HISTOIRE CRITIQUE DES avec DES LEÇONS INSTRUCTIVES SUR LEUR USAGE. A PARIS Aux Dépens de la Compagnie, 1769 DISCOURS PRELIMINAIR UAND I?Auteur de h Corne-die du Joueur, a mis ces vers dans la bouche de Fun des A&eurs de fà Piece* il n'avoit fans douez en vue que de pkifanter* Cependant fi l'on envifage dans toute leur étendue les Mœurs & le Théâtre du grand Monde 3c particulière* ment dans le flecîe où nous vivons on remarquera qui! ferok très utile-je ne dis pas d'apprendre à jouer à la jeunefîe* mais de lui donner de bon* ne heure toutes les inftru&ions nécé£ faires> non feulement pour appren* dre à vaincre ou a modérer la Pat fion du Jeu, mais encore pour éviter tous les dangers qui refultent CJ A cette frenetique Paffion. ' A 2 Je Je n'entreprendrai point dans cet ouvrage de traiter méthodiquement ces inflru&ives leçons*, Mrs. de la Fia-cette? de Caouzar 8c tant d'autres célèbres écrivains m'ont prevenu ÔC ont fait fur cette matière de très îu~ s dicieufes Reflexions? qui jointes à ce que l'experience m'a fait connoître* pourront aider les jeunes-gens de famille à le préferver des Pieges dangereux que fouvent on leur tend fous i'appas d'un gain rapide. Il n'eft que trop prouvé? que leur premiere bonne fortune au jeu les conduit mal» heureufement à des pertes irréparables* Celles de leur bien 5 celle de leur fanté en font de très grandes; Mais peut - on les mettre en paralelle avec celle de l'honneur. Combien en eft-il? qui après avoir épuifé toutes les refTources que l'honnêteté & la probité probité leur fourniflbient, font ban° queroute au fendillent de l3homrae d'honneur 5 & ne rougifîem plus de O j, tremper dans les ftratagèaies les pins odieux & les plus criminels? parce-que dit Madame Beshouiieres? Quoi que le Cœur foit bon^ L'on commence pan être dupe9 On finit par être fripone Ce qui! y a de plus pernicieux dans ce genre de fripponnerie* ce font les exemples de ceux qui s'en mêlent quoique décorés de Titres ou d'emploi ts éminenSo Combien de fois irai «je pas ouf dire à de jeunes » gens de famille faufilés parmi les joueurs frauduleux? Mr. le Duc un Tel à bien fait tel ou tel tour de fubtilité; un tel Capitaine a gagné tout en coupant de telle A 3 ma* maniéré; un tel Commis s5e(l enrichi en fubtiîilant un tel financier, & malgré qu'on le fçavoit 9 il a cepen* dant été protégé. Si ceux qui authorifenfc leurs, tours d'adrefiè frauduleux par de tels exemples, penfoient quelquefois aux fa-cheufes Gataftrophes ou leurs fernbla-. bles s'expofènt? ils aimeroient bien mieux choifîr des modèles plus eftk mables. En ua mo,t, Lifcz, & Keficçhi(fe'§* REFLE- REFLEXIONS SUR LA DEFFENSE EX SUR LA DOLERANGE DES JEUX DE HAZARD. ^ à» \ D f £outes Pa^ons ^ f ^ te Cœur humain dans le cercle ^ ^y de ce que Ton appelle la bonne focieté j le jeu eft furement la plus forte. L'amour y occupe une très grande place ; mais Tes inftans font bornés 5 Ceux du jeu ne le font que par tout ce qu'il y a de plus fort au monde, c'efi è dire le fommeil. Quelques phificiems prétendent que les p^flions naiflent avec nous, qu'elles coolent À 4 avec avec plus ou moins de rapidité dans nos vaines & qu'elles ne nous quittent qu'au tombeau* C'eft pourquoi les moraliftes qui font de cette opinion ne confeillent pas cl'etouf-fer ni de detruire les paflîons, mais de les moderer de les adoucir ; de les foumettre au joug de la raifon & de s'en corriger par des occupations propres à les éloigner de nos fens* Cependant combien voit - on d'hommes qui s'appliquent à cette étude par des travaux innocens & purgés de toute fraude ? Un avare, vous dira qu'il n'a point de paf. iions qui le tourmentent, retranchez l'avarice du cercle de la focieté humaine 5 vous en bannirez bientôt tous les vices» La paffion du jeu 9 en envifageant ge-îieralement tous les joueurs prend ordinairement fa fource dans une avarice fordide. Peut-on nier que l'envie d'acquérir rapidement des Trefors & des Richeffes 5 foît autre chofe que la foif ardente de l'or & du bien d'autrui? Cette foif efl la paillon dominante & générale. Si elle ne fe cache pas fous les appas du jeu , elle prend une autte face qui n'eft pas moins hideufe* & fouvent odieufe à la vue des véritablement honnêtes gens. Ce n'eft pas le jeu : c eft l'ufure : ce n'efl pas l'ufure ; c'eft la Chicanne 8c les Procès; ce ne font pas ceux-ci; ce font les brigues & les cabales pour faire dépouiller de fon emploi celui que l'on afpire à remplacer. Je ne finirois pas fi tôt, fi je voulois entrer dans les détails des moyens 4 que l'avarice met en ufâge pour s'abreuver de la liqueur qui dans fa fource ne lui appartient pas. Le jeu eft le feul fur Je quel j'ai projette de nfarreter 9 & d'en parler moins en moralifte qu'en financier. Les anciens législateurs, chez les Grecs & che£ les Romains reconnurent fi bien l'utilité & même la nécéffité des jeux, qu'ils en ordonnèrent de publics 5 afin d'ôter à la méchanceté de l'efprit humain le tems & i'occafion de machiner de frauduleux & de pernicieux ftratagêmes. Ces divertiffemens furent d'abord très in no cens , c'étoit l'arc, la Lutte 5 la Danfe, les Courfes; mais ils dégènererent infenfiblement en des facrifices qui deshonorerent & révoltèrent l'humanité. L'homme veut être occupé ou diftrait. Après un travail férieux ou l'on cfprit fem-ble s'être émouffé, il lui faut pour l'egui-fer, &c lui rendre la premiere pointe? des ré- A 5 créa- 5 o ) o ( * Cl ri J V ps créations on des amufemenss qui ne foient ni trop pénibles ni trop férîeux. Pour cet effet les fpeâacîes, ccmedies* combats de gladiateurs turent inventés 9 mais dégénérant iofenfiblement en des excès trop licencieux ou trop pernicieux, félon le goût ou la feverité du caraétère des leeis- f) o lateurs, iis furent ou permis ou kipprimés. Apres que les fpectacles- furent retranchés, les jeux, & fur tout ceux de hazard 9 tinrent lieu de récréations & d-amufements. Les abus qui en dérivèrent les tirent bannir de plufieurs Etats; mais quelques le v ères qua furent les peines qu'on infligeoit a ceux qui contreven'dient aux ordonnances, la paf-iion prévaloit toujours fur l'obéi fiance, & ne devenait par la defrenfe que plus ardente» lorsqu'on fecret elle trauvoit r.occafion de s'épancher. Il en eft ainfi de toutes les pallions humaines ; veut-on faire des loix pour les fupprimer entièrement , ceft le fruit déf--fendu; on en veut goûter foit au péril de fa fortune, de fa fanté, & même de la vie» Si j'en crois quelques Relations que des Voyageurs Anglois ont donné a la Bibliothèque d'Oxford , ou y trouvera que plu-heurs Législateurs Chinois ont fait de vains efforts pour étouffer dans leurs pais, le feu ardent ) 0 ( w i * ardent delà pafîîo.n du jeu: qu'après avoir-employé, mais inutilement, tous les moyens poffibles, exhortations religieufes , peines péeuniares, corporelles & diffamantes , ils ont à la fin été contraints d'en venir à \z Tolerance ouverte de tous les jeux de quel-qu'efpece même qu'on en voulut inventer. Jufqu'au bas peuple tout le monde jolie-à la Chine. Les bonzes & les mandarins qui font les prêtres du pais, ne s'en exemp-. tent pas plus les uns que les autres. Ce qu'il y a d'admirable parmi les Chinois & qui fait beaucoup d'honneur à f'hu-. ananité, c'efr que les Joueurs fe cotisent pour relever jirfqu'â la de-uxieme fois, celui d'entr'eux qui s'eft ruiné par le jeu. On lai fait à peu près la même fomme qu'il peut, félon ion état ou fa condition , y avoir-perdu. Si par fon imprudence , ou fi l'on veut, par l'effet du hazard, il perd le produit de cette ieçonde reftau ration , il lui refte encore une reflource- & que les plus forts joueurs à l'envi les uns des autres lui propofent de metttre en nfage : c'eir de jouer contre une fomme afiez confiderable* fa chevelure, ornement naturel & en grande vénération parmi ces Orientaux. Si la fortune le rétablit par ce moyen * on l'en félicite avec autant d'acclamation que s'il et oit échapé du pins grand péril. Tout au contraire s'il perd? Le gagnant lui coupe en prcfence de témoins les cheveux, il les porte en fuite, mais cadenaffés, à fa ceinture comme un Trophée de conquête glorieufe & qui accroît fon crédit parmi fes compatriotes; parce que, difent-ils, il eft heureux. Après cette linguliére céremonie Tin-fortuné tondu eft contraint de s expatrier & d'aller enfevelir fa honte dans des lieux inhabités, n'étant plus confideré que comme un homme deshonnoré & couvert d'infamie. Que de beauté & de generofité dans ce procédé! Que de morale dans le préjugé qui l'accompagne! Ne diroit - on pas que la vie d'un joueur Chinois n'eft que l'ap-prentiflage de la prudence & de l'œconomie, & Ion deshonneur un exemple à redouter & à éviter par une circonfpeâion toute par-ticu'iere & diçne de la fagefie humaine? O «■ ' Auffi eft—il peu de Chinois qui en viennent jufqu'à vouloir rifquer la perte de leur honneur. Ils prefèrent à renoncer au jeu & à le dépouiller d'une paillon fi funefte, lorsque la fortune ne favorite pas ceux qui veulent faire dépendre leur bien - être des caprices du hazard. Les ® ) 0 ( *3 Les juifs d'Afie, S: même ceux d'Europe fe tont une affaire ferieufe d'apprendre a leurs en fans à jouer toutes fortes de jeux. Ayant pour principe que le jeu peut-être dans l'occafion une refiource contre une extrême adverfttéo Mais en leur faifant faire cet apprentiffage , ils y joignent en même tems le corredif à la paiïion qui en eft l'objet, en les exhortant de fe retirer prudemment lorsque les chances ne leur font pas favorables , & de ne tenter la fortune qu'autant de tems que l'exige la fomme qu'ils ont deftinée de facrifier aux hôtels de cette inconftante déefle. J'ai connu un Juif à Amfterdam qui ne voulut jamais accorder fa fille en mariage, qu'à celui qui l'auroit gagnée pendant trois leances de deux heures au piquet : prétendant, que bien fçavoir ce jeu-là étoit la preuve vifible d'une capacité très étendue. Que fon fyftème foit vray ou faux, j'ai connu de très bons joueurs au piquet, qui d'ailleurs n'etoient que des genies très minces & très bornés. Les fâuvages ont auffî leurs jeux de ha-, zard, je leur en ai vu jouer un qui approche beaucoup du jeu de la raucette, forte de jeu, ou dans presque tous les païs, les jeunes écoliers s'amufent avec des noyaux de pèches d'abricot ou de cerifes. Les fauva- M ^ ) e.( fauvanes font un trou dans la terre de la o grandeur de la paume de la main ; ils mettent des efpeces de fèves dans ce trou, frappent de toutes leur forces avec im Cuir $ de maniéré que celui qui en rait le plus îortir a la fois a gagné. lis ne mettent peint d'argent au jeu. C'eft leurs flèches; leur arc, leur pibier, leur poudre à tirer leurs pierres à fufil & les autres effets qui leur font propres. Et foit qu'ils perdent ou foit qu'ils gagnent, on remarque en eux tous les mêmes mouvemens qui agitent nos joueurs civilifés, la plus part plus fauvages par leur fentimens, que ceux dont je viens de parler. De tout ce que je viens d'alléguer, oti pourroit conclure, comme il n'efr que trop certain , que la paffion du jeu circule avec le fane dans les veines de ceux qu'elle do -• 1 * i mine, &: que, par confequent, nulle loi Humaine ne fçauroit la détruire. Que la mo~ derer ou l'eteindre n'efl pas l'ouvrage d'au-trui; mais le nôtre propre, S'que cet ouvrage ne peut fe faire, qu'avec le fecours de l'expérience te des reflexions qui fuivent dé près les pertes qui ont dérangé nos affaires* ou altéré notre fan té. Ce n'eft pas dans- la vue de contrôler tes idées cks Minières, des Souverains, ou des ® ) o C t s Magifïrats qui ont fait iupprîmer fufage des jeux de hazard, que j'expofe mes réflexions aux yeux du public : Je crois que ces refpeéhbles administrateurs de la police & du bon ordre qui doit régner dans la focieté, n'ont eû que de bonnes intentions, & que tout ce qu'ils ont ordonné à cet égard n'a été précédé que de l'envie de détruire le mal pour y fubnituer un très-grand bien. Mais ont-ils atteint au but qu'ils s'étoient propofé? Voilà la queftion à réfuter? C'eft par ie récit fidèle de tout ce qui s'eft pafTé depuis 30 ans, relativement à cet objet qu'ils pourront connaître u les remedes dont ils fe font fervis ont cté les véritables & les meilleurs qu'ils pouvoient employer. Le fiécle de Louis XIV. fera immortel par le triomphe; & le perfedicn des Arts en tous genres» C'était en même tems le Règne des grands hommes, non feulement en France ? mais aulïî dans les Etats non eivilifés. Si la France avoit un Maiarin, un Coi-bert, l'Efpagne avoit un Don Louis de Haro, l'Angleterre un Harley (*)5 la Suède un Oxenftiern, la Ruflie un Lefort, Turin un Ormea, Vienne un Shrader, & quantité de Cours (*) Crh Lord Comte df Oxford par la Rein? Anne. i* ) o ( Cours en Allemagne pourvoient fe glorifier d'avoir d'habiles gens à la tête de leurs af- c t o faires Civiles & Politiques, Pour humanifer, & encore mieux civili-fer les nations, Grotius fut bientôt fuivi d'un PuffendorfF : Newton perfectionnoit les Travaux de l'immortel Des-Cartes , de CaiTini & Cafiendi, tandis que les freres Ber-naiijly tenoient en Suifle la Palme de la Géometrie , & que de Moivre appliquoit avec jufteffe les règles de l'Algebre aux Calculs Agronomiques de Newton. Locke,, donnoit des leçons à l'entendement humain; « * Malbranche débrouillloit le Cahos du Men-fonge pour faire triompher la feine Phiiofo-phie & la vérité. Etoit - il poifible que dans un fïecle où tant de grands hommes floriffent & parmi iefquels on pouvoit compter les plus grand Financiers qui cuf-fent jamais paru , étoit-il poïïible dis - je ^ que ces vrais piliers de l'abondance • & ces fages furveillans aux befoins des peuples > euffent oublié la fupprefTion des Jeux de hazard, s'ils euilent reconnu que, de cette fupprefTion il devoir en provenir un bien efficace pour la focieté? penfe-t-on, qu'ils euflent oublié de la prêcher, &c d'exhorter les Souverains à la mettre en execution dans leurs Etats refpedifs? Eux particulièrement, qui A & ) 0 ( 17 qui étoient entièrement: dépouilles cîe la pailion du jeu. Colbert, le grand Colbert, le plus fevère & le plus adrif des financiers, & qui ne joiïoit point employoit, on le fçaic, & re-compenfoic lucrativement les genies les [ lus éclaires, pour compoier des Mémoires relatifs à l'accroillement du Trefor de l'Etat. Penfe-t'on, qu'il ait oublié de prendre en confideration la branche qui concernoir les jeux de commerce Se les jeux de hazards? Il eft vrai qu'il fe plaignit une fois au Roi fon Maure des pertes que les Reines fai-loient au Pharaon à Se. Germain en Lave, ou la Cour croit alors , mais en fe plaignant il le garda bien de parler de le fup-primer. Il étoit trop habile Financier pour ne pas fenrir que la Tollerance de ces fortes de jeux produifoit une circulation d'ef-pece qui ne peut faire que du bien dans un grand comme dans un petit Erat. Mr. de Sully comparoir cette circulation a celle du fang qui fe fait dans le corps humain, & qui après avoir paffé dans les plus petits Vaifîcaux , fe rend en plus grande quantité dans la Trachée Artère pour fortifier & réjouir le Cœur d'un homme fain. Venize, le Piémont, les Etats de Milan, de Modene & quel qu'autres ou cette circu- J? latiox* i 12 } o" C « lation le fait font la preuve de cette vérité. Encore ces mêmes Etats > ne font-ils pas parvenus à retirer de la Tollerance qu'ils accordent à ces jeux , tout le benefice qui proviendroit de cette branche des finances II elle étoic prife en confédération dans toutes fes parties. Si Mr. Colbert & tous les grands Mi- o niftres que j'ai déjà nommés avoient reconnus cette tollerance necefïàjre & même utile, pourquoi un Cardinal cie Fleury l'a-1-il trouvé onereufe ? Seroit -ce parceque quelques particuliers aiiffi étourdis qifimprudens fe feraient ruinés par le jeux? ou feroir-ce parceque cette Eminence avoit plus de pénétration 5 de lumiere & de fagacité que tous ces Meilleurs que je viens de nommer? Que l'on accorde à l'adminifeation du Cardinal de Fleury tout l'encens que lui prodiguent les aveugles nés pour les fciences, jamais les habiles gens & moins encore les vrais financiers ofèront applaudir à cette fup-preflion. I! eft bien vrai que l'on a péché des deux côtés: Que la tollerance des jeux de hazard , telle quelle éroir établie en 1740. & les Années precedentes à celle-la n'étoïc pas du tont avantageufe à l'Etat. Mais en la (u primant Mr. de Fleury a-t-il arrêté le progrès du mal qu'il y appercevoit? Non & ) o ( & X? Non iî n'a fait que l'augmenter. Il na fait que jetter de l'huile- fur le feu. C eft ce que les dérangements de plufîeurs familles ruinées depuis l'ordonnance > par les jeux de hazards & la perte d'une multitude de jeunes gens, prouveroient allez 5 fans qu'il fut beioin d'entrer dans les détails de cette preuve } mais comme ils peuvent fervir d'in-ftruction aux législateurs comme à ceux qui O # i leur doivent obeïr3 je citerai tous ceux que je croirai les plus utiles & les plus inreref-fans. Un grand Financier Mr. Shrader dit3 que l'habile Miniftre des Finances faille jusqu'aux moindres objets pour accroître les revenus de l'Etat, fans être obligé de furcharger les peuples par de nouveaux impôts. Celui de la Toi 1 crin ce des jeux de hasard eft de cette efpèce, & n'eft pas d'une auflî mince valeur qu'on pourrok d'abord l'envifaçer. o Cette Tollerance bien entendue & bien dirigée /croit d'un très grand rapport pour un Etat ou elle auroit lieu, en y joignant i la di(cipline & la police convenable aux in-coriveniens & aux abus qui l'avoient accompagnés précédemment. Dans les pais mêmes ou elle eft établie ^ je n'ai pas apperçu que l'on en aie retiré B i tout *o ^ ) O ( tout le produit lucratif dont elle feroit fuf-ceptible 3 on s'eft contenté de mettre un impôt fur les Cartes. J'ouvrirai cy après ks moyens que j'ai imaginé pour en faire une branche des finances d'un plus grand rapport,, Mais pour obferver l'ordre que je me fuis preferit dans cet ouvrage 3 je citerai auparavant les exemples les plus connus &c qui pourront fervir de preuves à l'opinion dans la quelle je dois être fans partialité fur cette Tollëratice. Mr. de la Bruyere a fort éloquemmenc traité le pour & le contre de la Comedie ? dans le premier il démontre l'utilité de ion ctabliffement dans le fécond il le désaprouve quant à la rigidité des mœurs mais fom-me totale 5 le pour en faveur de ce fpec-tacle fera toujours approuvé par un habile homme d'Etat, ne fut-il même que Syndic d'une Republique telle que Gencve : Ion habileté prévaudra fur le préjugé Se la coutume. je mettrois en Paralelle .1 ce pour & ce contre , celui de la Toilcrance ou de la fuppreffion des jeux de ha-zards 5 je concluerois' fans héfîter en faveur de la Tollerance, non pas ? pure /impie & fins rcftriâion , mais accompagnée de tout l'ordre & de la police qui lui convie n- f & ) o c ZI viebdroit & que je n'ai vu obierver qu'à Venize, encore n'étoit - ce que très médiocrement. Je fçai bien que tous ceux qui ne font pas verles dans l'etude des finances feront d'une opinion toute oppoféc à la mienne: ce n'eft pas cependant par un entêtement opiniâtre que je fuis d'un l en riment fi gene-ralement desapprouve , ce n'eft que parce-que l'experience m'a appris ? que dès que l'on veut préférer le bien général au bien particulier? qu'il faut nécefiairement approuver cette Tollerance. Les exemples que je vais alléguer ferviront peut-être à authori-fer & à juflifier cette opinion. Si l'on convient, comme cela n'eft que trop vrai que la pafïîon du jeu eft de toutes les pailions la plus fone , l'on avoue fans s'en appercevoir que fa deftruâion n'effc du reflore d'une authoritc mondaine & ne feauroit être l'ouvrage des hommes: Celui feul qui les a crées peut operer ce grand ouvrage, & fes creatures qui à cet égard veulent trancher de fon pouvoir , n'ont pas bien connu Pe tendue de leur Puiiîance3 PuiC-fan ce qui trouve des barrières invincibles dans les Pallions de leurs femblables. L'une des premieres attentions d'un grand Miniftre c'efl: la propagation & la conserva- B î non « & ) o ( £ tion de l'efpece humaine : les vices qui y introduifent la corruption, & delà la mortalité doivent autant qu'il eft poffîblé être exilés du corps de la foçieté. Voila quel doit être le premier Principe du Législateur & tout Miniftre qui veut fervir l'Etat fidèlement doit l'avoir fans celle devant les jeux. Le Jeu eft une des Pallions dont les excès Se les dérèglements engendrent des o o crimes énormes qui altèrent l'harmonie Se le bon ordre qui doit régner entre l'efpece humaine. L'Amour en eft une autre qui devient la lource des plus grandes Calamités. Les peftes qui régnent en Orient y puifent une grande partie de leur Origine. Et combien de peftiférés non contagieux trouve-t-on parmi les Européens qui ne mettent point de bornes à leur intemperancë. Le vin pris avec excès dérobé à l'homme l'ufage de la raifon, que de meurtres! quelle dépopulation ne caufe-t'il pas? L'avarice rend un homme le fléau de Tes proches Se le Tyran de lui même . . . . La, belle tâche pour un Miniftre qui voudroit avec une courage d'Hercules entreprendre la deftruction de tous ces monftres! Seroit-ce pareeque le Cardinal de Fleury portoit le nom de ce demi - Dieu ? qu'il. avoir; SK )o( ^ *, avoit projette de detruire le jeu & les joueurs ? On peut dire en vérité que cette enrreprife étoit auffi temeraire 3 que fi lui fcnl3 eut voulu efealader le Ciel. C'étoit vouloir chercher la Pierre Philofophale dans les cendres du mont Véfuve , & fe borner fimplement a fupprimer les jeux de hazard 9 n'étoit pas le vray moyen de bannir les joueurs frauduleux & les joueurs de paffion du centre de la focieté. Quelques particuliers s'étoien't ruinés par le jeu : deux d'entr'eux avoient fait banqueroute au tailleur de fon Eminence : quel-qu'autres alliés au valet de chambre de Mr. de Fleury s'étoient deshonnorés par des lâchetés, & Ton droit la caufe premiere de leur deshonneur, dans leur panchant pour les jeux de hazard : Voila cequi. détermina ce Mini fixe à les faire fupprimer. Mais s'il eût réfléchi fur le Torrent général des vices qui ' dérivent des Pallions brûlantes , quelle multitude n'auroit il pas nombre de jeunes gens du premier ordre ruinés par des DéefTes de çouli(iè5 des Héroïnes de Théâtres , & des Laïs peftiferées Se qui enfin après le perte de leur fortune ont vu palier le refte de leurs bien entre les mains des Médecins & des Chirurgiens. Etoit- 2.4 )o( & Etoit- ce par les fuites du jeu, qnc le Duc de * * * fit de concert avec fa Maitreffe un trait de lâcheté , qui les auroient tous deux conduits en Angleterre au dernier fup-plice ? Des débauches & des excès bien plus odieux les avoiént entraînes a faire ce crime: mais il étoit Duc, & apparenté à Gens, qui n'aiment pas à voir des hommes fuppliçiés dans leur arbre Généalogique. Le Cardinal vivoit pourtant. Eft-ce par le jeu, que la ville de Paris voit périr chaque année par des fupplices honteux , quantité d'hommes Se fouvent des femmes qui ne doivent leur fin tragique, non pas à l'amour 5 mais aux crimes que fes excès in-fpirent. ]e ne dis pas que le jeu n'y conduife de tems à autre quelqu'une de fes coupables viélimes, mais pour un de cette Clafte, il en eft au moins cc'nt de la première. Cependant le Miniftre ne fit point émaner des arrêts du Confeil pour la fupprel-fîon des Accademies Privilégiées ou Toile-rées dans les quelles vont s'embrafer , Se quelquefois fe confumer, les cœurs amoureux. La nation Francoife, eût de roue tems trop de penchant à la Gallanterie pour qu'on osât y mettre des bornes , & Mr. le Cardinal lui même, lui devant une bonne » )°c œ zf part de Ton avancement à la pourpre n'avoir garde de lui déclarer la guerre. u O Dépuis l'Etabliilèment de la Monarchie les jeux de toute efpèce avoient été permis ou tollerés : on les joiioit inconfiderement à la Cour5 a la Ville, elles les particuliers & dans tout ce qu'on appelle mai ion publique Caftée &c. Une telle licence lans fub-ordination ne pouvoir être que très préjudiciable à l'Etat 5 cependant ce prejudice n'y introduifit jamais autant d'abus criminels &r onéreux , qu'ils s'en giifla depuis l'arrêt qui fupprima les jeux de liazard. Les exemples que j'alleguerai à ce fujet -feront voir, li le remede dont s'efr fervi le Miniftre a été appliqué à propos & convenablement aux accès de cette maladie conta-gieufe? Dans la capitale de même que dans toutes les villes de Province, il v avoit des Accademies ou les perfonnes des deux fexes s'aflcmbloient pour y jouer à tel jeu qui leur plaifoit. On fupprima dabord les jeux de hazard dans les Caffés & Maifons Publiques & peu de rems après on fit fermer les Accademies de jeux, dans toutes les villes du Royaume, Pour aider le Prince de Carignan à fou-tenir fa maifon félon fon Rang, on lui ac-ççrda le Privilège de faire jouer chez lui le B 5 Plia- \ _ f VJS}/' « J o ( Pharaon, & dans un lieu feparé & confâ-cré aux domeftiqu.es & çens de Ja balle î o claftè, il y fit établir un efpèce de pâlie dix, à qui l'on donna le nom de la petite Route tte. On accorda dans le même point de vue a Mr. le Duc de Gêvres la permifiion de laiflèr jouer dans Ton Hôtel un autre jeu de hazard nommé Je Lansquenet & encore un autre, la grande Rouretrc. ]*'en ferai ailleurs la description. Deforrc que l'hôtel de Soi/Ton & l'hôtel du Gouverneur de la capitale furent bientôt peuplés , par tous ceux qui avoient la paffion des jeux de hazard. Le Gouvernement crût apparemment que ces maifons re/peétables en impoferoient à ceux qui ne font d'autre étude que de corriger la fortune par des fubtilités criminelles mais point du tout, les frippons au jeu s'y aflembloient en bien plus grande quantité, que les joueurs de bonne foi. Il eft vrai que dans ces hôtels refpe&ables, les premiers oblervoient plus de ménagement qu'ils ne l'auroieut fait dans les Accademies, mais cette circonfpecrion avoit (on but -, elle n'a-voit lieu que pour attirer les dupes dans les filets qu'on leur tendoit chez des femmes & )o( & 27 mes du monde dont ils payoient bien cher les politëfïcs hypocrites. La permiflion de faire jouer dans leurs hôtels les jeux de hazard, rapportoienr plus de cent mille ecus à chaqu'un de les Seif-neurs. Combien d'autres fommes confide-rables ne palîoient pas dans la bouffe de ceux qui regifloient le provenu de ce bene-fice de d'autres que l'on appelloient les garçons de la RoutettCc La Salle ou Ton tailloir au Pharaon à l'hôtel de SoiiTon & où 11e paroi doit jamais Son Airelle Sereniiïïme, étoit peuplée in-difreramment d'honnêtes gens, 6z de qnel-qirautres qui ne fe piquoient que des des-hors de la probité. Le Pv.olle des premiers étoit naturel & fans fard : celui des féconds étoit un peu plus forcé, parcequ'il eft aflèz difficile de pa-roître Ion g-te m s ce que l'on n'eft pas en effet-Dans la première claffe on pouvoit compter deux fortes de joueurs. Ceux qui fai-foient les fonds de la Banque du Pharaon qui tailloient (*) mais très fidèlement, & (*) Tailler au Pharaon c'eft tourner les Carres, Tune foi- la droite & l'autre à gauche : & crou-per, c'eft examiner les Cartes qui gagnent po .r les payer j & celles q.ui perdent pour tirer l'argent dont les pontes les ont couvertes. & ) o C Se qui croupoient tour à tour, a leur fuite venoient Meilleurs les pontes parmis les quels on comptoient des nobles du premier rang 5 des Bourgeois de la première Clafïè* & des Aventuriers de tous. les ordres , Ec-clefiaftiqucs, Laïques & fans aveux. Parmi les pontes, fe trouvoient encore les joueurs frauduleux, qui ne fubfiftent que par des tours d'adrefîe , ou plutôt par des friponneries félon, moi véritablement dignes du Gibet. Il eft vrai que Thémis s'endort à l'afpect de ces hloux, que la fteriliré des loix & les difficultés de convaincre les coupables n'ont que trop multipliés. Ce n'étoir pas ni a l'hôtel de SoifTon ni a celle de Gêvres ou ces fripons fai(oient briller le rafinement de leur art, ils fe con^ tentoient d'y guéter l'arrivée des étrangers ou des Provinciaux qui debarquoient nouvellement dans Paris , pour les conduire dans d'autres maifons ou ils leurs faifoient payer toujours bien cher les premiers mouvement de leur paffion pour le jeu. On voyoit ces fins Renards qui tachoient de fe placer à côte de ces étrangers , s'em-prefTer à les accabler de feintes civilités, leur offrir du tabac, des eaux de fenteurs des dragées forçant du delfert de Madame la Duchelfe une Telle, les flatter faire l'éloee •K )oC de leur parure & de leur bon goût pour le dentelles de leurs manchettes ou la broderie de leur habit: feindre de leur donner de bons avis: les prier de (e modérer 8c ne pas jouer fi gros jeu, leur repeter les avantages du Banquier fur les pontes, louer l'égalité des jeux de commerce , leur demander quel étoit celui pour lequel ils avoient le plus d'attachement, delà ils en venoient à l'éloge de l'opéra ou de la Comedie qui de-voit le jouer ce jour-là, s'offrant d'y accompagner l'étranger de lui faire connoître de très aimables femmes Se de le faire placer, dans leurs loges. Si le novice accep-toit ces ofFres obligeantes, c'en étoit allez, o le gibier croit dans leurs filets. o Scavoient-ils ou logeoit cet étranger ce- j o o lui-cy pouvoit dire dès 1ers, qu'il ne fai- foit pas un pas dont ne fu fient informés ces officieux flatenrs & in ter elles conducteurs. Il falloit être bien experimenté & bien vieux dans le monde pour ne pas s'y lailier tromper. Les jeunes gens ne manquent que trop de cetre experience & on ne Içauroic trop leur donner de leçons la deffus. La Bourfe des Seigneurs Anglois ou Al- i • /■ lemands, étoient pour ces Brélandiers dé-guifés en honnêtes gens , des vrais trefors o o tous trouvés & qui ne leur échapoienc qu'en trè$ 3° & 5 o c & très petite partie, quand les premiers nva-voient pas des Mentors auprès d'eux qui fuf~ fent au fait des tours de foupleflès de Meilleurs les joueurs de profefiîon. Feu Mylord Weymouth en enrichit placeurs comme de propos délibéré. Il1 ap-plaudiffoit même aux coups fubrils qui lui avoient enlevés les guinées & cela par forme d'apologie en faveur de le dexterité même qui l'avoit dupé. Quand ces Chevaliers du Lansquenet avoient pu. le lier fimilierement avec quelque Seigneurs étrangers, ceux -cy-pouvoient compter de n'être pas plus en fureté au milieu de Paris » que dans le centre d'une forêt peuplée de Brigands. Quantité de Perfonnes de toutes conditions & beaucoup d'un rang diftingué furent ruinées jusques au point de fe voir pour leurs dettes conduites au fort l'eveque , ou dans d'autres prifons. Mr. le Baron de Cederhielm finit Ces jours après quatorze ans de captivité dans l'enceinte du grand Chatêlet. Quel Doma-Zd c'eût été le plus grand Minifrre & le premier Négociateur de fon fiecle. Il avoir Ncqocié de h Part de la Suede en Ruine Se pour le Dtiché de Holleflein a Paris. Le tz )o( « 3 r Le Bar^n rAhîefcîd fe Cafïïi la tête d'un coup de Piftolet le Comte de S * * * fe des-honnora par une conduire indigne de celle d'un Gentilhomme. Enfan ïes Ë!ou reries des joueurs de profeîTon rai foi en t plus de malheureux, qif.nlembie tous les vols particuliers & de grands Chemins. Eh bien me dira-ron ne voila-t-il pas des fujers allez graves & des motifs aîîcz / o puiflants pour déterminer un Mi ni lire Sage & prudent à faire defîendré Se à fupprimer les jeux de hazard j comme étant la fource Se faifant naître les occa/îons à tant de Ci-rïiftres accidens & de fatales infortunes? Sans doute. Si en les faifant fupprimer , il s'étoir pu vihblement convaicre que l'on ne jouëroit plus clandcftinement j que la fraude celîeroit & que les joueurs de contrebande fe convertiroient & renonceroienc à leur coupable Se unique refïource. Ou plutôt h en failant cette fuppreflïon il avoit pu trouver un remede pour éreindre tout d'un coup les excès de la Palîîon chez tous les hommes en qui elle dominoir mais comme une entreprise de cette nature devenoit plutôt une chimérique tentative qu'une maxime de feine politique, ce grand Miniftre ne devoit s'appliquer qu'aux remedes qui pou-voienr diminuer les accès, & ne pas employer J* ' £ ) o ( & ployer ceux qui les ont redoublés Se prolongés la Contagion. je le repère, a delîein, faire fupprimer tout a coup la liberté de jouer aux jeux de hazard, c'étoit entreprendre de combattre la Chimère. Et le fruit que l'Etat a retiré de cette belle prévoyance & de cette éclatante politique a parfaitement bien repondu à la folie du projet. Quantité de fmiilres événements qui n'ont pris leur fource que dans les jeux clandeftins , depuis la défenfe que l'on à faite foit en france, foit ailleurs prouvent allez qu'il y avoir d'autres moyens à employer pour arrêter Its progrès de tous les désordres & tout au moins diminuer la force du mal. La Mort de Mr. le Prince de Carignan, ouvrit un Champ libre au Cardinal pour faire briller l'etenduë de (on Genie , dans le Confeil qu'il donna au Roi fon élève, de faire fupprimer les jeux de refte. De-marche qu'il n'auroit pas ofé entreprendre au Vivant de ce Prince, qui comptoir jouïr au centre de Paris de tous les droits Do-meftiques attachés aux Maifon Souveraines. Les jeux cédant à l'hôtel de Soifion M. le Cardinal fit accorder à Mr. le Gouverneur de Paris un Equivalent en dédomage- ment & ) o c 5K II ment des fommes que lui rapportaient les revenans bons , des jeux qui fe joiioient dans ion hôtel. Après quoi parût cet arrêt fulminant , qui deftendoit à toutes p'erfonnes de quelque rang & de quelque qualité que -ce foit de donner à jouer aux jeux de hazard fous peine de mille Ecus d'amende & autres peines fuivant l'exigence du cas. Enjoignant au Prévôt de Paris ou a fon Lieu-tenant3 qui elt aufli celui de Police, de tenir la main a l'éxecution de cet arrêt avec la derniere févérité. Apeiile l'eut-on affiché: qu'un Poète fut lui même attacher avec des épingles au bas du même arrêt, en plus de dix endroits Le Cardinal à fupprimé Les Jeux d'hazard en France, Chaque joueur plus animé, Va braver l'Eininence, Il refpectera bien Bourbon, La Faridondaine la Faridon don, Mais il redoutera Fleury, biribi, A la façon de Barbaiy - mon amy> L'Oracle de Delphes n'auroit pas pu prononcer cette prophétie avec plus de vérité. Au lieu de dix ou douze maifons ou l'on joiioit clandeilinement pendant que les C jeux M » ) 0 C 3K » \ Jeux fubfîftoient à l'hôtel de Soi (Tons Se à l'hôtel de Gêvres on en comptât bientôt plus de cent ou les brelandiers de profefiîon coupoient la bourfe à mille Se mille particuliers, dont quantité ne devinrent joueurs 3 que parce qu'il étoit ablolument défendu de l'être. Ce n'étoit guères que vers les onze heures du foir que s'ouvroient les parties fines de Meilleurs les Chevaliers de la Baflèrte. Cela ne fe fit pas longtems fi fecrètement que le Lieutenant de Police n'en fut informée Des particuliers de tous les ordres de l'Etat crièrent bicmôt à l'infortune, d'autres â l'afiàflîn , n'ofant plus porter en juf-tice, cl( s plaintes contre les écueils frauduleux ou leur bourfe avoir fait naufrage. Mille Ecus d'Amende, fans les autres frais de juftice font un appas bien puiuant pour les gens de la police , leurs elpions ou les délateurs en ont leur part, les exempts Se les records en ont la leur, & Dieu fçaic où pafîe le refte? Quelques uns de ces Tripots nocturnes furent découverts Se payèrent l'amende. Ces premiers exemples de iéverité ne (ervirent qu'à rendre les autres plus précautionnés, contre les Pouriuites d'un Ennemi, qui en faiiant des vœux pour la propagation de 5K 5 o ( » - " if l'Ëfpcce jouëuflè en vouloir moins aux joueurs qu'à la Conquête de nombre de mille écris. Ces Amendes n'épouvantèrent que les petites aflèmblées Eourgeoifes} c'eft à dire5 celles ou ne fe raflembloient que des joueurs de la mediocre Claffè : commis, valets de chambre chaflez ou fans condition, Acteurs ou adtrices (ans emplois, Abbés poftiches où lâns bénéfices &c. &c* Ceux d'un rang plus diftingué tinrent tin chapitre général ou pour mieux dire url Confeil de guerre car il s'açilïbit de faire o o face à un Général aux yeux d'Argus &: que la flûte de Mercure n'endormiroir pas. Entr'autres résolutions, il fur décidé que tous enfemble fe cotiftroient pour for* mer une boude de mille écus* toute prête pour payer la contribution , en cas qu'ils fuLfent (urpris les cartes à la main, i0- Que cctte bourfe bien cachetée feroît depofée er> tre les mains de celle chez qui s'érabliroifi le quartier-général, ou a (Te m b! ce de Mrs. les RrelandierSi Pourquoi chez celle , âc îion pas chez celui ? Politique bien entendue: parceqifun juge tel fevère (oit-il, s'e-panche plutôt en indulgence en faveur dtl beau (exe, qu'en faveur du fïen. Par cet article il faut remarquer que c⧠Mdîicurs trouvo.ient plus facilement des fera* C i itiéê . $ ) O C & mes d'un vertu équivoque (*) 5 qui pour gagner le Loyer de leur Mai (on Se quel-qu'autre revenant-bon, fe prétoient a les recevoir & à immoler avec eux les victimes qu'ils avoient l'adrefle d'y attirer. î°° II fut refolu que l'on prendroit fur la maffe du çairi honnête ou frauduleux, L? une fomme capable de corrompre tel ou tel exempt de Police , qui voudroit leur fervir d'efpion auprès du redoutable tribunal Se les avertir à point nommé des marches & contre marches de l'ennemi. Cette précaution étoit d'autant plus nécéflaire qu'en cas de pourfuite ils pouvoicnt decampcr a propos & (*) L'une de ces femmes qui n'occupoit qu'un appartement garni, ayant fait accroire à une Compagnie de joueurs de profeffion que les meubles lui appartenoient. Ils lui confièrent la bourie de mille Ecus deftinée a Fufà^e dont il a-été parle , certe Dame lafle ue ne pas voir arriver aiTez tôt ie Lieutenant de Police chez elle mit elle même en décampant ci la fourdine Mrs. les joueurs à l'amende & leur emporta les 1000. Ecus. NB. A tout ce que j'apprens au Public quelqu'un de mes lecleurs me ioupeonnera peut-être d'avoir été participant a ce commerce d'iniquité. Ma Cojucience à cet égard eft finis reproche er^ voyageant avec l'envie d'apprendre on s'mftruir de tout & rhonnête homme ne participe qu'aux actions qui ne font point rougir h 1 • r «- D probité. ) © ( ^ I? & aller fe pofter dans un camp plus efcarpé & confequemment moins acceffible. 4°- Qu'ils auraient au moins deux ou trois Maifons à leur difpolîrion , Toit pour tromper Pefpïon de l'ennemi ou dérober aux Brebis déjà tondues & plaintives, la facilité de les faire découvrir. 5°- Que chaque jour on changeroit le mot du guet qui faciliteroit l'entrée du Tripot aux victimes brûlant du défir de fe voir dépouillées ou pour en éloigner celles de qui l'on n'auroit plus rien à e/perer. Je me fouviendrai toujours de celui que l'on me donna au Cafré de la Regence pour aller ponter chez la Maupuy. Après que l'on avoit frappé à la porte & qu'on Vous avoit demandé qui eft la? l'on devoit Repondre au trou de la Serrure ; le Chapon Eft-il à Ja broche? a ce mot la porte s'ouvroit Si non on vous repondoit tout le monde Ôcconché Ma Chandelle eft éteinte, ma Maitrelle a lu Clef. 6°- Il fut auffi arrêté dans ce Conicil que l'on nimmoleroit point de vidlime en leur coupant la Gorge tout d'un coup, mais qu'on les feroit monrrir lentement 6c à petit feu félon que l'occafion l'exigeroit. Qu'un jour on laifleroit gagner à un Novice, une femme a fiez railonnable pour l'engager à ap- C 5 porter fS ^ )°Ç $ porter le lendemain une fomme plus, "forte le refte fe devine aifement, Par une article très interefïant & tout particulier on convint que chaque facrifica* teur vifîteroit tous les jours les lieux dont-on feroit convenu pour y découvrir quelque nouvelle recrue. Que l'un auroit pendant line femaine le diftrict du Palais Royal s l'autre les Tuilleries, un troifîeme le Lu, xembourg un quatrième lè Jardin de l'Adte-» ml 3 les autres les grands Caffés & les Spectacles de toutes eipeces. fans, en excepter les; Mari ©nettes* Croira-1-on que ce fut dans la Biblio** thèque des Avocats , que me vint accofter celui qui eut l'art de me perfuader qu'il m'introduirait dans la bonne foçiété* Il svoit un livre à la main le fpectacle de h nature 5 fur le quel il raifonnoit d'une ma* îiière à. ne pas faire foupçonner le deïïein qu'il avoit formé de concert avec fes c®n~~ frçres , de faire expirer ma. bourfe paç gras dation géométrique,. Ce ne fut pas le premier jour de tnorç introduction dans cette foi difante bonne fççiçté, que l'on para l'Autel à mes yeux* çe ne fut qifau bout de la huitaine, après \m fouper ou l'on m'avoit invité & ou fe tfQUYojç des Demoi(elles du M air qui no fkifqknt $ ) o Ç & ?? «c faifoient point foupçonner une conduite re-prochable, ni qu'elles fiifïent initiées dans les Myftères fecrèts de cette fbciécé; elles avoient tant de fois repété le Rolle de prudes & de filles bien nées, qu'elles le joiioient au naturel, cependant je remarquai dans la fuite & quand il n'en étoit plus tems, que le fcrupule avoir déjà fait banqueroute à leur confcience Se a la probité. Pendant le deflert, fes Demoifelles demandèrent un Piquet à ecrire, ou un Pharaon. j'avouai de bonne foi que je ne joîiois que très médiocrement le piquet & que depuis une aventure qui m'étoit arrivée , je ne jouërois jamais au piquet à ecrirec La voici : étant en voyage, je fus introduit dans une fociété ou l'on me propofa de jouer à ce jeu-la -, c'étoit pour la pre-miere fois & à un fol le point , en commençant je m'imaginois, ne connoiflant pas la valeur ou ce fol pouvoir faire monter ma perte 3 que fi elle s'etendoit jusqu'à trente fols, que c'étoit a tout ce qu'elle pouvoir aller*, mais quel fut mon étonnement lorsqu'on me dit à la fin du jeu que j'avois gagné prés de dix Louis , moi qui n'en n'avois que deux pour faire une route de 20. lieues, ou je devois trouver il eft vrai des yemifts} penfant ferieufement à l'affront qui C 4 me 40 5K ) 0 c & me feroit arrive fi au lieu d'avoir gagne j'eufîe perdu ce ire même fomme, bien loin de m'en rejoiiir j'en fus ému jusqu'au point: d'en avoir la fièvre , ce qui depuis ce rems la 5 me donna une telle averiion pour le piquet à ecrire que je ne l'ai jamais voulu jouer. Toutes ces Dames parurent charmées que ma répugnance s'accordoient avec leur defirs de faire des cornes en pontanc au Pharaon. Ce fut donc au Pharaon ou ces Met fie urs , me firenr gagner par leur genereufe O O i o adrefie feize beaux Louïs d'Or. Les Dames me félicitèrent fur mon Bonheur > un jeune Procureur n'en fut pas quite à ce prix-la La-banque eut 15. Louis de fon argent & en avoit eu déjà a plulîeurs repriies-plus de cent. Plût au Ciel qu'au lieu de m'avoir fait-gagner ? ils nr enflent dépouillé ce jour-la-jusqu'à la chemife ! je n'eus pas plutôt gagné cette fomme que je m'imaginois que ce jeu - la croit un Vrai Pérou pour moi. Je brûlai le lendemain de l'envie de retourner-dans cette mai/on ou je croiois que la fortune m'attendoir pour me Carefler encore avec plus de rendreffe -, Ah ! que je m'abu-iois grofiiéremento Pour me donner l'idée que l'on defiroit que jéuflè de l'intégrité de- cette ) o ( & 4r cette brillante fociété on ne m'invita d'y revenir que le fur lendemain parce qu'on devoit, difoit~on, aller à Sceaux voir jouer une Comedie Bourgeoife chez Madame la Duchede du Maine. Tout cela étoit con-trouvé, je feus dépuis, que ce même jour un Seigneur allemand y avoit perdu près de goo. Louïs; mais qu'on n'avoit pas voulu que je fuffe témoin de cette friponnerie de crainte que je ne m'intimidaflè Se que je ne priflè des foupçons qui auroient pu m'e-Joigner. Je revins : Je pontai & en huit jours de tems cette brillante foc:été eût jusqu'à ma derniere Nippe , quand elle vit qu'il n'y avoit plus rien à glaner dans ma bourie , ou y étoit plus : il n'y avoit plus d'àf]emblée, je n'avois plus le mot du guet, ainfî plus d'entrée, plus de defiert, & plus de refïource au Pharaon. Si les jeux'euflent été comme les années precedentes librement permis, tout cela ne me feroit pas arrivé au moins en fi peu de rems. Le gain d'un jour contre balance la perte de l'autre : l'on peut réfléchir 3 Ton peut même différer de jouer pendant quelque tems. Le même hazard qui vous a ftit perdre peut vous faire regagner du moins quelque petite foin me pour faire face à vos affaires les plus prenantes : Mais C 5 dans 4* $ ) » ( & " rT - ' • dans un coupe Gorge point de reflource* on vous dépouillé fans pitié-, la fortune n'en décide pas , les doits fculs des fripons font rinftrument de vôtre desaftre & d'autant plus cruels qu'ils vous dérobent même jusqu'à l'efperance, la derniere confolation des malheureux. Plus les efpions de la police fe donnaient de mouvements pour arrêter les progrès du mal que caufoient les jeux clandestins 3 plus le mal empiroit , & par un Voyageur nouvellement arrivé de Paris, J o j'apprends que cette contagion s'eft glifîee jusques dans les Cloîtres : que les Corde-liers ' qui fe croyent à couvert des pourvûtes de la police, fouffrent de tems en tems que des Brelandlers ou joueurs de pro'feU fion , amènent leurs victimes, des jeunes fils de marchands j des Clercs de Notaire; de procureur & autres, pour les dépouiller dans leur célu-le. Un Cordelicr joueur, n'eft pas pour moy une chofe aufïi Surprenante* que le Gardien des Recolets de Nyons en Dauphiné à qui j'ai vu mettre ioe Louis fur une Carte» malgré que par l'étroite cb-fçrvance de la règle de St. François , ces O J Religieux ne doivent point toucher d'argent: monoyé. . L'oa r L'on fera peut-être curieux de fçavoir par quelle forte de monde étoit compofëe Ja fociété dont les iniques manœuvres me mirent à deux doigts du plus -affreux dcfefi-pair. C'étoient des Officiers reformés /ans bien 5 ou avec de trop minces p en fions peur vivre félon leur premier état ou félon leur naifiance^ car il y en avoit apparenté à de très bonnes Maifons, - Parmi ces Ex-militaires on y voyoit des Chevaliers de Malte de St. Louis, ou tout au moins qui en portoient le croix. On y voyoit gens cy devant à bonnes fortunes Se qui avoient été bien vus ? ou pour mieux dire entretenus par ces Méfialines du fiecle, mais qui n'ayant pas pu conferver dans le déclin de l'âge les talents merveilleux & en même tems amoureux qui les avoient mis en réputation dans leurs jçunefiè, avoient été exilés de Tlsle de Cythère, Ces hommes effeminez 6c /ans fentimens, délicats, accoutumés cependant à une vie molle & voluptueuie trouvoient dans cerce nouvelle & criminelle profefîion quelques rayons de leurs anciens beaux jours. Etoient-ils fufceptibles de remords ? l'en-durcificment au crime en exempte-t-il les coupables? C'eft a eux à refoudre la queftion., Après eux venoient d'anciens commis fans çmploix) des Abbés fans Abbayes, des. Marqué 44 & ) o ( £ Marquifcs ou des Comtefïès ruinées par des procès juftement ou injuftenlent intentés , des femmes calantes furanées & d'au-très enfin à qui cette odieufe indufhie devoit tenir lieu de revenu. Tous les Tripots ou aflèmblées de joueurs frauduleux3 ou de bonne foi, n'étoient pas auilî bien compofés il en étoient pour toutes les clafics depuis le Courtifan jusqu'à là plus vile canaille , mais tous refpiroient à peu près le même efprit & tendoient nu même but, c'elt a dire à la ruine de ceux qui avoient la foibleffe de s'y laifler en-trainer. Souvent le meilleur ami trahiffant les devoirs de l'amitié & de l'humanité, n'y conduisit même fon bienfaiteur 5 que pour participer à fa dépouille. Dans le nombre des aflèmblées du premier ordre on pouvoir y compter celles qui fe terioit chez Mr. le Marquis de F . . . a Lieutenant-général ou beaucoup de Cour-tifans , les Financiers de la premiere & fécondé claflè, & quantité de gens de Robbe venoient défier la fortune de les enrichir, ou de les ruiner par le fecours du Pharaon ou du Lanfquenet. Malgré la refïource que le produit du jeu procuroit à ce Seigneur & qui auroit enrichi & ) o C 4f enrichi tout autre que lui Ton exrreme pat /ion pour le jeu même 5 l'a cependant conduit a pa/Ter bien des années au fort l'evê-que (*). Le Marquis d'A . . . . antre Maifon il-iuftre 3 mais ruinée par l'étalagé d'un trop grand équipage & d'une chère trop délicate, fe vit auflî réduit à la néceffité d'enfreindre les {latins de l'ordonnance qui pro-ferivoit les jeux de hazard. Quelques vigilans que fuffent les Officiers de la police pour faire la capture de l'argent qui fe trouvoit fur la table des joueurs avec la conquête des mille Ecus d'amende, peu de joueurs clandestins y furent condamnés, pareeque leur induftrie leur fàifoic inventer chaque jour de nouvelles précautions & de nouveaux ftratagèmes, pour fe dérober aux pourfuites de ces harpies. En revanche on comptoir beaucoup plus de plaintifs minez par les jeux de hazard? qu'avant l'Epoque de l'arrêt qui les fuppri-moit : Mais ruiné n'étoir que peu de chofe : Combien y en eut - il d'empoifonnés ou d'aflà- (*) Prifon ordinaire des prifonniers pour de tes. NB> Deux de fes valets de Chambre fe font enrichis du produit des Carres que l'on jttroit delîbu» la table. 4£ & ) ° C 3K d'afïaffinés fans compter la quantité de ceux que les fuites de cette Paffion effrenée entraînèrent à des crimes honteux & qui les conduisirent les uns aux galères les autres au dernier fuplice. La Marquife de Mégrigni dont l'hiftoire à fait tant de bruit j femme ruinée par une conduite dépravée, & qui enfuite ne vivoitr que de mauvaifes intrigues > cette Marquife dis -je 5 s'étânt aiTociée avec une troupe de joueurs de profeflîon , loiia une Mai/on jfï-tuée au bout d'un des fauxbouro- de Paris* » o Ce fut fur les Autels de ce Temple de De^ nions ou l'on ht par torrents couler le fang humain. On ne fe contentoit pas d'en vouloir à la bourfe des victimes que l'on y conduifoit ^ on leur arrachoit impitoya ble-ment la vie: quelques pafîànts, ayant oui crier au meurtre à l'altàffin & ayant informé un Comrniflàire, 011 vint viiiter cette maifoli. Quelques taches de iang que l'on y apperçut, redoublèrent la curiofité jusqu'à faire découvrir dans le jardin qui en dependoit, plulieurs Cadavres fraîchement: afïalîiné & dont les blédiires défignoient qu'on ne les avoient pas fait languir. Pendant cette vifite, cette femme s'efquivà: elle fut decretée de prize de corps, mais elle .eu évita l'effet en fe fauvant en hollande. Le ^ ) o C 47 Le brait de fes aventures & flir tout de la dernière y arriva presqu'auffîtôt qu'elle : malgré tout ce que la Chronique faillie ou véritable délitât fur le compte de cette Marquifè , que la renommée peignoir avec les traits de l'horreur . c Ile fçût cependant li bien jouer le rolle & femme pieule & devote, que TEpoufe d'un Ambafîàdeur eût la foiblcfle de la croire une fàinte per-feciitée injuftement 3 & cette refpeétable Am-bafïadrice foliieirâc en fa faveur. Un Abbé Secretaire de ce Miniftre^ à qui les traits de la Marquife fugitive ne de-plurent pas, lui rendit aufïi de très bons offices, jusques-là, que cette jouëufè à Triomphé des poiirfaites de la Tuftice. On dit qu'elle vient de mourrir. Qui fçait fî on ne la Canonifera-pas ? On n'a jamais dit que dans les frequens afïafîins qui fe font faits dans fa Maifon, qu'elle ait elle même enfoncé les poignards; mais fi fes fentiments repondoient à fes mœurs Se a fa conduite extrêmement relâchées, on a de très fortes préfomprions pour croire, que fi elle ne les enfonçoit pas* que du moins elle avoir le foin de les faire éguifer. Sept ans après la deffenfe des jeux de hazard., un jeune homme allemand & de famille 48 • )o( famille voulut absolument que je l'accûirw pagnaflè dans l'un de ces tripots No diurnes, j'eus beau prêcher, moralifer, peindre de la maniéré dont j'en avois é^ la victime; rien ne pût le détourner de fon deflein. Ne voulant point l'abandonner & efperant tout au moins que le péril qu'il courroit, feroic moins grand. le le fuivis dans une mai- o J fon 5 ou après qu'il fe fut fait connoître par le mot du guet qui étoit , cefl moi même en perfonne. On nous ouvrit une porte grillee de fer , que l'on referma a double tour des que nous fumes entrés. Nous y trouvâmes fept ou huit perfonnes des deux fexes , entr'autres deux jeunes fils de Marchands qui non plus que mon ami, ne fe doutoient pas de pièges que l'on al-loit nous tendre. Trois femmes furannées & qui fe difoient Locataires de cette Mai-fon , me firent bientôt connoître par le Rolle qu'elles jouoient, qu'elles trempoient dans le frauduleux commerce qui fe rai (oit dans ce coupe gorge. Elles s'emprefîoient à nous prodiguer des éloges & des poli-telfes aulli peu lîncères qu'elles étoient affectées. On nous olïrit du vin brûlé avec du lucre, & des bifeuits. Après cette Galanterie que l'on nous fit d'abord payer au quadruple de fa valeur, des Cartes parurent: Axiu- & ) o ( & 49 ÂîTuret quelles n'éroient pas aprêtées & pipées c'eft que je n ofèrois pas, l'événement: en fut plus que la preuve du contraire. Les Dames avoient demander de s'amufer au Pharaon , mais a petit jeu. Monfieur le Banquier nous dit ; mais avec un ton de Confiance ou les plus rufés fe feraient trompés ; que dans l'aprehenfion d'être faifi par la Police, il n'expofoit point d'argent fur table P & nous montrant un panier où il y avoit tout au plus fept ou huit Louis d'or en argent blanc, il nous a dur a que le fond de la Banque étoit de cent Ecus. Qu'iî h'imitbit pas ces banquiers qui bornent ma! a propos le jeu des pontes, qu'il tiendrait & payerait tout l'argent que l'on voudrait mettre fur une carte & la Banque entierre* Par la même crainte qu'il avoit déjà alléguée il nous propofa de prendre des Coupons de Cartes pour notre argent. C'étcsit une carte coupée en triangle de la valeur d'un petit Ecu ? en nous afîurant qu'à là fin du jeu <> on rendrait à tous ceux à qui il relierait de ces coupons autant d'Ecus qu'il en aurait de morceaux. Il n'en vint point à cette peine > tout l'argent lui refta ainfï 1 ^ o que tous les couponse Mon ami en prit dabord pour un Louis , je ne pouvois pas me difpenfer d'en fiiire autant? car je fça- © YÔÎS fo «K ) ° C & vois que le moindre procédé irregulier félon les préjugés de ces Meilleurs attiroient de très honteux propos & quelquefois des querelles dangereufes. Dès que la partie fut commencée, la Fortune n'avoit garde de fe declarer pour nous-, le Banquier l'avoit enchainée fous (es doigts & il fila (*) tant de cartes en fa faveur qu'il ne nous fut pas- poflible d'en gagner une. Les femmes qui fe trouvoient là , d'intelligences avec lui afteétoienr de mettre leur argent fur nos cartes en nous aflurant qu'elles en auguroient un heureux fuccès } mais ces Donzelles du vieux te m s, qui ne pontoient que par grimace l'argent même que le Banquier leur fournifioit à ce de/fein, fçavoient bien qu'il n'y auroit que nôtre bourfe qui en fouffriroit. L'un des Aflociés à ce frauduleux commerce, feignoit aufii de ponter; il eft vray qu'il n'étoit pas plus heureux que nous, mais il Içavoit ce que nous ignorions, la mefiire du pretendu malheur qu'il devoir avoir. Quand il vit que la Gallerie étoit bail iée 5 c eft à dire que les pigeonnaux 011 les pontes de bonne foi en étoient à leur dernier coupon de carte, ou à leur, dernier ccu, il fit femblant d'avoir apperçu quelque (*) J'eclakcirai ailleurs, cette forte de filage, & )°c & 1* que dextérité de contrebande, il apoftrophâ * d'un mot impropre Ton confrère en perfidie Se en deshonneur ; des injures ils en vinrent aux voyes de fait; la table Se les chandelles furent renverfees -, les Epées tirets firent jetter aux femmes de ce tripot, des cris de frayeurs : les pontes de bonne foi* mon Ami & moi exceptés , vouloient plai^ der la caule de-* celui qui fèignoit prendre en main, nos intérêts avec le fien. A la faveur de Pobfcurité le Banquier Se la Banque s'eclipfèrent, a l'arrivée des nouvelles lumières le grand bruit fe reduifit en murmure^ : aux murmurés fucceda une converfa- • tion pacifique. Quoique ces efpeces de comedfens Se de comediennes enflent parfaitement rendus leurs Rollcs, les plus ignorans d'entre les pi^ geonnaux s'appçrçurenc aifement que l'artificiel l'avoit emporté fur le naturel. On avoit fait femblant de ie battre: ori àvoit crié au guet , au fecours : on avoit feint d'envover chercher un Commiflaires j la Porte erillée de fer s'étoit ouverte & re-* r o _ ^ rermée-, mais perfonne n'étoit forti de la taai'cn, , Que faire ? il étoit nuit Se heure indue-, trois heures venoient feulement de fonner : il pleuvoit à verfe ? les plus petH tetix ainfi que ceux qui affeéloient de l'être} D z craignant y» ) ° ( craignant ctiloîent-ils la venue du Commit faire, propofoient de s'en aller, au hazard d'être arrêté par les Cavaliers ou par les archers du guet. Moi qui fçavoit bien que Ci quelque Commiflaire paroifloit que ce ne fèroit qu'un Commiflaire poltiche ou un fripon déguile, |e proteflai vouloir attendre dé pié ferme ion arrivée : Que d'ailleurs n'ayant point eu de part à la querelle , je fç au rois bien le perfuader de tendre juftice à qui elle ap-pàrtiendroit. Cette fermeté fit échouer le projet de ces fripons qui auroient fouhairé, n'ayant plus rien à nous efcroquer, de nous mettre à la porte fans un fol Cette refo--ïution dont je ne voulois point démordre fit prendre le parti à l'Acteur qui avoit fi bien imité Rolland le furieux, & à l'une de ces femmes qui ofoit fe dire la fienne, (ïy ne F étoit pas,) d'aller fe jette r dans les bras de Morphée avec l'efperarice de ne rever qu'à notre dépouille fiiffifante pouf les tranquilifer & les faire vivre pendant quelques jours. Quand j'ai dit que le projet étoit de nous mettre à la- porte fans un fol, je né veut parler que de mon ami & des deux autres pigeonnaux qui venoient d'être plumés par ces Corfeir.es. javois déjà pafîë par :4 ÎK ) o ( « • si par îes mains cruelles de fembîables pirates» c'eft pourquoi dès que j'eus perdu mon Louïs5 que je foupçonnois bien devoir être dans l'obligation de perdre, afin d'eviter tous propos désobligeans, quand je l'eus perdu dis* je , fous le prétexté d'une démangeaison fous le genoux , j'eu gliflài quatre qui me reftoient 5 dans l'un dir mes bas» La mo-noye que j'avois de refte fërvir à payer ma éore part d'une Bouteille de Lie popéç, ou pour mieux dire du plus mauvais vin que ees Charlatans d'iniquités avoient baptifé du nom de Bourgogne. Les autres femmes dont îa plus jeune avoit bien cinquante ans reftèrent avec nous: Elles firent a mon ami qui leur paroifioit plus novice que moi, tant de queftions différentes, quelles en tirèrent presque la con-* feffion général de tout ce qu'il feavoit & de ce qu'il avoit. Sa n ai (Tance fon païs; fon Patrimoine-, fes facultés; le Banquier à qui il avoit été recommandé : le nombre de fes habits 5 la quantité de fes bijoux 9 fes goûts, fes panchants Se généralement tous les coins & recoins par les quels ils pou-voient l'attaquer, pour le faire donner tête baifièe dans leurs panneaux. Pendant cette converfion je feignois de dormir, ôc voyois cependant nn efpèce D 3 d'abbe H & )o( $ d'abbé à petir collet qui faifant femblant de coucher (es reflexions fur Tes tablettes 3 y inferroir les articles les plus interrelTànt de cette convention? aux lignes que ces femmes lui faifoient & à ceux avec les quels il leur repondoit, je m'apperçû bien que cet homme trempoit auiiï dans le commerce fcandaleux de cet infâme fbeieté, Ces femmes & l'abbé projettoient, mais de mon côté je me promettons bien de faire échouer leur criminels déflèins. A peine l'aurore commençait à ouvrir les portes dorées drr folcil 3 que cette maniéré d'Ecclehaftique propofa à mon Ami d'aller déjeuner dans une Auberge qu'il lui indiqua fur le quai de l'Ecole : celui - ci s'en exeufant fur ce qu'il avoit perdu tout fon Argent. Le premier lui répliqua : Pen-fez-vous? Monlieur, que je vous invite pour vous faire payer votre écot? il eft vrai que le Pharaon ne pas mieux traité que vous? niais où nous allons, j'y ai du crédit pour vous & pour moi, non feulement pour la bonne chère , mais encore pour quelques çcus li je les demandois. L'un des membres de cette exécrable fo-cieté, le même qui avoit commencé le tapage & par lequel la Clôture du Pharaon ç'étoit faite après avoir dormi deux heures & )°( & rr fe joignant à l'abbé s'invita de lui même un déjeuner propofé» On arriva dans l'auberge où il devoir fe faire -, j'apperçu du premier coup d'œii que les garçons de ce Cabaret connoifloient I O -■> de longues - mains cette race perverfe Se ne fe faifoient point de fcrupules d'être dans l'occahon d'intelligence avec eux. Tandis qu'on apprêroit un plat de PoilTon , car bon jour, bonne œuvre, c'étoit un vendredi, Mr. le Chevalier de la Baffette tira quelquïins des Ecus qu'il nous avoit gagné* pour jouer au petit palet, un jeu d'adreffe* mais pas moins fufeeptibie de friponnerie, lorsque les brelandiers s'en melent que les jeux de hazards 5 pour jouer dis-je à cc jeu tout à fait innocent a qui payeroit l'ecos de l'un ou de i5 autre des convives. Des que ce Brave prerendù eut mis l'epéc a la main dans la Salle du Tripot d'où nous; iortions , je ne fus pas long-tems fans le foupçonner de tremper dans les coupables intrigues dt ceux qui l'habitoient, mais je n'avois pas encore découvert toute la valeur intiinféque de l'Abbé, Sa Phiiionnomie &: certaines maniérés au delfus de celles du commun 3 me le faifoient croire un homme bien élevé & bien apparenté; mais entrainé par la même pente que moi Se mon ami D 4 dans trairs que 1 f « 5K ) 0 C, dans, le coupe gorge où îious avions pafle la nuit , c'eft à dire l'envie de jouer & rien de plus. Il n'avoir que 12. ans & des de vifage qui en imposent bien plus 'habit dont il s'étoit revetu. j'étois feulement furpris de ce qu'il avoit tenté de m'çloigner de la partie du dejçuner dont je ne me fouciois pas, fi ce n'eût été que j'a~ vois de fortes raifons pour ne pas me fépa-rer de mon Ami» Pourquoi n'avois - je pas détourné ce jeune Allemand de cette partie , parce que ces Argus ne lavoient pas quitté de vue un feul inftant, & dans la crainte fi je l'enfle tiré à l'écart en leur préfence d'avoir une querelle avec eux. Car les gens de ce calibre non feulement fe formaiifent d'un rien., & cherchent noifes pour une mouche, mais encore n'imitent que trop parfaitement les reproches, du Loup de la fable envers. l'Agneau, Mon Ami étoit déjà al larme de la perte des deux Ecots qu'il venoit de faire du déjeuner. Il s'inquiçttoit déjà comment 3 il franchisait le quart d'heure de Rabelais c'eft a dire'avec quelles efpeces il payer oit, quand celui qui avoit ptopofé de jouer aux petits Palets, tirant des dèz de fa poche propofa de jouer au paflkdix. Je m'en exeufai fortement fous divers prétextes., mon Ami en fcroit & ) ® c & ii ferait de même difoit-il manque d'argent, lorsque l'Abbé tranchant de l'homme généreux le pria poliment d'accepter un ecu de fix francs jusqu'à la premiere rencontre. Ce jeune étranger guidé par l'efpoir de regagner a ce jeux-là ce qu'il avoit perdu aux petits palets eût la foibleffe d'accepter l'ecu, on joua-, il ne pafia point ; les autres payèrent auflî iouvent qu'ils le vouloienr. &r xr,on ami s'en prenoit fort injuftement à fon étoile infortunée. Pendant cette derniere partie je m'étois tenu à la fenêtre, par forme de diflipation je la quittai & m'approchai fans defiein de ia table 011 fe palïoit cette derniere fcène de filouterie. M'érant douté de quelque frauduleux ftra-tagême auilîtôt que le pretendu abbé eut jette les dèz avec lefquels lui 3e fon cama-. rade pafioient à leur gré, je les faifis avec une promptitude à laquelle ces fripons ne s'attendoienr pas, & en leur difant que je voulois les jetrer pour mon ami, mais mon unique delïein étoit de les examiner. Quel fur ma furprife ! o Grofliere ! mais en même reins diabolique invention I Ces mêmes dêz avoient chacun deux côtés marqués du nombre fix. Sans doute qu'ils n'étoient faits D $ que î8 & ) o ( $ que pour jouer avec des novices, auflî rétoit mon Ami, L'abbé parût confrerné, mais Ton camarade élevant la voix & métant la main fur la garde de (on epée, commençoit à vouloir rejouer le Rolle du Tapageur, alléguant d'auffi mauvaifvS mi Tons qu'un filou en puiflc donner en pareilles circonftances, Me doutant bien que les garçons du caba-tet ne fe rnngeroient pns de mon coté je fis fignc a mon ami de me fuivre, On l'arrêta fous le pretexte des êcots encore à payer. Pour éviter une fcène qui auroit pû de^ venir tragique & fans gloire pour le Héros de la pièce, je gagnai prudemment l'efca-lier & delà un CafFé qui fe trouvait à la proximité de ce Cabaret, je dis à l'un des garçons de me fuivrç , que j'avois de quoi libérer mon ami & payer mon écot. Il n'en voulut rien faire fa confcience ne lui annonçant rien de jufte dans l'intelligence qu'il avoit avec les fripons, il craigndit apparemment que je ne rendilfe compte à quelques témoins de tout ce qui venoit de fe palier. Il ne daigna pas même me parler de payement pour ce qui me côncernoit» je fis dire à l'abbé par un exprès char-< gé d'un ÇiUct "qu'il n'avoit rien à craindre? qu il $ 3 o ( & s? qu'il pouvoit venir me joindre & que ce que j'avois à lui dire n'étojt qu'à fou avantage, Avant que j'eufïe découvert fa véritable pro-feflion de filou , j'avois eu la foiblefïe de pi dire confidamment où étoit le dépôt des quatre Louis que j'avois fauve des Ecueils du Pharaon, en lui faifant l'aveu de mes foupçons fur la conduite équivoque des Locataires de la mai fon a la porte grillée de fer, ne Penvifageant point alors comme l'un des (uppots de cette dangereufe fociété. O Effronterie innouie, non pas de venir me joindre, mais de le faire dans une maifon où il étoit connu depuis le berceau & pour-çe que l'on fçaura bientôt* Dès qu'il fut affis je lui avoûai franchement , mais avec le ton que la compaffion & la Charité infpirenc , que j'étois frappé d'éronnement de voir un homme de fon Etat (car je le croiois véritablement deftiné à l'Eglife) & qui annonçoit une éducation diflin-guée de le voir dis-je tremper dans des manœuvres qui en deshonnorant la Religion révoltent l'humanité. Mon fermon fut bien plus long ; je le fupprime dans la crainte - çl'ennuyer ceux qui ne les aiment pas, Non, jamais hypocrite ne joua mieux fon Rolle. Il fit couler & en abondance les larmes qui annoncent un fînçère repen^. tir ? ) o C & tir 5 il fbufcrivit aveuglement a tant ce que je lui dictai, & promit encore plus que je n'ex-igeois, pourvu ajouta-t-il que je lui ac-çordalîe la permiffion de venir chez moi profiter de mes bons confeils. . . . 0 . c'étok à quoi il bu toit non pas pour les ccnfcilsj mais pour me dépouiller &c, Dans la perfuafion que j'avo.is opéré une converfion auffi prompte que le fut celle de Sta Paul, je lui offris ma bourfe, Se tout ce oui dépendait alors de mon crédit. Pour première preuve de bienveillance je le chargeai d'aller chercher mon Ami a l'Auberge p , ^ où je l'avois laiflé: de perluad.er un garçon du cabaret de l'accompagner avec le compte à payer pour tous trois je comprenois auffi fon écot8 Un inftant après qu'il fut forti , la Caffetiere qui avoit ouï quelques lambeaux de la Mercuriale que je venois de lui faire, m'avoua allez ingénuement^ qu'en me voyant entrer en converfation fecrete avec cet homme masqué, quelle avoir fait fur mon chapitre un jugement bien témeraire , m'ayant pris pour l'un de fes confrères. Qu'elle le çonnoiffoit auffi parfaitement que fes plus proches voifins ; & cela depuis (on enfance, Qu'il étoit Perruquier , fils de Perruquier * çju'î1 n'y avort pas fix mois qu'il avoir ceifé 8 )o( Œ 61 de venir razer&frizer clans la mai/on: que Ion panchant pour les vices honreux l'avoir dabord entraîné dans la débauche des fen> mes perdues &: delà dans la focieté des joueurs frauduleux: qu'elle s'attendoit de jour à autre de le voir pendre au fourches de Monfaucon , non pas pour les cours de fripons qu'il pourroie encore faire, mais pour ceux qu'il avoit déjà faits. Que fon habit n'étoit qu'un déguife-ment pour tromper la vigilance de ceux qui avoient déjà l'ordre de l'arrêter Se en même tems pour en impofer avec plus d'alîurancc & d'effronterie : Qu'il avoit déjà été la. caufe de la perte de plu fleurs ieunes gens de famille, qu'il avoit eu l'adrefTe d'attirer dans les Coupes Gorge ou s'aiïemblent les joueurs de profefiîon, ou dans les lieux infâmes où la jeunelle perd a la fois fon innocence, fon bien Se fa famé. Elle alloic encore m'en dire davantage. Mais ne voyant Oi ^ J point revenir l'original d'un tableau fi hideux Se mes inquiétudes redoublant fur le fort de mon Ami, je retournai à l'Auberge du déjeuner dont j'ai déjà parlé. L'abbé Barbier, car c'eft ainfi qu'il fe nommoit parmi les gens de fa Clique, Se fon confrère en étoit fortis de même que les deux-autres qui avoient été la dupe des premiers ainii. ^ & ) o c œ ainfi que nous. Mon Ami fctil en étoit àtix prifes avec les garçons du cabaret qui s'oc-cupoient déjà à le dépouiller de fâ vefte & lui faifoient quitter le s boucles d'argent, la Verte feule valoir plus de quatre fois les liv. qu'ils exigeoient. je demandai un compte par écrit, ils le drefsèrent, je fom-mai le premier garçon , d'y joindre un reçu de le ligner. Il s'en exculoit fur ce ■> o qu'il nétoit pas le maître, qui étoit abfent: je le perfuadai cependant cle le faire en lui difant que ce n'étoit .que dans la vue de me faire rembourfer de ce que j'avançois pour le compte de mon Ami. Mon intention étoit bien différente. Le reçu ligné je revins avec mon ami au Cafté où je priai la Caftetiere de repeter ce qu'elle rn'avoit dit de l'abbé Barbier, elle y ajouta des traits qui font frémir d'horreur. Mon jeune Allemand en paru confterné de honte & d'é-tonnement. Il prorefta bien qu'on ne le re-verroit plus en femblables compagnies, & que cette Aventure feroit a fes yeux une leçon perpétuelle pour les éviter. je !e conduihs dans fon quartier, l'obligeant fur le champ de changer de demeure, parce que ces fripons n'auroierit pas manqué de mettre leurs efpions Meilleurs les De-^ crotcurs 5 à fes trouflcs pour lui tendre de liou- & ) O ( & éj nouveaux pieges, il fe rendit à mes repre-fcntations. Sans lui communiquer les démarchés ul-tçrieurcs que j'avois projettées pour faire extirper du cercle de la (o ci été humaine, cette engcnce criminelle, je fus même avant le oiner chez le Commiilaire le Comte, l'un des plus intégrés, qu'il y ait à Paris. Après avoir drefïe un procès verbal de tout ce que je lui appris il en informa Mr. de Mar-ville pour lors Lieutenant-Général de Police. Mais ioie que les maîtres du Tripot fcândaleux dont il ici queftion, eu fient foupçonné que je tacherois de les démasquer ou {oit qu'ils enflent déjà prémédité de changer de domicile. Les Officiers de la Police trouvèrent bien la mai (on à la porte grillée, niais les vautours en étoient déjà dénichés. Les Garçons du Cabaret n'en furent pas quittes à l'i bon marché : ils furent mis en p ri fon. Quelques jours après l'abbé Barbier fut aufli arrêté. Les pratiques que fon père fervoiénn depuis long-tems obtinrent en faveur de fa jeu ne lie qu'il fcroit renfermé à l'hôpital de Bicêtre pour dix années & de là envoyé dans les Islcs de l'Amerique. Le tableau hideux que je vient de faire n'eft pas le Chef d œuvre d'une imagination échauffée par la Ledurc des Romans. C'eft une H 3K ) 0 ( 5R une peinture fans fard & dont je n'expofe le clair & l'obfcur que pour attirer les réflexions judicieufès qui doivent héceffaire-menc occuper l'efprit de ceux qui feront per-fuadé que tout ce qu'elle contient n'eft que l'image de la pure vérité. Que dïnftruûions pour les jeunes gens. Quelle carriere à parcourir pour les Législateurs ou les Adminifrrateurs de l'ordre 6c de la police, qui font l'ame & la force des liens de la focieté humaine. Pour les premiers, le vice à fuir en considération des dangers où il expofè notre fanté & notre vie. Pour les féconds l'apprenti liage des moyens propres non pas à étouffer, mais à modérer les Pallions qui font l'ame des fciences & d'une indnftrie honnête. Envifagez ces hommes je ne dis pas fans paflions puisque même tous les animaux ir-raifonnables depuis l'Eléphant jusque au Ci-ron , en font fufceptibles, envifagez ces hommes de qui les pallions font ou froides ou presqu'éteintes , vous ne les verrez rc-fpirer que le repos-, la molette', où des occupations lentes de peu ou de nulle valeur , & d'aucun fecours à la focieté lin- maineo Rcear* » ) ° ( & *t Regardez ces hommes dévorez par l'A-mourj ils bravent le fommeil pour réparer le rems que ce Dieu leur a dérobé pendant le jour. Ils redoublent d'aétivité pour acquérir les moyens de conquérir le cœur de la Déeffe qui règne dans leur ame Se qui a captivé leurs (ens: ils font fouvent plus, ils fe ruinent pour cet objet de leur tendreflc. Que de mouvements! que de foins! que d'induftrie i tandis que l'homme qu'on appelle fage pareeque fon fang eft froid circule plus lentement dans fes veines fe borne à ne réfléchir que fur la tranquilité qu'il re-fpire & qui ne produit à la fociété humai-» ne autre chofe qu'un être qui l'embarafîe bien plus qu'il ne la fert* Ce Joueur, je veux, dire de bonne foi v & incapable de procédés frauduleux a perdu "fon bien , que de peines Se de rrav.aix .n'employé-t'il pas pour recourir au jeux, lïfperarice d'un fort plus heureux fe joint à la Paflîon. Pour affouvir c^lle-ci, il travaille dans tel genre que fon énr l'a app'ellé» Ce n'eft point un manœuvre ni un Artifan; c'eft un noble*, eh-bien s'il ne peut frvir l'Etat dans le Cabinet, il prend les ""•mes pour le défftndre, n'auroit~if jamais joué, ou n'auroit jamais fçii qu'il éror ré Héros3 & il n'auroi jamais pu trouver l'occa ion E d'ac- ^ "38 ) o ( & d'acquérir des Lauriers immortels, & de commencer la réputation de fes En fan s. Mais il s'eft ruiné fans reflource, il eft à la mandicité. Ce n'eft pas le jeu fenl qui la réduit à cette facheufe extrémité , la Pareffe plus funefte à la caufe commune que le jeu, paflè pour la pallion du jeu Se n'eft cependant que le vice qui domine & appauvrit les féneans. Je n'exagère point en difant que depuis la fupprefTion des jeux de hazards on pou-voit compter plus de cent tripots dans Paris 5 ou ils fe jouoient clandeftinement. Il y en avoit pour toutes les conditions les nobles ; les Bourgeois , les Artifans ôe le ° . . r bas Peuple. Mais combien y en avoir-il d'où la fraude Se la fupercherie étoient exilées? Je n'ofe-rois pas en compter trois. En fupprimanr la Tolérance des jeux de Lazard, eft-ce que Mr le Cardinal ne devoir pas prefïentir que la plupart des joueurs en compoferoient fur les jeux de commerce qu'il n'éroit pas poflible de pouvoir deffèn-dre fans qu'il en provint des murmure^ & même des révolutions. Le Piquet, le Quadrille, l'Ombre, Se les autres furent incontinent convertis en jeu de hazards. Celui qui auroit le premier quatorze das, ou quelqu'autre quatorze qui compteroit* paye- ) o ( & é7 toit tant ou cpmptcroit tant de points de même pour ceux qui auroient Spa-dille 3 Barte ou Manille &c. Outre cela chaque rïlaifon particulière devint une Académie de jeu Se quantité de mai Tons foie dans la capitale foit dans les provinces, fe faifoient par les jeux de Commerce une l'ente fixe du produit des Cartes , félon là force du jeu qui fe jouoit. J'ai connu quantité de petits bourgeois à. qui le Qua«* drille à un fol la fiche ^ rapportoit un demi Louis par jour. jouoit-on ces jeux, par tout fideîement? Cefi: une quefiion qui devient équivoque.-J'ai eu la douleur de voir des demoitelles de condition , Se pouvant par leur foraine fe palier de tremper dans les fupcrcheries que les fripons avoielit introduites dans les jeux de Commerce, je les ai vu dis-je (k dépouiller fans fcrupule de toute délicatefïe à cet éoard. A * • L'envie d'être mieux & plus richement; parées que leur état ne lè portoit, leur fai-foit- faire banqueroute à la probité & a la droiture avec laquelle elles auroient du jouer. Celles qu'on ne pouvoir pas taxer de dex-> terité frauduleufe ni des tours de fouplelles dont les plus habiles fripons fe fervent en faifant avec les Cartes de certains arrive- o E l mens*, " & ) o ( sge mens, ou bien faifanc fauter la coupe &c. n'étoient pas exemptes de trahir par certains fignaux ou leurs propres jeux ou celui des autres. Tant d'abus & de filouteries s'introdui-firenc parmi les joueurs qui ne s'attachoienî purement qu'aux jeux de Commerce, que l'on fit deffendre aux Caffetiers dans Paris & même dans les Provinces de donner ni Carres ni Dèz, on borna toutes ces mai ons publiques aux (impies Damiers pour le jeu de Dames Se pour les Echets. Mais ceux en qui la Paffion faifoït des ravages voulant perdre leur argent ou en gagner avec plus de rapidité le livrèrent avec enrbouhafme à cet efpece de jeu de ha-zard que l'on nomme le Pair ou Nou-pair* qui n'éroit connu que des Laquais & en ufiige parmi la Canaille. Il n'eft prefque pas croyable avec quelle fureur il fe jouoit dans Paris, foir en le fervant de p^tire monoye ou bien de petites pierres de la grofïèur d"un poids on d'une fève. La Police fit encore intervenir fon pouvoir defpotique Se le fupprima fous peine de la même amende avec laquelle on cha-tioit les joueurs des autres jeux de hazard. Que & )o( & -éj Que l'efprit de l'homme eft fertile , ti expédients quand il s'agir de lads faire i'es paillons 1 je defierois bien la Police la p!us rigide de fupprimer le jeu de hazard dont je vais p-der. Le Pair 011 Non-pair, par I'ufage des poids ou des feves , des pierres ou de la petite monoye étant deffendu, l'un de 'es zélés parti fans inventa celui-ci. Les joueurs s'affembloient ou fur la porte d'un Cafte ou fous ie Portail d'une Egiife ou de quelque grand Hôtel, cV pârioienr le H air , ou le Non -pair du Numros (*) du premier Ca~ rof de louaee qui pafîeroit devant eux. C'cft-ici, s'ecriera - t'on ! où toute la« Capacité des joueurs frauduleux doit faire nauffrage. Eft-il quelque ubtilité qui ofe faire face à l'innocence de cette nouvelle invention. A fon afpect tous les refïorrs de l'efprit frauduleux fe derracienr. La malice pâlit & la rufe fcmble expirer de defefpoir. Oui: mais elle n'en fait que le (emblant, elle n'en expirera pas pour cela-, & bientôt elle trouvera des moyens fûrs & certains pour triompher glorieufement de la crédulité & de la bonne foi. E 3 Un (/) Ou feaît que pour îa fureté publique r Paris, à Londres & dans routes les grandes v\iile§ 'çss iortes de voitures iont numérotées* 70 & 5 O ( ^ Un certain joueur de profefïion, niais de haute volée , qui n'étoit cependant l'auteur de ce nouveau jeu , s'avifa pour s'y enrichir en peu de jours d'un flratageme dont l'homme le plus pénétrant ne ic Icroiç jamais défié , Se qui lui reuiîit ii parfaite,, ment qu'en moins de fix femaines il fe vit en Etat d'acheter de très-belles terres, où l'on m'a dit qu'il tranchoit de l'opulence d'un petit fouverain? Il avoit déjà monté Ces batteries Se arrondis (es parties. C'eft à dire raflemblé ceux fur la bourfe des quels il avoit prémédité de groffir la fienne. Financiers, porteurs d'actions de la Compagnie des Indes; premiers Commis des Fermes, Banquiers, Notaires , riches Marchands , Agens de Change Se autres Richards de cette C la fie. O " Après qu'il eut bien engrainé, Se joué pendant quelques jours à ce nouveau Paiy ou non- , avec beaucoup de franchi fe, & abandonnant au pur hazard ou fon gain ou fa perte, il fubftitua a ce chemin qui l'eloiçnoit de fon but un (entier oui abre* 1 I certaines pour y planter les tiges du bon-heur & de la félicité. L'étude de leur intérêt prévaut: ils ont beaucoup d'Enfans ou des Parens à enrichir : enrichir cela eft quelque choie : & ce quelque chofe les empêchent de faire quelque chofe de meilleur oui eft de bien gouverner. 1 CD La fcience de bien gouverner un Etat eft très étendue, mais elle fe réduit à deux points principaux: faire obéir à des loix juf-tes & raifonnables & n'en point -créer ni introduire de nouvelles dont on n'aye auparavant bien conftaté l'efficacité. Voyez-vous qu'une nouvelle ordonnance n'opère pas l'effet déliré, fupprimez-la fans délais, autrement les Abus qui dérivent de cette erreur politique groffiffent & dégenè^ i i o o l'en t en des excès ou en des vices affreux.. L'excès des Pallions font les maladies de l'ame : Il faut être bien verfé dans l'étude de l'homme pour ofer. entreprendre de les guérir -, 6c bien connoitre les remedes qui leur font propres 5 pour opçrer fubitement cette » ) o ( & - 77 cette Guerifon. DefFendre le cours des Paf-fîons, c'eft vouloir arrêter im Meuve dans fon cours 5 il fe débordé & f s innondarions dé-truifent & novent les plus belles récoltés. Quand l'arrêt qui fupprimoit la Tole-rance des jeux de hazards parût, je m'imaginai, que fi celui qui l'avoit confeillé eût A 1 1 1 1 X • A 1. vécu dix ans de plus ou auroit pu en lire un autre d'un frile encore plus comique, Se je m'attendois tout au moins à celui-ci ou à ion fembîabie. De par le Roi. Sa Majeflé ayant oui le rapport qui lui a été fait en fon Confeil Privé , qu'une multitude- de tes meilleurs fujets , de tous les rangs, Se de toutes les conditions s'a-vifoient de mourir j les uns fubitemenr^ les autres, par des maladies de langueurs & quantité par des accidens imprévus': Se voulant en bon Père de fes Peuples, remedier tout d'un coup à une dépopulation fi préjudiciable au bien des familles & en général a celui de l'Etat , Sa dite Majefté aidé de l'avis de fon Confeil deffend déformais à qui que ce (bit de quelque condition Se fous quel prétexté que ce puiffe être, non feulement de mourir fubitement ou accidentellement ; î 78 & ) o ( & tellement ; mais encore de tomber malade de telle maladie de langueur que l'on pour-roit nommer foit ions Je nom d'Ethilie5 d'Apoplexie, de Fievre lente, de petite Ve~ rôle ou de Majeure ou enfintelle autre dont le genre le trouve articule en grec ou en o O latin dans la Bibliothèque de la faculté de Médecine. Et pour parvenir au but que Sa dite Majefté s'eft propofé pour rendre fon peuple immortel, Elle ordonne lies cet in-ftanc de Sa pure Authorité Royale, a tous ceux qui ont pris, pillés reçus à crédit ou payés argent comptant le Titre & la qualité de Docteur en Medecine, de s'en dépouiller aufli prornptement que faire fe pourra & même dans les vin.çt quatre heures. Leur deffend fous peine de mille Ecus d'amende applicables à tous ceux qu'ils feront mourir clandeftinement, d'entrer dans nos mai-fons Royal es ■) la lais des Princes, Hôtels des particuliers, ou Garnis, Maifons bour-geoifès & hôpitaux quelconques , foit avec le Titre, ou foit avec la fci en ce, ci-devant attachée à leur trop lugubre profef fon. Enjoint pareillement Sa dite Majefté & fou5 les mêmes peines, à tous ces diflè-queurs de chair humaine, foit Chirurgiens ■l 1 CD jurés ou Charlatans, de fermer Boutique * ceux J » ) O ( » 7? ceux qui en ont ou de mettre eriftignes bas. Voulant de plus Sa dite Majeflxi qu'ils ayent à faire une Pacotille générale de leurs ' T-V 1 Lancettes, Biftouris, Pinces, Palettes, & autres Inftrumens -, pour erre embarquez fur le premier Vaiffeau qui fera voile pour les Indes orientales, afin d'être jetés fous le tropique du Cancer, dans les Abvmes les plus profonds de la Mer, Ordonne de plus Le dit S.igneur Roi, à tous "Chymilles3 Alchymifles, Phificiensj, Droguilles, Arbonfles , Pharmaciens, Se autres Marchands de poifon & contrc-poi-fou, de tranfporter dans le creux des. vieilles Carrières , ou autres qui leur feront af-fignées, toutes les matières (celles ou liquides qui for m oient le fond de leurs boutiques , ou qui étoient le fupport de leur profeffion , afin d'y être brûlés & confumes par les exécuteurs de cette ordonnance émanée du Thrône. Que faire diront-ils? des allumettes. Deffend pareillement Sa dite Majeflé à tous Artifans, nobles Verriers, Couteliers, Chaudronniers , Potiers de Terre, Maréchaux Se autres ouvriers travaillans aux fus-dits outils, de Chirurgies & uftencilles d'A-poricaires ou de Chymie, d'en fabriquer à l'avenir de nouveaux ou de nouvelles j ex- 8o ) o ( & cepté aux Potiers d'Etain à qui il fera permis Je faire autant de feringues que bon leur femblera, tant pour l'ufage des coquê-tes qui veulent fe conferver le tein frais, que pour les gourmands à qui il pourroit fub-venir quclqu'indigeftion. Et comme les befoins de l'Etat exigent une levée de deniers, les dites feringues (*) payeront un Louis de Controlle, ou d'impôt dont la moitié fera applicable à la con-ftrucb'on d'un Temple, confacré à l'heroif-me des Nobles, deftinés à immortalifer leurs vertus meurtrieres aux Champs de Mars, Car tel eft notre bon plaifîr. Donné aux Champs Eli fées, fous le jceaux immortel de notre éternel Defpotif-me- &c. 8cc. La deffenfe de jouer aux jeux de refte ne fe borna pas feulement à la capitale; elle s'étendit jusques dans les coins du Royaume les plus reculés. Il étoir enjoint aux Gouverneurs de Provinces, de Villes, aux In-tendans & leur fubdelcgu;s de faire execu-rer à la rigueur les volontés , je ne dirai pas (*) Quelques teins après la deféénfè des ieux de hazards & de toute efpece dans Jes Caftes, on mît en France un impôt cônikierable la 12s Cartes pour l'ere^tlon de l'Ecole militaire, Quel contra fi e ! ) o ( & s* pas du Roi 5 mais du Cardinal fon Miniftre* On obéit avec plus ou moins de promptitude tant dans les unes que dans les autres, félon le plus 011 le moins de panchant qu'a-voient eux mêmes pour ces fortes de jeux ces administrateurs des Loix & de la Police» Presque tous les Vieillards , les Capitalises, les Ufuriers 3 les Gens de Robbe & les Employez dans les Finances, de qui l'avarice bornoit tous les defirs & l'ambition 9 charmés jusqu'à l'enthoufiafme de la publication de cet Arrêt, benifîoient le nom du Législateur qui l'avoir dicté. Parceque, di-foient-ils, cette fupprellïon des jeux de refte3 enlevoïent à leurs Enfans les occahons de diffiper leur patrimoine. Les bonnes gens étoient clans la plus groffiere de toutes les erreurs, ce que j'ai déjà dit de ce fruit déffendu démontre allez que l'envie démefurée d'en manger en devint plus forte & Pévenemenr prouvât bientôt après, que les joueurs nés avec cette paffion, n'en furent que plus animés. L'ecorce de ce beau projet eblouifîoit les avares, mais le cœur de l'arbre en étoit pourri. Ils admircient ce Parterre ou ce Jardin ou l'Art avoit epuifé (es travaux j mais ils n'ap-percevoient pas le ferpent qui étoit caché fous les fleurs» F Les \ £ )ô( \ Les juges de Polices des grandes comme des petites villes du Royaume atillïa vides de richefïes & de trefors que celui de la capitale , élevoient jtifques au Ciel l'ef-prit & la capacité d'un Miniftre qui venoit de leur ouvrir une nouvelle rigole , par la quelle leurs appointemens & leurs revenus fe gonfleroient. Ils ne furent pas les derniers à prêter la main a l'execution de ce magnifique Arrêt. Mais furent-ils les premiers à prêcher d'exemples? Non: ce fut bien plutôt chez ces Meilleurs qui fe croyent* & qui font en effet à couvert des punitions qu'ils infligent, que les jeux prohibés s'iri-trodui firent Se aux quels les perfonnes les mieux rentées firent des pertes qui dérangèrent Tœconomie de leurs maifons. J'ai vû bien long - tems après la fuppreilion des jeux de refie , que l'on y jotioit chez le Gouverneur de Befancon, chez l'Intendant de Gre-noble , chez le Gouverneur de Monrélimar & chez une quantité de Magiltrats, établis pour faire executer les ordres de la Cour, Il y eut quantité de Villes dans le Royaume, où la féverité de l'ordonnance ne fit que blanchir. A l'Academié d'Anger il y à encore une Salle publiquement ouverte à tous les étrangers & où j'ai vû les etudians jouer jouer au Quinze & au Berlan cjui font des jeux de refte; Les endroits où fe vont prendre au Pria-tems & en Automne les Bains ou les Eaux Minérales, Forges Barré ge; Ba'niere; Cote» O O ' rêtj Balàrue-, Bourboniie; Plombière & autres i font autant d'endroits comme privilégiez & où ie jouent les jeux de hazard, & en vérité où l'on voit pour un malade dix joueurs de paffion ou de Profeffion -, il y en vient uniquement pour cet objet de deux fcent lieues, je n'en n'impole pas. Pour quelques combats linguliers l'epéé à la main & autres fcandales émanés des querelles des joueurs à Bannière, & à Bar-rège Mr. d'Etigny le plus intègre & le.plus laborieux de tous les Intendans, reçût des __ 1 j> ordres précis pour y faire cefîer les jeux» Les joueurs fe diviferent par pelottons 8ç furent s'entrecouper la bourfe à Tarbes, à Àuch & autres petites villes voiiines j mais l'année enfuite les Bourgeois de Bannière $ O - qui pafle la (aifon des Bains, ne gagnent pas un fol j reprefentèrent qu'ils feroient dans labfolue neceffité de s'expatrier, lî la liberté de jouer aux jeux de refte n'y étoif pas tolerée» J'ignore ii l'on .1 eu égard à leur requête ; mais je fuis certain qu'elle ne Êontenoit rien qui ne fut très vrai. F i Malgré 84 œ )o( & Malgré la (uppreflïon des jeux de hazard en France , on y a joué & on y joue cou-jours chez cous les Principaux , Commiflai-res & Lieutenants pour le Roi députés aux Etats de Languedoc, de Bretagne, de Bourgogne d'Artois &c. 3e cela pendant tout le tems que dure l'aflemblée de leurs députés. Il fe fait cous les jours au Lansquenet des pertes confiderables à la Cour. 'ai oui, un Prince Souverain & très refpe&able par Son Sceptre 3e Sa Couronne demander à l'un de Ses Courtifans qui ve-noit de quitter le jeu, pourquoi il ne jouoit plus : Celui-ci lui repondit naturellement: Parceque, Sire, je n'ai plus d'argent. Eh bien! n'avez-vous .pas encore quelques terres à vendre ou à hypotèquer, répliqua le Monarque ? Ce Court:fan a depuis été en faveur -, il a commandé les Armées*, mais intrinféquement honnêre homme , il n'cfl pas celui des Généraux qui s'eft le plus en-graillé des calamités publiques. Demandez à un Courîifan Militaire (car V excepté les gens d'Eglife , ils le font tous) demandez-lui où il s'eft ruiné ? Au lervice du Roi, vous répondra - t'il. Mes équipages font tombés trois fois entre les mains des ennemis. Il n'avouera pas que la Re* ». ) o ( & «r jouiffavce (*) lui en a enlevé beaucoup plus que la guerre. Leur Souverain çft pourtant un modèle de prudence & de çirfonfpc&ion que les Courtifans ont fans cèfle devant les yeux. Il n'eft pas feulement heureux aux jeux de hazard3 mais fa conduite y eft fi bien comparée & fi bien réglée que lorsqu'il n'au-roit ni Royaume ni Couronne 5 le jeu feul lui 'our, it une refîource honnête & un bien être capable de fatisfaire un Prince Phi-loi ophe. Je l'ai vu fe mettre au jeu fans émotion & fans faire paroitre qu'il y étoit conduit par l'appas du gain. Je l'ai vu perdre & çaçner avec tout le Phlèçme & toute Pin- o o o différence dont Caton fcul auroit été capable. Ne cédant point d'attacher ma vue fur, cet Augufte joueur 3 j'admirai la nobleflè de toutes Tes actions , & particulièrement le fige principe qui les dirigeoîent. Jamais il ne tenoit la féance qu'autant de tems qu'il en falloit pour lailfer à la fortune le loiiîr ou de changer de caprice, ou de ralentir (on inconftançe. Avoit - il perdu la fomme qu'il s'étoic deftiné de facrifier au jeu ? il fe retiroit auflî tranquilement que s'il venoit de faire F 3 une '("*) Carte favorite au Lansquenet & ) ° c $ une promenade dans fon jardine Le font l'avoir-il jfevorife? avoit-il gagné une fomme proportionnée à celle qu'il avoit bazardée, il fe bornoit & quittoit le cercle avec le même fang froid que lorsqu'il avoit perdu, & fe plaçoir enfuitc au rang des fpec-tateurs , comme fi le jeu n'avoit pour lui aucun appas caché, Quelques cenféurs malins ; de ces ef-prirs de contradictions qui n'applaudifient que leur propres fentimens \ & qui font toujours la guerre à ceux des autres, avoient allez d'audace pour dire même dans le Palais de ce Monarque , qu'une telle conduite au jeu convenoit mieux à 'un particulier qu'à un Souverain : & pour appuyer leurs faux raifonnemens ils rapelloient quelques excès de generofité de Leiecteur Maximilien de O ■ • — _ _ Bavière, lorsqu'il jouoit, avoit fes. favoris ou des Gentils-hommes de peu de fortune, Ce Prince pou/Toit le jeu, diloient-ils, jufqu'à ce que le fort lui faifoit perdre des fouir mes confiderables en leur faveur. Si j'ofe bazarder mon (en riment fans blâmer la conduite ni la libéralité de ce Grand Prince, je crois qu'un Souverain peut avoir toutes les vertus d'un grand homme, en y joignant toutes les belles qualités qui appartiennent à l'homme privée Que la prodigalité n'eft & ) O ( & 87 pas plus une vertu au jeu , que la gour* inandiiè à Table -, & qu'ainii roure critique eft déplacée lorfqu'elle veut ériger les vices en vertus* On ne rougit point des bienfaits des Princes, (oit qu'on les ayent mérités, ou foit qu'ils nous en fuppofent dignes. Dans îç premier cas, ce n'eft qu'une debte dont ils s'acquirent : dans le fécond ils partagent le pouvoir de la Providence qui fe plaît à faire du bien à tous les hommes & les Princes fçavent bien qu'il n'y a que la belle gloire des héros qui puilTe être immortelle. Un Prince qui n'attendroit que les in-ftans qu'il eft au jeu , pour fignaler fes libéralités , rifqucroit bien fouvent de les faire tomber fur des fujets. qui, s'ils ne s'en trou-voient pas tout à fait indignes, n'en hroient pas toujours le meilleur ufage. Cependant i! eft des inftans où les mouvements d'une belle ame fe font connoître, fans que la prodigalité ou l'oftentation y ayent la moindre part. Ces inftans peuvent cafuellement fe mêler avec ceux qui occupent des joueurs élevés en dignité. L'un d'eux qui venoit de gagner une fomme affez conliderable ayant oui dire à un inconnu qui étoit derrière lui : H rien fauJroit pas davantage pour faire ma fortune , fe leva & en lui F 4 faifant §3 $ ) o ( & failânt prelent de tout fon gain, lui dît, qu'il fe felicitoit d'avoir trouvé l'occafion de faire la fortune d'un galant homme. S'etnnt cnfuite informé dans, l'afïemblée quel éroi't cet inconnu: ayant fçû que fa probité éga-loit fes disgrâces & fon infortune j il fe rapprocha de lui, en lui difànt, qu'il au-roit fouhaite avoir gagné davantage (Se qu'a la premiere occafion où il. feroit heureux qu'il le mettroit encore de moitié avec lui. Cela s'appelle rafiner bien noblement fur la délicatefle du fentiment. C'eft dommage que de femblablcs modèles ne foient que très, rarement imités» Qu.lqu'un a dit que c'eft dans le fort des pallions , que l'homme développe aux yeux des vrais Phi/ion o m ïftes, tout le fond de (on Caractère. Le vin produit bien cet effet, mais le jeu dévoile encore mieux les replis les plus cachés du cœur humain* C'eft la pierre de rouche où la vraye géne-rofîté fe fait connoître, où l'avarice fiiit appercevoir toute fon étendue. Il eft vrai que la prodigalité s'y attache ainfi que î'œ~ conomie, mais les vrais Connoifîeurs ne s'y méprennent pas &: ils y fçavent bien diftin-guer l'or de billon, d'avec l'or véritable. Environ vers le milieu du Règne de o Louïs XIVo ce Monarque avoit joué avec le Çheva- & )o~( « 2? Chevalier de Rohan, bien connu par la fin tragique qui lui fit perdre fa tête fur un echafàur. Les piftoles d'Efpagne avoient cours dans le Royaume pour quelque chofe de moins que les Louis d'or. Le Chevalier qui avoit perdu mille Piftoles , fit venir fi CafTètte & payoit le Roi avec celles d'Ef-pagne-, ce Prince lui dit: Mais Chevalier ce font des Piftoles de France que nous avons joué. Celui-ci n'eut pas plutôt oui ces paroles, qu'il prit les milles piftoles d'Efpagne & fut les jetter par la fenêtre -, revint enfui tè tranquilement compter des piftoles ou Louis d'or de France. Le Cardinal Mazarin étoit appuyé fur le dos du fauteuil du Roi> ce Prince tout ému Se paroifïànt irrité de cette bravade fe tourna vers fon Miniftre & lui demanda ce qu'il penfoit de ce procédé? Sire, repondit Mazarin, que le Chevalier de Rohan a joué en Louis XIV. jfoais $ ) O C & 9f i mis lui, rabbatant de la moitié au quart, & du quart à la feizieme partie de cette fomme, je la lui donnai pour me délivrer de fes importunités , avec cet ecu de trois livre, il s'approcha d'une table , ou l'on donnoit la Dupe , il gagna quelques Louis & prenant ënfuite les cartes il la donna lui-ftiêniëi La fortune qui l'avoir tant de fois ca-rêfle, vouloir fans doute pendant cette nuit-la fe moquer de lui. Avec ce petit Ecu, tans à la Dupe qu'a d'autres jeux , elle lui laiffa gagner au delà de cent Louis, & cela en moins de trois heures j il crût qu'il falloir profiter d'un fi bon vent -, il voulut comme on dit en langage marin forcer de voile, mais Ion ambition ne maniant pas le Gouvernail de fon Navire avec autant de prudence, qu'il auroit dû le faire, elle le lit échouer fur les écueils d'une cupidité infatiabîë : & cette uîême nuit, ou plutôt à fîx heure du matin il fut fe coucher fans lin fol. Quoique la faculté .de Medecine de Montpellier, lui eut déclaré que le mal de Naples étoit invétéré jufques dans la rnoele de fes os, il ne fe fit point de fcru-pule de débaucher une fille de bonne fa-rnille , jolie & bien élevée : Il la produi-fit à qui vouloir en payant partager les fa- - veurs ) o ( veurs qu'il en recevoir. Le Marquis de C » . . „ c s'en entera , par ce Commerce honteux la Reole fubfitât encore quelque tems avec éclat ; mais comme tout eft permanente Cette lîlle lui fut enlevée : cet Avanturier ayant épuifé tous les feevets de fon art, tant au jeu qu'en amour, réduit à n'avoir pas de foulier, eut encore la hardie fle de filer le parfait amour à une fille de igc ans, qui fans doute ayant des rai-fons pour avoir un chapeau , confentit à l'époufer. C'étoit la fille d'un Marchand de Banniere , mais d'un Marchand d'allumettes en gros & en détail, & qui ne pouvoir donner à fon gendre que la vie & l'habit, Combien y a-t'il d'honnêtes gens qui en font privés?» Après les traits de folie des joueurs in-fenfès & quelque fois trop fortunés, viennent ceux de l'ingratitude la plus noire. J'ai -vu de ces hommes aveuglés par l'excès de la pafiion qui les dominoit, s'y livrer avec tant de fureur qu'en moins d'une heure ils pafloient comme fubirement d'un état de profpcrité à l'indigence la plus honteufe, C'eft alors que l'on voir effets furprenants d'une prompte metamorphofe. De fiers3 d'orgueilleux & d'impertinents qu'ils éroient à la faveur de leurs Louis d'or mal acquis 3 ifs I . 1 & ) ° ( 8 97 • ' ils deviennent tout d'un coup, Toupies; bas & rampants: ils abordent d'un air fournis,. Ceux qui leur ont gagné leur argent 3 ou qui ont été les témoins de leur perte : ils les entretiennent des coups infortunés qui ont trompé leurs belles efperances. Ils le défo-lent de s'être attachés aux cartes qui les ont fait perdre, pour n'avoir pas fuivis celless difent-ils, qui s'étoient prefentées à leur pré-mîere ïdéet Tantôt c'étoit le Roi qui a gagné Sonicat \ tantôt c'étoit le valet , qui elt tombé quatre fois de fuite fur la gauche du Banquier & qui lui aufoit enlevé fa banque. Après ces propos chimériques, viennent les lamentations Se les follicitations, ils protellent que s'ils font refïource, ils fè feront un devoir facré de rembourfer la fom* lîie qu'ils demandent a emprunter. On la leur prête ou en partie ; ils reviennent au jeu & jouent avec plus de (ang froid 8e de ciiTonfpection -, fi le hazard les favori fc $ leur imagination fe réchauffé, cfcll le retour de la fortune, i! faut profiter d'un bori caprice*, elle les fert a leur gré, la partie celle & les voilà remontés fur leurs grands o Chevaux ; leur Epée de Bataille, leur langue infeétée d'imprécations d'inveétives Sé de blafphême le déchainent contre ceux qui avoient été lourds à leurs prières quand ils G k$ & ) o ( £ les • follicitoient de les épauler, ou de leur prêter de l'argent. Mais penfent-ils à remplir leurs promefTes vis-à-vis de ceux qui les ont exauces ? les fubrerfuges les moins valides, viennent à leur fecours: ils n'ont pas encore reparé en entier leur perte primitive -, s'ils fe dégarniffoient cle ce qu'ils appellent leurs tonds , ils croiroient n'être pas à même de faire face à telle ou telle partie ou il y aura gros à gagner s'ils font en état de coucher gros. Ils reparoiflêrtt encore fur l'Arène, même en prefence de leurs bienfaiteurs 5 qui y courent le même risque, ceux-ci ont éprouvés les revers du jeu s il ne leur refte que peu ou point d'argent 9 celui qu'ils ont génereulement obligé s'en apperçoit ; il détourne la vue, ou bien il feint d'être entièrement occupé par fon jeu» Pour le reveiller de cette lé-targie, & même pour ménager fa délica- O X O teflèfi Ton f enfe qu'il en ait, on ne lui dit pas rendez-moi; mais prêtez-moi tant, qui n'eft fouvent que le quart de ce qu'il doit ; il a cependant beaucoup d'or devant lui: Ah! repond-il 9 mon cher Ami, je ne le puis, parce que je fuis de moitié avec un autre. Si ce menfonge , n'eft pas fa reporte ; il dira effronrement qu'il ne prête jamais étant au jeu, parce que cela lui porte & ) O ( & un malheur infini mais qu'après la partie La partie continue celui à qui il eft dû n'eft plus que du nombre des fpeétareurs parce que l'argent qu'il avoit a été la proye des viciffitudes que le hazard fait naître. L'autre triomphe du deftin, mais le deftin bientôt remporte fur lui une victoire complette. Le prêteur à la douleur de voir qu'il eft vaincu & réduit dans la même extremité d'où il l'avoit généreuiement retiré la veille ou le même jour. Il veut fe plaindre d'un procédé ii bas & fi irregulier, loin de s'exeufer en homme coupable de foiblefiè ou d'imprudence3 l'ingrat ne répliqué que des invectives, l'on pafie des gros mots aux voyes de fait & de celles-ci à La perte de l'argent prêté pour le bienfaiteur. Combien d'exemples ne pourrais-je pas citer d'après le tableau que je vient de faire, mais les fujets n'en valent pas la peine, on peut bien fe figurer que ce ne (ont que des âmes de boue & gens fins honneur, qui foient capables d'une ingratitude il déplacée & il mal concue-, laitons-les là. Si les perfonnes de probité, qui s'expo« lent au jeu avoient reçus de bonne heure des leçons qui leur euflent frit connoître l'efprit en général de ceux qui fuivenr ou qui sadonnent a cette coupable & dangereufe G % pro- lOO profefiîon, elles ne feroient pas fi fouvent la dupe de leur crédulité ou de leur bonne Foi : elles fçauroient fe garantir des pièges que leur tendent trop fouvent ces dangereux adulateurs» Dès qu'un nouveau venu paroit dans le cercle de leur afîèmblée leur premier foin eft de le confïderer. A fon air , à Ton maintien & à fa démarché ils reconnoiflènt suffi tôt 5 s'il eft initié dans leurs frauduleux MyftèreSc Pour s'en alfurer, ils laifïent écha-per quelques mots du langage qui leur eft confacré, & qu'ils appellent Eloquence fu-blime de la Grèce. A Lançaçe , le Grcc 0*0 nouvellement débarqué leve les yeux, fou-rit, ou ripofte par d'autres mots dont l'énergie & la laconicité le fait bientôt con-noître. Nonobftant cet examen, on veut encore le fonder pour fçavoir s'il eft des Bons, c'eft à dire, de ceux qui joignent la Theo-îie à la pratique, car il en eft qui peri-roient plutôt que de pratiquer la dernière partie de cette deteftable fcience. Tous ceux qui repugnent à la pratique , deviennent bientôt un objet d'horreur à Mrs. les Praticiens. Ce font autant de lumières, importunes qui trahiffent s'obfcurité de leur mau-vaifes manœuvres : Ils voudroiént plutôt voir Cerbère, que de rencontrer ces Argus clairs- & ) o ( œ 101 clairs-voyans fur leurs traits de friponneries. Il n'en eft pas de même de la rencontre des Bons: c'eft une trouvaille heu-rcufe, c'eft une pacotille qui leur arrive; c'eft une rigole à nouvelles reffources. Il o faut cliner enfemble : Au deflert arrivent les aveux réciproques: fçait-tu ceci au Piquet? & toi cela a la Dupe ? je parie que tu ne fçais pas ce que je te ferai voir, au Lan A quenet : Bon, c'eft du gateau qui lent le moiiî. Voici du nouveau : admire ce tour là: il a raifort : on voit bien qu'il a fait toutes ces Gaffes. Il faudra lui faire faire ce loir Ion coup d'eflay: va: un Louis à celui qui fera fauter la coupe avec le plus de dexteritéc Une Difcretion pour celui qui filera la carte avec le plus d'adrefle* Une autre à qui mêlera le mieux par confe-quencc du Pair ou Non-pair. Eft-ce tout il en eft encore mille de ces tours de coquins & que je ferois punir d'un fuplice tout nouveau, fi j'étois Législateur. Puisque les Législateurs n'ont pas pourvu à faire des loix contre nos talents pef-tiferés , fervons-nous en jusqu'à ce qu'ils en faffent que nous puiffions redouter. L'on fait la leçon au nouveau débarqué : on lui apprend qu'il y a un pigeonneau à plu-sner 3 qu'il ne doit pas faire femblant de le G 3 connoî- 5 0 ( connoître, eux, dont ce pigeonneau fe dé* fie. Qrfil doit contrefaire le Cluuâe, ou l'innocent* Ils n'ont pas beaucoup de peine à lui apprendre fon Rolle, il Ta tant cîc fois joué qu'il le rend au naturel. Le pigeonneau arrive & en effet il eft plumé, rotî & dévoré avant qu'il aye eu le rems de foupçonner qu'il le feroit. L'on va louper à fes dépens: l'on partage fa dépouille l'on s'applaudit & l'on fe prépare à de nouveaux travaux de cette efpcce. On s'etudiç a les rafinèr; quelles horreurs ! Ce qu'il y a de plus furprenant c'eft que mille gens qui ont été la dupe des tours de foupleffes de Meffieurs les Praticiens, refuient ordinairement les bons avis des Théoriciens, lorsque ceux-ci par pitié, par compaffi'on ou par eftime veulent leur deffîlïer les jeux & les empecher de tomber dans les filets de ces harpies. Si l'on eft furprîs de ia multitude de gens qui s'appliquent â en tendre à tous les paffans & les venans: que Ton jette avec refïexion les yeux fur l'Arrêt qui a fupprimé en France & ailleurs les jeux de hazard. On verra que ce n'eft que depuis l'Epoque de cette fuppreffion que ce font non feulement multipliés les joueurs frauduleux > mais encore que mille tours de fubtile frippoî*? ) ° ( fripponnerie inconnus jusqu'à lors, ont été inventés. C'eft une choie faite, dira-t'on : le mal eft (ans remede , il ira de pire en pire. Je prouverai bientôt par le projet que j'indiquerai qu'il n'eft pas fi defefperé que l'on ne. puifîe beaucoup le diminuer & même le guérir fi l'on veut s'en donner la peine. La France a actuellement l'un des plus grands Minières qu'elle ait eu depuis le grand Sully, capable des plus gïorieufes en~ rreprifes : comme aulîi de goûter Se de faire executer un Projet raisonnable. Qui peut dire qu'il ne s'appliquera pas à reparer les breches que l'ignorance a faite aux intérêts de Son Augufte Maitre, & que les Miniftres des Princes de l'Europe qui ont eu la foibleffe d'imiter le Cardinal Flcury dans fes défauts, ne fe feront pas Gloire d'applaudir Mr. le Duc de Choifeul dans ces perfections & de fuivre fes bons exemples. Quoi vous penfez, s'écrieront les Catons du fiecle que votre Projet qui indiquera le rappel de la Tolerance des jeux de hazard, trouvera des partions. Oui il en a déjà trouvé vis-à-vis des perfonnes ceniées a qui j'ai développé toutes les raifons qui me îe font croire, Au refte chacun eft maitre G 4 304. IK ) o ( $ là-de (Tus de fon franc-arbitre & fi l'on re-^ fute mon opinion 5 par des Arguments plus clairs & des preuves plus fortes que celles que j'alleguerai3 je fiçai admirer, me taire^ & même applaudir à mes Cenfeurs, Plus je réfléchis fur la conduite de M, le Cardinal de Fjeury , moins je puis concevoir, comment ce Miniftre en faifant fup» primer les jeux de hazard, pouvoit tolerer quantité d'etabliiïements ou de projets qui ne tendoient qu'à ruiner le Public. Que n'eut-il pas lui-même à fe repro-. cher lorsque par un Arrêt des plus préjudiciable à l'Etat 3 il fit reduire en rentes viagères , les rentes perpétuelles de l'hôtel de-ville de Paris, Cette réduction, on le fcair, j p ruina plus de familles en un feu! jour, que n'auroient pu le faire la Tolerance de jeux de hazard pendant cent années. Tel qui comptoit lai/Ter à fa veuve ou à fes enfiins un pain quotidien, avoit la douleur en mourant de fçavoir que ce nouvel Arrêt le leur enlevoit, Quelle criante injuflice pour ne pas dire quelque chofe de plus 1 Pendant & depuis le Miniftère de ce Cardinal, que d'abus au prejudice des peuples ne font pas émanés de l'entreprife qui établifioit la conftrudtion des grands Chemins^ o Ponts Se Chaufïèes* Sec, Que d'abus dérivent vent encore de l'Etabliflement du dixième & vinçiume Denier, & de nombre d'autres » i.) ■ qui Croient du relfort d'un autre matière que celle où je veux me borner. Combien de grâces particulières & tendant à appauvrir le Public, n'a t-il pas accordé à lès Créatures & particulièrement au Curé de St. Sulpice, le Sr. de Gergy, qui par des ru (es éc des fubtilités encore plus onereules à l'Etat que celles que mettent en iilage les. joueurs frauduleux trouva le lecret d'entalîer millions fur millions. Sous le fpéçieux prétexté de bâtir une Eglile, on lui accorda une Lotterie qui s'eft çoileélée pendant près de quarante ans dans tous le Royaume, J * Combien d'hommes n'a-1-elle pas conduit au dernier fuplice 6c aux galères ! Combien de particuliers n'a-t-elle pas réduit à la mandicité, Etoit-ce un jeu de hazard ou non? Etoit-on plus certain d'y faire fortune qu'à la Balïette ou au Pharaon. Pcnfe-t'on que le grand Colbert auroit conleillé à fon maître d'avoir pour un iim-ple particulier eccleliaftique ou Laïc, une telle complaifance ? Combien de (ommes cachées n'a pas rapporté à ce Curé l'érçcHon de notre Dame de vieille vai/felle, fous prétexte d'en faire le principal ornement de fon égli- G 5 lh «s g? ) o ( g ; fc. Maïs le public a le plaifir de fe mettre à genoux devant une vierge d'argent, o o o Cela le confole, il eft conteur, mais le tré-for de l'état en eft-ii miex fourni? Voilà la qu eft ion à décider. Auroir-iî, Mr. Coibert, pareillement permis les differens érab! Hic mens dont ce Prêtre a été le fondateur? Les dévots crieront contre moi à l'impie à Phe-retiqué : les gens de bon iens fe rangeront de mon côté en blamant, non pas les établi ffe mènes, mais fuzure & là cupidité dont ils étorent le prétexte. Combien de dupes ont été bien plutôt-que Mr. de Gcrgy le vrai fondateur de la congrégation des filles de Sr. Joiephj & combien de victimes ce Curé n'y a-r-il pas fa-crifié à fon propre intérêt? relie ouvrière qui ragnoit foit à broder à coudre ou a faire de la p tp deuielle 10 fols par jour n'en recevoient que dix dans cette communauté, dont on leur en rabbatoit huit pour leur nourriture & deux pour leur logement. A qui reve-noir le 'furplus à la communauté, difont les /impies, mais les clairs-voyans verront entrer ce furplus ; ces dix ou quelque fois 20 fols, dans la bourfe de Mr. le Curé. Les revenus de la communauté étant déjà établis par les bienfaits du public ou par les dons charitables & par les legs des bonnes aines quç £ ) o ( & 207 que Mr. Languer de Gergy avoient difpofé à cette belle œuvre. Eft-ce que Mr. de Coibert auroit fouf-fert qu'un Ecclefiafti que eut rançonné les plus nobles maifbns de la Paroiffe , la Paroiffe St. Sulpice occupe feule prefqu'un tiers de Paris, Bénéfice qu'il n'aurcit troquée contre le meilleur Evcché -, qu'il leur eut, dis-je, vendu le beure au poids de l'argent mon-noyé. C'eft ce qu'a fait pendant bien long-teins Mr. de Gergy. A force d'importun!-tés il avoit obtenu de Mr. le Comte de Maure pas en pur don l'isle des Cignes, qu'il dévoua au paturage de quelques vaches. Mr. Gergy occupoit les fervantes de la communauté de St. Jofeph à traire le lait & à en faire du beure -, mêlant avec le lait du fucre ce quelques goûtes d'eau rôle, en fuite l'on en formoit de petites molettes de la pesanteur d'une once avec lesquelles le charitable Curé regaloit fes paroifliens les plus diftingués : c'étoit à qui auroit à fon dejeu-né des molettes du beure de St. Jofeph > pour chacune defquelles ont payoit génereu-fement un périt écu, c'étoit un prix fait par le Curé, il n'y avoit rien à rabbatre. La livre poids de Paris eft de feize onces. L Eft - il quelquépoque de famine, dans les Anales du Royaume 5 où le beure ait valu vient comme d'elle même fe jetter. Que d'Abus ! dans l'achapt comme dans la vente des Billets de Lotterie!- Que 3K ) ° ( 3K «f Que de fraudes ! dans la Négociation, des actions, de la compagnie du Sud, ou dans celles qui dépendent des fonds publics* Oferoit-on nier que les Stratagèmes de Rice (*) ont été plus préjudiciables au Public , que n'auroient pu l'être ceux des joueurs frauduleux pendant dix Années. Je ne prétends pas vouloir inûnuer que l'on doive tolerer ni les uns ni les autres* Je veux feulement inlinuer que la deffenfe de jeux de hazard , n'a pas empeché &C n'empêchera jamais, que mille & mille particuliers ne fafïènt dépendre de l'incertitude leur bonne ou leur mauvaiie fortune. Malgré tout ce que je viens de réciter de l'Angleterre, que l'on ne croye pas, que de Pharaon le Mur m tir y, le Pafle dix & antres jeux de hazard, y furent entièrement oubliés : Quelques joueurs de profeffion ou de paflion, trouvèrent bien le sècret de les produire dans les Temples impénétrables de la Maçonnerie , ou dans les Loges bâtardes de cet ordre. Je ne veux pas feulement dire ces Loges qui n'ont point de Conflïtutions légiti- H 2 mes 3 (*) Cet An g-] ois qui fut arrêté à Cûmbray & qui avoit fait perdre plus de 80. mille livres Ster« iiiig-s à divers particuliers en Fabriquant de fauife actions ou billets dJEtar. / . ) o mes, mais encore celles qui pour une certaine fomme obriennent allez facilempnr de la Maîtrefle Loçe le Privilège de faire des o o ^ focietés & d'y recevoir des francs - maçons : mais on n'a que très peu d'exemples, que les abrégés à ces mvfterieufes afîemblées fe O O 1 foient jamais plaints des procédés irréguliers de leurs frères. j'en connois qui y ont perdus jusques à leur derniere Nippe, fans ofer trahir ouvertement le Sacré Myftère par lequel ils avoient été ruinés. Il eft de faux frères dans l'ordre des francs-maçons comme il en eft parmi toutes les Religions du monde; mais jamais ceux qui fe piquent d'obfcrver réligieufement les. devoirs de l'Art Royal, n'ont fouffert, ni ne fouffriront , que dans le Temple 012 brille la plus éclante lumière, l'on y intro-duife les voiles des tenebres, . c'eft à dire les avant-coureurs des vices les plus odieux. Ce n'eft pas feulement en Angleterre, où le Beau Nom de Franc-Maconnerie a fervi j de couverture à de certains faux frères, pour donner à jouer les jeux prohibés, mais encore pour tendre à ceux qu'ils arriroienr dans-leur fecrertes afîemblées, les pièges les plus dangereux, j'ai vu un Brigadier des Armées d'un grand Monarque, prêcher avec toute l'Eloquence d'un Demofthènes ^ les dou« 3K ) o (. Œ nj douceurs, les pbiiirs & les Avantages de la Franc-Maçonnerie 3 afin de faire payer bien, cher la Reçeption , & encore plus cher la forric difc prétendu (anchiaire où il fiiifoit de Concert avec quelqu'autres, de très odieux Sacrifices. j'ai vû a Barrège (ans oler faire autre choie que de foupirer amèrement, un Prelident à Mortier, à qui l'on avoit fait donner vingt quatre Louis d.'or pour voir la lumière, ne fortir de l'enceinte du Temple illuminé qu'après y avoir perdu en plu^ ûeurs (eances quatorze mille livres. Cela lui feroit-il arrivé, fi la Toleran-ce des jeux eût encore fublifté ? Il efl à préfumer que non. Vous prêches-donc cette Tolerance, me dira-t'on? je n'ai pas encore allégué des preuves aftez fortes pour palier de la Négative à l'Affirmative; mais bientôt on verra pour laquelle des deux , la rai fon & le bien public m'obligeront de donner ma voix. Puisque je fuis fur les frontières d'Ef-pagne, entront dans cette vafte, mais trop dépeuplée Monarchie. Ce ne fut pas fous peine de. mille Ecus d'Amande, mais (ous peine des Galères de ce Païs - là qne Ton deffendit non . H 3 feule- (*) Suplice plus cruel que la mort, ceux qui y font condamnés font conduits dans les mines * I - de. «8 - 3K ) ° C £ feulement de donner à jouer 5 mais même de jouer aux jeux de hazard. Cette déffenfe fut auffi copiée d'après celle qui s'étoit faite en France. Ceflà-t'on de jouer? Non: Il y avoit des Tables de Pharaon chez Mr. le Duc de B.....Se autres Seigneurs; chez le Comte de C..... Ambafïadeur de P. . . . Ec en dépit de la Rigueur de cet Arrêt, chez le nommé Badard Caffetier. Mais ô perfidie ! Ce Caffetier avoit mis dans Tes intérêts à force d'argent le Secretaire, ou le Scribe de l'Alcade, ou Juge de fon quartier: Après que ce traître eût retiré une fomme allez confiderable foit pour fe taire, ou foit pour avertir Badard de ce que le juge pourroit projetter, afin de le trouver en flagrant délit, ce malheureux attendit le jour que le nombre des joueurs s'y trouveroit plus grand qu'à l'ordinaire, & par fa depofîtion , à Tinftant qu'on y penfoit Je moins, ce Caffc fut inverti de deux Compagnies de Soldats pour fou tenir la capture des Alguazïh ou des Archers qui conduifirent dans les priions & mirent aux fers, près de trente joueurs que l'on trouva dans un fouterain que l'on n'auroit de fouffi-e pour y travailler comme des for-cars: les plus robuftes n'y vivent pas fix ans, tant ce travail eft funefte a la faute» & ) o ( $ XX» n'auroit jamais pu découvrir fans îa trahifon de ce perfide Scribe. Tous ces Prifonniers, ceux excepté qui purent payer des fommes confiderables furent condamnés à travailler aux mines de foufire comme des forçats. L'on ne fe contenta pas de punir les joueurs que Ton prit en contravention , on rechercha même ceux qui après avoir été de ce s parties fecretes s'en étoient retirés depuis long-teins: Un Officier reformé fut de ce nombre, & malgré qu'il protefta & prouva qu'il n'y avoit pas mis le pied depuis fix mois , il fut envové aux Galeres avec j j les autres : trop cruelle feverité -, bien digne de la Cruauté des defeendans de ces hommes inhumains & inexorables qui firent la Conquête du Mexique & du Pérou. On croira fans doute que cet exemple trop rigoureux éteignit en Efpagne la paffîon pour les jeux de refte: il produifit les mêmes effets dont j'ai déjà parlé en faifant le récit de ce qui s'étoit pâlie foit en France, ou en Angleterre. Les joueurs n'en devinrent que plus paflionnés & plus habiles à fe cacher. Je ne veux parler que des joueurs de profefiîon. Les autres trouvoient des parties à faire chez quelques Seigneurs dif- H 4 tingués 3U© ) ° C tinsuiés ou chez l'un ou l'autre des Minières o étrangers. ô A J'ai vu trop mois après la Condamnation des joueurs arrêter chez Badard, une Banque de Pharaon dans l'antichambre de Mr. le Duc de Bournonville qui en qualité de Capitaine des Gardes du Corps étant de fervice 'avoit fon appartement dans le Chateau d'Aranjuez, lorsque la Cour même y étoir. Mr. le Marquis de la Mina, Vice-Roi de Catalogne, fît défendre à Barcelonne o 7 fous les mêmes peines dont je vient de parler, les jeux de hazard j & cependant les Officiers qui avoient un panchant décidé pour ces fortes de jeux, trompèrent fa vigilance. Ils louèrent un grenier où j'y ai vu O O i J ponrer au. Pharaon, & couper au Lanfque-net avec plus de chaleur qu'on ne l'auroit fait , fi les jeux eufîent été tolérés comme auparavant. Mr. le Vice-Roi s'étant apperçu que cette déffenfe ne produifoit pas l'effet déliré eut la prudence de fermer les yeux fur la conduite de ces Officiers, il leur lît même fçavoir qu'il étoit informé de leur azile, & comme il ne les fit point pourfuivre à la rigueur de l'ordonnance, leur paffion fe ralentit , &. le mal diminua, Mr. le «& ) o ( & IZX Mr. le Gouverneur de Cadix ne fut pas moins actif à faire execucer les Volontés de la Cour de Madrid relativement à l'objet dont je viens de parler, Se cependant j'y ai vu jouer aux jeux de refte dans plus d'une Mailon , Ioit à Cadix, ou (oit au Port Ste. Marie. On jouoit aux mêmes jeux chez Mr. le Duc de Cavlus Vice-Roi du Royaume de j — J Valence : Se dans combien de Couvents en Efpagne ne s'eft-il pas perdu des fommes coniiderabies , en y jouant clandeftinement à ces jeux prohibés. Je reviens encore en France, & dans le tems où l'on venoit de renouveller dans rou-tes les Généralités du Royaume, l'Arrêt contre les jeux & les joueurs, Se je rencontrai dans les Auberges une ii grande ou an- O / tité de ces derniers, qu'on auroit pu les prendre pour quelqu'une de ces Caravanes qui s'aflèmblent en Afrique pour faire le Pèlerinage de la Mecque; d'où venoient-ils? du Rouffillonj de la Gafcogne j deTAgenois; de la Gui en ne ; du Perigord, du Quercy Se de la Provence j où alloienr-ils? à l'aflèmblée des Etats de la Province de Languedoc; étoit-ce pour y agiter quel qu'affaires relatives aux intérêts de leurs Provinces ? Non : c'étoit . pareeque l'on coupoit au Lanfquçnet chez le H 5 Com- 8 ) o ( Œ Commandant de la Province Mr. le Duc de R. ..... & que là, il s'y faifoit des Parties à pouvoir gagner ou perdre mille Louis d'or ii on les avoit. je voyois tous ces Pèlerins tirer de leur poche de gro'Ies bourfès & ne s'entretenir entr'eux que de la chimérique cfperance qui leur monrroit en perfpeftive les trompeufes faveurs de la Fortune. Que de Reflexions à faire fur la conduite de ces Meilleurs : & fur la capacité des Mini (Ires, qui ne s'appercevoient pas que la vehèmence de la Paillon des premiers les transporreroienr même dans les Indes 3 s'ils ne trouvoient pas en Europe les occaiions de la fatisfaire , & qui ne voyoient pas que cette émigration volontaire étoit autant préjudiciable. à ceux qui la faifoient, qu'a la Province ou à la ville q'ils abandonnoient pour la faire. Si l'on jouoit ouvertement chez le Commandant, on ne jouoit pas moins clandel-tinement dans plufieurs Mai(ons particulières5 quoique cet Officier General l'euffe frit déf-fendre, autant pour fe conformer aux ordres de la Cour, que par le motif que l'on devine aifément. Ces Gens, Maître d'Hôtel &c Valets de Chambre, retiroient un be~ s^rfice conUderable du produit des cartes qu'ils fournil- g? ) o ( 3K "J foiirnifloient, eft-il befoin d'en dire davantage ? . La Guerre qui avoit commencé en 1740. finiffoit en 1758. & par la Reforme de quantité d'Officiers & d'une multitude de Commis, plufieurs d'entr'eux fe trouvoient fans emplois. Ceux qui ne pouvoienr trouver de reflources dans une honnête induftrie* s'accrochoient à celles qui engendrent le deshonneur dans le fein de la Rufe & de la fupercherie. Les jeux de hazard foiirnifloient à Montpellier les occafions d'exercer les ta-lens de cette coupable induftrie. Pendant l'Aflemblée des Etats de Languedoc il eft peu de ville auffi bien peuplée en beau Monde que celle-là. Trois Archevêques ; 24. Evêques ; les Députés de la Noblefle; & du Tiers Etats-, Quantité de Nobles des Provinces Voifînes 33 33 33 33 33 33 3) 33 33 33 I ) ° ( Sfé fer vif "pour rejetter une proportion fi oppo-fée aux fend mens que j'ai toujours reipiré. Continuant enl.uite à me communiquer le plan qu'il avoit formé, il me dit bien des choies capables de reveiller l'amour propre de quelqu'un qui a éprouvé de grands revers. Qu'il vouloir débuter en m'ailociant avec lui par me faire le (acrifice d'une belle pièce de velours de Genes pour m'habiller. Qu'il accompagner oit cette première libéralité de toutes celles qui doivent naturellement la fuivre. Qu'il me reconnoilloit capable de tenir mon coin dans le cercle de la bonne focieté: Se qu'enfin j'étois digne de lui ler-vir de fécond. „ Afin, ajouta-t'il, que vous foyez per-fuadé que je fçaurai ranger la fortune de notre côté Se que nous ne voyagerons „ pas en pelerins de St.- Jacques, je vais „ vous dévoiler (ans détours mes talents. cc En achevant ces paroles il prit un jeu de cartes j après l'avoir bien mélé, il m'en donne douze: après quoi il me demanda, combien j'avois d'as, je n'en avois point. Il remêle & me fait encore la même queftioiv, je lui repondis, que pour cette fois j'avois trois as. Eh! combien de Rois, me dit-il en riant? Il avoit eu le fecret de fe les donner tous les quatre : & par ce fecret & I 3 quand- T 34 £ ) o ( 5K quantité d'autres de cette nature relatifs à tous les jeux de commerce ainfï qu'aux jeux de hazard, il prérendoit me faire voir c-n perfpeétive une fortune brillante Emanuei rien perdit poi?it* Ce )o( & Ce Monarque bienfaifant, fans cefTe occupé du bonheur de fes fujets, croyant leur en procurer un nouveau, avoir lui feul projet-té, même au préjudice de fes propres intérêts, de fupprimer les jeux de hazard dans fes Etats. Ne voulant cependant rien entreprendre /ans l'avis de les Minières, il voulut fçavoir quel feroit leurs fentimens à cet égard. Plufieurs fcandales étoient arrivés par les difputent, qui s'élèvent au jeu : Un gentil-ho mme que (es débauches, les déreglcmens & un vol avoient conduits au dernier lu-plice, étoient des motifs a fiés graves pour déterminer le confcil à fe trouver de l'avis de Sa Majefté. L'un des Minières étoit encore pénétré de douleur de la 'perte confi-derable que venoir de faire au jeu l'un de fes proches parens. Mai s ce Minifrre me-nie, /cachant faire une diftinctioh du Bien général, au bien particulier, réprefenta lui même à Sa Majefté, que la fuppreffion des jeux, en diminuant conliderablemerît fes Revenus, ne feroit qu'augmenter le nombre des joueurs frauduleux , fans éteindre les flames de cette dangereufè Paillon. Il n'oublia pas fans doute de démontrer cette vérité par les exemples de ce qui étoit arrivé de ce qlii arrivoit journellement à cet K égard 3 égard, dans les Etats des Princes qui avoient fait (upprimer les jeux de hazard. Quand la République de Genes les eut fait défendre, des Troupes de Génois vinrent en foule à Turin, a Regeio, à Pavie DO & à Milan , uniquement pour y fatisfaire leurs panchans pour ces fortes de jeux. Eft-ce qu'après cerre Défenfe je n'ai pas vu jouer à Genes chez Madame la Prin celle Palîavicini & chez Mademoifelle de Spinola? Qu'auroient fait les Piemontois? ils /croient partis en pofte, pour aller perdre leur argent à Milan ou à Venue. Mais le peuple, me dira-t'on, qui n'a pas les moyens de s'expatrier fi facilement, auroit ceflé de jouer? Il fe feroit ruiné avec plus de fureur à un jeu de hazard qu'on ne fupprimera jamais, c'eft à dire à cerre onereufe & ruineufe Lot-terie que Ion nomme 1 'Extraction* la même qui au grand préjudice des Peuples fé rire tous les mois à Bruxelles & pour laquelle tous les Italiens & .les Piemontois ont une h grande paffion, qu'autant vaudroit-il' leur défendre d'exifter, que de leur défendre de s'y ruiner. Les Piemontois, ou plutôt la malice des joueurs de cette Nation , pour le moins nuf; fçrnle en ftraragèmes que celle des joueurs des autres Païs, ne le feroit pas endormie. SB ) 0 C ^ 1.47 dorrnie. On auroit joué clandc-ftinement 5 & comme je -crois l'avoir allez prouvé à l'eçard de la France 3 le remede auroit été pire que Je mal. Ainlî la fagelfè du Miniftère de Sa Ma-jette le Roi de Sardaigne5 le montra dans tout fon jour^ lorsqu'il fut décidé que les chofes à cet égard refreroient fur l'ancien pied. Tous les jeux fans exception quelconque? (ont permis dans toute la Lombar-die Se dans l'Etat Vénitien. La ville de Venife s'enrichit tous les ans du nombre d'Etrangers qui viennent de tous les coins de l'Europe pour y goûter les plai-lîrs du Carnaval, & le jeu fait la partie la plus conliderable de ces plaifirs. Si l'on met en parallèle les fuites fa-> dieu fes qui peuvent arriver de cette Tôle-rance 5 avec celles qui proviennent éffi cti-vement de la fiippreflion des jeux de ha-zard dans les Etats que j'ai déjà nommé; l'on trouvera, que les dangers que l'on court Se les pertes que l'on fait dans ceux-ci , font infiniment plus préjudiciables au Public, que celles qui le font dans les Païs ou cette Tolerance exifte, Le feu Pape , qui de tous les Pont ifs qui ont occupé le liege de Rome, mérite K z h ». : œ ) o ( $ - le plus d'éloges -, s'étant pins attaché aux atières de iheologie, qu'à celles de la Politique & des finances, n'a pas pu s'apper-cevoir du mal qu'il a fait en imitant la conduite du Cardinal de Fleury dans la (up-prèiïion des jeux de hazard -, & malgré la défenfe du St. Pere , n'ai-je pas vu pon-ter au Pharaon chez le connétable Colonne, à l'hôtel d'Efpagne Se dans quantité de mai-Ions particulières. Qu'eft-il arrivé à Rome de cette défenfe, tous les excès & tous les maux dont j'ai fait mention à l'égard de la " o France & de fa Capitale ainfi que des aucres Etats. Un particulier que l'on avoit entraîné dans l'un de ces Tripots où l'on jouoit clandestinement 5 menaça en fortant de ce coupe-gorge ceux qui lui avoient frauduleufement gagné fon argent , qu'il iroit fe plaindre, A peine eut-il prononcé ces dernieres paroles qu'il fur percé de plulîeurs coups de poignard Se jette dans le Tibre. N'efl>ce pas à la fupprcflîon des jeux i qui l'on peut attribuer ce vol Se cet allai-linat? de combien d'autres de cette nature ne pourrois-je pas grofnr ce volume? Le Gouvernement de Naples, inftruic du dérangement de quelques particuliers qui ^éroient i ) o ( , « x49 s'étoient ruinés aux jeux fuivit aufiî l'exemple des Puiflances qui les avoient lupprimé. Que de recherches ! que d'emprifonne-ments! que d'exemples ne ht-t'on pas, en puni liant fevèrement, ceux qui ofèrent contrevenir aux ordonnances! On n'épargna pas même les Princes*, Meffine, Païenne & d'autres Villes de Sicile , ont vû pluiieurs Maifons de leur meilleure Noblefïe, conduites en exil, pour avoir donné a jouer les jeux prohibés. Mais ce même Gouvernement s'étant apperçû que la fureur du jeu redoubloit par la feveriré de loix qui avoient été creées pour éteindre les effets de cette frenetique Paffion, ce même Gouvernement, dis-je, n'a point héfité â rendre aux joueurs leur ancienne liberté , avec des précautions & des Règlements affez fages, pour prévenir les funeftes effets dont ce Privilège étoit accompagné. L'on a nommé un Inlpecfeur Général qui vcilleroit aux abus, qui relui-teroient de la liberté de pouvoir jouer aux jeux de hazard & à d'autres , afin que les intérêts de l'Etat pulfenr s'accorder avec le bien public , fans que l'on fur réduit à la fccheufe néceffité de punir, des hommes qui le font déjà allés par la Paflion qui les domine, K % Du iyo ) 0 C « Du Sucî 3 je paflè au Nord : ]e viens en Allemagne & je vois la plupart des Princes Se les Villes de ce grand Empire, imiter la conduite des Cours qui ont crû faire un grand bien , en ordonnant le défenfe o J des jeux de hazard, Se je vois a peu de différence près , les mêmes contraventions, les mêmes desobeïflânces , Se les mêmes desordres, que la fuppreffion de ces jeux oççafionne par tout ailleurs. j'arrive en Hollande, j'y vois afficher des Plaçant ou des Arrêts qui condamnent ceux qui donneront à jouer à de greffes Amandes & à être obligé pour la première Contravention à fermer leur maifon pendant un an Se fix femaines, Se pour la fécondé à être banni à perpétuité des villes dont ils feront ou Bourgeois ou Habitans, A Se le jneme jour de la Publication de cette lèvere loi. On taille au Pharaon chez Mr. A . . 6C l'un des Premiers Màgiftrars d'Ani-fterdam. Le lendemain l'on n'ofe plus jouer dans les Cariés ni dans les Auberges, mais une certaine Loçe de Franc-Maçon donne o j un repas , ou après le defîèrt , l'on expofe un Banque où fe ruinent deux Négociants & un Artifte de la premiere ClafTe. Dans l'une de ces fociétés que l'on nomme Collèges 3 &; où. s'afîcmblcnt des jeunes Négo- Négociants a certains jours de chaque fé-nr.' in es , l'un des Alïociés y perd trente mille florins : fon Pere dont il croit l'enfant garé le faehe, parce que celui-ci en a perdu plus des deux tiers à crédit, le Pere pour ne pas erre obligé de payer les billets de fon fils, l'envoyé, a Surinam où une he-vre chaude lui enlève ce Benjamin & l'héritier d'une grofle fortune. A la Haye, l'on joue aux jeux prohibés chez des Demoiselles de qualité -, mais qui ion: ceux qui viennent s'y ruiner? des Per-fonnes attachées à la Cour, ou qui ont de X fortes protections. On y joue bien ailleurs, niais taiions-nous. A Rotterdam, on joue clandeftinement à ces mêmes jeux, mais les joueurs fçavent tromper la vigilance de Mr. le Baillif, ils font leurs parties fecrères dans des maifons ou dans des jardins hors la ville, ou bien la Franc - Maflonnerie fert de manteau à leur paffion pour le jeu. je demande au moindre Calculateur, h le dommage que cauferoit à la République, la Tolerance des jeux de hazard en vingt «Se trente Années , pourroit aller de pair avec celui d'une feule Banqueroute telle que celle des Freres N......? K 4 Ehi \ «Â ) o ( £ Eh ! que font les Lotteries & le jeu des A&ions, iî non de purs jeux de hasard ? Combien de riches particuliers ne voit-on pas chaque année qui fe ruinent & par les unes & par les autres? Les Millionnaires Pinto fe trouvent aujourd'hui réduits à la vie & l'habit, pourquoi donc ne pas fupprimer les Lotteries ou le jeu des actions, qui en font la caufe? A le bien confiderer tout eft hazard dans la vie ; c'eft à dire, que toutes les caufes fécondés, dépendent du plus ou du moins des cas fortuits , premièrement ordonnés par une Puillance toute Divine, & en fui te affervis aux Pallions &c aux caprices des hommes. j'arrive à Hambourg & j'y trouve la conduite des Brelandiers modelée fur celle des joueurs de Hollaude dont je vient de parler. Ne le cachent-ils point dans des inaifons particulières ? ils fe donnent rendez-vous pour un tel jour & une telle heure à Altona. Quand les jeux croient tolérés, un Pere de famille fçavoit dès Je lendemain que fon fils y avoit perdu ou gagné , qu'enfin il ïnclinoit vers cette dançereufe Paflion: Pau- o torité paternelle pouvoit intervenir à propos \ les remontrances, les corrections, concouraient & ) ° C . ir? feîent à éteindre ce feu unifiant. Aujourd'hui il n'apprend, que quand il n'efi plus tems d'y remedier, que (on fils a perdu la légitime Se que dans Pefpoir de la regagner, il achèvera de perdre Ion crédit, la ianté & fa Réputation. On a fait défendre les jeux de refte dans les Etats de S.a Majefté Pruiîienne: mais on les joue fur les Frontières & dans les Etats des Princes voifins. Il en arrivera ce que j'ai déjà dit delà France, de l'E(pagnes & de l'Italie* La Palîion n'en fera que plus vive Se les fuites plus dangeureufes. J'en dis de même de tous les autres Etats. Les jeux de hazard (ont tolérés en Saxe depuis un rems immémorial. Eft-ce la guerre ou bien cette tolerance qui a prei-que ruiné cette riche Province ? Il eft des Païs en Allemagne ou l'on n'a pas encore parlé d'y défendre les jeux de hazard, & dans ces mêmes païs on ne trouvera t pas à y perdre un ecu, tant on y eft peu pafîionné pour ces fortes de jeux. Par-leroit - on de les défendre , dès l'inftant même les habitans brtileroient de l'envie de s'y ruiner. Il y a en Allemagne ainlî que dans tous les autres Etats de l'Europe des Villes Se autres endroits en quelque forte privilégiés > K ç pour *54 3K )'o( ^ pour y jouer à tous les jeux de quelque dpcce que ce puifle être, Aix-la-Chapelle ; Spa-, Pirmonf, Caris- bade ; Embs-, Weis-bade-, Schwalbaeh & Schlangbaden, où pendant la lai (on des bains & des eaux, il fe trouve quantité de joueurs de Pàllion, & beaucoup plus encore du nombre de ceux qu'on appelle joueurs de profdiïon & qui re vivent qu'au dépens des premiers. Ceux-ci, peuvent être comme les autres partagés en deux dalles. Dans la première , font les joueurs qui à force d'experience , à force d'avoir été dupés, ont anpris a éviter i - - \ i 11 les pièges ou leur bourfe a été fi fouvenc vuidee. Dans la fécondé, font les Novices: ceux qui débutent dans le monde; qui pour la première fois de leur vie, (ont tentés de s'enrichir fubitement par les funeftes effets du hazard. Ah! que la plupart payent cher cette tentation. Les joueurs de Profemon du premier rang, font ceux qui vivent uniquement' du jeu, mais qui ne fe fervent point des tours ci'adrefîe , de fupéreherie Se de friponnerie, qui font toute la (cience des autres joueurs de la derniere clalfe. Quels noms odieux! pourroit-on donner à ces reptiles venimeux, les vrais Afpics de la fociété humaine ! Mon- sK ) ° ( iff Montres d'autant plus dangereux, que pour éviter leur piqueures mortelles, il fan droit avoir des veux de Lynx, & un preflènii-ment tout particulier. Sous combien de formes ne le cachent-ils pas? une Politeiiè iîmulée; une Phifionomie douce 4 & ) o ( & raires des remedes dont ils éprouveroient eux mêmes l'efficacité. J'aurois pu grofiîr ce Volume de beaucoup d'autres tableaux. Peut-être auroient-ils fait voir dans un plus, tous les maux & les excès qui font provenus de la fup-preffion des jeux, /ans qu'elle ait empêché les joueurs & particulièrement ceux qui ne vivent que de fraudes & de fupercheries, de continuer leur déteftable profefiîon. Mais comme il eft peu de ces fortes d'exemples qui ne fe reflemblenr, je finirai par le récit de l'avanture (uivante. En Allemagne, la Regence d'un Prince O cD très refpcctable par fon rang par fa dignité eccléiiaftique ayant aufîî fût défendre les jeux de hazard dans les Etats de S. A. E. s'imaginoir fans doute que les joueurs le conformeroient à l'ordonnance & que dnns une ville de médiocre grandeur il leur feroit moins facile de fe cacher que dans la Capitale d'un grand Royaume. Le jeu y avoit été toléré, & par con-ferment y avoit engendré nombre de fes parti fins. L'on ne le défait pas d'une paffion enracinée jusques dans la moéle des os, aulli facilement que d'un vieil habit. Les joueurs un peu aifé, trouvèrent à W . . . . . qui n'eft qu'à deux lieues de la, un azile affûté & ) o ( $ Se dans lequel ils pouvoient à peu de frais braver le reflèntiment des Juges de police de la ville de M..... Les Erudians de l'Uni- verfité , n'eurent pas moins de genie pour fe procurer des retraites inacceffibles à ceux qui auroient voulu les furprendre les Carres à la Main. Et les Officiers de même que les Bourgeois, trouvèrent en payant des appartenons où la paffion du jeu pouvoir figurer route à fon aile. De forte que tous jouerent Se jouent encore avec plus de chaleur Se plus de dangers qu'avant la publication c!e l'ordonnance. L'on me dira peur-être que depuis que ion ne joue plus aux jeux de refte, dans le Caffé de M.... que les jeunes gens trouvent moins facilement les occahons de faire des pertes confidérables Se préjudiciables à leurs familles. Cela eft vrai; mais ce n'eft que pour leur faire payer plus chèrement les difficultés qu'ils ont à In r mon ter, pour fatislai-re leur paffion. D'ailleurs ces difficultés ne leur coûtent que de très légères peines. Font-ils paroître foit en jouant au Billard, foit en prenant leur Caffé, quelque monnoye, ils reçoivent incontinent le mot du guet, le nom de la rué Se de la mai fon où gît le fccret qui doit les ruiner. Aux promenades, aux aflemblées & même dans les Egli- L 5 - fes 5 i" & ) o ( & fes, les espions de Meilleurs les joueurs ne s'endorment point , ils connoillent d'ancienne date, ceux qui avoient un panchant décidé pour le jeu, ils les abordent; ils les fondent adroitement ; & ils fcavent bientôt j j û leur inclination pour les belles parties, n'a pas dégénéré en bonne conduite, ou li depuis le tems que les jeux ont été fuppri-més ils ont déliré la découverte de quelques tripots ? Tout ce que je viens de dire ne regarde que les Bourgeois &c les Etrangers. La Noblefïè a une lalle qui lui eft confâ-crée & où elle n'eft point genée dans fes pallions, non plus que dans /es volontés. Si la conduite des Officiers de la Gnr-nifon & des Bourgeois eft fujette aux termes de la loi, ils fcavent bien s'en affran-chir quand ils le veulent. Les auberges ou les cabaretiers, qui fe croyent tant foit peu protégés, ne refufènt point un appartement aux joueurs qui débutent par faire une grande depenfè, ils le font même un devoir de les couvrir contre toute furprife. Le fils d'un riche Négociant de F ..... étoit venu à M ..... pour s'y embarquer, & palier en Hollande. Deux joueurs frauduleux ayant fait cette riche découverte, ils eurent le courage de propofer à un ami de ce jeune homme de le conduire dans leurs filets, • & ) o ( $ 1*7 filets, Se celui-ci la lâcheté de leur obéïr afin d'avoir part à fa dépouille. Cette trame d'iniquité fut fi bien ourdie, que de deux cents ducats que ce voyageur pofièdoit, il ne lui en refta qu'autant qui lui en falloir pour fon embarquement & fa nourriture jus-ques à Rotterdam, c'eft à dire fept ou huit ducats tout au plus. La (cène le pafia dans une des meilleures auberges de M..... Les principaux acteurs fortirent bien vite dé la ville : & l'apprentif négociant éprouvât que la fuppreflron des jeux de refte, lui avoit été plus fatale, que n'auroit pu l'être la to-lerance de ces mêmes jeux. Lorsque cette tolerance avoit lieu , on jonoit ouvertement -, les joueurs frauduleux •étoient trop éclairés par la multitude, pour ofer tendre leurs filets en public. On fe dé-fioit davantage du tête à tête j on avoit moins d'ardeur pour le jeu, & plus de ref-fource pour regagner ce que la fortune avoit fait perdre. Depuis que les jeux ont été prohibés les jeunes gens font infiniment plus expofés à tomber entre des mains frauduleu-fes, qui ne laiiïent à ceux qu'elles ont dupé d'autres re(fources que le repentir. Averti fiez un jeune homme de famille qui cherche à jouer Se qui vous demande où le fera la partie des pièges qu'on lui ten- L 4 dra ; 1*8 & ) 6 C & . ' dra -, employez toute l'éloquence de Ciceroh pour l'empêcher de s'y trouver : il vous repondra qu'il fçait fe tenir fur fies gardes; qu'il à des bons yeux ; Se que l'un de fes amis lui a déjà montré tous les tours d'à-drelîè de Meilleurs les Brelandiers frauduleux ; qu'il ne rifque rien de ce coté là; votre fermon ne fait que redoubler fon ardeur; enfin il découvre le temple d'iniquité; îa fraude pare l'autel ; les cris des {acrifica-teurs l'intimident, on lui frappe fur l'épaule, il fe retourne, les cartes qu'il venoit lui même de mêler font efeamotées, & il eft ruiné fans avoir pu profiter des lumieres de ion ami. Il ne s'en prend qu'à fon étoile infortunée parce que fon amour propre lui fait acroire que rien ne s'eft paffé, que fe* Ion les réglés de la bonne foi. En luppofànt qu'un joueur de probité foit allez clairvoyant pour éviter les pièges trompeurs des joueurs frauduleux. Aufli-tot qu'il met le pied dans un lieu clandeftin confacré au jeu, il peut compter qu'il n'y eft pas-.entièrement à couvert de dangers, fi fa bourfe y évite le naufrage, il doit craindre pour /a vie, ou pour quelqu'affronc fançlant. o L'un de ces hommes éclairés fur les manoeuvres dont il eft queftion, qui en abhor- roie \ & )o( & î « le ment ces Meilleurs vinrent lui lignifier qu'il étoit prifonnier, mais encore l'infulter par les invectives les plus outrageantes. L'Etranger n'étant point accoutumé à prodiguer des litres fuperflus s'étoit borné au mot de Moniteur,'en parlant à ce Capitaine, fur quoi celui-ci, prenant feu 6c fe livrant à des e mportemèns frénétiques , menaça fon prifonnier de lui faire donner la Baftonnade, i?our, difoit-il, l'avoir inlulté & ne lui avoir 'sK ) ° ( Tâ 17's avoir pas donné le titre qui lui apparien oit. ,, Que veux tu dire, par le mot de ,> Monfieur ? lui dit-il; cela eft bon en „ parlant à un faquin tel que toi 5 cefl ,, à un Savetier, // un Manan à qui Fon peut donner ce titre-là : Apprens que „ je fuis Capitaine quen me parlant, „ f// dois m appelle? i Monfieur le Capï-„ taine. cc Ce Monfieur le Capitaine répéta fi fou-vent la même leçon , que l'orgueil perfon-nifié fe 1 croit moqué de lui s'il eut affilié à cc fermon impertinent. L'Etranger qui n'étoit pas le plus fort & qui voyoit que cet Officier avoir bû plus d'une rafade 3 craignoit avec allez de raifort l'execution de la menace. Il s'exeufa autant qu'il pût fur les ufàges de fon Pais, qui ne louffroient pas d'autre Epithète en parlant à quelqu'un que celle de Monfieur; qu'au refte s'il l'ordonnoir, qu'il l'appelle-roit, Monfcigneur ,. votre Excellence , & lui donneroit tous les Titres qu'il lui dicter oit. Non, non, répondit brufquement Mr. le Capitaine, je ne veux que celui qui m'appartient 3 & je devrois te punir fevère- menr x7° $ ) o ( ^ ment: de ne me l'avoir pas donné, quand tu as commencé à paroître devant moi. Que dire & que penfer d'un procédé fi contraire aux loix de l'humanité & de l'équité ; & cela en prefence d'une garde de plus de foixante hommes ? fans qu'an feu! en fut révolté? L'Etranger loupçonnat aifément que toute cette foule témoigneroit contre lui, ce qu'il plairoit à Mr. ie Capitaine de depoler. Ce dernier & (es Camarades après être refté une demie heure dans leur Corps de garde revinrent encore auprès de leur Pri fon nier, pour l'infulter de nouveau. Après quoi Mr. le Capitaine H......le faififlànr par le bras, lui fit brufquement cette queftion: Eh bien ! veux - tu refter aux Arrêts -, ou veux-tu re retirer chez-roi? & fur ce que l'Etranger vouloir lui reprefenrer les difficultés qu'il auroit de rentrer dans (on logis à une heure indue. Allons Caporal, s'écria Mr. le Capitaine, donnez moi vôtre bâton, je vais apprendre à ce Coquin- là à vouloir refter aux Arrêts malgré moi. L'Etranger o o lui ayant dit d'un ton allez réfolu de ne pas frapoer, Moniteur le Capitaine s'en tint à la menace-, mais l'ayant faiii par le Collet, >1 le tira de force hors du Corps de garde en ^ ) o c $ , 177 th lui lignifiant de rentrer chez lui. Il fallut obeïr. Tandis que cet infortuné frappoit à la porte de fon Auberge, ce même Monfîeur le Capitaine, quittant Ion Poire, vint le joindre pour lui demander ce qu 'il fe dif-pofoit de faire le lendemain, Se s'il porte -roit des plaintes contre l'Hotefle de la Ville de F......qu'il y avoit envoyé une Patrouille-, que l'on n'y avoit'trouvé per-fûnne, & que s'il difoit la moindre choie qui fut préjudiciable à cette honnête femme Se à fes deux aimables filles, que lui Se fes Amis lui en donneroit le dementi. L'hôte de l'Etranger s'étant mis à la fenêtre, Monsieur Je Capitaine fe retira. Il étoit faux qu'une patrouille avoit été envoyée chez cette méchante femme -, mais il étoit bien vrai que trois des Officiers de 4 ce même Régiment qui s'éroient trouvés chez elle lors de la querelle s'étoient rendus en fortant par une Porte de derrière 9 au Corps de Garde de Mr. le Capitaine & l'avoient mis dans leur intérêt. L'Etranger en étoit encore à attendre qu'on lui ouvrit, quand l'Officier Reformé dont on a déjà parlé, vint le joindre en lui demandant brulquement d'où il venoit fi tard? le premier lui ayant repondu, qu'il ne l'ignorait M pas ? S78 & ) o ( & pas 5 puisqu'il s'y étoit trouvé, cela n'eft pas vrai, repondit l'autre, je ne vous coi> nois pas. H ..... . parut au même inftant, & niant aulîî n'avoir jamais vû cet Etranger non feulement l'accabla d'injures les plus outrageantes, mais fans en avoir aucun fujet lui allongea par derriere un' coup de bâton fur la tête , après quoi lui & l'Officier prirent la fuite. Ceux-ci avoient armes, l'Etranger n'en avoit point, que faire en pareille circonftance? Le lendemain celui-ci ayant confulté , un homme /enle fur le parti qu'il devoit prendre. Voici à peu près ce qu'il lui repondit. „ Il y a déjà plufieurs années que je „ demeure dans cette Ville : La jnftice, „ comme presque par tout ailleurs y eft „ lente ôc tardive, & ce n'efr pas aux Etran-gers à qui elle s'accorde le plus promp-„ renient. Vous ferez feul contre tous & tous contre vous , & en fappo/int que „ la juftice de votre caufe puille percer au 53 grand jour, il vous en coûteroit toujours „ de grands frais & beaucoup de rems-„ perdu. „ La femme chez qui vous avés été in-„ fui té , eft protegée par des Nobles du „ premier Rang , à qui ces deux fi l'es ne „ dêplaifent pas. Quantité d'Officiers & „ des & ) ° ( 55 des Brelandiers de toutes les façons, té-„ mqigneront en fa faveur; & fuppofé qu'on lui fade payer une Amande; c'eft route 33 la fatisfaétion que vous en aurez, /ans 33 qu'il vous en revienne le moindre dédo-magement. 3, Il v a quelque tems qu'elle fut con~ 33 damnée à payer cinquante ecus, elle ne 33 fit qu'en rire avec ceux qui la payent pour 33 y établir ces parties clandeftines , dont „ beaucoup.de jeunes gens font la dupe. „ Il y a environ trois femaines qu'un jeune homme reçut un coup de couteau 3, de chaffe fur la tête dont il fur dange-3, reniement bleffé, qu'en eft - i! arrivé ? ,3 qu'il a été obligé de payer le Chirurgien. 3, Il avoir cependant porté fes plaintes & fait entendre des témoins irrécuiables. cc Les loix ne permettent pas aux particuliers de fe faire juftice eux-mêmes: Mais fi elles s'endorment fur les délits les plus puni fiables, eft-il étonnant que ces particuliers froifîes & molcftés ayent recours à la vengence , &: que tour un peuple ne fe livre aux excès les plus fanglants? Voyez i o les Cor fes ; h la juftice de ' quelqu'uns des Co m mi fia ires qui les ont gouvernés , ne s'étoit pas vendue au plus offrant, ils n'au- M i roient m » ) o ( œ roient pas appris à fe venger eux-mêmes de leurs ennemis, le poignard à la main? Il eft des exemples vivans d'une fage Législature , c'eft dans les treize -Cantons qu'on peut apprendre à les imiter. Mais vouloir protéger le coupable Se faire taire fans fàrisfa&ion ; les plaintes de l'Innocent opprimé , c'eft à la fois encourager le criminel, & d'un innocent en vouloir faire un coupable. Qui fçait fi TEtrangér dont je viens de parler, oubliera genéreufemenr l'atrocité du procédé d'H . . . . „ c je ne voudrois pas être à la place de ce dernier. Quant à la conduite de Mr. le Capitaine , c'eft à fes fuperieurs à l'applaudir ou bien à la défaprouver. Elle offlnfe bien plus grièvement l'Etat, & le Régiment entier de Mr. le Comte de L. . . . , qu'elle n'a outragé l'Etranger qui en a effuyé toute ravation. Quand une licence de cette efpece refte impunie, parmi les Troupes, elle en au-thorife bientôt une autre. Se de licence en-licence la Difcipline fe relâche -, le fervice s'ammolit ; Se ceux qui le font deviennent ordinairement les premiers ennemis d'un Etat. Si l'on ne m'en croit pas que l'on fe ref-fouvienne des Vêpres Siciliennes. Si la dép ) O ( igl Si je pouvois à force d'exhortations en--gager les jeunes gens à ne jamais jouer & fur tout aux jeux de hazard, je ne ce/ferois pas fitôt la morale que je pourrois employer a cet effet -, mais je le Içai, tout fer mon devient inutile , quand la Paflion domine fur les fens & fur l'efprit. De faux Amis, & que pourtant ils croyerit fincère, leur montrent en perlpeétive un gain rapide à faire, ils leur citent la fortune brillante qu'un tel a faite par le jeu : ils les entretiennent de fon Equipage de la Magnificence de fes meubles de la riehefîè de fes habits de la del;catelle de fa table & de la foule .de les plailirSo Delà viennent les tentations & de celles - ci bien fouvent la perte de leur fortune &• de leur réputation} mais en fup-pofant qu'ils ne puiflènt pas vaincre un Ci funefte panchant, je les exhorte bien fincè-rement à ne jamais mettre le pied dans des coupe-gorge tels que celui dont je viens de parler. Qu'ils 11e s'attendent pas à un meilleur traitement que la plupart de ceux qui y paroiffent pour la prémiere fois avec l'intention d'y gagner. Souvent on ne fe contente pas d'en vouloir à leur argent, on attente même à leur vie; oiii à leur vie, Ci on les foupçonne de vouloir fe plaindre des cruels procédés qu'on leur fait elfuyer 3 ou M 5 de 182, « Vo ( de revèler les friponneries atroces qui s'y pratiquent fous mille couleurs différentes dont eux mêmes auroient été la victime. Qu'ils (cachent de bonne heure , que les politeffes les plus marquées qu'on leur fera dans ces tripots clandeftins , cachent le mépris le dédain & les in fuites mêmes les plus outrageantes. Que fi on leur propoie un verre de vin, que ce vin fera mixionné avec des drogues fulphureufès , pour leur faire perdre i'ulage de la rai (on & les empêcher de voir les filets qu'on leur tend. Que fi l'on y produit des Dez francs, qu'ils feront bientôt efeamotés Se metamorphofés en des Dez qui ferviront à leur gré les joueurs contre lesquels ils auront la foibleife de jouer. Qu'il en efi: de deux efpèces, les uns plombés du côté des As , & d'autres du côté des lixj que les premiers font gagner , mais que l'on aura bien foin de ne leur laifler toucher que les féconds qui font perdre presqu'autant de fois que l'on s'en fert. j'ai vu des fripons afièz ofes pour en produire qui avoient deux faces de fix points chacun, mais c étoit vis-à-vis des vvrognes.. Qu'ils apprennent aufiî que les cartes dont on fe fer vira ne feront pas plus fidèles; que les unes feront pipées ou marquées & )o( ri 125 quées p3L" des points imperceptibles & dont les joueurs feuls connoiilent la pofition. Que d'autres feront favonnées, & d'autres pafièes au fandrac afin que par le tact, on puiflè les connoître & les tirer à coup fur, pour faire perdre le Novice qui aura la fimplicité de donner dans ces pièges trompeurs. En voici un , dont peu de jeunes gens fe défient. C'eft de gagner une premier e fois & même une fécondé, une fom-me affez confiderable pour les engager à revenir fréquemment dans ces refuges d'iniquités. Lorfque les joueurs frauduleux ont fcâ -adroitement faire ufaee de ce ftratagè- j c • o me, on auroit beau prêcher, l'on ne per-fuaderoit jamais un novice, que cette amorce eft la plus dangereuie qu'on ait pu lui prefenrer. Il a gagné, cet Argument eft trop éloquent, il faut en conclure avec lui que la droiture & la bonne foi ont été de la partie. Mais qu'il ne s'y méprenne pas, ce n'eft que pour mieux enraciner dans ion cœur la folle paffion, par la quelle, après s'être ruiné, il courra à fa perte par des fentiers encore plus funeftes que par le jeu. Aura-t'il perdu en jouant, on lui pro-pofera, fi on lui en croit les moyens, de faire jouer à fon tour ou de s'afibeier nvec un tel, qui a la réputation d'être heureux, M 4 nuis 124 IK ) ° ( SK mais ce Tel d'intelligence avec l'ami de ce jeune entêté, fera malheureux à dellèin cette fois-là, & il ne reliera à celui-ci que le regret d'avoir fuivi un fàux-confcil. Il lui L'on fcait l'hiftoire de leur fbrtie d'Egypte & du paflàee de la Mer rouge, C'eft de- 1- o o là d'où ils prétendent juftifier tous les vols qu'ils font lur les Chrétiens. Pendant leur captivité au bord du Nil , Moyfe leur ordonna d'emprunter les Vaifîèaux d'or & d'argent & les meubles les plus précieux des Egyptiens , pour celébrer cette éclante fête, ou devoir fe donner le fàn^lant hcmal de o c^ leur délivrance, & il étoit dit que ces mêmes meubles & ces bijoux devoient leur tenir lieu de faîaire, pour les travaux qu'ils avoient faits pendant leur efclavage. Aujourd'hui cette nation fe trouve encore une fois punie-pour fes pechez, par le joug qu'ils portent parmi les Chrétiens, qui, difent-ils, les traitent en efclave & leur retiennent la terre promile qui leur appartient de droit félon les promefîes que Dieu même, leur en a fait par la bouche de les Prophètes. Après la venue du Meffie, ils triompheront de tous les Peuples du Monde: toutes les nations tomberont dans leurs chaînes, & fubiront la loi du Talion. Mais en attendant leurs Ra-bins divinement infpirés leur permettent à l'imitation des Juifs d'Egypte, de fe payer par leur propre main, des prétendus travaux qu'ils font pour les Chrétiens & pour les Jures, qui félon eux jouifïcnt des belles pro-• ' vinces. ) ° ( sfé ù'? vinces, où devroit regnc-r delpotiquement le Peuple de Dieu. D'oir Pon doit conclure que toutes les rois qu'un juif peut fru-rer lin chrétien de fon bien , il croit n'acquérir que le Patrimoine qui lui a été enlevé. Plufieurs d'entr'eux m'ont fait l'aveu pareil. Il eft vrai que cetre crédulité a conduit plus d'un Bourgeois de Jerufalem au Gibet,-mais ne faut-il pas qu'il y ait parmi eux des Martyrs de la foy ? Sus d'Oppcnbeim i proviendroient des taxes. & impôts fti-pulés ci - après. Sj Dans la capitale, que ce foit Rome y Paris, Vienne, Londres, Petersboitrg, Amjierâam, peu importe , j'établirois des Académies de jeu pour chaque Etat ou condition des perfônnes, pour la NobleiTe, pour la haute Bour^eoife & pour le commun peuple; & à me-fure que le nombre des joueurs fe mul-tipliero.it , i'augmenterois à proportion celui des afîèmblées de jeu, afin que la trop grande multitude de monde n'apportai «K ) ° ( *or I portât point la confufiori & le détordre. 9) Je fixerais les jeux de hazard qui pourraient fe jouer dans ces Academics & je ferais défendre fous de très grolïès Amandes d'y jouer par tout ailleurs. 10) Sous les mêmes peines je ferais défendre que des jeux de commerce l'on en fit des jeux de refre^ loir par des paris, ou foit par des chances étrangères à ces mêmes jeux que Ton pourrait jouer dans les Maifons des particuliers comme cela fe pratique par tout. 12) j'etablirois un impôt de 20. Sois pour chaque jeu de cartes qui fe confomme-roit dans les Académies & 12. Sois pour chacun de ceux dont on feroit ufàge ailleurs. Chaque jeu de cartes feroit timbré fur l'as de cœur pour le premier emploi & fur l'as de carreau pour le fécond , bien entendu que la contrebande de même que la contrefaction de ces mêmes cartes, feroient punies, exemplairement. ? 2) je mertrois pareillement un impôt & un timbre fur les dez & cela fous pareilles peines, N 5 13) Ou- ,02 & ) O ( ^ ij) Outre les Efpions gagez que j'employe-rois, & qui feroient leur rapport à la chambre cie l'infpection générale des jeux, les Infpetteurs Provinciaux au-roient les leurs, & fur le rapport des uns & des autres vérifiés fur de plus amples informations , _je remedierois autant que faire fe pourroit aux diiie-rens abus qui émaneroient de cette tolerance. 14) Les jeux de hazard qui fe joueroient dans ces Academies feroient fixés à ceux-ci, le Pharaon, le Lanfquenet, le Trente Se Quarante & le Paife-dix. 'Chacun de ces jeux auroient leurs heures fixes, ou des appartemens feparés. 55) Il y auroit dans chaque Academie, un tableau des règles de chacun de ces jeux, qui décideroient de la valeur des coups & 011 tous & un chacun feroient dans l'obligation de fe foumertre au rapport des Infpecteurs du Maître des jeux, ou de leurs fubftituts. J'ébaucherai ces règles cy-après. î6) Pour faire refpccter les ordonnances & obfervcr les ftatuts ou les règles de chaque jeu, il y auroit un garde d'or- donnap- donnance revetu ou d'un u-niforme ou d'une bandolliere fur laquelle feroient brodées les armes du Souverain , Se dont l'emploi feroit de donner main forte au maître des jeux en cas de be-foin. 17) Chaqu'Infpedteur & Contrôleur particulier feroient tenus de faire leur rapport & de rendre leurs comptes tous les mois à l'Infpeâeur Se au Contrôleur de leur Province refpecHve & ceux-ci tous les trois mois a l'Infpection générale. 18) Chaque chef de famille auroit la liberté en prefèntant un mémoire à l'In-fpecteur Provincial, de retirer, foit un fils, foit un Parent de telle Academie de jeu , 011 il fe dérangeroit Se de le fiire configner, de maniéré qu'il ne pourroit plus y rentrer, (ans une per-mifiion particulière de l'Infpeclion Provinciale, bien entendu, que l'on en-tendroit les deux parties : afin que lotis des prctexres fpécieux on ne pût exclure de ces Academies ceux qui n'a-buferoient point du Privilège d'y entrer, ou qui feroient majeurs & hors de tutele* 19) Cha- *«4 ÎK ) O ( £ ï5>.) Chaque Particulier qui vG'Jdroît entrer clans l'une ou l'autre cie ces Academies & fur tout les Etrangers feraient obli-gé, c!e remettre au maître du jeu un Billet fur lequel feroit couché (on nom, fes qualités, demeure, Se pro-feffion s'il en avoit, Se pour lequel en payant une fois pour toute un ccu «, il recevrait une licence ou permillion d'entrée , bien entendu que le Maître du leu feroit dans l'obligation de le u O coucher fur le Regître qui feroit ouvert à cet effet. NB. Combien de milliers d'Ecus entre-loient dans les. Coffres de l'Etat t zc) Tous les autres jeux, les Lotteries, particulières de Bijoux, &c. le Biriby Se autres-, fufceptibles des plus grandes friponneries feroient prohibés fous, les peines les. plus rigoureufeso On ne feauroit croire, combien les uns Se les j ' autres font préjudiciables au public lorsqu'il y prend goût & qu'il s'y acharne* Te pourrais- m'étendre davantage fur cet Article, pour decrire les abus & les fuper-cheries dont ces fortes de jeux & de Lotte-, pes font accompagnées, mais* voulant entière- ) ° ( ^ iOf tkrcment les bannir , je me bornerai à exhorter tous les peuples de l'univers de ne point donner dans les pieges qu'on leur tend fous l'an pas des gros lots , ou des greffes femmes dont on leur fait elperer le gain fous ces beaux noms» REGLES GENERALES POUR LE PHARAON. AVERTISSEMENT* ("^e jeu comme je l'ai dit, eft aullî avan-~J tageux pour les Banquiers qu'il eft onéreux pour les pontes. Les premiers 5 félon les calculs de plus habiles Alge'briftes doivent avoir vingt cincj pour cent fur les autres. Il eft cependant des exemples où quelqu'un de ceux - ci, ont eu alsès de fortune pour v gagner des fommes capables de les mettre a même de fe retirer du jeu , & de vivre honnêtement. Mais pour un exemple de cette efpèce, combien en pourrait-on alléguer qui ont été la ruine totale des pontes & fur tout de ceux , qui ne fçavoient pas fe modérer en jouant à ce jeu-là? Cependant pendant malgré que la plupart des pontes Ï oient inftruits du desavantage qui les accompagne ? le Pharaon, eft cependant le jeu favori & le plus recherché prefque que tous les autres-, il le joue par tout & fe demande par les Perfonnes les plus refpeéta-bles. Chacun croit être l'heureux mortel que la Fortune favorifera, & beaucoup s'y ruinent étant bercé de cette folle cfperance. Ce jeu a ces règles; mais la plupart de Banquiers les ont outre - palfées, & en ont fait, bien moins à leur gré, qu'à leur avantage. Les règles font faites pour les Fripons, mais les honnêtes gens les obfervent. Voici celles auxquelles on doit fe foumettre à ce jeu - là. j) Le Banquier en fixant la mife des pontes, doit déclarer le fond de la Banque. Si cette Banque eft" par exemple de cent écus , le ponte aura la liberté -de ne ponter qu'aux pièces de trente fols & au delà jusqu'à la fomme de cinquante écus & toute la Banque fur deux cartes, (ans que le.-Banquier puiffè lui prelcrire d'autres bornes. ,NB. ^ ai déjà fait voir combien les Juifs ro leur adberans ont falfifié cette règle au £7/ grand préjudice de ceux qui ?ien étaient pas mftruits. 2) Le Banquier aura le droit & le Privilège de mêler feul les carres , pour éviter les fubtilités de quelques pontes frauduleux -, mais en les mêlant , il devra envifager de tems en tems le cercle des joueurs afin de ne point rendre fon mélangé fufpect par une trop grande attention a fixer des yeux fon mélange (*). - 5) Il ne fera pas permis au Banquier de fe lervir deux fois de fuite du même jeu de cartes, il ne pourra le reprendre que trois tailles après, &: lorsqu'il aura fervi fix fois, le garçon du jeu, en remettra de neuves fur la table & qui fe-feront payées fur le champ. 4) Il ne fera pas permis au Banquier de tourner ni de changer les cartes & moins encore de les arranger à inclure qu'il r (*) NB. Qu'il y a eu certains pontes frauduleux qui fous pretexte de vouloir mêler ou de regarder les Cartes qui éroient p a fiées ont eu Padrefîè de coler deux cartes foit pour faire faire taille faufîe ou foit pour fripoimer une Banque c'eft pourquoi cette Réglé a été faite. *0g & ) o ( qu'il les cirera. U ne pourra pas non plus les jetter fous la rable qu'à la fin de la taille, & il fera dans l'obligation de les tirer allez lentement pour que chaque ponte puifiè faire fon jeu à fon aile. 5) Il fera permis à un ponte de prdcrire au Banquier le tems qu'il exigeroit pour faire fon jeu , pour vu cependant que le caprice & la mauvaife humeur du ponte ne portafient pas les chofes à l'excès. 6) Tant qu'il y aura des cartes fur la ta-' ble , c'entend celles des pontes , le Banquier fera obligé , fous oeine de l O 7 t faufiè taille de les tirer jusqu'à la fin (*), 7) Pour eviter toutes conteftations, 1e Banquier ne pourra expo fer que des pie-ces d'or Se d'argent ou de la monnoye courante du Pays Se de bon poids3 Se les pontes ne pourront pareillement £ Ai en coucher d'autres fur leurs cartes, : • -■.-. r 11 (*) O11 a vu mille difpures provenir du contraire de ce qui eft dit dans cer Article & des Banquiers finir à moitié taille & refuièr eniiiife de payer des cartes qui avoieat iegitiinement gagnée g) Il ne fera point Permis aux pontes ni aux Banquiers , de jouer ou de faire jouer à crédit, & toutes cartes qui. ne feront pas marquées, ne feront pas payées, 9) Il ne fera pas permis aux Pontes , de changer les cartes qu'ils auront miles fur la table, fans la permiflion du Banquier. 1 o) Il fera libre au Banquier , de ne pas permettre que l'on corne ou que l'on plie les cartes, foit pour en fairé des Paix ou des Parolis, Sec. mais il ne pourra pas refufer que l'on charge ces mêmes cartes de la fomme, dont il plai-roir au Ponte de les charger jusques à la moitié de la Banque s'il le jugeoit à propos. Il lui fera libre de même de tenir ou de ne pas tenir la figure pure & fimple (*)■ 11) Si un Banquier en tournant les Cartes* en jette deux du même côté, loir fur la (*) Le premier Article de cette réglé a été fait pour eviter les tours d'adreue & de lùpeiv cherie de certains Pontes frauduleux 3 ôc le fécond pour les raifons qui ont déjà été alléguées c i -défi us. O «<* & ) O ( » la droite ou fur la gauchie ou dans l'en-tre deux des deux paquets, il fera cen~ fe avoir fait faulïè taille. i z) Tontes les fois que le Banquier de-pliera un nouveau jeu de cartes pour les mêler il fera tenu ce les compter & d'accufer qu'elles font complexes, li elles ne l'étoient pas, le Maître du jeu fera dans l'obligation de lui en four-nir un autre gratis, Se fi vers la hn de la taille il en manquoit une, il feroit cerifé avoir fait faulfe taille (*) . 13) Il dépendra du Banquier d'avertir ou non les Pontes, lorsqu'il voudra donner la demierc taille, fins que ceux-ci le puifle obliger d'en faire de nouvelles. 14) Lorsqu'il s'élevera quelque conteftation entre les Pontes Se le Banquier, le Maître du jeu recueillera la pluralité des voix de ceux qui en auroient été les témoins Se décidera la queftion en conféquence. 7 7 1 5) ^ (*) Cette Réglé a été faite contre les Ban» quiers qui eftamottent une ou deux cartes du jeu, dont ils le fervent, lorsqu'ils penfent que ces mânes cartes pourront devenir la carte favorite ou la carte routée. Œ ) o C '5K 25) Il ne fera point permis à un Ponte cîe pofer une carte fur la table après que le Banquier auroit détache celle qui doit tomber fur la droite, fous peine de ne pas être payé au cas que cette carte vint a gagner. o o 16) Lorsqu'un Ponte aura deux ou plu~ iieurs carres fur la table, & qu'il aura maflé une fomme en avant, fi l'une de fes cartes vient à perdre & une autre à çaçner, le çain de l'une contreba- 00 o lancera la perte de l'autre tant pour la couche que pour la malle en avant3 excepté que l'une de ces cartes vint en doubler, alors la moitié feroit pour le Banquier. 17) Aucun Banquier ne pourra refufer de jouer contre tous ceux qui fe prefènre-ront, fans qu'il y ait des raifons légitimes & qui feront alleguées par le Maître du jeu. x S) Lorsqu'un Ponte- aura déclaré de faire lidelement fon jeu, &: qu'il n'aura pas payé les cartes perdantes, il fera libre au Banquier de ne plus jouer contre lui. Mais s'il exige que ce foit ^Banquier ou les croupiers qui le fa fient 5 O z ceux* 2,12 & ) o ( œ ceux-ci feront tenu de fe conformer i la volonté du Ponte. 15)) Il dépendra du Maître du jeu de fixer le * tems que le Banquier devra employer en tirant les cartes Se de le régler félon la volonté des Pontes, & non pas félon celle du Banquier. 20) Il fera libre à un Banquier de fe faire relever par l'un de fes AlTociés j mais ni les uns ni les autres ne pourront tirer les cartes que par Je milieu du jeu, au deffous & non pas au défi us du poûlce & de maniéré que chaque Ponte puifïè s'appercevoir qu'on les tire fidèlement. Voilà à peu près les Règles principales & telles que je les ferois imprimer Se afficher dans tous les endroits où fe joueroir le Pharaon. Non feulement pour éviter toutes fortes de conteftadons, mais encore les fupercheries qui peuvent fè pratiquer, lorsque ces Règles ne font pas religieufement obfervées. Les Règles du Lansquenet Se du Trente Se Quarante fe reduifent à ce que chaque joueur peut Se doit tenir les cartes à ion t i tour, je voudrois que l'on ne pût jouer au fécond $ ) O ( ^ ZIJ fécond de ces jeux qu'avec deux jeux de cartes complets fans que les joueurs en pul-fent retrancher aucune. A la table où fe joueroit le Pafle-dix, il y auroit un Garçon du jeu qui feu! auroit le Privilège de toucher les dez & de Ic-s mettre dans le Cornet des joueurs , & ce Garçon feroit refponfable des coups, qui pourroient fe faire avec des dez frauduleux. Je voudrois au!xi. introduire un jeu qui de tous ceux de hazard eft le plus égal & le moins fiifceptible de friponnerie. C'eft en Angleterre où il fut invente après la fup-preffion du Lansquenet, du Pharaon & du Murmunni. C'étoit une efpece de Roulette telle ciue je vais eflayer de la décrire. Une table ronde ou ovale de fix pieds de diametre, avec un rebord d'environ fix pouces élevé de quatre au de']us du rond ; ce rebord étoit percé avec des trous d'un pied de diftance l'un de l'autre où pouvoir palier une petite boule d'yvoire , noire ou blanche de la groflèur d'une petite noix, qui étant jettée par le joueur parcouroit le fond de cette table qui étoit garni de petites cafés noires ou blanches & toutes un peu concaves: ces cafés poiivoient avoir un pouce en quarré -, lorsque la boule noire ou blanche fe fixoit dans une cale de même O 3 cou- couleur on gagnoit ou fi non l'on avoit perdu. Il faut remarquer que par la chute de cette balle elle parcourait tant de circuits différais, que l'homme le plus adroit n'aurait jamais pu à force d'étude le promettre de rencontrer la même cafe (Tr) . Il n'en étoit pas de même de la roulette à Paris, les Garçons du jeu d'intelligences avec des joueurs frauduleux avoient fubftitué des baffins , dont les cafés noires ou blanches & qui étoient en longueur, fe referroient au gré de ceux qui fiiifoient tourner ces Baffins : de forte que la Balle n'entrait que dans les cafés ou ces Maîtres fripons étoient surs de faire leur coup. Après avoir fixé le nombre de jeux aux quels il feroit permis de jouer dans les Académies feulement & jamais ailleurs, j'établirais les Impôts qui devraient en revenir à l'Etat de la manière fui vante. L'Impôt fur le Pharaon ne fe prendrait pas feulement fur le produit des Cartes a 20 fols le jeun Mais encore fur les gains de 1 (*) Ces Cafés étoient d peu près comme celles d'un Damier, excepté quelles étoient un peu créai es & que de difhmce en diflance il y en avoit deux ou trois blanches tout de fuite ou deux ou trois noires. (**) Ces baffins étoknt de cuivre. - ^ ' ïK ) O ( 21) de chaque Banque de la façon que je vais l'expliquer. • i) Le fond de la Banque, dans chaque A-.cadémie de jeux, fe formeroit ci, l'argent de tous les particuliers qui von-droienr s'y ïntçreflfer. i) Il (croit libre de s'y inrereffer pour autant d'Actions qu'on voudroit en prendre , chaque Action feroit de cent Ecus. 3) En prenant un Action on payeroit un écu d'Impôt, un pour cent fur le gain que rapporteroit cette même aétion. 4) Il y auroit un Regître Se un Jo^nal, où fe coucheroient les (ommes, qui formeroient le fond de la Banque, ainlî que celles du> gain ou de la perte Se de la dépenfe, tant pour les frais de loyer? feux, lumières Sec. que. pour les appointements de ceux qui auroient des emploits du reflort de ces Académies. • j) Chaque InterefTé ou Aâionnifte auroit. la liberté de demander au teneur de livre la valeur de chaque Aétion, qui O 4 varie- & ) O ( $ varieroit félon le gain ou fe Pcrtc cIue la Banque feroit chaque jo'Jt» 6) Chaque Aôion pourroit fe négocier entre les joueurs feulement & dans l'enceinte de chaque Académie ? (lue l'on pût obliger qui que ce foit de les recevoir en payement pour quelque dette que ce fulfe, excepté que l'acquérait* n'y voulut confentir de plein gré. 7) L'argent de la Banque feroit renfermé dans une caifïè, à quatre ferrures différentes, dont le Maître du jeu en au-roit une, & les plus forts' intereffés les trois autres, S) Aucun des Intereffés ne pourroit retirer fes fonds que le premier Lundi de chaque Mois, que le partage fe feroit au pro - rata du gain ou de la perte que la Banque auroit pu faire, mais il lui feroit loifïble pendant le courant du mois de négocier fes A étions Se de remettre fa quote-part far lesdits fonds à qui jugeroit à propos de la recevoir» 5>) Chaque Aflocié à la Banque aura, le droit de railler & celui de crouper ou de & ) o ( 8 ZI7 Je veiller à ce qu'il ne fe faffe rien contre fes intérêts particuliers. e) Pour éviter les difputes, ces Interelles tireroient au fort à qui taiileroit ou croijperoit a Ton tour &c à qui afiifte-roit a l'ouverture des Comptes, pour les arrêter & les ligner conjointement avec le Contrôleur de chaque Académie. i) Si le produit d'un écu pour l'Achâpt de chaque Action & le bénéfice d'un pour cent fur le gain de chacune d'elles, ne fuffifoit pas pour les frais & depenfes relatives à l'entrc-tien de chaque Académie, on augmenterait cet impôt d'un quart, d'un demi 6c d'un tiers en fus pour completter les fiommés né-ceiïàires à cet effet. i) Chaque Contrôleur particulier feroit tenu de fournir copie de (on travail a l'Infpeéteur particulier & celui-ci d'envoyer à l'Infpecleur provincial une relation de tout ce qui fe pafleroit a l'égard des jeux, afin que l'Infpeéleur Général en fut informé dans les tems qui feraient preferits à ce fujet. O v X 5 ) L'Ifi- \ «y» ) o ( i t J L'Infpecî:eur Général fcroir de même tenu ' i de rendre fes Comptes a la Chambre des Domaines du Souverain & d'y re-mettre les Deniers provenants des Impôts non feulement fur le Pharaon, mais fur les jeux dont il a déjà été parlé. Impôt fur le Lansquenet, Chaque jeu de carte fe payeroit comme au Pharaon. Mais fi un joueur avoit fait une main complet te, fon gain fe compterait & il payeroit cinq pour cent à la Caille de l'Académie. Le Maître du jeu feroit obligé de l'y contraindre en confequen-ce des Articles de l'ordonnance qui fe publierait à cet effet. Impôt fur le Trente Quarante. Chaque jeu de carte fe payeroit comme i! eft dit ci - defliis. Et chaque joueur qui auroit paflè trois fois de fuite payeroit un écu, ou la valeur qui feroit fpecifiée félon le gain qu'il aurait fait. NB. Que cette fpecification feroit arbitraire, mais cependant arrêtée par l'ordonnance. & ) o«( & ZI? Impôt fur le Pajje - dix. Comme ci - défi us pour le joueur qui auroir pafîè trois fois*, avec cette claufe, que chaquïm d'eux auroit la liberté de jetter les dez à Ion tour, pour telle fomme qu'il veu-droit rilquer ou qui feroit dénommée par le Maître du jeu, L'Impôt fur la Houlette, Semblable à celui dont je viens de parler. A chaque table du jeu,' il y auroit un tiroir- en forme de tronc avec deux clefs : l'une entre les mains du Maître du jeu l'autre entre celles du Contrôleur ; & a la fin de chaque jeu, les fommes que l'on en re-tireroient fie roi en t enregiftrées & depofées chez rini'pèdxur particulier pour qu'il eût à en rendre Compte où il appartiendroit. ÇÇj cXb Co fuV Ç.U On ne doit confidérer tout ce que j'ai rapporté dans cet ouvrage que comme une ébauche de ce qu'un Miniftre habile pour-roi t étendre Se perfectionner davantage. Ce ne font que des idées imparfaites -, mais qui peuvent en engendrer une multitude d'autres. Par **> $ ) o ( ^ Par exemple on pourroit établir près de chaque Académie un Caffé privilégié, & dont le Privilège fe renouvellerait tous les trois ans au plus offrant & dernier encherif-ieur. • On pourroit de même, pour empêcher les juifs ou les Ufuriers de profiter de l'embarras de certains joueurs , établir un efpèce de Mont de Pieté ou de Lombard, nu quel on preferiroit par un Tarif, l'in-terêt que Ton y payerait & un rems raifon-nabîe pour pouvoir en retirer les effets que l'on y mettroit. Toutes ces chofes font du refîort du Miniftre des Finances qui doit avoir pour principe que les petits Ru i fie aux forment les, grandes Rivieres, & qu'il n'en' eft point dans un Etat, de fi périr qu'il foit, qui ne puifie y circuler avantageusement. Quant aux ordonnances de police, h conduire des joueurs pendant ia première année en compoferoit tous les Articles. Tout ce que je fouhaiterois, ce feroit d'empêcher qu'aucun d'eux put entrer avec des armes de. quelque efpèce que ce fui dans une Academie de Jeu. Les Epées fe dépoferoient au Cane ou à la porte entre les mains du Maître du jeu ou de fes garçons &ce & fous ks peines les plus rigo.u- reufès • 8 ) o ( «x reu fes il feroit défendu de s'y faire juftice par loi-même ou par main tierce. Pour (ce qui eft de la clôture des j'eus pendant les exercices de Pieté 5 & fur tour le jour du dimanche, cela dépendroit des M agi fi: rats des YiJJes refpeélives où il y au-roic des Académies-de l'efpece en queftiom l'ai ouï dire a un très çrand fpécula- ^ O x teur 6c l'un des grands Algcbriftes de fon ficcle, Moîifieiir de Mo ivre, qu'un pareil établilfcmen en France rapporterait plus de dix-millions dans les Coffres, du Roi en Angleterre à proportion.'& feroit dans chaque ville un bien infini. On peut bien penfer après tout ce que j'ai allégué dans cet ouvrage que je fuis du même fentimenr. Pour croire que je trouverai beaucoup de Partifans de ce fyftême, c'eft une chofe dont je n'o/e point me flater» Le préjugé général n'eft point ni ne peut être en ma faveur, il n'y a que ceux • J. qui ont appris ou en voyageant ou par expérience, que ce que j'ai allégué eft la pure vérité, qui puilfent applaudir à mes idées & à mon projet. Les Avares & les Moraliftes fevères, qui penfent que tous les hommes peuvent vivre & penfer comme eux. Les perfonnes heu-reufement dépouillées de pallions violentes . ^ ) ° ( SK & enfin les meres cfe famille, s'imaginent qu'il n'y a qu'à défendre une Paffion pour en arrêter le cours, mais qu'ils ne s'y méprennent pas; qu'ils refilent avec reflexions ce que j'ai déjà allégué ci-de (lus, peut-être fe rendront-ils à mes raifons. La tolerance des jeux n'engendrent point les joueurs. On voir dans les Païs cri elle eft établie, & par milliers des citoyens de tous les rangs qui n'ont jamais fait pa-roître de panchans pour le jeu. Turin, Venife, Verontie, Padoue, & une quantité d'autres villes d'Italie & d'Allemagne fournif-fent allez de preuves de cette vérité, fans qu'il foit nécelïàire que j'en cite davantagee fin,;