Nguyen Viet Anh UDK 811.133.1'243(597):37.016(4) PLIDAM, DOI: 10.4312/lmguistica.54.L471-484 Institut National des Langues et Civilisations Orientales* ENJEUX DE L'INTÉGRATION DU CECRL AUX UNIVERSITÉS DE LANGUES ÉTRANGÈRES AU VIETNAM 1 INTRODUCTION Le Cadre Européen Commun de Référence pour les langues (CECRL 2001), aboutissement d'une réflexion entamée à partir de 1990 pour réactualiser les divers Niveaux-Seuils élaborés à partir des années 70 sous l'impulsion du Conseil de l'Europe, se présente comme un ouvrage de normalisation (au sens de fixer des normes) pour l'enseignement / apprentissage et l'évaluation des langues vivantes en Europe. Les objectifs de départ de l'élaboration de ce cadre sont l'amélioration des compétences à communiquer, la réflexion sur les méthodes et les objectifs d'enseignement, la mobilité éducative et professionnelle ainsi que la transparence et l'unification des programmes, référentiels, manuels et examens. Dans la mondialisation actuelle, un processus d'enseignement/apprentissage des langues étrangères conforme aux normes internationales, proposées par le CECRL, s'avère nécessaire, voire indispensable1. Ce présent article traite des enjeux de l'intégration du CECRL au contexte vietnamien, plus précisément aux départements de français des universités de langues étrangères au Vietnam. Après une brève analyse critique de cette première référence en matière d'enseignement / apprentissage et d'évaluation des langues étrangères (selon Puren 2006 ; Bourguignon 2006 ; Beacco 2007 ; Robert 2008 ; Robert et Rosen 2010), nous exposerons les résultats d'une étude des programmes de formation et de deux enquêtes par questionnaire auprès des étudiants et enseignants de français, de six universités de langues étrangères réparties sur trois zones géographiques (nord, centre, sud) du Vietnam. 2 DE L'APPROCHE COMMUNICATIVE À LA PERSPECTIVE ACTION- NELLE DU CECRL - UNE (R)ÉVOLUTION MÉTHODOLOGIQUE EN DIDACTIQUE DES LANGUES Depuis treize ans, le CECRL fait entrer la didactique des langues dans une nouvelle ère avec la « perspective actionnelle » : « En décloisonnant l'apprentissage et l'usage et en reliant la communication à l'action sociale, le CECR bouleverse les représentations traditio- Adresse de l'auteur : PLIDAM, Institut national des langues et civilisations orientales, 65, Rue des Grands Moulins, 75013 Paris, France. Courriel : vitvitanh@gmail.com. Faute de cette conformité, le diplôme universitaire de FLE des universités de langues vietnamiennes au Vietnam n'est pas mondialement reconnu. Ainsi, lors de la demande de candidature aux études et/ou bourses d'études dans des pays francophones, comme la France, la Belgique et le Canada, etc., nos étudiants voire enseignants de français ont dû tous présenter un DELF ou un TCF. * 1 471 nnelles de l'enseignement/apprentissage/évaluation des langues-cultures tant au niveau des pratiques d'enseignement que des processus d'apprentissage » (Bourguignon 2006 : 58). « Entre perspective actionnelle et approche communicative, y a-t-il continuité ou rupture ? » La question posée par Puren (2011 : 2) est également le point qui fait encore débat chez les didacticiens ces treize dernières années. Les auteurs du CECRL ne sont pas très explicites sur ce sujet. Ainsi, pour certains des commentateurs (Trim 1997 ; Beacco 2007), la perspective actionnelle se situerait dans le prolongement naturel de l'approche communicative. D'autres constatent un « changement de paradigme théorique » (Richer 2005 : 66) ou une « rupture épistémologique » (Bourguignon 2006 : 58). Pourtant, la plupart (Richer 2005 ; Bourguignon 2006 ; Rosen 2009 ; Puren 2011) se mettent d'accord sur le point que la perspective actionnelle annoncée par le CECRL est effectivement porteuse d'un réel changement, d'une réelle évolution dans la pratique de l'enseignement / apprentissage et l'évaluation des langues. En effet, au début des années 70, l'enseignement/apprentissage des langues a connu une évolution lors du passage de la « méthodologie Structuro Globale Audiovisuelle », constituée, centrée sur l'objet langue à l' « approche communicative », une méthodologie ouverte, diversifiée, dont la préoccupation était de s'adapter aux besoins langagiers de chaque public. L'enseignement traditionnel de la langue autour d'exercices portant sur la grammaire et le lexique a été remplacé par la mise en place, en classe, de situations de communication empruntées au monde extérieur. Les activités langagières telles que comprendre, produire, observer, décrire, analyser, comparer, et reproduire des phrases et ou des textes furent remplacées par la réalisation d'actes de communication. Dans ce cas, l'objet langue en tant que tel n'est plus au cœur de la relation d'enseignement/apprentissage, mais c'est l'apprenant qui est mis au centre de la relation. Cependant, les actions proposées et réalisées en classe étaient toujours réalisées à des fins d'apprentissage. Aujourd'hui, le CECRL propose une réflexion approfondie sur la finalité de l'apprentissage, il propose la complexité plutôt que la simplicité linéaire, il propose la construction des compétences plutôt que l'accumulation de connaissances. Il propose d'agir avec l'autre, et non plus simplement d'agir. Avec la perspective actionnelle, nous observons donc le passage du paradigme de la communication au paradigme de l'action. On ne communique plus seulement pour parler avec l'autre mais pour agir avec l'autre. L'apprenant devient ainsi l'usager de la langue, qui doit mobiliser et mettre en œuvre les composantes linguistique, sociolinguistique et pragmatique dans des contextes et des conditions variés, en se pliant à différentes contraintes afin de réaliser des activités langagières et en mobilisant les stratégies qui paraissent le mieux convenir pour accomplir les tâches d'apprentissage et sociales prévues. Le CECRL ne propose d'ailleurs aucune forme de mise en œuvre concrète de cette perspective. Ainsi se déclineront et s'adapteront plusieurs approches didactiques selon les besoins des apprenants et les objectifs fixés par l'enseignant. Nous pouvons citer, par exemple, « la double perspective co-actionnelle et co-culturelle » de Puren (2002), « l'approche communic-actionnelle » de Bourguignon (2006), « l'approche par des tâches » de Rosen (2009) et « l'approche par compétences en langues » de Beacco (2007). Concernant l'ensemble des pratiques des enseignants et apprenants de langues, le CECRL ne propose, par ailleurs, aucune activité pratique d'enseignement/apprentissage 472 ou d'évaluation. C'est pour cette raison que Vicario (2011 : 34) critique ce référentiel d'orientation, cet outil conceptuel qui « reste vague quant à la réalisation concrète de l'enseignement / apprentissage et de l'évaluation d'une langue ». Robert et Rosen (2010 : 66) ont même affirmé que « malgré ses qualités incontestables et bien que des auteurs le qualifient de 'transparent', c'est un ouvrage difficile à lire, imperfection qui limite sa diffusion auprès du grand public et, notamment, a contrario des souhaits des auteurs, auprès des publics d'apprenants ». De même, le projet « The Dutch CEF Grid » de l'Université de Lancaster, visant à offrir un cadre d'analyse pour la création d'items d'évaluation référencés sur le CECRL, a identifié une série de problèmes dans ce référentiel, tels que des inconsistances, des problèmes de terminologie, l'absence de définitions des termes utilisés, etc.2 (Tardieu 2006). 3 MÉTHODES DE COLLECTE ET DE TRAITEMENT DES DONNÉES Pour cette étude, nous avons utilisé principalement trois méthodes de collecte de données : l'étude documentaire, l'entretien semi-directif et l'enquête par questionnaire. Une fois recueillies, toutes les données sont quantitativement et qualitativement analysées afin de bien appréhender l'état des lieux de l'enseignement / apprentissage et de l'évaluation du FLE au Vietnam. La première méthode que nous avons adoptée est l'analyse critique des programmes d'enseignement/apprentissage et d'évaluation de trois départements de français de trois universités qui sont parmi les plus grandes universités du Vietnam et qui, géographi-quement, représentent trois régions du pays : • L'Université de Langues et d'Études Internationales - Université Nationale de Hanoi (ULEI, UNH) au Nord ; • L'Université de Langues Étrangères - Université de Hue (ULE, UH), au Centre ; • L'Université de Pédagogie de Ho Chi Minh ville (UP de HCM) au Sud. Nous avons consulté d'abord le site d'internet et/ou contacté les responsables des établissements susmentionnés pour avoir accès à leur programme de formation et d'évaluation. Pour comparer les programmes de ces trois universités, nous avons élaboré une grille de critères portant sur les filières de formation, les objectifs d'enseignement / apprentissage et d'évaluation en général et de chaque filière en particulier, le nombre de crédits réservés aux différentes compétences (CE, CO, EO, EE), les sujets au recrutement, le niveau de français des étudiants à l'entrée de l'université3 ainsi que le niveau censé être atteint après chaque année d'étude. Après cette première analyse, afin de mieux comprendre les programmes, les objectifs et les démarches pédagogiques et évaluatives au mois de septembre 2011, 2 Nous reverrons et clarifierons ces avantages et inconvénients du CECRL dans la partie « Discussion des résultats ». 3 Au Vietnam, il faut passer un concours pour intégrer l'université. Les trois universités en question recrutent des candidats ayant réussi le concours d'entrée soit en anglais (vrais débutants en français, soit en français (faux débutants). Aussi existe-t-il une forte hétérogénéité du niveau initial. En intégrant l'université, les étudiants peuvent connaître ou non le français. 473 nous avons mené des entretiens semi-directifs en ligne (par e-mail, Google chat, Yahoo Messenger et Skype) avec les responsables des établissements ainsi que ceux des groupes disciplinaires Pratique de la langue française dans ces trois départements de français. La troisième méthode est l'enquête par questionnaire. Ainsi, pendant une période du mois de septembre au mois de décembre 2011, nous avons réalisé deux enquêtes par questionnaire auprès des enseignants et des étudiants en FLE au Vietnam. C'est une étude à la fois quantitative et qualitative. À côté des questions à choix multiples, nous avons utilisé des questions ouvertes afin de permettre aux personnes interrogées d'expliquer plus clairement leurs pratiques d'enseignement / apprentissage et d'évaluation du FLE ainsi que d'exprimer plus librement leurs opinions et propositions concernant l'application du CECRL au Vietnam. La première version de nos deux questionnaires a été mise à l'essai auprès de 5 enseignants et 10 étudiants afin de nous assurer que toutes les questions étaient claires et compréhensibles. La version finale n'a été produite qu'après la prise en compte du retour de l'échantillon constitué par cette pré-enquête. Afin d'avoir une idée plus générale de l'état des lieux de l'enseignement/apprentissage et de l'évaluation du FLE au Vietnam, nous ne limitons pas nos enquêtes aux départements de français de trois universités choisies lors de l'étude documentaire et de l'entretien semi-directif. Nous avons élargi nos enquêtes à deux universités par ville/ région. Ainsi, nous avons ajouté à la liste des institutions impliquées dans notre étude les trois universités suivantes : • L'Université de Hanoi, au Nord; • L'Université de Langues Étrangères, Université de Da Nang, au Centre ; • L'Université de Can Tho, au Sud. L'échantillon de nos enquêtes par questionnaire s'élève à 334 personnes, dont 35 enseignants et 299 étudiants. En effet, nous avons élaboré certains critères de sélection. Pour l'enquête auprès des enseignants, nos répondants doivent, au moment de la réalisation de l'enquête, être enseignants et/ou évaluateurs d'au moins une des quatre compétences communicatives ; tous ceux qui ne le sont plus, même s'ils ont des expériences en enseignement et évaluation de ces compétences, ne font pas partie du public ciblé de notre enquête, celle qui vise à déterminer l'état des lieux de l'enseignement/ évaluation dans des départements de français des universités vietnamiennes. Dans ce même objectif, les répondants de notre deuxième enquête sont des étudiants en 2ème, 3ème et 4ème années de toutes les filières de formation (Didactique du FLE, Langue et Culture Françaises, Traduction-Interprétation et Français du Tourisme). Les étudiants de 1ère année, qui viennent d'entrer à l'université, ne peuvent pas encore répondre à nos questions sur les pratiques d'enseignement et d'évaluation des enseignants, ni avoir des jugements de valeurs sur ces pratiques. Ils n'entrent donc pas dans la liste des échantillons de notre enquête. Nous avons choisi de faire répondre à nos questionnaires par voie électronique ou par les réseaux sociaux comme Facebook et Twitter. En effet, c'est un moyen largement utilisé actuellement, favorisant la couverture la plus large possible de la population 474 visée, car la plupart des gens ont accès à Internet, que ce soit à la maison, à l'école ou au travail. Ce type présente d'autres avantages reconnus, notamment la possibilité de collecter très rapidement des données à moindre coût. Pour augmenter le taux de réponses, nous avons contacté, par téléphone, les responsables des départements, ceux des groupes d'enseignants de la langue française et les étudiants responsables du Club de français ou de l'Association des Étudiants des établissements pour leur demander de procéder à la diffusion de nos questionnaires auprès de leur carnet d'adresses électroniques ou sur compte Facebook. D'un point de vue technique, l'élaboration du questionnaire ainsi que le traitement des données ont été réalisés à l'aide du logiciel d'enquêtes et d'analyses de données Google Documents. 4 DISCUSSIONS DES RÉSULTATS 4.1 Des changements favorables dus à l'intégration du CECRL Au Vietnam, la proposition du projet « Day và hoc ngoai ngù trong hê thông giáo duc quôc dân giai âoan 2006-2015 » (Enseigner et apprendre les langues étrangères dans le système éducatif national, période 2006-2015), élaboré par l'Institut de Stratégies et de Programmation Éducationnelles sous la direction du Ministère de l'Éducation et de la Formation, a précisé 3 raisons pour l'application du CECRL lors de la rénovation de l'enseignement/apprentissage des langues étrangères du pays, des écoles primaires aux universités: • En tant qu'outil visant à fournir une base commune pour l'enseignement/apprentissage et l'évaluation des langues, le CECRL correspond bien au contexte vietnamien où plusieurs langues (anglais, français, chinois et russe) sont enseignées ; • le CECRL peut être comparé aux autres cadres de niveaux d'autres organisations internationales actuellement utilisés au Vietnam comme TOEFL, IELTS, TOEIC, etc ; • les six niveaux de référence de compétence communs à toutes les langues, allant du niveau A1 (niveau introductif) au niveau C2 (maîtrise), en passant par les niveaux A2 (niveau intermédiaire), B1 (niveau seuil), B2 (niveau avancé) et C1 (utilisateur autonome), sont faciles à appliquer. L'ensemble des descripteurs et les échelles du CECRL permettent non seulement de tracer des profils d'apprentissage, mais aussi d'appréhender l'évaluation des compétences précises de l'apprenant. Après l'approbation du projet « Day và hoc ngoai ngù trong hê thông giáo duc quôc dân giai âoan 2008-2020 » (« Enseigner et apprendre les langues étrangères dans le système éducatif national, période 2008-2020 »), par le Premier Ministre du Vietnam le 30 septembre 2008 et avec l'application du système de crédits capitalisables qui préconise une grande autonomie de la part des apprenants et le rôle de guide et de tuteur chez les enseignants, toutes les trois universités de notre étude entament actuellement un projet de rénovation de programmes et de méthodes d'enseignement/apprentissage et d'évaluation. 475 Ainsi, les nouveaux programmes de formation sont en cours d'élaboration. On utilise toujours les anciens programmes élaborés lors du changement de la formation annuelle au système de crédits. Pourtant, en fonction du nombre d'étudiants admis chaque année aux départements de français, on procède à des changements appropriés. Ceux-ci concernent également le programme de pratique de la langue française que l'on tente de mieux adapter au CECRL. En ce qui concerne les pratiques d'enseignement/apprentissage et d'évaluation, avant l'intégration du CECRL, dans les universités de langues étrangères au Vietnam, nous constations souvent un écart non négligeable entre, d'une part, un enseignement du français que l'on pourrait qualifier de moderne, fondé sur l'approche communicative, et, d'autre part, une pratique évaluative qui reste toujours très traditionnelle, au sens où il s'agit toujours d'une évaluation sommative des connaissances linguistiques ; l'évaluation formative et celle des compétences semblent être négligées. L'analyse des programmes de formation et les deux enquêtes par questionnaire auprès des étudiants et des enseignants des départements de français des universités vietnamiennes enseignant les langues étrangères nous permettent d'observer une certaine congruence entre l'enseignement/apprentissage et l'évaluation de la compétence de production écrite en particulier et du FLE en général, tous deux fortement basés sur le CECRL. Lorsque les établissements fixent les objectifs et les niveaux à atteindre selon le CECRL, ils utilisent la méthode de français « Tout va bien ! » dont les objectifs « respectent scrupuleusement les recommandations du Cadre européen commun de référence pour les langues » (Augé et al. 2005 : 5) et d'autres manuels préparant le DELF/DALF alignés sur le CECRL comme « Activités pour le Cadre européen commun de référence-niveau A2 », « Activités pour le Cadre européen commun de référence-niveau B1 », « Réussir le DELF B2 » et « Réussir le DALF, niveaux C1 et C2 du Cadre européen commun de référence », etc. Leur modalité d'évaluation correspond également à celle du DELF/DALF, du sujet d'examen à la grille de correction et au barème de notation. De plus, l'intégration du CECRL favorise un certain dynamisme non seulement dans l'enseignement/apprentissage mais aussi dans l'évaluation du FLE dans certaines universités de langues vietnamiennes. Premièrement, de manière générale, on pourrait commencer à observer une certaine évaluation des compétences à communiquer, comme celle qui est décrite dans la perspective actionnelle. C'est une évaluation qui porte non seulement sur la composante linguistique mais aussi, et principalement, sur les composantes sociolinguistique et pragmatique. Lors de l'évaluation d'une production (écrite ou orale), nos répondants s'intéressent premièrement aux composantes sociolinguistique et pragmatique, en mettant l'accent sur, par ordre d'importance, l'adéquation à la situation de communication, l'adéquation au sujet, la cohérence et cohésion et la richesse des idées. La composante linguistique (le lexique, la morphosyntaxe et l'orthographe), celle qui était l'objet le plus important, voire unique de l'évaluation dans les méthodes traditionnelles, est actuellement située dans les dernières positions. Deuxièmement, les enseignants s'intéressent de plus en plus à la progression de la compétence chez les étudiants et non plus seulement à la note finale obtenue. Plus précisément, 77% d'enseignants optent pour une évaluation pendant l'apprentissage. Selon ces derniers, cette évaluation formative est pour « vérifier les 476 acquis », « mieux suivre la progression des étudiants », afin de « rectifier la formation », « réajuster le programme », « réorganiser et améliorer l'enseignement » s'il le faut. 80% d'enseignants communiquent les critères d'évaluation aux étudiants voire leur proposent des grilles d'auto-évaluation élaborées sur la base de ces critères. Certains les considèrent comme « supports privilégiés pour l'auto-évaluation ». Comme les enseignants, 88% des étudiants répondants confirment la communication du programme d'études, le niveau visé ainsi que les objectifs d'apprentissage et les critères de l'évaluation dès le début de l'année/ du semestre de la part des enseignants et 98% la jugent nécessaire, voire indispensable pour « avoir une bonne orientation dans l'apprentissage », « bien comprendre le programme, mieux déterminer les objectifs et avoir une bonne méthode », « un bon plan d'études pour atteindre le cible », « savoir ce que nous allons acquérir et ce que nous devons faire pour réussir des études à l'université », « favoriser l'auto-apprentissage et l'auto-évaluation correspondants au programme et objectifs fixés », etc. Finalement, les enseignants s'intéressent plus à la progression de la compétence chez les étudiants qu'à la note finale obtenue. Selon nos répondants, la note finale ne peut pas bien refléter la progression et la compétence des étudiants car, d'une part, « une seule note ne suffit pas pour conclure si l'apprenant a progressé ou non », « l'évaluation doit se faire tout au long du cursus », « pour voir la progression, il faut des contrôles continus et si possible, des tests de comportement et/ ou de motivation » ; d'autre part, « le développement d'une compétence communicative est un processus qui demande du temps » ; « la note est relative, aléatoire » ; « la note finale reflète en partie la compétence des étudiants » seulement. 4.2 Les problèmes existants Soulignons que l'université n'est pas une école de langues, ni un centre de préparation au DELF/DALF. Malgré quelques dynamismes et changements favorables, l'intégration mécanique, rigide du CECRL dans certaines universités de langues étrangères vietnamiennes, à vocation fortement professionnalisante, pourrait provoquer, et a effectivement provoqué plusieurs problèmes. Le premier problème concerne la progression des niveaux du CECRL, lié directement à la durée de l'enseignement/apprentissage. En réalité, au Vietnam, le niveau requis à la fin de la 1ère année, de la 2e année, de la 3e année ou en fin de cursus universitaire varie d'une université à l'autre. De manière générale, bien que le niveau de départ soit hétérogène, on constate que le niveau exigé va de A2- à A2 en fin de 1ère année, de B1- à B1 en fin de 2e année, de B2- à B2 en fin de 3e année, et de B2 à C1 à la sortie de l'université. Or, dans le CECRL, le volume d'heures d'apprentissage augmente à chaque passage d'un niveau au niveau supérieur. Ainsi, s'il faut entre 60 et 80 heures pour arriver à un niveau A1, il est nécessaire d'en rajouter, de façon indicative, 100 heures pour un niveau A2 (A1+100), 150 pour un niveau B1 (A2+150), 200 pour un niveau B2 (B1+200) et 250 pour un niveau C1 (B2+250). Nous voyons bien que, en ce qui concerne le temps, la progression des niveaux du CECRL ne peut correspondre à l'organisation de l'enseignement/apprentissage du FLE dans des universités vietnamiennes où les modules de français sont dispensés 477 principalement pendant les deux ou trois premières années et le nombre de crédits et/ ou d'heures de cours4 diminue d'une année à l'autre. À part l'Université de Pédagogie de Ho Chi Minh Ville, qui garde 4 crédits pour tous les modules, à l'Université de Langues et d'Études Internationales, l'UNH, les modules Français 1A, 1B, 2A et 2B (les deux premières années) ont chacun 5 crédits alors que les Français 3A, 3B, 4A et 4B (les deux dernières années) n'ont que 4 crédits pour chacun. À l'Université de Langues Étrangères, l'Université de Hue, pendant les deux premières années, chaque semestre comprend 8 crédits de FLE répartis entre quatre compétences différentes. En troisième année, il n'existe que 2 modules (4 crédits) : 2 pour CO-PO et 2 pour CE-PE, donnés au premier semestre seulement. Finalement, un module de 2 crédits de Pratique avancée de FLE (pour la CE et EE) est réservé à la quatrième année pour préparer les étudiants à l'examen de fin d'études. De plus, si l'apport de l'échelle de 6 niveaux proposée par le CECRL contribue à réduire la disparité des diplômes et à améliorer les échanges et l'intercompréhension entre les acteurs du domaine de la didactique du FLE, la subdivision de ces 6 niveaux de référence en niveaux intermédiaires (par exemple A2+ ou B1-), sans précision pour chacun des descripteurs détaillés par les universités vietnamiennes, rendent cette intercompréhension plus difficile. En effet, lorsque le CECRL favorise une souplesse de subdiviser ces six niveaux en niveaux intermédiaires en fonction du public visé et des besoins (du public, du formateur ou du recruteur), nos établissements en question déterminent des sous-niveaux A2-, A2+, B1-, B1+, B2-, B2+ et C1- pour chaque module ou/ et à chaque semestre. Il surgit alors un double problème : 1/ Absence de description de ces sous-niveaux (à l'ULEI, UNH et à l'ULE, UH) et 2/ Descriptions trop sommaires (à l'UP de HCM ville). Conséquences : nous ne pouvons pas déterminer la différence entre ces niveaux avec les six niveaux du CECRL. Nous ne pouvons pas non plus voir si le niveau A2+ de l'ULEI, UNH est équivalent au niveau B1- de l'UP de HCM. En raison de cet « amalgame » des niveaux et faute de description détaillée des indicateurs d'échelles, comment pourrait-on évaluer si l'étudiant a atteint le niveau de compétence visé ou non ? Comment pourrait-on juger, par exemple, si le niveau A2+ d'un étudiant de l'ULEI est équivalent ou non au niveau B1- d'un étudiant de l'UP de HCM ? Le deuxième problème réside dans la professionnalisation et dans la place accordée à la recherche scientifique menée par les étudiants à l'université. En réalité, depuis 2010, constatant les difficultés que rencontrent les étudiants en Didactique du FLE à la fin de leur formation en raison du nombre restreint de débouchés5, 4 En fait, au Vietnam, pendant la période de transition du système de formation « par année scolaire » à celui par crédits, le nombre de crédits, notamment pour les modules de pratique de langue française, doivent correspondre au nombre précis d'heures de cours, généralement, 1 crédit 15 heures. L'augmentation ou la diminution des crédits d'un module entraîne automatiquement l'augmentation ou la diminution des heures de cours. 5 Ces dernières années, l'anglais langue étrangère connaît une forte croissance au Vietnam. Ce dernier prend de plus en plus la place du français langue étrangère dans les collèges et lycées vietnamiens. Beaucoup de classes de français sont fermées et ont dû laisser place à l'anglais. Cela pose beaucoup de difficultés aux diplômés en Didactique du FLE lors de la recherche d'un travail. 478 les universités ont commencé à insérer dans leurs programmes des cours d'options de français sur objectifs spécifiques tel que le français du tourisme, le français des affaires et de l'économie, le français juridique et administratif, le français du secrétariat. Ces cours de français sur objectif spécifique (FOS) visent à fournir aux étudiants des connaissances et des compétences de base dans un domaine autre que la Didactique du FLE et leur permettent ainsi d'exercer d'autres métiers que celui d'enseignant de FLE dans un collège ou lycée, tout en utilisant toujours le français. De nouvelles spécialités de formation comme « Tourisme » et « Français de l'économie » ont été développées. La description des objectifs et des filières décrits dans les programmes de formation des départements de français nous permet de dire qu'avec une telle professionnalisation, le français ne devrait plus être considéré et enseigné en tant que langue étrangère dans l'approche communicative, mais plutôt comme un outil d'action communicationnelle et surtout professionnelle dans l'approche actionnelle. Pourtant, en réalité, les étudiants de ces départements de français sont-ils « formés à la langue ou à la profession » 6? L'analyse détaillée des contenus des programmes en général et ceux de français en particulier nous montre que les départements n'ont pas encore bien fourni aux étudiants les connaissances et compétences en langue nécessaires pour l'exercice de leur future profession. En réalité, comme le CECRL ne propose aucune activité pratique d'enseignement/ apprentissage ni d'évaluation, il existe au Vietnam une tendance à assimiler le DELF/DALF et le CECRL. Effectivement, ce n'est qu'une certification de langue qui suit bien les indicateurs de niveaux de compétences en langues préconisés par le CECRL mais qui ne peut pas refléter toute la philosophie de ce dernier. D'ailleurs, si le CECRL distingue 4 domaines pour les thèmes, textes et tâches langagières à traiter : personnel, public, professionnel et éducationnel, le DELF/DALF étant générique, ne traite pas le domaine professionnel, celui du français de spécialité voire du français sur objectifs spécifiques, ni celui de la communication académique, utile en particulier pour la mobilité universitaire. Or, n'étant pas un centre de français langue étrangère, ni un centre de préparation au DELF/DALF, les universités ont pour objectif final de former des enseignants de FLE pour les écoles secondaires, des traducteurs-interprètes, des employés qualifiés pour différents domaines : tourisme, secrétariat, etc. Dans ce contexte, le choix d'une méthode de français à vocation "universelle", s'adressant à tous publics étrangers apprenant le français langue étrangère (comme "Tout va bien !") des responsables des établissements et des groupes disciplinaires ("Pratique de la langue française"), ainsi que le recours aux manuels préparant au DELF/DALF, ne nous sembleraient pas pertinents et posent une série de problèmes. D'une part, de manière générale et surtout pour les filières de Langue et Civilisation françaises ou de Didactique du FLE, la qualité de l'enseignement universitaire est garantie par son lien étroit avec la recherche menée par les étudiants (aussi bien en linguistique qu'en didactique de langues), le recours à des certifications de langue telles que le DELF/DALF pourrait faire courir le risque de rendre l'enseignement/ 6 Cette question a été posée par Sophie Bailly lors de la table ronde sur l'axe thématique « Approche par compétences » du Séminaire régional de recherche-action « Recherches francophones en Asie du Sud-Est : Dynamique, Formation et Professionnalisation », organisé à Da Lat, Vietnam, en décembre 2009. 479 apprentissage de la langue trop utilitaire, trop fonctionnel, coupé d'une réflexion sur la langue (à tous niveaux)7. D'autre part, dans des filières non linguistiques comme Traduction-Interprétation ou Tourisme, les connaissances en langue et la compétence de communication dans la vie quotidienne sont nécessaires mais pas suffisantes. Il faudrait parler d'une dimension professionnelle de la langue, autrement dit, des compétences en langue qui s'associent étroitement aux compétences professionnelles. Suivant cette logique, l'enseignement/ apprentissage et l'évaluation des compétences en FLE devraient revêtir une dimension professionnalisante. Dans cette perspective, le développement des compétences à communiquer langagièrement dans des situations professionnelles devrait se faire dès les premiers cours à l'université. Dans ce contexte, certaines compétences peuvent être développées beaucoup plus tôt que ce qui est prévu dans le CECRL ; de même, le développement des compétences et les niveaux visés pour chacune des compétences ne devrait pas être identique dans les différentes filières de formation. Ainsi, à la fin de la formation, un étudiant en filière de Traduction pourrait, par exemple, atteindre le niveau B2 en compréhension et production orales et le niveau C1 en compréhension et production écrites. À l'inverse, un étudiant en Tourisme, pour pouvoir exercer son métier de guide touristique, devrait atteindre le niveau C1 en compréhension et production orales et le niveau B2 en compréhension et production écrites. Finalement, il ressort également de la conception des épreuves un problème de fond : la divergence dans la nature même des épreuves. En effet, nous constatons que les épreuves d'examen du DELF/DALF sont plutôt centrées sur la vérification des savoirs linguistiques que culturels alors que celles des universités doivent, théoriquement, évaluer l'acquisition et le développement des compétences aussi bien linguistiques que communicatives. De plus, les épreuves du DELF/DALF ne mettent pas souvent en jeu des compétences mixtes (CO et PO ou CE et PE), sauf aux niveaux avancés (synthèses de documents pour le C1 et C2). Pour une telle certification de langue, ce que l'on mesure est le degré des performances au moment de l'évaluation. Avec les épreuves de DELF/DALF, on évalue difficilement la mobilisation des ressources ainsi que le processus de développement des compétences de l'apprenant tout au long de son apprentissage. Effectivement, dans l'optique de l'application du modèle du DELF/DALF, malgré la conscience du rôle et de l'importance de l'évaluation formative et l'auto-évaluation des étudiants, les enseignants de FLE au Vietnam privilégient la vitesse à l'assimilation des connaissances par les étudiants ; ils visent à les préparer au test final, qui est effectivement une épreuve du DELF/DALF pour atteindre le niveau fixé ; par conséquent, ils ne pratiquent pas fréquemment l'évaluation formative et ne préparent pas suffisamment leurs étudiants à l'auto-évaluation. 7 D'ailleurs, il faut souligner que le CECRL n'est pas fait pour ce type de public. 480 5 EN GUISE DE CONCLUSION Bien que le développement de la perspective actionnelle et l'application de l'échelle des six niveaux de compétences du CECRL favorisent un certain dynamisme et changement favorable dans l'enseignement/apprentissage et dans l'évaluation, l'intégration mécanique, maladroite de ce référentiel élaboré en Europe, pour la réalité multilingue, multiculturelle, plurilingue, pluriculturelle européenne, pose beaucoup de problèmes dans le contexte de certaines universités de langues étrangères vietnamiennes à vocation fortement professionnalisante. Le premier est la discordance entre la progression des niveaux du CECRL et l'organisation de l'enseignement/apprentissage du FLE dans certaines universités vietnamiennes. Le deuxième consiste dans la professionnalisation et la place de la recherche à l'université. La conception des épreuves d'examen selon le modèle du DELF/DALF, une certification internationale suivant bien les indicateurs de niveaux de compétences en langues précisés par le CECRL, soulève le troisième problème, celui de la divergence de fond sur la nature des épreuves dans des universités et celles du DELF/DALF. Tous ces problèmes existants imposent ainsi la nécessité, d'une part, d'une reconsidération de l'application du CECRL et, d'autre part, d'une réforme profonde dans l'enseignement/apprentissage et l'évaluation du FLE au Vietnam. Lorsqu'on se trouve dans une démarche professionnalisante de la formation du/en FLE dans des universités de langues étrangères au Vietnam, il est indispensable d'envisager la construction d'un référentiel réservé particulièrement aux étudiants en français des universités de langues étrangères au Vietnam afin d'assurer une harmonisation des contenus et des méthodes sur les quatre années d'études et dans différents établissements. Cela permettrait également de mieux préparer les étudiants aux échanges de plus en plus nombreux et normalisés entre universités et entreprises et entre les différentes universités. La présente étude est considérée comme le premier pas dans un projet de recherche-action d'élaboration d'un document de référence qui sera expérimenté, testé, évalué par des opérateurs de terrain (étudiants, enseignants et spécialistes dans le domaine), puis validé par des instances institutionnelles avant d'être mise en pratique. 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Malgré quelques dynamismes et changements favorables, l'intégration mécanique, rigide du CECRL dans certaines universités de langues étrangères vietnamiennes, à vocation fortement professionnalisante, pourrait provoquer, et a effectivement provoqué, plusieurs problèmes : 1/ l'incohérence entre la progression des niveaux du CECRL et l'organisation de l'enseignement/apprentissage ; 2/ le risque d'un enseignement/ apprentissage trop « utilitaire », trop fonctionnel et 3/ une évaluation davantage centrée sur la vérification des savoirs linguistiques, sur le degré des performances au moment de l'évaluation que sur la mobilisation des ressources ainsi que le processus de développement des compétences de l'apprenant tout au long de son apprentissage, etc. Les résultats de l'étude nous ont ouvert des pistes de réflexions pour l'élaboration d'un document de référence réservé aux étudiants, vietnamiens entre autres, en FLE. Mots clés : CECRL, enseignement/apprentissage et évaluation du FLE, profession-nalisation, contexte vietnamien. Abstract CHALLENGES OF THE INTRODUCTION OF THE COMMON EUROPEAN FRAMEWORK OF REFERENCE FOR LANGUAGES AT FOREIGN-LANGUAGE UNIVERSITIES IN VIETNAM In today's globalized world, it seems necessary, or even indispensable for the teaching/ learning of foreign languages to be based on international standards proposed by the Common European Framework of Reference for Languages (CEFRL). The present 483 article deals with issues of integration of the CEFRL in the Vietnamese context by analyzing the results of a study of training programs at six universities specializing in foreign languages, which are based in three regions of the country (Northern, Central and Southern Vietnam). Despite some positive changes and the dynamism characteristic of the approach, a mechanical and rigid introduction of CEFRL in foreign-language universities in Vietnam has actually caused several problems. These include (1) the inconsistency between the levels established by the CEFRL and the organization of teaching/learning; (2) the risk of teaching/learning becoming too "utilitarian" and too function-oriented and (3) excessive attention given to the evaluation and assessment of linguistic knowledge and of performance level rather than on the ability to use various resources as well as to long-term process of competence development. The study results show some possible ways for the development of a referential frame for learning/teaching French in Vietnam. Keywords: CEFRL, teaching/learning and evaluation of French foreign language, pro-fessionalization, Vietnamese context. Povzetek IZZIVI VPELJAVE SKUPNEGA EVROPSKEGA JEZIKOVNEGA OKVIRA NA UNIVERZE ZA TUJE JEZIKE V VIETNAMU V dobi globalizacije je po splošnem mnenju potrebno - če ne že kar nujno - poučevati/ učiti se tuje jezike tako, da sledimo normam, ki jih zastavlja Skupni evropski jezikovni okvir. V članku predstavljamo izzive, ki jih uporaba SEJA predstavlja v vietnamskem kontekstu in analiziramo rezultate študije, s katero smo raziskali programe šestih vietnamskih univerz za tuje jezike. Univerze izhajajo s treh različnih geografskih področij Vietnama (sever, osrednji del, jug). Kljub dinamičnemu pristopu in nekaterim koristnim spremembam bi povsem mehanična vpeljava in uporaba SEJA na univerzah lahko izzvala več problemov, kar se je tudi zgodilo. Zaznali smo naslednje težave: 1) neskladje v prehajanju med ravnmi SEJA in organizacijo poučevanja/učenja, 2) tveganje, da bo poučevanje/učenje postalo preveč utilitarno, preveč funkcionalno in 3) vrednotenje je lahko bolj osredotočeno na preverjanje/ocenjevanje jezikovnih znanj kot na uporabo jezikovnih orodij in na proces dolgoročnega razvoja jezikovnih zmožnosti. Rezultat raziskave nakazuje možne poti za izdelavo referenčnega okvira za vietnamske študente francoščine kot tujega jezika. Ključne besede: SEJO, poučevanje/učenje, ocenjevanje/preverjanje francoščine kot tujega jezika, profesionalizacija, vietnamski kontekst. 484