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Traduites en Franjois Par MADEMOISELLE DE JONCOURT, NOUVELLE EDITION, Revue, corrigee £? augmerdee de courtes Notes Hijloriques. £ n nunc quod pla- cuit fcripere, pb- viis mambusjuf- ccpi. Lcgi avide , libenter rclego, & placet /spins repeti- turn Placet , fa- ieor,jocus. lift enim S’ jucunditate gra¬ ins , & J'erius gra¬ vitate. Nefcio Jiqui- dcm quomodo inter jocandum ita difpo- nitis ftrmones veftros in judicio , ut & jo- cus kvitatem non re¬ dolent , & auHori- las confervata hilari- tatis non minuat gra- team. Porro auttori- tas ita fervatur , ut illud Sanch Viri me- fito vobis pojfit apta- r't: Si quando ri- debam, non crede; bant mini. J ’Ai fc$u avec une extre¬ me joie les Lpttres quo vous avez bien voulu m’6- crire. Je les ai lues avec em- preffement. Je les relis en¬ core volontiers. Et plus je les lis, plus elle me paroif- fent belles. Vos railleries, je l’avoue, me font plaiiir. El¬ ies font agrd-ables & fpiri- tuel’es, & en meme tems fa- ges & judicieufes. Car vous favez li bien allier le plaifant & le ftrieux, que vos raille¬ ries n’ont rien qui reffente la Idgeretd, & que la gravite que vous gardez ne leur fait rien perdre de leur agrd- ment. Cependant vous con- fervez tenement cette gravi¬ te & cette dignitd qui vous convient , qu^on peut vous appliquer ces paroles d'un Saint Hornine : S'il m’arri- voit quelquefois de railkr , Us ne le croyoient pas. St. Bernard, Lett. 228. & Pierre Abbd de Cluny. s Cur cette NOUVELLE EDITION. J ; E prefente cette Nonvelle Edition des Lettres Provinciales , comme la plus complette qui ait en- s®55 'tstJ&rza cgrg p arU ' j' a [ confere beaucoup d'Editions pour parvenir a en donner uneaujji parfaite qne celle-ci. La premiere , qui fut faite fous les yeux de 1 'Auteur , mapajjepar les mains. Quoiquim- parfaite, elle ne mapas ete inutile. Lafe- conde la troifieme ,fort ejlimees des Curieux, furent donnees toutes deux en 1657. par les Elzeviers , qui Id publierent fous le nom de Pierre de la Vallee a Cologne. ye lesai exa¬ minees , & j'ai reconnu la premiere a me le- gere inattention de 1 'Auteur , qui fe trouve tout au commencement de la premiere Lettre, oil il met la Paculte de Paris, an lieu que # dans AVIS SUR CETTE dans la feconde edition du mane de laValle'e on lit la Facuke de Theologie de Paris, ce qui eft plus exadt. Mats les Editions de la Vallee ne con- tenoient pas la XIX. Lettre. II eft vrai quelle nefi pas du meme Jut cur. Comme elle vient cependant d’un Homme tres-refpec- tahle *, & que d'ailkurs el/e a beaucoup de rapport avec les XVIII. Lettres preceden- tes, fai cm quil ne falloit pas la foujiraire au Public. Elle eft trop importante pour ni¬ tre pas he & meditee par ceux qui defirent d'etre mjlruits. . Perfonne n ignore aujourd'hui que ces Let¬ tres , egalement agreables & injlruttives , font de Mr. Pascal , quijoignoit au plus beau & au plus profond genie la vertu la plus fo- lide & la plus epuree. II ndquit a Clermont en Auvergne l'An 1628, & mount a Pa¬ ris V An 1662. On a fa vie ecrite par Ma¬ dame Perrier fa Scour , avec cette fimplicite noble & fage qui eft la marque de la verite. Pour ne parler que des Lettres Pro- vinciales , le Lecteur y vena un genie fublime qui a des graces inimitables , com- * Le celehre Antoine Le Maiftre xAvocat au Parlement fie Paris , de .qui nous civons des Pjaidojers qui etiient en icur terns des mode Us d. Eloquence. NOUVELLE EDITION. comme s’en exprime tin des plus celebres Prelats * de nos jours , qui faifoit fes dslices de ce Livre incomparable. Le Letteur goutera , a fon imitation , tout le plaijir que dome la Mure d'un Ouvrage qui , fans parler de fes autre s avantages , furpajfe en¬ core pour f agrement tout ce qui s’eft fait dans notre Langue. En effet on ne pent s'empe- cher dladmirer dans les X. premieres Let- tres cet heureux naturel , cette raillerie fine fif delicate , qui eft tout ce que nousavons de plus parfait en ce genre. Les VIII. der- nieres font un torrent de cette eloquence -male & vigoureufe , que les plus forts Genies imi- teroient a peine aujourd'hui. Mais comme il y avoit des particularities hiftoriques que Teloignement du terns avoit dejd convenes de quelque obfcurite , on a cm les devoir eclair- cir par des Notes , qui ne fe trouvent point ailleurs , & qui nous ont etc communiquees de Paris par me Per feme de merihe. Je ne dirai quun mot fur la Traduction de Wendrock, ou plutot de Mr. Nicole. On fait que ce Savant accompagna la Traduction qu’il fit des Lettres Provinciales en La¬ tin tres pur, de Iiemarques admirables,quit mils inutilement fous un nom etranger, pane quon * Mr. de FeneJon, lArchevcfue de Cambrai , daw/on Ordonnance de 1704. centre les Cas de Cinfdence. AVIS S U R CKTTE quon rtignora pas long-terns qu'il en etoit rAuteur. Six Editions d’uh Livre Latin qui ne renferme que de la Theologie , montrent bien Fefitme que l'on en faifoit. La Verfion Fran- foife de ces Notes , que l'on a repue avec tant de fatisfattion, vient de Mile, dejoncourc, perfonne d'efprit & de piete , qui joignoit a toates les verius propres a fon Sexe , des connoijfances qui feroient bonneur an no- ire. fai ajoute aujji des Notes a cellos de Wendrock ; elles ne contiennent que des Faiis Anecdotes ou Litter air es ; & j’ai fup- plee ce qui manquoit a /’Histoire des Provinciales & des Notes de Wendrock, dans la Preface qui efi a la fin du V. Arti¬ cle , & par un VI. Article que fy ai infere tout eritier. Dans quelques-unes des Notes far cette Preface, on trouvera quelques Faits pen connus, mats qui nen font pas moins cer¬ tains. Je fais fuivre les Hi. Volumes qui for- ment la Traduction de Mile, de Joncourt, d'un IN. On y trouvera d'abord la XIX. Let- tre , qui eft- trts - importante pour la matu¬ re quelle trade. Apres quoi fuivra Le Ju- gement Equitable fur les Conteftations Doftrinales : Outrage de Mr. Arnauld, qui peut toujours fervir dans les Difputes fur hfquelles on eft quelquefois oblige de fe deter¬ miner . NOUVELLE EDITION. 'miner. J'y ai ajoute les Eciits des Curez de Paris & de Rouen, tels qilils font im- primez dans l'Edition des Lettres Pro- vinciales de la Vallee, avec la Cen- fure du Clerge de France de l’an 1700. fur dijferentes Proportions de Morale. Ces deux Pieces font une des phis belles apologies qne l’on puifje faire des Lettres Provin- ciales. Enfin le IV. Volume eft termine par une Differtation, trh-curieufe & tres- Javante, fur /’Aucorite de la Jurifdi&ion Ecciefiaftique. Elle peut fervir de Com¬ mentate 'a la XIX. Lettre. Mr. Le No¬ ble, a qui on I'attribue , Tavoit publiee en 1690, fous le titre de Bouclier de la Fran» ce ; niais I’annee d'apres il la fit reparot- tre fort augmentee , fous le titre de f Efpric de Gerfon. Cependant Mr. Le Noble navoit pas encore dome toutes les preuves les plus decijives du fentiment de TEglife Galli- cane qu’il y expofe. Je Fai confirms par ce que nous avons de plus folide de plus precis dans la Tradition. Et pour qu’il ne man- quat rien a cette Differtation , j’ai mis a la fin la Lettre de l’Eglife de Liege au fu- jet d’un Bref de Pafcal II. C’efi un de ces monumens precieux qai apprennent aux Fideles la conduite que Ion doit tenir a re¬ gard des Souverains Pontifes qui pajfent les * * homes AVIS sur cette NOUV. EDI TV homes de leur pouvoir , en oubliant ce qu'ih fe doivent a eux-memes, & ce quils doivent aux autres. Ainji voila dans le Wendrock, & dans Je Tome IV, tout ce quon peut raifonnable- ment fouhaitter pour ! eclairci/femcnt des Let- tres Provinciales. Si mon travail Vies foins ont dequoi fatisfaire le Public 3 jen ferai abondamment recompenfe. AVER. AVER TISSEM ENT. D E MADEMOISELLE DE JONCOURT. L A Preface qui fait cet Averdffe- ment,previent tout ce qu’on pour- roit dire fur cet Ouvrage. ffaver- tirai feulement ici, que le Public eft redevable aux Jefuites de la Traduc¬ tion que i’en ai faice. Les Entretiens de Cleandre & d'Eudoxe me firent n ait re la premiere penfee d’y travailler, dans le deffein de la publier. Je crus qu’on n’y pouvoit rien oppofer de plus folide, & que les Jefuites attaquant dans un Livre Francois cet Ouvrage Latin } il etoit bon de le traduire , afin que tout le monde en put juger par foi- meme. La fuppreffion que les jefui¬ tes firent de ces Entretiens , me fit abandonner ce deffein prefque auffi- ** s tot AVEKTISSEMENT. tot que je l’eus congu. Mais une Nouvelle Edition qn’ils en firent pa- roltre il y a quelque terns , & qu’ils repandirent par-tout, m’engagea a re- prendre ce travail. J’avoue neanmoins que VApologia des Provinciates , qui a tke reque avec tant d’applaudiflement, me l’auroit fait abandonner pour tou- jours , fi les entreprifes continuelles de ees Peres ne m’avoient convaincue de la neceffice de l’achever. Je ne dirai rien de la fidelite avec la- quelle j’ai tache de fuivre l’Original Latin. J’en laifle le jugement a ceux qui voudront bien fe donner la peine de le comparer avec ma Verfion. Voi- ci feulement de quoi je crois devoir rendre compte aux Ledieurs. I. J’ai reuni dans un feule Preface les trois qui font au commencement de la Cinquieme Edition de Wendrock. El¬ ies meritoient d’etre lues, parce qu’el- les contiennent une Hiftoire fort exac- te de ces Difputes, & j’apprehendois que leur nombre n’empechat qu’on ne les lut. J’ai cru remedier a cet incon¬ venient, en ne faifant paroitre qu’une Preface, & la divifant en plufieurs Sections, qui en rendent Ja letture plus A VE R TISSEMENT. facile & moins ennuyeufe. II etoit im- poffible , en reduifant ainfi ces Prefa¬ ces , qu’on ne retranchat quelque chofe; mais j’ai tache de conferver tout ce qui etoit effentiel. II. j’ai fupprime entierement I'Aver- tijjement fur les XFIII. Lettres, qui eft a la tete de toutes les Editions des Provinciates , & que Wendrock avoit tra- duit en Latin ; parce qu’il ne contient rien qui ne foit renferme dans la Prefa¬ ce , & dans les Tables qui font au com¬ mencement des Tomes. III. Je n’ai point traduit les deux Appendices touchant la Probability , les trois Difquijitions de Paul Irenee (i), ni (i) Ces Difquifhions parurent in 40. en 1557. fou$ le titre, Difquifitiones fex Pauli Irenai ad prefentes Eccle- fia tumultus fedandos opportune Outre les Editions dti Wendrock on eiJes fe trouvent , elles out encore ere reiraprimees dans Je Caufa Janfeniana que Mr. Arnaulti fit imprimer en Holiande en if»82. Le but de cet Ou- vrage eft de fixer le veritable fens de la Bulle d* Innocent XAxxx. les V. Proportions, & d’ouvrir les voies de par- venir a une paix durable & folide. C’eft pourquoi Mr. Nicole s 3 applique , dit I’Auteur de fa Vie, a. ddmontrer qup. le Janfenifme dont on faifoit tant de bruit , ne'toit qu une herefie imaginaire , & d faire tomber ce mafque que Von ejjdyoit a tous ceux que Von avoit inttrdt de de'erier , Fsf dont on faifoit peur aux ignorans & aux gens pr 6 venus...> En, general ces fix Difquifitions contiennentplufieurspoints de Doc¬ trine traitez avec beaucoup de foliditef des raifonnemens fans nombre avancez avec clarte & prouvezfans repiique\ un grand xiwlrs de fails bi/lgriquss qui fervent k 4slaircir les tl’fpu- f* } scs JFERTISSEMENT. ni les Suffrages des Confukeurs dans l’affaire de Janlenius (i), qui font a la fin de la Cinquieme Edition de Wen- drock. Je n’ai eu deffein de donner que ce qui avoit un rapport plus imme- diat aux Lettres Provinciates. T’ai cm d’ail- Us de ct tems-la. Le file en ejl fort & nerveux ,* les ex¬ pressions font pures , deli cates , & propres d ce genre d’ecrire» (i) Cet Ecrit panic en 1657. in 40. un peu avant les Difquifttions donr on vienr de parler, i'o us ce titre: Tredecim Theologorum ad examinandas K. Propofitiones ab Jnr.ocer.tio X. Sele&orum vota , brevibus animadverjtdnv * bus illujlrata. 11 a ete reimprime depuis le Caufa Jan* feniana. Void I’occaft'on de cet Ouvrage. Innocent X . donna les V. Propofitions a examiner a treize Conful- teurs, qui etoient pour la plupart Religieux de diffe- ibrs Ordres. Ils s*aflemblerent le x. O&obre 1652, Sc refoiurent de donner au Pape leurs avis par e- crit. Leurs fentimens furent partagez. Les uns condam- noient abfolument les V. Proportions. Les autres fe contentoient de les rejetter. Et les troifiemes les jufti- fioient en un fens, & les condamnoient dans un autre. Ces avis furent imprimez a Rome en 16*5. & condam- nez par unDeciet de l’lnquifition, fans l’aveu de laquel- le ils avoient paru. Francois du Bofqust , Eveque de Xodeve & enfuite de Montpellier, qui etoit alors a Rome, apporta un Exemplaire de ces Avis en France. l)eux autres Exemplaires qui vinrent dans le me me terns, firent connoirre cette Piece aux Defenfeurs de St. xAuguflin, Ils crurent devoir les faire imprimer. Mr. Nicole fe chargea de ce foin , & y joignit des Notes ©u des Reflexions , dit l'Auteur de fa Vie, courtes , mah elaires (y folidec. ... En peu de paroles on y voit beaucoup de Thdologie , & un precis tres-exaH des meil - leurs principes fur la Grace fur la fuflice Chrfoienne. Le but de ces Notes eft le meme que nous avons dit que Mr. Nicole fe propofa enfuite dans les Difguifttm* de Paul lren€e % AVER TJ S SE M ENT. d’ailleurs, que quelque excellentes que foient ces Pieces, eiles n’etoient pas neceflaires pour faire connoitre JVen¬ drock, & pour confondre ceux qui ont eu la temerite de l’attaquer. IV. J’ai verifie fur les Auteurs la plus grande partie des paflages citez par JVendrock. Ainfi je dois rendre ici temoignage a fa fidelite. Je n’ai trou- ve qu’un feul endroit oil il paroit qu’il s’eft mepris. C’efl dans les Notes fur la X. Lettre Se&ion VI. Je l’ai remar- que dans l’endroit meme. V. J’ai eu recours aux Auteuts Fran¬ cois citez par JVendrock, afin de mettre dans leurs propres termes les paffages qu’il en rapporte. Quand je n’ai pu trouver ces Auteurs, j’ai eu foin de le marquer. VI. Le dernier avis eft, qu’en lifant cet Ouvrage on ne doit point oublier que JVendrock etoit en Allemagne quand il le compofa, & qu’il y parle toujours comme s’il etoit un Theoiogien Alle- mand , qui ecrit pour l’inftrudtion de fes compatriotes, dans le terns que ces difputes faifoient le plus de bruit en France. Cet avis eft d’autant plus necelfaire, ** 4 qu’il AVE RTISSEMENT. qu’il y a peu de perfonnes qui ne foient prevenues que Wendrock eft le celebre Mr. Nicole , qui fe cacha fous ce nom, comme Mr. Pafcal s’etoit cache fous celui de Montalte. Comme j’ai appris que Ton prepare encore d’autres Editions de cec Ouvra- ge, je fuis bien-aife d’ajouter ici que je n’ai point de part a d’autres qu’a celle- ci & a la premiere; & que s’il y a dans ces autres Editions quelques additions ou quelques changemens, je les defa- voue par avapce. TABLE DES ARTICLES Contenus dans la Preface de Wendrock, P Reface de Wendrock fur la cinquieme Edition de la Verfion Latine des Provinciates , qui con- tient Phijloire de cette Verfion £s? des Provinciates , Tentreprife des Jefuites au Parlement de Bordeaux contre le Livre de Wendrock , & divers avis du meme Wendrock aux Letteurs. Pag. 1 (j. 1. Hijloire des Provinciates. Quel¬ le en fut Poccafion , 0 ? comment Montalte les compofoit. 6 (). 2. Ejfets de la publication des Pro¬ vinciates. Zile des Curez contre la Morale des Cafuiftes. Senti¬ ment de TAffemblec Generate du Clerge fur le meme Jujet. 1 ? JExtrait du Prods Verbal de PAffem- bUe Generate du Clerge de France, 5“ tenu TABLE DES ARTICLES. term au grand Convent des Auguf- tins , es annees 1665. 1(66. £«? 1667. du Jeudi premier jour de Fevrier a buit heures du matin. 23 (). 3. Apologie des Cafuijles. Pour- fuite des Curez pour la faire con- damner. Cenfures des Eveques & de la Sorbonne. 28 C 4. Moyens dont les Jefuites fe fer¬ vent pour defendre PApologie. Fi¬ te eft condamnee a Rome. 40 Entreprife des Jefuites au Par- lement de Bordeaux centre leLivre de Wendroch. 48 C 6. Suite de PHifloire des Lettres Provinciales. 1 12 7. Divers avis de Wendrock aux Le clears. 121 T A- TABLE Des Lettres & des Notes contenues dans ce Premier Tome. I. LETTRE. TXT? disputes de la I J Sorbonne , &de Inexpedient du Pouvoir Prochain , dont les Moliniftes fe J'ervirentpour faire cmclure la CenJ'ure de Mr. Arnaidd, 137 Note I En quel fens Montalte rejette le ter- me de Pouvoir Prochain. 154 Note II. Du Fere Nicolai Dominicain. 156 Note III. De Mr. le Moyne DoSteur de Sor¬ bonne. 15-7 Note IV. Des nouveaux Tbomifles, & des diftin&ions de Mr. le Moyne. 1 6 1 II. LETTRE. De la Grace Suffi- fante. 162 Note I. Du terme de Grace Sufjifante. Qid font les Dominicains que cette Lettre con- damne. 177 Note IT. Surle Sable. 180 Note III. Fourquoi lesjefuites accufent les Thondfies d’etre Calviniftes. _ 181 Reponse du Provincial aux deux premieres Lettres de fan Ami. 182 III. LETTRE. Injujlke, abfurdi- tHy TABLE des LETTRES &c. ^,£5? nullite de la Cenfure de Mr. Arnauld. iS? Note. Oil l'on explique differentes cbofes , dont Vintelligence eft neceffairepour bien com- prendre cette Lettre. 198 IV. LETTRE. De la Grace ac- tuelle toujours prefente,& des Pe- chez d\ignorance. 202 Note I. De la doStrine des Jefuites touchant les bonnes Penftes toujours prefentes , con- damnees par la Sorbonne, par la Facul¬ ty de Louvain. 222 Note II. Refutation de la vaine imagination des Penfees non appercues. 227 Notes Preliminaires fur les Lettres fuivan- tes , qui concernent la Morale. 233 Note i. Quel eft le dejjein de ces Notes. Ibid. Note H. Premiere plainte des Jefuites. Que Montalte leur fait les memes reprocbes que les Heretiques font d I’Eglife. 234 Note III. Refutation de la feconde plainte des Jefuites. Qit’on leur attribue ce quits ont pris des autres Cafuiftes. 244 Note IV. Refutation de la troifieme plain¬ te. Qu'on fupprime les noms des Auteurs que les JeJuites citent en faveur de leurs opinions. St. Thomas falfijU par les Jefui¬ tes. 245 Note V. Des Paffages abregez c? compo- » fez. 250 Note VI. Des Circonftances omifes. 251 V. Let* TABLE des LETTRES &c. V. LETTRE. Deffein des Jefuites en etablffant me nouvelle Mora¬ le. Deux fortes de Cafuifles par- mi eux; beaucoup de reldcbez , & quelques-uns de Jeveres: raifon de cette difference. Explication de la dodrine de la Probability. Fouls' cP Auteurs modernes £3? inconnus mis a la place des SS. Peres. 254, Note I. Ou Dijfertation Tbeologique fur la Probability. 27 6 Section I. On expofe enpeu de mots I’itat de la difpute. On etablit une notion certai- ne des Opinions Probables. On la met dans fon jour, If on demeleles fopbifmes dontles Jefuites ont coutume de I’obfcurcir. Ibid. §. I. Sopbifmes des JJfuites. Eloge des Cu- rez de Paris. Ibid. §. II. Ce que c’ejl qu'une Opinion Probable. 278 §. III. Corollaires qui fuivent de la notion qu’on a itablie des Opinions Probables. 28 r Premier Corollaire. II n’y a point de propofi- tion qui foit probable univerfellement, If a regard de tout le monde. Ibid. §. IV. Second Corollaire. II y a, a bien compter, autant d’Opinions faujjes que de males. 283 §. V. Troifibme Corollaire. Que les Opi¬ nions probables faujjes ne peuvent etre ap- puyees que fur des r opbifmes If fur des rai- fans TABLE des LETTRES &c. fans trompeufes. 2gj §. VI. DiverJ'es conditions d’uile Opinion pro¬ bable tirees du Lime du Pere Jean Perrier Jefuite de Touloufe , par lefquelles les Jefui- tes obfcurciffent adroitement la notion qu’on en doit avoir pour empteber qu’on ne la comprenne. 287 VII. Ce, que c’eft,dans le fens desjdjuites , qu’une Raifon qui n'efi point appuyee fur des Jbphifues. 289 §. VIII Ce que c'eft , felon les Jefuites , que ce Jugement fernie &? arrete qui eft necef- faire pourrendre une Opinion probable. 291 §. IX. Ce que c’ejt qu’une Raifon confidera- ble & folide felon les Jefuites. 292 §. X. Ce que c’ejt, felon les Jefuites , qu'un Homme doEle. 293 §. XI Comment il faut entendre cette dernie- re condition des Opinions Probables ; Qu’el- les ne foient point oppojees d la Raifon evi¬ dent e , ou d V AutoritL 297 §. XII Comment les Jefuites eux-memes af- foibliffent 6? rtdufent d rien cette condition dont on vient deparler. 303 '§. XIII. Sommaire de la doctrine des Jefuites £? des Cafuijles fur la Probability Tam- bourin, imprimi depuis peu par le foin des Jefuites, en explique ingendme%it les exces. 310 Section. II. Examen de cette premiere ma- xime des Probabilifies. Qiie toute Opinion probable , quoique faujje if contraire d la Lot Divine, excuj'e de peebe devant Dieu. 31; TABLE des LETTRES &c. I. FauJJete de cette maxime demontree par St. Thomas. ( __ Ibid. §. II. Preuves de la fauffete du meme princi- pe des Cafuijles par I’Ecriture par les Peres. 320 §. .III. Le meme principe de la Probability J detruit par des Argumens Tbeologiques. 33 r §. IV. Refutation de la principale , ou plu- tot de I’unique raifon fur laquelle les Ca * fuiftes appuyent la furete pretendue de la Probability. 337 §• V. Que fi la doctrine des Jefuites fur la Probability n*eft pas certainement vraie , elle eft trhs-certainement fauffe: Et que ce- pendant on ne pent dire fans folie, qu'elle foit certainement vraie. 342 Section III. On mine encore la Probability par quelques-unes de Jes confequences. 347 K. 1 . Premiere confequence. Ibid. II. Seconde confequence. 349 §. III. Troifteme confequence. 350 §. IV. Quatrieme confequence. 352 §. V. Cinquieme confequence. 353 §. VI Sixiyme confequence. 3 6t §. VII. Des Opinions Probables qui ne font contraires qu’au Droit Po/itif. 365 Section IV. Du fecond principe des Proba- biliftes. Que de deux Opinions contraires il eft permis d'embraffer la moins probable la moins fure 368 §. I Refutation de cette doEtrine par divers argumens. Ibid. §. II. On ote aux Cafuijles tous leurs fuhter- fuges TABLE des LETTRES &c. fuges fondez fur la diflinSlion qu'ils met• tent entre cbofe Probable £? cbofe Douteufe. 376 §. III. Qu 'il ejl impojfible que dans me tga- le probability I'efprit dome aucun conjente- ment. 379 §. IV. Refutation de la definition ridicule que Tambour in donne du D out e. 381 §. V. Refutation de Verreur de Vafquez fur le meme fujet. 383 §. VI. Qu’il y a une grande difference entre juger que des opinions font probables de part & d’autre , & juger de la cbofe meme. 384 §. VII. Que ce jugement qui nous fait dire que deux proportions contradiStoires font probables , n'ote point le doute , mais qu’au contraire il fuppofe un doute veritable. 386 §. VIII. Refutation d'une autre chicane des Jifuites. 389 §. IX. Que dans une probability inigale I'ef¬ prit donne fon confentement d une des pro- pojitions , rejette l’autre. 392 §. X. Que la doStrine que nous venous d’eta- blir ne trouble point la confcience des gens de bien , comme le difent les Cafuijles. 395 §. XI. St. Antonin cite fauffement par les Jefuites en faveur de leur opinion. Quel jugement on doit porter de cet Auteur. 3 99 Section V. On rapporte & refute trois erreurs qui fuivent de la doftrine de la Pro¬ bability. La premiere, qu’il ejt permis d un Tpyologien de donner confeil felon une opi- TABLE DES LETTRES &c. opinion probable qu’il croit certainementfauf- Je. La feconde, qu’il ejl permis de conful- ter plufieurs Cafuijtes jufqu’a ce qu'on en ait trouve un qui reponde comme on le fouhaite. La troifiime, qu’unConfefeur pecbe mortel- lement quand il refufe I’abfolution a des Pi- nitens qui ontfuiviune opinion probable. 404 §. I. Explication refutation de la premie¬ re erreur. Ibid. §. II. Refutation de la feconde erreur . 413 III. Refutation de latroifieme erreur. 421 IV. De Jean Sancius, que les Jefuitesvan- tent comme un des plus Javans Maitres de la Tbeologie Morale. 4 26 Section VI. De Vautoriti qu’ont les Ca- fuijles pour rendre leurs opinions proba¬ bles. 420 §. I. Qiie c’ejl av&c re" fois eftime improbable par des perj'onnespieu- Jes & Javantes. Combien on doit faire pen de fond Jur Vautoriti des Cafuijtes. Ibid. §. II. Qu’il y a des Cafuijtes dont I'approba- tion rend plutot les opinions improbahles que probables. 433 §. III. Qiie les Cafuijtes n’ont pas plus d'auto- rite pour avoir beaucoup ecrit , mais qu’au contraire Jls en ont moins. 43d Note II. Du pen de refpeft que les Jefuites ont pour la doftrine des Peres Jur la Mo¬ rale. Paffages de Reginaldus £? de Cellot Jur ce fujet. '442 Note III. De la doftrine de Filiutius , qui probable a plufieurs Tome I. difpen • TABLE DES LETTRES &c. difpenfe du Jeune ceux qui fe font fatiguez a quelque aElion illicite. 448 RONDEAU A U X RR. PP. JESUITES Sur leur Morale Accommodante. D ■*- x Etirez-vous, Pechez; Vadreffe fans feconde De la troupe fameufe en Efcobars fkonde , Nous laiffevos douceurs fans leur mortelvenin: Onlesgoilte fans crime;& ce nouveau cbemin JMenefans peine au del dans une paix profonde. L’Enfer y perd fes droits. Et fi leDiable en gronde, On n'aura qu'a lui dire : Mlez, Efprit immonde, Depar Bauny, Sanchez, Caiiro , Gans, Tarabourin, Retirez-vous. Mais , 6 Peres flatteurs , /of qui fur nous fe fonde ! Car l’Auteur inconnu qui par Lettres nous fronde , T)e votre Politique a dkowert lefin, Vos, Probabilitez font procbe de leur fin: On en eft revenu , chercbez un nouveau Monde t Retirez vous. P R E- * PREFACE D E WENDROCK, Sur la fixieme Edition de la Verfion latino des Provinciates , qui contient I'hifloire de cette Verfion & des Provinciates , I’en- treprife des Jefuites aa Parlement de Bordeaux , & divers avis du memefVen- drock aux leffeurs. ipiiliJip A reputation que les Provin- L, If ciales avoient dans le monde, Ussissill & l’avantage que l’Eglife en ’miti'sk-ja avo i[; t i r ep ar ] a condamnation qu’elles avoient procuree d’un grand nombre d’erreurs, faifoit defirer a ceux qui avoient du zele pour la purete de ia Morale, qu’on traduifit en latin ces ex- ceJlentes Lettres. XI y avoit iieu d’efpe- rer qu’en fe repandant dans ies pax's ou Tom I A le 2 Histoire le Frangois n’efl pas entendu , elles j produiroient les merries effets qu’elles avoient produit en France. C’eft ce qui me porta a entreprendre cette tra- du£fcion,malgre la difficulteque je com- prenois mieux queperfonne qu’ilyavoit d’y re'uffir. Mais cela meme fut encore une rat¬ ion qui fervit a m’y engager. Car il fe repandoit alors un bruit que d’autres perfonnes vouloient y travailler. Et commeils n’etoient, niaffez habiles dans les deux langues pour reprefenter dans nne verlion Latine toutes les beautez de l’original Frangois, ni aflfez inftruits des difputes dont il s’agifToit pour ren- dre fidelement les penfees de Montalte, il etoit a craindre qu’en le faifant par- ler un langage barbare, ils ne Jui attri- buaflent encore des fentimens tout dif- ferens des liens. Plus il penfe avec juf- telTe & s’exprime avec exactitude fur tous les fujets qu’il traite, plus il y avoit k craindre qu’on n’affoiblit, ou qu’on n’outrat fes penfees & fes expreffions: car pour peu qu’on s’en ecarte , il ell difficile qu’on ne tombe dans l’erreur. Quelques amis a qui je ne pouvois rien refufer , furent touchez des fuites que pour- DES PROVINCIALES. g pourroit avoir cette juffce craince, & me prefferent de prevenir Jes tradu&eurs dont on etoit menace ; contens, fi on ne pouvoit conferver a Montake toute fon elegance dans unelangue etrangere, que J’on confervatdu-moins toute Jafor¬ ce & Ja verite de fes penfees. Us me croyoient en etat de le faire. J’avois fait une etude particuliere des Cafuiftes. J’avois fouvent confere de ces maderes avec Jes pius habiles Doc- teurs de Ja Faculte de Theologie de Pa¬ ris , que j’avois connus pendant le fe- jour que j’ai fait en cette ville : & je reconnois ici que j’en ai tire de grands Jecours pour cet Ouvrage. Je pouvois meme me fervir d’eux pour faire revoir ma traduftion par Montalte, ce que j’ai fait. Et ce grand homme a eu la bonte de l’examiner , d’y corriger beaucoup de chofes, & de l’lionorer de fon apro- bation. Je commenjai done a travailler avec tout le foin dont j’etois capable a cette Verfion, (i) & aux Notes que je crus devoir (0 Mr. Nicole etoit en i«j8 en Allemagne, & y ref- ta /ufiju’a la fin de 1660. Quand fes amis eurenl decide qu’il falloit qu'il entreprit la traduflrion Lati- ne des Lettces de Montalte , il s’y prepara par relire A z Te- 4 Histoire devoir y joindre. Je les fis imprimer pour ia premiere fois a Cologne en 1658. (i) li s’en eft fait depuis plu- fieurs Terence plufieurs fois.- On retrouve en effet dans Wendrock le ftile 8c la delicated’e de cet ancien Comi- que. Cette elpece de ftile mit le tradu&eur en etat de rendre prefque toutes les graces de fon original Mr. Pafcal revit la tradu&ion avant qu'elle devint publi- que. Tous fes amis 8c ceux de Mr Nicole la revi- rent aulfi; &le tradu&eur, docile a leurs avis, ne donna l’Ouvrage que qnand il Teilt rendu conforme aux de¬ firs de tons ceux qu'il en avoir etabli juges. Ce fut fon fe'jour en Allemagne qui lui fit prendre le faux nom de Guillanme Wendrock, 8c foutenir par-tout dans fon Ouvrage le perfonnage d un Allemand qui inftruit fes compatriotes des difputes qu’il y avoit en Fran¬ ce. fi) La rapidite avec laquelle les cinq premieres edi¬ tions de Wendrock furent enlevees en moins de deux ans,font la preuve la plus complette de l’approbation generale que Ton donna a cet Ouvrage. Le depit de ceux qui y etoient attaques n'en fut que plus grand; 8c apres s’etre e'puifes en declamations dans les con¬ ventions particulieres pendant dix huit mois , ils 1 'attaquerent par un Onvrage publie vers la fin de Tan- nee 1659. Il parut done fous le nom de Bernard Srub- rockdes Notes fur les Notes de Wendrock, & les Difqui- fitions de Paul Irenee fous ce titre : Not a in NotaslVH- ielmi Wendrockji ad Ludovici Idomaltii Lilteras , in Difquijitiones Pauli Irenai , inuR& a Bernardo Stubrockio Viennenfi Tbeologo. Colovia (c’eft-a-dire Lion) 1659 Cet Ouvrage fut depuis infere dans la grande Apologie de la Doftrine Morale de la Societe dejefus , imprimee a Co¬ logne en 1672. Le ptetendu Bernard Stubrock n'etoit autre que le P. Honofe Fabri, fameux Philofophe de ce terns la, tres-verfe dans les fubtilites de ia Scholafti- que , 8c tres-celebre par les Ecrits qu J il a faits en fa- ye ir de la Probability. Mais le Public ayant meprife Tt' uvrage de Stubrock, parce qu’il n'oppofoit que des declamations 8c des injures a des faits 8c a des au¬ torites fans replique ; 5 c Mr. Nicole n’ayant pas dai- gne rkor*oxer d§ la moindze xeponlh, le P« Fabri en eut DES PROVINCIALES. 5 fieurs editions. Celle - ci eft \a fixieme, la plus ample & la plus correfte de toutes. Je 1’ai retouchee en plufieurs endroits, & j’ai augmente de pres de la moitie la Diflertation fur la Probabili¬ ty. Je m’etois contente dans Ies Prefaces que j’ai mifes a la tete des editions pre¬ cedences, de marquer quel avoic ete Je deftein de Montalte en ecrivant fes Let- tres , & quel a ete le mien en les tra- duifant & en y ajoutant des Notes. Je n’avois ofe dire que peu de chofes de 1’utilite que l’Eglife pouvoit retirer de ce travail, de peur qu’on ne m’accufat ou de vanite ou de me laifler aller a des conjedhires trompeufes. Mais puifque Dieu Pa beni au-dela de tout ce que j’en pouvois efperer, je ne puis maintenant me difpenfer de faire part aux Ledleurs de tout ce qui eft arrive au fujet de cet Ouvrage. J’efpere qu’ils reconnottront par le recit Ample que j’en ferai, que c’eft Dieu qui en a infpire & qui en a conduit le deflein; qu’ils admireront & loue- cut tint de home, ne voulut jiraais convenir que ce Livre fut de Xui. Le mauvais iucces de cette Pie¬ ce fit prendre d’auttes mefures aux jefuites, comme on is vcica bientot, A 3 6 Histoike loueront fa providence, qui fait fouvent naitre les plus grands evenemens & les plus importans pour le bien de fon Eglife, de ceux qui ne paroifient rien dans leurs commencemens. Je fai que la plupart des faits que je rapporterai font connus, fur-tout en France , de tous ceux qui font inflruits des conteftations prefen- tes Mais ils le fonticibeaucoup moins, & il ne fera pas inutile de les y faire connoitre , & d’en conierver la me'moire a lapofterite. C’eft pourquoi je repren- drai les chofes des l’origine, & les par- courerai le plus fuccinfilement qu’il me fera poffible. §• I- HI81*0IRE DES PROFINC1JLES. Quelle en fut Toccafton , £ 5 ? comment Montalte les compofoit. E deffein que j’avois de donner une verfion de ces Lettresm’ayant obli¬ ge de m’informer exaclement de tout ce qui s’etoitpafie avant & aepuis cette difpute, il m’eil echape peu de faits quiy ayent quelque rapport. Ce que j'ai done appris par des perfonnes dignes de foi, DES pROVINCIAEES. 7 foi,du fujet qui avoitdonne occafion a ces Lettres , c’eft que quand Montalte publia fa premiere Lettre , il ne penfoit a rien moins qu’au differend qu’il a eu depuis avec les Jefuites. Et voici com¬ ment iis me rapporcoient que Ja c.hofe s’etoit paflee. On examinoit en Sorbonne la fecon- de Lettre de Mr. Arnauld, & ces difpu- tes y faifoient l’eclat que tout le monde fait. Ceux qui ne connoifloient pas quel en etoit le fujet, s’imaginoient qu’il s’v agiifoic des fondemens de la Foi, ou au moins de quelque queftion d’une extre¬ me confequence pour la Religion: ceux qui le connoifloient, avoient egalement de la douleur de l’erreur ou etoient les Simples, & de voir de pareiiles contef- tations parmi les Theologiens. Un jour que Montalte s’entretenoit avec quel- ques amis particuliers, on parla par ha¬ zard de la peine que ces perfonnes a- voient dece qu’on impofoit ainfi a ceux qui n’etoient pas capables de juger de ces difputes, & qui les auroient mepri- fees s’ils en avoient pu juger. Tous ceux de la compagnie trouverent que la cho- fe meritoit en effet qu’on y fit atten¬ tion , & qu’il eut ete a fouhaiter qu’on A 4 eflt g Histoire eut pu defabufer le monde. Sur cela un (x) d’eux dit que le meilleur moyen pour y reuffir, etoit de repandre dans' le public une efpece de Fadlum , oil 1’on fit voir que dans ces difputes il ne s’a- gilloitde rien d’importanc &deferieux; mais feulement d’une queilion de mots, & d’une pure chicane , qui ne rouloit que fur des termes equivoques , qu’on ne vouloit point expliquer. Tous ap- prouverent ce deffein , mais perfonne ne s’offroitpour 1’executer. AlorsMon- talte, qui n’avoit encore prefque rien ecrit, & qui ne connoiffoit pas combien il etoit capable de reuffir dans ces fortes d’Ouvrages, dit qu’il concevoit a la ve- rite comment on pourroit faire ce Fac¬ tum , mais que tout ce qu’il pouvoitpro- mettre etoit d’en ebaucher un projet, en attendant qu’il fe trouvat quelqu’un qui put le polir, & le mettre en etat de paroitre. Voilacommeil s’engagea fimplementj ne penfant pour lors a rien moins qu’aux Provin- (i) Ce fut Mr. Arnauld lui-merne qui dit que la choie ne meritoit pas d etre traitee ferieufement aux yeux du Public. il ajouta qu’il n’y avoit que Mr. Pal cal qui tur capable d’en faire le fujet d’un agrea- ble badinage. DES PROVINCIALES p Provinciates. II voulut le lendemain travailler au projet qu’il avoir promis; mais au lieu d’une ebauche, il fit tout de fuite la premiere Lettre , telle que nous 1’avons. II la communiqua a un de fes amis, qui crut qu’on devoir 1’im- primer inceflamment; ce qui fuc exe¬ cute. Cette Lettre eut tout Ie fucces qu’on pouvoit defirer. Elle fut lue par les favans & par les ignorans. Elle pro- duifit tout le bien qu’on en attendoit. Elle eut encore un autre efFet auquel on n’avoit point penfe. Elle fit con- noitre combien le genre d’ecrire que Montalte avoit choifi,etoitproprepour appliquer le monde a cette difpute. On vit qu’il forfoit en quelque forte les plus infenfibles & les plus indifFerens a s’y interefier , qu’il les remuoit, qu’il les gagnoit par le plaifir, & que fans avoir pour fin de leur donner un vain divertiflement, il les conduifoit agrea- blement a la connoifiance de la verite. Ainfi Montalte , pour trouhler un peu le triomphe des Moliniftes, qui ve- noient enfin de conclure la Cenfure, fit prefque avec la meme promtitude la fe- conde , 1 a troifieme, & la qaatrieme A f Let- 10 Histoire Lettre, qui furent regues avec un plus grand applaudilfement. II avoit deffein de continuer a expliquer la raeme ma- tiere. Mais ayant mis, je ne fai par quel mouvement, a la fin de la quatric- me Lettre, qu’il pourroit parler dans Ja fuivante de la Morale des JeTuites, 11 fe trouva engage a le faire. (r) Lorfqu’i! fit cette promeffe, il n’etoit point encore allure, comrae il l’a fou- vent dit lui-meme, s’il e'criroit effefti- vement fur ce fujet. Il confideroit fen- lement que li apres y avoir bien penfe, on jugeoit que ce travail fut utile a l’£- glife, il n’y auroit rien de plus facile que de fatisfaire a fa promefle par une ou deux Lettres: & que cependant ii n’y avoit point de danger d’en menacer les Jefuites, & de Jeur donner I’allar- tne; afinquefila raifon n’avoit aucun pouvoir fur eux , la crainte leur don- nat du-moins plus de retenue. En ft) On avoit deffein de combattre dans les formes la Morale des Jefuites. Ce fut Mr. Arnauld qui fit mettre ce mot a la fin de la quatrieme Lettre, afin d’engager par-la Mr. Pafcal dans cette efpece de com¬ bat. Il avoit toujonrs dit qu’il n’y avoit qu’un moyen d’att.iquer avec fucces la Morale des Jefuites, qui etoit ae la tourner en ridicnle. Les fuites ont fait voir combieu Mr, Arnauld avoit penfg jufie, des Provinciales. II En effet il penfoit fi peu a executer cette promelle, qu’il avoit faite plu- tot par hazard que de deflein preme- dite, qu’apres meme avoir excite par-la 1’attente du public, qui fouhaitoic avec impatience de le voir expliquer la Mo¬ rale des Jefuites, il delibera long-tems s’il le feroit. Quelques perfonnes de fes amis lui reprefentoient qu’il quitoit trop tot la matiere de la Grace; que le monde paroiffoit difpofea fouffrir qu’on Pen inflrulxt, & que le fucces de fa derniere Lettre en etoit une preuve convaincante. Cette raifon faifoit beau- coup d’impreffion fur lui. Il croyoit pouvoir traiter ces queflions, qui fai- foient alors tant de bruit, & les deba- raifer des termes obfcurs & equivoques des Scholaftiques , des vaines chicanes de mots, & de tout ce qui reflent la chaleur de la difpute. Il efperoit, dis- je , les expliquer d’une maniere fi aifee & fi proportionnee a l’intelligence de tout le monde, qu’il pourroit forcer les Jefuites memes de fe rendre a la ve- rite. Mais il n’eut pas plutot commence a lire Efcob ar avec un peu d’attention, & a parcourir les autres Cafuiftes, qu’il ne i-t Histoire ne put retenir Ton indignation contre ces opinions monffcrueufes , qui font tant de deshonneur au Cnriftianifme. II jugea qu’ii n’y avoitriendeplus prefle que d’expofer a la vue du public des re- lachemens fi horribles,& enmeme terns fi ridicules & fi deteftables. II crut de¬ voir travailler a les rendre non feule- raent la fable, mais encore l’objet de la haine & de l’execration de tout le monde. C’efl a quoi il s’appliqoa de- puis,par le feul motif de fervir l’Eglife. II ne compofa plus les Lettres avec la mdme vitefle qu’auparavant; mais avec une contention d’efprit, un foin, & un travail incroyable, II etoit fouvent vingt jours entiers fur une feule Lettre. II en recommenjoit meme quelques- unesjufqu’a fept ou huit fois,afin deles porter au point de perfedlion ou nous les voyons. On ne doit point etre furpris qu’un efprit auffi vif que Montalte ait eu cette patience. Autant il a * de vivacite, autant a-t-il de penetration pour decou- vrir les moindres defauts dans les Ou- vrages * II ttejl mere Vue le ij, Awt ISS* , & teei eft cent en DES PROVINCI ALES* I\$ vrages d’efprit: fouvent a peine trou- ve-t-il fupportable, ce qui fait prefque 1’admiration des autres. De plus la matiere qu’il traitoit, avoit fes difficultez particulieres. II falloit reunir comme dans un feul corps, un grand nombre de paflages tirez de di¬ vers Auteurs, & de differens endroits dans les memes Auteurs, & les Her d’u- ne maniere naturelle & qui n’efit rien de force. 11 falloit foutenir le cara&ere du Jefuite qu’il fait parler dans fes Lettres, ce qui demandoit de grandes precautions. II falloit de meme con- feryer celui de 1’autre perfonne du Dia¬ logue , c’eft-a-dire de Montalte lui- meme, qui ne devoit pas aprouver groffierement les fentimens du Jefuite, ni auffi les condamner trop ouverte- ment,pour ne pas rendre le jefuite plus referve a decouvrir les relachemens de fes Cafuiftes. Montalte compofa done ainfi fes fix premieres Lettres fur la Morale des Je- fuites. Comme il y avoit renfermd leurs principals maximes, & que ces Lettres avoient eu tout le fucces qu’il defiroit , il avoit refoiu de finir a la duietne, &defuivreie confeil de fes amis 14 Histoire amis, qui l’exhortoient a ne plus e'crire. Mais l’importunice des Jefuites lui arra- cha encore, comme malgre lui, les huit Lettres fuivantes. Eiles ne font pas moins elegantes ni moins chatiees que les precedences ,11 on en excepte la feizieme, qu’il fe hata de publier, com¬ me ii le temoigne lui-meme, a caufe des recherches qu’on faifoit ehez les Impri. meurs. (i) Cette Lettre ell done plus longue qu’il ne fouhaicoit, mais je ne crois pas qu’elie le foit Crop pour les ledteurs. A 1’egard des deux dernieres, fi elles ne font pas auffi concifes que les autres, ce ne fut pas manque de terns: mais il ne put, quelque peine qu’il prxc, expliquer en moins de paroles la ma- tiere qu’il y traite. Elies font au relle tres-polies & fort travailie'es, & fur-tout la dix-huitieme, qu’on m’a die lui avoir donne (i) Pierre le Petit ,celebreLibraire 8c Imprimeur du Roi, 8c ami particulier de Mrs. de Port-Royal, fut ce- lui qui Ce chargea d’imprimer les Provinciales. Ce fut pour cet Ouvrage qu’il commen^a a fe fervir d’u- ne efpece d’ancre dont on a perdu le fecret avec lui. Elle prenoit au papier fans qu’il fut befoin de le faire tremper, Sc fechoit au moment meme; enforte qu’on tiroit ordinairement ces Lettres la nuit meme du jour qu’on les devoir diftribuer. Elies furent pour la plupart imprimees dans un de ces Moulins qui font a Paris entre le PontNeuf Sc le Pont au Change. Pre¬ caution qui rendit routes les recherche* in utiles. DES PrOV INC TALES. If donne plus de peine que toutes les au* tres. $• I I. EFFETS DE LA PUBLICATION Zcle des Curez contre la Morale des Ca- fuijles. Sentimens de V AJfemblee gene¬ rate du Clergd fur le meme fujet. E grand applaudiffement & 1’appro- bation univerfelle que ces Lettres re^urent en France, vint pardculiere- ment de ce qu’il y a peu de gens dans ce Royaume qui foient prevenus & in- fedlez des fendmens des JeFuites. Le credit de ces Peres eft grand, & s’etend par-tout ; mais leur dodlrine ne s’eft pas repandue de meme. Ils ne debi- toient leurs maximes que dans le coin d’un College. S’ils les repandoient dans de gros volumes, perfonne ne les lifoit. Ils s’en fervoient a-la verite a la ruine de queiques ames, dans les tribunaux /ecrets de la Penitence ; mais cepen- dant, le refte de l’Eglife Fe conduifoit toujours Felon Fes regies. EUe confer- des Provinciales. voic 16 H I S T 0 I R E voit les memes fentimens de piete qu’el- le a apris des Peres, & les Pafteurs en faifoienc le fujet ordinaire de ieurs inf- trufilions publiques. Voila quelle fut la caufe du fouleve- ment general que les Lettres de Mon¬ take exciterent d’abord en France. Tout le monde eut horreur des opi¬ nions monftrueufes qui y font rappor- tees. A peine meme pouvoit-on croire, en les voyant de fes propres yeux , qu’elles fufient jamais venues dans l’ef- prit de Theologiens Catholiques. Telle etoit la difpofition, non feulement du Peuple & des Simples, mais encore de la plus grande partie des Ecclefiafti- ques , des Religieux, & principalement des Curez, qui par un bonheur particu- lier a la France, ne fe conduifent pref- que point par les decifions des Ca- fuifles. Les Curez de Paris, celebres dans tout le Royaume par leur fcience & par leur piete,& qui font la plupartDofteursde Sorbonne,furent les premiers a s’elever publiquement contre ces exces. Mr. RoulTe, Cure de Saint Roch, leur Syndic, venerable par fon merke.parfonfavoir, & par fon grand age, en fit de grandes plain- DES PUOVINCIALES. 17 plaintes dans leur affemblee ordinaire du 1 i. Mai 1656. II fat d’avis que la compagnie chargeaf quelques-uns d’en- tre eux de verifier fur les Livres des Cafuiftes, les propofitions rapportees parMonta!ce;afin de demanderen corps la condamnation de fes Lettres, 11 ces propofitions n’etoient pas veritable- ment des Auteurs auxquels il les attri- buoit, ou la condamnation des Cafuif* tes, 11 elles en etoienc fidelement ex- traites. Mais conime il y avoic en ce tems-la des troubles dans le Diocefe touchant la jurifdidlion de l’Archeve- que, ce delfein ne put avoir alors fon, effet, & ils furenc obligez d’en differer l’execution. Cependant les Curez de Rouen com- mencerent a temoigner le meme zele eontre ces nouveiles opinions. Mr. 1’Ab¬ be d’Aulney, alors Cure de Saint Ma- clou , les combattit avec beaucoup de force dans quelques-uns de fes Sermons, Les Jefuites s’en offenferent etrange- ment, quoiqu’il ne les eut point nom- mez. Ils fe liiirenc tons en mouve- ment, ils menacerent* ils firent grand bruit. Enfln le P. Brifacier, Refteur de leur College de Rouen, poulla les chofes Tme 1, B Ci j8 Histoire fi loin, qu’il prefenta requete a Monfei- gneur l’Archeveque contre l’Abbe, comme fi en decriant les Cafuiftes il efit calomnie la Societe. Mais ces bons Peres ne prevoyoient pas la tempete que cette demarche inconfideree devoit leur attirer. Car tous Jes autres Curez de la ville fe joignirent aufli-tot a leur confrere, comme attaque dans une caufe oil ils avoient un interet commun. Ec voici ce que l’un d’entre eux rapporte du commencement de leur procedure, dans une Lettre qui a ete imprime'e. „ Pour proceder, dit-il, muremenc „ en cette affaire, & ne s’y pas enga- ,, ger mal-a-propos,les Curez de Rouen „ delibererent dans une de leurs aflem- blees , de confulter les Livres d’ou 1’on difoit qu’etoient tirees Jespropo- fitions & les maximes pernicieufes que Mr. le Cure de Saint Maclou avoit ddcriees dans fes Sermons, & d’en faire des recueils & des extraits fideles: afin d’en demander la con- damnation par des voies canoniques, fi elles fe trouvoient dans les Cafuif¬ tes , de quelque qualite & condition qu’ils ffiflent: & fi elles ne s’y trou¬ voient pas , abandonner cette caufe, » & 3 > EES PROViNClALES. 19 ,, & pourfuivre en meme terns la cen- ,, fure des Lettres au Provincial qui ,, alleguoient ces dodlrines, & qui en „ citoient les Auteurs. Six d’entre eux ,, furenc noramez par la compagnie j, pour s’employer a ce travail, ils y „ vaquerent un mois entier avec route „ la fidelite & l’exaftitude poffible: ils ,, chercherent les textes allegueZ, & ils „ les trouverent dans leurs originaux 3, & dans leur fource mot pour mot 33 comme ils etoient cottez: ils en fi* „ rent les extraits ,&raporterentle tout „ a leurs confreres dans une feconde „ aflemblee, en laquelle, pour une plus ,, grande precaution, il fut arrete que ,, ceux d’entre eux qui voudroient etre ,, plus eclaircis fur ces matieres , fe 3, rendroient avec les Deputez en un ,, lieu ou etoient les Livres pour les 3, confulter derechef, & en faire telle conference qu’ils voudroienc. Cet „ ordre fut garde, & les cinq ou fix ,, jours fuivans, il fe trouva jufqu’a dix i, ou onze Curez a la fois qui firent en- j, core la recherche des paflages, qui 3, les collationnerent fur les Auteurs, & en demeurerent fatisfaits. Pou- „ voii on apporter plus de circonfpec- B 9, „ tion 20 Histoire tion en cette procedure? &c. Apres cet examen les Curez deman- derent par une requete, qu’ils prefente- rentaleur Archevequey la condamna- tion de ces maximes corrompues. Mais ce Prelat jugea a propos de renvoyer eette affaire a l’Affemble'e ge'nera Ie da CJerge, qui fe tenoit alors a Paris. Cependant les Curez de Paris pen- foient de leur c6te aux moyens qu’ils prendroient pour arreter cette conta¬ gion. I Is re§:urent dans le meme terns une Lettre de ceux de Rouen, qui les prioient de les ajjifier de leurs confeils , & d'intervenir avec eux pour la defenfe de i'Evangi/e. Non feulement ils fe joigni- rent a eux, mais ils voulurent encore examiner par eux-memes les Livres des Cafuiftes. Ils firent des extraits des plus dangereufes proportions, & en demanderent la condamnation, premie- rement au Grand Vicaire de Monfei- gneur 1’Archeveque de Paris, & enfui- te par fon ordre a l’Affemblee generate du Clerge. Et afin de donner plus de poids a leur requete, ils 1’appuyerent de I’intervention d’un grand nombre d’autres Curez des villes les plus confi* derabies du Royaume , qu’ils ayoienc ex- BES PrOVINCIALES; 21 exhortez a s’unir a eux. Ils en avoient eu des procurations en bonne forme, qu’ils confervent en original dans leurs regiftres, comme ils le temoignent eux memes dans leur feptieme Ecrit, qui eft intitule Journal. On peut voir ces Ecrits qui ont e'te imprimez avec leur Remontrance a Vdf- femblee generate du Clerge, & les extraits qu’ils firent des proportions des Cafuif- tes. Et on doit moins regarder ces extraits comme un fimple recueil, que comme une cenfure qu’ils en faifoient eux-memes. Car ils ne pouvoient de- noncer aux Eveques ces propofitions comme condamnables, & en folliciter la condamnation, qu’ils ne les euffent jugees auparavant dignes de cenfure, & a’une cenfure telle qu’ils la deman- doient. Or qui peut douter que ce ju- gement unanime de tous les Curez d ? u- ne Eglife auifi eclairee que celle de Paris ne flit d’un tres-grand poids, fi on con^ fidere fur-tout que c’eft auffi celui, non feulement des Curez de Rouen qui avoient commence le proces, mais encore de plufieurs autres Curez du Royaume qui s’etoient joints a eux? Ainfi ceux qui compofent le fecond B | ordre 22 HlSTOIRE ordre dansleSacerdoce ayantcondamn^ par avance la doftrine des Jefuites & des Cafuiftes, & toutes ces mauvaifes maximes qne Montalte rapporte dans fes Lectres , il ne manquoit plus rien pour Jes exterminer entierement, finon qu'elles fuffent auffi condamnees par ceux qui ont la plenitude du facerdpce & de Pautorite, c’eft-a-dire par les Eveques. On avoit tout lieu de l’efpe- rer de la difpofition dans 1 aquelle on voyoit les Prelats les plus confiderables de PAfTemblee , & des fentimens on to us les autres temoignoient affez ou- vertement qu’ils etoient. Mais le peu : de terns qui refltoit a PAfTemblee qui etoit pres de fe feparer, ne lui permit pas d’entrer dans Pexamen de tant d’Auteurs. Au refte fi eJJe ne put pas fatisfaire pleinement les defirs des Cu- rez & des Eveques, en condamnant folemnellement ces erreurs, elle voulut leur donner au-moins un prejuge de ce, qu’elle auroit fait, & faire eonnoitre a touts PEglife quels etoient fur cela fes fentimens j en ordonnant qu’on im- primat aux depens du Clerge les Inf- truftions de St. Charles Borrom do.,pour m^ta, par-la, comme elle le temoigne. ell^ DES PROVINCIALES. 23 elle-meme , le court de cette pejie des con - fciences. Void ce qu’on .en trouve dans le Proces Verbal. EXTRAIT DU PROCE'S VERBAL de I'AJfemblee generate du Clerge de France tenue an grand Cou-vent des Au¬ gustins es annees 165^. 1656. 1657. Du jeudi premier jour de Fi-vricr d huit heures du matin. Mgr. 1 ’Archeveque de Narbonne Prefident. j, jTR. de Ciron a dit que fuivant „ jLVjl l’ordre de l’Aflemblee, il avoit „ fait venir de Touloufe le Livre des Inftruffions pour les Confefleurs „ dreflees par Sc. Charles Borromee,& „ tradui: en Franjois par feu Monfei- „ gneur 1 ’Archeveque de Touloufe, „ pour la conduite des Confefleurs de „ fon Diocefe. Et plufieurs de Meflfei- ,, gneurs les Prelats qui ont lu le-dic s , Livre, ayant reprefente qu’il feroit j, tres-utile, & principalemenc en ce ,, terns ou Ton voic avancer des maxi- ,, mes fi pernicieufes & fi contraires a „ cedes de 1 ’Evangile, & oil il fe cool¬ ly „ met- $4 H JSTOiRI „ met tant d’abus en l’adminiftratiott 3 , du facrement de Penitence , par la „ facilite & l’ignorance des Co.nfef- ,, feurs: l’Aflemblee a prie Mr. de Ci- ,, ron de prendre foin de le faire im- „ primer, afin que cet Ouvrage, co’m- 3 , pofe par un fi grand Saint avec tant „ de lumiere & de fagefle, fe repande ,, dans les Diocefes, & qu’il puifle „ fervir comme d’une barriere pour „ arreter le cours des opinions nouvel- „ les, qui vont a la deftruftion de la „ Morale Chretienne. ’’ On ne peut defirer de preuve plus Evidence* du fentiment de 1’AfFemblee generale du Clerge. Cependant com¬ ine les Jefuites ont tache de l’affoiblir, en avanjant dans des Ecrits publics que la Lettre circulaire qu’elle adreffa fur ce fujet a tous les Eveques de France, & qui eft a la tete des Inftru&ions de St. Charles, eft une piece fubreptice , fans., aveu , fans ordre , Jans autorite ; il ne fera pas inutile, pour confirmer davan- tage la verite d’un temoignage de ft grand poids, de raporter encore id les temoignages particuliers de quelques Pyelats de cette AfTemblee, que les Curez de Paris produifirent des ce terns-la centre BES PrOVINCIALES. 2f eontre les Jefuites. Void done com¬ ment ils en parlent dans leur huitieme Ecrit. ,, Vous favez , Mon Reverend Phe s ,, difent-ils au P. Annat, ce que Mr. djs. ,, Ciron a ecrit a Tun de nous. J’ai vu. ,, toujours Mefleigneurs les Prelatsfort „ difpofez a condamner toutes ces „ maximes diaboliques qui one paru „ dans les extraits. Et l’horreur que ,, tons en temoignoient, faifoit bien ,, paroitre qu’ils n’etoient retenus que „ par !e peu de loifir,& par la necefli- ,, te qu’on avoit de conclure une ii Ion-; ,, gue aflemblee. En verite il me fem- „ ble qu’il ne faut que croire en Dieu, ,, & n’avoir pas renonce aux premie- „ res notions du Chriftianifme, pour a- „ voir en execration une telle morale. ,, Je m’eftimerois heureux de la pou- „ voir noyer dans mon fang. Mais puif- ,, que je n’ai que des defirs fort inuti- „ les pour le foutien d’une caufe aufli „ jufte & auffi fainte que la votre , je ,, vous fupplie d’agreer que je joigne „ mes veeux & mes prieres a vos illufi ,, tres travaux , & que je dife, Exurge J3 DEUS, JUDICA CAUSA1H TUAM. : „ Fous n'lgnorezpas non plus, (ce font B S „ tou- £<5 Histoire ,, toujours les memes Curez qui par- ,, lent au P. Annac) ce que nous en a e- ,, crit Mr- I'Eveque de Confer ans en ces „ termcs. Vous avez ete Jes premiers ,, qui avez ete touchez de l’oucrage „ qu’alloit recevoir par cecte Morale „ funefbe toute 1’Eglife du Fils de Dieu. „ Je fuis temoin de ce cri charitable de „ votre gemiffement, qui vint frapper ,, l’oreille de ces Peres aflemblez en la „ derniere Aflemblee du Clerge, oil j'a- ,, vois l’honneur d’etre un desDeputez. ,, Vous leur en portates les plaintes. ,, Elies emurent leurs coeurs fenfible- ,, ment. Et je fai que fans l’obligadon ,, qui les engagea pour-lors de fe fepa- ,, rer, leurs deliberations euffent con- „ firme toutes les voices farce fujet,& „ qu’ils eMent profcrit par une cenfure „ pubhque cette do&rine de relache- ,, ment & d’iniquite. Toute la Pofhe- „ rite Chretienne benira votre zele , „ &c. „ Enfin vous pourrez apprendre ce que ,, Mr. I'Eveque de Fence vient de timoi- ,, gmr a toute la France , dans fa nouvelle ,, Cenfure centre votre Apologie , publiee 3 , dans fun Synods des le dixieme Mai , oit ,, il femble avoir prevu la fuppofition par DES PrOVINCIALES, 27 j, laquelle vous avez voulu noircir V JJfem- ,, bice , en pretendant qu'elle etoit demeu- ,, ree indifferentc d la vue de vos exces. „ Void Jes paroles. Dans ia derniere ,, Affemblee du Clerge tenue a Paris en ,, 1’anne'e 1656, Ies Curez de la ville de „ Rouen que Monfeigneur leur Arche- „ veque y avoit renvoyez , & ceux de „ Paris, prefenterent un Extrait de plu- „ fieurs propofitions tirees de quelques „ Cafui/tes modernes, alin qu’il lui plflt ,, de les examiner. La lediure fit hor- „ reur a ceux qui I’entendirent, & nous ,, fumes fur le point de nous boucher ,, les oreilles , comrae avoient fait au= ,, trefois les Peres du Concile de Nicee 5, pour n’entendre pas les blafphemes ,, d’un Livre d’Arius. Chacun fut en* ,, flamme de zele pour reprimer l’auda- „ ce de ces malheureux Ecrivains, qui „ corrompent fi etrangement les maxi- v mes les plus faintes de l’Evangile, & ,, introduifent une Morale dont d’hon- „ netes Payens auroient honte , & de „ bons Turcs feroient fcandalifez. Mais 3 , comme l’Aflemblee fe trouva fur fa „ fin, & qu’il etoit impoffiblede lire tous ,, ies Auteurs alleguez, afin de pronon- ,, cer un jugement avec connoilfance Sc „ fans 2 $ Histoiki ,, fans aucune precipitation, on s’avifii „ fur la propofition de Mr. l’Abbe de „ Ciron Chancelier de l’Univerfite de ,, Touloufe , perfonnage de favoir <% „ de piece, de faire imprimer aux de- „ pens du Clerge , Jes inftruftions de „ St. Charles Borromee, Cardinal &Ar- ,, cheveque de Milan, aux Confefleurs ), de fon Diocefe ; & on jugea qu’at- ,, tendant que les Prelats puflent pour- ,, voir a un mal fi preffant par des Cen- ,, fures juridiques , ce Livret pour- „ roit fervir de quelque digue au tor- 3, rent des mauvaifes opinions qui rui- noient la Morale Chredenne 5. III. jipdogie des Cafuifles. Pourfuites des Ctt« rex pour la faire condamner. Cen fures des Eveques & de la forborne. C Ette affaire ne fut pas alors pouffe'e plus loin , ainfi les Jefuites eurent feufement la douleur de voir la Morale des Cafuiftes condamnee en plufieurs manieres par l’Eglife. Car quoique cette condamnation retombac affez vifi- blement fur eux, cependant ils n’avoien,t point bes Provincial!; s! point ete condamnez nommement.C’eft pourquoi, apres etre fords fi heureufe- ment d’un fi grand peril, ils devoient, s’ils efilfent eu encore s je ne dis pas quelque refte de pudeur , mais un pen de prudence , ne pas s’attirer de nou= veau lahaine & Pindignation du public. Rien ne leur etoit plus faeile. Ils n’a- voient qu’a garder le filence. Perfonne ne les eut attaquez. II y avoit long- tems que Montalte avoit cefle d’ecrire. Les Curez n’avoient pas dellein non plus de rien entreprendre de nouveau. Mais la Societe fe eonfiant follement dans fes propres forces, s’imagina qu’il n’y avoit plus rien a craindre pour elle depuis que l’Aflemblee generale du Clerge etoit feparee. Elle ne put done s’empecher de faire eclater fon reflentiment centre Montalte , & de faire tous fes efforts pour retablir l’honneur de fes Cafuiftes, qui dtoient devenus estremement me- prifables depuis ce qui venoit de fe paf* fer. Dans ce deflein elle chargea un de fes Ecrivains de faire fapologie des Ca¬ fuiftes. On fait que cet Ecrivain eft Je P. Pirot. Non feulement le bruit public Ini attribua cette apologie des-qu’elle paruc j mais les Jefuites mCmes* font avoue |o Histoire avoue depuis, & !es Curez de Paris !e rapportent dans leurs Ecrics. Or le choix feulqu’elle fit d’un tel Apologifte, fait aflez voir combien elle eft deftituee de gens qui foient en etat d’ecrire d’une maniere un peu fupportable. Car fi ja¬ mais homme fut incapable d’un Ouvra- ge fi important , c’etoit afiurement le P. Pirot. II n’a ni facilite pour ecrire, ni elevation d’efprit, ni jugement, ni fcienee, ni meme aucune connoifiance des cho/es ies plus communes. Toutfon merite confifte a difcourir fans fin de ce qu’il ne fait point, a ofer avancer les calomnies les moins vraifemblables, & a foutenir effrontement les opinions les plus faufles & les plus horribles. Enfin c’eft un autre P. Brifacier , tant leuf genie & leur fort font peu diflerens; fi ce n’eft que celui-ci a ete un peu moins maltraite que le P. Pirot. Cependant les Jefuites, fiers de ce beau projet, ne purent le tenir fecret; & comme s’ils euflent ete afiurez de la vidtoire avant meme que le Livre fut acheve,ils s’en vantoient publiquement & en triomphoient par avance. Lorf- qu’il fut en etat d’etre imprime , ils en demanderent le privilege a Mr. le Chan- celier BES PROVINCIATES. 3f celier, & l’approbation aux Do&eurs L’un & l’autre leur fat refute. Ils ne changerent pas pour ce 3 a de delfem; & far la fin de 1’anne'e 1657, firentenfin paroitre leur Apologie. Et pour n’etre pas fruflrez de la gloire qu’ils en efpe- roienc, ils eurent foin de la debiter eux- memes dans leur College de Clermont a Paris. Ils en faifoient des prefens aux principaux Magiftrats. Ils la louoient par-tout. IIs en parloient a leurs amis, comme du plus excellent Ouvrage qui efit paru depuis les conteteations. Mais on ne les laifla pas long-tems dans cette agreable erreur. II s’eleva un murmure fecret, auffi-tot que ce Livre parut. Le public en temoigna enfuite ouvertement fon indignation. Enfin les Curezde Paris &de Rouen fejoignirent enfemble pour le refuter, & pour lede- ferer aux Puiflances Ecclefiaftiques. Tout cela changea bien-tot les applau- diffemens que les Jefuites fe donnoient a eux-memes, dans une inquietude ter¬ rible de ce qui arriveroit. Car ces fa- vans Curez n’eurent pas plutot reconnu qu’on foutenoit de nouveau dans cette Apologie les maximes pernicieufes done ilsavoient demande la cenfure aux E- ve- 32 H I S T 6 I it E Veques , qu’iis fe crurent obligez de fe* courir l’Eglife dans un peril fi preffanti 11s s’en renairent les denonciateurs $ ceux de Paris aupres des Grands Vicai* res, & ceux de Rouen aupres de leur .Archeveque * & en demanderent l’exa- men & la condamnation. Peu de terns apres laSorbonne,exci- tee par les plaintes que l’on faifoit de toutes parts contre ce Livre, prit auffi la refolution de J’examiner. Les Jdfuites commencerent alors a avoir autant de crainte d’etre condam- iiez de tous cotez , qu’iis avoient eu d’efperance de triompher de leurs ad* Verfaires. Ils voyoient que les Ecrits dgalement folides & dloquens que pu- blioienc les Curez de Paris de Rouen , faifoient connoitre a tout ie monde les erreurs, l’ignorance & la temerite de leur i^ologifte, & fon impudence ai eorrompre les paflages des Peres. Cependant ils neperdirent point cou¬ rage. Et il faut avouer que ce fut une fcene affez divertiflance pour le public, que de voir les differens mouvemens qu’iis fe donnerent dans cette conjonc- ture. Tantdt ils vouloient fe taire, & tantdt ils vouloient ecrire. Queiquefois DES PltOVlNCIALES. 33 i?s menagoient, & enfuite on les voyoic fupplians. Mais leur but principal etott toujours de brouiller, & de fufciter de nouveaux troubles. Neanmoins ils.tournerent leurs plus grands efforts da cote des Paiffances, qu’ils effayerent de fe rendre favorables- Mais foit qu’elles fe trouvaflent impor- tunees de leurs entreprifes, foit que la prudence ne leur permit pas de fe de'- elarer les protecteurs d’une morale fi decrie'e , le credit & la faveur qui ac- compagnent toujours les Jefuites aupres des Grands, les abandonna dans cette occafion. Ainfi ils fe fentirent tout a coup depourvus dufeul appui par lequei ils s’etoient foutenus jufques-la. Ils fe virent expofez a plufieurs dilgraces, qui ne pouvoient etrequetres-fenfiblesades gens fl delicats. Elies leur auroient neanmoins ete plus utiles qu’a perfonne, s’ils edffent pu fupporter patiemment l’amertume falutaire de cette correc¬ tion , au lieu de s’emporter comme des phrenedques contre eeux qui vou- loient les guerir. L’Eglife Gallicane trouva done enfin un terns propre pour faire paroitre com- bien elle avoit en horreur les maximes ‘Tome I. C abo- 34 Histoire abominables des Cafuiftes. Elle com- men§a a s’elever de toutes parts avec li« berte contre ces opinions monftrueufes. Elle les attaqua par les Ecrits de fes Theo- logiens, & par les Remontrances de fes Curez. Elle les ruina enfin par les cen- fures juridiques, & les condamnations rigoureufes qu’en firenc la plupart de fes Eveques. Mr. 1 ’Eveque d’Orleans & Mr. l’Eve- que de Tulle ont, cette gloire particulie- re, d’avoir ete les premiers de tous les Prelats qui ayent condamne l’Apologie. Celui d’Orleans fe fervit de l’occafion que lui en prefenta fon Synode general, qui fe tint le 4. Juin 1658; & il fit,du confentement de fonClerge, uneCenfu- re de ce Livre, qui fut publiee les fetes de la Pentecote de la meme annee. II y condamne 1’ApoIogie comme contenant plufienrs tres-rnauvaifes £5? tres■pernicieufes maximes, qui corrompent la difcipline £5? les Tnccurs , £5? introduifent un rel&chement en - tierement oppofe aux regies de I'Evangile. La Cenfure de Mr. l’Eveque de Tulle contre la meme Apologie, eft anterieure a celle de Mr. l’Eeque d’Orleans ; mais comme elle ne fut pas imprimee auffi- tot, on men euc connoiffance que Ion g- tems des Pro vi nc i ales. 55 terns apres. Ce Prelat y avertit fan Peuple , de fe donner bien de garde du levain de ces nouveaux Pharijiens , qui & force de mult flier leurs interpretations fur la Loi, lont toute corrompue ; & plus ils ont voulu Taccommoder au fens cu au gout des bommes , & plus ils ont etcint en elle t mutant qu'ils ont pu , tout I'efprit de Dieu. Apres tes Cenfures de ces deux Evd- ques, celle de laSorbonne, que les Je- fuites avoient bien pu faire differer par leurs intrigues, mais qu’iis n’avoient pu empecher, fut enfin terminee. La Fa- culte , apres y avoir note en particulier dix propofitions touchant les occafions prochaines , la fimonie , l’homicide , 1’ufure , la calomnie , declare en gene¬ ral que „ ce Livre eft rempli de plu- „ fteurs autres, qu’elle n’a pas deilein ,j d’autorifer; & qu’au contraire le zele „ qu’elle a pour lefalut desames &pour „ l’integrite des mceurs , fait qu’elle „ donne avis que cet Ouvrage Apolo- ,, getique eft compofe de telle forte „ qu’il induit aifement ceux qui le li- „ fent, a chercher trop de pretextes j, de s’excufer dans les pechez qui ,, fe commettent par une ignorance „ crirnineJle, a demeurer & non C 2 „ fans 3(5 Histoire ,, fans peche dans plufieurs occafions „ prochaines de mal faire , a prendre j, part aux fautes d’autrui, a s’aban- ,, donner aux exces de la bouche, ane „ point fatisfaire felon l’efprit & l’in- „ tentionde l’Eglife au commandement „ d’ouir la Mefle, a retenir par fraude „ & par injuftice le bien du proehain, „ & a faire plufieurs autres pechez. La Cenfure de Mr. l’Archeveque de Sens (i) parut peu de terns apres: Cen¬ fure vraiment digne de ce grand Prelat. II l’accorda aux remontrances reiterees de tout fon Clerge. Elle fut dreffee dans le Synode general de fon Diocefe, apres un examen juridique & exaft de l’Apologie. Elle fut publiee dans le meme Synode, du confentement de tous les Ecclefiaftiques qui le compofent, & a la requificion du Promoteur, le 4. de Septembre 1658. Elle profcrit pareil- Jement PApologie, comme un Livre qui fait un horrible renverfement dans toute la dottrine des mceurs , riy ay ant prefque rien qu'il ny altere & qu'il n’y corrompe ; & elle en condamne en particulier trente trois (1) Mr. de Sens fe fervit de la plume de Mr. Nice, ie pout cet Ouvrage. DBS PrOVINCIALES.' 3? trois propofitions , dont les premieres, qui renferment tcure Ja do6trine de la Probabilite , font fletries de meme que les autres par des qualifications egale- ment juftes & moderees. Cette Cenfure fut fuivie de deux au¬ tres non moins confiderables, I’une de cinq Eveques de Gafcogne diftinguez par leur fcience & par leur piece , fa- voir MM. les Eveques d’Alet,de Pamiers, deComenge, de Bazas & de Conferans. I/s y condamnent d’une maniere tres- forte, quoiqu’en general, les maximes des Cafuiltes qui juftifient ou qui favo- rifent la ftmonie , lhomicide , I'ufure, le larcin , la vengeance , la fenfualite , k li- bertimge , Tindevotion , & plufieurs au¬ tres femblables; comme cedes qui ex- cufent les pechez d’ignorance, qui per- mectent de corrompre les juges , de de- meurer dans 1’occafion du peche, & de cooperer a ceux des autres. Mais pour retrancher la fource de tous ces dere- glemens, ils condamnent particuliere- ment les deuxprincipes fur lefquels tou- te la dodlrine des Cafuiftes ell appuyee, la probabilite, & la direction d’inten- tion. L’autre Cenfure fut ce/Ie des Vicai- C 3 res 38 H I S T 0 I R E res Generaux de Mr. l’Archeveque de Paris , qui ne fat publiee que le pre¬ mier Dimanche de l’Avent, quoiqu’ei- le eut ete faite des le vingt-troifieme d’Aoht. La doctrine de la Probability, & les autres dogmes des Cafuiftes y font condamnez dans vingt-neuf ar¬ ticles , dont les qualifications font fi judicieufes , fi equitables & fi folides, qu’ellespeuvent fervir de regie pour les points les plus importans de la Morale Chretienne. On vit paroitre enfuite comma une nuee de Cenfures des plus illuftres Eve- 2 HiSTOtRE liaifon d’amide avec Mr. 1’Abbe du Ferrier , Vicaire General de Mr. 1’E- veque d’Albi. Se voyant pres de fa fin, il voulut le faire depofitaire de fes der- nieres volontes. „ Entre plufieurs or- „ dres qu’il lui donna etant au Jit de Ja „ mort , il lui dit : Qu’il le ebargeoit „ de dire de fa part a Mr. d’Alech, a „ Mr. de Pamiers, & a Mr. deComen- j, ges, qu’il avoit fait ce qu’il avoit pu „ pour ramener les Jefuites de leurs er- „ reurs , mais qu’il avoit reconnu que ,, e’etoit des gens fans remede : qu’il ,, les tenoit pour les plus grands enne- „ mis de l’Eglife : & qu’il prioit ces „ Meffieurs de n’avoir jamais aucune „ liaifon avec eux , croyant que tous „ les Eveques qui vont folidement a „ Dieu , & qui cherchent le falut & i, l’avantage de leurs Diocefes, ne leur „ devoient donner aucun emploi, ni „ meme entrer jamais chez eux, parce „ que cela les autorifoit Voila quels furent les derniers fentimens de ce grand Eveque. Mr. l’Abbe du Ferrier s’acquita de fa commiffion ; & comme il a ditdepuis la memechofe a quelques perfonnes tres-diftinguees de qui on l’a appris, j’ai cru devoir 1’inferer ici. On DES Prov I NC I ALES. 63 On a cru devoir ajouter ici ce que V Au¬ teur du troifi'eme tome de la Morale Prati¬ que dit pour confrmer le rapport que Mr. VAbbe du Ferrier avoit fait des dernkrs fentimens de Mr. de Solminihac Eveque de Cahors touchant les Jefuites. Ces Phes dans leur Defenfe des nouveaux Chre¬ tiens du P. Tellier avoient dit , mais fans en donner aucune preuve , que ce qui avoit ite rapport e a Mr. T Eveque de Pamiers , de Mr. de Solminihac , etoit un pur men- fonge da Sieur du Ferrier , dont Dieu avoit permisqu’on ait depuis decouvert la fauflete. Void comme l' Auteur cite re¬ live cet endroit a la page 2. Ce fut au mois d’Aout de Pan 1659 que Mr. l’Abbe du Ferrier s’acquita de la commiffion que !ui avoit donnee Mr. de Solminihac Eveque de Cahors, d’a- vertir 4 ou 5 Eveques fes amis particu¬ lars , & qu’il favoit etre les plus zeles pour le bien de leurs Diocefes , du ju- gement qu’il portoit des Jefuites. Cela fut bientot fu dans le Languedoc. D’ou vient qu’il en ell: parle dans la 3. Edi¬ tion de Wendrock de 1660. Si j’avoit ete un menfonge de Mr. du Ferrier , vous n’auriez pas manque d’en chercher des preuves dans ce tems-Ja , ou il au- roit 64 IIisTOiiiE roit ete plus facile d’en crouver $ la chofe etant recente. Au lieu de celaj vous attendez qu’apres plus de 27. ans la plupart de ceux qui connoiflbiemplus particulierement ce SaintPrelat ne fdffent plusaumonde, & que ce pieux Eccle- ftaftique fut alle a Dieu, pour lui impu¬ rer un crime auffi honteux aun Chretien & a un Pretre que feroit celui done vous l’accufez. Mais il y a de plus une circonftance qui ote toute creance a cette accufation. Vous l’avez fait mectre a la Baftille apres 3 ou 4 ans d’exii, a Page de plus de 80 ans. 11 vous etoit bien facile de le faire interroger fur ce fait: & etant fi pret d’aller rendre compte a Dieu,il n’y a pas d’apparence qu’il eut refufe de dire la verite. Vous direz que vous n’y avez pas manque', & cela eft vrai. Mais que dira le public de votre hardiefle, s’il vient a favoit qu’en effet on a envoye a la Baftille un Doc- teur de Sorbonne , qui fait profeffion d’etre de vos amis , pour favoir de lui la verite de cette hiftoire , qu’il la lui eonfirma , & lui parla d’une maniere ft edifiante, que l’Ecclefiaftique demeu* ra egalement perfuade de la faintete de ce bon Abbe , & de la fincerite de fon temoi* IDES PROVINCIALES. 65 te'moignage. Ce fait eft tres-certain. On l’a appris d’une perfonne de condi¬ tion , qui l’a fu de la propre bouche de ce Dodteur, qui le contoit a un Prelat qui 1’etoit venu voir apres la mort de ce pieux Abbe, pour favoir de lui ce qui s’etoit pafle dans cette vilite. Le Doc- teur dit qu’ayant eu ordre de voir le prifonnier, il avoit ete extremement e- difie de fa fageffe & de fon humilite: Qu’il lui avoit temoigne que fa prifon ne Jui faifoit aucune peine: Que les feu- les qu’il reflentoit, etoit de n’avoir per¬ fonne pour fe confeffer , & qu’il l’obli- geroit beaucoup s’il lui vouloit faire cette charite: Que fon autre peine etoit de ne point dire la fainte Mefle , ce qu’il n’avoit jamais manque de faire de- puis qu’il etoit Pretre : Qu’il lui avoit repondu, qu’etant en quelque maniere fon juge , il ne pouvoit pas dtre fon ConfeiTeur , mais qu'il tacheroit de lui procurer la permiffion de dire la Meffe. Le Prelat demanda au Dofteur comment le prifonnier s’etoit expiique fur ce qu’il avoit ait des Jefuites a quelques Eve- ques de la part de Mr. de Solminihac Eveque de Cahors, & s’il n’avoit point avoue que c’etoit une fuppofition. Le Turn 1. E Doc- 66 Histoire Do&eur dit , qu’il lui avoit repondu." Que par la grace de Dieu il avoir ete incapable d’en faire aucune, qu’il lefou- tiendroit jufqu’a la more , & qu’il s’e- toic fenti oblige de publierce qu’il avoir dit, en ayant ete charge par un Saint Prelat mourant, qui ne pouvoit avoir d’autre vue en cela que l’interet de J’E- glife. Le Dofteur continua de dire qu’il avoit repondu a tons les autres chefs avec une grande fimplicite: Que quand il lui faifoit quelque queflion , il lui di- foit bonnement : Monfieur, je ne fai rien de cela,mais il iroit de ma vie que je n’en parlerois pas quand je le faurois. Et puis fur d’autres chofes:je vousdirai volontiers toute l’hiftoire; car je le puis fans blefler ni la charice ni la juftice. III. L’accufation de fcandale etoit principalement appuyee fur cetterailon, que Montalte avoit ramalfe dans fes Lettres un grand nombre d’opinions pernicieufes de divers Auteurs, & que les ayant attributes a toute la Societe, il fembloit leur avoir donne par-la de l’autorite. Je fai bon gre aux Jefuites de re¬ connoitre enfin dans cette accufation, que les opinions dont Montalte fe rail- le des Provinciales. 6j le font de veritables erreurs. Mais de qui font ces erreurs ? I is reconnoif- fent encore ici qu’elles font des Ca- fuiftes de la Societe, done, felon eux, l’autorite eft fi grande, qu’elle eft ca¬ pable de donner du poids aux erreurs les plus intolerables. Je ne veux pas leur contefter cette autorite ; je les prie feulement de demeurer en repos fur les confluences qu’ils en appre- hendent. S’il n’y a que Montalte qui donne de 1’autorite a leurs pernicieu- les maximes, je ne crains pas de les affurer que perfonne n’en fera jamais infefte. Mais il n’etoit pas a propos, difent- ils, de ramafier dans un feul Livre des erreurs qui etoient auparavant difper- fees dans une infinite de volumes. Je repons premierement, que cette objec¬ tion eft fondee fur un menfonge evident. Car qui eft le Cafuifte entre ceux que Montalte a repris, oil Ton ne trouve pas la plupart des opinions erronees & corrompues qui ont ete enfeignees par les autres ? Les Livres des Cafuiftes font-ils autre chofe que des rapfodies de gens qui fecopient les uns les autres? Avec quelle fidelite ,parexemple, Tam- £ 2 , bourin 68 Histoike bourin ne rapporte-t-il pas les opinions de fes confreres ? Les Curez de Paris qui ont fait de longs extraits des erreurs de ce Cafuifte, ne temoignent- ils pas qu’ils n’ont pu encore les epuifer? Ne peut-on pas dire la meme chofe d’Efcobar , de Sanches , de Filiutius, de Reginalaus ? II n’y en a aucun, done on ne puifle extraire une longue fuite de propofitions dangereufes. Mais en fecond lieu, il eft ridicule de fe plaindre que Montalte a it ramafle routes ces erreurs dans un feul Livre; comme fi tout fon deflein n’etoit pas d’en donner de l’horreur& de l’eloigne- ment. Qu’on fade done auffi un crime aux Apoticaires, qui ont coutume de mettre les poifons dans des vafes parti¬ culars , & qui ne Jes melent pas indiffe- remment avec les autres drogues de leurs boutiques. C’eft la comparaifon dont fe fervit un jour un Benediftin con- tre un particulier de Bordeaux , qui lui objeftoit ce raifonnement des Jefuites. Ce que je remarque expres, atin de faire voir en paffant le jugement que les Be- nediftins, & toutes les perfonnes fen- fees, portoient de cette accufation. IV. Les raifons fur lefquelles ils ap- puyoient DES PROVINCIALES^ 69 puyoienc l’accufation de fattion & de [edition , font encore plus ridicules. C’d- toit neanmoins Je point fur Jequel ilsfai- foient plus de bruit. En voyant Je titre de cette accufation ,je tachai avantque d’en lire Jes preuves , de deviner ce qu’ils pouvoient avoir trouve dans un Livre purementTheologique,qui y efic donne lieu. j’avoue que je ne pus ja¬ mais rien imaginer de femblable a ce que je las enfuite dans Jeur libelle. Je ne dirairiende laremarque impertinen- te qu’ils y faifoient fur les termes de Principum & de Magnatum, par lefquels ils vouloient fauflement que j’efifle de- figne le Roi Tres-Chretien. Toute leur accufation rouloit fur ce que je dis du Cardinal de Richelieu dans mes Notes fur la fixieme Lettre , en refutant leur dodlrine touchant l’Aflaffinat. J’y re- marque qu’ils l’avoient voulu confirmer par l’autorite de ce Cardinal , & que l’allegation de ce temoin leur avoit at¬ tire les railleries de toutes les perfonnes d’efprit. Je n’avois point deflein par- la d’attaquer ce Cardinal, a la memoire duquel je fuisfort eloigne de vouJoirin- fulter. Je voulois feulement faire con- noicre aux Jefuites leur imprudence ,de. E 3 s’etre 70 Histoire s’etre expofez par leur faute a ces rail¬ leries , qui fouvent font plutot fondees fur un bruit , ou une erreur populaire, que fur Ja verite. Mais quand meme j’aurois voulu marquer par-la quel etoit Je caraftere du Cardinal de Richelieu, il feroit ridicule de m’accufer pour cela de faftion & de fedition;a moins qu’on ne veuille oter aux Auteurs laliberte de faire pafler a la pofterite le jugement qu’ils portent des Princes , ou de Jeurs Miniftres apres leur mort , lorfque Ja faveur & la haine n’ont plus de part a ce qu’ils en publient ; ou bien que les Jefuites ayent refolude traiter de Sedi- tieux & de Criminels de Leze-Majefte, tous ceux qui jufqu’ici ont ecrit libre- xnentce qu’ils penfoient de ce Cardinal, ou qui l’ecriront a 1’avenir. II ell vrai qu’on doit refpedler les Rois, & les Mi¬ niftres qui gouvernement fous leur au¬ torite. On ne doit jamais parler d’eux qu’avec refpedl, foit en particulier, foit en public : mais etendre ces menage- mens jufqu’apres leur mort, & vouloir contraindre un Auteur a prendre alors les mbmes mefures pour cacher les vices de ces Miniftres, ce feroit une flatterie honteufe, & une fervitude infupporta- ble, DES PROVINCIATES. 'Jl b!e , que les plus cruels Tyrans n’ont jamais impofee aux Hiftoriens. Je n’ai pas befoin de chercher d’autre reponfe au dernier reproche qu’ils me faifoient, fur ce que j’ai die en pafiant que leur fuperbe Eglife de Saint Louis a Paris a ete bade aux depens du Peuple. Je l’ai dit, parce qu’en effet on leur ac* corda de lever un certain tribut pour la batir. Mais mon defiein n’etoit point de donner par-Ja des bornes a la puif- fance, & a la liberalite du Roi a leur egard. Je voulois feulement apprendre aux Jefuites,que rien n’eft plus eloigne de l’efprit del’Eglife, quedebadraDieu des temples exterieurs par des moyens qui peuvent fcandalifer les Fideies,qui font fes temples vivans. C’efl: a-peu-pres ce que contenoit leur Jibelle. Ils ne 1’eurent pas plutot pre- fente a Mrs. du Parlement, & repandu dans le public, qu’ils purent remarquer le peu de fruit qu’ils en devoient efpe- rer. Ils virent que tout le monde fe moquoit de leurs accufations, que les Benediflins, les Dominicains, les Au- guftins , les Curez , & les Chanreux meme les tournoient en ridicules dans leurs entredens pardculiers j qu’ils. en E 4 par- 71 H I S T O I R E parloient a Mrs. du Parlement avec Ie meme mepris ; & enfin que chacun follicitoit a fa maniere contre les Je- fuites pour Wendrock, tout inconnu qu’il e'toit. Les Jefuites fouffroient avec peine cet abandonnement general, auquei ils ne s’etoient point attendus. Mais ils n’en pourfuivirent pas avec moins d’ar- deur leur premier deflein. En vain Mrs. du Parlement les conjurerent plu- fieurs fois, pour ne pas dire qu’ils les fupplierent, d’epargner au Parlement la peine qu’il avoit a prendre connoiffan- ce d’une affaire fi odieufe. Leur en- tetement fut fi etrange, qu’ils aimerent mieux tout rifquer, que de rien rela- cher de leur entreprife. Ainfi Mr. de Pomiers Doyen du Parlement, Magif- trat d’un grand merite , fatigue de leurs importunitez , rapporta I’affaire. On Iflt enfuite en plein Parlement la pre¬ miere , la feconde , & la troifieme Lettre avec tous les Ecrits des Jefui¬ tes. Les prejugez en faveur de ce Livre furent tout publics. Et il eft etonnant que les Jefuites fuflent aflez aveuglez, pour lie pas employer le cre¬ dit qu’ils avoient dans le Parlement a etouffer des Provinciales; 73 e'touffer une affaire qui leur etoit ft defavantageufe. Mais au contraire, comme s’ils euffent ete frappez d’un efprit de vertige , ils ne cefferent point d’importuner Mrs. da Parlement. Ils employerent les pro- meffes & les menaces ; ils folliciterent leurs femmes & leurs enfans; ils promi- rent de grands bienfaits de la Cour a ceux qui condamneroient Wendrock; & comme s’ils euffent en main l’autorite du Roi, ils menacerent ouvertement de Profcriptions & deLettresde Cachet, ceux qui refuferoient de le faire. Et pour montrer qu’ils etoient capables de tout entreprendre, un d’eux, nomme le P. du Chefne, fitcourir parmi les Dames un petit Ecrit,oii il tachoit de prouver qu’on ne pouvoit foutenir ni abfoudre Wendrock, fans commettre un peche mortel. Mais tout le monde jufques aux fem¬ mes avoient les oreilles tellement rebat¬ tues de ces impertinences,que le credit de la Societe diminuoit de jour en jour. II y eut meme des Predicateurs qui s’e- leverent publiquement dans leurs Ser¬ mons contre l’Apologie des Cafuiffes, & contre leurs relachemens. C’eft ce E 5 que 74 H I S T O I R E que fit entr’autres un Religieux Feuil- lanc, dans un Difcours qu’il prononja le 20 AvriJ a l’Affemblee generate de l’Ordre, qui fe tenoit alors dans leur Couvenc de Bordeaux. 11 le finit par ces paroles. ,, Gemiflons, mes Freres, ,, gemilfons de tant d’horribles crimes ,, qui fe commettent tous les jours. Ge- ,, miffons de tant de calomnies,devols, „ de blafphemes, de facrileges, par lef- „ quels on ne cede point d’outrager la „ divine Majefle. Mais redoublons nos „ gemiflemens fur la nouvelle perfecu- ,, tion que l’Eglife fouffre dans ces der- „ niers terns. II n’y a perfonne parmi ,, vous fi peu inftruit de ce qui regar- „ de la Religion, qui n’ait entendu ,, parler de cette doftrine pernicieufe , „ que quelques - uns ont 6fe repandre „ dans cette Ville, & que d’autres ont ,, repandue en differens endroits. Le „ bruit de ces diftitxfiions ingenieufes, „ de ces probabilitez fpecieules que les ,, Cafuifles modernes ont inventees en ,, faveur des pecheurs , eft fans-doute 9 ,, venujufqu’a vous. Vous n’ignorez ,, pas de quels artifices , & de quels „ pretextes cette troupe de nouveaux Docleurs fe fere pour juftifier le cri- „ me des Provinciales. 7$ „ me. Quels efforts leur politique trom- „ peufe , & uniqueinent appliquee a „ procurer fes propres interets , n’at- } , elle point fait pour accorder adroite* „ ment la loi de Dieu avec les paf- „ lions des Hommes? Certes , quand „ je confidere avec attention combien „ cette do&rine flatteufe favorife les „ deflrs de la cupidite , combien elle „ autorife l’intemperance & la licence, „ je ne fuis plus furpris de ces ufures „ cruelles, de ce luxe exceflif, de cette „ medifance effrenee , enfin de cette „ obftination inflexible dans le crime , „ que nous voyons regner de toutes „ parts. Ces crimes que les Ecrits des ,, Peres nous font regarder avec tant „ d’horreur , ne font, felon des Cafuif- „ tes , que des pechez legers , oil la „ fragilite fait tomber les hommes. „ Voila quelle eft la cruelle perfecution „ que l’Eglife fouffre aujourd’hui dans ,, fa difcipline & dans fes moeurs. C’eft, „ un fujet bien digne de vos larmes, & ,, qui doit vous porter a redoubler vos „ aufferitez, afin d’obtenir de la mife- ,, ricorde de Dieu qu’elle eloigne de „ vous cette pefte fl funefte pour votre „ falut. Le poifon en ell d’autant plus „ dan- 7 6 Histoire „ dangereux, qu’il eft prefente par des „ mains moins fufpedles. Car ce n’eft ,, plus paries tyrans, ce n’eft plus par ,, les heretiques & les apoftats , ce „ n’eft plus par des ennemis declarez 3 , que 1 ’Eglife eft perfecutee. Ses per- 3, fecuteurs fontau-dedans d’elle-meme, „ & dans fon fein. Ce font nos Freres 3, qui font nos ennemis. Ce font ceux „ qui profeffent une raeme foi & une ,, meme religion avec nous. C’eft dans ,, les Ecoles Chretiennes que cette doc,- ,, trine,fortie de l’enfer,eft enfeignee. „ C’eft dans les chaires de la verite 5, qu’elle eft prechee. L’unique con- „ foladon que nous ayons , c’eft que „ tout le monde commence a en avoir „ 1 ’horreur qu’elle merite. Nous avons „ appris qu’on a lance mille foudres ,, contre ces dogmes profanes ; que „ nos Eveques les ont profcrits par ,, leurs cenfures , qui ont ete fuivies „ d’un Decret du Saint Siege. Nous „ favons avec quel zele les Curez des ,, principales Villes de ce Royaume,& 5, fur-tout ceux de Paris & de Rouen, „ fe font oppofez a cette pefte qui fe „ gliftoit dans 1 ’Eglife, avec quelle for- „ ce ils ont refifte a ce torrent de no'u- „ velles probabilitez Pen- DES PrOVINCIALES. 77 Pendant tous ces mouvemens,les Je- fuites farent contraints de fouffrir beau- coup de femblables deboires. ils mur- muroient en fecret d’un changement fi fubit. IIs le regardoient comme un renverfement general du bon - fens , dont ils ne pouvoient comprendre Ja caufe. II leur fembloit que 1’efprit d’er- reur fe fut empare tout a coup de toute la Ville de Bordeaux. Ils commencerent done a fe defier du fucces de leur entreprife. Mais quel parti prendre? 11 y avoit du danger a la pourfuivre, & de la legerete a l’a- bandonner. Ils firent ce que des gens embaraflez, & qui ne peuvent fe mo- derer, ont coutume de faire. Tantot ils preifoient le jugement de l’affaire par des ordres qu’ils obtenoient de la Cour. Tantot ils ledifferoient par des chicanes & des incidens qu’ils faifoient naitre. A une intrigue fuccedoit une autre intri¬ gue, fouvent contraire a la premiere. En- fin ils en vinrent aux invectives contre Mrs. du Parlement, & jufqu’a les mena- cer pubhquement de l’excommunication, & de la damnation eternelle, s’ils ne ju- geoient en leur faveur. Ce qui donna lieu a cette plaifanterie de fun de ces Mef- fieurs. 78 Histoiri fieurs. II avoit confulte d’autres Eccle- fiaftiques pour favoir fi celui qui ne condamneroic pas Wendrock, merite- roit effedlivement d’etre excommunie; & iis lui avoient repondu qu’au con- traire il meriteroit de l’etre, s’il le con- damnoit. „ II faut avouer, dit-il, que ,, Meffieurs da Parlement de Bordeaux ,, font bien a plaindre: car quoiqu’ils ,, faflent, ils ne fauroient eviter d’etre „ excommuniez, ou par Jes Jefuites, „ ou par ]es autres Pretres & Jes autres „ Religieux. ” A ces menaces les Jefuites en ajou- toient d’autres encore plus terribles. Ils publioient que la Cour feroit bientot eclater fon reflentiment. Ils en par- loient avec tant d’infolence & d’une maniere fi indigne, qu’ils ne menajoient de rien moins que de la potence des perfonnes de la premiere difiinftion. Car j’ai fu par des perfonnes tres-dignes de foi, & tres-bien informees, qu’un Jefuite, qu’on m’a nomme, difoit deux jours avant que l’affaire dut etre jugee, que la chofe n’en demeureroit pas-la: qu’on porteroit le Livre a Rome, & 1’arret meme du Parlement: qu’on fa- voit les noras de ceux des Juges qui etoient DES PltOVINC IALES. 79 Etoient pour Wendrock, & ceux des Ecclefiafliques & des Religieux qui avoient follicite en fa faveur: que puif- qu’on n’en vouloit pas croire Jes Jefui- tes, ce ne feroit pas leur faute fi les uns etoient releguez en Normandie, & Jes autres dans une autre extremite du Royaume: qu’il n’etoit pas extraordi¬ naire qu’on trouvat dans les Parlemens des gens qui favorifoient l’herefie: que les premiers qui embraflerent celle de Calvin etoient du Parlement de Paris, qu’on en fit pendre quelques-uns, & que Mrs. du Parlement de Bordeaux devoient craindre qu’il ne leur en arri- vat autant. Tous ces difcours revenoient aux oreilles de Mrs. du Parlement, mais ils ne firenc que Jes meprifer. Enfin le troifieme Mai, les Grand’ Chambre & Tournelle Criminelle aflemblees , on examina d’abord un nouveau Memoire qu’on avoit prefente contre Wendrock, & qui contenoit a peu pres les memes accufations que celui dont je viens de parler. On y avoit feulement ajoute de nouveaux menfonges , & des injures encore plus atroces. J’ai vu une copie manufcrite de ce Memoire entre les mains go H I S T 0 I R E mains d’une perfonne de confideration, & il me feroit aife d’expofer aux yeux du public Jes impoftures groflieres qu’il contient. Mais le refpedt que j’ai pour J’illultre Magiftrat dont on a mis le nom a la tete, & de la crop grande facilite duquel les Jefuites abufent, m’empeche d’en rien dire davantage. J’ajouterai feulement qu’il fut lu avec beaucoup d’attention, & rejette avec autant de mepris. Enfuite le Doyen des Confeillers ou- vrit les avis par un difcours tres-elo¬ quent & plein d’drudition. II expliqua avec beaucoup de capacite tout ce qui regardoit la doftrine. II expola les differens fentimens des Theologiens fur cette matiere, & conclut a ce que le Livre fut renvoye pour ce chef a la Faculte de Theologie. II pada enfuite aux autres accufations de fedition & de fcandale. II en fit voir le ridicule & l’abfurdite. II montra que le Livre ne contenoit rien d’injurieux contre la perfonne du Roi, ni de feditieux contre 1’Etat, ni de contraire aux bonnes Mceurs. Voila en abrege quel fut fon avis, qui fut fuivi par la plus grande partie des Juges, & appuye par denou- velles des PrOVINCI ALES. 8r velles raifons. (i) Ainli le Parlement, fans avoir egard a routes les autres ac- cufations, prononjace qui fuic. ,, Ce jour, la Cour, les Grand’Cham- bre & Tourneile aflemblees, deliberanc fur la condamnation du Livre intitule ,, Ludovici Montahii Litter a Proven- ,, dales , de morali & politied Jefuitarum „ difdplind, pourfuivie par le Procureur- ,, General du Roi, apres avoir vu & lu „ tons les paffages du-dit Livre, cot- „ tez par ledit Proeureur-General, & ,, fur les Bulles des Papes Innocent X. „ & Alexandre VII. enfemble les pro- ,, duftions & conciufions dudit Procu- „ reur-General, fignees de la Vie , a ,, ordonne & ordonne, qu’a la diligen- „ ce dudit Proeureur-General , ledit ,, Livre fera rernis devers les Profefleurs „ de Theologie dans l’Univerfite de „ cet- (i) L’avis da Doyen fut fuivi principalement de ceux qui etoient Tame da Parlement, par l’autorite que leur merite leur avoir acquife. On ne peut trop repeter les noms de ces genereux Magiftrats , que les menaces ni les promefles ne purent engager a le pre- ter z finjuftice. Ceux done qui appuyerent de nou- velles raifons Tavis du Doyen, & done l’exemple en- traina route la Compagnie, furent Mr. de Pontac Pre¬ mier President, Mr. Grimard Prelident, Mr. Genefte Sous-Doyen des Confeillers , .& Mrs. Farnoux , du Verdier, Darcher, Marran, Martin & Tarangue. Tome 1. P gs Hist o ire ,, cette ville, pour examiner la bonne, „ ou. mauvaife dodlrine d’icelui, & ,, donner Jeurs avis fur le crime d’he- „ refie pre'cendu par ledit Procureur- ,, General, pour leur Decret vu, & a „ la Cour rapporte, etre ordonne ce „ que de raifon. Signe Monfieur de „ Pontac Premier Prefident Pour peu que l’on connoifle les Je- fuites, il eft: facile de juger quels furenc leurs fentimens, en voyant cet arret; combien ils en furent confternez; quel- les plaintes ils en firent par-tout. Mais ce qu’il y a de furprenant, c’eft qu’ils ne perdirent point courage pour tout cela. La paffion qui les aveugloit, leur fit continuer la pourfuite de cette affai¬ re avec encore plus de fureur; & ils travaillerent ainfi eux-memes a augmen- menter la gloire de ce Livre, & la con- fufion de la Societe. Quoique Wendrock edt ete renvoye a la Faculte de Theologie pour y etre examine fur l’accufation d’herefie, il y a bien de I’apparenee neanmoins que le Parlement qui ne fouhaitoit que la paix, n’en auroit pas preffe 1’examen. La Faculte de fon cote etoit encore moins dilpofee a entrer d’elle-meme dans DES PrOVINCIALES. gj dans cette affa:re. Les Jefuites furent caufe de l’un & de 1’autre. Ils obtin- rent des Leccres de Ja Cour, qui feplai- gnoit du retardement de cette decifion. Et ils contraignirent en quelque forte le Parlement d’envoyer le Livre a la Fa- cu/te. Elle ne pflt alors fe difpenfer d’en prendre connoiflance, & fe refo- lut de fatisfaire a ce qu’elle devoit a fa confidence & a la verite. La premiere chofe que Ton fit,' fut de ddliberer fi le P. Camain Jefuite, 6c Profeffeur en Theologie dans le College des Jefuites,. devoit etre admis a cec examen. II auro.it du, fuivant toutes les regies de 1’equite & de la bienfean- ce, s’en exclure lui-meme. Car il n’y avoit rien de plus injufte que depreten- dre qu’un Jefuite put etre juge dans une caufe ou il s’agiffoit d’un Livre fait centre les Jefuites, d’un Livre qui les attaque des le titre, 6c dont ils pour^ fuivoient la condamnation depuis fix mois. C’eft neanmoins le perfonnage que le P, Camain vouloit faire abfolu- ment. Les autres ProfefTeurs s’oppofe- rent a une pretention qui leur paroifioit fi injufte. Ils euflent pu l’exclure de Jeur propre autorite, mais ils ne le vou- F 2 lurent 84 Histoire lurent faire que du confentement de toute l’Univerfite. Elle s’aflembla pour cet effet le 30. Mai. Apres que le Re&eur eut expofe le fait , prefque tous les Do&eurs furent d’avis que le P. Camain devoit etre exclus: ce qui fut arrete en prefence du P. Camain , par l’adte fuivant. „ L’an 1660. le 30. „ Mai, dans l’aflemblee generate del’U- ,, niverfite a ete prefente, & leflure „ a ete faite d’un arret du Parlement „ de Bordeaux, qui ordonne que le „ Livre intitule Ludovjci Montaltii Lit- „ ter a Provinciates de morali & politick „ Jefuitarum difciplind , fera renvoye „ vers les Profeffeurs en Theologie de cette Univerfite, pour en examiner „ la bonne ou mauvaife dodlrine, & don- „ ner leurs avis fur le crime d’hereiie „ pretendu contre ledit Livre. Sur quoi „ conteftadon s’etant mue, favoir ft le „ R. P. Camain,Dofteur en Theologie „ de la Societe de Jesus , peut affifter „ a l’examen dudit Livre, donner fon „ fuffrage , & en porter jugement, ,, l’Univerfite a ordonne que le fufdit „ P. Camain fera exclus de 1 ’examen de „ ce Livre. ” Les autres FrofeUeurs s’appliquerent - . en- des Pro VI KC I A LES- 8s enfuite a examiner avec encore plus de foin ce Livre,qui avoit deja ete exami¬ ne avec rant de rigueur. Cependant les Jefuites ne demeurerent pas en re¬ pos. Us ne cefferent point de faire tous ieurs efforts pour ebranler la fer- mete' desExaminateurs par toutes fortes de moyens, & fur-tout par les menaces les plus terribles. Us declarerenta Mr. Lopez, fun de ces Dodteurs, Homme d’un grand merite, Chanoine&Theolo- ga 1 de 1’Eglife de Bordeaux, qu’il ne de- voit plus compter fur fon Benefice, s’il renvoyoit Wendrock abfous. Pour les autres Profeffeurs, comme ils etoient Religieux, & qu’ils avoient par confe- quent moins a craindre pour leur fortu- tune, ils tacherent de les intimider, en les mena^ant du reflentiment de leurs Superieurs. Mais ils avoient affaire a des gens qui preferoient leur confcien- ceatout, & que rien n’etoit capable d’empecher de rendre temoignage a la verite. Apres done qu’ils eurent arrete entre eux que le Livre ne contenoit aucune herefie, & qu’ils en eurent dreffe 1 ’ac- te, ils crurent devoir le porter a 1 ’af femblee generale de l’Univerfite, afin E 3 de 8 6 II I S T 0 I R E de rendre leur declaration plus auten- tique. Ainfi il fe tint le fixieme Juin chez les Cannes une feconde affemblee de l’Univerfite fur cette affaire. Lorf- que le Iledleur en eut, felon la coutu- tume, expofe le fujet en peu de mots , les Profeffeurs en Theologie requirenc qu’il leur fut permis d’en rendre comp- te avec plus d’etendue a 1’Affemblee. Alors Mr. le Theologal expliqua avec beaucoup de nettete Pet at de la quef- tion. II montra quel jugement on de- voit porter de la Cenfure de Sorbonne. II fit voir que ce Corps n’avoit aucune autorite fur les autres Facultez; que la propofnion de Mr. Arnauld etant tiree de St. Auguftin , elle ne devoit pas etre plus heretique dans Mr. Arnauld, que dans St. Auguftin, puifqu’elJe etoit la meme dans fun & dans l’autre: qu’aufti la Sorbonne ne s’attribuoit pas le droit de former des articles de foi. II paffa enfuite a la difpute du Janfe- nifme. II diftingua tres-favamment la queftion du fait,d’avec celle du droit. II fit voir que jamais aucun Theologien n’avoit accorde au Pape 1’infaillibilite dans les faits: que les faits par confe- quent ne ponvoient etre matiere d’he- relle, des Provinciales. 87 refie, & qu’ainfi le Livre deWendrock en etoit entierement exempt; puifqu’on ne pouvoit lui rien reprocher, finon d’avoir doute d’un fait, & qu’il conte- noit d’ailleurs une dodtrine tres-faine, & une morale tres-pure. Les autres Profefleurs approuverent ce qui venoit d’etre dit par Mr. le Theo- logal. Quelques-uns y ajouterent tres- judicieufement, que leur Declaration n’etoit pas meme contraire a la cenfure de Sorbonne , parce que cette cenfure n’avoit pas condamne la propofition de Mr. Arnauld dans le fens de la Grace Efficace , qui etoit le feul fens dans le- quel le Livre de Wendrock la foute- noit , & dans lequel ils declaroient qu’elle ne meritoit aucune cenfure. Cec avis fut aprouve de toute l’aflemblee, & il fut arrete d’un commun confente- ment, que la declaration des Dofteurs feroit infereedans les Aftes del’Univer- fite, & communiquee a Mr. l’Avocat* General. Voici les termes de cette De¬ claration. „ Nous fouffignez Dofteurs & Pro- ,, feffeurs Royaux en Theologie dans ,, 1’Univerfite de Bordeaux, declarons „ que fuivant J’arret du ParJement le F 4 „ Livre §3 Histoire „ Livre intitule Ludovici Montaltii Lit- ,, ter at Provinciates de morals & politicd ,, 'Jefuitarum difciplind, nous ayant ete „ mis entre !es mains pour en exami- ,, ner la bonne ou mauvaife do&rine, „ & donner notre avis s’il contenok „ quelque herefie, apres avoir premie- ,, rementinvoquelefecoursduPere d,es „ lumieres ,nous avons lu avec foin ledit „ Livre, & qu’apres avoir delibere en- ,, femble fur la doftrine y contenue, & ,, nous etre communique nos avis, nous ,, n’y avons trouveaucune herefie. Fait „ dans le Couvent des Carmes, le 6 . du 5, mois de Juin l’an 1660. Signe Fran- ,, §ois Arnauld de TOrdre de Saint ,, ydugujlin. F. Jean-Baptiste Gonet ,, de l Or dr e des Fr’eres Precbeurs. Lopez „ Chanoine Fheologal. Apres ce jugement folemnel desDoc- teurs, il ne manquoit rien a la junifica¬ tion de Wendrock. Son innocence e- toit pleinement vengee. Le mepris que le Parlement avoit fait des accufa- tions de fcandale & de [edition , & la Declaration de la Faculte de Theologie fur l’accufation d’herefie, avoient ren- verfe tous les defieins des Jefuites. Mais il femble qu’il manquoit encore une cho- DES PROV INC I ALES. 89 fe a I’inftru&ion du public. 11 falloic que lesjefuites fefiflenc connoitre eux- memes tels qu’ils font, & qu’ils mon- traflent a toute la ville de Bordeaux quelle eft leur fierce , leur obftination, leur impudence a inventer les calomnies Jes plus atroces ; afin que touclemonde file convaincudelajuftice des reproches que leur faifoit Montalte. C’eft ce que ces Peres firent avec tant d’eclar, qu’on peut dire que jufques-Ia ils avoient ete mode'rez en comparaifon des feenes qu’ils donnerent pour- lors au public. Car ils ne garderent plus de mefures, ni dans leurs fermons,ni dans leurs entre- tiens particuliers. 11 fembloit qu’ils euf- fenc oublie toutes les regies de la mo- deftie , de la bienfeance & de la bon¬ ne foi, ou plutoc qu’ils euftent entiere- ment perdu la raifon & le bon-fens. On euc die en un mot que e’etoient des furieux, & des gens a qui la t6te avoit tourne. LeP.Duchefne avoit en quelque for¬ te prepare le monde a ce fpe&acle, par un fermon qu’il fit le Dimanche dans I’Odlavede la Fete du Saint Sacrement, quelque ternsavantle jugement des Doc- teurs. 11 entreprit d’y rabaifler i’auto- F f rite 90 Histoire rice de St. Auguflin. Et pour cela i I ditentr’aucres chofes, que ceSaint avoic enfeigne que l’Euchariftie etoit necef faire aux enfans , & que cette erreur avoit ete condamnee par le Concile de Trente. Ainfi, continua-t-il , on doit ajouter plus de foi a un feu! Decret du Pape, qu’a une centaine d’Augiiftins. Mais ce bon Pere me permettra de re- marquer en paffant, qu’il ne pouvoit mieux faire voir fon ignorance, fa ma¬ lice , & fon peu de jugement, que par ces paroles temeraires: fon ignorance, parce que voulant decrier St. Auguf¬ tin pour relever le Pape , il decrioit en raeme terns fans le favoir le Pape Inno¬ cent I. qui dans fa Lettre au Concile de Mileve enfeigne la meme chofe que St. Auguflin : fa malice, en ce qu’il ai- moit mieux rejetter abfolument Ja doc¬ trine de St. Auguflin & d’Innocent I. & fuppofer faulfement qu’elle avoit ete condamnee par le Concile de Trente,que de faccorder avec ce Concile, comme ont fait plulieurs Auteurs Catholiques, & entr’autres le Cardinal du Perron dans fa Replique * auRoi de la Grande-Bre- tagne * Obftrv, 3, cb. II, des Pro vinciales. 91 tagne : fon peu de jugement, en ne s’appercevant pas qu’il donnoit a tout ]e monde lieu de croire, par le mepris qu’il faifoit paroitre pour St. Auguf- tin , que Jes Jefuites ne s’accordoient pas bien avec ce Saint, & qu’ils ne tra- vailloient ainfi a le rabaiffer, que parce qu’ils fe fentoient accablez par fon au¬ torite. I Mais ce n’etoit-la, comme jel’ai die, qu’un prelude de ce qu’ils devoient fai- re dans la fuite. Peu de terns apres le P. Gallicier, qui prechoit a leur Maifon Profefle, monta en chaire le vingtieme Juin tout tranfportedefureur, &deplo- ra d’une maniere tragi que lemalheurde la ville de Bordeaux. II dit qu’elle etoit infeftee de l’herefie Janfenienne : Qu’on y vendoit publiquement le Livre de Wendrock : Qu’il y avoit des Doc- teurs qui avoientbfe le declarer exempt d’herefie: Que tot ou tard ces ennemis de l’Eglife eprouveroient que les Jefui* tes avoient par-tout des yeux, desoreil- les, des langues, & un zele ardent pour obferver, pour reprendre , & pour pu- nir ceux qui avoient la hardiefle de rien entreprendre contre la foi de l’Eglife. Enfuite s’etant jette fur ces Jieux com- muns 92 Histoire muns contre les Janfeniftes, qu’ils ne fe laflent point de repeter, il ies accufa d’erreur & d’impiete. II leur reprocha qu’ils detruifoient la bonte & la tniferi- corde de Dieu, & qu’ils le faifoient au¬ teur du peche. Et a la fin, apoftrophant effrontement fies auditeurs , il exborta tous ceux qui avoient quelque chofe a objedter, de fe lever, & de dire publi- quement en prefence de tout le monde tout ce qu’ils avoient a dire contre les Jefuites, comme fi c’eut ete la coutume a Bordeaux de difputer contre les Predi- cateurs. Le vingt-feptieme du meme xnois il recommenja ces memes declamations. II accufa encore les Janfeniftes de ren- dre Dieu cruel,& demettre des bornes a la mifericorde du Sauveur, & fejetta fur les autres calomnies qu’ils ont cent fois rebattues , & qu’il repeta jufqu’a ennuyer fon auditoire. Enfin il afl'ura d’un ton de Prophete, qu’on ne devoit point attribuer a une autre caufe qu’a Fherefie du Janfenifme, un tremblement de terre qui etoit arrive depuis peu, & qu’on avoit beaucoup mains fenti a Bordeaux que dans les autres villes de Guyenne. Mais DES PROVINCIALES. 93 Mais le fecond Juillet il dechargea entierement fa bile. II epuifa tout ce que les Jefuites ont jamais invente de calomnies & d’impoftures. II ne fe contenta pas d’accufer les Janfeniftes en general. II attaqua nommemenc plufieurs perfonnes illuftres, telles que font Mr. d’Andilli, Mr. Arnauld, & Mr. l’Abbe de St.Ciran, qu’il appella plufieurs fois les chefs de la nouvelle herbfie. II die que Janfenius etoit ne de parens hereti- ques: ce qui eft un menfonge, done la faullete efi; connue de tous les Pa'fs-Bas. II ajouta que fes parens lui avoient in- fpire des fon enfance une averfion pour l’Eglife Catholique qu’il avoit toujours confervee: Qu’il etoit venu en France, & qu’il avoit forme avec Du Verger de Hauranne (c’elt le celebre Mr. de St. Ciran) le deflein impiede detruire la Re¬ ligion Chretienne, d’abolir les Myfleres de l’lncarnation & delaTranfubfiantia- tion , les Sacremens , & particuliere- ment celui de l’Euchariil;ie & celui dela Penitence. 11 apporta pour preuve de ce qu’il avansoic,la fable de l’Aflemblee de Bourg-Fontaine publiee par le Sr. Fileau, & prenant le Livre qu’il avoit apporte avec lui, il le lut publiquement en 94 Histoire en chaire. Enfuire il die que e’etoit par un julte jugement de Dieu que l’Abbe de St. Ciran ecoit more fubitemenc , prive des Sacremens de l’Euchariflie& de Ja Penitence qu’il avoit voulu detrui- re pendant fa vie; quoiqu’on eut refu¬ te pius d’une fois cette calomnie, par l’atteftation du Cure qui lui adminiflra le Viatique. Mais les preuves les plus claires n’embarrafient pas des gens qui ont pris leur parti, & qui font re'folus de ne point renoncer a ieurs calomnies, non plus qu’a leurs opinions erronees. Ce Predicateur pafla enfuite a Mr. Ar- nauld , & declama contre lui avec le raeme emportement. II dit qu’il avoit furpafle l’Abbe de St. Ciran en impie- te , qu’il avoit detourne tout le monde d’approcher des Sacremens de 1’Eucha- ariftie & de la Penitence, par toutes les difficultez dont il les avoit environnez. Alors il appliqua aux Janfeniftes en ge¬ neral toutes les qualitez qu’on attribue aux Loups, qui dans l’Ecriture font la figure des Faux Prophetes. Les Loups, difoit-il, rodent autour de la bergerie; ils epient le terns que le Pafteur ell ab- fent ou endormi; ils rendent enrouez<5c musts ceux qu’ils apperjoivent les pre¬ miers DES PROVINCIALES. 95 roiers * Lupi Mcerim videre priores ; & ils fuyent au-contraire devant ceux par qui ils font d’abord appergus} ils ont enfin le cou roide & inflexible. II fit voir que tout cela convenoit aux Janfe- niftes ; qu’ils drefloient de meme des erabuches aux brebis de Jesus-Christ; qu’ils abufoient de l’indulgence des Paf- teurs pour perdre le troupeau ; qu’ils fitoient aux Pafteurs imprudens qu’ils pouvoient prevenir , la Jiberte de par- ler; & que decouverts par Jes ve'ritables Pafteurs, ils etoient faifis de crainte & fe cachoient ; qu’ils ne s’etoient point laiflez flechir par les oracles des Souve- rains Pontifes , ni par les cenfures des Eveques : qu’ils continuoient au-con¬ traire a repandre par-tout leur mauvaile dodlrine; qu’ils tachoient de gagner les Peuples , non feulemejit par leurs dif- cours & par leurs ecrits , mais encore par leur argent; qu’il favoit tres-certai- nement qu’ils avoient un confident a Bordeaux , a qui on avoit envoye de Port-Royal cinquante mille loufs d’or, pour s’en fervir a attirer dans le parti ceux qu’il jugeroit a propos;qu’il y avoir a la * Virile, 9 6 Histoire la verite de bons lleligieux dans la vil- le , mais qu’il y en avoit auffi qui s’e- toient laiffez infecler de cecte herefie; qu’ils parloient mal de fes fermons , & qu’iis difoient qu’on n’en pouvoit rea¬ rer aucun fruit; mais que pour Jes con- vaincre de menfonge il en appel hit au temoignage de fon auditoire. N’eft-il pasvrai, s’ecrioit-il , que je vous pre- che des chofes tout-a faic utiles & ne- ceflaires? J1 employa ainfi pres de deux heures a debiter de pareilies extrava¬ gances. Je n’ai garde de m’arreter ici a refu- ter toutes ces calomnies. Elies ont ete detruites par divers Auteurs, & fur- tout par Montalte dans la 1 6 . Lettre. Je prie feulement les le&eurs d’appren- dre ici a connofcre les Jefuites, de con- iiderer quel eft leur efpric , d’admirer leur impudence &leurmalignite,& d’en avoir route l’horreur qu’elles meritent. Combien de fois les a-t-on convaincus de menfonge fur leur fable de l’aflem- blee de Bourg-Fontaine? Combien de fois les a-t-on confondus & reduits a ne pouvoir rien repondre fur les cir- conftances de ce conte infenfe ? Ce- pendant voila qu’ils recommencent tout de DES PROVI NC I ALES. 97 de nouveau a debiter ce roman de- tellable & extravagant, & a le debi¬ ter , non pas en fecret & devant une ou deux perfonnes , mais en public, aux yeux d’une grande viile , dans leurs fermons, & dans la chaire me- me de la verite. Et ils font prets it repeter cent fois la meme impertinen¬ ce, des-que l’occafion s’en prefentera: femblables a ceux dont le Prophete dit : Ils ont 6te confus , farce qu'ils cnt fait des chofes abominables , ou ptutbt la confufion meme ria pu les omfondre , & ils n'ont fu ce que cetoit que de rougir. Pour moi, j’avoue qu’en confiderant cette etrange hardiefle avec laquelle ils repandent la calomnie & la medifance , j’y trouve une malice qui furpafTe la corruption ordinaire du coeur humain. Les anciens Peres ont reconnu dans ces cruautez inou'ies que les Romains fai- foient fouffrir aux Chretiens, une im- preffion particuliere du Diable qui les infpiroit. 11 me femble qu’on peut aulli attribuer cette fureur ,& cette obf- tination que nous voyonsdans les Jefui- tes, a une femblable inftigation de i’en- nemi de tout bien. Une paffion pure- ment humaine n’eteindroitpas ainfi tout Tome /« G fen- 98 Histoire fentiment d’humanite , elle ne fe ren- droit pas ainfi maitrefle du cceur de tant d’hommes. J’en appelle ici a leur confcience. Je leur demande s’ils font convaincus fincerement & de bonne foi que le Livre de Janfenius, qui n’a eu pour but que d’y expliquer & de relever la grace de Jesus-Christ, qui y repete fans-cefie qu’on ne peut fai- re aucun bien fans cette grace , qui rejette les vertus morales des Infide- les , a caufe de ceJa feul qu’elles ne font point produites par 1’efprit de Jesus-Christ ,& qu’elles ne viennent point de la foi en Jesus- Christ , a qui enfin ils ne reprochent rien eux- memes , que d’avoir trop donne a la grace de Jesus - Christ , a fa force & a fon efficace ; fi dis-je , ils font convaincus qu’un tel Auteur n’a con- fomme vingt annees entieres a cet Ou- vrage penible , que dans le deflein de perfuader a tout le monde , qu’il n’y a point de grace de Jesus-Christ & point de Sauveur? Je leur demande de meme s’ils font effedtivement convaincus que le Livre de la Frequente Communion, dont tout Je deflein eft d’imprimer aux Fidd¬ les un profond refpedl pour Jesus- Christ DES PROVIN CIALES. <39 Chrhist refidant dans FEuchariflie, de les exhorter a regler leur conduite fur les maximes de i’Evangile , afin d’etre en etat de s’approcherplus purement de cet augufte facrement ; s’lls font con- vainctis, dis-je, queceLivre, n’a ete fatt que pour prouver qu’il n’y a poinc d’Euchariftie , point de Tranfubflanda- tion , que Jesvss-Christ n’eft pas me- me le Fils de Dieu , en un mot que tout J’Evangile n’eflqu’unefab'einven- teeap!aifir?Seroit-il done poffible, mes Peres , que vous crfifliez ferieufement des chofes fi abfurdes , & fi eloignees du bon-fens? Mais fi vous ne les croyez pas , comment pouvez-vous avoir le front de les repandre dans le public P Si vous les croyez , votre folie eft incom- prehenfible. Et fi vous ne les croyez pas, vous etes les plus fcelerats de tous les hommes. (^uelque parti que vous preniez , vous ne faites que trop con- noitre par l’un & par l’autre l’efprit qui vous anime. Si votre aveuglement vous le cache a vous-memes, tous ceux quine font pas infe&ez de vos maximes le reconnoiflent, & toute la pofterite le reconnottra de meme , a moins que G 2 l’ex- 100 II I S T 0 I R E 1’exces de votre malice ne la lui rende incroyable. Je ne dirai rien d’un autre Sermon que le meme P. Gallicier fit quelques jours apres, ou il n’eut point de honte de renouveller cette ancienne calomnie que Montalte avoit refutde au commen¬ cement de fa 16 . Lettre , touchant l’argent d’un College , done ils preten- dent que Janfenius difpofoit comme d’un bien qui lui auroit appartenu. Apres la fable de 1’Aflemblee deBourg-Fontaine, tout le refte me paroxt en quelque forte fupportable. J’ajouterai feulement qu’ils ne fecon- tenterent pas de declamer contre Wen- drok & contre les Profeffeurs dans leurs Sermons & dans leurs Entretiens , ils le firent encore par des Ecrits tant particuliers que publics. Car s’e'tanc appergus lorsque le Roi pafla par Bor¬ deaux *, qu’ils ne devoient pas efperer du cote de la Cour tout l’appui dont ils s’etoient flattez , ils fe refolurent de fe venger eux-memes,&de fatisfaire touts la violence de leurpaffion. Dansce def* fein * En revenant de Saint Jean de Lnz on il avoit i - poufe l'lnfante d’Efpagne, des Provinciales. ioi fein ils publierent unEcrit contre Wen- drock , & contre les Profeffeurs qui avoient refufe de le condamner. lis y accufoientouvertement ]e premier d’he- refie, parce qu’il ofoit, difoient-ils,re- voguer en doute le fait de Janfenius, contre cette maxime generale qu’ils ta- choient d’etablir dans cet Ecrit} Que l’Eglife & le Pape ne font pas rnoins in- faillibles dans les Faits non revelez par l’Ecriture ou par Ja Tradition, que dans les Dogmes memes. Une erreur fi nou- velle & fi pernicieufe fut bientot refu- tee. Un favant Theologien en fit voir la fauffete avec tant de foiidite & de force dans un petit Ecrit qu’il publia, que je ne crois pas que perfonne s’avife de la vouloir foutenir a 1’avenir. (i) Ce- (1) L’Ouvrage dont il eft parle ici, que les Jefuites publierent a Bordeaux contre Wendiock & les Profefc- ieurs en Theologie, avoit pour titre; Lettre d'unThco- logien a. un Officier du Parlement , touch ant la qucjlior. Livre de Wendrock eft h€r€tique. Mr. Nicole, qui etoic alors en Allemagne, n’eut pas plutot re9u cet Ecrit, qu’il crut qu’il ne lui etoit plus permis de garder le filen* ce : & pour defendre ceux qui s’etoient expofes k tout plutot que de violer la juftice , il repondit au Libelle des Jefuites par un Ecrit intitule , Defenfe des Profeffeurs en Thtfoiogie de VUniverfitS de Bordeaux , con¬ tre un Ecrit intitule , Lettre d’un Theologien a un Offi¬ cier &c. Get Ouvrage parut le 14. Juillet. 11 fut fui- yi le 4. A out d’un autre qui avoit pour Titre, Second* Ddfenfe des Profeffeurs en Theologie de 1 ‘Univerfiie de Bor* G 3 deaux 101 H I S TO I IE Cependant Jeur Profeffeur deTheolo-s gie du College de Clermont a Paris trai- ta la meme matiere avec aflez d’etendue dans les cayers qu’il difloit a fes Ecoliers, mais il fuc un pea plus referve. II ne foutenoit pas generaiement, comme ceux la, que le Pape flit infaillible dans tous les faits. 11 vouloit feulement que cette maxime eut lieu dans les faits qui eloient joints infeparabkment avec le droit , car c’efl: ainfi qu’il parloic: Cam factum Jimul cum dogmate inextricabiliter coharet: & il pretendoit que le fait de Janfenius etoit de cette nature, mais fans aucune ombre deaux See. Ce feeond Ecrit eft encore de Mr. Nicole* On fera peut-etre furpris de les voir ici atitribues par lui-meme a un favant Theologien. Ce n’elt pas de lui-meme que parle Mr Nicole, mais de Air. Arnauld qui mit la main a ces deux Defenfes, duquci eft la difeuflion du fait d’Honorius qui s’y trouve , 6c qui put foin de les publier. Trois autres Ecrits fuivirentj ceux la. Le premier avoir pour titre y Reflexions fur la pourfuite que les Jefuites font au Par lenient de Bordeaux , pour faire condamner les Lettres Provinciates traduites en L*tin par Wendrock. Le fecond etoit ujie Refutation des raifons alUguees pour ohtenir la condamnation des Lettres de Montalte traduites en Latin par IVendrock , avec des Notes, ThtQlogiqws Le troifieme enfin contenoit , Les Mo . tifs de la Declaration quont donnee les Profeffeur s en Then* logie de l Univ'r/itf de Bordeaux touebant le Livre de Mon - talte La folidite de ces trois Ouvrages ne lailTe pas, lieu de douter qu'ils n’ayent ete compofes par Mr* $icole, 6c revus par Mr. Arnauld. D es Provinciales. 103 ombre de raifon. Car qui eft le Theo- logien , quelque ftupide qu’on le fup- pofe , qui ne fepare tres-aifement ce fait de Janfenius d’avec Je droit ? Le droit confifte dans les dogmes condam" ne's par Je Pape , ou dans les cinq pro- pofldons prifes dans le fens nature! des paroles. La queftion de fait confifte a favoir, fi ces cinq proportions & ces dogmes condamnez font, effcfitivemenc contenus dans Je Livre de Janfenius. Or iJ eft certain qu’on ne petit dire fans renverfer la foi meme , que cette der- niere queftion appartienne a la foi. C’eft done une erreur extravagance & ridicu¬ le, que de pretendre que ces queftions font joint es, infeparablement avec les dogmes. Comment apres avoir ete feparees pen¬ dant feize cens ans, feroient elles de ve¬ nues tout d’un coup infeparables ? Car il eft clair que l’Eglife a rejette, des fa naiffance, les dogmes qui viennent d’etre condamnez. Et cependant elles ne fa- voit point encore qu’il due naitre un Janfenius , ni qu’il due faire un Livre. II n’y a done rien de plus abfurde que de vouloir qu’on ne puilfe maintenant rejetter ces memes propofitions, fi on ne croic point en meme terns qu’elles G 4 one 104 Histoire ont ete enfeignees par Janfenius. Mais queique grande que foie cette abfurdite, les jefuices aiment mieux i’admettre, que de faire ceffer 1’unique pretexte qu’ils ayent d’accufer Jeurs ennemis d’berefie. Voila en peu de mots l’hiftoire de ce qui s’eft paffeauParlementde Bordeaux. On voit affez que je ne me fuis pas at¬ tache a rapporter fcrupuleufement une infinite de petites circonftances. J’ai tache feulement de n’en point oublier de confiderables. J’aurois fouhaite de pouvoir rendre ii plufieurs perfonnes de merite,qui ont fait paroitre dans cette affaire un zele & une fermete admi¬ rable, les louanges qui leur font dues, & leur donner des marques de ma jufte reconnoiffance. Mais j’ai cru qu’il et ok plus prudent de taire ce qu’ils ont fait pour la verite, que de les expofer, en le publiant, a la vengeance & au reffenti- ment des Jefuites. II viendra peut-etre un terns ou la verite fera moins captive, & le vice moins infolent: alors il nous fera permis de faire connoitre ce qu’u- ne crainte diferete nous oblige prefen- tement de cacher. Je ne faurois m’em- pecherdedefirer cet heureuxterns, afin de DES PROVINCIALES. 105 de pouvoir m’acquiterde ce que ]e dois a toutes ces perfonnes. Ce qui me confole , c’eft que rien ne leur peut ra- vir leur recompenfe, puifqu’iis n’ont eu en vue en prenant ma defenfe, que de fatisfaire a ce qu’ils devoient aDieu, qui eft la fouveraine juftice, & a leur confcience, qui ne leur permettoit pas de laifler opprimer I’innocence. Comme Mr. Nicole ecrivoit cette hiftoire dans Je tems meme qu’elle fe paftoit a Bordeaux, il n’eft pas etonnant de n’en point voir ici la conclufion. Nous allonsfuppleerce qui manque, par ce qui s’entrouve dans l’hiftoiredu Jan- fenifmedu P. Gerberon, lavant Theolo- gien de la Congregation de St. Maur. Void ce qu’il dit de ce que les Jefuites firent pour empdcher les fuites de la Declaration des ProfdTeurs en Theolo- gie de Bordeaux. „ Les Jefuites craignant que cette ,, Declaration etant pcrtee au Parle- „ ment, on n’y donnat un Arret a ,, l’avantage de Wendrock, au lieu de ,, prefler fes Juges, comme ils avoient ,, fait la premiere fois, de prononcer „ leur fentence, il engagerent Mr. le „ Tellier, Secretaire-d’Etat, a ecrire a G j „ Mr, io 6 Histoire „ Mr. le Premier Prefident de Bor- deaux , pour qu’il ne donnac point ,, d’autre arret fur cette affaire, mais ,, qu’il la laiffat en fetat oil elle etoit. ,, Mr. le Premier Prefident recrivit a „ Mr. le Teilier,en fe plaignant de ce ,, que le Predicateur des Jefuites exci- „ toit par fes declamations la haine du „ Peuple contre le Parlement. ,, Mais tandis que les Jefuites em- „ pechoient ce Parlement d’agir, ils ,, agiffoient eux memes puiflamment en „ Cour, pour faire condamner Wen- ,, drock par le Confeil de Sa Majefte', „ en faifant ordonner que ce Livre feroit „ examine par des Eveques & par des ,, Theologiens qui etoient dans leurs ,, fentimens , ou qui pour Je moins ,, n’oferoient parler en faveur d’un ,, Livre contre lequel ils favoient que „ leurs Majeftes etoient prevenues. ,, Le Confeil donna donc^le quatrieme „ Septembre , un Arret par lequel Sa ,, Majefte nommoit quatre Eveques & ,, neuf Dodleurs , favoir les Eve- ,, ques de Rennes, de Rhodez , d’A- ,, miens & de SoifTons, & les Doc- i, tears Grandin , Morel, Chappelas, „ Bail, Cfiamillard, Leflocq, du Sauf- des Provinciates. 107 ], Toy, & les Peres NicoJa'i &Gangy, j, pour examiner les Lettres Provincia- „ les avec les Notes de Wendrock. Ces „ Prelats & ces Theologiens, tres-op- ,, pofes a tout ce qui avoit quelque „ rapport au Janlenifme, foie par len- ,, tirnent , etant Moliniltes & Demi- „ Pelagiens, foit par attachement aux ,, Puiilances qui en avoient une extre- „ meaverfion, ne manquerent pas de ,, declarer le 7. Septembre que les he- „ refies de Janfenius que l’Eglife a „ condamnees, fe trouvoienr, tant dans ,, les Lettres de Montalte,que dans les ,, Notes de Wendrock, & dans les Difi ,, quifitions dePaul Ireneeqn’ony avoit ,, jointes; & que ce Livre devoit fubir la ,, peine que lesLoix ordonnent contre „ JesLibelles heretiques & diffamatoires. „ Cette Cenfure, que tous ceux qui ,, avoient lu Wendrock fans prendre „ parti, difoientetre la plus injullequi „ fut jamais , ayant ete lue au Con-r „ feil le 23. Septembre, on y donna ,, fur le champ un Arret qui condam- ,, noit ce Livre a etre lacere & jette aq feu par les mains du Bourreau *. Le „ Chan- * II y a dans ce itfcit quelque inexa&itude: l’Arrct du log Histohe ,, Chancelier meme , quoique tres- ,, contraire aux Janfeniftes , eut tant „ de repugnance a figner & a fceller „ un Arret qu’il favoit n’avoir ete „ donne que fur une Cenfure dont tout „ ie monde voyoit 1’injuftice & la fauf- „ fete, qu’il ne le fit que par le com- „ mandement expres du Roi, le premier „ jour d’Odtobre. Cet Arret fut exe- ,, cute a Paris le huitieme du meme „ mois, avec l’indignation de tous ceux ,, qui aimoient la Grace de Jefus-Chrifl; ,, & la Morale de fon Evangile, que ,, 1’Auteur de ces Lettres, & celui de „ ces Notes, avoient defendud’une ma- „ niere fi noble & fi forte contre les ,, Relachemens & le Demi-Pelagianifme „ des Jefuites. ,, Cet avantage les rendit plus hardis „ & plus infolens. Et voulant avoir „ une vi£loire entiere fur tous ceux „ qui n’avoient pas appuye leur injufti- „ ce contre Wendrock , ils entrepri- du Confeil du 23. Septembre renvoya le Livre au Lieutenant-Civil du Chatelet de Paris, pour, a la dili¬ gence du Procureur du Roi, le faire lacerer & bruler a la croix du tiroir. Le Lieutenant-Civil rendit fa fentence le 8. d’Oftobre, 8c le 14. l’Arret du Confeil -eut fon execution. DES PROV I NCI AEES. 10? „ rent, pour comble de Ieuriniquite,de „ fe venger des Theologiens de Bor- „ deaux qui avoienc declare qu’ils n’a- „ voient trouve aucune herefie dans le „ Livre de Wendrock. Ils obtinrent ,, par Jeurs artifices & impoftures ordi- „ naires, le cinquieme Novembre, un fe- „ cond Arret du Confeil, fous des pre- ,, textes etudi.es, contre les Theologiens ,, en la forme qui fuit. ,, Le Roi ay ant eti informe que depute „ cinq ou fix annees quelques Dotteurs en „ The'ologie de l'Urimer fit i de Bordeaux ,, ont ouvert me Nouvelle Ecole de ‘Theo- „ logic , fans aucunes Lettres ni fippoba- ,, tion de Sa Majefie, ont pris dans les , y Abies Publics la qualite de Profeffeurs ,, Royaux, ont impofe , fans permtffion de- „ fa-dite Majefie , des taxes fur tous les 5, Ecoliers qui voudroient prendre des de* „ gres dans la-dite Univerfite ; ifi qui pis eft „ ont approuve un Livre , lequel ayant ete ,, juge heretique & dijfamatoire par plu- ,5 fieurs Eveques & Dobleurs de la Facul- „ t 6 de Paris , & par plufieurs autres Doc- „ tears & Profeffeurs de la-dite Faculte , ,, a ete bride publiquement en execution ,, d'Arret du Confeil du 22. Septembre: „ Sa Majefie etant en fon Confeil a ordon- „ ni IIO H I S T 0 I R E „ ni & ordonne que le nomme Lopez Doi- „ teur , qui a figne la-dite approbation , „ /era a/figne en per/onne au-dit Confeil d j, deux mois , pour reprifenter les Lettres „ £5? les Litres en vertu de/quels ils ont fait 3J le dit etabliffement £5? impofition, & prh ,, la qua lit e de Profe/feurs Royaux ; £5? ,, jufqu’d ce quil ait Jatisfait , £5? let} > fans etre autrement avance, ft ce n’efl qu’ii fut decore i<5o Note III. de diftinftion , qui s’intdreffent dans ces diff£- rends, comme s’il s’y agilToit d’un point impor¬ tant decore d’une Oraifon Funebre pat le celebre Mr. Bo/ fun, qui depnis fur ft lronteux de l’avoir faite, qu'il n’a ofe la mettre dans les autres pieces de ce genre qu’il a publiees. Les jefuites dont il s’e'toit rendu le valet, le garderent bien de ritn faire pour lui: c’eft ainli qu’ils traitent ceux qui ont la bonte de fe livrer a eux. Auffi Mr. le Chancelier le Tellier, ce Miniftre ii fage 8c li prudent, diloit fott energiquement de ces bon Petes, que c’etoit de froids amis 8c de dangereux ennemis. C’ell ainli qu’ils ont traite le bon Mr. du Mas , Fardent Mr. Tournely a Paris, 8c a Douay le rule Mr. Delcour , tous gens qui ont fuffifamment manoeuvre pour ces Peres. 11 faur pour en etre eftime 8c recherche, ne rien faire ni pour ni centre; etre en erat de ne les pas redouter, mats de s’en faire craindrej les tenir enhaleine; le moquer d'eux dans !e particulier, mais en public leur faire ferviteut tres-humble. D’ailleurs ils ne font bons que bien baltus: alors ils font perluadez du peu qu’ils valent, 5c de ce que valent les auttes : mais gardez-vous bien de les fecourir dans l’adverfite; car ils vous per- dront des - qu’ils auront regagne le-deflus, c’eft une vipere que l’on rechauffe dans fon fein. Mr. Hubert fut un tout autre homme que Mr. Cornet: il fut Cha- noine 8c Theologa! de Paris, homme favant en Theo- logie, 8c qui ne nranquoit pas d’une forte d erudition Eccleiiiirique: il en a donne des pteuves par plulieurs Ouvrages qu’il a faits, mais qui font aujourd’hui peu eftimes. Il fut employe par le Cardinal de Richelieu, 8c devint moins favorable aux Jefuites que contraite aux Janfeniftes, c’etoit le ftde de la Cour. 11 fut Eveque tie Vabres en IS... 8c mourut en r66g, en etat de poavoir faire l’oraifon funebre de fa reputation dece'- dee longtems avant. Mr. Hallier avoit extremement bril- ]e en Sorbonne, tant qu’il harcela les Je'luites; il tomba des-qu’il leur fut favorable. Son Traite Latin des Elec¬ tions (de Sacris EleSionihus) 8c celui de la Hierarchie Ec- cleilaftique, lui firent beaucoup d’honneur a Rome: 8c comme cette Cour recompenfe beaucoup ntieux que les Jefuites ceux qui lui rendent fervice, il fut nomrne par k Pape en UsS7 F.veque deCavailloa dans leComtat A . SUR LA I. LETTB.E. l6x tant de la foi Catholique, ne comprenant pas que ce n’eft ici qu’une querelle de Dofteurs , & qu’il ne s’agit que des inimitiez particulieres d’un Mr. le Moine, d’un Mr. Cornet, & d’autres gens de pareil caraftere. d’Avignon, & mourut en 1659. En voila bien aflez pour une Ample Note. Mais comme Wendrock te'moigne que cette cenfure conrre Mr. Arnauld devoit fon otigine a quelques ini- mitiez particulieres fuivenues entre Mr. Arnauld & la plupart de ces Do&euis , on en peut croire encore le Do&eut Launay, qui le marque auffi au commence¬ ment de fa Note Vill. fur la Cenfure de Sorbonne. NOTE IV. Des nouveaux Themifies, & des diftinBms de Mr. le Moine. L Es nouveaux Thotniftes font difciples d’Alva- rez: ils foutiennent fortement la grace effica- ce, mais ils en admettent encore une autre qu’ils nomment fuffifante, d laquelle ndanmoins on ne confent jamais fans la grace efficace. On !es ap~ pelle nouveaux , parce qu’on ne trouve prefque point parnli les anciens ceterme de grace fuffifante, quoiqu’on puiffe dire qu’ils ont leconnu la chofe qu’il fignifie. C’eft avec grande raifon que Montalte, introdui., fant fur la fin de cette Lettre un Difciple de Mr. le Moine, lui fait dire difiinguo fur chaque chofe qu’on lui propofe. Car jamais perfonne n’a tant inventd de diftinftions que Mr. le Moine: il en entaffe fouvent trois ou quatre les unes fur les au- tres, quand il rdpond a un argument, & n’en prou- ve aucune ; parce qu’it n’a jamais eu deifein de trouver la vdritd, mais feulement de i’dluder. Tome L L S E* l6l II. LETTRE. SECONDE LETTRE (i) Ecrite a m Provincial par un de fes Amis. De la Grace Suffifante. De Paris ce 29. Janvier, i 6 j 6 . Monsieur, pOmme je fermois la Lettre que je vous ai ecrite, je fus vifitd par Monfieur N. notre ancien ami , le plus heureufe- ment du monde pour ma curiofitb; car il eft tres-informe des queftions du terns, & il fait parfaitement le fecret des Jefuices, chez qui il eft a toute heure, & avec les principaux. Aprds avoir parld de ce qui 1’amenoit chez moi, je le priai de me diie en un mot quels font les points ddbattus entre les deux partis. 11 me fatisfit fur l’heure, & me dit qu’il y en avoit deux principaux: le 1. touchant le pouvoir prochain: le 2. touchant la grace fuffijante. Je vous ai dclairci du premier par la precddente, je vous parlerai du fe- cond dans celle-ci. Je fus done en un mot, que leur differend touchant la grace faffifante eft en ce que les Jefuites pretendent qu’il y a une grace donnde gdndralement k tous les hommes, foumife de telle forte au libre arbitre, qu’il la (1) La rsvifion de cette Lettre fut faite par Mr. Ni¬ cole. De LA GRACE SUFFISANTE. 1^3 la rend efficace ou inefficace & fon choix, fans aucun nouveau fecours de Dieu, dire une infinitd de fois en leur vie , le O 2 defit 212 IV. L £ T T R E. dbfir deprierle vrai Dieu qu’ils ignorent, de leur donner les vraics vertus qu’ils ne connoifient pas ? Oui, die le bon Pere d’un ton r£folu , nous le dirons; & plutdt que de direqu’on peche fans avoir la vue que Ton fait mal, & le ddfir de la vertu contraire, dous fou- tiendrons que tout le monde,& les Impies & les Infidbles, ont ces infpirations & ces defirs li chaque tentation. Car vous ne fauriez me montrer, au*moins par l’Ecritu- xe , que cela ne foit pas. Je pris la parole k ce difeours pour lui dire: Et quoi, mon P£re, faut-il recourir h l’Ecriture pour montrer une chofe fi clai- re ? Ce n’eft pas ici un point de foi, ni mdme de raifonnement, e’eft une chofe defait. Nous le voyons, nous le favons, nous le fentons. Mais mon Janfdnifte fe tenant dans les termes que le Pere avoit preferits, lui die ainfi: Si vous voulez, mon Pere, ne vous rendre qu’& l’Ecriture, j’y confens:mais au- jnoins ne lui refiftez pas ,• & puisqu’il eft dcrit , Que Dieu n’a pas reveli fes jugemens aux Gentils , 6? qu’il les a laiffez errer dans leurs voies, ne dites pas que Dieu a dclaird ceux que les Livres Sacrez nous aflurent avoir et( abandonnez dans les tenures 6? dans Vombre de la mart. Ne vous fuffit-il pas, pour entendre Per* reur de votre principe, de voir que St. Paul fe dit le premier des peebeurs , pour un pdchd qu’il De LA GRACE ACTUELLE, &C. 2J3 qu’il declare avoir commis par ignorance 6? avec zele? Ne fuffit-il pas de voir par 1’Evangile, que ceux qui crucifioient Jesus- Christ avoient befoin du pardon qu’d demandoit pour eux, quoiqu’ils ne connffffent point la malice de leur adiion; & qu’ils ne l’eftfc fenc jamais faite, felon St. Paul, s’ils eu euflent eu la connoiffance? Ne fuffit-il pas que Jesus-Christ nous averuffe , qu’il y aura des perfecuteurs de l’Eglife, qui croiront rendre fervice & Dieu en s’efforqant de la rui'ner ; pour nous faire entendre que ce pechb , qui eft le plus grand de tous, felon l’Apdtre, peut dtre commis par ceux qui font ft bloignez de favoir qu’ils pechent, qu’ils croiroient pecher en ne le faifant pas? Et enfin ne fuffit-il pas que Jesus-Christ lui-mdme nous ait appris, qu’il y a deux fortes de Pbcheurs, dont les uns pechent avec con- noilTance, & les autres fans connoiffance; & qu’ils feront tous chatiez, quoiqu’a-la- veritb differemment ? Le bon Pere preffd par tant de temoi- gnages de l’Ecriture a laquelle il avoit eu recours, commenqa a liicher le pied , & laiffant pecher les Impies fans inspiration, il nous dit: Au-moins vous ne nierez pas que les Julies ne pechent jamais fans que Dieu leur donne. . . . Vous reculez, lui dis-je en l’interrompant , vous reculez , mon Pere : vous abandonnez le principe gbndral, & voyant qu’il ne vaut plus rien O 3 a I’d- 214 IV. L E T T u, k l’^gard desPdcheurs, vous voudriezen- trer en compolltion, & le faire au-moins fublifter pour les Julies. Mais cela etant j’en vois l’ufage bien racourci ; car il ne fervira plus il gueres de gens , & ce n’eft quad pas la peine de vous le dilputer. Mais mon Second qui avoir, & ce que je crois , etudidtoute cette queflion Is ma¬ tin m£me, rant il dtoit prdt fur tout, lui rdpondit. Voilk, mon Pere , le dernier xetranchement ou fe retirent ceux de vo* tre parti qui ont voulu entrer en difpute. Mais vous y etes aufli peu en afTurance. JL’exemple des Juftes ne vous eft pas plus favorable. Qui doute qu’ils ne rombent fouvenc dans des pdchez de furprife fans qu’ils s’enapperqoiventV N’apprenons-nous pas des Saints mdmes combien la concu- pifcence leur tend de pidges fecrets , ^ combien il arrive ordinairement que quel- que fobres qu’ils foient , ils donnent a la volupte ce qu’ils penfent donner k la feule ndceffitd , comme Sr. Auguflin le dir de foi-mdme dans fes Confciltons? Combien eft-il ordinaire de voir les plus zdlez s’emporter dans la difpute k des mou- vemens d’aigreur pour leur propre intdrdt, fans que leur confcience leur rende fur l’heure d’autre tdmoignage , finon qu’ils agiffent de la forte pour le feul intdrdt de la vdritd , & fans qu’iis s’en apperqoivent quelquefois que long-tems apres ? Mais que dira-t-on de ceux qui fe por¬ tent avec ardeur k des chofes effedtive- ment De la grace actueele, &c. 215 ment mauvaifes, parce qu’ils les croienc effe&ivement bonnes, comme l’Hiftoire Ecclefiallique en donne des exemples; ce qui n’empdche pas, felon les Pdres, qu’ils n’ayenc pdchd dans ces occafions? Et fanscela comment les Julies auroient- ils des pdchez cachez ? Comment feroit-il veritable , que Dieu feul en connoit & la grandeur & le nombre ? que perfonne ne fait s’ii eft digne d’amourou dehame, &que les plus Saints doivent toujours demeurer dans lacrainte& dans le tremblement, quoi- qu’ils ne fe fentent coupables en aucune chofe, comme St. Paul le dit de lui-mdme V Concevez done , mon Pdre , que les exemples & des Julies & desPdcheurs ren- verfent dgalement cette ndeeffied que vous fuppofez pour pecher, de connoitre le mal & d’aimer la vertu contraire ; puifque la paflion que Ids Impies ont pour levice, tdmoigne affez qu’ils n’ontaucun ddfirpour Ja vertu; & que l’amour que les Julies ont pour la vertu , tdmoigne hautement qu’ils n’ont pas toujours la connoifiance des pd- chez qu’ils commettent chaque jour , fe* Ion l’Ecriture. Eti' ell fi vrai que les Julies pechenten cette forte , qu’il ell rare que les grands Saints pdchent autrement. Car comment pourroit-on concevoirque ces Ames II pu* res,qui fuient avectantde foin & d’ardeur les moindres chofes qui peuvent deplalre a Dieu auflitdt qu’elles s’en apperpoivent, & qui pdchent ndanmoins plufieurs fois O 4 chaque 2,16 IV. Lett r e. chaque jour , effifent h chaque fois avant que de tomber, la connoijfance de leur infer- mite en cette occafion , cetle du Medecin , le defir de leur Jante , £? celui de prier Dim de les fecourir; & que malgre touces ces infpi- 3-ations, ces Ames fi zdiees nelaifedffent pas de puffer outre , & de commeccre le pe- chb ? Concluez done , mon Pere , que ni les Pdcheurs, ni mdme les plus Judes, n’onc pas toujours ces connoilTances, ces defirs, & touces ces infpirations toutes les fois qu’ils pechent; e’eft a-dire , pour ufer de vos teripes , qu’ils n’ont pas toujours la grace adfuelle dans toutes les cccalions oil ils pechent. Et ne dices plus avec vos nou- veaux Auteurs , qu’il eft impoffible qu’on peche quand on ne connoit pas la juftice; mais dices plutdt avec St. Auguftin, & les anciens Peres, qu’il eft impoffible qu’on ne peche pas quand on ne connoit pas la juf¬ tice : Necejfe ejl ut peccet, a quo ignoratur jajlitia. Le bon Pere fe trouvant auffi empechd de foutenir fon opinion au regard des Juf- tes qu’au regard des Pecheurs , ne perdit pas pourtant courage. Et apres avoir un peu rdvd: Je m’en vas bien vous convain- cre, nous dit-il. Et reprenant fon P. Bau- ny li l’endroit mdme qu’il nous avoit mon- tre: Voyez , voyez la raifon fur laquelle il etablit fa penfee. Je favois bien qu’il ne jnanquoit pas de bonnes preuves. Li/ez ce qu’il cite d’Ariftotej & vous verrezqu’a- De LA. GRACE ACTUELLE, &C. Z1 7 pres une autorite ft exprefte, il faut brfuer les Livres de ce Prince des Hhilofophes, ou dtre de notre opinion. Ecoutez done les principes qu’dtablit le P. Bauny. II dit prdmierement, qu’une action ne peut-etre imputee d blame lor/qu’elle eft involontaire. Je l’avoue , lui die mon ami Voila ia premiere fois, leur dis-je , que je vous ai vu d’accord. Tenez-vous en ft, mon P£- re , fi vous m’en croyez. Ce ne ieroit rien faire , me dit-il ; car il faut favoir quelles font les conditions neceffaires pour faire qu’une aftion foit volontaire. j’ai bien peur, rdpondis-;'e, que vous ne vous brouilliez ft-deftus. Ne craignez pointy dit-il, ceci eft fdr, Ariftote eft pour moi. Ecoutez bien ce que dit 1- P. Bauny Afin qu’une aEtion foit volontaire , il faut qu’elle procede d’un homme qui voie, qui facbe, qui penetre ce qu’il y a de bien 0 de mal en elle Voluntarium eft, dit-on commit- nEment avec le Pbilofopbe , (vous favez bien que e’eft Ariftote, me dit-il en me fen-ant les doigts) quod fit d principio cognofeents fingula , in quibus eft aEtio : Si bien que quand la volonti, a In voice e ?fans difciijfion , Je porte d vouloir ou abborrer , faire ou laif- fer qutlque chofe , avant que l'entendement ait pu voir s’il y a du mal a la vouloir ou d la fuir , la faire ou la laifj'er telle aEtion n’eft ni bonne ni mauvaife ; d'autant qu’a~ vant cette perquifition , cette vue & reflexion de I’efprit dejfus les qualitez bonnes ou mau- vaifes de la chofe d laquelle on s’occupe, Vac - O 5 * tion 218 IV. L E T T RE, tion avec laquelle on la fait n’efi volon- taire. Et bien, me dit le Pdre, dtes-vous con¬ tent? II femble , repartis je , qu’Ariftote eft de l’avis du P. Bauny , mais cela ne laifTe pas de me furprendre. Quoi, mon P£re , ii ne fuffic pas pour agir volonrai- rement, qu’on fache ce que l’on fait, & qu’on ne le fafle que parce qu’on ie veut faire ? mais il faut de plus que Von voie , que I'on fache , 6 ? que Von pknhtre ce qu’il 31 a de Men & de mal dam cette attion? Si cela eft, il n’y a gubres d’a&ions volon- taires dans Ja vie, car on ne penfe gueres & tout cela. Que de juremens dans le jeu, que d’exces dans les dbbauches, que d’emportemens dans le Carnaval, qui ne font point volontaires, & par confequent ni bons , ni mauvais , pour n’dtre point acompagnez de ces reflexions d’efpritfur les qualitez bonnes ou mauvaifes de ce que I’on fait! Mais eft - il pollible , mon Pere, qu’Ariftote ait eu cette penfde? car j’avois oui dire que c’dtoit un habile hom- me, Je m’en vas vous en dclaircir , me dit mon Janfemfte. Et ayant demands au Pere la Morale d’Ariftote , il l’ouvrit au commencement du troififcme Livre', d’ob le P. Bauny a pris les paroles qu’il en rapporte , & dit h ce bon Pdre: Je vous pardonne d’avoir cru fur la foi du P. Bau¬ ny , qu’Ariftote ait dtd de ce fentiment. Vous auriez changd d’avis ft vous l’aviez lu vous m£me. Il eft bien vrai qu’il en- feigne, De la grace ACTUELLE, &C. 2 Ip feigne , qu'afin qu’une aftion foit volontaire, il faut connoitre les particularitn de cette a£tion , Singula in quibus eft a£tio. Mais qu’entend-il par-U , fincm les circonftances particulieres de I’aftion , ainfi que les exemples qu’il en donne le juftifient clai- rement, n’en rapportant point d’autre qufe de ceux oil Ton ignore quelqu’une de ces circonftances; comme d'uneperfonne qui vou- lant montrer une machine , en decocbe un dard qni bleffe quelqu’un\ & de Merope qui tua foil fils , en penlant tuer fon ennemi , & autres femblables? Vous voyez done par-fti quelle eft l’igno- ranee qui rend les actions involontan es; que ce n’eft que celle des circonftances particulibres, qui elt appellee par les Thdo- logiens , comme vous le favez fort bien mon Pere, /’ ignorance du fait. Mais quant & celle du droit , e’eft- 1- dire , quant a l’i- gnorance du bien & du mal qui eft en Tac¬ tion, de laquelle feule il s’igitici, voyons ft Ariftote eft de 1’avis du P. Bauny. Voici les paroles de ce Philofophe, Tons les me- ebans ignorent ce qu’ils doivent faire, & ce qu’ils doivent fuir. Et e'eft cela mime qui les rend n.ichans & vicieux. C’ejl pourquoi on ne peut pas dire , que parce qu’un bomme igno¬ re ce qu’il eft a. propos qu’il faffe pour Jatis- faire d fon devoir , fon action foit involon - taire. Car cette ignorance dans le cboix du bien 6? du mal ne fait pas qu’une action foit ' involontaire , mais feulement qu'elle eft vicieu- fe. L’on doit dire la mime cbofe de celui qui ignore en general les regies ds fon devoir \puif- que 220 IV. L E T T R E. que cette ignorance rend les bommes dignes da blame , & non d’excufe. Et ainji Vignorance qui rend les actions involontaires excufa - hies , ejt feulement celle qui regarde le fait en particulier, 6? fes circonfiances fingulieres. Car alors on pardonne a un bomme £*? on I'excufe , 6? on le confidere comme ayant agi contre Jon gre. Apres ce!a, mon Pere, direz-vous enco¬ re qa’Ariftote (bit de votre opinion ? Ec qui ne s’dtonnera de voir qu’un Philofophe Paven ait ere plus eclaire que vos Dodteurs en une matiere auffi importance & coute la Morale, & a la conduite mdme des ames , qu’efl: la connoifTance des conditions qui rendent les adtions volontaires ou invo- lontaires , & qui enfuite les excufent ou ne les excufent pas de peche? N’efperez done plus rien , mon Pere, de ce Prince des Philofophes , & ne reftftez plus au Prince des Thdologiens qui decide ainfi ce point aul. I. de fes Retr. c. if. Ceux qui pi- cbent par ignorance , ne font leur action que parce quils la veulent fairs , quoiqu’ils pe- chent fans qu'ils veuillent peeber. Et ainfi ce peche mime d’ignorance ne pent etre commis que par la volontJ de celui qui le commet , mais par une volonti qui fe porte d VaStion ,£? ntn au peebe ; ce qui n'empeebe pas nean- moins que I'aEiion ne foit peebe , parce qu'il fuffit pour cela qu’on ait fait ce qu’on etoit oblige de ne point faire. Le Pere me parut furpris, & plus enco¬ re du paffage d’Ariftote que de celui de St. Au- De LA GRACE ACTUELLE, &C. 221 St. Auguftin. Mais comme il penfoit 4 ce qu’il devoit dire , on vint l’avertir que Madame la Mardchale de . . . . & Madame la Marquife de . . . . le deman- doient. Et ainfi en nous quittant a la hate: J’en parlerai, dit-il , h nos Peres, ils y trouveront bien quelque rdponfe, nous en avons ici de bien fubtils. Nous i’entendimes bien ; & quand je fus feul avec mon ami , je lui tdmoignai d’dtre dtonnd du renverfement que cette doc¬ trine apportoit dans la Morale. A quoi il me rdpondit, qu’il dtoit bien dtonnd de mon dtonnement. Ne favez-vous done pas encore 'que leurs exeds font beaucoup plus grands dans la Morale que dans les autres matieres ? 11 m’en donna d’dtran- ges exemples , & remit le refte il une autre fois. J’efpbre que ce que j’en ap- prendrai , fera le fujet de notre premier entretien. Je fuis, &c. NO 222 Note I. NOTE PREMIERE S U R LA QUATRIEME LETTRE, De la DoBrine des Jefuites toucbant hs Bonnes Peru fees toujours prefentes , conJamnee par la Sor- bonne & par la Faculte de Louvain. C E n’eft pas feulement Montalte & les Dgfen- feurs de Janidnius , qui condamnent la doctrine des Jefuites touchant les bonnes pen- ftes, qu'ils prdtendent qu’on a toujours en pe- chant. Toute la Sorbonne l’a condamnde autre¬ fois dans le P. Bauny par une Cenfure tres-rigou- reufe, & faite avec une entiere liberty. Car ce Pere ayant avanc6 dans l’endtoit cit£ par Mon¬ talte , qu'une aBion ne peat etre imputee d pe'cbe , /* Dieu nous donne. avant que de la commettre, la con- iioijfance dtt mal qui j efl, & une infpiratm qui nous excite d Veviter ; tous les Docteurs (le r. Acme 1641} jugerent que cette propofition e'toit faujfe, & qu'elle ouvroit la porte d trouver des excufes dans les peebez- Les illuftres Curez de Paris & de Rouen , qui fe font acquis une gloire immortelle par le zile qu’ils ont fait paroitre contre la Morale relachee, en examinant les Livres des Cafuiftes, & faifant des extraits de leurs plus dangereufes propofl- tions, s’appliquent particullerement, dans la pre¬ face qui eft A la tete de leurs extraits, d combat- tre cette doctrine, & ils en demandent la Cenfu¬ re aux EvSques. £t depuis peu la Faculty de Louvain (le 4 Mal SUR LA IV. LETTRE. 223 Mai 1657 ) a condamnd la mSme Do&rine de Bauny en ces termes. Cette doftrvnc efi centre ks principes communs de la T keologie Cbrttienne , & ex- cuj'e un nombre mnni de pecbez } meme des plus dnor- mes, d la ruins des ames. Entin les Ev6qi.es de France , fur-tout Mr. l’Archeveque de Sens, & Mrs. les Grands Vi- caires de Paris, ddclarent dans leurs Cenfures de YApologie des Cajiiiftes, que cette doftrine eft er- ronde, & manifeltement oppotee a l’Ecricure dfc aux Peres. Voild comme ontiaite, prdfentement memej cette opinion que les Jefuites voudroient bien nous donner pour une opinion commune & au¬ torifle, & que i’on peut juftement appeller le fondement de la dodrine de Molina. Elle eft combattue par les plus illuftres & les plus favans Curez de 1’Europe, cenfurde par les plus cdle- bres Facultez, & condamnde pat les plus grands EvSques, fans que perfonne s’y oppofe. Je de- vrois en faire voir ici la fauffetd: mais comme Montalte a trait£ amplement cette matiere, je m’y arreterai peu, & je me contenterai de faire quelques remarques fur ce fujet. Je remarquerai done en premier lieu, que lorf- que les Thdologiens Catholiques foutiennent que I’ignorance du droit naturel n’excufe pas de pdchd, iis ne difenc pas pour cela que cette ignorance foit un pdchd ft elle n’en fait point commettre. Car ce font deux chofes bien diffd- rentes, de dire que cette ignorance foit par elle* m£me un pdehd , ce que perfonne ne dit de l’ignorance invincible, & de dire qu’elle n’excufe pas de pdchd ceux qu’elle y fait tomber. C’eft pourquoi c’eft une infigne calomnie que fait le dernier Apologifte des Cafuiftes , d’attribuer a ceux qu’il appelle Janfdntftes ce fentiment, I’i g««- S24- Note I. f ignorance 'invincible eft un pe'cbe'; puifqu’i! a clil apprendre le tonrraire de la leconde Apologie tie Jai fdnius (i), ou I’on detruit cette accufation d’une maniere qui ne fouffre point de replique. En fecond lieu , que felon le fentiment de Bauny, non feulement tout ce qui fe fait par une ignorance invincible n’eft pas pecbd, mais gdn£ralement tout ce qui fe fait par ignorance ou vincible ou invincible. Car cette attention del’ame fur la malice de l’attion, qu’il enfe/gne £tre ndceffaire dans tous les pichez, exclud en- tierement toute forte d’ignorance, foit vincible foit invincible. II n’y a done, felon lui, aucun pdchd d’ignorance; & il faut effacer de i’Ecriture routes les prieres que nous faifons a Dieu, pour lui demander pardon de ces fortes de pdebez. En troifieme lieu , que les Thdologiens ont trop dpargnd Bauny, en ne traitant fon opinion que d’erreur. Car ils pouvoient avec raifon la qualifier d’hdrdtique, puifqu’il eft de foi qu’il y a des pdchez d’ignorance. L’Ecriture le marque expreffdment, le Concile de Diofpolis l’a ddcidd, en obligeant Pdlage d’abiurer cette propofition de Cdleltius: Qu'on nc pouvoit altribuer a peche ce qu’on faifoit par oubli ou par ignorance; parce qu'on n'agiffoit pas volontairement , mais par neccjfne Et cela eft confirmd par le confentement unanime de toute la Tradition , a laquelle 1’opinion de Bauny eft ft oppofde.que je ne fai ft les J6fuites pourroient marquer un feul Auteur qui l’ait en- feignde, ft ce n’eft peut-etre un Anonyme dont parle (i) La Setfmde Apologie de 7 dnfdnius eft de Mr Ar- nauld. Cet Ouvrage, quo que ere' bon, n’eft pas ecrit r.vec autant de precifion que les autres l'.aitez Dogma- tiquesde Mr, Aroaula: ce qui en eftcite ici, eft au Liv, 3, ‘b, s. SUR LA IV. LettRE. 22 $ parle St. Bernard, & qu’il reprend fortement, en dcrivant A Hugues de St. Vidtor. (r) Je rapporterai ici l’ehdroit entier, afin que les Tfifuites & leur Apologilte apprennent de ce Saint quelle elt leur erreur. „ Jecrois, dit-il, „ que nous ne devons pas nous arreter beau^ „ coup a rdfuter la troifieme propofition, parce „ que la fauffetd en ell Crop fividente. * II elt ce- „ pendant d craindre que II on ne rdpond du- „ raoins en peu de mots d l’infenfd felon fa „ folie, il ne la prenne pour une fageffe, & nc ,, la rfipande plus hardiment parmi les infenfez, „ & qu’ainfi il ne la pouffe au-deld de toutea „ bornes. Nous rdfuterons done un menfonge „ Evident, par quelques tdmoignages Widens. 11 „ pretend qu’on ne peut pdeber par ignorance. „ Il faut done qu’il ne prie jamais pour fes pfi- „ chez d’ignorance, fit qu’au contraire il fe mo* „ que dela priere duProphete qui dit, Seigneur, ,, ne vous fouvenez pas des pdcbez de ma jeg- „ neffe, ni de ceux que j’ai commis par ignor „ ranee. Et peut • etre <5fe-t-il reprendre Dieu ,, mfime, d’exiger, comme il fait, une fatisfac- „ tion pour ces fortes de pfichez. „ Mais , pourfuit St. Bernard, fi l’ignorance „ n’eli jamais un pdchd, pourquoi ell - il dit dans 1’Epitre aux HcbreuX, que le Grand Pretre cn- i, troit feul tous les ans dans le fecond Taberna- „ cle avec le fang qu’il offroit pour fes pdchez „ d’ignorance fit pour ceux du peuple? S"il n'y a „ point de pdchez d’ignorance, Saul ne pfehoit * done point en perfdcutant l’Eglife de Dieu, ,4 puifqu’il le faifoit par ignorance fit fitant dans ,, 1’incrfidulitfi ? Non feulement il ne pdchoic „ point, mais rnfime il faifoit bien , Iorfqu’il „ dtoit (t), Traite du Bapt, ah, 4 . Time L P zz6 N O T E I. „ dtoit blafphdmateur , perfdcuteur, plein de „ menaces, & qu’il ne refpiroit que le fang des „ difciples du Seigneur. Car fi d’.un c&td 1’igno- t, ranee l’exempcoit de peche, de l’autre le zele „ qu’il faifoit paroltre pour la tradition de fes „ Peres le rendoit digne de rdcompenfe. II de- i, voit done dire, -j’ai eii reeompenfe, & non pas „ j’d obtain mijeruorde. Encore une fois, (1 on „ ne peche jamais par ignorance , pourquoi „■ bl&mons-nous ceux qui ont fait mourir ies „ Apdtres; puifque non feulement ils ignoroient „ qu’ils faifoient un mal, mais qu’ils croyoient ,, mSme faire un bien? C’dtokaufli en vain que i, Jesus-Christ prioit fur la Croix pour fes „ bourreaux : car ne fachant pas ce qu’ils fai- ,, foient, ainfl qu’il le tdmoigne lui-meme, ils „ ne pdchoient point. Dirons - nous qu’ils le fa- voient? Mais eft-il permis de foup$onner Je- „ sus- Christ de menfonge , lorfqu’il dit fi „ clairement qu’ils ne le favoient pas. Quand ,» mime quelqu’un voudroit en foupqonner l’A- „ pdtre, & croire que parce qu’il etoit homme, „ & qu’il avoit beaucoup d’affeftion pour ceux de „ fa nation, il a pu mentir lorfqu’il a dit d’eux, ,, que s’ils euflent connu le Dieu de gloire, ils „ ne 1’euiTent jamais crucifid. Tout cela ne ,, fuffit - il pas pour montrer en quelles profondes „ tdnebres d’ignorance eft celui qui ne fait pas „ qu’on peut quelquefois pdcher par ignoran- „ ce”? Jufqu’icice font les propres paroles de St. Bernard, qui dans ce paffage ne detruit pas feulement 1’erreur des Jdfuites par fon autoritd, mais encore par des preuves certaines tildes de I’Ecriture. SUR LA IV. LETTRE. 22jr N O T E II. Refutation do la vaoie imagination del Penfe'es non appercues. J L femble quet’ApoIogifte des Cafuiftes ait rd- tolu de furpaifer tous les autres Jdfuites en extravagance , comrae il les a furpaffez en ca- jomnies. Car. quelque abfurde que foit 1’opinion ,de Bauny toucbant ,1a neceflUd des bonnes pen- ices pour pdcher, non feuletnent il entreprend de la ddfen.dre, mais la maniere don.t il !e fait eft encore.plus abfurde. Prefix par l’exemple d’une infmitd d’impies, qui ne fentent aucun de ces jemords de coiifcience, & qui cotnmettent plu- iieurs actions criiijinellfcs fans croire qu’elles le foienf, il n’a point trouvd de meilleure rdponfe, que de dire que ces fottes.de gens ont a-.la- veri¬ ty ces infptrations divines, ces remords, & ces ions defirs dans lefqueB les Jdfuites pour la plu. part font epflfifter la Grace Suffifante; mais qu’ils n’y font point d’attention, & qu’ils ne s’en appe.r. qoiventpas. „ J’aime mieux croire, dit-il (i), „ qu’iis en ont encore, mais qu’ils ne font point ,, de reflexion fur les lumieres qu’ils ont delarai- s, fon, & fur les graces fuififantes que Dieu leur a, donne , lors meme qu’ils fe laiflent emporter „ i leurs debauches & a leurs blafphemes. Si „ les actions, ajoute-1- il, qui font matdriell.es, & „ qui. fe font par les organes du corps, dehappent „ fouvent a notre connoiffance , que faut-it juger h des actions de l’entendement & de la volontd, „ qui font deux puiffances dlevdes au-deHiis de la „ ma* O) Pat. 30. . jP * *lg N O T E I I; -• matiere, & purement fpirituelles? Ne devons- „ nous pas croire que nous en produifons plu- „ fieurs dont nous ne nous appercevons point ”? 11 n’eft pas befoin de s’arrdter beaucoup d combattre ce faux fyfteme. 11 fuffit pout le meprifer, de Yavoir que toute penfde renferme n&reiTairement une connoiiTance d’elle ■ meme ,& un fentiment intdrieur qu’on penfe. C’eft ce qui fait parler ainfi Bellarmin (i), en rdfutant cette impertinence. „ II y a des gens qui difent que „ Dieu frappe continuellement i la porte du 3 , cceur, & qu’il appelle les pecheurs; mais qu’6- ,, tant occupez £ d’autres chofes, ils ne s’apper- ,, qoivent pas que Dieu les appelle, ce qui eft „ dvidemment contraire d l'expdrience. Cat „ puifque cette vocation, & ce mouvement de ,, Dieu qui frappe d la porte de notre cceur, qui „ nous attire & qui nous excite , eft une action „ de notre ame , quoiqu’elle ne foit pas libre , „ n'tftant autre chofe qu’une bonne penfde & un 3 , bon ddfir que Dieu nousdonne tout d’un coup; „ comment fe peut - il faire que nous ne la fen- 3 , tions pas en nous, puisque non feulement elle 3 , eft en nous , mais qu’elle vient aufli de nous ? 3 , De plus ft nous avions toujours cette grace 3 , prdvenante, nous aurions toujours de bonnes 3 , pentees & de bons ddfirs. Mais quelque chimerique que foit cette fiction, je foutiens qu’elle ne fert de rien pour excufer Bauny, ni mdme pour dtsblir cette grace fuffifan- te que quelques-uns veulent que nous ayons tou¬ jours en pdchant. Elle n’excufe point Bauny: cm ce Cafuifte ne fe contente pas de quelque pen- fde imperceptible , il veut que l’arae y fajfe atten¬ tion , ou pour me fervir de fes termes, qu’elle y SUR LA IV. LBTTUE. 2 Zg faffe reflexion. „ Une aftion , dit-il (i), n'eft „ point imputde a blame fi elie n’eit volontaire; „ & pour etre teiie il faa qu’clle procede d’un „ homme qui voie, qui fache &quipdng:recequ’il „ y a de bien & de mal en elle. . . . Quand la „ volontd.a la volee & fans difcufllon,fe porte 4 „ vouloir ou d abhorrer quelque chofe avantque „ I’entendement ait pu voir s’il y a du mal d la a, vouloi r ou d la fuir .... telle aftion n’eft ni „ bonne ni mauvaife; d’autant qu’avant cette ,, perquifition, cette vue & reflexion de l’efprit ..l’aftion avec laquelle on la fait , n’eii ,, point volontaire. Elle n’excufe pas davantage le Dofteur !e Moi- ne,qui veut que toutes ces chofes fe paffentdans J’arne avant qu'une aftion puiile dtre imputde a pdchd. Premierement que Dieu donne quelque gotit pour le prdcepte , qu’enfuite il s’dleve un mouvement rebelle de la concupifcence, & enfin que l’homme foit averti de fa foibleife, & touchd de la penfde & du ddfir de prier. „ i. D’une „ part, dit - il , Dieu rdpand dans l’ame quelque „ amour qui la panche vers la chofe commdndde; „ & de 1’autre part, la concupifcence rebelle la „ follicite au contraire. 2. Dieu lui infpire la i, connoiifance de fa foibleife. 3. Dieu lui infpi- „ re la connoiifance du mddecin qui la doit gud- ,, rir. 4. Dieu lui infpire le ddfir de fa gudrifon. „ S- Dieu lui infpire le ddiir de le prier & d’im-. ;, plorer fon fecours ”. Mr. le Moine, Auteur de ce bei enchainement, ne dira jamais lui-memeque tout cela fe puiffe faire fans attention. Mais ces penfdes nonaperques font encore bien moins d’ufage par rapport d la fin qui les a fait in¬ venter. Les Jdfuites n’y ont eu recours que pour foute- (ij Smtnt tk$pbbtx ch. 39. p. jo 5 . Edit,_ c. 2 JO N o T E it foutenir- que la grace fuffifante & attuelle ne man¬ que a perfonne* Car comme cette grace ne peut confifter que dins quelque atte de 1’entendement & de la volontd, on ne peut pas dire que perfon- ne l’aic, s’il n’a quelque penfde & quelque amour du bien. Mais comme il fe trouve une infinite de gens qui, lorsqu’ils pechent, ne font aucune attention & ees infpirations divines & a ces aver- tiftemens; les Jdfuites,- plut6t que d r Sbandonner une opinion ft infenfde, ont contiamts d’in- venter ces pentees fecretes & non apperques, & de faire confifter dans ces mCnies penKes la gra¬ ce fuffifante. Mais en fe tirant d’un mauvais pas, AS s’eri'ga- gent imprudemment dans un aiitre encOre plus f&- cheux. Car qui ne voit pas combien il eft ridicule de dire qu’une penfde ddbt je ne m’apperqois point, foit fuffifante pour the faiie dviter le pd- chdV On pourroit dire toiit ds meme qu’on ati- Iroit fuffifamment averti une perfonne de quelque danger, quoiqu’on ne Ten eflt avertie que pen¬ dant qu’elle dormoit bien fort, &qu’etle n’enen- tendoit rien. Car cette penfde dbnt je ne m’ap- perqois pas , eft tout -4-fait femblable a une voix que je n’entends point. Sont-ce d onc-li ces moyens que les Jdfuites nous donnent pour nous fauver, & qu’ils font tant valoir ? Sont-ce-la ces fecours qu’ils fe plaignent avec tant de clameurs qu’on a cruellement 6tds aux Pecheurs ? Que tous ceux qui fe laiffent abufer par ce grand nom de Grace Suffifante, apprennent une fois ce que c’eft', & qu’ils reconnoiffent enfin I’inutilitd & la tromperie de ce beau prdfent des Moliniftes. Ils s’imaginent que les Moliniftes leur promettent des merveilles, quand ils les ailment que par leur moyen ils ont toujours une grace fuffifante toute prece.Mais qu’ils les preffent, & qu’ils leur difepc t qu’ils SUR LA I-V. i-LetTRE. 231 qu’ils ne fentent point ces infpirations divines toutes les fois qu’ils pechent; alors les jdfuites ieur repondront, qu’il eft vrai qu’ils ont eu ces infpirations, rnais qu’ils ne s’en font pas apper- qu; & cependant elles font inutiles, ii on ne s’en apperqoit pas. Mais que ies Jdfuites diftribuent aufli bardi- ment & auffi Iibdralement qu’ils voudront ces pen- fies non apperques, je ne m’y oppofe point; je dis feulement qu’elles ne fuffifent pas pour faire ie bien, en, forte qu'on n’ait befoin d’aucun autre fecours. Car perfotne ne furmonte effeftivement une tentation, fans avoir la.volontd & la penfee de la furmonter. Or celui qui n’a pas cette pen- fde, & qui ne l’a pas de maniere qu’il la fente & qu’il s’en appertjoive, qu’il ait tant qu’il voudra de ces penfdes non apper^ues „il ne fauroit avec ceia vaincre la tentation, ni faire le bien. Ainfi les Auteurs de cesPenfees Occultes.quand mSme ils prouveroient qu’il y en a de telles, ne touchent point le nceud de la difficult^, & ne donnent aucune atteinte a la doctrine des Difci- ples de St. Auguftin, qui n’attaquent point ces fortes de penfees, ne fe mettant pas en peine qu’elles foientou ne foient pas dans l’ame; mais qui combattent feulement les penfdes expreffes dont nous avons un fentiment inttirieur , & qui prouvent par l’autoritd de J’Ecriture & desPeres, par lexpPrience & le temoignage (Je la propre confcience d’un' chacun., qu’on ne.les a pas tou¬ tes les fois que 1’on peche. Au relte les JSuites fe trompent beaucoup, quand ils fe vantent d’avoir rdm6did,-par - la aux niurmures de ceux qui fe plaignent de ce que J3 grace leur manque. Ils leur fourPifient plutdt de nouveaux fujets de plaiptes. Car croyant fur la parole des Moliniftes, que toutes les fois qu’on -•!. :■! P 4 leur £32 Note II. leur fait un commandement,la grace leur eft due de droit, ils accuferont Dieu d’injuftice a leur dgard, de ce qu'il leur paye une grace qu’il leur doit, d’une maniere qu’ils ne peuvent s’en apper- qevoir. Mais dans quels fcrupules cette dofttine ne jettera-t-elle pas les atnes pieufes, par la crainte qu’elles auront de n’avoir pas rdpondu a ces pen- fdes non appergues ? Ainfi une opinion faufle eft toujours mal concertde, & ddfedtueufe de tous cdtez. Elle eft incommode & ondreufe aux Juf- tes, odieufe aux Pdcheurs, & tout- a-fait inutile pour juftifier la conduite de Dieu,fitempecher les hommes de tomber dans la pareffe. Avant que de finir, je remarqaerai encore ici en paflant, que 1’Apologifte parle en vrai Pdlagien, lorfqu’il die fans ddtour ce 'qu’on lit p. 37. Mais quand les CaJ'uifies, dit - il , accorderoient aux JanJ'eniftes que (cs pechcurs parfaits & accomplis n'ont point de re¬ words en pechant , il ne s'enfuit pas pour cela quils n’ayent point de comoifance du peebe qu’ils commettcnt , & qu'ils n’ayent point de graces fujfijantes pour I'evi- ter. Car dtez les remords de confcience, que refte-t il autre chofe que la connoiffance du pd- chd? Et y faire confifter la grace fuffifante,n’eft- ce pas renouveller ouvertement l’hdrdfie de Pdla- ge, dont le dogma capital eft, que la hi & la connoiffance du peche fuffijent pour eviter le mal , fans qu'il Joit neceffaire d’une grace veritable & interieure de la volonte? je pourrois ajouter fur ces remords que l’Apologifte avoue qu’on n’a pas toujours, qu’il les fait confifter quand on les a, dans de certains mouvemens de crainte ,& qu’il donneces jnouvemens pour la grace veritable qui fait ac- complir les prdeeptes & dviter le pdchd: ce que St. Auguftin & les autres Dotteurs de la Grace ont sent fois rejettd, & condamnd de Pdlagianifme. - , . NO- Sur lis Lett.suiv. I. Not. Prelim. Z 33 NOTES PRELIMIN AIRES Sur les Lettres fuivantes qui concernent la Morale. NOTE PREMIERE. Quel eft Ic deffein de ces Notes. M Ontalte commence dans la cinquieme Let- tie a expliquer toute la Morale desjdfuites, en la prenant dans fon principe & dans la fource de toute fa corruption, qui ell la doftrine de la Probability Mais comme entre les paiTages qu’il rapporte de ieurs Auteurs, il y en a qu’ils prdten- dent qu’ii a faliifiez, & d’aurres qu’ils entrepren- nent de juftifier, il ne fera pas inutile de pr£ve. nir ici les lefteurs contre toutes leurs vaines chi¬ canes , & de dtftruire par avance toutes les fauf- fes raifons qu’ils apportent pour leur ddfenfe ,afin de mettr’e par-la la bonne foi de Montalte & la purete de fa doftrine 4 couvert de tout reproche. C’eft ie deffein que je me fuis propofd dans ces Notes. Mais afin de ne pas perdre inutilement le terns 4 rdfuter en particulier tous leurs fophif- rnes, & 4 rdpondre a toutes leurs plaintes, je les at rapportdes 4 des chefs g 6 n£raux, fous lefquels j’ai renfermd tout ce qu’il y a de confid^rable. i34 II* Note Preximinaire. NOTE II. Premiere plainte des Jdfuites. Que Montalte kur fait les memes reproches que les Hi- retifues font d I’Eghjc. L Es Jdfuites voulant repouffer toutes les accu- fations de Montalte par un prdjugd gdndral qui empech&t qu’on ne lui donnat aucune crdan- ce , ils pretendent qu’il ne reproche A leurs Au¬ teurs que ce que les Miniilres Caviniltes, & par- ticulierement du Moulin, ont cputuine de repro* cher a l'Eglife Catholique. Sur ce fondement ils le traitent ouvertement d’hdrdtique & de fauteur d’hdrdtiques, qui en attaquant les Cafuiites, veut en efFet attaquer la veritable doArine de l’Eglife. 11s font fi fatisfaits de cette rdponfe, qu’ils la rd- petent fans-ceffe,& en fatiguent les leAeurs dans tous leurs Ecrits. C’eft done avec raifon que je commence par cerendroit a rdpondre a leurs plain- tes. II faut empecher en rdfutant celfe-ci, qu’on ne foup^onne l’Eglife Catholique d’enfeigner une doArine aufll corrompue que {’eft cede des Jdfui¬ tes, & apprendre a tout le monde qu’elle n’a au¬ cune part au relachement de leur Morale, ni Mon*, talte aucune intelligence avec les Hdrdtiques. Mais pourqiioi fe donner la peirre de rdfuter fdrieufement une abfurdite fi vifible? Lesjdfuites efperent-ils pouvoir perfuader a perfonne , que Montalte a tird de du Moulin ce qu’il rapporte des Cafuiftes ? Ceux qu’il cite le plus fouvent comme Lami, Bauny , Efcobar, Cellot, Sir- tnond (i), n’ont-ils pas dcrit depuis du Moulin? Mais Ji) Lami , Bauny , Efcobar , Cellot , Sirmond.] Ce f° r t Montalte accuse’ d’heresie. 135 Mais comment Montalte auroit-il trouvd toutes les maximes abominables des Jdfuites dans da Moulin, oh elles ne font pas i Et pourquoi n’au- roit-il pu les voir dans leurs Livres , oil il eft li facile de les trOuver? Pour moi je ne veux pour leur ferrner la bouche.queceparaltelemdmequ’ils ont fait des reprocbes de Montalte contr’eux t & de ceuX de du Moulin centre l’Eglife Romaink 1/s font ft diffdrens qu’il ne faut que jetter la vue deffus, pour etre convaincu que Montalte ne s’eft pas plus feivi de du Moulin en dcrivant fes Let- tres, que du Moulin s’eft fervi de Montalte en compofa'nt fes Livres. Mais Cette queftion de fait eft fort peu impor¬ tance en elle meme, & tout a-fait inutile pour la ddcifion de notre difpute. Car accordons auxjd- fuites que Montalte leur reproche des erreurs que du Moulin attribue par un menfonge impie a toute 1 ’Eglife, que s>enfuit-ii de-la ? Rien autre chofe finon que les Cafuiftes deshonorent l’Eglife & fcandalizent les Hdrdtiques: que dans l’Eglife ils corrompent fes enfans, & que hors de 1 ’Eglife ils dloignent de fon fein ceux qui en font fdparez: de forte que cette Sainte Mere peut avec juftice leur adreirer ces paroles d’un ancien Patriarcbe juftement indigne contre la cruautd de fes enfans i (1) Vous tn’avez trouble, ©* voits m’avez rendu odieux aux Cimanecns & uux Pbe'rejttns qui habitent ccttc lerre. Ce- tous des Jefuites, devenus illuftres par la condamnation qui a' tte faite de leurs Ecrits. Mais il eft jufte d’aver- tir que le Pere sirmond dont il eft ici parle , fe nom- moit Anioine , an lieu que le Grand Sirmond fe nom- moit Jaques , lequel a ete un des plus judicieu# Critiques de fon Siede. O) Gen. 34. 30, 23 0 II- Note Preliminaire. Cependant les Jdfuites, non feulement ne Cotft point touchez de tant de fujets qu’ils fourniiTent aux hdrdtiques d’infulter les ferviteurs du Dieu vivant, mais iis prennent mdme avantage de ce fcandale, i/s s’en giorifient ; & comme li les re- proches des hdrdtiques contre leurs maximes d- toient des preuves aufll infaillibles de leur vdritd, que la decifion d’un Concile Oecumdnlque, ils ea prennent occafion de ddcrier comme des hdreti- ques toils ceux qui les combattent. Et non feule¬ ment ils veulent qu’on regarde les erreurs que les hdrdtiques ont relevdes , comme autant de vdrj- tez certaines & hors d’atteinte ; mais ils veulent qu’on ait le meme dgard pour toutes les abomi¬ nations des Cafuiftes, que les hdrdtiques n’ont ja¬ mais reprochdes a l’Eglife. Si ce moyen fuffit pour les mettre a couvert, j’avoue qu’ils n’ontp/us rien a craindre , & qu’ils peuvent renverfer la Morale Chrdtienne , fans que perfonne ofe s’y oppofer; car ils auront toujours cette ddfenfe tou- te prete contre ceux qui voudroient leur rdfifter: gv'U n'y a que les bere'tiques qui ajent accoutume dp reprendre & 1 de bldmer la doHrine des Cafuiftes. Mais ils devroient avoir appris de St. Auguftin, que les hdrdtiques font a-la-vdritd femblablesaux chiens qui lechoient les plaies de Lazare, parce qu’a leur exemple ils s’attachent aux plaies de r£glife,pour en fjirelefujetde leurs mddifances: & qu’en cela ils font injuftes & impies de vouloir deshonorer la Mere d caufe des crimes de fes en- fans, & de publier que tout le corps eft infedtd, parce qu’il y a quelques-uns de fes tnembres qui le font ; mais que ndanmoins comme les chiens ne laifTent pas de lecher de vdritables plaies, les hdrdtiques auffi ne laifTent pas de reprendre quel- qtiefois de vdritables defordres. C’eft pourquoi I’Eglife repouffe les mddifances MoNTAETE ACCUSE’ d’hERESIE. 237 dfes hdrdtiques, non en foutenant, mais en con- damnant elle-meme les chofes qu’ils bldment, & en t6moignant publiquement qu’elle ne les ap- prouve pas non plus qu’eux.mais qu’au contraire elle les ddtefte encore davantage, & beaucoup plus fincerement qu’eux. C’eft ainii que le mdme St. Augullin rdfute les Manichdens, qui rejettoient fur toute 1'EgliCe les defordres de quelques par¬ ticulars. 11 condamne, & fait voir que 1’EgliCe condamnoit ces defordres encore plus forteinent que ne faifoient ces hdrdtiques. „ Ne m’obje&ez point, dit-il ( 1 ) , qu’il y a „ des gens qui font profeflion d’dtre Chrdtiens, „ & qui en ignorent les devoirs, ou qui ne leS „ remplifTent pas. Ne m’oppofez point cette „ foule d’ignorans qui font fuperllitieux dans la „ religion meme , ou tellement abandonnez A „ leurs palCons , qu’ils oublient tout ce qu’ils i, ont promis d Dieu. Je fai qu’il y en a plu- „ fieurs qui rendent un culte fuperllitieux aux „ tombeaux & aux images, & qui faifant des „ feilins dans les cimetieres s’enfeveliflent eux- j, memes tout vivans fur les fdpulcres des morts, „ & prdtendent que ces exces font autant d’ac- „ tions de pidtd. Je n’ignore pas qu’il y en a „ beaucoup qui ont renoncd de bouche au mon- „ de, & qui fe rdjouiffent ndanmoirs de fe voir i, accablez de fes grandeurs. Mais ceflez de „ patler mal de l’Eglife, ne calomniez point l rez pas perdu votre terns d’dtre venu ici, fans cela vous ne pouviez rien entendre. C’eiT: le fondement & 1’a, b, c, de toute notre Morale. Je fus ravi de le voir tombd DE LA POLITIQUE MS JESUITES. 26p tombd dans ce que je fouhaitois , & Je Jui ayant temoignd, je Je priai de m’ex- pliquer ce que c’dtoit qu’une Opinion Probable. Nos Auteurs vous y repon- dront mieux que moi, dit-il. Voici com- jne ils en parJent tous gendralement, & entr’autres nos 24. in princ. Ex. 3. n. 8. Une opinion eft appellee probable , lorfqu’elle eft fondie fur des raifons de quelque copft? aeration. D'oii il arrive quclquefois, qu’un feul DoSleur fort grave peut renctre une opinion probable Ec voici la raifon : car un bomme adonne particulierement d Vitude, ne s'attacberoit pas d line opinion , s’il n’y etoit attire par une raifon bonne & fuff]an¬ te. Et ainlj, Jui dis-je, un feul Dodteur peut tourner les confciences & les boule- verler a fon grb, & touiours en furete. 11 n’en faut pas rire , me dit-il , ni penfer comhattre cette dodtrine. Quand les Jan- fdniftes 1’ont vqulu faire, ils ont perdu Jeur terns. Eile eft trop bien dtablie. Ecoutez SancJiez, qui eft un des plus cdlebres de nos Peres: Som. J. 1. c. 9. n. 7. Vous douterez peut-etre, ft l'autorite d’un feul DoSteur bon 6? favant rend une opinion probable. A quoi je reponds , qu’oui. Et c'eft ce qu’affurent Angelas, Sylv. Navarre , Emmanuel Sa , cSc. Et void comme on le prouve. Une opi¬ nion probable, eft celle qui a un fondement conftderable. Or 1 'autorite' d’un bomme favant (ft pieux n’eft pas de petite con ft dir at ion , mais plutot de grande confideration. Car, dcoutez bien cette raifon , ft le tenioignage d’un tel bomme 268 V. L E T T R E. bomme eft de grand poids , pour nous ajjurer qu’une cbofe J'e foit pajjee par exempts d Rome , pourquoi ne le /era t-il pas de-meme dans un doute de Morale P La plaifante comparaifon, lui dis je,des chofes du monde & celles de la confcience! Ayez patience, Sanchez rdpond k cela dans Jes lignes qui fuivent immediatement. Et la reftriStion qu’y apportent certains Auteurs ne me plait pas: Que l’autorite d'un tel Docteur eft Juftifante dans les cbofes de droit bumain , mais non pas dans celles de droit divin ; car elle eft de grand poids dans les unes & dans les autres. Mon Pere, lui dis - je franchement, je ne puis faire cas de cette regie. Qui ra’a affurb que dans la liberte que vos Dodteurs fe donnent d’examiner les chofes par la raifon, ce qui paroitra fftr a l’un, le pa- roifle k tous les autres? La diverfitb ties jugemens eft fi grande. . . . Vous ne l’en- tendez pas, dit le Pereen m’interrompant, auffi font-ils fort fouvent de diffbrens avis, mais cela n’y fait rien. Chacun rend le • hen probable & ffir. Vraiment l’on fait bien qu’ils ne font pas tous de mbme fenti- ment, & cela n’en eft que mieux. Us ne s’accordent au-contraire prefque jamais. II y a peu de queftions, oh vous ne trouviez quel’undit, oui, 1 ’autre dit, non. Et en tous ces cas-la,l’une & l’autre des opinions contraires eft probable. Et c’eft pourquoi Diana dit fur un certain fuet, Part. 3. to. 4. R. 244. Ponce £? Sanchez} font de contraire, v r avis: DE LA POLITIQUE DES JESUITES. Z6p avisi mais parce quits etoient tons deux fa- vans , cbacun rend fon opinion probable. Mais, mon Pere, lui dis-je, on doit fitre bien embaraffd & choifir alors ? Point da tout dic-il , il n’y a qu’a fuivre Pavis qui agrde le plus. Etquoi, ft l’autre eft plus probable? 11 n’importe, me dit-il. Et ft l’autre eft plus ftir ? II n’importe, me dit encore le Pere; le void bien expliqud. C’eft Emmanuel Sa de notre Socidtd, dans Ion Aphorifme de Dubio P. 183. On pent faire ce qu’onpenfe etre permis felon une opi¬ nion probable, quoique le contraire foit plus far. Or Vopinion d’uh feul Docteur grave y fuffit. Et ft une opinion eft tout enfemble & moins probable & moins Pure, (era*t -11 permis de la fuivre , quitant ce que l’on croit tkre plus probable & plus fftr? Oui encore une fois , me dit-il; dcoutez Filiu- tius, ce grand Jefuitede Rome, Mor. Quatft. tr. 21. c. 4. n. 128. 11 eft permis de fuivre Vopinion la moins probable , quoiqu'dle foit la moins fare. C’eft Vopinion commune des nouveaux Auteurs. Cela n’eft-il pas clair? Nous void bien au large, lui dis-je, mon Revdrend Pere; grace & vos Opinions Pro¬ bables , nous avons une belle libertd de confcience. Et vous autres Cafuiftes , avez-vous la mdme libertd dans vos repon- fes? Oui, me dit-il, nous rdpondons auffi ce qu’il nous plait, ou plutdt ce qu’il plait h ceux qui nous interrogent. Car void nos regies, prifes de nos Pbres, Laiman Thiol. Mor. l.i.tr.i, c, 2. §. 2. n, 7. Vaf- quez 2 fo V. L E T T R E. qUez Dijl. 62. c. 9. n. 47. Sanchez, in Sum. 1. 1. c. 9. n. 23. & de nos 24. princ. Ex 3. n. 24. Void Jes paroles de Laiman, que le Livre de nos 24. a fuivies. Un DoEteur itant confultt pent donner un confeil , non Jeulement probable felon Jon opinion, mais con¬ traire a [on opinion , s’il eft efiimi probable par d'autres , lorsque cet avis contraire au fieri , fe rencontre plus favorable , & plus agreable d celui qui le confulte. Si forts & illi favorabilior feu exoptatior fit. Mais je dis de plus , qu'il ne fera point bors de raifon , qu’il doilne d ceux qui le coiifulteM , un avis tenu pour probable par quelque perfonne fa- vante, quand mime il s’affureroit qu’il J'eroit dbfolument faux. Tout de bon, mon Pdre, votre dodtrine eft bien commode. Quoi ? avoir h rbpon- dre oui & non a fon choix? on ne peut affez prifer un tel avantage. Et je vois bien maincenant h quoi vous fervent les opi¬ nions contraires que vos Dodteurs ont fur chaque matidre. Car l’une vous fen tou- jours, & l’autre ne vous nuit jamais. Si vous ne trouvez votre cornpte d’un cdtd, vous-vous jettez de l’autre , & toujours en furetd. Cela eft vrai, dit-il; & ainfi nous pouvons toujours dire avec Diana , qui trouva le Pere Bauny pour lui, lorsque le Pdre Lugo lui dtoit contraire. Stepi pre- mente Deofert Deus alter opem. Si quelque Dieu nous preffe , un autre nous dllivre. J’entens bien, lui dis je,mais il mevient une difficult^ dans l’efprit. Ceft qu’apres avoir D£ LA POLITIQUE DES JlsUITES^ 27! avoir confultd un de vos Dodteurs , & pris de lui une opinion un peu large, on fera peut dtre attrapd, lion rencontre un Con- feffeur qui n’en i'oit pas, & qui refufe l’ab- folution fi on ne change de fentiment. N’y avez-vous point donnb ordre, mon Pere? En doucez-vous, me rbpondit-il? On les a obligez k abfoudre leurs Pdnitens qui ont des opinions probables, fur peine de pechd morrel, afin qu’ils n’y manquend pas. C’eft ce qu’onc bien momre nos Pdres, & entr’autres le PdreBauny, tr. 4. de Pcenit. Q. 13. P. 93. Quandle Penitent, dit-il, fuit une opinion probable, le Confejfeur le doit ab¬ foudre, quoiquefon opinion fait contraire a cel- le du Penitent. Maisr il ne dit pas que cefoid un pdchd mortel de ne le pas abfoudre ? Que vous dtes prompt, me dit-il, ecoutez. la fuite, il en fait une conclufion expreffe: Refufer I’abfolution d un Penitent qui agit felon une opinion probable, eft un pecbe qui de fa nature eft mortel. Et il cite pour con¬ firmer ce fentiment trois des plus fameux de nOs Peres, Suarez to. 4. q. 32. feet. 5. Vafquez difp. 62. c. 7. & Sanchez num. .29. O mon Pbre, lui dis-je, voilk qui eft bien prudemment ordonne! Il n’y a plus riett k craindre. Un Confeffeur n’6feroit plus y manquer. Je ne favois pas que vous efiffiez le pouvoir d’ordonner fur peine de damnation. ]e croyois que vous ne faviez qu’dter les pdchez, je ne penfois pas que vous en fqhffiez introduire. Mais vous avez tout pouvoir, k ce que je vois. Vous ne 272 V. L E T T R E.' ne parlez pas proprement, me dit-il. Nous n’introduifons pas les pbchez, nous ne fai- fons que les remarquer, J’ai dej& bien re- connu deux ou trois fois que vous n’dtes pas bon fcholaftique, Quoiqu’il en foit, mon Pere, voil& mon doute bien rdfolu. Mais j’en ai un autre encore P vous propo¬ ser. C’eft que je ne fai comment vous pouvez faire, quand les Pdres de 1 ’Eglife font contraires au fentiment de quelqu’un de vos Cafuiftes. Vous l'entendez bien peu,me dit-il. Les Pdres dtoient bons pour la Morale de leur terns, mais ils font trop dloignez pour cel- le du ndtre. Ce ne font plus eux quf la reglent, ce font les nouveaux Cafuiftes. Ecoutons notre Pdre Cellot, de Hier. 1. 8. cap. 16. p. 714, qui fuit en cela notre fa- meux Pere Reginaldus. Dans les queftions de Morale , les nouveaux CaJ'uiJles font pre¬ ferables aux anciens Peres, quoiqu'ils fdjjent plus procbes des Apdtres. Et c’eft en luivant cette maxime que Diana parle de cette forte , P. 5. tr. 8- R- 31. Les BenSficiers font - ils obligez de refiituer leur revenu dont its difpofent mal 1 Les Anciens difoient qu’oui, mais les Nouveaux difent que non . Ne quitons done pas cette opinion , qui deebarge de l'obliga¬ tion de refiituer. Voil& de belles paroles, lui dis-je, & pleines de confolation pour bien du monde. Nous lailfons les Pdres, me dit-il, & ceux qui traitent la Pofitive: mais pour nous qui gouvernons les con- ciences, nous les lifons peu. & ne citons dans »E LA POLITIQUE DES JeSUITES. 273 dans nos Ecrits que les nouveauxCafuiftes. Voyez Diana qui a tanc dent; il a mis a l’entrde de fes Livres la life des Auteurs qu’il rapporte. 11 y en a 2^6, dont le plus ancien eft de quatre vinges ans. Cela eft done venu au monde depuis votre Socidtd, dis-je ? Environ, me repondit-il. C’eft-a- dire, mon Pere, qu’il votre arrivee on a vu difparoltre St, Auguftin, St. Chryfoftd- me, St Ambroife, St. Jerome, & les au- tres, pour ce qui eft de la Morale. Mais au-vnoins, que je Cache les noras de ceux qui leur ont fuccbde; qui lont ils ces nou- veaux Auteurs? Ce font des gens bien ha- biles & bien cdlebres , me dit-il. C’eft Villalobos, Conink , Llamas , Achokier, Dealkoxer , Dellacrux , Veracruz , Ugo- lin, Tambourin , Fernandez, Martinez, Suarez , Henriquez , Valquez , Lopez , Gomez, Sanchez, de Vechis , de Graflis, de Graltalis, de Pitigianis, de Graphaeis, Squilanti, Bizozeri, Barcola, de Bobadil- la, Simancha , Perez de Lara, Aldretta, Lorca, de Scarcia , Quaranta, Scophra, Pedrezza , Cabrezza , B;sbe , Dias , de Clavafio, Villagut, Adam a Manden, Iri- barne, Binsfeld", Volfangi k Vorberg, Vof- thery , Streverfdorf. O mon Pere , lul dis-je tout effrayd,tous ces gens-la^toient- ils Ch-etiens ? Comment, Cnretiens, me repondit-il! Ne vous difois-je pas que ce font les feuls par lefquels nous gouvernons aujourd’hui la Chretientd? Cela me fit pi¬ ne, mais je ne lul en temoignai rien, & Tome L S lux 274 V. L E T T RE. ]ui demandai feulement ft tous cesAuteurs- lh etoient Jefuites. Non, medit il; n’im- porte, ils n’onc pas laifle de dire de bon¬ nes chofes. Ce n’eft pas que la plupart ne les ayent prifes ou imitees des ndtres, mais nous ne nous piquons pas d’honneur; ou¬ tre qu’ils citent nos Peres a toute beure, & avec bloge. Voyez Diana qui n’eft pas de notre Socidtd, quand il parle de Vaf- quez, il l’appelle le Pbenix des Efprits. Et quelquefois il dit, que Vafquez J'eul lui eji autant que tout le refle des bommes enfemble , inftar omnium . Audi tous nos Peres fe fervent fort fouvent de ce bon Diana; car fi vous entendez bien notre dodrine de la Probability, vous verrez que cela n’y fait rien. Au contraire nous avons bien voulu que d’autres que les J6fuites puiflent ren- dre leurs opinions probables , afin qu’on ne puifle pas nous les imputer toutes. Et ainfi quand quelque Auteur que ce foit, en a avancd une, nous avons droit de la pren¬ dre li nous le voulons, par la dodrine des opinions probables, & nous n’en fommes pas les garands quand 1’Auteur n’eft pas de notre Corps. J’entens tout cela, lui dis-je. Je vois bien par-lit que tout eft bien venu chez vous hormis les anciens Peres, & que vous dtes les maitres de la campagne. Vous n’avez plus qu’a courir. Mais je prdvois trois ou quatre grands inconvdniens , & de puifiantes barrieres qui s’oppoferont a votre courfe. Et quoi, me dit le P£re tout dtonnd ? C’eft, lui r6- DE LA POLITIQUE DES JeSUITEsI rdpondis-je, l’Ecriture Sainte, les Papes & les Conciles, que vous ne pouvez d6men- tir, & qui font tous dans ]a voie unique de l’Evangile. Eft-ce 15 tout, me dit-il? vous m’avez fait peui\ Croyez-vous qu’une chofe li vifible n’ait pas prevue , & que nous n’y ayons pas pourvu? Vrafment je vous admire, de penfer que nous foyons oppofez 5 l’Ecriture, aux Papes, ou aux Conciles. 11 faut que je vous dclaif rifle dii contraire. Je ferois bien marri que vous crfifiiez que nous manquons a ce que nous leur devons. Vous avez fans-doute pris cette penfde de quelques opinions de nos Peres qui parofflent choquer Jeurs ddci- fions , quoique cela ne foit pas. Mais pour en entendre l’accord , il faudroit avoir plus de loifir. Je fouhaite que vous ne demeuriez pas mal ddifid de nous. Si vous voulez que nous-nous revoyions de- main , je vous en donnerai l’ddlaircjfle- ment. Voil5 la fin de cette conference, qui fera celle de cet entretien, aufli en voi- 15 bien afTez pour une Lettre. Je m’aflure que vous en ferez fatisfait en attendant la Elite. Jefuis,&c. S 2 NO- 2 -6 I. Note sur la V. Lettre* NOTE PREMIERE S U R L A CINQUIEME LETT RE. O U DISSERTATION THEOLOGIQUE fur la Probability. (x) SECTION PREMIERE., On expoje en peu de mots Petat de la difpute. On etablit me notion cert nine des Opinions Probables.. On la met dans fin jour , & on demele les fopbif- mes dov.t les Jefuites ont coutume de fobfeurcir. §. I. Sophifmes des Jefuites. Eloge des Curez de Paris. L Es Rfuites brouillent dtrangement fur la doc¬ trine de la Probability. Tantdt i/s ddfendent ce que Ton n’attaque pas : tantdt ils rendent leurs ddcifions obfeures, par diffyrens artifices 5 & ( 1 ) Cette DifTertation avoit ete compofe'e d’abord en Tranjois par Mr. Amauld: Mr. Nicole la traduifit en Latin, 8c elle parut en cette langue telle que Mr. Arnauld 1'avoit faite dans les cinq premieres editions. M3is pour la fixieme,fur laquelle cette Tradu&ion a etd faite , Mr. Nicole augments cette Diflertation de pres de moitic. Les deux Appendices qui la fuivent dans la lixieine Edition, 5c qui n’ont point ete' traduits* font de Mr,Ni¬ cole feul. Dissert, sur la PkobabiliteY 277 & tam6t ils foutiennent hautement les exces qu’on leur reproche. Car quelquefois ils s’Pendent fort a prouver qu’il y a des opinions probables dans la Morale, comme fi quelqu’un en avoit jamais doutd. C’eft ce que fait leur Apologise dans fa vingtieme Impofture, & un autre Jdfuite de Touloufe que j’ai lu depuis peu. D’autrefois ils deguifent leur opinion fur la Probability, en y ajoutant plufieurs reltriflions qu’ils tirent de Suarez , quoique les auttes jdfuites ne les admettent pas, & les rejet- tent meme exprelKment. Enfin ils en foutien¬ nent avec la derniere hardieffe les confluences les plus horribles, comme ils font dans les Iro- poftures 2i. & 23, & comme fait ce Jdfuite de 'i'ouloufe dans tout fon Livre. Mais parce qu’il ell impolEble de rdfuter comr me il faut ces ditFdrentes erreurs, fi on n’dtablit auparavant des principes certains, je traiterai cet- te matiere avec l’exactitude & l’dtendue ndceffai- re: apres quoi toutes leurs vaines chicanes tom- beront, & fe difliperont d’elles-memes. Je prendrai pour guides dans cet examen Mrs. les Curez de Paris, fi celebres par leur pidtd & leur drudifion,& par les grands fervices qu’ilsont rendus a l’Eglife, en ddcouvrant les erreurs, & plus encore en mettant la vdritd dans fon jour, & en dclaircifiant les difficultez de cette queftion- Car dans l’excellent avertiflement aux Eveques, qu’ils ont mis a la tdte de leur fecond extrait, ils rdtabiiiTent par deux dogmes appuyez fur l’auto- ritd de I’Ecriture, des Peres, & de St. Thomas, ces deux regies de nos actions, que les Cafuiftes avoient renverfdes; la loi de Dieu , & la con- fcience. Le premier de ces dogmes elt, que dims Je droit naturel une opinion probable fitujje rdexcufe point de pecbe. Le fecond , que de deux opinions S 3 pro- 278 I- Note sur la V. Lettre. probables, il faut cboijtr la plus furt & la plus pro- fable. Mais comme leur doctrine fe trouve rd- pandue dans tout le corps de leur Lettre , coni- jne cela arrive d’ordinaire dans les difeours fuivis. il eft a propQS d’enfaire id le prdcis,& dele con¬ firmer par de nouvellcs raifons, que la brievetd d’une Lettre les a obligez de fupprimer. Il faut done reprendre cette matiere d’un peu plus haut, & l’expliquer avec foin. C’eft ce que nous fe¬ lons en diffdens articles. S. li¬ es que e’efi qu’une Opinion Probable. O N peut confiderer toutes les opinions fur la Morale, ou abfolument & en elles-memes; ou par rapport 4 nous, & au degrd de connoif- fance que nous en avons. Si on les regarde abfolument & en elles-m§- mes, elles font toutes ou vraies ou faufles: il n’y en a point de probables: car ce qui eft faux n’eft point probable, mais improbable; & ce qui elt vrai eit plus que probable , puifqu’jl elt tout.a. fait certain. Ainfi ii n’y a rien de probable a 1 ’dgard de Dieu, qui voit toutes chofes telles qu’elles font elles-memes, comme il n’y a rien d’obfcur a l’dgard du Soleil. Mais ft on regarde ces m§mes opinions par rapport 4 notre maniere de les concevoir, alors 11 faut enadmettreun autre genre, qui eft celui des Opinions Probables: & il faudroit dtre, je ne dis pas temdraire, mais tout-a-fait ddpourvu de bon fens, pour nier qu’il y en ait de telles. Car comme il y a des opinions dont on connoie certain^raent la ydritd, d’autres dont on connoit car- Dissert, sur ia Probabilite’. 279 certainement la faufletd , il y en a aufll done ceitaines perfonnes ne connoiffent pas evidenj- ment la fauffetd ou la varied; & cel/es-li a regard de ces perfonnes , font appellees probables ou douteufes. Mais puifque ces propofitions dont les hom¬ ines ignorent Ja fauffety ou la varied, font cepen- dant vraies ou fauffes devanc Dieu, e’eft- k - dire dans Mernelle vyrity, il eft Evident que la pro¬ bability des opinions ne vient que des tdnebres de l’efprit humain. Ce qui fait qu’il y en a de fauffes qui paroiffent probables; & qu’il y en a de vraies & tres - certaines en elles - memes, qui nous paroiffent incertaines & douteufes. Mais foit que J’eiprit de l’honime donne la probability au faux, foit qu’il 6te 1’evidence au vrai , il eft clair que l’un & 1’autre ne vient, comme nous l’avons dit, que du dyfaut de lu* miere: car il ne juge le faux & le vrai probable, que parce qu’il ignore la fauffety de l’un & la vyrity de 1’autre. Il n’appergoit done pas d’un c6te la vyrity, queique grande que foit la lumiere qui l’environne; car s’ll 1’appercevoit, elle ne lui paroitroit plus probable, mais tout-a-fait certaine. Et de l'autre il ne peut reconnoitre que le faux n’a que l’apparence -de la vyrity ; car autrement le faux ne lui paroitroit plus douteux, mais entierement faux: ce qui fait dire excellent ment a Tertullien, (1) Que la diverfite des opi¬ nions vient de Tignorance de la verite ; a Major , que lignorance des hommes depuis le pechd d'Adam > eft la caufe de eelte grande multiplicite d'opinions. Toutes ces opinions probables ne venant done que des tenebres qui obfcurciffent notre efprit, il s’enfuit de-U que nous trouvons plus ou moins d’Opf- S 4 (s) L, a. de Nat K ago I. Note sur la V. Lettre. d’Opinions Probables, a proportion que r.otre efprit elt plus ou moins dciaird par la lumiere de ia vdritd. Mais il eft dtonnant combien ces tenebres de ' l’efprit humain d’oii naifient toutes ces opinions probables, font indg3les & diffdrentes. Car il y a une diverfttd merveiileufe entre ia fcience, la vertu, & les lumieres, que Dieu donee aux uns plus abondamment qu’aux autres. D’oii il arrive que ce qui ne paioltque probable a l’un, parole evident & certain 4 l’autre. Cette diverfitd ndanmoins peut produire un effet tout contraire. Car on voit que des gens d’ailleurs dclairez, faute d’etre inftruits fur quel- que matiere, fe laiflent perfusder par de faufles raifons qui ne font aiicune impreffion fur des gens moins ddairez, & qu’dtant dbloui's par ces rat¬ ions ils prennent le faux pour certain: & une lumiere plus grande, mais qui n’eft pas encore pleine & entiere, venant enfuite a diffiper cette faufle perfuafion, elle leur fait connoltre que ce qu’ils prenoient pour certain, eft tres-incertain. Ceil ainfi qu’il arrive que des perfonnes pieufes, favantes, & qui ont de ia pdndtration, regardenc comme incertaines plufieurs chofes, qui paroif- fent certaines a des ignorans qui n’ont ni pidtd, ni intelligence. Mais fi ces perfonnes acquierent encore plus de fcience & de pdndtration , ces chofes qui ieur paroiftoient douteufes & incer¬ taines , Ieur paroitronc certaines & dvidenfes. Celt pourquoi il eft toujours vrai de dire, qu’on ne juge une cbofe probable , que parce qu’ou n’en connoit pas la veritd. f. HI. Dissert, sur la Probabilite*. 28i §. in. Corcllaires qui fuivent de la notion qu'on a elablic. des Opinions Probables. PREMIER COROLL AIRE. 11 n’y a point de propofition qui foit probable univer - fellement, & a I'egard de tout le monde. D E l’explicadon que nous venons de donner tant de l’origine que de la narure des Opinions Probables, on peat tirer quelques Co- roilaires, qui feront d’une grande utilitd pour mieux entendre cette matiere , & pour diirper pluGeurs nuages dont les Cafuiftes t&chent de l’obfcurcir. Prdmierement le terme de Probable dtant relatif & non abfolu, comme nous venons de le re- marquer; & les uns eflimant fouvent probable, ce que d’autres jugent certainement faux ou ve¬ ritable ; il eft bien clair qu’il n’y a point d’epi- nion dans la Morale, qu’on puttie appelier gdnd- rale:nent.& univerfellement probable, e’eft-a-dire qui foit telle a Pdgard de tout le monde. Qu’oa en ddGgne une, telie qu’on voudra, bien des gers la rejetteront fans hdfiter comme fauffe, ou l’em- brafl'eront comme vraie , & par consequent elle ne fera probabie ni aux uns ni aux autres. Qu’ils ayent tort, ou qu’ils ayent raifon , cela n’impor- te: car foit que ce confentement ferine & ind- branlable de l’efprit avec lequel ils rejettent ou embraffent cette opinion vienne de la fcience ou de 1’erreur , il eft toujours vrai qu’il eft in¬ compatible avec un confentement chancellant & 282 I. Note svr la V. Let the. imparfaic, en quoi confifte la probability d’une opinion. Les Cafuiftes nous en impofent done dtrange- ment, quand iis ytabliftent qu’il fuffit qu’on voie que des Savans, ou pour me fervir de leurs ter- mes, des Auteurs graves ont approuvd quelque opinion, pour juger auffi-tot qu’elle ell probable, & pour decider que tout le monde la do it eilimer telle : ce qui eft faux , & ddraifonnabie. Car Jorfque ces Auteurs graves ont les premiers avan- c6 quelque opinion, leur efprit s’y attachoit fou- vent par un confentement ft ferme , qu’ils ne Veftimoient pas feulement probable , mais en* tierement certaine £t quand mSme elle ne leur auroit paru que probable, il feroic toujours injufte , de vouloir contraindre les autres i eftimer probable tout ce qui auroit paru tel 4 de certaines gens. Rien n’eft ft commun que de voir les hommes tomber dans des erreurs, & en etre relevez & corrigez par d’autres plus eclairez en cela qu’eux ; ou d'en voir qui con- noiffent dvidemment ce que d’autres n’auront connu qu’obfcuryment & avec doute. L'm met de la difference entre les jours, dit l’Apotre (i), & Vautre n’y en met point. C’eil-a-dire, felon St. Gregoire le Grand, que les uns ont plus de con- noilfance de la vdrity que les autres. II y a done diffyrens degrez de fcience & d’ignorance ; & parce qu’un Auteur , faute de lumiere , aura doutd d’une opinion , rien ne feroit plus abfurde que de condamner tous les autres a la melme ignorance , & de prdtendre qu’ils ne puiiTent pas en acquyrir une connoiiFan- ce certaine , & en porter un jugement affurd. Cette prytention ne feroit pas feulement injurieufe aux (i) Rem, c, 14, Dissert, sur ea Probabieite’. 2.83 aux hommes, mais 4 Dieu meme , qui par fa puiffance fouveraine donne a l’un plus plei- nement & plus abondamment qu’d l’autre , la lumiere qui fait difcerner le bien d’avec le jnal. f. I v. SECOND COROLLAIRE. A lien compter il fe trrmve autmit (COpinions favjjes que de vraies. O N ne peut done douter qu’il n’y ait dans Ja Morale plufieurs opinions reipe&ivement probables, c’eft-H-dire que quelques Auteurs ou meme plufieurs ont approuvdes, en y donnant feulement un confentement foible & chancelant; & qu’il n’y en a point qui foit abfolument & univerfellement probable, parce qu’il n’y en a aucune & laquelle tout le monde ne donne que ce foible confentement Mais de ce que l’Opinion Probable renferme ce foible confentement, qui eft toujours accom- pagnd de doute , il s’enfuit , & e’eft aufli le fentiment de la piupart des Cafuiftes , qu'il n’y a point d’Opinion Probable , dont la contra- didtoire ne le foit aufli. Car quiconque eft aflurd de la fauflet^ ou de la vdritd d’une Opi¬ nion , peut porter fun la contradidtoire un juge- ment fixd & certain. Si par exemple je fuis afliir£ que l’opinion qui ddfend la plurality des B£ndfices, ft ce n’eft pour des caufes importan- tes a l’Eglife, eft vraie, je fuis afford en mdme tems que celle qui permet cette plurality eft fauile. Auffi Caramuel allure formellement que 284 I- Note sur la V. Lettre. que ce que je viens de dire fuffit pour rendre une opinion probable. It fuffit , die-it, (r) qu'une opinion ne foit pas evidemment faufe pour quelle Jiit probable par la raijim. C’eft pourquoi ces Cafuiftes exigent que celui qui nie une opi« nion probable, en ait des raifons ddmonftratives. II faut fnire voir , dit le m 5 me Carainuel (2), tjue les rafons qui prouvent qu'une opinion efi matt- vaife font demonftraUvcs, & qu’or. ne pent y oppofer aucunc reponfe probable. II faut encore fake voir que les raifons ciont on ft fert pour prouver que cette opinion efi bonne , ne font pas mime probables. Ot il eft conftant qu’on ne peut apporter de telles raifons fur des chofes douteufes. Ainfi toute opinion incertaine ou douteufe eft chez eux probable, par cela meme qu’eiie eft douteufe. C’eft ce qu’enfeigne exprelKment Tambourin I. i. c 3 5- 5. oil il aflure que la plus mince proba¬ bility fuffit pour mettre en furetd de confcience. Selon ces Cafuiftes les opinions probables ne font done jamais feules. Elies vont toujours deux a deux, & l’une eft toujours contradiftoire- ment oppofde a I’autre. Or tout le roonde fait que de deux propofitions contradictoires, il y en a toujours une vraie & l’autre fauffe. D’oii ii s’enfuit qu’il y a la moitid des opinions probables qui font fauffes, & que par confdquent, a comp¬ ter a la rigueur, il y en a autant de fauO.es que de vraies. (1) Tied. Fund. p. I3J. (2) P. US. s. v. Dissert, sur la Probabilite’. 2g$ S- v. TROISIE ME COROLLAIRE, Les Opinions Probalks fauffes ni peuvent etre appujeeS que fur dcs fophifmes & fur dcs raifons trompeufes. C Omme c’eft le propre de la fauffet6 de ne pouvoit fitre fondle que fur des raifons fauffes & d^fe&ueufes en quelque partie,(puifque de ce qui ell vrai, on n’en peut rien conclure que de vrai,) il s’enfuit que toutes ies opinions probables fauffes ne font appuydes que fur de fauffes raifons, ou, comme on parle ordinaire- ment, fur des fophifmes, c’eft-a-dire des raifons vicieufes ou dans la forme ou dans la tnatiere, & qui n’ont qu’une apparence trompeufe de vfritc. II eft vrai qu’il y a des fophifmes plus obfcurs & plus difficiles \ reconnoitre les uns que Ies autres. II y en a qui ne trompent que Ies Stupi- des & les Ignorans; d’autres qui ne trompent que les Hdrtftiques; & d’autres enfin qui furpren- nent meme les Savans. Mais cependant un fo- phifme eft toujours un fophifme, c’eft-a-dire qu’il eft toujours par lui - mf me vain & frivole, & iln’emprunte ce qu’il a de force que del’igno- rance des homines, ou des erreurs dont its fe font laifK pr^venir. Car la vdrir£ dairement connue 6te la force a quelque fophifme que ce foit , & le depouille de toute la vraifemblance dont il dtoit revetu. Ce qui fait done qu'il y a des fophifmes plus difficiles a reconnoitre, c’eft qu’il y a certaines ?£ritez & certaines erreurs plus commandment con- 285 I. Note sur la V. Lettre. conpues les unes que Ies autres. D’ou il arrive que les fophifmes contraires aux vdritez recon- nues de tout le monde , paffent pour Ti groffiers & li impertinens, qu’il n’y a que des ignorans & des ftupides qui puiflent les eitimer probables: mais pour ceux qui font fondez fur des erreurs dontpeu de perfonnes s’appergoivent, ils trom- pent bien plus de gens, & impofent quelquefois a des perfonnes qui d’ailleurs ont de la pidtd & de la fcience. C’eft encore ce qui fait qu il y a des fophifmes que tous les Catholiques rejettent comme im- probables, qui ne laiflent pas de paroltre pro- babies aux Hdretiques. Car tous ceux qui font appuyez fur des confluences des erreurs qui les rendent hdrdtiques , leur parollfent probables, & il nous improbables. On doit dire la meme chofe des Juifs, des Turcs, des Payens, & de tous ceux qui font de quelque maniere que ce foit engagez dans l’erreur. Leurs erreurs leur font regarder comme probables une infinite de chofes, que nous regardons avec raifon comme improbables. Mais quoique ceux qui ne font pas dans Per- reur, & qui connoilfent la vdritd, puifient & doivent rejetter comme vaines & improbables les opinions de ceux qui font dans 1’erreur ; cela n’empeche pas ndanmoins que ces erreurs ne foient probables il l’egard de ceux qui y font engagez; puifqu’dtre probable n’eft autre chofe que de paroltre tel. 5. VI Dissert, sur la Probabilite’. 287 5. VJ. Diverfcs Conditions fane Opinion Probable tiroes da Lime da P. Jean Perrier Jefuite de Touloufe , par lefquelles les Jefuites obfcurciffent adroitement la notion qu’on en doit avoir , pour empicher qu’oa ne la comprenne. L Es Jefuites voyant que tout le monde avoit de l’averfion pour leur dottrine de la Proba¬ bility , fe font particulierement appliquez i en cacher artificieufement le venin aux Simples, & k donner une apparence de verity & un dogme ii pernicieux. Us ont cru y pouvoir ryuflir, en apportant & en faifant bien valoir quelques conditions ndced. faires, felon eux , pour une opinion probable, qui n’avoient dtd toucbyes qu’en paffant par quelques-uns de leurs Auteurs 11 s prdtendent done que e’eft fans fondement qu’on s’dleve avec tant de bruit contre la do&rine de ia Probability, qu’on en fait tant de plaifanteries, & que toute innocente qu’elle eft, on ia fait paffer parmi les Ignorans pour une fource de toutes fortes de re- lkhemens; puifqu’on n’en peut tirer aucune des confyquences qu’on lui attribue avec tant d’in- juftice. Car fi l’on veut bien s’en rapporter au P. Ferrier (i). „ Une opinion qui n’eft fondee ,, que fur des fophifmes, n’eft point une opinion ,, probable; autrement il faudroit appeller pro- ,, babies, les erreurs les plus deteftables des Hd- ,, rdtiques. Qu’appellez - vous done opinion „ probable, felon la pen'de des Cafuiftes¥C’eft, „ pourfuit ce Jdfuite, un jugement ferme & si- „ retd, (i) Sentimtns des Caf.fur la Probability, c. j. p, 3 . 538 I. Note sur la V. Lettre; 5, retd, qui eft fondd fur des raifons coniiderd- „ b!e$, & qui n’eltpas contraire a La raifon dvi- „ dente, ni aux paroles de l’Ecriture Sainte, ni „ aux definitions des Conciles, ni aux ddeifions „ des Papes , ni au confentement general des „ Peres & des Dofteurs. Ainfl, felon le fenti- ,, ment des Cafuiftes, une opinion ne peut etre „ regue comme probable dans Ja Morale, ft elle „ n’eft revetue de deux qualitez. La prdmiere, „ fi elle n’eft dtablie fur des raifons confiddra- „ bles; c’ett-a-dire qui font d’une part fi proches „ de la vdritd qu’elles contentent refpvit d’un „ homme fage & intelligent, encore qu’elles ne „ le convainquent pas; & que de l’autre eiles „ foientft folides qu’apres ies avoir bien exami- „ ndes , on ne puiffe pas prouver dvidemment „ qu’eiles font faufles... La feconde condition „ qui rend une opinion probable, eft lorfqu’elle ,, n’eft point oppofde a la raifon evidente, ni „ aux vdritez Catholiques qui nous font ddcla- „ rdes par l’Ecriture Sainte, par les ddeifions des „ Papes & des Conciles, ou par le confentement „ des Peres & des Dofteurs de l’Eglife. La rai- „ fon en eft claire ; parce qu’il eft impoffible „ qu’un homme regoive une opinion comme „ probable, en mdme terns qu’il faic qu’elle eft „ indubitablement faufle. Or il eft certain que ,, lorfqu’une opinion eft contraire a une raifon „ dvidente, ou a une vdritd Catholique, il faut ,, ndceifaireinent quelle foit faulfe. Il n’eft pas croyable combien il y a d’dquivo- ques & d’iilufions cachdes fous ces paroles. Ainfi il eft important avant toutes chofes de les ddcou- vrir. puifque c’eft principalement par cet artifice que les jdfuites cachent aux Simples la corruption de leur doftrine. §. VlL Dissert, sur 1a Probabilite*. 289 J. v I I. Ce que c’eft dans le fens des Jefuites, qu' une Raifgn qui n’eft point appuyee lur des fophifmes. N Ous avons fait voir que la moitid des Opi¬ nions Probables ell faufle, & que par con- fdquent elle ne peut etre appuyde que fur des raifons trompeufes. C’eft ce que les Jdfuites ne peuvent pas nier , quand ils le voudroient. En quel fens affluent-ils done qu’on ne doit pas tenil - pour probable une opinion qui n’eft dtablie que fur des fophifmes ? iis ne veulent dire autre ehofe , s’ils veulent parler confdquemment, Gnon qu’une opinion n’eit point probable a 1'egard de celui qui voit clairement , que les raifons fur lefquelles elle eft appuyee ne font que des fophifmes, c’eft a-dire de fauffes raifons; cat ils tombent d’accord qu’elle eft probable & l’dgard de celui qui ne connoit pas le fophifme fiir lequel elle eft appuyde. Auili avouent-ils qu’il eft fouvent arrivd que des opinions qu’un grand nombre de Dodteurs avoient regarddes Comme probables, parce qu’ils ne connoifloient pas le ddfaut des raifons fur lefquelles elles dtoient dtablies, ont dtd rejettdes dans la fuite comme improbables, apres qu’on a reconnu ce ddfaut. Que (i les Jdfuites difent que cela eft vrai des fophifmes grofliers & palpables, que perfonne ne peut avoir raifon de regarder comme probables, & qu’ainfi ils ne fuffifent pas pour faire qu’une opinion foit probable; il fera facile de leur rd- pondre , qu’il n’y a perfonne qui puiiTe avoir nifon de juger probable aucun fophifme, quel tome t T qu’il 2 go I. Note suit la V. Lettrc. qu’il puiffe etre: car un tel jugement eft toujours d^feftueux , & vient de l’ignorance, qui eft une fuite malheureufe du premier pdchy Ou il n’y a done aucune opinion fauffe qu’on doive eftimer probable, ce qui renverferoit tou- te la Probability ; ou l’on doit eftimer proba¬ bles toutes celles qui parolftent teiles i chacun de nous, parce que nous n’en connoiffons pas ia verity. Comme cette derniere confyquence eft: une fuite naturelle & yvidente des prindpes que nous avons ytablis,& dont les jyfuites ne peu- vent difeonvenir , ils en tombent quelquefois d’accord d’affez bonne foi : car e’eft fur ce raifonnement qu’ils avouent que les argumens des Juifs ou des Payens qui , au jugement des Catholiques , ne font que de purs fophifmes,- font probables a l’ygard de ces Infideles ; & que les Cafuiftes foutiennent communyment la meme chofe des opinions des Hyrytiques. Ainfi lorfque le Pere Ferrier nie que leurs opinions foient probables, il veut nous trom- per par une dquivoque. Car il eft vrai qu’el- ies ne font pas probables a notre egard, puif- que nous les improuvons: mais s’il veut con- fulter la Raifon & fes Cafuiftes , il ne pent s’empecher de convenir qu’elles le font & Pe- gard des H&ytiques, comme nous le verrons bientot. S- VIII, Dissert, sur ea Probaeilite’. 29r §. VIII. Ce que c'efi , felon les Jdfuites , quo ce Jugement ferine & arretd , qui efi neccffairc pour ren¬ tire tint Opinion Probable. L E P. Ferrier demande en fecond lieu , pouf rend re une Opinion Probable , tin jagement ■ferme & arretd. Les bimples qui l’entendent parler de la forte , s’imaginent que cela veuc dire, qu’il faut que l’efprit foit dans une fitua- tion ferme, fans aucun doute ni aucune irrefo- lution. Cependant cet Auteur n’a voulu fignifier fien moms que ceia. Car un homme a qui deux propoiitions contradictoires fembient probables, ce qui arrive toujours d ceux qui ne jugent d’une ehofe que probablemenc, ne peut porter un ju- gement ferme de la vdritd de l’une de ces deux propoiitions. Quel eft done ce jugement ferme que demande ce J6fuite? 11 ne confiite pas a juger fermetnent qu’une ehofe eft vraie , mais feulement qu’elle eft: probable , e’eft-d dire douteufe & incertaine; Ainfi ce ferme jugement, felon les Jdfuites, fe riduit d une ferme ignorance, a une inconftance effective, £ un doute reel d’un efprit irrefolu & qui ne fait i quoi s’arreter. Car il ne faut que favoir certainement qu’on juge une ehofe proba¬ ble , pour favoir certainement qu’on doute de cet- te ehofe, & qu’on n’en connoit pas la verite. 292 I. Note sur la V. Lettre. §. I X. Ce que c'efi qu'unt Raifon confidErable & folide,’ felon les Jejuites. C Es mots de raifon conftderable, folide, & d’un grand poids, renferment Ja principaJe Equi¬ voque des JEfuites. Les Simples entendent par ces termes une veritable & folide raifon; au lieir que les JEfuites n’entendent ordinairement par-la qu’une Ample vraifemblance. Car quelles folides raifons peut-on trouver dans cette moitiE d’Opi- nions Probables qui eft fauile, ainii que nous l’avons dEmontrE, & qui.n’eft appuyEe que fur des illufions; a moins qu’on ne veuilie s’imaginer qu’il y a des faufletez qui font vEritabies, & de faux raifonnemens qui font folides & d’un grand poids? La foliditE eft fondEe dans la vEritE. Comme il ne peut done y avoir de vEritE dans le faux, & qu’il ne peut Etre revEtu tout au plus que de i’apparence de la vEritE, il ne peut aufli avoir qu’une foliditE apparente. Et comme Je faux ne peut paroitre vraifemblable qu'd ceux qui ne connoiflent pas la vEritE, il ne peut aufli parct- tre folide qu’d ceux qui n’en connoiflent pas le foible. C’eft pourquoi cette foliditE dont il s’agit ici, ne peut etre que relative, & elle fe doit trouver meme dans les plus grandes erreurs, qui quelque ridicules & impertinentes qu r elles foient par elles-memes, ne laiifent pas de paroi¬ tre folides & appuyEes fur de folides raifons a eeux qui y font engagez. C’eft ainfi que les re¬ veries abfurdes de 1’Alcoran ont paru foiides aux Mahometans , les fables aux Idolatres, & les Dissert- sur la Probabilite’. 2^3 fuperftitions les plus extravagantes aux Egyp¬ tians: de forte qu’il n’y a rien de fi infente, de fi abfurde , de fi ridicule, qui ne puifle avoir cette foliditd qui n’elt pas fondde fur la verity, mais fur l’approbation & le jugement aveugle de ceux qui font dans i’erreur. S- X. Ce que c'eft , felon les Jefuites , qu'an Hotnme Docte, I L dtoit bien jufte que les Jdfuites fe donnlf- fent toute la peine qu’il fe font donnde, pour relever cet Homme DoBe, don t 1’autoritd leur dtoit fi ndcefliiire pour rendre leurs opinions probables. Ils veulent qu’il foit tel , qu ’it ne /e laijfe jamais alter d I’erreur par me fauj]e apparence de Probabilite, & qu'il ne prenne point pour vrai ce qui eft douteux. Mais comme c’ell avec raifon qu’ils nous font fufpeifls en tout, il faut exami¬ ner ici avec foin s’il n’y a point d’dquivoque cachde fous ces belles paroles. Ce qu’on peut remarquer d’abord, c’ell qu’il eft certain que quelque habile que foit ce dofte Arbitre de la Probability, il faut ndceflairement qu'il ignore, fl l’opinion qu’il juge probable eft vraie ou faufle, puifqu’il ne la juge que probable. Et fi c’eft Stre ignorant fur une chofe.que de n’en pas connoltre certainement la vdritd , ce Dofte prdtendu ell par confdquent un ignorant fur la matiere , dont il n’a qu’une opinion probable, quelque favant & quelque ^claird qu’il puifle etre d’ailleurs. Cependant,comme il faut avouer quelafcience des hommes ell toujouts accompagnye de beau- T 3 coup 294 I. Note sur la V. Lettre. coup d’ignorance, je veux bien qu’ils accordent ce nom de dofte aux perfonnes qui ont de l’eru- dition, pourvu qu’a caufe de ce titre ils ne leur attribuent pas une parfaice connoiflance de touces chofes. C’eft pourquoi lorfque Ie P. Ferrier allure qu’un Homme Dofte, tel que les Cafuiftes nous le ddpeignent, ne peuc prendre le faux pour probable, il donne trop non feulement d ce Dofte, mais meme a quelque Homme quece foit. Car qui peut douter que prefque tous les Livres des Hommes favans ne foient remp'.is d’erreurs, & que les Hdrdfies ne foient autre cbofe que des Opinions fauffes foutenues avec opinidtretd par des Savans; & enfin que dans cette con'r.iridtd fi ordinaire des Cafuiftes, il n’y en ait quel- ques-uns qui le trompent, & qui jugent probable ce qui eft faux? Si les Jdfuites rdpondent £ cela que quiconque fe trompe n’elt pas dofte, & que par confeqaent il ne peut dtre compris dans la definition qu’ils donnent d’un bon Cafuifte, rien n’eft plus ridi¬ cule, ni moms fupportable que cette rdponfe. Elle eft ridicule, parce qu’ils nous donnent un fantdme pour une rdalitd. Car s’il n’y a de dofte que celui qui ne fe trompe jamais, ce n’eft pas fur la terre qu’il le faut chercher. A quoi fert done de donner tant d’autoritd a ce Dofte, puifqu’iln’y en eut & qu’il n’y en aura jamais , & que les Stolciens trouveront plut&t leur Sage, que les Cafuiftes leur Dofte. Mais cette rdponfe eft tout-d-fait infoutenable, puisqu’apres avoir ddpeint ce Dofte tel qu’il n’y en eut jamais de pareil, quand ils viennent a en faire ufage , ils fe reldchent tellement , qu’ils donnent indiffdremment cette qualitd ft glorieufe au moindre des Cafuiftes. Car fi je leur deman¬ ds qui font ceux que je dois regarder comme ; ' '' Dissert, sur la Pkobabilite’. 295 defies ? ils me prdfentent une foule de Cafuiites & principalement de Jdfuites. Ainfi non feule- ment Leflius, Vafquez, Suarez, Molina, Regi- naldus, Filiutius, Baldellus, Efcobar, & les au- tres Jdfuites du premier ordre font dodles felon eux, mais encore le moindre Jdfuite doit etre regardd comme tel, pourvu qu’il ait fait quelque Livre , ou employd quelque terns a feuilleter ceux des Cafuiites. Eniin toute leur Socidtd, ii on ies en croit, n’eft compose que de doc- tes. Celt ce qu’ils ont trouvd je ne fai oil dans Navarre , & ce qu’ils ont grand Coin d’infinuer aux Lecteurs. Void done en quoi confide leur adrefie. Ils propofent d’abord ces deux principes fdpardment, & les rduniflant enfuite dans ia pratique, ils fau- vent facilement toutes les maximes de leurs Ca* fuiftes. Jamais, difent-ils, les Dodes ne fa laiffent furprendre par l’erreur fous une faufle ap- parence de Probability. Les Simples qui ne fe mdfient pas de l’dquivoque qui ell cachde fous le terme de D ede, leur paffent aifdment ce prin- cipe. Enfuite ils ajoutent. Or les Cafuiites font doctes, or tousles Jefuites font defies. Ce que cette idde popuiaire qu’on a d’eux fait encore croire aux Simples, 6c ce que cet amour aveugle qu’ils ont pour leur Socidtd leur fait croire a eux- memes. Done, concluent-ils, nos Auteurs ne font tombez dans aucune erreur. C’ett ainfi qu’ils croient avoir mis a couvert toutes les opinions des Cafuiites contre lefquelles la pietd des Fideles a tdmoignd une ii jufte indi¬ gnation, & que les Evdques par leur autoritd faerde ont frappdes fi juftement d’anatheme. C’eit ainfi qu’ils 6tent la calomnie du nombredes crimes, qu’ils juftifient les meurtres en une infini¬ te de rencontres, qu’ils permettent les Jarcins aux T 4 Do- 29 6 I. Note sur la V. Lettre. Domeftiques,Ies ufures aux Avares, aux Filles de fe procurer des avortemens. Enfin c’eft ainli que non contens de foutenir les erreurs de leurs Auteurs,ils lesconfacrent,pour ainii dire.jufqu’a prdtendre qu’on ne peut les condamner ni les reprendre fans tdmdrite. Ma/s il eft aifd de ddtruire un ft foible argu¬ ment, en le retorquant contre eux de cette ma- niere. Toutes les opinions que Montalte attaque dans fes Lettres, que les Curez de Paris cotnr battent dans leurs Ecrits,& que les Eveques con- damnent par leurs Cenfures, font abominables & affreufes. II faut done, ou que tous les Cafuilles ■des Jdfuites, qui pour la plupart ont approuvd ces opinions, foient des ignorans, & que toute 3a Socidtd qui s’eft armde pour les ddfendre doit ignorante; ou qu’il arrive tres-fouvent que les Dodtes fe laiftent furprendre par des erreurs tres-groffieres. II feroit tres-facile de ddmontrer I’un & l’autre; mais je iaiffe aux Jdfuites a choi- fir lequel ils aiment le mieux des deux. Cependant le Ledteur remarquera que ces Doc. les qu’on rend arbitres des Opinions Probables, quels qu’iis foient dans la tbdorie, ne font dans la pratique que des Cafuiftes du commun, dc des Jdfuites des moins diftinguez, auxquels on attri- bue une efpece d’infaillibilitd que plufieurs cdl&r bres Thdoiogiens n’accordent pas meme au Pape, Dissert, sur ia Pkobabilite’. 297 $. X I. Comment il faut entendre cettc derniere condition iet Opinions Probables , Qu’elles ne foient point opposes h Ja Raifon dvidente ou d l’Autoritd, I L nous rede a examiner Ia derniere condition que les Jdfuites demandent pour rendre une Opinion Probable, & done ils fe fervent prind- palement pour tromper ceux qui ignorent leurs artifices. Cette condition eft qu’on ne doit ju- ger probable dans la Morale, que ce qui n’eft point dvidemment contraire a la Raifon, a l’auto- ritd de 1’Ecriture, aux ddciiions des Conciles & des Papes. Pour bien comprendre cette condition, il fant remarquer qu’au lieu que toute Probability eft relative , & convient dgalement au vrai & au faux, l’dvidence au-contraire ne peut etre attri¬ bute avec raifon qu’a ce qui eft vrai; & qu’elle peut etre confiddrde, ou abfolument & en elle- merne, ou relativement par rapport a l’efprit des Hommes. Elle ne convient qu’d la vdritd ; parce que tout ce qui eft faux eft coni® ^ & n’eft point in¬ telligible par foi-meme. Ce qfti eft vra.i eft au- contraire clair & intelligible par fai-mdme. Et e’eft ce qui m’a fait dire qu’on pourroit avec raifon lui attribuer une dvidence abfolue; parce que tout ce qui eft vrai conflddrd en foi-mdme, eft capable d’dtre connu dvidemment. Toute vdritd eft renfermde dans la fouveraine vdritd, qui eft Dieu: & Dieu, cotnme dit St. Jean, ejl ]umiere, & il n’j a point en lui de tenebres. JVlais quoique toute vdritd foit dvidente, fi T 5 oq 298 I. Note sur ea V. Lettre.' on la confidere en elle-meme & abfolument^ die ne l’eft pourtanc pas ft on la confidere par rapport aux Homraes. Car la foiblefle de leur efprit les rend tellement aveugies dans la ccnnoillance de beaucoup de chofes tres • vraies en eiles-mdmes , qu’ils tcmbent quelquefois dans les erreurs qui y font contraires; ou qu’au lieu de cette perfuafion forte que devoit produire Ja vue de la vdritd, ils n’en portent qu’un jugement incertain & mele de doute:ce qui elt proprement ce que nous avons appelld un jugement probable. Ce que je viens de dire a lieu dans toutes les vdritez , mais particuderement dans les Prd- ceptes Moraux , qui doivent etre la regie de notre conduite. Car ii on les conlidere abfolu- jnent, & tels qu’ils font en eux-memes , rien n’eft plus evident; puifqu’ils ne font autre chofe que cette loi eternelle & fouveraine, cette vdritd & cette juftice fouveraine & dternelle , qui eft la loi natuvelle , fur laquelle les Plommes doi¬ vent regler toutes leurs actions Or fuppofer quelques tdnebres dans cette loi , ce feroit feindre de 1’obfcuritd dans le Soleil. C’eft ce qui fait que le Prophete Roi s’dcrie , (i) que h commandement du Seigneur efi pkin du lumiere qu'il ectaire les yeux. C’eft ce qui fait encore que ce commandemgat Qtft tres-fouvent appelld dans 1’Ecriture du riom de lumiere; (i) Ccki qui fait Je mat bait la lumiere, de ptur que fes oeuvres ne foient munifeftees. ( 3 ) II etoit la vraie lumiere qui sclairt tout bomme venant dans le monde. Mais quoique cette loi foit par elie-mdine dvidente, elle ne le paroit pouriant pas a tons les fO Pf. TSS. (2) ^ean c. 3 . v. 20 . (?) Jean c. J. v. 9. Dissert, sur la Probabilite’. 299 Ies hommes , tant les tdnebres que le pdcbd originel ar^pandues dans leur efprit, font dpaif- fes. II n’y a prefque aucun point dans cette loi de lumiere & de vdrite, qui non feulement n’ait etd rdvoqud en doute par plufieurs per- fonnes , inais meme rejettd par des nations entieres, qui ont approuve l’erreur qui y eft oppofde. Car quel eft le crime , fi horrible qu’ii puiife etre , qui n’ait paffd pour jufte & pour permis dans quelque partie du Monde? II eft vrai que l’Ecriture & la Lumiere de l’Evan* gi’.e , qui renferme & qui explique toute la Loi Naturelle, diffipe une partie de ces tdnebres: mais elle ne le fait pas avec tant de clartd Sc d’dvicience , que la depravation du cosur de J’homme n’y puifle encore feindre quelque ob- fcuritd. Ainfi d peine y a-t-il tin feul prdcepte dans l’Ecriture , a l’dgard duquel il ne fe foit trouvd des gens aflez tdmdraires pour vouloir y donner atteinte. L’Ecriture Sainte dtant done tres-claire en elle-mdme,aufli-bien que la Loi Divine dont el¬ le eft l’interprete , & paroiirant ndanmoins ob- feure d des efprits aveugles & remplis de tdne-- bres; il s’enfuit que plus on a le cceur droit & dclaird , moins on trouve d’obfcuritd & dans les Ecritures & dans la Loi Naturelle. Quand il n’y auroit que ces deux prdeeptes , qui nous obligent d’aimer Dieu plus que nous, & notre Prochain comme nous-memes , ils renferment tellement toute la Loi Naturelle , que fi quel- qu’un par une Lumiere Divine en pdndtroit tou¬ te l’dtendue , il n’auroit plus aucun doute fur toute la Morale: Car quoi de plus vrai, dit St. Auguflin , (i) que quand on a accompli ces deux pre’- f ep(es, on a accompli toute la Loi ? Mais (1} Lib, de Spir, £r Lite, cap . alt. goo I. Note sur la V. Lettre. Mais parce que perfonne n’eft pleinement & parfaitement dclaird. en cette vie , quoique les uns ayent rtju plus de Iumiere que les autres; ces tdnebres qui reftent dans 1’homme, font cau- fe que les perfonnes metnes qui ont de la pidtd & de la fcience, trouvent toujours dans la Loi Naturelle & dans les Preceptes Moraux, des cho¬ res qui leur paroiflent obfcures & incertaines. Et c’eft proprement de cette ignorance que naiflent les Opinions Probables qu’ils ont fur ces points: ce qui fait dire au meme St. Auguttin: Ouc mows nous connoijfons Dieu , moms nous connoijjons ce qui M eft tigreable. Si on demande done fi toute opinion faufle eft dvideijnnent contraire d la Raifon & a l’Ecri* ture, il fera facile de rdpondre a cette queftion, par la diltindh'on de cette double Evidence que nous venons d’exp'iquer. Car fi on veut parler d’une Evidence abfolue, tout ce qui eft faux dans la Morale, eft dvidemment contraire a laVdritd, a la Raifon, 6t a quelque tdinoignage de I’Ecri- ture par lui mdme tres-dvident: de forte que tous ceux d qui l’dvidence que ce principe de la Rai¬ fon & ce tdmoignage de l’Ecriture ont par eux- memes, fe fait fentir, ne peuvent aucunement douter de la faufletd de cette opinion. Mais fi on parle d’une evidence feulement re¬ lative , il eft clair alors que tout ce qui eft faux , ne parolt pas a tout lemonde dvidemment contrai- ie tl 1'Ecriture & i la Raifon , & qu’il ne paroit tel qu’4 ceux qui connoiffent clairemenf la vdritd oppofde. Ainfi i! n’y a prefque point d’epinion faufle , dont on ne puifle dire qu’elle eft en meme terns & dvidemment & non dvidemment contraire & la Rai¬ fon & a PEcriture , fi on la confidere par raport 3.ux hoinmes, aux diffdrentes difpofitions de leur efptit, Dissert, sur la Probabilite’. 351 efprit, & aux diffdrens degrez de lumiere ou de tdnebres qui font en eux, Car ceux qui connoif- fent dvidenment la vtirit6 dont il s’agit, connoif- fent auffi tres ■ evidemment que cette opinion fauffe lui eft tout a-fait contraire: mais pour ceux qui ne la connoiffent pas, cette meme opinion ne leur paroit dvidemment oppofde ni a la Rai- fon ni a l’Ecriture. De-IA il faut conclure qu’il n’y a aucune opinion fauffe dans la Morale, dont on puiffe dire gdndralement qu’elle n’eft pas contraire A i’Ecriture & a la Raifon dvidente: puif- qu’etant fauffe , elle eft vdritablement & par elle- mdme contraire A l’une & A l’autre. Et cette op- poiition peut etre reconnue de tous ceux qui on£ une connoiffance claire & certaine de la vdntd. Il eft aife apres ces remarques, de comprendre en quel fens il faut entendre cette condition que les Jdfuites demandent pour rendre une opinion probable , & dont ils font tant de bruit, laquelle confifte en ce que cette opinion ne foit point ma- nifeftement oppofde a la Raifon dvider/te , ou a l’autoritd de l’Ecriture & de la Tradition. Car certainement ils ne veulent pas parler de l’dvi- dence abfolue ; puifque de cette maniere il n’y auroit jamais d’opinion probable qui fiat fauffe ; la Fauffetd etant, comme nous 1’avons ddmontrd, manifeftement oppofde par elle-meme a la Vdritd & A l’Ecriture. Ils ne veulent done parler que d’une dvidence relative, & qui ddpend des diffd- rens degrez de lumiere que nous avons ; la me¬ me chofe dtant dvidente A l’egard des uns, & ne l’dtant pas a l’dgard des autres. Ainfi quandles Jdfuites demandent pour lapro- babilitd d’une opinion , qu’elle ne foit pas mani¬ feftement oppofde A la Raifon ou A l’Ecriture, ils ne peuvent entendre autre chofe , finon qu’une opinion n’eft probable qu’A 1’dgaid de ceux qui as 302 I. Note sur la V. Lettre.' ne la trouvent pas manifefiement oppoffee a P.E- criture & a la Raifon : ce qui elt tres-v^ritable , jnais ce qu’il elt fort inutile de remarquer: Parcs qu'il eft impoftible , pour me fervir des paroles me- mes du P. Perrier , qu'un homme repoive me opinion comme probable , a meme terns qu’il Jait qu’elle eft e’vi- demment faujfe , ou qu’un Chrfetien n’eltime pas certainement faux , ce qu’il reconnoit etre tres- dvidemment contraire a 1’Ecriture. Les jyfuites ne requierent done pas pour la probability d’une opinion , qu’elle ne foit point fen effet oppoKe a la Raifon & a l’Ecriture ; car de cette forte il n’y auroit aucune opinion proba¬ ble qui pClt etre fauffe. Us ne demandent pas non plus qu’elle n’y foit pas oppofde,au jugement de ceux qui la croient improbable: car ii cela fetoit, il n’y auroit point, ou il y auroit tres-peu d’opi- nions probables. Us permettent d’ailleurs qu’oii s’feloigne du fentiment des Docteurs qui font d’u¬ ne autre opinion , quand on a des raifons folides pour ne pas dyfdrer a leur autority , e’eft - a - dire felon 1’explication que nous en avons donnye , quand on a des raifons qui paroiflent folides, quoi- qu’en elles-memes elles foient peut-etre tres vai- nes & tres-foibles. Et de plus il n’y a point de loi qui oblige les Thyologiens £ croire que ce qu’ils trouvent obfeur foit dvident, parce qu’il paroit tel a d’autres. Les jyfuites ne demandent done autre chofe , finon que celui qui tient une opinion pour pro¬ bable, ne la croie pas evidemment oppofye a l’E¬ criture, Voild a quoi fe rdduit cette condition tant vantye , par laquelle ils fe juftifient aupres des Ignorans, comme fi prefque tous les Hyrfeti- ques n’ytoient pas perfuadez que leurs erreurs ne font oppofdes ni a la Raifon,ni a 1’Ecriture,quoi- qu’elles y foient eileciivement contraries, D’oh Dissert, sur ea ProBabilite’. 303 il s’enfuit , ielon cette regie des Jdfuites, que ces erreurs doivent ecre tnifes au nombre des o- pinions probables , aulE - bien que la plupart des fentimens des Cafuiftes ; qui pour ne leur parot- tre pas oppofez a l’fccriture & a la Raifon, parce qu’ils ont l’efprit obfcurci de tdnebres , ne laif- fent pas pourtant d’y dtre contraires en effet , comme le reconnoiflent aifdment tous ceux qui n ’ont pas le jugement li ddpravd ni fi corrom- pa. §. XII. Comment let JeJuites eux-memes nffeiblijjent & re’dui} fent d rien cette condition dont on viei)t de parler. I L eft done clair que fuivant cette condition, fl n’y a point d’erreurs , point d’hdrefies, qu’on ne puifle mettre au nombre des opinions proba¬ bles , pourvu qu’il fe trouve quelqu’un qui par erreur,& appuyd fur des fophifmes probables,fe perfuade qu’elles ne font point opposes a l’Ecri- ture. Mais les Cafuiftes qui trouvent cette con¬ dition encore trop incommode , comme reftrai- gnant un peu la licence des opinions probables, 1’affoibliffent par diverfes exceptions , & la r£dui» fent prefque a rien. _ Si queiqu’un n’admet pas entierement l’auto- rit6 de toute l’Ecriture Sainte ou de l'Evangiie , ce qui eft 6videmment contraire d I’Ecriture ou k l’Evangiie , pourra , felon eux , etre probable d fon dgard, malgrd cette contraridtd. C’eft fur ce fondement que Thomas Sanchez , Diana , San- cius , citez par Efcobar dans fa Thdologie Mora¬ le, 304 I. Note sur la. V. Lettre; Ie , * & Efcobar lui-meme, afferent hardimdnt qu’un Infidele a qui on propofe notre Religion Comme pluscroyable que la llenne , n’eft obiigeS de i’embrairer qu’a l’article de la mort, pourvu que la fienne lui parollle encore probablement croyable. Voild done le Paganifme , c’ell-d-dire les er- reurs de toutes les plus abfurdes , qui peuvent felon les Cafuiftes paroitre aux Infideles probable¬ ment croyables : en forte que cela fuffit pour les difpenfer de l’obligation d’embralfer laFoiCatho- lique, non feulement quand on ne‘ la leur pro¬ pofe pas, mais mgme quand on la leur propofe; non feulement quand on ne la leur propofe que comme moins probable , mais meme quand on la leur propofe comme plus probable. Sans-dou» te que ce qu’ils accordent au Paganifme , ils ne le refuferont pas au Mahomdtifme , ni d quelque autre Sefte ou Religion que ce foit; puifqu’ils a- vouent qu'elles ont paru probables a leurs Sefta- teurs , quoiqu’elles foient manifeilement contrar¬ ies aux Divines Ecritures & d la Raifon. Cette condition qu’ils ont dtablie, ne regarde done que ceux qui admettent I’autoritd de I’Ecri- ture & de la Tradition. Car celui qui ne l’admet pas , peut tenir pour probables une infinite de cbofes qu’il reconnoit dtre manifeilement oppo¬ ses d l’Ecriture & a la Tradition- Mais voici une autre exception plus adroite, & qui a bien plus d’dtendue. Comme il elt cons¬ tant parmi les TWologiens Catholiques., que quand on eft perfuadd qu’une opinion eft effefli- vement fauffe & 6videmment oppofde d l’Ecriture, on ne peut l’appeller probable quand on le vou* droit, il falloit imaginer un moyen pour pouvo/r tout a la fois, & juger, puifqu’011 y dtoit con¬ tract s Tom. /, fag. 3p, Dissert, sur la Probabilite’. 305 fraint , une telle opinion improbable , & s’en fervir n^anmoins dans la pratique, comme d’une opin on probable. Les Cafuiltes en font venus a bout par l’invention merveilieufe de la Probabi¬ lity extrinfeque, qu’iis appellent auffi autbentique, parce qu'eile eft fondle fur l’autorice des Doc- teurs; Probability qui fuffit, felon eux, pour rendre les opinions probables. 11s 1’enfeignent dans une infinity d’endroits,qu’il n’elt pas ndcef- faire de rapporter, puifqu’tls en tornbent d’ac- cord; & que le dernier Defcnfeur de la Probabi¬ lity, je veux dire le P. Ferrier, foutient fans crainte & fans aucun detour, que l’autority d’un feul Docteur fuffit pour rendre une opinion pro¬ bable. On pouvoit toujours leur objefter, qu’il dtoit impoflible qu’on regardat comme probables les opinions d’un ou meme de piulleurs Auteurs, quand elles ytoient contraires a l’Ecriture ou a la Tradition, lls ont trouyy un remede admirable A cet inconvynient. D’abord, pour ne fe pas rendre odieux, ils proteftent & ils pubiient bien haut que l’auto¬ rity d’un ou de plufieurs Docteurs ne fuffit pas pour donner la probability A leurs fentimens , s’ils font oppofez A la Tradition & A l’Ecriture. Un Dolfeur J'eul, die le P. Ferrier , (i) ne pent rendre une opinion probable , quelques raifons qu'il emploie pour J’appuyer . Ji elle fe trouve contraire mix pajjdges de i’Ecriture Sainlc & aux definitions des Papes & des Connies. On rroiroit apres cette protection la Dofltri. ne de I’Egiife fort a couvert, mais ce feroit etre bien Ample, Les jyfu tes ont des moyens de re- jradler adroitement tout ce qu’its paroiffent ac¬ corded (\) Pag. 17 , Toms L y 30 6 I. Note sur la V. Lettre. corder, & rien ne peut les empecher de donner un plein & entier pouvoir k tous leurs Auteurs s de rendre leurs opinions probables, quelles qu’elles puiffent etre. C’eft ce qu’ils font en itabliffant cette regie de prudence , d’ailleurs bonne en elle-meme: Qu’on ne doit pas croire qu’un Auteur qui a de la reputation , donne queique chofe au public, ou qu’un Cafuifte qui eft favant, fade queique rdponfe qui foit contrai- re a l’Ecriture. Sur cela le P. Ferrier (i) veut qu’on ait confiance aux d£cifions des Cafuiftes; parce , dit-il, quun bom me doHc ne fe trompe jamais dune maniereji etrange, qu'il donne pour probable ce qui eft faux. Mais s’il me paroit qu’il fe foit trompd, & qu’il fe foit manifeftement dloignd de 1’autoritd de l’Ecriture, ne me fera-t-il pas perniis de juger fon opinion tout-a-fait improbable? Non, difent- ils, parce que vous devez etre perfuade que ce que vous ne pOuvez refoudre , un autre le peut. Je ne leur impofe point, pour les rendre o- dieux. Je ne fais que rapporter la Dodtrine com¬ mune des Cafuiites apres Thomas Sanctius (i), Sayrus (3), & Efcobar. (4) Voici leurs propres termes. „ II arrive fouvent, difent-ils, que lorf- „ que vous jugez une opinion probable, ii fur- „ vient queique raifon qui paroit convaincante „ pour le contraire. Mais cette opinion ne „ perd pas pour cela fa probability. Car quoi- „ que vous ne puilEez lever cette difficulty, un „ autre le pourra: & vous en devez etre perfua- „ dd: puifqu'il vous eft arrivy tres-fouvent qffioft „ vous a propofy des difficultez qui vous ont „ pafu fi) Pag. 32. (z) In Decal . /. I. c. 9. w. 6 * (3) In Clavi. ( 4 ) in TbeologiA Mur alls prdlo^ulo. Dissert, sur la Probabilite’; 307 j, paru infurmontables, deque d’autres ont levies „ tresfacilement. Ainfi vous feriez bien tdmd- „ raire de juger pour cela les opinions des autres „ itnprobables, quand elles paflent pour proba- „ bles. . . C’eft pourquoi Tambourin Jdfuite, dont ie Livre vient d’etre rimprimd, apres avoir dit dans un endroit qu’il eft fflr de la vdritd d’une opi¬ nion , ne iaifle pas de foutenir hautement que la contradiCtoire eft probable & entierement fure. Void comme il s’en explique. ( 1 ) „ Si dans une j, caufe civile, dit-il, les raifons que deux Par- „ ties qui plaident enfemble produifent pour „ faire voir leur droit, prouvent dgalement pour „ l’une & pour i’autre, il eft certain, felon mon „ fentiment, qu’un Juge ne peut ajuger Ja cho* „ fe a qui il lui plalra, mat's qu’il doit la partager. „ J’aidit, ajoute-t-il, que cela eft certain, felon „ mon fentiment: car a caufe de 1’autoritd ex- „ tritifCque de bons Dofteurs, qui affluent que „ dans ce cas unjuge peut prononcer la fentence „ en faveur de fon ami, s’il Ie veut, il vous eft „ libre d’embraffer Ce fentiment comme proba- ,, ble. On voit par-li que Tambourin propofe aux autres une opinion comme probable & comme fure dans la pratique, pendant qu’il la croit certai- nernent faufle. _ .«- Caramuel dit la mdme chofe encore plus pofi- tivement, & il prdtend que des raifons ddman- flratives ne fuffifent pas pour dter la probability j une opinion qui eft foutenue par quelquesi Dofleurs. ,, Qu’eft ce, dit-il (a), que ddmontret it qu’une chofe n’eft pas permife ? C’eft ddmon- » tret (1) t. I. C. 3. §. +. ( i ) Thcel , Fund . p , ijj. 3 oS I Note sur la V. Lettre. „ trer qu’elle n’eft pas probable. Ainfi celui quf „ dit qu’une chofe n’eft pas permife, s’engage i „ beaucoup. Prdmierement il doit faire yoir que ,, les raifons qui prouvent qu’une opinion ell „ mauvaife, font ddmonftratives, c’eft - & - dite, 5> qu’on ne peut y oppofer aucune rdponfe pro- ,, bable. En fecond lieu il eft encore oblige de „ ddmontrer que les raifons dont on fe fert pour „ prouver que cette opinion eft bonne , ne font „ pas meme probables. Et il le fera s’il donne „ \ toutes ces raifons jufqu’i la derniere, une ,, folution qui foit evidemment vraie ”, Mais penfez vous que quand on fatisferon i tout cela,' on rendit cette opinion improbab ! e? NuDement. „ Car il faut en troifieme lieu, pourfuit Cara- „ muel, faire voir que Jes raifons qui font parol- „ tre cette opinion bonne, n’ont pas des autori* „ tez fuffifantes pour etre nominees probables. „ 11 doit done prouver tout cela en meme terns. ,, Car ft prouvant deux de ces conditions il man- ,, quoit a une feule, e’en feroit affez pour lui „ faire perdre fa caufe. Apres cela je demande aux Jdfuites, comment les plus habiles Thdologiens pourroient rejetter une opinion comme improbable, quelque oppo¬ se qu’elle fut k la Raifon & d i’Ecriture, pourvu qu’elle ait quelques d^fenfeurs dans 1’Ecole des Cafuiftes ? Dicaftille enfeigne qu’on peut fans crime avoir recours a la calomnie, pour faire per¬ dre le erddit a un injufte accufateur. Lami Caramuel , & plufieurs autres aufli aveuglez qu’eux , foutiennent qu’un Religieux peut tuer ceux qui r^pandent des calpmnies contre font Ordre, quand il n’y a pas d’autre vote pour les arrSter. Tannerus & d’autres croient que lorf- qu'on veut intenter contre nous une gccufation qui va a la mort, il~eft permis de tuer Je Jage & Dissert, sur la Probabilite’. 309 tes T^moins. Je paffe fous filence les d^cilions de Leffius fur l’Homicide; & le confeil qu’un au¬ tre TWologien (1) de la Socidtd, city par Diana {2),donne aux fillesfur l’Avortement: toutes ces chofesfont.au jugement des gens de bon fens, manifeftement opposes i l’Ecriture & a la Tra¬ dition. Cependant que ferviroit-il d’apporter des raifons fans replique contre toutes ces abo¬ minations , (3 felon cette nouvelle maxime de i’flumility Jifuitique, chacuri doit etre perfuady que d’autres peuvent r^pondre a ces raifons qu’on ettime invincibles; & s’il n'efl pits ptrmis , cemme parle Efcobar , de rejetter les opinions des mitres (orntne improbables ? Caramue! a doncraifon, fuivant les principes de la Probability, de nier que jamais on puifle rejetter fans tyrndrity comme improbable, une opinion qui eit foutenue par des Savans. Car une. proportion probabk, dit-il, (3) n'efi autre chafe qu’u- »ic proportion foutenue par quelques grands hommes. Et "dans le mieme endroit: Nier la probability d’une opinion foutenue par plufeurs Savans, ck/l nier que la longueur convieme d la ligne, la largeur d la fuperfi- cie , & la definition au defini. Ce qu’il confirme par cet argument: (4) Pofez tel cas que nous voudrez hors le jugement de I'Eglifc ; qu’oti ajfcmble tous les Javans de PEurope, les ignorans, les grands & les peiits, tous enfemble ne pourront ni faire, ni definir ventablement que vingt ne foient pas vingt, ni par eonjequent rendrc improbable une opinion qui a vingt Auteurs pour garans. 11 (j) Lczzana. ( 2) Diana part. 6 . traU. S. rejbl. 37* (3j Tbeol . Fund. p. $ 93 . {rj Tbeol. Fund, p, 89 . y 3 gio I. Note sur la V. Lettre. II fuffit done que les Cafuiftes ayent une foi's avancE une opinion comme probable: elle ne ceflera jamais de l’etre, quelques raifons & quel- que autoritE qu’on apporte pour le contraire, k moins d’un Concile Oecumenique ; parce que ces raifons n'empechent pas qu’elle n’ait etE foute. nue par des Cafuiftes. Et e’en eft aflez pour ia rendre probable. §. XIII. Sommaire de la DoSrine des Jefuites & des Cafuiftes fur la Vrobabilite. Tambour ;n , bnprimd depuis peu par lefoin des JeJuites , en explique ingcnilment les exces. I L eft facile, apres avoir decouvert la malignite & l’artifice des Equivoques des JEfuites, de faire connoitre quel eft au fond leur vEritable fentiment. On peut done dire qu’ils reconnoiflent en pre¬ mier lieu qu’une opinion n’eft pas probable ab- folument , mais relativement, e’eft-a-dire qu’elle ne l’eft que parce que quelqu’un Ja trouve proba¬ ble. IIs reconnoiflent encore qu’il s’enfuit de-U qu’une opinion, telle qu’elle puifle etre.ne laiffe pas d’etre prohable a l’Egard de celui a qui elle paroit telle, & que par confEquent on peut dire q«e 1’HErEfle eft probable a l’Egard des HErEdques, le Judaifme a l’Egard des Juifs , 1’IdoIS.trie k I’E- gard des Payens, & 1’Alcoran a 1’Egard des Ma- homEtsns. IIs reconnoiflent en troifleme lieu que la Pro- foabilitE n’a pas une aufll grande Etendue parmi les ThEoIogiens Catholiques, que parini ceux qui ne reqoivent pas PEpritpre nf la Tradition; parce ' que Dissert, sur la Probabilite’. 311 que rien ne fauroit paroltre probable & ces Thdo- logiens, de tout ce qui leur paroit certainement faux felon l’autoritd de l’Ecriture ou de la Tradi¬ tion. On ne peut blimer les Jefuites d’avoir rg- connu tout cela, & ils ont raifon jufqu’ici. Mais ils vont plus loin, & void proprement Ie commencement de la corruption de leur dodtrine fur ce point, ils ne fe contentent pas de dire qu’une opinion eft probable 4 1 ’dgard d’un hom- medofte, lorfqu’il l’eftime probable; ils veulent encore que tous les autres la tiennent pour pro¬ bable, quoiqu’ils en connoiffent certainement la fauffetd, & qu’il leur femhle meme qu 'ils cn ont , comine dit Efcobar, dcs raifons convaincmcs. Par¬ is ils defarment 1’Eglife ; ils donnent une licence entiere aux efprits libertins pour corroinpre fa dodtrine; ils ruinent abfolument cette exception qu’ils faifoient tant valoir; Que tout ce qui dtoit dvidemment contraire 4 la Raifon ou a l’autoritd de l’Ecriture, ne devoit point paffer pour proba¬ ble; ils dtabliflent enfin cette maxime gdnerale, dont nous avons ddmontre la faufletd & 1 ’abfur- ditd; Qu’une opinion eftimde probable par quel- que Cafuilte, doit dtre eftimde telle univerfelle- ment & de tout le monde. Mais quelque intolerable que foit cette erreur , ■ elle n’auroit pas ndanmoins caufe de fi grands defordres dans la Morale , (i a celle-la ils n’en a-? voient ajoutd deux autres, qu’on peut appeller qvec raifon & avec vdritd les plus pernicieufes de toutes les erreurs qui ayent jamais dtd avan- cdes. La prdtniere, que toute opinion probable, tneme fauffe & effettivement contraire 4 la Lot naturelle & dternelle , eft ndanmoins fure dans la pratique: de forte qu’en la prenant pour regie de fa conduite , non feulement on eft en fur erf- V 4 de 31a I. Note sur ix V. Letter. de confcience , mais on peut meme mEriter la fEIicirE t'ternelle , & tiller droit titi Clet , comme dit Efcobar in prteloq. c. 3. n. 13. La feconde , que dans ie choix des opinions on peut non feulement prEfErer la moins fute d la plus lure , la moins probable a la plus proba¬ ble, mais qu’on peut meme prEfErer ceile qui eft en meme terns & la moins probable & la moins lure, a celle qui eft la plus lure & la plus proba¬ ble. Ce font ces deux erreurs, ou pour mieux dire ces deux fources fecondes de toutes les erreurs fit de tous les reldchemens, que je me fuis propofE de rEfuter dans cette Differtation; ne voyant pas comment la Religion Cathoiique, la Foi& la Dif- cipline de 1’Eglifepeuvent fubliller avecces maxi- mes. Mais j’ai cru qu’il droit abfolument nEceflafre, avant que d’entrer en matiere , de detruire d’a- bord comme j’ai fait les Equivoques des JEfuites, fit d’expofer nettement aux Lt&eurs ce que e’eft, felon ces Peres, qu’une opinion probable; sfin qu’Etant bien inftruits de la vEritable notion de ce terme, ils l’ayent toujours prEfente d I’ef- prit,& ne fe laiffent pas furprendre dans la fuite, par je ne fai quelles fubtilitez desJEfuites de Fran¬ ce , qui font maintenant tous leurs efforts pour embarraller cette quellion. Je dis des JEfuites de France ; car les autres font beaucoup plus francs & plus finceres fur la Probability. Et e’eft fans, coute un effet de la politique des JEfuites , qui veuient empScher par-Id que les dEguifemens dontils font forcez de fe fervir, a caul'e des re- proc'nes importuns des Curez de Paris, ne faffent perdre a ieur doftrine quelque cbofe de fon auto- ritE & de fon Eclat. En meme terns done qu’ils font obiigez de produire en diffErentes Provinces de Dissert, sur la Prosabilite 5 . 313 de France quelques Jdfuites, cooime )e P. Ferrier, qui a la vdrite ne corrigent & ne changent point leurs principes fur la Probability, mats qui font pourtant contraints, afin de les ddfendre, de les obfcurcir par des explications embarralTdes ; i!s ont foin d’y produire d’autres Cafuifte* des Pais Strangers, mais de leur Society , qui par’ent ou- vertemenr, & qui font connoitre a tout le tnonde leurs vdritables fentimens. C’eft le deffein de la nouvelle Edition du Livre de Tambourin Jdfuite Sicilien, qu’ils ont fait imprinter a Lion cere an- nee 1658. On y trovive la matiere de la Proba¬ bility fi bienddveloppde,elle y ell expliqudeavec tant de nettetd , qu’on ne peut rien ddfirer de plus clair. Car ft Pon vent avoir une definition de la Pro¬ bability qui foit courte , mais qui exprime tout, on la trouve dans ce C'afuifte. C'eft , dit-il , (t) le confcntment que I'efprit dome d une Opinion qui ejl afpuyee on fur la raijon . on fur me autorite un peu torfiderable , pourvu qu'.l n'y ait rien d'oppofe qui pa. Toijfeconvainccm. Il a foin comme vous le voyez, de diftinguer i’autoritd, de la raifon. Une opinion, dit-il, appujee ou fur la raifon , ou fur T'autorite: car felon les J’dfuires, toutes les deux ne font pas neceiTaires pour reidre une opinion probable; Pune ou I’autre fuffic. C’eft pourquoi il ajoute immddiatement apres. Ounnd ce confcntement ejl appuye fur la raifon , on lappelk une probability in. trinfeque : quand il eft apptye fur l'autorite , on Yappelle me probability extrinfeque. li s’eyprime avec le rneme foin fur la condi¬ tion que doit avoir une raifon, ou une antority, pour fonder une opinion probable Pourvu. dit- 3], quil n’y ait ricn d'oppofe qui paroijfe convamcant, ( x ) Tamil . 1 . 1. c . 3 . 5 . 3. Vs P 4 - I- Note sur la V. Lettre. II ne dit pas, pourvu qu’il n’y ait rien de con- vaincant , mais feulement pourvu qu'il n’y ait rien qui It parotjje : fachant bien qu’une opinion eft dite probable relativement, & non abfolument. II s’explique enfuite fur la fdvdritd des opinions probables, d’une maniere encore plus nette&plus precife. Quiconque , dit-il , agit felon me opinion probable fait bien & ne peche point ■ On pourroit croire qu’il falloit au moins fuivre l’opinion qui eft la plus probable : c’eft pourquoi il aj'oute qu’on fait bien & qu’on ne peche point en a. bandonnant meme h plus probable , la plus fare , 8 s la plus juivie. It va plus loin. Car afin qu’on ne s’imagine pas qu’il faut au-moins une probability un peu con- dddrable.il ajoute encore: Nous agiffons toujour$ prurlemment, c’eft 3 dire en furetd de confcience, quand nous agijfttns far une probability , son jn- TRINSEQUE , SOIT EXTRlNSEqUE , QUELQUE LE- GERE QU’ELLE PUISSE ETRE. Et de peur qu’on ne fe portit a juger les opi¬ nions des autres improbabies, a caufe que l’opi- nion contraire nous paroitroit certaine, ii nous arrete par fon propre exemple , & il veut que cette Humilit6 jyfuitique dont nous avons ddji pariy, nous empeche de faire de tels jugemens. Apres cela on ne peut rien fouhaiter de plus. Mais il ne fera pas inutile , pour bien entendre ie langage des Cafuiftes, de rapporter encore iei l’a- vertiflement qu’il don.ne a 1’entrtfe de fon Livre. ,, Je fuis bien aife , dit-il , mon cher Lefteur, ,, que vous foyez averti d’une chofe que je vai „ vous dire en peu de mots. Celt que quand j’ap- „ pelle quelque opinion probable, ou que je dis „ qu’elle n’eft pas improbable, ce qui eft la md- s, me chofe, mon fentiment eft que vous pouvez „ l’embraffer fans aucune crainte de pdcher, & \ ' ». que Dissert, sur la Probabxlite’. 315 „ que vous la pouvez fuivre dans la pratique Ce qui fait voir en paffant combien ce principe leur paroit important, puifque non contens de le rdpdter dans toutes les pages de leurs Ouvra- ges , ils ont encore le foin de le mettre a la tete de leurs Livres, comme la clef de toute leurThdo.- logie. Nous allons en examiner la foliditd dans la Sedtion fuivante. SECTION SECOND E. Hxamen de cette premiere Maxima des Prebabiliftes, que toute Opinion Probable, quoique faujfe & con- traire d la Loi Divine , excufe de peche (levant Then. $• I- Tauffcte de cette Maxime demontre’e par St. Thomas. P Uifque pour rdfuter ce principe. ou plutdt cet¬ te pernicieufe erreur , j’ai pris pour guides Mrs. les Curez de Paris,qui ont enfeignd & prou- vd tres-folidement le contraire dans beaucoup d’endroits de leurs Ecrits; c’ett-d-dire qu’une opi¬ nion probable faufie dans le Droit Naturel (car nous parlerons du Droit Pofitif dans la fuite) n’ex- cufe point de pdchd : je ne puis mieux faire pour ddmontrer apres eux la vdritd de ce der¬ nier fentiment, que de commencer , fuivant leur exemple , h l’dtablir par i’autorite de St. Tho¬ mas , dont les tdmoignages plus clairs que !q jour me ferviront de principes pour tout le refte de cette DiiTertation. Ecoutons done ce St. Dofteur, qui trait?, a- *'' vec 3 x<5 I. Note sur la V. Lettre. vec beaucoup d’exactitude toute cette queftfon, & qui la decide ainfi. Je r^ponds,dit i! (i), ,, qu’un homme fe fend coupable de pdchd en „ deux manieres. La premiere, en agiflant con- „ tre la Loi de Dieu, comrne lorfqu’il tombe „ dans la fornication La feconde, en agiflant ,, centre fa confcience , quoique ce qu’il fait ne foit pas centre la Loi ; comine fi quel- „ qu’un croyoit qu’il y eut pdche mortel a Je- „ ver une paille de terre. Et 1’on peche con- ,, tre la confcience, foit que Ton connoiffe cer- ,, tainement que ce que Ton fait eft mauvais, „ foit qu’on n’en ait qu’une opinion melde de „ doute. Ce que l’on fait contre la Loi „ de Dieu est toujours mauvais, et ne peut ,, ETRE EXCUSE' PAR CETTE RAISON , QU IL EST ,, selon la conscience. Et pareillement ce qui „ eft contre la confcience eft mauvais, quoiqu’ii „ ne foit pas contre la Loi de Dieu. Mais ce qui „ n’eft ni contre la confcience, ni contre la Loi t , de Dieu, ne fauroit etre mauvais. „ S’il arrive done qu’il y ait deux opinions con- ,, traires fur une metne chofe, il faut fuppofer d’a- „ bord comme un principe conftant. qu’il y en a ,, une qui eft vraie, & I’autre qui ell fauffe. Et de „ ce principe ils’enfuit,que pour jugeriiun hom- „ me fait bien ou mal.en agiflant contre une opi- „ nion qui eft commune partni les Dotteurs,com- „ me fait, parexemple,celui qui retient plufieurs j, Bdnefices.ii faut confiddrer cette opinion felon „ cette double fuppofltion; e’eft a dire, qu’il faut ,, examiner (i elle eft vraie, ou ft elie eft fauffe. ,, Si cette opinion commune contre laquelleilagit, „ eft effe&ivement la veritable, il n’eft point excu- ,, fd de pdchd , quoiqu’ii ia croie fauffe ; parce „ qu’en- (0 S, art. 13. Dissert, sur la Probaeilite’. 317 >, qu’encore qu’il n’agiffe pas dans ce cas contre 3, fa confcience, il agit contre ia Loi de Dieu. „ Si au-contraire cette opinion commune eft fauf- ,, fe ,comme s’il ytoit vrai qu’en effet i) futpermis j, d’avoir pluiieurs Bdndfices, alors il faut diftinguer „ ces trois cas.Ou ce B^n^ficiercroit en faconfcien- „ ceque cette plurality eftpermife, ou il en doute, „ on if nela croit pas permife. Si c’eft le dernier, „ & qu’il croie qu’elle ne foit pas permife ,il peche „ en agifiant contre fa confcience , quoiqu’il n’a- „ gifle pas contre la Loi, Si c’eft: le fecond, & „ qu’il doute qu’elle foit permife, n’tftant pas tel— „ lement convaincu qu’il eft en furet£ en gardant „ fesBdndfices, que la contrariety des opinions fur „ ce point ne lui donne quelquefcrupule,s’il les „ retient en demeurant dans fon doute , il s’ex. j, pofe au pdril, & par confdquent il peche. pr^» „ fdrant un bien temporel a fon propre falut. Si „ enfin il croit cette plurality permife, fans que la „ contrariyty des opinions le jetre dans aucun „ doute.il ne s’expofe point au pdril de pecher, „ & par confequent il ne peche point. Il n’y a rien de plus precis,, rien de plus dair que cette autority de St. Thomas. Car il parle d’u< ne opinion fur laquelle de fon terns les Thyolo- giens ne s’accordoient pas. On trouve, dit-ii lui- meme (1 ).!es Theologiens oppofczauxTbeolegicns ,& les Jurifconfultes aux Jurifionfuites fur cette queftion. Et cependant il prononce que fur cette queftion controverfye, les deux opinions contradi&oires ne font pas, fures; mais au-contraire que n’y en ayant qu'une vraie, quiconque agit contre ceile- la, peche tres-certainement, parce qu’il viole la Loi de Dieu. „ Celui, dit il, qui agit contre la „ veritable opinion, n’eft point excufd de pychd, 3} parca (0 Quodl. d> art, is. 3 iS I- Note sur Xa V. Lettrs. „ parce qu’il agit contre laLoi deDieu, quoiqu’il „ n’agiffe pas contre fa confcience Pouvoit-ii condamner plus clairement les jd- fuites & tous les Cafuiftes , done la do&rine eft fondee fur ce principe tout oppofe: Queceluiqui dans des matieres conteftees entre des Dofteurs, fuit une opinion fauffe & contraire a la Loi eter* nelle, ne peche point , pourvu qu’il la croie pro¬ bable ? On ne peut done affez admirer ici l’au- dace des Jefuites , qui nous rapportent tranquile- ment dans deux Ecrits qui ont para depuis peu, ce meme paffage de St. Thomas, comme s’il y avoit enfeignd qu’il eft permis de fuivre une opi¬ nion probable, mdme fauffe , pourvu qu’on ne doute point de fa probability. Cette infigne fup- pofltion, ou Ci i’on veut cette bdvue terrible, fe trouve dans un Libelle infolent qu’ils ont publid fous le nom d’un Prdtre de Guyenne contre les Cenfures des plus illuftres Eveques de cette Pro¬ vince, & dans un Ecrit du P. Ferrier imprimd par ordre de fon Provincial. St. Thomas rdpete plus bas la mdtne chofe, & dans des termes qui ne font pas moins fignifica- tifs ,'ni moins oppofez & la doftrine commune des Cafuiftes. „ ]e rdponds, dit-il, fr) qu’on nepeut ,, decider qu’avec pdril toute queftion ou il s’agit ,, de pdchd mortel ,a moins qu’on ne voie bien ,, clairement la ve’rite’, parce que l’erreurqui „ nous empdche de croire pdchd mortel ce qui l’eft ,, effe&ivement , n’exempte pas abfolument de „ tout le pdchd, quoique peut-etre elle en diminue „ la grievetd. Et 1’erreur qui fait croire pdchd mor- „ telcequine 1’eft pas, fait qu’on peche mortelle- „ ment.ence que 1’on agit contre fa confciencetmais ii, le pdril,comme je I’ai dit,eft principalement quani „ OH (i) Qur.il, 9, art. ij Dissert, sur la Probabilite’; 3ip j, on ne connoit pas certainement de quel c6td „ eft la vdritd; St c’eft ce qui arrive dans la „ queftion qu’on propofe. Mais fuppofons pour un moment que St. Tho¬ mas ait dtd dans le fentiment du commun des Probabilities: peut-on, je vous prie, rien ima- giner de plus abfurde & de plus dloignd du bon- fens, que Je feroient ces paroles dans cette fup- polltion ? On ne petit decider qu’avec peril toute quef- tion oti il s’agit de pecbi mortel , d noins qu’on ne me bien datremcnt la vtrite. 11 devoit dire au- contfaire pour parler confequemment, qu’il n’y a point de pdril 4 decider ces fortes de queftions; parce que ne voyant pas clalrement la vdritd, on peut fuivre en furetd de confcience 1’une on l’autre des opinions propofdes; ce qui ne feroit plus permis, (i on voyoit bien clairement la vdri¬ td. St. Thomas ajoute que I’erreur qui nous empe- che de croire pe'che mortel cc qui Teft effeBivement, ne nous exemptt pas abfolument de tout lepechi, quoique peut-etre die en dtminue la grievete. Et il devoit dire, en fuivant les Cafuiiles, que l’erreur qui nous fait croire probable une opinion fauffe, non feulement exempte abfolument de tout le pdchd, mais qu’elle fuffit mime pour rendre une aBion louctble : en forte qu’un homme qui a fuivi dans la pratique une opinion erronnde qu’il a jugde probable, n’eft pas en danger de pdcher , & va droit cm Ciel. St. Thomas rdpete encore que le piril eft prin- cipalmcnt, lorfqu'on ne connoit pas certainement la vi¬ rile: mats felon les Cafuiftes, il devoit dire au- cor.traire que c’eft lorfqu’on ne la connoit pas dvidemment, qu’il y a moins de pdril ; parce qu’alors cheque opinion eft plus certainement probable. Enfin ce Saint Dofteur explique encore ailleurs W 320 I. Note sur la V. Lettke. la mdine doftrine en ces termes. „ Je rdponsj a, dit il (i), qu’on peut fuivre indifferemmenc „ & fans aucun pdril les opinions oppofees des „ Thdoiogiens fur les choies qui n’appartien- „ nent point a la foi ni aux bonnes mceurs: „ c’eft en ce cas que doit avoir lieu ce que dit ,, l'Afdtre , ( 2 .) Que chacun abonde en fon „ fens. Mais dans les chofes qui appartiennent „ a la foi ou aux bonnes mceurs, kui. n’est „ excuse’ s’il suit use opinion er- „ uo ne e de qunquE Docteur: car „ DANS CES CHOUS, x’lUNORANCE h’e S T „ poipr use excuse, On ne peut rien ddfirer de plus forme). Cependant c’eil ce paf- fage- la meme que les Jtfuites n’ont pas eu hon- te , comme je l’ai deja remarqud, d’altdrer par une infigne fourberie,le produifant comme fi St. Thomas y eut enfeignd , Que dans les chofes mes qui appartiennent aux mceurs, on ne pecbe point en fuipant l'opinion erronee de quelque Dofteur. ( 1 ) Quo/ll. 3 . art. 10 . ( 2 J Rom. c. 14 . §. ir, Preuve it la fauffete iu mime Principe des Cafmftes par CEcnture & par les Peres . L A doctrine que je vien? d’expliquer, n’eit pas une doctrine que St. Thomas eut inventde. 11 l’avoit tirde des oracles inMlibles de l’Ecritu- re, de la fuite < onftante de la Tradition , & des plus vives lumiSres de la Raifon : de forte qu’il y a lieu de s’dtom er , que tant de Cafuiftes fe fpierst aveugkz dans la chofe du jnonde la plus certaiae. Eft-11 Dissert, sur la Probabilite’. 32c Eft-il rien de plus dair que cette parole de Jesus-Christ, que les Curez de Paris rapportent "dans leurs Ecrits : ( 1 ) Si m avevgle en conduit m (tutre, iIs lombtront tons deux dans la fojfe ? Et qui peut nier que celui qui fuit une opinion con* traire A l’dternelle vdritd, ne foit aveugle; puif* qu’il ne voit pas ia lumiere veritable , c’eft-a* dire la vdritd ? 11 tombera done dans la foffe , s’il fuit cette lumiere trompeufe , qui lui reprd- fente l’erreur revetue de 1’apparence de la verite ; & il entrainera les autres avec lui dans la mdme foffe , ii etant aveugle lui-meme il en conduit d’autres aufli aveugles que lui; Qu’y a-t-il encore de plus evident que cet en- droit des Proverbes, rapportd par les tndmes Cu¬ rez ? ( 2 ) I! y a une vote qui parrtt droite d I'hotnme, & dont la fin conduit a la mart. Cette vole qui pa- roit droite" & qui ne l’eft pas,qu’eft-ce autre chole finon une fauffe probability ? Car une confcience qui fuit une opinion probable , mais fauffe, n’eft en rien diffdrente d’une confcience qui eft dans Perreur. Car e’eft etre dans l’erreur, que de pren¬ dre pour probable ce qui eft faux : e’eft etre dans l’erreur, que de regier fa conduite fur de fauf- fes maxhnes. Ou s’il y a quelque difference, e’eft: que l’erreur ou elle eft , peut etre irioins con- nue. Car il y a des erreurs faciles A connoitre, & A celles-lA on leur a laiflS le ndm d’erreur. Et il y en a d’autres dont il eft plus difficile de s’ap- percevoir , & qui ne font apperques que par un petit nombre de gens ; & les Cafuiftes mettent celles-14 au rang des opinions probables, & ne les appellent pas des erreurs : mais elles le font en ( 1 ) Matth . c . 15. v . 14. (a) Prov . c 14. v . 11 . Tome I. X 322 I. Note sur la V. Lettre. en effet; & de quelqae maniere qu’on foie dans l’erreur , de quelque autoritd humaine qu’on s’appuye , quelque grand que foit le nombre de ceux qui 1’aprouvent , on peche malgre tout cela, lorfqu’en fuivant une opinion fauffe on s’dr carte de 1’dternelle vdritd. L’Evangile nous fournit un exemple illuftre de eette vdritd. Car (1 jamais on a pu appeiler une opinion fauffe probable, e’eit fans-doute ceile par Jaquelle les Juifs qui etoient mdcontens de Jeurs femmes , croyoient qu’il leur dtoit permis de les renvoyer en leur donnant un billet de repudia¬ tion. 11 n’y avoit point de Docteur parmi eux qui eftt eu le moindre foupqon que cela fut illicite. Moife l’avoit permis tres- expreffdment. C’dtoit a-la vdritd & caufe de la duretd de leur cceur, eomme le dit Jesus Christ. Mais d’oii pou- voient-ils conjedurer que ce ffit feulement pour cette raifon ? Cependant fur la parole de Jesus- CHRisT,qui ddclare que cette libertd de rdpudier n’avoit dtd accordde aux Juifs qu’a caufe de la duretd de leur cceur , & qu’on ne peut dpoufer fans commettre un adultere, une femme qui au- roit dtd ainfi rdpudide, la Tradition coniiante des Peres conclut qu’il n’a jamais dtd permis aux Juifs de rdpudier leurs femmes. On peut dire la meme chofe de la Loi du Ta* lion , que St. Auguftin appelle (i) U jufiice des injuftes , & qu’il croit n’avoir pas entierement excufd les Juifs , qui fe vengeoient de leurs en- nemis, quoiqu’ils fuiviffent les termes de la Loi, & l’interprdtation de leurs Dodeurs. 11 eft done conftant par l’Eaiture, qu’on ne peut faire fans pdchd ce que la Loi dternelle condamne. Les Peres ne ddtruifent pas moins clairement cette 0 ) In Pf . res. Dissert, sur la Probabilite’. 323 eette probability chimyrique , qui excise de pd- chy ceux qui fuivent une opinion faufie & con- traire a la Loi yternelle. Tertullien ryfute cette erreur, par ces paroles admirables qui renftrment tout ce que nous devons croire fur ce fujec : 4 , Nous-nous trompons, dit-il( 1 ) ii n’y a point „ delieu, point de terns, oil ce que Dieu con- ,, damne puifle etre excufy. II n’y a point de „ lieu, r.i de terns, oil ce qui eft defendu puif- „ fe Sere licite. Le caractere de la vyrity eft d’d- „ tre toujours , d’Stre par-tout la me me : & ce * ,, lui de 1’obyiiTance parfaite , de la crainte ref- „ pe&ueufe, & de la fidelity inviolable que ,, nous lui devons , eft de ne jamais changer „ dans les fentimens qu’elle nous inlpire, de ne „ jamais varier dans nos jugemens. Ce qui eft „ vyritablement bon, ne fauroit dtre mauvais; „ & ce qui eft vyritablement mauvais , ne peut „ etre bon. Tout eft immuable dans la verity „ yternelle de Dieu. Mais les Payens qui ne „ connoiflent point parfaitement la verity , par- ce qu’ils ne connoiflent point Dieu qui en eft „ le Dofteur , jugent du bien & du mal par ca- „ price & par paflion; en forte que ce qui pa- „ roitbon dans un lieu, pafle pour mauvais dans „ un autre Que les Cafuiftes prennent gar¬ de que cela ne leur convienne autant qu’auX Payens. Je crols que les jyfuites voudront bien don- iier autant d’autority a St. Auguftin, pour rendre fes opinions probables & fures dans la pratique, qu’a LeJius, Vafquez , & a tous les autres Ca- fiiiftes. Cependant il nous avertit lui-meme que l’aflurance qu’il donne ne fert de rien ft elle eft contraire & la Loi de Dieu. Car void comme il parle (1) De Spelt, cop, -o, X % V24- I- Note sur la V. Lettre. parle (i) dans 1’Homdlie douzieme. „ L’Oeco* ,, nome vous donne de l’affurance, mais & quoi ,, vous fert-elle fii le Pere de Famille ne la rati- 5 , fie pas ? Je ne fuis que l’Oeconome, je ne ,, fuis que le Serviteur. Voulez-vous que jevous „ dife que vous n’avez qu’a vivre comme vous „ voudrez, & que le Seigneur ne vous perdra „ pas? Ce ne fera que 1’Oeconome qui vous „ donnera cette affurance, & une telle alTurance „ ne fert de rien. Plut a Dieu que ce fut le ,, Seigneur qui vous la donnat, & que moi jc ,, vousdonnaffe del’inqui^tude! Car 1’affurance „ qu’il donne A fon effet, quand je ne le vou- „ drois pas; & celle que je donnerai, eft inu- ,, tile s’il ne 1’approuve pas, Sur quoi done, „ mes fieres, dtablirons-nous notre confiance „ vous & moi , ft ce n’efl: dans Implication „ continuelle que nous aurons a dcouter ce que „ le Seigneur nous commande , & dans une „ ferme efptfrance en fes promefTes? Le tneme Saint appelle ailleurs (i) Mini fires de Satan , Difpenfateurs du Serpent, ceux qui pro- mettent ccque Dieu n’a point promts : & on peut donner apres lui ce nom a ces Do&eurs qui promettent une faufle fdcuritd A ceux qui fui* vent une opinion faufte. Car Dieu ne l’a ja- mais promife , ou plutdt il nous menace du contraire. Mais fi les Jdfuifes n'ont pas affez de erdan- ee I St, Auguftin , qu’ils croient au - moins an idmoignage du Pape Fdlix 111, qui declare qu’il n’eft pas au pouvoir de l’homme d’exempter de pdch'd ceux qui violent la Loi dternelle , qu’ils ecoutent ces paroles li remarquables. „ Que „ celui Dissert, sur ia Probabilite’. 325 „ celui qui trompe les autres , dit ce grand „ Pape, (_i) fache qu’il fe trompe lui-mSme , & ,, qu’il apprenne que notre facility ne diminue ,, rien de la fAverite da jagement du Tres- „ Haut,qui ne peut rien approuver que ce qui „ eft conforme a la pitftd, A la veritd , & A la „ jaftice Mais que veulent nous enfeigner les Peres, lorrqu’ils nous recommandent fi for- tement de ne nous point laifter conduire par des Direifteurs 14ches& corrompus, de peur que nous ne tombions avec eux dans le prdcipice ? Que veulent-ils faire comprendre par-14, finon que l'exemple & l’opinion des hommes ne pour- ront nous garantir de la rigueur des jugemers de Dieu ? St. Bafile eft admirable fur ce fujer. „ Notre ennemi, die - il (z) , fait tons fes ef- „ forts pour nous perfuader de nous confier 4 „ quelqu’un qui loue nos defauts , fous prdtex- „ te d’une faufle douceur , afin de nous enga- ,, get par-14 dans une infinite de ddreglemens. „ Si done voulant filter votre corps, vous-vous ,, etes choifi un Dire&eur qui s’aecommode 4 „ vos inclinations dAreglees , ou pour parler „ plusjufte, qui tombe avec vous dans le md- ,, me abitne , e’eft inutilement que vous avez „ renonc 6 aux vanitez du fieclg , puifque vous ,, avez pris pour guide un aveugle qui vous „ fera tomber dans la fofle Voil4, felon le t^moignage de St. Bafile, ce Direfteur, ce Ca- fuifte lathe & indulgent, dont les fentimens pa- xoiflent fans-doute probables a ceux qui le fui- vent;ccr autrement ils ne s’attacheroient jamais 4 lui. Et cependant il ne laifte pas , felon le meme (i ) Epi/t. 7 . (z) De abdicat, rerum , j 26 I, Note sur la V. Lettke. jneme Saint, d’entrainer dans la fofTe ceux qu’il a ainli abufez par fes probabilitez. N’etl-ce pas encore ce que les Peres nous enfeignent, lorfqu’ils nous apprennent qu’il ar¬ rive quelquefois, que faute de vigilance on fe laifle (urprendre, en prenant des vices qui n’ont que l’apparence de la vercu, pour la vertu me- me; & qu’ils nous affurent ndanmoins qu’on ne laiffe pas d’etre coupable , quoiqu’on ait dte trompe ? C’eft la dodhine commune des Petes, & particulierement de St. Grdgoire le Grand. „ 11 y a certains vices, dit il (i), qui fe ddgui- „ fent fous le voile de la vertu , & qui ne fe „ prdfentent pour 1’ordinaire d nous qu’avec „ des dehors propres a nous fdduire. Souvent „ une col ere immoddrde veut paffer pour jufti- ,, ce,un reldchement honteux pour companion, „ une crainte inconfiddrde pour humilitd , & „ un orgueil fans bornes pour une fainte li- „ bertd. Les amis de Job le vinrent voir fous „ prdtexte de le confoler , & ils ne lui firent „ que des reproches. De-meme les vices dd- „ guifez en vertus s’introduifent fous les plus „ beaux prdtextes du monde, & dans la fuite „ ils nous jettent dans le trouble , & nous en- 5, gagent dans un dtat contraire a celui ou nous- „ nous dtions promis d’arriver II explique un peu apres quel eft cec dtat, & il dit que c’elt le feu de l’Enfer qui punira ces pdchez, dont on ne s’eft pas donne de garde. Et fur ces paroles de Job , Viro cujus abfcon« Mta efl via (2) 1 il dtablit encore la meme doc¬ trine dune maniere qui n’efi: pas moins claire, 3 , Il arrive fouvent, dit - il (3), que les actions „ que ( 1 ) Mor. 1 . 3 . e. 19 . (z) A I'bomme dont la veie tjl cac/ife, Job. c, 3 . v. 13 » (i) Mer, l, s, f, tf. Dissert, sur ea Probabilite’. 327 ,, que nous regardons comme ies effets de no- „ tre progres dans la voie de la vertu , font „ la caufe de notre condemnation; & fouvent, j, lors meme que notre Juge nous eft favora- ,, ble , nous excirons fa colere par les oeuvres „ avec lefquelles nous penfons l’appaifer, com- „ me Salomon nous en atrure par ces paroles ; » II y a me voie qui ptirott droite d Vbomme , & 1 s, dont la fin conduit a la mort■ C’eft pourquoi „ les Saints en furmontrant le mal , tremblenc „ pour leurs bonnes adtions , dans la crainte ,, qu’ils ont,lors meme qu’ils fouhaitent defaire ,, le bien, d’etre tromptz par une faulfe appa- 3, rence de bien ; & qu’une feoete malignity ,, ne fe cache dans leur cosur , fous ces ddfirs ,, fpdcieux de s’avancer dans la vertu. Car ils „ favent que n’dtant point encore ddlivrez de „ ce corps de mort , ils ne peuvent difcer- >, ner parfaitement le bien d’avec le tnal Et 3) quand ils rdfldchiflent fur la rigueur du Der- „ nier Jugement, ce qu’ils eftiment de meilleur „ en eux leur devient un fujet d’apprdhenfion. ,, II eft vrai qu’ils tendent au bien de tout leur 3, cceur: mais tout faifis de crainte fur 1'incerti- „ tude de la quality de leurs oeuvres , ils ne s, favent s’ils font dans la bonne voie. Cette malignity & cette corruption each£e fous 1’apparence du bien, ces vices d£guifez en vertus, font-ils autre chofe que des aftions illi- cites en elles-inemes, qui nous paroiftent bon¬ nes & permifes par une trompeufe vraifemblan- ce ? Quand St. Grdgoire declare done que ces fortes d’adtions font de vdritables pdchez, & que par cette raifon il veut que les Julies erai- gnent toujours que Dieu ne condamne ce qui leur paroit jufte , ne renverfe-t-il pas manifette- ment toute la doctrine de la Probability, qui X 4 ne 328 I. Note sur la V. Lettre. ne veut pas qu’on ait raifon de burner com- me coupable, celui qui a fuivi une opinion pro¬ bable , quoique faufle & contraire a la loi dter- nelle? Mais Ie meme St. Grdgoire s’explique enco¬ re plus c'airement fur ce fujet, & ddpouiile en- tierement la faufle probability du privilege qu’on Jui attribue , quand il condainne une conscien¬ ce Ample, c’eft - & - dire , qui a des intentions droites , lorfqu’elle n’eft pas accompagnye de ]a juftice & de la vyrity ; c’eft a dire propre- ment, lorfqu’elle fuit dans la pratique une opi¬ nion faufle. Void fes paroles : (i) „ II y a, ,, dit-il, des perfonnes qui font tellement flm- 3, pies, qu’elles ignorent ce qui elt julte. Elies ,, perdent ainfi l’innocence de la veritable (im* j, plicity, en ne s’dlevant pas d la connoiflance „ de la juftice. Car n’dtant pas en ytat de 3, fe garantir des fiutes par la connoiflance de 3 , cette juftice , il eft impoflible qu’avec leur ,, limplicity elles perfyverent dans l’innocen- 3, ce Enfln pour ne pas rapporter ici un plus grand nombre de tdmoignages , St. Bernard enfeigne d’une maniere admirable & tout-a-fait dyciflve, que les aftions que 1’on fait fur une opinion faufle , quelque probable qu’elle foit , doivent ctre mifes au nombre des adtions criminelles. Car il demande deux chofes afin qu’une a&ion foit bonne : La cbarite dans Tintention , & la id- rite dans le choix: de forte que fi l’une des deux manque, Padtion eft dyfeftueufe. C’eft dans le Traity du Prycepte&de la Difpenfe ch. 14 , que fe trouve cet excellent paflage qui renverfe fl abfolument les faufles probabilitez. „ ;• (0 Mot. lib. J. c. 2 . Dissert, sur la Probabilite’. 329 „ ]e crois, dit-il, qu’aftn que notre ceil intd- „ rieur foit veritablement Ample , il doit etre „ accompagnd de deux chofes, de la charity „ dans l’intention,& de la vdritd dans le choix, ,, Car fi on choifit ce qu’on eflime un bien , ,, & qu’on ne cboiAffe pas le vrai bien , il eft ,, vrai qti’on a le zeie de Dieu, mais il n’eft ,, pas regld feion la (cience. Et je ne vois pa? ,, comment, au jugement de la vdritd, la veritable „ Amplicitd peut fubfifter avec ce faux cboix. „ Auffi celui qui eft la vdritd meme & r.otre „ maitre , vou'ant inliruire fes difciples de la ,1 veritable ftmpliritd , il leur dit: Soyez pru- „ dens comme des ferpens , & fimples comme ,, des colombes. II fait prdedder la prudence, », afin de nous apprendre que fans elle on ne „ peut etre vdritablement Ample. Et comment ,, l’ceil feroit-il vdritablement Ample , s’il igno- „ roit la vdritd? Peut on appeller une veritable „ Amplicitd, celle qui n’eft pas reconnue de la ,, vdritd? N’eft-il pas dcrit que ceiui qui igno* >, re fera ignore ? Il eft done evident que la „ Amplicitd,. A recommandable en elle-meme, , r -& A recommandde par le Seigneur, ne peut ,, etre bonne fans ces deux qualitez , la bon- „ ne intention & la prudence , aftn que l’ceil „ intdrieur du cceur ne foit pas feulement bon „ pour ne point vouloir tromper , mais qu’il „ foit auffi dreonfpeft pour ne pouvoir etre ,, trompd. Et un peu apres: ,, La Amplicitd , continue- „ t-il, ne peut etre trompde , fans qu’il y ait „ quelque fame dans cette erreur. Pourquoi, „ me direz-vous ? Ne fait-elle pas agir par le principe de la foi ? Je 1’avoue , mais e’eft ,, par une foi qui eft fauffe, ou plutdt ce n’eft i, nullement par la foi; parce qu'une foi fauffe X j „ ne 33° I- Note sur la V. Lettre. 5 , ne peut pas s’appeller foi. Et je crois que „ c’eft d’une foi veritable & non d’une foi faufie ,, que l’Apdtre die: Que tout ce qui ne vient ,, point du principe de la foi, eft pdch£. Or il „ eft certain que ce n’eft point par la lumiere ,, d’une foi veritable, qu’on prend pour un bien „ ce qui eft un mal, puifque cela eft faux: e’eft „ done un pdchd. Et par confdquent eette regie „ de l’Apbtre que j'e viens de rapporter, Tout ,, ce qui ne vieni point du principe de la foi eft „ pechd, renferme dgalement ce qui fe fait par „ une malice aveugle, & ce qui fe fait par une ,, fimplicit^ trompee, parce que quand un hom- „ me agit par ignorance, s’il a une mauvaife in- ,, tention , elle corrompt entierement le bien „ qu’il peut faire, & s’il a une bonne intention, „ elle n’cxcufe pas tour-a-fait Ie mal qu’il com- „ met. Ajnsi soit quE vous fassiez une malt* ,, VATSE ACTION IN LA CROIANT BONNE , OU U- „ NE BONNE , EN LA CROIANT MAUVA1EE , VOUS „ ptcuEZ en l une et en l’autbe ; parce que j, la foi n’eft le principe ni de l’une ni de 1’autre. ,, Lorsque 1’intention eft droite, & qu’il n’y a „ que I’adtion qui paroit reprdhenfib ! e au dehors, „ le pdche eft fans-doute beaucoup plus Idger „ que quand on cache une mauvaife intention , „ meme fous une bonne atlion. Mais ii n’en eft „ pas moins vrai, que tout ce qui n’eft pas en- „ tierement exempt de p£che , n’eft point un „ veritable bien. II feroit inutile de rien ajouter 4 ces paroles, car il femble que St. Bernard fe foit appiiqud a dter aux Cafuiftes tous leurs fubterfuges. §. nr. Dissert, sur la Probabilite’. 331 S- 11 I- Le mime principe de la Probabilite detruit par dti argurnm Tbe'ologiques. Q Uoique j'aye fuffifamment fait voir jufqu’icl le pea de (oiiditd de ce principe de la Pro- baoilitd , j’efpere qu’on voudra bien me pardon- ner , fi pour d&ruire entierement une dottrine, dont le venin ell fi pernicieux qu’il a infeftl prefque toute la Morale , j’en d^montre encore la fauffetd par dts principes tirez de la Thdolo- gie & de l’Ecriture , que je propoferai feulemen* avec le plus de brievetd qu’il me fera poffible. I. II ell c'galement certain , & qu’on ne peut faire le bien fans la Grace, & que la Grace rdpand toujours dans l’ame la connoiffance de la vdritd , & l’ardeur de la cbaritd. Le Concile de Trenta ddclare expreiKment 1’un & I’autre dans la SelT. (5. d’oii 1’Apologise des Jdfuites apris ce qu’il dit dans un endroit en peu de mots,mais avec beau- coup de vdritd , que la Grace eft la verite dans left- frit , & la cbarite dans le cceur. S’il arrive done qu’on faffe une aftion en fuivant une regie fauffe, ou une opinion probable qui foit fauffe , on ne peut pas dire que la Grace foit le principe decet- te aftion ent 2 nt qu’elle eft faite par cette regie, & par confequent elle ne peut pas etre bonne, au moins quant i cette circonltance On ne peut pas dire qu’elle vienne du St. Efprit- Or 1’Eglife fait profeffion de croire que fans le St. Efprit, non feulement il n’y a rien de bon,’ mais metne qu’il n’y a lien qui foit exempt de faute. g32 I. Note sur la V. Lettre, Toi feul tutus fiiis ce que nous fortunes , Sans toi ricti n'efi bon dans les homines , , Jout eji impur, tout efi peebe. D’ou il faut conclure que cette (implicit^ from- ■pie , que St. Bernard , dans l’endroit que nous avpns citd, approuve dans un fens, & condamne dans un autre, n’eft louable qu’autant qu’eJie eft dclairde de la lumiere de la vdritd , dont elle n’eft pas entierement priv6e, puifqu’elle aime le ve¬ ritable bien: mais ft elle eft trcmptle, & fe trou- ve dans l’erreur, bien loin d’tkre louable , elle indrite d’fitre blamee, comme ce Pere le fait voir dans le meme endroit. II. On peut prouver la meme chofe par la na¬ ture du pdchd.que St. Auguftin, & apres lui Sr. Thomas, & enfujte tous les Thdologiens ddfinif- fent une atticn, une parole, ou un cleftr eontre U loi de Dieu. D’oii il s’enfuit que ft une opinion, quelque probable qu’eile puilfe etre, eft contraire & la loi dternelle, comme celie qui eft faufle y eft toujours contraire , quiconque la fuit, agit eontre ia loi dternelle, & par confequent peche. III. C’eft ce qu’on peut encore prouver par la nature de la vertu & de Ia bonne volontd: puifque ce n’eft rien autre chofe. comme I’enfei- gne St. Auguftin, qtre la connoilfance de 1’amour de la loi dternelle, de I’dternelle vdritfi, fit de la juftice eternelle. ,, Carl’homme, dit-il(r), de- „ vient julle, fort & prudent , en reglant fon „ cceur fur ces reg'es imrnuables, & fur ces vives „ lumieres des vertus. Et ailleurs, ( 2 ) „ Vous ,, ne pouvez, dit-il, d’injufte devenir jufte, „ qu’en (1) T)? lib. arb, l . 2, c . 19. (s) in Pf. 6i. Dissert, sue la ProbabiLIte*. 333 qu’en vous tournant vers une fouveraine juft „ tice qui eft Dieu meme. Si vous-vous en „ £loignez , vous etes injufte ; & ft vous-vous „ en approchez, vous Stes jufte 11 parle en¬ core plus clairement dans un de fes Sermons, CD Void fes paroles: „ La juftice eft toujours „ prdfente a celui qui vie felon la juftice: il „ connoit par la regie qu’elle lui donne , com- ,, ment il doit fe conduire pour ne s’en point „ dcarter. Et comme les Julies en vivant bien „ voient cette regie, les lnjuftes en vivant mal „ ne la voyent pas. Car le Jufte ne vit qu’au- „ tant qu’il la voit, & qu’il regie enfuite toutes „ fes actions fur elle. Et des-qu’il cefle de fe „ conduire par elle , il tombe dans l’erreur & „ dans l’iniquitd. Or les Auteurs de la Probability 6feront-ils foutenir que celui qui fuit une opinion probable, qui eft effe&ivement contraire a la loi Iternelle, voit cette juftice yternelle, & qu’il regie fur elle fesadtions? S’ils fententbien eux-mclmescombien il feroit impertinent de Ie dire, qu’ils reconnoif- fent done aufii la condamnadon de Jeur erreus dans ces belles paroles de St. Auguftin , que je viens de rapporter : On s'egare & on tombe duns Viniqmte, ft on ne prend pas la juftice pour la regie de fes aBions. A quoi la dodtrine de St. Thomas ell conforme : car il enfeigne f2) , Que la bonte de la volonte depend de la loi etcrnelle. D’ou il s’en- fuit que la volontd qui eft oppofde alaloieternelle n’eft point bonne, & que par contequent elle eft inauvaife. IV. On peut tirer un femblable argument de ces paroles de l’Ecriture (3); Le jufte vit tie la foi . ( r) Sirm. 44. de diverfis e. £. (i ) 1,2 . q . 19. art , 4. (}) Rom. e, 34. 334- i* ^"oTE SUR LA V. LetTRE„ pi. Et tout ce qui tie vient point it la foi eft pecbi. Ce qui nous marque que les aftions des homines ne font julles a animees par la charity, qu’autant qu’elles font reglees par la lumiere de la foi, & que fans cela elles font tnauvaifes. Car il y a une vie de raifon, & une vie de foi. La lumiere de la raifon eft la regie de celle-la, & Is lumiere de la foi la regie de ceile-ci. Jesus-Christ a trouvd la prdmiere lumiere dans le monde, & il y a apport£ l’autre. Or la probability appartient a la raifon, & la verity conftante & certaine ap¬ partient k la foi. Ainfi celui qui fuit une faufle probability, peut avoir la vie de la raifon, qui dtoit la vie des Payens; mais il n’a point la vie de la foi, qui eft: celle des Chretiens. Il ne vit point par la foi, parre qu’une foi faufle n’eft point une foi, dit St. Bernard. Or felon I’Apd- tre, Tout ce qui ne vient point ie la foi efi pe'cbe. Ce que St. Bernard dans l’endroit que j’ai city, & St, Auguftin en mille endroits, ailment devoir s’en- tendre d’une foi vyritable & chrytienne. Ou fl nous I’entendons de la confcience , comrae le veut St. Thomas, il faut nyceflairement que ce foit He la confcience regtee par la foi, comme le marque le meme Saint. V. Jesus- Christ dit He lui dans I’Evangile, (O Jc fuk la vote, la ve’rite, 0 s la vie Et par ces paroles il nous montre, felon toute la Tradi¬ tion , qu’on ne peut parvenir a la vie que par la vyrity. On n’y peut done parvenir par une opi* nion probable, qui permer comme licite ce qui eft ' yritablement illicite devant Dieu. VI T.’Ecriture Sainte rdpete fi fouvent la m§- me doflrine en diffyrens termes, qu’elle ne laifle aucun lieu d’en douter. Quand Jesus-Christ nous (x) Joan, c, 14 , Dissert, scr la Probabilite’. 335* nous inftruit dans l’Evangile du delTein de 1’In- carnation , & qu’il nous apprend comment le Culte EvangAlique eft oppofd au Judaique , il nous dit: (i) Le terns went , 0* il eft dejd venu, que les veritables adorateurs adoreront le Fere en eft prit & en ve'rite'. Il promet A fes difcipies ce meme Efprit de vAritd, afin qu’ils ne prennent pas pour une produflion de cet Efprit faint, tout ce qui vient du menfonge. Et afin que nous ne croyions pas pouvoir after a Dieu par la vote de la fauffetd ,1’b.criture nous crie dans les Pfeaumes*' T outes vos vines font verite C’eft pourquoi elle exprime I’Agarement des Meehans & des Impies, en difan t qu’ils fe font e'eartez de la vote de la verite; & elle dit au contraire des Julies, qu’i/s ihmftjjtnt la vote de la verite, qu His marcbent dans la verite , qu’ils fe conduifent felon la verite. VII. Les bonnes ceuvres font appellees dans l’Ecriture des ceuvres de lumiere, & les mauvai- fes des oeuvres de tAnebres. Et cette lumiere n’eft autre chofe que la vdritd merne, que Je» sus-Christ meme, qui dit de Ini qu’il eft la lu- miere: z) fe fuis venu dans le monde, moi, dit-il, qui fuis la lumiere. Or peut-on dire qu’une action contraire a la veritd dternelle, foit une oeuvre de lumiere ? Si on ne l’ 6 fe dire, que refte • t - il, fi- non d’avouer que c’eft une oeuvre de tdnebres? VIII. Jhsus-Christ nous declare qu’au der¬ nier jugement les aftions des hommes feront jugdes fur l’Evangile: ( 3 ) Ce fera la parole meme que j’ai amoncee, qui vous jugera au dernier jour. Il nous montre par IA que ce ne fera point fur les difeours, ni fur les opinions des hommes, que notre (1) Joan c. 4. (2) Joan c, 12. v. 46 . ( 3 ) Joan c , 12. v, 4S, 3 J 6 I. Note sur la V. Lettre. rotre vie fera examinee , mais fur la loi df? Dieu & fur la vdrite de fa Parole. Comment fe pourroit-il done faire qu'une Probability fauf- fe , & qui fe trouvera contraire a la parole de la vdritd, mit alors a couvert celui qui aura la veritd pour juge? IX. On peut encore prouver la meme cbofe par ce principe certain parini les Thdologiens inftruits de la doftrine des Peres , Que V igno¬ rance du Droit Naturel n’excufe point de pdchd. „ Si quelqu’un, dit St. Auguftin (i), croit bon ,, ce qui eft mauvais.il ne laiffe pas de pdchet „ ayant cette penfde : Et tous les pdehes d’ir „ gnorance confident en ce que l’on fait mal i, en croyant bien faire. C’elf ce qui fait dire d Gratien ( 2 ), que Tignorance du droit eft crimi - nelle dans tous les a dukes. Ce feul principe, qui eft tres-conftant dans la vraie Tbdologie, & qui eft enfeignd univerfelle* ment par tous les anciens Thdologiens, comme le reconnoit Vafquei, fuffit pour terminer toute cette difpute. Car celui qui dans la pratique fuit une opinion fauffe qu’il croit probable , & qui ndanmoins eft contraire au Droit Naturel, agit proprement par ignorance , puifqu’il ignore que ce qu’il fait foie ddfendu. II y a plus : toutes les chicanes que les Jdfuites font fur 1’ignorance invincible , ne peuvent avoir lieu dans ce cas. Car cet homme qui croit permis ce qui eft en effet ddfendu , & qui ne le croit que probablement , doit auffi croire probable- ment que cela eft ddfendu. II faut done ndeef- fairement que cette varietd d’opinions le jette dans le doute; & pour s’en dciaircir ,il doit avoir recours (O Ep. 154. Dissert. sue la Probabilite’. 337 recours aux moyens que Dieu a dtablis pour trouver la v6ritd, & princfpalement A la priere* S’il s’acquite de ce devoir comme il doit, ii trou- vera fans-doute la v6rit£ : mais s’il Je neglige * on peut dire qu’il ignore la vdritd , plutdt par une ignorance vincible que par une ignorance, invincible , & plutdt volontairement qu’invo- lontairement. Mais on peut voir touchant l’i- gnorance, ce que nous en avons dit fur la Lettre prdcddente. §• iv. Refutation de la principal , on plutot de Punique Raifon fur laquclle les CaJ'uiJles appuyent la furete de la Probabilite. T Outes les raifons que nous avons apportdes jufques-ici pourcombattre l’erreur pernicieu* fe des Probabiliites , ne Tattaquent en quelque forte qu’indireftement. Et nous avons eu prin- cipalement deflein d’dtablir la v^rittS qui y eft oppofde, c’eil-a-dire que tous ceuX qui fuivend une opinion fauife & contraire a la loi <=ternelle , quelque probable qu’elle paroide, pechent tres* certainement. II faut maintenant attaquer cette erreur par une autre voie, & entrer, pour parler ainfi, jufques dans le camp de nos adverfaires; afin qu’ayant fait connoltre a tout lemondelafoi- bleffe des retranchemens dont ils tacbent de fe couvrir , & des moyens qu’ils emploient pour ddfendre leur opinion infenfde, il n’y ait perfon- ne apres cela qui foit aflez infenfible a fon far lut, pour le vouloir rifquer fur un fentiment auifi ruineux. Il s’agit entre les Probabiliftes & nous, de fa- Tome /. Y voir 338 I- Note sur j.a V. Lettr£* yoir fi un homme qui dans fa conduite fuit une opinion fayffe, eft hors de pdril & en furete de confcience devarst Dieu, parce qu’il croit avec plufieurs ajjtres cette opinion probable. Les Jd- fuites prdteqdent qu’oui: les EvSqyes & plufieurs Curez de France foutiennent que non, & que l’opinion des Jdfuites eft une erreur tres-perni* eieufe. Si les Jdfuites ont rajfon, ceux qui fuivent des opinions probables n’ont rien d craindre: mais s’ils ont tort, leur falut court grand rifque, & il faudra qu’au lieu de cette fdcutitd que les Jdfuites leur donnoient , ils entrent dans cette eittente terrible du jugement de Dicu, dont l’Ap6tre les menace. Puis done qu’il ne s’agit pas de moins dans cette difpute que du falut dternel, non feulement des Jdfuites, mais auffi de tous ceux qui mettent leur confcience entre leurs mains, fi les uns & les autres ont eu quelque prudence, il n’y a rien qu’iis ayent dft examiner avec plus de foin, que les raifons fur lefquelles on dtabliffoit une opinion qui a des fuites fi terribles. Car s’il n’y a point de raifons pour la foutenir, ou qu’il n’y en ait que de tres-foibles, il eft Evident que toute cette aifurance dont on les fiatte, n’a aucun fondement & s’dvanouit tout a.fait. C’ell un examen ndanmoins que je ne crois pas que perfonne d’entre les Probabiliftes ait encore pris (bin de faire. Car je ne faurois m’imaginer que des Thdologiens euffent etd affez infenfez pour vouloir, a moins que de renoncer entiere- ment it tout fentiment de Religion , hazarder leur falut, je ne dis pas fur des raifons, mais fur des illuiions fi frivoles & fi groflieres. Il me paroit done bien plus vraifeihblable que les partifans de cette opinion s’y font laifiez alier, ou par une efplce d’emportement aveugle , ou Dissert, sur la Probabilite’. 339 en fuivant l’exemple des autres, fans avoir fait auparavant aucune demarche pour s’alfurer de la vdrite. Une grande preuve de ce que j’avance , eft qu’i peine trouvd-t-on un feul Probabilifte qui ait entrepris d’appuyer de la moirldre autoritd, ou de quelque raifon , une maxirne fi importante. Us fe contentent tous de nous alldguer quelque- fois ce prdtendu axiome , Ouuonqut fv.it une opinion probable agit avec prudence, & quainji il ne p.ecbe pas. C’elt a quoi fe r£duifent toutes leurs raifons. Qu’on life 6t qu’on relife les Cafuiftes, on n’y trouve rien autre chofe. Peut-on aflez admirer leur negligence, ou p!ut6t leur aveugle- ment, de bitirainfi toute leur Thdologie fur un principe & fur un fondement ii fragile & fi peu Colide? Car qu’y a-t il, je ne dis pas de plus frivole & de plus trompeur, mais meme de plus £videm- ment faux que cette raifon ? II y a de la prudence i fttivre une opinion probable. Quoi? quand meme cette opinion feroit faufie, & contraire a la vd- ritd dternelle? Y a-t-il done, 6 aveugles & infenfez Probabilities, y a-t-il de la prudence 5 etre dans l’erreur, a s’y attacher , 6c it fe dd- tourner de la Loi dternelle de Dieu , de l’dter- nelle vdritd 6c de la juftice dternelle? Folle & extravagante prudence ! Eft- ce done ainfi qu’on nous fuppofe comme des vdritez certaines & hors de doute, des chofes dont la faulfetd faute tene¬ ment aux yeux, qu’elle n’a prefque pas befoin d’etre r t retranchement de la fubti'ird des Ca- fuiftes. II ne faut done que rqmpre Cette barriere, pour expofer 4 la vue de tout le monde l’abfurditd de leur opinion, & rdvdler ce qu’il y a de plus fecret dans ce myftere d’iniquitd. Rien n’eft moins diffici¬ le , il ne faut que les prefier encore de cette manicre. Y 4 fuif- 344 I- Note sur la V. Lettre. Puifque perfonne ne peut ecre certain & afford lorfqu’il n’ert appuyd que fur des raifons douteu- fes & incertaines, je vous demande fur quoi fonr dez - vous cette certitude & cette furete pratique ? Car fi elle n’a qu’un fondement incertain & dou- teux.il faut ndcefTairement que vous avouyez que ce n’eft point une veritable certitude, ni une ve¬ ritable furete. Nous la fondons, rdpondront-ils , fur ce prin- cipe , que perjonnc ne peche cn Jidvant me opinion probable. Cela eft fortbien: mats ce principe md- me qui eft le fondement de route votre furete, & fur lequel eft appuyde cette ddcifion, Qu’il eft permis a chacun de fuivre une opinion probable, quoique faufle devant Dieu; ce principe, dis-je, ell - il bien certain? Elt-il hors de tout doute ? Le fentiment contraire eft il improbable, errond, & herdtique? Cell id que tout ce qu’il y a au monde de dd- fenfeurs de la Probability , doivent bien fonder a ce qu’ils ont a rdpondre; car je foutiens qu’iis ne peuvent rdpondre fans ruiner entierement leur opinion, ou fans tomber dans des abfurditez il intoldrables, qu’ils ne pourront eux-memes s’em- pecber d’en rougir. Car ou ils dironc que ce prin¬ cipe capital eft feuleroent probable , c’efta-dire uncertain & douteux , quoiqu’ils prdtendenc qu’on foit en furetd, & qu’on ne peche point eq fuivant une opinion probable quoique faufle; ou bien ils foutiendront qu’il eft certain & indubi¬ table. S’ils difent qu’il n’eft que probable , i! eft Evident qu’ils ont perdu leur caufe, car leur cer¬ titude pratique s’dvanou'it entierement ; & il eft impoffible qu’elle fubfifte, n’dtant appuyde que fur un fondement probable, & par confdquent incer- faifj. Perfonne ne peut veritablement etre cer- Dissert, sur la Probabilite’. 345 tain qa’il ne peche point en fuivant une opinion probabie, s’il eft incertain & douteux que celui qui fait une opinion probable ne peche pas. Lear furete pratique s’^vanouit pareillement, puif- qu’elle ne peat fubfiller fans la certitude. Et au lieu de cette certitude & de cette furetd , il ne refte qu’une grande crainte de p£cher, qui eft: une fuite ndceiTaire de J’incertitude. II faut done qu’ils ayent recours & l’autre rdpon- fe, qui eft de dire que la do citrine des Cafuiftes qui met en furet£ ceux qui fuivent une opinion probable meme faufle, eft non feuletnent proba¬ ble, mais tres - certaine & tres-vraie, & que par confdquent la doctrine oppofee eft tout-a-Lit improbable, tout-Afait faufle & erron^e. S’ils ne ddmontrentce principe bien ciairement,la doc¬ trine & le falut dternel des J^fuites & de leurs adhdrens eft dans an extreme danger : mais cela eft fi abfurde , que je ne fai ft les JAfuites eux- mSines 6feront Ie foutenir publiquement. Quoi! mes PAres, 6fez-vous appeller votre fentiment, un fentiment entierement certain , Ie voyant combattu d’un c6tA par tant de raifons & tant de tdmoignages d’un fi grand poids, & de 1’autre par I’autoritd de tant de Do&eurs & de tant d’Eveques, qui le condamnent & qui le pro- ferivent comme une erreur tres - pernicieufe dans la Morale? Si trois ou quatre Do&eurs vous fuffifent pour rendre une opinion probable, combien l’opinion d’un fi grand nombre de Do&eurs, de Curez, & d’EvSques doit-elle paroitre probab'e, quand vous ne le voudriez pas ? Car fi e’eft par l’autontri qu’ii faut juger de la probability de deux opinions , combien leur autoritd doit-elle l’emporter fur la vdtre ? puifqu’ils tiennent les premiers rangs (Ians la Hidrarchie Ecclefiaftique, & que vous n’y Y 5 en 34<5 I. Note sur la V, Lettre. en avez aueun ; puifqu’ils font Pafteurs, & qui vous n’dtes one du nombre des Ouailles; puif¬ qu’ils font les juges, & que vous etes les Accufez. S’il faut juger de leur opinion & de la vdtre par l’antiquit6, 'quelle autorit^ de I’Ecriture, quel t^moignage des Peres nous avez-vous jamais ap- portd pour appuyer votre doftrine ? Au contraire les Curez de Paris font ddtruite en pluileurs en- droitspar des paffages dvidens de I'hcriture, par le t^moignage expres de St. Thomas, & par des raifons tres-folides j & nous achevons encore de ja ruiner, par de nouvelles preuves que nousdon'- nons de fa fauffetd. Si vous voulez enfin que ce foit par la raifon qu’on juge de la probability, nous avons fait voir que la raifon eft manifeftement centre vous. Ainfi d moins que vous n’ayez pris le parti d’y renon- cer tout-afait, vous ne fauriez refufer la proba¬ bility d notre fentiment, ni foutenir la certitude que vous attribuez au v6tre. Mais d’un autre c6td, en reconnoiflant feule- ment que Je ndtre eft probable,vous avouez que le vdtre eft entidrement faux. Car il eft proba¬ ble que 1’on pdche en faifant une chofe qu’on eftime fauffement, mais ndanmoins probablement etre permife: il n’eft done pas certain qu’on ne peche pas en la faifant, ni par confluent qu’ofi foit en furete. Et vous, mes Peres, qui dtes les Auteurs d’une telle furetd, vous trompez allure¬ ment les autres , & vous-vous trompez tres-cer- tainement vous-memeS. Voyez done, mes Pdres , d quelle extremity Vous dtes rdduits ; puifque vous ne fauriez fans extravagance refufer la probability d notre fenti- ment , ni la lui accorder fans ruiner entiere- ment le v6tre. Et quelle eft aucontraire la bon- td de notre caufe , puifqu’au lieu qu’il fuiBroit pous Dissert, sur la Probabilite’. 347 pour remporter la vi&oire, de prouver que no- tre fentiment eft au-moins probable , ce que nous avons fait & au-dela. Nous avons d^inonud invinciblement, ft je ne me trompe , que non feulement il eft probable, mais qu’il eft tres- vrai , tres-certain, & 4tabli fur des fondemens indbranlables. SECTION TROISIEME. On raiine la Probability par quclques-unes de fcs Confluences. §■ I. Premiere Cmfequcnce. S I une opinion probable, quoique faufle & con- traire a la Loi dternelle , fuific pour bien agir, pourquoi les Saints demandent-ils a Dieu avec des d^firs fi ardens la connoiflance de la vdritd 2 Ne leur feroit-il pas beaucoup plus avan- tageux de lui demander des probabilitez, qui ne feroient pas moins fures que la vdritd meme, & prefque toujours plus faciles a fuivre ? II faut done, fi nous en croyons les Cafuiftes, changer entierement la formule des Prieres Chrdtiennes. 11 ne faut plus dire avec le Prophete: Seigneur , enfeignez'moi votre verite'. Conduijez-moi, Seigneur, dans votre vote, & jc marcherai dans votre verite. Mais en reglant nos prieres fur la doftrine de la Probability, il faut dire: Enfeignez-moi , Seigneur, les probabilitez des hommes. Conduijez-moi , Seigneur, dans votre voie , & je marcher at fuivant les proba¬ bilitez des hommes. 11 falloit que St. Auguftin eut perdu le bon-fens, lorfqu’il faifoit cette priere & Dieu ; $48 I* Note stm la V. Lettre. Dieu: Detruijiz cn moi tout ce qui efi contraire a la verite: car de combiea de probabilitez tres-com- modes, & de combien de bonnes aftions que ces probabilitez auroient produites, ce Pere de- mandoit-ilia deftruftion par cette priere? Hdlas! quelle imprudence, s’il eft vrai que la prudence des Cafuiftes foit une prudence 1 C’eft crop peu d’avoir dit que, felon la doftri- ne des Probabilities, on ne doit pas dd/irer de connoitre la vdritd. II s'enfuit meme qu’on doit I’dviter, & demander a Dieu de ne la jamais con- noltre. Car le feul fruit que l’on retire , felon eux, de la connoiflance de la vdritd , c’eft qu’il n’eft plus permis de fuivre l’opinion qui y eft contraire: au lieu que quand elle demeure in- connue & obfcurcie par de fauffes probabilitez, il eft permis de fuivre laquelle on veut des deux opinions oppofdes. Or qui eft-ce qui peut vou- loir fe retrecir la voie du falut, fans en retirer aucun avantage? On peut comprendre par cette horrible confd- quence, combien il y a de malignitd & de venin dans cette doftrine, qui rend la connoiflance de la vdritd non feulement inutile, mais mSme per- nicieufe, & qui par confdquent eteint abfolument l’amour de cette divine vdritd dans le cceur des Fideles, pour les attacher aux fauffes opinions des homines. Dissert, suit la Probabilite’. 349 §. 11. Seconds Confe'quence. S T1 eft vrai, comme le foutient Efcobar, & comme il le conclut du fentiment uniforme de tous ies Probabiliftes , Que deux opinions les plus oppnfees, dont Vune efi vraie & Tautre faujje, font neanmoins egalcment fares ; il s’enfuit que c’elt inutiiement que les ThAologiens difputent en- ti’eux fur ces fortes d’opinions, & qu’ils mettent en queftion, ft telle chofe eft permife, ou ii elle ne l’eft pas: car il eft certain felon cette maxime des Cafuiftes, que ce que les uns & les autres prdtendent etre permis, l’eft effeclivement, puiC- qu’il fe trouve des Auteurs qui le permettent, & c’eft fe moquer que de le nier. Ainfi l’Apologifte des Cafuiftes fe rnoque de nous, quand, par exemple, apres avoir propofd cette queftion, S’il eft permis a tin Juge de jtiger felon me opinion probable, en quittant la plus probable , il rdpond , (i) Bonacina croil que cette opinion eft probable , & cite Sayrus , Aragonia £f Salon , qui la dependent ; mais Vajquez, Becanus , Azor, Reginal- dus, Valentia, Sanchez •> tiennent I'autre opinion, & je fuis tie leur fentiment, &c. Il femble dire quel- que chofe, & il ne dit rien en effet. Car ayant dtabli auparavant que chacun peut en furet£ de confcience fuivre le fentiment des Cafuiftes c£le- bres, qutnd ils ne font pas entierement aban- donnez de I’autoritd des autres, la d&riiion par- ticuliere qu’il fait qu’une chofe n’eft pas permife pour de certaines raifons, devient inutile, ft d’ail* (0 P. 97- 2$o . I. Note sur la V. Lettre.' d’aillears il eft contraint d’avouer que cette md- me chofe eft permife a caufe de l’autoritd des Cafuiftes. Que m’ltnporte par quel endroit elle foit permife , pourvu qu’eile le foit en effet. Ainil Jorfque Ton volt Ies Cafuiftes fe partager en diffdrens fentimens, les uns foutenant qu’une chofe eft permife, & les autres qu'elle ne l’eft pas; ce que I’on doit dire de ieurs difputes, c’eft que ceux qui nient que cette chofe foit permife, fe trompent toujours quoiqu’ils foient mieux fon- dez que les autres. Car ce qu’ils prdtendent n’Stre point permis, l’eft vdritablement. Ou ft Ton veut, ils ont la vdritd de leur c6td dans la fpdculation, mais ils fe trompent dans la prati¬ que; parce que tout ce qu’ils prouvent par les raifons qu’ils apportent , c’eft que cette chofe n’eft pas permife dans la fpdculation : ce qui n’empeche pas que les autres ne gagnent leur caufe dans la pratique, puisqu’il eft faux que la chofe dont on difpute ne foit pas permife dans la pratique. §. Ill- Troifiemt Confequencc. L E filence des Cafuiftes, qui n’apportent jamais aucun endroit de l’Ecriture ou des Peres pour dtablir cette dottrine, qui met en furetd ceux qui fuivent une opinion probable quoique faufle & contraire a la Loi dternelle, eft une preuve convaincante qu’il ne s’en trouve aucun veftige dans les Peres. Or quand nous n’aurions point d’autre preuve , cela fuffiroit pour ftire voir le peu de foliditd de cette doftrine. Car nous Dissert, sur u Probabii.ite’. 351 Sous laiffons A tous ceux qui ne veulent pas dtre trompez dans la chofe du monde la plus impor- tante , a juger eux memes, s’il y a quelque vrai- femblance que tcrDs les Peres ayent ignore le principal fondement de la Philofophie Cbrdtienne, & que la connoiffanee en ait did rdfervde & ces derqiers terns. 11 faut avouer que ii la doctrine de la Probabi¬ lity etoit vraie , & qu’elle ne donn£t pas une furetd nnneufe, il n’y auroit rien de plus com¬ mode , rien de plus propre a calmer les fcrupu- les, rien qui aplanlt davantage la vole du falut. Le Chretien qui feroit affez heureqx pour en Stre inftruit, y troqveroit des fecours merveilleux pour fe fauver, & il faudroit plaindre le malheur de ceux qui feroient privez d’une connoiffanee ii utile. Cell pour cela que les nouveaux Cafuiftes ont foin d’iniinuer eette doctrine prefque dans toutes les pages de leurs Ecrits. Pourquoi done Dieu a-t-il cachd cet admirable fecret aux SS. Peres ? Ou pourquoi s’il le leur a ddcouvert, ont-ils affedtd de nous le cacher ? Pourquoi ne fonr.ils jamais ufage de ces probabi- litez ? D’oii vient que dans les rencontres ou la veritd ne leur fait pas connoitre parfaitement comment ils doivent agir , ils tdmpignent etre dans le tremblement & dans la crainte que Dieu ne condamne comme injufte & comme mauvais , ce qui leur parole bon & dquitable? Qui ne voir pas combien 11 eft ridicule de dire qu’on air, dtd tout d’un coup eclaird dans ces derniers terns fur une chofe importante , qui a dtd inepnnue & tous les Peres de 1’Eglife? S-1W 352 I. Note sur la V. Lettre. Quatrieme Confequence. Je doit-on penfer de ce que la voie du falut devient tous les jours plus facile & plus douce, it proportion du progres que fait la Thdologie Morale par le moyen des Probabilitez? Les Cafuiftes non feuletnent conviennent de ce changement , mais meme ils s’en applaudiffent, & ils en font le fujet de leur gloire. S’il y a maintenant , dit Caratnuel (i), des opinions probables qui ne I'e'toient pas autrefois , on ne pec he plus en les Jieivant, quoiqu’on pechat auparavant. C’elt fans-doute une vanitd ridicule, un aveu- glement deplorable, & une audace puniflable i des hommes qui ne font rien,de s’imaginerqu’ils peuvent effacer la Loi de Dieu par les foibles raifons de leur efprit & par leurs faufles opinions, & de fe perluader qu’ils n’ont rien a craindre de la colere de la vdritd dternelle, pourvu qu’ils mettent entre elle & eux quelque nuage de pro^ babilitd. Les Cafuiftes cependant mdritent qu’on leur reproche cette vanitd, cet aveuglement & cette audace , puifque tout cela eft renfermd dans cette maxime: Que les opinions probables , me¬ me fetujfes Ef contraires d la loi eternelle , excufent de pe’che; & qu’admettant ce premier principe, ils admettent aufll cette dtrange abfurditd, ou plu-; t6t cette impidtd,qui en eft une confluence na- turelle, qu’on fe fauve mille fois plus facilement dans ces derniers terns qu’on ne faifoit dans les premiers Cedes. S- I V. C’eft It) Dans r tn Epitrt a Diana qui ejl d la idle de /* Thtilogie. Dissert, sur la Probabilite’. 353 C’eft 4 ce fujet que les Curez de Paris Ies ont fi juftement tournez en ridicules, en fe fervant de ces belles paroles de Guigues le Chartreux. „ O „ le malheureux terns que celui des Apdtres ! O „ que les horames de ces premiers liecles d- ,, toient enveloppez d’epaifTes tdnebres , & que „ leur ignorance dtoit digne de companion! Ri- ,, gides obfervateurs de toutesles paroles qui font „ forties de la bouche de Dieu, pour arriver a la „ vie ils marchoient par des voies dures & pd- „ nibles, & ils ne connoiffoient point ces voies „ courtes & fi faciles que nous avons decouver- ,, tes §. V. Cinquieme Confequcncc. M Ais ce qu’il y a de plus pernicieux dans la do&rine de la Probability, c’ett qu’elle ou- vre la porte a toutes fortes d’impidtez. Nous voyons ddja de fes horribles produftions. Car tout ce que les Lettres de Montalte rapportent, tout ce qui eft contenu dans les Extraits des Cu¬ rez, & tout ce que la pudeur ou la prudence ont fait fupritner a Montalte, & a ces inSmes Cu¬ rez , vient principalement de cette fource, & en tire la plus grande partie de fon venin. Toutes ces opinions font a la-vdritd redevables de leur probability aux diffdrens Auteurs qui les ont avan- cdes .* mais c’eft de la doctrine gdnerale de la Pro¬ bability qu’elles empruntent 1’autority qu’elles ont, & qui les fait regarder cotnme des regies cer- taines, innocentes, fures , & qu’on peut fuivre dans la pratique. Qu’on ne s’imagine pas que l’Eglife fait ddli- vrde de tous ces monftres d’opinions q«i ont paru Toms J. Z dans 354 I * Note suk la V . Lettee. dans ce terns. Elle eft menacde de bien d’autres perils. Cette contagion n’en demeurera pas-Iih Les confluences de cette maxime pernicieufe s’dtendent fi loin , qu’elies ne vont pas a moins qu’a la ruine' entiere de tout le Chriftianifrae , & a faire tin mdlange monftrueux de toutes fortes de Religions. Que les Jdfuites qui accufent ca- lomnieufement les autres de nier l’Incarnation, prennent garde que contre ieur deflein & leur intention , les Deifies ne les regardent un jour eux-memes comtne leurs chefs. Tout eft incertain, dit Ciceron, qumul on s’eft unefois ecar te de la regie: & quandunefois on n’eftplusretenu , niparlafoi, niparla v6ritd,&qu’onfe donne la liberty de fui- vre les dgaremens & les caprices de foil efprit, if n’y a plusrien d’afiurd, rien de conftant, riende fixe & d’immuable. Or cela arrive auffi-tdt qu’on reqoit cette maxime , Qu’une probability mimefauf- fc excufe de peebe , & J'uffit pour rendre me atfion hmnHe. Car a qui eft-ce que fon erreur ne paroit pas probable, foit dans ce qui regarde les mceurs, loit meme dans ee qui regarde la foi ? Combien y a-t-.il d’hertifies qui paroiffent plus vraifembla- bles que ces opinions que les Cafuiftes appellent probables ? Les Jdfuites ont beau faire , ils ne trouveront jamais de bornes qui arretent la contagion de cette do&rine. Diront-ils qu’il y a des chofes fauffes & contraires a la Loi eternelle qu’elle ex¬ cufe , & d’autres qu’elle ne peut excufer ? Mais il n’y a pas de raifon de dire qu’elle excufe plutot les unes, que les autres. Je vois bien a-la-vdritd que femblables a des gens qui fe font lailfez era- porter jufques fur le bord d’un precipice, ils font faiils de crainte , & qu’ils veulent reculer & fe fauver a la faveur de quelques reftridtions. Mais ilsfe trompent fort, s’ils efperent que par ces ex¬ ceptions Dissert, sur la ProbabIlite’. 355- ceptions qu’ils mettent aleurfantaifie ,&quin’ont aucun fondement,ils pourront retenir l’impdtuo- fitd de 1’efprit humain , lorfqu’il ell ddja fur le panchant du precipice , fur-tout s’il eft excicd 4 tout 6fer, par la promefle fp^cieufe qu’on lui fait d’une entiere furetd. Ce ne font point ici des terreurs paniques que nous voulons donner , & ce n’eft point de notre tete que nous tirons toutes ces horribles confd- quences. Les Cafuiftes eux-memes reconnoiflent qu’elles fuivent ndceflairement de leur principe. 11s pofent eux memes les fondemens de toute for¬ te d’impitft^. Et non feulement ils infinuent eette maxime fi agrdable aux impies , Que chacun pcut fie fiauver dans Ja Religion quand il la croit probable , mais mdme ii s’en faut peu qu’ils ne l’enfeignent expreffiment. Car oil tend cette propofition de Thomas San¬ chez , rapportee par Efcobar (1): Qu ’an infidele d qui on propofie notre foi comme plus croyable q-ue la fienne , n’efi pas oblige, hors Particle de lamort,dc lewbrtijfer , pourm que fa fiecle lui parotjfe encore probablemcnt croyable'. A quoi il faut ajouter ceque difent Sancius & Diana,qui rejettent cette exception de l’article de la mort, & qui croyant , comme le rapporte encore Efcobar , que cette circonftance n'oMige point ti fitivre une nouvelle regie de conduite , ajfureni con - fequemment que cet infidele n’efi point oblige d'embrafi- fier la foi, mime d Particle de la mort. Apres cela quel eft l’hdrdtique qui pourra etre damn6 pour fon Mrdfie; puifqu’il n’y en a prefque pas un feul qui ne puifle affurer que fa Religion lui paroit probable , & non feulement probable, mais plus probable que la Foi Catbolique ? Mais s’il peutdemeurer dans fon hih'dfie fans pechd, il a pU 356 I- Note siir la V. Lettre. pu aufli l’embraifer fans pdchd: ainfi il n’imporfe point pour le falut d’itre Catholique ou Hyrdti- que. C’eft une chofe fi vifible, que cette confluen¬ ce fuit ntoffairement de ces principes, que Cara* muel, homme ties-intelligent dans la dialectique de la Probability, & d’autant plus dangereux qu’il fait mieux tirer toutes les confluences qui fui- vent des faux principes qu’il embrafle, a reconnu lur-meme qu’il £tok incapable de rdfoudre cette difficulty, & l’a \aifT 4 e indycife; ft c’eft ndanmoins la laifler indycife , que de dire d’une part tout c» qu’il a trouvd de plus fort pour la negative , & ne pas dire de l’autre un feul mot pour l’affirma- tive. Le paflhge dont je parle, efl dans fa Thdolo- gie Fondamentale page-472. „ Bazanomenus, dit-il, eft nd de parens Luthd- „ riens, & dans une ville Luthdrienne. II a 4td dle- ,, vd parmi des Luthyriens, & il n’a eu que des mat- „ tres & des prydicateurs de cette fefte. D’abord „ qu’il a entendu le Pere Valdrien de Magnis, la „ gloire des Capucins, & encore quelques autres ,, qui prechent qu’il faut.ou revenirdl’EglifeRo* ,, maine, ourenoncer d Jesus-Christ , il s’eft „ dlevd fortement contre eux, & leur a dit: Le „ Chriftianifme eft une Religion tres-probable, qui > „ eft partagye en plufieurs fecles. Les unes font ,, plus anciennes, les autres plus nouvelles; les „ unes plus fdveres, les autres plus douces ; les ,, unes plus repandues, les [autres moins. Lesprin- „ cipales font la Romaine, la Lutherienne, & la „ Calvinifte, Qur toutes sont veritablement „ probables. Ce n’eft done pas une ndceffitd pour „ moi qui fuis Luthyrien, de retourner 4 l’Eglife „ Romaine, ou de renoncer d J. C. Car outre la „ Religion Romaine, que je ne refufe pas de re- „ connolcre comme probable, la Religion Luthd- „ rienne Dissert, sur la Probabilite’. 357 „ rienne eftauffi Chr^tienne & probable, & beau- „ coup plus douce que la Romaine. „ Vous voyez par-14, continue Caramuel, la „ force du raifonnement de cet hdrdtique, & ce „ qu’il veut prouver. Prdmierement,il tient qu’il eft „ probable que Dieu ne peut mentir. En fecond „ lieu, qu’il eft probable qu’il a revdld 1’Ecriture 3 , Sainte, & mdrae qu’il l’a diftde.fi vous voule? „ qu’on parie ainfi.En troiiieme lieu, qu’il eftpro- „ bable que l’Eglife Romaine explique bien l’E- ,, criture, & nfanmoins il ajoute que lecontraire „ de tout cela ne laifl'e pas d’etre probable. Etvoi- ,, ci comment il confirme,& comment il explique „ fon fentiment. La doctrine d’Ariftote, dit.il, a, ainfi qu’on l’enfeigne aujourd’hui dans les Uni- ,, verfitez d’ltalie, d’Efpagne & de France, eft „ trps-probable: car on ne peut oppofer contre „ cette probability, qu’Ariftote a tenu que le mon- „ de dtoit dternel, & que l’ame dtoit mortelle; „ parce que ces erreurs & d’autres femblables font „ aujourd’hui bannies de cette Philofophie, & „ font rejettfes par les Chrdtiens qui l’ont em- „ brafTde. Cette meme doctrine ,ou p!ut6tl’Ecole ,, d’Ariftote eft divifde en trois fcftes, celle des „ Thomiftes, celle des Scotiftes , & celle des „ Nominaux. Elies font toutes trois probables, „ toutes'trois cfilebres, toutes trois plaufibles. Si „ les Dominicains difoient aux Scotiftes: Notre „ Ecole eft plus ancienne que la v6tre,&quecel- „ le des Nominaux; il faut par confdquent fe ran- „ ger de notre c6te, ou abandonner Ariftote. Quel „ dgard les Cordeliers auroient-ils a cet argument ? ,, Ils s’en moqueroient, fit croiroient avoir autant ,, de raifon de dire 4 leur tour, qu’ii faut ou fui- ,, vre l’Ecole de Scot, ou fe Jdparer desPeripatd- „ ticiens. A-la-vdritd le raifonnement feroit pref- „ fant,fi une des Religions qui connoiflent Jtsus- Z 3 „ Christ, 358. I. Note sur la V. Lettre. i, Christ, ou unedesEcolesquifuiventAriliote, >, ptoduifoit pour elle des ddmonftrations. Car ft j, on d6montroic une fois qu’une de ces feftesfut ,, vraie,on dtftnontreroit en meme terns que tou- >, tes les autres font faulTes. Mais dans notre cas, », moi Luthdrien je jugeque routes ces Religions ,, (la Romaine, la Luthdrienne & la Calvinilte) „ font chretiennes & probables: cotnine je juge 3 , queles troisEcoles desThomiftes,des Scorifies „ & des Nominaux font Pdripatdticiennes & pro- „ babies. On ne peut par confdquent, ni me ,, convaincre,ni me preffer par ce dilemme,qu’il „ faut ou revenir a l’Eglife Romaine, ou renon* „ cer & Jesus-Christ. „ 11 ne fe met pas beaucoup en peine ,pourfuit „ Caramuel, de 1’Antiquifd, ni des Conciles gd* ,, ndrsux qu’on lui pourroit oppofer; parce qu’on „ n’en fauroit, dit-il, tirer des preuves dviden- j, tes, mais feulement probables, puifque l’Ecole 3 , d’Ariftote eft plus ancienne que la Religion de „ Jesus Christ, & que les Academies Pdripatdti- „ ciennes ont un bien plus grand nombredeMai* ,, tres & de Dofteurs, que les Conciles gdndraux „ n’ont de Peres. Et s’il eft permis , ajoute-t-il „ au P. Valdrien, d'accufer d’erreur & de tirannie „ la doctrine des Pdripatdticiens.pourquoi ne me „ fera- t-i! pas permis de ne pas changer Idgerement „ de Religion ? Pourquoi ne pourrai- je pas dire s , que 1'Eglife Romaine eft Ala-vdritd tres-prob*- } , ble, & meme tres-fure dans le for de la confcien- ,, ce: mais que celan’etnpeche pas que la Religion „ Lutherienne dont je fais profeilion.te fontdgale- 3 , ment probable, dgaiement chrdtienne, dgale- „ ment fure, & meme absolument plus sure, „ PUIS QUUNE OPINION M01NS PROBABLE EST AUS- 3, SI LA PLUS SURE, SI ELLE EST LA PLUS DOUCE. s , Pourquoi encore ne me fera-t-il pas permis de „ dire Disseht. suit ea Probabilite’. 359 „ dire que je fuis en repos de confcience dans la „ Religion Luthdrienne, & que par cor.fdquent je „ ne fuis point oblige de rentrer dans l’Eglife „ Romaine, non plus que d’abandonner la Reli- >, gion de Jesus-Christ. „ Voila, conclut Caramuel aflez content deces 3i mauvaifes raifons, voild comment raifonne en- „ core aujourd’hui ce Luthdrien; & vous devriez, „ favant Ledieur, entreprendre de le fatisfaire. I! „ a ddja entendu le P. Valdrien, & il fouhaite d’en „ entendre encore d’autres. II faut remarquer que ce Cafuifte, au commen¬ cement de ce doute, & de plufieurs autres fembla- bles, met en tete ce beau titre. J'ecris, ouphtqt je trmfiris (juelqv.es lignes des meilkurs Auteurs pour la conjblatm de ceux qui detneurent en Allemagne, qui out de la douleur de voir tant de perfonr.es d’ailleurs tres gens de Inen, ufeftees de I’berejie. Infinuant par- la que fon defiein dans ces doutes, eft de prouver que le falut de ces perfonnes n’ell pas ft defefpdrd qu’on a coutume de le croire. Mais ce que Caramuel n’6fe dire qu’en trem- blant, Erard Bille Jefuite ne craint pas de i’enfei- gner tout ouvertement. (1) „ La foi, dit-ii, qu’un ,, enfant a recue par le bateme ne fuffifant pas „ pour la lui faire profeiTer, a moins qu’on ne Ja „ lui propofe & qu’on ne lui en explique les mylle- 3. res, il ne pechera point en croyant une hdrd- 3, fie qu’on lui propofe & que fes parens lui ont „ enfeignde, a moins qu’il n’y ait des raifons con- ,, vaincantes, & qui 6tent toute probability d fa ,, Sefte. Car tant qu’ille lui est probable , il ,, ne pechera poiNT en la suivant. D’oii il arrive j, qu’on ne peut prefque pas confiddrer comme bd- 33 retiques un gtand nombre de filles jufqu’al’dge ,, Uv (1) Trail. 3, c. 1. de Fide „ Z 4 3<5o I. Note sur la V. Lettre. „ de vingt-ans,quoiqu’eIIes fafTentm&nelaCene. „ Car. qui dira qu'elles n’ont point d’argu- „ MENS PROBABLES EN FAVEUR DE LEUR SECTE. „ Or personne ne peche en suivant une ori- „ NION PROBABLE. ,, Vous me direz, ajoute-t-il: II y a auifibeau- ,, coup de perfonnes agdes qui croient bien faire „ en demeurant dans leur Sedte. Je rdpons que ce* ,, la ne fuffic pas pour ceux quj vivent parmi Ies „ Caiholiques. Mais en Suede, en Danemarc, & ,, dans les Provinces de TAllemagne oil il n’y aau- „ cun exercice de la Religion Catholique, ces per- „ fonnes peuvent fe fauver dans leur Sefte, s’iis ,, ne pecbent point; ou fuppofd qu’ils pechent, ,, s’lls font un afte de contrition ou d’amour. Au reite cet Auteur s’dloigne fans aucune rai* fon de fes propres principes, en niant que ce qui fuffic pour les H£r£tiques qui n’ont point de commerce avec les Catholiques , fuffife pour ceux qui vivent parmi eux. Que diront a cela les Jdfuites ? Car il eft vifi- ble qu'ils feront rehits, pour me fervir des termes de Caramuel, ou d tout pajjer , ou d abandomer leur opinion fondamcntale , qui coniifte a aflurer qu'un fentiment probable, quoique faux & con- traire a la Loi dternelle, excufe de pdchd. 11 faut qu’ils admettent encore toutes les extra¬ vagances que les Curez de Paris ont ramaiTdes dans cet excellent Ecrit contre la Probability, qu'ils ont prdfentd aux Eveques. Jamais ils ne fe tireront de cet embarras , qu’ils n’abandonnent les deux guides trompeurs qu’ils fuivent dans leur Thdologie: je veux dire l’autoritd des hommes, & la raifon humaine. Tant qu’ils leur donneront Ie pouvoir de rendre une opinion fure, il n’y a prefque rien, quelque abfurde qu’il foit, qu’ils puiflent fe ddfendre d’ajmettre. Car fi ee qui fuit Dissert, sur ea Probabieite’. 361 n&reffairement d’une opinion probable, ell auili n^ceffairement probable , il n’y a plus rien qu’on puiffe rejetter, puifqu’il n’y a rien qu’on ne puif- fe conclure de quelque opinion qu’on fera paffer pour probable. Les confluences que les Curez de Paris ont tirees de la Probability, & ramaiRes dans l’Ecrit dont je viens de parler > en font une preuve plus que fuffifante. ' Ous venons de voir qu’il fuit nyceflairement de la do&rine de la Probability, que chacun peut erabrailer une religion qu’il croit probable, & y demeurer fans pdchd. Mais la fuite, & l’enchai* nement de ces maximes corrompues, qui font comme lides les unes aux autres, nous mene en¬ core plus loin, & elle va £ nous faire croire que felon ces principes toutes fortes de crimes fans dif- tinftion, & mSme les plus honteux, font fou- vent permis & innocens. Car il faut remarquer, comme nous en avons averti bien des fois, que probable parmi les Cafuiftes eft un terme relatif Sc non abfolu. C’eft pourquoi ils avouent que l’hy* ryfie eft probable par rapport aux Herdtiques, quoiqu’elie foit tout-a-fait improbable par rap¬ port aux Catholiques. Ainfi une opinion devient probable, quand il fe trouve quelqu’un qui la croit telle. Et en effet ce n’eft qu’en ce fens que le faux peut etre probable ;puifque ceux quicon- noiifen. la verity oppofye,le rejettent avecraifon comme improbable. Je demande done aux jyfuites, pourquoi excu- fant de pdchd un homme qui eft dans une h^rdfie qu’il croit probable, ils n'en excufent pas auiG ceux qui commettent l’atiultere & la fornication, & $• V I. Sixieme Confe'qucncc. Zs qui 5 (52 I. Note sur la V. Lettre. qui croient fauflement, mais pourcant probab/e- ment, que ces crimes ne font point des pdchez ? Et pour les preffer par un exemple plus eonnu, il eft certain que les Turcs croient dgalement, & que la fornication eft permife entre des petfonnes libres, & que Mahomet eft un Prophete envoyd de Dieu. I!s peuvent, felon les principes des Jd- fuites , fuivre cette derniere opinion , pourvu qu’elie leur paroiffe probable. Pourquoi ne Jeur fera-t-il pas permis de fuivre aufli la prdmiere touchant la Fornication, puifqu’elle n'eft pas par elle-meme plus fauffe que l’autre , & qu’elie ne leur paroit pas moins probable ? 11 eft impoflible aux Jdfuites d’admettre l’une de ces opinions, fans admettre l’autre. Et s’ils veulent demeurer fermes dans leurs principes, ils ne nidront jamais qu’il ne foit probable aux Turcs que la Fornica¬ tion n’eft point un crime. II faut done ndeeflai- rement qu’iis avouent que les Turcs ne pechent point en commettant la fornication , non plus qu’en demeurant dans leur religion pendant qu’el¬ ie leur paroit probable. Mais qu’iis ne s’imaginent pas que ce foit moi qui tire cette confdquence de leurs maximes. Il y a long-tems que St. Auguftin a tdmoignd que cette confdquence fuivoit des principes des Aca- ddmiciens, qui dtoient en ceia conformes a ceux des Cafuiftes. Car le fentiment de ces Philofo- phes, felon St. Auguftin , dtoit, que qumci on fait co qu'on croit probable, on n'efi point coupable de peche ni fferrcuT. Et c’eft-la la pure dodtrine des Jdfuites. Que dit St. Auguftin fur cela? 11 fait voir que ce principe etant une fois requ, il faut aprouver tous les crimes. Ce qui lui donne lieu de prefler ainli les Acaddmiciens. (i) „ Un jeune (i) L. 3. contra Acad, c, ifi’. Dissert, sur ia Probaeilite’. 363 „ jeune homme, dit-il, inftruit de ce principe, „ ne dreffera-t-il pas des embuches £ ]a chaftetd „ de la femme d’autrui? Je vous le demande a „ vous-meme , Cic^ron, puifqu’il s’agit ici des „ mceurs, & de ce que peuvent faire les jeunes „ gens, dont I’inftrudtion & l’^ducation a fait le „ principal objet de vos dtudes & de vosEcrits II fait faire enfuite £ Cicdron cette rdponfe, qui eft la plus probable que les Jdfuites puiflent ap- porter. „ Vous ne pouvez, dit-il, me rdpondre „ autre chofe, finon qu’il ne paroit pas probable „ que ce jeune homme puifle en ufer ainfi ”. Mais St. Auguftin rejette auiii-tot cette reponfe. „ Si cela ne vous' paroit pas probable , continue- „ t-il, cel a le paroit £ ce jeune homme. Et fi „ vous vouliez qu’on fe conduisit par ce qui pa- ,, roit probable aux autres, vous n’auriez pas dir „ gouverner la Ripublique, parce qu’Epicure a ,, cru que cela n’dtoit pas a propos. 11 faut „ done que vous avouyez que ce jeune homme „ peut corrompre la femme d’autrui. Une confluence fi afFreufe frappe tellement St. Auguftin, que craignant qu’on ne s’imagine que ce n’eft pas terieufement qu’il parle, il ajou- te un peu apres : „ Mais vous croyez que je „ raille, non. Je puis en cette occafion jurer ,, par tout ce qu’il y a de plus faint, que je ne „ vois pas comment il fe pourroit faire que ce „ jeune homme pdchat, s’il eft vrai qu’on ne pe- „ che pas quand on fait ce qu’on croit proba- ,, ble. , . . ]e ne parle point des homicides, ,, des parricides, des facrileges, & de tous les ,, autres crimes qu’on peut commettre ou imagi- ,, ner, qui trouvant des defenfeurs, & ce qu’il ,, y a de plus dtrange, me me parmi ceux qui ,, font regardez comme les plus fages, devien- ,, nent permis par la meme raifon. Car comment „ les 3^4 I* Note stra la V. Lettke. „ les hommes ne feroient-ils pas ce qui leur „ paroit probable ”? A quoi il ajoute, pour rui- ner la raifon de ceux qui difoient que le crime ne paroit probable a perfonne. „ Que ceux, „ dit-il, qui ne croient pas que tous ces crimes ,, puiffent jamais paroirre probables a perfonne, „ lifent la harangue que fit Catilina pour perfua- „ der qu’il dtoit permis de perdre fa patrie, ce ,, qui feul renferme tous les autres crimes. Enfin St. Auguftin renferme en ce peu de mots toute la malignity de ce principe. „ C’eft, dic- „ il, une chofe de la derniere confluence, & 5 , qui doit donner de la crainte a tout le jnonde, „ & de l’horreur a tous les gens de bien; que ,, fuppofd qu’une chofe probable , lorfqu’elle ,, paroit probable a quelqu’un, il n’y a point „ d’adtion injufte qu’un homme ne puifie faire „ fans qu’on iui puille reprocher qu’il ait com- 3 , mis un crime, nimeme qu’il foit tombd dans „ l’erreur. Les Jefuites peuvent aprendre bien des chofes de ce paffage de St. Auguftin. Prdmierement, qu’il eft vrai que leur doctrine fur la Probability eft ancienne, puifqu’elle vient d’Arcdfilas & de la Sefte des Acaddmiciens, dont il eft le chef. Mais qu’il y a long-terns qu’elle a dtd dteinte,& entierement ddtruite avec les autres erreurs des Philofophes , par la religion de Je¬ sus Christ. Secondement, que le principal adverfaire de cette opinion a dtd St. Auguftin, avec Iequel les Jefuites ont le malheur de ne fe trouver prefque jamais d’accord. Et enfin,que quand on a tird de leursprincipes tant de confdquences affreufes, ce n’a point dtd par paifion, ni pour rendre a plaifir ces principes plus odieux qu’ils ne font: puifque le meme St. Au- Dissert, sur la Probabilite’. 3^5 Auguftin ,qui n’a eu aucun intdret A notre difpute* a prdvu fi long-tems auparavant les memes con¬ fluences , & en a averti , afin qu’on ne s’y laiffAt pas furprendre. 5 - V I L Des Opinions Probables qui ne font conlraires qu’ttn Droit Pofitif. N Ous n’avons traitd jufqu’ici que des Opi¬ nions Probables Faufies, qui ne font con- traires qu’au Droit Naturel & a la Loi Naturel- le. Et nous avons dit qu’elles n’excufent point de pdchd, parce que l’ignorance de la Loi dter- nelle dtant une fuite du pechd, & pouvant dtre furmontde par la priere & par l’aplication i la pratique des vertus, tout ce qu’elle peut fai- re , c’eft peut-etre de diminuer la grandeur du pdchd, mais elle n’en peut point exempter en- tierement. La meme raifon nous oblige a porter un au¬ tre jugement des opinions qui appartiennent au droit pofitif, foit divin, foit humain. Car com- me il y a plufieurs Thdologiens qui croient, & avec aflez de fondement, qu'il peut y avoir une ignorance invincible de l’un & de l’autre , & qu’elle fuffit pour excufer de pdchd, on peut dire par la meme raifon qu’une probability fauf- fe excufe quelquefois de pdchd. Cela eft conf- tant pour ce qui regarde le droit humain , d- tant indubitable que l’ignorance invincible de ce droit excufe entierement de peche. Cela eft encore conftant A regard du droit di¬ vin pofitif avant la predication de 1’Evangile , qui en a dtd comme la publication. Mais depuis que 3 66 I. Note s ur la V. Lettre. que l’Evangile eft rdpandu par toute la terre,' c’eft une queftion difficile & epineufe, de favoir fi on peut encore l’ignorer fans pechd. II eft certain que la plupart des Theologiens ont re¬ garde comme des pdchez , non feulement les aftions faites par cette ignorance , mais cette ignorance me me. Et on pourroit appuyer cette opinion par pluiieurs paflages des Peres, qui paroiffent enfeigner la mfime chofe, comme iorf- qu’ils difent que l’Evangile eft maintenant ailez connu de toutes les nations, pour que perfonne n’ait plus droit de s’excufer fur ce qu’ii n’en a pas eu connoiffance. II femble auffi que ce n’eft que fur le meme prindpe que St. Auguftin condamne de facrilege, ceux qui par ignorance du droit divin fe faifoient batizer parmi les Hdrdtiques. „ Pour ceux, dit- „ ft C 1 ) > qui P ar ignorance fe font batizer parmi ,, les Hirdtiques, croyant que la veritable Eglife „ de Jesus-Christ eft chez eux, ils commet- „ tent a-la-vdritd un pdchd moindre que celui des „ Hdrdtiques; mais ils ne laiffent pas cependant ,, de fe rendre coupables du facrilege du fchif- „ me; & on ne peut pas dire que leur pdchd ne foit pas tres-grand, parce que celui des autres eft ,, encore plus grand ”. Le meme Pere affine dans fa Lettre a Maxime Donatifte , que ceux qui rebatizoient les hdrdtiques pdchoient en les rebatizant. C’ejl fans-doute un peche, dit-il (2), de rebatizer un b&etique qui a dejd repti ce caraffere de faintete. Et cependant il eft Evident que le prdcepte de ne point rebatizer, n’eft que de droit poffiif- . . Mais comme nous-ne voulons point parler ici des (1) L. 1. de Bapt, e, S. (3.) Ep, 203. Dissert, sur la Probabilite’. 367 des points qui font conteftez entre les celebres Thdologiens, (au nombre defquels on ne fera jamais tent6 de inettre cette foule de Cafuiftes) nous n’entrerons point dans l’examen de cette queftion de l’ignorance du droit divin pofitif. Nous remarquerons feulement, que comme il eft certain que l’ignorance vincible du droit pofitif n’excufe point de pdchd, il eft aufil cer¬ tain que la probabilite, qui vient de cette igno¬ rance , n’en excufe pas non plus. C’eft pourquol 1 ’opinion des Cafuiftes qui pretendent qu’on peut fans pifchd pnSKrer 1’opinion la moins fure & la moins probable k ceile qui eft en m§me terns, & la plus probable & la plus fure, n’a point lieu m&ne dans Je droit pofitif. Car la raifon veut que nous - nous aprochions toujours le plus pres que nous pouvons de la vdrite. La pruden¬ ce demande, que comme notre efprit, dans le jugement qu’il porte des opinions, prdfere tou¬ jours celles qui font plus fures & plus probables, a celles qui le font moins , notre cceur les pr£- fere de-meme dans le choix qu’il fait des unes & des autres. Et il ne ferviroit de rien aux Cafuiftes de nous dire id, qu’on n’eft pas oblige abfolument de fuivre la voie la plus fure. Cela n’eft vrai, com¬ me nous l’avons d 6 ]k remarqud , que lorfqu’il s’agit de choifir entre deux chofes qui font fures toutes deux, & non pas entre deux chofes qui font toutes deux dangereufes , ou bien entre deux chofes dont l’une eft fure, & 1’autre eft dangere ife. Or une opinion qui eft en meme terns & la moins fure & la moins probable, n’eft point du tout fure. Aprochant plus de l’erreur que de la vtfrit£, il faut ndceffairement qu’elle porte l’efprit & la rejetter; & la volontd ne peut s’doigner de cette difpofition de 1’efprit, qu’on n’aglfte 3<58 I. Note sur la V. Lettre. n’agifle en m§me terns contre fa confcience. Cat* puifqu’une probability fauffe n’excufe dans Je droit pofitif, qu’autant que l’ignorance oil l’on eft de la vdrity rend excufable, il eft vifible qu’on ne peut etre excul'd dans ces cas ou l’on em¬ brace l’opinion la moins probable & la moins fure, c’eft-a-dire oil 1’on embrafle volontairement ce qu’on croit Stre plutdt faux que vrai, & plu- tdc ddfendu que permis. Ce choix eft une preu- ve dvidente que le cceur n’aime & ne cherche point la vdritd. SECTION QUATRIEME. Du fecond Principe ties Probabilities. Que de deux Opinions contraires il e/l permis d’embrajjer la moins probable & la moins fure. §• L Refutation de cette Doftrine par divers argumtris. L A Loi de Dieu & la Confcience font, comme nous l’avons remarqud des le commencement de ce Traitd , les deux regies de nos aftions. Ainii comme le premier principe de la Morale eft de ne jamais rien faire contre la Loi de Dieu, le fecond eft pareillement de ne jamais rien faire contre notre Confcience. S’il arrive done que dans le doute, ou dans le conflidt de deux opi¬ nions probables, notre confcience juge qu’une chofe eft plus fure & plus probable que 1’autre, nous devons ndeeffairement fuivre ce jugement, & nous ne pouvons le rejetter fans peche. Les Cafuiftes qui ont fubftitud d la Loi de Dieu & & la Confcience la probability , comme i’unique Dissert, sur la Probabilite’. 369 rigle de nos actions, nient cette confluence. Et afin de mieux faire connoltre en quoi con¬ fine prdcifdment la difficult^ qu’ils nous font fur ce point , il faut la renfermer dans un cas particulier. Suppofons done un homtne qui ddfire avoir un Bdndfice,& qui ne voit point d’autre moyen de l’obtenir, que d’offrir de l’argent a ceux qui le lui peuvent procurer , qu’il ofFrira non coni¬ ine prix , mais comme motif. II examine en iui-meme fi cela eft permis, ou non. D’un c6- t£ l’autoritd de Valencia le porte a croire pro- bablernent que cela eft permis: & d’un autre cdte l’autoritd de la Sorbonne , qui a condam- nd ce fentiment (r) dans Milhard , le porte & croire que cela n’eit pas permis. Enfin tout bien confiddrd , il croit qu’il eft plus probable qu’il y a de la fimonie a offrir ainfi de l’argent, & que par confdquent cela n’eft point permis. Ainfi l’opinion qui veut que cela foit permis, lui paroit la moins probable & la moins fure. Et au contraire l’opinion qui condamne cela comme illicite, lui paroit la plus fure & la plus probable. Cela fuppoK, on demande II dans cette difpofition il peut embrafler i’opinion la moins fure & la moins probable , en abandon- nant la plus probable & la plus fure. Les Jdfuites aiTurent qu’il le peut, & ils one pour eux une foule de Cafuiftes modernes. Les Curez de Paris nient qu’il le puiife faire , & ils ont pour eux tous les anciens Thdologiens. Car e’eft le fentiment de Henri de Gand ( 1 ), de ( 1 ) On croit devoir avertir ici que ce Milhard n'e- toit pas Jefuite, e’etoit un Benedi&in, qui s’avifa au commencement du XVII. Siecle de donner une Guide des Curez , qui a ete cenfuree par la Sorbonne. (2.) Quedl, 4. j, 33. Tome I. A a 370 I. Note sun la V. Lettre. de Gerfon (i), de St. Antonin (i), de Jean Major (3), de Corradius (4), d’Adrien (5), de Cajetan (6) , de Soto (7) , de Silveftre (8) , d’Angelus (9), de Tabidna (io), deNavarre (ii), de Panorme (12), & mSme de Comitolus quoi- que Jdfuite. Voila 1 ’dtat de la queftion bien pofd. Pour reconnoitre maintenant combien la derniere de ces deux opinions eft veritable , & combien elle eft certaine, il ne faut qu’examiner avec foin ce qui a portd les nouveaux Cafuiftes a un (i honteux relkhement, comme l’appelle Comitolus. Us ont d’abord dtabli cette faufle maxime, qu’il n'eft point neceflaire, afin qu’u- ne aftion foit permife & mdme louable, qu’elle foit faite felon une opinion vraie, mais qu’il fuffit qu’elle foit faite felon une opinion proba¬ ble , quoique faufle. D’oit ils ont conclu que toutes les opinions probables font fures, quoi- qu’il y en ait de plus fures les unes que les autres , parce que les unes eloignent plus que les autres de l’occafion de pdcher. Et de cette prdmiere confluence , que toutes les opinions probables font fures , ils ont tird cette autre, qu’on n’eft pas abfolument obligd de fuivre l’o- ( l) Tr. 39 - art. to. (z) I. Part. tit. 3. c, ro. &■ in tert. part. tr. s, s, 2, §• 9 . (} ) In prol. 4. fent, q, 2. (+) e- too. de com. } ;) In qq. de reft, qua incipH', Jane dillturn. 6 ) In Sum. verio, opinionis ufus. (?) In 3 . Lib. de juft. ju, q, 6 , art. S- (t) In Verb. opin. quaft. z. ($) Eod. titulo. (to) Eod. mow. 4. (it) In Man. c. 27. (n) In t, (aptil, dt/iriit n, 3 , Dissert, sur la Probabilite’. 371 pinion la plus probable, mais qu’il fuffit de fui- vre la moins probable; parce que cette opi¬ nion , quoique moins probable , eft ndanmoins probable, & par confluent fure. II n’y a perfonne qui ne voie que ce n’eft- 1A qu’une fuite ridicule de mauvaifes raifons, qui ell ddfectueufe des le commencement, & qui dans Ion principe s’dloigne de ia vdritd. Car, comme nous 1 ’avons montrd ci-deflus par St. Thomas, il n’y a de bonne aftion que cel- le qui eft conforme a la regie, qui eft la vdri- ‘td. Et il n’y a par contequent que la vdrit£ feule qui nous ddlivre du p6che , felon cette parole de l’Ecriture , La verite vous delivrera. D’ou il s’enfuit qu’une opinion probable n’eft point fure, a moins qu’elle ne foit vraie, & que celui qui fuit une opinion qui n’eft que pro¬ bable, ne peut etre en furetd, parce qu’il n’eft point a (Turd ft elle eft vraie. Or s’il n’eft point alfurd , il faut ndceflaire- ment qu’il foit dans le doute & dans 1’incerti* tude. 11 eft done obligd dans ce cas de fe con- duire felon les regies que tous les Thdologiens, & les Cafuiftes eux-mdmes preferivent a ceux qui font dans le doute, e’eft-a-dire qu’il eft obligd de choifir le parti le plus fftr, felon cet¬ te maxime du Droit Canon, confacrde par les Souverains Pontifes, & tiree de la Lumiere Na- turelle: ( 1 1 Dans les chofes douteufes on doit chou fir la voie la plus fure. Sur quoi la Glofe porte : Dans les chofes qui font douteufes , nous devons chou fir ce q:.e hous croyons plus certain. Mais fouvent le danger de pecher ne fe ren¬ contre que d’un c6t£. Car on doute bien a- la- f 1 ) Cap. lllui Dominus , dc Cleric, excomm, & de fpm- fklsbas, Aa x 37 * I* Note sur la V. Lettre. la-vdritd, s’il eft permis d’avoir plufteurs Benefices} mais on ne doute point du tout qu’il ne foit permis de n’en point avoir piufieurs. C’eft pourquoi on ne pent pas dire que celui qui en a pluileurs, prdfere une opinion moins proba¬ ble a une opinion plus probable ; mais on doit dire qu’il prdfdre une opinion probable a une opinion certaine. C’eft cependant dans ces for¬ tes de cas que les J^fuites foutiennent qu’il eft permis de fuivre l’opinion la moins probable: en quoi ils s’dloignent manifeftement de la raifon , de l’autoritd , & de la pratique des' Saints. Car St. Adguftin , fans parler des autres Pb- reis , a ddcidd ce cas en termes expres, dans fon premier Livre du Batdme contre les Dona¬ tiftes ch. 3. „ Un Donatifte, dit-il, penfe a „ rentrer dans l’Eglife Catftolrque. II avoue dejd j, qu’il eft aflurd qu’on reqoit ldgitimement le j, Bateme dans l’Eglife Catholique, & il doute 3 , de plus qu’on le puifle recevoir ldgitimement „ parmi les Donatiftes Que rdpond St. Au- guftin d cette queftion ? „ Si cet bomme, dit-il, 3, doutoit qu’on pvlt ldgitimement recevoir le Ba- j, tSme parmi les Donatiftes, & qu’il fut aflurd ■I qu’on le regoit ldgitimement dans 1’Eglife Ca- „ tholique, il pecheroit tres-grievemeiit dans ce j, qui regarde fon falut dternel, en le recevartt „ parmi les Donatiftes, par cela feul qu’il prdfe- „ reroit ce qui eft incertain a ce qui eft certain”. Et traitant cette matiere avec plus d’dtendue au chap. 5, il dit: „ S’il eft incertain que ce foit un „ pdchd de recevoir le Batfime dans le parti de a Donat, qui doute que ce ne foit tres-certaine- ,> mentunp^chd de ne lepas recevoir plutdtdans 3, le lieu oil il eft certain qu’on le peut xece- „ voir fans pdcher ? Mats Dissert, sur la Probabilite’. 373 Mais on fe trouve fouvent dans des circonftan- ces oil il y a du danger de pdcher de part & d’autre; les uns aflurant que ft on ne fait pas une certaine chole, on peche; & ies autres aflu- rant au contraire , qu’on peche ii on la fait. Que pourra faire un homme de bien dans cette rencontre? II demeurera dans le doute, jufqu’d ce qu’il a it reconnu iaquelie de ces deux opi¬ nions eft la veritable. II demandera d Dieu qu’il J’dclaire. II fera tous fes efforts pour ddcouvrir la v6ritd. Mais ft le terns le prefle, & qu’il faille ndcef- fairement qu’il fe determine, Iaquelie de ces deux opinions fuivra-t-il? II fuivra fans-doute celie qui lui paroit approcher davantage de la vdritd, & qu’il croira plus probablement pouvoir fuivre fans p£chd. II eft aifd d’en voir la raifon par tout ce que nous avons dit. Car puifque chacun eft oblige de regler toutes fes aftions fur lav6ritd, chacun eft auffi obligd de chercher la vdrit6, & de s’en approcher le plus pres qu’ii lui eft poflible. Or celui qui laiile ce qu’il croit le plus vrai & le plus probable, pour embrafler ce qu’il juge £tre plut6t faux que vrai, montre aflez par cette conduite qu’il ne cherche point la ydri- te. II peche done, puifqu’il s’dloigne volontai- rement de la v^ritd, & qu’il fe pprte volontaire- ment vers la faufletd. On connoitra plus clairement la vdritd de ce que nous venons de dire, ft i’on examine quelle eft la caufe qui peut porter cet homme a faire un fi mauvais choix. Car dira-t-on que e’eft la rai¬ fon qui le porte a embrafler l’opinion la moins lure & la moins probable ? Mais comment lq raifon peut-elle porter a embrafler ce qu’elle juge d’elle-mdme gtre plus filoignd de la raifon ? Eft- sg Ja charity qui lui perfuade de fuivre l’opinion A a 3 ’ ia 374 I- Note sur la V. Lettre. h moins fure , c’eft a-dire l’opinion qui le me£ plus probablement en danger de pdcher ? Mais comment la charitd pourroit-elle lui perfuader ce qui probablement eft plus capable de la violet? Que refte-t-il done , flnon d’avouer que c’eft la cupiditd feule qui le conduit, & qui lui fait choi- fir ce qui non feulement eft probablement pd- cbd , mais ce qui plus probablement eft pechd. Or que! eft 1’bomme qui peut fe perfuader qu’on puiiTe faire fans pdchd ce que la raifon condam- ne, ce que la charitd rejette , & ce que la cu¬ piditd feule peut infpirer? Qu’eft-ce agir contre fa confcience , ft ce n’eft sgir de la forte ? Faire une chofe qu’on juge qu’on ne doit pas faire , c’eft fans-doute agir contre fa confcience. Or c’eft ce que fait un homme qui jugeant qu’il eft plus probable qu ’ti¬ ne chofe eft plutot ddfendue que permife , & jugeant par confequent qu’il eft auffi plus pro¬ bable qu’il doit plutdt l’dviter que ne le pas e» viter, plutdt ne la pas faire que la faire, puif- qu’on ne doit pas faire le mal mais l’dviter , ne laifle pas dans cette difpofition, & contre le jugement de fa confcience, de faire ce qu’il juge qu’il devroit ne point faire, & d’embrafler ce qu’il juge qu’il devroit dviter. 11 agit done con. tre les lumieres & les jugemens de fa confcien¬ ce. Cela eft ft conforme d la raifon , que non feu¬ lement les Philofophes Dogmatiques , qui cro- yoient qu’il pouvoit y avoir des connoiflances certaines, mais que les Sceptiques meme, qui dou* toient de tout, & qui font proprement les in- venteurs des Probabilitez, en font dgalement de- meurez d’accord. Car quoique ces derniers, qu’on nommoit Acaddmiciens, prdtendfflent qu’il n’y a- voit rien de certain, & qu’ils avouaftent feule- ’ ment Dissert, sur la Probabilite’. 375 ment qu’il y avoit des chofes qui dtoient plus probables les unes que les autres , ils enfei- gnoient ndanmoins qu’on devoit prdfdrer dans la conduite de la vie les chofes probables & celles qui l'dtoient moins, & qu’ils appelloient improbables. „ 11 ne faut pas s’imaginer, dit Cicdron ( 1 ), „ qui dtoit de la fedte des Acaddmiciens, que „ not re efprit fe Iaifle emporter A toutes fortes „ d’erreurs, & qu’il ne trouve jamais rien de „ certain qu’il puiffe fuivre. Car quel caraftere „ d’efprit feroit-ce, ou plutdt quelle feroit notre „ conduite, li non feulement nous n’avions plus „ de principes pour difputer de la nature descho- „ fes, mais encore ii nous n’avions point de re- „ giepour nos mceurs ? La difFe'rence qu’il y a „ entre les autresPhilofophes & nous,c’eft qu’au „ lieu qu’ils foutiennent qu’il y a des chofes qui ,, font certaines, & d’autres qui font incertaines , „ nous difons feulement nous autres , que les „ unes font probables, & que les autres font im- „ probables. Mais qui elt-ce qui peut m’ernpS- „ ches de fuivre celles qui me paroiflent proba- ,, bles, & de rejetter celles qui me parollfent im- „ probables? C’efi per ces probabilitez, dit-il dans un autre endroit, que I'homme Jage regie fa con-' duite. Or pour peu que Ton foit inftruit de la doftri- ne des Acad^miciens, on ne peut douter que Ci- cdron n’ait entendu par ces chofes qu’il appelle improbables, celles qui font moins probables , & non cellos qui font entierement fauffes. Car tou¬ tes leur paroiffoient douteufes, mais les unes leur paroiffoient approcher davantage de la vdritd ou de la fauffet£ que les autres. (t) L, z, de Qfficiis, A* 4 J. II. 376 I. Note sur la V. Lettre. §. 11 . On ote mx Cafuijles tons leurs fubterfuges , fondez, fur In difiin&ion qu’ils mettent entre chofe Probable £? chofe Douteufe. I L y a une union fi dtroite entre la foi & la rai- fon , la pi6td & la vdritd, qu’on nepeut en abandonner une,fans les abandonner toutes. C’eft ce qui paroit d’une maniere admirable , dans la queftion que nous traitons. Car lesCafuiftes vou- lant foutenir cette maxime nouvelle & contraire, comtne ils 1’avouent eux- memes, aux fendmens de tousles Anciens; Qu’il eft permis defuivre les opinions les moins probables & les moins fures; pour fe mettre a convert des vives lumieres de la v£rit6 qui condamnoit leur erreur, ils ont eu re- cours a des diftinftions qui font voir que leur rai- fon eft entierement obfcurcie. Je prie n£anmoins le lecteur d’y faire beaucoup d’attention. Car quoique la fauftetd en paroifte dvidente a ceux qui examifient les chofes a fond , les ambigu'itez recherchees des termes dans lefquels ces diftinc- tions font conques , trornpent quelquefois ceux qui ne font par fur leurs gardes. Je me fuis fervi apres les Anciens, contre Per* reur des Cafuiftes que je viens de rapporter, d’un argument qui pour ecre commun n’en eft pas moins invincible, & qui eft tirAde cette regie du Droit Canonique, ou plut6t du Droit Nature!; Que dans les chofes douteufes il faut choifir le parti ]e plus fur, & ne point faire une chofe quand on doute fi elle eft bonne ou mauvaife. Car il eft fa¬ cile de conclure de-lA, qu’on ne pent prdKrer fans P&hd ce qui eft moins probable & moins fur a ce qui eft plus fur & plus probable ,• ni choifir entre Dissert, sur la Probabilite 3 . 377 ties opinions egalement probables, celles qui font les moins Cures: parce qu’il ell conftant que la diverfitd de ces opinions opposes dont on ne con- noit point la vdritd,jette l’efpric dans le doute, & nous met par confluent dans l’obligation denous conduire dans ces rencontres, fuivant cette regie qui eft prefcrite & ceux qui doutent, P eiConne ne s’dtoit avifd pendant quinze cens ans d’entreprendre feulement de rdpondre a cet argument. Mais les nouveaux Cafuiiies s’apperce. vant bien que toute leur doctrine, qui n’elt pref- que appuyde que fur des opinions moins probables & moins Cures, tomberoit par terre, s’ils ne ve- noient a bout de ddtruire cetce grande regie, ont inventd diverfes diftindtions pour en dluder la force. Celle dont ils fe fervent leplus fouvent, & que nous refuterons laprdmiere, eft la diilindtion chi- mdrique qu’ils mettent entre chofe douteuCe & chofe probable. Comme ils n’ont 6fe contredire un Centiment ft profonddment imprime dans tous les efprits, ils ont avoud qu’il faut d-la-vdritd choi- fir le parti le plus filr dans les chofes douteufes, mais ils nient que celaait lieu dans les chofes pro¬ bables. Cet axiom, dit Vafquez (i), J'e doit feule¬ ment entendre d I'egard des chofes douteufes , non pas d I'egard des opinions. Sanchez , Tambourin, Efcobar,difent la meme chofe. Etc’eftl ediftinguo de toute la troupe des Cafuiftes. Mais pour mieux pdndtrer le fens de cette dif- tindtion , 11 faut bien comprendre la diffdrence qu’ils mettent eux-memes entre le doute & I’o- pinion. „ On eft dans le doute,dit le mdme Vaf- a , quez(z), quand deux propofitions font tellement 378 I. Note sur la V. Lettre. j, ^gales, qu’on ne voit point qu’il y ait entre l’at~ „ tribut & le fujet de 1’une une plus grande con- ,, venance, qu’entre l’attribut & le fujet de 1’autre; „ &l’on eft dans 1’opinion quand on apperqoit qu’il ,, y a une plus grande convenance entre l’attribut „ &le fujet de l’une des deux propofitions contra- „ dictoires, qu’entre I’attribut & le fujet de l’au* ,, tre ”. Ou pour dire la mime cbofe en rnoins de mots: On eft; dans le doute, quand on ne donne fon confenternent a aucune des deux propofitions: Et on eft dans l’opinion, quand on donne fon confenternent a l’une ou a l’autre. Jufqu’ici ces Auteurs ont raifon , & les no¬ tions qu’ils donnent du doute & de 1’opinion font alfez juftes. Mais ils fe trompent groffierement dans i’ufage qu’ils en font pour leur deflein. Car afin de fe conferver la liberty de choifir telle opi¬ nion qu’il leur plait, & meme la moins probable & la moins fure , ils foutiennent pr6mierement , que dans une (igale probability, c’eft-a-dire lorfque deux opinions contradidloires nous pa- rolfTent appuydes fur des raifons dgales, l’efprit, quoique partagy entre ces opinions, n’eft point pour cela dans le doute , mais qu’il eft dans l’o¬ pinion: ou ce qui eft la meme chofe, ils louden » nient que l’efprit donne un confenternent proba¬ ble a chaque propofition contradidloire, & qu’ii ne demeure pas inddtermind & incertain a laquel- le des deux il donnera fon confenternent. Ils foutiennent enfecond lieu,que quoique l’une des propofitions paroifle plus probable & plus fure que 1’autre, cela n’empeche pas que l’efprit ne donne & la moins probable un confenternent , qui a-la- vdritd eft plus foible que celui qu’il donne d la plus probable , mais qui ne laiffe pas d’etre un ?rai confenternent. Par-lss ils dtent du nombre de ceux qui dou- tent, Dissert, svr la Probarilite’. 379 tent , ou qui fufpendent abfolument leur con- fentement,tant ceux qui font retenus dans l’£qui- libre par T6galite des raifonsqu’ils voient des deux c6t6s, que ceux qui panchent plus d’un cdtd que de l’autre. Et ils veulent par une fuite ndceffai- re, que ni les uns ni les autres ne foient com- pris dans la Loi commune, qui oblige ceux qui doutent a fuivre le parti le plus fur. Car, difent- ils, ces perfonnes ne font point dans le doute, mais dans 1’opinion , puifqu’elles donnent quel- que confentement aux deux opinions contraires, ce que ne font point ceux qui doutent. Mais pour faire voir plus clairement combien ces fubtilitez font fauffes & frivoles, nous allons examiner avec foin la nature du doute, & ex- pliquer dans quatre ou cinq conclufions , & par quelquesobfervations fort courtes,ce qui concer- ne cette matiere. HI Qu'il cfi impoflbk que dans une e’gale Probability I'cfprit dome aucun confentement. C E que je pretends ddmontrer premierement, eft que l’efprit dans une dgale probability, c’eft-a-dire lorfque deux opinions contradiftoi- res lui paroiffent dgalement probables , & qu’il voit des raifons dgaiement fortes de part & d’au¬ tre , ne peut donner fon confentement ni a Tu¬ ne ni 4 1’autre , mais qu’il demeure dans le dou- te. Or cette v£rit6 eft fi certaine & fi dviden- te , qu’elle a moins befoin d’etre prouvde que d’etre expliqu£e. Car fi nous confultons la rai- fon & le fens-commun , & Vafquez lui-mS» me, qu’eft-ce que ce confentement probable ec 3 & dteindre en eux les plus vifs fentimens de la lumiere naturelle. C’eft pourquoi, pour renfermer dans une courte ddmonftration tout ce que nous venons de dire, il ne faut que reprdfenter encore une fois aux Cafuifles cette regie, qu’ils n’ont ofd nier ouver* tement, comme un principe dont ils conviennent. II n’efl pas permis de faire une chafe, quand on clouts ft die efi bonne , ou mauvaife ; & dans les chofes douteufes, il faut choifir celles qui font les plus fares . Or quand l’efprit eft partagd par des raifons qu! paroifient dgalement probables de part & d’autre, on eft vdritablement dans le doute & dans Tin- certitude. On ne peut done, tant qu’on demeu- re dans cette agitation, choifir fans pecher T opi¬ nion la moins fure. §. VIII. Refutation d’une autre Chicane des Cafuifles. TTOici une autre chicane que nous font quel* » ques Cafuiites, qui ayant abandonnd la vaine diitin&ion que ceux que nous vencins de rdfuter mettent entre opinion probable & opinion dou- teufe , tachent d’dluder par une autre rdponfe, cette grande regie que nous avons rapportde tant de fois, & qui nous oblige a fuivre dans le doute Ie parti le plus fur. Cet axifime, difent-ils, n’elf vrai que dans le doute pratique,Sen'a pas lieu dans le doute Jpeculiitif. Or quand l’efprit eft partagd eatre des probabilitez egales, il" ne doute que B b 3 fpd-* 3-) L. 2. probl. io, », une opinion probable fauffe dtant une veritable erreur , il doit traiter le Pdnitent qui la fuit , comme s’il dtoit dans l’erreur. A cela les Jdfuites repliqueroient envain , que fi une opinion eft probable, elle ne fauroit paf- fer pour fauffe. Car nous avons fait voir ci-def- fus, que ce qui eft probable felon beaucoup de Cafuiftes , eft regardd avec raifon comme faux & improbable par les gens de bien. Or les o- pinions probables dont il s’agit ici, ne font pro¬ bables que d’une probability Cafuiftique. Car lorfque les Jefuites difent qu’eiles font probables, ils entendent feulement qu’elles font autorifdes par quelques Cafuiftes. Ainfi quand ils foutien- nent qu’on doit abfoudre celui qui fuit une opi¬ nion probable , ce qu’ils prytendent, eft qu’on doit abfoudre celui qui eft dans la difpofition d’accepter un duel, avec les prycautions que de- mande Laiman : celui qui eft dans la difpofition ce fe venger d’un foufflet par la mort de celui dont il l’a requ, de tuer un juge & des tdinoins qui veulent le perdre , de repouffer les mddi- fances de fes ennemis par des calomnies: car tous ces crimes n’dtant que des pychez vyniels, felon les Cafuiftes, ils ne le.rendent pas indigne de l’abfolution. Ce qu’ils prytendent enfin, eft qu’on doit abfoudre celui qqi ayant formy fa confdence fur les ddcifions des Cafuiftes, eft dans la ryfolution de faire tout ce qu’ils per- mettent. Un Pretre aux pieds duquel un Pdni- tent vient fe jetter dans cette difpofition , eft done obligy de l’abfoudre auifi-tdt qu’il a rdcity fes crimes, & de l’envoyer fur le champ d la Sainte Table. Voila quelles font les Loix que ces Dd 4 bons 4 H I. Note sur la V. Lettre. bons Cafuiftcs , & les Auteurs de la Morale des Jdfuites impofent aux Confeireurs. Mais qu’il me foit permis ici de les confon- dre, & de renverfer la faufTe fagelTe des Proba- bililles, par un trait tird des principes memes de la Probability. C’eft Efcobar, ce fameux Auteur de tant de probabilitez, qui me le fournit dans fa Thdologie Morale (i), oil il ddcide en deux endroits cstte queftion felon fa mdthode, qui lui permet de dire le out & le non. Premiere dtScifion (a). Un ConfeJJeur peut 6P tie pent pas abfoudre un Penitent qui Juit me opi¬ nion probable contraire a celle du ConfeJJeur , quand ce Jeroit meme une opinion qui le dechargeroit de l’o- bligation de reftituer. Adrien & Augujlin croient qu’il ne pent pas I'abfoudre Vafquez , Valencia, Salas, Reginaldus, Confine, (tous jdfuites,) croient qu’il le peut. Seconde ddcifion (3). Un ConfeJJeur ordinaire * & un ConfeJJeur delegue, font obligez fous peine de peche mortel, & ne font pas obligez fous peine de peche mortel i’abfoudre un Penitent felon Jim opinion. Vafquez , Salas & Efcobar meme croient qu’ils riy font point obligez■ Thomas Sanchez & Jean Sancius croient le contraire. Or cela fuppofd , c’efl a 1’Apologise des J 6 - fuites i voir comment, il fe peut ddfendre de cet argument. Selon la nouvelle Dialeftique des Cafuiftes, il eft permis, & il n’eft pas permis d’abfoudre ce Penitent: Done tres-certainement il eft permis de ne le pas abfoudre. On peche mortellement, & on (1) L. 1. n ui. Hi. no. in. (1) Confeffarius poteft, Gr nm potefl, Eye. (3) Conftjfarius ordinarius & delegatus tcointur Sr r.ort tentntur fub mortals, &v. Dissert, sur ia Probabilite’. 425 on ne peche pas mortellement en refufant l’ab- folution aux Pdnitens qui ont fuivi une opinion probable: Done il eft tres-certain qu’on ne pe- cbe pas mortellement en la leur refufant. Done l’opinion de Bauny qui prdtend qu’on peche, ne peut fe foutenir, foit que la probability fubflf- td , ou qu’elle ne fubfifte pas. Car ft elle fub¬ fifte , il elf conftant qu’il eft permis de refufer l’abfolution & ces fortes de perfonnes. Si elie ne fubfifte pas, non feulement il eft encore plus cer¬ tain que cela eft permis, mat's il eft tres-certain qu’on y eft indifpenfablement oblige. Au refte quoique ce foit toujours un fentl- ment pernicieux, d’aflurer gdndralement qu’on eft oblige d’abloudre ceux qui ont fuivi une opinion probable, ndanmoins le mal que peut faire cet- te doflrine n’eft pas toujours dgal. II eft ou plus grand, ou plus petit, & proportion qu’on donne plus ou moins d’dtendue aux opinions probables. Car fi on appelle probable tout ce qui paroit tel aux Cafuiftes, rien n’eft plus per¬ nicieux que ce fentiment. Mais fi on n’appelle probable, que ce qui paroit tel k des perfonnes dclairdes & tres habiles dans la veritable Theo- logie, e’eft.i-dire dans la Tradition, ce fenti¬ ment eft moins dangereux , mais il n’eft pas tout-^-fait exempt d’erreur. Car Dieu peut tel- lement dclairer un Confefleur, qu’il connolffe par une lumiere fupdrieure qu’une chofe que des per¬ fonnes qui ont beaucoup de pietd & de fcience, mais qui ne font point chargdes comme lui de la cor.duite d’un Pdnitent, croient probablement dtre innocente, ne l’eft pas en effet, eu egard k toutes ies circonfcances. Qui doute que dans ce cas le Confefleur n’eft point obligd de trom- per fon Penitent , & de rejetter une vdritd qui lui eft connue , pour fuivre l’opinion erronde Dd 5 des 4 26 I. Note sur la V. Lettre. des autres? II faut done que le Penitent fe fou. mette au Confefleur, ou le Confeffeur aura droit de le renvoyer a un autre. $. I V. Dejean Sancius , que les fe'fuites vantent comme un des plus favans Maitres de la Theologie Morale. M Ais, dit l’Apologifte, (r) Jean Sancius qui eft un des plus favans Mnitres de la Tbeolo • gie Morale , eft d’un fentiment contraire. Que rd- pondrons-nous a une fi grande autoritd ? Rien autre chofe, finon que comme les Jdfuites font de dignes Pandgyriftes de Sancius, auffi Sancius eft-il digne d’etre loud par les Jdfuites. Car fi jamais quelqu'un a dcrit fur la Morale d’une ma* mere impie & corrompue , e’eft ce Jean San¬ cius qui eft en fi grande reputation parmi ces Peres. En effet il ne faut que rapporter quel- que chofe de fa Morale, pour faire connoitre qu’un Auteur qui a avaneddes maximes fi abominables n’a eu aucun fentiment de religion, & qu’il faut que les Jefuites ayent perdu toute honte, delouer un homme fi corrompu, & de le propofer aux Cbrdtiens comme un des plus excellens Maitres de la Morale. Que les Jdfuites dcoutent done les belles maxi- mes de leur Sancius. „ Si un Penitent, dit il, (x) ,, croit probablement que le Confefleur lui refu- s, feroit l’abfolution , s’il fe confeifoit d’un pd- „ chd (i) 23 . Impoflure. {z) InPrafficis Di/putationibus difp, #pvd X)i&nam trail, 7 , refp, 1 $. Dissert, sur la Proeabilite’. 4Z7 „ chi d’habitude , il peut en ufant d’iquivoque „ nier que ce foit un pichi d’habitude, en forte ,, que le fens de fes paroles foit : Je ne fuis pas ,, dans l’habitude de ce pichi , non que je n’y „ fois pas abfolument, mais parce que je n’y fuis „ pas pour vous le dire prifentementi (1) Et il „ pourroit fefervir de lameme Equivoque, quand ,, meme il croiroit que le Confeifeur ne Jui refu- „ feroit pas l’abfolution ; parce qu’il n’eft pas „ obligi de fe confeffer deux fois des memes pi- ,, chez , ni de fouffrir la honte que caufe 1’habi- „ tude d’un pichi qui eft dija connu. On peut „ dire la mime chofe de l’occafion prochaine , ,, qu’on ne peut i-viter , fans en fouffrir quelque „ grande incommoditi , ou fans caufer du fcan- ,, dale. Car dans un tel cas un Pinitent pourra „ ufer d’iquivoque, quand mime un Confeffeur „ l’interrogeroit fur cette occafion. On peut aufii „ infirer de ce que j’ai dit contre Azor , qu’on „ ne doit point refufer l’abfolution aceux qui font „ dans l’habitude de jurer. Outre beaucoup d’autres chofes effroyables que le meme Sancius avance , il va jufqu’a cet exces d’impiite que de foutenir (2) que „ Si une con- „ cubine itoit fort utile a fon concubinaire pour „ le tenir de bonne humeur , & lui priparer a „ manger commeil le fouhaite, de forte que fans „ elle il pafferoit fa vie dans le chagrin ,& auroit 3, un grand digofit des autres viandes qu’on pour- ,3 roit lui appreter , & qu’il ne pftt pas aifement „ trouver une autre fervante qui lui fut propre, „ il ne faudroit pas en ce cas l’obliger de chaffer „ cette ( 1) Ut fiat fcnfus: confuetudine cares peccandi non abfolu- te , fed ad confitendum tibi de pT&Jer.ii. Hoc etiam procedit, (yc. (z) Difp. lo, mm. zo, apud Dianam $. parte, trail, 14- 428 I. Note sur la V. Lettre. „ cette concubine; parce que la fatisfaction que „ lui donne fon fervice confiderde avec ces cir- „ conftances, eft plus eftimable qu’aucun bieji ,, ttmporel. Par ia meme raifon il lui feroit per- „ mis, Ci cette femme dtoit fortie d’avec lui, de ,, la reprehdre a fon fervice , quelque fujet qu’il „ etk de craindre d’etre en peril de pdcher avec ,, elie , s’il n’en trouvoit point d’autre qui fflt ,, auffi capable de l’afllfter dans ces chofes qui „ lui font ties-utiles. Car puifque cette raifon „ le dip il eft car- Ff t tain 452 III. Note sur la V. Lettre. tain qu’Efcobar ne rapporte point la dofttine da Filiutius autrement que Montalte , ne faifant au- cune mention du p&he que Filiutius reconnoit qu’il y a a fe procurer une raifon pour rompre le jeune, & rapportant feulement les deux autres dd- cifions en ces termes (i). Un homme qui s'eft fatigue a quelque aBion , foit licit e, foit illicite ; licit e, par exemple it jouer dlapau- me; illicite , par exemple a des debauches honteufesy eft-il oblige a jeilner ? Quelques-uns affurent que celui qui prevoit qu’une telle aBion le rendra incapable de jeilner , peche. D’autres croient qu’tl eft abfolument difpenfe du jeilne, puree qu’il eft hors d’etat de jeilner le jour auquel le precepte I’y oblige ; & que dans le terns qu’il fe fatiguoit ,foit par une aBion licite.foit par me aBion illicite, il n’y avoit point de precepte qui I'obli- gedt pour lors au jeune. Mais s’il s'eft trap fatigue expres pour eire difpenfe par-Id du jeilne , y eft il obli¬ ge ? Un DoBeur (c’elt Filiutius) Ven difpenfe encore dans ce cas Id : mais nous autres nous crayons avee A. zor, qu’un homme qui fe fatigue ainfi expres, eft cou- pable de la tranfgrejfton du precepte. Efcobar, comme on le voit dans ces deux pre¬ mieres ddcifions qu’il tire de Filiutius y n’avertit pas, non plus que Montalte, que ce Cafuifte re¬ connoit au meme endroit.qu’on peche en fe pro- curant une raifon de rompre le jeune. Mais , dit l’Apoiogifte ( 2 ), Montalte s’£crie auffi-tdt apres: He quoi! efi-il permit de rechercber les occafms de pecher ? Et par - Id il fait entendre que Filiutius a 6t6 jufqu’a dire qu’il n’y a point de pdchd de fe procurer me raifen pour rompre le jeilne: ce qui n’eit pas veritable. Toutes ces plaintes ne font que des pudrili- tez , ft) Theol. trad, i, exam, 13, de Jejuni}, ( 2 ) Impojlure 8. Filiutius site le JeAne.' 45j fez. Car quand Montalte demande , s’il eftper- mis de rechercher les occailons de pdcher , ce n’eft pas a deffein d’attribuer ce fentiment aFi- liutius , mais c’eit feulement pour engager Con jgfuite A lui parler des principes de Bauny, qui a enfeign£ que cela dtoit permis. II y a une infinite de tranfitions & de manieres de parler femblables.dont on ell oblige de fe fervir dans les Dialogues. Et qui voudroit les prendre a la rigueur, ou les condamner terieufement , feroic non feulement injufte , mais pafleroit encore pour ridicule, & pour un homme fans efprit. Fin dti Tome Fre'mier. TABLE BES MATIERES. Chon. Ce que c’eft feJon Bauny qu’une a&ion ro- lontaire. 217. It faut regler ies aftions fur la verite &fur la juftice etetnelle. 298. Nulle bonne , fi elle 11'eft conforme a la regie veritable, 371, Si elle n’eft jufte quant a la fin & quant au devoir. 356. &c. Almanac Fameux 193 Note. V. Sucy. Amour. Le precepte de l’Amour renferme toute la jf,oi Naturelle. 299- Ancre. V. Petit. Annat. (le F.) Son fentiment fur les Pe'chez d’igno- rance. 206. 11 accule fauflement Montalte d'infidelite au lujet d'un paffage de St, Thomas. 246. & de l’opit jiion de Leffius lur l'Homicide. 253. antoxin. (St.) 11 ne favorife point le fentiment des Jefuites lilt la Probability. 400. Quel ef! foil vrai fenti- ment. 403, Apologie des Casoistes. L’hiftoire de ce Livre deteftable. 28. &c 11 eft reiette en France & a Ro¬ me. 39 8tc. L’Auteur calomnie ceux qu'il appelle Jan- penifteSj en leur attribuant d’enfeigner cjuc l'Ignorance in¬ vincible eft peche. 224. Il defend Bauny fur les bonnes penfees toujours prefentes,Sc il arecours pourcela a de pretendues penfe'es non appercues. 227. &c. & fur l’o- bligation qu’il inipofe au Pretre d’abfpudre celui qui iuit une opinion probable. 421. II fe declare ouverte- ment Pelagien. 232. 11 fe plaint amerement du tort que les Provinciates ont fait a la Societe. 238. 11 per- met a un Juge de fuivre l’opinion la moins probable. 345 - ARIsTQte. V. Bauny. Arnauld, (Mr.) Ce qu’il penfe de Mr. laical. 9. Continues en ce Premier Tome. A. Note. DES KATIER E S. Note. Comment, felon lui, iJ faut attaquer ies JeCuites. jo. Note. S’il eft t-emeraire fur la queftion de Fait. 138 , Soixante & onzc Do&eurs le declarent pour lui. Ibid. 6c 193. Quatre- vingts autres Seculiers avec quelques Reli- ligieux Mendians Je condamnent. 140. Cette queftion 11'intereffe point ia conlcience. Moyen de s’en eclaircir. Ibid. S’il eft heretique lur le Droit. 143. De quel pou- voir il a parle. 154* S ? il n'en a pas reconnu dans les Juftes. 143. Artifice de les adverlaires pour le perdre. 146. i$ 6 . Mr. le Moyne entre dans ce defiein pour fe venger. is 8 . La haine particuliere de quelques Docteurs contxe lui eft la caufe de toute cette tempete. Hid. On donne fa feconde Lettre a examiner a les ennemis de- clarez. 186. Sa propofition cenfuree ne contient rien qui ne foit tire des Teres. 187- &c. Il fait des Apolo¬ gies. Ibid. On tire de la cenfure meme des conlequen- ces admirables pour fon innocence. 189. U a toujours evite de rien avancer qui ne fut fonde fur la Tradition. 191. On lui permet de venir en Sorbonne pour expli- quer fimplement ce qu’il croyoit, & non pas pour dif- puter. 194. Ce qui eft catftolique dans les Peres devient he're'tique dans Mr. Arnauld. 196.Ce ne lont pasfesfen- timens qui font heretiques, mais fa perfonne. 197. Au¬ teur avec qui des Vindicia. Sti. Thom a. & c . 156. Note. Son chef-d’oeuvre lur les matieres de la Grace. 158. Note. Sa feconde ^Apologc'tique. 194, Note . Jug^ment fur fa feconde ^Apologetique de Janfenius. 224. Note. Particularitez fur fa Dijfertation fur .U' Probabilite. 27 6. Note. Augustin (St.) Son fentiment fur les Pe'chcz d’igno- xance. 220. Il compare les Heretiques aux chiens qui lechoient les plaies de Lazare. 236. Il reprend les Ma- nicheens d’imputer a toute TEglife les delordres dequel- ques-uns de fes enfans, 237. Ce qui fait felon lui que nous ne connoilfons qu’impalrfaitement ce qui plait a Dieu. 300. 11 dit que Palfurance qu’il donneroit ne ier- yiroit de rien li Dieu ne la ratifioit. 324- Que ft i’ onL admet une fois le principe de la Probabilite, ii n’y a point de crimes qui ne deviennent permis. 362 &c. Les Jefuites ont le malheur de ne s’accoxder prefque jamais avec lui. 3 64. Qu’on peche, ft dans les choles qui regai.- dent le falut, on prefere Pincertain au certain, 372. TABLE B. B alaam. Ceux-la l’imirent qui confultent plufieurs Caluiftes julqu’a ce qu’ils en trcuvent tin qui repon- de felon leur volonre. 419. Bauny fie P.) farticularttez a fon fujet. 204. Note. On dit de lui qu’il eft celui qui Ste Its pe'ch.z. du monic. aoj. Il eft cenfure a Rome & par les Eveques de Fran¬ ce. Ibid. Far la Sorbonne 222. Par la Faculte' de Lou¬ vain. Ibid. Son fentiment fur les Pe'chez d’ignorance. 207. 31 excufe de pe'che tout ce qui fe fait par ignorance. 214. 229. Ce qui peut tres-iuftement etre qualifie d’hetelie, 224. II appuye fon opinion fur l’autorite d’Ariftote. 217. Qui neanmoins lui eft contraire. 218. Son (enti- ment lut les Occalions prochaines. 265 II oblige un Confefleur a abloudre celui qui fuit une opinion ptoba-i ble. 271. 421. H difpenfe un Incendiaire de la reftitu- tion. 414. 11 cite les Peres plus fouvent que les autres Cafuiftes, mais feulement par oftentation. 44s. Bellarmtn. Ce qu’il dit des bonnes penlees ne'cef- faires pour pecher. 228. II ne compte que 12. Cafuiftes dans l'etpace de rsso ans. 436. Benefices, S’il eft pernvs pour en obtenir d’offrir de l’argent comme motif & non comme prix. 369. Bernard (St.) Son (entiment (ur les Pechezd’ignoran¬ ce. 22J &c. Il met au nombre des pe'chez les aftions faires fur une faufle opinion quoique probable. 328. Buss if. V. Rubutin. C. C Aramuel. Selon lui une opinion eft probable des- qu’elle 11’eft pas evidemment faufle. 283 &c. On ne peut fans temerite rejetter comme improbable celle qui eft appuyee fur l’autorite de gens doftes. 309 11 fe re'jouit de ce que par ce moyen le chemin du falut devient tous les iours plus aife. 314 A quoi il oblige celui qui foutient qtt’une chofe n’eft pas permife. 308. 31 permcc a un Religieux de tuer ceux qui calomnient fon Ordre. 308. Et une Femme dont il a abufe, s'il y a danger qu’elle le deshonore. 433 See. 11 infinue qu’un Heretique peut demeurer fans peche dans fon he- yefie. 356 See. Casuisies. Us font le deslionneur de l’Eglife 8c un " ' fujef DE8 MATIEB.ES. fajet de fcandale aux Heretiques. 135 Tous ont ete fietris dans liauny par la cenfure des Lveques de Fran¬ ce. 140. Et par cells des Facultez de pans 8c de Lou¬ vain. Ibid. Selon les Jeiuites ce font eux qu’il faut lui- vre fur la Morale, 8 c non pas les Peres. 27a- Tout le pionde fe gouvcrne iur leurs maximes. 273. Leurs deci- fions ne lont contraires qu’en apparence a TEcnrurc Sainte , aux Papes 8c aux Conciles. 27 s Tous font doftes. 254, On ne pent reprendre leurs erreurs fans temerite 2$.<>. On ne doit pas croire qu’iis foient capa- bles de rien repondre qni foit contraire a l’Ecriture, 306. Quelle eft leur errenr dans le jugement qu’iis portent de ce qui eft probable 282. 11s mlinuent ce dogme im- pie, Que cbacur. peut fe fauver dans fa religion epuand il la croit probable. 355. 8tc. On tire de leur doftrine les memes confequences que celles que St. Auguftin a ti- *ees de la do&rine des Academiciens, 362. Pour fe met.tre a couvert de la verite qui les condamne , ils ont recours a des diftinftions qui font voir combien leur raifon eft obfcurcie. 374. 11s cliangent les notions communes des termes , 8c leur en fubftituent d’autres. 382. Ce que c’eft felon eux que doute 8c opinion. 381. Us eludent par divers artifices cette maxime , Que dans le doute il faut cboi/ir le parti le plus fur. 382. Ce qu'ils regardent comme probable , eft rejetre avec lailon comme improbable par les gens de bien. 395. &c Leur approbation rend juftement une opinion fuf- pefie. 274. On ne peut les exculer de temerite d’avoir rant ecrit fur la Morale, erant ft peu capabies de le faire. 436. Plaintes de Petrus Aurelius contre ces Ecri- vains. 437. 8cc. Quoiqu’ils foient en grand nombre, ils font peu en comparaifon des autres Fideles 8c des autres Pretres. 440. Le peu de cas qu’il font des Peres. 44s. Ils ne les citent prefque jamais. Ibid. Catechisms Singulier. 193. Note. Cellot. ll vent qu’on fuive les Auteurs nouveaux fur la Morale. 272 8tc. Censure. Cenfure de Sorbonne contre Bauny. 240. Contre Mr. Arnauld. rjs. On fait voit les nullitez 8c le pen d’autorite de celle-ci. rpo 8tc. Elle ne mar¬ que point en quqi confide l’herefie qui y eft condam- uee. ij'6. Ciceron. On le cite fur la matiere de la Pxobabi- lite. 354. 363. 37s See. Cieroe’ de France. 11 proferit les opinions rela- Ff s chees TABLE ehe’es des Cafuiftes. 240. Il dit qu’une profonde igno¬ rance eft plus louliaitable que leur fcience. 432. Comitolus Jesuits. Il croir qu’il y a limonie 4 offrir de l’argent comme motif pour obtenir un Bene¬ fice. 370. Concile. Celui de Diofpolis condamne Topinion de Celeftius fur I'Jgnorance. 224. ConfesseUR. V. Probabihte. Cornet, Habert et HALLiER.Particularitez a leur iujec. 1J8. Note 2. Conscience. EUe eft une des regies de nos actions done il 11’eft jamais permis de s’eloigner. 368. Quand on eft cenle agir contre fa confidence. 374. Croix. Quels Livrcs on doir lire fur fa fuflpreCfion par les Jeluites dans leurs Predications aux lndes, 259. ' Note. CuRez. Ceux de Paris & de Rouen demandent la cenfure de Bauny fur les Bonnes Penfees. 222. 11s s’elevent contre Ja morale des Cafuiftes. 240. Eloge de ceux de Paris. 277. 43 6. 11s retabliflenr les deux regies de nos aciions que les Cafuiftes ont renverle'es. 277. lls regardent comme une limonie d'offrir de I’ar- gent comme motif pour obtenir un Be'nefice. 369. Il - eft plus dangereux' d’etre trompe par un Etranger, que par fon propre Cure'. 440. D. D ANIEt fie f.) Auteur des Entretiens de Clectndre & d’Eudoxe. 112. Jugement fur cet Ouvrage. ns. Son acculation contre Mr. Pafcal. 204. Note. Diana, tes Ee'neficiers ne font point obligez felon ce Caluifte d reftituer les revenus de leurs Be'nefices dont ils font un mauvais ufage. 272. Il appelle Vafquez le Phe'nix des E^prits. 274. Son fentiment fur l’avortement. 309. Il veut qu’un Infidele ne foit pas oblige de renon- cer i fa fefte, tant qu’elle lui paroit probable. 355. Il rapporte les horribles decifions de Saneius, 426. Sec. Dicastille. 11 enfeigne qu’on peut calomnier un snjufte Accufareur. 30s. DocteuR. Quel doit etre un Dofteur Evange'lique. 407. Doute. Dans le doute il faut choifir le plus fiir. 271. 376. Ce que e’eft que le doute felon Vafquez. 377 - Selon les Cafuiftes celui qui fait qu’il doute n’eft pas ^ obli- DES MATIER.ES. oblige a prendre le paiti le p’us fur. 387. &c. Tout doute eft opinion probable, mais toute opinion proba¬ ble n’eit pas doute. 394 Du Val (Mr .) li dit qu’inutilement on fait des Trai- tez de Cas de Confcience, li on eft toujours oblige a luivre l’opinion la plus probable. 413. E. E quivoke. Doctrine des Jefuites fur Ies Equivoques & les Reftridtions Mentales. V. Jefuites. Escobar. 11 compare Ion Livre avec l’Apocalypfe. 263. 8cc. Son fentiment fur le Jeune. Ih’d. 452. Selon lui un feul Do&eur rend une opinion probable. 267. Un Cafuifte peut repondre fuivant l’opinion probable d’un autre qu’il croit faulfe 270. Un Infidele peut demeurer dans la fedte rant qu’elle lui pitroit probable. 304. 355. Chacun doit erre perfuade que ce qu’il tie peut re'lou- dre un autre le p ut. 306. 8cc Deux opinions contrai- res iont egalement fures. 349. On peut conlulter diffe- rens Dodteurs julqu’a ce qu’on en tiouve un qui repon- de felon norre inclination. 417. U11 Confefleur peut 8t ne peut pas abfoudre Un Penitent qui fuit une opinion probable coutraire a la fienne. 424. Celui qui a recu un fouflet eft cenfe deshonore juiqu’a ce qu’il ait tue icelui dont il l’a repu. 434. Eucaristie. Sancius 8 c Diana y envoient ceux qui le lent fouillez par des crimes infames le jour nteme qu’ils les out commis. 427. 8 cc. Eveques. Ceniure des Eveques de France contre Bau- ny. 20s. 222. 8ec. Evidence, Elle ne convient qu’a la Veritc. 297. See. E. F Elix III. Pape. 11 enfeigne qu’il n’eft pas au pou- Voir des homines d’excufet de pe'che ceux qui vio¬ lent la Loi Cternelle. 324. Ferrier (Ee P.) ll deguife la doftrine de la Proba- bilite. 287. &c. ll nie qu’un homrae dodte puifl’e pren¬ dre pour vrai ce q'ui eft douteux 293. 11 dit que i’auto- rite d’un feul rend une opinion probable. 305. ll infi- nue que St Thomas-a enfeigne qu’on pouvoit fuivre une eptnisn probable, quoique faufie. 31S. TABLE FruUTius. Son fentiinent fur le Jetine. 164. See. 4,48. &c. Seion lui il eft permis de fuivre l’opinion la moins fure 8c la-moms probable. z 6 g. G. G Ekberox. Supplement a ce qui manque dans foa Hiftoire du Jaufenisme. ioj 8cc. Grace. Si elle eft donnee a tous. 141. 8cc. Si elle eft efficace par elle-meme. 143. La grace de prier , fe¬ lon Mr. le Moyne,eft une grace fuffifente; & celle d’ac¬ tion, une grace efficace. 157. Cette opinion eft refure'e par 1 ’ApoIogi.e pour les SS. Peres. 158. C’eft uue here-., lie, felon ies nouveauxThomiftes,de nier la neceffite de : > la grace efficace pour prier 8c pour agir. 148. 168. &c. Ce que c’eft, felon les memes, que la grace fuffi- lante, 162-182. Montalte la rejette par une cornpa- raifon familiere. 167. 178. Ce que c’eft, felon les |e'- fuites, que la grace fuffifante. 162. 178. Ce que c’eft, lelon les memes, que la grace aftuelle. 203. Ils pretdu- dent qu’elle ne manque a peifonne. 230. Zele des Tho- miftes pour la grace efficace. 173—176. La doftrine des Jefuites touchant la grace, vient du telachement de leur Morale. 261. Pout quelles vertus leur grace fuffifante fuffir. Ibid. GutMENics (Amede'us.) Nom fous lequel fe cache le P. le Moyne: Son carafteie,8c un de fes Ouvragcs. 112. n.m H ABErT. V. Cornet. Haluer, V. Cornet. 8c Pag. 20J. Note. HERBTiqtJES. Ils blament la Morale des Cafuiftes. 234. &c. Quel eft en cela leur delfein. 242. Ils font comparez par St. Auguftin aux chiens qui lechoient les plaies de Lazare. 236. C’eft le propre des Heretiques de defendre l’erreur avec opiniatrete, 8c il n’appartienf qu’aux Catholiques de la condamner jufques dans leurs freres. 241. 8cc. Leur herefie leur paroit probable. 286. Z 9 o. 302. 8cc. 3SS. 362. Erard Bille foutient qu’ils ne pechent point en y demeuiant tant qu’elle lent paroit telle. 3jj. DES MAf IEKiS. I. J AnsEnistss. Ils font he'retiques, parce qu’ils neveu- lent pas fe fervir du terme de pouvoir prochain. ijo. ni de celui de grace ficffifante au fens des Moliniftes. TfiS- &c. II n’y a qu’eux qui ne le brouillent ni avec la Eoini avec la Raifon, 168. Etranges imprellions que les Jeluites donnent d’eux. 186. Us leui attribuent d’en- feigner que l’lgnorance invincible eft peche. 223. &c. JesmiES. Lent conduite a l'egard des Thomiftes , i qui Us fe joignent. 164 lls fetont pafler quand ils vou- dront leut opinion pour infoutenable. Ibid. Us les ac- cufent de Calvinisme. 174. 181 lls traitent ainfi ceux qui leur font oppofez. 245. 11s vivent au jour la jour- nee. 193. 199. Us enfeignent moins la Foi que la Ca- lomnie dans leur Catechisme. 199. Leur mafcarade cou- tre la grace efficace. Ibid. Leur tragedie fur Janfenius. 200. Leur Almanac contre les Janfeniftes. ibid. Les Enluminures de cet Almanac. 201. Ce que c’eft felon eux que la grace aiftuelle. 203. Us pre'tendent qu'ellc ne manque a perfonne. 224 Et qu’on ne peche point ft l’on n’eft averti de la malice du peche. 203. 11s font condamnez pour cela par les Facultez de Paris & de Lou¬ vain. 240. lls fe plaignent de ce que Montalte leur fait les memes reproches que les Heretiques font a l’Eglife. 234. &c. Reponfe a cette plainte. 236. 242. La corrup¬ tion de leur Morale les a rendus plus odieux que toutes les pretendues calomnies de leurs Ennemis. 239. Leur credit a Rome fait differer la condamnation de leurs re- iachemens 24;. lls fe plaignent que Montalte leur at- tribue ce qu’ilsonttire desautres. 244. Leur peud'exac- titude dans les citations l’aens peche derapporterlenom des Auteurs qu’i’s citent. 246. lls fe plaignent qu’ilprend de certains termes dans drfferens endroits d’un meme Auteur, & qu'il les raffemble pour n’en faire qu’unpaf- fage. 250. Qu’il a ornis des circonftances. 2sr. Eloge des Jefuites. 254. &c. l’ourquoi ils ont quelques-Cafuiftes feveres. 256. &c. lls n’impriment rien fans lapermiffion de leurs Superieurs. 256. Us croienr qu’il eft du biende la Religion qu’ils gouvernent toutes les confciences. 237. Us s’accommodfent aux inclinations de cbacun. Ibid. Ils cachent le Myftere de la Croix aux lndes 5 : a la Chine, oit ils permettent des cultes idolatres. 239. Us fe font sdpaadns par tonte la Teneala faveur des Opinions Pro¬ bables table babies. 260. Sec. Cette doctrine de la Probability eft la fource de toute la corruption de leur Morale 233. Leurs chicanes fur cetre matiere. i-t 6 . Ce que e’eft ielon eux qu’une raifon qui'n’eft point appuy c e fur des fopiiismes. 289. Ce que e’eft que le jugement ferme qui elt ne'cef- faire pour rendre une Opinion probabl . 29:. Ce que e’eft qu’une raifon confiderable 8c lolide 292 Ce que e’eft qu’un homme docle. 293. See. ■ ils permettent de preferer i’opinion !a moins probable 8c la moins lure A la plus probable 8c a la plus lure. 372. J eune. Selon les Cafuiftes, ceJui quinepeur dormii s’il n’a loupe, n’eft point oblige de ieuner. 263. 8cc. Ni celui qui a que ques heures moins de vingt 8c un an. 264. Ni celui qui s’eft fatigue a quelque chofe d’illici- te. 264. 448- Sec. y. Efcobar , Fitiuims Tout ce qui eft Boiffon ne rompt point .e jeune. 264. Ignorance. Si on en croit les Jefuites , elle juftifie plus de pecheurs que la Grace Sc les Sacremens. 206. Les Julies pechent quelquefois par ignorance. 214. See. Com¬ ment l'ignorance du Droit Natutel n’excufe pas de pe'- che- 223. Comment celle du Droit Pofitif en peut ex- culer. 370. Imago I. StculL SocUmis Jeftt. Quel Livre e’eft. 254. Note. Justes. Ils pechent quelquefois par ignorance. 213 , 8c c. U L atman. Il enfeigne qu’un Caluifte peut repondre felon une opinion probable qu’il croit certainement faulfe. 403. See. Lamy ( le T. ) V. Caremuel. Launoy. (Mr. de ) Une des nullitez fur Jaquelle il inftfte le plus dans 1 ’examen qu’il fait de la Cenfure de Sorbonue contre Mr. Arnauld. 138. Note. Ouvrage cu« fieux de fa fapon. isj. Note. LeSSius. Il difpenfe de reftitner ce qu’on a re^upouc une mauvaife aftion , quand I'aftiou eft faite. 247. l( permet aux Eccleftaftiqnes 8c aux fteligieux de tuer uu Voleur. 2J3. 11 fallifie St. Thomas. 247. Lettres PrOvinci ales. L’hiftoire de ces Lettres. i. &c. Leut eloge. 182. 8cc. On les jufttfie contre les plaintes generates des jeluites. 233 8 cc Quelle plate elles ont faite a la Soeiete 238. Son unique but a ete de decouvrir les relacheraens des Cafuiftes, 242, 8cc. Ib> DES M J TIERES. LezzaNa. Ce Cafuifte confeille l’aironement a as filles. 309. Loi NATUMLLE. Les Hommes doivent regler far dies routes lcurs aftions. 298. 11 n’y a prefque aucurj point de cette Loi qui n’ait ete rejette' par des Nations cntieres. Ibid. 8cc 11 y en a toujours qui font obfcurs ou incertains, roeme aux gens de bien. 300. I.ouvain. Cette Faculte cenfure l’opinion de Baany touchant les bonnes penlees toujours prefentes. 222. See. Elle rejette de meme prefque routes les opinions des au- ties Cafuiftes. 240, M. M Ilhard. Particnlaritez a fon fujet. 369. Note. Mostalie. Deux evenemens qui confirment l’approbation qu’on a donnee a fes Lettres. 112. 8cc. Molina La Congregation de Auxiliis a condamne foixante de fes Proportions. 182 Molinistes. Ils ne s’accordent que dans le deflefn de perdre Mr. Arnauld. 145. Les plus habiles d’entre eux font ceux qui intriguent beaucoup, qui patient peu, & qui n’ecrisent point. 194. Montalte, V. Lettres Provinciates. Moyne. ( Mr le) Paiticularitez a fon fujet. 147. No¬ te. Il eft a la fete du parti des Moiiniftes contre Mr. Arnauld. 147. Fourquoi il eft fon ennemi, 158. Ca qu’il entend par P oievoir Prochain. 147. Il donne a tout le monde une grace de priere. 148. IS7. Son opinion eft meprife'e. 157. Il fe declare contre Janfenius qu’il n’a- voir jamais lu, non plus que St. Auguftin. IS 7 . Ses dip- tindfions. 161. ll d;t que la Propolition cenfuree n’eft hsre'tique que dans Mr. Arnauld. 196. Son fentinienS fur les pechez d’ignorance. 206. Moya. V. Guimenius. N, ■%.'Jlcoi/.i (Mr.) Particnlaritez a fon fujet. 147. Noted .LN H abandonne ladodtrine de fon Ordre. 156. 180. Nicole, (le P.) Paiticularitez touchant fa Traduftioia Eatine des Lettres de Montalte , & fon changement de nom. 3. 8c 4. Note. Attaque il fe defend. 101. Note. Auteuz des Notts Thtrni/liques, is 6 , Note, TABLE O. O ccasions de pecker. On n’eft pas oblige fe¬ lon les Caliiiftcs de les eviter, s’il en doit arrivet quelque dommage. 26y. 427. &c. 11 eft meme permit de les rechercher. 265. Opinion. Ce que c’eft. 378. 384. &c. P. OAint Paui. II s’appelle le pre'mier des pe'cheurs pout O un peche commis par ignorance. 212. 22s. Pelagianisme. 11 eft; renouvelle par l’Apologiftedes Cafuiftes. 232. Peres. fSS.) Le peu de refpeft que les Jefuites ont pour eux. 442. &c. Les Cafuiftes ne les citent prefque jamais. 445. On montre par les SS. Peres qu’une opi¬ nion contraire a la Loi ererrielle n’excufe point de pe'- che 323. See, Quelle eft leur cramte quand la Ve'tite ne leur fait pas cOnnoitre parfaitement comment ils doi- Vent agir. jsr. Petau. (le P.) Son cloge, & particularitez a fonfu- jet 258. Note. Petit, f Pierre le) Particularitez touchant ce Libtai- re, qui avoit imprime les Lettres Provinciales, avec une ancre dont le fecret eft perdu avec lui. 14- Note. PAtitdidier. Son Apologie des Lettres Provincia- les. 117. PEfxus AuREHUS. V. Cafuiftes. P6nce. U permet de rechercher les occafions de pe- cher. 26 s. PouvOir pkOChain. Pourquoi ce terme a ets inven- te. 14s 154 Ce dju’il lignifie felon >es difciples de Mr. le Moyne. 147. Er felon les nouveaux Thomiftes. 148. 154 Les Janfeniftes font he'retiques , parce qu’ils ne veulent pas s’en fervir- 150. II faut le prononcer pour etre Catholique. iji &c. On petit l'admettre au fens des Thomiftes. isj. Mr le Moyne & le P. Nicolai con- viennenf entr’eux de ne le (amais expliquer. 151. On n’en parle plus apres la Cenfure. 155. Si le pouvoir d’ac- complir les cotomandemens manque quelquefois aux Julies T44. PSoBABuni’. Elle eft la fource de toute la corrup- tion de la Morale des Cafuiftes. 233. Les Jefuites s’ap- pliquent particulierement a en cachet le venin aux Sim¬ ples', DES MATIEE.ES. pies. 187. 8cc. C’eft a fa faveur que la Societe s*eft te- pandue par toute la teixe. 260 En quoi elle confifte. 267. istc. Chicanes des Jefuites fur ceia. 276. See Les opinions probab'es viennent des renebres de 1 elprit hu- luain. 27s. lln’y en a point de teiles a I’egard de Dieu. 278. 11 n’v en a meme aucune qui ioit telle a l’e ;axd de tout le moude 281 Ce qui fuffit felon les Laluiftes pour xendte une opinion probable. 281. il y en a autant de fauftes que de vraies. 282. Les faulfes ne lont appuyees que fur des fophifmes. 289. En quel (ens il faut enten¬ dre ce que difeutles Caluiftes, qu’elles ne doivent point £tre oppofees a la Railon evidente ou a l’autorite de 1 ’Ecriture 297. See. Cette oppofition ne les rend pas improbables. 303. 8cc Deux probabilitez, Tune intrin- leque, Sc l’autre extrifeque. 313. L’autorite d’un teul Dofteur fulfit pour la derniere. 307. Confequences de ce principe. 310 See. Precis de la do&rine des Caiuif- tes fur la Probabilite. 311. Premier dogme de cette doc¬ trine: Que toute opinion probable, meme fauffe Sc con* traire a la Loi eternelle, eft neanmoinsfure dans la pra¬ tique. Ibid. On en demontre la fauffete par St. Thomas. 3x5. See, Par l’Ecrirure Sc les Peres. 320. 8cc. Par des Argumens Theologiques. 331. 8cc. Par ce Principe : Que l’ignorance du Droit Naturel n’excufe point de peche. 336. On fait voirqu’il n’eft appuye fur aucun fondement folide , qu’on ne peut le fuivre fans imprudence , Sc qu’ou l’attaque direftement dans fon principe. 339. On le mine par fes confequences. 347. 8 cc. On fait voir qu’en le recevant tout devient permis. 353. Que toute Religion eft indifferente. 3ss. 8cc. Que les crimes les plus honteux ne le font plus. 3 S 3 - Si une opinion fauf- te dans le droit pofitif excule de peche. 3 65. See. Se¬ cond dogme de la doftrine de la Probabilite : Que de deux opinions contraires il eft permis d’embraffer la moins probable Sc la moins fure. 268. See. Refutation de ce dogme. 370. See Par Ciceron. 375. Que dans une egale probabilite l’efprit ne donne aucun confentement. 379. Que dans une inegale il donne fon confentement a une des propofitions , Sc rejette l’autre. 392. Les Je- fuites obligent un Confeffeur fous peine de peche mortel a abfoudre un Penitent qui fuit une opinion probable. 271. 421. 8cc> lls permettent a un Theologien de don- net confeil felon une opinion probable qu’il croit certai- nement fauffe. 404. Hors dans un cas. 411. Ilsveulent que l’autorite d’une opinion ne detoge point a l’autte. Time l. G g Pao- TABLE Procession faite a Macon. 153. Note. R. R Abutin. fie Comte de Bully de) Les Jefuites ven- lent lui fournir des Memoires pour tefutei les Let- tres Piovinciales. 118. Raynauid. (Theophile) Particulaiitez a Ion fujet. iti. Note. Reginaldus. Son peu de relpeft pour les SS. Petes. 272. 442. Restitution. Lellius en difpenfc ceux qui ont reju de l’argent pout une aftion ciimineUe. 247. Diana lur Jes Beneficieis qui ont fait un mauvais ufage deleuts te- venus 272. Bauny fur les Incendiaiies. 434. Ripalda. 11 avoue que les Jefuites ont accufe pat pure recrimination les Thomiftes d’etre Calviniftcs. 1S1. Et que la Congregation de Auxiliis a condamne do. pro- petitions de Molina. 182. S. S Abie. Tourquoi on s’en fert. 166. Note. Sacy. (Mi. le Maiftre de) Ses enluminutesdel’Al¬ manac des Jefuites. 194. 201. Note. Sanchez. (Thomas) 11 cite faulfement St. Thomas lire la Probability. 249. II enfeigne que l’autotite d’un feul Dofteor rend une opinion probable. 267. Qu’un In- fidele n’eft point oblige a quiter fa fcfte tant qu’elle lui paroit probable. 355. &c. Qu’un Dofteur peut repon- dre tantot felon une opinion, & tantot felon une autre. 412. Sancius. (Jean) II a ecrit de la Morale d’une ma- triere tout-a-fait corrompue 426 &c. 11 cite les Cafuif- tes qui difent qu’on eft oblige d’abfoudre un Penitent qui a fuivi une opinion probable. 421. Savant. Ce qui rend un Homme favant. 431. Seguif.r. (le Chancellor) Particulaiitez a ton fujet. ISO. Note. Sirmond. (Jaqjjes) Qu’on doit diftinguer toine. 2 3 S. Note. Jokkonne. Difputes de Soibonne fur Ja propofition de. Mr. Arnauld. 137. 8tc. V. ^irnauld. Qu’il eft indigne d’elle d'uferde mots equivoques & captieux fans les expliquer. iji. Que fa cenlurc contre Mr. Arnauld la rend moins conlideiable, ij 3. Le Sable de Soibon- ne. desmatieb.es. ne. 1S1S. I80. 195. Elle condamne l’opimon de Banny touchant les bonnes penfees toujours pielentes ziz. Et cdle de Milhard touchant 1 ’argent offe't comme motif pour obtenir un Benefice. 369. La premiere de ces Con¬ jures eft long-tems fupptimee par le credit des jeluites. Z 4 °. Sorbonnique. (La) Ce que c’eft. 143. Note. T. T Ambourtn. Ildit que la probabilite la plus min¬ ce met en furete de confidence. 184. II propole aux autres comme probable & fare une opinion qu’il croic fauffe. 306. Sa doftrine fur la Probabilite. 313. &c. Ce que c’eft que Doute felon lui. 381. &c TAnnfrus. II croit qu’on peut tuer le Juge 8c lesTe- moins qui confpirent notre mort. 308. Thomas. (St.) Cite fauflement par Lefiius fiur la Ref- titution. 247. Far Sanchez fiur la Probabilite. 249. Par les Jefuites fur la pluralite' des Benefices. 319. Son fen- timent furce fujet. 316. Sur ce qui eft contre la Lot. Ibid. &C. ThomiSTes. Qui font les nouveaux Thomiftes. 147,, Reur fentiment fur le pouvoir prochain 148 &c. .is font difcipies d’Alvarez , admettant la grace fuffilante a laquelle on ne confent jamais fans le fecours de i’eiSca- ce. 16! 8tc. 177. 11s /accordent avec les Jeluites dans le terme, 8c avec les Janfeniftes dans le dogme 163 See. Hs font les feuls qui donnent cette idee au terme de fuffiftnt. 169. 17J. On les teprend d’abandonner fa gra¬ ce vidorieufe. 17s. Les Jefuites les font puffier pourCal- viniftes. 174- ISi. Tkagedie que les Jefuites font reprefenter. 193. Nett. V. V AlentiA. II croit qu’il eft permis 'd’offrir de l’ar- gent pour un Benefice. 369. VAsquEZ. 11 eft un des quatre Animaux. 2S3. I! eft appelle par Diana le Phenix des Efprsts. 274 11 elude cette maxime, Que dans le doute il faut choifir le plus fur. 377. 11 dit que l’elprit peut tout a la fois donner Sc refufer fon conlentement a deux propolitions conttadic- toircs. 383 Cg 2 V*. TABLE DES MATIUES. Verite’. Toute Verite eft evidente en elle-meme, guoiqu’elle ne le foit pas par rapport aux hommes 298, Tout jugement contraire a la Verite Eternclle eft im¬ prudence. 340. Elic leule delivre du peche. 371. 396. Ce qu’il faut faire quand on ne la connoit pas claire- ment. 396 &c. Fin de la Table du Tome I. . . y,y . <',!><,■.' -- ■ ' v .1 / . ■ - - ■ ' v ■ : V . v. • - <■*?’ Pift * MkW 5- -.tv ; > : ■ y •t,v; ", -'''.i yj , : .' ' fv. /. ■ ' ' / '’is , ? , ^ . -v - ' ■ , ;, 0 m ‘~i : . v . . .. • . ' - ’ ' . r~ - '■ i • ■ s V ■■ - ?) ., - > - A - $ * ! v. ' ; ■ f • V •/ - \ , If , ' r - . . - ' • • ■ K ■ W ■ 1 - " •' V * /■ • ' t \ . f ; - /: - ' ' > V ■ ~ ? }: ,, \ N* ' ' ■ \ W ‘ -/' n , - - '■ ' ■ ■ V , - • > ' ■ - ■ ■, : r ■ \ V ' v i ■ , ; , ' N ' - ■ v- .. /.-'•: \ :■ -- - V . ■lAf.:-."?'-' - V- -.VJ.' , ' M - ■ V&* . . . ■ ■ ■ > ; ’ ■ ^ ■■ L: / ■' v~,. % "Kk^ , I- , 7 , ' ' . ’ . , . . . i! %■ r ■> i > .. ■ * V '• *.y Vi*afei ■ „. : " v . ' ■ ; . : .. ' • , , s - .. ' . •' ■ ■ - W.K 1 K ■: : . a ./ ! -■ -v£, • ' ' i ■ : V* - v. I ' H ' ' " 1 ' ' ’ S;^ .\;v ^ .; . / ' ; / ■ ; a*sr ' ' \ ■ :'fs-’l'p;-**'- . a >a ■ '■ : 1 ^ : a . v> ; a': a\ 'a t - > : • 'V'' ' : V , : . - ■ - mi .. ' % a m,