du sujet, lacanien, chez l'enfant Catherine Bonningue la notion de sujet nous guide au quotidien dans notre pratique de la psychanalyse, et particulierement dans un cadre institutionnel ou il joue pour nous le role d'une veritable boussole que nous nous obligeons a consulter regulierement pour ne pas perdre la route de l'inconscient. C'est qu'en effet : 1. l'institution psychologique, psychiatrique, sociale, ou encore scolaire, opere ce que nous appellerons une veritable forclusion (Verwerfung) du sujet, dans des proportions qui restent a preciser selon le secteur ; 2. on tente d'y reintroduire, apres l'avoir forclos, un sujet philosophique qui semble, pour nous, plus correspon-dre a la definition de l'homme moyen, telle que nous l'a formulee recemment Jacques-Alain Miller1, qu'au sujet de l'inconscient freudien. Prenons d'emblee un exemple simple : 1. un enfant est sujet de droit, mais assujetti au droit de ses parents ; 2. on decide ce qu'il faut pour lui a partir de decisions consensuelles du groupe de ceux qui ont a s'en occuper, le sujet etant ainsi la resultante du consensus des adultes sur un enfant - dit le philosophe, s'aidant pour ce faire du sociologue. L'enfant tombant sous le coup de la protection judiciaire (l'enfant retire de sa famille pour le proteger de negligences, voire de mauvais traitements), et confie au service de l'Aide sociale a l'enfance, est particulierement representatif de la tentative de reduction du sujet tel que nous l'entendons dans la psychanalyse au sujet suppose produit consensuel de differents administratifs ayant a gerer sa vie. D'ou l'importance de l'acte du psychanalyste amene a le recevoir pour ses symptomes, acte devant se poser aussi a l'envers du sujet psychologique calcule sur un processus de developpement de l'ego. 1 Jacques-Alain Miller, « L'ere de l'homme sans qualites » (2004), La Causefreudienne n° 57, Paris, Navarin/Seuil, 2004. Une ethique de jouissance Maurice a ete place dans le but de le proteger de mauvais traitements pa-rentaux, mauvais traitements qui semblaient plus effectifs sur sa jeune saur que sur lui-meme. La separation d'avec sa mere, condamnee pour maltraitance, fut douloureuse. Tres attache a elle, il aimait la retrouver pour de courtes rencontres, au debut de son placement en famille d'accueil, puis il refusa progres-sivement de la voir, pour une raison simple : elle niait les faits de maltraitance averes sur sa petite saur et parlait de les reprendre. Le retrait des enfants de ce couple parental separe depuis peu mit a jour des attouchements sexuels du pere sur la petite fille, et dont Maurice etait temoin. De meme qu'il ne voulait plus voir sa mere, il refusa aussi de revoir son pere. Les annees passerent pendant lesquelles les enfants reussirent a faire enteriner leur choix aupres du juge pour enfants et aupres de l'inspecteur de l'Aide sociale a l'enfance, service toujours par ailleurs empresses de retablir une relation entre parents et enfants. Maurice s'est soutenu de l'experience analytique dans laquelle il est engage pour affir-mer ce qui nous parait etre un veritable choix subjectif - pose dans un temps donne -, remarque qui n'engage nullement de notre part une approbation du-dit choix, mais un simple acquiescement dans le sens d'un accuse de reception. Cet enfant s'est constitue dans l'inconscient plus sur le mode de la defense que sur celui du refoulement, defense qu'il ne nous a pas paru opportun de trop bousculer. L'acte pedophilique dans lequel son pere l'entrainait malgre lui comme spectateur fut pose au moins une fois en seance, mais comme un reel non symbolisable, un reel qui ne peut jamais que se reduire a un trognon de reel, sans passer entierement au symbolique. Il ne fut pas sans l'agir, c'est-a-dire le re'-agir, au moins une fois, cet acte pedophilique du pere devenu pour lui une condition de jouissance2 en entrainant une petite fille dans les toilettes de l'ecole, la forgant a se preter a une intrusion corporelle de sa part. Son entourage ne manqua pas de lui dire qu'il ne pouvait faire cela, et le pourquoi de cet interdit. Quand il l'evoqua en seance, je repris pour ma part le caractere « force » de la chose sur cette petite fille, dont il etait visiblement amoureux. Il me retorqua alors : « Oui, mais si elle le veut bien ? » Aveu s'il en est d'un choix cette fois de jouissance - ajoutons, bien entendu, qu'il s'agit d'un choix force ou le sujet s'engage toujours dans une perte (separation).^ Nous voyons bien que le sujet que nous essayons de cerner la chez Maurice n'est pas un sujet 2 Nous prenons la appui sur le cours de J.-A. Miller « Cause et consentement » (198788). ^ J.-A. Miller a repris cette question dans cette annee de L'orientation lacanienne (200506), faisant reference a ses cours plus anciens. Du SUJET, LACANIEN, CHEZ l'enfant philosophique, moral, mais un sujet qui ne peut etre apprehende que par notre conception de l'ethique a partir de I'enseignement de Lacan, qui est toujours une ethique de jouissance. Otage Alexis est pris en otage entre le desir de ses parents depuis sa naissance. Sa mere I'eut a environ quarante ans ; elle avait ete auparavant mariee, et a eu deux enfants qu'elle n'eleva que peu de temps du fait qu'elle s'est alcoolisee excessivement alors que son deuxieme etait encore bebe. Elle quitta son mari, la region, et ne revit ses enfants que peu souvent. son pere, lui, a peu pres du meme age qu'elle, eut quatre enfants qu'il laissa aussi rapidement aux soins de leur mere, s'en eloignant de meme geographiquement. Ce qui fit se rencontrer cet homme et cette femme fut certainement ce que nous appelons avec Freud une condition d'amour, et qui determine le choix d'objet sexuel, ou ce que nous pouvons appeler avec Lacan une condition de jouissance, ou encore l'objet petit a cause du desir. Le couple se mit a vivre ensemble, Alexis naquit, son pere travaillant, sa mere echouant a reprendre un travail, s'alcoolisant de nou-veau tout en prenant force antidepresseurs. Plusieurs signalements d'enfant en danger furent formules par des personnes diverses (ne prenons ici comme exemple que celui d'une pharmacienne voyant arriver ivre la mere d'Alexis, son bebe dans les bras, pour acheter un produit qui ne ferait qu'aggraver son etat). Alexis fut place une premiere fois en pouponniere (il avait moins d'un an), puis revint chez ses parents, qui furent de nouveau tres aides par les services sociaux proposant un systeme de garde de jour de l'enfant chez une assistante familiale, qui se prolongeait bien souvent la nuit. Cela ne suffit plus non plus et il fut propose un accueil permanent chez une assistante familiale, placement qui ne fut pas judiciaire dans la mesure ou les parents y collaboraient. Je regus Alexis pour la premiere fois a ce moment-la, il avait un peu moins de deux ans ; il etait tres instable ; je pus commencer un travail avec sa maman et lui-meme quand je constatai qu'introduits dans mon bureau tous les deux, ils prenaient un malin plaisir a s'ignorer l'un l'autre. Cette etrangete qu'ils semblaient eprouver l'un envers l'autre etait-elle d'origine ou l'enfant faisait-il payer a sa mere les abandons repetes ? Il etait difficile de trancher. Peu importe, la maman retrouva (ou trouva) son enfant, qui fut de ce fait beaucoup plus docile avec elle quand elle passait un moment seule avec lui, pour jouer ou pour lui donner son gouter. La souffrance psychique de cet enfant etait pourtant toujours la, avec son lot de symptomes. Les parents d'Alexis deciderent, comme ils en avaient le droit, de reprendre leur enfant au bout d'un an de placement. Ce fut alors les vacances d'ete et tout ce que je pus obtenir d'eux fut un rendez-vous qu'ils m'accorde-rent a la fin du mois d'aout, ou je m'entendis dire que tout allait bien dans la petite famille reconciliee, une seule preoccupation etant une manifestation d'Alexis qui les inquietait : il saisissait son sexe qui s'erigeait alors et « tirait dessus » a se faire mal. Je ne pus alors que leur conseiller de consulter en PMI (protection maternelle infantile) et d'y demander l'aide d'un psychologue si necessaire. Je n'etais pas dupe de ce qui se jouait entre eux, alors, d'une tentative, a partir de « se vouloir parents », de se faire aussi « homme et femme » a partir de ce « etre parents », dans le sens que pose Lacan au debut de son enseigne-ment, mais qu'il critiquera par la suite, de vouloir imaginer que l'un fait l'autre, autrement dit qu'il y aurait un rapport sexuel entre l'homme et la femme qui pourrait s'ecrire. Ä peine six mois plus tard, notre jeune Alexis revint au placement familial, sous protection du juge pour enfants, cette fois. Il ne retrouva pas la meme famille d'accueil, mais s'installa maintenant chez un couple pour un temps beaucoup plus important. Le suivi psychologique de cet enfant a pu ainsi reprendre, en lien avec les parents. Il a aujourd'hui bientot huit ans et a du integrer une CLISS (classe speciale de l'education nationale pour enfants ayant des problemes d'apprentissage), apres un echec au CP (cours preparatoire, premiere annee de scolarisation apres l'ecole maternelle). Le petit gargon a remis en jeu cet objet qu'il etirait, quasi bebe encore, mais cette fois dans une imaginarisation/symbolisation. Tel le petit Hans il a ote, remis, voire cloue - dans le semblant -, le petit plus qu'il a de naissance sur le corps, et qu'il faut bien marquer d'un moins pour qu'advienne un sujet. De son pere, il regoit force armes (jouets) en cadeau qui, entre autres, lui permirent d'acceder a l'organisation d'un jeu qui lie imaginaire et symbolique. L'angoisse massive semble etre maintenant tarie, il investit le scolaire. Il traversera sans doute encore de nombreuses epreuves entre une mere allant mieux par moments mais pouvant encore retomber dans des periodes d'alcoolisation avec d'eventuels nouveaux compagnons qui l'influencent dans ce sens, et un pere repetant des echecs amoureux entrecoupes d'embellies illusoires. Separation Martin va maintenant sur ses neuf ans et est engage dans un suivi psycha-nalytique depuis environ quatre ans. Il venait de vivre un moment dramatique dans son existence, ayant fait une chute du quatrieme etage d'un immeuble par la fenetre. De l'hopital, il passa a la Pouponniere, puis arriva dans une famille d'accueil. Martin presentait des symptomes depuis longtemps. Lui qui ne par-lait que peu, etant presque incomprehensible, mit toute son energie, pendant Du SUJET, LACANIEN, CHEZ l'eNFANT ses seances, a rendre compte de ce qu'il avait vecu suite a cet accident, ce que sa mere lui avait dit, et le pourquoi de cette chute, bien loin du souci d'un « Centre ressources » (centre de diagnostic et d'orientation) voulant en faire un handicape du traumatisme cränien relevant d'une reeducation psychomotri-ce, le marquant ainsi definitivement d'un moins dans le reel. Des annees apres, cet enfant envahi par l'angoisse, regardant les autres avec des yeux mefiants qui faisaient dire de lui qu'il avait le regard mechant - ce qu'il ne manqua pas d'interroger : qui etait mechant ? lui ou l'autre ? -, cet enfant encopretique, tire son epingle du jeu, soit du fantasme maternel, gräce a ce petit jeu (dans le sens ou l'on dit qu'il y a du jeu entre deux elements) du sujet qui permet de ne pas etre tout a fait la tout en y etant aussi, sujet a eclipse. Il supporte maintenant les defaillances de sa mere, trop occupee parfois pour le prendre avec lui, il arrive a faire avec ce pere au ciel (Dieu) qu'elle lui attribue, lui qui ne connait pas son pere du fait de sa mere, et le pere de son petit frere qu'il peut voir de temps en temps, mais qui n'est pas son pere. Apres l'alienation au fantasme maternel, il en est maintenant separe, separe de sa depression, de sa souffrance psychique. Abandonne Adrien est ne d'un couple en train de se separer dans de graves conflits. Ne premature, il resta en couveuse. Sa mere confia plus tard qu'elle n'avait pas reussi a l'investir de ce fait. Ce qui se verifia, car, une fois a la maison, elle ne s'en occupa pas suffisamment, laissant le bebe affame parfois, et hurlant. Il est de nouveau hospitalise, pour une raison qui reste obscure, ses parents le delaissant alors. On decide de le placer en pouponniere, puis, a dix-huit mois en famille d'accueil. La maman d'Adrien ne viendra le voir que tres peu souvent a la pouponniere, sera presente au moment de son admission, faisant connais-sance de l'assistante familiale, mais ne viendra jamais lui rendre visite ensuite. Le papa d'Adrien est parti en province pendant qu'il etait a la pouponniere pour rejoindre une nouvelle compagne et son jeune enfant. La maman s'est tres vite remise en menage avec un compagnon dont elle tomba aussitot enceinte, presentant une fois a Adrien le bebe. Son nouveau compagnon maltraitera ses deux aines, frere et saur d'Adrien, qui seront places aussi et qui seront egale-ment delaisses. Une nouvelle vie va commencer pour Adrien lorsqu'il trouve enfin une maman de substitution. Celle-ci est en train de se separer de son mari, elle a de grands enfants, et reporte donc tout son amour sur Adrien, qui va alors tres mal. Il sort en effet de la pouponniere, marchant et parlant deja un peu, mais tres actif, instable, ne restant pas en place une seconde. Il ne pleure ni ne rit, tout a l'oppose de notre bien connu Jean qui pleure et Jean qui rit. Il ne cesse de se faire mal, puisqu'il ne cesse de se precipiter dans des activites motrices de fagon qui semble irraisonnee ; alors il tombe, se cogne, se blesse, devangant presque toujours l'adulte qui est la pres de lui a tenter de le proteger de lui-meme. Mais il ne ressent rien, ne se plaint jamais. Son visage est toujours fige, inexpressif, meme lorsqu'il se fait cäliner^ l'espace de quelques secondes pas plus. Il a marche a un an, ce qui semble l'avoir precipite dans un monde sans bornes signifiantes, le rendant un enfant fou, « libre » en quelque sorte. Il a commence a parler assez tot aussi et se montre tres attentif a ce qui est dit autour de lui, enregistrant les signifiants proposes et les utilisant a son tour a bon escient. Il est vif, intelligent, memorise durablement tout ce qui le concerne, son hyperactivite ne l'empechant nullement d'attraper tout ce qui s passe autour de lui. Il se montre ainsi cependant envahi par le monde exterieur. De cette epoque de cette petite enfance, il dira plus tard, lui qui va aujourd'hui vers ses huit ans, qu'il attendait sa mere. Peut-etre peut-on prendre au serieux cette interpretation de sa part, lui, qui encore aujourd'hui est en attente d'une famille qui l'a pourtant durablement delaissee. Revenons un instant a l'histoire d'Adrien. Au bout d'une annee sa mere ni son pere n'avaient repris contact avec lui. L'equipe du Placement familial proposa d'appliquer la loi qui exige alors d'entreprendre une demarche qui peut aboutir a reconnaitre l'enfant comme abandonne de ses parents, lui per-mettant alors d'etre adopte. Cette procedure est prevue par le code civil et semblait tout a fait justifiee etant donne la pathologie familiale repetant des deux cotes paternel et maternel, de generation en generation, l'impossibilite d'assumer la fonction parentale. Il en fut cependant decide autrement par des partenaires sociaux et psychologues, qui allerent faire en entretien avec ce pere qui ne repondait pas aux sollicitations, le rappelant a ses devoirs. Il declara ne pas vouloir abandonner Adrien, et au bout de plusieurs mois et rendez-vous manques, il quitta sa compagne pour revenir s'installer chez la grand-tante qui l'avait partiellement eleve. Adrien regut ce pere venu de nulle part comme un Dieu, s'accrochant desesperement a cette relation nouvelle pour lui et qui lui promettait monts et merveilles. Ce pere d'illusion se fit bientot plus rare, pour de nouveau abandonner Adrien, non sans lui avoir presente ses frere et saur, sa meme, et avoir meme provoque une rencontre avec sa mere biologique, pour la satisfaire, elle, mais sans le dire a l'enfant, qui a toutefois bien compris de qui il s'agissait. Quelques annees plus tard, Adrien etait la bien abandonne, mais restant toujours malgre tout dans l'espoir de revoir ce pere meteore, et dans la douleur de cette conscience d'avoir ete non voulu et abandonne. « Abandonner, c'est se tuer », ou « abandonner, c'est tuer », dit-il aujourd'hui, au moment ou la date de son anniversaire de naissance approche et reveille sa douleur d'exister. Effet sujet Anne arrive dans une famille d'accueil a plus de deux ans, apres un sejour dans une Pouponniere depuis ses six mois, moment ou elle est placee par protection judiciaire. Elle est alors elevee par une mere seule, depressive et s'al-coolisant, qui se suicidera apres un court sejour a l'hopital, alors que sa fille a tout juste un an. Le pere d'Anne, qui n'avait pas souhaite cet enfant et n'avait aucune intention de vivre avec la jeune femme qu'il avait mise enceinte, se sent alors responsable de cette petite fille et va la voir a la Pouponniere tres regulie-rement, parfois accompagne de sa mere chez qui il vit encore, ne travaillant pas, a part quelques concerts de musique qui lui rapportent quelques euros. Quand nous le recevons en entretien, apres l'arrivee d'Anne en famille d'accueil, il se montre et se dit tres demuni dans cette fonction qu'il n'avait apparemment jamais pense occuper, mais revendiquant toutefois de s'y exercer seul, sans « tiers » - ce tiers que l'on propose si souvent pour pallier le manque parental -, sans le regard de l'autre. Il accepte a la fois le placement de son enfant, se sachant incapable de s'occuper de son enfant, mais en meme temps rejette cette idee que sa fille n'ait pas la meme vie comme les autres enfants. Decontenance par ce qu'il pose comme un retard de developpement, il la compare a un enfant de ses amis, et se demande comment s'y prendre avec cette enfant qui ne communique pas comme il le souhaite. Il maintient aussi qu'on ne peut encore parler a Anne de sa maman, dont elle n'a plus le souvenir, parce qu'« elle ne comprendrait pas ». Anne, elle, depuis quelque mois, a trouve une famille des plus chaleureuse : une assistante familiale devouee et attentionnee, craquant devant cette jolie petite bonne femme metis, un pere d'accueil tres present, des freres et saurs de caur ravis de cette nouvelle arrivee. Anne bouge sans cesse, ayant des difficultes a se concentrer sur une activite ludique ; elle parle beau-coup en echolalie - sans qu'il y ait a s'en inquieter outre mesure -, repetant mots puis phrases de fagon parfois incessante ; son regard est fuyant, comme si elle voulait rester a distance de l'autre, mefiante, avec donc une prise en compte de l'Autre. Elle vient de commencer l'ecole : elle a beaucoup pleure et s'est fait remarquer des le premier jour en escaladant le petit muret separant les cours de recreation ; sa tonicite inquiete un peu les enseignants. Le suivi psychanalyti-que va se mettre en place, apres quelques entretiens preliminaires. Qu'est-ce qui fait un sujet dans ce cas ? D'abord un accrochage a un Autre - ici incarne par l'assistante familiale -, que l'enfant revendique tres joliment en l'appelant dans un premier temps par son prenom, refusant ainsi le « tata » d'usage, puis profite de l'absence des enfants de la famille pendant les vacances, pour l'appeler « maman ». L'assistante familiale reprend : on dit « tata », se demandant si ses enfants et son pere vont accepter qu'elle l'appelle « maman ». Lors d'un entretien assistante familiale/enfant et moi-meme, ce theme est aborde et je formule a l'assistante familiale qu'il n'est pas pertinent de toujours re-prendre Anne quand elle dit « maman » ; je propose aussi qu'on lui parle de sa mere de naissance et qu'elle puisse avoir acces a la photo de cette femme, meme si le pere pense qu'elle n'est pas prete. Quelques jours apres, l'assistante fami-liale demande a me parler, me disant que, depuis notre entretien, Anne ne cesse de l'appeler « maman ». Un travail psychanalytique va decidement pouvoir s'engager, respectant ce temps du sujet a venir et qui ne peut s'effectuer qu'avec des signifiants, des semblants auxquels il fait bon croire, quelque decales qu'ils fussent d'une realite biologique ou encore normative. Tel est en effet l'espace necessaire que se doit d'introduire le psychanalyste.