89 Sabine Bastian* UDK 81'42:82-311.6(44+430)''1914/1918'' Université de Leipzig DOI: 10.4312/linguistica.58.1.89-102 Thomas Sähn** Université Paris Diderot – Paris 7 PARLER DE LA GUERRE : DIALOGUES DANS LES ROMANS DE LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE 1. INTRODUCTION Lorsque les frères Goncourt critiquaient en 1864 dans la préface de leur roman Ger- minie Lacerteux « l’interdit littéraire et [l]es dédains d’auteurs » face à des classes jugées « indignes, des malheurs trop bas, des drames trop mal embouchés, des catas- trophes d’une terreur trop peu noble » (Goncourt 1864), ils ne s’attendaient certaine- ment pas à ce que cinquante ans plus tard émerge partout en Europe une littérature mettant en scène dans toute sa brutalité et sa cruauté ce massacre que fut la Première Guerre mondiale. Deux romans sont devenus emblématiques de la guerre des tran- chées : Le Feu (1916) d’Henri Barbusse, auquel l’Académie Goncourt attribua son prix en 1916, et Im Westen nichts Neues (A l’ouest rien de nouveau) (1929) d’Erich Maria Remarque qui, suite à son adaptation cinématographique par Lewis Milestone, connut non seulement un énorme succès en Allemagne mais également une renom- mée internationale. Si, dans un souci de vraisemblance, les deux auteurs ont cher- ché à donner la parole à ces soldats universels qui, dans un monde rythmé par les combats, essayent tant bien que mal de survivre, nous devons nous interroger sur la démarche des deux écrivains, soucieux de concilier ce besoin de faire vrai et les exigences esthétiques propres au genre romanesque. Car n’oublions pas que lorsque ce dernier s’impose au XIX e siècle comme genre littéraire majeur, l’imitation de dialogues mêlant argots, parlers populaire et dialectal risque de se heurter au prestige attribué à ce genre « par lequel la bourgeoisie [a] prouv[é] son accession à la culture » (Rouayrenc 1988 : 16). En comparant dans un premier temps la démarche des deux auteurs et en élargissant ensuite notre analyse aux traductions respectives des deux œuvres 1 , nous serons enfin en mesure de mettre en relief des universalismes dans ces démarches, mais aussi des divergences qui semblent s’expliquer par des différences langagières et culturelles plutôt que par un style propre à l’auteur. * sbastian@uni-leipzig.de ** tsahn@eila.univ-paris-diderot.fr 1 La traduction de Le Feu (Das Feuer) a été faite en 1918 par Leo von Meyenbourg, alors que celle de Im Westen nichts Neues (À l’ouest, rien de nouveau) a été faite en 1929 par Alzir Hella et Olivier Bournac. Linguistica_2018_FINAL_2.indd 89 13.3.2019 13:40:34 90 2. LE ROMAN ENTRE EN GUERRE Au fil du XIX e siècle, le roman commence en effet à accorder « de plus en plus de place à la diversité sociale des figures romanesques » (Meizoz 2001 : 16-17), si bien que dans un souci de vraisemblance leurs parlers deviennent aussi visibles sur le plan formel en cherchant à intégrer un parler non standard dans l’écriture romanesque. Dans une société où les classes rejetées ou ignorées par la couche sociale dominante com- mencent à monter sur la scène politique, un nombre croissant de romanciers cherchent effectivement à la fois des moyens de parler de ces classes et de leur donner la parole à l’intérieur de leurs œuvres. Représenter dans l’univers romanesque toutes les strati- fications de la langue devient rapidement non seulement un besoin mais une nécessité afin de permettre au roman, comme le notait Bakhtine, d’« orchestre[r] tous ses thèmes, tout son univers signifiant, représenté et exprimé » (Bakhtine 1978 : 88-89). Après les premiers emplois des parlers populaires et des argots des « bas-fonds et des ‘classes dangereuses’, celles-là même qui fascinèrent tant le bourgeois jusqu’à la moitié du XX e siècle » (Merle 2005 : 9), c’est dans un souci de représenter la Grande Guerre que suite à la Première Guerre mondiale l’un des argots « les plus exploités est celui du parler militaire » (François 1975 : 22). L’imitation de l’argot et des parlers populaires dans la littérature représente ainsi rarement un simple moyen de communication entre initiés, comme pourrait l’être par exemple une littérature dialectale, mais est chargée de diffé- rentes fonctions, d’un effet d’oralité à une fonction ludique, en passant par une fonction expressive et, avant tout, une fonction identitaire ou emblématique. Du simple emploi d’un lexique argotique plus ou moins propre à un groupe socioprofessionnel à une véritable illusion d’un parler argotique/populaire, l’argot sert en effet à renvoyer avant tout à l’appartenance spécifique prétendue ou réelle des personnages, voire à celle du narrateur dont le discours a été et est, à tort, souvent encore aujourd’hui, associé à celui de l’auteur. Étant donné l’engagement massif des Français et des Allemands et compte tenu de la médiatisation extraordinaire de la Première Guerre mondiale, l’auteur devait effectivement s’assurer de la vraisemblance de son roman non seulement pour d’éven- tuels intérêts stylistiques mais aussi pour la simple raison qu’un doute sur ses connais- sances du monde des tranchées aurait pu conduire à remettre en question l’autorité du narrateur/de l’auteur en tant que témoin crédible des horreurs de la Grande Guerre et ainsi la critique pacifiste que nous retrouvons dans les deux œuvres. Il est ainsi peu étonnant de rencontrer dans les deux romans un nombre considérable de formes argotiques. Cependant une analyse plus approfondie montre que, malgré une guerre si désastreuse qu’elle « entraîn[a] la contestation des valeurs bourgeoises » (Rouayrenc 1988 : 19) et malgré les différences entre les langues française et allemande, nous pouvons constater de grandes similitudes dans leur démarche cherchant à imiter un parler argotique/populaire. Comparons deux extraits afin de mieux illustrer nos propos : Ex. A1 : Henri Barbusse, Le feu. Veux -tu mon opinion ? Quoique je ne m’y connais pas en livres, c’est courageux, ça, parce que ça s’fait pas, et ce sera très chic si tu l’oses, mais t’auras de la peine au dernier moment, t’es trop poli ! […] (Barbusse 1965 : 192) Linguistica_2018_FINAL_2.indd 90 13.3.2019 13:40:34 91 Ex. B1 : Erich Maria Remarque, Im Westen nichts Neues. Er lehnt ab. „Wenn wir jedem Morphium geben wollten , müssten wir Fässer voll haben -“ „Du bedienst wohl nur Offiziere“, sagt Kropp gehässig. Rasch lege ich mich ins Mittel und gebe dem Sanitäter zunächst mal eine Ziga- rette. Er nimmt sie. Dann frage ich: „Darfst du denn überhaupt eine machen?“ Er ist beleidigt. „Wenn ihr’s nicht glaubt, was fragt ihr mich –“ (Remarque 1928 : 22sq.) Afin de rendre la démarche des auteurs visible, nous avons mis en gras toute varia- tion susceptible de marquer un parler non-standard. Parmi ces « marqueurs », nous pou- vons distinguer ceux qui s’attaquent directement à la structure (syntaxe, orthographe, grammaire) et ceux qui remplacent simplement un terme standard par un terme issu du lexique argotique/populaire. Pour l’extrait français, nous pouvons lister les premiers, que nous appelons d’après les travaux de Catherine Rouayrenc (1988, 1994) marqueurs morphosyntaxiques et phonétiques, comme suit : • le détachement d’un groupe nominal, une fois anticipé : « je ne m’y connais pas en livres », une fois repris : « c’est courageux, ça », • l’omission de l’élément atone de la négation et du e-caduc : « ça s’fait pas » • le développement d’allomorphes : « tu » se réalise « t’ » devant voyelle : « t’es trop poli » Et pour l’extrait allemand : • la réduction phonétique « ihr’s ». Nous pouvons constater que, parmi ces marqueurs, certains appartiennent incon- testablement à un parler populaire, du moins selon la perception de l’époque, comme l’anticipation d’un élément détaché par le pronom « y », alors que d’autres, comme la réduction phonétique « ihr’s » ou la réalisation de la transcription d’allomorphes fran- çais, sont à peine remarqués lors d’un véritable échange oral. Cette démarche commune aux deux auteurs consiste donc moins à établir un véritable parler argotique/populaire dans le texte qu’à signaler le niveau de langue des locuteurs à travers la transgression de la norme du français écrit. Ainsi, les marqueurs lexicaux, comme le terme « chic » dans l’extrait de Le Feu dénotent forcément une transgression moindre puisqu’ils ne s’attaquent nullement à la structure codée de la langue. Cependant, leur effet dépend nécessairement du cotexte d’une œuvre. Comme l’illustrent ces deux exemples, le roman allemand contient beaucoup moins de marqueurs argotiques/populaires que le texte français. De ce fait, de simples éléments langagiers employés habituellement dans un discours de proximité (cf. Koch/Oesterreicher 1985) et soulignés dans notre extrait sont, dans un cotexte conforme à la norme, tout à fait susceptibles de marquer un par- ler non-standard. Nous nous pencherons de nouveau sur cette différence concernant l’imitation des parlers des soldats dans les deux parties suivantes. Pour l’instant, nous devons une fois de plus mettre en relief cette démarche qui nous semble dorénavant Linguistica_2018_FINAL_2.indd 91 13.3.2019 13:40:34 92 universelle et qui s’appuie sur un code plutôt que sur une véritable recherche de l’imi- tation d’un parler argotique/populaire. En effet, non seulement les marqueurs employés ne correspondent pas forcément à des variations argotiques/populaires, mais ils peuvent aussi se retrouver à côté de variations appartenant sans aucun doute à une forme sou- tenue de la langue. Nous rencontrons de tels éléments langagier, en majuscules dans les deux extraits, à la fois chez Barbusse (l’inversion du sujet et du verbe : « veux-tu » afin d’exprimer une question, le choix d’un lexique plus soutenu : « opinion » au lieu d’ « avis », la présence de l’élément atone de la négation : « je ne m’y connais pas ») et chez Remarque (emploi de la forme soutenue du Konjunktiv II). Ainsi, force est de constater que le conflit fondamental de l’œuvre romanesque entre exigence esthétique et souci de vraisemblance conduit à insérer des marqueurs argotiques/populaires deve- nus code sur une écriture conforme à la norme, voire soutenue, comme le note Cathe- rine Rouayranc à propos du roman français autour de 1900 (cf. : Rouayrenc 1988). Nous pouvons maintenant ajouter que cette démarche ne se limite pas seulement au roman français mais que nous rencontrons le même procédé en Allemagne. Cette uni- versalité a cependant certaines limites. Le roman de Barbusse se distingue en effet du roman allemand par une écriture au sein de laquelle la quantité de marqueurs et leur qualité au niveau de la connotation argotique/populaire sont beaucoup plus élevées. Afin de mieux expliquer ces différences, il nous semble utile de nous pencher sur les traductions de ces deux romans en français et en allemand. 3. D’UNE LANGUE A L’AUTRE En raison des différences entre les langues, il est évident que la traduction ne mènera jamais à un texte identique au texte source (cf. : Reiß/Vermeer 1991 : 125). S’il y a toujours variance non seulement au niveau de la langue (Schreiber 1993 : 24sq.) mais aussi au niveau de la culture des récepteurs cibles (Nord 2009 : 26-27), le translat comme produit d’une traduction doit cependant garder certains aspects du texte source afin d’être considéré comme traduction (Schreiber 1993 : 29sq.). Notons tout d’abord que concer- nant ces invariances, chaque approche de traductologie formule ses propres attentes allant de l’intention de l’auteur jusqu’à la valeur esthétique d’une œuvre, avec une préférence pour la signification dans une approche philologique et pour les fonctions d’un texte dans une approche fonctionnaliste (cf. : ibid. : 31sq.). Or, compte tenu des normes actuelles de la traduction des œuvres romanesques, le texte cible doit toujours chercher une cer - taine invariance au niveau du contenu (cf. : Albrecht 1998 : 84sq. ; Schreiber 1993 : 78, 2006 : 38sq. ; Stolze 2002). Suite à notre première analyse contrastive des deux romans, il semble cependant primordial pour la traduction des dialogues imitant un parler des sol- dats de garder invariante la fonction emblématique d’un tel parler étant donnée l’impor - tance que les deux romans semblent accorder à cet aspect. Certes, nous avons déjà vu qu’il y avait équivalence au niveau de la démarche par laquelle ils étaient introduits dans le texte, mais que les marqueurs argotiques/populaires allemands et français se distin- guaient par leur quantité, leur qualité et bien évidement par leur nature. Si une traduction peut de ce fait suivre la même démarche dans les deux langues, elle mènera cependant souvent à une transposition comme l’illustrent les exemples suivants : Linguistica_2018_FINAL_2.indd 92 13.3.2019 13:40:34 93 Ex. A2 : Henri Barbusse, Le feu. Paradis a soulevé les couvercles des bouteillons et inspecté les récipients : • Des fayots à l’huile, de la dure, bouillie, et du jus. C’est tout. • Nom de Dieu ! Et du pinard ? braille Tulacque. Il ameute les camarades : • V’nez voir par ici, eh, vous autres ! Ça, ça, dépasse tout ! V’là qu’on s’bombe de pinard ! Les assoiffés accourent en grimaçant, • Ah ! Merde alors ! s’écrient ces hommes désillusionnés jusqu’au fond de leurs entrailles. • Et ça, qu’est-ce qu’y a dans c’s’siau-là ? dit l’homme de corvée, toujours rouge et suant, en montrant du pied un seau. • Oui, dit Paradis. Je m’ai trompé, y a du pinard. • C’t’ emmanché-là ! fait l’homme de corvée en haussant les épaules et en lui lançant un regard d’indicible mépris. (Barbusse 1965 : 44sq.) Ex. A2 : Traduction Paradis hat die Deckel der Kannen gelüftet und den Inhalt untersucht: • Ölbohnen, gekochtes Leder und Schlamm; das ist alles. • Gottverdammich! Und wo bleibt der Wein? brüllt Tulacque und trommelt die Kameraden zusammen. • Da schaut her! So was geht über's Bohnenlied! Nicht mal Wein haben sie gebracht. Sie laufen alle zusammen und schneiden lange Gesichter; denn ihre Gaumen sind ausgetrocknet. • Scheissbande! rufen die Leute, tief bis in die Eingeweide hinein enttäuscht. • Und da drinnen, was hat's da drinn? meint einer der Träger, noch immer krebsrot und nass vom Schweiss, und deutet mit dem Fuss auf eine Kanne. • Ja so, sagt Paradis, ich habe mich getäuscht, also doch Wein. Drauf zuckt der Träger mit den Achseln und wirft ihm einen Blick grenzenloser Verachtung zu […]. (Meyenbourg (trad.) 1918) Sans nécessairement parler allemand, nous pouvons encore une fois constater que Le Feu se distingue de la traduction allemande à la fois par une quantité de marqueurs considérablement plus élevée et par une transgression plus importante de la norme écrite. Dans le texte original, nombreux sont en effet les marqueurs à connotation argo- tique/populaire que nous avons mis en gras afin de les rendre plus visibles. Une fois de plus, notre extrait illustre la richesse des marqueurs morphosyntaxiques et phonétiques dans Le Feu : • syncopes : « v’nez », « s’bombe », « c’s’siau », « C’t’ » • emploi fréquent du pronom « ça » considéré comme populaire à l’époque • omission du pronom impersonnel « il » : « qu’y a » , « y a » • emploi du verbe de modalité avoir au lieu d’être : m’ai trompé Linguistica_2018_FINAL_2.indd 93 13.3.2019 13:40:34 94 La traduction allemande ne compte au total que quatre marqueurs transgressant l’orthographe normée : • deux réductions phonétiques : « über’s » (‘über das’), « hat’s » (‘hat es’, tournure familère de ‘gibt es’ (‘il y a’)) • deux assimilations : ‚darin‘ devenant « da drinn » ou « da drinnen ». Nous pouvons faire le même constat au niveau lexical. Barbusse a introduit un grand nombre de termes appartenant au français populaire, au français dit ‘vulgaire’ ou à l’argot des soldats 2 : • « bouteillon » : marmite métallique aplatie et cintrée dont le couvercle peut servir d’assiette, utilisée par les soldats en campagne ou en manœuvre depuis la Première Guerre mondiale, puis par les campeurs • « fayots » : argot entré dans le langage courant : légumes en général, haricots, lentilles ou fèves • « de la dure » : viande trop dure • « pinard » : vin de qualité inférieure ou de consommation courante, générale- ment chargé en couleur et en tanin • « se bomber de pinard » : s’en priver, s’en passer • « Merde alors » : exprime la déception, le dépit • « emmanché » : personne abrutie ou imbécile. La traduction allemande ne contient une fois de plus que quatre marqueurs lexi- caux représentant indiscutablement une transgression de la norme comparable aux mar- queurs lexicaux du texte français : • « gekochtes Leder » signifiant littéralement ‘du cuir bouilli’, équivalent donc au niveau de la connotation et plutôt proche au niveau de la signification du terme francais « de la dure » • « Gottverdammich », création lexicale de ‘Gott verdamme mich’, signifiant ‘que Dieu me maudisse’, plus marqué au niveau de la connotation que l’exclamation familière « nom de Dieu » du texte original • « schneiden lange Gesichter », expression populaire signifiant à l’époque ‘faire des grimaces’, traduction de « en grimaçant », terme tout à fait standard et donc transposition afin de garder une connotation ‘populaire’ dans le texte allemand • « Scheissbande », mot composé du déterminant (« scheiss- », signifiant ‘de merde’) et du déterminé (« -bande », terme familier pour ‘un groupe de gens’) dont la connotation non-standard relève moins d’une transgression des règles normatives de la composition que de la perception du déterminé et, surtout, du déterminant ‘scheiss-’. Suite à cette première analyse, nous pouvons donc constater qu’il est rare que la traduction ait pu garder les mêmes marqueurs au même endroit du texte afin de garder 2 Nous utilisons pour la traduction les dictionnaires présentés dans la bibliographie. Linguistica_2018_FINAL_2.indd 94 13.3.2019 13:40:34 95 sa connotation « argotique/populaire » et que le traducteur a dû passer par des trans- positions. Secondement, cet extrait illustre parfaitement la démarche du traducteur qui emploie beaucoup moins de marqueurs argotiques/populaires en donnant par ailleurs la préférence à des marqueurs appartenant au langage courant, soulignés dans notre extrait. Nous retrouvons donc une démarche proche de celle de Remarque, ce qui est d’autant plus frappant que la traduction s’appuie sur un texte original célèbre pour sa richesse en marqueurs argotiques/populaires (Rouayrenc 1994 : 55). Si nous regardons maintenant de plus près la traduction française du roman alle- mand, nous serons conduits à un constat bien différent, comme l’illustre l’exemple suivant : Ex. B3 : Erich Maria Remarque, Im Westen nichts Neues. Nun gab es gerade am letzten Tage bei uns überraschend viel Langrohr und dicke Brocken, englische Artillerie, die ständig auf unsere Stellung trommelte, ... ‚Diese Nacht gibt es Kattun‘ (…) ‚Die Tommys schießen schon.‘ (…) ‚Es gibt Kattun, sage ich euch, ich spüre es in den Knochen.‘ (…)‚Schlamassel‘, sagt Kat. Es sind kleinere Geschosse; - dazwischen orgeln aber auch die großen Kohlen- kästen, die ganz schweren Brocken durch die Nacht... (…) ‚Es gibt Zunder.‘ (Remarque 1929a : 7-8 ; 40 ; 43-44) Ex. B3 : (Traduction) ..., le dernier jour il y a eu, chez nous, un marmitage exceptionnel; l’artillerie lourde anglaise pilonnait sans arrêt notre position, ... Cette nuit, ça va barder. (…) „Les Tommies tirent déjà.“ (… )„Je vous dis que ça va barder. Je le sens à mes os.“ (…) „ Sale affaire !“ dit Kat. Ce sont des obus de petit calibre. Mais de temps en temps retentit aussi à travers la nuit la voix d’orgue des grandes „caisses à charbon“, des projectiles de l’artillerie lourde qui s’en vont tomber loin derrière nous. (…) „ça va barder“. (Remarque 1929b : 11 ; 45 ; 48-49) Si cet extrait illustre parfaitement l’emploi des marqueurs non-standard dans le roman de Remarque, il est cependant trompeur puisqu’il est effectivement rare de ren- contrer des extraits aussi riches en marqueurs argotiques/populaires. Nous l’avons ce- pendant choisi afin de mieux mettre en relief la différence de traduction d’une imitation d’un parler argotique/populaire chez Meyenbourg et chez Hella/Bournac. Notons tout d’abord que lorsque Remarque enrichit son texte de marqueurs argotiques/populaires, il donne la préférence aux marqueurs lexicaux. Ainsi, nous rencontrons dix marqueurs lexicaux appartenant exclusivement à l’argot des soldats : • « Langrohr » - formule abrégée de ‘Langrohrgeschütz’ utilisée pour ‘arme à long tuyau’ • « Dicke/schwere Brocken » - littéralement ‘gros morceaux‘, proche du terme « marmitage » choisi par le traducteur • « Trommelte » - litt. ‘jouer du tambour ‘, proche de l’expression ‘pilonnait sans arrêt notre position’ choisie par le traducteur Linguistica_2018_FINAL_2.indd 95 13.3.2019 13:40:34 96 • « Es gibt Kattun » - Argot des soldats pour ‘Es wird schweren Beschuss geben’ (‘il y aura des bombardements intenses‘) ; étymol. : Kattun – ‚cotton’ ; ‘tissu très gros et dur‘ • « Tommys » - ‘les Anglais’ • « Schlamassel » - terme issu du yiddish pour désigner un ‘malheur’ ou une ‘situation désagréable’ • « orgeln » - verbe qui désigne le bruit de l’artillerie et dont l’étymologie s’explique certainement par la ressemblance entre les tuyaux d’un orgue et les tubes des anciens ribaudequins appelés ‘Orgelgeschütz’ dans l’argot des soldats allemands • « Kohlenkästen » - ‘boîtes/caisses à charbon’ dans le sens d’obus grands et lourds ; traduction littérale influencée par le terme allemand • « Es gibt Zunder » - dans le sens de « unter Beschuss liegen / kommen », à savoir : être / tomber sous le bombardement / sous le mitraillage. En dehors de l’emploi du pronom « ça », la traduction française ne contient que des marqueurs lexicaux dont certains, que nous avons soulignés, ne dépassent pas le registre familier. Parmi les termes qui peuvent être considérés comme argotiques, appartenant au jargon/jargot des soldats de l’époque se trouvent dans le seul premier chapitre du ro- man de Remarque « Kanonenfieber » (colique du feu), Schanzen (ravaux de retranche- ment), Frontkoller (rage du front), Heimatpaß (passeport pour retourner à la maison), Latrinenparole (rapport de chiottes), Furage (bectance), Bouillonkeller/Gulaschkanone (cave à bouillon / canon à rata). Suite à l’analyse de la traduction française, on peut donc constater que les deux traductions suivent la démarche des auteurs en employant des marqueurs plus ou moins argotiques/populaires dans le texte. Mais tandis que la traduction allemande du roman Le Feu, contient moins de marqueurs – dont la connotation est moins prononcée que dans le texte original –, les traducteurs français semblent tenir à la quantité et à la qua- lité des marqueurs dans le roman allemand, beaucoup moins élevées que dans le roman de Barbusse. Si en comparant ces deux romans emblématiques de la Première Guerre mondiale dans leurs deux pays respectifs nous pouvons encore croire à une différence de style, l’analyse de leurs traductions renforce l’idée que cette différence n’est liée que de façon secondaire à une question de style et s’explique avant tout par des différences langagières et culturelles, comme nous allons le montrer dans notre dernière partie. 4. DE LA CULTURE DE L’UN À LA CULTURE DE L’AUTRE Afin de mieux comprendre ces différences entre l’allemand et le français, et puisqu’un parler argotique/populaire n’est considéré comme tel que par son écart par rapport à une norme, il est à notre avis inévitable de jeter tout d’abord un regard plus appro- fondi sur la norme en France et en Allemagne. Tandis que « l’idéologie [du stan- dard] est […] spécialement vigoureuse en France » (Gadet 2003 : 18), la langue alle- mande connaît certes une variété standard d’un grand prestige dans la communauté Linguistica_2018_FINAL_2.indd 96 13.3.2019 13:40:34 97 langagière allemande, mais son influence prescriptive semble cependant moindre par rapport à la France (Freunek 2007 : 178sq.). Au niveau synchronique, ceci s’explique tout d’abord par le fait que la création de néologismes à l’aide de mots composés ou l’ajout de préfixes et de suffixes sont considérés comme inhérents à la langue, si bien que la norme allemande paraît plus souple par rapport à la norme française et laisse beaucoup plus de libertés aux locuteurs allemands. Mais au niveau diachronique, cela s’explique avant tout par un processus de standardisation ne prenant fin qu’au terme du XIX e siècle avec le désir d’une véritable uniformisation de l’orthographe suite à la fondation de l’empire allemand en 1871 (cf. : Schmidlin 2011 : 54 ; Elspaß 2005 : 70) 3 . Compte tenu du long morcèlement de la communauté langagière en plusieurs états indépendants, l’Allemagne connaît encore aujourd’hui une variation diatopique prononcée, à tel point que tout parler allemand contient au moins au niveau de la prononciation des variations diatopiques (cf. : Auer 1990 : 2 ; Spiekermann 2007 122-123). Ainsi, l’emploi de la variété standard est non seulement de façon quasi-ex- clusive réservé (mais aussi demandé) à l’écrit (Freunek 2007 : 179), mais la dimen- sion diatopique prédomine aussi sur la dimension diastratique (Linke et al. : 2004 : 347 ; Freunek 2007 : 172sq.). Si bien que la langue allemande ne dispose guère d’une variété non-standard suprarégionale comparable au niveau langagier au français ‘po- pulaire’ (cf. : Albrecht 1990 : 61 ; Hartmann 1990 : 49) 4 . Là où le français métropo- litain actuel possède un grand répertoire de variations diastratiques invariables dans l’espace (Glessgen 2007 : 97) susceptible d’être introduit dans un texte littéraire, les variations allemandes connaissant un écart comparable à la norme sont obligatoire- ment très marquées sur le plan diatopique. L’emploi de tels marqueurs risque de ce fait de gêner la compréhension du texte tandis que l’emploi de variations plus « faibles » renvoie forcément aux origines géographiques du locuteur et peut donc provoquer des associations subjectives directement liées à la perception de la région (cf. : Löffler 2005 : 140sq.). De ce fait, il n’est pas étonnant que l’Allemagne connaisse certes une longue tradition d’œuvres entièrement écrites dans une imitation d’un parler dialectal mais que cela concerne plus la poésie et le théâtre que les œuvres romanesques (Ayad 1980 : 81sq.). Très peu de grands romans ont effectivement osé introduire un parler dialectal – pensons par exemple au fameux Berlin Alexanderplatz d’Alfred Döblin – mais étant donné le grand nombre de ses dialectes et le fait qu’elle soit dépourvue d’un centre culturel comme Paris, l’Allemagne n’a jamais su promulguer de façon uniforme une variété non standard particulière de sa langue. Ceci vaut également pour une soi-disant langue de soldats (all. : Soldatensprache). Les quelques dictionnaires de l’époque consacrés aux argots des soldats ne cessent de souligner la différence des 3 N’oublions pas que Konrad Duden ne publie qu’en 1880 la première édition de son dictionnaire qui est aujourd’hui considéré comme la première autorité normative de la variété standard en Allemagne, malgré une tendance beaucoup plus descriptive que son homologue français. 4 Notons cependant que dans les grandes villes, sous l’influence des langues des populations migrantes, s’est développée récemment une variété nommée Kiezdeutsch, certes plus urbaine que rurale, mais d’une portée suprarégionale présentant ainsi des similitudes avec le français des cités (Wiese 2010 : 33-35). Linguistica_2018_FINAL_2.indd 97 13.3.2019 13:40:34 98 termes selon l’origine géographique des régiments (cf. p.ex. : Horn 2010), et tandis que l’Allemagne connaît des dictionnaires des argots militaires en France (Cf. p.ex. : Hunger 1917), elle ne dispose même pas d’un terme argotique entré aujourd’hui dans la langue courante à la manière du terme ‘poilu’ pour désigner de façon générale un soldat. En France en revanche, l’argot et le parler populaire de Paris connaissent déjà sous la plume de Victor Hugo une mystification à laquelle s’ajoute rapidement un nouveau mythe d’un argot des soldats, plus connu sous le nom d’argot des ‘poilus’ ou ‘argot des tranchées’. Ainsi, Le Figaro écrivait déjà en 1915 au sujet de la correspon- dance des soldats qu’elle « révél[ait] le splendide héroïsme des familles françaises » et qu’on retrouvait « le style fantaisiste, emprunté au pittoresque argot parisien » dans « ces lettres […] d’un gavroche de Paris. » (Le Figaro 1915). Au mythe romantique d’une « langue laide, inquiète, sournoise, traître, venimeuse, cruelle, louche, vile, pro- fonde, fatale de la misère » (Hugo 1979 : 9) de l’argot des ‘malfaiteurs’ s’ajoute ainsi au début du XX e siècle celui d’une « langue des poilus qui serait née, à en croire [les journalistes et les écrivains], dans les tranchées » (Roynette 2007 : 19). Certes, l’introduction d’un parler non-standard provoque encore en France une vive critique à l’époque de Barbusse, tant dans le milieu conservateur (cf. p.ex. : Le Figaro 1917) que dans le milieu marxiste (cf. p.ex. : Mounin 1951 : 106), et n’oublions pas non plus que, mis à part les termes issus d’un argot militaire, tous les marqueurs se retrouvent chez Barbusse exclusivement dans des dialogues bien séparés par des guillemets de la voix du narrateur/auteur (cf. Partie I). Mais face à une longue tradition de tels emplois dans la littérature romanesque, de Hugo à Zola, Barbusse s’est senti presque obligé, semble-t-il, d’enrichir son texte par un nombre considérable de marqueurs afin d’assu- rer la création d’un monde argotique/populaire 5 . Or, en Allemagne, une telle démarche est, comme nous l’avons vu, beaucoup plus difficile à réaliser. Mais elle n’est pas non plus nécessaire. Quelques marqueurs morphosyntaxiques et phonétiques issus d’une prononciation courante et l’emploi d’un lexique certes argotique mais souvent auto- explicatif – pensons au terme « trommeln » ou « dicke Brocken » de notre extrait (cf. Partie 1) – suffisaient à l’auteur pour créer un monde considéré comme ‘vraisem- blable’ aux yeux de ses milliers de lecteurs. De ce fait, il n’est pas non plus choquant que le traducteur du roman Le Feu emploie nettement moins de marqueurs que l’au- teur du texte original. La traduction française du roman allemand risque en revanche, en restant très proche du texte allemand, de surprendre les lecteurs français habitués aux romans de guerre, de Barbusse à Dorgelès, dont les dialogues connaissent une richesse impressionnante de marqueurs argotiques/populaires (cf. Rouayrenc 1988). Malgré un phénomène langagier universel consistant à créer un parler propre à un groupe social échappant à la norme et malgré la démarche universelle dont semblent se servir ces deux auteurs de langue différente afin d’imiter ce phénomène langagier dans leur écriture romanesque, l’écriture de ces deux romans est encore ancrée dans leurs cultures respectives. C’est le pacifisme des deux œuvres qui va au-delà de leur temps et finalement les unit. 5 Ce n’est effectivement que plus tard que des auteurs comme Céline ou Queneau ne se contentent plus « d’émailler leurs textes d’emprunts à l’argot » (François 1975 : 9-10). Linguistica_2018_FINAL_2.indd 98 13.3.2019 13:40:34 99 Bibliographie Littérature primaire BARBUSSE, Henri (1916) Le feu. Journal d’une escouade. Paris : Flammarion. BARBUSSE, Henri (1918) Das Feuer. Tagebuch einer Korporalschaft. Trad. L. von Meyenburg. Zürich : Max Rascher. GONCOURT, Edmont/ Jules GONCOURT (1864) Préface de Germinie Lacerteux. 24 août 2013. http://www.freres-goncourt.fr/germinie/preface1864.htm. HUGO, Victor (1967) Les Misérables. [1862] [I-III]. Paris : Flammarion. REMARQUE, Erich Maria (1929a) Im Westen nichts Neues. Berlin : Propyläen. REMARQUE, Erich Maria (1929b) A l'ouest rien de nouveau. Trad. A. Hella/O. Bour- nac. Paris : Stock. Dictionnaires BARDIN, Etienne A./Oudinot de REGGIO (1841) Dictionnaire de l’armée de terre. Ou recherches historiques sur l’art et les usages militaires des anciens et des mo- dernes [2]. Paris : Perrotin. BAUCHE, Henri (1928) Le langage populaire. 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Résumé PARLER DE LA GUERRE : DIALOGUES DANS LES ROMANS DE LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE Dans cet article, nous nous intéresserons à l’imitation d’un parler argotique et popu- laire dans la littérature romanesque publiée dans le contexte de la Première Guerre mondiale. En appuyant notre analyse sur un corpus franco-allemand réunissant, d’un côté, le roman français Le Feu d’Henry Barbusse (1916) et sa version allemande Das Feuer traduite en 1918 par Leo von Meyenbourg et, d’un autre côté, le roman allemand Im Westen nichts Neues d’Erich Maria Remarque et sa traduction française À l’Ouest, rien de nouveau d’Alzir Hella et Olivier Bournac, tous deux publiés en 1929, nous serons en mesure de discuter les différents problèmes liés à l’emploi de telles variations langagières ainsi qu’à leur traduction. Mots-clé : argot, roman, Première Guerre mondiale, traduction Abstract TALKING ABOUT WAR: DIALOGUES IN WORLD WAR ONE NOVELS This article discusses problems involved in the literary representation of argot and spoken language in the context of the First World War based on the analysis of a mul- tilingual corpus including the French novel Le Feu, written by Henri Barbusse in 1916, Linguistica_2018_FINAL_2.indd 101 13.3.2019 13:40:34 102 its German version, Das Feuer, translated by Leo von Meyenbourg in 1918, as well as the German novel Im Westen nichts Neues, written by Erich Maria Remarque in 1929, and its French translation À l’Ouest, rien de nouveau by Alzir Hella and Olivier Bour- nac published the same year. Keywords: slang, novel, First World War, translation Povzetek GOVOR O VOJNI: DIALOGI V ROMANIH O PRVI SVETOVNI VOJNI V članku se ukvarjamo z analizo argojevske in ljudske govorice v romanih, ki zade- vajo prvo svetovno vojno. Analiza se opira na francosko-nemški korpus, ki ga tvorita francoski roman Ogenj (Le Feu) Henrija Barbussa (1916) in nemški prevod romana (Das Feuer) Lea von Meyenbourga iz leta 1918 ter nemški roman Na zahodu nič no- vega (Im Westen nichts Neues) Ericha Marie Remarqua iz leta 1928 in njegov prevod v francoščino Alzirja Helle in Oliviera Bournaca A l'Ouest, rien de nouveau, ki je izšel istega leta. V članku razpravljamo o različnih vprašanjih, povezanih s prisotnostjo jezi- kovnih zvrsti in njihovim prevodom. Ključne besede: argo, roman, prva svetova vojna, prevajanje Linguistica_2018_FINAL_2.indd 102 13.3.2019 13:40:34