Taja Kramberger L’INVERSION DANS L’OBJECTIVATION Le mouvement regressif d’une culture provinciate faisant office de la culture nationale Povzetek: Naslov Inverzija v objektivaciji, s katero označujem sprevrnjen način opredelitve »generičnega razmerja opazovalca do opazovanega« (Pierre Bourdieu, Praktični čut, 2002, str. 29) oz. do objekta, napotuje na repertoar procedur, kijih izvaja simbolno šibka, a strukturno dokaj enakomerno razpršena oblast, kije bila leta 1991 z osamosvojitvijo iz provincialne oblasti hipoma »transformirana« v državno (v resnici pa so to priložnost izrabili njeni strukturni - ne vselej tudi personalni - nosilci zgolj za »transfirmacijo«, se pravi, za hitro okrepitev svojih pozicij v novih okoliščinah in onemogočili transformacije v globino in v strukturi), in ki po svojem strukturnem dispozitivu, pri komunikaciji navzven in propagandi navznoter, ozaljšanima z »zgodbo o uspehu«, s »hitrim razvojem« in z »odprtostjo«, zaradi notranjih determinacij pravzaprav nujno vodi v regresijo in v čedalje bolj avtarkično samopodobo. Za ilustracijo in simptom te strukturacije jemljemo nekaj podatkov in krajših analiz iz končnega poročila raziskovalnega projekta z naslovom Representations culturelles dans les medias slovenes, v katerem smo zbrali in analizirali obsežno bazo podatkov reprezentacij kulture v slovenskih množičnih medijih (tisk, televizija) za 80. in 90. leta XX. stoletja, in ki smo ga z ekipo sodelavcev končali v lanskem letu. Inverzija v objektivaciji, po kateri kontinuirano izvajanje negativne selekcije vodi v vse večjo regresijo in reakcionarnost, ni nekaj, kar bi lahko brezbrižno opazovali od zunaj, saj intervenira v samo raziskovalno sfero in v njeno vsebinsko artikulacijo. Zgolj tisti, kije »nase pripravljen vzeti ceno izključitve, ki jo predpostavlja in poraja objektivacija« (Ibid., str. 34, op. 25), kakor pravi Bourdieu v Praktičnem čutu, ima na svoji strani konstitutivno razliko, ki omogoča intelektualno dejavnost in intelektualni stan (condition): je zmožen videti polje, kjer se generira verovanje (Cf. ibid., str. 117), ga objektivirati in vzdrževati distanco, ki je navsezadnje potrebna za to, da se lahko sprijazni s tem, daje zaloten, ko dela na objektivaciji oziroma zajet v svoje delo objektivacije (Cf. ibid., str. 36). Ključne besede: zgodovina, kultura, XIX. in XX. stoletje, objektivacija, provinca, transformacije/transfirmacije, intelektualci, inverzija v objektivaciji Resume: Le titre donne ä cet article, L 'inversion dans l'objectivation, par lequel je dessigne le mode perverti de la «relation generique de l’observateur ä l’observe» (Pierre Bourdieu, Lesens pratique, 1980, p. 30), renvoie au repertoire de procedures dont disposait un pouvoir, faible du point de vue symbolique, mai qui a ete, en 1991, oblige de se «transformer», et d’une maniere instantanee, en pouvoir d’Etat (ce qui se passait en realite, c’est que ses tenants - structured et non pas toujours personnels - ont profite de l’occasion pour une «transfirmation», c’est-ä-dire, pour un renforcement rapide de leurs propres positions dans les circonstances nouvelles, et pour empecher les transformations en profondeur et de structure), et qui, conformement ä son dispositif structured et grace ä lui, dans son communication vers l’exterieur et dans sa propagande vers l’interieur, decorees tous les deux par la «success story», le «developpement rapide», l’«ouverture», et bien sür par l’effet des determinations intrinseques, conduit vers une autorepresentation regressive et autarchique. Je prends, comme l’illustration et comme le symptome de la structuration de l’«univers national», quelques donnes et quelques extraits d’analyses du rapport final sur le projet de recherche intitule Representations culturelles dans les medias slovenes, ce projet etant le travail d’une equipe des chercheurs termine en 2002, et au cours duquel on a recueilli et analyse une base vaste des informations sur les representations de la culture dans les medias slovenes (presse, television) dans les annees 1980 et 1990. L’inversion dans l’objectivation qui est ä la source de ce mouvement regressif et reactionnaire que je viens d’evoquer, n’est pas quelque chose, je le crois bien, qu’on puisse se permettre, en tant que chercheur en sciences sociales, d’observer d’un dehors et avec une indifference, car, enfin, il intervient aussi dans le domaine de recherche en transformant les articulations sociales de ses contenus. Ce n’est que celui qui soit dispose ä assumer le coüt de la mise hors jeu que l’objectivation suppose et engendre (Cf. ibid., p. 35 n. 24) et qui ait ä son cote la difference constitutive, permettant les activites intellectuelles et la condition intellectuelle, qui soit en etat de voir le champ ou s’engendrent les croyances (Cf. ibid., 114), d’objectiver ce champ et de maintenir la distance qui, en fin des comptes, soit necessaire pour qu’il accepte d’etre pris lui meme dans son travail d’objectivation (Cf. ibid., p. 37). Mots cles: histoire, culture, XIXe et XXe siecles, province, transformations/transfirmations, intellectuels, inversion dans l’objectivation Introduction No veo salidas. Solo veo algunas entradas. Roberto Juarroz, Fragmentos verticales, Casi razön, 10 Pour une meilleure comprehension des «transformations» culturelles et politiques en Slovenie, de leur modus operandi et de leurs effets de structure qui fafonnent, pendant cette decennie d’existence de 1 ’Etat independant Slovene, le destin des citoyens, done de nous qui avons ete deposes, par le hazard de naissance ou par un autre tour des circonstances, sur ce morceau du sol tout recemment erige en territoire d’Etat, il nous faudrait, pour 1’usage du texte ci-present, en quelque sorte telescoper, sous les angles diverses et dans les perspectives differentes, la genese geo-politique historique de l’espace politique et du milieu social oü sa structure de mentalite et, conjointement ä eile, le mode de construction et de la transmission de la memoire collective, la perpetuation des pratiques d’engendrement des liens sociaux, et, en fin des comptes, aussi les instruments de subjectivation et d’objectivation qui ont ete mis en oeuvre.1 Et bien que l’article present ne nous permet qu’une caracterisation sommaire des certains des points, qui sont plutöt les reperes topiques specifiques de la reflexions des proces evoques indiquant le sens de leurs mouvements, nous allons mettre au jour un des problemes fondamentaux passes sous silence - de fa?on motivee, sinon intentionnelle - dans la discussion intellectuelle locale. 1 Pour la case study en matiere d’analyse des champs disoursifs (Foucault) et des aspects de transformations dans deux discours autobiographiques de la deuxieme moitie du XIXe siecle et du debut du XXe siecle cf. Kramberger 2003. Si «le progres de la eonnaissance, dans le cas des sciences sociales ainsi que dans le cas des sciences humaines» suppose «un progres dans la connaissance des conditions de la connaissance», celä «exige des retours obstines aux memes objets [...] qui sont autant d’occasions d’objectiver plus completement le rapport objectif et subjectif ä l’objet».2 II faut chercher du sens dans les decoupages (de concert avec la formule barthesienne disant que le sens est avant tout decoup age3), c’est-a-dire, qu’il nous faut depister les zones occultees des oublis, des discontinuity, des refoulements motives, et «analyser et deconstruire les procedes de synthetisation eux-memes qui, sur le plan des phenomenes, se manifestent comme un ensemble, une totalite»4, fouiller les fentes et lacunes qui ne sont pas des fentes et lacunes neutres crees au hazard par une espece des «donnees historiques objectives», mais tout un systeme des automatismes inconscients determinant des formes vides reifiees.5 Mais qui sont, en meme temps, les «reserves pleines de sens», et qui invoquent les contenus latents specifiques de l’imaginaire (individuel et/ou social), celles memes qui doivent etre soingeusement suivies et soumises ä la reflexion. II arrive que, en procedant ä 1’analyse du corpus de donnees (historiques) menant ä une intellegibilite et ä une position theorique (dans le cas ou on considere la theorie comme une «analyse synchronisee de notre propre position et de la production de cette position»6, et dans le cas oil on soutient le presuppose qu’il «n’existe pas de theorie sans la position prise»), le reseau historique, au tissu grossier, de references faites des denotations et des connotations qui passent, pendant une certaine periode et dans un certain espace, pour valides et meme obligatoires, se dissout totalement comme s’il etait dejä depuis un temps prolonge tombe en putrefaction et se decompose en se dissolvant en poussiere au contact, par un etre vivant, de ses fils et ses tissus depourvus de la vie meme vegetative. Le chercheur tombe dans le vide, delaisse ä lui-meme (mais, heureusement, si settlement il s’etait efforce auparavant de faire le necessaire, porte par un autre reseau intellectuel, non-interne cette fois). De quoi il me faudrait parier? De l’etat extremement desespere des sciences sociales et humaines et des conditions regnantes dans le domaine plus large de la culture en general en Slovenie oü un texte qui, lu par un lecteur ä son etat d’eveil pourait-t-il etre classe panni les textes de reference? De la lecture des ecrits de production locale (tenant compte que les domaines scientifiques oü j’ai pris mon engagement en premier lieu soient l’anthropologie historique du XIXe siecle, l’analyse du discours, de la representation, de la transmission de memoire collective) souffrant du manque absolu 2 Bourdieu 1980, pp. 7 ssq., et Bourdieu 2001, pp. 182 ssq. 3 Barthes 1964, p. 130. 4 Rotar 1981, p. 5. 5 Barthes 1970, pp. 207-208. Ce sont les topiques reifiees oil le contexte n’a plus d’importance essentielle, et qui ne sont que des morceaux detachables, mobilisables, transportables. 11 s’agit done du moment demagogique, manipulatif dans le langage. 6 Rotar 1981, p. 8. de la volonte de «decouvrir un sens», et, par ce fait, de l’absence de la reflexion, et qui, sauf les exeptions rarissimes7, sont ä inserrer parmi les objets virtuels de la recherche? La distribution des lieux reifies (des topoi koinoi, des loci communi, des lieux communs), des prejuges et des interventions ideologiques directes (si par intervention on comprend les mouvements structuraux dans le langage, et par structure les «effets des relations entre les lacunes dans leur totalite»8) dans la production des textes des sciences sociales et humaines en Slovenie est si dense qu’un homme, forme moyennant ces grilles topiques, ne s’en evade que grace aux efforts multiplies. Les ouvrages investis de P«autorite collective» locale qui nous etaient imposes, au cours de nos etudes universitaires, comme ceux de reference ont fonctionne comme autant des «instruments d’un pouvoir reconnu sur le monde social, pouvoir que l’on peut s’approprier en se les appropriant par 1’interpretation»9 jusq’au moment oü nous avons commence ä lire, avec plus d’attention, les ouvrages provenants d’ailleurs, appartenant ä des productions des textes scientifiques incomparablement plus differenciees et nuancees, et fonctionnent encore, de la meme fa?on pour les etudiants du moment et pour ceux qui n’ont pas ose ou reussi de franchir leurs limites (sans mentionner ceux qui n’en ressentaient ou n’en ressentent nul besoin). Les etudes introduisant la reflexion necessaire dans la situation peu rassurante que je viens d’esquisser, et qui prendraient les ouvrages «canoniques» de «l’autorite collective» pour l’objet de leur interpretation font defaut dans le milieu Slovene ou y sont incroyablement rares; les conditions de leur production sont bien difficiles10, car la seule relation d’enquete favorisee par l’Etat est la «relation de parente» en forme de clienteile, oü «la vie des chercheurs se deroule dans Pharmonie amicale avec Penvironement et dans la neutralite eclectique envers les partis engages», eile est rangee plus haut que la rupture pratique avec Phumainisme nai'f." Et avec raison. D’abord ä cause de peu de profit maximise et immediat, symbolique ou autre, pour les dominants, ensuite ä cause des efforts ä investir dans une teile entreprise. C’est que en rompant avec Pobjectivisme ancien et pour pouvoir percevoir d’une maniere quelconque son objet d’etude et de Peclairer, «il faut d’abord operer une veritable conversion de tout rapport ä l’objet et ä soi-meme».12 L’inversion dans l’objectivation, tout en s’appuyant sur un objectivisme apparent et sur une heteronomie, est une contrainte structurelle de la communaute provinciale qui, dans un moment donne et sans parvenir ä se transformer dans son Pinterieur, s’est instituee en Etat- 7 Verginella 2003. 8 Rotar 1981, p. 6. 9 Bourdieu 1980, pp. 34-35. 10 Pour l’illustration du blocage de toutes sortes des efforts pour parvenir aux interpretations nouvelles et plus subtiles, cf. par exemple la contribution de Drago B. Rotar, Dementia militans dans ce numero du Monitor ISH. 11 Bourdieu 1996. 12 Bourdieu 1980, pp. 33-34. Nation. C’est done elle-meme cette aporie qui empeche l’objectivation effective de l’objet et de la relation entre le chercheur (le sujet) et l’objet, e’est-a-dire, c’est elle qui s’oppose ä l’objectivation de l’inversion dans l’objectivation, car ce serait elle qui produirait la subversion de toute une serie des corps de reference qui n’ont jamais ete soumis ä un oeil distanciee et critique ou ä la deconstruction. Nous ne pensons pas que l’inversion dans l’objectivation soit «un mal necessaire ou irremediable», mais seulement constatons le fait qu’elle, par un souci serupuleux (a savoir, par une censure) voue ä sa continuity, se trouve ratifiee, reproduite, naturalisee par les «structures etablies». Ces structures tentent d’en faire une tradition menagant de s’ecrouler ä l’approche d’une reflexion. Aussi parce qu’il est impossible de vivre dans un etat ainsi menace et soumis aux contraintes, il nous faut travailler sur l’invisible dans l’histoire locale particuliere et sur la demonstration des discontinuity qui sont, elles, precisement ces places dans l’objectivation ou, s’il s’agit d’une issue des contradictions steriles, la reflexion devient possible. II s’agit done d’une reflexion sur les constructions historiques et anthropologiques, comme Pierre-Antoine Fabre a dit, «sur la maniere dont les hommes, ä un certain moment de leur histoire, ont con?u leur propre aventure historique».13 Dans le champ historiographique en Slovenie, dont les derniers vingt annees ont ete analyses par Marta Verginella, et ou, dans les annees 1980, on pourrait decrypter une certaine puissance virtuelle (done une petite possibilite de developpement d’une recherche autonome)14, vers la fin des annees 1990 entierement perdue dans le «trend» 13 Cf. Fabre 2001. 14 L’avenement double, celui de plus jeune generation des historiens au Departement de l’histoire de la Faculte des Lettres ä Ljubljana au debut des annees 1990 et celui des auteurs nouveaux parmi les collaborateurs de la revue Zgodovina za vse (Histoire pour tout le monde), - ä propos de laquelle il est devenu evident, apres une dizaine d’annees de son existence, qu’elle represente un espace de publication insuffisament structure, et cela malgre le choix des sujets interesant ä premiere vue (les articles sur l’histoire des chemins de fer et du trafic, sur la prostitution, sur l’hygiene, sur les appareils repressifs, sur la vie urbaine, etc.), autant des terrains que ses collaborateurs s’efforcent de s’approprier, et evidemment Oriente exclusivement vers une affirmation, et non pas vers une problematisation des valeurs anciennes - n’a pas change beaucoup des premisses fondamentales. C’est pour cette raison que la revue en question s’est averee incapable, malgre le choix des sujets, de labourer de maniere plus intense les champs de la «nouvelle histoire» ou, plus precisement, de l’«histoire en miettes» dont pourtant elle s’est declaree partisanne. Plus qu’avec la perspective d’une histoire en profondeur (de la societe et de la culture), on se trouve confronte avec encore un des genres historiques neo-traditionels et reactionnaires (Le Goff), qui, tout en s’accaparant des references non-comprises par lui, est en train d’etablir un monopole sur elles. Ce phenomene est, bien ä cause de son surgissement ä l’interieur du fief des historiens autorises, tres difficile ä s’en debarrasser (il ne faut pas oublier que, dans le pays en question, les soi-disant connaisseur, qui seraient capables de reconnaitre les resultats scientifiques, n’existent presque pas; et que, en contre-poids, les imposteurs et les agents anti-intellectuels s’y trouvent dans un nombre eleve: ils ne provoquent pas de difficultes pour les dominants par leur «reconnaissance» des choses sociales et ideologiques). Peut-etre il n’est pas superflu d’insister sur le fait qu’en Slovenie, en ce moment, il n’a plus que deux universites (ä Ljubljana et ä Maribor) et qu’un bon nombre des historiens de la politisation et de 1’application des connaissances historiques dans le processus du «nation building».'5 En sachant ce que, dans la « Preface ä la nouvelle edition» de son petit livre important sur La nouvelle histoire, ecrit Jaques Le Goff, ä savoir que «les positions majoritaires dans le domaine de la vulgarisation historique sont toujours tenue par l’histoire traditionelle, voire archaique», ä l’interieur de laquelle les lobbies des historiens recusent, sur le mode declaratif, «sur tous les plans le totalitarisme et Pimperialisme», mais dans les faits et dans les zones obscures de leur discours insufisamment differencie, ils les pratiquent sans entraves; done, en sachant tout cela, on est en etat de suivre ce clivage entre le dire et le dit qui est, du point de vue de la signification, tres condense et interessant, et qui revoie bien ä ces lieux de pouvoir et d’autorite que la nouvelle histoire «a debusque par des etudes erudites et precises la oil l’histoire traditionelle ne songeait pas ä les chercher (dans le symbolique et l’imaginaire par exemple)».16 Le defaut de la reflexion dans le champ historique, et ce qui vaut aussi pour d’autres champs des sciences humaines et sociales, et 1’inclination aux solutions opportunistes produisent leurs effets aussi hors du champ: le glissement du common sense ininterrompu dans les anachronismes et l’approfondissement du dualisme de pensee (par exemple: les series d’antinomies avorte des leur debut dans la soi-disante discussion publique: culture d’elite vs. culture populaire, dominants vs. domines, gens de culture locaux vs. gens de culture etrangers, les acteurs historiques et culturels masculins vs. acteurs historiques et culturels feminins, etc.)I7, caracterise, de fa?on universitaires travaillent ou a travaille dans les deux etablissements ä la fois (la distance entre Ljubljana et Maribor n’excedant de beaucoup un centaine des kilometres), et e’est le detail qui rend systematiquement impossible le developpement de deux (au moins) approches differents et autonomes aux memes sujets. II s’agit, dans cette non-division de vues entre deux universites, plutot d’une monopolisation des sujets et des approches (et d’une dictature en la matiere) par un groupe des historiens dominants qui n’admetent pas d’alterites. Le tiers espace oü des nouveaux approches pourraient etre elabores, le Centre de la recherche scientifique de l’Academie des Sciences et des Arts, est du point de vue symbolique trop faible, et, du point de vue de ses chercheurs, il represente le noyeau dur des structures epistemiques anachroniques, figees, voire reactionnaires. On se trouve ainsi confronte ä une situation oil en effet n 'existent pas les options mentales autres que celles imposees par les discours de pouvoir. Ceux-ci sont immediatement mediatises, et, moyennant cette mediatisation, etablis «avec succes». L’ISH, en tant qu’une ecole des hautes etudes nee d’une initiative des universitaires et des chercheurs, et non pas de celles des bureaucrates d’Etat, et de laquelle on pourrait s’attendre de nouveaux approches (dont certains ont ete elabores effectivement, bien qu’ils n’etaient pas mediatises) et des interpretations nouvelles, se trouve sans cesse au bord de l’existence a cause des pressions discriminatrices executes par les tenats des discours «autorises» sur les personnes ayant s’expose pour leurs positions scientifiques et sur les programmes de recherche de riSH. 15 Verginella 2003. 16 Le Goff 1988, p. 12. Voir aussi l’article tres interessant sur l’anthropologie du champ symbolique, Fabre 1996. 17 On se heurte ä de telles dilemmes steriles, sans une correspondence avec une realite quelconque, sans topique et sans intention d’indiquer la voi de leur solution, dans le recueil de Vesna Čopič et sommaire, par une logique pro et contra devenus deux strategies legitimes n’offrant pas de place, dans l’espace entre eux, pour une reflexion. Dans cette situation commencent ä proliferer, aussi ä cause du progres de la privatisation des medias de masse dans l’Etat nouveau, les enquetes sur l’opinion dont le but principal est Faffirmation et la legitimation des structures des mentalites et du pouvoir dejä mises en place.18 L’imposition et la confirmation des divisions bipolaires, stimulees dans ces demiers temps grace ä «la mentalite d’accueil» ou ä la logique du marche, cree simultanement les groupes mobilises au nom de ces idees et legitimes par ces idees pour faire la pression sur les individus qui pensent d’une maniere differente.19 Comment il se pouvait qu’un tel etat de choses puisse-t-il advenir? Comment se sauver de lä et sur quoi prendre appui en se sauvant? Chaque analyse effectuee par un chercheur disposant d’un «capital symbolique» süffisant et d’une capacite de reflexion pour qu’il soit capable de resister aux naturalisations diverses et de briser la convalescence du signe (Barthes) imposee, et qui reussit, sans trop d’endommagements, ä franchir l’abyme d’existence, on pourrait dire aussi, d’episteme, est une contribution immense et inedite ä la construction d’une mosa'ique ouverte de l’histoire locale.20 Non pas parce que ces etudes comportent une decouverte d’un novum, mais, d’une maniere beaucoup plus simple, parce que leurs efforts en vue d’une justesse scientifique oil «la forme n’abolit pas le contenu rendu possible par elle»21, menent dans l’objectivation qui suppose un processus de connaissance effectif (du type ouvert), et non pas une inversion dans l’objectivation conduisant vers la repetitivite dans une perspective de Pinfmite mauvaise (du type clos). Et »comment evoquer sans emphase ni reconstruction retrospective le long travail sur soi qui conduit peu ä peu ä la conversion de toute la vision de Faction et du monde social que suppose 1’ «observation» de ces faits totalement nouveaux, parce que totalement invisibles pour la vision anterieure.»22 Gregor Tomc, Kulturna politika v Sloveniji - Simpozij (La politique culturelle en Slovenie), Ljubljana, Fakulteta za družbene vede, 1998. 18 Pour une analyse, moins exhaustive mais attirant 1’attention sur les details, de la dynamique de l’elaboration de l’«opinion publique» et de l’instrumentalisation nouee autour deux personnages de la scene litteraire Slovene entre les anees 1930 et 1960 (autour de Josip Vidmar et de Vladimir Bartol dont le premier a pris le souci de declasser, sinon d’effacer les traces du second, un penseur plus elabore celui-ci et plus lucide que lui, cf. Taja Kramberger 2002). D’une fa?on indireete, 1’article parle de la quantite du povoir accessible pour une seule personne dans un pays oü les Lumieres n’ont jamais prises leur vie dans la pratique quotidienne et oil il n’a pas ni de conscience critique du public, ni d’autres instances critiques osant objectiver les abus du pouvoir. Bien au contraire: la taille du pouvoir accumule par une personne sert de modele aux parvenus sans formation et sans culture. 19 Sur ce sujet cf. Bourdieu 1996. 20 Rotar 1985; Šumi 2000, Janko-Spreizer 2001a; Janko Spreizer 2001b; Kotnik 2002; Kramberger, Mihelj, Rotar 2002; Kramberger 2002; Verginella 2003. 21 Certeau 1990. 22 Bourdieu 1980, p. 32. L’inversion dans l’objectivation suppose aussi un trouble dans la subjectivation. Comme nous avons dejä mentionne, ce qu’il s’agit d’objectiver, selon Bourdieu, «ce n’est pas l’experience vecue du sujet connaissant, mais les traditions sociales de la possibility done les effets et les limites, de cette experience et, entre autres, de l’acte de Pobjectivation».23 Les conditions sociales et les limites de cette experience en Slovenie sont restreintes ä l’extreme. Ce qu’il s’agit de maitriser, e’est le rapport subjectif ä l’objet lorsqu’il n’est pas contröle, mais qui Oriente les choix d’objet, de methode, etc., qui est done un des «facteurs d’erreurs les plus puissants, et les conditions sociales de production de ce rapport, le monde social qui a fait la speciality et le specialiste et l’anthropologie inconsciente qu’il engage dans sa pratique scientifique».24 Ainsi le mode de subjectivation, e’est-a-dire, la maniere de la «determination du sujet, ä quelle condition il est soumis, quel statut il doit avoir, quelle position il doit occuper dans le reel ou dans l’imaginaire, pour devenir sujet legitime de tel ou tel type de connaissance»25, comme le mode d’objectivation mentionne plus haut sont, pour la relation ä 1’objet qu’on ait intention d’objectiver, de I’importance essentielle et ils sont inherents ä notre recherche, et ä travers eile ä notre langage, ä l’articulation sine qua non de ce processus de recherche. «Cette objectivation et cette subjectivation ne sont pas independantes l’une de l’autre; c’est de leur developpement mutuel et de leur lien reciproque que naissent ce que l’on appelle «les jeux de verite»: c’est-ä-dire non pas la decouverte des chose vraies, mais les regies selon lesquelles, ä propos des certaines choses, ce qu’un sujet peut dire releve de la question du vrai et du faux».26 Dispositif S’agissant de le relation ä des realites vecues et supposees, je pourrait invoquer ma presentation du 7 decembre 200 lä l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales ä Paris, dans le seminaire de balcanologie, qui etait pour moi 1’occasion Offerte d’y etaler et en quelque sorte verifier certaines de mes conclusions faites ä partir des etudes des materiaux divers.27 Je croyais qu’on pourrait resumer la situation provinciale, tout en supposant que le cas de la Carniole/Slovenie pourait y jouer un röle paradigmatique, par un espace ä quatre axes, toujours specifiques ou «concrets», mais toujous aussi generalisables, mutatis mutandis, ä maintes autres concretions sociales, historiques et culturelles. 23 Bourdieu 2001, pp. 182—183. 24 Ibidem. 25 Foucault 2001, p. 1451. 26 Ibidem. 27 A cette conference j’ai donne le titre »Correspondences possibles entre la topographie et la topologie dans les Balkans: quelques reperes dans les recits de voyage et dans les autobiographies, 19' et debut du 20'siecle«. Axe /.Le monde Slovene etait, au cours de ce siecle et demi, un monde rural quasi totalement; Pactuelle capitale nationale, Ljubljana (Laibach), n’etait, pendant cette epoque, qu’un semblant d’une ville (le nombre de ses habitants etant entre 20.000 -30.000; aujourd’hui encore, apres quelques vagues d’urbanisation relativement intenses, dont la demiere et la plus durable etait celle de l’epoque socialiste, eile n’a encore plus que 300.000 habitants environ). II s’ensuit qu’elle ne saurait pas etre comparee sans reserves et, surtout, sans tenir compte de son developpement lie ä celui de l’arriere pays, avec les villes de la meme region europeenne prises et entrainees relativement tot (mais avec un retard considerable sur les villes industrielles de l’Europe occidentale) par le developpement capitaliste et par l’industrialisation. On pourait nommer le premier axe / 'axe de I 'insufisance economico-demographique. Axe 2: Le climat spirituel de cette ville devait etre ressenti, par ses habitants plus delicats, comme bien etoufant. C’est pour cette raison que le second axe pourrait etre caracterise comme celui de I ’asphyxie culturelle et intellectuelle. Cause par le manque d’institutions qui, existantes, font l’office des transmetteurs d’une partie importante des memoires sociales et definissent une pluralite des registres d’action, tout en autorisant certaines strategies de la memoire-oublie, on etait confronte ä un brain-drain tres intense (mais soulevant peu d’attention aupres des autorites en vigueur): les gens les plus competents, originaires du pays, passaient, de fa?on continue, vers les autres milieux dans le voisinage, moins frequement aux destinations plus lointaines, plus ouverts (bien que ce n’etait que tres relativement) aux activites intellectuelles (ä Vienne, ä Graz, ä Prague, ä Zagreb, ä Triest etc.). Axe 3: En Camiole de la deuxieme moitie du XIXe siecle il n’y avait en fait, sur le plan politique, que deux orientations ä peine distinctes, mais qui portent le nom des partis politiques, l’un des »vieux Slovenes« (Staroslovenci), l’autre des »jeunes Slovenes« (Mladoslovenci), et qui čtaient loin de s’opposer l’un ä l’autre du point de vue des conceptions ideologico-politiques, mais d’autant plus sur le plan des carrieres personnelles des membres importants des clientelles. L’axe de I’indifferencepolitique serait le nom qui convient le plus ä la situation vue dans cette perspective. En fin des comptes, le dispositif mental regnant dans les deux partis etait ä une nuance pres le meme, et, naturellement, il ne preside pas ä une pluralite des options et des conceptions politiques, mais bien ä l’homogenisation generalisee de la vie politique (les camps, »tabori«, organises ä partir des annees 60 comme la forme passe-partout de la reunion politique sont devenus ä leur fin les fetes populaires nationalistes et religieuses, un des demiers etait, dans les annees 90, la Ir0 Reunion catholique oil etaient detenninees les premisses du clericalisme politique en Slovenie), done ä l’elimination du politique de la vie publique de la province. Evidemment, le concept foucaultien de pastorale pourrait bien y trouver son application. Foucault definit le pouvoir pastoral comme une structuration nouvelle des relations de pouvoir oil ses agents principaux ne sont plus les princes, juges, etc., mais bien les pasteurs, ce qui veut dire une nouvelle forme de povoir dont les buts principaux sont la redemption des individus dans l’au- delä; et qui se compose du sacrifice virtuel des pasteurs pour la vie et la redemption de leur troupeau, de leur soin pour la communaute dans sa totalite et pour chaque individu pendant toute sa vie, de la recherche des ämes des hommes, de la connaissance de la conscience et de la capacite de la diriger. C’etait possible parce que le monde provincial etait, et, dans une grande mesure, est encore, un monde assez ä part: rural, sans institutions, sans autre elite que le clerge et les membres des administration provinciale et municipale, avec quelques savant et encore moins d’intellectuells qui ont gravite vers Vienne et/ou Triest. L’espace de la Camiole etait bien sür fragmente socialement et ethniquement, mais il etait en meme temps homogenise ideologiquement, religieusement ce qui lui foumissait une bonne partie de sa cohesion sociale. Ce monde ä part a refuse en quelque sorte «organiquement», par une decision spontane et non formelle de ses elites, mais bien visible dans ses strategies et tactiques de gestion et dans les medias de Pepoque, 1’industrialisation du pays. Axe 4: Ou cour de la deuxieme moitie du XIXe siecle, ä partir du 1848, une echelle »nationale« c’etait progressivement impose ä la societe en Slovenie, comme ailleurs dans l’Europe centrale et orientale, en introduisant un clivage la oil on n’a rencontre qu’une societe territoriale ä un certain stade de l’integration sociale, mais d’une maniere nettement plus totalisante. D’une cote, eile est devenue un dispositif (echantillon) de valorisation imbrique dans le discours dominant essentiellement catholico-clerical, et de l’autre cote elle fonctionnait comme le depot pour tout un faisceau des instrumentalisations bien differentes (culturelle, sociale, organisatrice, ideologique, religieuse, economique) qu’on pourrait depister ä travers les traces laissees sur les objets historiques (des discours litteraires aux «regulations» des villes soumis aux contraintes de la trivialite, de l’edification religieuse et morale, du folklorisme et de meconnaissance essentielle, dans le cas de l’architecture28). Le nom que je propose pour ce quatrieme axe est pour cette raison I'axe de la dictature des mediocrites. Si Wolf Lepenies, dans son ouvrage interessant sur la genese des trois cultures (scientifique, litteraire et sociologique) dans la premiere moitie du XIXe siecle29, voit le commencement de la lutte pour l’eclaircissement et, par la, pour le controle de revolution sociale entre deux orientations, scientifique et litteraire, entre la couche intellectuelle lice aux sciences sociales, et le reste de l’intelligentsia encadree par la production et critique litteraires, les effets de cette soi-disante «ideologie allemande», definie par cet auteur comme «hostile ä la science et croyante en la poesie». Cette dualite du monde intellectuel a suscite une forte resonance dans la Double monarchic, et une de ses version provinciales (non-raffmees) aussi dans la Carniole du XIXe siecle, susceptible d’etre appellee l’«ideologie carniole» comme etant l’effet du Volksgeist et de 1’ideologie du Blut und Boden (du sang et du sol ou de rod in gruda dans sa version Slovene) dans le XIXe siecle (Bartholome Kopitar et les autres cueilleurs 28 Cf. Rotar 1985. 29 Lepenies 1985. des «tresors» völkisch', les transmetteurs de ces trouvailles munies de commentaires ä l’intention du «peuple» et leurs tenants autorises etaient en premier lieu les litteraires): on se heurte ici aux effets prolonges de cette «division d’esprits» encore en oeuvre dans la Slovenie de nos jours.30 Dans la decennie apres la declaration de l’independance de la Slovenie, le noyeau resistant de cette «ideologie allemande» est entre dans une phase de revivification, de telle maniere qu’il se trouve en force d’occuper de nouveau la notion de la slovenite, plus precisement, de la transformer en un bouchon culturel mu par la tendence neo-reactionnaire de la politique gouvemementale actuelle en Slovenie (bien sür, pour les raisons bien autres qu’au XIXe siecle), et qu’on rencontre sous apparences de 1’ «encouragemenet du nationalisme strictement culturel par le gouvemement»31, et qui «consiste moins ä chercher les causes de ce retard, et la fafon de remedier ä cette situation, qu’ä glorifier, avec un melange particulier d’arrogance et de melancolie, le romantisme contre les Lumieres, l’Etat corporatif contre la societe industrielle, le Moyen Age contre l’ere moderne, et ä opposer la culture ä la civilisation, la vie interieure au monde du dehors, la communaute ä la societe, et la sphere des sentiments {Gemüt) ä 1 ’intellect, pour aboutir ä l’exaltation d’une voie historique propre ä l’Allemagne, et ä l’idolätrie de la “germanite”».32 Selon toutes apparences, l’elite camiole du XIXe siecle a adopte cette forme, ce «royaume de l’interiorite ... qui garde un quelque chose d’antisocial»33 ainsi que les dichotomies appartenantes supposees etre la reaction contre les Lumieres et contre le deuxieme pole principal d’attraction culturelle (franfais), et elle la suit - de maniere inconsciente, dans sa recherhe des soubassements mythologique de l’Etat - encore aujourd’hui, moyennant l’indoctrinement ideologique et ä travers de la propagande politique, peut-etre d’une maniere meme plus rigoureuse qu’auparavant «pour aboutir ä une voie historique propre ä Slovenie, et ä l’idolätrie de la “slovenite”». La pietre construction teleologique de «reves milienaires sur l’Etat slovene» ou des «siecles de lutte pour la souverainite», qu’on trouve, soit dans une forme directe, soit dans celle plus sophistiquee rhetoriquement, meme dans le discours des historiens par profession34 et des historiens de la litterature, et presque sans exception dans les textes d’une orientation de promotion (voire de propagande) imprimes dans les revues 30 Par exemple, dans les textes traitant la «substantiality de Pidentite lingustico-nationale»; cf. A. Debeljak, P. K. Peršin, V. Žabot et J. Dular dans le recueil dejä citč et edite par Vesna Čopič et Gregor Tomc Kulturna politika v Sloveniji - Simpozij, Ljubljana , Fakulteta za družbene vede, 1998; Ou bien l’article infantile comportant une forte dose du ressentiment anti-intellectuel et fonde vigoureusement sur ladite ideologic allemande, «Poezija je še zmeraj glavna» par P. Kolšek dans Sodobnost, vol. 66, no. 7-8, 2002, pp. 876-883. 51 Cf. Ducreux 2000, p. 31. 32 Lepenies 1990 (orig. 1985), p. 199. 33 Lepenies 1990 (orig. 1985), p. 200. etrangeres35, etait, pendant un laps de temps assez long, transmise de fagon continuee, ä l’aide des supports mnemoniques lineaires et simplifies: grace aux textes litteraires populistes, les chants populaires, les medias et les pratiques d’education (condensees en quelque sorte dans les manuels scolaires) et fonctonnait ainsi «comme vecteur particulierement efficace de Pendoctrinement nationaliste»36. Nous sommes d’accord avec Daniel Beauvois qui constate, ä partir de 1’analyse de la conscience historique polonaise au XIXC siecle, que «cet immense effort d’un siecle pour preserver la memoire» glorificatrice «doit cependant etre relativise», ainsi que des «ecoles legitimatrices de conceptions sans cesse defaites».37 Le role de 1’intelligentsia dans les pays de l’Europe centrale est sans doute, comme le dit aussi Krzysztof Pomian «delicat et particulier», different de celui en Occident «pour la simple raison qu’elle devait suppleer Pexistence d’un Etat national»38. Or, en 34 Parmi les ouvrages desirant «rompre avec les suites lineaires» de Phistoriographie traditionnelle (cf. Foucault 1966), mais qui, malgre leurs etincelles d’idees, s’en trouvent empeches parun ordre de discours non-elabore et superficiel solidement inserre dans l’enchainement du paradigme traditionaliste du langage et de la reproduction des lieux communs., cf. Igor Grdina, Od rodoljuba z dežele do meščana, Apes, Ljubljana, 1999; Igor Grdina, Vladarji, lakaji, bohemi, Apes, Ljubljana, 2001. L’episteme de l’ouvrage cite en dernier se trouve introduite, par la premiere alinea, avec une logique extremement simpliste: «II n’y pas de doute: pour Aristote les choses ont ete claires - le mythe est 1’affaire de la poesie, en non pas de l’historiographie. Mais le monde de la philosophie est d’abord un monde de pensee, et ensuite un monde des mots et par les mots. La, il n’y a pas d’objectivite (il n’a que non-partialite, mais il faut savoir que la verite, de par sa nature propre, soit toujours partielle)», un peu plus loin, on nous fait savoir que «la langue etait, depuis toujours, le signe le plus univoque de l’appartenance ä la slovenite» et que «l’histoire soit une improvisation», et encore que «en eile il n’y pas des solution necessaires», mais qu’elle «se rend ä le plus offrant», «le recit historiographique ne se distinguant de celui de la fiction que par le fait que, du point de vue du contenu, il n’est pas en contradiction avec les constatation de la critique historique ou avec les resultats des sciences historiques fondamentales (paleographie, Chronologie, diplomatique, etc.) ». (!) On se trouve devant une melange de pensees sans reflexion et heteroclite dont le plan fondamental est determine par bricolage simple et naif complete par la jonction violente des lieux d’enonciation differents n’appartenant pas au meme horizon de connaissance. L’auteur prete le serment sur l’objectivisme tout en n’etant pas capable de reconnaitre la configuration symbolique dans les documents historiques, poutrant invoques volontierement. L’auteur est, en Slovenie, un des plus populaires, tres apprecie par les medias et par le milieu academique (cette extravagance provient du fait que dans le pays il n’y a pas de distincion considerable entre le domaine des medias et celui du milieu academique). 35 Ainsi Antonia Bernard dans l’article «L’Autriche et la Slovenie», in Revuegermanique internationale, no. 1, theme: Europe centrale. Mitteleuropa, PUF, Paris, 1994, pp. 151-164, qui est plein de la metaphorique nationaliste banale et d’autres non-sens («les Slovenes, qui ont resiste aux siecles de germanisation»; «les eglises baroques aux clochers rouges ornent les collines»; «inutile de dire que ces tentatives - des liens plus etroits entre la Slovenie et la France - avainet souvent quelque chose d’artificicl»; «le charme et la richesse de cette region» etc.), en plus des 1’austrophilie et austrophobie stereotypees et ambivalentes («Bank Austria»; «la mere autrichienne»; «traitee comme une marätre»; «extreme richesse des relations culturelles entre Slovenes et Autrichiens»; «des points douloureux en ce qui concerne les minorites», etc.). 36Ducreux 2001. p. 31. Slovenie «1’intelligentsia etait en general d’origine paysanne et souvent d’appartenance clericale (pretres catholiques), et bien comme telle elle jouait un role fondamental dans la creation meme de la conscience nationale».39 Dans l’histoire Slovene, il n’y avait pas beaucoup d’institutions qui, en realite, prennaient la vie et etaient capables, grace aux relations de communication et de transmission, transgresser leurs propres limites et, au-dela d’elles, entrer en contact avec les gens et effectuer un tranfert culturel, celui des savoirs specifiques, seculaires (l’exeption, mais qui n’a pas produit une resonance quelque peu vaste et des heritiers institutionnels, c’etait le cercle de Sigismund Zois). «Les discours de socialisation», comme l’a dit Drago B. Rotar, «disposent, certes, d’un reseau conceptuel qui permet ä leur prononciateurs de jouer le role d’arbitre, d’autorite», done aussi le röle non-engage du savant consacre ä 1’«interpretation ritualisee et videe»40, ä la difference de celui de l’intellectuel qui s’engage lui-meme dans ses visions et dans ses interpretations, et ne se laisse pas reduire aux jeux de compromis et ä etre soumis aux appareils d’ajustements. Le fait qu’en Slovenie le nombre des intellectuels exposes et engages n’etait jamais tres eleve (ou qu’il n’etait pas süffisant, ou que les gens classes sous cette categorie tout simplement n’etaient que les savants, parfois autodidactes, fortement marques par un anti-intellectualisme visceral) pour quils pouvaient, dans une action publique continue maintenir un standard des investissements symboliques, intellectuelles et pratiques, tout en conservant le niveau eleve du postulat ethique, jouer un role important pour le concept qu’on vient de nommer l’inversion dans l’objectivation. Parallelement, et comme instances d’appel illusoires, s’erigent de maniere automatique, les savants non-engages ou engages fictivement, interesses, plus que pour les problematiques developpees, pour la consecration de leurs doctrines et - le cas frequent - d’eux-memes. Pourqoi, en Slovenie, les champs discoursifs n’ont pas reussi de se differencier et s’autonomiser suffisement pour permettre une interpretation nuancee et pertinente des faits historiques, sociaux et culturels reste une question ouverte, sousceptible de plusieres reponses (le manque d’institutions dans les periodes relativement recentes, le monopole d’Eglise dans la vie intellectuelle, anti-intellectualisme profond, etc.). C’est en premier lieu, pour eviter dans l’avenir les interpretation trop hätives ainsi que celles anachroniques, que nous attendent les analyses minutieuses permettant ä reperer les effets propres aux differents modes de representation, de transmission et de reception des textes est done une condition necessaire pour eviter tout anachronisme dans la comprehension des oeuvres, et les «effets propres aux modes differents de la representation, de la transmission et de la reception des textes historiques differents»41. 37 Beauvois 2001, pp. 59-60. 38Pomian 1994, pp. 18-19. 39 Pomian 1994, pp. 19. 40 Rotar 2001, p. 19. Si Roger Chartier pense que, «dans chaque configuration sociale, certains discours sont designes par leur ecart aux discours et pratiques ordinaires et qu’il sont produits et represents dans un espace social specifique qui a ses lieux, ses hierarchies et ses enjeux propres. L’histoire de la litterature a done comme objet premier la reconnaissance des frontieres, diverses selon les temps et les lieux», et que cette «reconnaissance des frontieres» entre ce qui se trouve dans le champ - par exemple dans le champs intellectuel - et ce qui se trouve hors de lui un premier pas vers l’etude de l’objet, sa delimitation arbitraire,42 on ne peut qu’en convenir avec le dit, bien que, dans l’espace intellectuel Slovene, avec sa differentiation minimale et avec son absence des autonomies reelles de domaines, ou bien, avec ses autonomies tres faibles et vulnerables (mail il existe, au contraire, des hierarchies externes, formalistes et autoritaires, mais dont la fonction pricipale est la sauvegarde des frontieres), un centre de gravite de la recherche devrait etre deplace un peu: vers l’observation des ruptures dans les modes de traduction et de passage (des mots, des syntagmes, des notions, des concepts, etc.) entre un et l’autre champ d’articulations dans le sens inverse par rapport ä l’approche habituelle (les termes, les notions, les concepts scienetifiques, quoiqu’il semble paradoxale ou bien Test en realite - en accord avec l’inversion dans l’objectivation - oü on cherche habituellement la legitimation dans le son meme du common sense et passe, de cette maniere, d’un niveau populiste ä l’usage scientifique, et non pas vice versa). Ainsi, dans ce manque des instances de legitimation, l’Eglise catholique reste une institutions des plus resistantes du reseau de reproduction-transmission comportant un systeme d’indications;43 ce qui veut dire qu’elle intervient dans la memoire collective, qu’elle renvoie sur les certaines valorisations: le rapport ä la femme, au fils, ä l’Autre, sur les normes morales, sur la structure de communication, etc., qui sur le territoire de l’Etat Slovene actuel, prenait soins pour les suites longues des seriations et pour la continuite du langage dogmatique caracterise par Barthes comme un langage exterieur et immobile. Un tel langage, reifie en tout cas (multiplier, comme on le sait, veut dire rendre anonyme et naturaliser), probablement resistante aux objectivations de toutes especes, mais aussi sans correspondance avec la realite, et, prevalement, au service du soin pour les proces mnemonico-reproductifs, et non pas pour une pensee con