contre-rems m'embarraiTa beaucoup ; j'avois cfpéré que le retour & les récits de ces jeunes Indiens nous procu-reroient un accueil favorable de la part de leurs compagnons. J'avois déjà envoyé à terre un Officier avec les foldats de marine & un certain nombre de matelots pour couper du bois , & j'étois déterminé a débarquer près du même endroit. Mon intention n'étoit pas d'abandonner les jeunes Indiens fur la côte, s'ils avoient envie de refier avec nous , mais d'envoyer le foir au bateau avec eux vers cette partie de la baie qu'ils nous montroient comme étant leur habitation. M. Banks , le Docteur Solander & Tupia étoient avec moi ; lorfquc nous eûmes débarqué & traverfé la rivière , nos Indiens montrèrent d'abord de la répugnance à nous quitter; mais changeant jtqut-a-çoup de fentiment, ils prirent enfin congé de nous , non fans avoir l'air de faire quelques efforts & fans répandre des larmes. Lorfqu'ils furent partis , nous marchâmes le long d'un marais dans le deifein de tuer quelques canards, dont il y avoit un nombre prodigieux ; quatre foldats de marine étoient en face de nous fur une élévation qui dominoit le pays. Lorfque nous eûmes fait environ un mille, nos foldats nous appelèrent, ôc nous dirent qu'ils appercevoient un corps considérable d'Indiens marchant à grands pas vers nous. 4I cetre nouvelle nous nous raifemblâmes & prîmes le parti parti de regagner les bateaux le plus vite que nous pourrions. A peine nous étions-nous mis en marche , Aoûobre9' que les trois jeunes Indiens forcirent brufquement de quelques brouffailles où ils s'étoient cachés, & vinrent réclamer notre protection : nous les reçûmes volontiers , & nous marchâmes en diligence vers nos bateaux. Les Indiens étoient partagés en deux corps: l'un marchoit le long de la hauteur que nos foldats de marine avoient quittée, l'autre tournoit le marais, de manière que nous ne pouvions pas fappercevoir. Lorf-qtfils virent que nous nous étions formés en un feul corps, ils ralentirent leur marche , mais en nous fui-vant toujours d'un aifez bon pas : ce fut une circonf-tance audi heureufe pour nous que pour eux : car , lorfque nous fûmes arrivés fur le bord de la rivière , où nous efpérions trouver les bateaux qui dévoient nous tranfporter vers les coupeurs de bois, nous vîmes la pinaife à un mille au moins de fa ftation , parce qu'elle avoit été ramaifer un oifeau qu'un Officier avoit tué du rivage de forte que le petit canot fut obligé de faire trois voyages pour nous tranfporter fuccefli-vement de l'autre côté. Dès que nous fûmes tous raf-femblés, les Indiens arrivèrent k l'autre bord, non en corps comme nous nous y attendions, mais par pelotons de deux ou trois ; ils étoient tous armés , & en très-peu de tems ils fe trouvèrent au nombre de deux cens. Comme nous ne pouvions efpérer de faire aucune paix avec eux, puifque la crainte de notre niouf-queterie ne leur en impofoit pas & que le vaiffeau Jome III. H whwubw; étoit trop loin pour atteindre au lieu où ils étoient Ann. 1769. avec je canon, nous aimâmes mieux nous rembarquer que de nous engager dans une nouvelle querelle, qui auroit coûté encore la vie à pluiieurs de ces Indiens» Nous nous avançâmes donc au-devant de la pinaife qui revenoit alors vers nous ; un de nos jeunes Indiens fe mit à crier tout-k-coup que ion oncle étoit un de ceux qui marchoient vers nous , Se qu'il defiroit d'avoir une entrevue avec nous ; nous y confentîmes, & bientôt il s'établit une conférence entre ces Indiens & Tupia; pendant ce tems-lk nos jeunes prifonniers leur montroient tous les préfens que nous leur avions faits, comme des gages de notre libéralité Se de nos bonnes difpofitions ; mais ce fut envain qu'ils s'invitèrent mutuellement k paffer la rivière à la nage, aucun des Indiens ni des trois jeunes gens ne voulut s'y hafarder. Le corps de celui qui avoit été tué la veille , étoit refté expofé fur le rivage; nos jeunes Indiens le voyant affez près de nous , y allèrent Se le couvrirent de quelques-uns des vêtemens que nous leur avions donnés; & bientôt après un homme feul & défarmé,qui fe trouva être l'oncle de Maragovete , vint à la nage de notre côté , tenant à la main une branche verte, que nous regardâmes comme un fymbole de paix. Nous reçûmes ce rameau des mains de Tupia , k qui il le remit ; nous lui fîmes pluiieurs préfens ; nous l'invitâmes auíH à venir à bord du vaifleau , mais il le refufa , & nous nous éloignâmes. Nous croyions que fon neveu Se fes deux camarades refteroient avec lui; mais, à notre grande furprife, ils aimèrent mieux nous accompagner. *gg*> Lorsque nous nous fûmes retirés , l'Indien alla cueillir une autre branche verte, & la portant dans fa main, il s'approcha du corps mort que les jeunes fau-vages avoient couvert d'une partie de leurs vêtemens ; il marcha quelque tems autour de ce cadavre en faifanc différentes cérémonies , & finit par jetter près de lui la branche qu'il tenoit ; après quoi , il retourna vers fes compagnons qui étoient reftés aifis fur le fable pour obfcrver fiifue de fa négociation : ils fe raifemblèrent fur le champ autour de lui , ôc reitèrent attroupés pendant plus d'une heure , fans paroître faire aucune attention a. nous. Nous étions plus curieux , ôc nous les obfervions du vaiffeau avec nos lunettes ; nous en vîmes quelques-uns traverfer la rivière fur une efpèce de radeau , ôc quatre d'entr'eux emportèrent le corps fur lequel on avoit fait les cérémonies qu'on vient de décrire. Ils laifsèrent l'autre cadavre dans l'endroit où il étoit. Apre s-d i n e r , je dis à Tupia de demander aux jeunes Indiens s'ils avoient encore quelque répugnance à defcendre dans l'endroit où nous avions laiffé l'oncle du plus jeune , l'enlèvement du corps mort nous paroiflànt une ratification de la paix : ils répondirent qu'ils y defcendroient volontiers ; on équipa un bateau ; ils y fautèrent avec beaucoup d'empreife-ment, ôc lorfque le bateau fut à la côte , ils y débarquèrent fans héficer ;"a peine eut-il repris la route du vaiffeau qu'ils revinrent vers les rochers en entrant H ij LL'Lü]_____dans l'eau , & prièrent inftamment nos gens de les re- Ann. 1769. prendre à bord, mais il y avoit des ordres pofitifs de Ottobre. v 1 - V ne pas les recevoir. Nous obfervions avec beaucoup d'attention ce qui fe paifoit fur le rivage, & nous vîmes bientôt un Indien paifer la riviere fur une autre radeau, & prendre nos trois prifonniers pour les mener à un endroit où quarante à cinquante des habitans étoient raffemblés ; ceux-ci entourèrent les trois jeunes gens 6c réitèrent dans la même place jufqu'au couché du folcii. Enfin , quand nous les vîmes en mouvement, nous diftinguâ-mes nettement nos trois prifonniers qui fe féparèrent des autres, vinrent fur le rivage, & après avoir agité leurs mains trois fois du côté du vaiiîeau , coururent avec viteffe rejoindre leurs compagnons. Ils marchèrent tous vers le canton que les jeunes Indiens nous avoient montré comme étant la réfidence de leurs ennemis ; mais nous eûmes lieu de croire qu'il ne leur arriveroit aucun mai, attendu que nous les vîmes partir avec les habits que nous leur avions donnés. Lorsqu'il fut nuit, nous entendîmes, comme de coutume , de grands cris fur le rivage au fond de la baie ; mais nous ne pûmes jamais deviner quel en étoit l'objet, =====-^jiP---=====%« CHAPITRE III. Defcrtption de la Baie de Pauvreté. Afpccl du Pays adjacent. Traverfée de-là au Cap Turnagain & à Tolaga. Description du Pays & de fes Habitans. Plufieurs incidáis qui nom arrivèrent fur cette partie de la Côte. JLie lendemain au matin , II., nous levâmes l'ancre à ~~ fix heures , & nous quittâmes ce canton miférable , O^Jbrei" que les Naturels du pays appellent Taoneroa ou grand Sable , & auquel je donnai le nom de Baie de Pauvreté , parce que de toutes les chofes dont nous avions befoin , nous ne pûmes y trouver qu'un peu de bois, Cette baie eft fituée au 38 d 42' de latitude S. , & au 181 d 36' de longitude O. ; Elle a la forme d'un fer k cheval , & on peut la reconnoître au moyen d'une Ifle qui en eft tout près , au-deffous de la pointe N. E, Les deux pointes qui en forment l'entrée font élevées & de roches blanches & efearpées : elles gifent k une lieue & demie ou deux lieues N. E. {- E., & S, O- ir O. Pune de l'autre. La baie préfente un bon mouillage , par ^ à n braffes fond de fable , mais elle eft ouverte au vent entre le Sud & l'Eft ; dans un bon tems les bateaux peuvent y entrer & en íortir à tous les^inftans de la marée ; mais comme il y a une barré k l'entrée, ils ne peuvent ni entrer ni forcir lorfque la ■■■ mer eft groffe. Le côté du Nord eft le meilleur en- Ann 1^9« droit pour l'attaquer , & il eft toujours poiiibîe d'y Ottobre. entrer Iorfque cela eft impraticable par les autres côtés. La côte de la baie , un peu en dedans de ion entrée, eft une terre bailé 6c fablonneufe ; la furface du pays à peu de diftance par derrière , eft agréablement coupée par des collines ôc des vallées couvertes par - tout de bois & de verdure. Ce canton nous parut être bien peuplé, fur tout dans les vallées qui font au haut de la baie : la vue s'étendoit fort loin, jufquà des montagnes d'une hauteur prodigieufe ; ôc dans tout cet efpace , nous appercûmes chaque jour une grande quantité de fumée s'élever en nuages. J'appellai la pointe S. O. de la baie Cap du Jeune Nick y du nom de Nicolas Gouny , Moufle , qui , le premier, découvrit cette terre \ a midi elle nous reftoit au N. O. -\ O. , à trois ou quatre lieues de diftance , ôc nous étions à environ trois milles de la côte, La grande terre s'étendoit du N. e. ~ N. au Sud , & je réfolus de fuivre la direction de la côte au midi, jufqu'au 40 ou 41a de latitude, ôc enfuite de retourner au Nord , fi je ne rencontrois rien qui m'encourageât à avancer plus loin. L'après-midi nous eûmes calme ; les Indiens de la côte s'en appercevant , ils mirent en mer plufleurs pirogues , qui vinrent à moins d'un quart de mille du vaiiîeau ; mais nous ne pûmes pas les engager à s'approcher plus près , quoique Tupia employât toute la-force de íes poumons ôc toute fon éloquence à leur perfuader que nous ne leur ferions point de f*1^1 Sur ces entrefaites nous découvrîmes une autre pirogue qui venoit de la Baie de Pauvreté ; elle n'avoit que Aqa quatre hommes a bord , 6c nous nous rappel lames d'avoir vu l'un d'eux dans la première entrevue que nous eûmes avec les Infulaires fur le rocher. Cette pirogue, fans s'arrêter 6c fans faire la moindre attention aux autres, s'avança directement fur les côtés du vaiffeau , Ôc nous n'eûmes pas beaucoup de peine de perfuader aux Indiens de monter à bord. Leur exemple fut bientôt fuivi par les autres, & nous avions autour de nous fept pirogues 6c environ cinquante hommes : nous leur fîmes à tous beaucoup de préfens ; cependant ils deiiroient ii fort d'avoir une plus grande quantité de nos marchandifes , qu'ils nous vendirent tout ce qu'ils avoient , jufqu'à leurs vêtemens & aux pagayes de leurs canots. Ils n'avoient que deux armes faites de talc verd, d'une forme un peu approchante d'un battoir pointu , avec un manche court 6k des bords tranchans ; ils les appelloient Patou-patou : elles font très-propres pour combattre de près, car elles fendroient certainement d'un feul coup le crâne le plus dur. Malgré le courage que montrèrent ces In-dïens en montant à bord , ils reifentirent pourtant quelques mouvemens de trouble 6c de crainte ; quand *ls furent revenus de ces premières impreifions, nous leur demandâmes des nouvelles de nos jeunes prifonniers. Celui qui étoit móntele premier à bord répondit qu'ils étoient dans leurs habitations fains 6c faufs ; il ajouta que le récit qu'ils avoient fait de la bonté avec laquelle nous les avions traités, ôc des merveilles lu ' que contenoit le vaiffeau , l'avoit engagé k fe hafarder Ann. 1769. à y venir. Oftobre. Pendant qu'ils furent k bord ils nous donnèrent toutes fortes de fignes d'amitié, & ils nous invitèrent très-cordialement a retourner dans notre ancienne baie ou à une petite anfe qu'ils nous indiquèrent, & qui n'étoit pas tout-a-fait ii éloignée ; mais efpérant rencontrer un meilleur havre que ceux que j'avois vus jufqu'alors , j'aimai mieux continuer mes recherches qne de retourner en arrière. Environ une heure avant le coucher du Soleil, les pirogues quittèrent le vaiiîeau, & elles ramèrent avec le petit nombre de pagayes qu'elles s'étoient refermées , & qui fuffifoient k peine pour les reconduire k terre. Les Indiens, par je ne fais quel motif, laifsèrent trois de leurs compatriotes fur notre bord. Dès que nous nous en appercûmes, nous les rappellâmes , mais aucun d'eux ne voulut venir reprendre leurs compagnons ; ce qui nous furprit beaucoup \ nous fûmes encore plus étonnés de remarquer que les Infulaires délaiiîës, loin de paroître attriftés de leur iituation , nous amusèrent en danfant & chantant k leur manière : ils foupèrent & ils allèrent paiiiblement fe coucher. Une petite brife fe levant bientôt après qu'il fut nuit, nous gouvernâmes le long de la côte k petites voiles, jufqu'k minuit, nous mîmes alors k la cape, & dans peu nous eûmes calme. Nous étions éloignés çjc quelques lieues de l'endroit où les pirogues n°uS ^voient, avoient quittés ; Ôc lorfque les Indiens s'en apperçu- ^^r^t™: rent à la pointe du jour , ils furent frappés de conf- Ann- «jj -, j / i ^ ... i t. fc Octobre, ternation ce de terreur ; ils déplorèrent leur état par de grands cris , des geftes de défefpoir & beaucoup de larmes, & Tupia les appaila difficilement. Le \ z, fur les fept heures du matin, profitant d'une brife légère , nous continuâmes à porter au S. O. le long de la côte. Heureufement pour nos pauvres Indiens , nous rencontrâmes deux pirogues, qui s'avancèrent du côté du vaiiîeau ; elles s'arrêtèrent pourtant à peu de diftance , ôc elles fembloient craindre de s'approcher plus près : cet état d'incertitude caufa de grandes allar-mes à nos Indiens , & ils follicitèrent de la voix & du gefte avec toute l'impatience poilible, leurs compatriotes de venir fur les côtés du vaiiîeau. Tupia nous interpréta ce qu'ils difoient ; ôc nous fûmes fort furpris d'apprendre qu'entr'autres raifons qu'ils employoient, ils aiîûroient les Indiens des pirogues , que nous ne mangions point d'hommes. Nous commençâmes alors à croire férieufement que cette horrible coutume étoit en ufage parmi eux ; car nous regardions auparavant ce que les enfans nous avoient dit comme des exagérations infpirées par la crainte. Une des pirogues a la fin fe hafarda à venir au côté du bâtiment , ôc nous reçûmes a bord un vieillard , que la beauté de fon vêtement ôc de fon arme , qui étoit un Patou-patou , fait d'os qu'il nous dit être de baleine, nous fit prendre pour un chef : il reità peu de tems avec nous, ôc en s'en allant , il emmena nos trois hôtes Indiens, à la grande fatisfa&ion des uns Ôc des autres. Tome III. I m*^rr.'^z Quand nous fîmes voile, nous étions au travers Ann. 1769. d'une poinre , depuis laquelle la terre court S. S. O. , ôc que Cappellai Cap Table, k raifon de fa figure. Cette pointe gît fept lieues au Sud de la baie de Pauvreté, au 59 d 7' de latitude S., & au 181 d 36' de longitude Elle eft d'une élévation confidérable ; elle fe termine en angle aigu , & iembie être entièrement place au iommet. En gouvernant le long de la cote , k la diftance de deux ou trois milles au Sud du Cap, nos fondes furent de vingt k trente brafTes , ôc nous avions entre nous ôc la còte une chaîne de rochers , qui paroiiToiunc à différente hauteur , au-deffus de l'eau. A midi le Cap Table nous reftoit au N. 20d E. , k environ quatre lieues , & nous avions au S. jod O. , k peu près à trois milles de diftance une petite Ifle , qui étoit la terre la plus méridionale que nous apperçuf-iions. Je donnai k cette Ifle, que les Naturels du pays appellent Teahowray , le nom à* Ifle de Portland, k caufe de la grande reffemblance qu'elle a avec Portland, dans le canal de la Manche; elle gît a environ un mille d'une pointe qui eft fur la grande terre; mais il paroît y avoir une chaîne de rochers qui fe prolongent d'une Ifle k l'autre, au N. 57d E. A deux milles de la pointe Sud de Portland 3 il y a un rocher à fleur d'eau , fur lequel la mer brife avec beaucoup de violence en paffant entre ce rocher ôc la terre, ôc la fonde rapportoit alors de dix-fept k vingt braifes. E n longeant la côte, nous vîmes fur l'Ifle de ?°rt- land, ainfi que fur la ente de la Nouvelle-Zélande, les Naturels du pays rafîémblés en grand nombre; Ann. 1769, ..... . ir- i ■ i • > Octobre. nous diitinguames auiii pluiieurs terreins cultives ; quelques-uns fembloient avoir été fraîchement retournés & mis en filions comme une terre labourée; d'autres étoient couverts de plantes à diilércns degrés de végétation. Nous appercûmes en deux endroits , fur le Commet des collines , des pal i (là des élevées , fem-blables h celles que nous avions vues furia pénin fuie, à la pointe N. E. de la baie de Pauvietc. Comme elles étoient rangées en ligne, (ans enclore aucun ef-pace , nous ne pûmes pas deviner leur uiage , & nous iuppofâmes qu'elles pouvoient bien être l'ouvrage de la fu perititi on. Sur le midi nous vîmes parokre une autre pirogue, montée par quatre hommes; elle s'approcha à. environ un quart de mille de nous , & les Indiens qu'elle avoit a bord nous parurent faire diverfes cérémonies. L'un d'eux qui étoit fur l'avant, fembloit quelquefois demander & offrir la paix, & d'autres fois menacer de la guerre en agitant une arme qu'il tenoit a la main ; en d'autres inifans il fe mettoit à dan fer 011 à chanter. Tupia lui parla beaucoup , mais il ne put pas lui perfuader de venir fur notre bâtiment. Entre une & deux heures, nous découvrîmes h. l'Oueft de Portland, une terre qui fe prolongeoit au Sud tant que la vue pouvoit s'étendre, 6c le vaiiîeau tournant autour de l'extrémité Sud de l'Ifle , tomha tout-a-coup fur un bas fond inégal & raboteux. H eft vrai que nous avions toujours 7 brafTes d'eau ou davan- . 1 ¡I *—tage ; niais les fondes ne furent jamais deux fois les Ann. 1769- mêmes ; elles fautoient tout d'un coup de 7 k 11 braf-Oftobre. r -n j i • a j les. Uanspeude tems cepenctant nous nous tirâmes de danger, & nous eûmes de nouveau une eau profonde. Nous étions alors éloignés d'un mille de l'Ifle qui fe terminoit en roches blanches, depuis lefquelles une longue traînée de terre baffe fe prolongeoit vers la grande terre. Nous vîmes aiïis fur les flancs de ces rochers , un grand nombre d'Indiens qui nous rcgardoicnt avec beaucoup d'attention, & il eli probable qu'ils remarquèrent de l'embarras & de la confufion dans notre équipage , & de l'irrégularité clans la manœuvre du vaiffeau , pendant que nous cherchions à nous tirer du bas fond ; ce qui put les porter a conclure que nous étions allarmés ou en danger. Nous crûmes qu'ils avoient deifein de profiter de notre fituation, car ils mirent: en mer , avec toute la promptitude poffible, cinq pirogues remplies d'hommes bien armés. Ils s'avancèrent ii près , &c leurs cris , l'agitation de leurs lances & leurs geftes menaçans nous annoncèrent des difpofitions fi hoftiles, que nous fûmes en peine de notre petit bateau, qui étoit toujours occupé a fonder. Cefi pour cela que nous leur tirâmes un coup de fufil ; le coup qui ne leur fit point de mal, loin de les intimider , parut les exciter davantage ) en conféquence je fis tirer au milieu d'eux un coup de canon chargé à mitraille. Cet expédient nous réuifit mieux que le premier. Dès qu'ils entendirent le bruit de l'explo-fion , ils fe levèrent tous brufquement ce pouifèrent des cris ; mais au lieu de continuer k nous fuîvre, ils fe raflemblèrent, Ôc après avoir délibéré peu de tems entr'eux, ils s'en allèrent tranquillement. Quand nous eûmes fait le tour de Portland, nous gouvernâmes au N. O. vers la terre, avec une petite brife du N. E., qui tomba fur les cinq heures ; nous fûmes obligés de mouiller ayant ai brafles d'eau , fond de fable fin. La pointe Sud de Portland nous reftoit au S. E. ~ S , à environ deux lieues , Ôc nous avions au N. y E., une pointe baffe de la grande terre. Une baie profonde fe prolonge dans la même direction que cette pointe baflè ; le Cap Table eft l'extrémité de la terre qui fe trouve par derrière cette baie, de manière que n'y ayant entr'elle ôc la grande terre qu'une langue de terre bafle ôc étroite , elle forme une pénin-fule. Le Cap Table eft la pointe Nord, & Portland, la pointe Sud de cette péninfule, que les Naturels du pays appellent Terakaco. Pendant que.nous étions a l'ancre, deuxtl ouvelîes pirogues s'approchèrent de nous ; l'une d'elles étoit armée ôc l'autre étoit un petit bateau de pêche qui n'avoit que quatre hommes à bord; ils s'avancèrent fi près, qu'ils entrèrent en converfation avec Tupia. Ils répondirent avec beaucoup de civilité a toutes les questions qu'il leur fit; mais ils ne put pas leur perfuader de venir dans notre bâtiment. Ils s'avancèrent cependant affez pour recevoir pluiieurs préfens que nous leur jettâmes du vaiffeau ôc dont ils parurent fort con-tens, & enfuite ils s'en allèrent. Les Indiens tinrent pendant la nuit plufieurs feux allumés fur la còte , probablement pour nous montrer qu'ils étoient trop m^ bien fur leurs gardes , pour que nous puffions les 769' furorendre. bre. r Le ij, fur les cinq heures du matin, une brife s'élevant du Nord , nous appareillâmes ck nous gouvernâmes vers la terre. La côte forme une grande baie, dont Portland eft la pointe N. E. Ôc la baie qui fe prolonge derrière le Cap Table , un bras, J'avois fort envie d'examiner ce bras, parce qu'il fembloit y avoir un mouillage fur ; mais comme je n'en étois pas certain , 6k que le vent étoit près de fa fin , je ne voulus pas perdre du tems à faire cette tentative. En dedans de Portland, la fonde ne rapporta jamais plus de 24 brades, mais le fond étoit bon par-tout. La terre, près de la cote, eft médiocrement élevée, avec des roches blanches 6k des grèves de fable ; dans l'intérieur elle s'élève en montagnes ; la plus grande partie de la furface du pays eft couverte de bois ck préiénte par-cout un afpecT: agréable 6k fertile. Neuf pirogues fuivirent le vaiiîeau dans la matinée; nous ne pouvons pas dire fi elles venoient avec des intentions pacifiques ou pour nous attaquer, car nous les laiiîà-mes bientôt derrière nous. N ous portâmes le foir vers un endroit où il fembloit y avoir une ouverture, mais nous n'y trouvâmes point de havre; nous regagnâmes le large, 6k dans peu nous vîmes après nous une grande pirogue montée par dix-huit ou vingt hommes, tous armés, qui, fans pouvoir nous atteindre , poulfoient des cris de défi ck agitoient leurs armes en faifant pluiieurs gcit.es de menace 6k d'in fu Ice. Le i4j au matin , nous découvrîmes dans Tinté- ^^r^:^ rieur des terres, des montagnes fur lefquclles il y avoit Ann. 17^ encore de la neige ; le pays près de la cote etoit bas , & peu propre à la culture \ mais nous appercûmes dans un endroit un petit canton de quelque choie de jaune qui reifembloit beaucoup à un champ de bled, & qui , probablement, if étoit rien autre que quelques glayeuls fecs, très-communs fur les fols marécageux. Nous vîmes, a quelque diftance, des bocages d'arbres qui paroiiîbient élevés & fe terminer en pointe. Comme ils n'étoient pas k plus de deux lieues du fond S. O. de la grande baie que nous avions côtoyée pendant les deux derniers jours , je détachai la pinaife ck la chaloupe pour aller chercher de l'eau douce. Au moment où elles metroient en mer , nous vîmes pluiieurs pirogues s'avancer de la côte vers nous, ce qui me fit juger que nos gens ne feroient pas en fureté s'ils quittoient le vaiiîeau. Sur les dix heures , cinq de ces pirogues, après s'être raifemblée , comme pour tenir confeil , s'approchèrent de notre bâtiment; elles avoient à bord quatre-vingt ou quatre-vingt-dix hommes, ce quatre autres pirogues qui fembloient detti nées a foutenir l'attaque, les fuivoient par derrière. Quand les cinq premieres furent a environ cent verges du vaiffeau, les Indiens fe mirent à chanter leur chanfon de guerre , k agiter leurs piques & à fe préparer au combat. Nous n'avions point alors de tems à perdre, car fi nou*s ne venions pas k bout de prévenir l'attaque, nous aurions été malheureufement forcés d'employer contr'eux nos armes k feu , reflburce dont nous délirions beaucoup de ne pas nous fervir. y1— Nous chargeâmes Tupia de les avertir que nous avions Un. 1769. ¿cs armes qui les détruiroienc auili promptement que Octobre. \ c j 1 j , la tondre ; que pour leur en donner des preuves convaincantes, nous allions en tirer quelques-unes fans leur faire aucun mal ; mais que s'ils perfiftoient dans leurs hoitilités, nous ferions forcés de nous en fervir pour notre défenfe. Je fis tirer un canon de quatre chargé à mitraille , ce qui produifit l'effet que nous en attendions. L'explofion , la lueur du feu , 6c par deifus tout le plomb qui fe répandit fort loin dans l'eau , les intimida tellement, qu'ils commencèrent à ramer de toutes leurs forces vers le rivage. Cependant Tupia les rappella & les aifura que s'ils s'avançoienc fans armes, nous les recevrions amicalement; fur quoi les Indiens d'une des pirogues , laillèrent les armes dans une autre, & vinrent fous la poupe du vaiffeau. Nous leur fîmes pluiieurs préfens, & nous les aurions fûrement engagés à monter à bord, ii les autres pirogues ne s'étoient pas approchées en réitérant leurs menaces par leurs cris & leurs gciles. Les Indiens, qui étoient venus au coté de notre bâtiment, parurent très-fâchés de cette démarche de leurs compatriotes, & bientôt après ils s'en allèrent tous, L'après-midi , nous gouvernâmes vers la pointe Sud de la baie , mais , n'y étant pas encore arrivés le foir, nous louvoyâmes toute la nuit. Le lendemain 16, à huit heures du matin, nous trouvant fur le travers de la pointe , pluiieurs pirogues de pêcheurs s'approchèrent de nous & nous vendirent du poiffon gâté ; c'étoic le meilleur qu'ils euffent , &: nous voulions commercer commercer avec eux k quelque prix que ce fût. Ces Infulaires fe comportèrent fort bien k notre égard, & A*™' \?69' f • • ■/ u r , Ottobre, nous nous tenons quittes bons amis , li une grande pirogue, qui avoir à bord vingt-deux hommes armés, ne s'étoit pas avancée hardiment jufqu'aux côtés du vaiiîeau : nous nous appercûmes bientôt que ce" bâtiment n'avoit point de marchandifes pour trafiquer ; cependant nous donnâmes aux Indiens deux ou trois morceaux d'étoffe qu'ils fembloient aimer paiTionné-ment. Je remarquai qu'un de ces hommes portoit une peau noire qui reifembloit un peu à celle d'une ourfe, & délirant favoir a quel animal elle avoit appartenu, je lui offris un morceau de revêche rouge. Ce marché lui fie beaucoup de plaifir ; fur le champ il ôta fa peau ôc nous la tendit de fa pirogue ; il ne voulut cependant pas la lâcher fans tenir mon étoffe , & comme nous n'aurions pas pu faire notre échange fi j'avois voulu prendre la même précaution, je lui fis donner l'étoffe. Après l'avoir reçue, au lieu de m'envoyer la peau , il enveloppa l'un 6c l'autre dans un panier avec un fang-froid furprenant, fans faire la moindre attention à ma demande ou a mes remontrances, & bientôt après, il s'éloigna du vaiffeau avec les autres pirogues de pêcheurs. Quand elles furent k quelque diftance, elles fe raiTcmblèrent, & après une courte délibération elles revinrent : les pêcheurs nous offrirent de nouveau du poiffon; & quoiqu'il ne fût bon a rien, nous l'achetâmes , ce qui renouvella notre trafic. Parmi ceux de nos gens qui étoient placés aux côtés du vaiffeau pour recevoir ce qu,e nous achetions , il y avoit le petit Tûytto.,vdtt de Tupia ; un des Indiens guettant un Tome IIL K moment favorable , faiiit tout-a-coup Se l'entraîna dans une pirogue : deux autres le placèrent fur l'a ant de leur bâtiment; les autres fe mirent à ramer avec beaucoup de promptitude pour s'enfuir, Se les pirogues les fuivirent auiîi promptement qu'il leur fut poiîibie; fur quoi j'ordonnai aux foldats de marine qui étoient de fervice fur le tillac , de faire feu : ils dirigèrent leur coup vers la partie de la pirogue qui étoit la plus éloignée du jeune Otahitien , ou plutôt ils tirèrent dans les environs ; car ils aimoient mieux manquer les rameurs que de rifquer de le bleiîér. Il arriva pourtant qu'un des Indiens tomba, & les autres abandonnèrent Tayeto, qui fauta dans la mer Se nagea vers le vaiffeau, La grande pirogue vira de bord fur le champ, & fe mit à le pourfuivre ; mais quelques coups de fufil & un coup de canon que nous tirâmes fur elle , lui fit abandonner fon entreprife. Nous mîmes à la cape Se lançâmes en mer un bateau qui reprit à bord le pauvre Tayeto fain Se fauf, mais lì effrayé qu'il parut pendant quelque tems privé de fufage de fes fens. Quelques-uns de nos Officiers qui, au moyen de leurs lunettes, fuivirent des yeux les pirogues jufqu'au rivage, dirent qu'ils avoient vu porter fur la grève trois hommes qui fembloient être morts, ou que leurs bleflures avoient mis abfolumcnt hors d'état de marcher. Je donnai le nom de Cap Kidnappas {voleur d'enfant ) au cap en travers duquel nous eûmes cette malheureufe aventure. Il eft iitué au 39 e1 43' de Ia"-tude, Se au i8xd 24/ de longitude O. ; il eft très-re- marquablc par deux rochers blancs qui ont la' forme "*S= de meules de foin, ôc d'autres élevés & également A^l'\'69' blancs qui lont de chaque cote. Il gît b. O. ? O. a treize lieues de l'Ifle de Portland ; dans l'efpace intermédiaire fe trouve la baie dont il eft la pointe méridionale, & que Cappellai Bak de Hawkc, en honneur de Sir Edouard Hawke , alors premier Lord de l'Amirauté. Nous y trouvâmes de 24 k 7 braftes d'eau ôc un bon mouillage. Depuis le Cap Kidnappcrs, la terre court S. S. O. ; nous longeâmes la côte dans cette direction , avec une brife forte ôc un beau tems, en nous tenant k environ une lieue du rivage. Dès que Tayeto fut revenu de fa frayeur , il apporta un poiífon k Tupia, ôc il lui dit que c'étoit une offrande qu'il préfcntoit k fon Eatua ou Dieu, pour le remercier d'avoir échappé au danger qu'il venoit de courir. Tupia fit l'éloge de fa piété , ôc lui ordonna de jetter le poiífon dans la mer, ce qu'il fit. A deux heures de l'après-midi, nous dépafsâmes une petite Ifle mais élevée , qui gît tout près de la côte ôc fur laquelle nous vîmes pluiieurs maifons , des pirogues ôc des Indiens. Nous crûmes que ces Infulaires étoient des pêcheurs, parce que l'Iile étoit entièrement iterile: nous appercûmes auifi pluiieurs hommes dans une petite baie de la grande terre en-dedans de l'Ifle. A onze heures, nous mîmes k la cape juiqu'a la pointe du jour du 16, Ôc alors nous fîmes voile au Sud , le long.de la côte. Sur les fept heures, nous dépafsâmes une pointe élevée de terre qui gît au S. S. O. k douze lieues du Cap Kidnappcrs. Depuis cette pointe la terre K ij - court trois quarts de pointe plus à l'Outft. A dix heu- Ann. 1769. r£s , nous découvrîmes une plus grande étendue de terre ouverte au Sud, a midi, la terre la plus méridionale qui fût en vue, nous reftoit au S. 39a O. à huit ou dix lieues, ôc nous avions à l'O. à environ deux milles , un Cap élevé ôc arrondi, où il y avoit des roches jaunâtres : la profondeur de l'eau étoit de 31, braffes. L'après-midi , nous eûmes Un petit vent de l'Oueft, ôc pendant la nuit de petites fraîcheurs variables ôc des calmes ; le matin , du 17 , il s'éleva une, jolie brife entre le N. O, ôc le N. E. Comme nous avions porté jufqu'alors au Sud , fans rien découvrir qui annonçât que nous rencontrerions un havre, ôc le pays devenant manifeftement plus mauvais, je crus qu'en avançant plus loin dans cette direction , nous ne gagnerions rien, ôc qu'au contraire nous perdrions un tems qui pouvoit être employé avec plus d'apparence de fuecès à examiner la côte au Nord. En conféquence, à une heure de l'après-midi, je virai de bord & je mis le Cap au Nord , avec une brife fraîche de l'Oueft. La pointe élevée Ôc ronde qui avoit des roches jaunâtres , ôc en travers de laquelle nous étions à midi, fut appellée Cap Tumagaïn ( du retour ) parce que nous retournâmes en arrière lorfque nous y fûmes arrivés. Il gît au 40a 34' de latitude S., Ôc au iS2,d de longitude O. , a dix lieues au S. S. O. &c S. S. O. y O. du Cap Kidnappers. La terre entre ces deux Caps eft d'une hauteur très - inégale j en quelques endroits elle eft élevée près de la mer ôc elle • a des rochers blancs ; en d'autres elle eft baiTe ôc remplie de grèves fablonneufes. La furface du pays A^^^' n'eft pas auiîi bien couverte de bois que dans les environs de la Baie de Hawke, mais elle reiîèmble plus aux dunes d'Angleterre. Cependant , iuivant toute apparence, elle eft bien peuplée; car, en longeant la côte , nous appercûmes pluiieurs villages non-feulement dans les vallées, mais encore fur les fommcts & les flancs des collines, ôc de la fumée en pluiieurs autres endroits. La chaîne des montagnes , dont on a parlé plus haut, s'étendoit au Sud au-delà de la portée de notre vue, 6c elle étoit par-tout marquetée de neige. Pendant la nuit, nous vîmes dans l'intérieur du pays deux feux ii coniidérables , que nous conclûmes qu'ils avoient été allumés par des Indiens qui vouloient nettoyer un terrein pour le cultiver. Quoiqu'il en foit, de cette conjecture ces feux font une preuve que la partie de la Nouvelle-Zélande où nous les vîmes étoit habitée. Le io, à quatre heures du matin , le Cap Kidnappcrs nous reftoit au N. 32 d Ó. à deux lieues de dii-tance : nous avions alors 62 braifes d'eau, ôc quand le Cap nous reftoit à 1*0* N» O. à trois ou quatre heues , la fonde en rapportoit 4,5 ôc í$ lorfque nous fûmes à moitié chemin entre ce Cap ôc l'Ifle de Por-land. Le foir étant en travers d'une Péninfule de l'Ifle de Portland, appellée Terahako, une pirogue fe détacha de cette côte ôc atteignit avec beaucoup de peine notre vaiifeau. Elle avoit à bord cinq Indiens , dont deux fembloient être des chefs & les trois autres des ¡¡¡gMggggggg ferviteurs. Les chefs fe firent peu preifer pour venir à Ann. 1769- bord , & ils ordonnèrent aux trois autres Indiens de • 0 OCHC" refter dans leurs pirogues. Nous les traitâmes avec beaucoup d'amitié , 6c ils nous témoignèrent tout Je plaifir que leur caufoit notre accueil ; ils allèrent dans ma chambre , 6c peu de tems après ils nous dirent qu'ils avoient réfolu de ne pas retourner à terre avant le lendemain au matin. Je ne m'attendois pas à l'honneur qu'ils vouloient nous faire de coucher k bord , ôc je ne le defirois point ; je leur fis des représentations fortes contre ce projet; j'ajoutai qu'ils avoient tort de le former, puifque le lendemain au matin le vaiffeau fe trouveroit probablement k une grande diftance de l'endroit où il étoit alors : cependant ils perfiftèrent dans leur réiolution, 6e comme il étoit imponible de m'en débarraifer fans les chaffer de force , je les gardai. J'eus pourtant la précaution de demander que leurs ferviteurs fuffent mis à bord ainfi que la pirogue ; 6c ils y confentirent fans difficulté. Un de ces chefs avoit la phyiionomie la plus ouverte ôc la plus franche ; ôc bientôt je ne le foupçonnai plus d'avoir aucun mauvais deifein contre nous. Ils examinèrent avec beaucoup de curiofité & d'attention tout ce qu'ils voyoient, ôc ils furent très-reconnoiffans des petits préfens que nous leur fîmes; mais nous ne pûmes pas perfuader k l'un ou a l'autre de manger ou de boire ; leurs valets en revanche mangèrent avec une voracité étonnante tous les alimens qu'ils pouvoient attraper. Nous reconnûmes que ces Indiens avoient entendu parler de notre amitié 6c de notre libéralité envers les naturels du pays qui étoient déjà venus à bord auparavant ; cependant nous regardâmes , com- me une marque extraordinaire de leur courage , la ^1!*1/69 c vi -n j 1 • • Ottobre, confiance qu ils avoient en nous, rendant la nuit , je mis à la cape jufqu'à la poince du jour , 6c alors je fis voile. A fept heures du matin , du 19 , je remis à la cape une feconde fois au-deifous du Cap Table, & je renvoyai fur leur pirogue nos hôtes qui témoignèrent quelque furprife de fe voir ii éloignés du canton qu'ils habitoient , ôc ils débarquèrent vis-k-vis du vaiffeau. J'apperçus alors d'autres pirogues qui fe détachèrent de la côte , mais je continuai ma route au Nord fans attendre leur arrivée. Sur les trois heures., je dépaffai un Cap remarqua* ble, que j'appellai Gable-end Forcland {Promontoire du bord-du-toit) , parce que la roche blanche de la pointe reffembloit extrêmement au bord du toit d'une maifon ; mais on peut le reconnoître également au moyen d'un rocher qui s'élève comme un clocher a peu de diftance delà : ii gît au N. 24. E. a environ douze lieues du Cap Table. La côte dans l'efpace intermédiaire forme une baie, en dedans de laquelle fe trouve la baie de Pauvreté k quatre lieues du Promontoire dont on vient de parler ôc à huit du Cap. A cet endroit trois pirogues s'avancèrent vers nous , ôc un Indienvint k bord ; nous lui donnâmes quelques bagatelles , ôc il retourna bientôt a fon canot qui , ainfi que les autres, revira vers la côte. Le 20, au matin, je fis voile vers la côte , afin d'examiner deux baies qui paroiffoient a environ deux lieues au Nord du Promontoire; je ne pus pas atteindre la ............- plus méridionale, mais je mouillai dans l'autre fur les Ann. 1769. onze heures. Ottobre. Les Indiens qui étoient à bord de pluiieurs pirogues nous invitèrent à defcendre dans cette baie , & ils nous montrèrent par lignes un endroit où ils dirent qu'il y avoit de l'eau douce en abondance. Je n'y trouvai pas un auíli bon abri contre la mer que je l'atten-dois ; mais les naturels qui s'approchèrent de nous pa-roiiîant avoir des difpofitions amicales, je réfolus d'ef-fayer ii je ne pouvois pas me procurer ici quelque connoiiîance du pays avant d'avancer plus loin au Nord. Dans une des pirogues qui s'avancèrent vers nous dès que nous eûmes mis à l'ancre , nous appercûmes deux hommes qui, par leurs vêtemens, fembloient être des chefs : l'un d'eux étoit habillé d'une jaquette ornée a leur maniere d'une peau de chien \ la jaquette de l'autre étoit prefque entièrement couverte de petites touffes de plumes rouges. J'invitai ces Indiens à monter k bord, & ils entrèrent dans le vaiffeau fans beaucoup héiiter. Je donnai k chacun d'eux environ quatre verges de toiles & un clou de fiche ; la toile leur át beaucoup de plaifir , mais ils ne paroiffoient attacher aucune valeur au clou. Nous remarquâmes qu'ils con-noiffoient ce qui étoit arrivé k la baie de Pauvreté , ce qui nous donnoit lieu de penfer qu'ils fe comporte-roient paiiiblement k notre égard : cependant , pour plus grande sûreté , je chargeai Tupia de leur dire pour quelles raifons nous venions-dans ce canton? & de les allure r que nous ne leur ferions aucun niai, du Capitaine Cook. 8 s'ils ne nous en faifoient point. Sur ces entrefaites les ^ hommes qui étoient dans les pirogues vendirent à nos Ann. 1769. gens , d'une maniere très - honnête , ce qu'ils avoient O^W-par hafard avec eux : les chefs, qui étoient des vieillards , relièrent au vaiiîeau jufqu'après notre dîner ; fur les deux heures, je partis avec les bateaux équippés 6c armés , afin d'aller à terre pour chercher de l'eau douce, & les deux chefs s'embarquèrent avec moi. L'après-midi fut orageufe; il tomba beaucoup de pluie, 6c la houle s'élevoit par-tout à une fi grande hauteur qu'en ramant prefque tout autour de la baie , nous ne trouvâmes pas un endroit où nous puiîîons débarquer. Après avoir réfoiu de retourner au vaiifeau , j'en avertis les chefs qui appellòrent les Indiens de la cote, 6c leur ordonnèrent de dépêcher une pirogue pour les venir chercher; la pirogue arrivée, ils nous quittèrent en promettant de revenir à bord le lendemain au matin , 6c de nous apporter du poiífon 6c des pommes de terre, Le tems étant devenu plus calme 6c plus beau le foir, je fis équipper les bateaux, 6c je débarquai avec MM. Banks 6c Solander. Les Naturels du pays nous reçurent avec de grandes marques d'amitié , 6c ils eurent une attention fcrupuleufe de ne pas nous offen-fcr. Ils eurent foin en particulier de ne pas paroître en grandes troupes : une feule famille, où les habitans de deux ou trois maifons feulement, fe raffemblerent au nombre de quinze ou vingt, en y comprenant les hommes, les femmes 6c les enfans ; ils s'aifirent à terre, mais ils nous invitoient d'approcher d'eux par un Tome III. L ...... ■ figne qui confifloit à faire mouvoir leurs mains vers Ann. 1769- leur poitrine: nous leur fîmes pluiieurs préfens. Dans Ottobre. flotre promenade autour de la baie , nous trouvâmes deux petits courans d'eau douce : cette découverte, jointe k la conduite amicale des indiens, m'engagea k refter au moins un jour, afin de pouvoir remplir nos futailles vuides , ôc donner k M. Banks une occafion d'examiner les productions du pays. Le matin du ai , j'envoyai le Lieutenant Gore à terre , avec un fort détachement d'hommes, pour faire la garde au lieu de faiguade ; MM. Banks ôc Solander , Tupia , Tayeto , ôc quatre autres les joignirent bientôt après. Les Naturels du pays safïirent près de nos gens ôc parurent fort fatisfaits de les voir , mais ils ne fe mêlèrent point avec eux ; ils firent cependant quelques échanges , particulièrement contre nos étoffes, ôc peu de tems après ils reprirent leurs occupations ordinaires , comme fi aucun étranger n'avoit été parmi eux. Dans la matinée, pluiieurs de leurs pirogues alloient k la pêche, & chacun , au moment du dîner, retournoit dans fon habitation , d'où il fortoit de nouveau après un certain tems. Ces apparences favorables encouragèrent M. Banks ôc le Docfeur Solander a parcourir avec très-peu de précaution la baie , où ils trouvèrent pluiieurs plantes , ôc tuèrent quelques oifeaux d'une beauté furprenante. Pendant leur excurfion , ils vifitè-rent pluiieurs habitations des Naturels du pays , ôc $s découvrirent quelque chofe de leur manière de vivre ; car ils montroient fans crainte & fans réferve ">ut ce que nos obfervateurs étoient curieux de voir : ils les trouvèrent quelquefois prenant leur repas , que l'ap- ^q^'^9* proche des étrangers n'interrompoit jamais. Leur nourriture a cette faifon coníiftoit en poiífon , avec lequel ils mangent au lieu de pain la racine d'une efpèce de fougère, qui reifemble beaucoup k celle qui croît fur les communes d'Angleterre ; ils grillent ces racines fur le feu , Ôc ils les battent enfuite avec un bâton jufqu'k ce que l'écorce ôc l'enveloppe extérieure tombent ; ce qui refte eft une fubftance molle , un peu pâteufe, douce , ce qui n'eft point défagréable au goût, mais elle eft mêlée d'une grande quantité de filaife ôc de fils très - défagréables. Quelques Indiens avaloient ces fibres , mais le plus grand nombre les recrachoient dans des paniers qu'ils avoient près d'eux, pour recevoir la partie mâchée qu'ils rejettoient. En d'autres tems ils ont certainement des végétaux excellens en abondance ; mais excepté les chiens , qui font d'une vilaine figure, nous n'avons point vu parmi eux d'animaux apprivoifés. M. Banks apperçut quelques-unes de leurs plantations où le terrein étoit auili-bien divifé ôc labouré que dans nos jardins les mieux foignés ; il y reconnut des patates douces, des Eddas, qui font très-connus ôc lorc eftimés dans les Indes orientales ôc les Ifles d'Amérique , ôc quelques citrouilles : les patates douces étoient plantées fur de petites collines , quelques-unes diipofées par planches, d'autres en quinconce, ôc toutes alignées avec la plus grande régularité. Les Eddas avoient été placés fur un fol plat, mais aucun ne paroiifoit encore au-deifus de terre, 6c les citrouil- Lîj — Ies étoient placées dans de petits creux, à-peu-près Ann. 1769. comme en Angleterre. L'étendue de ces plantations Ottobre * \ • varioit depuis un acre jufqu'à dix -, en les raifemblant toutes , il paroiífoit y avoir 150 a 200 acres de terrein cultivé dans toute la baie , quoique nous n'y ayons jamais vu cent Indiens. Chaque difirió!: étoit environné d'une haie compofée ordinairement de ro- feaux , qui étoient entrelaiîes les uns û près des autres qu'une fouris auroit à peine pu pailèr k travers. Les femmes fe peignent le vifage avec de l'ocre rouge ôc de l'huile, qui, étant ordinairement fur leurs joues & leur front, dans un état d'humidité, fe communique aifément k ceux qui jugent k propos de les embraffer ; les nés de pluiieurs de nos gens démon-troient d'une manière évidente qu'elles n'avoient point d'averflon pour cette familiarité. Elles font auiîi coquettes que nos dames d'Europe les plus a la mode , ôc les jeunes filles auiîi folâtres que des poulains qu'on n'a pas encore dreffés : elles portoient toutes un jupon , au-deffous duquel il y avoit une ceinture faite de tiges d'herbes bien parfumées , a laquelle étoit attachée une petite touffe de feuilles de quelque plante odoriférante , qui fervoit de dernier retranchement à leur modeftie. Les vifages des hommes n'étoient pas peints aiiiîi généralement ; cependant nous en vîmes un dont tout le corps ôc même les vêtemens avoient été frottés d'ocre fec , ôc il en tenoit toujours k la main un morceau , avec lequel il rcnouvelloit k chaque initant cette parure , dans les endroits où il fupP°~ foit qu'il y en manquoit. Ils ne font pas aulh propres fur leurs perfonnes que les Otahitiens , parce que la — -froideur du climat ne leur permet pas de fe baigner auili fouvent ; mais nous avons remarqué qu'ils les iurpaf-foient en un point, dont il n'y a peut-être pas d'exemple dans aucune autre nation d'Indiens. Chaque mai-fon ou hameau, de trois ou quatre habitations, avoit des lieux privés, de forte qu'on ne voyoit point d'ordures fur la terre; les relies de leurs repas, la litière & les autres ordures étoient auili mifes en tas de fumier, régulièrement difpofés, dont ils fe fervent probablement comme d'engrais. Ils étoient alors plus avancés fur cet article de police , qu'une des nations les plus confidérables de l'Europe j car , d'après un témoignage digne de foi , je fais que jufqu'en 1760 il n'y avoit point de lieux privés à Madrid , la Capitale de l'Efpagne , quoique cette Ville fût abondamment fournie d'eau. Avant cette époque tous les habitans étoient dans l'ufage de jetter la nuit, de leurs fenêtres dans la rue, leurs ordures , qu'un certain nombre d'hommes étoient chargés de tranfporter de l'extrémité fupérieure à la partie baile de la Ville , où elles refloient jufqu'à ce qu'elles fuííent feches , ôc alors elles étoient chargées fur des voitures & dépofées hors des portes. Sa Majefté Catholique , actuellement régnante , ayant réiolu d'abolir un uiage fi honteux , ordonna par un édit que chaque propriétaire de mailon bâtiroit des lieux privés , & qu'on droit des cloaques, des égouts, ôc des canaux , entretenus aux frais du public. Les Eipa-gnols, quoiquaccoutumés depuis long-tems à un gou- Voyage .........-J vernement abfolu , regardèrent cet édit comme une Ann. 1769. infra¿tion aux droits communs du genre-humain, Ôc Ocio re. s'0pposèrenc fortement à ion exécution. Chaque claffe de citoyens faifoic quelque objection contre 1 édit ; mais les Médecins en proposèrent une très - fpécieufe, pour engager le Roi à laiiîèr à fon peuple la confer-vation de fes ufages \ ils remontrèrent que ii les ordures n'étoient pas jettées comme k l'ordinaire dans les rues , il s'enfuivroit probablement une maladie fatale, parce que le corps humain abforberoit les particules putrides d'air qu'attiroient ces ordures : cet expédient , ainii que d'autres qu'on imagina, furent inutiles, ôc le mécontentement du peuple alla ii loin , qu'il fut très-près d'occafionner une révolte ; cependant le Roi l'emporta k la fin , ôc Madrid eft aujourd'hui auiîi propre que la plupart des grandes Villes de l'Europe. Pluiieurs des citoyens , qui ont probablement cru, d'après les principes de leurs Médecins, que des amas d'ordure empêchent les particules infectes de l'air de fe fixer fur les fubftances voifines, ont conftruic les lieux privés près du feu de leur cuifine, afin de conferver leurs alimens fains. Le foir tous nos bateaux étant occupés k tranfporter de l'eau k bord, ôc M. Banks ôc fa compagnie s'ap-pcrcevant qu'on les laiiferoit peut-être k terre après la nuit, ce qui leur auroit fait perdre un tems qu'ils deiiroient beaucoup d'employer k mettre en ordre les plantes qu'ils avoient raifemblées , ils prièrent les Indiens de les ramener au vaiffeau fur une de lelirs pirogues j les Naturels du pays y confentirent fur le champ , & pour ceîa ils mirent un de leurs bâtimens — en mer. Nos sens, qui étoient au nombre de huit, A?!?'*79' xi , -i w • Ottobre, allèrent tous a bord ; comme ils n étoient pas accoutumés à monter ces pirogues, qui , pour marcher , ont befoin d'un balancier , ils versèrent malheureu-fement dans la houle ; perfonne ne périt , mais ils jugèrent à propos d'en laiífer la moitié pour un fécond voyage. MM. Banks Ôc Solander, Tupia ôc Tayeto , s'embarquèrent de nouveau , ôc fans aucun autre accident , ils arrivèrent fains ôc faufs, très-fatisfaits du caractère de ces Indiens amis , qui fe chargèrent gaiement de les conduire en deux fois , quand ils eurent vu combien ils étoient peu propres k monter leurs bâtimens. Pendant que MM. Banks Ôc Solander Ôc leurs compagnons étoient à terre, pluiieurs des Naturels du pays vinrent au vaiffeau , trafiquèrent en échangeant leurs étoffes contre celles iïOtahiti ; ils aimoient paf-iionnément ce trafic ôc pendant quelque-tems ils préférèrent les étoffes des Indiens a celles d'Europe ; mais avant la nuit, elles diminuèrent de valeur de cinq pour cent. Je pris k bord quelques-uns de ces Infulaires ; je leur fis voir le vaiffeau ôc fon appareil , ce qui leur caufa autant de plaifir que d'étonne-ment. Comme il étoit extrêmement difficile de tranfporter de l'eau k bord k caufe de la houle, je réfolus de ne pas féjourner plus long-tems k cet endroit, le lendemain, 22, à cinq heures du matin, je levai l'ancre & remis en mer. 1 1...........- Cette baie qui eft appellée Tegadoo , par les Ann. 1769. Naturels du pays, gît au 38a io' de latitude S. ; mais Ottobre. comme C\\Q n'eft recommandable pour les Navigateurs à aucun égard , il feroit inutile d'en faire la defcription. Depuis cette baie j'avois deifein de continuer nia route , en portant au Nord ; mais le vent fouillant directement debout, je ne pouvois pas avancer. Pendant que je virois vent devant, quelques-uns des Naturels du pays vinrent à bord , & me dirent que dans une baie iituée un peu au Sud , & qui étoit celle que je n'avois pas pu atteindre le jour où j'arrivai a celle de Tegadoo , il y avoit de Y excellente eau douce , & que les bateaux pourroient débarquer fans trouver de houle. Je crus qu'il valoit mieux mouiller dans cette baie que de me tenir en mer, parce que je pourrois y completter mes proviiions d'eau & former de nouvelles liaiions avec des Indiens. D'après cette réfolution, je mis le cap fur le côté delà baie & j'envoyai dans l'inférieur deux bateaux armés pour examiner l'aiguade ; nos gens confirmant à leur retour ce que nous avoient dit les Naturels du pays , je mis ïi lancre vers une heure , par onze brailes d'eau , fond de beau fable, la pointe feptentrionale de la baie nous reftant au N. i N. E. , ce la pointe Sud au S. E. ; nous avions au S. ; S. E. , à environ un mille, le lieu de faiguade , qui étoit dans une petite anie , un peu en dedans de la pointe Sud de la baie. Pluiieurs pirogues arrivèrent à finftant du rivage , & les Indiens trafiqu~-reut avec nous de très - bonne - foi ; nous lelir don* nâmes d ïj Capitaine C o o k. 89 names en échange de leurs armes & de quelques pro- i 1 virions , des écofíes d'ü¿ hïtt Ôc des bouteilles de verre Ann. 1769. * ,r Octobre, qu ils aimoient palnonnement. L'après-midi du n 3 , dès que le vaiffeau fut amarré, j'allai a terre avec MM. Banks & Solander, pour examiner le lieu de l'aiguade. Le bateau débarqua dans l'anfe fans trouver de houle ; nous reconnûmes que l'eau étoit excellente , & qu'on pouvoit en faire commodément. Il y avoit une très-grande quantité de bois tout près de la marque de la marée haute, & les difpofitions des Naturels du pays envers nous, étoient a tous égards telles que nous pouvions le defirer. Le réfultat moyen de pluiieurs obfcrvations du folcii & de la lune, faites par M. Green & par moi, me donna i8od 47' pour la longitude O. ; mais comme toutes les obfcrvations faites auparavant ne fe rencontroient pas avec celles-ci, j'ai déterminé la fitua-tion de la cote fur le terme moyen de tous ces réful-tats. A midi je pris la hauteur méridienne du folcii avec un quart de nonante qui fut dreifé au lieu de l'aiguade, Ôc je trouvai que notre latitude étoit de ^E îles le grand matin, je chargeai le Lieutenant Gore d'aller k terre avec un nombre fuffifant de matelots pour couper du bois ôc faire de l'eau, ôc tous les foldats de marine pour lui fervir de garde. Après le déjeûner je débarquai moi-même, & je reftai toute la journée à terre, Tome IIL M —---- MM. Banks ée Solander y vinrent aiiffi pour re- Ann. 1769. -cueillir des plantes, 6c dans leur promenade ils virent Ottobre, différentes chofes dignes de remarque. Us rencontrèrent dans les vallées pluiieurs maifons qui fembloient ctre entièrement défertes, les Indiens vivans fur les fommets des collines dans des efpèces de hangars très-proprement conftruits. En avançant dans une de ces vallées , dont les collines étoient très-eicarpées de chaque côté j ils apperçurent tout-a-coup une curiofité naturelle très-extraordinaire. C'étoit un rocher troué dans toute fa profondeur, de manière qu'il formoit une arcade ou caverne étonnante , d'où l'on découvroit la mer. Cette ouverture, qui avoit foixante ôc quinze pieds de long, vingt-fept de large ôc quarante-cinq de haut, préfentoit une partie de la baie ce des collines de l'autre côté , qu'on voyoit k travers. Ce coup d'oeil inattendu produifoit un effet bien fupérieur k toutes les inventions de l'Art. En retournant le foir au lieu de l'aiguade, ils trouvèrent un vieillard qui les retint pendant quelque tems pour leur montrer les exercices militaires du pays , avec les lances ôc les patou-patous, qui font les feules armes en ufage chez ces Indiens. La lance , faite d'un bois très-dur 6c pointue aux deux bouts , a dix k quatorze pieds de long. Nous avons déjà donné la defeription du patou-patou ; il a environ un pied de long, il eft fait de talc ou d'os, ôc a un tranchant aigu; ils s'en fervent comme d'une hache de bâtait L'Indien s'avançoit avec un vifage plein de fureur contre un poteau ou pieu qui repréfentoit l'ennemi ; il agitoit enfuite fa lance qu'il ferroit avec beaucoup de force. Quand fon fantôme d'ad^erfaire étoit cenfé avoir été percé de fa lance, il couroit fur lui avec fon patou-patou , ôc fondant fur l'extrémité fupérieure du poteau qui figuroit la tête de fon rival , il y frappoit un grand nombre de coups avec tant de force, que chaque coup auroit probablement fufh* pour fendre le crâne d'un bœuf. Comme ce champion affaillit encore fon ennemi avec le patou-patou , après l'avoir percé de fa lance, nos Officiers conclurent que dans les batailles ces peuples ne font point de quartier. L'après-midi nous dreifâmes la forge du ferru-rier pour raccommoder les crampons de la barre du gouvernail qui avoient été rompus , ôc nous continuâmes à faire de l'eau Ôc du bois , fans recevoir la moindre oppoiition de la part des Naturels du pays. Ils nous apportèrent au contraire différentes eipè-ces de poiífon que nous achetâmes , comme a l'ordinaire , pour de la verroterie ôc des bouteilles de verre. Le 2-5, MM. Banks ôc Solander allèrent encore a. terre, ôc pendant qu'ils recueilloient des plantes, Tupia reità près de ceux de nos gens qui faifoient de Peau. Parmi les Indiens qui s'en approchèrent, il y avoit un Prêtre avec qui il eut une converfation très-favante. Us fembloient être parfaitement d'accord dans leurs idées fur la religion , ce qui n'arrrive pas fou-vent a nos habiles Théologiens d'Europe. Tupia pa-roiilbit pourtant avoir le plus de connoiifances , ôc l'autre l'écoutoit avec beaucoup de docilité ôc d'atten- M ij i)Z V O Y A. G E =———S tion. Dans le cours-de cette couverfatron , après qu'ils Ann 1-69. furent convenus des points eiîèntiels de la Théologie, Tupia demanda k ion interlocuteur s'ils étoient dans Vuiage de manger des hommes ; il lui répondit affirmativement, mais il ajouta qu'ils ne mangeaient que leurs ennemis qui avoient été tués dans les combats. Le 26, il plut toute la journée, de forte qu'aucun de nous ne put aller a terre, Se très-peu d'Indiens-vinrent au vaiiîeau ou au lieu de l'aiguade. Le 27 , j'allai avec le Docteur Solander examiner le fond de la baie. Nous débarquâmes en deux endroits, mais il ne nous arriva prefque rien qui fut digne de remarque. Les Indiens fe comportèrent très-honnêtement à notre égard Se nous montrèrent tout ce que nous defirâmes de voir. Parmi les bagatelles eu-rieufes que le Docteur Solander acheta d'eux, il fe trouva une toupie qui avoit exactement la même forme-que celles de nos enfans , Sa ils lui firent entendre par iignes que pour la faire tourner il falloit la fouetter. Sur ces entrefaites, M. Banks alla à terre au lieu de l'aiguade, & gravit une colline qui étoit à peu de diftance de-là , afin de voir une haie formée de pieux que nous avions obfervée du vaiiîeau, & qui avoit été le fujet de beaucoup de conjectures. La colline étoit extrêmement efearpée Se il étoit prefque im-poffible d'y arriver par le bois ; cependant il atteignit le lieu de la haie, près de laquelle il trouva pluiieurs maifons que leurs habitans avoient abandonnées. Les pieux fembloient être d'environ feize pieds de haut ; ils étoient rangés fur deux lignes éloignées de fix pieds l'une de l'autre ; & entre chaque pieu il y avoit une efpace à-peu-près de dix pieds. Le chemin intermédiaire étoit couvert par des bâtons , qui, du fommet des pieux , le rapprochant les uns vers les autres , reffembloient au toit d'une maifon. Cette palhTade , avec un foifé parallèle , fe prolongeoit à environ cent verges fur le flanc de la colline, en formant une efpèce de courbe ; mais nous n'avons pas pu deviner pour quel ufage elle avoit été ainfi conitruite. Les Indiens, qui étoient au lieu de l'aiguade, chantèrent à notre prière leur chanfon de guerre ; les femmes prirent part à cette mufique en faifant des contorfions de vifage épouvantables, roulant les yeux, tirant la langue, pouffant fouvent de gros & profonds foupirs , & tout cela fe faifoit en mefure. Le 28 , nous débarquâmes fur une lile fituée à gauche de l'entrée de la baie, où nous vîmes la plus grande pirogue que nous euiîions encore rencontrée : elle avoit foixante-huit pieds & demi de long , cinq de large & trois pieds fix pouces de hauteur. Son fond étoit en quille & compofé de trois troncs d'arbres creufés , dont celui du milieu étoit le plus long. Les planches des côtés avoient foixante - deux pieds de long d'une feule pièce, & elles étoient aifez bien fculptées en bas-relief j il avoient orné l'avant avec des fculptu-res répandues avec encore plus de profufion. Nous vîmes fur cette Ifle une maifon beaucoup plus grande que celle que nous avions apperçues jufqu'alors ; mais elle ne paroiffoit pas achevée , & elle étoit remplie de coupeaux. Les ouvrages en bois avoient été équarris 94 Voyage - „ ^ (j7une manière fi égaie & fi unie , que nous ne dou-Oaobre9* t^m£S Pas 9tt'^s n'euilent des inftrumens très-tran-chans. Les côtés des poteaux étoient fort bien fculp-tés d'après leur goût bifarre , qui préfère a toutes autres figures les lignes fpiraies ôc les vifages remplis de contorfions. Comme ces poteaux fculptés fem-bloient avoir été apportés la de quelqu'autre endroit , ils attachoient probablement un grand prix k cet ouvrage. Le 20 , a quatre heures du matin, je démarrai ôc je mis en mer après avoir pris a bord de l'eau, du bois ce une très-grande proviñon d'un excellent celeri qui eft abondant dans le pays, & qui eft un puiflant anti-feorbutique. Cette baie eft appellée Tolaga par les Naturels du pays ; elle eft médiocrement large ; la fonde y rapporte de 7 à 13 brafTes , fond de beau fable , avec un bon mouillage, Ôc elle eft à l'abri de tous les vents, fi l'on en excepte ceux qui foufflent du N. E. Elle gît au 38a 22' de latitude S., & a quatre lieues ôc demie au Nord du promontoire Gable-End. Sur la pointe méridionale , il y a une petite Ifle , affez élevée, ôc fi voifine de la grande terre qu'au premier coup d'œil elle n'en paroit pas féparée. On trouve deux rochers élevés tout près de l'extrémité feptentrionale de l'Ifle , k l'entrée de la baie; l'un eft rond comme une meule de foin, ôc l'autre eft long ôc troué en pluiieurs endroits , de forte que les ouvertures reffemblent aux arches d'un pont. En dedans de ces rochers eft l'an^e où nous coupâmes du bois ôc où nous remplîrnes nos futailles. A la hauteur de la pointe Nord de la baie , où rencontre une Ifle de rochers aifez haute, & environ un mille au large , il y a quelques rochers ôc des brifans. La variation de fai guille y eft de 14e1 31' E.; la marée, dans les pleines 6c les nouvelles lunes , monte fur les ' fiché en terre ôc incliné vers leur feu. Ils cuifent leurs alimens au four en les mettant dans un trou garni de pierres chaudes, comme les Otahitiens. Parmi les Naturels du pays qui s'étoient raffem-blés à cette occafion, nous vîmes une femme qui déplo-roit à la manière du pays la mort d'un de fes parens: elle étoit ailife k terre près des autres, qui, excepté un feul, ne faii'oient pas la moindre attention k elle. Les larmes couloient en abondance le long de les joues , ôc elle répétoit d'une voix baffe, mais très-plaintive, des paroles que Tupia lui-même n'entendoit point. A la fin de chaque phrafe elle fe faifoit des incitions fur les bras, le vifage Ôc la poitrine , avec une coquille qu'elle tenoit k la main , de forte qu'elle étoit prefque couverte de fang, ce qui offroit un des plus tou-chans fpecfacles qu'il foit poffîble d'imaginer. Les blef-fures ne paroiffoient pourtant pas être auííi profondes que celles qu'ils fe font quelquefois en pareilles occa-fions, fi nous pouvons en juger par les cicatrices que nous appercûmes fur les bras , les cuiffes , la poitrine ôc les joues de pluiieurs d'entr eux , ôc qu'on nous dit être des bleffures qu'ils s'étoient faites , comme des témoignages de leur affe&ion ôc de leur douleur. Le lendemain io, accompagné de M. Banks ôc de quelques-uns de nos Officiers, j'allai avec deux bateaux examiner une grande rivière qui a fon embouchure au fond de la baie. Nous la remontâmes l'ef-pace de quatre ou cinq milles, ôc nous aurions avancé beaucoup plus loin , il le tems avoit été favorable. 555 Elle étoit beaucoup plus large qu'à fon embouchure, Ann. 1769. Ôc divifée en pluiieurs bras par de petites Ifles plattes qui font couvertes de palétuviers , ôc inondées a la haute marée. Ces palétuviers diftillent une fubftance vifqueufe qui reifemble beaucoup à la réfi ne. Nous en avions d'abord trouvé en petites maifes fur le bord de la mer , ce nous la vîmes enfuite collée aux arbres, ce qui nous fit connoître d'où elle venoit. Nous débarquâmes fur le côté oriental de la riviere , où nous appercûmes un arbre iur lequel plufieurs oiieaux , de l'efpèce des cormorans, avoient conftruit leur nid, ôc en conféquence nous réfolûmes d'en dîner. Nous eûmes bientôt tué vingt de ces oifeaux , ôc après les avoir rôtis fur le champ, nous en fîmes un excellent repas. Nous montâmes enfuite fur les collines , d'où nous comptions découvrir la fource de la rivière. Les bords de chaque coté , ainfi que les lues , étoient couverts de palétuviers , ôc la greve abondoit en pétoncles ôc autres coquillages. Il y avoit en pluiieurs endroits des huîtres de rochers, Ôc par-tout une grande quantité d'oiièaux de rivière fauvages, ôc fur - tout des cormorans , des canards, des corîieus ôc des pies-de-mer dont j'ai déjà donné la deicription plus haut. Nous appercûmes auili du poiífon dans la rivière, mais nous ne pûmes pas découvrir de quelle efpèce il étoit. La plus grande partie du pays , fur le côté oriental de la rivière , eft ftérile Ôc deffitué de bois ; mais fur le côté de l'Oueft, il préfente un meilleur afpe&, & il eft orné d'arbres en quelques endroits, quoiqu'il n'ait nulle parc une apparence de culture. A l'entrée de la rî- L ° viere & dans l'efpace de deux ou trois milles vers fa Ann. 17%. io urce , il y a un bon mouillage par 4 ou ■$ braiîès Novemb. a^c2lu , ^ ^es eil(jroits très-commodes pour échouer un navire, où la marée s'élève & retombe de fept pieds dans les pleines & les nouvelles lunes. Nous n'avons pas pu déterminer ii quelque courant coniidérable d'eau douce débouche de l'intérieur du pays dans cette rivière ; mais nous vîmes fortir des collines voiiines un grand nombre de petits ruiifeaux. Près de fembou-chure de cette rivière , au côté oriental , nous trouvâmes un petit village Indien compofé de petits hangars. Nous y débarquâmes , & les habitans nous reçurent avec de grands témoignages d'hoipitalité & d'amitié; ils nous régalèrent d'un poiífon à coquille piatte, reiìèmblant un peu au pétoncle ; nous le mangeâmes fortant de deifus les charbons , & il étoit d'un goût délicieux. Près de cet endroit, il y a une pointe élevée ou pcninfulc qui s'avance dans la rivière, & où l'on apperçoit les relies d'un fort qu'ils appellent Fp-pali ou Heppah. Le plus habile Ingénieur de l'Europe n'auroit pas pu choiiir une meilleure iituation pour mettre un petit nombre d'hommes en état de fe défendre contre un plus grand. Les rochers font ii efearpés que l'eau qui enferme ce Fort de trois côtés le rend entièrement inacceilible , & du côté de terre il eft fortifié par un folTé & un parapet élevé en dedans. Du fommet du parapet jufqu'au fond du foifé , il y a vingt-deux pieds. Le foifé en dehors a quatorze pieds de profondeur & une largeur proportionnée. Toute Ia fbrtereiîé fembloit avoir été conilruite avec beaucoup de jugement. Il y avoit une rangée de piqlieCS ou palillâdes paliffades fur le fommet du parapet 6c le long du bord f?"" du foiTé en dehors. Ces derniers avoient été enfoncés en terre à une très-grande profondeur , & ils étoient inclinés 6c s'avançoient en faillie vers le foifé ; mais on n'y avoit laiifé que les plus épais qui portoient des marques évidentes de feu, de forte que probablement la place avoit été prife ôc détruite par un ennemi. Si un vaiffeau étoit jamais obligé d'y hiverner ou d'y féjourner pendant quelque tems , il pourroit drefïèr des tentes en cet endroit qui eft allez vaile ôc fort commode , 6c qu'on défendroit ai fé ment contre les forces de tout le pays. Le it , le vent fut fi fort 6c la pluie fi abondante qu'aucune pirogue des Indiens ne fe mit en mer, j'envoyai pourtant la chaloupe prendre des huîtres fur l'un des bancs qui avoient été découverts la veille. Le bateau revint bientôt entièrement chargé ; les huîtres qui étoient auili bonnes 6c à-peu-près de la même grolîéur que les meilleures de celles qui viennent de Colchejîer, furent dépofées fous les mâts , 6k tout lequipage ne fit qu'en manger jufqu'au foir, tems où l'on imagine bien que la plus grande partie en étoit déjà confommée. Cette con-fommation ne nous fit pourtant point de peine , parce que nous favions que les bancs étant fecs à la marée baffe , il y avoir affez de ces coquillages pour en charger non-feulement la chaloupe, mais même le vaiffeau. Le matin du 12, deux pirogues fe mirent en mer; elles étoient remplies d'Indiens que nous n'avions pas encore vus, mais qui, par les précautions qu'ils pr-e-noient en nous approchant, fembloient avoir entendu Tome IIL Q V"..... . , parler de nous. Nous leur donnâmes tous les témoî- Ann. 1769. gnages pofîibles d'amitié pour les inviter à s'avancer 0 ' au côté du vaiiîeau ; ils s'y hafardèrent ; deux d'en-tr'eux montèrent à bord, ôc les autres nous vendirent, d'une manière très-honnête , ce qu'ils avoient. Une petite pirogue vint aufii de l'autre côte de la baie ; les Naturels qui la montoient nous vendirent quelques gros poiffons , en nous faifant entendre qu'ils avoient été pris la veille ôc qu'ils nous les auroient apportés tout de fuite, ii le vent trop fort ne les avoit pas empêché de s'embarquer. Après déjeuner j'allai avec la pinaife ôc fiole, accompagné de MM. Banks & Solander , au côté fep-tentrional de la baie , afin d'examiner le pays ôc deux villages fortifiés que nous avions reconnus de loin* Nous débarquâmes près du plus petit , dont la fitua-tion étoit la plus pittorefque qu"on puiife imaginer ; il étoit conflruit fur un petit rocher détaché de la grande terre,, Ôc environné d'eau à la haute marée. Ce rocher étoit percé dans toute fa profondeur, par une arche qui en occupoit la plus grande partie ; le fommet de l'arche avoit plus de foixante pieds d'élévation perpendiculaire au-deffus de la furface de la mer, qui couloit à travers le fond à la marée haute : le haut du rocher , au-deffus de l'arche , étoit fortifié de paliffades à la manière du pays ; mais l'efpace n'en étoit pas affez vafie pour contenir plus de cinq ou fix maifons ; il n'étoit acceffible que par un (entier efearpé ôc\étroit, par où les habitans defeendirent à notre approche , & nous invitèrent à monter ; nous refusâmes cette offre , « parce que nous avions envie d'examiner un Fort beau- — =^ coup plus corvfidérabîe de la même efpèce , finie à-peu- ^1'^9' prèsa un mille de-la Nous fîmes quelques prélens aux femmes , Ôc fur ces entrefaites, nous vîmes les ïn d 1 e n s du bourg vers lequel nous allions , s'avancer vers nous en corps au nombre d'environ cent , y compris les hommes , les femmes ¿V les enfans ; quand ils furent affez près pour fe faire entendre, ils firent un geffe de leurs mains en nous criant Horomaï ; ils suffirent enfuite parmi les buifons près de la grève: on nous dit* que ces cérémonies étoient des lignes certains de leurs difpofitions amicales à notre égard. Nous marchâmes vers le lieu où ils étoient afïis , 6c quand nous les abordâmes nous leur fîmes quelques préfens , en demandane perniiffîon de viffter leur Heppah ; ils y conièntirent avec la joie peinre fur; leur vifage , Ôc fur le champ ils nous y conduifirent : il eft appelle Wharretouwa , & il eft fhué iur un promontoire ou pointe élevée qui s'avance dans la • mer, fur le côté* feptentrional 6c près du fond de la baie. Deux des côtés lavés par les flots de la mer, font entièrement inacceflibles ; deux autres côrés font contigus à la terre : il y a depuis la grève une avenue qui conduit a un de ceux-ci , qui eft très-efearpé ; l'autre eft plat : on voit fur la colline une palilîade d'environ dix pieds de haut, qui environne le tout ôc qui eff compofée de gros pieux , joints fortement enfem-bF avec des baguettes d'oficr. Le côté foible , près de la terre, étoit auili défendu par un double foifé, dont l'intérieur avoit un parapet Ôc une feconde paliffade ) les paliiTades du dedans étoient élevées fur Q n le parapet près du bourg , mais à une affez grande Ann. 1769. diftance du bord & du follé intérieur, pour que les Novemb. Xn die ri s puffent s'y promener & s'y ièrvir de leurs armes : les premières paliffades du dehors fe trouvoient entre les deux foiîés , ôc elles étoient enfoncées obliquement en terre , de manière que leurs extrémités fupérieures étoient inclinées vers le fécond foifé ; ce folié avoit vingt-quatre pieds de profondeur, depuis le pied jufqu'au haut du parapet ; ôc tout près ôc en dedans de la paliflade intérieure , il y avoit une plateforme de vingt pieds d'élévation , de quarante de long & de fix de large : elle étoit foutenue par de gros poteaux , 6c deftinée k porter ceux qui défendent la place , 6c qui peuvent de-lk accabler les affaillans par des dards 6c des pierres , dont il y a toujours des tas en cas de beioin. Une autre plateforme de la môme efpèce , 6c placée également en dedans de la paliffade, comman-doit l'avenue efearpée qui aboutiffoit a la grève ; de ce côté de la colline , il y avoit quelques petits ouvrages de fortification 6c des huttes, qui ne fervoient pas de poftes avancés , mais d'habitations k ceux qui., ne pouvant pas fe loger faute de place dans fintérieur du Fort, vouloient cependant fe mettre à portée d'en être protégés. Les paliffades , ainfi qu'on 1*£ déjà obfervé , environnoient tout le fommet de la colline, tant du côté de la mer que du côté de la terre ; mais le terrein , qui originairement étoit une montagne , n'avoit pas été réduit à unfeul niveau , mais formoit pluiieurs plans différens qui s'élevoient en amphitcatre , 1£S uns au-deiîous des autres , 6e dont chacun étoit environné par une paliflade féparée ; ils communiauoienc cntr'eux par des fentiers étroits qu'on pouvoit fermer —a facilement ; de forte que fi un ennemi forcoit la palif- Ann. 1769. lade extérieure , il dcvoit en emporter d autres avant que la place fût entièrement réduite , en fuppofant que les Indiens défendillent opiniâtrement chacun de ces polies. Un palfage étroit d'environ douze pieds de long , & qui aboutit à l'avenue efearpée qui vient du rivage , en forme la feule entrée : elle pallé fous une des plateformes j ôc quoique nous n'ayons rien vu qui reffemblât a une porte ou a un pont, elle pourroic aifément être barricadée, de manière que ce feroit une entreprife très-dangereufe ôc très-difficile que d'effayer de la forcer ; en un mot , on doit regarder comme très-forte une place dans laquelle un petit nombre de combattans déterminés, fe défend aifément contre les attaques que pourroit former , avec fes armes, tout le peuple de ce pays. En cas de fiége , elle parohToit être bien fournie de toutes fortes de proviiions , excepte d'eau : nous appercûmes une grande quantité de racines de fougère , qui leur fert de pain , & de poiffons fecs amoncelés en tas ; mais nous ne remarquâmes pas qu'ils enflent d'autre eau douce que celle d'un ruifïeau qui couloit tout près ôc au-deffous du pied de la colline. Nous n'avons pas pu favoir s'ils ont quelque moyen d'en tirer de cet endroit pendant un fiège , ou s'ils connoiflènt la manière de la conièrver dans des citrouilles ou d'autres vafes ; ils ont fûrement quelque reiTource pour fe procurer cet article nécefiaire à la vie, car autrement il leur feroit inutile de faire des amas de proviiions. Nous leur témoignâmes le defir que nous avions de voir leurs exercices d'attaque ôc de Voyage déíénfe ; un jeune Indien monta fur une des plateformes de bataille , qu ils appellent Forava , & un autre descendit dans le foifé , les deux combattans entonnèrent leur chanfon de guerre, & dansèrent avec les mêmes geftes effrayans que nous leur avions vu employer dans des circ'onftances plus féricufes , afin de monter leur imagination à ce degré de fureur artificielle qui , chez toutes les Nations fauvages , eil le prélude néceflàire du combat. En effet , la force d'efprit qui peut furmonter la crainte du danger , fans le fecours de cette efpèce d'ivreffe , femble être une qualité particulière à des hommes occupés de projets d'une importance plus réelle & animés d'un fentiment plus vif de l'honneur & de la honte, que ne peuvent l'être des hommes qui n'ayant guères d'autres plaifirs ou d'autres peines que ceux de la iimple vie animale, penfent uniquement à pourvoira leur fubiiffance journalière , à faire du pillage ou à venger une infulte ; il eft vrai cependant qu'ils s'attaquent avec intrépidité les uns les autres , quoiqu'ils aient befoin de fe paifionner avant de commencer le combat, a'nfi qu'on voit parmi nous des hommes qui s'enivrent afin de pouvoir exécuter un projet formé de fang froid , & qu'ils n'auroient pas oie accomplir tant qu'ils feroient reftés dans cet état. Nous appercûmes fur le côté de la colline , près de ce Fore Indien , l'eîpace d'environ un demi-acre de terrein , planté de citrouilles & de patates douces* & qui étoit le feul endroit cultivé de fa baie ; »' Y a deux rochers au pied de la pointe, lur laquelle e^ conftruite cette fortification , l'un entièrement détaché--- de la grande terre , ôc l'autre qui ne l'eir. pas tout-k- *^ fait, ils font petits tous les deux, ôc ils paroiifent plus propres k fervir de retraite aux oifeaux qu'aux hommes ; cependant il y a des maifons ôc des places de défenfe fur chacun d'eux. Nous vîmes pluiieurs autres ouvrages de même efpèce fur de petites Ifles, des rochers ôc des fommets de collines en différentes parties de la côte , outre quelques autres bourgs fortifiés , qui fcmbloient être plus coniidérablcs que celui-ci. Les hoftiîités continuelles dans Iefquelles doivent vivre nécelîairement ces pauvres Sauvages , qui ont fait un fort de chaque village , expliqueront pourquoi ils ont fi peu de terres cultivées ; ôc comme les malheurs s'engendrent fouvent les uns les autres , on en conclura peut-être qu'ils font d'ailleurs perpétuellement en guerre , parce qu'ils n'ont qu'une petite quantité de terrein mis en culture. Il eft très-furprenant que l'induftrie ôc le foin qu'ils ont employés à bâtir , prefque fans inftrumens, des places fi propres k la défenfe, ne leur aient pas fait inventer par la même raifon une feule arme de trait, k l'exception de la lance, qu'ils jettent avec la main: ils ne connoiffent point l'arc pour les aider à décocher un dard , ni la fronde pour lancer une pierre, ce qui eft d'autant plus étonnant que l'invention des frondes, des arcs ôc des flèches , eft beaucoup plus fimple que celle des ouvrages que conftruifent ces peuples , & qu'on trouve d'ailleurs ces deux armes dans prefque toutes les parties du monde, chez les Nations les plUs Sauvages. Outre la grande lance & Voyage --le patou-patou, dont j'ai déjà parlé , ils ont un bâton Ann 1769. d'environ cinq pieds de long, quelquefois pointu com-ovemb. ^ ^ hallebarde d'un Sergent, 6c d'autres fois terminé en une feule pointe à l'un des bouts , 6c ayant l'autre large 6c d'une forme approchante de la pale d'une rame ; ils ont encore une autre arme d'environ un pied plus courte que celle-ci , pointue à une des extrémités, ôc faite comme une hache a l'autre : leurs grandes lances ont des pointes barbelées , Ôc ils les manient avec tant de force & d'agilité , que nous n'aurions pu leur oppofer avec avantage d'autres armes que des fuiils. Après avoir examiné légèrement le pays, ôc chargé les deux bateaux de céleri , que nous trouvâmes en grande abondance près de la grève , nous revînmes de notre expédition , ôc fur les cinq heures du foir nous arrivâmes à bord du vaiffeau. Le 15 , je fis voile hors de la baie, ôc il y avoit en même-tems au côté de notre bâtiment phifieurs pirogues , dans l'une defquelles étoit notre Indien Toiava , qui nous dit que dès que nous ferions partis il fe réfugieroit à fon Heppah ou Fort, parce que les amis de l'homme qui avoit été tué par M. Gore, le 9, l'avoient menacé de venger iur lui cette mort, qu'ils lui reprochoient à caule de fon affection pour nous. A la hauteur de la pointe feptentrionale de la baie, je vis un grand nombre d'Ifles de différente étendue , ôc qui font difperfées au N, O. , dans une direction parallèle à la grande terre , auili loin que pouvoit porter Ia vue. Je gouvernai au N. E. vers celle de ces Iües Qul étoit école la plus approchante de ce rumb ; mais le vent —---— fautant au N. O. , je fus obligé de remettre le cap au Ann !769-. r No verni», large. Je donnai le nom de Baie de Mercure a la baie que nous venions de quitter , parce que nous y obfervâmes le paííage de Mercure fur le difque du Soleil ; elle gk au 36d 47' de latitude S. ôc au 184a 4/ de longitude O. ; il y a pluiieurs Ifles au Sud ôc au Nord , 6c une petite Ifle ou rocher au milieu de fentrée : en dedans de cette Ifle la fonde ne rapporte nulle part plus de 9 braffes : le meilleur mouillage fe trouve dans une baie fablonneufe , en dedans de la pointe méridionale, par 5 ou 4 braffes d'eau ; il faut arriver jufqu'à ce qu'un rocher femblable à une haute tour , qui eft en dehors de la pointe , foit fur la même ligne que cette pointe , ou cachée derrière. On peut faire très-commodément de l'eau 61 du bois en cet endroit, 6c il y a dans la rivière une quantité immenfe d'huîtres 6c d'autres coquillages ; c'eft pour cela que je l'ai appellée Rivière des Huîtres : cependant un vaiiîeau qui devroic relâcher ici pendant quelque-tems , pourroit choifir un endroit meilleur 6c plus iùr dans la rivière qui eft au fond de la baie , 6c à laquelle je donnai le nom de Mangrove1's River, ( Riviere des Palétuviers ) à caufe du grand nombre de ces arbres qui font dans les environs Pour faire voile dans cette rivière , il faut pendant toute la route ranger la côte méridionale. Le fol , fur ie coCé Eft de la rivière 6c de la baie, eft très-fterile : ^ np pr0(jujc qlIe ¿e ja f0Ug¿rc y & un Tome 11L '. ........: petit nombre d'autres plantes qui croiifent dans les Ann. 1769. mauvais fols ; la terre, fur le côté N. O., eft couverte Novemb. ^ bois, & le fol étant beaucoup plus fertile , il produisit fans doute toutes les denrées nécelfaires à la vie s'il étoit cultivé ; il n'eft pourtant pas auifi fécond que les terres que nous avons vues au Sud , & les habitans , quoique nombreux , paroiifent plus miféra-bles ; ils n'ont point de plantations ; leurs pirogues font médiocres & fans ornements , & ils couchent en plein air : ils difoient que fi Ttratu , dont ils ne recon-noiifoient pas la fouveraineté , venoit parmi eux , il les tueroit : ce rapport nous confirma dans l'opinion que c'écoient des rebelles errants, cependant ils nous apprirent qu'ils avoient des Heppahs ou places fortes, où ils fe retiroient lors d'un danger imminent. Nous trouvâmes en plufieurs parties de cette baie? une grande quantité de fable ferrugineux, qui avoit été jettée fur la côte par tous les petits ruiifeaux d'eau douce qui viennent de l'intérieur du pays, ce qui démontre qu'on trouveroit des mines de fer, fans aller bien avant dans les terres. Cependant les habitans de ce canton, ainfi que ceux des autres parties de la côte que nous avons vus , ne connoiifent point l'ufage de ce métal , qui n'a pour eux aucune valeur ; ils préféroient tous la bagatelle la plus inutile , non-feulement k un clou, mais même k tout autre inftrument de fer. Avant de quitter la baie., nous gravâmes fur ufl des arbres, près du lieu de l'aiguade, le nom du vaif- feau & celui du Commandant, avec la date de Tannée & du mois où nous y avons relâché; & après avoir arboré pavillon Anglois, j'en pris formellement pof-feiîion au nom de Sa Majefté Britannique le Roi George III. Ann. 1769. Novemb. CHAPITRE V. Traverfée de la Bate de Mercure à la Baie des Ifles. Expédition le long de la Rivière Tamife. Defcription des Indiens qui habitent fes bords. Beau bois de charpente qui y croît. Plu fleurs entrevues avec les Naturels du Pays en différentes parties de la Côte. Combat contr'eux fur une des If es. ,„„......... J e continuai à courir au plus près pendant deux Ann. 1769. jours> ann de gagner le deifous de la terre, 6c le 18, Novemb. fur les fept heures du matin , nous étions en travers d'un promontoire très-remarquable au 36d 2-6' de latitude , 6c au N. 48 O. de la pointe feptentrionale de la baie de Mercure ou de la pointe Mercure, qui étoit éloignée de neuf lieues; il y avoit fur cette pointe pluiieurs Indiens qui fembloient faire peu d'attention à nous, mais qui parloient enfemble avec beaucoup de vivacité, Environ une demi-heure après, pluiieurs pirogues fe détachèrent de diiférens endroits de la côte, 6c s'avancèrent vers le vaiffeau; fur quoi les indiens de la pointe mirent auili une pirogue en mer , montée par vingt d entr'eux qui s'approchèrent des autres-Lorique deux de ces pirogues, ayant environ foixante hommes à bord, furent allez près pour fe faire entendre, les Indiens entonnèrent leur chanfon de guerre ; mais, voyant que nous nous embarrailions fort peu de -'■ . -i 1 • o Ann. 1769, leurs menaces, us nous jetterent quelques pierres, c: js^venb retournèrent enfuite vers le rivage. Nous comptions n'avoir plus rien à démêler avec eux , mais ils revinrent dans peu de tems, comme s'ils avoient enfin pris la réfolution de nous provoquer k un combat , & ils s'excitèrent à la fureur en chantant leur chanfon de guerre, ainfi qu'ils avoient fait auparavant. Tupia , fans que nous l'en priaiflons, alla fur la poupe, & fe mit à leur faire des plaintes & des reproches ; il leur dit que nous avions des armes qui les extermineroient dans un inftant, ôc que nous ferions forcés de les employer contr'eux , s'ils ofoient nous attaquer : pour toute répoofe, ils agitèrent leurs armes ck s'écrièrent dans leur langue: *> venez k terre, ôt nous vous tue-» rons tous a ; » fort bien, dit Tupia , mais pourquoi » nous inquiéter , tandis que nous fommes en mer ? «comme nous n'avons pas envie de combattre, nous n n'accepterons pas votre défi d'aller a terre, 6c vous y> n'avez aucune raifon de nous faire une querelle , puif-)\ que la mer ne vous appartient pas plus qu'au vaif-» feau «. Cette éloquence de Tupia, qui nous furpric d'autant plus que nous ne lui avions point indiqué les raifons qu'il employoit, ne fit aucun effet fur nos ennemis qui renouvellerent bientôt leurs menaces : nous tirâmes alors a travers une de leurs pirogues un coup de fufil ; cet argument fit plus d'imprefîion , car ils virèrent de bord fur le champ, 6c nous quittèrent. De pu i s la pointe en travers de laquelle nous étions alors, la terre court O. f S. dans l'efpace de près d'une : lieue, 6c enfuite S. S. O. auili loin que pouvoit s'éten-Ann. 1769. ¿re ia YUQf & olUre }es lfles qui étoient en-dehors de NoveÜ?. . , nous , nous pouvions appercevoir une terre dans le S. O. jufqu'au N, O., mais nous ne pûmes pas reco n noi ere fi elle faifoit partie de la grande terre ou fi c'étoient de petites Ifles ; cependant je réfolus de fui-vre fa direction dans la crainte de perdre la côte de la Nouvelle-Zélande. Dans cette vue je fis le tour de la pointe, 6c je gouvernai au Sud ; mais, comme nous n'avions que de petites fraîcheurs , nous fîmes peu de chemin. A une heure , il s'éleva de i'Eft une brife qui en-fuite fauta au N. E., 6c nous gouvernâmes le long de la côte S. ~ S. E. 6c S. S. E,, la fonde rapportant de à 18 braifes. Sur les fept heures 6c demie du foir , après avoir couru fept ou huit lieues depuis le midi , je mis à l'ancre par ^3 braifes ; je ne voulois pas avancer plus loin dans l'obfcurité , d'autant plus qu'à nos deux côtés il y avoit une terre formant l'entrée d'un détroit, baie où rivière, gifant au S. \ S. E. Le 19, à la pointe du jour, le vent étant toujours favorable , nous appareillâmes 6c nous courûmes à petites voiles vers cette ouverture, en rangeant le plus près qu'il nous étoit pofiible la côte de l'Eft. Peu de tems après deux grandes pirogues fe détachèrent de la côte 6c s'avancèrent vers nous : les Indiens qu'elle portoient à bord dirent qu'ils connoilfoient très-bien Toiava, & ils appelleront Tupia par fon non*- J'inv*~ tai quelques-uns d eux à monter k bord , & , comme ils fa voient qu'ils n'avoient rien k craindre de nous, ^N'17^9* tant qu'ils fe comporteroient honnêtement ôc d'une manière paifible , ils acceptèrent fur le champ notre offre : je fis des préfens k chacun d'eux ôc je les renvoyai très-fatisfaits. De nouvelles pirogues arrivèrent enfuite près de nous d'un autre côté de la baie ; ces Indiens parlèrent auili de Toiava , ôc envoyèrent au vaiiîeau un jeune homme qui nous dit être fon petit-fils ; nous lui fîmes également des préfens 'lorfqu'il partit. Après avoir fait environ cinq lieues depuis l'endroit où nous avions mouillé le foir de la veille, notre fond diminua par degrés jufqu'k G braifes; ne voulanc pas continuer ma route avec moins d'eau , parce que c'étoit le moment du flot, ôc que le vent fouffloit debout, je mis à l'ancre au milieu du canal qui eft a-peu-près de onze milles de large, Ôc j'envoyai enfuite deux bateaux en avant pour faire fonder de chaque côté. Les bateaux n'ayant pas trouvé plus de trois pieds d'eau au-delk de ce que la fonde rapportoit dans l'endroit où nous étions , je réfolus de ne pas aller plus loin avec le vaiffeau, mais de m'embarquer fur les bateaux pour examiner le fond de la baie; car, comme elle paroiifoit s'étendre affez loin dans les terres , je crus que c'étoit une occafion favorable d'examiner l'intérieur du pays Ôc fes productions. Le %oy à la pointe du jour , je partis accompagné de MM. Banks Ôc Solander , ôc de Tupia , avec la Ann. i76cj. pînaHb & la chaloupe ; nous reconnûmes que la baie aboutiiioïc a une riviere , environ a neuf milles au-delîus de l'endroit où étoit le vaiiîeau ; nous entrâmes dans cette rivière au montant de la marée, ôc nous trouvâmes qu'à trois milles de fon embouchure , l'eau étoit parfaitement douce. Avant d'avoir parcouru le tiers de cette diftance , nous rencontrâmes un village Indien , bâti fur une levée de fable fec, ôc environnée dans tout fon contour d'une vaie profonde que peut-être les habitans regardoient comme un moyen de défenfe. Dès que ces Indiens nous apperçurent, ils accoururent en foule fur le rivage, ôc ils nous invitèrent à defeendre ; nous acceptâmes leur invitation , ôc nous leur rendîmes une viiite malgré la vafe ; comme le bon vieillard Toiava, notre ami, leur avoit parlé de nous, ils nous reçurent a bras ouverts; mais notre féjour parmi eux ne pouvoit pas être long, parce que nous avions en vue d'autres objets de curioiité. Nous remontâmes la rivière jufqu'à près de midi: nous étions alors à quatorze milles en-dedans de fon entrée; ôc voyant que faipeét du pays étoit à-peu-près le même, fans aucun changement dans le cours de la rivière que nous n'avions point d'cfpoir de fuivre jufqu'à fa fource , nous débarquâmes fur le côté de l'Oueft pour examiner des arbres élevés, dont fes bords étoient couverts par-tout. Quoique peu éloignés de la baie de Pauvreté ôc de la baie de Plawke, ils étoient d'une efpèce que nous n'avions pas encore vue auparavant. Nous eûmes a peine fait cent verges dans le bois que nous en rencontrâmes un qui avoit dix-neuf picCÎS -imc poucç pouces de contour, k fix pieds au-deifus de terre. Comme j'avois un quart de nouante, je mefurai ion éleva- ^M\*^' tion de la racine k la premiere branche, & je trouvai qu'elle étoit de quatre-vingt-neuf pieds. Il étoit auffi droit qu'une flèche & un peu terminé en pointe; je jugeai qu'il contenoit trois cens cinquante-fix pieds cubes de bois, fans les branches. En avançant , nous en vîmes pluiieurs autres plus gros ; nous en coupâmes un jeune , & le bois fe trouva pefant & folide ; il n'étoit point propre pour des mâts , mais on pouvoit en faire de très-belles planches. Le charpentier qui étoit avec nous dit qu'il reflembloit au pin qu'on rend léger en y faiiant des incifions : on pourroit peut-être trouver un moyen de rendre celui-ci auili léger, ce on en feroit alors des mâts meilleurs qu'avec aucun bois d'Europe. Comme il y avoit beaucoup de marécages, nous ne pénétrâmes pas fort loin ; mais nous trouvâmes pluiieurs grands arbres d'autres ef-peces, qui nous étoient tous absolument inconnus, 6c dont nous avons rapporté des échantillons. La riviere a cette hauteur eft auiTi large que la Tartufi, à Greenwich, & le flot de la marée y eft auffi fort; il eft vrai qu'elle n'eft pas auili profonde, mais elle a affez d'eau pour des bâtimens au-deffus d'une moyenne grandeur , & un fond de vafe ii mol , qu'en échouant fur la côte, un navire ne pourroit être endommagé. Sur les trois heures, nous nous rembarquâmes pour retourner au vaiiîeau avec le jufant, & n°us appelâmes la riviere, Tamifi , parce qu'elle a quel- Tomc I1L S Noyemb. que reiTemblance avec la riviere d'Angleterre qui porte Ann. 1769. ce nom. Les habitans du village où nous avions débarqué, voyant que nous nous difpofions à les quitter s'approchèrent de nous dans leurs pirogues, & trafiquèrent d'une maniere très - amicale jufqu'à ce qu'ils nous euffent vendu le petit nombre de marchandifes qu'ils avoient. Le jufant nous porta avant la nuit hors de la partie étroite de la riviere, au milieu du canal qui débouche dans la mer ; ôc nous fîmes de grands eiforts alors pour atteindre promptement le vaiiîeau, mais nous rencontrâmes le flot ôc une forte brife du N. N. O. avec une pluie violente , ce qui nous obligea d'abandonner l'entreprife; vers minuit , nous courûmes au-deiîbus de terre, ôc nous amarrâmes à un grappin, ôc nous prîmes autant de repos que la fituation où nous étions pouvoit le permettre. Le 21 , à la pointe du jour , nous nous remîmes en marche , ôc il étoit plus de fept heures quand nous arrivâmes au vaiiîeau. Nous étions tous extrêmement fatigués , mais nous nous crûmes heureux d'être à bord , car, avant neuf-heures, le vent fouilla avec tant de force que le bateau n'auroit pas pu voguer en avant, ôc que nous aurions été par conféquent obligés d'aller à terre , ou de chercher un abri au-deffous de la côte. Sur les trois heures, profitant du jufant de la marée , nous appareillâmes ôc nous defeendîmes la riviere jufqu'à huit heures du foir , que nous remîmes à l'ancre :1e 22, dès le grand matin, nous fîmes voile avec le reflux , ôc nous naviguâmes jufqu'à cc que le flot nous obligea à mouiller de nouveau* Com— me nous n'avions alors qu'une brife légère, j'allai dans 5g la pinaife avec le Doeieur Solander fur la côte occi- Ann> ,7^-, 1 , a • • 1 • 1 Novemb, dentale , mais nous n y vîmes rien qui fut digne de remarque. Quand je quittai le vaiffeau , il écoit environné de pluiieurs pirogues , c'eft pour cela que M. Banks aima mieux rcfter à bord & trafiquer avec les naturels du pays : ils échangèrent leurs vêtemens Ôc leurs armes, fur-tout contre du papier, ôc ils fe comportèrent d'une maniere très-pacifique ôc très-honnête. Cependant un des Indiens , qui étoient fur le pont, pendant que fes compatriotes étoient ailleurs avec M. Banks , vola une partie d'un télefeope , & il fut découvert au moment où il l'emportoit. M. Hicks qui commandoit a bord voulut le punir de deux coups de fouet , ôc en conféquence il ordonna de le faifir fur le paifavant ce de fattacher aux haut-bans. Quand les autres Indiens virent qu'on exécutoit fes ordres , ils tâchèrent de reprendre de force le voleur; ôc comme les gens de notre équipage leur oppoferent de la ré-fiffance , ils demandèrent leurs armes à d'autres Indiens qui étoient dans la pirogue ; ceux-ci les leur donnèrent, ôc quelques-uns d'entr'eux entreprirent de monter fur le côté du vaiffeau. M. Banks entendit le tumulte , ôc alla en hâte fur le pont avec Tupia pour voir ce qui étoit arrivé. Les Indiens accoururent à Tinilant vers Tupia qui , trouvant M. Hicks inexorable , put feulement les affurer qu'on n'attenteroit point à la vie de leur camarade , mais qu'il étoit né-ceffaire qu'il fût pUni pour le délit qu'il avoit corn- Sij Ml_' mis : ils parurent fatisfaits de cette explication. Le Ann. 1769. châtiment fut donc infligé, ôc dès que le criminel fut délié, un vieillard, qui étoit probablement fon pere, le battit fortement Ôc le renvoya dans fa pirogue. Toutes les autres pirogues virèrent de bord, ôc les Indiens qu'elles portoient dirent qu'ils craignoient de s'approcher davantage du vaiiTeau ; ils revinrent cependant après beaucoup de follicitations, mais ils n'avoienc plus en nous cette confiance gaie qu'ils avoient fait paroître auparavant, 6c ils relièrent peu de tems par-mi-nous ; il eft vrai qu'ils promirent en partant de revenir avec du poiífon , mais nous ne les avons plus -vus depuis. Le 23, le vent étant contraire , nous continuâmes de defeendre la rivière, ôc, à fept heures du foir, nous nous trouvâmes en-dehors de la pointe N. O. des Ifles qui gifent au côté occidental. Comme le tems étoit mauvais , que la nuit s'approchoit ôc que nous avions terre de chaque côté, je crus qu'il valoit mieux virer de bord ôc porter au-delfous de la pointe , où nous mouillâmes par 19 braifes. Le 24, à cinq heures du matin, nous levâmes l'ancre ôc nous appareillâmes, le capati N, O. fous nos balles voiles ôc nos huniers à double ris, la brife fouillant du S. O. O. & ayant un vent fort ôc accompagné de raflalies de fO. S. O. Comme le vent ne nous permit pas d'approcher de la terre, nous ne l'apperçûmes que légèrement & de fort loin , depuis le tems où nous mîmes à la voile, jufqu'à iflS^ pendant une route de douze lieues , mais nous ne la perdîmes pas de vue une feule fois, Notre latitude 3 par obfervation , étoit alors de 36 a 15' io"; nous -' -"-^ n'étions pas a plus de deux milles d'une pointe de ^1^1^9' terre de la Nouvelle- Zelande , & de trois lieues & demie d'une lile très-haute qui nous reftoit au N. E. j E. ; dans cette fituation , la fonde rapportoit 16 braîTes ; nous avions au N. O. la pointe la plus éloignée de la grande terre que nous puilions apperce-voir, mais nous découvrions pluiieurs petites Ifles au Nord de cette direction, La pointe de terre en travers de laquelle nous étions alors, & que j'ai appellée pointe Rodney, eft l'extrémité N. O. de la rivière Tamife; (car fous ce nom, je comprends la baie profonde qui fe termine dans le courant d'eau douce ) , & l'extrémité N. E. eft formée par le promontoire que nous dépafsâmes quand nous y entrâmes, & que j'ai nommé Cap Colville, en honneur du Lord Coi-ville. Le Cap Colville gît au 36 a %G' de latitude, & au 194a 27' de longitude; il s'élève directement de la mer à une hauteur confidérable, & il eft remarquable par un rocher très-haut qui eft iitué au fommet de la pointe, & qu'on peut diftinguer à une très-grande diftance. Depuis la pointe méridionale de ce Cap , la rivière court dans une ligne droite S. \ S. E., & elle n'a nulle part moins de trois lieues de large dans un efpace de quatorze lieues au-deifus du cap ; elle fe reiTerre enfuite en un- lit étroit, mais elle continue à rouler fes eaux dans la môme direction à travers un pays bas & plat, ou une grande vallée qui eft parallèle â la côte de la mer j & dom nous ne pumes pas ' apperçevoir l'extrémité. La terre eft affez élevée & Ann. 176g. remplie de collines fur le côté oriental de la rivière à ov ' l'endroit où elle eft large ; mais elle eft balle fur le côté occidental : elle eft par-tout couverte de verdure & de bois, & elle paroiifoit très-fertile, quoiqu'il n'y en eût que quelques petites portions de cultivées. A l'entrée de la partie étroite de la Tartufi., le fol eft revêtu de palétuviers ôc d'autres arbrifîeaux ; mais plus loin on trouve d'immenfes forêts du bois dont j'ai déjà parlé, & qui eft peut-être le plus beau qu'il y ait dans le monde. En pluiieurs endroits les arbres s'étendent jufqu'au bord de l'eau , ôc où ils finiifent à peu de diftance, l'efpace intermédiaire eft marécageux, comme quelques parties des rives de la Tarn fi en Angleterre. Il eft probable que la riviere abonde en poilfons, car nous y vîmes pluiieurs piquets qu'on avoit planté, afin d'y attacher des filets pour en attraper , mais nous ne favons pas de quelle efpèce ils font. Nous n'avons jamais trouvé dans cette riviere plus de 26 braifes, & cette profondeur diminue par degrés jufqu'à une braife ôc demie : à l'embouchure du courant d'eau douce elle eft de 433 braifes, mais il y a au-devant des bancs de fables. Malgré ces obftacles un vaiiTeau qui tireroit une médiocre quantité d'eau , pourroit remonter fort loin cette riviere avec le flot, car il s'élève perpendiculairement de près de dix pieds dans les pleines ôc les nouvelles lunes: la marée y eft haute fur les neuf heures. Six lieues en-dedans du Cap Colvilk, au - deifo"s de la côte orientale, il y a pluiieurs petites liles qul > conjointement avec la grande terre, femble«c former pluiieurs bons havres ; 6c vis-a-vis de ces Ifles , au- —! delTous de la côte Oueft , on en trouve d'autres où il ^N'17^9' eft également probable qu'il y a des havres sûrs ; mais quand ces conjectures ne feroient pas véritables, il eft certain qu'il y a un bon mouillage par-tout où il y a allez d'eau pour qu'un vaiiîeau puiffe mettre a l'ancre, car on y eft défendu contre la mer par une chaîne d'Ifles de différentes grandeurs qui gifent en travers de fon embouchure , & que j'ai appellées pour cela Ifles de Barriere ; elles s'étendent au N. O. ce au S. E. à dix lieues. L'extrémité méridionale de cette chaîne eft fituée au N. E. k deux ou trois lieues du cap Col-ville, 6e l'extrémité N. au N. E. à quatre lieues 6c demie de la pointe Rodney. La Pointe Rodney gîc k l'O. N. O. à neuf lieues du cap Calville, au 36d 15' de latitude S., Se au 184e1 53' de longitude O. Les Naturels du pays qui habitent les environs de cette rivière, ne femblent pas être en grand nombre, proportionnellement à la vaile étendue du pays ; mais ils font forts, bienfaits & aciifs, Se ils fe peignent tout le corps, depuis la tête jufqu'aux pieds, avec de focre rouge Se de fhuile, ce que nous n'avions pas encore vu auparavant. Leurs pirogues font grandes , bien conftruites Se ornées de fculptures d'un auifi bon goût qu'aucune de celles que nous ayons rencontrées fur la côte. Nous continuâmes k longer la côte jufqu'au foir, ayant la grande terre d'un côté Se les Ifles de l'autre, 6c alors nous mouillâmes dans une baie par 14 braifes fond de fable. Nous n'eûmes pas plutôt mis à l'ancre, ir——que nous eiTayâmes de pêcher a la ligne, Ôc dans peu ^¡JN I7tf ^e temS nOUS Pr*mes Pr^s c^'e ccnt ^es P°bTons appelles Brèmes de mer ; ils pefoient de fix à huit livres chacun , & par conféquent ils pouvoient fervir à la nourriture de tout 1 équipage pendant deux jours. Nous donnâmes a cet endroit le nom de Baie des Brèmes 3 a caufe du iuccès de notre pêche. Les deux pointes qui la forment gifent au Nord & au Sud, k cinq lieues Tune de l'autre ; elle eil: par-tout d'une allez grande largeur , ôc fa profondeur eil de trois ou quatre lieues ; il paroît y avoir au fond une rivière d'eau douce. La pointe feptentrionale de la baie appellée Pointe des Brèmes, cil une terre élevée ôc remarquable par pluiieurs rochers pointus qui íont iitués fur une même ligne au fommet de cette terre. On peut auifi la reconnoître au moyen de quelques petites liles appellées Hen and Chickens ( la Poule & les Poujjîns ) qui fe trouvent vis-à-vis , 6c dont l'une eil élevée ôc fe termine en deux pics. Elle gît au 35a 46' de latitude S., ôc au N. 4td O., k dix-fept lieues ôc demie du Cap Colville. L a terre, entre la pointe Rodney ôc la pointe des Brèmes, dans une étendue de dix lieues, eil baife ôc garnie de bouquets de bois avec des bancs de fable blanc entre la mer ôc la terre ferme. Nous n'y vîmes point d'habitans, mais feulement pluiieurs feux pendant la nuit ; Ôc il y a toujours des hommes par-tout où il y a des feux. L E 25 , à la pointe du jour , nous quittâmes la baie , ôc nous gouvernâmes au Nord le long de la côte : nous trouvâmes que la variation de l'aiguiHe ^to*c ^e 12d 42' E. A midi, notre latitude étoit de 36d 36' S. ; la pointe des Brèmes nous reftoit au Sud a dix ^^ve^tf milles, & nous découvrîmes au N. E. { N. , à trois lieues , quelques petites Ifles auxquelles je donnai le nom de Poor Knights (Pauvres Chevaliers). Nous avions au N. N. O., la terre la plus feptentrionale qui fût en vue; nous étions alors à deux milles de la côte, & la fonde rapportoit 26 braifes. Le pays fembloit être bas, mais bien boi fé ; nous appercûmes quelques maifons éparfes , trois ou quatre bourgades fortifiées , & dans les environs , une grande quantité de terres en culture. Le foir, fept grandes pirogues montées par environ deux cents hommes, s'avancèrent vers le vaiiîeau. Quelques-uns d'entr'eux vinrent à bord , & dirent qu'ils avoient entendu parler de nous. le fis des préfens à deux de ceux-ci qui paroiifoient être des chefs ; mais lorfqu'ils furent fortis du vaiiîeau , les autres devinrent exceifivement incommodes. Quelques indiens des pirogues fe mirent à commercer, & fui vane leur coutume à nous tromper en refufant de céder ce dont nous leur avions payé la valeur. Entr'autres il y en eut un qui avoit reçu une vieille culotte noire qu'il jetta dans la mer, Iorfque nous lui eûmes tiré un coup de 'fufil chargé à petit plomb. Toutes les pirogues s'éloignèrent bientôt après à. quelque diftance, & quand les Indiens crurent être Jbors de notre portée , ils nous firent des défis en entonnant leur chan-fon de guerre & en agitant leurs armes. Nous penfâ-»ies que pour leur intérêt & le nôtre, il fallo" les in- Tome III* T timider ; c'cfí pour cela que nous déchargeâmes d'a-Ann. 1769. ^or¿ quelques petites armes 6V enfuite un canon par-deifus leurs têtes. Le boulet leur caufa une frayeur terrible ; il ne leur fit pourtant point de mal, mais ils fe mirent a ramer avec plus d'ardeur & avec une promptitude furprenante. Nous eûmes pendant la nuit de petites fraîcheurs variables, 6c le 26", au matin, il s'éleva au S., ôc en-fuite au S. E, une brife avec laquelle nous avançâmes lentement au Nord le long de la côte. Entre fix ôc fept heures, deux pirogues arrivèrent près de nous, ôc les Indiens qui les montoient nous dirent qu'ils avoient entendu parler de l'aventure de la veille, ôc cependant ils vinrent à bord ôc nous vendirent, d'une manière très-paifibie Ôc très-honnête, tout ce qu'ils avoient. Deux nouvelles pirogues plus grandes que les autres , ôc remplies d'Infuîaires , fe détachèrent bientôt de la côte. Quand elles furent près de nous , elles appellèrent les autres qui étoient fur les côtés du vaiiîeau, Ôc après une conférence de peu de durée, elles s'avancèrent toutes enfemble. Les Etrangers fembloient être des perfonnes d'un rang diffingué ; leurs pirogues étoient bien fculptées ôc décorées de pluiieurs ornemens, ôc ils avoient avec eux un grand nombre darmes de différente efpèce , 6c entr'autres des patou-patou s de pierre 6c d'os de baleine, auxquels ils paroiffoient attacher un grand prix. Ils avoient auffi des fanons de baleine fculptés ôc ornés de touffes de poil de chien, dont nous avions vu auparavant des imï" rations en bois. Leur tein étoit plus brun qlie ce*u* du peuple que nous avions rencontré au Sud, Ôc leur ^***^^: corps Ôc leur vifage étoient plus marqués de ces taches Ann" l76^ noires qu'ils appellent Amoco. Ils avoient fur chaque Novemb. feife une large ligne fpirale, ex les cuiffes de pluiieurs d'entr'eux étoient prefqu'entièremcnt noires ; il y avoit feulement par intervalle quelques lignes blanches , étroites ; de forte qu'au premier coup d'œil on croyoit qu'ils portoient des culottes rayées. Chaque tribu iem-bloit fuivre une coutume différente, relativement à Va-moco , car tous les hommes de quelques-unes des pirogues en étoient prefqu'entièrement couverts , Ôc ceux des autres en avoient k peine une tache , excepté fur les lèvres qu'ils avoient tous noires fans aucune exception. Ces Indiens refufèrent pendant long-tems de nous vendre aucune de leurs armes , malgré le haut prix que nous leur en offrîmes. A la fin, cependant, l'un d'eux montra un morceau de talc taillé en forme de hache , ôc la vendit pour une pièce d'étoffe. Ou lui remit l'étoffe au côté du vaiiîeau , mais fur le champ il gagna le large , en l'emportant ainfi que la hache. Nous eûmes recours à notre expédient ordinaire , ôc nous tirâmes un fufil k balle par-deffus la pirogue , fur quoi il revint au vaiffeau ôc rendit la pièce d'étoffe ; mais toutes les pirogues retournèrent k terre , fans nous propofer aucun autre échange. A midi, la grande terre s'étendoit du S. ~ S. E., au N. O. jO., ôc une pointe remarquable nous reftoit a l'Oueft , à quatre ou cinq milles de diftance. Nous la dépailàmes k trois heures ôc je lui donnai le nom de Cap Brct, en honneur de Sir Piercy Bret. La T ij terre de ce Cap eft beaucoup plus élevée qu'aucune Ann. 1769. part:ie de la cote adjacente. Il y a à la pointe un mon-i ovcnw. ¿m'm ¿levé & rond, & au N. E. \ N., à environ un mille, on trouve une petite lile élevée , ou un rocher , qui, ainfi que pluiieurs autres que j'ai déjà décritsétoit percé de part en part, de manière qu'il rcffembloit à. Parche d'un pont. Ce Cap, ou au moins quelque partie de ce canton, eft appellée Motugogogo par les Naturels du pays, & il gît au 35 a io' 30" de latitude S., ôc au L%d 2$' de longitude O, On voit au côté Oueft une baie large ôc allez profonde , qui a fa direction S. O. j O. , & dans laquelle il fembloit y avoir pluiieurs petites liles. La pointe qui forme l'entrée N. O., eft iituée à PO. j N. O. , à trois ou quatre lieues du Cap Bret , ôc je le diftinguai par le nom de Pointe Pococke. Nous appercûmes pluiieurs villages au côté occidental de la baie , tant fur les Ifles que fur la terre de la Na\ Zélande, ôc pluiieurs pirogues très-grandes s'avancèrent vers nous ; elles étoient remplies d'Indiens qui avoient meilleur air que tous ceux que nous avions vus auparavant : ils étoient tous vigoureux ôc bienfaits ; leurs cheveux noirs étoient attachés en touffes au fommet de la tête, & garnis de plumes blanches. Dans chacune des pirogues , il y avoit deux ou trois chefs, dont les vêtemens étoient de la meilleure efpèce d'étoffe, & recouverts de peau de chien , de manière qu'ils préfenroient un coup-d'œil agréable. La plupart de ces Indiens étoient marqués d'amoco comme ceux qui étoient venus auparavant au côté du vaiffeal1. Leur manière de commercer étoit également fraudu» leufe, ôc comme nous négligeâmes de les punir ou de les effrayer , un des Officiers de poupe qui avoit été trompé, eut recours, pour le venger , à un expédient Ann. 1769. qui étoit a la rois cruel ôc comique : il prit une ligne de pêche, & quand l'homme qui l'avoit friponne eut approché fa pirogue très-près du côté du vaiiîeau, il ietta fon plomb avec tant d'adreife, que l'hameçon fai-fit le voleur par le dos ; il tira enfuite la ligne; mais l'indien fe cramponnant fur fa pirogue , l'hameçon rompit à la tige ôc la barbe refta dans la chair. Quoique pendant le courant du z6 , nous ne rangeâmes pas la côte dans une étendue de plus de fix ou huit lieues , nous eûmes cependant à bord & aux côtés du vaiffeau , quatre ou cinq cens Indiens , ce qui prouve que cette partie de la Nouvelle Zélande eft très-bien peuplée. L e lendemain au matin, 27 , à huit heures, nous étions à un mille d'un grouppe d'Ines qui gifent au-deifous ôc tout près de la grande terre, ôc notre diftance du Cap Bret étoit de vingt-deux milles au N. O. -\ O. ' O- Comme nous avions peu de vent, nous reliâmes environ deux heures à cet endroit, & pendant ce tems, pluiieurs pirogues s'approchèrent de nous ôc nous vendirent quelques poiifons que nous appelions Cavalles. C'eft pour cette raifon que j'ai donné le même nom aux liles. Ces Indiens étoient très-in-folents; Hs nous faifoient fouvent des menaces, même lorfqu'ils nous vendoient leur poiiîbn ; ôc quand de nouvelles pirogues les eurent joints , ils fe mirent à nous jetter des pierres. Nous tirâmes fur eux à petit plomb, & l'un des ailàillans fut bleifé pendant qu il .- tenoit k fa main une pierre quii fe difpofoit a lancer \nn 1769. ¿ans je vailTeau. Ils ne cefièrent pourtant pas leur attaque juiqua ce que quelques autres eurent été bielles, ils s'en allèrent alors ôc nous portâmes au large. Le vent étant directement debout, nous marchâmes au plus près jufqu'au 29 , quand nous reconnûmes que nous avions plutôt perdu que gagné du chemin ; c'eit pourquoi je gouvernai vers une baie qui gît â fOueft du Cap Bret ; elle étoit alors a environ deux lieues fous le vent à nous , 6c vers les onze heures nous mouillâmes au-deffous du côté S. O. d'une de pluiieurs Ifles qui l'environnent au S. E,, la fonde rapportant quatre braifes ôc demie : l'eau avoit diminué tout-à-coup à ce point, 6c ii cela n'étoit pas arrivé , je n'aurois pas mis à l'ancre iitôt. Je dépêchai fur le champ le maître avec deux bateaux pour fonder , 6c il découvrit bientôt que nous étions fur un bas-fonds , qui fe prolonge depuis l'extrémité N. O. de rifle, 6c qu'en dehors il y avoit de8 à 10 braifes d'eau. Sur ces entrefaites les Naturels du pays, au nombre de près de quatre cens , nous entourèrent en foule dans leurs pirogues , ôc quelques - uns montèrent à bord , je donnai un morceau de drap k un d'eux, qui fembloit être un chef, 6c je fis préfent aux autres de quelques bagatelles. Je m'apperçus que pluiieurs de ces Indiens nous avoient déjà vus , 6c qu'ils connoiifoienc le pouvoir de nos armes k feu, car la feule infpeétion d'un canon les jetta dans un trouble qui fe manifefl0^ fur leur vifage : cette impreifion les empêcha âc *"e comporter mal-honnêtement; mais les Infulaires d une des pirogues profitèrent du moment où nous étions a dîner , pour enlever notre bouée : nous tirâmes inutile- ^JN,I7%. " ' r m Noven-i», ment un coup de fufil à petit plomb par-deffus leurs têtes , mais ils étoient trop loin pour que nous puf-fions les atteindre ; ils avoient déjà mis la bouée dans leur pirogue, ôc nous fûmes obligés de tirer à balle ; le coup porta , ôc fur le champ ils la jettèrent à la mer: enfin nous lâchâmes par-deffus leur tête un boulet, qui effleura la furface de l'eau & alla tomber k terre. Deux ou trois des pirogues débarquèrent k l'ini-tant les hommes qu'elles portoient, ils coururent fur la grève y pour chercher, a ce que nous penfâmes , le boulet : Tupia les rappellant les affura qu'ils feroienc en fûrcté tant qu'ils feroient honnêtes ; pluiieurs revinrent au vaiffeau , fans beaucoup de follicitations de notre part , & ils fe comportèrent de manière k ne nous laiffer aucun lieu de foupçonner qu'ils penfaifenc déformais a nous oifenfer. Lorsque le vaiffeau fut dans une eau plus profonde ôc en fureté , je fis mettre en mer la pinailè ôc l'iole équippé ôc armé ; je m'embarquai avec MM. Banks & Solander , ôc j'allai k terre fur l'Ifle qui étoit éloignée d'environ trois quarts de mille. Nous remarquâmes que les pirogues qui étoient autour du vaiiîeau ne nous fuivoient pas, quand nous le quittâmes , ce que nous regardâmes comme un augure favorable ; mais nous n'eûmes pas plutôt débarqué qu'elles accoururent vers différentes parties de l'Ifle & defcendirent à terre ; nous étions dans une petite anfe , ôc il s'étoit k peine écoulé quelques minutes, quand nous fûmes environ- m.........'........~ nés par deux ou trois cens Infulaires , dont quelques- Ann. 1769. uns fortoient du fond de l'anfe & d'autres venoient du Novemb. fommec jes collines ; ils étoient tous armés, mais ils s'approchèrent avec tant de défordre & de confufion , que nous les foupçonnâmes à peine de vouloir nous faire du mal , & nous réfolûmes de ne pas commencer les hoftilités les premiers. Nous marchâmes à leur rencontre , & nous traçâmes fur le fable entr'eux ce nous une ligne , que nous leur dîmes par lignes de ne pas paifer ; ils relièrent d'abord paifibles , mais leurs armes étoient toutes prêtes à frapper, 6c ils fem-bloient plutôt irréfolus que pacifiques. Pendant que nous étions ainfi en fufpens, une autre troupe d'Indiens s'avancèrent, 6c devenant plus hardis à mefure que leur nombre augmentoit, ils commencèrent les danfes ôc les chanfons, qui font les préludes de leur bataille ; cependant ils différoient toujours l'attaque , mais deux détachemens coururent vers chacun de nos bateaux, & entreprirent de les traîner fur la côte; cette tentative parut être le fignal du combat , car ceux qui étoient autour de nous s'avancèrent en même-tems fur notre ligne. Notre fituation étoit trop critique alors pour relier plus Jong-tems oifif ; c'eft pour cela que je tirai un coup de fufil chargé k petit plomb contre un des plus proches 3 6c M. Banks 6c deux de nos gens firent feu immédiatement après ; nos ennemis reculèrent alors un peu en défordre, mais un des chefs qui étoit k environ huit verges de diftance les rallia : il s'avança en agitant fon Patou-patou, 6c appellant k grands cris fes compagnons, il les cofldui-iit k la charge. Le Docteur Solander qui n'avoir pas encore encore tiré fon coup de fufil le lâcha fur ce cham- — pion , qui s'arrêta brufquement , en fentant qu'il étoit I7^9' bleifé, 6c s'enfuit enfuite avec les autres; cependant, loin de fe difperfer , ils fe raffemblèrent fur une monticule , où ils fembloient attendre un chef affez déterminé pour les conduire a une nouvelle attaque. Comme ils fe trouvoient hors de la portée de notre plomb , nous tirâmes à balle , mais fans les atteindre ; ils réitèrent toujours attroupés, ôc nous demeurâmes l'efpace d'un quart-d'heure dans cette fituation. Sur ces entrefaites le vaiiîeau , d'où l'on appercevoit un beaucoup plus grand nombre d'Indiens qu'on ne pouvoit en découvrir de l'endroit où nous étions , fe plaça de manière que fon artillerie pût porter ; quelques boulets , tirés par-deifus la tête des Naturels du pays , les diipersèrent entièrement : il n'y eut dans cette efearmouche que deux Indiens bleffés avec du petit plomb Ôc pas un feul ne fut tué. Ce combat auroit été plus meurtrier fi je n'avois contenu mes gens , qui par la crainte des accidens qui pourroient nous arriver , ou par Je pîaiiir d'exercer leurs forces , montroient à maifacrer ces Infulaires , le même empreffement qu'un chafîèur à détruire du gibier. Devenus paifibles poflèiîeurs de notre anfe , nous mîmes bas les armes , ôc nous cueillîmes du céleri , qui y croît en abondance : peu de tems après nous nous rappel la m es que quelques Indiens s'étoient cachés dans la caverne d'un des rochers ; nous marchâmes vers cet endroit , alors un vieillard , le même chef à qui j'avois donné le matin un morceau de drap, s'avança fuivi de fa femme ôc de fon frère, & prenant Tome III. V une pofture de fuppliant, ils fe mirent fous notre pro-Ann. 1769. teeiion. Nous leur parlâmes amicalement, le vieillard Novemb. nQUS ^ qU»ya ¿e ceux qUj avoit été bleifé par du petit plomb étoit ion frère, ce nous demanda avec beaucoup d'inquiétude s'il en mourroit ; nous l'aifurames que non , ck mettant dans fa main une balle ce du petit plomb , nous lui fîmes entendre que pour mourir il falloir être bleifé avec la balle , 6c que ceux qui l'étoient de l'autre manière en guériroient ; nous ajoutâmes que lì l'on nous attaquoit encore , nous nous défendrions avec des balles , qui les bleiferoient mortellement. Ces indiens reprirent un peu de courage , s'approchèrent ce s'ailirent près de nous , ce pour les raifurer davantage , nous leur fîmes préfenc de quelques bagatelles que nous avions par hafard avec nous. Bientôt après nous nous rembarquâmes dans nos bateaux , ce quand nous fûmes arrivés â une autre anfe de la même lile , nous montâmes fur une colline voiiine qui dominoit fur le pays, jufqu'à une diftance confidérable : la vue étoit très - fingulière & très-pittorefque ; on appercevoit une quantité innombrable d'Iiles qui fbrmoient autant de havres , où l'eau étoit auffi unie que dans l'étang d'un moulin ; nous découvrîmes en outre pluiieurs bourgades , des maifons diiperfées ce des plantations ; ce canton étoit beaucoup plus peuplé qu'aucun de ceux que nous avions vus auparavant. Pluiieurs Indiens fortirent d'une des bourgades qui étoit près de nous , ils s'efforcèrent de nous montrer qu'ils étoient fans armes ; leurs geftes & leur contenance annonçoient la plus grande fourmilion. Sur ces entrefaites, quelques-uns de nos gens , qui , lorfqu'il s agiííbít de punir une fraude des Indiens , aflêctoient une juftice inexorable enfoncèrent les paliffades d'une de leurs plantations & prirent quelques pommes de terre ; je fis donner k chacun des coupables douze coups de fouet : fun d'eux foutenant avec opiniâtreté que ce n'étoit pas un crime pour l'Anglois de piller une plantation Indienne , quoique c'en fût un pour l'Indien de voler un clou a un Anglois, je le fis mettre en prifon , d'où, il ne fortit qu'après avoir reçu douze nouveaux coups de fouet. Le 30, nous eûmes calme tout plat; 6c comme il n'y avoit point apparence que nous remiflions en mer, j'envoyai le maître fonder le havre avec deux bateaux ; pendant tout 1 après-midi le vaiffeau fut environné de pirogues qui trafiquèrent avec nous d'une façon très-honnête 6c très-amicale. Nous débarquâmes le foir fur la grande terre, où les Indiens nous reçurent très-cordialement ; mais nous n'apperçûmes rien qui fût digne de remarque. Les vents contraires & les calmes nous retinrent pluiieurs jours dans cette baie ; pendant ce tems , nous continuâmes à communiquer avec les Naturels du pays i fans trouble & fans brouillerie ; ils venoient fouvent autour du vaiiîeau, 6c nous débarquions fréquemment fur la grande terre & fur les Ifles. En mettant un jour a terre fur la côte de la Nouvelle^ V ij 15 6 Voyagé g..... _____' Zelande , un vieillard nous montra l'inftrumênt donc Ann. 1769. \\s fe fervent pour peindre des taches fur leur corps , Kovcmb. inftrument reiîembloit en tout à celui que les Qta-hitiens emploient au même ufage : nous vîmes auffi l'homme qui avoit été bleifé, lorfqu'il entreprit de voler notre bouée \ la balle, après avoir percé la partie charnue de fon bras lui avoit effleuré la poitrine, mais au moyen de la diète , le meilleur de tous les régimes , Ôc laifïànt agir la nature, le meilleur des Chirurgiens, l'Indien ne fembloit reifentir ni douleur ni crainte fur les fuites de fa plaie , qui étoit en bon état : nous rencontrâmes auili le frère de notre vieillard , qui, dans notre efearmouche, fut bleifé avec du petit plomb ; les grains avoient atteint la cuiife obliquement, Ôc quoiqu'il y en eût même pluiieurs dans la chair , la bleffure ne paroiffoit pas dangereufe. Nous trouvâmes dans leurs plantations le Morus papyrifera , avec lequel ces peuples, ainfi que les Otnhitiens , fabriquent des étoffes \ mais cette plante fembloit y être rare , ôc nous n'y vîmes aucun morceau d'étoffe aifez confidérable pour pouvoir fervir à d'autre ufage qu'a celui d'orner leurs oreilles. Nous mîmes un jour à terre dans une partie très-éloignée de la baie, ôc les Indiens prirent fur le champ la fuite , excepté un vieillard qui nous accompagna par-tout où nous allâmes , ôc qui parut fort fatisfait des petits prélents que nous lui fîmes. Nous arrivâmes enfin à un petit fort, bâti fur un rocher qui étoit environne par la mer à la marée haute, ôc où l'on ne pouvoit m°nter que par une échelle. Nous nous appercûmes lorfque nous en approchâmes que le vieillard nous regardoit ' — avec inquiétude ; ôc quand nous lui fîmes entendre que ^^emtf" nous avions envie d'y entrer, il nous dit que fa femme y étoit. Il vit bien que cette réponfe ne diminuoit pas notre curioiité, & après avoir hérité pendant quelque tems, il nous dit qu'il nous y accompagneroit, Il nous promettions de ne commettre aucune indécence. Nous le lui promîmes de bon cœur, ôc à l'inffant il monta le premier pour nous guider. L'échelle étoit compofée de morceaux de bois attachés k une perche ; mais il étoit difficile ôc dangereux de s'en fervir. En entrant nous trouvâmes trois femmes qui, au moment qu'elles nous apperçurent, eurent peur ôc fondirent en larmes. Quelques paroles amicales & des préfents, eurent bientôt diffipé leur terreur & ramené leur gaieté. Nous examinâmes la maifon du vieillard , ainfi que deux autres, les feules qui fe trouvaient dans la fortereife ; & après avoir fait de nouveaux dons , nous nous féparâmes de ces bons Indiens, très-contens les uns des autres. Le ^ Décembre, a quatre heures du matin, nous Décemb. levâmes l'ancre avec une petite brife; mais comme elle étoit variable ôc i'uivie de calmes fréquens , nous fîmes peu de chemin. Nous eflayâmes de forti r de la baie jufqu'après midi , Ôc fur les dix heures nous eûmes tout-a-coup calme plat , de forte que le vaiffeau ne pouvant ni virer de bord , ni refler a l'endroit où * I r \\ etoit , & ia marée ou le courant l'entraînant avec force> il dériva fi promptement vers la terre, qu'avant —.....j de pouvoir prendre aucunes mefures pour fa fureté, il Ann. 1769. étoit déjà à une encablure des brifans. Nous avions 13 Dccemb. Dra{pes d'eau y mais le fond étoit tellement rempli de rochers , que nous n'ofâmes pas laiiîer tomber l'ancre ; nous lançâmes fur le champ la pinaife en mer pour touer le vaiiîeau, Ôc tout l'équipage fentant le danger que nous courions , ht les plus grands efforts pour nous en tirer. Heureufement il s'éleva de terre une petite brife, & nous remarquâmes avec une joie qui ne peut s'exprimer , que le bâtiment avoit regagné le large , après avoir été fi près de la côte, que Tupia, qui ne s'appercevoit pas de notre fituation , converfoit dans le même inflanc avec les Indiens qui étoient fur la grève , ôc dont on entendoit diftinclement la voix, malgré le bruit des brifans. Nous crûmes alors que le péril étoit paffé ; mais environ une heure après , le vaiffeau toucha au moment même que fhomme qui étoit dans les porte-haubans , venoit de crier » 17 braifes ». Le choc nous jetta tous dans la plus grande conf-ternation. M. Banks , qui s'étoit déshabillé pour fe mettre dans fon lit courut en hâte fur le pont, ôc l'on annonça alors » $ brafTes ». Le rocher fur lequel nous devions échouer, étant au vent , le vaiifeau reprit le large fans avoir reçu le moindre dommage, ôc la profondeur de l'eau fe trouva bientôt à 20 braifes. Ce rocher gît a un demi-mille à l'O. N. O. de l'Ifle la plus feptentrionale ou la plus extérieure fur le côté S. E. de la baie. Nous eûmes de petites fraîcheurs de terre, avec des calmes jufqu'à neuf heures du leude- main au matin, 6, quand nous fortîmes de la baie, & une brife s'élevant au N. N. O., nous portâmes De en mer. Cette baie, ainfi que je fai déjà obfervé , gît au côté Oueft du Cap Bret, & je la nommai la Baie des Iftes} a caufe du grand nombre d'Ifles qui bordent fes côtes ôc qui forment pluiieurs havres également fûrs 6c commodes, où il y a allez de place 6c de fond pour contenir toute une flotte. Celui dans lequel nous mouillâmes , git au côté S. O. de l'Ifle le plus S. O. appellée Matuaro, au côté S. E. de la baie. Je n'ai pas examiné avec exactitude cette baie , je craignis d'employé1" tr°p de tems à cette opération ; je crus d'ailleurs en avoir parcouru un affez grand efpace pour afliirer qu'on y trouve un bon mouillage & des rafraî-chiflemens de toute efpèce. Ce n'étoit pas alors la fai-fon des racines ; mais nous eûmes en abondance du poiífon , que nous achetâmes cependant pour la plupart des Naturels du pays, car nous ne pûmes en attrapper que très-peu au filet ou h la ligne. Quand nous montrâmes aux Indiens notre feine telle qu'en ont les vaif-feaux de Roi, ils s'en moquèrent en riant, 6c ils étalèrent en triomphe la leur , qui étoit véritablement d'une grandeur énorme & faite d'une efpèce d'herbe très-forte : elle avoit ^ braifes de profondeur , ôc k en juger par l'efpace qu'elle occupoit, elle n'avoit pas moins de 3 ou 400 braifes de long. La pèche fembloit être la principale occupation de la vie dans cette partie du pays. Nous vîmes, aux environs de toutes leurs bourgades, -—1. un grand nombre de filets mis en tas comme des meu-Ann. 1769. jes ¿e fom ôc couverts d'herbes pour les garantir du mauvais tems ; & dans prefque toutes les maifons où nous entrâmes, nous appercûmes quelques Infulaires occupés à en fabriquer. Nous nous y procurâmes des goulus, des paffenades, des brèmes de mer, des mulets , des maqueraux 6c quelques-autres poiffons. Cette partie de la baie étoit plus remplie d'habi-tans qu'aucun autre canton que nous euflîons vifité jufqu'alors ; il ne nous parut pas qu'ils fuffent réunis fous un Chef, éc quoique leurs bourgs fuffent fortifiés , ils fembloient vivre enfemble en très-bonne intelligence. L a marée eft haute dans cette baie aux pleines 6c nouvelles lunes, fur les huit heures, 6c le flot s'élève alors de fix k huit pieds perpendiculairement. D'après les obfervations que j'ai pu faire fur la côte , relativement aux marées, il paroît que le flot vient du Sud, 6c j'ai lieu de penfer qu'il y a un courant qui vient de l'Oueft 6c porte le long de la côte au S. E., ou S, S. E. , fuivant la direction de la terre. CHAPITRE CHAPITRE VI. Traverfée de la Baie des Ifles au Canal de la Reine Charlotte, en tournant le Cap Nord. Defcription de cette partie de la Côte. Le 7 Décembre, à midi, le Cap Bret nous reftoit «—m-— au S. S. j- E., à dix milles, & notre latitude, par Ann. 1769. obfervation , étoit de 34a 59' S. Nous fîmes bientôt Dccemb. après pluiieurs obfervations du fol eil & de la lune , dont le réfultat donna 185 d 36' pour notre longitude O. Le vent étant contraire , nous ne fîmes que peu de chemin. L'après-midi, nous portâmes vers la côte cç nous rangeâmes de près les Ifles C avalles, depuis lesquelles la terre court O. \ N. O. Pluiieurs pirogues prirent le large & nous fuivirent; mais une brife légère s'élevant alors , je ne voulus pas les attendre. Je portai a PO. N. O., & au N. O. jufqu'à dix heures du lendemain au matin, 8, quand je virai de bord, & mis le Cap vers la côte dont nous étions éloignés d'environ cinq lieues. A midi, la terre la plus occidentale qui fût en vue , nous reftoit à PO. j S. O., à environ quatre lieues. L'après-midi nous eûmes une petite brife de l'Oueft qui fauta le foir au Sud, & qui continua dans ce rumb pendant toute la nuit, de manière que le 9, à la pointe du jour, nous étions affez près de la terre, à fept lieues à l'Oueft des Cava lies , Tome 127. X Voyage gg........."" " où nous trouvâmes une baie profonde qui s'étendoit Ann. 1769. S. O. - O. , & O. S. O., dont nous pouvions à peins appercevoir le fond , & la terre fembloit y être baife 6c unie. Je donnai à cette baie le nom de Baie Dou-btkflj- l'entrée en eft formée par deux pointes qui gifent à l'O. N. O., 6c à l'E. S. E., & qui font éloignées de cinq milles , Tune de l'autre. Le vent ne nous permettant pas de l'examiner, nous gouvernâmes vers la terre la plus occidentale qui fût en vue, 6c qui nous reftoit a PO. N. O. , à environ trois lieues j mais nous eûmes calme avant d'avoir pu la ranger entièrement. Pendant le calme, pluiieurs pirogues s'avancèrent vers nous ; mais les indiens ayant entendu parler de nos canons, nous eûmes beaucoup de peine à les engager à venir fous notre poupe. Après avoir acheté quelques - unes de leurs étoffes ainfi que leur poiífon, nous fîmes quelques demandes fur leur pays, & à l'aide de Tupia , nous apprîmes qu'en naviguant trois jours fur leurs pirogues , ils arri voient a un endroit appelle Moore-IVhennua, 6c que de-la la terre tournoie un peu au Sud, 6c ne s'étendoit plus enfuite à l'Oueft» Nous conclûmes que ce lieu étoit la terre découverte par Taiman , 6c appellée Cap Alaria Van Dienten : voyant que ces infulaires étoient fi intelligens, nous leur demandâmes en outre s'ils connoiffoient quel-qu'autre pays que le leur ; ils répondirent qu'ils n'en avoient jamais vifîté d'autre, mais que leurs ancêtres leur avoient dit qu'au N. O. \ N., ou au N. N- O, il y avoit une contrée fort étendue , appellée Ulimar0Û9 r r . i / où quelques-uns de leurs compatriotes étoient ailes fur une groife pirogue; qu'il n'en revint qu'une par- 53H tie, & qu'ils rapportèrent qu'après un paifage d'un Ann. 17657. -, v ! 11- • Dccemb. mois, 11s avoient vu un pays ou les habitans mangeoient des cochons. Tupia s'informant alors fi ces navigateurs avoient ramené quelques cochons avec eux, ils répondirent que non. Tupia répliqua enfuite : votre hiftoire eft fûrement fauiîe ; car on ne croira pas que des hommes , qui reviennent fans cochons d'une expédition , aient vifîté un pays où l'on pouvoit fe procurer de ces animaux. Il faut cependant remarquer , malgré l'objection pleine de feus de notre Otahitien ¿ que quand ils faiioient mention des cochons, ils n'en décrivoient pas .la figure^, mais ils les défignoient feulement par le mot Booafi, nom qu'on leur donne dans les liles delà mer du Sud. Mais fi cet animal leur avoit été inconnu , & qu'ils n'euifent eu aucune communication avec un peuple chez qui il y en avoit, ils n'auroient pas pu en favoir le nom. Sur les dix heures du foir, une brife s'éleva à l'O. N. O., avec laquelle nous portâmes au large vers le Nord ; le lendemain 10, à midi, les Cavallcs nous reftoient au S. E. \ E. à huit lieues, & l'entrée de la baie DoubtkJ}\ au S. \ S. O., à trois lieues ; nous avions au N. O. { O. l'extrémité N. O. de la terre qui étoit en vue, & que nous jugeâmes faire partie de k Nouvelle-Zélande. Notre latitude, par obfervation, etoit de 34 a 44' S. Le foir , nous trouvâmes que la variation de l'aiguille, mefurée par l'azimutli, étoit de izd 41 ' E. 3 & par l'amplitude de 12 d 40'. Le ii , dès le grand matin, nous arrivâmes vers la X ij * terre à fept lieues à l'Oueft de la baie Doubtlejf, dont Ann. 1769. ic fond n'eft pas fort éloigné du fond d'une autre grande baie que la côte forme en cet endroit : il n'en eft féparé que par une langue baile de terre qui fait une péninfule que j'ai appellée Pointe Knuckle ( Pointe de la Jointure). Vers le milieu de cette baie, à laquelle nous avons donné le nom de Sandy Bay (Baie de Sable ), il y a une haute montagne qui eft fur une côte éloignée, ôc que j'ai nommée Mont Carnei ( Mont du Chameau). La latitude eft de 34a 51' S., Ôc de 186 d 50' de longitude. Nous avions 24 6c 25 brades d'eau bon fond ; mais ii n'y avoit dans cette baie rien qui pût engager un vailfeau à y mouiller ; car la terre, dans les environs, eft extrêmement iterile, ôc excepté le Mont Carnei elle eft très-baffe. Le fol ne icmble être compofé que d'un fable blanc , amallé en petites collines irrégulières, & formant des cordons étroits ôc parallèles a la côte. Quelque iterile que foie ce canton , il n'eft pas fans habitans. Nous vîmes un village fur le côté Ou eft du Mont Carnei, ôc un au-tre fur le côté oriental. Nous appercûmes auffi cinq pirogues remplies d'indiens qui ramèrent après le vaiffeau , mais qui ne purent pas l'atteindre. A neuf heures nous virâmes de bord ôc portâmes au Nord, ôc à midi, les C avalles nous reftoient au S. E. { E. à treize lieues Nous avions au N. O. -j- N., k neuf lieues , l'extrémité feptentrionale de la terre qui étoit en vue, qui avoit la forme d'une lile , ôc le Mont Carnei au S. O. 4: S., à la diftance de fix lieues. Le vent étant contraire, nous continuâmes de bou- liner au Nord jufqu'à cinq heures du foir du 12, - '.'.-J quand, après avoir fait très-peu de chemin, nous vira- Ann. 1769. mes de bord 6k mîmes le Cap au N. E. , étant à. deux lieues au Nord du Mont Camcl, ¿V à environ un mille ck demi de la côte , ck. la fonde rapportant alors %z braifes. A dix heures le vent fourfla avec force, ôc il tomba de la pluie , ce qui nous força de naviguer fous nos huniers à double ris. A midi, nous virâmes vent devant , èk portâmes à l'Oueft jufqu'à fept heures du lendemain au matin 13, quand nous revirâmes pour remettre de nouveau le cap au N. E. , étant à environ un mille fur le vent de l'endroit où nous avions viré de bord le foir de la veille. Bientôt après le vent fouffla avec violence dans le N N. O., avec des raf-faîes pefantes ôc beaucoup de pluie ; ce qui nous obligea de ne porter que nos baffes voiles, ¿k déchira le grand hunier, de forte que nous fûmes contraints de le détacher ôc d'en enverguer un autre. A dix heures, le vent devint plus modéré, & nous hiffâmcs les huniers à double ris. A midi, comme nous avions des vents forts de l'O. 6k de 10. S. O., 6k un gros tems, nous virâmes de bord pour porter à l'Oueft , 6k nous n'avions point alors de terre en vue, ce qui nous arri-voit pour la première fois depuis que nous étions fur Ja côte de la Nouvelle-Zélande. A trois heures 6k demie , nous virâmes vent devant, ôc nous mîmes le cap au Nord. Bientôt après, une petite Ifle, qUi gît à la hauteur de la pointe Knuckle , nous reftoit au S. ¡ Q.} a une demi lieue. Le foir 5 ì66 Voyagé ^---_ ics perroquets de fougue 6e de beaupré fe déchirèrent, Ann. 17ó9. fe ,luus mîmes le vaiiîeau fur fes baffes voiles. A mi* nuit, nous virâmes vent arrière, & nous portâmes au Sud jufqu'à cinq heures du matin du 14 ; nous virâmes a¿ors vent devant ; nous mîmes le cap au N. O. & nous vîmes une terre qui nous reftoit au Sud , à huit ou neuf lieues de diftance, ce qui nous Et recon-noître que depuis le matin de la veille , nous étions tombés trop loin fous le vent. A midi, notre latitude, par obfervation , étoit de 34 a 6 ' S., & la même terre que nous avions vue auparavant au N. O., nous reftoit alors au S. O., & fembloit être l'extrémité fep-tentrionale de la Nouvelle-Zélande. Nous avions une groife houle venant de l'Oueft x d'où nous conclûmes que nous n'étions couverts par aucune terre dans ce rumb. A huit heures du foir nous virâmes vent devant & mîmes le cap à l'Oueft avec autant de voiles que nous en pouvions porter ; le lendemain i¿ ,k midi, nous étions au 34e1 10' de latitude, 6c au 185 d 45 ' de longitude O., 6c malgré que nous fîmes nos derniers efforts pour ranger la terre de près, nous en étions pourtant par eftime à environ dix-fepe lieues. Le 16 , à fix heures du matin , nous découvrîmes de la grande hune, une terre qui nous reftoit au S. S. O., & à midi, nous l'avions au S. \ S. O. , à quatorze lieues. Tandis que nous portions vers la côte, nous fondâmes plufieurs fois, fans trouver de fond , par 90 braf-fes. A huit heures, nous virâmes vent devant, la fanào rapportant 108 braifes, à environ trois ou quatre mil- Décemb. les de la cote qui étoit la même pointe de terre qui x'~------S nous reftoit au N. O. avant d être challes au large. Ann. 17^ Nous l'avions à midi au S. O., à la diftance d'à-peu-pròs trois milles ; Je Mont Carnei au S. ~ S, E. , k environ onze lieues, & la terre la plus occidentale qui fût en vue , au S. 7^ d O. Notre latitude , par obfervation , étoit de 34a 24' S. Nous virâmes de bord a quatre heures èk nous mimes le cap vers la côte. Nous trouvâmes alors un gros bouillonnement d'eau, & le vaiifeau dériva promptement fous le vent, ce que nous attribuâmes à un courant qui portoit à l'Eit. Nous revirâmes à huit heures & nous gouvernâmes au large jufqu'à huit heures du lendemain au rnatin 17, quand nous virâmes vent devant une troi-iième fois , & mimes le cap fur la terre, donc nous étions éloignés d'environ dix lieues. A midi, la pointe de terre près de laquelle nous étions la veille , nous reftoit au S. S. O. , à cinq lieues. Le vent íoufíloic toujours dans l'Oueft ; & à fept heures nous virâmes de bord par 3«^ braifes , quand nous avions au N. O. V N. , à quatre ou cinq milles , la pointe de terre dont on a déjà parlé ; de forte que pendant les vingt-quatre dernières heures nous n'avions pas gagné un pouce de chemin fous le vent , ce qui nous confirme dans 1 opinion qu'il y avoit un courant portant à l'Eft. Je donnai à la pointe de terre le nom de Cap Nord , parce que c'eft l'extrémité feptentrionale de la A oz/-velie-Zélande. Il gît au ^4d %%' de latitude S., & au 186* 5 5 ' de longitude O., & à 31 lieues au N. 63 a Q> du Cap Bret. Il forme la pointe feptentrionale de k Baie de Sable, & c'eft une péninfule qui s'avance V o y a c e SSSSSSS au N. E., à environ deux milles , & qui fe termine Ann. 1769. en un' mondrain applati au fommet. L'ifthme , qui c joint cette pointe à la grande terre, eft très-bas; c'eft pour cela que la terre du Cap, apperçue de différents points de vue, a Papparence d'une Ifle. Elle eft encore plus remarquable quand on la voit du Sud ; on croit découvrir une Ifle élevée ôc ronde k la pointe S. E. du Cap ; mais c'eft encore une illuiion , car ce qui paroît une Ifle eft feulement une colline arrondie, jointe au Cap par une langue de terre baffe ôc étroite. Nous découvrîmes fur le Cap un hip pah ou village & un petit nombre d'habitans , ôc à fon côté S. E. , il fembloit y avoir un mouillage ôc un bon abri contre Jes vents S. O. & N. O. Nous continuâmes à louvoyer vers le N. O. jufqu'au 21 k midi, quand le Cap Nord nous reftoit au S. 39d E. , k trente-huit lieues. Notre fituacion ne varia que de peu de lieues jufqu'au 23 ; alors vers les fept heures du foir , nous découvrîmes , de la grande hune, une terre qui nous reftoit au S. j E. A onze heures du lendemain au matin , nous la revîmes une feconde fois nous reftant au S. S. E., a huit lieues de diftance. Nous mîmes alors le cap au S. O., Ôc k quatre heures nous avions au S. E. » S. k quatre lieues, cette terre , que nous reconnûmes être une petite Ifle , avec d'autres Ifles ou rochers encore plus petits , gi-fans en travers de l'extrémité N. E. de la première, ôc découverts autrefois par Tafman , qui les appella les trois Rois. La principale Ifle eft fituée au 34d de latitude S., & au 187a 48' de longitude °- » * elle eft éloignée du Cap Nord de quatorze ou quinze lieues a 1 O. 14e1 N. Nous virâmes de bord à minuit:, & nous portâmes au N. E. jufqu'à iix heures du lendemain matin, jour de Noël , quand nous revirâmes pour mettre le cap au Sud. A midi , les trois Rois nous reftoient à l'E. 8J N., à cinq ou fix lieues. La variation de l'aiguille , mefurée le matin par azi-muth, étoit de iid 35' E. Le 26, nous portâmes au Sud en ferrant le vent, 6k à midi nous étions par 35a .o' de latitude S. , Ôc 188 d 20' de longitude O. , les trois Rois nous reliant au N. iGd O, à vingt-deux lieues de diftance. Dans cette ficuation nous n'appercevions point de terre , 6c cependant nous étions , par obfervacion , dans la latitude de la Baie des ljies, 6k iuivant mon eftime, à, vingt lieues à l'Oueft du Cap Nord, d où il fuit que la partie la plus feptentrionale de cette Ifle eft très-étroite, car autrement nous aurions dû en appercevoir quelque portion du côté de l'Oueft. Nous gouvernâmes au Sud jufqu'à minuit ; nous virâmes alors vent devant, ck nous mîmes le cap au Nord. L e vent fraîchit le 27 à quatre heures du matin, & à neuf heures nous eûmes une tempête, de forte que nous fûmes obligés de capeyer fous la grande voile. Depuis la velile jufqu a midi de ce jour , nous courûmes onze milles S. S. O. ± O. ; les trois Rois nous reftoient au N. 27 a E. , à foixante 6k dix-fept milles. Le vent continua à fouiller avec force tout le jour, & jufqu à deux heures du lendemain au matin 28 , quand il tomba 6k fe mit à tourner au S- ck S, O. , lome III* y Décemb. où il fe fixa fur les quatre heures. Nous fîmes voile Ann 1769. alors, ôc nous gouvernâmes k l'Eii vers la terre, fous la mifaine ôc la grande voile ; mais le vent s'éleva , ôc a huit heures nous eûmes un ouragan avec une mer prodigieufement grolle, ce qui nous obligea d'abattre la grande voile; nous virâmes enfuite vent arrière 6c nous mîmes à la cape , la proue tournée au N. O. A midi le vent étoit un peu calmé , mais nous avions toujours des raffales pelantes; nous fîmes ce jour 1k vingt-neuf milles, au Nord un peu k i'Efl. Notre latitude , par eftime , étoit de 34e1 50' S., & notre longitude de 188 d irj' O. ; les trois Rois nous reüoient au N. 41d E., à cinquante - deux milles. A fepe heures du foir . le vent étant au S. O. 6c S. O. Ì O., 6c ayant de grofTcs rafla les , nous virâmes vent arrière pour changer de bord , ôc le lendemain , 29 , k fix heures du matin , nous portâmes plus de voiles* Depuis le jour précédent nous avions fait vingt-neuf milles a l'E. \ N, E. L'après-midi, nous eûmes des raffales violentes du S O. , 6c k huit heures du foir , nous virâmes vent arrière ôc nous gouvernâmes au N O. jufqu'à cinq heures du lendemain au matin 30. Nous virâmes alors vent arrière une feconde fois , ôc nous mîmes le cap au S. E. A fix heures , nous vîmes une terre qui nous reftoit N. E. k la diftance d'environ cinq lieues, que nous jugeâmes être le Cap Marïa-Van-Dianm , & qui correfpoudoit avec la description que nous en avoient donné les Indiens. A minuit, nous virâmes encore vent arrière ôc nous portâmes au S. E. Le lendemain 21 , a midi, le Cap M¿7r*a~ Van-Dkmm nous reftoit au N. E. j N., k la diftance d'environ cincj feues. A fept heures du foir, nous virâmes vent devant , 6k mi "nés le cap a l'Oueft avec '"^9* ui-e brife mo lérée du S, O. J S. & du S. O Le A/o/?f ~amel nous reftoit alors au N. 83 d E., 6k la t< rre la plus feptentrionale , ou le Cap Ma ria-Van-D temen, au N. \ N. O. Nous étions éloignés d'environ trois lieues de la terre la plus voifine, & la fonde rap-portoit un peu plus de 40 braifes. Il faut remarquer que le Mont Carnei, qui vu de l'autre côté, ne fembloit pas être a plus d'un mille de la mer , n'en pa-roiffoit guères plus éloigné lorfqu'on le regardoit de ce côté; ce qui démontre que la terre ne peut pas avoir là plus de deux ou trois milles c!e lar¿;e. Le premier Janvier 1770 , à fix heures du matin , 1770. nous virâmes vent devant pour portera l'Eít , les trois Janvier. Bois nous reliant au N, O. - NT Nous revirâmes à midi, 6k mimes le cap à l'Oueft, étant au 34a 37' de latitude S. ; les trois Rois nous reftoient alors au N. O. }N./a dix ou onze lieues, 6k le Cap Maria-Van Diemen , au N- 31a E., à environ quatre lieues 6k demie. Dans cette fiiuation nous avions 54 braifes d'eau. Pendant cette partie de notre navigation, il y a deux chofes très-remarquables à obferver : au 3^d de latitude S. , 6k au milieu de l'été, j'ai trouvé un gros vent qui étoit d'une force 6k d'une durée dont j'avois à peine vu d'exemple auparavant, 6k nous employâmes trois ftmaines à faire dix lieues à l'Oueft , 6k cinq à avancer de cinquante lieues ; car ii s'étoit alors écoulé ce tems depuis que nous avions paffé le Cap Brcu Yi3 'w —---m. Pendant que le vent fouffoit, nous crions heufcufe- ànn.1770. ment à une diílance confidérable de terre , car autrement il eit très probable que nous aurions péri. A cinq heures du foir , ayant une brife fraîche de rOueif, nous virâmes vent devant & portâmes au Sud ; le Cap Nord nous reftoit alors à TE. \- N. , ce nous découvrions une pointe qui gît à trois lieues à PO. j N. O. de ce Cap. Ce Cap, ainfi que je fai déjà obfervé, eif l'extrémité la plus feptentrionale de ce pays & la pointe la plus orientale d'une pèninfule qui fe prolonge N. O. & N. O. \ N. , à dix-fept ou dix-huit lieues, & donc le Cap Maria-v'an-Dienten , forme la pointe la plus occidentale. Le Cap Alaria gît au 34 a 40' de lari— tude S. , & au 187 a 8' de longitude O. , & depuis cette pointe la terre court S. E. -J- S., & S. E. au-delà du Mont Carnei y & elle for-—1e par-tout une côte iterile compoíée de bancs de fable blanc. Le 2, à midi, nous étions au 3^ 17' de latitude S , & le Cap Maria nous reftoit au N. à la diftance d'environ leize lieues, autant que nous pûmes le conjecturer, car nous n'avions point de terre en vue, & nous ifofiom pas approcher plus près , parce qu'un vent frais foumoit directement fur la côte & que nous étions battus d ailleurs par une grolle mer. Le vent continua dans PO. S. O. & le S. O , avec des raffales fréquentes. Le loir , nous diminuâmes de voil<-'s i à minili: nous virâmes vent devant & nous fîmes une bordée au N. O. jufqu'à deux heures du matin> qLian(* nous virâmes vene arrière pour mettre le cap au Sud. Le 3 , à la pointe du jour, nous fîmes voile & nous abattîmes afin de découvrir terre , & à dix heures nous en appercûmes une qui nous reftoit au N. O. Elle fembloit être élevée , & à midi, elle s'étendoit du N. à LE. N. E. , fuivant mon eftime, à la diftance de huit ou dix lieues. Le Cap Maria nous reftoit alors au N. 1d 31 ' O. , a. trente-trois lieues; notre latitude , par obfervation , étoit de 36a a' S. Sur les fept heures du foir, nous en étions éloignés de fix lieues j mais comme un vent frais fouffloit fur la côte, & que nous avions toujours une groife mer, nous ferrâmes le vent au S. E., & nous continuâmes cette route toute la nuit, fondant pluiieurs fois fans trouver de fond par 100 & 110 brades. L e lendemain, 4 , â huit heures du matin , nous étions k environ cinq lieues de la terre & en travers d'un endroit qui gît au 36a 25 ' de latitude, & qui avoit l'apparence d'une baie ou d'un canal ; il nous reftoit à fEft, & afin d'en appercevoir une plus grande étendue, nous continuâmes de gouverner fur la même direction , jufqu'à onze heures, tems où nous n'en étions plus éloignés que de trois lieues ; nous découvrîmes alors que ce n'étoit ni un canai ni une baie, mais une étendue de terre baile , bordée de chaque côté par des terres plus hautes , ce qui produifoit l'illufion* Nous virâmes enfuite vent devant , & nous gouvernâmes au N. O. ; & à midi , la terre n'étoit pas éloignée de plus de trois ou quatre lieues, nous étions Ann. 1770. Janvier. ~ : -■ à ce rems au ?6"d 31' de laticudc S. , & an 185 d 50' Am^ 1770* de longitude Ò. Le Cap Maria nous reftoit au N. Z1}* u a quarante - quatre lieues & demie ; de forte que la côte doit erre prefque droite à-peu près dans la direction du S. 3 E. | E. & N. N. O. J O. Vers Je ?5d 45' de latitude, il y a, tout près de la mer, quelques monticules élevées, au Sud deiquelles la côte eft e.icore haute, & préfente fafpeci: le plus défert 6c le plus ftéiile qu'on puifîe imaginer. On n'y apper-çoit rien que des collines de fable , fur lefquelles il y a à peine une tache de verdure i et une vafte mer , chaffée par les vents d'Oucft, y brilant en lames terribles, donne à cette côte un air fauvage & effrayant, qui jette dans 1 efprit des idées de danger & de fo-litude , ce affecte fame des fentimens du malheur 6c de la mort. Depuis cet endroit , je gouvernai au Nord , déterminé de ne plus approcher a la même diftance de la côte , à moins que le vent ne fût très-favorable. J augmentai de voiles , efpérant le lendemain , à midi, me trouver fort avant au large , 6c nous parcourûmes cent & deux milles au N. 38e1 O. ; notre latitude, par obfervation, étoit de 3^ ÏO' S., & le Cap Maria nous reftoit au N. iod E. à quarante & un milles. La nuit , le vent fauta du S. O. J S. au S. , 6c fouftla avec force. Jufqu'à midi du 5 , nous fîmes huit milles au N. 75 a O. E e G , à la pointe du jour , nous découvrîmes au N. N. E., à huit ou neuf lieues, une terre que n°uS jugeâmes être le Cap Maria; l'a près - midi du 7» nous reftoit à l'E. : quelques tems après, nous apper- eûmes une tortue fur Peau , mais , comme elle étoit éveillée, elle plongea fur le champ, de forte que nous ne pûmes pas la prendre. A midi, la monticule, dont on vient de parler , s'étendoit du N. à PE. à la diftance de cinq ou fix lieues ; & une portion de terre baile en deux endroits lui donnoit l'apparence d'une baie ou d'un canal. Les vingt - quatre dernières heures , nous fîmes cinquante-trois milles au S. 33 d E. ; le Cap Maria nous reftant au N. 25 d O. a trente lieues. Nous fîmes voile pendant tout le jour, à la vue de terre, avec de petits vents qui foufîloient entre le N. E. 6c le N. O. ; 6c le lendemain 8 , à midi, nous avions parcouru foixante-neuf milles au S. 37a E. : notre latitude , par obfervation , étoit de 36d 39' S. La terre que nous avions prife, le 4, pour une baie, nous reftoit alors au N. E. j N. a cinq lieues 6c demie, 6c le Cap Maria au N. 19 a O. à quarante-fept lieues. Le 9, nous continuâmes notre route au S. E. jufqu'à huit heures du foir , ayant parcouru fept lieues depuis le midi de la veille , avec un vent du N. N. E. 6c du N. , 6c étant à trois ou quatre lieues de la terre , qui fembloit être baife 6c fablonneufe. Je gouvernai enfuite S, E. ~ S. dans une direction parallèle à la côte, la fonde rapportant de 48 à 34 braifes fond de fable noir. Le lendemain 10 , à la pointe du jour» nous nous trouvâmes entre deux & trois lieues de la terre, qui commençant à prendre une meilleure apparence , sélevoit en petites pentes 6c étoit couverte ^*-"^"*? d'arbres 6c de verdure. Nous appercûmes de la fumée Ann. 1770. eQ un endroic & un certain nombre de maifons, mais le canton parut erre peu peuplé. A fere heures, nous gouvernâmes au S. 7 S. Ôc enfuite S. £ S O. fulva ne la direction de la terre. A neuf heures , nous étions en travers d'une pointe qui s'élève doucement de la mer, jufqu'à une hauteur confidérable. Je donnai le nom de Pointe Woody [pointe boifée) , à cette pointe, qui git au 37a 43' de latitude à environ onze milles au S. O. ~ O. de cette pointe, ii y a une très-petite Ifle, fur laquelle nous vîmes un grand nombre de mouettes, ce que j'appellai pour cela Gannet Jjland (Ifle des Mouettes). A midi , une pointe élevée 6c efearpée nous reftoit à 1 E. N, E. à environ une lieue 6c demie, & je la nommai Pointe Albatrofs elle gîç au 38 a 4/ de latitudeS., & au 184a 41' de longitude O. ; 6c elle eft éloignée de fept lieues au S. 17a O. de la Pointe TV oody, Sur la partie feptentrionale de cette pointe, la côte forme une baie , dans laquelle il paroît y avoir un mouillage & un abri pour les vaif-feaux. Dans les vingt-quatre dernières heures, nous fîmes foixante-neuf milles au S. 37a E., 6c à midi de ce jour, le Cap Maria nous reftoit au N. 30a O. à quatre-vingt-deux lieues. Entre midi & une heure , le vent fauta tout d'un coup du N. N. E. au S. S. O. ; nous en profitâmes pour porter à l'Oueft, jufqu'à quatre heures de l'après-midi; nous virâmes vent devant alors & nous remîmes le cap vers la côte jufqu'à fepe heures, quand nous virâmes de bord une feconde pour porter à l'Oueft , n'ayant que peu de vent. La Pointe Albatrofs nous reftoit à ce tems au N. E. à près près de deux lieues de diftance ; ôc nous avions au S. S.O. 7O. la terre la plus méridionale qui fût en vue- j^v'iet?' c'étoit une très-haute montagne fort reifemblante au pic de Teneriff'. Nous jettâmes la fonde , qui rapporta 30 braifes d'eau ; nous n'eûmes que peu de vent pendant toute la nuit : nous virâmes de bord fur les quatre heures du matin , 6c nous mîmes le cap vers la côte. Bientôt après nous eûmes calme; nous avions 42 bradés d'eau , ck nos gens prirent quelques brèmes de mer. A onze heures , une brife légère s'éleva de l'Oueft, 6c nous fîmes voile au Sud. Nous continuâmes à gouverner S. S. O. ôc S. S. O. le long de la côte, a la diitance d'environ quatre lieues avec de petites brifcs qui fouffloient entre le N. O. 6c le N. N- E. A fept heures du foir , nous vîmes le fommet du pic au Sud , au - deffus des nuages dont toute fa bafe étoit enveloppée. La terre la plus méridionale qui fût en vue , nous reftoit alors au S. j S. O. La variation de l'aiguille, mefurée par pluiieurs azimuths qui furent pris le matin 6c le foir , parut être de 14d 15 ' Eft. Le ïx, a midi, nous étions éloignés d'environ trois lieues de la côte fituée au - deilbus du pic ; mais le pic lui-même étoit entièrement caché par les nues ; nous jugeâmes qu'il nous reftoit à-peu-près au S. S. E., 6c nous avions k l'E. S E., k trois ou quatre lieues, quelques Ifles très-remarquables terminées en pic , 6c routes dominées par la côte. Nous fondâmes à fept heures du foir , 6c à la diftance de deux ou trois lieues de la côte , nous avions 42 braifes. Nous efti^ Tome IIL Z ^r^^i^ mâmes que le pic nous reftoit a PEft ; la nuit vint ck Ann. 1770. nous appercûmes des feux fur la côte. Janvier. Le 13, à cinq heures du matin, nous découvrîmes pendant quelques minutes le fommet du pic, qui s'é-levoit au-deifus des nuées , ôc qui étoit couvert de neige : il nous reftoit alors au N. E. \ il gît au 39 a C de latitude S. ôc au 18? d 15 ' de longitude O. , 6k je l'appellai Mont Egmont 9 en honneur du Comte de ce nom. 11 paroît avoir une bafe fort large , 6c s'élever par degrés ; il avoifine la mer ; le pays qui l'environne eft plat ôk d'un afpecf agréable \ il eft aifé de le reconnoître à la verdure 6k au bois dont il eft couvert,, ôc la côte au-deffous forme un grand Cap, que j'ai nommé Cap Egmont. Il gît au S. S. O. 7 O. à vingt - fept lieues de la Pointe Albatrofs , ôc fur fon côté feptentrional il y a deux petites lies fituées près d'une pointe remarquable qui eft fur la grande terre , ôc qui s'élève à une hauteur coniidérable , en forme de pain de fuere. Au Sud du Cap , la terre court S. -E. J E. Ôc S. S. E. , ck paroît former partout une côte efearpée. A midi, le Cap Egmont nous reftoit à-peu-près au N.. E., 6k dans cette direction, à environ quatre lieues de la côte, nous avions 40 braf-fes d'eau. Le vent, pendant le refte du jour, fouffla de PO. au N. O. j O. , 6k nous continuâmes k gouverner S. S. E. 6k S. E. i E. le long de la côte , en nous en tenant éloignés de deux ou trois lieues. A fept heures 6k demie, nous entrevîmes encore légèrement le Mont Edgcombe , qui nous reftoit au *7 ( O. k environ dix lieues. Le lendemain 14 , à cinq heures du matin , nous "" , ™ gouvernâmes S. E. j S. , la côte inclinant davantage ajn' l77°-vers le Sud ; 6c environ une demi-heure après nous découvrîmes une terre qui nous reftoit au S. O. ~ S. fur laquelle nous courûmes. A midi , l'extrémité N. O. de la terre en vue nous reftoit au S. 63 d O. ; 6c nous avions au S. S. E. à cinq lieues une terre élevée qui avoit l'apparence d'une Ifle , ôc fituée au-deffous de la Nouvelle-Zélande Nous étions alors dans une baie dont nous ne pouvions pas appercevoir le fond qui nous reftoit au Sud , quoique le tems fût clair dans ce rumb. Notre latitude , par obfervation étoit de 40d irj' S., ôc notre longitude de 184e1 39' O. A huit heures du foir , nous étions à deux lieues de la terre que nous avions découverte le matin, ayant fait dix lieues depuis midi ; la terre, que nous avions vue au S. 63 a O. nous reftoit dans ce moment au N. 59d O. â la diftance de fept ou huit lieues , 6c elle avoit l'apparence d'une lile. Entre cette terre ôc le Cap Egmont, gît la baie au côté occidental de laquelle nous étions ; la terre eft en cet endroit d'une hauteur confidérable , ôc entrecoupée par des vallons Ôc des collines. Zij Voyage Hft~ ..... ^ ........g® C H A P I T R E V I I. Séjour dans le Canal de la Reine Charlotte. Pajfage à travers le Détroit qui fepare les deux Ifles , & retour au Cap Turnagain. Horrible coutume des Habitans, Mélodie remarquable des Oifeaux. Vif.te faite à un Rippah, & plufieurs autres particularités. L a côte a cet endroit fembloit former pluiieurs baies , Ann. 1770. ^ans pune defquelles je me propoiois de conduire le Janvier. .... r r vaiiîeau qui marchoit tres - mal , afin de le caréner , 6c pour réparer en même-tems quelques avaries 6c faire provinoli de bois 6c d'eau. Dans cette vue, je louvoyai toute la nuit, la fonde rapportant de 80 à 63 braifes d'eau. Le lendemain au matin, 15 , à la pointe du jour, je portai vers un canal qui a fa direction au S. O. ; à huit heures, je me trouvai en-dedans de l'entrée , qu'on peut reconnoître au moyen d'un récif de rochers qui ié prolongent depuis la pointe N. O , 6c de quelques Ifles de roche, fituées à la hauteur de la pointe S. E. A neuf heures, le peu de vent que nous avions , étant variable , nous fûmes portés par la maree ou le courant à deux encablures de la côte N. O. où la fonde donnoit 54 braffes; mais à l'aide de nos bateaux nous regagnâmes le large. Dans ce moment même, nous appercûmes deux I Stepíi* en s CAP STEPHENS Carte du TRoiT de Cook dans la le AdmiraiiTMTs Bay ^ £ lab. f¿T » 4 ve due Baye ( /// die 2 -3rtu)t j Baje Cl oucly, (Sombre^ I Urüfófier Clóuòy (Bay. 15 w5 CARTE Cook'S-Strasse ITI; Ale de l'Eu•treÀ Einfarths ^ * * * .4. Gip Tierawjtte^ A y 4o Cip PallisserÍ 00 Westîiche îaenge Ton Gré^5emríeL 15 184 00 Jl ¡a, 7/ùiuer Jcuîp. '~3Vc>rvnb'erçat 45- fois près de la côte un lion marin dont la tête , qui reffem- bloit exactement à celle du mâle décrit dans le Voyage Ann. 1770. du Lord Anión , s'élevoit au-deífus de l'eau. Nous vîmes JanvICU auiïi quelques Naturels du pays, qui traverfoient la baie dans une pirogue, & nous appercûmes un village fur la pointe d'une Ifle fituée â fept ou huit milles en-dedans de l'entrée. A midi, nous étions en travers de cette lile ; mais, comme ii y avoit peu de vent, j'ordonnai aux bateaux de marcher en avant pour touer le vaiiîeau. A une heure, nous tournâmes l'extrémité S. E. de l'Ifle en la rangeant de près, & les habitans du village dont on vient de parler fe montrèrent iur le champ en armes. A environ deux heures , nous mouillâmes fur le côté N. O. de la baie & en face de l'extrémité S. O. de 1 Ifle, dans une anfe très-sûre & très-commode, par n brafTes d'eau, fond mou , & nous amarrâmes avec l'ancre de toue. Nous étions a quatre portées de canon du village ou Jùppah , torfque nous vîmes quatre pirogues fe détacher vraifemblablement pour nous obÎerver & voir fi elles feroient en état de s'emparer de nous. Les hommes étoient tous bien armés & habillés â-peu-près comme on les voit repréfentés dans la figure publiée par Taiman ; deux coins de l'étoffe , dont ils s'enveloppoient le corps , fe relevoient par derrière , palfoient fur les épaules , & fe rejoignoient à l'extrémité iupérieure du vêtement en - devant , à laquelle ils étoient rattachés au-deifous de la poitrine ; mais il y avoit très - peu d'Indiens qui euÌTcnc des plumes dans leurs cheveux. Ils ramèrent plu- Voyage fleurs fois autour du vaiffeau , en nous fàifant leurs geiies accoutumés de menaces & de défi , ôc enfin ils commencèrent l'attaque en nous jettant quelques pierres ? Tupia leur fit des remontrances qui ne parurent pas avoir beaucoup de fuçeès \ nous craignions d'être enfin obligés de faire feu fur eux , quand un indien très-âgé nous témoigna le defir qu'il avoit de venir à bord. Nous Vencourageâmes k excuter fon projet ; nous jettâmes une corde dans fa pirogue, qui s'avança fur le champ aux côtés du vaiiîeau ; le vieillard fe leva ôc fe préparoit à monter , mais tous fes compatriotes s'y oppoferent , en lui parlant avec beaucoup de véhémence ; ils le faifirent même ôc le retinrent quelque tems. Il perflfta cependant toujours dans fon deiîèin , ôc après s'être enfin débarraifé d'eux , ii vint à bord. Nous le reçûmes avec toutes les marques poffibles de bienveillance ce d'amitié , ôc, lorfqu'il y eut refté quelque tems, nous le renvoyâmes après lui avoir fait pluhcurs préfens pour íes compagnons. Dès qu'il fut de retour dans fa pirogue , tous les Indiens qui montoient les autres fe mirent à danfer ; mais nous ne pouvions pas juger s'ils exprimoient des difpofitions amicales ou ennemies , car nous les avions vu danfer également ôc quand ils préientoient la paix & quand ils fe difpo-foient. à la guerre. Cependant ils fe retirèrent bientôt dans leur Fort , ôc j'allai à terre avec la plupart des Officiers au fond de l'anfe, vis-à-vis du vaiffeau. Nous y trouvâmes un beau courant d'une excellente eau douce ôc du bois en très-grande abondance,, car le terrein n'étoit qu'une feule forêt d'une vaile -étendue. Comme nous avions porté la feine avec nous, nous la jettâmes une ou deux fois , avec tant de fuccès que nous prîmes près de trois cens livres de poiffons de différentes efpeces , qui furent tous partagés également entre les gens de l'équipage. Le 16, à la pointe du jour, pendant que nous étions occupés à caréner le vaiiîeau, trois pirogues s'avancèrent vers nous ; elles avoient à bord plus de cent hommes, outre pluiieurs de leurs femmes que nous fûmes charmés de voir , car en général leur préfence eft un ligne de paix ; mais ils devinrent bien - tôt très-incommodes & ils nous firent craindre avec raifon qu'ils ne médicafî'ent quelque entrepriíe fàcheufe contre ceux de nos gens qui étoient dans les bateaux au côté du vaiffeau. Cependant ayant envoyé la chaloupe à terre avec quelques futailles , & quelques-unes des pirogues entreprenant de la fuivre, nous crûmes qu'il étoit nécefîâire de les intimider , & pour cet effet nous tirâmes des coups de fuiils chargés à petit plomb. Nous étions à une fi grande diftance qu'il étoit im-poifible de les atteindre ; cependant cet expédient eut du fuccès ; car ils abandonnèrent leur pour-fuite. Ils avoient dans leurs pirogues des poiffons qu'ils offrirent de nous vendre, & quoiqu'ils fulfcnc gâtés, nous confentîmes à les acheter; pour cela nous leur envoyâmes un de nos gens dans un bateau , ce ils firent leurs échanges pendant quelque tems d'une manière très-honnête, A la fin, l'un d'eux guettant un moment favorable , tâcha d'arracher du papier que notre homme tenoic à la main , 6c comme il le man-Ann. 1770. qLia 9 il fe mit fur le champ dans une poffure de défenie , agita ion patou-patou, 6c partit le difpolèr à frapper: on lui tira du vaiiîeau un coup de fufil chargé à petit plomb, dont quelques grains l'atteignirent au genou, Ce contre tems mit fin à nos échanges , mais les Indiens reitèrent toujours près du vaiffeau ; ils ramèrent alentour pluiieurs fois 6c ils cauièrent avec Tupia , principalement fur les traditions qu'ils avoient touchant les antiquités de leur pays. Nous avions confeilié à Tupia de les amener fur ce fujet, en leur demandant fi jamais ils avoient vu un vaiffeau comme le nôtre , ou s'ils avoient oui-dire qu'un pareil bâtiment eût abordé autrefois fur leur côte. Ils répondirent toujours d'une manière négative ; de forte que la tradition n'avoiç conferve parmi eux aucun fouvenir de Tafman , quoique , d'après une obfervation faite ce même jour, 16, nous euffions trouvé que nous n'étions qu'à quinze milles au Sud de la Baie des A/Jajfins, Notre latitude étoit de 41 d 5' 32.", 6c celle de la Baie des AJfaJpns, fuivant la relation de Tafman, de 40a 30 Les femmes qui étoient k bord de ces pirogues, ôc quelques-uns des hommes, avoient une coeffure que nous ne connoifTîons pas encore. Elle étoit compofée d'une touffe de plumes noires, difpofées en rond 6c attachées fur le fommet de la tête, qu'elle couvroit en entier 6c qu'elle faifoit paroître deux fois auili élevée qu'elle l'étoit réellement. Après-dîner, je m'embarquai fur la pinaffe avec MM. Banks 6c Solander, Tupia 6c qn^cs' autres autres perfonnes, ôc nous allâmes dans une autre anfe éloignée d'environ deux milles de celle où mouilloit A*JN' I77°* ^ r-v r Janvier, le vaiiîeau. Dans notre route, nous vîmes flotter fur l'eau quelque chofe que nous prîmes pour un veau marin mort ; mais, après nous en être approchés, nous reconnûmes que c'étoit le corps d'une femme , qui, fuivant toute apparence , étoit morte depuis peu de jours. Quand nous fûmes arrivés k fanfe, nous y mîmes k terre ôc nous trouvâmes une petite famille d'Indiens auxquels notre approche infpira vraifemblable-ment beaucoup d'effroi, car ils s'enfuirent tous, k P exception d'un feul. Une converfation entre celui-ci & Tupia ramena bientôt les autres , hormis un vieillard & un enfant qui s'étoient retirés dans le bois, d'où ils nous épioient fecrettement. La curiofité nous porta naturellement k faire k ces fauvages des queftions fur le corps de la femme que nous avions vu flotter fur l'eau. Ils nous répondirent, par Pentremife de Tupia , que c'étoit une de leurs parentes, morte de fa mort naturelle , qu'après avoir attaché , fuivant leur coutume, une pierre au cadavre, ils l'avoient jette dans la mer, ôc que probablement le corps s'étoit féparé de la pierre. Lorsque nous allâmes a terre , ces Indiens étoient occupés à apprêter leurs alimens, & ils faifoient cuire alors un chien dans leur four ; il y avoit près de-là nlu-fieurs paniers de provifion ; en jettant par hafard les yeux fur un de ces paniers, k mefure que nous pallions, nous appercûmes deux os entièrement rongés, qui «e nous parurent pas être des os de chien, ôc que nous Tom.e IIL A a * reconnûmes pour des os humains après les avoir exa- Ann. 1770. minés de plus près. Ce fpecfacle nous frappa d'horreur, Janvier. ,., ™ r . quoiqu il ne rit que confirmer ce que nous avions oui-dire pluiieurs fois depuis notre arrivée fur la côte, Comme il étoit fur que c'étoit véritablement des os humains , ii ne nous fut pas poilible de douter que la chair qui les couvroit n'eût été mangée. On les avoit trouvés dans un panier de provifion ; la chair qui reftoit fembloit manifeftement avoir été apprêtée au feu, & l'on voyoit, fur les cartilages, les marques des dents qui y avoient mordu. Cependant , pour confirmer des conjectures que tout rendoit fi vrai-fembiables , nous chargeâmes Tupia de demander ce que c'étoient que ces os } & les Indiens répondirent fans héiiter en aucune manière, que c'étoient des os d'hommes. On leur demanda enfuite ce qu'étoit devenue la chair, & ils répliquèrent qu'ils Pavoient mangée; mais, dit Tupia, pourquoi n'avez-vous pas mangé le corps de la femme, que nous avons vu flotter fur l'eau? Cette femme, répondirent-ils, eft morte de maladie ; d'ailleurs elle étoit notre parente , & nous ne mangeons que les corps de nos ennemis qui font tués dans une bataille. En nous informant qui étoit l'homme dont nous avions trouvé les os , ils nous dirent qu'environ cinq jours auparavant, une pirogue, montée par fept de leurs ennemis, étoit venue dans la baie , & que cet homme étoit un des fept, qu'ils avoient tués. Quoiqu'il foit difficile d'exiger de plus fortes preuves que cette horrible coutume eft étahhe parmi les habitans de cette côte , cependant n0ÜS allons en donner qui font encore plus frappantes. ■ t L'un de nous leur demanda s'ils avoient quelques os humains où il y eût encore delà chair; ils nous répondirent qu'ils l'avoient toute mangée, mais nous feignîmes de ne pas croire que ce fuffent des os d'hommes, & nous prétendîmes que c'étoient des os de chien ; fur quoi un des Indiens faifit fon avant-bras avec une forte de vivacité, & en l'avançant vers nous, il dit que l'os que tenoit M. Banks dans fa main , avoit appartenu à cette partie du corps ; 6c pour nous convaincre en même-tems qu'ils en avoient mangé la chair , il mordit fon propre bras 6c fit femblant de manger. Il mordit auili 6c rongea l'os qu'avoit pris M. Banks, en le parlant à travers ia bouche 6c montrant par lignes que la chair lui avoit fait faire un très-bon repas ; il rendit enfuite l'os à M. Banks qui l'emporta avec lui. Parmi les peribnnes de cette famille, nous vîmes une femme dont les bras, les jambes 6c les cuiflès avoient été déchirés en pluiieurs endroits d'une manière effrayante. On nous dit qu'elle s'étoit fait elle-même ces bleffu-res, comme un témoignage de la douleur que lui cau-foit la mort de fon mari, tué 6c mangé depuis peu par d'autres habitans qui étoient venus les attaquer d'un canton de l'Ifle , iituc à l'Eft , 6c que nos Indiens montroient avec le doigt. Le vaiiîeau mouilloit à un peu moins d'un quart de mille de la côte, 6c le matin, du 17, nous fûmes éveillés par le chant des oifeaux: leur nombre étoit incroyable, 6c ils fembloient fe difputer à qui feroit entendre les fons les plus agréables. Cette mélodie iauvage étoit infiniment fupérieure à toute celle de même eipece que nous avions Aa ij entendue jufqu'alors ; elle reiTembloit a celle que pro-duiroient de petites cloches parfaitement d'accord , 6c peut-être que la diitance 6c Peau qui fe trouvoir. entre nous 6c le lieu du concert ajoutoit à l'agrément de leur ramage. En faifant quelques recherches, nous apprîmes que dans ce pays les oifeaux commencent toujours à chanter à environ deux heures après minuit j qu'ils continuent leur mufique jufqu'au lever du foleil , 6c qu'ils demeurent en iilence pendant le reile du jour , comme nos roifignols. L'après-midi, une petite pirogue arriva d'un village Indien au vaiffeau. Parmi les Naturels qui la montoient, fe trouva le vieillard qui vint à bord de notre vaiiîeau pour la premiere fois , lors de notre arrivée dans la baie. Dès qu'il fut près de nous, Tupia reprit de nouveau la converfation de la veille fur l'ufage de manger la chair humaine , 6c les Indiens répétèrent ce qu'ils nous avoient déjà dit : mais , ajouta Tupia , où font les têtes ? les mangez-vous auili ? nous ne mangeons que la cervelle , répondit le vieillard , 6c demain je vous apporterai quelques têtes pour vous convaincre que nous vous avons dit la vérité. Après avoir converfé quelque - tems avec notre Otahitien , ils lui dirent qu'ils s'attendoient à voir dans peu arriver leurs ennemis , pour venger la mort des iept qui avoient été tués 6c mangés. Le i8 , les îndiens furent plus tranquilles qu'à l'ordinaire ; aucune pirogue ne s'approcha du vaiifeau, 6c nous n'apperçûmes aucun des babitans fur la c°tc i leurs pêches 6c leurs autres occupations journalières étoient entièrement fufpendues. Nous pensâmes qu'ils fe préparoient à fe défendre contre une attaque ; cela nous engagea a faire plus d'attention à ce qui fe paf-foit à terre, mais nous ne vîmes rien qui pût fatisfaire notre curiofité. Après avoir déjeûné, nous nous embarquâmes dans la pinaife pour examiner la baie , qui étoit d'une vaile étendue ôc compofée d'une infinité de petits havres ôc danfes dans toutes les directions: nous bornâmes notre excurfion au côté occidental, & comme le canton où nous débarquâmes étoit couvert d'une forêt impénétrable , nous ne pûmes rien voir de remarquable. Nous tuâmes cependant un grand nombre de cormorans , que nous vîmes perchés fur leurs nids dans les arbres, & qui étant rôtis ou cuits à l'étuvée, nous donnèrent un excellent mets. En nous en revenant, nous appercûmes un feul Indien péchant dans une pirogue ; nous ramâmes vers lui , & , a notre grande furprife , il ne fit pas la moindre attention à nous ; lors même que nous fûmes près de lui , il continua fon occupation , s'embarraifânt auffi peu de nous que fi nous euilions été invifibles : il ne paroiffoit cependant ni it 11 pide ni de mauvaife humeur. Nous le priâmes de tirer fon filet hors de l'eau afin que nous puíIÍons l'examiner , & il fit fur le champ ce que nous demandions : ce filet étoit de forme circulaire , étendu par deux cerceaux , & il avoit fept ou huit pieds de diamètre. Le haut en étoit ouvert, & au fond étoient attachées des oreilles de mer pour fervir d'appât ; il fai foie tomber ce fond dans la mer . comme s'il l'eût étendu k Ann. 1770. Janvier. terre , & quand il croyoit avoir attiré aiTez de poif— fon , il tiroit doucement ion filet jufqu'à ce qu'il fût près de la furface de Peau, de maniere que les poiffons étoient foulevés fans s'en appercevoir ; & alors il donnoit tout-a-coup une fecouile qui les enveloppoit dans le filet : par cette méthode très-fimple , il avoit pris une grande quantité de poiffons ; il eft vrai qu'ils font fi abondans dans cette baie, que la pêche n'y exige ni beaucoup de travail, ni beaucoup d'a-dreife. Ce jour-là même, quelques-uns de nos gens trouvèrent aux bords du bois, près d'un creux ou four, trois os de hanches d'hommes qu'ils rapportèrent à bord ; nouvelle preuve que ces peuples mangent la chair humaine. M. Monkhoufe, notre Chirurgien, rapporta auifi d'un endroit où il avoit vu pluiieurs maifons dé-fertes , les cheveux d'un homme, qu'il avoit trouvés parmi pluiieurs autres chofes fufpendues à des branches d'arbres. Le 19, au matin , nous drefsâmes la forge de Par-murier , pour raccommoder les crampons de la barre du gouvernail & d autres ferrures ; tous ceux de nos gens qui étoient à bord étoient toujours occupés à caréner & à faire d'autres opérations néceffaires dans le vaiffeau ; quelques Indiens vinrent près de nous , d'une autre partie de la baie , où ils dirent qu'il y avoit un bourg que nous n'avions pas vu. Ils apportaient une grande quantité de poiflbn qu'ils n°llS vendirent pour des clous, dont ils avoient alors ap- pris à fe fervir, & dans ces échanges, ils ne commirent -J aucune fraude. Ann. i77o. Janvier. Notre vieillard tint fa promelfe le 1 au matin , & nous apporta à bord quatre des fept têtes d'hommes, dont nous avons déjà parlé ; les cheveux & la chair y étoient encore en entier , mais nous remarquâmes qu'on en avoit tiré la cervelle ; la chair étoit molle & on l'avoit préfervée de la putréfaction en employant quelque expédient ; car elle n'avoit point d'odeur défagréable. M. Banks acheta une de ces têtes, mais le vieillard la lui vendit avec beaucoup de répugnance , & nous ne pûmes pas venir à bout de l'engager k nous en céder une feconde ; ces peuples les confer-vent probablement comme des trophées, ainfi que les Américains montrent en triomphe les chevelures , & les Infulaires des mers du Sud, les mâchoires de leurs ennemis. Ën examinant la tête qu'acheta M. Banks, nous remarquâmes qu'elle avoit reçu fur les tempes un coup qui'avoit fracturé le crâne. Nous fîmes une autre excurfion dans la pinaffe pour parcourir la baie, mais nous n'apperçûmes point deterrein propre à faire un jardin k patates, & il nous fut imponible de découvrir la moindre apparence de culture. Nous ne vîmes pas un feul Indien , mais nous trouvâmes un excellent havre , & , fur les huit heures du foir, nous retournâmes à bord du vaiiîeau. Le xt, MM. Banks & Solander allèrent pêcher k Thameçon & k la ligne, & ils prirent par tout furies rochers une quantité îmmenie de poiflbn , dans les endroits où l'eau avoit 4 à ^ brafTes ; on jcttoit îa feine chaque foir, & prefque toujours on en prit autant qu'en pouvoit manger tout 1 équipage. Ce jour-là , tous nos gens eurent permiiîion d'aller à terre au lieu de Paiguade, & de fe divertir comme ils le juge-roient à propos. Le matin , du %i, je m'embarquai de nouveau fur la pinaffe, accompagné de MM. Banks & Solander, dans le deffein d'examiner le fond du canal; mais après avoir fait environ quatre ou cinq lieues fans même fappercevoir, le vent étant contraire & le jour à moitié paffé , nous allâmes à terre fur le côté oriental , pour monter fur les collines & voir ce qu'on pourroit découvrir de leur fommet. MM. Banks 6c Solander s'occupèrent k faire des recherches de Botanique près de la grève, & je gravis une des collines avec un des matelots : quand je. fus arrivé au fommet , je reconnus que la vue du canal étoit interceptée par des collines qui s'élevoient encore plus haut dans cene direction, & que des bois impénétrables rendoient inacceiîibles. Cependant je fus bien récompenfé de mes fatigues ; car je vis la mer fur le côté oriental du pays, & un peu à l'Eft de l'entrée du canal où mouilloit le vaiffeau , un paffage qui conduifoit au côté de l'Oueft. La grande terre qui gît fur le côté oriental de ce golfe, fembloit être un chemin étroit de collines très-hautes, & faire partie du côté S. O. du décroit ; fur le côté oppofé , elle paroiffoit courir à l'Eft auifi loin que pouvoit s'étendre la vtie » & au S. E. il y avoit l'apparence d'une ouverture k la mer qui lavoir, la côte orientale : à l'Eft du canal, ^^r^ i'apperçus auili quelques Ifles que pavois prifes aupa- Ann. 1770. ... j Janvier, ra vane pour une partie de la grande terre. Après avoir fait cette découverte, je defeendis la colline, 6c ayant pris quelques rafraîchiffemens, nous retournâmes au vaiiîeau. Dans notre route , nous examinâmes les havres 6c les anfes fitués derrière les Ifles que j'avois découvertes de la colline , 6c nous rencontrâmes un village, compofé de pluiieurs maifons qui nous parurent abandonnées depuis long-tems. Nous vîmes auffi un autre village inhabité, mais le jour étant trop avancé pour pouvoir le vi-fiter ; nous nous hâtâmes de regagner le vaiiîeau, où nous arrivâmes entre huit & neuf heures du foir. J'employai la journée, du 13, à examiner les environs , 6c fur une des liles où je débarquai , je vis pluiieurs maifons qui paroifîoient également déferres depuis long-tems, 6c je n'appereus aucune trace d'habitans. Le x4, nous allâmes vifiter, dans le hippakou village bâti fur la pointe de l'Ifle près du lieu de notre mouillage , ceux, qui nous étoient venu voir lors de notre arrivée dans la baie. Ils nous reçurent avec toute la confiance 6c la civilité poifibles , 6c nous montrèrent toutes les parties de leurs habitations, qui étoient propres 6c commodes. L'Ifle ou rocher fur lequel ce bourg eft fitué , eft féparée de la grande terre par une brèche ou fiifure fi étroite, qu'un homme pourroit prefque fauter d'un bord a l'autre. Les côtés en fonc Tome IIL Bb ggggg^S íi eícarpcs , que toute fortification artificielle y eft Ann. 1770. prefqUe inutile ; on y avoit cependant élevé une légère paliflade & une petite plateforme , vers la partie du rocher où l'accès étoit le moins difficile. Les Indiens nous apportèrent pluiieurs os humains dont ils avoient mangé la chair , & qu'ils offrirent de nous vendre ; car ces os étoient devenus un article de commerce par la curiofité de ceux d'entre nous qui en avoient acheté , comme des preuves de l'abominable ufage que pluiieurs perfonnes ont refufé de croire, malgré le rapport des voyageurs. Nous remarquâmes avec furprife, dans une partie de ce village, une croix exactement femblable à celle d'un Crucifix ; elle étoit ornée de plumes , & quand nous demandâmes pourquoi elle avoit été dreffée, on nous dit que c'étoit un monument élevé à un homme qui étoit mort ; ils nous avoient dit auparavant qu'ils n'enterroient pas leurs morts & qu'ils les jcttoient dans la mer ; mais lorfque nous demandâmes ce qu'étoit devenu le cadavre de cet Indien , en mémoire duquel on avoit érigé cette croix, ils ne voulurent pas nous répondre. Quand nous quittâmes ces Infulaires, nous allâmes á l'autre extrémité de l'Ifle, & après y avoir pris de l'eau , nous nous rendîmes delà fur la grande terre où nous vîmes plufieurs maifons , mais fans habitans, ii l'on en excepte un petit nombre qui étoient fur quelques pirogues difperfées , & qui fembloient pécher. Dès que nous eûmes examiné ce canton , nous retournâmes dîner au vaiifeau. Pendant la vifire que nous rendîmes aux Indiens, Tupia qui éroir toujours refté avec nous, les avoit entendu parler continuellement de fufils & d'hommes tués; nous ne concevions pas comment nos armes a feu avoient pu devenir le iujet de leur converfation ; cela occupa fi fort notre attention que tout le long de la route , & même après que nous fûmes arrivés à bord, nous ne cefsâmes d'en parler à notre Otahitien. Nous formions diverfes conjectures qui faifoient bientôt place à d'autres , lorfque nous apprîmes que, le %i, un de nos Officiers, fous prétexte d'aller à la pêche, avoit ramé vers le hippah ; que deux ou trois pirogues s'approchant de fon bateau , il craignit que les Indiens ne vouluifent l'attaquer, & qu'en ccnléquen-ce il leur avoir tiré trois coups de fufil , l'un chargé à petit plomb & deux autres chargés à balle Les Naturels fe retirèrent avec la plus grande précipitation ; ils étoient probablement venus dans des intentions amicales, car toute leur conduite fuit avant foit après annonçoit ces difpofitions , & ils n'avoient aucune raifon de s'attendre .à un pareil traitement de nous qui les avions toujours accueillis non-feulement avec humanité, mais même avec amitié : d'ailleurs ils ne nous avoient donné aucun fujet de plainte. Le 25, je fis , avec MM. Banks & Solander, une autre excurfion fur la pinaffe la long de la côte vers l'embouchure du canal ; en débarquant fur la côte d'une petite anfe pour tuer des cormorans, nous rencontrâmes une grande famille de ces Indiens qui ont coutume de fe difperfer parmi les différentes criques & Bb ij V 0 y a g e ■------baies, ou ils peuvent fe procurer une plus grande qu'an-- Ann. 1770. t\z¿ de poiiîons, & qui ne laifienr qu'un petit nombre Janvier. ^ Ieurs camarades dans le hippah, où ils fe réfugient tous en tems de danger. Quelques-uns de ces Naturels firent un chemin affez confidérable pour venir à notre rencontre, & ils nous invitèrent à aller avec eux vers leurs compagnons, à quoi nous conicntîmes de bon cœur. Nous trouvâmes qu'ils étoient au nombre d'environ trente hommes, femmes & enfans, qui nous reçurent tous avee toutes les démonftrations pof-fibles d'amitié. Nous leur diitribuâmes quelques rubans & des verroteries, & en retour ils nous embraflèrent, jeunes & vieux , hommes & femmes : ils nous donnèrent auffi des poiffons, & après avoir paffé quelque tems avec eux , nous retournâmes au vaiffeau , charmés de notre nouvelle connoiifance. , Le %G au matin, je m'embarquai fur le bateau ainfi que MM. Banks & Solander, & nous entrâmes dans une des baies fituée fur le côté oriental du canal, afin de revoir une féconde fois le détroit qui paffoit entre la mer de fEft & celle de l'Oucff. Après avoir débarqué à un endroit convenable, nous gravîmes fur une colline très-haute , du fommet de laquelle nous appercûmes diftinefement tout le détroit , ainfi que la terre fur la côte oppofée que nous jugeâmes être à environ quatre lieues; mais comme il y avoit du brouillard fur l'horiion , nous ne pûmes pas découvrir fort loin au S. E., cependant je réfolus de chercher un paffage avec le vaiffeau , dès que nous remettrions en mer. Nous trouvâmes au haut de cette colline un tas de pierres avec lefquelles nous conftruisîmes une pyramide , où nous laifsâmes quelques balles de fufil ^ du petit plomb, des verroteries ôc d'autres choies propres à réfifier aux injures du tems , & qui , ne pouvant être l'ouvrage des Indiens , attelleront par la fuite à tous les Européens qui viiiteront ces lieux , que d'autres habitans d'Europe y ont déjà été avant eux; Nous defeendîmes eniuite la colline, ôc nous fîmes un très-bon repas des cormorans ôc des poiffons que nous avions pris, Ôc qui furent apprêtés par l'équipage du bateau , dans un endroit dont nous étions convenus : nous y trouvâmes une autre famille Indienne qui nous reçut en nous témoignant comme à l'ordinaire beaucoup de joie ôc d'amitié ; ces Infulaires nous indiquèrent où nous pourrions trouver de l'eau , & ils nous rendirent tous les autres bons offices qui dé-pendoient deux. Delà, nous allâmes au bourg dont nous avoient parlé les Indiens , qui vinrent nous voir le 19 : ce bourg, ainfi que les autres que nous avions vus auparavant , étoit bâti fur une petite Ifle ou rocher d'un accès fi difficile , que nous courûmes des dangers pour fatisfaire notre curiofité. Ces Indiens nous recurent a bras ouverts ; ils nous con-duifirent dans tous les endroits de ce village , & ils nous montrèrent tout ce qu'il contenoit. Il étoit compofé de quatre-vingt a cent maifons, ôc n'avoit qu'une plateforme de guerre. Nous donnâmes à nos hôtes quelques clous, des n'bans ôc du papier, ce qui leur fit tant de plaifir, que lors de notre départ, ils remplirent notre bateau de poillons fecs, dont nous t nous appercûmes qu'ils avoient rafTemblé de grandes Ann. 1770. quantités. Janvier. Nous pafsames le Ôc le î8 h radouber le vaiffeau , pour nous préparer à remettre en mer , a attacher une barre d'arcaife au gouvernail , à mettre des pierres dans la foute au bifcuit, ôc plus d'arrimage à la poupe , enfin à raccommoder les futailles & prendre du poiífon. Le 19, nous reçûmes une vifite de notre vieillard, qui s'appelloit Topaa , ôc de trois autres Naturels du pays avec qui Tupia eut une longue converfation. Le vieillard nous apprit la mort d'un des Indiens fur lequel avoit tiré l'Officier qui étoit allé vifìter le hip -pah fous prétexte de pêcher ; mais je découvris en-fuite , avec beaucoup de plaifir , que cette nouvelle n'étoit pas vraie ; & que fi l'on prenoit à la lettre les difeours de Topaa , ils nous induiroient fou vent en erreur. MM. Banks ôc Solander allèrent pluiieurs fois à terre les deux ou trois derniers jours, mais ils furent empêchés de pénétrer bien avant par des plantes parantes , fi touffues ôc tellement entrelaffées les unes dans les autres , qu'elles rempliffoient exactement tout lefpace qui fe trouvoit entre les arbres auxquels elles étoient attachées , ôc rendoient les bois abfoiument impraticables. Je débarquai auiîi ce jour-là même, fur la pointe occidentale du canal, & du fommet d'une colline fort élevée , j'examinai la cote au N. O. La terre la plus éloignée que je pus appercevoir dans ce rumb étoit une Ifle dont on a deja parlé, ôc qui fe trouvoit à environ dix lieues , non loin de la grande terre : entre cette Ifle —- ôc l'endroit où j'étois , je découvris tout près de la Ann. 1770, côte quelques autres Ifles formant pluiieurs baies, dans lefquelles il fembloit y avoir un bon mouillage pour le vaiiîeau. Après avoir pris la poiïtion des différentes pointes, je dreflài une autre pile de pierres , où je laiifai une piece d'argent avec quelques balles ôc des verroteries, 6c j'arborai au fommet un morceau de vieille flamme : en retournant au vaifleau , j'abordai plufieurs Naturels du pays que je vis le long de la côte , 6c j'achetai d'eux une petite quantité de poiífon. Le 30, dès le grand matin, j'envoyai un bateau a l'une des Ifles pour chercher du celeri, Ôc pendant que nos gens en cueillirent, une vingtaine d'Indiens, hommes, femmes ôc enfans, débarquèrent près de quelques huttes défertes. Dès qu'ils furent fur la côte, cinq ou iix femmes s'aflirent enfemble à terre 6c fe mirent à fe faire des bleifures effrayantes fur les jambes , les bras ôc le vifage , avec des coquilles & des morceaux pointus de talc ou de jafpe. Nous imaginâmes que leurs maris avoient été tués depuis peu par leurs ennemis; pendant qu'elles faifoient cette horrible cérémonie, les hommes, fans y faire la moindre attention 6c fans être touchés en aucune manière de leur état , travailloient à réparer les huttes. Le charpentier ayant préparé deux poteaux, qu'on devoit placer comme des monumens de notre arrivée dans cet endroit, j'y fis mettre le nom du vaifleau ôc - la date de l'année & du mois de notre débarquement* nn. 1770. L'un d'eux fut dreifé au lieu de l'aiguade; ou arbora anvie** au fommet le pavillon d'union, & je fis porter l'autre fur l'Iile la plus voifine , qui eft appellée Motuara par les Naturels du pays. J'allai d'abord avec M. Monkhoufe au village ou hip pah 3 où je rencontrai notre vieillard, 6e je lui dis, ainfi qu'à pluiieurs autres , par l'entremife de notre Otahitien, que nous étions venus placer une marque fur l'Ifle, afin de montrer aux vaif-feaux qui y arriveroient dans la fuite, que nous y étions venus avant eux. Ils y confentirent de bon cœur & ils promirent qu'ils ne fabattroient jamais. Je fis a chacun quelque préfent, & je donnai au vieillard une pièce d'argent de trois pences , frappée en 1736 , avec des clous de fiche fur lefquels étoit gravée la grande flèche du Roi, chofes que je jugeai les plus propres à fe con-lierver plus long - tems parmi eux. Je plaçai le poteau fur la partie la plus élevée de l'Ifle , & j'y arborai enfuite le pavillon d'union. Je donnai à ce canal le nom de Canal de la Reine Charlotte , & je pris , en même-tems, une poilefîion formelle de ce pays , ainfi que des environs, au nom & pour le fervice du Roi George III. Nous bûmes alors une bouteille de vin au nom de Sa Majefté, & nous donnâmes la bouteille au vieillard qui nous avoit accompagné fur la colline, & qui fup enchanté de ce préfent. Pendant qu'on dreifoit le poteau, nous fîmes au vieillard des quefiions fur le paffage dans la mer orientale, ce il nous en confirma l'exiffence; nous lu* en en fîmes enfuite d'autres, fur la tèrre au S. O. du détroit où nous étions alors. Cette terre, répondit-il, eft compoiée de Whcnnuas ou liles dont on peut faire le tour en peu de jours, ôc on l'appelle Tovy poe-mammoo '■ ce mot, traduit littéralement, iignifie « eau de talc verd » , & probablement fi nous avions mieux entendu ce qu'il difoit, nous aurions reconnu que Tovy poenammoo n'étoit pas le nom général de tout le diftricr. du Sud , mais un mot qui déiignoit quel-qu'endroit particulier où ils raifemblent le talc verd ou la pierre dont ils font leurs ornemens & leurs outils. Il ajouta qu'il y avoit auili un troifième JVhen^ nua, qu'il appelloit E'ahcinomauwe , fur le côté Eft du détroit , dont on ne peut faire le tour que dans pluiieurs lunes, ck il donnoit le nom de Tierra JVitte à la terre qui bordoit le détroit. Lorfque nous eûmes dreifé notre poteau , & appris cette particularité , nous retournâmes a bord du vaiffeau Ôc nous enmenâ-mes avec nous le vieillard, qui étoit fuivi de fa pirogue fur laquelle il s'en retourna après dîner. Le 31, après avoir compiette notre provifion de bois ôc d'eau, j'envoyai deux détachemens, l'un pour couper du petit bois , ôc l'autre pour prendre du poif-fon.* Le foir nous eûmes un vent fort du N. O., accompagné d'une pluie fi abondante que nos oifeaux fufpendirent leur ramage , que nous avions entendu jufqu'alors pendant la nuit avec un plaiiir dont il étoit impoffiblc de ne pas regretter la privation. Le premier Février, le vent augmenta , &c nous eûmes une tempête accompagnée de raffales pefantes qui Tome III. Ce Ann. 1770. Janvier. Février» ! fouffloient de la haute terre ôc dont l'une rompît la han-Ann. 1770. iière que nous avions attachée à la côte, & nous obligea de laiffer tomber une autre ancre. Vers minuit le vent devint plus modéré, mais la pluie continua avec tant de violence, que le ruiffeau qui nous avoit fourni de l'eau déborda & emporta dix petites futailles qu'on y avoit laiffées remplies d'eau , & dont nous ne pûmes recouvrer aucune, quoique nous euilions fait des recherches dans toute l'anfe. Le 3 , comme j'avois deifein de mettre à la voile à la première occafion , j'allai au Hippah licué fur le coté oriental du canal, ôc j'achetai un quantité coniî-dérable de poiffons coupés ôc à moitié fecs pour nous fervir de proviiions. Les Indiens de ce canton , confirmèrent tout ce que le vieillard nous avoit dit fur le détroit ôc le pays , ôc vers le midi je les quittai. Notre départ fembloit en affliger quelques-uns, ôc d'autres en paroiffoient joyeux ; ils me vendirent fans répugnance le poiífon ; mais il y en eut pluiieurs qui nous donnèrent a connoîrre par des fignes manifeites que ce marché leur fa if oit de la peine. En retournant au vaiffeau quelques-uns de nos gens firent une incur-fìon le long de la côte au Nord , pour acheter des Naturels du pays de nouveaux poiffons , mais ils n'y réufîirent pas trop bien. Le foir on porta au vaiffeau tout ce que nous avions à terre , parce que je voulois mettre à la voile le lendemain ; le vent ne nous le permit pas. Le 4, tandis que nous attendions un ventfavorable , nous nous occupâmes à pêcher & à rafiemblcr des co- quillages 6c des femences de différente efpèce, ôc le ^ , — ,J dès le grand matin , nous virâmes à pic fur l'ancre .177°* d'affourche , Ôc^l'on porta en avant le grapin afin de remorquer le vaiiîeau hors de l'anie. Cette manœuvre étant finie à deux heures de f après-midi, nous appareillâmes; mais le vent tombant prefqu'auili-tôt, nous fûmes obligés de mouiller de nouveau un peu au-deffus de Motuara. Quand nous fûmes fous voile, le vieillard Topaa vint k bord pour nous dire adieu , & comme nous defirions toujours d'apprendre fi, parmi ce peuple, il s'étoit conferve quelque tradition de Tafman, Tupia fut chargé de demander au vieillard s'il avoit jamais entendu dire que quelque vaiffeau pareil au nôtre eût vifîté ion pays. Il répondit que non, mais il ajouta que fes ancêtres lui avoient dit qu'autrefois il étoit arrivé en ce même endroit un petit bâtiment, venant d'une contrée éloignée appellée Ulimaraa , & dans lequel il y avoit quatre hommes qui furent tous tués lors de leur débarquement. Lorfqu'on lui fit des queftions fur la po-iition de cette terre éloignée, ii montra le Nord. Les Indiens des environs de la baie des Ifles nous avoient parlé d'Ulimaraa , en nous difant que leurs ancêtres l'avoient vifîté. Tupia nous avoit entretenu auffi quelquefois de ce pays fur lequel il avoit quelques notions confufes qui lui avoient été tranfmifes par tradition , «5c qui n'étoient pas fort différentes de celles de notre vieillard; mais il n'y avoit rien de certain k conclure de toutes ces relations. Bientôt après que le vaiffeau eut mis à l'ancre la feconde fois , MM. Banks 6c Solander allèrent a Ce ij 104 Voyagé * terre pour voir s'ils pouvoient recueillir quelques cou-» Ann. 1770. noiífances fur l'hiftoire naturelle la rencontre qu'ils y firent de la plus aimable famille d'Indiens qu'ils euf-ferii encore vue , leur fournit l'occafion la plus favorable d'examiner la fubordination perfonnelle qui fubfifte parmi ce peuple. Les principales perfonnes étoient une veuve 6c un joli petit garçon d'environ dix ans. La veuve pleuroit la mort de fon mari avec des larmes de fang fuivant la coutume de ces peuples, 6c l'enfant , par la mort de fon pere , étoit devenu propriétaire de la terre où nous avions coupé notre bois. La mere ôc le fils étoient affis fur des nattes, 6c le relie de la famille , au nombre de feize ou dix-fept tant hommes que femmes, étoient rangés autour d'eux, aiTis en plein air, car ils ne fembloient pas avoir aucune habitation ni le moindre abri contre le mauvais tems, que l'ha-* bitude leur failbit fupporter peut-être fans aucun inconvénient grave ou durable. Leur conduite fut affable, obligeante 6c fans défiance ; ils préfentèrent à chaque étranger du poifîbn 6c un tifon de feu pour l'apprêter, 6c ils prefsèrent plufieurs fois nos obfervateurs de relier jufqu'au lendemain, ce qu'ils auroient fait fans doute, ii le vaiffeau n'avoit pas été prêt à mettre à la voile ; MM. Banks 6c Solander regrettèrent beaucoup de ne les avoir pas connus plutôt ; ils étoient perfuadés qu'ils auroient acquis avec eux plus de connoiffance des maurs 6c du caraètère des habitans de ce pays en un feul jour, que nous n'avions pu nous en procurer pendant tout notre féjour fur la côte. Le 6, fur les fix heures du matin, une brife légère s'éleva au Nord , & nous remîmes à la voile, mais le vent étant variable , nous ne gagnâmes qu'un peu au-delà du travers de Motuara. L'après-midi, cependant, un vent plus fort du N. \- N. O., nous porta hors du canal que je vais décrire. L'entrée du canal de la Reine Charlotte glc au 41 d de latitude S., & au 184a 45' de longitude O. , 6c à-peu-près au milieu du côté S. O. du détroit où il eft iitué. La terre de la pointe S. E. du canal, apppellée par les Naturels du pays Koamaroo, & à la hauteur de laquelle il y a deux petites Ifles ôc quelques rochers , forme la pointe la plus étroite du détroit. De la pointe N. O., un récif de rochers , dont une partie eft au-deifus de l'eau ôc l'autre au-deiTous , fe prolonge à environ deux milles dans la direction du N. E. \ N.; ces pointes fuffifent pour faire reconnoître le canal. A l'entrée il a trois lieues de large; il court S. O. ~ S. S. O. & O. S. 0.,dans un efpace d'au-moins dix lieues, ôc il contient quelques-uns des plus beaux havres qu'il foie poííible de trouver, ainii qu'on le verra par le plan tracé dans la carte qui en a été dreilée avec autant d'exactitude que le permettoient le tems 6c les circonftances où nous étions. La terre qui fait le havre ou l'anfe dans laquelle nous mouillâmes , eft appellée Totarranue par les Indiens : le havre lui-même, que j'ai nommé Ship Cove ( anfe du vaiffeau) n'eft inférieur, pour la commodité ou ía fureté, à aucun autre du canal ; il gît fur le côté Oueft du canal, & c'eft la plus méridionale des trois anfes qui foient en dedans de l'Ifle de Motuara, qui eft à l'Eft Ann. 1770. Février. relativement k l'anfe. On pourra entrer dans 1'/4nfe du vaiffeau ou entre Motuara Ôc une Ifle longue appellée Hamote parles Naturels du pays, ou entre Motuara & la côte occidentale. Dans la dernière de ces routes, il y a deux bancs de rochers k 3 braiïès fous l'eau, qu'on peut reconnoître aiiément par les herbes marines qui croiffent deffus. En entrant ou en ibrtant du canal avec un petit vent, il faut faire attention aux marées qui montent fur les neuf ou dix heures dans les pleines ôc les nouvelles lunes , 6c qui s'élèvent 6c retombent perpendiculairement de fept à huit pieds. Le flot vient à travers le détroit du S. E., 6c porte avec force fur la pointe N.O. 6c fur le récif qui gît en fon travers. Le juifant court avec une rapidité encore plus grande au S. E. Sur les rochers 6c les Ifles qui font k la hauteur de la pointe S. E., nous trouvâmes que la variation de l'aiguille, calculée par des obfervations exactes , étoit de 13 d 5 ' E. Dans les environs de ce canal, la terre, qui eft ii élevée que nous l'apperçûmes k la diftance de vingt lieues, eft compofée entièrement de hautes collines 6c de vallées profondes , couvertes d'un grand nombre d'excellens bois , propres pour toutes fortes d'ouvrages, excepté des mats, car ils font trop durs 6c trop pefans pour cela. La mer abonde en poiffons de toute efpèce, de forte que fans fortir de l'anfe où nous mouillâmes , nous en prîmes chaque jour à la feine , a l'hameçon 6c k la ligne , allez pour en ièrvir k tout l'équipage ; 6c le long de la côte n°us trouvâmes une grande quantité de cormorans 6c quel- ques autres oifeaux fauvages que la longue habitude 1 où nous étions de vivre de proviiions falées nous fit An,n-?77°» wu * lévrier, trouver exceliens. Le nombre des habitans furpaffoit à peine quatre cens ; ils vivent difperfés le long des côtes dans les endroits où ils peuvent fe procurer plus facilement du poiífon & de la racine de fougère dont ils font leur nourriture, car nous ne vîmes point de terrein cultivé. Lorsqu'ils font menacés de quelque danger , ils fe retirent dans leurs hippahs ou forts. Nous les trouvâmes d'abord dans cette iituation ôc ils y reitèrent encore quelque tems après notre arrivée. Ils font pauvres en comparaiion des autres Indiens de ce pays , ôc leurs pirogues font fans ornement. Le peu de trafic que nous fîmes avec eux, confina entièrement en poiffons, ôc véritablement ils n'avoient guères autre chofe qu'ils puifent nous vendre. Ils icmbloient cependant avoir quelque connoiifance du fer, connoiifance que n'avoient pas les habitans des autres pays, car ils changèrent volontiers leurs poiifons contre des clous , ôc même ils fem-blèrent quelquefois les préférer à toutes les autres chofes que nous pouvions leur donner, ce qui n'étoit pas toujours arrivé chez les autres. Ils aimèrent d'abord paffion-nément le papier , mais quand ils virent qu'il fe gâtoit s'il venoit à fe mouiller, ils ne voulurent plus le prendre. Ils ne paroiifoient pas attacher beaucoup de valeur à l'étoffe ÜOtahiti, mais ils eltimoient fort le gros drap d'Angleterre ôc le kerfey rouge ; ce qui prouve qu'ils avoient affez de bon fens pour apprécier les marchandifes que nous leur offrions, éloge qu'on ne peut pas faire de Ann. 1770. quelques-uns de leurs voiiins qui avoient d'ailleurs Février. . meilleure mine. Nous avons déjà parlé de leur habillement & fur - tout de leur coeffure de plumes qui leur fieoit affez bien. Dès que nous eûmes débouqué le canal , je mis la cap à l'Eft, afín d'être avancé dans le détroit avant l'arrivée du juffant. A fept heures du foir , les deux petites Ifles , qui gifent à la hauteur du Cap Koa-maroo , pointe S. E. du Canal de la Reine-Charlotte , nous reftoient à l'Eft a environ quatre milles : nous avions prefque calme alors ; mais à l'aide du juffant qui commença bientôt , nous fûmes portés dans peu de tems , par la rapidité du courant, tout près d'une des liles, qui étoit un rocher, s'élevant prefque perpendiculairement de la mer. Nous remarquâmes que le danger où nous étions augmentait à chaque inftant, & nous n'avions , pour nous préferver d'être mis en pièces , qu'un expédient dont le fuccès alloit être décidé en très - peu de minutes. Nous étions à un peu plus d'une encablure de rocher , & nous avions plus de 7$ braifes d'eau ; mais en laiffant tomber une ancre & filant environ 150 braifes de cable , le vaiffeau fut heureufement tiré loin des brifans : cependant nous n'aurions pas échappé au péril fi la marée, qui portoit S. ~ S. E. , n'avoit pas en rencontrant l'Ifle, repris la direction du S. E. , ce qui nous porta au-delà de la premiere pointe. Dans cette iituacion , nous n'étions qu'à deux encablures des rochers ; nol]s ■y y reftâmes pendant tout le fort de la marée qui cou- roit au S. E. , ôc faifoit au moins cinq milles par a^n. 1770. février» heure , c'eft a-dire , depuis fept heures & quelques minutes jufqu'à près de minuit, quand la marée ceffa, ce alors nous nous préparâmes à appareiller. Sur les trois heures du matin , l'ancre étoit au boffoir , ôc ayant une brife légère du N. O. , nous fîmes voile vers la côté orientale ; mais comme nous avions la marée contre nous , nous ne fîmes que peu de chemin. Cependant le vent fraîchit enfuite ce fauta au N. ôc au N. E. ; nous en profitâmes ainfi que du jufant , Ôc en peu de tems nous fûmes entraînés à travers la partie la plus étroite du détroit ; nous mîmes enfuite le cap vers la terre la plus méridionale qui étoit en vue , & qui nous reftoit au S. J- S O. On voyoit paroître fur cette terre une montagne d'une hauteur prodigieufe ôc couverte de neige. La partie la plus étroite du détroit, a travers laquelle nous avions été pouffes avec tant de rapidité, gît entre le Cap Tiérawitte, fur la côte à1 Eahdnomauwc, ôc le Cap Koamaroo ; je jugeai que la diftance entre les deux Caps eft de quatre ou cinq lieues ; on peut la paf-fer, fans beaucoup de danger , maigre la marée , donc la force eft aujourd'hui connue. Il eft cependant plus sûr de ranger de près la côte N. E., car il ne paroît pas qu'il y ait rien à craindre de ce côté ; mais de l'autre, outre les Ifles ôc les rochers fitués à la hauteur du Cap Koamaroo, il y a, à deux ou trois milles de la cote , un récif qui s'étend depuis ces Ifles jufqu'à .Tome III. Vd ~ —1 fix ou fept milles au Sud , ôc que je découvris du fommet an^. 1770. de la colline, quand j'examinai pour la feconde fois Ievner. ^ détroit de la mer de l'Eft à la mer d'Oueft. Je ne prétends pas déterminer la longueur du détroit que nous paisà mes, mais on peut s'en former quelque idée d'après l'infpe&ion de la Carte. Environ neuHieues au Nord du Cap Tiérawitte, ôc au-deifous de la même côte, il y a une lile élevée &c remarquable , qu'on peut appercevoir diftinètement depuis le Canal de la Reine Charlotte 3 dont elle eft éloignée de ilx ou fept lieues. J'ai appelle Ifle de l'Entrée ( Entry Ifland ) , cette Ifle que nous reconnûmes , Jorfque nous la dépafsâmes le 14 Janvier. SuR*ïe côté oriental du Cap Tiérawitte , la terre court S. E. ~ E. fefpace d'environ huit lieues , elle fe termine en pointe, ôc c'eft la portion la plus méridionale qui foit fur Eaheinomauwe. Je donnai k cette pointe le nom de Cap Pallifer , en honneur de mon digne ami, le Capitaine Pallifer; il gît au 41 d 34' de latitude S., & au 183 a 58' de longitude O. ; il nous reftoit k midi de ce jour au S. 79 a E. à environ treize lieues; le vaiiîeau étoit alors au 41a 27' de latitude S., ôc nous avions en même-tems le Cap Koamaroo au N. \ E. a fept ou huit lieues. La terre la plus méridionale en vue nous reftoit au S. i6~d O. ôc la montagne couverte de neige au S. O. Nous nous trouvions à environ trois lieues de la côte , ôc en travers d'une baie profonde que je nommai Bay cloudy ( Baie nébu- leufe), & au fond de laquelle paroiifoit une terre baife - & couverte de grands arbres. Ann. 1770. Février. A trois heures de l'après-midi , nous étions vis-à-vis de la pointe la plus méridionale de la terre que nous avions vue à midi , & que j'appellai Cap Campbell ¿ il gît au S. j S. O. à douze ou treize lieues du cap Koamaroo, au 41 d 44' de latitude S., & au 183a 4^ ' de longitude O., & il forme l'entrée méridionale du détroit avec le cap Pallifer , dont il eft éloigné de treize à quatorze lieues O. \ S. O. & E. J N. E. De ce cap , nous longeâmes la côte S. O. j S. jufqu'à huit heures du foir , que le vent tomba. Cependant , une demi-heure après , une briie fraîche s'étant élevée du S. O., je fis fur le champ obéir au vent. Je pris ce parti parce que quelques-uns des Officiers prétendoient qvCEahienomauwe n'étoit pas une lile, ëc que la terre pouvoit s'étendre au S. E. entre le Cap Turnagain & le Cap Pallifer s où il y avoit une efpace de douze à quinze Jieues que nous n'avions pas vu. D'après Ge que j'avois apperçu la premiere fois que je découvris le détroit , j'étois fermement perfuadé qu'ils s'étoient trompés ; j'avois d'ailleurs pluiieurs autres preuves qui m'afîuroient que la terre en queftion étoit une lile \ mais , étant réfolu de ne plus laiifer aucun doute fur un objet de fi grande importance, je profitai du changement de vent pour porter à l'Eft, & en conféquence je gouvernai N, E. i toute la nuit. Le 8, à neuf heures du matin , nous Dd ij ~~ , —.- étions en travers du Cap Pallifer, & nous trouvâmes Ann. 1770. que la terre couroit N. E. vers le Cap Turnagain , Kvucr. je jUgeaj £tre éloigné d'environ vingt-fix lieues: cependant, comme le tems étoit brumeux & que nous ne pouvions pas appercevoir au-delà de quatre ou cinq lieues, je continuai toujours à porter au N. E. avec une brife légère du Sud, & à midi, le Cap Pallifer nous reífoit N. 72 a O. a la diftance de trois lieues. Sur les trois heures de l'après-midi, trois pirogues montées par trente ou quarante hommes , & qui , pendant quelque tems , avoient ramé après nous avec beaucoup d'efforts & de perfévérance , atteignirent ]e vaiffeau ; ces Indiens fembloient être plus propres & d'un rang fupérieur à tous ceux que nous avions rencontrés depuis notre départ de la Baie des Ifles , & leurs pirogues étoient distinguées par les mêmes ornemens que nous avions vus fur la partie feptentrionale de la côte. Il ne fallut pas beaucoup ies preffer pour les engager.à venir à bord , & ils s'y conduisirent d'une maniere très-civile & très-amicale. En acceptant nos préfens , ils nous en firent d'autres en retour , ce qui n'étoit encore arrivé à aucun des Naturels de ce pays. Nous remarquâmes bientôt que nos hôtes avoient entendu parler de nous, car, dès qu'ils vinrent à bord, ils demandèrent du Whow, nom que donnoient aux clous les indiens avec qui nous avions trafiqué ; mais quoiqu'on leur eût parlé de clous , il étoit clair qu'ils n'en avoient point vu , car Iorfqu'on leur en donna, ils demandèrent à Tupia------J ce que c'étoit. Le mot IVhow leur donnoit l'idée , Ann' !77°' non de la qualité des clous , mais feulement de leur ufage ; car c'eft le même mot par lequel ils defignent un înifrument ordinairement fait d'os , & qui leur fert de tarière & de ciieau. Cependant, puifqu'ils favoient que nous avions des whow à vendre, leurs liaifons s'éten-doient donc au Nord jufqu'au Cap Kidnappas , qui n'étoit pas éloigné de moins de quarante-cinq lieues j car c'étoit le canton le plus méridional de cette partie de la côte, où nous avions fait quelques échanges avec les Naturels du pays. Il eft également probable que les habitans du Canal de la Reine Charlotte, avoient appris de leurs voifins de Tiérawitte le peu de connoiifance qu'ds avoient du fer; nous n'avons aucune raifon de croire que les Indiens de cette côte le connuflcnt en aucune manière avant notre arrivée chez eux , dautant que lorfque nous leur en offrîmes pour la premiere fois , ils fembloient le dédaigner comme un objet fans valeur. Nous pensâmes que vraiièm-bhibîement nous étions encore fur les territoires de Tératu , mais en faifant des qucflions aux Indiens fur cette matière , ils nous dirent que Tératu n étoit pas leur Roi. Après être re fiés peu de tems avec nous , ils s'en allèrent fort conteos des préfuis que nous leur avions donnés, & nous pourfuivîmes notre route le long de la côte au N. E. juiqu'a onze heures du lendemain au matin, 9. Le tem^ s*eclairciilant alors, nous découvrîmes le Cap Ttirnagaïn qui nous reftoit au N. i N. E, i E. à environ fept lieues. J apj eiiai ——■ alors les Officiers fur le pont, 6c je leur demandai ii Ann. 1770. enfin ils n'écoient pas convaincus quEahienomauwe fût Fevner. une jfje. -|s répondirent qu'ils en étoient très-perlua- dés, oc comme il ne refioit aucun doute fur ce point, nous ferrâmes le vent à l'Eft. CHAPITRE VIII. Hor/fé depuis le Cap Turnagain en allant vers le Sudy le long de la Côte orientale de Poenammoo , autour du Cap Sud , & en retournant à Ventrée occidentale du Décroît de Cook_, ce qui complete la circonnavi-gation de la Nouvelle-Zélande. Defcription de la Cote & de la Baie de l'Amirauté. Départ de la Nouvelle-Zélande, & diverfes particularités. Le 9 Février, à quatre heures après-midi , nous vi- ——■— rames de bord pour porter au S. O. , & nous conti- Ann i77c nuâmes a faire voile vers le Sud, jufqu'au coucher du Février, foleil, le n , quand une brife fraîche du N. E. nous rcchafïa le long du Cap Pallifer que nous vîmes bien diftindement,- le tems étant fort ferein. Entre le pied de la haute terre & la mer, il y a une bordure baife & piatte, à la hauteur de laquelle on trouve quelques rochers qui s'élèvent au-deilus de l'eau. Entre ce Cap & le Cap Turnagain , la terre près de la côte eft en pluiieurs endroits baife & piatte, couverte de verdure & d'un aípect agréable ; mais à une plus grande diftance de la mer , elle s'élève en collines. La terre fituée entre le Cap Pallifer & le Cap Tiérawitte , eft haute & fe termine en pointe j il nous parut auili Voyage qu'elle y forme deux baies, mais nous étions trop Ann. 1770. éloignés de cette partie de la côte , pour juger exactement des apparences Le vent ayant été variable 6c accompagné de calmes , le 1% à midi , nous n'avions pas avancé au-delà de 41a de latitude; le Cap Pallifer nous reftoit alors au N. à environ cinq lieues, ôc nous avions au S. 83 e1 O. la montagne de neige. Le 13 à midi, nous nous trouvâmes par les âfid 7.' de latitude S. , le Cap Pallifer nous reftant au N. 10a E. à huit lieues de diftance. L'après midi, il s'éleva un vent frais du N. E., & nous gouvernâmes S. O j O. vers la terre la plus méridionale que nous viffions, & que nous avions, au coucher du foleil au S. 74 d O. , la variation de l'aiguille étoit alors de Le 14, a huit heures du matin, nous n'avions par* couru que vingt ôc une lieues , S. ^8d O. , depuis le midi de la veille , & nous eûmes calme. Nous étions alors en travers de la montagne de neige , qui nous reftoit N. O. ; ce dans cette direction nous laiiîions derrière nous une chaîne de montagnes, à-peu-près de la même hauteur que la précédente, Iefquelles s'élèvent de la mer & s'étendent directement vers la côte qui gîc N. E. i N. ôc S. O. - S. L'extrémité N. O. de cette chaîne , qui aboutit à l'intérieur du pays , n'eft pas éloignée du Cap Campbell y & du Cap Koamaroo , ainfi que du Cap Pallifer , on voit clairement ôc la montagne de neige ôc cette chaîne ; elles font éloignées du Cap Koamaroo de vingt-deux lieues au S* O. J S., ôc de trente lieues a l'O. S. O. du Cap Pal- -lïfir; elles font affez hautes pour être apperçues k une p/" j7^* beaucoup plus grande diftance. A midi du même jour , nous étions au 42a 34' de latitude S. La terre la plus méridionale que nous viilions , nous reftoit au S. O. T O. , ôc nous avions au N. O. j N. à environ cinq ou fix lieues , une terre baife qui fembloit être une Ifle , & qui eft fituée fous le pied de la chaîne de montagnes. L'après-midi , M. Banks étant dans le bateau pour chaifer , nous vîmes avec nos lunettes quatre doubles pirogues , montées de cinquante fept hommes , s'éloigner du rivage & s'avancer vers lui. Sur le champ , nous fîmes des fignaux pour le rappeller à bord ; niais il ne les apperçut point , parce que le vaiffeau étoit placé relativement k lui dans la direction des rayons du foleil. Nous étions fort éloignés du rivage , 6c M. Banks ne l'étoit pas moins du vailfeau, qui fe trouvoit entre lui & la côte; de forte qu'ayant calme tout plat, je commençai k être en peine ôc à craindre qu'il ne pût découvrir les pirogues affez k tems pour regagner le bord , avant qu'elles l'euffent atteint. Bientôt après cependant , nous vîmes le bateau en mouvement, 6e nous eûmes le plaifir de recevoir M. Banks k bord ; les Indiens, tout occupés à contempler le navire n'avoient probablement pas remarqué le bateau ; ils s'approchèrent de nous k la diftance d'un jet de pierre, ôc ils s'arrêtèrent en nous regardant avec étonnement : Tupia employa vainement toute fon éloquence pour les engager à s'avancer plus près. Après Tome III. E e nous avoir examinés pendant quelque tems , ils nous n.Ï770. quitrèrent 6c retournèrent vers la côte : ils n'avoient pas encore fait la moitié du chemin que la nuit fur-vint. Nous imaginâmes que ces Indiens n'avoient point entendu parler de nous , 6c nous ne pûmes nous empêcher de faire des réflexions fur la conduite 6c les dilpoiitions différentes des habitans des diverfes parties de cette côte. Quand ils approchèrent de notre vaiffeau pour la premiere fois, les uns s'étoient tenus éloignés par un fen ti ment mêlé de crainte 6c d'étonnement ; les autres s'étoient annoncés par des aétes d'hofti-îité , en nous lançant des pierres ; l'Indien que nous avions trouvé feul dans un bateau occupé à pêcher, parut nous regarder comme indignes de fon attention , ck d'autres, prefque fans y être invités, étoient venus à bord avec l'air de la plus grande confiance 6c de l'amitié. D'après la conduite de ces derniers qui nous étoient venus rendre vifite , je donnai le nom de Lookers-on (Jpeciatcurs) h la terre d'où ils étoient partis, 6c qui, ainfi que je l'ai déjà obfervé, avoit l'apparence d'une Ifle. A huit heures du foir, il s'éleva une brife du S. S. O., avec laquelle je courus au S. E., parce que quelques perfonnes de notre équipage croyoient voir terre de ce côté. Nous continuâmes cette route jufqu'à fix heures du lendemain ; nous avions fait onze lieues , & nous n'appercevions point d'autre terre que celle que nous avions laiifée. Après avoir gouverné au S. E-jufqu'à midi, avec une petite brife qui fauta de l'O* ai1 N. , notre latitude ? par obfervation , écoit de \z d ^G' S., Ôc la haute terre, en travers de laquelle nous .........u étions le midi de la veille , nous reftoit au N. N. Ann 177°-O. r O. L'après-midi, nous eûmes un petit vent du evner. N. E. ; 6e nous gouvernâmes k l'Oueft , rangeant la terre qui étoit éloignée d'environ huit lieues. A fept heures du foir, nous étions à-peu-près k fix lieues de la côte, ayant à l'O. S. O. l'extrémité la plus méridionale de la terre qui fût en vue. Le 16", à la pointe du jour, nous découvrîmes une terre qui couroit au S. \ S. O. , 6c qui fembloit détachée de la côte fur laquelle nous étions. Vers les huit heures nous gouvernâmes deifus avec une brife qui s'éleva du N. ~- N. E. A midi , nous étions au 43* 19 ' de latitude S. , & le pic de la montagne de neige nous reftoit au N. xod E. , à vingt-fept lieues ; nous avions à l'Oueft l'extrémité occidentale de la terre que nous pouvions appercevoir, 6c la terre que nous avions découverte le matin, fembloit être une Ifle qui s'étendoit du S. S. O. au S. O. {- O. \ O., à la diftance d'environ huit lieues. L'après-midi, nous portâmes au Sud de cette terre , avec une brife fraîche du Nord. A huit heures du foir , nous avions fait onze lieues , 6c la terre s'étendoit du S O. j O. au N. £ N. O. Nous étions alors éloignés d'environ trois ou quatre lieues de la côte la plus proche de nous , 6c dans cette fituation , nous avions 50 braifes d'eau , fond de fable fin. La variation de l'aiguille , mefurée par l'amplitude, étoit de 14a 39' E. L e lendemain , 17, au lever du foleil, nous vîmes une partie de la terre de Tovy pcenammoo, qui étoit ouverte k E e ij - i- ..—' l'Oueft de la terre vers laquelle nous avions porté, & Ann. 1770- qui s'étendoit jufqu'à l'O. - S. O. , ce qui nous évner. confjrma dans l'opinion que c'étoit une lile. A huit heures du matin, les points extrêmes de l'Ifle nous reftoient au N. 76 O., ôc N. N. E. £ E-, & nous avions au N. 20 d O., à la diftance de trois ou quatre lieues, une ouverture fituée près de la pointe méridionale, laquelle avoit l'apparence d'une baie ou havre. Dans cette fîtuation, les fondes rapponoient 38 braifes, fond de fable brun. jpâeBanh. Cette Ille » à laquelle je donnai le nom de M. Banks , gît à environ cinq lieues de la côte de Tovy pcenammoo ; la pointe méridionale eft au S. 2id O. du pic le plus élevé de la montagne de neige ; & par Tobiervation du foleil ôc de la lune qui fut faite dans le matin , nous reconnûmes qu'elle eft fituée au 43 d 32' de latitude S., ôc au i$6d 30' de longitude O. Elle eft d'une forme circulaire, & elle a environ vingt-quatre lieues de tour ; fa hauteur eft affez confidérable pour qu'on puiife l'appercevoir à douze ou quinze lieues de diftance. Sa furface eft irrégulière ôc briiée , elle paroît être plutôt iterile que féconde; cependant elle étoit habitée, car nous vîmes de la fumée dans un endroit ôc quelques Naturels du pays répandus çà & là dans un autre. Quand nous découvrîmes cette Ifle pour la première fois au S. O., quelques perfonnes de l'équipage crurent avoir auffi apperçu terre au S. S. E- & S. E j E. J'étois moi-même alors fur le pont, ôc je leur dis qu'à mon avis ce n'étoit qu'un nuage que le folcii ■ diffiperoit en s'élevant fur rhorifon ; cependant comme -- —! je ne voulois laiifer aucun iujet de dilpute iur un objet Ann. 1770. que nous pouvions éclaircir par l'expérience, je fis février, virer vent arrière, Ôc je portai à l'E. S. E. du compas, dans la direction où l'on aifuroit que nous reftoit cette terre. A midi, nous étions au 44a 7' de latitude S., ôc nous avions au Nord, à la diftance de cinq lieues, la pointe méridionale de Tille de Banks. Vers les fept heures du foir, nous avions parcouru vingt-huit milles , ôc ne voyant d'autre terre que celle que nous avions laiffée par derrière , ni rien qui en indiquât quel-qu'autre, nous portâmes au^S. S. O., ôc nous fui-vîmes cette route jufqu'au lendemain à midi , quand nous nous trouvâmes au 4^ d iG' de latitude, la pointe méridionale de l'Ifle Banks nous reftant au N. 6 d 30' O., à vingt-huit lieues. La variation de l'aiguille, me-furée par l'azimuth , étoit le matin de 15 d 30' E. Comme nous n'appercevions encore aucun figne de terre au Sud , & que je crus , d'après le récit des Indiens qui habitent le canal de la Reine Charlotte, que nous avions porté affez loin dans cette direction pour doubler toutes le terres que nous avions laiiîèes par derrière , je gouvernai à l'Oueft. Nous eûmes une brife modérée du N. N. O. & du N. , jufqu'à huit heures du foir ; elle devint alors variable , ôc à dix heures elle fe fixa au Sud ; elle foufita pendant la nuit avec tant de violence que nous fûmes obligés de naviguer lous nos huniers entièrement rifés. Le lendemain matin, 19, à huit heures , nous avions fait vingt-huit lieues O. i N. O. i N., .. & jugeant que nous étions à l'Oueft de la terre de nn. 1770. Tovy poznammoo , nous portâmes au N. O. avec un * vent frais du Sud. A dix heures, ayant parcouru onze milles dans cette direction, nous vîmes une terre qui s'étendoit du S. O. au N. O., à la diitance d'environ iix lieues , & nous courûmes dcifus. A midi, notre latitude , par obfervation, étoit de 44a 38' La pointe S. E. de l'Ifle de Banks, nous reftoit au N. 58a 30' E., à trente lieues , ôc nous avions à l'O. j N. O., la principale partie de la terre que nous voyions. Une groffe mer nous empêcha de faire beaucoup de chemin au Sud. A fept heures du foir les dernières terres s'étendoient du S. O. { S., au N. -\- N. O. ; & à fix lieues de la côte nous avions 32 braffes d'eau. Le lendemain au matin , 20 , à quatre heures, nous portâmes vers la côte à l'O. \ S. O., & pendant une route de quatre lieues, nous eûmes un fond de 32 à 13 braffes. Lorfqu'il étoit de 13 braifes, nous n'étions plus qu'à la diftance de trois milles de la côte, c'eft pourquoi nous gagnâmes le large. La direction de la côte , en cet endroit, eft à-peu-près N. & S. ; le fol, jufqu'à la diftance d'environ cinq milles de la mer, eft bas ôc plat, mais il s'élève enfuite en montagnes d'une hauteur confidérable. Le pays nous parut extrêmement iterile , & nous n'y vîmes rien qui indiquât qu'il fût habité. Notre latitude à midi étoit de 44a 44' ôc notre éloignement en longitude de l'Ifle de Banks , étoit de 2d z2; O. Pendant les vingt-quatre dernières heures, quoique nous euflions fait autant de voiles que le vaiffeau en pouvoit porter, nous dérivâmes de trois lieues fous le vent, du Capitaine Cook. 223 Nous continuâmes a louvoyer ce jour-la êk le fui- vant, en nous tenant entre quatre ck douze lieues de Ann■]7^0* . Février, diftance de la côte. Nous avions alors de 35 â 33 braf- fes d'eau. Le 22 , à midi, nous ne finies point d obfer- vation , mais à TinfpecYion de la terre , nous jugeâmes que nous étions environ trois lieues plus au Nord que le jour précédent. Au coucher du foleil, le tems qui avoit été brumeux s'éclaircit, ck nous appercûmes au N. O. j N. , une montagne très-haute, qui s'élç- voit en pic; en même-tems nous vîmes plus diftinète- ment qu'auparavant la terre , qui s'étendoit du N. au S. O. • S., 6k qui, à quelque diftance dans l'intérieur de la côte , fembloit être élevée 6k montueufe. Nous reconnûmes bientôt que ce que les Indiens du canal de la Reine C harlotte nous avoient. dit d'une terre au Sud , étoit faux ; car ils nous avoient aifuré qu'on pou- voit en faire le tour en quatre jours. Le 23, nous eûmes de fortes lames bruyantes du S. E. , 6k attendant le vent du même rumb , nous nous tînmes à la diftance de fept à quinze lieues de la côte , fur des fonds de 70 à 44 braifes. A midi, notre latitude, par obfervation , étoit de 44a 40' S., 6k notre longitude de l'Ifle de Banks, 1 J 3 1 ' O. Depuis ce tems jufqu'à iix heures du foir , nous eûmes calme , mais une brife légère s'élevant alors â TE. N. E., nous gouvernâmes S. S. E Toute la nuit longeant toujours la côte , ék ayant encore les lames bruyantes , notre profondeur deau étoit de 60 à 7? braifes. Pendant que le tems fut calme , M. Banks , étant dans la chaloupe , tua deux poules du Fort-Eg- .........- mont, femblables en tout à celles que nous avions ArN,N\l77°' trouvé en gran J nombre fur Hile de Faro , & qui fuie vner. " . A \ ■ . ■■ rent les premières que nous vîmes lur cecte côte, quoique nous en euifions rencontré quelques-unes peu de jours avant que nous découvrîmes terre. Le 24, à la pointe du jour, le vent fraîchit, ôc avant midi , nous eûmes un vent fort du N. N. E. A huit heures du matin, nous vîmes la terre s'étendre jufqu'au S. O. \ S. , Ôc nous courûmes directement deffus. A midi , nous étions au 4^ d 227 de latitude S. ; ôc la terre, qui s'étendoit alors du S. O. j S. au N. N. O. , nous parut groffiérement entrecoupée de collines ôc de vallées. Dans l'après-midi, nous gouvernâmes S. O. j S. & S. O. j avec un vent frais du Nord , en tenant te cap vers la terre ; quoique nous n'en fuilîons pas fort éloignés , cependant le tems étoit fi brumeux que nous ne pûmes y rien apper-cevoir diftinctement , excepté une chaîne de hautes montagnes, fituées près de la mer ôc parallèles à la côte qui, en cet endroit, court S. j S. O. ôc N. ~ N. E., ôc femble fe terminer en une pointe ronde élevée vers le Sud. A huit heures du foir, nous étions en travers de cette pointe ; mais comme il faifoit fom-bre ôc que je ne favois pas quelle étoit la direction de la terre, nous mîmes à la cape pendant la nuit. La pointe nous reftoit à l'Oueft , à la diftance d'environ cinq *mlles, & notre profondeur d'eau étoit de 37 brallès, fond de petits cailloux. Le 25 , dès le grand matin , nous fîmes voile; Ia pointe nous reftoit au Nord à trois lieues , & nous trouvâmes trouvâmes que la terre } auili loin que nous pouvions l'appercevoir, s'étendoit au S. O. \ O. de cette pointe, $?'*fa0i a laquelle j'ai donné le nom de Cap Saundevs , en l'honneur de Sir Charles Saunders. Notre latitude étoit de 45 d 35 ' S., ôc notre longitude de 189 d 4'O. On reconnoîtra fuffifammcnt cette pointe par la latitude que je viens de fixer, & par les angles que forme la côte ; il y a cependant, a environ trois ou quatre lieues au S. O. de la pointe 6c très-près de la côte, une montagne remarquable , en forme de felle , qui peut fervir de balife pour la diftinguer. A la diftance d'une à quatre lieues, au Nord du Cap Saunders , la côte forme deux ou trois baies , dans leiquelles il nous parut qu'il y avoit un bon mouillage ôc un abri sûr contre les vents de S. O. ôc de N. O. ; mais le def-fein où j'étois de gagner au Sud , afin de déterminer ii cette terre étoit une Ifle ou un continent, m'empêcha d'entrer dans aucune des baies. Nous nous tinmes, pendant toute cette matinée, avec un vent de S. O. , à peu de diftance de la côte, que nous voyions très-diitmètement ; elle eft médiocrement élevée , ôc fa furface eft entrecoupée par pluiieurs montagnes qui font couvertes de bois ôc de verdure ; mais nous n'apperçûmes aucune trace d'habi-tans. A midi, le Cap Saunders nous reftoit au N. 30 e* O. à la diftance d'environ quatre lieues. Nous eûmes des calmes ôc des vents variables jufqu'à cinq heures du foir, quand le vent fe fixa à l'O. S. O., 6c bientôt il fut fi fort qu'il emporta nos huniers fur leurs cargues 6c mit la mifaine en pièces. Après en avoir en^ Torne III. Ff :—'------ vergue une autre, nous continuâmes à porter au Sud Ann. 1770. fous ¿cux bailes voiles; le lendemain au matin, 16 , à fix heures , la terre la plus méridionale qui fût en vue nous reftoit O. -\ N. O., & le Cap Saunders N. j N. O. à huit lieues; à midi nous avions ce Cap au N. 20d O. à quatorze lieues ; 6c notre latitude , par obferva-tion, étoit de 46 e1 36'. Le vent continua avec des raffales violentes 6c une groffe mer toute l'après-midi ; a fept heures du foir , nous capeyâmes fous notre mi-faine, le cap du vaiiîeau tourné au Sud. Le 27 a midi, notre latitude étoit de 46d 54', & notre longitude du Cap Saunders d'i d 24' E. A fept heures du foir, nous appareillâmes avec nos bailes voiles, 6c lu lendemain, 28, à huit heures du matin, nous hifsâmes les huniers entièrement rifés. A midi, nous étions au 47a 43' de latitude, & au 2d io' de longitude E. du Cap Saunders. A ce tems nous virâmes vent arrière, pour porter au Nord ; dans l'après-midi , la variation de l'aiguille étoit de 16 d 34' E. A huit heures du foir, nous revirâmes de bord, 6c nous gouvernâmes au Sud avec un vent d'Oueft. Mars. Le premier de Mars, nous étions, fuivant notre eftime, au 47e1 5 > ' de latitude , 6c à 1 d 8' de longitude E. du Cap Saunders. Nous portâmes au Sud jufqu'à trois heures 6c demie de'l'après-midi ,6c étant alors au 48 a de latitude S. , 6c au 188 d de longitude O. ; 6c ne voyant aucune apparence de terre , nous virâmes de bord 6c mimes le cap au Nord, avec de groiïès lames du S. O. ¿ O. Le lendemain , 2 , à notre latitude étoit de 46 a 42' S. , ce le Cap Saun- ders nous reftoit au n. 46 a O. a la diitance de qua- -tre-vingt-fix-milles. Les groíTes lames du S. O. conti- Ann-mièrent jufqu'au 3 , ce qui nous confirma dans Y opinion qu'il n'y avoit point de terre dans ce rumb. A quatre heures de l'après-midi , nous gouvernâmes k l'Oueft avec autant de voiles que nous pouvions en porter. Le matin du 4 , nous trouvâmes la variation de l'aiguille de i6d 16' E. Nous vîmes ce jour-lk quelques baleines &ades veaux marins, ainfi qu'il nous étoit déjà arrivé pluiieurs fois depuis que nous avions débou-qué le détroit j mais nous n'apperçûmes point de veau marin pendant que nous étions fur la côte cVEahic-nomauwc y nous fondâmes pendant la nuit ce le matin, mais nous n'eûmes point de fond par i^o brafTes, A midi, nous voyions le Cap Saunders qui nous reftoit au n. ~ O ; ce notre latitude , par obfervation, étoit de 46 a 311 S, A une heure ce demie , nous découvrîmes terre k l'O. -\ S. O. ; nous courûmes deffus , ce avant qu'il fût nuit , nous n'en étions plus qu'à trois ou quatre milles ; nous y vîmes des feux pendant toute la nuit, ce le ^ , à fept heures du matin , nous étions éloignés d'environ trois lieues de la côte, qui nous parut être élevée, mais unie. A trois heures de fa près-midi , nous appercûmes la terre s'é-tendant du N. E. } N. au n! O. -f n. , ce bientôt nous découvrîmes au S. y O. quelques terres bailes qui fembîoient former une lile. Nous continuâmes notre route à l'O. ± S. O. , ce deux heures après nous vîmes fur la terre baile une terre élevée qui s'étendoit au Sud jufqu'au S. O. | S., mais il ne nous parut pas quelle fût jointe à la terre du côté du Nord, de forte Ff ij que ces deux terres doivent être féparées par la mer ou bien par une baie profonde, ou enfin par une autre terre baile. Le 6, k midi, nous étions k-peu-près dans la même fituation que le midi de la veille. L'après-midi, nous trouvâmes , par pluiieurs azimuths & par amplitude , que la variation de l'aiguille étoit de i ^ d io' E. Le 7 , a midi, nous étions au 47d G' de latitude S., & nous avions fait douze milles à l'Eft pendant les vingt-quatre dernières heures. Nous portâmes à rOueft le refte du jour, & le lendemain jufqu'au coucher du folcii ; alors les deux terres nous reftoient du N. ~ N. E., à fO. , à la diftance d'environ fept ou huit lieues» Dans cette fituation , nous avions 55 braifes d'eau, Ôc la variation de l'aiguille étoit , par amplitude, de 16 d 29' E. Le vent fauta alors du N. à l'O., ôc comme nous avions un beau tems & un clair de lune, nous courûmes au S. O. pendant toute la nuit en ferrant le vent. Le 9 , a quatre heures du matin , la fonde rapportoit 60 brafTes , & k la pointe du jour, nous découvrîmes à notre avant une bande de rochers qui fe prolongcoient du S. -J- S. O. a 10. S. O., ôc fur Iefquels la mer brifoit à une hauteur confidérable ; ils n'étoient plus qu'à \ de lieue de diftance , ôc cependant nous avions 45 braifes d'eau. Comme le vent fouffloit du N. O., nous ne pouvions pas les doubler alors , & ne voulant pas courir au vent, je virai Ôc fis une bord, e à l'Eft. Le vent fauta bientôt après au Nord , ôc nous mit en état de dépailèr tous les rochers. Pendant que nous paillons en - dedans de ces rochers , nos fondes nous rapportèrent de 35 à 47 ............. braifes, fond de roches. Ann. 1770. Mars. # Ce banc de rochers gît au S. E., à fix lieues de la partie la plus méridionale de la terre , & au S. E. J E. de quelques montagnes remarquables qui font fi-tuées près de la côte. A environ trois lieues au Nord de ce premier banc , il y en a un autre qu'on rencontre à trois lieues de la côte , & fur lequel la mer brife avec une houle furieufe. Comme nous pafsâmes les rochers du Nord pendant la nuit, & que nous découvrîmes les autres fous notre avant au point du jour, il eft certain que nous courûmes un danger imminent ôc que notre pofition fut très-critique. Je donnai à ces rochers le nom de Traps ( Pièges ) , à caufe de leur fituation très-propre à furprendre les navigateurs peu attentifs. Le 9 , à midi , nous étions au 47d 26' de latitude S.; la terre que nous voyions, ôc qui avoit l'apparence d'une lue , s'étendoit du N. E. \ N. au N. O. J O, ôc fembloit être éloignée de la grande terre d'environ cinq lieues : le plus oriental des bancs de rochers nous reftoit au S. S. E. , à la diftance d'une lieue ôc demie, ce nous avions le plus fep* tentrional au N. E. ~ E. à environ trois lieues. Cette terre eft élevée ôc ftériîe ; nous n'y vîmes que quelques arbriifeaux répandus ça & la, & pas un feul arbre. Elle étoit cependant remarquable par un grand nombre de taches blanches , que je pris pour du marbre , parce qu'elles rèfléchiil'oient les rayons du folcii. Nous avions obfervé d'autres taches de même efpèce en différentes parties de ce pays , ôc en particu- lier dans la baie de Mercure, Nous continuâmes a porter à l'Oueft en ferrant le vent, ôc au coucher du loleil, la pointe, la plus méridionale de la terre nous reftoit au N. 38 d E,, à la diftance de quatre lieues, ce nous avions au N. S. E. , la terre la plus occidentale qui fût en vue. Je donnai le nom de Cap Sud a la pointe qui gît au 47d 19 ' de latitude S., ôc au 192a 12' de longitude O. ; la terre la plus occidentale fe trouva être une lile íituée à la hauteur de la pointe de la principale de ces terres. En fuppofant que le Cap Sud fût la partie la plus méridionale de cette contrée , comme nous nous en fommes allures, j'efpérois en faire le tour par l'Oueft; car de groffes lames du S. O. que nous eûmes même après le dernier vent fort que nous avions eiîuyé, me convainquirent qu'il n'y avoit point de terre dans cette direeiion. La nuit du 10, il fouffla un vent fort du N. E. - N. ôc du N., qui nous obligea de naviguer fous nos baffes voiles ; mais à huit heures du matin il fe calma. A midi, il fauta à l'Oueft, ôc nous virâmes de bord pour porter au Nord, fans apperccvoir de terre. Notre latitude, par obfervation , étoit de 47a 33' S., ôc notre longitude de fp' a l'Oueft du Cap Sud. Nous gouvernâmes au N. N. E. , en ferrant le vent , ne voyant toujours point de terre jufqu'à deux heures du lendemain au matin, 11, lorfque nous découvrîmes une Ifle qui nous reftoit au N. O. \- N. , à la diftance d'environ cinq lieues. Environ deux heures ap'"¿s > nous vîmes une terre à l'avant, fur quoi nous virâmes & portâmes au large jufqu'à fix heures, après quoi S nous courûmes fur la terre pour l'examiner de plus An^'JJ7°' près. A onze heures nous n'en étions plus qu'à trois lieues ; mais le vent paroiifant tourner fur la côte , je revirai pour reprendre le large ôc porter au Sud. Nous avions navigué jufqu'alors autour de la terre que nous avions découverte ie 5 , ôc qui ne nous paroiiToit pas être jointe à la Nouvelle-Zélande, qu'elle a au Nord ; nous trouvant d'ailleurs de l'autre côté de ce que nous avions fuppofé être la mer , une baie ou une terre baile, la fituation des lieux offroit la même apparence ; mais quand je me mis à en tracer le plan fur le papier, je ne trouvai aucune raifon de fuppofer que ce fût une Ifle; je penfa au contraire qu'elle faifoit partie de la grande terre. A midi, l'extrémité occidentale de la grande terre nous retloit au N. 59e1 O., ôc nous avions au S. 59d O. , à peu près a cinq lieues de diftance, l'Ifle que nous avions apperçue le matin. Elle gît au 46a 91' de latitude S. ôc au 192 a 49' de longitude O. ; ce n'eft qu'un rocher íf¿rile d'environ un mille de circuit, d'une hauteur remarquable , ce fi tué à cinq lieues de la grande terre. Je l'appellai Ifle de Solander, du nom de notre lavant Naturalifte. La côte de la grande terre court à 1 E. $ S. E. ôc O. \- N. O. de cette Ifle , ôc forme une large baie ouverte, où il ne nous parut pas qu'il y eut aucun havre ou abri pour les vaiifeaux contre les vents du Sud-Oueft & du Sud. La fur face du pays eft coupée par des montagnes efearpées d'une hauteur confidérable , & au fommet defquelles on apperçoit pluiieurs endroits couverts de neige ; elle n'eft cependant pas entièrement iterile , car nous découvrîmes du bois , non-feulement dans les vallées , mais même Ann. 1770. {Lir jes terreins plus élevés : mais nous n'y vîmes rien qui indiquât qu'elle fût habitée. Nous continuâmes à porter au S. O. -J S. jufqu'à onze heures du lendemain au matin , 1%, quand le vent fauta au S, O. «J O. ; fur quoi nous virâmes vent-arrière 6c mîmes le cap au N. N. O., étant alors au 47a 40' de latitude S. ; au 193a jo' de longitude O,, 6c ayant une groife mer du S. O. Pendant la nuit, nous gouvernâmes N. N.O. jufqu'à. fix heures du matin du 13 , 6c ne voyant point de terre, nous mîmes le cap au N. j N. E. jufqu'à huit heures ; nous portâmes alors N. E. ~ E. 7 E. pour re-connoître la terre, que nous appercûmes à dix heures , 6c qui nous reiloit à l'E. N. E. ; mais comme le tems étoit brumeux , nous n'y pûmes rien diftinguer. A midi, notre latitude , par obiervation , étoit de 46 a S. 9 fur les deux heures , la brume fe diilipa & la terre parut être élevée , efcarpée 6c montueufe. Sur les trois heures 6c demie, je courus vers une baie dans laquelle il fembloit y avoir un bon mouillage ; mais environ une heure après , je trouvai que la diflance étoit trop grande pour y arriver avant la nuit, 6c le vent foufflant trop fort pour former cette entreprifc en fureté pendant la nuit, je rangeai la côte. Cette baie, que j'appellai Dushy Bay, {Bahfombre) gît au 45d 47' de latitude S. ; elle a environ trois ou quatre milles de largeur à l'entrée , 6k elle paroit être profonde que large ; elle contient pluiieurs Ifles, der^ rière rière lefqueltes il doit y avoir un abri contre tous les --~-=Z vents t quoique peut-être il n'y ait pas allez d'eau pour ^J70* y mouiller. Lorique la pointe feptentrionale de cette baie relie S. E. f S. , elle eft très-remarquable au moyen de cinq rochers élevés Ôc en forme de pic epui font fltués en fon travers , ôc qui ont Papparence des quatre doigts ôc du pouce de la main d'un homme ; c'eft pour cela que je l'appellai, Point five Fingers, ( la Pointe des cinq Doigts) : on peut reconnoître d'ailleurs la terre de cette pointe , parce que c'eft le feul terrein uni qu'on trouve k une diftance coniidérable. il eft élevé , couvert de bois, ¿V s'étend à près de deux lieues au Nord. La terre plus avant dans l'intérieur, eft très-différente; elle eft compofée par-tout de montagnes Ôc de rochers entièrement ftériles ; Ôc cette variété donne au Cap l'apparence d'une Ifle. Au Soleil couchant, la terre la plus méridionale que nous viffions, nous reftoit précifément au Sud , à la diftance d'environ cinq à fix lieues ; ôc comme c'eft la pointe de terre la plus occidentale de toute la côte, je l'appellai Cap Ouejl. Il gît à peu près à trois lieues au Sud de la baie Dusky , au 45a54' de latitude S ôc au 193e1 171' de longitude O. La terre de ce Cap eft médiocrement élevée près de la mer , & n'a rien de remarquable k l'entour , fi ce n'eft un rocher très-blanc qui eft fitué à deux ou trois lieues au Sud. Au Sud de ce rocher , la terre court au S. E. , ôc au Nord , elle court au N. N. E, Ayant mis k la cape pendant la nuit du 14, k quatre heures du matin, nous fîmes voile le long de la côte, Tome III. G g .....1......mtìl dans la direction du N. E. \ N., avec une brife mo* Ann. 1770. dérée du S. S. E. A midi, notre latitude, par obier-vation , étoit de 4<)d 13' S. Nous fondâmes alors, étant à environ une lieue ôc demie de la côte ; mais nous ne trouvâmes point de fond par 70 braflés ; nous venions de dépaifer un petit goulet débouchant dans une terre où il fembloit y avoir un havre très-fur ôc très-commode , formé par une lile qui eft iituée au milieu de l'ouverture à l'Eft. L'ouverture gît au 45e1 i6~' de latitude S. -, la terre par derrière eft remplie de montagnes , dont les fommets étoient couverts de neige qui paroiftbit être tombée depuis peu ; ôc en effet, le tems avoit été très-froid pendant les deux derniers jours. De chaque côté de l'ouverture , la terre s'élève prefque perpendiculairement de la mer à une hauteur prodigieufe ; ôc fut la raifon qui m'empêcha d'y faire entrer le vaiffeau , car on ne pouvoit y avoir d'autre vent qu'un vent qui fouffìeroit directement dans le fond de la baie , ou un autre qui fou ifle roi t direttemene contre fon entrée , c'eft-k-dire , de l'Eft & de l'Oueft , ôc je ne crus pas qu'il fût prudent d'aller dans un endroit d'où je n'aurois pu fortir qu'avec un vent que je favois par expérience ne régner qu'une fois le mois dans ces parages. J'agis en cela contre l'opinion de quelques Officiers du vaiiîeau qui ne confidérant que l'avantage du moment, fans avoir égard aux inconvé-niens qui pouvoient en réfulter , exprimèrent en termes très-forts le defir qu'ils avoient de mettre k l'ancre. Le foir, étant a environ deux lieues de la côte, nous fondâmes 6c nous ne trouvâmes point de fond, par 108 brafles ; la variation de l'aiguille étoit, par azi------üüS!!!: muth de 14a E. , & par amplitude de i &c même pfqu'au Cap Ouefi , j'ai encore lieu de craindre qu'on ne découvre des fautes en pluiieurs endroits de la carte, parce que nous avons pu rarement ranger la côte de près , & que fouvent même nous avons été pouffes à une telle diitance , qu'il nous étoit impoifible de l'ap-percevoir. Du Cap Oueji jufqu'au Cap Farewell, & même jufqu'au canal de la Reine Charlotte , il ne faut pas compter fur une plus grande fidélité. Etat du Pays. To V Y R o e n A m m o o eft, pour la plus grande partie , un pays montueux , & félon toute apparence , iterile \ nous n'avons découvert fur toute lTíle d'autres habitans que les Infulaires que nous vîmes dans le canal de la Reine Charlotte & ceux qui s'avancèrent vers nous au-deffous des montagnes de neige, éc nous n'avons apperçu d'autres traces de population que les feux qui furent vus à l'Oueft du Cap Saunders* EaheinomAuwe a un afpeét plus avantageux, le terrein , il eft vrai, eft rempli de collines & même de montagnes ; mais les unes & les autres font couvertes de bois , & chaque vallée a un ruiileau d'eau douce. Le loi de ces vallées , ainfi que des plaines -> parmi lelquelles il y en a un grand nombre où il ne cr01t point de bois , eft en-général léger, mais fertile , ôc -----..... ,S fuivant l'opinion de MM. Banks ôc Solander, ainfi que 1 J70' des autres perfonnes éclairées de l'équipage , toutes les graines , plantes & fruits d'Europe y viendraient avec le plus grand fuccès. Les végétaux qu'on y trouve nous ont fait croire que les hyvers y font plus doux qu'en Angleterre ; nous avons reconnu que l'été n'y étoit pas plus chaud , quoique la chaleur fût plus uniforme ; de forte que ii les Européens formoicnt un établiiîèment dans ce pays , il leur en coûteroit peu de foins ôc de travaux pour y faire croître en grande abondance tout ce dont on a bcfoin. Excepté les chiens & les rats, il n'y a point de Quadrupc-quadrupedes dans ce pays ; du moins nous n'en avons pas vu d'autres , ôc les rats font môme en ii petit nombre, que pluiieurs de nos gens n'en ont jamais apperçu un feul. Les chiens vivent avec les hommes, qui les nourriifent uniquement pour les manger ; ii fe peut , à la vérité, qu'il y ait des quadrupèdes que nous n'ayons pas découverts ; mais cela n'eft pas probable: en effet l'objet principal de la vanité des Naturels du pays , par rapport à leur habillement, eft de fe revêtir des peaux ôc de la fourrure des animaux qu'ils ont ; or nous ne leur avons jamais vu porter la peau d'aucun animal que celle des chiens ôc des oifeaux. Il y a des veaux marins fur la côte, ôc nous avons découvert une fois un lion de mer; mais nous croyons qu'on en prend bien rarement ; car quoique nous ayons vu quelques Naturels porter fur leur poitrine ce eftimer beaucoup des dents de ces poiifons, travaillées en forme d'aiguilles liij '^™""™"^ de tête , nous n'en avons remarqué aucun qui fut revéttf Ann. 1770. ¿Q Uurs peaux. On trouve auffi des baleines fur cette côte ; mais les Infulaires ne femblent pas avoir des inftrumens ou des fecrets pour les prendre ; cependant nous avons vu des Patou-patous faits d'os de baleine , ou de quelqu'autre animal dont l'os avoit exactement la même apparence. OJSàwoêt Les efpeces d'oifeaux qu'on trouve dans la Nouvelle - Zelande, ne font pas en grand nombre , ôc fi l'on en excepte la mouette, peut-être n'y en a-t-H point qui foient exactement les mêmes que celles d'Europe. Il eft vrai qu'il y a des canards ôc des cormorans de pluiieurs fortes , & qu'ils font affez ref-femblansà ceux d'Europe, pour être appelles du même nom par les perfonnes qui ne les ont pas examinés avec beaucoup d'attention. Il y a auiîi des faucons, des chouettes & des cailles qui , à la premiere vue, différent très-peu de ceux d'Europe ; & pluiieurs petits oifeaux dont le chant , ainfi que nous l'avons déjà dit dans le cours de cette narration , eft beaucoup plus mélodieux qu'aucun de ceux que nous ayons jamais entendus. On voit de tems en tems fur la côte de la mer pluiieurs oifeaux de l'océan, ôc en particulier, des albatrofs , des fous, des pintades, Ôc un petit nombre d'autres que Sir Jean Narborough a nommés Pcn-goins , ôc qui font ce que les François appellent Nuance , & femblent être une efpèce mitoyenne entre l'oifeau ôc le poiífon j car leurs plumes, fur-tout celles de leurs ailes, différent peu des écailles ; peut-être même faut-il regarder comme des nageoires leurs ailes ~ "~ elles-mêmes , dont ils fe fervent feulement pour pion- An.n; l?7°' A\lSIS» ger, & non pour accélérer leur mouvement , même lorfqu'ils fe pofent fur la furface de l'eau. Les infectes n'y font pas en plus grande abondance que les oifeaux ; ils fe réduifent à un petit nombre de papillons ôc d'efcarbots ; a des mouches de chair très-reilemblantes à celles d'Europe ; ôc à des efpèces de mofquites ôc de mouches de fable , qui iont peut-être exactement les mêmes que celles de l'Amérique feptentrionale. Nous n'avons cependant pas vu beaucoup de mofquites & de mouches de fable, qui font regardées avec raifon comme une malédiction dans tout pays ou elles abondent. Il eft vrai que nous en trouvâmes un petit nombre dans prefque tous les endroits où nous allâmes à terre ; mais elles nous caufèrent fi peu d'incommodité, que nous ne fîmes pas ufage des précautions que nous avions imaginé pour mettre nos vifages à l'abri de leurs piquures. Si les animaux font rares fur la terre, on en trouve Poiffons, en revanche une très-grande quantité dans la mer ; toutes les criques fourmillent de poiffons très-fains & d'un goût auili agréable que ceux d Europe. Par-tout où le vaiiîeau mettoit à l'ancre , Ôc dans tous les endroits qu'un vent léger nous faifoit dépaiTèr, fur-tout au Sud , nous pouvions avec la ligne ôc l'hameçon en pêcher affez pour en fervir à tout l'équipage. Quand nous mouillions, la ligne nous en procuroit près des rochers une abondante provifion , ôc avec la feine nous en pre- nions encore davantage -, de forte que dans les deux fois Ann. 1770. qUe nous mimes à l'ancre dans le Détroit de Cook, chaque chambrée du vaiiîeau qui ne fut pas pareffeufe ou fans prévoyance , en put faîer allez pour en manger pluiieurs ièmaines après que nous eûmes remis en mer. La diveriité des poiffons étoit égale à. leur abondance ; nous avions du maquereau de pluiieurs efpeces, un entr'autres , qui eft exactement le même que celui d'Angleterre ; ces poiffons fe trouvent en troupes innombrables fur les bas-fonds, ôc ils font pris au filet par les naturels du pays , qui nous en vendirent à très-bas prix. Il y a encore des poiffons de pluiieurs fortes que nous n'avions jamais vus auparavant ; mais les matelots curent bientôt donné des noms à tous ; de forte que nous parlions ici auffi familièrement de brochets , de rayes , de brèmes, de merlans ôc de plufieurs autres , qu'en Angleterre ; 6c quoiqu'ils ne foient pas de la même famille , il faut convenir qu'ils ne font pas indignes du nom qu'on leur a donné. Le mets le plus délicat que nous procuroit la mer, même en cet endroit, étoit une efpèce de hommard, probablement la même que celle , qui fuivant le Voyage du Lord Anfon , fut trouvée à l'Ifle de Juan Fernandès , mais feulement un peu moins groffe ; ce hommard diffère en pluiieurs points de l'écrevifle de mer d'Angleterre ; il a un plus grand nombre de pointes fur le dos , ôc il eft rouge lors même qu'il fort de l'eau. Nous en achetâmes une grande quantité des Naturels du pays qui habitent au Nord ; ils les prennent en plongeant près de la côte , ôc les dégagent avec leurs pieds du fond où ils fe tiennent. Nous avions auili un poiiîbn que Frezier , dans fon —m' '"g voyage au Continent Efpagnol de l'Amérique meri- Aìi^s7°' dionale, a décrit fous les noms d'Eléphant, de Pejegallo, ou Foiffbn-Coq , & dont nous mangeâmes de très-bon cœur la chair , quoique peu délicate. Nous y avons auili trouvé pluiieurs cfpeces de rayes ou de patte-nades qui font encore moins délicates que Y éléphant \ mais nous avons eu en revanche différentes iortes de chiens de mer , tachetés de blanc , qui ont une faveur exactement femblable à celle de nos meilleures rayes, mais beaucoup plus agréable ; enfin , un poiífon plat qui reifemble aux foies 6c aux carrelets, des anguilles 6c des congres de différentes efpeces , pluiieurs autres que les navigateurs qui vifiteront par la fuite cette cote ne manqueront pas d'y trouver , 6c en outre beaucoup de poiflons a coquille, 6c en particulier des clams , des pétoncles ôc des buitres. Les arbres occupent le premier rang parmi les pro- Arbres,plan ductions végétales de ce pays ; il s'y trouve des forêts tes,&c. d'une grande étendue , remplies de bois de charpente les plus droits , les plus beaux 6c les plus gros que nous ayons jamais vus. La groiîèur, le grain 6c la dureté apparente de ces bois les rendent propres pour toute efpèce de bâtiment , 6c même pour tout ouvrage, ii Ton en excepte la mâture : j'ai déjà obfervé que pour ce dernier ufage ils font trop durs 6c trop pefans. Il y a un arbre en particulier qui , lorfque nous étions fur la cote, fe failoit diitinguer par une fleur écarlate qui fembloit être un aífemblage de plufieurs fibres; il eft à-peu-près de la groffeur d'un chêne ; le bois en eft extrêmement dur & pelant, & excellent pour tous les ouvrages de moulin : on trouve un autre arbre très-élevé & très-droit qui croît dans les marais; il eft allez épais pour en faire des mâts de vaiiîèaux quelque forts qu'ils foient, ce ii l'on peut en juger par le grain , il paroît très-folide. J'ai dit plus haut que notre charpentier penfoit que cet arbre reifemble au pin ; il eil probable qu'on peut le rendre plus léger en l'entaillant, & alors on en feroit les plus beaux mâts du monde ; il a une feuille affez reffemblante à celle de l'if, & il porte des baies dans de petites touffes. La plus grande partie du pays eft couverte de verdure: quoiqu'il ne s'y trouve pas une grande variété de plantes, nos Naturaliftes furent très-fatisfaits de la quantité d'efpèces nouvelles qu'ils découvrirent. D'environ quatre cent efpèces qui ont été décrites jufqu'à préfent par les Botaniftes, ou que nous avons vues ailleurs pendant le cours de ce voyage, nous n'y avons trouvé que le chardon, la morelle des Indes, une ou deux efpèces de gramen & les mêmes que celles d'Angleterre , deux ou trois fortes de fougère femblable à celle des Ifles de l'Amérique, & un petit nombre de plantes qu'on rencontre dans prefque toutes les parties du monde. On y trouve peu de végétaux comeftibles ; mais notre équipage , après avoir été long-tems en mer, niangea , avec autant de plaifir que d'utilité , du céleri fauvage & une efpèce de creffon qui croit en grande abondance fur toutes les parties de la côte. Nous avons auffi rencontré une ou deux fois «ne plante iemblabie à celle que les gens de la campagne appellent appellent en Angleterre Lamb's Qitarter ou Fat-Hen ( Quartier d3Agneau ou Poule graffe ) que nous fîmes bouillir en place de légumes. Nous eûmes le bonheur de trouver un jour un chou palmiffè , qui nous procura un mets délicieux. Parmi les productions végétales qui femblent croître dans ce pays fans culture , nous n'en avons point vu d'autres qui foient bonnes à manger, fi on en excepte la racine de fougère 6c une plante entièrement inconnue en Europe , dont les Infulaires mangent 6c que nous trouvâmes très-défagréable. Parmi les plantes cultivées , nous n'en avons trouvé que trois bonnes a manger, les ignames, les patates douces & les cocos. Il y a des plantations de pluiieurs acres d'ignames 6c de patates , 6c je crois qu'un vaiiîeau , qui feroit en cet endroit en automne lors de la récolte, pourroit en acheter une auffi grande quantité qu'il le deiireroit. Les Naturels du pays cultivent auffi des citrouilles, avec le fruit desquelles ils font des vafes qui leur fervent à différens ufages. Nous y avons trouvé le mûrier k papier Chinois, le même que celui dont les Infulaires de la mer du Sud fabriquent leurs étoffes ; mais il eft fi rare que, quoique les habitans de la Nouvelle-Zélande, en faifent également une étoffe, ils n'en ont que ce qu'il leur en faut pour la porter comme un ornementdans les .trous qu'ils font k leurs oreilles , ainil que je l'ai déjà dit plus haut. Parmi tous les arbres , les arbrifleaux 6c les plantes de ce pays, il n'y en a point qui porte de fruits à moins qu'on ne veuille donner ce nom a une baye qui n'a Tome III. Kk —•^^ ni douceur ni faveur, & que les enfans feuls prenoienc * l77°* la peine de recueillir. On y trouve une plante dont les ars. habitans fe fervent en place de chanvre & de lin, ce qui furpaife toutes celles qu'on emploie aux mêmes ufages dans les autres pays. Il y a deux efpèces de cette plante; les feuilles de toutes les deux reffemblent à celles des glayeuls ; mais les fleurs ibnt plus petites & les grappes en plus grand nombre; dans Tune elles font jaunes & dans l'autre d'un rouge foncé. Leur habillement ordinaire efl compoié des feuilles de ces plantes fans beaucoup de préparations ; ils en fabriquent, d'ailleurs leurs cordons , leurs lignes & leurs cordages , qui font beaucoup plus forts que tous ceux qu'on fait avec du chanvre, & auxquels ils ne peuvent pas être comparés. Ils tirent de la même plante, préparée d'une autre manière, de longues fibres minces, lui— fautes comme la foie, & auffi blanches que la neige; ils manufacturent leurs plus belles étoffes avec ces fibres qui font auiîi d'une force furprenante. Leurs filets , dont quelques-uns, comme je l'ai déjà remarqué, font d'une grandeur énorme, font formés de ces feuilles ; tout le travail confitte à les couper en bandes de largeur convenable, qu'on noue enfemble. Une plante , qu'on peut fi avantageufement employer à tant d'ufages utiles , feroit une acquifition importante pour l'Angleterre où elle croîtroit , félon toute apparence , fans beaucoup de peine ; car elle paroît être très-vivace & n'avoir befoin d'aucun fol particulier. On la trouve également fur les collines & dans les vallées, fur le terreau le pins *ec & dans les marais les plus profonds; elle femblc pourtant -préférer les endroits marécageux, car nous avons ob-fervè qu'elle y étoit plus grande que par-tout ailleurs. J'ai déjà dit que nous vîmes une grande abondance de fable ferrugineux dans la baie de Mercure , & que par conséquent on trouveroit infailliblement à peu de diftance de-la , du minerai de fer. Quant aux autres métaux, nous n'avons pas affez de connoiifance du pays pour former des conjectures fur cette matière. Si la grande Bretagne penfoit jamais que ce fût un objet digne de fon attention, que d'établir une colonie dans ce pays , le meilleur endroit qu'on pût choiiir , feroit fur les bords de la -Tarni/e , ou dans l'endroit qui borde la baie des Ifles. Dans Tune ou l'autre place, on auroit l'avantage d'un très-bon havre ; & au moyen de la rivière, il feroit facile d'étendre les établiiîèmens & d'établir une communication avec l'intérieur du pays. Le beau bois qui abonde dans cette partie, fourniroit à très-peu de frais & de peine , des vaiffeaux ou d'autres bâtimens propres à la navigation. Je ne puis pas déterminer exactement quelle eft la profondeur d'eau que devroit tirer un vaiiîeau qui navigueroit fur cette rivière, même dans la partie que j'ai remontée avec le bateau , parce que cela dépend de la profondeur qui eft fur la barre, ou des bas fonds qui font fi tués devant la partie la plus étroite de la rivière , & queje n'ai pas eu oecafio.n d'examiner ; mais je penfe qu'un bâtiment , qui ne tireroit pas plus de douze pieds d'eau, feroit très-convenable pour cette navigation. Kkij T"*"»»-"^ En arrivant pour la première fois fur la côte de ce An^'I77°* pays, nous imaginâmes que la population étoit beau-Population. C0LlP plus confidérable que nous ne l'avons trouvé dans la fuite. La fumée que nous appercûmes à une grande diitance de la côte, nous fit penfer que l'intérieur étoit peuplé , 6c peut-être que nous ne nous trompions pas relativement au pays qui eft fi tue derrière la baie de Pauvreté, (Povcrty Bay) 6c la baie d'Abondance, ( Bay of plcnty ) où les habitans nous ont paru être en plus grand nombre qu'ailleurs. Mais nous avons lieu de croire qu'en général cette grande Jfle n'eft habitée que fur les côtes de la mer , où nous ne trouvâmes même que très-peu d'fnfulaires, 6c toute la côte occidentale depuis le Cap Maria Van Diemen , étoit entièrement deferte ; de forte que tout confidéré, le nombre des habitans de la Nouvelle Zélande, n'a aucune proportion avec l'étendue du pays. CHAPITRE X. Defcription des Habitans de la Nouvelle-Zélande. Habitations , vàemens } parure , alimens , cuifine & manière de vivre. L a taille des habitans de la Nouvelle - Zélande eft • en général égale à celle des Européens les plus grands ; ils ont les membres forts , charnus & bien proportionnés ; mais ils ne font pas auili gras que les oiiifs & voluptueux Infulaires des mers du Sud ; ils font extraordinairement alertes ôc vigoureux , & on apper-çoit dans tout ce qu'ils font, une adreife ôc une dextérité de main peu commune. J'ai vu quinze pagayes travailler du côté d'une pirogue avec une vitelle incroyable , & cependant les rameurs gardoient auili exactement la mefure que ii tous leurs bras avoient été animés par une ame commune. Leur teint en général eft brun ; il y en a peu qui l'aient plus foncé que celui d'un Efpagnol qui a été expofé au foleil, & celui du plus grand nombre l'eft beaucoup moins. On n'apperçoit point dans lesfemmes la délicateffe d'organes qui eft propre à leur fexe ; mais leur voix eft d'une douceur remarquable , & c'eft par-la qu'on les diftingue principalement, car l'habillement des deux fexes eft le même ; elles ont pourtant, comme les femmes des autres pays, plus de gaieté, d'enjouement ôc de vivacité dans Ann. 1770. Mais, mmm--. [a f]gUre qUe les hommes. Les Zélandois ont les che- Amn. 1770« veux & la barbe noire; leurs dents font très-régulières 6e auííi blanches que l'ivoire. Ils jouiilènt d'une fanté robufte ck nous en avons vu pluiieurs qui nous parurent fort âgés. Les traits des deux fexes font beaux. Les hommes 6c les femmes femblent être d'un caractère doux 6c affable ; ils fe traitent les uns les autres de la manière la plus tendre 6c la plus affectueufe, mais ils font implacables envers leurs ennemis, a qui, comme je l'ai déjà remarqué, ils ne font point de quartier.Peut-être paroîtra-t-il étrange qu'il y ait des guerres fréquentes dans un pays où il y a fi peu d'avantages a obtenir par la victoire, 6c que chaque diftrict d'une contrée habitée par un peuple fi pacifique ôc fi doux, foit l'ennemi de tout ce qui l'environne. Mais il eft poifible que parmi ces Infulaires , les vainqueurs retirent de leurs iuccès plus d'avantages qu'on ne le croiroit au premier coup d'œii, 6c qu'ils foient portés à des hoftilités récipro-" ques par des motifs que l'attachement 6c l'amitié ne font pas capables de furmonter. Il paroît par ce que nous avons déjà dit d'eux , que leur principale nourriture eft le poiífon , qu'ils ne peuvent fe procurer que fur la côte de la mer, laquelle ne leur en fournit une quantité fuififante que dans un certain tems. Les tribus qui vivent dans fintérieur des terres , s'il y en a quelques-unes , 6c même celles qui habitent la côte , doivent donc être Souvent en danger de mourir de faim. Leur pays ne produit ni moutons , ni chèvres , ni cochons , ni bétail; ils n'ont point de volailles apprivoisées, 6c ils ne connoiffent pas l'art de prendre des oifeaux fauvages, en affez grand nombre pour fournir à leur nourriture, fi quelques voiiins les empêchent de pêcher du poiífon qui fupplée k prefque Ahn.ï77*. toutes les autres nourritures animales. Excepté les chiens, ils n'ont pour leur fubfiftance que les végétaux que nous avons déjà décrits , & dont les principaux font la racine de fougère, les ignames ce les patates ; d'où l'on voit que , fi ces reiîburces viennent k leur manquer , la détrelîe doit être terrible. Parmi les habitans de la côte eux-mêmes , plufieurs tribus doivent fe trouver fréquemment dans une pareille dilette, foit que leurs plantations n'aient pas réuiîi, foit qu'ils n'aient pas affez de proviiions fèches dans la fai fon où ils ne peuvent rendre que peu de poiffons. Ces réflexions nous mettent en état d'expliquer & le danger continuel où paroiffent vivre tous les peuples de ce pays ôc le foin qu'ils prennent de fortifier tous leurs villages ; on pourroit même rendre raifon de l'horrible ufage de manger ceux d'entr'eux qui font tués dans les batailles ; car le befoin de celui que la faim pouffe au combat , abforbe toute humanité ôc étouffe tous les fentimens qui l'empêcheroient de fe foulager en dévorant le corps de fon adverfaire. 11 faut remarquer néanmoins que fi cette explication de l'origine d'une coutume auffi barbare eft jufte, les maux dont elle eft fuivie ne finiffent point avec la néceííité qui la fit naître. Dès que la faim eut introduit d'un côté cet ufage , il fut néceffairement adopté de l'autre par la vengeance. Quel que foie le fentiment de certains Spéculatifs ôc Philofophes qui prétendent que c'eft une chofe très-indifférente que de manger ou d'enterrer le corps mort d'un ennemi, ainfi que de couvrir ou de ^ü^í laiíTer nues la gorge ôc les cuides d'une femme, & que n'n. 1770. c'eft uniquement par préjugé Ôc par habitude que la tranfgreffion de l'ufage nous fait friifonner dans le premier cas, ce rougir dans le fécond. En mettant à part Ja difcuifion de ce point de controverfe, on peut affirmer avec vérité, que l'ufage de manger de la chair humaine eft très-pernicieux dans fes conséquences, relativement a nous ; il tend manifèftement à extirper un principe qui fait la principale fureté de la vie humaine, ôc qui arrête plus fou vent la main de l'affaiîin , que ne peut le faire le fentiment du devoir ou la crainte de i'échafaud. La mort doit perdre beaucoup de fon horreur chez ceux qui font accoutumés à manger des cadavres , ôc l'homme que cette horreur naturelle ne retiendra point n'aura pas une grande répugnance a devenir meurtrier. Il eft plus facile de furmonter la loi du devoir 6c la terreur du châtiment, que les fentimens de la nature ou ceux qu'ont fait naître les préjugés de l'enfance 6c qu'a fortifiés une habitude continuelle. L'horreur qu'éprouve un meurtrier tient moins au crime de l'homicide en lui-même , qu'à fes effets naturels, 6c s'affoiblir a mefure qu'on fe famiîiarife avec ces effets. Suivant nos loix 6c notre religion , l'affaifinat 6c le vol font punis par les mêmes fupplices, 6c dans ce monde 6c dans l'autre; cependant, parmi le grand nombre de ceux qui commettent un vol de propos délibéré , il y en a très-peu qui vouluffent fe rendre coupables d'un homicide de deffein prémédité , même pour fe procurer de beaucoup plus grands avantages qu'ils; qu'ils n'en retireroient dans le premier cas. Mais on a les pins forces raifons de croire que des hommes accoutumés h manger de la chair humaine , pourroient dépecer un cadavre avec auiîi peu de répugnance ôc de fcrupule qu'en éprouvent nos cuiiinieres a découper un lapin mort ; qu'il ne leur en coûceroit pas plus de commettre un aífaílinat qu'un vol ; 6V que par confé-quent , ils priveroient un homme de la vie avec auili peu de remords que de fa propriété ; ainfi les hommes, placés dans ces circonitances , deviendroient meurtriers pour des intérêts autîi légers que ceux qui les portent communément à voler. Si quelqu'un doute de la jufteffe de ce raiionnement , qu'il fe demande a lui-même s'il ne fe croi roi t pas plus en fureté avec un homme qui fent en lui-même une forte horreur pour la deltruction de fon femblable , foit par une fuite de Pinitinct naturel qu'il n'a point étouifé , foit par des préjugés qu'il a acquis de bonne heure ce dont l'énergie égale prefque celle de la nature , qu'avec un autre qui , tenté de l'alfailiner , ne feroit arrêté que par des coniidérations d'intérêt ; car on peut réduire à des vues d'intérêt tous les motifs de iimple devoir , puifqu'ils fe terminent tous à l'eipérance d'un bien ou à la crainte d'un mal. Cependant la fituation & les circonitances ou le trouvent ces peuples miférables , ainfi que leur caractère, ferviroient a merveille ceux qui voudroient établir une colonie parmi eux- Ils ont befoin de fecours par leur Situation , 6c leur caractère les rend fufceptibles d'amitié \ 6c quoique puillènc dire en Torne III. Ll ^^^2 faveur de la vie fauvage , des hommes qui jouiffenc nn.1770. ¿es dons ¿c \a nature dans une oiíiveté voluptueufe , Mars. . la civilifation feroit certainement un bonheur pour ceux à qui ¡a nature ingrate fournit k peine leur fubfiflance , & qui font obligés de s'entre-détruire continuellement afin de ne pas mourir de faim. Ces Peuples accoutumés à la guerre, quelle qu'en foit la cauie, ôc regardant par habitude tous les étrangers comme des ennemis , étoient toujours diipofés à nous attaquer , lorfqu'ils ne s'appercevoient pas de notre Supériorité; ils n'en connoiffoient d'autre d'abord que celle du nombre ; ôc quand cet avantage étoit de leur côté , ils ne doutoient pas que tous nos témoignages de bienveillance ne fuffent des artifices que la crainte ôc la fourberie nous faifoient mettre en ufage pour les féduire & nous conferver. Mais lorfqu'ils furent une fois bien convaincus de nos forces , après nous avoir forcés k nous fervir de nos armes à feu , quoique chargées feulement à petit plomb , & quand ils eurent reconnu notre clémence en voyant que nous ne faifions ufage de ces inftrumens fi terribles que pour nous défendre nous-mêmes , ils devinrent tout d'un coup nos amis ; ils eurent en nous une confiance fans bornes , Ôc firent tout ce qui pouvoit nous engager k en ufer de même à leur égard. 11 eft encore remarquable que lorfqu'une fois il y eut un commerce d'amitié , établi entre nous , nous les furprî-mes très-rarement dans une action malhonnête. Il efl vrai que tant qu'ils nous avoient regardés comme autant d'ennemis qui ne venoient fur leur côte que pour en tirer avantage , ils s'étoient fervis fans fcru- —-^r--zzz pule de toutes fortes de moyens contre nous. C'eft Ann- i . Mars, pour cela que lorfqu'ils avoient reçu le prix de quelque choie qu'ils oifroient de nous vendre , ils retenoient tranquillement la marchandife ôc la valeur que nous avions donnée en échange , bien perfuadés que c'étoit une action très - légitime que de piller des hommes qui n'avoient d'autre deilèin que de les piller eux-mêmes. J'a i remarqué plus haut que les Infulaires des mers du Sud n'avoient pas l'idée de l'indécence , foit par rapport aux objets , foit par rapport aux actions ; il n'en étoit pas de même des habitans de la Nouvelle-Zélande j nous avons apperçu dans leur commerce ôc leur maintien , autant de réferve, de décence ôc de modeilie, relativement a des actions qu'ils ne croyent pourtant pas criminelles , qu'on en trouve parmi les peuples les plus civilifés de l'Europe. Les femmes n'étoient pas inacceffibles , mais la manière dont elles fe rendoient étoit auili décente que celle dont une femme parmi nous cède aux defus de fon mari , ôc fuivant leurs idées , la ftipulation du prix de leurs laveurs eft auffi innocente. Lorique quelqu'un de l'équipage faiioit des proportions à une de leurs jeunes femmes > elle lui donnoit à entendre qu'elle avoit befoin du confen-tement de fa famille, ôc on l'obtenoit ordinairement au moyen d'un préfent convenable. Ces préliminaires une fois établis, ii falloir encore traiter la femme pendant une nuit avec beaucoup de délicateffe ; & l'amant qui s'avifoit de prendre avec elle des libertés contraires Ll ij - k ces égards , étoit bien sûr de ne pas réuilir dans Ann. 1770. fon projcr. Mars. 1 Un de nos Officiers s'étant adrefTé, pour avoir une femme , à une des meilleures familles du pays , en reçut une réponfe qui , traduite en notre langue, répond exactement à ces termes : ce toutes ces jeunes femmes » fe trouveront fort honorées de vos déclarations; mais » vous devez d'abord me faire un préfent convenable, Ôc venir eniuite coucher une nuit aterre avec nous; » car la lumière du jour ne doit point être témoin >? de ce qui fe pallerà entre vous. >;> J'ai déjà dit plus haut qu'ils ne font pas auffi propres fur leurs perfonnes que les Otahkiens, parce que ne vivant pas dans un climat auili chaud, ils ne fe baignent pas fi fouvent. Mais l'huile dont ils oignent leurs cheveux , comme les Iflandois , eft ce qu'ils ont de plus dégoûtant. Cette huile eft une graille de poif-fon ou d'oifeau fondue ; les habitans les plus diffingués l'emploient fraîche , mais ceux d'une claffe inférieure fe fervent de celle qui eft ranee , ce qui les rend prefque auili défagréables à l'odorat que des Hottentots. Leurs têtes ne font pas exemptes de vermine , quoique nous ayons obfervé qu'ils con-noifîènt l'ufage des peignes d'os 6c de bois. lis portent quelquefois ces peignes dreffés fur leurs cheveux , comme un ornement ; mode qui règne aujourd'hui chez les dames d'Angleterre. Les hommes ont ordinairement la barbe courte 6c les cheveux attachés au-deffus de la tête,, 6c formant une touffe où ils placent des plumes d'oifeaux de différentes manierjs & fuivant leur caprice. Il y en a qui les font avancer en pointe de chaque côté des joues , ce qui rend oit à nos yeux leur ligure difforme. Quelques-unes des femmes portent leurs cheveux courts, & d'autres les laiffent flotter fur leurs épaules. Les corps des deux fexes font marqués des taches noires , nommées Amoco ; ils emploient pour cela la même méthode dont on fe fert k Otahiti , & qu'on y appelle Tattow ; mais les hommes ont un plus grand nombre de ces marques que les femmes : celles-ci ne peignent en générai aucune partie de leurs corps, fi ce n'eft les lèvres ; cependant quelques - unes avoient ailleurs de petites taches noires. Les hommes, au contraire , femblent ajouter quelque chofe toutes les années k ces bizarres ornemens ; de forte que pluiieurs d'entr'eux qui paroifToient d'un âge avancé étoient prefque couverts de ces taches , depuis la tête juf-qu'aux pieds. Outre Y Amoco , ils portent d'autres marques extraordinaires , qu'ils s'impriment fur le corps , par un moyen que nous ne connoiffons pas : ce font des filions d'environ une ligne de profondeur & d'une largeur égale , tel qu'on en apperçoit fur un jeune arbre d'un an , où l'on a fait une incifion. Les bords de ces filions font dentelés, toujours en fuivant la même méthode , & devenus parfaitement noirs ils préfentent un afpeft effrayant. Le vifage des vieillards eft prefque entièrement couvert de ces marques ; les jeunes gens ne noirciffent que leurs lèvres, comme les femmes ; ils ont communément une tache noire fur une joue & fur un œil , & ils procèdent ainii par degrés, jufqu'à ce qu'ils deviennent vieux 6c par-là plus reipectables. Quoique nous fuiïions dégoûtés de l'horrible difformité que ces taches 6c ces filions impriment au vifage de l'homme, cette image de la Divinité , nous ne pouvions nous empêcher d'admirer fart 6c la dextérité avec laquelle ils les impriment fur leurs peaux. Les marques du vifage font ordinairement fpirales ; elles font tracées avec beaucoup de précifion 6c même d'élégance , celles d'un coté cor-refpondant exactement à celles de l'autre. Les marques du corps reilèmblent un peu au feuillage de ces ornemens de cifelure ancienne , 6c aux circonvolutions des ouvrages à filigrane ; mais on apperçoit dans ces marques une telle fécondité d'imagination, que de cent hommes qui fembîoient au premier coup-d'œil porter exactement les mêmes figures , nous n'en trouvâmes pas deux qui en cuffent de femblables, lorique nous les examinâmes de près. Nous obfervâmes que la quantité 6c la forme de ces marques étoient différentes dans les diverfes parties de la côte; 6c comme les Otahitiens les placent principalement fur les fefîès , dans la Nouvelle-Zélande c'étoit quelquefois la feule partie du corps où il n'y en eût point, 6c en général elle étoit moins marquée que les autres. Ces peuples ne teignent pas feulement leur peau, ils y appliquent auili de la peinture ; car, comme je l'ai remarqué plus haut , ils barbouillent leurs corps avec de l'ocre rouge ; quelques - uns le frottent avec cette matière fèche, d'autres l'appliquent en larges / t taches, môle avec de l'huile, qui refte toujours humide ; auili n'étoit-il pas poiTible de les toucher fans remporter des marques de peinture, de forte que les permîmes de notre équipage qui donnoient quelques bai-fers aux femmes, du pays , en portoient les traces, empreintes fur le vifage. L'habillement d'un habitant de la Nouvelle-Zélande eft, au premier coup-d'œil d'un étranger , le plus bifarre & le plus groilier qu'on puiife imaginer. 11 eft compofé des feuilles d'une efpèce de glayeul, décrit parmi les productions végétales de ce pays : ils coupent ces feuilles en trois ou quatres bandes , ôc , lorfqu'elles font fèches , ils les entrelaffent les unes dans les autres, & en forment une efpèce d'étoffe qui tient le milieu entre le rozeau & le drap : les bouts des feuilles , qui ont huit ou neuf pouces , s'élèvent en faillie à l'endroit de f étoffe, comme la peluche ou les nattes qu'on étend fur nos efcaliers. Il faut deux pièces de cette étoffe , fi on peut lui donner ce nom , pour un habillement complet : l'une eft attachée fur les épaules avec un cordon , & pend jusqu'aux genoux : ils attachent au bout de ce cordon une aiguille d'os, qui paife aifément a travers les deux parties de ce vêtement de deffus & les joint enfèmble : l'autre pièce eft enveloppée autour de la ceinture & pend prefque à terre. Les hommes ne portent pourtant que dans des occafions particulières cet habit de deifous; mais ils ont une ceinture k laquelle pend une petite corde deftinée k un ufage très - finguiier. Les Infulaires de la mer du Sud fè fendent le prépuce, afin de l'empêcher de couvrir le gland ; les habitans de la Nouvelle - Zélande ramènent au contraire le prépuce fur le gland ; & afin de l'empêcher de fe retirer par la contraction naturelle de cette partie , ils en nouent l'extrémité avec le cordon attaché à leur ceinture. Le gland paroiffoit être la feule partie de leur corps qu'ils fulfent foigneux de cacher; ils fe dé-pouilloient fans le moindre fcrupule de tous leurs vê-temens excepté de la ceinture & du cordon ; mais ils étoient très-confus , lorfque , pour fatisfaire notre eu-riofité, nous les priions de délier le cordon , & ils n'y confentirent jamais qu'avec des marques de répugnance èc de honte extrêmes. Quand ils n'ont que leurs vê-temens de deifus & qu'ils s'accroupiffent , ils reifem-blent un peu à une maifon couverte de chaume; quoique cette couverture foit défagréable , elle eft bien adaptée à la maniere de vivre d'hommes qui couchent fouvent en plein air, fans avoir autre chofe pour fe mettre a l'abri de la pluie. Outre l'efpèce d'étoffe groiîière dont nous ve* nons de parler, ils en ont deux autres , qui ont la fur-face unie & qui font faites avec beaucoup d'art, de la même manière que celles qui font fabriquées par les habitans de l'Amérique méridionale, ôc dont nous achetâmes quelques pièces à Rio-Janeiro. L'une de celles-ci eft auili groifière , mais dix fois plus forte que nos ferpilieres les plus mauvaifes ; pour la manufactur rer ils en arrangent les fils à-peu-près crurime nous. La feconde fe fait en étendant pluiieurs fils , Prcs les uns des autres dans la même direction , ce qui com- pofe pofe la chaîne, & par d'autres fils de traverfe qui fer- - vent de trame; ces fils font éloignés d'environ un demi- I77°* • 1 rr j 1 Mais, pouce les uns des autres , ôc ils reliemblent un peu aux morceaux de canne dont on fait de petites nattes rondes qu'on place quelquefois fur nos tables ious les plats. Cette étoffe eft fouvent rayée 6c elle a toujours une affez belle apparence , car elle eft fabriquée avec les fibres de la même plante, qui eft bufante comme la foie. Ils la manufacturent dans une efpèce de chaifis de la grandeur de l'étoffe qui a ordinairement cinq pieds de long 6c quatre de large ; les fils de la chaîne íont attachés aux bouts du chaifis ; la trame fe fait à. la main, ce qui doit être un travail très-ennuyeux*. Ils font à l'extrémité de ces deux efpèces d'étoffe, des bordures ou franges de différentes couleurs , comme celles de nos tapis. Ces bordures font faites fur diffé-rens modèles, 6c travaillées avec une propreté 6c même une élégance qui doivent paroître furprenantes, fi fon confidère qu'ils n'ont point d'aiguilles. Le vêtement dont ils tirent le plus de vanité, eft une fourrure de chien; ils l'emploient avec tant d'économie, qu'ils la coupent par bandes, qu'ils coufent fur leur habit a quelque diftance l'une de l'autre , ce qui prouve que les chiens ne font pas abondans dans leur pays. Ces bandes font auffi de diverfes couleurs , 6c elles font dif-pofées de manière à produire un effet agréable. Nous avons vu , mais rarement, quelques habillemens ornés de plumes au Heu de fourrure , 6c nous en avons apperçu un qui étoit entièrement couvert de plumes rouges de perroquet. Tome III. Mm J'ai déjà décric l'habillement de l'homme qui fut tué , Iorfque nous allâmes à terre pour la première fois dans la baie de Pauvreté y mais pendant notre féjour nous n'avons remarqué qu'une autre fois le même vêtement; ce fut dans le canal de la Reine Charlotte. Les femmes , contre la coutume générale de leur fexe , femblent donner moins d'attention à leur habillement que les hommes. Elles portent ordinairement leurs cheveux courts comme je Pai déjà dit, & Iorf-qu'clles les laiilènt croître, elles ne les attachent jamais fur le fommet de la tête ; elles n'y mettent pas non plus des plumes pour ornemens. Leurs vêtemens font faits de la même matière & dans la même forme que ceux de l'autre fexe ; mais celui d'en bas enveloppe toujours leur corps , excepté quand elles entrent dans l'eau pour prendre des écreviffes de mer ; elles fêtent alors , mais elles ont grand foin de n'être pas vues par les hommes. Ayant débarqué un jour fur une petite lile dans la baie de Teologa , nous en fur-prîmes pluiieurs dans cette occupation. La challe Diane & fes Nymphes ne peuvent pas avoir donné de plus grandes marques de confufion & de regret à la vue d'Acféon , que ces femmes en témoignèrent à notre approche. Les unes fe cachèrent parmi des rochers , & le reffe fe tapit dans la mer jufqu'à ce qu'elles euffent fait une ceinture & un tablier des herbes marines qu'elles purent trouver; & lorfqu'elles en fortirent, nous remarquâmes que même avec ce voile leur modeftie foufiroit beaucoup de notre préfence. J'ai deja parlé plus haut de la ceinture & du tablier qu'elles portent communément. Les deux fexes percent leurs oreilles , ôc en aggrandiflènt les trous de manière qu'on peut y faire Ann. 1770. entrer au moins un doigt. Ils panent dans ces trous des ornemens de différente efpèce , de l'étoffe , des plumes , des os de grands oifeaux ôc quelquefois un petit morceau de bois. Ils y mettoient ordinairement les clous que nous leur donnions , ainfi que toutes les autres chofes qu'ils pou voient y porter. Quelques femmes y mettent le duvet de l'albatrofs qui eft auili blanc que la neige 6c qui étant relevé , par devant 6c par derrière le trou, en une touffe prefque auííi grolle que le poing , forme un coup - d'œil très - fingulier 6c qui , quoique étrange , n'eft pas défagréable. Outre les parures qu'ils font entrer dans les trous des oreilles , ils y en fufpendent avec des cordons pluiieurs autres tels que des ciièaux ou des aiguilles de tète de talc vert, auxquels ils mettent un très-haut prix , des ongles 6c des dents de leurs parents défunts, des dents de chien 6c toutes les autres chofes qu'ils peuvent fe procurer , 6c qu'ils regardent comme étant de quelque valeur. Les femmes portent auili des braifelets 6c des colliers compofés d'os d'oifeaux , de coquillages ou d'autres fubftances , qu'elles prennent 6c qu'elles enfilent en chapelet. Les hommes fufpendent quelquefois à un cordon qui tourne autour de leur cou , un morceau de talc vert, ou d'os de baleine, à-peu-près de la forme d'une langue, 6c fur lequel on a groifiè-rement fculpté la figure d'un homme; ils cftiment fort cet ornement. Nous avons vu un Zélandois dont le cartilage qui fépare les narrines 6c que les anatomices appellent fiptum nafi, étoit percé,' 6c il y avoit M m ij "" ' fait paffer une plume qui s'avançoit en faillie de cha-Ann. 1770. que coté fur les joues. Il eft probable quii avo t adopté cette fingularité bifarre comme un ornement ; mais parmi tous les Indiens que nous avons rencontrés , aucun n'en portoit de femblable ; nous n'avons pas même remarqué à leurs nés de trou qui pût fervir à un pareil ufage. Habitations. Leurs habitations font les plus groffiers ôc les moins induflrieux de leurs ouvrages : excepté en grandeur , elles font a peine égales au chenil des chiens en Angleterre. Elles ont rarement plus de dix-huit ou vingt pieds de long, huit ou dix de large , ôc cinq ou fix de haut, depuis la poutre , qui fe prolonge d'une extrémité à l'autre, ôc qui forme le faîte jufqu'à terre. La charpente eft de bois , 6c ordinairement de perches minces ; les côtés ôc le toit font compoiés d'herbes sèches & de foin , ôc il faut avouer que le tout eff. îoint enlèmble avec bien peu de folidité- Il y en a quelques-unes garnies en-dedans d'écorces d'arbres , de forte que dans un tems froid elles doivent procurer un très-bon afyle. Le toit eli incliné comme celui de nos granges ; la porte eft à une des extrémités ôc n'a que la hauteur fuffifante pour admettre un homme, qui fe traîne en y entrant fur fes mains & fes genoux Près de la porte il y a un trou carré qui fert a la fois de fenêtre 6c de cheminée ; car le foyer eil à cette extrémité , à peu près au milieu de l'habitation , 6c entre les deux côtés. Dans quelque partie viiible , 6c ordinairement près de la porte , ils atrachent une planche couverte de fculpture à leur manière. Cette planche a pour eux autant de prix qu'un tableau en a pour nous. Les côtés & le toit s'étendent à environ deux pieds en Ann-T77o. ■ Jvliirs. dehors de chaque extrémité, de manière qu'ils forment une efpèce de porche où il y a des bancs pour l'ufage de la famille. La partie du terrein qui eft deftinée pour le foyer eft enfermée dans un carré creux entouré de petites cloifons de bois ou de pierre, & c'eft au milieu qu'on allume le feu Le long des côtés, dans l'intérieur de l'habitation , ils étendent un peu de paille fur laquelle ils fe couchent. Leurs meubles ce uftenfiles font en petit nom- Meubles, bre , & un coffre les contient ordinairement tous , fi l'on en excepte leurs paniers de proviiions , les citrouilles où ils confervent de l'eau douce , ôc les maillets dont ils battent leur racine de fougère ; ceux-ci font dépofés communément en dehors de la porte. Quelques outils groihers , leurs habits , leurs armes , & les plumes qu ils mettent dans leurs cheveux, com-pofent le refte de leurs tréfors. Ceux qui font d'une claffe diftinguée ôc dont la famille eft nombreufe , ont trois ou quatre habitations enfermées dans une cour j les cloifons en font faites avec des perches & du foin, ôc ont environ dix ou douze pieds de hauteur. Lorsque nous étions a terre , dans le canton appelle Tolaga , nous vîmes les ruines ou plutôt la charpente d'une maifon qui n'avoit jamais été achevée, ôc qui étoit beaucoup plus grande qu'aucune de celles que nous avions trouvées ailleurs ; les côtés en étoient ornés de pluiieurs planches fculptées & beaucoup mieux travaillées que nous n'en avions encore vu ; mais nous n'avons pas pu favoir à quel ufage elle aiaî'I77°* av°ic été commencée, & pourquoi on ne favoit point Ai ars. /- . nnie. Quoique ces Peuples foient affez bien défendus de l'inclémence du tems dans leurs habitations, lorfqu'ils font des excurfions pour chercher des racines de fougère , ou pécher du poiífon , ils paroiifent ne s'embarra île r en aucune manière d'avoir un abri. Ils s'en font quelquefois un contre le vent ; d'autres-fois ils ne prennent pas même cette précaution ; ils couchent fous des buifTons avec leurs femmes & leurs enfans , leurs armes rangées autour d'eux , ainfi que je l'ai déjà décrit. La troupe de quarante ou cinquante Indiens que nous vîmes à la baie de Mercure, dans un difhïèt que les Naturels du pays appellent Opoorage , ne conítruiíit jamais le moindre abri pendant que nous y étions , quoique la pluie tombât quelquefois pendant vingt-quatre heures fans difeontinuer. Nous avons déjà fait l'énumération de ce qui com-pofe leurs alimens. La racine de fougère efl le principal ; elle leur fert de pain ; elle croît fur les collines , & c'eft à peu près la même que celle que pro-duifent les communes élevées d'Angleterre , & qu'on appelle indifféremment en Anglois Fem, Bracken } ou Brakes. Les oifeaux qu'ils mangent les jours de régal, confinent fur-tout en pingoics , albatrofs , & en un petit nombre d'autres efpèces dont on a parlé dans le cours de cette relation. Alimens. Cuifîne. Comme ils n'ont point de vafe où ils puifient faû*© bouillir de l'eau , ils n'ont d'autre manière d'apprêter les alimens que de les cuire dans une efpèce de four ou de les rôtir. Ils font des fours femblables a ceux des infulaires des mers du Sud ; ôc nous n'avons rien à ajouter à la defcription qui a déjà été donnée de leur manière de rôtir les alimens, iìnon que la longue broche à laquelle ils attachent la viande, efl placée obliquement vers le feu ; pour cela , ils engagent l'extrémité de la broche fous une pierre, ce ils la foutiennent à - peu - près dans le milieu avec une autre félon qu'ils approchent plus ou moins de l'extrémité cette feconde pierre , ils augmentent ou diminuent comme il leur plaît, le degré d'obliquité de la broche. J'ai obfervé ailleurs qu'au Nord de la Nouvelle-Zélande ,■ il y a des plantations d'ignames , de pommes de terre ôc de cocos ; mais nous n'en avons point vu de pareilles au Sud. Les habitans de cette partie du pays doivent donc vivre uniquement de racine de fougère 6c de poiífon , ii l'on en excepte les reffources accidentelles 6c rares qu'ils peuvent trouver dans les oifeaux de mer 6c les chiens. Il efl; certain qu'ils ne peuvent pas fe procurer de la fougère 6c du poifîbn dans toutes les faifons de l'année , puifque nous en avons vu des proviiions sèches mifes en tas , 6c puifque quelques-uns d'eux témoignèrent de la répugnance à nous en vendre , fur-tout du poiífon , lorfque nous avions envie d'en acheter pour l'embarquer. Cette cir-conitance paroît confirmer le fentiment où je fuis que ce pays fournit à peine à la fubfiftance de fes habitans , que la faim porte en conféquence à des hoffilités continuelles , 6c excite naturellement à manger les cadavres de ceux qui ont été tués d. ns les combats. Nous n'avons pas découvert qu'ils aient d autre boilfon que de l'eau , fi réellement ils ne font point ufage de liqueurs enivrantes , ils font en ce point plus heureux que tous les autres peuples que nous avions viiités jufques-là , ou dont nous a) ions jamais entendu parler. Comme l'intempérance & le défaut d'exercice font peut-être l'unique principe des maladies critiques ou chroniques, il ne paroîtra pas fu- prenant que ces peuples jouilîent fans interruption d'une fan té parfaite. Toutes les fois que nous fommes allés dans leurs bourgs, les enfans ôc les vieillards , les hommes ôc les femmes fe raffembloient autour de nous , excités par la même curiofité qui nous portoit à les regarder ; nous n'en avons jamais apperçu un feul qui parût affecté de quelque maladie ; & parmi ceux que nous avons vu entièrement nuds, nous n'avons jamais remarqué la plus légère éruption fur la peau , ni aucune trace de pustules ou de boutons. Lorfqu'ils vinrent près de nous dans les premières vifites , ôc que nous obfervâmes fur différentes parties de leur corps des taches blanches , qui fembioient former une croûte, nous crûmes qu'ils étoient lépreux , ou au moins attaqués violemment du feorbut , mais en examinant ces marques de plus près , nous trouvâmes qu'elles provenoient de l'écume de la mer qui , dans le pafîage , les avoit mouillés, 6c qui , s'étant defféchée, avoit laiifé fur la peau des fels en fine poudre blanche. Nous , Nous avons fait mention plus haut d'une autre ""itüül'T'ü preuve de la fante de ces peuples , en parlant de la Ann. 1770. facilité avec laquelle des bleilures très - récentes fe guérirent 6c fe cicatrisèrent. Lorfque nous examinâmes l'homme qui avoit reçu une balle de fufil à travers la partie charnue du bras , fa bleifure paroilfoir. en fi bon état 6c ii près d'être guérie, que ii je n'avois pas été sûr qu'on n'y avoit rien mis , j'aurois , pour l'intérêt de l'humanité , pris des informations fur les plantes vulnéraires-, 6c fur les pratiques chirurgicales du pays. Ce qui prouve encore que les habitans de ce pays font exempts de maladie, c'eit le grand nombre de vieillards que nous avons vus , 6c dont pluiieurs , à en juger par la perte de leurs cheveux 6c de leurs dents , fembloient être très-âgés : cependant aucun d'eux n'étoit décrépit, 6c quoiqu'ils n'euifent plus dans les mufcles autant de force que les jeunes, ils n'étoient ni moins gais ni moins vifs. Tome III. Nn z8i V o y a g e CHAPITRE XI. Des Pirogues & de la navigation des Habitans de la Nouvelle-Zélande. Agriculture, Armes & Mu fique ; Gouvernement , Religion & Langage de ces Infulaires. Objections contre Vexijlcnce d'un Continent méridional. L industrie de ces Peuples fe montre dans leurs Ann. 1770. • , , i ii r Mars pirogues plus que dans toute autre choie ; elles iont Pirogues, longues ce étroites , & d'une forme très-reffemblante aux bateaux dont on fe fert pour la pêche de la baleine dans la Nouvelle-Angleterre. Les plus grandes de ces pirogues femblent être deftinées principalement à la guerre, & elles portent de quarante à quatre-vingt ou cent hommes armés. Nous en mefurâmes une qui étoit à terre à Tolaga ; elle avoit foixante-huit pieds & demi de long, cinq de large, ck trois & demi de profondeur. Le fond étoit aigu avec des côtés droits en forme de coins. Il étoit compofé de trois longueurs creufées cfenviron deux pouces , d'un pouce & demi d'épaiffeur , & bien attachées enfembîe par un fort cordage. Chaque côté étoit fait d'une feule planche de ioixante-trois pieds de long, de dix ou douze pouces de large , & d'environ un pouce & »n quart d'épaiffeur ; elles étoient toutes jointes fortement au fond, & avec beaucoup d'adreffe. Us avoient -ZRC -M 2P 50 83 25 placé de chaque côté Un nombre confìdérable de tra- -^S verfes d'un plat-bord jfc l'autre, afin de renforcer le Ann. 17781« bateau. L'ornement de l'avant de la pirogue s'avançoit de cinq ou fix pieds au-delà du corps du petit bâtiment , ôc il avoit environ quatre pieds & demi de haut. Celui de la poupe étoit attaché fur l'extrémité, de l'arrière , comme l'étambord d'un vaiiîeau l'cir. fur fa quille , Ôc il avoit environ quatorze pieds de haut, deux de large , ôc un pouce & demi d'épaiffeur. Ils étoient compofés tous deux de planches fculptées, dont le deffein étoit beaucoup meilleur que l'exécution. Toutes les pirogues font confiâmes d'après ce plan > fi l'on excepte un petit nombre d'autres que nous avons vues à Opoorage ou dans la baie de Mercure, Ôc qui étoient d'une leule piece ôc creufées au feu. Il y en a peu qui n'aient pas vingt pieds de long Quelques-unes des plus petites ont des balanciers : ils en joignent de tems en tems deux cniemble ; mais cela eil très-rare. La iculpture des ornemens de la poupe & de la proue des petites pirogues qui femblent deftinées uniquement à la pêche, confifte dans la figure d'un homme dont le vifage eii auili hideux qu'on puiife l'imaginer ; il fort de la bouche une langue monf-trueufe ; ôc des coquillages blancs d'oreilles de mer lui fervent d'yeux. Mais les plus grandes pirogues, qui femblent être leurs bâtimens de guerre, font magnifiquement ornées d'ouvrages à jour , & couvertes de franges flottantes de plumes noires qui forment un conp d'oeil agréable ; les planches dû plat-bord font fculptées auili , fouvent dans un goût gro-tcique , ôc décorées de touffes de plumes blanches Nn ij placées fur un fond noir. Une description verbale d'objets entièrement nouveaux ne peut en donner une juite idée , qu'en faifant appercevoir la reiTemb!ai ce qu ils ont avec d'autres objets que nous connoilîons déjà , & auxquels il faut rappeller fefprit du Leèleur. La fculpture de ces peuples étant d'une efpèce iingu-lière , ôc ne reflèmblant à rien de ce que nous con-noiifons en Europe , je fuis obligé de renvoyer fur cette matière aux figures qu'on trouvera dans la planche ci-jointe. Les pagaies des pirogues font petites, légères ôc très-proprement faites ; la pale efl: de forme ovale , ou plutôt elle reflemble à une large feuille. Elle eft pointue au bout , plus large au milieu , Ôc elle diminue par degrés jufqu'à la tige ; la pagaie a environ fix pieds dans toute fa longueur; la tige, y compris la poignée , en comprend quatre ôc la pale deux. Au moyen de ces rames , ils font marcher leurs pirogues avec une vîteffe furprenante. Ils ne font pas fort habiles dans la navigation, ne connoiffant point d'autre manière de faire voile que d'aller devant le vent. La voile , qui efl de natte ou de réfeau , eft dreifée entre deux perches élevées fur chaque plat-bord , ôc qui fervent à la fois de mâts ôc de vergues. Deux cordes correfpondent à nos écoutes, ôc font par conféquent attachées au-dellus du iommet de chaque perche. Quelque groiîier ôc quelqu'incom-mode que foit cet appareil , les pirogues marchent fort vite devant le vent} elles font gouvernées par deux Ann. 1770. Mars. hommes aiTis fur la poupe , 6e qui tiennent pour cela chacun une pagaie dans leur main. Après avoir déraille les produit ions de leur induftrie, Qutils inC_ je vais donner quelque deicription de leurs outils. Ils trumens. ont deux fortes de haches 6e des ciieaux qui leur fervent auffi de tarières pour faire des trous. Comme ils n'ont point de métaux, leurs haches font faites d'une pierre noire 6c dure , ou d'un talc verd compact 6c qui ne caife pas. Leurs cifeaux font compoiés d'offe-mens humains, ou de morceaux de jafpe qu'ils coupent dans un bloc en petites parties angulaires 6c pointues, reffemblantes à nos pierres à fufil. Ils efti ment leurs haches plus que tout le refte de ce qu'ils pofsédent, 6c ils ne voulurent jamais nous en céder une feule, queî-qu'échange que nous leur préfentaiîions. J'offris une fois une de nos meilleures haches 6c beaucoup d'autres chofes contre une des leurs , mais le propriétaire ne voulut pas me la vendre ; d'oii je conclus que les bonnes haches font rares parmi eux. Ils employent leurs petits outils de jafpe pour finir leurs ouvrages les plus délicats ; comme ils ne lavent pas les aiguiier , ils s'en fervent juiqu'à ce qu'ils foient entièrement émouf-fés , 6c alors ils les jettent là. Nous avons donné aux habitans de Tolaga un morceau de verre , & en peu de tems ils trouvèrent moyen de le trouer , afin de le fulpendre avec un fil autour de leur col comme un ornement ; nous imaginons que l'inffrument dont ils fe fervirent pour cela étoit de jafpe. Nous n'avons pas pu apprendre avec certitude comment ils fabriquent le taillant de leurs outils , 6c de quelle ma- nière ils aiguifent larme qu'ils appellent patou-patou ; ^ M I77°* ma^S C'e^ Pro^a^'cmcnt Cü réd'uiiant en poudre un morceau de la môme matière , ck en émouîant , au moyen de cette poudre , deux pièces 1 une contre l'autre. Filets, J'ai déjà, fait mention de leurs filets, & fur-tout de leur feine , qui eft d'une grandeur énorme , nous en avons vu une qui iembîoit être l'ouvrage des habitans de tout un village ; je crois auffi quelle leur appartenoit en commun. J'ai donné une delcription particulière de l'autre filet qui eft circulaire , 6e qui s'étend , au moyen de deux ou trois cerceaux ; j'ai auili parlé de la manière dont ils l'amorcent & dont ils s'en fervent. Leurs hameçons font d'os ou de coquilles, ce en général ils font mal faits. Ils ont des paniers d'ofier de différente efpèce 6c de différente grandeur , dans lefquels ils mettent le poiífon qu ils prennent, 6c où ils ierrent leurs proviiions. Agriculture. Leur culture eft auili parfaite qu'on a lieu de l'attendre d'un pays où un homme ne sème que pour lui, 6c où la terre donne à peine autant de fruits qu'il en faut pour la fubfiftance des habitans. Lorfque nous allâmes pour la première fois à Tegadoo , canton fitué entre la Baie de Pauvreté 6c le Cap Ejl, leurs ie-menecs venoient d'être miles en terre 6c n'avoient pas encore commencé à germer : le terreau étoit auiîl uni que celui de nos jardins ; chaque racine avoit un petit mondrain rangé par lignes en quinconce régulier , 6c k s chevilles de bois qui avoient fervi pour cela étoient encore fur le champ. Nous n'avons pas eu oc- ^3302591 caiion de voir travailler les Laboureurs ; mais nous - - avons examiné l'inftrument qui leur fert à la fois de ann. 1-70. bêche & de charrue. Ce n'eft qu'un long pieu étroit & aiguifé en tranchant à un des bouts , avec un petit morceau de bois attaché tranfvcrfalement à peu de diftance au-deffus du tranchant, afin que le pied puiife commodément le faire entrer dans la terre ; ils retournent des pièces de terre de fix ou fept acres d'étendue avec cet inftrument , quoiqu'il n'ait pas plus de trois pouces de large ; mais comme le fol eft léger & fabloncux, il fait peu de réfiftance. C'est dans la partie feptentrionale de la Nouvelle-Zélande que l'Agriculture , fart de fabriquer des étoffes & les autres arts de la paix, femblent être mieux connus & plus pratiqués. On en trouve peu de veftiges dans la partie méridionale , mais les arts qui appartiennent à la guerre ione très-floriifans fur toute la cote. Leurs armes ne font pas en grand nombre, mais Armes, elles font très-propres à détruire leurs ennemis ; ils ont des lances , des dards , des haches de bataille & le patou-patou ; la lance à quatorze ou quinze pieds de long ; elle eft pointue aux deux bouts , & quelquefois garnie d'un os , on Y empoigne par le milieu , de forte que la partie du derrière balançant celle de devant, elle porte un coup plus difficile a parer , que celui d'une arme qu'on tient par un des bouts. Jai déjà donné une defciiption fuffifanie du dard & des autres armes , & j'ai remarqué auffi que ces peuples n'ont ni fronde, ni arcs. Ils lancent le dard, ainfi que les pierres , avec la main ; mais ils s'en fervent rarement, — fi ce n'eft pour la défenfe de leurs forts. Leurs com-°- bats dans les pirogues ou à terre fe font ordinairement de corps à corps ; le maifacre doit par conféquent être fort grand , puifque fi le premier coup de quelques-unes de leurs armes porte, ils n ont pas beioin d'en donner un fécond pour tuer, leur ennemi. Ils paroiifent mettre leur principale confiance dans le patou-patou, qui eft attaché k leur poignet avec une forte courroie , de peur qu'on ne le leur arrache par force , les principaux perfonnages du pays le pendent ordinairement à leur ceinture , comme un ornement militaire , 6c il fait partie de leur habillement, comme le poignard chez les Afiatiques & l'épée chez les Européens. Ils n'ont point d'armure défënfive , mais outre leurs armes, les chefs portent un bâton de diftinefion, comme nos Officiers portent un fponton. C'étoit communément une côte de baleine, auffi blanche que la neige , 6c décorée de Sculpture, de poil de chien 6c de plumes ; c'étoit d'autres-fois un bâton d'environ fix pieds de long orné de la même manière , 6V. incrufté de coquillages reflemblans à la nacre de perle. Ceux qui portent ces marques de diftinèlion font ordinairement vieux , ou au moins ils ont pallé le moyen âge ; ils ont auili fur le corps plus de taches à'Amoco que les autres. Toutes les pirogues qui vinrent nous attaquer avoient chacune k bord un ou pluiieurs Indiens ainfi diftin-gues , fui vant la grandeur du bâtiment. Lorfqu'elles s'étoienr approchées k environ une encablure du vaiffeau , elles avoient coutume de s'arrêter, 6c les chefs fe levant de leur fiége , ils endoffoient un vêtement qui fembloit delfine pour cette occaiion , & qui étoit ordinairement une peau de chien. Ils prenoient en main leur bâton de diftincfion ou une arme, ôc ils montroient aux autres habitans ce qu'ils dévoient faire. Quand ils fe trou voient à une trop grande diitance pour nous atteindre avec la lance ou avec une pierre , ils croyoient auifi qu'ils n'étoient pas à la portée de nos armes ; alors ils nous adrelloient leur défi , dont les mots étoient prefque toujours les mêmes, Haromai, harornai, harrc uta a patou-patou oge : ce V enez à nous, » venez ,à terre , ôc nous vous tuerons tous avec nos » patou-patous ». Pendant qu'ils proféreient ces menaces , ils s'approchoient infenfiblement jufqu'à ce qu'ils fulîént tout près du vaiffeau. Ils parloient par intervalles d'un ton tranquille , Ôc répondoient à toutes les queftions que nous leur faifions ; d'autres-fois ils renouvelloient leur défi Ôc leurs menaces, jufqu'à ce qu'enfin encouragés par la timidité qu'ils nous fup-pofoient, ils commençoient leur chanfon ôc leur danfe de guerre ; c'étoit le prélude de l'attaque , laquelle duroit quelquefois fi long-tems , que , pour la faire finir , nous étions obligés de tirer quelques coups de fuiils. Quelquefois ils fe retiroient après nous avoir jette quelques pierres à bord , comme s'ils euffent été conteos de nous avoir fait une infulte dont nous n'o-fions pas nous venger. La danfe de guerre connfte en un grand nombre de mouvemens violens & des contorfions hideufes de membres ; le vifage y joue un grand rôle ; fouvent Tome III. Oo ¿ ils font fortir de leur bouche une langue d'une Ion-Ann. 1770. gUeur incroyable , ôc relèvent leurs paupières avec tant de force , qu'on apperçoit tout le blanc de l'œil en haut ôc en bas , de manière qu'il forme un cercle autour de l'iris. Us ne négligent rien de tout ce qui peut rendre la figure de l'homme difforme ôc effroyable ; pendant cette danfe, ils agitent leurs lances , ils ébranlent leurs dards , & frappent l'air avec leurs patou-patous. Cette horrible danfe eft accompagnée d'une chanfon , fauvage il eft vrai , mais qui n'eft point défagréable ôc dont chaque refrain fe termine par un foupir élevé ce profond qu'ils pouffent de concert. Nous vîmes dans les mouvemens des dan-feurs une force , une fermeté & une adreffe que nous ne pûmes pas nous empêcher d'admirer ; dans leurs chanfon s ils gardent la mefure avec la plus grande exactitude ; j'ai entendu plus de cent pagaies frapper à la fois avec tant de précifion contre les côtés de leurs pirogues, qu'elles ne produifoient qu'un feul ion , à chaque tems de leur mufique. Ils chantent quelquefois pour s'amufer ôc fans l'accompagner de danfe , une chanfon qui n'eft pas fort différente de cejle-là ; nous en avons entendu auffi de tems en tems d'autres chantées par les femmes , dont les voix font d'une douceur & d'une mélodie remarquables , ôc ont un accent agréable Ôc tendre. La mefure en eft lente ôc la chute plaintive. Toute cette mufique , autant que nous en pûmes juger fans avoir une grande connoiifance de l'art , nous parut exécutée avec plus de goût qu'on n'a lieu de l'attendre de fau- vages pauvres & errans dans un pays à moitié défère. Nous crûmes que leurs airs étoient h pluiieurs parties; du moins eil-il certain qu'ils étoient chantés par pluiieurs voix enfemhîe. fis ont des iniirumens ion ores, mais on peut à peine leur donner le nom d'inilrumens de muilque : l'un eil la coquille appellée la trompette de Triton, avec laquelle ils font un bruit qui n'eft pas différent de celui que nos bergers tirent de la corne d'un beuf. L'autre efl une petite flûte de bois reffemblant à une quilfe d'enfant , mais beaucoup plus petite , & auili peu harmonieufe que le fifflet que nous appelions pea-whijlle. Us ne paroiffent pas regarder ces iniirumens comme fort propres à la mufique ; car nous ne les avons jamais entendu y joindre leurs voix ni en tirer des fons mefurés qui euifent la moindre reifemblance avec un air. Après ce que j'ai déjà dit fur l'ufage où font ces Indiens de manger de la chair humaine , j'ajouterai feulement que dans prefque toutes les anfes où nous débarquâmes, nous avons trouvé des os humains encore couverts de chair , près des endroits où l'on avoit fait du feu , & que parmi les têtes qui furent apportées à bord par le vieillard , quelques-unes fembloient avoir des yeux & des ornemens dans leurs oreilles , comme fi elles eufTènt été vivantes. Celle que M. Banks acheta lui fut vendue avec beaucoup de répugnance. Elle paroiifoit évidemment avoir été celle d'un jeune homme d'environ quatorze ou quinze ans , & par les contuiions que nous appercûmes a l'un des côtés , Oo ij nous jugeâmes qu'elle avoit été frappée de pluiieurs coups vioiens \ il lui manquent même près de l'œil une partie de l'os. Ceci nous confirma dans l'opinion que ces Infulaires ne font point de quartier , 6c qu'ils ne gardent aucun prifonnier pour les tuer Ôc les manger dans la fuite , comme les habitans de la Floride • car s'ils avoient conferve des prifonniers > ce pauvre jeune homme qui n'étoit pas en état de faire beaucoup de réfiftance, auroit probablement été du nombre ; nous favons d'ailleurs qu'il fut tué avec les autres , puifque le combat s'étoit paffé peu de jours avant notre arrivée. Nous avons donné ailleurs une defeription affez détaillée des bourgs ou hippahs de ces peuples , qui font tous fortifiés , 6c depuis la baie Plcnty , ( d'abondance ) jufqu'au canal de la Reine Charlotte , les habitans femblent y rèiider habituellement ; mais dans les environs de la baie de Pauvreté, de la baie de Hawke, de Tegadoo & de Tolaga , nous n'avons point vu de hippahs, mais feulement des maifons ifolées 6c difperlées k une certaine diitance l'une de l'autre ; cependant fur les côtés des collines, il y a des plateformes fort longues, garnies de pierres 6c de dards ; elles fervent probablement de retraites a ces peuples quand ils font réduits k la dernière extrémité ; effectivement les hommes qui font en haut peuvent combattre avec beaucoup d'avantage contre ceux qui font au-deffous , & fur qui ils peuvent faire pleuvoir des dards 6c des pierres , tandis qu'il eft im-pofîible k ceux-ci d'employer de pareilles armes avec une égale forte. Il eft probable que les forts ne ■M HMMMm fervent à ceux qui en font les maîtres, que pour réprimer une attaque fubite ; car comme les défenfeurs ..^jT^' de la place n'ont point d'eau , il leur feroit im podi ble de foutenir un fiége. Cependant ils y amaffent des quantités coniidérables de racines de fougère & de poiffons fecs ; mais ce font probablement des proviiions de réfcrve pour les tems de difette qui furvien-nent de tems en tems , comme nos obiervations ne laiflënt aucun lieu den douter. D'ailleurs , pendant que l'ennemi rôde dans le voiiinage , il peut être aifé aux habitans du fort de fe procurer de l'eau fur le penchant de la colline , au lieu qu'ils ne pourroient pas recueillir de même de la racine de fougère ni prendre du poiífon. Les peuples de ce canton nous paroîifent fentir tous les avantages de leur .fituation , auili avoient-ils l'air de vivre dans la plus grande fécurité ; leurs plantations étoient plus nombreules, leurs pirogues mieux décorées y ils avoient de plus belles fculptures & des étoffes plus fines. Cette partie de la côte étoit auffi la plus peuplée ; peut-être devoient-ils l'abondance & la paix dont ils jouiffoient en apparence 5 à l'avantage d'être réunis fous un chef ou Roi ; car tous les habitans de ce difirici: nous dirent qu'ils étoient fu jets de Tératu. Quand ils nous indiquèrent de la main la réfidence de ce Prince , nous jugeâmes que c'étoit dans Pinte-rieur des terres 7 mais , lorfque nous connûmes un peu mieux le pays , nous trouvâmes que c'étoit dans la baie d'Abondance ( Plenty). Il cil fort à regretter que nous ayions été obligés Ann. 1770. ¿e qui^er Ja Nouvelle-Zélande , fans rien connoître IVlars. Gouverne- ^e Tératu que fon nom. Son territoire eft certainement, ment très-étendu , car il étoit reconnu pour Souverain depuis le Cap Kidnappers, au Nord &c a l'Oueft, jufqu^i la Baie à?Abondance\ cette longueur de la côte comprend plus de quatre-vingt lieues, ôc nous ne favons pas jufqu'où fes domaines pouvaient s'étendre k l'Oueit. Les villes fortifiées que nous avons vues dans la Baie d'Abondance étoient peut-être les barrieres de íes états ; d'autant qu'a la Baie de Mercure > les habitans n'étoient point fournis à ion autorité ni a celle d'aucun autre chef; car par-tout où nous débarquâmes, ôc toutes les fois que nous parlâmes aux habitans de cette côte, ils nous dirent que nous n'étions qu'à peu de diitance de leurs ennemis. Nous avons trouvé dans les domaines de Tératu pluiieurs chefs iubalternes pour lefquels on avoit beaucoup de refpeci;, 6c qui adminiftroient probablement la juitice. Lorique nous portâmes des plaintes k l'un deux » fur un vol commis k bord du vaiffeau par un habitant , il donna au voleur pluiieurs coups de pied 6c de poing que celui-ci reçut comme un châtiment infligé par une autorité a laquelle il ne devoit point faire de réiiftancc , 6c dont il n'avoit pas droit de marquer du refíen timen t ; nons n'avons pas pu apprendre fi cette autorité fe tranfmettoit par héritage ou par nomination j mais nous avons remarqué que dans cette partie de la Nouvelle-Zélande ainfi que dans d'autres, les chefs étoient des hommes âgés. Nous ......"""" avons appris cependant que dans quelques diflricfs Ann. 1770» l'autorité des chefs étoit héréditaire. Les petites fociétés que nous trouvâmes dans les parties méridionales de la Nouvelle-Zélande icrnbloient avoir pluiieurs chofes en commun , 6c en particulier leurs belles étoffes 6c leurs filets de pêche. Elles confer-voient leurs étoffes, qui étoient peut-être des dépouilles de guerre , dans une petite hutte, conflruite pour cet effet au milieu du bourg. Dans prefque toutes les maifons, nous vîmes des hommes travailler aux filets, dont ils raffembloient enfuite les différentes parties pour les joindre enfemble. Les habitans de la Nouvelle-Zélande femblent faire moins de cas des femmes que les Infulaires de la mer du Sud, 6c telle étoit l'opinion de Tupia, qui s'en plaignoit comme d'une affront fait au fexe. Nous remarquâmes que les deux fexes mangeoient enfemble, mais nous ne lavons pas avec certitude la maniere dont ils partagent entr'eux les travaux. Je fuis porté à croire que les hommes labourent la terre, font des filets, attrapent des oifeaux vont dans les pirogues pour pêcher ; 6c que les femmes recueillent la racine de fougère , raiiemblent près de la grève les écreviflès de mer 6c les autres poiffons à coquille, apprêtent les alimens 6c fabriquent l'étoffe : telles étoient du moins leurs occupations , lorique nous avons eu occafion de les obierver, ce qui nous eft arrivé rarement; car en général, par-tout où nous allions, notre viiite faifoit un jour de fête; ir ^^^r8?! les hommes, les femmes 6c les enfans s'attroupoient Ann. 1770. autour de nous , ou pour fatisfaire leur curioiité , ou Mars' pour acheter quelques-unes des précieufes marchan-difes que nous portions avec nous, 6c qui coniiftoient principalement en clous, papiers 6c morceaux de verre. Religion. On ne doit pas fuppofer que nous avions pu acquérir des connoiifances très-étendues fur la religion de ces peuples ; ils reconnoiifent linflucnce de pluiieurs êtres fupérieurs , dont l'un eil: fuprcme ck les autres fubordonnés ; ils expliquent a-peu-près de la nume maniere que les Otahitiens, l'origine du monde 6c la production du genre-humain. Tupia cependant fembloit avoir fur ces matières de plus grandes lumières qu'aucun des habitans de la Nouvelle-Zélande j 6c lorfqu'il étoit difpofé à les inftruire , ce qu'il faifoit quelquefois par de longs difeours, il étoit sûr d'avoir un nombreux auditoire qui i'écoutoit avec un iilence ii profond, avec tant de refpeèi: 6c d'attention, que nous ne pouvions pas nous empêcher de leur fouhaiter un meilleur prédicateur. Nous n'avons pas pu favoir quels hommages ils rendent aux Divinités qu'ils reconnoiifent; mais nous n'avons point vu de lieux deftinés au culte public, comme les Moráis des Infulaires de la mer du Sud. Cependant nous avons apperçu près d'une plantation de patates douces, une petite place quarrée, environnée de pierres, 6c milieu de laquelle on avoit dreifé un des pieux pointus qui leur fervent de bêche 6c auquel étoit fufpendu un panier rempli de racines de fougère. En En queftionnant les Naturels du pays fur cet objet, ! ils nous dirent que c'étoit une offrande adreffée a leurs AniJ-i/7o« i n ■ / • Mars, dieux , par laquelle on eipéroit les rendre plus propices ôc obtenir d'eux une récolte abondante. Nous ne pouvons pas nous former une idée pré- Morts cife de la manière dont ils difpofent de leurs morts. Les rapports qu'on nous a faits fur cet objet, ne font point d'accord. Dans les parties feptentrionales de la Nouvelle Zélande, ils nous dirent qu'ils les enterroient, 6c dans la partie méridionale , nous apprîmes qu'on les jettoit dans la mer. 11 eff fur que nous n'avons point vu de tombeaux dans le pays & qu'ils affec-toient de nous cacher, avec une eipèce de fecret mystérieux , tout ce qui eft relatif à leurs morts. Mais quels que foient leurs cimetières , les vivans font eux-mêmes des efpèces de monumens de deuil. A peine avons-nous une feule perfonne de l'un ou l'autre fexe dont le corps n'eût pas quelques cicatrices des bleffu-res qu'elle s'étoit faites comme un témoignage de fi douleur pour la perte d'un parent ou d'un ami. Quelques-unes de ces bleffures étoient ii récentes que le fang n'étoit pas encore entièrement étanché , ce qui prouve que la mort avoit frappé quelqu'un fur la côte pendant que nous y étions. Cela étoit d'autant plus extraordinaire, que nous n'avions point appris qu'on eût fait aucune cérémonie funéraire. Quelques-unes de ces cicatrices étoient très-larges & très-profondes, 6c nous avons trouvé pluiieurs habitans dont elles défiguroienc le vifage. Nous avons encore obfervé dans ce pays un Tome IIL Pp . - ■ monument d'une autre efpèce , je veux dire la croix qui Ann. 1770. ¿tQ\t dreffée près du Canal de la Reine Charlotte. Mars. Religion. A près avoir décrit, le mieux qu'il m'a été poffi-ble, les ufages & les opinions des habitans de la Nouvelle Zélande > ainfi que leurs pirogues , leurs filets , leurs meubles & leurs outils , leur habillement , je remarquerai feulement que les reffemblances que nous avons trouvées entre ce pays 6c les Ifles de la mer du Sud , relativement à ces difiérens objets , font une forte preuve que tous ces Infulaires ont la même origine , & que leurs ancêtres communs étoient natifs de la même contrée. Chacun de ces peuples croit par tradition que fes pères vinrent, il y a très-longtems, d'un autre pays, & ils penfent tous , d'après cette même tradition, que ce pays s'appelloit Heawife ; mais la conformité des langages paroît établir ce fait d'une manière inconteftable. J'ai déjà remarqué que Tupia fe faifoit parfaitement entendre des Zélandois , lorfqu'il leur parloit dans la langue de fou propre pays. Je vais donner un échantillon de cette refîèmblance , en rapportant difiéreos mots des deux langues fuivant le dialeéta des Ifles feptentrionales & méridionales dont la A ou-velie Zélande eft compofée, ce on verra que l'idiome àyOtalliti ne diffère pas plus de celui de la Nouvelle-Zélande , que les dialecfes des deux Ifles de ce dernier pays , ne diffèrent l'un de l'autre. du Capitaine Cook. 199 François. Nouvelle-Zélande. Otahiti. Ann. 1770. Ifle du Nord. If e du Sud. un chef, earcete, caréete, earee. un homme, taata , taata , taata. une femme, whahine, whahine, ivahine. ¿a tete. 9 eupo , heaowpoho, eupo. les cheveux , macauwe, heoo-00, roourou. l'oreille, terringa , hetaheyei , terrea. le front, crai, heai, erai. les yeux, mata, hemata , mata. les joues , paparinga, hepapaeh , paparea. le ncz^, ahewh , heeih, ahew. la bouche , hangoutou , hegaowai, outou. le menton, ecouwai, hakaoewai, le bras, haringaring rema. le doigt, maticara, hermaigawh. , mancow. le ventre, ateraboo, oboo. le nombril y apeto, heeapeto, peto. vene^ ici , haromai, heromai, harromai. poifjon , heica, heica, eyea. écrevifje de mer , kooura j kooura, tooura. cocos , taro , taro , taro. pommes de terre cumala, cumala, cumala. douces, ignames , tuphwhe, tuphwhe, tuphwhe. oifeaux , manrm, mannu, mannu. non , kaoura , kaoura, oure. un, tahai, tahai. deux, rua , rua. ppij Mars. Francois. Nouvelle-Zélande. Otahitî* .1770. * Mars. Ifle du Nord. Ifle du Sud. trois , torou, torou. quatre, ha , hea. cinq j rema , rema. ono , ono. fept, etu, hetu. huit, warou, warou. neuf 9 iva, he va. dix j angahourou, ahourou. la dent , hennihew, heneaho, nihio. le vent, mehow, mattai. un voleur, amootoo, teto. examiner, mataketake, mataitai. chanter, eheara , heiva. mauvais, keno , keno , eno. arbres, eratou , eratou, eraou. grand-père , toubouna, toubouna, toubouna, comment appel- le?-vous ceci owy terra, owy terra ou cela* Il eft démontré par ce vocabulaire , que la langue de la Nouvelle-Zélande & celle &* O talliti, font radicalement les mêmes. Celles des parties feptentrionale & méridionale de la Nouve'lc- Zélande diffèrent fur-tout par la prononciation, ainfi qu'on voit les mêmes mots Anglois prononcés différemment dans le Comté de Middlefex & celui à'Yorck. D'ailleurs les mots en ufage dans ces deux cantons, que nous ve- nons de rapporter, n'ayant pas été écrits par la môme perfonne, il eft poííible que Tune ait employé plus de lettres que l'autre pour exprimer le même ion. Je dois obferver aufli que c'eft le génie de la langue, fur-tout dans la partie méridionale de la Nou--velie Zélande , de mettre des articles devant les noms, ainfi que nous y plaçons le, un, &c. Les articles dont ils fe fervent communément font lie ou ko c'eft encore un ufage commun parmi eux , d'ajouter le mot oeia après un autre mot, comme une repétition de la même chofe , fur-tout s'ils répondent à une queftion ; ainfi que nous difons , oui vraiment, certainement, en vérité. D'après cette pratique , nos Officiers , qui ne jugeoicnt des mots que par foreille , fans pouvoir appliquer une fignification a chaque fon , formèrent des mots d'une longueur énorme. Je vais faire entendre ceci par un exemple. Dans la Baie des Ifles il y en a une remarquable qui eft appellée par les Naturels du pays matuaro. Un de nos Officiers ayant demandé le nom de cette Ifle, un Indien répondit en y ajoutant la particule , Kematuaro l'Officier n'entendant qu'imparfaitement, répéta fa queftion , & le Zélandois réitéra fa réponfe , en ajoutant oeia > ce qui fit le mot kematua-rooeia ; il arriva de-là que dans le livre du Lok , je trouvai matuaro transformé en cumettiwarroweia. La même méprife pourroit arriver à un Etranger arrivé parmi nous. Suppofons qu'un habitant de /a Nouvelle - Zélande foit à hackney . & qu'il demande » quel village eft - ce ici v on lui répondroit » c'eft » hackney *j Supofons encore qu'il réitère la même ^ M< I77°* n11^00 avec 1111 a*r d'incertitude & de doute , on pourroit lui dire » oui vraiment c'eft hackney. Si le Zélandois iavoit écrire , ex qu'il fît un journal pour l'inftru¿lion de fes compatriotes, il y mettroit que pendant fa réfidence parmi nous, il a été au village appelle v ouìvraimente''e[ihackncy ». Les Infulaires de la mer du Sud employent les articles to ou ta au lieu du he ou du ko des Zélandois; mais ils fe fervent également du mot ocia , ce lorique nous commençâmes à apprendre la langue , nous tombâmes par-la dans pluiieurs méprifes ridicules. En admettant que le même pays a peuplé originairement ces liles, ainfi que celles des Mers du Sud, il refiera toujours à içavoir quel eft ce pays. Nous penfons unanimement que ces peuples ne viennent pas de l'Amérique , qui eft fituée a l'Eft de ces contrées; & à #ioins qu'il n'y ait au Sud un continent d'une médiocre étendue , ii s'enfuivra donc qu'ils viennent de fOueft. Notre navigation a certainement été défavorable aux idées qu'on s'étoit formées d'un continent méridional , puifque nous avons parcouru fans le trouver au moins les trois quarts des pofitions dans lefquelles on fuppofe qu'il exifte. Tafman , Juan Fernandès , l'Hermite , Commandant d'une Efcadre Hollandoife , Quiros & Roggewin font les principaux Navigateurs dont on ait cité l'autorité dans cette oeçafion , & le voyage de YEndcavour, a démontré que la terre vue par ces marins, ne faifoit pas partie d'un continent? comme on l'a cru. Il a auili entièrement, détruit les argumens phyfiques dont on s'eir. fervi pour prouver que l'exiftence d'un continent méridional étoit nécef-faire a la confervation de l'équilibre entre les deux hémifphères ; car fur ce principe , ce que nous avons déjà prouvé n'être quede l'eau , rendroit trop léger l'hé-mifphère méridional. Dans notre route au Nord , après avoir doublé le Cap Hom, lorfque nous étions au 40 d de latitude, notre longitude étoit de nod, ôc à notre retour au Sud , après avoir quitté Ulietea , quand nous nous retrouvâmes au 4o1 de latitude , notre longitude étoit de 145 e1; la différence efl donc de 3^d. Lorfque nous fûmes au 30a de latitude Nord ôc Sud, la différence de longitude entre les deux routes étoit de xid; cette différence reità la même jufqu'à ce que nous fuilions defeendus au 20 d de latitude ; mais un fimpîe coup-d'œil fur la carte fera mieux entendre ceci que la deicription la plus détaillée. Cependant, comme on trouvera dans cette carte un grand efpace qui s'étend jufqu'aux Tropiques & qui n'a été ni vifité par nous, ni par aucun navigateur de notre connoiifance , & comme on verra d'ailleurs qu'il y a affez de place pour un cap d'un continent méridional qui s'étendroit au Nord dans une latitude Sud fort avancée , je vais donner les raifons qui me portent à croire qu'au Nord du 40a de latitude Sud, ii n'y a point de cap d'aucun continent' méridional. Malgré ce qu'on trouve dans les Mappemondes de quelques Géographes, ôc ce qui a été dit par M, Dalrymple relat;vement aQuiros, il eil: hors de toute 304 y .o y a g e probabilité qu'il ait vu aucunes marques d'un continent au Sud des deux Ifles qu'il découvrit au 2^ ou 26d de latitude , ôc que je fuppofe pouvoir être fi-tuées entre le 130 e1 & le 140 a de longitude Ou efl: ; il paroît encore moins vraifembîable qu'il ait découvert quelque choie qui , dans ion opinion, fût un ligne connu ou indubitable d'une pareille terre ; car ii cela étoit, il auroit certainement fait voile au Sud pour la chercher , ôc en admettant que findication fut infaillible , il auroit dû la trouver par cette voie. La découverte d'un continent méridional étoit le premier objet du voyage de Quiros , Ôc perfonne ne parole lavoir eu plus à cœur que lui \ de forte que s'il a été au 26 d de latitude Sud ôc au 146d de longitude Oueft , où M. Dalrymple a placé Ies liles découvertes par ce Navigateur , on peut juflement en conclure qu'il n'y a aucune partie de continent méridional qui s'étende à cette latitude. D'après la relation du voyage de Roggewin , il ne paroîtra pas moins évident, je penfe, qu'entre le 130a & le i?od de longitude Oueit, il n'y a point de continent au Nord du 3^d de latitude Sud. M, Pingré a inféré un extrait du voyage de Roggewin , & une carte des mers du Sud , dans un traité du paflage de Vénus fur le difque du Soleil qu'il étoit allé ob^-ferver ; ôc fur des raifons qu'on peut voir détaillées dans fon ouvrage , il fuppofe qu'après avoir quitté l'Ifle Enfler , qu'il place au 28 a k de latitude Sud ôc au 123 a de longitude Oueft, ce navigateur gouverna au S. O. jufqu'au 34-d S., ôc enfuite à l'O. N. O- j & fi fi effectivement ce fut-là fa route , il eft prouvé fans réplique qu'il n'y a point de continent au Nord du 3^ d AN^a^7°' Sud. Il eft vrai que M. Dalrymple dit que fa route fut différente , ôc que de l'Ifle Eajler , il porta N. O. en fuivant enfuite une direction qui eft à peu près la même que celle de le Maire ; mais il me paroît hors de toute probabilité qu'un homme qui , à fa propre requête , avoit été envoyé pour découvrir un continent méridional, ait pris une route par laquelle le Maire avoit déjà prouvé qu'on ne pouvoit point en trouver ; il faut cependant avouer qu'il eft impoflible de déterminer d'une manière fûre quelle fut la route de Roggewin , parce que dans les relations qui ont été publiées de fon voyage , on n'a fait mention ni des longitudes ni des latitudes. Quant à moi , dans ma route, foit au Nord , au Sud ou à l'Oueft, je n'ai rien apperçu que j'aie pu prendre pour un ligne de terre , fi ce n'eft peu de jours avant de découvrir la côte orientale de la Nouvelle-Zélande. 11 eft vrai que j'ai vu fouvent de grandes troupes d'oifeaux , mais c'étoient ordinairement des oifeaux qu'on trouve à une diftance très-éloignée des côtes ; il eft vrai encore que j'ai rencontré fréquemment des monceaux de goémons; mais je ne faurois pas en conclure qu'il y eût quelque terre dans le voifinage , parce que j'ai appris , à n'en pouvoir douter, qu'une quantité coniidérable defêves, appellées Ox-Eyes ( Yeux-de-bœuf) Ôc qui ne croiffent que dans les Ifles de l'Amérique, font jettées toutes les années fur la côte àTrlande , laquelle en eft éloignée de douze cens lieues. Tome III. Qq . - Voila les raifons fur lefquelles je me fonde pour nn 1770. avancer qU'i| n»y a point de continent au Nord du 40a Mars. . . de latitude Sud \ je ne puis pas affirmer également qu'il n'y en ait point au Sud par-delà le 40d ; mais je fuis ii éloigné de vouloir décourager les entreprifes qu'on pourroit faire encore pour refondre enfin une queftion qui a été long-tems l'objet de l'attention de pluiieurs Nations , que mon voyage ayant réduit à un fi petit efpace l'unique fituation poiiible d'un continent de l'hémifphère méridional au Nord du 40a de latitude, ce feroit dommage de laiifer plus long-tems cette portion du globe fans l'examiner, d'autant qu'une expédition faite pour cet objet , procureroit probablement de grands avantages. On réfoudroit d'abord la queftion principale fi long-tems incertaine, & quand on ne trouveroit point de continent, on pourroit découvrir dans les régions du Tropique de nouvelles Ifles, parmi lefquelles il y en a vraifemblablement beaucoup qui n'ont été encore reconnues par aucun vaiffeau d'Europe. Tupia nous a fait de tems en tems la dcfcription de plus de cent-trente de ces Ifles, & dans une carte qu'il a tracée lui-même, il en a placé jufqu'à foixante-quatorze. Fin du deuxième Livre* RcÁslle r/îtn i ítt'Üe. tiia/ots mromiiiiiiMii ^iiiyiiiiiimiiiiiiiiiiiiniiiimiiii^ —-—^iiiiiBiiiiiiiiiiiiiinijiniiiiimi»^ iMaasfìub vtm etntf pnqïi/cnin- Tfletle a.Endroit' ou nous deéanjfaames no^ne e^uyyt?emerifc~ '.......j...............Jtaxíoit ¿a mes íe l^a-issecUt, Xes Chi£Fres dénotent' ht profondeur de /eau en Crusses à. Ict uHer eusse. a. der Ort uro wir itnsere'Vorrâéke ans JÀxnd.JUxtei ...................Jets JcAiff* ausáe/seréen, de Zali/en o»]¡fiioknen. dteltejife dfr^fe Baye de Bota ni au e DAJVS la jV™ Galles Mbridjojvalr Mtt.X4rdoo/SUcl. in ' .leu , filet TtâtMts, j^L¿¿t.3é°oo/\/uc¿. Je.. S :f 4- — 4i —*Ai„ ..^4... ZjJutkerZznd 3 sa 17 C.JSunÂr 12, .T^SoUndev 4Q- t a? 217;; Explication Jiadters et Saldes dont aue/p¿es mis sont a sec avit Mer basse et d outres toujours couverts Direction supposée des parties delà Còte et des Ha/tes de + Sldde que nor/s nouons pas iws K/zdrods où le Vaisseau mouilla La Lione pon etnee indi///e /a Roule ate Vaisseau 7 17 IW 1 ■ 7 t et les tliijjres qu'on zj ajoutât aesiyne/U: ¿a profondeur^ dRau exprimée en. Brasses p1* signifie Pointe p£ __„JW Jf?____Mont B ________ - JBazje a/i£ Je Roclwrs sur lequelSe t^i/^eau resta 2¿//l: pr* Hicks U10 V<;< *3 M: 3 ••50 nmr-ortauJÙêlit- Ticti 8 27 FxhdU, Carte de la Nxf Galles Merid1^ ¿>z¿ /íí (drwntale efe la NL.E Hollande couverte U vis dee par te où&itenanir 00K / Grrn m an da ni DE i/EnDEAVOTJR, Yaiâeaii de miMajestÉ Us Glafi-fiou$es WarnunMBery vC?^--------- «4 2& 4 ^ Lieues Charte DOTI Nexj - Sud -A^llis ¿?¿?/¿ OestlicJien Kust& von Neu-Hoeland cntdeckt une) untersacht voni J. Cook , SÒ^e/dshaLer c)er X. Snyasenen IO arane _ t/ _____ i m Jahr MDCCLXX . < ■ ! 18 IÀìKL AKRl'ng S ìelsen uno^ Sandbancke,oleren eintqeziir Elie Zelt lrocke?i¿uu)ere ZÚ alien Zciten von der See beSekt sinè Anqenomene; Loye dere/yenioen TÁe/'le derKuste unìUndefen dù 7vir meh WUTt\keh cjese/um /míen & Stelíen, wo das Schifi vor AnKer qeleoen Diej'iiíictirte LimeZeicftdenWeef an den 9as ScIlijj qenemrúe// iato die la//asi derse/ben btf¿ndliehen~idd¿u zeiyen dU Ih'tjc Jes ¡Vassersnadi Klafjfterrt qeredinet.a// . Ì>f- /vr 5-u/el Pon/te , d.r. ían¿Jpi¿ze P* ba)cutetPo7*t, d.i. H aven JI*. Mont ,di .Bery B.___ _ t>ajf- ¥: An dem alsobczeidmeten O rt¿ Jafíf ¿Lis Sehijf aufei/ier FeJsejibaJicJc und atte ¿tro/sen echado B. ILitjíciwlle (1S \UIol¿iír/{ yJyS^f!¡u^ %/J^rJe 9 >'Í-M " r / V t^MW'^i ■ lit B.dflOiifaiJt HnHíXVtY w Vu o- McLasftalf vori F^nglifiJizn, See Mede/ • *tf¿srík 212 210 :M 11 RE LATION D'UN VOYAGE FAIT AUTOUR DU MONDE, Dans les Années 1769, 1770 Se 1771, Par Jacques Cook, commandant le Vaiffeau du Roi /'Endeavour. LIVRE ff ï CHAPITRE PREMIER. Traverféc de la Nouvelle-Zélande à la Baie de Botanique fur la Côte orientale de la Nouvelle-Hollande, appellée aujourd'hui Nouvelle - Galles méridionale. Uiffercns inàdens qui nous y arrivèrent* Defcription du Pays & de fes Habitans, Après avoir fait voile le 31 Mars 1770, du Cap Farcwell {d'adieu) , iitué au 40d 33' de latitude Sud & Mar Qqij ^.^^^r au iS6*d de longitude occidentale , nous portâmes à AX'rV*>' l'Oueft, avec une brife fraîche du N. N. E. & le 2 Avril â midi , nous reconnûmes par des obiervations que nous étions au 40 d de latitude , ôc que notre longitude du Cap Farcwell étoit de 2d 31' Outil. Le matin du 9, étant au 38 a 20' de latitude Sud-nous vîmes un oifeau du Tropique ; ce qui eft fort extraordinaire dans une latitude fi avancée. Le 10 au matin, étant au 38a ^i' de latitude Sud ce au 201d 43 ' de longitude Oueft , nous trouvâmes que la variation de l'aiguille étoit par famplitude de 11 d 25 ' E. , Ôc par l'azimuth de n d 20'. Le matin du n , elle étoit de 13a 48', c'eft-à-dire, deux degrés ôc demi de plus que la veille , quoique je m'attendhTe à la trouver moindre. Dans le courant de la journée du 13, étant par 39 d 23 ' de latitude Sud ôc 204a 2 ' de longitude Oueft, je trouvai que la déclinaifon de l'aiguille étoit de 12d 27' E. ; ce le matin du 14 , elle n'étoit plus que de 11d 30' ; nous vîmes ce jour-là quelques poiffons volans. Nous appercûmes le 1? un œuf & une mouette, & comme ces oiieaux ne s'éloignent jamais beaucoup de terre , nous continuâmes à fonder toute la nuit fans trouver de fond à 130 braifes. Le 16, à midi, nous étions par 39 a 45' de latitude Sud ôc 208d de longitude Oueft. Sur les deux heures le vent lauta à l'O. S. O. , fur quoi nous virâmes de bord Ôc portâmes au N. O. bientôt après , un petit oifeau de terre vint fe percher fur les agrès , mais nous n'avions point de * fond à 120 braifes. A huit heures nous virâmes vent-arrière, & nous gouvernâmes au Sud jufqu'à minuit, ^^-'^0-alors nous virâmes une troiiième fois , & nous portâmes au N. O. jufqu'à quatre heures du matin du 17. Ayant une brife fraîche de l'O. S. O. avec des raffales & un tems brumeux, nous remîmes le cap au Sud jufqu'à neuf heures. Alors le tems s'éclaircir, . ck comme nous n'avions que peu de vent, nous eûmes occafion de faire pluiieurs observations fur le foleil & de la Lune , dont le réfultat moyen donna 207a 56' O. pour notre longitude ; notre latitude à midi, étoit de 39 d 36' S. Nous eûmes dès ce moment un vent fort du Sud & une grofle mer du même côté ; ce qui nous obligea d'abattre nos voiles pendant la nuit , excepté la mifaine & celle d'artimon ; nous fondions de deux en deux heures , mais nous ne trouvâmes point de fond par 120 braifes. Le 18 , dans la matinée , nous vîmes deux poules de-P ort-Fgmont & une pintade , iignes certains du voiiinage de la terre ; & en effet , fuivant notre eftime , nous ne devions pas en être fort éloignés ; car notre longitude n'étoit qu'un degré à l'Oueft du coté oriental de la terre de Van-D'umen , d'après la pofition que leur a aílignée Taiman & que nous ne pouvons pas acculer d'erreur , dans une traveriée auili courte que celle qui le trouve de cette terre à la Nouvelle- Zelande, & fuivant notre latitude , nous n'étions pas à plus de cinquante ou cinquante - cinq lieues du lieu d'où il partit. Nous eûmes tout le jour des raffales fréquentes & de grofîes lames. Le ï$y à une —^r^! heure du matin , nous mîmes à la cape , & nous n. 1770. fondâmes , ians trouver de fond par 130 braifes : à fix heures nous vîmes une terre qui s'étendoit du N. E. à l'O. à la diftance de cinq ou fix lieues j nous avions alors 8 braifes d'eau 3 fond de fable fin. Nous continuâmes à porter a l'Oueft avec un vent de S. S. O. jufqu'à huit heures , que nous forçâmes de voiles ce nous longeâmes la côte N. E., en gouvernant fur la terre la plus orientale que nous vifhons. Nous étions alors au 37 a 58' de latitude Sud , ■ & au 2,10d 39' de longitude Oueft. Je jugeai que la pointe la plus Sud de la terre qui fut en vue & qui nous reftoit à l'O. £■ S. O. étoit fituée au 38 a de latitude , & au 211 d 7' de longitude ; je lui donnai le nom de Pointe Hicks, parce que M. Hicks, mon premier Lieutenant, la découvrit le premier. On n'appercevoit point de terre au Sud de cette pointe, quoique le tems fût très-clair de ce côté , 6c que par notre longitude comparée avec celle de Tafman , non telle qu'on la trouve dans les cartes imprimées , mais dans les extraits du Journal de ce Navigateur publiés par Rembrantfe, le milieu de la terre de Van-Dicmen dût nous refter directement au Sud : eu effet la profondeur de la mer diminuant tout-à coup, dès que le vent fut calmé, j'avois lieu de croire que ma conjecture étoit fondée ; cependant comme je ne l'ai pas vérifié , & que j'ai trouvé la côte s'étendant au N. E, & S. O. ou même un peu plus à l'Eft , je ne peux pas déterminer fi elle eft jointe à la terre de t^an-Diemcn, ou fi elle en eft féparées A midi, nous étions au 37* 50' de latitude , & âU 210d 29' de longitude Oueft. Les dernières terres s'é- "'' ¡5 tendoient du N. O. à TE. N. E,, Ôc une pointe qu'on An^ ^70' y remarque aifément nous reftoit au N. 201 d E. à environ quatre lieues. Cette pointe s'élève en mondrain rond qui reifemble beaucoup au Ram head ( Tête du Bélier ) , qui eft à l'entrée du goulet de Plymouth , c'eft pour cela que je lui donnai le même nom. La variation de l'aiguille par un azimuth étoit le matin de 3 d 71' E. Ce que nous avions vu de la terre nous parut être bas & uni ; la côte de la mer étoit d'un fable blanc, mais le pays dans l'intérieur étoit couvert de verdure ôc de bois. A une heure, nous vîmes trois trombes à la fois : il y en avoit deux entre nous ôc la côte, ôc la troifième étoit à notre bas bord à quelque diftance. Ce phénomène eft ii connu , qu'il n'eft pas né-ceffaire d'en donner ici une defeription particulière. A fix heures du foir, nous fîmes petites voiles 1 ôc nous mîmes h la cape pendant la nuit, ayant <,6 braifes d'eau , fond de fable fin. La terre la plus feptentrionale que nous euiTìons en vue , nous reftoit N. j N. E.| E. , ôc nous avions à l'Oueft , à deux lieues de diftance, une petite Ifle qui eft tout près d'une pointe fur la grande terre. On peut reconnoître cette pointe, que j'appellai Cap howe, par le gííemtnt de la côte , qui eft Nord d'un côté ôc Sud-Oueft de l'autre. On peut encore la reconnoître au moyen de quelques collines rondes qui fe ttouvent préciiement derrière. Nous mîmes a la cape pendant la nuit, & le 20, à quatre heures du matin, nous fîmes voiles le long de la cote au Nord. A fix heures , la terre la plus feptentrionale que nous viiïions , nous reftoit au N. N. O., & nous étions alors à quatre lieues du rivage. Nous nous trouvâmes à midi au 36 d 51' latitude Sud, au 109d 53' de longitude Oueft Ôc à environ trois lieues de la côte. Le tems étant clair , nous vîmes dif-tinctement le pays ; il préfente un coup-d'œil agréable; la terre eft médiocrement élevée ôc entrecoupée par des collines ôc des vallées , des hauteurs ôc des plaines ; il y a un petit nombre de prairies de peu d'étendue, ôc qui font en générai couvertes de bois. La pente des collines ôc des hauteurs eft douce , ôc les fommets n'en font pas très-hauts. Nous continuâmes à porter au Nord le long de la côte , avec un vent du Sud ; dans l'après-midi, nous vîmes de la fumée en pluiieurs endroits ; ce qui ne nous permit pas de douter que le pays ne fût habité. A fix heures du foir nous fîmes de petites voiles ôc nous fondâmes ; nous trouvâmes 44 braifes d'eau , fond de beau fable nous voguâmes à petites voiles jufqu'à minuit ; alors nous mîmes en panne pour le refte de la nuit, ayant 19 braifes d'eau. Nous remîmes à la voile le 21 , à quatre heures du matin , étant éloignés de terre d'environ cinq lieues ; à fix heures, nous étions en travers d'une haute montagne fituée près de la côte , ôc que Cappellai Mont-Dromadaire , à caufe de fa figure. Au-deffous de cette montagne, la côte forme une pointe à laquelle je donnai le nom de Pointe-Dromadaire \ on trouve au-deifus de cette pointe un mondrain qui fe termi'*0 en pic, Nous étions alors au 36"d 18 ' de latitude $L]d> & au 209d 5?' de longitude Oueft, & la variation de l'aiguille étoit de 10 d 42' E. A™ri]?^ Entre dix Ôc onze heures , nous fîmes , M. Green & moi, pluiieurs obfervations du foleil & de la lune, dont le réfultat moyen donna 209 e1 17' de longitude O. Par une obfervation faite la veille , nous avions trouvé que notre longitude étoit de 210d 9' Oueft, dont en déduifant 20', il reitera 209 e1 49 ' pour la longitude du vaiffeau , à midi ce même jour : en prenant le terme moyen de cette quantité ôc de celle que nous trouvâmes par l'obfervation du 21 , on aura 209d 33' pour la longitude de la côte. A midi, notre latitude étoit de 3^d 49' S., le Cap Dromadaire nous reftoit au S. 30e1 O. à douze lieues de diftance , ôc nous avions au N. O. j O. , à cinq ou fix lieues, une baie ouverte dans laquelle il y a trois ou quatre petites liles. Cette baie n'offroit en apparence que peu d'abri contre les vents de mer , c'étoit cependant le feul endroit de toute la côte ou nous puiïions efpérer de trouver un mouillage. Nous gouvernâmes toujours le long de la côte au N. ~ N. E., ôc N. N. E. jufqu'à la diftance d'environ trois lieues, ôc nous appereûmes de la fumée en pluiieurs endroits près de la grève. A cinq heures du foir nous étions en travers dîme pointe de terre , qui forme un rocher coupé à pic, & que j'appellai pour cela Pointe Upright. Lorfque cette pointe nous reftoit exactement à l'Oueft, à environ deux lieues, notre latitude étoit de 35a 35' S. ; nous avions alors environ 31 braifes d'eau , fond de fable. A fix heures du foir, le vent tomba , & nous Tome IIL Rr gagnâmes le large à TE. N. E. La terre la plus feptentrionale que nous euííions en vue nous reftoit au N. ? N. E. -I E. Ayant à minuit 70 brailès d'eau , nous mîmes a la cape jufqu'à quatre heures du matin du 22 , ôc nous fîmes voile vers la terre ; mais aux premiers rayons du jour, nous nous trouvâmes à - peu-près au même point où nous étions la veille à cinq heures du foir; ce qui nous montra que la marée ou un courant nous avoit fait dériver pendant la nuit de trois lieues vers le Sud. Nous gouvernâmes enfuite le long de la côte au N. N. E. avec une petite brife du S. O. Nous étions ii près de la terre, que nous dif-tinguions fur le rivage pluiieurs habitans qui nous parurent être d'une couleur noirâtre ou d'un brun très - foncé. A midi , notre latitude , par obferva-tion , étoit de 35a 27' S., & notre longitude de 209d 23 ' Oueft ; le Cap Dromadaire nous reftoit au S. 28 a O, , à dix-neuf lieues ; & nous avions au N. 32 a 30' O., une montagne à pic, facile à diftinguer, qui ref-femble à un colombier quarré avec un dôme au fommet, & à laquelle je donnai pour cela le nom de pigeon houfe ( Colombier) ; une petite Ifle baife, fituée au» deifous de la côte tout près du rivage , nous reftoit auili au N. O. à deux ou trois lieues de diftance. Lorfque dans la matinée je découvris cette Ifle pour la première fois , fa fituation me faifoit efpércr que le vaiiîeau trouveroit par derrière un mouillage ; mais quand nous en approchâmes, je reconnus qu'un bateau ne pouvoit pas même y attérir en fureté. J'aurois cependant entrepris d'envoyer une chaloupe à terre, 0 le vent n'avoit pas tourné k cette direction , avec de groffes lames du S. E. qui rouloient fur la terre ; ce que ™*™*s****>~** nous avions obfervé conftamment depuis notre arri- Ann. 1770. vée dans ce parage. La côte étoit par-tout médiocrement élevée Ôc formoit alternativement des pointes de rochers & des grèves de fable. Mais dans l'intérieur du pays , entre le mont Dromadaire ôc le Colombier, nous vîmes de hautes montagnes, toutes couvertes de bois, a l'exception de deux. Ces deux montagnes font iituées dans l'intérieur des terres , derrière le Colombier; on voit diftinctement qu'elles font applaties au fommet , ôc la partie du contour que nous appercevions étoit formée de rochers efcarpés. Les arbres qui, prefque partout, couvrent ce pays, nous parurent gros ôc élevés. Nous trouvâmes ce jour-là que la variation étoit de 9d 50' E. ; ôc pendant les deux derniers jours notre latitude , calculée par obfervation , étoit de douze à quatorze milles au Sud de l'eftime du vaiiîeau ; ce qui probablement n'avoit d'autre caufe que faction d'un courant qui portoit dans cette direction. Sur les quatre heures de l'après-midi , étant à cinq lieues de terre , nous virâmes de bord & nous prîmes le large au S. E. ôc E. ; le vent ayant fauté pendant la nuit de l'Eau N. E. & au N , nous revirâmes fur les quatre heures du matin du 13 , & nous naviguâmes vers la côte, dont nous étions alors éloigné? de neuf ou dix lieues A huit heures , le vent commença k s'abattre, ôc bientôt après nous eûmes calme. A midi , notre latitude , calculée par obfervation , étoit de 35e1 38', Ôc notre diftance de la terre d'environ fix lieues Le Cap Dromadaire nous reftoit au S. 37d O. à dix-fepe lieues, & le Colombier au. N. 40a O. ; nous avions 74 braifes r r .j ^«iLtiu^i. ¿»eaili Dans l'après-midi, nous eûmes par intervalles Ann. 1770. ¿cs fraîcheurs & des calmes jufqu'à fix heures du foir , qu'il s'eleva une brife au N. j N. O. Nous étions en ce moment à quatre ou cinq lieues de la côte , & la fonde rapportoit 70 braifes. Le Colombier nous reftoit au N. 45 d C ; le Mont Dromadaire au S. 30a O., & la terre la plus feptentrionale que nous euífions en vue au N. 19 d E. Nous portâmes au N. E. avec une petite brife du N. O. jufqu'à midi du lendemain 24 : nous virâmes alors & mîmes le cap à l'Oueft. Notre latitude par obfervation , étoit de 3^d io' S. , ce notre longitude de 208d 51' O. Une pointe de terre que j'avois découverte le jour de Saint-George, & à laquelle je donnai pour cela le nom de Cap George , nous reftoit k dix-neuf milles à l'Oueft, & le Colombier dont j'ai eftime la latitude à 3^d 19' S. , & la longitude à 209a 42' O. nous reftoit au S. 75 a O. Nous avions trouvé le matin que la variation de faiguille , par amplitude, étoit de 7d 50' E., & , par azimuth, de 7a 54' E. Nous eûmes une petite brife du N. O. depuis midi jufqu'à trois heures ; elle fauta alors à l'Oueft, ôc nous virâmes pour porter au Nord. A cinq heurts du foir, nous étions à cinq ou fix lieues de la côte, le Colom-bier nous reftant à l'O S. O. à environ neuf lieues de diftance, Ôc nous avions 86 braifes d'eau A huit heu-/ res , nous eûmes du tonnere ôc des éclairs avec des raffales pefantes, ôc nous mîmes à la cape par 120 braifes. Le 2^, à trois heures du matin , nous profitâmes d'un vent frais de S. O. & nous fîmes encore voile vers le Nord. A midi , nous étions au 34a 22' de ' latitude S. , & "au 208 d 36' de longitude O., à trois Ann. 177°' ou quatre lieues de la côte. Depuis le midi de la veille & dans le courant de la journée, nous avançâmes de quarante - cinq milles au N. £. , & nous vîmes près de la grève de la fumée en pluiieurs endroits. A environ deux lieues au Nord du Cap George, la côte fembloit former une baie , qui promettoit un abri contre les vents de N. E. ; mais comme nous avions l'avantage du vent , je ne pouvois pas aller la reconnoître fans louvoyer , ce qui m'auroit coûté plus de cems que je ne voulois en employer. Je donnai à la pointe feptentrionale de cette baie , â raifon de fa figure , le nom de Long Nofe ( Long Ne^ ; ) elle eff fituée au 35 a 6' de latitude, & à environ huit lieues au Nord de celle-ci, il y a une autre pointe, que Cappellai Red Point ( Pointe Rouge) , eu égard à la couleur de la terre ; elle eff íituée au 34a 29' de latitude & au 208 d 4) ' de longitude O. On trouve au N. O. de la Pointe Rouge , & un peu dans l'intérieur des terres , une colline ronde dont le fommet a la figure de la forme d'un chapeau Nous eûmes dans l'après-midi une petite brife du N. N. O. jufqu'à cinq heures du foir, ce enfuite calme ; nous étions à trois ou quaire lieues de la côte , & nous avions 48 braifes d'eau. La variation de 1 aiguille , par azimuth , étoit de 8 d 48' E- ? & les dernières terres s'étendoient du N. E. - N. au S, O. j S. Avant la fin du jour , nous vîmes le long de la côte de la fumée en pluiieurs endroits, & eniuke du feu deux ou trois fois. Pendant la nuit , nous eûmes calme 6c nous fûmes chaifés par les va- gues jufqu'à une heure du matin ; il s'eleva alors une ' !.p0, brife de terre, avec laquelle nous gouvernâmes au N. E. , ayant alors 38 braifes d'eau. A midi, elle fauta au N. E. £ N., nous étions au 34a io' de latitude S. Ôc au 208 d 27' de longitude O. ; la terre qui s'étend du S. 37 d au N. y E. étoit à environ cinq lieues de diftance : il y a dans cette latitude quelques roches blanches, qui s'élèvent perpendiculairement de la mer à une hauteur confidérable. Nous prîmes le large; nous virâmes enfuite , «Se nous courûmes fur la terre jufqu'à fix heures ; nous en étions éloignés dans ce moment-là de quatre ou cinq milles, ôc la fonde don-noir 50 brafîès. Les dernières terres couroient du S 28d O. au N. 23 d 30' E. ; nous revirâmes & prîmes le large une feconde fois jufquà minuit; enfuite nous virâmes de bord & portâmes vers la côte jufqu'à quatre heures du matin, du 27, où nous fîmes une bordée au large jufqu'à la pointe du jour ; pendant tout ce tems , la variation des vents nous fit dériver. Nous.reliâmes à la diftance d'environ quatre ou cinq milles de la côte, jufqu'à l'après-midi ,ôc nous n'en étions plus éloignés que de deux milles , lorique je mis en mer la pinaffe & l'efquif pour tâcher de débarquer ; mais la pinaife faifoit tant d'eau que je fus obligé de la faire remonter à bord. Nous vîmes pluiieurs habitans marcher à grands pas fur la côte, & quatre d'entr'eux portoient un petit canot fur leurs épaules. Nous nous flattions qu'ils alloient le lancer à l'eau pour s'approcher de notre vaiffeau ; nous fûmes bientôt détrompés , & je refolus d'aller à Terre dans l'efquif avec autant d'hommes qu'il en pourra contenir. Je m'embarquai donc , accompagné feulement de MM. Banks & Solander , de Tupia & de quatre rameurs, & nous voguâmes vers l'endroit de la côte où étoient raifemblés les Indiens : il y avoit près d'eux quatre petits canots au bord de la mer. Les Indiens s'aííirent fur les rochers, 6c fembloient attendre notre débarquement; mais , à notre grand regret, ils s'en-fu irent dans les bois, dès que nous fûmes à un quart de mille d'eux. Nous perfiftâmes pourtant dans le deifein d'aller a terre pour tâcher d'obtenir une entrevue avec eux ; mais nous trouvâmes une ii grande houl;e, brifant fur chaque partie du rivage, qu'il nous fut tout-à-fait impoilible de débarquer avec notre petit bateau. La néceiîité nous obligea de nous borner à. examiner les objets que nous appercevions de la mer. Les pirogues , vues de plus près , nous parurent ref-fembler beaucoup aux plus petites de la Nouvelle-* Zélande, Nous remarquâmes qu'il n'y avoit point de brouifailles parmi les arbres répandus fur la côte, lefquels n'étoient pas fort gros ; nous reconnûmes pluiieurs de ces arbres pour des palmiers & quelques-uns pour des palmiftes; après un examen qui ne fit qu'exciter notre curiofité,au lieu de la fatifaire, nous fûmes contraints de retourner fort mécontents au vaiffeau ; & fur les cinq heures du foir , nous arrivâmes à bord. Nous eûmes alors calme, & notre fituation n'étoit point du tout agréable. Nous étions tout au plus k un mille & demi de la côte , 6k en - dedans de quelques brifans qui font fitués au Sud ; mais heureufement une brife légère s'éleva de terre & nous mit hors de danger. Nous portâmes avec cette brife au Nord, & le 2.8, à '•■ — la pointe du jour , nous découvrîmes une baie qui ^AviJ70' feit*bloit é^re à l'abri de tous les vents, 6c dans laquelle je réfolus d'entrer avec le vaiiîeau. La pinaife étant raccommodée, je l'envoyai avec le maître pour en fonder l'entrée , pendant que je chicanai le vent, que nous avions debout; à midi, le goulet de la baie nous reftoit au N. N. O. à environ un mille de diftance ; voyant de la fumée fur la côte , nous dref-sâmes fur le champ nos lunettes, & nous découvrîmes dix Indiens qui , à notre approche , abandonnèrent leur feu ôc fe retirèrent fur une petite éminence , d'où-ils pouvoient obferver nos mouvements. Bientôt après deux pirogues ayant chacun deux hommes à bord vinrent fur la côte précifément au-deffous de cette éminence ; les quatre rameurs montèrent au fommet pour joindre leurs compagnons, qui y étoient déjà. La pinaile qui avoit été envoyée en avant pour fonder, approcha de cet endroit, ôc tous les Indiens , en la voyant , fe retirèrent plus avant fur la colline , excepté un feul qui fe cacha dans des rochers près du lieu de débarquement. A mefure que la pinaile avançoit le long de la côte , la plupart des habitans prenoient la même route, & fe tenoient vis-à-vis du bâtiment à une certaine diftance. Quand nos gens revinrent , le maître nous dit que pluiieurs de ces Indiens étoient venus fur la grève d'une petite anfe qui fe trouve dans l'intérieur du havre , ôc qu'ils ['avoient invité à débarquer , par des figues 6c des paroles dont il n'enten-doit pas la lignification ; il ajouta qu'ils étoient tous armés de longues piques ôc d'une pièce de bois, dont la forme étoit affez reffemblante à celle d'un cimeterre Les Les Indiens, qui n'avoient pas filivi le bateau , s'ap-percevant que le vaiiîeau approchoit nous firent pluiieurs geftes de menace 6k agitèrent leurs armes ; il y en avoit d'eux, fur-tout, d'une figure finguliere; leurs vifages fembloienc être couverts d'une poudre blanche, 6k leurs corps étoient peints de larges raies de la môme couleur, qui, paffant obliquement fur la poitrine & fur le dos, avoient la forme des bandoulières de nos foldats : ils portoient auili fur leurs jambes 6c leurs cuiffes des raies de la même efpèce , qui ref-fembloient à de larges jarretières. Chacun de ces hommes tenoit dans fa main l'arme d'environ deux pieds 6k demi de long , que le maître nous avoit décrite comme un cimeterre. Il nous parut qu'ils parloient entr'eux avec beaucoup de chaleur. Nous continuâmes a porter fur la baie, 6k l'après-midi nous mîmes à l'ancre par G braifes, au-deffous de la côte méridionale, a environ deux milles en-dedans de l'entrée, la pointe Sud nous reftant au S. E. èk la pointe Nord k l'Eft. En avançant, nous découvrîmes fur les deux pointes de la baie quelques huttes ck pluiieurs naturels du pays , hommes, femmes 6k enfans. Nous vîmes au-deffous de la pointe du Sud quatre petites pirogues, ayant chacune à bord un hornee qui fembloit fort occupé a harponner du poiífon avec une grande pique ; peu s'en fallut qu'ils ne fe hafardaífent k paifer au milieu de la houle , 6k ils étoient ii attentifs k leur ouvrage , que , lorfque le vaiffeau paffa k un quart de mille d'eux, ils tournèrent à peine les yeux. Peut - être que le bruit des vagues Tome ÏII. Sf r- les avoit aiTburdis , ou que leur attention entièrement în. [770. £x¿e fur jeur p^cne us lie virent 6c n'entendirent Avril . 2 r * rien quand nous paisames. Le vaiiîeau avoit mis à l'ancre vis-a-vis d'un petit village compoié de fix a huit maifons. Tandis que nous nous préparions à remonter à bord le bateau , nous vîmes fortîr du bois une vieille femme, fui-vie de trois enfants; elle portoit des fagots k brûler, & chacun des enfants avoit auffi fa petite charge ; lorsqu'elle s'approcha des maifons , trois autres enfants, plus jeunes que les premiers , vinrent k fa rencontre. Elle regardoit fouvent du côté du vaiiîeau , mais elle ne cémoignoit ni crainte ni furprife. Peu de tems après, elle alluma du feu, 6c les quatre pirogues arrivèrent de la pêche. Les hommes débarquèrent & après avoir tiré leurs canots à terre, ils fe mirent à aprêter leur dîner, fans paroîtrc s'embarraifer de nous, quoique nous ne fuiïions éloigés que d'un demi-mille. Nous obfcrvâmes qu'aucun des habitans que nous avions vus, ne portoit le moindre vêtement ; la vieille femme n'avoit pas même une feuille de figuier, A p r ê s - n î n e r , je fis équiper les bateaux , & nous partîmes du vaiiîeau accompagnés de Tupia. Nous voulions débarquer dans l'endroit où nous avions ap-perçu des Indiens, & nous commencions a efpérer que puifque ils avoient fait ii peu d'attention à l'entrée du vaiiîeau dans la baie , ils n'en feroient pas davantage k notre arrivée k terre. Nous nous trompions ; dès que nous approchâmes des rochers detf* hommes vinrent nous difputer le pailage, & les §*^res s'enfuirent. Chacun des deux champions étoit armé ~i d'une pique d'environ dix pieds de longueur, & d'un Aî^ii7°* bâton court , qu'il fembloit manier comme ii c'eût été un inftrument qui fervi t a lancer la pique ou à en faire ufage de quelqu'autre maniere : ils nous parlèrent d'un ton de voix très-élevé, ôc dans un langage rude ôc défagréable, dont ni Tupia ni nous ne comprîmes pas un feul mot. Ils agitoient leurs armes, & fem-bloient réfolus de défendre leur rivage jufqu'à la dernière extrémité , quoiqu'ils ne fuifent que deux , ôc qu'ils eulfent à combattre contre quarante. Je ne pou-vois m'empècher d'admirer leur courage , ôc comme j'étois bien éloigné de commencer les hoitilités , avec des forces ii inégales, j'ordonnai aux matelots de ceifer de ramer. Nous nous entremîmes par lignes l'efpace d'un quart-d'heure, & afin de gagner leur bienveillance, je leur jettai des clous, des verroteries ôc d'autres bagatelles qu'ils acceptèrent ôc dont ils parurent fort contents. Je leur fis figne que nous avions befoin d'eau , 6e je tâchai de les convaincre par tous les moyens que je pus imaginer, que nous ne voulions leur faire aucun mal : ils nous firent quelques geftes que je pris pour une invitation de débarquer ; mais lorfque le bateau s'avança , ils parurent de nouveau déterminés à s'y oppofer. L'un deux fembloit être un jeune homme de dix-neuf ou vingt ans, & l'autre un homme d'un moyen âge; comme je n'avois pas d'autre reifource , je fis tirer entre les deux un coup de fufil. Le plus jeune entendant le bruit de fexplofion , lailfa tombsr fur le rocher un paquet de lances ; mais revenu bientôt de fa frayeur, il les releva avec une Sf ij 314- Voyage n._jm-w grande vivacité. Ils nous lancèrent une pierre, fur quoi Ann. 1770. j'ordonnai de lâcher un fécond coup de fuiil chargé Avril. ; ■ 1 1 • • • 1 1 t a / a petit plomb , qui atteignit aux jambes le plus age de ces Indiens : il s'enfuit fur le champ à une des habitations, qui étoit éloignée d'environ cent verges. J'ef-pérois que notre conteitation étoit finie, & nous nous hâtâmes de débarquer. Nous étions à peine fortis du bateau , que le bleifé revint , & nous nous appercûmes qu'il n'avoit quitté le rocher qu'afin d'aller chercher une efpèce de bouclier pour fa défenfe. Dès qu'il fut de retour, il nous décocha une javeline , & fon camarade en lança une autre ; elles tombèrent au milieu de nous , mais heureufement elle ne blefsèretit perfonne. Nous tirâmes un troiiieme coup de fufil chargé à petit plomb, fur quoi ils jettèrent une autre javeline , & s'enfuirent enfuite tous deux. Si nous les avions pourfuivis, nous en aurions probablement pris un ; mais M. Banks nous fit penfer que les lances pouvoient être empoifonnées, & je ne crus pas qu'il fût prudent de nous hafarder dans les bois. Nous allâmes alors dans les huttes, & nous trouvâmes les enfans qui s'étoient cachés derrière un bouclier & des écorces : après les avoir examinés, nous les laifsâmes dans leur retraite fans leur faire appercevoir qu ils avoient été découverts ; & en quittant la maifon nous y mîmes quelque^ verroteries , des rubans , des morceaux d'étoffe & d'autres préients par lefquels nous efpérions gagner l'amitié de ces habitans , lorfqu'ils reviendroient ; mais nous emportâmes environ cinquante lances que nous y avions trouvées: elles ont de fix à quinze pied* de longueur , avec quatre branches comme celles des fouanes, dont chacune eil très-pointue 6c armée d'un *___ os de poiflon. Nous remarquâmes qu'elles étoient bar- Ann. 177 bouillées d'une fubitancc vifqucufe de couleur verte , ce qui nous confîrmoit dans l'opinion qu'elles étoient empoifonnées ; mais nous reconnûmes par la fuite que cette conjecture étoit fauife. Il nous parut que les Indiens s'en étoient fervi pour prendre du poiffon , attendu qu'elles portoient encore des plantes marines. Les pirogues que nous examinâmes fur le rivage étoient les plus mai travaillées de toutes celles que nous avions vues jufqu'alors; elles avoient de douze à quatorze pieds de long, ôc étoient faites d'une ieule pièce d'écorec d'arbre jointe ôc attachée aux deux bouts ; le milieu reftoit ouvert , au moyen de quelques bâtons mis en travers dans l'intérieur depuis un des cotés jufqu'à l'autre. Nous cherchâmes de feau douce , ôc nous n'en trouvâmes que dans un petit trou qui avoit été creufé dans le fable. Après nous être rembarques dans notre bateau, nous portâmes les lances à bord du vaiiîeau. Nous allâmes alors vers la pointe feptentrionale de la baie où nous avions vu pluiieurs Naturels du pays lorfque nous y étions entrés ; mais elle étoit entièrement deferte. Nous y découvrîmes de l'eau douce , qui fortoit des fommets des rochers ôc tomboit en bas dans une mare ; niais nous ne pûmes pas en tirer facilement pour notre ufage. J'envoyai, le matin du 29, un détachement de matelots à cet endroit de la cote où nous avions débarqué d'abord. Je leur ordonnai de creufer des trous dans le fable pour tâcher d'y puîfer de l'eau. Bientôt après j'allai a terre avec MM. Banks ôc Solander, ôc nous trouvâmes un petit courant qui étoit plus que fuffifant pour nous fournir de l'eau. En viiitant la hutte où nous avions vu les enfans, nous fûmes très - mortifiés de trouver qu'on n'avoit pas touché aux verroteries & aux rubans que nous y avions laiifés la veille au foir , ôc de n'appercevoir aucun Indien. Après avoir envoyé a terre quelques futailles vuides , & laiifé un détachement de matelots pour couper du bois, je m'embarquai dans la pinaife pour fonder ôc examiner la baie. Pendant mon excuriion , je vis pluiieurs des Naturels du pays , mais ils s'enfuirent tous à mon approche. Je rencontrai, dans un des endroits où je débarquai , pluiieurs petits feux ôc des moules fraîches qu'on y avoit mis griller ; j'y trouvai auifi pluiieurs écailles d'huitres , plus groflès que je n'en avois jamais vu. DÉs que les hommes, chargés de faire de l'eau ôc du bois, vinrent k bord pour dîner , dix ou douze Indiens allèrent au lieu de l'aiguade , ôc examinèrent les futailles avec beaucoup d'attention ôc de curioíité, mais fans y toucher. Ils emmenèrent cependant les pirogues qui étoient près de la place de débarquement, Ôc ils difparurent de nouveau. Lorfque nos gens retournèrent à terre l'après-midi, feize ou dix-huit Indiens, tous armés, s'avancèrent hardiment a environ cent verges d'eux 5 ôc la ils s'arrêtèrent. Deux ^cs Infulaires s'approchèrent un peu plus ; M. Hicks , qui * commandoit le détachement, alla à leur rencontre avec un autre de nos gens en leur tendant des préients, &: leur faifant tous les lignes de bienveillance ce d'amitié qu'il put imaginer j mais inutilement; car ils fe retirèrent avant qu'il lui fût poilible de les aborder, & il auroit été inutile de vouloir les fuivre. Le foir, j'allai avec MM. Banks ôc Solander , dans une anfe fablonncufe fur le côté feptentrional de la baie, où trois ou quatre coups de feine nous procurèrent plus de trois cent livres de poiífon, qui fut partagé également entre tout l'équipage. Le lendemain, 30 , avant la pointe du jour , les Indiens vinrent aux maifons qui étoient vis-à-vis le vaiffeau, ce nous les entendîmes fouvent pouifer de grands cris. Dès qu'il fut jour, nous les vîmes fe promener le long de la grève, Ôc bientôt après ils fe retirèrent dans les bois où ils allumèrent pluiieurs feux à la diitance d'environ un mille de la côte. Nos gens allèrent à terre comme à l'ordinaire, Ôc MM. Banks Ôc Solander viiitèrent les bois pour y chercher des plantes. Quelques-uns des nôtres, occupés à couper de l'herbe , étant fort éloignés du reite de leurs compagnons , quatorze ou quinze Indiens s'avancèrent vers eux en tenant des bâtons dans leurs mains, qui , fuivant le rapport du fergent des foldats de marine, brilloient comme des fuiils. Nos sens, les voyant approcher , fe raifemb'èrcnt ôc rejoignirent le détachement. Les Indiens, encouragés par cette apparence de fuite, les pourfuivirenc ; ils s'arrêtèrent ! ' pourtant lorfqu'ils en furent à quelques pas, ce après Ann. 1770. avoir pouffé des cris a pluiieurs reprifes , ils retournèrent dans les bois. Ils revinrent le foir de la même manière ; ils s'arrêtèrent à la même diftance , pouffèrent des cris ce s'en retournèrent. Je les fuivis moi-même feul 6e fans armes, dans un efpace coniidéra-ble le long de la côte; mais je ne pus pas les engager à s'arrêter. M. Green prit ce jour-là la hauteur méridienne du foleil, un peu en dedans de l'entrée méridionale de la baie, ce qui nous donna 34a S. pour notre latitude, La variation de l'aiguille étoit de 11 d 2' E. Mai. Le lendemain, premier Mai, dès le grand matin, le corps de Eorby Sutherland, un de nos matelots qui mourut la veille au foir , fut enterré près du lieu de l'aiguade, 6e j'appellai pour cela Pointe Sutherland la pointe méridionale de cette baie. Nous réfolûmes de faire une excurfion dans le pays. MM. Banks 6e Solander , moi-même 6e fept autres, équippés convenablement pour cette expédition , nous nous mîmes en route 6e nous viiitâmes d'abord près du lieu de l'aiguade les huttes ou quelques-uns des habitans continuoient d'aller chaque jour ; 6e quoiqu'ils n'euifent pas encore emporté les petits préfens que nous y avions mis, nous y en biffâmes d'autres un peu plus précieux , tels que des étoffes, des miroirs , des peignes ce des quincailleries , & enfuite nous pénétrâmes dans la campa-pagne. Nous trouvâmes que le fol étoit d'une terre ma-récageufe ou d'un fable léger, ce que des bois 6e de? plaines diverfifioient agréablement la furface du pa#^* Les arbres font grands , droits , fans brouiTailIes au---~—- deiïous, & placés k une telle diitance l'un de l'autre, que ^^1?70' toute la campagne, ii Ton en excepte les endroits où les marais y rendent le labourage impoffibîe , pourroit être cultivée fans les abattre. Outre les arbres , le fond cil couvert d'une grande quantité de galon qui y croît en touffes , ferrées les unes près des autres ôc qui font aufli groffes que la main en pourroit contenir, Nous vîmes pluiieurs maifons des habitans & des endroits où ils avoient couché en plein air ; nous ifapperçûmes qu'un Tnfulaire ôc il s'enfuit au moment qu'il nous découvrit. Nous laiffâmes pourtant des préients , eipérant qu'a la fin nous gagnerions par-la leur confiance Ôc leur amitié. Nous appercûmes de loin ôe en paifant un quadrupède qui étoit k-peu-près de la gro fleur d'un lapin. Le chien de M. Banks le vit, & il l'auroit probablement attrapé , il , au moment qu'il fe mit k le pourfuivre, il ne s'étoit pas bleifé la jambe contre un tronçon d'arbre caché dans de la grande herbe. Nous rencontrâmes enluite la fiente d'un animal qui fe nour-riffoit d'herbes, 6c que nous jugeâmes être au moins de la groifeur d'un dain. Nous trouvâmes auffi les traces d'un autre animal qui avoit les pattes comme celles du chien 6k qui fembloit être k-peu-près de la groifeur d'un loup, 6c celles d'un troiulme animal plus petit, dont le pied reilembloit k celui d'un putois ou dune belette. Les arbres étoient remplis d'un grand nombre d'oifeaux de différentes efpèces, parmi IefqueU il y en avoit pluiieurs d'une très-grande beauté , & en particulier des loriots 6c des catacouas qui voloient en troupes très-nombreuses. Nous trouvâmes quelques Tome III. T t ^^^m bois qui avoient été abattus par les Naturels du pays Ann. 1770. avec un infiniment émouffé, ck d'autres dont ils avoient ôté l'écorce. Il n'y avoit pas beaucoup d'efpèces différentes de ces arbres ; nous en vîmes un grand qui diftil-Ioit une gomme affez femblable au fang de dragon ; on avoit fait des entailles dans quelques-uns , a. environ trois pieds de diftance les unes des autres, pour y pouvoir grimper commodément. Nous revînmes de cette excurfion entre trois ôc quatre heures , & après avoir dîné à bord , nous retournâmes à terre au lieu de l'aiguade , où un détachement de matelots rempliifoit nos futailles. M. Gore , mon fécond Lieutenant j avoit été envoyé le matin dans un bateau pour pêcher des huitres au fond de la baie; lorfqu'il eut exécuté cette commiifion , il débarqua , ôc ayant pris avec lui un Officier de^poupe, il fe mit en marche pour joindre par terre ceux de nos gens qui faifoient de l'eau. Il rencontra dans fon chemin une troupe de vingt-deux Indiens qui le fuivirent ôc qui fouvent n'étoient pas éloignés de lui de plus de vingt verges. Quand M. Gore s'apperçut qu'ils étoient fi près, il s'arrêta ôc fe retourna vers eux , fur quoi ils s'arrêtèrent auffi ; ôc lorfqu'il fe remit en route , ils continuèrent à le fuivre. Ils ne l'attaquèrent pourtant pas quoiqu'ils fuffent tous armés de lances , ôc lui, ainfi que l'Officier de poupe , arrivèrent fains ôc faufs au lieu de l'aiguade. Les Indiens , qui avoient ralenti leur pourfuite lorfqu'ils apperçurent le détachement de nos gens , firent halte à la diitance d'environ un quart de mille, où ils reftèrent fans avancer. M. Monkhoufe # deux ou trois de nos matelots , occupés à faire de — l'eau , fe mirent en tête de marcher à eux ; mais voyant Ann. 1770. que les Indiens gardoient toujours leur pofte , ils furent íaiíis d une terreur fubite très-commune aux téméraires & aux faux braves, & ils firent une prompte retraite. Cette démarche, qui les jettoit dans le danger qu'ils aboient voulu éviter , encouragea les Indiens , & quatre de ceux-ci fe portèrent en avant, 6c décochèrent leurs javelines fur les fuyards avec tant de vigueur qu'elles allèrent tomber au - delà de nos gens, qui étoient pourtant éloignés de quarante verges. Comme les Indiens ne les pouriui'voient pas , ils recouvrèrent leurs efprits & ils s'arrêtèrent pour ra-maifcr les javelines quand ils furent arrivés à l'endroit où elles étoient tombées ; les Indiens , à leur tour , commencèrent à fe retirer. J'arrivai précisément dans ce moment avec MM. Banks Ôc Solander & Tupia; voulant convaincre les Indiens que nous ne les craignions pas ce que nous ne voulions leur faire aucun mal , nous avançâmes vers eux en leur faifant quelques lignes de remontrances Ôc de prières ; mais nous ne pûmes pas les perfuader de nous attendre. M. Gore nous dit qu'il en avoit vu au fond de la baie quelques-uns qui l'avoient invité de defeendre à terre, ce qu'il avoit très-prudemment refufé de faire. niatin du lendemain 2 , il tomba tant de pluie que nous fûmes tous bien aifes de relier à bord. Cependant le tems s'éclaircit l'après-midi, ôc nous fîmes une autre excurfion le long de la cote vers le Sud. Nous allâmes à terre, ôc MM. Banks & Solan- Tt ij """" ' '■■ ■■- der y cueillirent pluiieurs plantes; mais nous ne vîmes Ann. 1770. d'ailleurs rien qui fût digne de remarque. En entrant dans les bois , nous rencontrâmes trois des Naturels du pays qui s'enfuirent à Imitant. Quelques-uns de nos gens en virent un plus grand nombre qui di (parurent tous en grande hâte , dès qu'ils s'apperçurent qu'ils étoient découverts. La hardiefle de ces peuples lors de notre premier débarquement , 6c la terreur dont ils étoient faifis par la fuite en nous voyant, nous lit penfer que nos armes h feu les avoient fort intimidés. Nous n'avions pas lieu de croire que nous leur eufîions fait beaucoup de mal par les coups de fufil chargés â petit plomb, que nous fûmes obligés de tirer fur eux quand ils nous attaquèrent en fortant de nos bateaux; mais, en nous obfervant enfuite des endroits où ils ie cachèrent, ils en reconnurent probablement les effets fur les oifeaux qu'ils nous virent tuer. Tupia, qui étoit devenu un bon tireur, s'écartoit fouvent de nous pour cha (1er aux perroquets ; il nous dit avoir rencontré une fois neuf Indiens qui s'enfuirent frappés de crainte 6c avec beaucoup de défordre, dès qu'ils s'apperçurent qu'il les voyoit. Le lendemain,3, douze pirogues, qui avoient chacune a bord un feul Indien , vinrent à un demi mille du lieu de l'aiguade, où elles réitèrent pendant un tems confidérable. Ces Infulaires étoient occupés à harponner du poifïbn , 6c ils paroiffoient il attentifs à ce qu'ils faifoient, ainfi que les autres que nous avions vus auparavant , qu'ils ne fembloient pas prendre garde à autre chofe. Il arriva que quelques-uns de nos g- apperçu le vaiiîeau en marchant le long de la cote ; ^1770. cec 0|3jet (\ éloigné de tout ce qu'ils avoient vu jufqu'alors , ne de voit pas leur paroître moins merveilleux que le feroit pour nous une montagne qui fîotteroit toute couverte d'arbres. A midi , notre latitude , par obfervation , étoit de 28 a 3o7 S. , Ôc notre longitude, de 206 d 27' O. Une pointe élevée de terre , que je nommai Cap Byron , nous reftoit au N. O. j O. , à trois milles de diftance. Il gît par 28 a 37' 30" de latitude S. , 206d 30' de longitude O., ôc on peut le reconnoître au moyen d'une montagne remarquable , terminée en pic aigu , qui eft fituée dans l'intérieur ôc qui court au N. O. \ O. du Cap. Depuis cette pointe , la terre court N. 13 a O. ; elle eft élevée ôc montueufe dans l'intérieur, ôc baile près de la côte ; elle eft encore baile ôc unie auili au Sud de la pointe. Nous continuâmes à gouverner le long de la côte avec un vent frais jusqu'au coucher du íoleü , que nous découvrîmes des brifans en avant , précisément dans la direction du vaiiîeau & à bas bord. Nous étions alors à environ cinq milles de la terre, ôc nous avions 20 braifes. Nous portâmes à l'Eft jufqu'à huit heures ; nous avions alors couru huit milles, ôc la profondeur de l'eau étoit montée à 44 braifes. Nous mîmes a la cape , la proue a l'Eft, & nous tirâmes fur ce bord juiqu'à dix heures, tems où les fondes ayant augmenté jufqu'à 78 braiîes , nous virâmes vent-arrière ôc portâmes vers la terre jufqu'à cinq heures du matin du iG. Nous fîmes voile alors , ôc à la pointe du jour , nous fûmes fort fur pris de nous trouver plus au Sud que nous ne l'étions *a veille au foir , quoique le vent eût fouillé du Sud ■'__!_____^ très-frais pendant toute la nuit ; nous revîmes encore Ann. 1770. Ies brifans en-dedans de nous, & nous les dépafsâmes k la diftance d'une lieue. Ils font fitués au 28d 8' de latitude S., & ils s'étendent au large, deux lieues k l'Eft d'une pointe de terre au-deffous de laquelle eft une petite Ifle. On pourra toujours reconnoître leur fituation par la montagne k pic dont je viens de parler, qui court au S. O. ~ O. de ces brifans , & que j'ai appellée pour cela Mount JVarning ( Mont d'Avis ). Elle gît a fept ou huit lieues dans l'intérieur des terres, au 28a z%' de latitude S. La terre dans les environs eft élevée & montueufe ; mais le pic la domine aifez pour être diftingué d'abord de tout autre objet. J'ai nommé Pointe du danger la pointe a la hauteur de laquelle on rencontre ces brifans. Au Nord de cette pointe , la terre eft baife & court N. O. ~ N. : mais un peu plus loin elle court plus au Nord. A midi, nous étions k environ deux lieues de terre, & par obfervation , au 27 a 46' de latitude S. , dix-fept milles plus au Sud que ne le portoit le lock : notre longitude étoit de 206 d (*>' O., le Mont JVarning nous reftoit au S. 6d O., a quatorze lieues de diftance , & nous avions au N. la terre la plus feptentrionale qui fût en vue. Nous continuâmes notre route le long de la cote , k la diftance d'environ deux lieues dans la direction du N. \ E. , jufqu'à quatre ou cinq heures de l'après-midi, que nous découvrîmes des brifans à bas-bord. Nous avions 37 braifes d'eau : au coucher du folcii, la terre la plus fepcentrionale nous 3 jo V o y a g e ■ü= reftoit au N. N. O. ; les brifans au N. O. - O. à ■l770, la diftance de quatre milles, à midi , nous avions cil [ai ... la terre la plus feptentrionale a cinq ou fix milles à l'O., au 27 d G' de latitude, elle fait une pointe , ce à laquelle je donnai le nom de Pointe Look-out. Sur le côté ieptentrional de cette pointe , la côte forme une baie large ôc ouverte que j'appellai Baie de Moretón , au fond de laquelle la terre eft fi bailé , que je pouvois à peine l'appercevoir du haut de la grande hune. Les brifans font iitués à trois ou quatre milles de la pointe Look - out , ôc nous avions alors une grolle mer du Sud, qui brifoit fur eux à une hauteur considérable. Nous portâmes deifus jufqu'à huit heures, qu'ayant paifé les brifans , ôc la profondeur de notre fond ayant monté à 52 braifes, nous mîmes à la cape jufqu'à minuit, ôc nous fîmes voile au N. N. E. A quatre heures du matin du 17, nous avions 135 braifes , ôc lorfque le jour parut , je m'apperçus que nous avions dérivé de la côte , Ôc plus au Nord que je ne l'attendois d'après la direction qu'avoit fuivie le gouvernail ; car nous étions éloignés de terre d'au-moins fept lieues ; c'eft pourquoi je portai au N. O. ~ O. avec un vent frais du S. S. O. La terre qui étoit îe plus au Nord , le foir de la veille , nous reftoit alors au S. S. O., à fix lieues de diftance , ôc je lui donnai le nom de Cap Moretón , parce que c'eft la pointe feptentrionale de la Baie de Moretón. Sa latitude eft de z6d 56', ôc fa longitude de io6*d 28' du Cap Moretón ; la terre s'étend à l'Oueft au-delà de la portée de la vue : il y avoit un petit efpace où nous n'ap-percevions point alors de terre, ôc quelques perfonn^5 à bord ayant obfervé d'ailleurs que la mer avoit une '"^"u!^! couleur plus pâle qu'a l'ordinaire, elles penfèrent que Ann( le fond de la baie de Moretón fe terminoit a une rivière. Nous avions en cet endroit 34 brailes d'eau , fond de fable fin. Cette cii confiance fuffifoit pour produire le changement qui avoit été remarqué dans la couleur de feau , & il n'étoit pas néceffaire de fuppofer une rivière au fond de la baie , pour expliquer pourquoi la terre n'étoit point viiible ; car fuppofant feulement que la terre y fût auifi baife que dans cent autres parties de la côte que nous voyions , il auroit été impoilible de la découvrir de l'endroit où étoit le vaiffeau. Cependant, M par la fuite quelque navigateur efl: difpofé à vérifier s'il y a une rivière au fond de la baie, & à décider cette queftion, que le vent ne nous permit pas de réfoudre, il pourra toujours trouver cet endroit au moyen de trois montagnes qui font fituées au Nord de ce lieu, au 26d 53' de latitude. Ces montagnes ne font ni avancées dans l'intérieur de la terre , ni éloignées l'une de l'autre. Elles font remarquables par la forme fingulière de leur élévation qui reffemble beaucoup a une verrerie , & que j'appellai pour cela Glafs - Houj'es ( les Verreries) , la plus feptentrionale des trois, efl: la plus élevée & la plus grolle y ii y a auili derrière ces montagnes au Nord d'autres colimes a pic, mais elles ne font pas, a beaucoup près , ii remarquables. À midi , notre latitude, par obfervation, étoit de 26d 28 ' S., dix milles au Nord du lock , ce qui n'étoit pas encore arrivé fur cette côte ; nous étions par 206d 4Ó' de longitude , à deux ou trois lieues de la côte , -• ■ ' . & nous avions 24 braifes d'eau. Une pointe baffe qui lj70' forme le Cap méridional d'une b;úe iablonneufe , nous reftoit au N. 6id O. , à trois lieues, & nous avions au N. -\ N. E. la pointe la plus feptentrionale de la terre qui fût en vue Nous appercûmes ce jour-là de la fumée en pluiieurs endroits fur la côte , ôc à une diftance considérable dans l'intérieur du pays. En gouvernant le long de la côte à la diftance de deux lieues , la fonde rapportoit de 24 à 32 braiîes , fond de fable. A iix heures du foir , la pointe de terre la plus feptentrionale nous reftoit au N. \ N. O. , à quatre lieues ; à dix heures, elle nous reftoit N. O. ~ O. j O. ; & comme nous n'avions pas apperçu de terre au Nord , nous mîmes à la cape, ne lâchant de quel côté gouverner. Cependant le 18 , à deux heures du matin, nous fîmes voile avec un vent S. O., & à la pointe du jour nous vîmes la terre qui s'étendoit jufqu'au N. ~ E. ; la pointe que nous avions doublée , nous reftoit au S. O. J- O., entre trois & quatre lieues de diftance. Elle gît au 25 a 58' de latitude S. , & au 206d 48' de longitude O. La terre au-delà de la pointe eft médiocrement élevée , ôc elle feft également par-tout; mais la pointe eft fi inégale , qu'elle relfemble à deux lues fi t u ces au-deffous de la terre ; c'eft pour cela que je lui ai donné le nom de Double IJland Point ( Pointe de Pife double ) : on peut la reconnoître au moyen des roches blanches qui font fur fon flanc nord. La terre y a fa direction au N. O. ôc forme une grande baiç ouverte , dont *v fond eft une plaine íi bafte , qu'on l'apperçoit à peine -de deffus le tillac. En traverfant cette baie , nous ^^'lp°* Mai avions de 30 k 22 braifes d'eau , fond de fable fin. A midi, nous étions à environ trois lieues de Ja côte, au 25 d 34/ de latitude S., ôc au 206 d 45' de longitude O. La pointe de ITfle double nous reftoit au S. ■J G., & nous avions au N. f E. la terre la plus feptentrionale qui fût en vue. Cette partie de la côte , qui eft médiocrement élevée , eft plus ftérile qu'aucune de celles que nous avons vues , ôc le fol en eft plus fablonneux. Nous pouvions découvrir avec nos lunettes des monceaux de fable de pluiieurs acres d'étendue tk mobiles, dont quelques-uns avoient été tranfportés depuis peu dans le lieu qu'ils occu-poient ; car nous vîmes beaucoup d'arbres k moitié enterrés , dont les têtes étoient encore vertes , & les troncs dépouillés de ceux que le fable avoient environnés plus long-tems. Dans d'autres endroits , les bois paroilfoient être bas ôc remplis de brouflailles ; ôc nous n'apperçûmes aucun figue qu'il y eut des habitans. Deux iérpens d'eau nageoient au côté du vaiiîeau ; ils avoient fur la peau de fort belles taches, & ils reflembloient à tous égards aux ferpens de terre , excepté que leurs queues étoient larges ôc plates , probablement pour leur fervir de nageoires. Le matin du jour , la variation de l'aiguille étoit de 8 d 2o' E. , & le foir , de 8d 36'. Pendant la nuit , nous continuâmes notre route au Nord avec une légère brife de terre, étant éloignés de la côte de deux ou trois lieues ; la fonde rapportoit de 13 k 27 braifes fend de fable fin. Le 19 , k midi , nous étions k en-Tome IIL Y y 354 Voyage —u virón quatre milles de terre , ôc nous n'avions que 13 ia77°' kra^es d'eau. Notre latitude étoit de 25 d 4' ; & la terre la plus feptentrionale que nous viffions nous reftoit au N. 21 d O., à la diftance de huit milles : à une heure, nous étions toujours éloignés de quatre milles de la côte, ôc nous avions 17 braifes de profondeur ; nous dépaifâmes alors un cap ou pointe de terre noire ôc de forme ronde, fur laquelle un grand nombre de naturels du pays étoient aiîèmblés, ôc que j'appellai pour cela Indiati Head ( Pointe des Indiens ). Elle gît au 25 d 3' de latitude. A environ quatre milles au N. ~ N. O. de cette pointe , il y en a une autre femblable d'où la terre s'étend un peu plus k l'Oueft : près de la mer , elle eft baiîè ôc fablonneufe; on nap-perçoit rien par derrière , même en l'examinant de la grande hune. Nous vîmes pluiieurs Infulaires près de la Pointe des Indiens: ii y eut pendant la nuit des feux fur la côte voifine ôc de la fumée pendant le jour. Toute la nuit nous eûmes le cap au Nord,'en nous tenant depuis quatre milles jufqu'à quatre lieues de la côte , ôc par 17 à 34 brailès d'eau. Le 20 , à la pointe du jour , la terre la plus feptentrionale nous reftoit à l'O. S. O, Ôc paroiiîoit fe terminer en une pointe , à l'extrémité de laquelle nous découvrîmes un récif qui s'étendoit au Nord auili loin que nous pouvions appercevoir. Nous avions ferré le vent k fOueft avant qu'il fût jour , & nous confervâmes cette direction jufqu'à ce que nous vîmes les brifans iur notre côté fous le vent. Nous portâmes alors N. O. ôc N. N. O- le long du côté oriental du banc ; nous en étions éloignés d'un a deux milles , & nous avû>rtS> des fondes régulières de 13 a 7 brafTes , fond de fable...............■■■■ » fin. A midi, notre latitude , par obfervation , étoit de Ann. 1770. 2.0d %G' treize milles plus au Nord que ne portoit le lock; nous jugeâmes que l'extrémité du banc nous reftoit à peu près au N. O. ; & nous avions au S. \ O. a la diitance de vingt milles la pointe de laquelle il fembloit partir ; je donnai à cette pointe le nom de Cap Sandy ( Cap Sablonneux ) , k caufe de deux grands monceaux de fable blanc dont elle eft couverte. Elle gît au 24 e1 45' de latitude, 6c au 206 d ^i' de longitude , & elle eft affez élevée , pour que dans un tems clair on l'apperçoive k la diftance de douze lieues ; de cette pointe la terre court S. O. auffi loin que peut porter la vue. Nous nous tînmes le long du côté oriental du banc , jufqu'à deux heures après-midi ; alors jugeant que l'eau étoit allez profonde pour que le vaiffeau pût pafTer , j'envoyai le bateau en avant afin de fonder ; & comme il nous fit lignai que la fonde rapportoit plus de 5 braifes , nous ferrâmes le vent & portâmes fur la queue du banc par G braifes. Nous étions alors au 24e1 22' de latitude, & le Cap Sandy nous reftoit au S. T E. , à huit lieues; la direction du banc eft prefque N. N. O. 6c S. S. E. Il faut remarquer que lorfque la fonde donnoit G braifes k bord du vaiffeau , le bateau , qui étoit a peine éloigné d'un quart de mille au Sud , en avoit un peu plus de cinq , qu'immédiatement après G braifes , nous en eûmes 13 , éc 20 le moment fuivant : ces circonitances me firent juger que le côté occidental du banc étoit efearpé. J'appellai ce banc Break Sea Spie, (Brife-Mer) parce que nous avions alors une eau tran- Yy ij quille , tandis qu'au Sud de ce banc, nous eûmes toujours une groife mer du S. E. A iix heures du foir, la terre du Cap Sandy s'étendoit du S. 17 d E. , au S. 28d E., à la diftance de huit lieues , notre fond étant de 23 braifes : nous portâmes à l'Oueft pendant toute la nuit ayant les mêmes fondes. Le 21 , à fept heures du matin , nous vîmes de la grande hune la terre du Cap Sandy qui nous reftoit au S. E. ~ E. à la diftance d'environ treize lieues : à neuf heures , nous découvrîmes terre à l'Oueft , & bientôt après nous appercûmes de la fumée en pluiieurs endroits. La fonde ne donnoit alors que 17 braifes d'eau, & à midi , nous n'en avions plus que 13 , quoique nous fuifions à fept lieues de la terre , qui s'étendoit du S, 7 S. O. h IO. N. O. Notre latitude étoit de 24d 26' S, Nous avions trouvé pendant les derniers jours pluiieurs oifeaux de mer appelles boubies , ce qui ne nous étoit pas encore arrivé, La nuit du 21 , il en palla près du vaiffeau une petite troupe qui vola au N. O. : & le matin , depuis environ une heure , avant le lever du foleil , jufqu'à une demi - heure après, il y en eut des volées continuelles qui vinrent du N. N. O, , & qui s'enfuirent au S. S. E. : nous n'en vîmes aucun qui prît une autre direction. C'eft pour cela que nous conjecturâmes qu'il y avoit au fond d'une baie profonde qui étoit au Sud de nous , un lagon , ou une rivière ou canal d'eau baile, où ces oifeaux alloient chercher des alimens pendant le jour, & qu'il y avoit au Nord dans le voifinage , quelques liles où ils fe retiroient la nuit. Je donnai à cette baie le nom-de Baie d'Herveyt en l'honneur du Capitaine Hervey. L'après-midi-» nous portâmes fur la terre en gouvernant S. O. avec ! une petite brife jufqu'à quatre heures : étant alors au 24e1 36' de latitude, à environ deux lieues de la côte, & ayant 9 braffes d'eau : nous courûmes le long de la côte N. O. -\ O. , & en même-tems nous découvrions une terre qui s'étendoit au S. S. E. , à environ huit lieues. Près de la mer , la terre eft très-baile, mais plus loin il y a quelques collines élevées qui font toutes couvertes d'un bois épais. Pendant que nous longions la côte , notre eau diminua de 9 à 7 braifes & une fois nous n'en avions que G , ce qui nous détermina â mettre a l'ancre pendant la nuit. Le 22, à fix heures du matin, nous appareillâmes avec une petite brife du S., & nous gouvernâmes N. O. j O., en portant vers la terre jufqu'à ce que nous en fuifions a deux milles : nous avions alors de 7 à 11 braffes d'eau : nous gouvernâmes enfuite N. N. O., dans la direction de la terre : & a midi, notre latitude étoit de 24e1 19'. Nous continuâmes à iuivre cette direction à la même diitance , avec des fondes de 7 à .11 braffes juiqu'à cinq heures du foir où nous nous trouvâmes en travers de la pointe méridionale d'une large baie ouverte , dans laquelle j'avois deifein de mouiller. Pendant cette route , nous découvrîmes avec nos lunettes que la terre étoit couverte de palmiers , arbres que nous n'avions pas vus depuis que nous avions quitté les Ifles iituées entre les Tropiques ; nous vîmes auili deux Indiens qui fe promenoient le long de la côte , ce qui ne daignèrent pas faire la moindre attention à nous. Le foir , après avoir ferré de près le vent ôc fait deux ou trois bordées , nous mîmes à l'ancre fur les huit heures , par braifes , fond de fable fin. La pointe méridionale de la baie nous reftoit E. \ S. , à deux milles , & nous avions la pointe feptentrionale au N. O. \ N., à-peu-près à la même diftance de la côte. Le lendemain 23 , j'allai à terre dès le grand matin, accompagné de MM. Banks & Solander, de nos Officiers , de Tupia , ôc d'un détachement de matelots , dans la vue d'examiner le pays. Le vent fouffloit avec force , 6c nous le trouvâmes fi froid , qu'étant à quelque diftance de la côte , nous prîmes nos manteaux , comme une précaution néceffaire pour le voyage. Nous débarquâmes un peu en-dedans de la pointe méridionale de la baie ¿ où nous trouvâmes un canal qui conduifoit dans un grand lagon. Je m'avançai pour examiner ce canal ; la fonde rapporta 3 brades jufqu'à ce que je l'eufTe remonté environ un mille: je trouvai alors un bas - fond fur lequel il n'y avoit guères plus d'une braffe d'eau , 6c après que je l'eus parlé , je trouvai de nouveau 3 brafTes de profondeur. L'entrée de ce canal eft tout près de la pointe Sud de la baie, fermée à l'Eft par la côte, 6c à l'Oueft par une grande bande de fable ; il a environ un quart de mille de largeur , ôc fa direction eft S. \ S. O. Il y a affez de place en cet endroit pour qu'un petit nombre de vaiflèaux puiffent y mouiller en pleine fureté , Ôc Ton y trouve un petit courant d'eau-douce ; je voulois naviguer dans le lagon , mais les bas-fonds m'en empêchèrent. Nous vîmes pluiieurs fondrières & marais falans, fur lesquels, ainfi qu'aux cotés du lagon , croît le véritable palétuvier , tel qu'on le trouve dans les Ifles d'Amérique, Ôc le premier arbre de cette efpèce que nous euiîions encore rencontré. On apper-çoit dans les branches de ces palétuviers pluiieurs nids d'une efpèce remarquable de fourmis, qui étoient auifi vertes que l'herbe ; lorfqu'on les troubloit dans leurs retraites en agitant les branches, elles fortoient en foule & puniffoient l'agreffeur par une piquûre beaucoup plus douloureufe que celle des animaux de la même efpèce que nous connoiilions. Nous avons auffi vu fur ces arbres un grand nombre de petites chenilles vertes : elles avoient le corps couvert de poil épais , & elles étoient rangées fur les feuilles à côté l'une de l'autre, vingt ou trente enfemble , comme une file de foldats. Nous fentîmes en les touchant que le poil de leur corps étoit pointu comme une aiguille , & îl nous caufa une douleur plus vive, quoique moins durable. Le pays eit manifeftemenc plus mauvais qu'aux environs de la baie de Botanique : le fol eft fec ôc fablonneux , mais les côtés des collines font couverts d'arbres qui croiflent éloignés, ifolés Ôc fans brouffailles. Nous y trouvâmes un arbre qui diftilîe une gomme reffemblante au jang de dragon ; mais il eft un peu différent des arbres, de la même eipèce que nous avions vus auparavant, car les feuilles font plus longues , ôc pendantes comme celles du faîne pleureur. Il portoit enfin beaucoup moins de gomme , ce qui eft contraire à l'opinion commune , que les arbres dif-tillent plus de gomme à mefure que le climat eft plus chaud. Nous remarquâmes encore qu'une autre plante d'où découloit une gomme jaune , en donnoit une moindre quantité que celle qui croiiToit dans la baie de Botanique, Nous vîmes parmi les bas-fonds & les bancs de fable pluiieurs gros oifeaux , & quelques-uns en particulier de la même efpèce que ceux que nous avions trouvés a la baie de Botanique , mais beaucoup plus gros que des cygnes , & que nous jugeâmes être des pélicans. Ils étoient fi fauvages,que nous ne pûmes pas les approcher à la portée du fufil. Nous rencontrâmes fur la cote des efpèce d'outardes ; nous en tirâmes une qui étoit auili groilë qu'un coq-d'inde , & qui pefoit dix-fept livres & demie. Nous convînmes tous que c'étoit Je meilleur oifeau que nous euiTions mangé depuis notre départ d'Angleterre , & à. cette occafion , nous donnâmes a l'anfe le nom de Bujlard Bay ( Baie de VOutarde ). Elle gît au 24a 4/ de latitude, & au 208 d \G' de longitude. La mer fembloit abonder en poiífon , mais malheureufement nous déchirâmes entièrement notre feine au premier jet. Nous trouvâmes fur les bancs de vafe , & au-deifous des palétuviers , une quantité innombrable d'huîtres de toutes efpèces , & entr'autres, le marteau & beaucoup de petites huîtres perlieres. S'il y a dans une eau plus profonde un auifi grand nombre de pareilles huîtres parvenues à leur maturité, on pourroit fûrement établir très-avantageufement en cet endroit une pêcherie de perles. Les perfonnes que nous laiffâmes à bord du vaiifeau nous dirent que pendant que nous étions dans les bois, environ vingt naturels du pays étoient venus ^ rivage rivage en travers du vaiffeau 6c s'en étoient allés ? après lavoir regardé quelque tems. Pour nous qui -étions à terre, quoique nous appercuffions de la iumée en pluiieurs endroits, nous ne vîmes point d'habitans. La diitance ne nous permettoit pas d'aller aux endroits d'où partoit la fumée , à l'exception d'un feul où nous arrivâmes. Nous trouvâmes dix petits feux qui brûloient encore à quelques pas les uns des autres ; mais les Indiens s'étoient éloignés. Il y avoit dans le voiiinage pluiieurs vafes d'écorce, où nous fuppofâmes qu'on avoit mis de l'eau , des coquilles & quelques os de poiffons , reftes d'un repas qui avoit été fait récemment. Pluiieurs morceaux d'une écorce molle à peu près de la longueur 6c de la largeur d'un homme, étoient étendus fur la terre, 6c nous imaginâmes qu'elles pou voient leur fervi r de lits j il y avoit au côté du feu expofé au vent, un petit abri de îa même écorce, d'environ un pied 6c demi de haut ? ces feux étoient d'ailleurs dans un bofquet d'arbres ferrés les uns contre les autres , qui garantiiloient du vent. Il fembloit qu'on avoit beaucoup marché fur cet endroit, & comme nous n'avons vu ni mai-ions , ni débris de cabanes , nous iommes portés k croire que ces peuples qui n'ont point de vêtemens , n'ont point non plus d'habitation , ce qu'ils paffent les nuits en plein air , ainfi que les animaux. Tupia lui-même , en remuant la tête avec un air de fupériorité & de commifération , nous dit que c'étoient des Taata Enos, {de pauvres miférabks ). Je mefurai la hauteur perpendiculaire de la dernière marée, qui étoic de huit pieds au-deffus de la marque de la marée Tome III. Zz baile; & d'après le tems où arriva la marée baffe, je conclus que dans les pleines & les nouvelles lunes, il devoir y avoir marée haute k huit heures. Le 24 , a quatre heures du matin , nous levâmes l'ancre , ôc nous fîmes voile hors de la baie avec une petite brife. En fortant, nos fondes furent de 5 à 1^ braffes , & à la pointe du jour , lorfque nous étions dans la plus grande eau , & en travers de la baie, nous découvrîmes des brifans qui s'étendoient depuis le Cap au N. N. E. , dans un efpace de deux ou trois milles , ôc qui avoient a leur extrémité un rocher qui fe laiffoit appercevoir précifément a fleur d'eau. Tandis que nous longions ces rochers à la diftance d'environ un demi-mille , nous avions de i<> à 20 braffes d'eau ; ôc dès que nous les eûmes dépaiîés , nous gouvernâmes le long de la côte k l'O. N. O., vers la terre la plus éloignée que nous viffions. A midi r notre latitude, par obfervation, étoit de 23 d 52'; la partie feptentrionale de la baie de VOutardc , nous reftoit, à dix milles, au S. 62a E. & nous avions au N. 60d O. la terre la plus feptentrionale qui fût en vue. Notre longitude étoit de 208 d 37', ôc nous étions éloignés de fix milles de la côte la plus voifine, avec 14 braffes deau. Il fit calme jufqu'à cinq heures de l'après-midi ; mais enfuite nous gouvernâmes jufqu'à dix heures du foir , avec un vent N. O., la terre étant dans la même direétion , nous mîmes alors à la cape , les fondes ayant rapporté partout de 14 k 15 braffes. Le 25 , à cinq heures du matin , nous fîmes voile, & k la pointe du jour, 1* pointe la plus feptentrionale de la grande terre nous reftoit au N. 70 d O. Bientôt après, nous reconnûmes auN. O. ~N. de nouvelles terres qui fembloicnc être des Ifles. A neuf heures , nous étions en travers de la pointe , k la diftance d'un mille , &c nous avions 14 braifes d'eau. J'ai trouvé que cette pointe gifoit directement fous le tropique du capricorne , & je lui donnai pour cela le nom de Cap du Capricorne ; fa longitude eft de 208d j8' Ô. ; elle eft d'une élévation confidérable ; elle paroît blanche ¿V ftérile ; on peut la reconnoître au moyen de quelques Ifles fituées au N. O. d'elle, & de quelques petits rochers qui iont a la diftance d'environ une lieue au S. E. II nous fembla qu'il y avoit un lagon fur le coté Oueft du Cap, & nous vîmes fur les deux bancs de fable qui formoient l'entrée , un nombre incroyable de grands oifeaux reifemblans à des pélicans. La terre la plus feptentrionale qui fût alors en vue portoit au N. 24a O. du Cap du Capricorne , ôc elle avoit l'apparence d'une Ifle : mais la grande terre couroit à TO. f N. O. ~ N. & nous gouvernâmes dans cette direction , ayant de 15k 6, & de O 9 braflès , fond de fable dur. A midi , notre latitude , par obfervation , étoit de 23 d 24' S. ; le Cap du Capricorne nous reftoit au S. 60 d E., a la diftance de deux lieues ) & nous avions au N. ; N. E., à deux milles , une petite Ifle ; dans cette fituation , la fonde rapportoit 9 braifes ; nous étions éloignés d'environ quatre milles de la côte de la Nouvelle -Galles qui en cet endroit, près de la mer , eft baife & fablonneufe , fi 1' on excepte les pointes qui font élevées & de roche. L'intérieur Zz ij À rm™-:r—' du pays eft montueux , 6k ne forme point un coup-Ann. 1770. d'œil agréable. Nous continuâmes a porter au N. ^aI' O. juiqu'à quatre heures de l'après-midi , que nous eûmes calme ; bientôt après nous mîmes a l'ancre par 12 brades dans un endroit où nous avions la grande terre Ôc les liles tout autour de nous , & où le Cap du Capricorne nous reftoit au S. "54 d E., à la diftance de quatre lieues. Nous reconnûmes dans la nuit que la marée s'élevoit Ôc retomboit de près de fept pieds, que le flot portoit à l'Oueft ôc le juilant k l'Eft, ce qui eft précifément le contraire de ce que nous avions obfervé quand nous étions k fancre a l'Eft de la baie. Le zG y k fix heures du matin , nous levâmes l'ancre , avec une petite brife du Sud , ôc nous portâmes au N. O. entre le grouppe dTfles le plus éloigné, ôc la grande terre ; nous parlâmes auili k très-peu de diitance de pluiieurs petites Ifles que nous laiifâmes entre la grande terre Ôc le vaiiîeau : comme nos fondes étoient irrégulières ôc qu'elles varioient de 12 k 4 brailès , j'envoyai un bateau en avant pour fonder. A midi, nous étions à environ trois milles de la grande terre , & k peu près à la même diftance des Ifles qui étoient au large. Notre latitude , par observation , étoit de 23a j'. La grande terre eft élevée ôc montueufe ; les Ifles fituées à fon travers font auiîi , pour là plupart, hautes ôc de peu de circonférence ; elles pa-roiflent plutôt ftériles que fertiles. Nous vîmes de la fumée en pluiieurs endroits, à une diftance confidé-rable dans l'intérieur des terres : cette raiion nous fit conjeefurer qu'il pouvoit y avoir un lagon > une ri- viere ou un canal qui remontoir, le pays, d'autant que nous avions pallé deux endroits qui fèmbloient An^*77°' le confirmer ; mais nous avions trop peu d'eau pour que je hazardalïe de pénétrer dans des lieux où probablement nous en aurions eu encore moins. Il n'y avoit pas une heure que nous portions au Nord, lorfque tout-à-coup la fonde ne rapporta que 3 brafTes : je mis auili-tôt à l'ancre & j'envoyai le Maître fonder le canal qui étoit fous le vent à nous , entre Ja plus feptentrionale des Ifles 6k la Nouvelle-G allés. Il pa-roiflbit être affez large , mais je foupçonnai que l'eau y étoit baffe , 6k effectivement cette conjecture fe vérifia ; car le Maître me dit à fon retour que dans pluiieurs endroits il n'avoit trouvé que 2 braifes 6c demie ; 6k nous n'avions que feize pieds où nous étions à l'ancre, c'eft-à-dire , deux pieds d'eau feulement de plus que le vaiffeau n'en droit. Pendant que le Maître fondoit le canal, M. Banks tâcha de pêcher à l'hameçon 6k à la ligne, des fenêtres de fa chambre ; l'eau étoit trop baflè pour prendre du poiffon ; mais le fond étoit prefque couvert de crabes qui mordoient promp-tement à l'hameçon , 6k qui s'y attachoient quelquefois ii bien avec leurs pattes, qu'ils ne lâchoient pas prife avant qu'on ne les eût élevés fort au-deifus de la furface de l'eau : ces crabes font de deux efpèces , oue nous n'avions pas encore rencontrées ; l'un étoit du plus beau bleu qu'on puiffe imaginer , égal en. tQut à l'outremer , 6k íes pinces 6k fes jointures en étoient fortement teintes ; le deifous du ventre étoit blanc 6k fi bien poli , que pour le brillant 6k la couleur , il reilèmbloit au blanc de l'ancienne porcelaine 3 66 Voyage —- '1 — "— de Chine. L'autre crabe étoit au ih marqué d'outremer MM^0* ^Ur ^es i°'ntures & ^uv *es Pmces j mais Ia teinte en étoit plus légère ; il portoit íur fon dos trois taches brunes qui formoient un coup-d'œil fingulier. Les per-lonne^ qui avoient été dans le bateau pour fonder , rapportèrent que íur une lile où nous avions obiervé deux feux , ils avoient vu pluiieurs habitans qui les avoient appelles & qui paroiifoient délirer beaucoup qu'ils débarquaifent. Le foir , le vent fauta à 1 E. N, E.; ce qui nous fit retourner de trois ou quatre milles dans la route que nous venions de tenir: le vent paifa enfuite au Sud & nous obligea de mettre encore à l'ancre par G braifes. L e 17 , k cinq heures du matin , j'envoyai le Maître chercher un paifage entre les Ifles , tandis que nous appareillions; & dès qu'il fut jour, nous fuivîmes le bateau qui nous fit iigne qu'il avoit trouvé un paifage. Lorfque nous fûmes dans une eau profonde , nous fîmes voile au Nord, fuivant la direction de la terre : nous avions des fondes de 9 à ij braifes, ôc quelques petites Ifles en dehors de nous. A midi , nous étions éloignés de la grande terre d'environ deux lieues, ôc, par obfervation, au 22 d ^3 ' de latitude S. La pointe de terre la plus feptentrionale qui fût en vue, nous reftoit alors au N. N. O., k dix mules de diftance. Je lui donnai le nom de Cap Man/fold 9 à caufe de pluiieurs hautes collines qu'on y apperçoit : il gît au 22d 43' de latitude S. , à environ dix-fepe lieues, au N. 26a O. du Cap du Capri orne La côte forme entre ces Caps une grande baie que j'appel^1 A Baie de Keppel, 6c je nommai les Ifles, Ifles de Keppel, g Il y a nn bon mouillage dans cette baie , mais je ne Ann' ^7?0» fçais pas quels rafraîchiifemens on peut s'y procurer. Nous ne prîmes pas de poiflbns , quoique nous fuf-fions à l'ancre : comme les Ifles ôc la grande terre font habitées , il y a probablement de l'eau douce en pluiieurs endroits. Nous vîmes de la fumée & des feux fur la grande terre , & nous appercûmes des habitans fur les Ifles. A trois heures de l'après-midi , nous doublâmes le Cap Matûfold , depuis lequel la terre court au N. N. O. La terre du Cap eft haute ce s'élève en collines qui naiifent directement de la mer : on peut la reconnoître au moyen de trois Ifles qui font en ion travers, & dont l'une eft près de la côte, & les deux autres, à huit milles en mer. L'une de ces Ifles eft baife & piatte , & l'autre élevée & ronde. A iix heures du foir, nous mîmes à la cape; la partie la plus feptentrionale de la grande terre qui fût en vue , nous reftoit au N. O. , 6c nous avions au N. 31a O. quelques Ifles qui gîfent à la même hauteur. Nos fondes avant minuit, furent de 30 à 34, braifes, 6c après minuit, de 20 à 25. Le 28 , à la pointe du jour, nous fîmes voile : le Cap Manifold nous reftoit au S. j S. E., à huit lieues, & nous avions à quatre milles dans la même direction , les Ifles que j'avois dépaifées le foir de la veille. -La pointe viiible, la plus éloignée de la Nouvelle" Valles , nous reftoit auilì au N. 67 a O. , à vingt-deux milles de diftance : mais nous pouvions découvrir plu- fieurs Ifles au Nord de cette direction. A neuf heures du matin nous étions en travers de la pointe que Cappellai le Cap Townshend. Il gît au 22 d 15' de latitude, & au 209d 43' de longitude : la terre efl: élevée ce unie , & plutôt nue que boifée. 11 y a au Nord de ce Cap pluiieurs Ifles, à quatre ou cinq milles en mer : k quatre lieues au S. E. , la côte forme une baie au fond de laquelle il paroît y avoir un canal ou havre. A l'Oueft du Cap, la terre court S. O. | S., & forme une autre baie très-grande qui tourne a l'Eft Se qui communiquant avec le canal, fait probablement une Ifle de la terre du Cap. Dès que nous eûmes tourné ce Cap, nous ferrâmes le vent k T Oueft, afin d'entrer au milieu des Ifles , qui font difperfées en grand nombre dans la baie & qui s'étendent en mer auili loin que l'œil peut appercevoir de la grande hune. L'élévation Se le contour de ces Ifles font fort variés : de forte qu'elles font en grande quantité , & que pourtant ii n'y en a pas deux femblables. Nous n'avions pas navigué long-tems contre le vent, que nous tombâmes dans un bas-fond, Se nous fûmes obligés de virer de bord tout d'un coup pour l'éviter. Après avoir envoyé un bateau en avant, je gouvernai à PO. ~ N. O. , ayant plufieurs petites Ifles , rochers & bas-fonds entre nous & la grande terre , Se beaucoup d'autres plus étendues au large. Nos fondes jufqu'à près de midi furent de 14 k 17 braifes : le bateau fit lignai alors qu'il rencontroit un bas-fond , fur quoi nous ferrâmes de près le vent k TEft , mais nous tombâmes fubitement k 3 braifes & un quart. Sur le champ nou* nous jettâmes une ancre , ce qui nous mit hors de — danger. Lorfque le vaiifeau fut remis en haute mer, Ann. 177a la fonde donnoit 4 braifes , fond de fable groilier , & nous obfervâmes un fort courant qui avoit fa dire&ion au N. O. j O. f O. j & qui faifoit près de trois milles par heure ; c'étoit ce qui nous avoit portés tout-k-coup fur le bas-fond. Notre latitude, par obfervation , étoic de 22 d 8' S. Le Cap Townshendnous reftoit a l'E. 16* S. , k treize mille de diftance , & nous avions à l'O. 7 N. la partie la plus occidentale de la grande terre qui fût en vue. Un grand nombre d'ifles étoient alors autour de nous. L'après-midi, après avoir fondé autour du vaiffeau ôc trouvé qu'il y avoit allez d'eau pour naviguer fur le bas-fond , nous levâmes l'ancre, & vers les trois heures nous fîmes voile & nous portâmes k l'Oueft , fuivant la direction de la terre ; nous eûmes la précaution d'envoyer en avant un bateau pour fonder. A ÌÌk heures du foir, nous mîmes à l'ancre par 10 braffes, fond de fable, k environ deux milles de diftance de la Nouvede - Galles , dont la partie la plus occidentale nous reftoit k l'O. N. O. ; & nous apperce» vions toujours un grand nombre d'Iiles difperfées dans un long efpace en dehors de l'endroit où nous étions. Le lendemain 29, k cinq heures du matin , j'envoyai le Maître avec deux bateaux pour fonder l'entrée d'un canal qui nous reftoit â l'Oueft k environ une lieue de diftance, ôc dans laquelle j'avois envie de faire entrer le vaifleau, afin de pouvoir attendre quelques Tome IIL Aaa ._ " -' jours, jufqu'à ce que la lune fût plus avancée, ôc peiv- Ann. 1770. cjant ce tems-là d'examiner le pays. Dès que nous eûmes appareillé, les bateaux fignalèrent un mouillage ; nous y courûmes ôc nous mîmes à l'ancre par 5 braifes , à environ une lieue en-dedans de l'entrée du canal. Comme j'obfervai que le juifant & le îlot de la marée y étoient coniidérables , je jugeai que c'étoit une riviere qui remontoit le pays à une fort grande diftance. Je pris le parti de mettre en cet endroit le vaiiîeau à la bande ôc à nettoyer fa quille ; en conféquence , je débarquai avec le Maître, accompagné de MM. Banks & Solander , afin de chercher un lieu convenable pour cette opération, On ne pouvoit marcher qu'avec beaucoup de peine fur cette partie de la côte, parce qu'elle étoit couverte d'une efpèce d'herbe , dont les tiges font très-pointues & barbelées en arrière ; de façon que lorfqu'elles s'attachoient à nos habits , ce qui arrivoit à chaque pas , au moyen de la barbe elles s'enfonçoient jufqu'à la chair ; nous étions en même-tems environnés d'une nuée de mofquites qui nous tourmentoient fans relâche par leurs piquûres. Nous rencontrâmes bientôt pluiieurs endroits où l'on pouvoit commodément échouer le vaiffeau; mais , k notre grand regret, nous ne pûmes point trouver d'eau douce. Cependant nous nous avançâmes dans l'intérieur du pays, où nous vîmes des arbres a gomme, femblables k ceux que nous avions vus auparavant, ôc nous obfervâmes qu'ils diftilloient auifi une très-petite quantité de gomme. Nous appercûmes fur les branches de ces arbres & de quelques autres, des fourmiliieres pratiquées dans de l'argile, auili larges qu'un boiffe*u d'Angleterre, ôc afiez approchantes de celles que dé- """"^b^; crit Sir Hans Sloane dans fon Hiftoire naturelle, de la Ann-77°» Jamaïque, vol. 2 , page 111, col. 2*58; mais moins unies. Les fourmis qui les habitoient étoient petites ôc avoient le corps blanc. Nous trouvâmes fur une autre efpèce d'arbre une petite fourmi noire qui trouoit toutes les branches, ôc qui, après en avoir fait fortir la moelle, fe plaçoit dans le tuyau qui la contenoit; cependant , les rameaux dans lefquels ces infectes s'étoient ainfi formé un logement , ôc où ils étoient en très-grand nombre, portoient des feuilles Ôc des fleurs , ôc fembloient être dans un état auffi fiori fiant que les autres branches qui étoient faines. Nous rencontrâmes auffi une quantité incroyable de papillons : dans une étendue de deux ou trois acres, l'air en étoic ii rempli , qu'on en voyoit des millions de tous les côtés , en même-tems que toutes les branches d'arbres étoient couvertes d'autres qui n'avoient pas pris leur vol. Nous vîmes encore un petit poiífon d'une efpèce fingulière ; il étoit à peu près de la groifeur d'un minnow , Ôc il avoit deux nageoires de poitrine très-fortes :il fe trouvoit dans des endroits entièrement fecs , où nous fuppofâmes qu'il pouvoit avoir été laiifé par la marée ; mais le défaut d'eau ne parut pas l'avoir rendu plus languiffant ; car à notre approche il fe mit a fautiller , au moyen de fes nageoires, avec autant d'agilité qu'une grenouille. Il ne fembloit pas même préférer l'eau à. la terre ; car quand nous le trouvâmes dans l'eau , il en fortoit fouvent ôc continuoit â iauter fur un terrein fec. Nous remarquâmes auffi que lorfqu'il étoit dans des endroits où il y avoit de petites Aaa ij pierres au-deffus de la furface de l'eau , & peu éloignées entr'elles , il aimoit mieux fauter de fune à l'autre que de nager. Nous en vîmes pluiieurs traver-fer ainfi des bourbiers , jufqu'à ce qu'ils fuffent arrivés à un terrcin fec , où ils fàutoient comme des grenouilles. L'après-midi, nous fîmes de nouvelles tentatives fans aucun fuccès, pour trouver de l'eau; je ré-ioîus donc de ne demeurer en cet endroit que peu de tems ; cependant, après avoir obfervé que le golfe pénétroit fort avanr dans les terres, je me décidai à en prendre le plan le matin. Le 30, au lever du folcii, j'allai à terre, & après avoir gravi une colline coniidérable , j'examinai avec un compas azimuthal que j'avois porté à deflèin , la côte ôc les Ifles fituées à la même hauteur ; mais je remarquai que l'aiguille varioit prodigieufement dans fa poiltion , même jufqu'à trente degrés , en quelques endroits davantage , & en d'autres moins ; & j'ai reconnu une fois que dans un efpace de quatorze pieds feulement, elle varioit de deux pointes. Je pris quelques-unes des pierres difperfées fur la terre , & je les approchai de la bouffole; mais elles n'y produi-iirent aucun effet : j'en conclus qu'il y avoit dans les collines des mines de fer , dont j'avois déjà remarqué des indices en cet endroit & dans le voifinage. Après que j'eus fait mes obfervations fur la colline, je remontai le golfe avec le Docleur Solander ; nous nous embarquâmes au commencement du flot, & nous avions fait plus de huit lieues, long-tems avant que & marée fût à fa hauteur. Jufqu'à cet endroit, la largeur ___sa du golfe étoit de deux a cinq milles , dans la direction Ann- 770. du S. O. j S. ; mais la il s'ouvroit de chaque côté & formoit un grand lac qui au N. O. , communiquoit avec la mer. J'apperçus non - feulement la mer dans cette direction ; je vis encore que le flot de la marée venoit avec force du même côté. J'obfervai auffi un bras de ce lac qui s'étendoit à l'Eft, & il eft allez probable qu'il communique avec la mer au fond de la baie fituée à l'Oueft du cap Townshend. Au côté méridional du lac il y a une chaîne de hautes collines fur lefqucîles j'avois grande envie de gravir ) mais comme la marée écoit haute & le jour fort avancé , je craignis de m'embarraffer parmi les bancs de fable pendant la nuit, d'autant plus que le tems étoit fom» bre & pluvieux : je pris donc le parti de retourner promptement au vaiffeau. Je ne découvris que deux Indiens dans cette excurfion , & même ils étoient éloignés : ils fuivirent le bateau le long de la côte pendant un aifez grand efpace de chemin ; mais la marée m'étant très - favorable , il n'eût pas été prudent de les attendre : je vis cependant à une affez grande diftance phifieurs feux d'un côté, & de la fumée d'un autre. Tandis que je remontois le golfe avec le Docteur Solander, M. Banks tâchoit de pénétrer dans l'intérieur du pays, ainfi que pluiieurs personnes de l'équipage qui avoient eu permiffion d'aller à terre. M. Banks & fon détachement furent arrêtés par un terrein marécageux couvert de palétuviers : cependant ils réfolurent de le traverfer , & quoiqu'ils entraffent dans la vafe juíqu'aux genoux, ils avan- 5 cèrenc courageufement ; mais avant d'avoir fait la •\77°' moitié du chemin , ils fe repentirent de leur entre-prife : le fond étoit couvert de branches d'arbres en-trelaifées l'une dans l'autre ; quelquefois ils appuyoient leurs pieds deifus , mais d'autres fois ils giiifoient & en-fonçoient , ou bien ils s'y embarraifoient tellement qu'ils étoient obligés de mettre leurs mains dans la vafe & la boue. Ils traversèrent pourtant ce marais à-peu-près en une heure , 6c ils jugèrent qu'il avoit environ un quart de mille de large. Après avoir marché quelque tems, ils arrivèrent à un endroit où il y avoit eu quatre petits feux , & trouvèrent près de là quelques coquillages & des os de poiffons qu'on y avoit fait griller: ils virent auili des monceaux d'herbes fur lefquels quatre ou cinq perfonnes fembloient avoir couché. M. Gore, mon fécond Lieutenant, qui étoit dans un autre endroit, vit dans le fond d'une mare , les pas d'un grand animal; il apperçut auffi quelques outardes , mais on n'en tua point , non plus que d'autres oifeaux, fi l'on en excepte un petit nombre de beaux loriots que nous avions vus dans la baie de Botanique* M. Gore 6c un Officier de poupe, qui avoient fuivi des routes différentes , dirent qu'ils avoient entendu près d'eux les voix de quelques Indiens , mais qu'ils n'avoient découvert perfonne. Le pays paroiffoic en général fablonneux 6c Iterile ; 6c comme il n'y a point d'eau douce , on ne peut pas fuppofer qu'il ait des habitans domiciliés. Les ravins profonds que les torrents forment aux pieds des collines , prouvent qu'à certaines faifons de l'année les pluies y font très-abon-» dantes. Je donnai au golfe dans lequel étoit le vaiffeau, le nom de Thirfiy Sound ( Canal de. la Soif) , parce que nous ne pûmes pas nous y procurer de l'eau douce. Il gk au 22 d io' de latitude S. , & au 2iod 18' de longitude Oueft; on peut le reconnoître au moyen d'un grouppe de petites Ifles fituées au-deffous de la cote , k la diftance de deux a cinq lieues au N. O., & par un autre grouppe d'Ifles qui font droit en face, k trois ou quatre lieues en mer. Sur chacune des pointes qui forment l'entrée , il y a une colline élevée & ronde qui au N. O. eft une péninfule environnée par la mer k la marée haute ; elles font toutes deux efcarpées ôc éloignées entr'elles d'environ deux milles. Ce golfe préfente un bon mouillage par 7, 6, 5 ôc 4 braffes, ôc il offre en outre, pour mettre un vaiffeau k la bande , des endroits commodes , où dans les hautes marées l'eau s'élève jufqu'k feize ou dix-huit pieds. Le flot commence vers les onze heures aux pleines & nouvelles lunes. J'ai déjà remarqué qu'il n'y a point d'eau douce , ôc que nous ne pûmes nous y procurer aucuns rafraî chiffe mens : nous vîmes deux tortues , mais il nous fut impoilible de les prendre , ôc nous n'attrapâmes ni poiffons, ni oifeaux, k l'exception de quelques petits oifeaux de terre ; nous y appercûmes , ii eft vrai, les mêmes oifeaux aquatiques que dans la baie de Botanique ; mais ils étoient fi fauvages, que nous n'en tuâmes pas un feul. Comme je n'avoîs aucune raifon de refter plus long-tems en cet endroit, le 31 Mai, à fix heures du matin, je levai l'ancre ôc je remis en mer, Nous üüü? portâmes au N. O. avec une brife fraîche du S. S. E, i77°- ce nous nous tinmes en dehors du grouppe d'Iiles iituées le long de la côte, & au N. O. du canal Thirjly, parce qu'il ne paroiffoit pas y avoir un paifage fur entre ces Ifles & la Nouvelle-G allés : nous avions en même-tems au large un certain nombre d'ifles qui s'étendoient auili loin que la portea de la vue ; pendant notre route dans cette direction , notre profondeur d'eau étoit de dix , huit ou neuf braifes. A midi, la pointe Oueft du canal Thirjly , que j'ai appelle Pier Head ( Pointe Pier) , nous reftoit au S. 36d E. , à cinq lieues, & la pointe Eft de l'autre golfe qui communique avec le détroit, nous reftoit auííi au S» -J- S. O., à deux lieues ; le grouppe dilles dont on vient de parler étoit entre nous ck la pointe , & la partie la plus éloignée de la grande terre qui fût en vue fur fautre côté du golfe 3 nous reftoit au N. O. Notre latitude, par obfervation, étoit de 21 d «,3'. A midi & demi , le bateau qui fondoit en avant, nous iignala un bas-fond , & fur le champ , nous ferrâmes le vent au N. E. Nous avions alors 7 braffes ; la fonde en rapporta enfuite 5 , & le troifieme jet 3 ; fur quoi nous laifsâmes tomber furie champ une ancre qui mit le vaiiîeau hors de danger. La Pointe Pier9 au Nord - Oueft du canal Thirjly , nous reftoit au S. E. , à la diftance de fix lieues, c'eft-a-dire, à la moitié du chemin qui eft entre les Tiles fituées a la hauteur de la pointe Eft du canal occidental , 6c trois autres petites Ifles fituées directement en dehors des premieres. C'étoit alors le commencement du flot, qui portoit au N. O. f O. ~ O. ; après avoir fondé au^ tour tour du bas-fond fur lequel nous avions 3 braifes , nous trouvâmes que Peau étoit profonde par-tout , nous remîmes à la voile. Nous gouvernâmes autour des trois Ifles dont on vient de parler , 6k nous jettâmes Tañere fous le vent de ces Ifles par 1^ braifes d'eau: le tems étant brumeux , fombre 6c pluvieux , nous reliâmes dans ce mouillage jufqu'au premier Juin , à fept heures du matin* Nous appareillâmes alors , ôc nous portâmes au N. O. avec une brife fraîche du S. S. E. ; nous voyions encore la grande terre , ainii qu'un certain nombre d'Ifles tout autour de nous , dont quelques - unes font fituées au large auili loin que l'œil pouvoit atteindre. Nous appercevions entièrement le canal occidental qui eft diftingué dans la carte par le nom de Broad Sound {large Canal). Il a au moins neuf ou dix lieues de largeur a l'entrée ; il y a pluiieurs Ifles à l'entrée & en dedans, 6k probablement au Ìli des bancs de fable ; car nos fondes étoient très-irrégulieres ck varioient tout à coup de 10 à 4 braifes. A midi, notre latitude par obfervation, étoit de 21 d 29' S. Une pointe de terre fituée au 21d 30' de latitude 6k au 2iod 54/ de longitude O. , qui forme l'entrée Nord-Oueft du large Canal 6k que j'ai nommée Cap Palmerjlon, nous reftoit à l'O. j N. O. , â la diftance de trois lieues. ■Notre latitude étoit de 21 d 27', ck notre longitude de 2iod 57'. Entre ce Cap 6k le Cap Townshend, il y a une baie que j'ai appelle Bay of Inlets { Baie des Canaux ). Nous continuâmes à porter â petites voiles a» N. O. & N. O. - N. , fuivant la direction de la Tome III. B b b terre , & nous avions un bateau en avant pour fonder. D'abord les fondes varièrent beaucoup de 9 a 4braffes, mais enfuite elles furent régulières de 9 à n. A huit heures du foir, étant à environ deux lieues de la terre, nous mîmes à l'ancre par n braifes , fond de fable; & bientôt après nous trouvâmes la marée coulant lentement à l'Oueit. A une heure, la marée étoit bailé; à deux heures 6c demie , le vaiiîeau avoit le cap à l'Eft , ôc il y reità jufqu'à fix heures du matin du 2 , tems où la marée étoit montée à onze pieds. Nous mîmes alors à la voile , 6c nous portâmes au N. N. O., fuivant la direction de la côte. D'après ce que nous avions obfervé de la marée pendant la nuit, il eft clair que le flot venoit du N. O. ; au lieu que la veille ce pluiieurs jours auparavant, elle venoit du S. E. : nous avions déjà remarqué la même chofe a différentes fois. Nous trouvâmes le matin , au lever du foleil , que la variation de l'aiguille étoit de 6d 45' E. ; & en gouvernant le long de la côte entre l'Ifle & la grande terre , à environ deux lieues de celle-ci , ôc à trois ou quatre de la premiere , nos fondes furent régulièrement de 12 à 9 brailès ; fur les onze heures nous fûmes encore embarrarles fur des bas-fonds, la fonde n'y rapportant que 3 braifes ; cependant nous nous en tirâmes fans jetter l'ancre. A midi , nous étions éloignés d'environ deux lieues de la grande terre, ôc de quatre des liles que nous avions au large \ notre latitude , par obfervation, étoit de 20d 56', ôc un promotoire élevé que je nommai Cap Hillsborough nous reftoic à 1*0. - N., à fept milles de diftance. La rerre y eft entrecoupée de montagnes , de collines, de Ann. 1770. plaines éc de vallées , & paroît être bien couverte de verdure &c de bois ; les Iiïes fituées parallèlement a la côte, à la diitance de cinq à huit ou neuf milles , différent beaucoup par l'élévation & Pétendue ; à peine y en a-t-il une qui ait cinq Heues de circonférence, ce la plupart n'ont pas plus de quatre milles. Outre cette chaîne d'Ifles qui font à une certaine diftance de la còte, il y en a d'autres beaucoup moindres au-deffous de la terre, & fur lefquelles nous appercûmes de la fumée en pluiieurs endroits. Nous continuâmes à ranger la côte à environ deux lieues, avec des fondes régulières de 9 àio braifes. Au coucher du folcii , la pointe la plus éloignée de la grande terre nous reftoit au N. 48 a O. ; il y a au Nord de celle-ci une terre élevée que je pris pour une Ifle, & relativement à laquelle la pointe Nord-Oueft de la premiere court 41d O. ; mais n'étant pas fur qu'il y eût un paifage , je jettai l'ancre fur les huit heures du foir par 10 braifes, fond de vafe. Vers dix heures , nous avions une marée qui portoit au Nord ; à deux heures après minuit, elle étoit tombée à neuf pieds ; enfuite elle commença à fe relever , & le flot venoit du Nord , dans la direction des Ifles fituées en pleine mer ; ce qui indique qu'il n'y a point de paifage au N. O. Cette conjecture ne s'étoit pourtant pas encore vérifiée , lorfqu'à la pointe du jour du 3 nous mîmes à la voile pour porter à l'Oueft. A huit heures du matin , nous découvrîmes une terre baile en travers I3bb ij --------jmr de ce que nous avions pris pour une ouverture , ôc Ann 1770 qUe no.is reconnûmes être une baie d'environ cinq ou ftx lieues de profondeur ; fur quoi nous ferrâmes le vent a l'Eft , autour de la pointe Nord de la baie, qui nous reftoit alors au N. E. \ N. , à la diitance de quatre lieues : nous trouvâmes que depuis cette pointe la terre couroit N. \ N. O. \ O , ck qu il y avoit k la même hauteur un détroit ou paifage entre cette terre ôc une ou pluiieurs grandes liles qui lui font parallèles. Comme nous avions l'avantage du flot, nous portâmes versee paifage ; & a midi , nous fûmes préci-fément en dedans de l'entrée : notre latitude , par obfervation , étoit de 20d 26' S. Le Cap HMsborcugh nous reftoit au S. \- S. E., a dix lieues , ôc nous avions au S. i d O-, a quatre milles , la pointe feptentrionale de la baie. Cette pointe, à laquelle j'ai donné le nom de Cap Çonway , gît au 26 d 36' de latitude S, , ôc au 21 id 28' de longitude O. , ôc j'appellai Baie de RepulJ'c la baie qui eft fituée entre ce Cap ¿k le Cap Hillsborough. L'endroit le plus profond de cette baie eft de 13 braifes, ce la fonde en donne 8 dans celui qui feit le moins ; il y a par-tout un mouillage iûr , & je crois qu'en l'examinant on pourroit trouver quelque bon havre, fur-tout au côté feptentrional en-dedans du Cap Conway ; car préciiément en-dedans de ce Cap, il y a deux ou trois petites Ifles qui feules met-troient ce côté de la baie à l'abri des vents de S. ôc de S. E,, qui femblent y être réguliers comme des vents alifés. Parmi le grand nombre d'ifles qui font fur cette côte , il y en a une plus remarquable que les autres elle eft petite , très-élevée 3 fe terminant & pic & fituée E. I S. E., à dix milles du Cap Conway, à l'extrémité meridionale du paifage. L'après-midi , Ann. 177« ir Juin, nous gouvernâmes a travers ce paiiage , que nous reconnûmes avoir de trois à fept milles de large, ôc de huit à neuf lieues de long, N. ; N. O f Q. , ôc S. a S. E. -'- E. 11 eli formé a l'Oueft par la grande terre, ôc à fEft par les liles, dont une a au moins cinq lieues de longueur. En le traverfant , nous avions de 20 ii 25 braifes d'eau , avec un bon mouillage par-tout , & tout le paifage peut être regardé comme un havre fur, fans parler de pluiieurs petites baies ôc anfes qui font de chaque côté , & où les vaif-feaux peuvent féjourner comme dans un baifin. Le fol de la grande terre ôc des Ifles eft élevé , entrecoupé par des collines , des vallées , des prairies ôc des bois , ôc la verdure qu'il préfente forme un coup-d'ceil agréable. Nous découvrîmes fur une des ifles, avec nos lunettes , deux hommes ôc une femme , ôc une pirogue avec un balancier , qui paroifloit être plus grande & d une eonftruétion très-différente des canots compeles de morceaux d'écorce liés enfemble par les bouts , que nous avions vus fur d'autres parties de la côte. Ce petit bâtiment nous fit conjecturer que les habitans de ce canton avoient fait plus de progrès dans la vie fociale q ie ceux que nous avions vus juf-qu'alors. A fix heures du foir, nous étions prefque en travers de l'extrémité feptentrionale du paifage ; la pointe la plus Nord-Oueit de la terre qui fût en vue , nous reftoit au N. 54* O. ; & nous avions au N. N. E. l'extrémité Nord de l'Ifle , avec une mer ouverte entre les deux pointes. Comme ce paifage fut ~ 1 " - découvert le jour de la Pentecôte , je l'appellai Whit-Amtn'.I77°' fui'day PaJJage ( Pajfage de la Pentecôte ) ; & je donnai aux Ifles qui le forment le nom àTjles de Curm berla nd, en honneur de fon Alteffe Royale le Duc de Gumberland. Nous voguâmes à petites voiles, la fonde à la main, pendant toute la nuit, étant à la diftance ék d'environ trois lieues de la côte, 6c ayant de 2t à 23 braifes d'eau. Le 4, à la pointe du jour, nous étions en travers de la pointe que nous appercevions plus au loin , au Nord-Oueft , le foir de la veille, & que je nommai le Cap Glocefler. C'eft un promontoire élevé qui gît au 19d 59/ de latitude S., & au xnd 49' de longitude O. ; on peut le reconnoître au moyen d'une Ifle fituée au large au N. j N. O. ~ O., qui en eft éloignée de cinq ou fix lieues , & que j'appellai Ifle Holborne j il y a encore d'autres Ifles au-deffous de la terre, entre Pifie Holborne & le paifage de la Pentecôte. Sur le côté Oueft du Cap Glocefler, la terre court S. O. & S. S. O. , & forme une baie profonde , dont je pou-vois à peine appercevoir le fond du haut de la grande hune; elle eft très-baife, & c'eft une continuation de la terre que nous avions vue dans l'enfoncement de la baie Repulfe. le donnai k cette baie le nom de Baie d3Edgcumbe \ mais fans nous arrêter à l'examiner , nous continuâmes notre route k l'Oueft vers la terre la plus éloignée qui fût k la portée de notre vue dans cette direction ; celle-ci nous reftoit k l'O. f N. O. \ N. , & paroifloit très-élevée. A midi, nous étions k environ trois lieues de la côte , & par obfervation, au 19 * 47' de latitude S, ; le Cap Glocefler nous reftant au '"^jl^ S. 63d E. , a fept lieues ôc demie A fix heures du foir, au™-*77<>* nous étions en travers de la pointe la plus occidentale dont on vient de parler, à environ trois milles ; ôc comme elle s élève tout-à-coup au-deifus des baffes terres qui l'environnent, je l'appellai Cap Upjlart. Il gît au iod 39' de latitude S , Ôc au 2i2d 32' de longitude Oueft , ôc il eft aifez élevé pour qu'on puiife le découvrir k la diftance de douze lieues ; il y a dans l'intérieur quelques collines ou montagnes qui, comme le Cap , femblent être ftériles. Après avoir dépaifé ce Cap, nous continuâmes k porter à petites voiles k l'O. N. O. j fuivant la direction de la terre, Ôc nous eûmes de 16 k 10 braifes d'eau jufqu'à deux heures du matin du ^ , que nous tombâmes k 7 braifes ; fur quoi jugeant que nous étions très-près de la terre , nous ferrâmes le vent au Nord Nous reconnûmes à la pointe du jour que nos conjectures étoient vraies; car nous n'étions pas a plus de deux lieues de la côte. Quoique la terre , fur cette partie de la côte , préfente çà Ôc là quelques collines, elle eft très-baife , & c'eft pour cela qu'elle eft plus proche qu'elle ne le paroît d'abord. A midi, nous étions à environ quatre lieues de terre, par 15 braifes d'eau , ôc notre latitude, par obfervation , étoit de 19d j2' S. , le Cap Upjlart nous reftant au S. 3^d 3c/ E., k douze lieues. Nous vîmes de très-groifes colonnes de fumée qui s'élevoient des balles terres. La veille, au coucher du foIeiL quand nous étions au-deifous du Cap Upjlart, la variation de l'aiguille étoit à peu près de 9d E., & au lever au folcii, elle n'étoit plus que de }d 3$'; je penfai que cette = différence provenoit de l'influence de quelques mines " de fer ou d'autres matières magnétiques renfermées au-deffous de la furface de la terre. Nous continuâmes à gouverner a l'O. N. O., fuivant la direction de la terre , par 1% ou 14 braffes d'eau, jufqu'à midi du 6"; notre latitude, par obfervation , étoit de 19d 1' S., & nous nous trouvâmes précifément en travers de l'embouchure d'une baie qui s'étendoit du S. T E. au S. O. S. à deux lieues de diftance. Cette baie , que j'appellai Baie Cleveland, nous parut avoir cinq à fix milles d'étendue de tous les côtés ; je donnai à la pointe de fEif le nom de Cap Cleveland, ce à la pointe Oueft, qui fembloit être une Ifle, celui d'IJle Magnétique, parce que nous remarquâmes que le mouvement de l'aiguille fe dérangeoit à mefure que nous en approchions ; ces deux pointes font élevées , ainfi que la grande terre au-delà , & le tout forme un terrein, le plus rocailleux, le plus brifé & le plus iterile que nous avions vu fur la côte ; le pays n'eft pourtant pas fans habitans , car nous avons ap^ perçu de la fumée en plufieurs endroits au fond de la baie. La terre la plus feptentrionale qui fût alors en vue , nous reftoit au N. O., & elle avoit l'apparence d'une Ifle ; car nous ne pûmes pas appercevoir la grande terre plus loin que l'O. \- N. O. Nous portâmes à l'O. N. O. en tenant fur notre bord la Nou* velle-Gailes, dont la partie la plus extérieure nous reftoit au coucher du foleil à l'O. { N. O. ; mais en dehors de celle-ci, il y a une terre élevée qui, à ce que nous jugeâmes , n'en faifoit pas partie. Le 7, à 1# poirite pointe du jour , nous étions en travers de la partie =r-ts: orientale de cette terre , que nous reconnûmes pour ann.^1770, un grouppe d'Iiles fituées à environ cinq lieues de la grande terre- Nous trouvant alors entre les deux côtes 3 nous avançâmes lentement au N. O. jufqu'à midi : notre latitude , par obfervation , étoit de 18 d 49' S. , & notre diftance de la grande terre d'environ cinq lieues : la pointe N. O. de cette terre nous reftoit au N. j N. O.7O.; les Ifles s'étendoient du N. à l'E., la plus proche étoit éloignée d'environ deux milles , ôc nous avions le Cap Cleveland au S. ^od E. à dix-huit lieues. Nos fondes, pendant les vingt-quatre dernières heures, furent de 14 a n brafles. L'après-midi, nous vîmes pluiieurs groffes colonnes de fumée fur la grande terre, ôc quelques habitans Ôc des pirogues fur une des Ifles qui fembloit porter des cocotiers. Comme les noix de coco nous auroient été très-falutaires alors, j'envoyai le Lieutenant Hicks à terre , qui y alla avec MM. Banks ôc Solander pour voir quels rafraîchiflèmens ils pourroient nous procurer, tandis que je gouvernois vers l'Ifle avec le vaiffeau Ils revinrent fur les fept heures du foir , ôc ils nous dirent que ce que nous avions pris pour des cocotiers, étoit une petite efpèce de palmifte, ôc qu'ils n'avoient rien trouvé digne d'être rapporté à bcrd, à l'exception de quatorze on quinze plantes. Ils ne virent . aucun Infulaire, pendant qu'ils étoient à terre, mais en fe rembarquant, un indien s'approcha très-près de la grève ôc poufia un grand cri; il faifoit fi fombre qu'ils ^ ne purent pas l'appercevoir , cependant ils retour nè-Tome III. Ccc ■■■■■ rent . triais quand il entendit le bateau voguer de nou-ann.1770. veau contre la côte , il s'enfuit ou fe cacha ; car nos gens ne purent plus l'entrevoir, & quoiqu'ils criaffent avec force, il ne leur répondit point. Après le retour du bateau , nous portâmes N. ~ N. O. vers la terre la plus feptentrionale qui fût en vue , en travers de laquelle nous nous trouvâmes le 8, a trois heures du matin, ayant dépaifé toutes les Ifles trois ou quatre heures auparavant. Je donnai à cette terre, à caufe de fa figure , le nom de Point Hiliock ( Pointe du Mon-drain ) ; elle efl fort élevée , ôc on peut la reconnoître au moyen d'un mondrain ou rocher rond qui eft joint à la pointe, mais qui femble en être détaché. Entre ce Cap & l'Ifle Magnétique , la côte forme une grande baie , que Cappellai Baie Hallifax ; il y a au devant de fon entrée le grouppe d'Ifles dont on vient de parler , Ôc quelques autres moins éloignées de la côte. Ces Ifles mettent à l'abri de tous les vents la baie, qui offre un bon mouillage. La terre près de la grève au fond de la baie , eft baile ôc couverte de bois, mais plus loin dans l'intérieur, c'eft une chaîne continue de hautes terres qui femblent être des rochers ftériles. Après avoir dépaffé la Pointe du Mondrain, nous continuâmes , k la faveur d'un clair de lune, k porter au N, N. O. fuivant la direction de la terre. A fix heures , nous étions en travers d'une pointe de terre qui gît au N | N. O. j O. à onze milles de diftance de la pointe du Mondrain, ôc que je nommai Cap Sandwich : entre ces deux pointes la terre eft très-élevée, Ôc la furface en eft brifée & ftérile : on peut reconnoître le Cap Sandwich , non-feulement par Ya¿~ peét de cette terre qui en fait partie , mais encore au t moyen d'une petite lile fituée à l'Eft du cap , & de Ann- 17~°- Juin* quelqu'autres qui font à environ deux lieues au Nord. E)epuis le Cap Sandwich , la terre court O. Ôc enfuite N. formant une belle ôc grande baie , que j'appellai Baie Rockingham , ôc où il me parut y avoir un abri sûr ôc un bon mouillage ; mais je ne m'arrêtai pas pour l'examiner. Je rangeai la côte au Nord, vers un grouppe de petites liles qui font à la hauteur de la pointe feptentrionale de la baie , entre les trois plus éloignées de ces liles ôc celles qui font près de la côte. J'y trouvai un canal d'environ un mille de large, à travers lequel je pallai, & fur une des Ifles les plus proches nous appercûmes avec nos lunettes environ trente Naturels du pays , hommes, femmes ôc enfants, tous raifemblés , ôc regardant le vaiiîeau avec beaucoup d'attention ; c'étoit le premier exemple de curioiité que nous euflions obfervé parmi eux. Ils étoient entièrement nuds ; leurs cheveux étoient courts , ôc ils avoient la même couleur de peau que ceux que nous avions vus auparavant. A midi , notre latitude , par obfervation , étoit de 17a 59' , ôc nous étions en travers de la pointe feptentrionale de la Baie de Rockingham , qui nous reftoit à l'Oueft à environ deux milles. Cette extrémité de ta baie eft formée par une file d'une hauteur confidérable , qui eft diftinguée dans la Carte par le nom cXljle Dunk , & qui fe trouve fi près de la côte qu'il n'eft pas aifé de reconnoître qu'elle n'en fait pas partie. Nous étions par le 2I3d 57' de longitude O., le Cap Sandwich nous reftant au S.j S. E.f E. à dix-neuf milles, & nous avions Ccc ij au N, \ O. la terre la plus feptentrionale qui fut en vue : pendant les dix dernières heures , la fonde ne rapporta pas plus de 16 & pas moins de 7 braifes. Au coucher du foteil, l'extrémité feptentrionale de la terre nous reftoit au N. 25 d O., & nous continuâmes, toute la nuit , à porter à petites voiles au N. ~ N. O. , le long de la côte, à trois ou quatre lieues de diftance, ayant de 12 à 1^ braifes d'eau. Le 9, à ftx heures du matin , nous étions en travers de quelques petites liles que nous appeilâmes IJJes Frankland , & qui font à environ deux lieues de la terre principale. La pointe la plus éloignée qui fût en vue au Nord , nous reftoit au N. j N. O. ~ O. , & nous crûmes qu'elle faifoit partie de la côte orientale de la Nouvelle'Hollande, mais nous trouvâmes enfuite que c'étoit une lile fort élevée & d'environ quatre milles de circonférence. Je pallai avec le vaiifeau entre cette Ifle & une pointe de la terre principale , dont elle eft éloignée de deux milles. A midi , nous étions au milieu du canal, & par obfervation , au i6d 57' de latitude S. avec 20 braifes d'eau. l'appellai Cap Graf-ton, la pointe de la côte orientale de la Nouvelle-Hollande en travers de laquelle nous étions alors , il gît au 16d 57' de latitude S., & au 214a 6' de longitude O. ; la terre de ce cap, ainfi que toute la côte dans une cfpace d'environ vingt lieues au Sud, eft élevée, remplie de rochers & peu couverte de bois : pendant la nuit nous avions vu pluiieurs feux , & à midi , nous appercûmes quelques Infulaires. Après avoir doublé le Cap Grafton, nous reconnûmes que la terre cou- roic N. O. j N ôc trois milles à l'Oueft du Cap, nous trouvâmes une baie dans laquelle nous mîmes à l'ancre à environ deux milles de la côte , par 4 brafles, fond de vaie. La pointe orientale de cette baie coure S. 74d E ; la pointe occidentale S. 83 a O. Ôc une lile baife , couverte de bois 6c de verdure , qui gît au large N. 35a E.; cette lile fituée au N. ~ N. E. ~ E. à trois ou quatre lieues du Cap Grafton , eft appellée dans la Carte Green IJland{IJÌe Verte). Dès que le vaiffeau fut à l'ancre , j'allai a terre avec MM. Banks 6c Solander. Mon principal objet étoit de m'y procurer de l'eau douce , ôc , comme Je fond de la baie étoit une terre balìe, couverte de palétuviers , où il n'étoit pas probable qu'il y eût de l'eau , je portai vers le Cap , & je trouvai deux petits courans que la houle ôc les rochers de la côte rendoient pourtant d'un accès très-difficile. J'apperçus auili en doublant le Cap un petit courant d'eau qui traverioit la grève ôc fe déchargeoit dans une anfe fablonneufe; mais je n'y allai pas avec le bateau , parce que je vis qu'il ne feroit pas aifé de débarquer. Lorfque nous fûmes à terre, nous reconnûmes que le pays s'élevoit par-tout en collines de roches efearpées, Ôc qu'on ne pouvoit pas y faire commodément de l'eau ; ne voulant pas perdre mon tems à chercher ailleurs une terre plus baile, nous retournâmes promptement au vaiffeau, ôc vers minuit nous appareillâmes ôc nous portâmes au N. O. avec très - peu de vent ôc quelques grains de pluie. Le 10, à quatre heures du matin, la brife fraîchit au S. ~ S. E. , ôc le tems devint beau : : nous- continuâmes k gouverner au N. N. O. ~ O. fui- Ann. 1770. vant ja direction de la terre, à environ trois lieues de Juin diftance, par 10, 12 & 14 braifes d'eau. A dix heures, nous courûmes au large vers le Nord , afin de gagner une petite Ifle baife qui eft à environ deux lieues de la terre principale, ck dont une grande partie étoit alors inondée par la marée haute. A environ trois lieues au N. O. de cette Ifle , tout près & au-deflbus de la terre principale , il y a une autre lile , dont la terre s'élève à une plus grande hauteur , ce qui , a midi , nous reftoit au N. 55' O. à fept ou huit milles de diftance. Notre latitude étoit alors de 16d 20' S., le Cap Grafton nous reftant au S. 29 d E. à quarante milles , & nous avions au N. 20d O. la pointe la plus feptentrionale de la terre qui fût en vue i notre fond d'eau étoit de 15 braifes. Entre cette pointe & le Cap Grafton , la côte forme une grande baie, mais peu profonde , que j'appellai Baie, de Trinité, parce qu'elle fut découverte le Dimanche de îa Trinité. Fin du troifième Tome* TABLE DES CHAPITRES Contenus dans ce troiiième Volume. VOYAGE DU CAPITAINE COOK. Livre IL Chap. I. De s c rxp tjo n de quelques IJles fituées dans le voifinage d'Otahiti. Divers incidens qui nous arrivèrent. Spectacle Dramatique & plupeurs particularités relatives aux Coutumes & Mœurs des Habitans. i Chap. IL Pajfage J'Oteroah à la Nouvelle-Zélande. Incidens qui furvinrent lorfqu'on fut débarqué , Ù tandis que le vaiffeau mouuloit dans la Baie de Pauvreté. 41 i9z TABLE Chap. III. Defcription de la Baie de Pauvreté. Afpecl du Pays adjacent. Traverfée de-là au Cap Turnagain £ à Tolaga. Defcription du Pays & de fes Habitans. Phifieurs incidens qui nous arrivèrent fur cette partie de la Côte. 61 Chap. IV. Traverfée de la Baie de Tolaga à la Baie de Mercure , dans la Nouvelle - Zélande. Plu/leurs incidens qui nous arrivèrent à bord & à terre. Description de plufîeurs vues du Pays , ainfi que des Hippahs ou Villages fortifiés des Habitans. 97 Chap. V. Traverfée de la Baie de Mercure à la Baie des Iiles. Expédition le long de la Rivière Tamife. Defcription des Indiens qui habitent fes bords* Beau bois de charpente qui y croît. Plufîeurs entrevues avec les Naturels du Pays en différentes parties de la Côte* Combat contr'eux fur une des If es. 132 Chap. VI. Traverfée de la Baie des Ifles au Canal de la Reine Charlotte > en tournant le Cap Nord. Defcription de cette partie de la Côte. 161 Chap. VIL Séjour dans le Canal de la Reine Charlotte. DES CHAPITRES. 393 lotte. Paffage à travers le Détroit gui fépare les deux Ifles , & retour au Cap Turnagain. Horrible coutume des Habitans. Mélodie remarquable des * Oifeaux. Vifite faite à un Hippah, & plufîeurs autres particularités. 180 Chap. VIII. Route depuis le Cap Turnagain en allant vers le Sud, le long de la Cote orientale de Poenammoo , autour du Cap Sud , & en retournant à Ven" trée occidentale du Détroit de Cook 3 ce qui complète la circonnavigation de la Nouvelle-Zélande. Defcription de la Cote ty de la Baie de l'Amirauté. Départ de la Nouvelle-Zélande , & diverfs particularités. 21«) Chap. IX. Defcription générale de la Nouvelle-Zélande découverte. Situation } climat £• productions de cette Ifle. 247 Chap. X. Defcription des Habitans de la Nouvelle-Zélande. Habitations , vétemens, parure , alimens y cuifine & manière de vivre. 261 Chap. XI. Des Pirogues & de la navigation des Tome III. Ddd 394 TABLE DES CHAPITRES. Habitans de la Nouvelle - Zélande. Agriculture 9 Armes & Mu fique ; Gouvernement , Religion & Langage de ces Infulaires. Objections contre Vcxif* t tence dyun Continent meridional. 282 VOYAGE DU CAPITAINE COOK. Livre III. Chap. I. Traversée de la Nouvelle-Zélande à la Baie de Botanique fur la Côte orientale de la Nouvelle-Hollande, appellée aujourd'hui Nouvelle- I Galles méridionale. Différens incidens qui nous y arrivèrent. Defcription du Pays & de fes Habitans. 307 Chap. IL Traverfée de la Baie de Botanique à la Baie de la Trinité. Defcription du Pays , de fes Habitans & de fes productions. . 341 Fin de la Table des Chapitres. De l'Imprimerie de J. G. CLOUSIER, rue Saint - Jacques, 1774- i,